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Conseil de sécurité: en Libye, des désaccords autour des projets de lois électorales risquent de paralyser les institutions, prévient le Représentant spécial

9351e séance – matin
CS/15327

Conseil de sécurité: en Libye, des désaccords autour des projets de lois électorales risquent de paralyser les institutions, prévient le Représentant spécial

En Libye, des élections réussies nécessitent non seulement un cadre juridique, mais aussi un accord politique qui garantisse l’adhésion de toutes les parties prenantes, a, ce matin, déclaré le Représentant spécial du Secrétaire général dans ce pays, venu faire le point, devant le Conseil de sécurité, sur la situation au cours des trois derniers mois.  « Si nous approuvons tous le principe d’une solution intralibyenne, ce mot d’ordre ne doit pas servir de slogan pour dissimuler un agenda visant à prolonger le statu quo au détriment des droits politiques du peuple libyen et de ses aspirations à des institutions légitimes et à la prospérité », a mis en garde M. Abdoulaye Bathily qui a appelé à exercer une pression accrue sur les acteurs. 

S’exprimant par visioconférence, M. Bathily a fait savoir que le 6 juin, le Comité « 6+6 » issu de la Chambre des représentants et du Haut Conseil d’État, qui forment le Parlement libyen, est parvenu à un accord sur les projets de lois pour les élections présidentielle et parlementaires prévues plus tard cette année.  Mais depuis, les parties prenantes libyennes contestent certains aspects du texte adopté, la Haute Commission électorale nationale ayant par exemple exprimé des inquiétudes quant à leurs « graves lacunes et insuffisances techniques », a indiqué le Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL). 

Les questions les plus contentieuses sont au nombre de cinq.  Tout d’abord, les critères d’éligibilité des candidats à l’élection présidentielle.  Ensuite, la disposition prévoyant un second tour obligatoire de ce scrutin même si un candidat obtient plus de 50% des voix au premier tour.  En cause également, la disposition stipulant qu’en cas d’échec du premier tour de la présidentielle, les législatives n’auront pas lieu non plus. Sans compter la disposition exigeant la mise en place d’un nouveau gouvernement intérimaire avant que les élections puissent avoir lieu, qui a provoqué des remous, a précisé le Représentant spécial.  Par ailleurs, si le projet de loi réserve au moins 20% de sièges aux femmes au sein de la Chambre des représentants, il n’en prévoit que 6 sur les 90 que compte le Sénat. 

« Les critères d’éligibilité, le lien entre les élections présidentielle et parlementaires et la question de la formation d’un nouveau gouvernement unifié sont très controversés et nécessitent, avant tout, un accord politique entre les principales parties prenantes et les circonscriptions clefs de l’ensemble de l’échiquier politique libyen », a souligné le haut fonctionnaire.  Faute de quoi, a-t-il prévenu, les dispositions législatives correspondantes resteraient inapplicables et pourraient déclencher une nouvelle crise. 

« Nous devons trouver de nouvelles approches qui éviteront la répétition de conflits entre les pouvoirs et tenir compte des réserves exprimées par les différentes parties », a reconnu le représentant de la Libye qui a lui aussi appelé tous les acteurs à contribuer au règlement des questions en suspens.  Ses compatriotes sont « frustrés », car le rêve que constituent ces élections semble leur échapper pour la deuxième fois, a-t-il insisté, en dénonçant le fait que différents pays interviennent directement dans les décisions politiques libyennes. 

Professeure à l’Université de Benghazi et Directrice du Centre WASHM d’études sur les femmes, Mme Abeer Amnina a estimé pour sa part qu’une des priorités urgentes pour son pays est l’établissement d’un environnement propice à la liberté d’expression et la liberté de travailler, gravement menacées par plusieurs facteurs.  Une nouvelle procédure à l’aéroport de Mitiga qui restreint la liberté de mouvement des femmes a d’ailleurs été condamnée par le Représentant spécial, suivi sur ce point par la Suisse. 

Mme Amnina a notamment expliqué que la société civile libyenne souffre de la domination des institutions nationales sur les droits d’organisation et de travail, provoquant un rétrécissement de l’espace accordé à la liberté civile.  Nous sommes exclus de tout comité décidant de l’avenir de la Libye et nos membres exposés à l’arrestation et à la torture sous prétexte de protéger les valeurs libyennes et islamiques, a-t-elle déploré, en recommandant de promulguer une loi réglementant l’établissement et le travail des organisations de la société civile. 

Cette impasse préélectorale est d’autant plus préoccupante qu’elle coexiste avec un regain de violences, alors que des affrontements armés ont eu lieu ces dernières semaines en Tripolitaine, dans la ville de Zaouiya en particulier, ont relevé plusieurs délégations, dont celle de la France pour qui ces événements soulignent l’importance d’institutions sécuritaires et militaires unifiées sur tout le territoire.  Le soutien que cette délégation a apporté à la Commission militaire conjointe 5+5 en vue d’une réunification de l’armée libyenne a été partagé par la grande majorité des membres du Conseil, de même que l’exigence de retrait du sol libyen de tous les mercenaires et combattants étrangers. 

Les avis ont cependant divergé au sujet des sanctions, dont la levée a été réclamée par la Libye, qui a accusé ces mesures d’être politisées.  Après avoir entendu le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) présenter les dernières mises à jour du train de mesures imposées en Libye, certains membres ont eux aussi questionné leur pertinence.  Là où l’Albanie et Malte ont demandé le strict respect de l’embargo sur les armes, les Émirats arabes unis ont ainsi estimé que son « application sélective » pouvait nuire au renforcement des capacités nationales de la Libye. 

LA SITUATION EN LIBYE

Déclarations

Après avoir présenté ses condoléances aux familles des migrants ayant perdu la vie dans le naufrage du bateau parti de Tobrouk en Méditerranée, mercredi dernier, M. ABDOULAYE BATHILY, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye (MANUL), a fait savoir qu’entre le 22 mai et le 6 juin, le Comité « 6+6 » chargé par les deux chambres de finaliser les lois électorales s’est réuni au Maroc, avec le soutien d’une équipe technique composée d’experts de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL). Le 6 juin, il a annoncé être parvenu à un accord sur les projets de lois pour les élections présidentielle et parlementaires.  Depuis, les parties prenantes libyennes ont fait part de leurs réactions mitigées à l’égard du texte adopté, des questions clefs restant fortement contestées.  La Haute Commission électorale nationale a notamment fait part de ses inquiétudes quant à leurs graves lacunes et insuffisances techniques, a noté M. Bathily. 

Les questions les plus contestées sur le plan politique sont les suivantes: les critères d’éligibilité des candidats à l’élection présidentielle; la disposition prévoyant un second tour obligatoire de l’élection présidentielle même si un candidat obtient plus de 50% des voix au premier tour; la disposition stipulant qu’en cas d’échec du premier tour de l’élection présidentielle, les élections législatives n’auront pas lieu non plus; et la disposition exigeant la mise en place d’un nouveau gouvernement intérimaire avant que les élections puissent avoir lieu.  Par ailleurs, si le projet de loi réserve au moins 20% de sièges pour les femmes au sein de la Chambre des représentants, il n’en prévoit que 6 sur les 90 que compte le Sénat. 

« Les critères d’éligibilité à l’élection présidentielle, le lien entre les élections présidentielle et parlementaires et la question de la formation d’un nouveau gouvernement unifié sont très controversés et nécessitent, avant tout, un accord politique entre les principales parties prenantes et les circonscriptions clefs de l’ensemble de l’échiquier politique libyen », a résumé le Représentant spécial.  Faute de quoi, les dispositions législatives correspondantes resteraient inapplicables et pourraient déclencher une nouvelle crise, a-t-il mis en garde. 

Abordant la situation sur le plan sécuritaire, le Représentant spécial a indiqué que Tripoli est restée relativement calme au cours de la période à l’examen.  Mais les opérations menées par le Gouvernement contre les trafics de drogue, d’armes, de carburant et d’êtres humains à Zaouiya et dans les environs ont suscité des accusations de motivations politiques.  En outre, les Libyens craignent qu’en cas de prolongation du conflit au Soudan, ses retombées ne posent une nouvelle série de problèmes pour la stabilité de la Libye, dont le retrait des forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires. 

Dans ce contexte, le dialogue que le Représentant spécial a facilité entre les acteurs sécuritaires et militaires se poursuit, avec des réunions entre la Commission militaire conjointe 5+5 et des formations armées à Tripoli, à Sabha et à Benghazi.  Ces réunions ont rassemblé les parties belligérantes pour la première fois depuis l’éclatement de la crise, et les acteurs sécuritaires et militaires se sont publiquement engagés à soutenir le processus électoral et à en accepter les résultats. 

En ce qui concerne les droits humains, M. Bathily s’est dit préoccupé par la hausse préoccupante des contrôles excessifs effectués par les agences sécuritaires.  Il a notamment demandé l’abrogation d’une nouvelle procédure de l’Agence de sécurité intérieure qui restreint la liberté de mouvement des femmes en exigeant de celles qui partent seules des aéroports libyens de la région occidentale qu’elles remplissent un formulaire sur les raisons d’un voyage à l’étranger sans être accompagnées par un homme.  En outre, le 22 mai, le Gouvernement d’unité nationale a décidé de former un comité chargé de réglementer les organisations de la société civile sur la base d’une loi restrictive qui affirme le contrôle de l’État sur les activités de la société civile.  Il s’est dit également préoccupé par les mesures qui contreviennent aux garanties fondamentales d’un procès équitable lorsque les forces de sécurité extorquent des aveux à des personnes en garde à vue et les publient sur les réseaux sociaux. 

Le Représentant spécial a ensuite souligné que des élections réussies nécessitent non seulement un cadre juridique, mais aussi un accord politique qui garantisse l’adhésion et l’inclusion de toutes les principales parties prenantes.  Or, si nous approuvons tous le principe d’une solution intra-libyenne comme base de la paix et d’une stabilité durables, ce mot d’ordre ne doit pas servir de slogan pour dissimuler un agenda visant à prolonger le statu quo au détriment des droits politiques du peuple libyen et de ses aspirations à des institutions légitimes et à la prospérité, a indiqué M. Bathily qui a appelé à exercer une pression accrue sur les acteurs.

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon), Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye, a présenté les travaux de cet organe de sanctions pour la période allant du 19 avril au 19 juin 2023. Il a indiqué que, s’agissant de l’embargo sur les armes, le Comité a répondu à une lettre de l’Union européenne concernant l’exception prévue au paragraphe 9 de la résolution 2095 (2013). Le Comité examine également une lettre de la Libye, soumise en réponse à une lettre précédente du Comité, concernant certains aspects de l’application de l’embargo, a-t-il précisé.  Il a ensuite évoqué les mesures qui visent à prévenir les exportations illicites de pétrole, y compris de pétrole brut et de produits pétroliers raffinés, en provenance de Libye, indiquant qu’à la suite de son précédent rapport au Conseil, le Comité a envoyé une lettre à la Libye au sujet du point focal du Gouvernement libyen nommé en application de la résolution 2146 (2014). 

En ce qui concerne le gel des avoirs, a-t-il poursuivi, aucune décision négative n’a été prise par le Comité concernant une notification invoquant le paragraphe 19 a) de la résolution 1970 (2011) présentée par le Royaume-Uni.  Le Comité a par ailleurs fourni des éclaircissements sur la portée du gel des avoirs, comme demandé par la Belgique.  Abordant les mesures d’interdiction de voyager, M. Ishikane a dit avoir reçu une notification de voyage de Mme Aisha Kadhafi, personne figurant sur la liste des sanctions, pour un voyage d’Oman vers l’Arabie saoudite, en vertu d’une exemption de voyage accordée précédemment pour un nombre illimité de voyages sur une période de six mois à des fins humanitaires.  Par la suite, le Comité a reçu une lettre de l’Arabie saoudite, pays de destination, l’informant de cette question, ainsi qu’une communication de la personne confirmant son retour à Oman.  Le Président du Comité a d’autre part précisé qu’au cours de la période considérée, l’organe a prolongé pour la cinquième fois l’exemption de six mois accordée à des fins humanitaires à trois personnes figurant sur la liste du Comité: Mme Safia Farkash Al-Barassi, Mme Aisha Kadhafi et M. Mohammed Kadhafi. 

Pour ce qui est de liste des sanctions, a ajouté M. Ishikane, le Comité a reçu une neuvième communication du point focal en charge des demandes de radiation créé en application de la résolution 1730 (2006), concernant la demande de radiation présentée par une personne inscrite sur la liste.  Parallèlement à ce processus, la Libye a également soumis une demande de radiation distincte concernant la même personne, a-t-il relevé.  Le Président du Comité a également fait état d’une demande de radiation de l’interdiction de voyager, reçue par l’intermédiaire du point focal, concernant une personne actuellement inscrite sur la liste des sanctions du Comité comme faisant l’objet d’un gel de avoirs et d’une interdiction de voyager. 

Enfin, M. Ishikane a informé le Conseil de la réception d’une lettre du Groupe d’experts sur la Libye concernant ses futurs voyages prévus en Libye. Cette lettre est actuellement examinée par le Comité, a-t-il dit.

Mme ABEER AMNINA, professeure à l’Université de Benghazi et Directrice du Centre WASHM d’études sur les femmes, a déclaré qu’une des priorités urgentes pour la société civile est l’établissement d’une véritable stabilité en Libye, notamment en créant un environnement propice à la liberté d’expression et la liberté de travailler.  Elle a expliqué que la société civile libyenne souffre de la domination des institutions nationales sur les droits d’organisation et de travail, provoquant un rétrécissement de l’espace accordé à la liberté civile.  La société civile est exclue de tout comité décidant de l’avenir de la Libye et ses membres sont exposés à l’arrestation et à la torture sous prétexte de protéger les valeurs libyennes et islamiques, a déploré l’intervenant.  De même, les femmes sont l’objet de violences systématiques en ligne pour les dissuader de participer à l’espace public.  Elles sont notamment injustement empêchées de se déplacer si elles s’abstiennent de remplir des formulaires expliquant les raisons de leur déplacement.  Ces mesures arbitraires représentent les pires formes de discrimination et de confiscation des droits de citoyenneté et des libertés publiques, a accusé la professeure, déplorant une violation de l’article 14 de la Déclaration constitutionnelle provisoire.  Elle a également décrié le refus de la Chambre des représentants d’adopter une loi de lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violation de leur droit à vivre en sécurité et dans la dignité dans les sphères publique et privée. 

De ce qui précède, Mme Amnina a recommandé de promulguer une loi réglementant l’établissement et le travail des organisations de la société civile qui, a-t-elle ajouté, doivent participer aux processus de l’ONU visant à discuter des futurs arrangements politiques.  Elle a appelé à assurer la participation des femmes dans les processus électoraux, de même qu’à l’adoption d’une loi de lutte contre la violence à l’égard des femmes, et d’une loi portant création d’un conseil national chargé de l’autonomisation des femmes.  L’intervenante a aussi préconisé l’élaboration d’une stratégie nationale pour mettre en œuvre la résolution 1325 (2000), avant d’appeler à renforcer la confiance dans le rôle de la société civile.  Elle a enfin souligné l’importance de voter une loi pour combattre l’impunité des auteurs de violation des droits des personnes et organisations qui travaillent dans l’espace civique.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a indiqué qu’elle s’était rendue en Libye et que ce déplacement lui avait permis de mieux comprendre les préoccupations de la population.  Leur message est que le processus politique doit aller de l’avant et que le leadership politique doit assurer la stabilité et la sécurité, a-t-elle témoigné.  Elle s’est inquiétée des effets de l’impasse politique et du blocage des investissements à long terme sur le système de santé.  Elle a ensuite insisté sur l’importance pour le Conseil de soutenir le Représentant spécial dans son travail pour faciliter un processus politique efficace pour un changement positif, grâce à une feuille de route claire pour des élections réussies. 

La représentante a pris note du travail du Comité « 6+6 » pour adopter des projets de loi électorale.  Cependant, a-t-elle poursuivi, l’accueil réservé à leur annonce démontre la nécessité d’un accord politique plus large entre les détenteurs du pouvoir libyen.  Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons surmonter les problèmes qui empêchent les élections et progresser vers la stabilité à long terme, a-t-elle souligné.  Le peuple libyen veut s’engager activement, librement et en toute sécurité dans la sphère politique, et désire exercer son droit démocratique de vote et d’œuvrer en faveur d’un avenir meilleur pour tous, a-t-elle dit. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a commencé par souligner l’importance d’organiser en Libye des élections « transparentes et crédibles » avant la fin de l’année 2023.  À cet égard, il a salué les efforts récents du Comité « 6+6 » de la Chambre des représentants et du Haut Conseil d’État afin de faciliter l’introduction rapide d’une loi électorale pour ouvrir la voie à la tenue rapide d’élections. Sur le plan sécuritaire, le délégué s’est félicité de la réunion du groupe de travail du Comité international de suivi du processus de Berlin, qui s’est tenue pour la première fois sur le sol libyen le 24 mai.  Il a également approuvé la poursuite des dialogues sur le retrait des combattants étrangers, des forces étrangères et des mercenaires.  Le représentant a enfin exprimé sa préoccupation devant la détérioration de la situation au Soudan, de nature selon lui à constituer une menace sécuritaire et humanitaire pour la Libye, sous la forme d’activités illicites, comme la contrebande et le trafic d’êtres humains. 

