En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-neuvième session,
22e et 23e séances plénières – matin et après-midi
AG/SHC/4415

La Troisième Commission se penche sur les tendances négatives en matière de disparitions forcées et de droits des migrants

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

La Troisième Commission, en charge des questions sociales, humanitaires et culturelles, s’est penchée aujourd’hui, sur la question des disparitions forcées, des droits des migrants, de la justice transitionnelle et de l’albinisme.  Les six spécialistes avec qui elle a dialogué ont déploré des tendances négatives concernant les disparitions forcées et les droits des migrants, notamment du fait de l’extension des conflits armés et de l’aggravation des changements climatiques. 

Insistant sur l’importance de la prévention, la Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires a souligné que les chiffres en hausse dans les contextes de conflits armés suggéraient l’existence d’une pratique généralisée ou systématique, constitutive d’un crime contre l’humanité.  Ce qualificatif a été repris par le Myanmar, qui a dénoncé le « démantèlement de l’État de droit » par la junte au pouvoir. 

À l’heure où le phénomène des disparitions forcées se répand, le Président du Comité des disparitions forcées et la Présidente-Rapporteuse ont appelé de concert à la ratification universelle de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, effectuée par 76 pays dont 4 l’année dernière.  Lors de leur dialogue interactif commun, les deux intervenants ont également invité l’ensemble des États Membres à participer au Congrès mondial sur les disparitions forcées, qui se tiendra à Genève les 15 et 16 janvier 2025.  L’Union européenne et la France, cette dernière copilotant le projet avec l’Argentine, le Maroc et le Samoa, se sont jointes à leur appel. 

« Pour les proches des victimes, peu importe que les disparitions remontent à 30 ou 40 ans, elles souffrent au quotidien », a résumé Mme Gabriella Citroni qui s’est inquiétée que la criminalisation, la stigmatisation, les représailles et le harcèlement contre les familles à la recherche de leurs proches disparus et contre les organisations, les défenseurs des droits humains et les avocats qui les soutiennent, demeurent des pratiques courantes aux quatre coins du monde. 

Disparitions de masse

Rappelant que 42 000 ukrainiens avaient été inscrits sur le registre unifié des personnes disparues, notamment dans ses territoires occupés par la Fédération de Russie, l’Ukraine a appelé à exercer des pressions internationales pour que Moscou mette fin à ces « pratiques abominables ».  Elle a demandé à la Présidente-Rapporteuse comment pousser la Russie à révéler les lieux de détention. 

À son tour le Pakistan a fait état de plus de 8 000 disparitions forcées et de la découverte de charniers dans le Jammu-et-Cachemire, dénonçant une « pratique systématique » de la part de la « Puissance occupante ». En réponse, l’Inde a dénoncé « l’obsession constante » du Pakistan à son encontre. 

La République de Corée et le Japon ont demandé d’agir pour obtenir des informations sur leurs ressortissants retenus en République populaire démocratique de Corée (RPDC), cette dernière rejetant des allégations « ridicules et fabriquées ».  De son côté, l’Arménie a insisté sur le cas de 23 soldats et d’un civil disparu à Zangilan, sur le territoire de son ancienne province du « Haut-Karabakh », reconquise par l’Azerbaïdjan en septembre 2023. 

Lors de sa présentation, Mme Citroni a précisé qu’au cours de la période considérée, le Groupe de travail avait adopté une étude thématique sur la pratique des disparitions forcées dans le contexte des élections.  Le sujet a suscité l’intérêt de nombreuses délégations dont l’Union européenne, le Bangladesh, la Croatie et les États-Unis qui ont dénoncé les pratiques du Venezuela lors de la récente élection présidentielle qui s’y est tenue. La Présidente-Rapporteuse a aussi indiqué qu’elle avait engagé une recherche sur le recours à la compétence pénale universelle dans les cas de disparition forcée.  Elle s’est par ailleurs inquiétée de la crise de liquidité à l’ONU qui affecte son groupe de de travail. 

Crise de liquidités

Présentant pour la première fois son rapport (A/79/56) en ligne par mesure d’économie en raison de la crise de liquidités de l’ONU, le Président du Comité des disparitions forcées a fait savoir que le budget initialement consacré au séjour de ses membres à New York avait dû être redéployé vers le bon fonctionnement des sessions des organes. 

M. Olivier de Frouville a réitéré l’appel des présidents d’organes de traités à l’Assemblée générale afin qu’elle adopte d’ici à la fin de l’année une « résolution décisive » mettant en œuvre un calendrier prévisible d’examen des rapports des États, et promouvant la modernisation numérique ainsi que l’harmonisation des méthodes de travail.  Il a renouvelé sa préoccupation s’agissant de la décision prise par l’Office des Nations Unies à Genève (ONUG) de ne plus autoriser la tenue de réunions hybrides avec les victimes de disparitions forcées et les organisations de la société́ civile, ce qui représente un « recul majeur » pour le système des droits humains. 

Justice transitionnelle

S’exprimant pour la première fois devant la Commission, le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, a présenté les domaines d’intérêt qui façonneront ses futurs rapports. M. Bernard Duhaime a notamment affiché son intention d’étudier comment les inégalités structurelles et les violations des droits économiques, sociaux et culturels alimentent la violence, ainsi que les stratégies et mécanismes de justice transitionnelle qui pourraient le mieux les prévenir et les corriger. 