M. DAI BING (Chine) a exhorté la communauté internationale à continuer de fournir des ressources et un soutien pour parvenir à la paix et la sécurité en Libye, notant que le chemin est encore long.  Il a salué le rôle de l’Égypte, du Maroc et de l’Union africaine pour faire avancer le processus électoral.  Les solutions aux problèmes africains doivent être trouvées en Afrique, a insisté le délégué.  Le représentant a dit être préoccupé par les risques de débordement du conflit au Soudan, avant d’appeler au départ des forces étrangères et les mercenaires de la Libye.  Le représentant a demandé à l’ONU de continuer de soutenir les parties libyennes qui, a-t-il ajouté, doivent résoudre leurs différends pour veiller à ce que les bénéfices des hydrocarbures profitent au peuple libyen. 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a salué les progrès accomplis sur la loi électorale par le Comité « 6+6 » et le Conseil d’État libyens, avant d’appuyer la pleine mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu d’octobre 2020.  Évoquant les affrontements armés qui ont eu lieu ces dernières semaines en Tripolitaine, dans la ville de Zaouiya en particulier, elle a appelé les autorités libyennes à prévenir toute escalade et rappelé leur responsabilité à assurer la sécurité des populations.  Ces événements soulignent l’importance d’institutions sécuritaires et militaires unifiées sur tout le territoire, a-t-elle dit.  La représentante a annoncé que Paris continuerait à appuyer, en coordination avec l’ONU, la Commission militaire conjointe 5+5 et les deux chefs d’état-major en vue d’une réunification de l’armée libyenne.  La France a d’ailleurs alloué 100 000 dollars au financement des efforts de l’ONU pour soutenir les travaux de la Commission militaire conjointe 5+5, a indiqué la représentante qui a également exigé le respect de l’embargo sur les armes et le retrait de l’ensemble des forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires du territoire libyen, en coopération avec les pays voisins de la Libye.  Préoccupée par les violations des droits humains en Libye, dont les premières victimes sont les migrants, la déléguée a demandé que la légitimité politique soit restaurée en Libye, tout comme la souveraineté et l’unité du pays. « Une transition politique sans fin en Libye est insoutenable.  La tenue d’élections est essentielle », a-t-elle souligné.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a constaté qu’en dépit des promesses d’évolution, la situation politique est toujours dans l’impasse en Libye, notamment en ce qui concerne la tenue d’élections.  Il a toutefois pris note du travail du Comité « 6+6 » qui s’emploie à faire en sorte que des élections présidentielle et législatives aient lieu en 2023.  Pour le représentant, il est essentiel que le droit électoral permette de répondre aux aspirations de toutes les parties prenantes grâce à un large accord politique débouchant sur l’organisation d’élections.  Mais « le temps nous est compté », a-t-il déclaré, avertissant que la poursuite du statu quo ne produira pas de solution pérenne et que les manœuvres d’obstruction ne font que repousser l’instauration de la démocratie dans le pays.  C’est pourtant la seule voie pour restaurer les institutions libyennes et rétablir la stabilité de la Libye, a insisté le délégué. 

Évoquant ensuite la situation sécuritaire, il a observé que le respect du cessez-le-feu demeure fragile.  Il s’est néanmoins félicité de la réunion du groupe de travail sur la sécurité, le 24 mai, formant le vœu que la Commission militaire conjointe 5+5 puisse également se réunir régulièrement.  Selon lui, une réforme du secteur de la sécurité est essentielle pour permettre au pays de résoudre ce problème sécuritaire, d’autant plus que les événements au Soudan et la circulation d’armes entre les pays de la région sont inquiétants.  Après avoir appelé à un strict respect de l’embargo sur les armes, il a souhaité que la société civile libyenne puisse pleinement jouer son rôle afin de créer un environnement propice à la tenue d’élections libres dans le pays. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a regretté l’absence de perspective de sortie de crise et de normalisation de la situation en Libye. Pour sortir de cette impasse, il faut passer par les élections présidentielle et parlementaires, a-t-il souligné.  Le délégué a salué à cet égard le travail du Comité « 6+6 » qui a rendu des compromis possibles.  Si les conditions sont maintenues, les élections pourraient avoir lieu bientôt et les Libyens pourraient passer à la phase suivante, a espéré le représentant selon qui les élections doivent être transparentes, inclusives et ouvertes, y compris aux candidats de l’ancien Gouvernement.  Le délégué a aussi appelé à limiter les ingérences externes et donner aux Libyens le premier rôle.  Pour un règlement complet du conflit, il faut liquider la présence militaire étrangère en Libye, a également conseillé le délégué qui a dénoncé les politiques de deux poids, deux mesures des Occidentaux en ce qui concerne les hydrocarbures qui, a-t-il souligné, sont essentielles au relèvement de la Libye. Il a aussi fait part de sa préoccupation au sujet des migrations illégales en provenance de Libye. 

M. ADRIAN HAURI (Suisse) a pris acte du travail effectué par le Comité « 6+6 » à Buznika pour parvenir à un accord sur des projets de lois électorales en Libye.  « Celles-ci représentent certes une étape primordiale du processus politique, mais il est clair que des lois électorales, à elles seules, n’ouvriront pas la voie vers les élections », a mis en garde le représentant.  Pour lui, un accord préélectoral inclusif est nécessaire afin de garantir l’environnement propice de ces élections et l’acceptation de leurs résultats.  Dans le cadre de cet accord, les acteurs libyens devront prendre des engagements fermes pour garantir la sécurité du processus, le respect de la liberté d’expression et d’association et la pleine participation de la société civile.  Aussi le délégué a-t-il exhorté les parties à travailler avec la médiation du Représentant spécial pour esquisser les contours de ce « pacte préélectoral ». 

Il a ensuite observé avec inquiétude que, progressivement, un discours populiste est invoqué par les agences de sécurité et d’autres acteurs pour justifier un contrôle excessif qui restreint les droits fondamentaux.  Ainsi a-t-il condamné la récente introduction d’une nouvelle procédure à l’aéroport de Mitiga, qui entrave la liberté de mouvement des femmes.  Il a également regretté que des restrictions bureaucratiques continuent de criminaliser le travail des organisations de la société civile libyennes et internationales.  Enfin, en ce qui concerne la situation sécuritaire, nous avons suivi avec inquiétude les rapports faisant état de l’utilisation de la force, y compris dans des zones habitées, comme récemment à Zaouiya.  Le délégué a donc demandé à tous les acteurs de prendre les mesures nécessaires pour garantir la protection de la population civile, en particulier les personnes déplacées.

Au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) a salué les efforts du Représentant spécial visant à trouver des voies consensuelles en vue de la tenue d’élections présidentielle et législatives crédibles en Libye.  Il s’est également félicité des progrès réalisés par le Comité « 6+6 » dans l’élaboration de projets de loi électorale pour ces scrutins, avant d’appeler les parties à s’engager à ce que les élections puissent avoir lieu en 2023.  Le représentant a ensuite réitéré l’appel des A3 en faveur d’un processus de paix dirigé et pris en charge par les Libyens, facilité par les Nations Unies et soutenu par la communauté internationale.  Dans ce cadre, les A3 souhaitent qu’un processus de réconciliation nationale fasse partie de tout arrangement politique, a-t-il ajouté.

Après avoir exhorté les parties à respecter pleinement l’accord de cessez-le-feu de 2020, le délégué a condamné la présence de forces étrangères sur le sol libyen, jugeant que leur départ immédiat est essentiel pour faire progresser le processus politique devant conduire à la tenue d’élections cette année. À cet égard, il a applaudi les efforts déployés par la Commission militaire conjointe 5+5 et les comités de liaison pour faciliter le retrait complet des forces et des combattants étrangers de Libye, qui contribuent à la propagation du terrorisme et à la prolifération des armes légères et de petit calibre au Sahel. 

Le représentant s’est d’autre part alarmé du fait que le conflit prolongé et la crise politique en cours continuent d’avoir un impact sur les indicateurs macroéconomiques et affectent négativement l’accès aux services essentiels, en particulier pour les plus vulnérables.  Il a également rappelé que les avoirs gelés de la Libye appartiennent aux Libyens et doivent être préservés.  Enfin, après avoir déploré le naufrage d’un bateau de migrants au large des côtes grecques, il a souligné que le traitement humain des réfugiés, des migrants et des demandeurs d’asile est une exigence fondamentale du droit international et des conventions associées.  Il s’est aussi fait l’écho de l’appel lancé par le Secrétaire général en faveur d’alternatives à la détention afin de gérer les migrations conformément au droit international. 

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a pris note des travaux du Comité « 6+6 » pour surmonter l’impasse politique.  Les acteurs politiques libyens doivent s’engager de manière constructive et transparente pour régler toutes les questions en suspens, y compris la finalisation de la loi électorale.  Et la Haute Commission électorale nationale doit disposer des ressources nécessaires pour mener à bien les tâches qui lui ont été confiées.  La représentante a insisté sur l’importance de l’égalité des sexes et la participation pleine, égale et significative des femmes à tous les processus politiques et aux élections.  Elle a aussi plaidé pour un rôle accru de la société civile et des jeunes. Préoccupée par la situation sécuritaire en Libye, la déléguée a ensuite appelé les États Membres à respecter l’embargo sur les armes.  Elle a aussi demandé le retrait des combattants étrangers, de forces étrangères et de mercenaires en Libye.  La sécurité, la stabilité et la protection des Libyens doivent être une priorité. 

M. GUSTAVO SÉNÉCHAL DE GOFFREDO JUNIOR (Brésil) s’est félicité de l’annonce faite par les membres du Comité « 6+6 », au début du mois, au sujet de l’accord auquel ils sont parvenus sur les lois électorales.  Il a encouragé la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État à donner suite aux résultats, le cas échéant, en adoptant la législation pertinente.  Pour le représentant, la réconciliation nationale et les mesures visant à instaurer la confiance devraient aller de pair avec les efforts déployés pour assurer la transition politique.  En outre, une approche globale de la consolidation de la paix contribuerait à la viabilité de tout règlement politique en Libye, a estimé le délégué, encourageant les autorités libyennes à envisager de collaborer avec la Commission de consolidation de la paix pour mobiliser le soutien international en faveur de leurs priorités nationales. 

En ce qui concerne l’aide étrangère fournie aux autorités libyennes en dehors du cadre des institutions onusiennes, il a souligné qu’elle risque de déstabiliser davantage la situation sur le terrain.  « Nous rappelons en particulier que la fourniture d’une formation militaire peut constituer une violation de l’embargo sur les armes, quelles que soient les parties prenantes libyennes qui en bénéficient », a-t-il dit.  Il s’est également dit favorable à ce que les États Membres envisagent d’exempter les actifs libyens des politiques bancaires de taux d’intérêt négatifs, « qui contribuent à leur épuisement ».  Enfin, le délégué a partagé les préoccupations exprimées par la MANUL au sujet de la situation des demandeurs d’asile en Libye, insistant sur la nécessité de travailler ensemble pour assurer la centralité des droits humains à tous les stades du processus politique en Libye. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a pris acte des travaux du Comité « 6+6 » et de l’accord sur les lois qui serviront de base à la tenue d’élections présidentielle et législatives à la fin de cette année.  Il a souhaité que les acteurs libyens parviennent à résoudre les problèmes en suspens et trouvent un accord politique permettant l’organisation d’élections équitables, transparentes et inclusives.  Le délégué a également encouragé le Représentant spécial à promouvoir des mécanismes alternatifs pour garantir la tenue de ces scrutins le plus vite possible et assurer la participation de tous les secteurs de la société civile libyenne au processus politique.  À cet égard, il a jugé impératif que la campagne électorale se déroule dans un environnement sûr et pacifique, exempt de discours de haine et de violence, et qu’à cette fin l’espace civique soit protégé. 

S’agissant de la situation sécuritaire, le délégué a salué le travail de la Commission militaire conjointe 5+5 concernant la réunification des institutions de sécurité et la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu.  Il s’est aussi félicité des progrès accomplis dans le cadre du dialogue sur le retrait des forces et des combattants étrangers et la réactivation des comités de liaison avec les pays voisins, avant d’inviter les autorités libyennes à adopter des mesures efficaces pour répondre à la grave situation des migrants et des réfugiés.  Se disant préoccupé par les informations faisant état de détention arbitraire des migrants et des demandeurs d’asile, il a estimé que le soutien de la communauté internationale est nécessaire pour permettre le démantèlement des réseaux criminels de traite des personnes qui opèrent dans la région. 

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a pris note des progrès réalisés par le Comité « 6+6 » sur la loi électorale qui permettront d’organiser les élections en temps voulu, en toute sécurité et dans un environnement politique nécessaire favorable.  Les dirigeants libyens doivent permettre la tenue de ces élections qui donneront un cachet de légitimité aux institutions politiques, a insisté le délégué.  Il a salué les travaux de la Commission militaire conjointe 5+5 et demandé d’appliquer l’accord de cessez-le-feu notamment le retrait des combattants étrangers et des mercenaires et l’identification des groupes armées. 

Le délégué s’est ensuite inquiété des affrontements à Zaouiya, ainsi que du risque que des armes puissent être transférées de la Libye vers le Soudan. Il a aussi dit être très préoccupé par la détention du point focal sur le transport illicite de pétrole, Mr. Imad Ben Rajeb, et exhorté les autorités libyennes à fournir des informations sur les circonstances de son arrestation depuis laquelle, a-t-il noté, le trafic de pétrole aurait augmenté.  Il a ensuite appelé à la fin des ingérences étrangères qui font durer l’impasse politique en Libye. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a appelé à maintenir le processus politique libyen sur les rails, en se concentrant sur la réconciliation nationale et le dialogue.  À cet égard, il a appuyé les efforts déployés par le Conseil présidentiel, l’Union africaine et la Ligue des États arabes pour garantir le succès des efforts au bénéfice de tous les Libyens.  L’instauration de la sécurité en Libye est également essentielle à la construction d’un État stable, a-t-il poursuivi, en se félicitant de la détermination des chefs militaires à soutenir la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu.  Des mesures concrètes doivent également être prises sur le terrain, notamment le retrait des forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires, a ajouté le délégué qui a ensuite appelé à la poursuite de l’unification des institutions militaires et de sécurité. Le représentant s’est par ailleurs préoccupé de l’efficacité des mécanismes de mise en œuvre de l’embargo sur les armes, et du degré de respect de cet embargo.  Ignorer les positions et les interprétations juridiques des États Membres concernant l’embargo sur les armes et son application sélective peut nuire au renforcement des capacités nationales de la Libye, a-t-il mis en garde. 

M. TAHER M. T. ELSONNI (Libye) a dit avoir bon espoir que les consultations devant conduire à la tenue d’élections d’ici à la fin de cette année en Libye prendront fin prochainement.  Dans ce cadre, il a salué les travaux du Comité « 6+6 » visant à créer un environnement propice à des élections libres et transparentes.  « C’est possible », a-t-il assuré, précisant que ces élections n’ont pas pour objet de marginaliser qui que ce soit mais de permettre d’effectuer une transition démocratique.  Il a également jugé essentiel de gérer la situation de manière responsable pour ne pas répéter les erreurs du passé.  Pour ce faire, nous devons trouver de nouvelles approches qui éviteront la répétition de conflits entre les pouvoirs et nous devons tenir compte des réserves exprimées par les différentes parties, a expliqué le représentant, avant d’appeler tous les acteurs libyens à contribuer au règlement des questions en suspens.  À ses yeux, les Libyens sont « frustrés » car le rêve que constituent ces élections semble leur échapper pour la deuxième fois.  « Il ne faut pas les abandonner », a-t-il lancé aux membres du Conseil, en dénonçant le fait que différents pays interviennent directement dans les décisions politiques libyennes.  À cet égard, il a souhaité que le Représentant spécial travaille avec les institutions libyennes, le Conseil présidentiel et d’autres parties prenantes pour résoudre les questions en suspens et aboutir à des lois qui fassent consensus et permettent l’organisation d’élections.  Notre Gouvernement soutient les efforts de l’ONU et fera tout son possible pour assurer la tenue de ces scrutins, a insisté le représentant, non sans saluer les travaux de la Commission militaire conjointe 5+5 destinés à préserver l’accord de cessez-le-feu et mettre fin à la présence de forces et de combattants étrangers sur le sol libyen. 

Abordant ensuite la question des sanctions, le délégué a rappelé que le gel des avoir libyens, décidé en 2011, avait initialement pour objectif de les protéger. Or, a-t-il dénoncé, différents pays ont pris des mesures qui ont contribué à la politisation de cette question, ce qui a entraîné des pertes majeures pour la Libye et une érosion de ses ressources.  Un certain nombre de pays ont considéré qu’ils pouvaient continuer de geler ces avoirs pour bénéficier des taux d’intérêt, s’est-il indigné, regrettant que le Comité des sanctions et le Groupe d’experts aient désormais un rôle relevant du contrôle du travail des institutions libyennes d’investissement.  En effet, a-t-il expliqué, il est demandé à ces institutions d’adopter des stratégies dans la définition de leurs programmes, « ce qui ne correspond pourtant pas au mandat du Comité ».  Malgré cela, les institutions libyennes ont répondu à toutes les demandes concernant leurs plans d’action et ont pu constater une érosion des sommes gelées, a assuré le représentant.  Selon lui, la situation est encore compliquée par le fait que certains pays utilisent des termes du rapport du Groupe d’experts pour poursuivre le gel des avoirs libyens « sans justification ».  Il a donc appelé le Comité à réexaminer ce régime et à autoriser les institutions d’investissement libyennes à gérer leurs propres avoirs. 

Évoquant par ailleurs les demandes de radiation formulées par la Libye pour raisons humanitaires, il a regretté que le Comité n’y ait pas donné suite, au risque d’ « envenimer la situation ».  Pour finir, le représentant a exhorté le Conseil à ne pas faire de la Libye une « scène d’affrontement politique » mais à tout mettre en œuvre pour permettre aux Libyens de s’approprier le processus politique en cours. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le Mali demande le retrait sans délai de la MINUSMA

9350e séance – matin
CS/15325

Conseil de sécurité: le Mali demande le retrait sans délai de la MINUSMA

Le Ministre des affaires étrangères du Mali a demandé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, le retrait sans délai de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), arguant notamment d’une crise de confiance entre les autorités maliennes et la Mission.

La MINUSMA semble devenir une partie du problème en alimentant les tensions communautaires exacerbées par des allégations d’une extrême gravité, a accusé M. Aboulaye Diop qui a de plus constaté qu’après plusieurs années de déploiement des forces de la MINUSMA sur le terrain, la situation sécuritaire, qui concernait jadis le nord du pays, s’est progressivement dégradée dans les autres régions du Mali, notamment le centre.  Pour le Gouvernement du Mali, le constat est clair: la MINUSMA n’a pas atteint son objectif fondamental, a-t-il affirmé. 

Insistant sur le caractère fondamental que revêt la coopération de l’État hôte, le Chef de la Mission et Représentant spécial du Secrétaire général pour la Mali, a assuré au contraire que malgré l’environnement complexe dans lequel elle opère et les restrictions à sa liberté de mouvement, la MINUSMA s’est employée à mettre en œuvre son mandat de la manière la plus efficace qui soit, évoquant notamment son soutien au processus de transition en cours. 

Selon M. El-Ghassim Wane, la Mission a d’indéniables avantages comparatifs « qui peuvent et doivent » être mis plus effectivement à contribution pour appuyer l’État malien.  Il a plaidé pour un engagement encore plus soutenu du Gouvernement malien à travers un dialogue régulier avec la Mission « pour élargir le champ des possibilités et saisir les multiples opportunités qui existent, au bénéfice des populations »  

L’examen stratégique interne effectué par l’ONU avec toutes les parties prenantes a confirmé que la MINUSMA reste le principal instrument international pour soutenir la paix au Mali, a souligné la France qui a relevé qu’il importe que la MINUSMA soit en mesure de mettre en œuvre son mandat, « ce qui n’est pas le cas actuellement ».  Dénonçant l’augmentation de restrictions depuis l’arrivée du groupe paramilitaire russe Wagner au Mali, la France a souligné que les troupes de la MINUSMA ont besoin d’un soutien sans réserve et d’une pleine liberté de mouvement.  Elle a ensuite invité le Conseil à se fonder sur plusieurs des recommandations du Secrétaire général pour adapter le déploiement de la MINUSMA à ces réalités.

Dans son dernier rapport sur le Mali, le Secrétaire général établit quatre paramètres déterminant l’efficacité de l’engagement de la Mission: avancement de la transition politique; progrès accomplis dans l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation; liberté de circulation de la Mission, y compris pour les moyens de renseignement, de surveillance et de reconnaissance essentiels à la sûreté et à la sécurité des soldats de la paix; et enfin, capacité d’exécuter l’intégralité du mandat confié par le Conseil de sécurité, y compris les dispositions relatives aux droits humains.  Au nom des A3, le Mozambique a également proposé plusieurs pistes pour améliorer l’efficacité de la Mission, dont la protection des civils, le rétablissement de l’autorité de l’État dans les zones vulnérables, et le renforcement de la présence de la MINUSMA dans les zones critiques.  Le Conseil de sécurité doit se prononcer le 29 juin sur le renouvellement du mandat de la MINUSMA. 

Au cours de cette séance, de nombreux appels ont par ailleurs été lancés en faveur de l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation, et de l’achèvement de la transition politique.  Nombre de délégations ont en outre salué la tenue prochaine, le 18 juin, du référendum constitutionnel, première étape, a rappelé le Représentant spécial, du processus devant aboutir à la restauration de l’ordre constitutionnel dans le pays.

Précisant qu’une expertise internationale a conclu que rien dans le projet de Constitution ne s’oppose à la mise en œuvre de l’Accord, y compris la prise des dispositions législatives et réglementaires relatives au cadre institutionnel et à la réorganisation territoriale, M. Wane a encouragé les parties à rechercher un consensus sur les questions qui les divisent, notant que la Coalition des Mouvements de l’Azawad, la Plateforme et une partie des Mouvements de l’Inclusivité, regroupés au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP/PSD), ont indiqué ne pas se reconnaître dans le projet de Constitution.

Si tous les intervenants se sont inquiétés de la progression du terrorisme au Mali, certaines délégations se sont plus particulièrement alarmées de la situation des droits humains, notamment dans le cadre des opérations menées par les Forces armées maliennes et le groupe Wagner, à Moura en mars 2022.

De fait, pour l’Albanie, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, l’action déstabilisatrice du groupe et la menace qu’il représente pour le peuple malien et la souveraineté du pays n’ont jamais été aussi évidentes. 

La Fédération de Russie a dénoncé la réaction négative au renforcement de la coopération russo-malienne, manifestation selon elle d’approches néocoloniales et du « deux poids, deux mesures », soulignant que grâce à son soutien, les Forces armées maliennes ont obtenu des résultats tangibles contre des organisations terroristes dans le centre du pays.  Décriant les « conclusions hâtives » du rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme sur l’incident de Moura, le Ministre malien a décrié pour sa part la volonté de certains États d’instrumentaliser l’ONU pour « nuire et punir le Mali pour ses choix souverains ».

LA SITUATION AU MALI (S/2023/402)

Déclarations

M. EL-GHASSIM WANE, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), a rappelé qu’après-demain, se tiendra le référendum constitutionnel, initialement prévu le 19 mars, qui marquera la première étape du processus devant aboutir à la restauration de l’ordre constitutionnel. Il a expliqué que l’une des questions qui a surgi dans le cours des débats sur le projet de Constitution a porté sur la mesure dans laquelle le texte prend en compte l’Accord pour la paix et la réconciliation.  Le 28 mars 2023, la Coalition des Mouvements de l’Azawad, la Plateforme et une partie des Mouvements de l’Inclusivité, regroupés au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP/PSD), ont diffusé un communiqué dans lequel ils ont indiqué ne pas se reconnaître dans le projet de Constitution.  M. Wane a également fait savoir qu’une expertise internationale a conclu que rien dans le projet de Constitution ne s’oppose à la mise en œuvre de l’Accord, y compris la prise des dispositions législatives et réglementaires relatives au cadre institutionnel et à la réorganisation territoriale.  Le Représentant spécial a jugé regrettable que l’appel pour le vote des membres des Forces de défense et de sécurité maliennes (FDSM) dans la région Kidal n’ait pas été entendu.  Il a encouragé les parties à rechercher un consensus sur les questions qui les divisent, et ce sur la base du communiqué de la médiation du 11 juin. 

Il a relevé que la reprise du cours normal du processus de paix permettra de s’attaquer plus efficacement à la situation sécuritaire qui reste « préoccupante », marquée par la pression que continue d’exercer l’État islamique dans le nord-est du Mali et dans les régions de Gao et de Menaka. Dans le centre du pays, les groupes terroristes et les milices d’autodéfense communautaires continuent d’être actifs, et la MINUSMA a également été la cible d’attaque, la plus récente étant celle intervenue le 9 juin dernier à côté de la localité de Ber, qui a fait 2 tués parmi les soldats burkinabé et 7 blessés.  Depuis janvier 2023, 5 Casques bleus ont trouvé la mort et 31 blessés lors d’actes hostiles, a-t-il encore déploré. 

Sur le plan humanitaire, le Représentant spécial a indiqué qu’à la date de mai 2023, le nombre de déplacés s’élevait à 375 539 personnes, et que cette année, 8,8 millions de personnes auront besoin d’assistance dans l’ensemble du pays.  Il s’est préoccupé du fait que le plan de réponse humanitaire n’est financé qu’à hauteur de 11% des 751 millions de dollars requis.  Il a ensuite indiqué que les enquêtes de la MINUSMA sur les allégations de violations des droits humains se poursuivent « ex situ » du fait de difficultés d’accès et/ou d’absence d’autorisations de la part des autorités.  Il a ajouté que les conclusions du rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme sur l’incident de Moura ont suscité une forte réaction de la part des autorités maliennes qui ont annoncé l’ouverture d’une enquête. 

M. Wane a ensuite indiqué que malgré l’environnement complexe dans lequel elle opère et les restrictions à sa liberté de mouvement, la MINUSMA s’est employée à mettre en œuvre son mandat de la manière la plus efficace qui soit, évoquant notamment son soutien au processus de transition en cours.  Il a insisté sur le caractère fondamental que revêt la coopération de l’État hôte et la relation de confiance à bâtir avec lui. Selon lui, la Mission a d’indéniables avantages comparatifs, qui peuvent et doivent plus effectivement être mis à contribution pour appuyer l’État malien.  Il a plaidé pour un engagement encore plus soutenu du Gouvernement malien à travers un dialogue régulier avec la Mission « pour élargir le champ des possibilités et saisir les multiples opportunités qui existent, au bénéfice des populations ». 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a estimé que le renouvellement du mandat de la MINUSMA, sur lequel se penchera prochainement le Conseil de sécurité, constitue un enjeu important pour le Mali et la stabilité régionale.  À cet égard, l’examen stratégique interne effectué par l’ONU avec toutes les parties prenantes a confirmé que la MINUSMA reste le principal instrument international pour soutenir la paix au Mali, a-t-il souligné, avant d’appeler au respect des paramètres fixés par le Secrétaire général. Dans ce cadre, a précisé le représentant, les processus politiques que la MINUSMA est chargée de soutenir doivent pleinement être mis en œuvre, « ce qui n’est actuellement pas le cas ».  Selon lui, la première priorité est l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation afin que des progrès se matérialisent sur le terrain, avec l’appui de la médiation internationale menée par l’Algérie.  La seconde priorité est l’achèvement de la transition politique dans le cadre agréé entre le Mali et la CEDEAO, avec un retour à l’ordre constitutionnel en mars 2024, a-t-il ajouté, rappelant que la MINUSMA est prête à contribuer à l’organisation des élections. 

Pour le représentant, il importe également que la MINUSMA soit en mesure de mettre en œuvre son mandat, « ce qui n’est pas non plus le cas actuellement ».  Constatant que, malgré le dialogue qu’elle poursuit avec les autorités maliennes, la Mission reste entravée, il a dénoncé le fait que, depuis l’arrivée du groupe paramilitaire russe Wagner au Mali, ces restrictions n’ont fait que s’accroître, de même que les graves violations des droits humains du droit international humanitaire, comme cela a été documenté dans le rapport sur Moura.  C’est pourquoi, a-t-il dit, les troupes de la MINUSMA ont besoin d’un soutien sans réserve et d’une pleine liberté de mouvement, conformément à l’accord sur le statut des forces.  Il a donc invité le Conseil à se fonder sur plusieurs des recommandations du Secrétaire général pour adapter le déploiement de la MINUSMA à ces réalités et faire un bilan régulier de ce déploiement. 

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), s’est félicité des progrès réalisés dans le pays, citant notamment l’annonce d’une date pour la tenue du référendum et la détermination des autorités maliennes à mettre en œuvre l’Accord pour la paix. Il s’est cependant inquiété des lacunes consécutives au retrait des pays fournisseurs de contingents, de même que de la détérioration de la situation humanitaire.  Il a condamné les actes terroristes perpétrés dans l’ensemble du pays et s’est félicité des importants investissements consacrés au renforcement des capacités de l’armée, appelant à un plus grand appui des donateurs.  Il a de plus décrié les contraintes imposées aux vols de renseignement, de surveillance et de reconnaissance de la MINUSMA qui entravent son efficacité.

S’agissant de l’amélioration de l’efficacité de la Mission, le représentant a appelé à mettre l’accent sur plusieurs domaines, dont la protection des civils, le rétablissement de l’autorité de l’État dans les zones vulnérables, la coopération avec l’État, le renforcement de la présence de la MINUSMA dans les zones critiques et le soutien à la feuille de route pour des élections pacifiques.  La Mission peut également aider les parties signataires de reprendre le dialogue en vue de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix.  Et il conviendrait de l’aider à se positionner pour mieux appuyer les mécanismes régionaux de lutte contre le terrorisme.  Il a ensuite engagé les autorités de transition à intensifier leur coopération avec la Mission, notamment en facilitant ses mouvements terrestres et aériens.  Une action coordonnée des acteurs nationaux, régionaux et internationaux s’impose également pour éviter le retour des combattants terroristes étrangers et la prolifération des armes légères et de petit calibre. 

Sur le plan politique, le représentant a encouragé les autorités à maintenir le dialogue avec l’ensemble des parties prenantes afin de répondre aux différends liés à la constitution et au rétablissement de l’ordre constitutionnel. Les processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR), y compris la mise en œuvre du plan stratégique national pour 2022-2024, permettraient également de renforcer le processus de réconciliation.  Il a appelé à ce que tous les incidents de violation des droits humains et du droit international humanitaire, tels que les enlèvements, les violences sexuelles et les attaques contre les écoles et les hôpitaux, fassent l’objet d’enquêtes et que les auteurs répondent de leurs actes.  Le représentant a enfin mis l’accent sur la nécessité de combler les déficits de gouvernance et de développement qui sont au cœur de la lutte contre les causes profondes de l’instabilité au Mali. 

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) s’est dit heureux de constater que le Secrétaire général continue de suivre les progrès enregistrés par le Gouvernement de transition concernant les quatre critères de référence dans le cadre de l’examen interne de la MINUSMA.  Selon lui, ces paramètres sont clairement définis et facilement atteignables.  Il a demandé aux autorités maliennes de respecter leurs obligations au titre de l’Accord sur le statut des forces, en vertu de l’Accord d’Alger de 2015 et du calendrier fixé par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour la transition.  Le délégué a toutefois exprimé sa déception face à l’adoption de mesures d’obstruction par le Gouvernement malien, notamment les entraves à la liberté d’accès et de circulation de la MINUSMA alors que 117 demandes d’autorisation de vol ont été refusées au cours des trois derniers mois. Les autorités de transition ont également refusé quatre demandes de la MINUSMA sur cinq pour mener des enquêtes concernant des violations des droits humains. 

Malgré ces restrictions, la MINUSMA a mené avec diligence des dizaines d’enquêtes en utilisant des outils de police scientifique à distance, s’est félicité le délégué, y compris, en mars dernier, concernant des violations commises par les Forces armées maliennes et le groupe Wagner à Moura.  Accuser la MINUSMA d’espionnage alors qu’elle mène une enquête prévue dans le cadre de son mandat est à ses yeux inacceptable et met en péril la sécurité des Casques bleus autorisés par le Conseil de sécurité. Les États-Unis, a-t-il rappelé, ont imposé des restrictions de visas à deux officiers maliens impliqués dans des violations de droits humains à Moura.  Le représentant s’est dit consterné par le mépris de ces droits dont a fait preuve l’armée malienne dans cette localité, avec la coopération du groupe Wagner, appuyé par le Kremlin.  Selon lui, l’action déstabilisatrice de Wagner et la menace qu’il représente pour le peuple malien et la souveraineté du pays n’ont jamais été aussi évidentes. 

S’agissant des élections, le délégué s’est félicité des préparations « robustes » entreprises par le Gouvernement de transition en vue de la tenue du référendum constitutionnel du 18 juin prochain et des élections prévues en février 2024.  Il a encouragé les autorités de transition et les groupes armés signataires à démontrer un engagement du même ordre envers l’accord de paix en répondant de façon constructive aux propositions présentées par l’équipe de médiation internationale. Pour le représentant, il est clair que la MINUSMA ne pourra s’acquitter de son mandat dans les conditions actuelles et, par conséquent, que le statu quo est intenable. 

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a déclaré soutenir le renouvellement du mandat de la MINUSMA, estimant que l’examen stratégique partagé plus tôt cette année offre de solides perspectives à cet effet.  Elle s’est par ailleurs félicitée de la tenue du référendum constitutionnel au Mali, avant de remercier la CEDEAO et l’Union africaine pour leurs efforts en faveur d’un processus inclusif.  Elle s’est dite convaincue qu’un retour assuré à l’ordre démocratique et constitutionnel est essentiel et a exhorté les autorités maliennes et toutes les parties à créer un environnement propice aux droits des femmes et à leur protection.  La représentante a ensuite salué la rencontre, à Kidal, entre le Ministre malien de la réconciliation, de la paix et de la cohésion nationale avec des représentants de la Coordination des mouvements de l’Azawad et de la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 d’Alger. 