Saluant cette approche économique du sujet, le Mexique a indiqué avoir créé une commission pour la vérité et la justice concernant les violations graves des droits humains commises durant la « guerre sale », livrée des années 1960 aux années 1980 dans le contexte de la guerre froide, afin d’offrir des réparations aux victimes.  Le Maroc a rappelé que son instance « équité et réconciliation » qui vise à faire la lumière sur les violations des droits humains commises sur son sol entre son indépendance en 1956 et 1999, fêtait ses 20 ans cette année.

M. Duhaime a également manifesté son intérêt pour la justice transitionnelle transnationale, dans le contexte où les conflits armés internationaux et d’autres formes de violence transfrontalière créent des réseaux de préjudices et de responsabilités qui ne se limitent pas à un seul pays, évoquant notamment les violations subies par les migrants. 

Droits humains des migrants

Effectuant lui aussi sa première présentation devant la Commission, le Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants, a indiqué qu’environ 13% des 281 millions de migrants internationaux sont des enfants.  M. Gehad Madi a réitéré l’appel de son prédécesseur, lancé en 2020, en vue de mettre fin à la détention d’enfants par les services d’immigration. Il s’est inquiété de l’adoption de politiques migratoires de plus en plus restrictives, dénonçant notamment le ciblage des défenseurs des droits humains et des organisations qui s’efforcent de sauver la vie des migrants, réduisant la capacité de sauvetage des enfants en danger, ainsi que les procédures de retour et de réadmission qui ne permettent pas de garantir les droits et la sécurité des enfants et des familles.

« Les processus migratoires qui ne respectent pas les droits de l’enfant menacent leur vie, leur développement et leur bien-être », a résumé M. Madi, rappelant que si le statut de migrant ou de réfugié d’un enfant pouvait changer plusieurs fois au cours de son parcours migratoire, son statut d’enfant, lui, ne changeait pas.  Il a regretté l’absence de voies de migration régulières et sûres pour les enfants et les familles, dont l’absence de voies de réunification familiale accessibles et flexibles, qui les poussent à entreprendre de longs périples, mettant leur vie, leur santé et leur intégrité en danger. 

De son côté, la Présidente du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, a regretté que, des neuf principaux instruments internationaux des droits humains, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, qui compte 59 États parties, soit la moins ratifiée.  Aucun des 27 États membres de l’Union européenne ne l’a signée, alors qu’elle est une destination importante pour les migrants, a-t-elle observé. 

Citant le rapport de Groundswell de la Banque mondiale, Mme Fatimata Diallo a indiqué que 216 millions de personnes pourraient être déplacées dans leur pays par les changements climatiques d’ici à 2050.  Elle a rappelé que le Comité avait publié le 18 décembre 2023, lors de la Journée internationale des migrants, une déclaration recommandant aux États d’envisager des arrangements de protection complémentaire ou de séjour temporaire pour les travailleurs migrants déplacés en raison des changements climatiques et qui ne peuvent retourner dans leur pays d’origine. 

« La communauté internationale devrait tirer des leçons de la mobilité humaine afin de mettre sur pied des stratégies majeures d’adaptation aux changements climatiques et trouver les moyens de renforcer la résilience tout en réduisant l’exposition et la vulnérabilité aux risques », a-t-elle estimé.

Au cours du dialogue conjoint qui a suivi, les États-Unis ont appelé à redoubler d’effort pour éviter la migration irrégulière des enfants.  Le Cameroun a constaté que dans le cas de la migration, les enfants sont souvent traités comme des criminels, la Fédération de Russie dénonçant pour sa part le refoulement des enfants migrants en Méditerranée, où des « milliers » d’entre eux sont morts ces dernières années.  La solution pour éviter ces drames est de lutter contre les réseaux de passeurs et de s’attaquer aux causes profondes de la migration dans les pays d’origine, a estimé la délégation.  De son côté, le Venezuela a attiré l’attention sur les impacts des mesures coercitives unilatérales sur les mouvements migratoires.

Albinisme

Consacrant elle aussi son rapport aux enfants, l’Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’hommes par les personnes atteintes d’albinisme, s’est concentrée sur leur droit à une vie de famille.  Mme Muluka-Anne Miti-Drummond a constaté que les personnes atteintes d’albinisme ayant les meilleures chances dans la vie tendaient à être celles qui bénéficient d’un environnement familial favorable.  Jugeant compréhensible que le placement d’enfants atteints d’albinisme dans des refuges ou des internats ait pu être considéré comme un moyen de les protéger de la mutilation et de la mort, elle a néanmoins recommandé un changement systémique à long terme pour s’attaquer aux causes profondes conduisant à la séparation de ces enfants de leur famille.  Dans cette optique, elle a plaidé pour l’adoption et la mise en œuvre du plan d’action de l’Union africaine sur l’éradication des attaques contre les personnes atteintes d’albinisme. 

La Troisième Commission poursuivra ses travaux mardi 22 octobre, à partir de 10 heures. 

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