Elle a d’autre part exhorté toutes les parties à faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et à respecter leurs obligations en vertu du droit international, tout en exprimant son inquiétude face aux attaques extrémistes signalées dans l’ouest et le sud du pays.  La déléguée s’est en outre alarmée de la forte progression de la violence sexuelle et sexiste ainsi que des violations graves à l’encontre d’enfants. Les capacités de protection de l’enfance au sein de la MINUSMA doivent être renforcées, a-t-elle plaidé, avant d’appeler à une plus grande coopération des autorités maliennes pour garantir la liberté de mouvement de la MINUSMA. 

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a constaté que la capacité de la MINUSMA à accomplir de manière efficace et prévisible son mandat est entravée.  À ses yeux, la complexité du contexte opérationnel, l’immensité de la zone d’intervention et le manque de personnel rendent cette mission particulièrement ardue.  Des ajustements sont donc nécessaires afin de concilier les tâches de la mission avec les réalités actuelles, a estimé le représentant, pour qui l’efficacité de la MINUSMA dépendra également d’une meilleure coopération avec les autorités maliennes et de leurs avancements sur les quatre paramètres identifiés par le Secrétaire général en janvier dernier, parmi lesquels figure la liberté de mouvement.  Or, la mission continue d’être confrontée à des restrictions, y compris la non-autorisation des vols de reconnaissance, a-t-il relevé. 

Le délégué s’est également alarmé de la persistance des allégations de violations et abus des droits humains et du droit international humanitaire sur tout le territoire malien.  Évoquant les événements de Moura, qui ont eu lieu en mars 2022 dans le cadre d’une opération militaire, il a souhaité que ces violations fassent l’objet d’enquêtes impartiales, indépendantes et efficaces et de poursuites pénales. Enfin, après avoir invité toutes les parties à reprendre le dialogue, avec l’appui de la médiation internationale, il a rappelé l’importance d’une transition politique pacifique, en vue de la tenue d’élections crédibles et transparentes dans les délais impartis, et s’est félicité de l’organisation d’un référendum constitutionnel ce dimanche. 

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a estimé que pour que la MINUSMA fonctionne correctement, les quatre paramètres définis dans l’examen interne de la mission doivent être respectés.  « Ces paramètres ne sont pas déraisonnables et ne sont pas imposés au Mali de l’extérieur », a-t-il plaidé, en rappelant qu’il s’agit d’engagements pris par les autorités maliennes de transition envers leur peuple, les États voisins et la communauté internationale.  Le délégué a donc demandé instamment des progrès en vue d’une transition pacifique et rapide vers l’ordre constitutionnel d’ici à mars 2024, ce qui suppose la pleine participation de la société civile au référendum constitutionnel de dimanche et à l’élection présidentielle de février prochain. 

Par ailleurs, des efforts urgents sont nécessaires pour relancer le dialogue entre les signataires de l’Accord de paix chancelant, en s’appuyant sur les propositions de la médiation internationale.  De plus, a poursuivi le représentant, les restrictions sur les mouvements de la MINUSMA –pour lesquelles il n’y a pas eu d’amélioration– doivent être levées.  Enfin, l’obstruction aux tâches de la MINUSMA en matière de droits humains doit cesser, a tranché le délégué, qui a demandé que les responsables du massacre tragique de plus de 500 personnes à Moura par les Forces armées maliennes et le groupe Wagner rendent des comptes.  C’est aux autorités maliennes de transition qu’il appartient de choisir leurs partenaires, a concédé le représentant.  « Mais soyons clairs: le groupe Wagner –qu’il opère de manière autonome ou sous le contrôle direct de Moscou– n’est pas la solution.  Au Mali ou ailleurs. » 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a insisté sur l’importance de garantir la liberté de mouvement de la MINUSMA, déplorant qu’aucune solution n’ait été trouvée au sujet des vols de renseignement, de surveillance et de reconnaissance malgré l’adoption, par la Mission, des mesures agréées avec le Gouvernement de transition malien.  Il a appelé à doter la MINUSMA de toutes les capacités nécessaires pour lui permettre d’appuyer la mise en œuvre de l’Accord pour la paix ainsi que la transition politique, protéger les civils et soutenir le rétablissement de l’autorité de l’État sur l’ensemble du pays.  Il a estimé que la coopération régionale est un facteur clef pour aider le Mali à ouvrir la voie à un processus de transition réussi.  À cet égard, il a réitéré son soutien à l’engagement actuel avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), tout en espérant que le dialogue avec les autorités maliennes de transition conduira à une collaboration plus poussée sur le développement et la mise en œuvre d’un plan de transition propice au rétablissement de l’ordre constitutionnel. 

Poursuivant, le représentant a souligné que le retour à la normalité démocratique doit inclure les femmes, les jeunes et les minorités ethniques et religieuses.  À cet égard, il a espéré la tenue d’un référendum constitutionnel plus inclusif et pacifique le 18 juin.  Le délégué a ensuite salué la coopération entre la MINUSMA et l’Autorité indépendante de gestion des élections en vue de coordonner le soutien technique et logistique et de renforcer les capacités des organisations de la société civile en matière de promotion du genre dans les processus électoraux.  Il s’agit là, a-t-il relevé, de mesures concrètes encourageantes en faveur d’une plus grande inclusion et d’une meilleure participation aux élections. 

M. ZHANG JUN (Chine) a estimé que le Mali a accompli des progrès considérables et que la coopération avec l’ONU et les autres partenaires est entrée dans une phase cruciale.  Le référendum constitutionnel, qui aura lieu dimanche, permettra au Mali d’aller encore plus de l’avant et d’accomplir des progrès durables, a pronostiqué le représentant.  À cet égard, il a appelé les parties à régler leurs divergences par le moyen du dialogue. Pour lui, la MINUSMA doit se limiter à apporter un appui technique au Mali pour l’organisation du référendum. Réagissant aux appels d’autres membres du Conseil sur l’importance de respecter les droits humains dans la lutte contre le terrorisme, le représentant a demandé que les opérations antiterroristes maliennes ne soient pas stigmatisées.  Quant aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, elles doivent respecter le principe de consentement des parties concernées, a rappelé le délégué, en jugeant nécessaire d’ajuster le mandat de la MINUSMA pour qu’elle respecte la souveraineté du pays hôte, tout en s’accordant sur son calendrier de sortie.  Les inquiétudes du Mali doivent être entendues et il faut maintenant prendre une décision axée sur le consensus s’agissant du renouvellement du mandat de la MINUSMA, a insisté le représentant.

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a considéré que la stabilité à long terme ne peut être atteinte sans un retour à l’ordre constitutionnel, saluant le référendum constitutionnel qui doit se tenir ce dimanche et les efforts déployés par les autorités maliennes de transition.  Il a ensuite rappelé que l’Accord de paix est le seul cadre existant pour parvenir à une paix et une réconciliation durables, demandant aux autorités de transition et aux parties signataires de reprendre rapidement les pourparlers.  Le représentant a salué le travail de la médiation internationale, l’encourageant à accélérer ses efforts pour renforcer la confiance dans le processus.  Par ailleurs, les opérations militaires de lutte contre l’insécurité, qu’elles soient menées par les Forces de défense et de sécurité maliennes ou des forces de sécurité étrangères, doivent respecter les droits humains, a-t-il souligné.  Le délégué s’est fait l’écho de l’appel lancé par le Secrétaire général aux autorités de transition pour qu’elles mènent rapidement une enquête crédible et transparente et publient rapidement ses résultats afin que les auteurs des crimes de Moura soient tenus responsables. Le Japon estime que le Conseil de sécurité doit doter la MINUSMA d’un mandat clair et réaliste, a ajouté le représentant en conclusion.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a constaté que, par le biais de la désinformation, de l’utilisation d’engins explosifs improvisés et d’attentats-suicides, le terrorisme continue de progresser au Mali.  Lutter contre ce fléau, surtout quand il met en danger la sécurité du personnel de la MINUSMA et l’empêche de remplir son mandat de protection des civils, doit être une priorité, a souligné le représentant. Par ailleurs, après avoir appelé le Gouvernement de transition malien à diligenter une enquête indépendante sur le massacre de Moura, il a souhaité que toutes les restrictions de mouvement imposées à la Mission soient levées et l’accord sur le statut des forces respecté. Le délégué s’est ensuite déclaré préoccupé par le blocage du processus de paix, avant de saluer les efforts de la médiation internationale, lesquels ont débouché sur l’engagement renouvelé du Gouvernement de transition à promouvoir la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali.  Il s’est également réjoui de la poursuite des processus électoral et constitutionnel, en vue d’une transition politique, avant d’applaudir les efforts déployés par la MINUSMA pour accroître la participation des femmes.  S’agissant enfin de l’avenir de la Mission, il a jugé que les préférences exprimées par le Mali doivent aller de pair avec une coopération en matière de renforcement des capacités et un respect du mandat qui lui a été confié.  Cela permettrait, selon lui, de garantir un apport continu de troupes et la poursuite de la mise en œuvre de l’Accord.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a déclaré que la transition politique doit être transparente et inclusive, regrettant que les points de vue de certaines parties prenantes et de la société civile n’aient pas été pris en compte dans le projet de constitution.  Elle a également relevé que les progrès dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix stagnent et a appelé les autorités de transition à faire preuve de volonté politique pour coopérer et appliquer ledit accord, tout en s’abstenant de contribuer à l’escalade des tensions. 

La situation sécuritaire pose de plus en plus de défis, a enchaîné la représentante, s’inquiétant notamment de l’escalade des tensions entre les groupes terroristes dans les régions de Goa et de Ménaka.  Elle s’est aussi préoccupée de l’augmentation dramatique des violations des droits humains et a appelé les autorités de transition à appliquer les recommandations du HCDH à la suite des atrocités commises à Moura en coopération avec le groupe Wagner.  La déléguée a ensuite dénoncé les restrictions imposées à la liberté de mouvement de la MINUSMA, et a regretté le peu de progrès réalisés pour appliquer les quatre paramètres identifiés par le Secrétaire général pour assurer la poursuite du fonctionnement de la mission.  Alors que le Mali se prépare à rétablir l’ordre constitutionnel d’ici à mars 2024, plusieurs étapes cruciales doivent être franchies pour assurer la tenue d’élections crédibles, a-t-elle ajouté. 

M. VASILLY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est alarmé de la situation au Mali qui reste, « sans exagération », difficile.  L’État islamique dans le Grand Sahara et Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin (JNIM) ont nettement intensifié leurs activités meurtrières, s’est-il inquiété.  En outre, a-t-il ajouté, la multiplication des attaques terroristes entraîne une nouvelle détérioration de la situation humanitaire, relevant que près de 9 millions de personnes ont besoin d’une forme d’aide au Mali.  La gravité de la crise est encore exacerbée par le sous-financement chronique de l’appel lancé en faveur du pays, a-t-il observé, appelant les partenaires internationaux de Bamako à s’abstenir de politiser les questions liées à l’aide des donateurs. 

Le représentant russe a ensuite rappelé que dans le contexte du « vide » sécuritaire qui s’est installé à la suite du retrait « honteux », entre autres, de l’opération française Barkhane, le Gouvernement malien développe une coopération avec des partenaires internationaux capables de contribuer à la sécurisation et à la protection de sa population.  Grâce notamment au soutien de la Russie, les forces armées maliennes ont obtenu des résultats tangibles « sur le terrain », dont 59 opérations réussies menées, entre février et mars de cette année, contre des terroristes dans le centre du pays.  D’ailleurs, s’est-il enorgueilli, le dernier rapport en date du Secrétaire général note que les efforts de l’armée malienne ont permis de réduire le nombre de victimes civiles.  Aussi a-t-il dénoncé la réaction négative d’un certain nombre de pays au renforcement de la coopération russo-malienne, manifestation selon lui d’approches néocoloniales et de « deux poids, deux mesures ».  Il est nécessaire d’apporter une aide efficace aux autorités maliennes, plutôt que de leur « mettre des bâtons dans les roues », ce que, malheureusement, Paris continue de faire avec ses alliés, y compris en usant de son influence au sein des structures multilatérales, a déploré le représentant en conclusion. 

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a appelé à rester concentré sur une transition politique durable au Mali, estimant à cet égard que le calendrier électoral des 12 prochains mois sera crucial.  Considérant que, dans ce contexte, la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation reste essentielle, elle a encouragé les parties à s’engager dans le dialogue facilité par la médiation internationale. Évoquant ensuite la menace terroriste qui s’étend à présent aux pays voisins du Mali, la représentante a souhaité voir les efforts nationaux complétés par des approches bilatérales et régionales, avec le concours des communautés concernées.  Les problèmes sécuritaires, notamment dans le centre du Mali, alimentent la crise humanitaire catastrophique que connaît le pays, a-t-elle relevé, avant d’appeler la communauté internationale à continuer de soutenir collectivement les efforts du Gouvernement malien pour accroître la présence de l’État et assurer la protection des civils. 

La représentante a par ailleurs noté que les changements climatiques agissent comme un « multiplicateur de risques ».  Rappelant l’intérêt qu’accorde son pays à cette question, elle s’est alarmée de la désertification croissante et de la réduction des précipitations au Mali, qui amenuisent encore les ressources et entravent le travail agricole saisonnier.  Cette situation livre des Maliens sans nourriture ni emploi au recrutement par des groupes armés, a-t-elle averti, souhaitant qu’à l’avenir, le rapport du Secrétaire général inclue des données sur la contribution des changements climatiques à l’instabilité dans le pays.  S’agissant enfin du mandat de la MINUSMA, la déléguée a jugé impératif de le renouveler et de favoriser une coopération accrue avec les autorités maliennes.  Ce rapprochement permettrait de lutter contre le problème de la désinformation, a-t-elle souligné, non sans rappeler que le Conseil a récemment adopté la résolution 2686 (2023) qui condamne ce fléau et l’incitation à la violence contre les opérations de maintien de la paix de l’ONU. 

M. ABOULAYE DIOP, Ministre des affaires étrangères du Mali, a déclaré que le Gouvernement de transition a pris des mesures fortes et irréversibles pour le retour à un ordre constitutionnel apaisé et sécurisé, dans les délais convenus, précisant que le scrutin référendaire, prévu le 18 juin 2023, vise à doter le Mali d’une nouvelle Constitution.  Le bon déroulement du processus de vulgarisation du projet de Constitution et la campagne électorale y relative augurent un scrutin référendaire apaisé et crédible, a-t-il assuré.

Le Ministre a ensuite estimé que les prescriptions internationales prodiguées par la MINUSMA depuis sa création en 2013, ont montré leur limite.  Sinon comment expliquer le fait que la situation sécuritaire du Mali en 2013 soit bien meilleure à celle d’aujourd’hui?  Le réalisme impose le constat de l’échec de la MINUSMA dont le mandat ne répond pas au défi sécuritaire, a-t-il tranché. Il a indiqué que le Gouvernement de transition a donné une place de choix au renforcement des capacités des Forces de défense et de sécurité maliennes qui, a-t-il affirmé, continuent de remporter contre les groupes armés terroristes des victoires décisives. 

Concernant le rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) sur les événements de Moura, M. Diop a expliqué que c’est sur la base de renseignements fiables faisant état de la présence dans cette localité de principaux chefs terroristes pour planifier des attaques d’envergue, que les Forces de défense et de sécurité maliennes ont pris la décision de mener une opération à la hauteur de cette menace au cours de laquelle 203 combattants terroristes ont été neutralisés.  Il a rejeté vigoureusement « les conclusions hâtives du rapport biaisé » du HCDH, y voyant l’expression d’une volonté réelle de certains États d’instrumentaliser l’ONU pour nuire et punir le Mali pour ses choix souverains. De plus, ce rapport comporte des images obtenues par l’usage satellite à l’insu des autorités nationales ce qui constitue de l’espionnage, a accusé le Ministre qui a signalé que la teneur de ce rapport a également été démenti par de nombreux habitants de Moura. 

Après avoir réaffirmé l’engagement du Gouvernement à poursuivre la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, le Ministre a constaté qu’après plusieurs années de déploiement des forces de la MINUSMA sur le terrain, la situation sécuritaire, qui concernait jadis le nord du pays, s’est progressivement dégradée dans les autres régions du Mali, notamment le centre. Pour le Gouvernement du Mali, le constat est clair: la MINUSMA n’a pas atteint son objectif fondamental, a-t-il affirmé.  En outre, ni les propositions du Secrétaire général et encore moins le projet de résolution en cours de négociation n’apportent des réponses appropriées aux attentes des Maliens.  Ce projet de résolution conforte d’ailleurs la récusation de la France en tant que porte-plume, tant son contenu est hostile à l’égard du Mali, a-t-il ajouté.

Pour le Ministre, la Mission semble devenir une partie du problème en alimentant les tensions communautaires exacerbées par des allégations d’une extrême gravité et qui sont fortement préjudiciables à la paix, à la réconciliation et à la cohésion nationale du Mali.  Cette situation engendre un sentiment de méfiance des populations à l’égard de la MINUSMA et une crise de confiance entre les autorités maliennes et la Mission.  De ce qui précède, a terminé M. Diop, le Gouvernement du Mali demande le retrait sans délai de la MINUSMA. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Quatrième Commission adopte une résolution sur l’étude d’ensemble des opérations de maintien de la paix et approuve le rapport du Comité des 34

Soixante-dix-septième session,
28e séance plénière – après-midi
CPSD/772

La Quatrième Commission adopte une résolution sur l’étude d’ensemble des opérations de maintien de la paix et approuve le rapport du Comité des 34

La Quatrième Commission, chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation, a adopté, cet après-midi, par consensus, un projet de résolution portant sur l’étude d’ensemble de toute la question des opérations de maintien de la paix des Nations Unies sous tous leurs aspects, ainsi que le rapport de la session 2023 du Comité spécial des opérations de maintien de la paix, aussi appelé « Comité des 34 ». 

En entérinant cette résolution, l’Assemblée générale accueillerait avec satisfaction le rapport de la session de fond du Comité spécial, qui s’est tenue du 20 février au 17 mars 2023, à New York.  Elle ferait siennes les propositions, recommandations et conclusions énoncées au chapitre V du rapport, et prierait les États Membres et les organes compétents de l’ONU de prendre les mesures nécessaires pour les mettre en œuvre. 

Par ce texte, coparrainé par l’Argentine, le Canada, l’Égypte, le Japon, le Nigéria et la Pologne, la Commission recommande en outre à l’Assemblée de réaffirmer que les États Membres qui fourniront du personnel aux opérations de maintien de la paix dans les années à venir, ou qui participeront aux travaux du Comité spécial en qualité d’observateurs pendant trois années consécutives, deviendront membres du Comité des 34 à la session suivante. 

L’Assemblée générale déciderait par ailleurs que le Comité spécial, composé de 157 États Membres et de 7 États et organisations observateurs, poursuivra son examen de la question des opérations de maintien de la paix, en s’attardant sur toute proposition nouvelle ou ancienne susceptible de renforcer les moyens dont dispose l’Organisation pour s’acquitter des responsabilités qui lui incombent en la matière. 

Ce projet de résolution est largement basé sur ceux des années précédentes, a expliqué le Rapporteur du Comité spécial, M. Wael Eldahshan, de l’Égypte, et tient compte des conclusions et recommandations contenues dans le présent rapport du Comité.  Pour sa part, la Quatrième Commission a examiné ce point à son ordre du jour, qui est sans incidence sur le budget-programme de l’ONU, lors de la partie principale de la session de l’Assemblée générale, en novembre 2022. 

Le Canada, qui présidait le Groupe de travail plénier, s’est félicité de l’adoption consensuelle du rapport, qui contient, selon son représentant, des progrès notables sur des questions clefs relevant du maintien de la paix.  Réuni du 27 février au 17 mars 2023, le Groupe de travail plénier a également examiné les questions de procédure et les moyens d’améliorer les méthodes de travail du Comité des 34.  Une liste de possibilités découlant des suggestions formulées par les délégations a été établie et sera soumise au Comité spécial pour examen. 

La prochaine réunion de la Commission sera annoncée dans le Journal des Nations Unies

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L’ECOSOC convoque une réunion extraordinaire pour « sauver des vies » en Haïti, où la moitié de la population souffre de la faim

Réunion extraordinaire sur Haïti - matin
ECOSOC/7132

L’ECOSOC convoque une réunion extraordinaire pour « sauver des vies » en Haïti, où la moitié de la population souffre de la faim

Le Conseil économique et social (ECOSOC) a tenu ce matin une réunion extraordinaire sur le thème « Sauver des vies en répondant aux besoins urgents d’Haïti en matière de sécurité alimentaire ».  La situation en Haïti se détériore rapidement - près de la moitié de la population haïtienne souffre de la faim et une action urgente s’impose. 

Consacrée à la sévère crise alimentaire frappant Haïti, la réunion a permis aux États Membres, observateurs et partenaires des Nations Unies, ainsi qu’aux représentants de la société civile, du secteur privé et des institutions financières internationales de mettre en lumière la situation sécuritaire catastrophique du pays.  Des gangs armés défient l’État, renforcent leur emprise sur la capitale et de nombreux territoires, et contrôlent des axes routiers primordiaux, bloquant ou subtilisant la nourriture destinée à la population. 

Le Ministre de la planification et de la coopération externe d’Haïti, M. Ricard Pierre, et plusieurs dirigeants de la région des Caraïbes ont participé à l’événement.  Tous ont établi un lien clair entre situation alimentaire et situation sécuritaire: l’acheminement entravé de l’aide humanitaire et de la production agricole locale des campagnes vers les villes entraîne un cercle vicieux de hausse de la faim et de la criminalité, empêchant le pays de développer son plein potentiel économique et agricole. 

Le résultat est que cette année, en Haïti, 5,2 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire et de protection, dont 4,9 millions -soit près de la moitié de la population- connaissent des niveaux élevés d’insécurité alimentaire.  La malnutrition aiguë sévère atteint 5% dans certaines zones de Port-au-Prince, a précisé la Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC).  Mme Lachezara Stoeva a pris la parole la première, après la diffusion d’une vidéo où de jeunes Haïtiens ont témoigné de la faim et de l’insécurité qui impactent leur scolarité et leur vie au quotidien.  Chaque jour, ils se demandent ce qu’ils vont bien « pouvoir manger ». 

Le Plan d’action humanitaire 2023 exige des donateurs une enveloppe de 719 millions de dollars, soit le plus grand appel de fonds lancé depuis le séisme 2010.  Or seulement 22,6% de cette somme a été déboursée à ce jour, et aucun engagement conséquent n’a été annoncé aujourd’hui.  « Un trou financier géant doit être comblé », ont reconnu les États-Unis. Appelant la communauté internationale à relever le défi, ils ont rappelé qu’ils sont déjà le plus grand donateur d’aide humanitaire à Haïti et ont demandé à leurs partenaires d’apporter la leur. 

Initiateur de la réunion, le Président canadien du Groupe consultatif ad hoc de l’ECOSOC sur Haïti, M. Bob Rae, a confirmé que le niveau d’insécurité alimentaire en Haïti est devenu l’un des plus élevés au monde alors que le potentiel agricole est « immense », dans une péninsule où normalement, « tout pousse ».  Si la violence a atteint des niveaux insoutenables, la vulnérabilité alimentaire est « enracinée », structurelle, en raison notamment des catastrophes naturelles à répétition et du déficit chronique de développement.  Les moyens débloqués devraient être dédiés à bâtir un système agricole plus résilient, mais tant que les grands enjeux sécuritaires ne seront pas réglés, le pays ne pourra pas se consacrer à son développement, a analysé M. Rae. 

Cet avis a été partagé par le Ministre haïtien qui a insisté sur le problème fondamental de l’accès à l’alimentation entravé par les gangs.  Des gangs issus des bidonvilles, eux-mêmes nés de l’exode rural et de la misère des campagnes, a déploré M. Pierre.  Des gangs qui tirent leurs revenus des enlèvements, de la vente de drogue et du braquage de camions de marchandises.  Pour leur faire face, le Ministre a réclamé de toute urgence une assistance internationale, « une force armée robuste avec un mandat clair, en support de la Police nationale d’Haïti (PNH) », sans quoi « le risque d’une guerre civile est presque sûr ».  Il a aussi mentionné les inondations et les tremblements de terre meurtriers, dont le dernier en date est survenu la semaine dernière. 

Malgré ce sombre tableau, M. Pierre a promis devant l’ECOSOC un nouveau budget 2023-2024 « ambitieux », envisageant de faire du développement agricole le levier du développement haïtien. Quant à l’aide alimentaire extérieure assurant la survie des plus vulnérables, M. Pierre a jugé impératif qu’elle soit acheminée de façon à ne pas nuire à la production nationale en entraînant, entre autres effets pervers, une fluctuation des prix délétère pour les paysans haïtiens. 

Plusieurs dirigeants de la région ont lancé un appel urgent à la communauté internationale.  Dans une allocution vidéo préenregistrée, M. Ralph Gonsalves, Premier Ministre de Saint-Vincent-et-les Grenadines et Président de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a réclamé davantage d’appui au plan d’action humanitaire.  M. Andrew Holness, Premier Ministre de la Jamaïque, intervenant par vidéoconférence, a fait part de consultations menées à Kingston le 11 juin dernier avec ses homologues des Bahamas et d’Haïti.  Il a souligné que si l’appui des voisins et des partenaires était déterminant, la communauté internationale devrait faire davantage pour éviter que la crise ne s’aggrave et pour épauler une PNH « débordée ». 

Du côté des agences onusiennes, la Directrice exécutive du Programme alimentaire mondial (PAM), Mme Cindy McCain, a annoncé, dans une déclaration préenregistrée, son intention d’aider 2,3 millions d’Haïtiens cette année.  « Sans aide supplémentaire, il y aura des carences », a-t-elle averti.  La Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Mme Catherine Russell, a quant à elle pointé la grande proportion d’enfants souffrant de cette crise alimentaire puisque plus de 243 000 enfants de moins de 5 ans sont aujourd’hui en état de malnutrition aiguë. Elle a aussi insisté sur les carences en eau et assainissement, avant d’appeler à son tour à financer entièrement le plan d’action humanitaire. 

Lors de la table ronde dédiée au renforcement de la résilience des systèmes alimentaires en Haïti, M. José Julio Gómez, Vice-Ministre des affaires bilatérales de la République dominicaine, a rappelé que les enjeux d’Haïti concernent de très près son pays.  Il a parlé du « processus de pacification » comme d’une priorité face aux gangs qui ont précipité l’effondrement de la production agricole, en rappelant que 83% du riz consommé en Haïti était désormais importé.  La Directrice de la Division des opérations et du plaidoyer du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), Mme Edem Wosornu, a pointé que l’aide devait désormais être acheminée « par hélicoptère », les routes étant coupées.

Le pays est aussi régulièrement frappé par des catastrophes naturelles, a souligné M. Guangzhou Qu, Directeur du Bureau de liaison de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).  Il a indiqué que la FAO avait besoin d’une enveloppe de 62 millions de dollars pour soutenir la transformation des systèmes alimentaires haïtiens afin de les rendre plus résilients.  Or, 5% seulement de cette somme a été décaissée, a-t-il déploré.  Du côté du Fonds monétaire international (FMI), Mme Patrizia Tumbarello, Cheffe de mission pour Haïti, a indiqué que le FMI avait approuvé un financement d’urgence de 110 millions de dollars pour répondre à la crise alimentaire, même si les besoins restent immenses. 

Les producteurs de riz américains ont été mis en cause par un expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en Haïti désigné par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, M. William O’Neill: selon lui, ils ont « inondé le marché local »  et « détruit » le système de production haïtien.    

Lors du débat qui a suivi avec près d’une trentaine de délégations, Cuba a estimé qu’Haïti était avant tout victime des différents impérialismes qui ont voulu punir ce pays d’avoir été la première république noire indépendante.  L’Équateur, membre du Conseil de sécurité, a indiqué qu’il veillera à ce que la situation en Haïti reste tout en haut de l’ordre du jour international, appuyé par son homologue de Malte.  Également membre de cet organe, le Brésil a appelé à mettre en œuvre la résolution 2417 (2018) du Conseil de sécurité, afin de remédier à la violence, tandis que l’Italie a, elle, mentionné l’appui apporté à la formation des policiers haïtiens. 

La Barbade, au nom de la Communauté des Caraïbes, a estimé qu’il fallait passer à l’action en opérationnalisant le plan d’aide humanitaire et en finançant les 719 millions de dollars nécessaires en totalité.  Le Chili a appelé à une réponse holistique en Haïti, qui passe par la restauration de la confiance des Haïtiens dans la transition politique et la lutte contre l’insécurité.  La moitié de la population haïtienne est employée dans l’agriculture mais la productivité est extrêmement basse, a noté le Japon, qui a suggéré d’épauler Haïti dans ce domaine.  La Slovénie a plaidé à son tour pour renforcer la résilience, en investissant dans l’agriculture locale et un « avenir stable et sûr ».  L’Argentine ou encore l’Indonésie ont aussi préconisé des solutions agricoles à long terme, via la formation et l’aide à la production.  « Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur un pays qui brûle », a résumé l’Allemagne.

La Présidente de l’ECOSOC a clos les discussions en espérant que la réunion apporterait des « résultats concrets sur le terrain ».  Elle a d’ores et déjà annoncé une réunion de suivi, qui se déroulera le 20 juin, à Genève.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: Le Soudan affirme que l’embargo sur les armes l’empêche de mettre fin aux atteintes à sa souveraineté et à son intégrité territoriale

9348e séance – matin
CS/15322

Conseil de sécurité: Le Soudan affirme que l’embargo sur les armes l’empêche de mettre fin aux atteintes à sa souveraineté et à son intégrité territoriale

Le Ghana, qui préside le Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1591 (2005), chargé de surveiller l’application des sanctions applicables au Soudan a, ce matin, brièvement présenté au Conseil le rapport couvrant les activités de cet organe subsidiaire depuis le 21 mars dernier.  Le représentant soudanais a saisi l’occasion pour dénoncer l’embargo sur les armes imposé à son gouvernement et blâmer les agissements criminels des milices et des rebelles dans son pays. 

Le 12 mai dernier, le Comité a écouté son groupe d’experts lui présenter son programme de travail pour 2023 et 2024 ainsi que la situation au Darfour, a indiqué le Ghana.  À cette occasion, il a été informé des domaines dans lesquels le Groupe souhaite mener des enquêtes et réaliser un suivi, conformément au mandat qui lui a été conféré en vertu de la résolution 2676 (2023).  Le 6 juin, le Groupe d’experts a présenté son premier rapport trimestriel sur les dynamiques régionales ainsi que sur l’escalade de la violence dans certaines parties du Darfour, a encore précisé la présidence du Comité. 

À la lumière des derniers événements dans son pays, le représentant soudanais a assuré que les relations entre Khartoum et les pays voisins n’ont pas été affectées par la crise humanitaire ni par les affrontements militaires en cours.  Son gouvernement, a-t-il dit, n’a pas été informé de problèmes de sécurité nationale causés par les personnes déplacées et les réfugiés ayant traversé les frontières vers d’autres pays.  Le Gouvernement soudanais est venu à la rescousse des populations à la frontière nord-ouest du pays, aux prises avec les rebelles, auxquels l’opposition tchadienne aurait prêté main-forte, a fustigé le délégué.  Ces rebelles ont aussi envahi des zones à la frontière avec la République centrafricaine, a-t-il affirmé, fustigeant également les milices qui ont fait main basse sur des régions entières et détruit des infrastructures. 

Le délégué a demandé de faire pression sur les rebelles et les milices afin qu’elles cessent leurs crimes et permettent l’ouverture de couloirs humanitaires.  Pour lui, aucun doute, la souveraineté et l’intégrité territoriale du Soudan ont été mises à mal par l’embargo sur les armes qui empêche le Gouvernement d’assurer correctement la sécurité.  Le représentant soudanais a également accusé la communauté internationale d’avoir manqué à sa promesse d’apporter un soutien financier au désarmement et au démantèlement des milices et à la réintégration des groupes armés.

Alors qu’elles se livrent au Darfour à des trafics d’armes dans les camps, détruisent les infrastructures et les bâtiments publics, les marchés, les hôpitaux, les écoles, les stocks de médicaments, et prennent pour cible les casernes militaires et les Forces armées soudanaises, les milices doivent rendre des comptes pour leurs actes criminels dans les meilleurs délais, a exhorté le délégué, en exprimant sa crainte que ne s’installe une culture d’impunité.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: la Somalie réitère son appel à la levée de l’embargo sur les armes à la lumière de la situation sécuritaire sur le terrain

9349e séance – matin   
CS/15323

Conseil de sécurité: la Somalie réitère son appel à la levée de l’embargo sur les armes à la lumière de la situation sécuritaire sur le terrain

Le Conseil de sécurité a entendu, ce matin, le Président du Comité des sanctions créé en vertu de la résolution 751 (1992) concernant les Chabab lui présenter les activités de son organe depuis le 28 février dernier.  En réaction à cet exposé, le représentant de la Somalie a réitéré la position de son gouvernement en faveur d’une levée complète de l’embargo sur les armes, avant de dénoncer la « disparité croissante entre le régime de sanctions théorique et la façon dont il est appliqué sur le terrain », à la lumière des activités des groupes terroristes. 

Le Président du Comité 751 a, pour sa part, rappelé que l’organe a tenu ses deuxièmes consultations informelles de l’année le 2 juin afin d’entendre un exposé du Groupe d’experts sur la Somalie consacré à son rapport d’étape et de discuter des recommandations qui y sont contenues.  Cet exposé, a précisé M. Kimihiro Ishikane, du Japon, couvrait des sujets tels que les actions des Chabab et d’autres acteurs qui menacent la paix, la sécurité et la stabilité de la Somalie, les efforts du Gouvernement fédéral somalien destinés à affaiblir les Chabab, la mise en œuvre de l’embargo sur les armes et l’application de l’interdiction du charbon de bois. 

M. Ishikane a fait état de l’inscription, le 26 mai, d’une personne supplémentaire sur la liste du Comité: M. Abdullahi Osman Mohamed Caddow, également connu sous le nom d’ « ingénieur Ismail ».  Cet expert en explosifs des Chabab, également responsable de la gestion globale des opérations du groupe terroriste, est désormais soumis à l’embargo ciblé sur les armes, à l’interdiction de voyager et au gel des avoirs, a précisé le Président du Comité, avant de rappeler que les Chabab, en tant qu’entité, sont inscrits sur la liste des sanctions depuis 2014. 

Après avoir résumé les statistiques concernant les notifications d’exemption d’embargo sur les armes reçues par le Comité durant la période considérée, M. Ishikane a mentionné une lettre de la Somalie concernant l’élimination des stocks de charbon de bois existants.  Sur ce même sujet, il a indiqué que, le 18 mai, le Comité a mis à jour sa Notice d’aide à l’application n°1, qui contient des recommandations sur les procédures relatives à l’inspection des navires soupçonnés de transporter du charbon de bois en provenance de Somalie et à la saisie de charbon de bois soupçonné de provenir de Somalie par les États Membres. 

Il a par ailleurs annoncé que, le 23 mars, le Comité a décidé de prendre des mesures de suivi concernant quatre recommandations contenues dans un rapport du Groupe d’experts sur les questions humanitaires.  Deux de ces recommandations, soumises à l’examen du Conseil, consistent à charger le Groupe d’experts de faire rapport sur les conséquences humanitaires imprévues du régime de sanctions et à demander au Coordonnateur des secours d’urgence de faire rapport sur les obstacles à l’acheminement de l’aide humanitaire, à la sécurité des travailleurs humanitaires et à l’accès aux zones contrôlées par les Chabab. 

Le Président du Comité a d’autre part indiqué que son organe a reçu, le 5 avril, un rapport thématique du Groupe d’experts portant sur le conflit à Laascaanood, dans le nord de la Somalie, où des affrontements opposent la milice du SCC (du nom des régions de Sool, Sanaag et Cayn) aux forces du Somaliland. Regrettant à cet égard que certains médias aient publié des extraits ou des « extraits allégués » de ce rapport, il a réaffirmé l’importance de maintenir la confidentialité des travaux du Comité, lesquels « peuvent avoir, dans certains cas, une incidence sur la sûreté et la sécurité des experts ». 

Intervenant à sa suite, le représentant de la Somalie s’est félicité de la dernière déclaration à la presse du Conseil concernant ce conflit. Il a déclaré que le Président somalien a reçu des anciens du « SCC-Khatumo » à Mogadiscio et envoyé une délégation dans la région pour permettre un cessez-le-feu et un désengagement des forces.  Le délégué a assuré qu’une aide humanitaire est fournie aux populations déplacées et appelé à la levée de tous les obstacles à son acheminement.  Il a ajouté qu’un grand nombre de blessés ont été évacués et que le Gouvernement fédéral entreprend des efforts de réconciliation pour favoriser un rapprochement entre les clans. 

Pour ce qui est du régime de sanctions imposé à son gouvernement, le représentant de la Somalie a renouvelé son appel à la levée complète de l’embargo sur les armes.  « Il faut cibler ceux qui menacent la paix et la sécurité de la Somalie, tout en aidant le Gouvernement fédéral avec des mesures sécuritaires fortes », a-t-il plaidé, jugeant que les Forces armées somaliennes devraient bénéficier d’un « soutien logistique et militaire adéquat » pour lutter contre les groupes terroristes, à commencer par les Chabab. 

Les sanctions du Conseil qui ciblent le Gouvernement fédéral ne permettent pas à celui-ci d’assurer son mandat de protection des populations et de l’intégrité territoriale du pays, a-t-il renchéri, avant toutefois de souligner que Mogadiscio entend « endosser toute la responsabilité sécuritaire » de la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS) d’ici à 2024. Il a également réaffirmé la volonté du Gouvernement fédéral de collaborer avec le Conseil pour inscrire sur la liste des sanctions des individus, entités et soutiens, au titre de la résolution 751 (1992). 

S’agissant enfin des mesures d’interdiction du charbon de bois, le représentant s’est dit préoccupé par la confiscation des stocks qui se trouvaient à bord du navire MV Fox.  En effet, a-t-il expliqué, la vente de ces stocks permet au Gouvernement fédéral de générer des recettes et d’en faire bénéficier le peuple somalien, conformément aux objectifs visés par les résolutions pertinentes du Conseil. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale décide de l’édification d’un mur commémoratif en l’honneur des Casques bleus tombés au service de la paix

Soixante-dix-septième session,
79e séance - matin
AG/12510

L’Assemblée générale décide de l’édification d’un mur commémoratif en l’honneur des Casques bleus tombés au service de la paix

L’Assemblée générale s’est félicitée, ce matin, de l’initiative prise par les États Membres d’édifier au Siège de l’ONU, à New York, un mur commémoratif en l’honneur des Casques bleus tombés au service de la paix.  Elle a également décidé que son édification sera achevée dans un délai de trois ans. 

Adoptée par consensus, la résolution consacrée à ce sujet, présentée par l’Inde, précise que la planification, la construction, la conservation et l’entretien du mur commémoratif, seront entièrement financés au moyen de contributions volontaires. 

Au préalable, l’Assemblée générale a invité les États Membres à promouvoir les valeurs liées à la culture de la paix en vue de combattre, entre autres, la montée des inégalités, de la discrimination, de l’exclusion, des crimes de haine et de la violence.  Présentée par le Bangladesh et adoptée par consensus, la résolution exhorte en outre à dispenser aux enfants une éducation qui favorise une culture de paix et de non-violence. 

En ouverture du débat, le Président de l’Assemblée générale a constaté que la paix, « mission première des Nations Unies », était aujourd’hui menacée.  Il a rappelé que sur le 1,8 milliard de jeunes que compte la planète, un sur six vivait dans des zones de conflit, le chiffre le plus élevé depuis vingt ans, et que 100 millions de personnes avaient été déplacées par la violence, soit deux fois plus qu’il y a dix ans. 

« L’histoire de l’humanité est à un point d’inflexion, et nous devons tout simplement changer de cap », a martelé M. Csaba Kőrösi, qui a appelé à passer de la confrontation au dialogue, de la force à la raison et de la guerre à la diplomatie.  « Quiconque pense que la guerre est un meilleur moyen de réaliser les ambitions d’un pays que la coopération n’a pas sa place légitime dans notre communauté mondiale », a-t-il avertit. 

Dénonçant une époque d’escalade des tensions sans équivalent depuis la Deuxième Guerre mondiale, la Malaisie a estimé que certains phénomènes comme l’islamophobie n’étaient pas combattus avec la détermination nécessaire, une inquiétude partagée par le Koweït et le Pakistan qui a appelé à la mise en œuvre d’un plan de lutte contre ce fléau. 

Ce dernier s’est également inquiété de la montée de l’idéologie de l’hindutva visant les minorités musulmanes et chrétiennes en Inde, avertissant des risques de génocide au Jammu-et-Cachemireet en Inde.  Dénonçant des propos « profondément distordus, inexacts et malveillants », l’Inde a plaidé en faveur de la diversité religieuse et de la tolérance, rappelant sa tradition millénaire de respect de toutes les religions, et son caractère laïque consacré dans sa constitution. 

Les Émirats arabes unis ont réaffirmé leur engagement dans la lutte contre l’intolérance et les discours de haine, illustré par la résolution contre la violence, les discours de haine et l’extrémisme adoptée aujourd’hui même au Conseil de sécurité avec le Royaume-Uni.  

S’exprimant au nom du Groupe des amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, le Venezuela s’est inquiété de l’élargissement des mesures coercitives unilatérales qui menacent la paix.  Il a été rejoint sur cette ligne par la République arabe syrienne, Cuba, le Nicaragua et le Bélarus. 

Le Nicaragua a constaté de plus que la marche vers la multipolarité est entravée par ceux qui tentent de perpétuer un modèle de domination qui asphyxie toutes les cultures.  De son côté, la Chine, qui a invité les États Membres à rejoindre « l’initiative pour la civilisation mondiale » du Président Xi Jinping, a dénoncé « un petit nombre de pays » qui, sous prétexte de démocratie, créent la division au nom de leurs intérêts. 

À l’instar de nombreuses autres délégations, l’Arménie s’est inquiétée pour sa part de l’intensification des discours de haine au plus hauts niveaux politiques et a appelé l’UNESCO à protéger les sites culturels chrétiens arméniens du Haut-Karabakh menacés par l’Azerbaïdjan et à déployer une mission d’évaluation des faits sur le terrain. 

De son côté, l’Azerbaïdjan a dénoncé la destruction de 64 mosquées dans les « territoires occupés » par l’Arménie et la profanation de 900 cimetières musulmans, accusant en outre ce pays de s’adonner à un nettoyage ethnique avec l’expulsion de plus de 200 000 Azerbaïdjanais de leurs terres en trente ans de conflit. 

Citant le Mahatma Gandhi, la Guinée équatoriale a déclaré: « Il n’y pas de chemin vers la paix, la paix est le chemin. »  

L’Iran s’est également exprimé dans le cadre d’une explication de position pour regretter que certains libellés de la résolution aient été adoptés sans l’aval de toutes les délégations. 

La prochaine réunion de l’Assemblée générale sera annoncée dans le Journal des Nations Unies

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité exhorte les États à condamner publiquement la violence, les discours de haine et l’extrémisme motivés par la discrimination

9347e séance – matin
CS/15321

Le Conseil de sécurité exhorte les États à condamner publiquement la violence, les discours de haine et l’extrémisme motivés par la discrimination

Le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité, ce matin, la résolution 2686 (2023) par laquelle il exhorte les États et les organisations internationales et régionales à condamner publiquement la violence, les discours de haine et l’extrémisme motivés par la discrimination.  Cette décision est intervenue juste après une réunion organisée au niveau ministériel par la présidence émirienne du Conseil sur le thème « Les valeurs de la fraternité humaine pour la promotion et la pérennisation de la paix ».

Porté par les Émirats arabes unis et le Royaume-Uni, le texte a néanmoins suscité des réserves chez certains membres du Conseil, en particulier la France qui a souligné que si la fraternité et la tolérance sont des valeurs importantes, ce sont aussi « des concepts ambigus qui sont sujets à des interprétations parfois contradictoires ». 

Par ladite résolution, le Conseil se dit conscient que les discours de haine, le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie, les formes d’intolérance, la discrimination fondée sur le genre et les actes d’extrémisme peuvent favoriser le déclenchement, l’intensification et la récurrence des conflits et compromettre les initiatives visant à lutter contre les causes profondes des conflits et à prévenir et régler les conflits ainsi que les efforts de réconciliation, de reconstruction et de consolidation de la paix.

Le Conseil exhorte dès lors les États et les organisations internationales et régionales à condamner publiquement la violence, les discours de haine et l’extrémisme motivés par la discrimination, notamment celle fondée sur la race, l’origine ethnique, le genre, la religion ou la langue, dans le respect du droit international applicable, y compris le droit à la liberté d’expression. 

Il demande instamment aux États Membres d’encourager un enseignement de qualité pour la paix, notamment en concevant et appliquant des politiques destinées à assurer la promotion par les systèmes éducatifs du développement durable et de l’égalité des genres, contribuer à prévenir la violence sexuelle et fondée sur le genre, et inculquer les principes de tolérance et de respect d’autrui, de la diversité culturelle et de la liberté de religion ou de conviction. 

Le Conseil condamne la mésinformation, la désinformation et les incitations à la violence dirigées contre les opérations de maintien de la paix des Nations Unies dans le but de nuire à leur sécurité ou à leur capacité de s’acquitter de leurs mandats.  Il demande également aux missions de maintien de la paix et aux missions politiques spéciales des Nations Unies de surveiller la situation en ce qui concerne les discours de haine, le racisme et les actes d’extrémisme qui nuisent à la paix et à la sécurité. 

Enfin, le Conseil prie le Secrétaire général de lui présenter d’ici au 14 juin 2024, dans le cadre d’une séance publique tenue au titre de la question intitulée « Maintien de la paix et de la sécurité internationales », un exposé oral sur l’application de cette résolution dans le contexte des situations de transition vers la paix dont il est saisi.  Il le prie également de l’informer « rapidement » des menaces pour la paix et la sécurité internationales existantes à cet égard. 

Avec cette résolution, le Conseil réitère son engagement à mettre en œuvre les principes de paix et de coexistence pacifique, du respect des droits humains et de l’égalité entre les hommes et les femmes pour ramener la paix, la sécurité et le développement durable, se sont félicités les Émirats arabes unis avant le vote.  Des solutions concrètes y sont proposées pour lutter contre ceux qui alimentent le terrorisme et l’extrémisme violent.  Outre qu’elle reconnaît le rôle essentiel que jouent les femmes, les jeunes et le dialogue interconfessionnel, la résolution encourage toutes les communautés, les minorités et la société civile à apporter leur pierre à l’édifice, a expliqué la délégation. Le Conseil doit s’exprimer d’une seule voix, selon elle, et « ce texte appelle à faire face ensemble aux menaces qui pèsent sur nous ». 

Les questions religieuses n’ont pas leur place au Conseil de sécurité, a ensuite déclaré le délégué français qui a regretté une résolution « sélective » et « trop faible » sur la liberté d’expression sous toutes ses formes, les droits des femmes, les questions touchant à l’orientation sexuelle et l’identité de genre et une conception de l’extrémisme potentiellement liberticide.  La France s’opposera à toute tentative d’importer au Conseil de sécurité des questions qui n’y ont pas leur place, a-t-il averti. 

Après le vote, la Suisse a réitéré sa préoccupation du fait que le texte utilise le terme « extrémisme » sans le mot « violent ».  Ce qui laisse place à une interprétation large qui peut être utilisée de manière arbitraire contre des individus et des groupes exerçant leur liberté d’expression, a craint le délégué qui a de plus regretté l’absence de référence au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  Malte a pour sa part précisé que le terme « extrémisme » s’apparente à des actions menant au terrorisme et rejeté toute action qui violerait les droits fondamentaux des citoyens sous le prétexte de la lutte contre l’extrémisme ou le terrorisme. 

Les États-Unis ont salué une résolution dans laquelle ils voient la centralité du rôle des femmes.  Leur représentant a exhorté les membres du Conseil à appliquer cette résolution en évitant d’en faire un instrument répressif à l’endroit des défenseurs des droits humains et des minorités.  Rien dans cette résolution ne doit être lu, interprété ou invoqué de sorte à limiter, restreindre ou assortir de conditions le libre exercice des droits individuels, a renchéri l’Équateur. 

Pour le Royaume-Uni, coauteur de la résolution, ce texte permet pour la première fois d’aborder la discrimination et les persécutions que subissent un grand nombre de groupes minoritaires dans différents types de conflit, notamment les Yézidis en Iraq, les Rohingya au Myanmar et les Baha’i au Yémen.  La délégation a insisté sur le fait que la résolution dénonce non seulement l’incitation à la haine, mais aussi la mésinformation et la désinformation.  Il s’agit là, a-t-elle insisté, d’un problème qui va croissant, ce qui devrait pousser l’ONU à suivre de près les situations à risque et à alerter le Conseil de sécurité lorsque l’Organisation estime que celui-ci doit agir. 

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Texte du projet de résolution (S/2023/427)

Le Conseil de sécurité,

Soulignant que les États Membres de l’Organisation des Nations Unies sont résolus à pratiquer la tolérance et à vivre en paix l’un avec l’autre dans un esprit de bon voisinage, 

Réaffirmant que le but des Nations Unies est de réaliser la coopération internationale pour résoudre les problèmes internationaux d’ordre économique, social, culturel ou humanitaire et pour développer et encourager le respect des droits humains et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion,

Ayant à l’esprit les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et le fait que la Charte lui confère la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, ce qui inclut les activités tout au long des diverses étapes de la transition vers la paix, soit la prévention et le règlement des conflits, le maintien de la paix et la consolidation et la pérennisation de la paix,

Rappelant qu’il reste déterminé à œuvrer à la prévention des conflits armés dans toutes les régions du monde et à renforcer l’efficacité de l’Organisation des Nations Unies pour ce qui est de mettre fin aux conflits armés et d’en prévenir l’éclatement, l’escalade, la propagation et la reprise,

Insistant sur la nécessité de faire prévaloir l’état de droit et de promouvoir, protéger et respecter pleinement les droits humains, réaffirmant les droits à la liberté d’opinion et d’expression et à la liberté de religion ou de conviction reconnus en droit international, et soulignant l’importance de l’état de droit et des droits humains dans la lutte contre toutes les formes d’intolérance et de discrimination, y compris contre la discrimination fondée sur la religion ou la conviction, notamment à l’égard des non-croyants, dans la lutte contre les causes profondes des conflits et dans la prévention et le règlement des conflits, la réconciliation, la reconstruction et la consolidation de la paix,

Réaffirmant que les États doivent respecter et faire respecter les droits fondamentaux de toutes les personnes présentes sur leur territoire et relevant de leur juridiction, conformément aux dispositions pertinentes du droit international, y compris, en particulier, le droit à la liberté d’expression consacré à l’Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, et conscient à cet égard que les efforts déployés pour lutter, dans le respect du droit international, contre les discours de haine, l’intolérance et l’extrémisme favorisant le déclenchement, l’intensification et la récurrence des conflits peuvent contribuer au respect, à la protection et à la promotion des droits humains,

Conscient de l’importance que revêtent la tolérance, l’égalité, la coexistence, le dialogue, le pluralisme, le respect mutuel et la diversité des religions et des convictions, et prenant note de la Journée internationale de la fraternité humaine, proclamée par l’Assemblée générale dans sa résolution 75/200 (2020),

Se déclarant profondément préoccupé par les cas de discrimination, d’intolérance et d’extrémisme, se manifestant sous la forme de discours de haine ou d’actes de violence fondés sur la race, le sexe, l’origine ethnique, la religion ou la conviction, visant, notamment, des membres de communautés religieuses, en particulier les cas motivés par l’islamophobie, l’antisémitisme ou la christianophobie, et d’autres formes d’intolérance qui peuvent survenir avant, pendant et après un conflit armé et, à cet égard, saluant les efforts déployés par le système des Nations Unies pour lutter contre les discours de haine aux niveaux national et mondial,

Se déclarant également profondément préoccupé par le nombre de victimes de l’intolérance, de la discrimination ou de l’incitation dans les situations de conflit armé, notamment parmi les civils de diverses religions et convictions, et soulignant qu’il importe de venir en aide aux victimes et aux personnes survivantes dans les situations de conflit armé,

Demeurant vivement préoccupé par les obstacles persistants qui empêchent les femmes de concourir pleinement et véritablement, en toute égalité et en toute sécurité, à la prévention et au règlement des conflits et de participer à la vie publique au lendemain des conflits, dont la violence, l’intimidation, l’insécurité, l’absence d’état de droit, la discrimination culturelle et l’opprobre, y compris la montée de l’extrémisme et du fanatisme sexistes, ainsi que des facteurs socioéconomiques tels que l’impossibilité de s’instruire et, à cet égard, considérant que la marginalisation des femmes risque de retarder ou d’entraver l’instauration d’une paix durable et de bonnes conditions de sécurité, ainsi que la réconciliation,

Exprimant sa vive préoccupation face aux actes qui incitent à la haine raciale ou religieuse, en violation du droit international des droits humains, et qui menacent ainsi l’esprit de tolérance, l’inclusion et le respect de la diversité,

Se déclarant gravement préoccupé par les cas de violences intercommunautaires qui se sont intensifiées sous l’effet des discours de haine, de la mésinformation et de la désinformation, notamment dans les médias sociaux,

Conscient de l’importance de l’éducation et du rôle de la société civile, y compris des organisations locales de la société civile, des jeunes, des femmes et des artisans de la consolidation de la paix et, le cas échéant, du secteur privé, des milieux universitaires, des groupes de réflexion, des médias en ligne et hors ligne, y compris les plateformes Internet telles que les médias sociaux, des personnalités culturelles et des dignitaires religieux dans la promotion de la tolérance et de la coexistence pacifique à l’appui des efforts visant à consolider et à pérenniser la paix,

Soulignant la contribution que les communautés ethniques, religieuses et confessionnelles et les dignitaires religieux peuvent apporter à la prévention et au règlement des conflits, à la réconciliation, à la reconstruction, à la consolidation de la paix et à l’action visant à s’attaquer aux causes profondes des conflits, soulignant également la contribution positive des initiatives visant à promouvoir la tolérance et la coexistence pacifique, et saluant l’action menée par les dignitaires religieux pour promouvoir le dialogue et l’entente entre les religions,

Réaffirmant que la violence sexuelle, utilisée ou commanditée comme méthode ou tactique de guerre ou dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre des populations civiles, peut considérablement exacerber et prolonger les conflits armés et compromettre le rétablissement de la paix et de la sécurité internationales,

Déplorant vivement tous les actes de violence visant des personnes en raison de leur religion ou de leurs convictions et tous ceux visant leurs lieux de culte, de même que tous les attentats perpétrés, en violation du droit international, notamment la Charte des Nations Unies, contre et dans des lieux de culte, des sites religieux et des sanctuaires,

Conscient du rôle important que le patrimoine culturel peut jouer dans la promotion de la réconciliation, de la consolidation de la paix, de la tolérance et de la coexistence pacifique,

Soulignant l’importance des activités de communication stratégique pour, notamment, contribuer à contrer la désinformation et la mésinformation afin de renforcer la capacité des opérations de maintien de la paix des Nations Unies de s’acquitter de leurs mandats et d’améliorer la sécurité et la sûreté des soldats de la paix,

1.    Est conscient que les discours de haine, le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie, les formes d’intolérance qui y sont associées, la discrimination fondée sur le genre et les actes d’extrémisme peuvent favoriser le déclenchement, l’intensification et la récurrence des conflits et compromettre les initiatives visant à lutter contre les causes profondes des conflits et à prévenir et régler les conflits ainsi que les efforts de réconciliation, de reconstruction et de consolidation de la paix;

2.    Exhorte les États et les organisations internationales et régionales à condamner publiquement la violence, les discours de haine et l’extrémisme motivés par la discrimination, notamment celle fondée sur la race, l’origine ethnique, le genre, la religion ou la langue, dans le respect du droit international applicable, y compris le droit à la liberté d’expression;

3.    Encourage toutes les parties prenantes concernées, y compris les dignitaires religieux et les dirigeants locaux, les entités médiatiques et les plateformes de médias sociaux, ainsi que les personnes pouvant jouir de crédit ou influentes au sein de la communauté, à dénoncer les discours de haine et à élaborer et échanger de bonnes pratiques en matière de promotion de la tolérance et de la coexistence pacifique, et à lutter, dans le respect du droit international applicable, contre les discours de haine et l’extrémisme qui conduit à un conflit ou l’exacerbe et fait obstacle à une paix et à une réconciliation durables;

4.    Est conscient de l’importance du dialogue interreligieux et interculturel ainsi que du rôle qu’il joue dans la promotion de la cohésion sociale, de la paix et du développement, et demande aux États Membres de prendre en compte, selon qu’il conviendra et si les circonstances le permettent, le dialogue interreligieux et interculturel comme un élément important des efforts faits pour la paix et la stabilité sociale et pour atteindre tous les objectifs de développement arrêtés au niveau international, tout au long des diverses étapes de la transition vers la paix;

5.    Invite instamment les États à promouvoir la participation pleine, égale et véritable, en toute sécurité, et le rôle moteur des femmes à la prise de décisions à tous les niveaux, dans le cadre des efforts visant à promouvoir la tolérance et une paix durable et inclusive, et à renforcer la cohésion sociale et la résilience des communautés ainsi que l’autonomisation économique des femmes et l’égalité des genres, salue le rôle que jouent l’initiative des femmes dans la prévention et le règlement des conflits et leur contribution à la prévention de la propagation de l’intolérance et de l’incitation à la haine, et rappelle le programme pour les femmes et la paix et la sécurité défini dans sa résolution 1325 (2000) et les résolutions connexes;

6.    Réaffirme l’obligation faite aux États de respecter, de promouvoir et de protéger les droits humains et les libertés fondamentales de tous les individus, de garantir l’égalité d’accès à la justice et de préserver l’intégrité des institutions garantes de l’état de droit, ainsi que d’offrir à tous ceux qui œuvrent en faveur de la paix et de la sécurité un environnement porteur et sûr, notamment en protégeant l’espace civique et politique et en condamnant les discours de haine et les incitations à la violence;

7.    Encourage les États à associer les acteurs de la société civile concernés, les communautés locales, le secteur privé et d’autres acteurs non gouvernementaux, à l’élaboration de stratégies visant à lutter contre l’intolérance et l’extrémisme qui porte atteinte aux droits humains et nuit à la cohésion sociale, en donnant aux femmes, aux jeunes, aux familles et aux responsables religieux, culturels et éducatifs ainsi qu’aux dirigeants locaux, y compris les communautés raciales et ethniques, aux personnes ayant de l’influence et de l’autorité au sein de la communauté et à tous les autres groupes concernés de la société civile les moyens d’agir;

8.    Demande instamment aux États Membres d’encourager un enseignement de qualité pour la paix, notamment en concevant et appliquant des politiques destinées à assurer la promotion par les systèmes éducatifs du développement durable et de l’égalité des genres, contribuer à prévenir la violence sexuelle et fondée sur le genre et inculquer les principes de tolérance et de respect d’autrui, de la diversité culturelle et de la liberté de religion ou de conviction;

9.    Encourage les États à prévenir la propagation d’idéologies intolérantes et l’incitation à la haine, dans le cadre d’une éducation visant à promouvoir la tolérance, les droits humains et le dialogue interreligieux et interculturel;

10.   Condamne la mésinformation, la désinformation et les incitations à la violence dirigées contre les opérations de maintien de la paix des Nations Unies dans le but de nuire à leur sécurité ou à leur capacité de s’acquitter de leurs mandats;

11.   Demande aux missions de maintien de la paix et aux missions politiques spéciales des Nations Unies, dans le cadre de leurs mandats respectifs, de surveiller la situation en ce qui concerne les discours de haine, le racisme et les actes d’extrémisme qui nuisent à la paix et à la sécurité, et de l’en informer dans les rapports périodiques qu’elles lui présentent;

12.   Encourage tous les représentants spéciaux et envoyés spéciaux du Secrétaire général, en coordination avec les parties prenantes concernées, à user de leurs bons offices pour soutenir les initiatives de paix locales et, le cas échéant, à associer les communautés locales, les femmes, les jeunes, la société civile et les dignitaires religieux aux processus de médiation des accords de paix et à leurs mécanismes de mise en œuvre;

13.   Engage la Commission de consolidation de la paix à continuer de mettre pleinement son rôle à profit pour convoquer les organes de l’Organisation des Nations Unies, les États Membres, les autorités nationales et toutes les autres parties prenantes concernées, notamment les organisations régionales et sous-régionales et les institutions financières internationales, afin de veiller à une démarche intégrée, stratégique, cohérente, coordonnée et tenant compte des questions de genre à l’égard de la consolidation et de la pérennisation de la paix, et en particulier, de promouvoir la tolérance et de lutter contre les discours de haine tout au long des diverses étapes de la transition vers la paix, conformément au droit international;

14.   Encourage les entités concernées des Nations Unies à multiplier les activités mettant l’accent sur l’éducation afin que les jeunes comprennent mieux les valeurs que sont la paix, la tolérance, la bienveillance, l’ouverture aux autres et le respect mutuel, qui sont essentielles à la promotion de la culture de paix;

15.   Encourage le Secrétaire général à prendre en compte et intégrer dans les rapports pertinents les enseignements et les meilleures pratiques concernant la participation des groupes, des institutions et des dignitaires religieux, y compris les femmes, ainsi que des communautés locales, à la médiation et à la mise en œuvre des accords de paix, aux initiatives visant à la prévention et au règlement des conflits, à la réconciliation, à la reconstruction, à la consolidation de la paix et à l’action visant à s’attaquer aux causes profondes des conflits;

16.   Prie le Secrétaire général, en se servant des informations provenant des sources disponibles du système des Nations Unies, telles que les équipes de pays, le personnel des opérations de maintien de la paix et d’autres membres du personnel des Nations Unies, de lui présenter d’ici au 14 juin 2024, dans le cadre d’une séance publique tenue au titre de la question intitulée « Maintien de la paix et de la sécurité internationales », un exposé oral sur l’application de la présente résolution dans le contexte des situations de transition vers la paix dont il est saisi, prie également le Secrétaire général de l’informer rapidement des menaces pour la paix et la sécurité internationales existantes à cet égard, et déclare son intention de prêter toute l’attention voulue aux informations communiquées par le Secrétaire général lorsque de telles situations seront portées à son attention.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Plaidoyer au Conseil de sécurité pour que les « valeurs de la fraternité humaine » soient mises au service de la promotion et de la pérennisation de la paix

9346e séance – matin 
CS/15320

Plaidoyer au Conseil de sécurité pour que les « valeurs de la fraternité humaine » soient mises au service de la promotion et de la pérennisation de la paix

À l’initiative de sa présidence émirienne, le Conseil de sécurité a examiné ce matin les moyens de mettre en œuvre une approche fondée sur « les valeurs de la fraternité humaine pour la promotion et la pérennisation de la paix » dans un monde qui n’a jamais compté autant de conflits depuis 1945.  La séance d’information entendait s’inspirer du document « La fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune », cosigné par le pape François et le grand imam d’Al-Azhar en février 2019, et sur la résolution 75/200 (2020) de l’Assemblée générale.

Le Secrétaire général de l’ONU et les membres du Conseil, dont quatre représentés au niveau ministériel, ont insisté sur l’éducation et le renforcement du rôle des dignitaires religieux pour prévenir l’instrumentalisation de la religion à des fins négatives, après avoir entendu le grand imam de l’Université Al-Azhar Al-Sharif, M. Ahmed Al-Tayeb, ainsi que l’archevêque Paul Richard Gallagher, Secrétaire pour les relations avec les États du Saint-Siège et une représentante de la société civile, Mme Latifa Ibn Ziaten, mère d’une victime du terrorisme qui cherche depuis lors à détourner les jeunes de la violence. 

Bien que l’ONU se tienne « en marge de toutes les confessions », M. António Guterres, citant son prédécesseur Dag Hammarskjöld, a présenté l’Organisation comme « un instrument de foi qui s’inspire de ce qui unit les grandes religions du monde, plutôt que de ce qui les divise » et qualifié les chefs religieux d’« alliés incontournables dans notre quête commune de paix dans le monde ».  Trop souvent, lorsqu’un conflit éclate ou s’envenime, le dénominateur commun est la haine de l’autre, a déploré le Secrétaire général, qui a dit avoir constaté partout dans le monde un déferlement de xénophobie, de racisme et d’intolérance, de misogynie violente, d’islamophobie, d’antisémitisme virulent et d’attaques contre des minorités chrétiennes. 

Le Secrétaire général a reconnu que la diabolisation de l’autre, le dénigrement de la diversité et le mépris des droits humains ne sont pas des fléaux nouveaux mais il a jugé inédites leur rapidité et leur portée, d’autant plus que les médias sociaux ont doté ceux qui sèment la haine d’un porte-voix mondial pour répandre leur fiel.  Aujourd’hui, aucun complot n’est trop scandaleux pour trouver un vaste public, aucun mensonge n’est trop absurde pour alimenter un « délire » en ligne, a déploré le Chef de l’ONU, appuyé ensuite par plusieurs délégations, dont le Brésil, la Suisse et le Ghana, lequel, par la voix de son ministre de l’environnement, de la science, de la technologie et de l’innovation, s’est inquiété des contenus en ligne extrémistes, qui trouvent une certaine résonance auprès des jeunes.  De fait, a rappelé M. Guterres, les auteurs des attaques haineuses contre la mosquée de Christchurch en Nouvelle-Zélande, la synagogue de Pittsburgh et l’église de Charleston aux États-Unis avaient tous été radicalisés en ligne. 

Le Secrétaire général a mis en avant « Notre Programme commun », qui promeut un Pacte numérique mondial en vue d’un avenir numérique fermement ancré dans les droits humains et la non-discrimination.  Pour lutter contre les formes d’extrémisme violent, le Japon a mis en avant son approche, expérimentée dans l’est de Java en Indonésie, pour prévenir le recrutement via Internet et soutenue par le Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour la sécurité humaine.

Redonner l’espoir à la jeunesse est aussi le combat de onze années mené par Mme Ibn Ziaten lors de ces visites en France et dans le monde, dans les maisons d’arrêt, dans la rue.  Elle a expliqué que ce qui l’a le plus inquiété est l’absence « de rêve », chez ces jeunes. 

Ni l’islam ni les autres religions n’ont quoi que ce soit à voir avec le terrorisme, a défendu le grand Imam d’Al-Azhar, pour qui le terrorisme est provoqué par des politiques hégémoniques mondiales, des philosophies matérialistes et économiques qui n’ont que faire des principes moraux.  Un point de vue partagé par l’archevêque Gallagher, qui a exhorté à sortir de la logique de la légitimité de la guerre pour que la paix devienne une réalité.

Il faut encourager le dialogue interreligieux et interculturel, ont insisté le Ministre des affaires étrangères du Gabon et la Ministre de l’Administration et de la fonction publique du Mozambique.  Cette dernière a rappelé que c’est bien la médiation du Saint-Siège qui a été à l’origine de la signature, en 1992, de l’Accord de paix de Rome entre le Gouvernement de son pays et la rébellion de la Résistance nationale mozambicaine (RENAMO), qui a mis fin à la guerre civile.  La Fédération de Russie a quant à celle salué l’action de l’Alliance des civilisations de l’Organisation des Nations Unies, l’appelant à poursuivre son travail utile pour promouvoir l’éducation à la paix et à la citoyenneté mondiales. 

Il faut répondre aux menaces avant qu’il ne soit trop tard, a averti la Ministre d’État des Émirats arabes unis, qui a évoqué les crimes de guerre et contre l’humanité commis au Rwanda et en ex-Yougoslavie.  Elle a rappelé que son pays avait proposé un projet de résolution pour répondre justement aux défis de la haine et de l’intolérance, lequel a été adopté par le Conseil plus tard dans la journée. 

Plusieurs des membres du Conseil ont en outre évoqué le rôle de l’éducation et des femmes dans la prévention de l’intolérance, à l’image des délégations de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis.  Ces derniers ont assuré que le Conseil est sans équivoque sur les libertés et droits fondamentaux des femmes, notamment le droit de participer à la vie publique, qui augmente les chances d’une paix juste et pérenne.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Les valeurs de la fraternité humaine pour la promotion et la pérennisation de la paix (S/2023/417)

Déclarations

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a, d’entrée, mis en avant le rôle des chefs religieux en tant qu’« alliés incontournables » dans notre quête commune de paix dans le monde.  Citant les propos de son prédécesseur Dag Hammarskjöld, M. Guterres a rappelé que « l’ONU se tient en marge de toutes les confessions. Mais c’est néanmoins un instrument de foi qui s’inspire de ce qui unit les grandes religions du monde, plutôt que de ce qui les divise ». 

Toutes les grandes religions mobilisent les impératifs de fraternité humaine, de respect mutuel et de compréhension, des valeurs universelles qui animent la Charte des Nations Unies et qui sont au cœur de l’action de l’ONU en faveur de la paix, de la justice et des droits humains, a fait observer le Secrétaire général.

Maintenir la paix et empêcher la guerre, c’est la raison d’être de ce Conseil, a rappelé M. Guterres qui a déploré que, trop souvent, le dénominateur commun, lorsqu’un conflit éclate ou s’envenime, soit la haine de l’autre.  Il a dit avoir constaté partout dans le monde un déferlement de xénophobie, de racisme et d’intolérance, de misogynie violente, d’islamophobie, d’antisémitisme virulent et d’attaques contre des minorités chrétiennes.  Les mouvements suprémacistes et néonazis sont aujourd’hui la principale menace à la sécurité intérieure de plusieurs pays, celle qui évolue le plus rapidement, a-t-il averti. 

Certes, a constaté le Secrétaire général, la diabolisation de l’autre, le dénigrement de la diversité et le mépris des droits humains ne sont pas des fléaux nouveaux mais leur rapidité et leur portée sont inédites, d’autant plus que les médias sociaux ont doté ceux qui sèment la haine d’un porte-voix mondial pour répandre leur fiel.  Aujourd’hui, aucun complot n’est trop scandaleux pour trouver un vaste public, aucun mensonge n’est trop absurde pour alimenter un « délire » en ligne. M. Guterres a dénoncé tant les affirmations non vérifiées que les purs mensonges, qui peuvent acquérir une crédibilité instantanée, au même titre que les faits et la science. 

Ces situations sont souvent acceptées, voire encouragées par les dirigeants politiques, a ajouté le Secrétaire général.  Des idées et des propos haineux, jadis marginaux, intègrent le courant dominant, durcissent le discours public et déclenchent des violences réelles.  Les auteurs des attaques haineuses contre la mosquée de Christchurch, la synagogue de Pittsburgh et l’église de Charleston avaient tous été radicalisés en ligne, a-t-il affirmé. 

L’ONU elle-même n’est pas à l’abri de cette menace, a déploré M. Guterres, citant un sondage mené en 2022 parmi les Casques bleus, qui révélait que 75% d’entre eux considéraient leur sécurité et leur sûreté comme étant directement menacées par la mésinformation et la désinformation. 

Bon nombre de questions dont le Conseil est saisi sont directement influencées par les discours de haine amplifiés par les technologies modernes, a rappelé le Secrétaire général, qui a multiplié les exemples au sein d’une liste qui, a-t-il ajouté, ne fait que s’allonger.  Il a ainsi cité la Bosnie-Herzégovine et la Libye, la République démocratique du Congo et la République centrafricaine, le Myanmar ou encore l’Iraq, où la récente prolifération de discours de haine contre les Yézidis à Sinjar fait renaître, parmi la communauté, la crainte de nouvelles atrocités criminelles. 

Pour le Chef de l’ONU, il faut renforcer collectivement nos défenses, d’abord en enrayant la haine qui se propage en ligne.  Il a rappelé avoir lancé, en début de semaine, une note d’information pour promouvoir l’intégrité de l’information sur les plateformes numériques.  Il a suggéré un code de conduite, qui pourrait aider les États Membres, les plateformes numériques et d’autres parties prenantes à rendre l’espace numérique plus inclusif et plus sûr pour chacun, tout en défendant le droit à la liberté d’opinion et d’expression et le droit d’accès à l’information.  Il a cité Notre Programme commun, qui promeut un Pacte numérique mondial en vue d’un avenir numérique fermement ancré dans les droits humains et la non-discrimination.

Dans un monde qui se compte des sociétés de plus en plus multiethniques et multireligieuses, le Secrétaire général a appelé à investir dans la cohésion sociale et reconnaître la diversité comme une richesse de toute société, et non comme une menace.  La haine prend racine dans le terreau de l’ignorance et de la peur, a-t-il expliqué, avant de défendre une éducation de qualité pour tous, partout, encourageant le soutien à des systèmes éducatifs qui inculquent le respect de la science et qui célèbrent l’humanité dans toute sa diversité.  Cela passe par une hausse des financements pour l’éducation, la consolidation de la paix et la solidarité mondiale, a-t-il ajouté.

Enfin, le Secrétaire général a exhorté chacun à renforcer les valeurs de compassion, de respect et de fraternité humaine et à garantir des espaces civiques libres et sûrs.  À ses yeux, les chefs religieux doivent intervenir partout, car, ils ont le devoir d’empêcher l’instrumentalisation de la haine parmi leurs fidèles. 

Dans ce contexte, le Secrétaire général a présenté la déclaration sur « la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune », corédigée par le pape François et le grand imam d’Al-Azhar Ahmed Al-Tayeb, comme un modèle de compassion et de solidarité humaine.  En cette période de conflits, M. Guterres a appelé à s’inspirer de cette déclaration et renouveler notre attachement à rester unis, comme une seule famille humaine.  Ensemble, nouons une alliance de paix, ancrée dans les valeurs de la fraternité humaine.  Riches en diversité, égaux en dignité et en droits et unis en solidarité, a-t-il conclu.

M. AHMED AL-TAYEB, grand imam de Haram el-Charif et Président du Conseil musulman des Sages, a affirmé d’emblée que la religion musulmane n’épargne aucun effort dans la promotion de la paix entre les peuples et essaie de renforcer les principes de la fraternité humaine, du respect mutuel et de la coexistence.  Le grand imam s’est dit convaincu de l’importance du rôle des religions et des valeurs de la fraternité humaine dans la quête de la paix au niveau international. Se présentant comme « un simple musulman qui ne s’inscrit dans aucun courant politique, quelles que soient les origines ou les idéologies de ces courants », M. Al-Tayeb s’est dit fervent défenseur de la paix, qu’il a souhaité à toute l’humanité. Pour lui, ce sentiment profond de fraternité relie tous les individus, quelles que soient les activités, les religions, les croyances ou les langues.  C’est l’enseignement de l’islam, des livres saints en particulier du Coran, a-t-il ajouté. 

Pour le Président du Conseil musulman des Sages, Dieu veut que, dans ses différences, l’humanité vive en paix jusqu’à la fin des temps.  Toute tentative visant à unir de force les peuples en une seule religion, une seule culture, une seule civilisation est contraire à la volonté du Créateur de tous les êtres.  Selon lui, le Coran consacre avec beaucoup de clarté le droit à la liberté d’opinion et de croyance, ainsi que les responsabilités individuelles, familiales et communautaires.  Il interdit la violation de ces droits.  Dans le Coran, nul n’est obligé d’abandonner sa foi.  Toutes les religions, les langues et les cultures, les civilisations devraient se fonder sur la paix et la sécurité.  L’humanité a été créée pour que les peuples et les tribus puissent se connaître les uns les autres. 

Dans le domaine des relations internationale, le Coran rejette la promotion des conflits et la confrontation, a poursuivi le grand imam.  De même, on ne peut pas mettre en avant la discrimination raciale, la théorie de la suprématie blanche n’a pas sa place et l’intolérance non plus.  La relation acceptable entre les peuples est une relation de paix. 

L’islam n’est pas une religion de la guerre et de l’épée, a insisté le grand imam, pour qui l’histoire enseigne que la guerre est une circonstance exceptionnelle, une nécessité de défense légitime pour protéger son honneur, sa dignité ou sa terre.  Ni l’islam ni les autres religions n’ont quoi que ce soit à voir avec le terrorisme, a poursuivi M. Al-Tayeb, pour qui le terrorisme est provoqué par des politiques hégémoniques mondiales, des philosophies matérialistes et économiques qui n’ont que faire des principes moraux.  « Je vous appelle à mettre fin à ces guerres insensées qui enflamment notre monde et notre région aujourd’hui comme en Iraq, en Afghanistan et au Yémen », a déclaré le grand imam, qui a en outre attiré l’attention sur les lieux sacrés musulmans en Palestine et les souffrances immenses du peuple palestinien, qui se heurte à cause de l’arrogance, la cruauté et à la tyrannie.  Déplorant le silence de la communauté internationale face aux violations des droits du peuple palestinien, il a appelé à accélérer immédiatement la reconnaissance d’un État palestinien. 

M. Al-Tayeb a exhorté à mettre fin immédiatement à la catastrophe que constitue « la guerre qui déchire la frontière orientale de l’Europe », et à protéger les populations innocentes et les réfugiés, y compris ceux qui fuient les persécutions religieuses.  Il a par ailleurs dénoncé la confiscation du droit de l’enfant à vivre avec sa mère biologique ainsi que la destruction de l’environnement. 

Ces crises auraient pu être évitées si notre civilisation et si notre culture n’avaient pas répugné de façon excessive la religion et n’avaient pas fermé les yeux sur les enseignements religieux, si nous avions tiré un enseignement du divin, si nous avions fait attention au caractère sacré de la vie, à la valeur de la justice, a estimé le grand imam, qui a défendu le rôle indispensable de la religion dans la stabilité des sociétés. 

M. Al-Tayeb a exhorté à promouvoir le message de paix et d’amour du mieux possible, et appelé à contrer tous les discours de haine et la manipulation des religions et des doctrines, qui sèment la guerre entre les nations et qui insufflent la peur et la terreur dans le cœur de l’homme.  Pour lui, c’est la mission du partenariat entre Al-Azhar al-Charif et l’Église catholique, qui tente de raviver la culture du dialogue entre les croyants et de consolider les principes de la paix et de la coexistence harmonieuse.

M. Al-Tayeb a rappelé qu’avec le pape François, il avait écrit le livre Fraternité humaine en faveur de la paix, qui a été présenté au monde à Abou Dhabi le 4 février 2019.  Dans ce document, les deux dignitaires religieux soulignent que la fraternité humaine sert de fondation à la paix et à la sécurité internationales. Avec d’autres religions, le grand imam a annoncé l’organisation d’un rassemblement des chefs religieux afin d’identifier des responsabilités partagées et de trouver des solutions face aux crises. Ces efforts nécessitent le soutien des dirigeants politiques et des décideurs de la communauté internationale, a-t-il déclaré, avant de conclure en assurant que la seule façon de régler les crises qui touchent le monde aujourd’hui est de faire nôtre la fraternité humaine. 

Mgr PAUL RICHARD GALLAGHER, Secrétaire pour les relations avec les États du Saint-Siège, a invité le Conseil, « en ces temps où nous vivons une troisième guerre mondiale menée en ordre dispersé », qui, au fil du temps, semble se généraliser, à mettre de côté les idéologies et les visions étroites, les idées et les intérêts partisans, et à cultiver un objectif unique: travailler pour le bien de l’humanité tout entière.  Si le monde globalisé d’aujourd’hui nous a tous rapprochés, il ne nous a pas rendus pour autant plus fraternels, a déploré l’archevêque, rejetant les nouvelles idéologies, caractérisées par la généralisation de l’individualisme, de l’égocentrisme et du consumérisme matérialiste, qui affaiblissent les liens sociaux, en alimentant la mentalité du « jetable » et de l’abandon des plus faibles et de ceux qui sont considérés comme « inutiles ».  Il s’est élevé contre ce genre de coexistence humaine, l’assimilant à la formule latine do ut des ou le « donnant donnant », la qualifiant d’égoïste.

Avec la création des Nations Unies, il semblait que le monde avait appris, après deux terribles guerres mondiales, à s’orienter vers une paix plus stable, à devenir enfin une famille de nations.  Or, a déploré Mgr Gallagher, il semble que l’humanité est en train de reculer avec ce qu’il a qualifié de montée des nationalismes « myopes, extrémistes, rancuniers et agressifs », engendrant des conflits non seulement anachroniques et dépassés, mais encore plus violents.  En tant qu’homme de foi qui croit en la paix pour l’humanité, il n’a pu faire que l’amer constat qu’à cause de la guerre, ce rêve merveilleux est en train de se transformer en cauchemar.  Il a en effet pointé du doigt les profits économiques découlant de la vente des armes, dit-il, souillé par le sang des innocents. 

Notant qu’il faut plus de courage pour renoncer aux profits faciles au nom du maintien de la paix que pour vendre des armes toujours plus sophistiquées et plus puissantes, il a exhorté à sortir de la logique de la légitimité de la guerre pour que la paix devienne une réalité.  Car, a-t-il mis en garde, avec les armes nucléaires et les armes de destruction massive, le champ de bataille est devenu pratiquement illimité et les effets potentiellement catastrophiques.  C’est pourquoi, a-t-il insisté, le temps est venu de dire un « non catégorique » à la guerre, d’affirmer que les guerres ne sont pas justes, mais que seule la paix est juste: une paix stable et durable, bâtie non pas sur l’équilibre précaire de la dissuasion, mais sur la fraternité qui nous unit. 

Construire la paix est un métier qui exige passion et patience, expérience et clairvoyance, ténacité et dévouement, dialogue et diplomatie, a-t-il reconnu. « Mais cette paix n’est possible que si elle est vraiment désirée! »  L’archevêque a dit vouloir trouver dans le Conseil de sécurité « ces caractéristiques fondamentales » de la paix.  Il est encore temps d’écrire un nouveau chapitre de paix dans l’histoire, a-t-il encouragé, se disant convaincu que « nous pouvons le faire de telle sorte que la guerre appartienne au passé et non à l’avenir ».  En attendant, il a assuré de son soutien et de ses prières en faveur de la paix et de tout processus et initiative de paix, souhaitant de tout cœur que non seulement ce Conseil de sécurité, mais aussi l’Organisation des Nations Unies tout entière et ses États Membres, puissent toujours rendre un service efficace à l’humanité.  « Heureux les artisans de paix », a-t-il conclu en citant l’Évangile.

Au nom de la société civile, Mme LATIFA IBN ZIATEN, fondatrice et Présidente de l’association Imad pour la jeunesse et la paix, a rappelé que sa mission, qui consiste à donner aux jeunes les moyens d’être des agents de la paix, est née d’une tragédie liée à la perte de son fils bien-aimé, Imad, âgé de 30 ans, qui servait la République, assassiné lors d’une attaque extrémiste en 2012.  Elle a expliqué avoir refusé de sombrer dans la souffrance et avoir voulu, au contraire, savoir qui était ce jeune qui avait tué son fils, et surtout pourquoi. 

Mme Ibn Ziaten a expliqué qu’en examinant le parcours de l’assassin, elle avait découvert que ce jeune n’avait ni éducation, ni amour, ni une personne pour le guider et l’accompagner.  Dès lors, s’est-elle interrogée, comment peut-on tomber dans le piège du terrorisme aujourd’hui?  En tant que femme de terrain, qui a sillonnée la France et le monde pendant onze ans, elle a dit avoir compris l’importance de l’éducation.  En effet, en l’absence de parents, de l’école, de la société, toute cette jeunesse est perdue. 

Disant n’être pas experte mais se fier à son expérience et à son interaction régulière avec les jeunes, Mme Ibn Ziaten a constaté une grande fracture.  Cette jeunesse un peu perdue est dans la « souffrance ».  Elle le voit dans les maisons d’arrêt, dans les foyers, dans la rue, où des jeunes sont livrés à eux-mêmes.  Pourquoi en sommes-nous là? a-t-elle demandé.  Elle a expliqué qu’elle travaillait avec les jeunes sur la tolérance, le vivre-ensemble et l’amour, afin de leur donner la force de continuer et d’avancer.  Mais cela doit être un travail en commun de la famille, de l’école, de la société et de l’État, a-t-elle martelé.

Regrettant que certains parents aient baissé les bras, Mme Ibn Ziaten a reconnu que l’école, à elle seule, ne peut accompagner un enfant livré à lui-même qui, dans la plupart des cas, est orienté vers une formation professionnelle. Au bout de six mois, cet enfant, qui ne sait ni lire, ni écrire, abandonne l’école et devient une « bombe à retardement », a-t-elle déploré.

Tout en reconnaissant qu’il n’est pas facile d’être parent aujourd’hui, Mme Ibn Ziaten a recommandé à ceux qui le sont d’être attentifs et de dialoguer avec leurs enfants pour pouvoir les accompagner.  Ce qui l’inquiète le plus c’est de constater que des jeunes de 14 ans ne « rêvent plus », n’ont plus d’espoir. Ceux-là doivent « démarrer leur moteur », car personne ne le fera à leur place, a-t-elle affirmé. Ayez confiance en vous, croyez en vous, a-t-elle lancé, rappelant qu’elle avait rencontré des milliers de jeunes, empêché nombre d’entre eux à se rendre en Syrie et travaillé avec des mères et des enfants de retour de ce pays.  Après avoir expliqué qu’elle avait promis à ces jeunes qu’elle continuerait son combat jusqu’au bout, Mme Ibn Ziaten a dit avoir besoin de l’aide de tous pour dialoguer et trouver des solutions ensemble afin de vivre dans la paix, la fraternité et la tolérance.

Mme NOURA BINT MOHAMMED AL KAABI, Ministre d’État des Émirats arabes unis, a rappelé que le monde compte le plus grand nombre de conflits depuis 1945, tandis que les discours de haine se répandent et que des minorités sont attaquées.  L’incitation à la haine peut déboucher sur la commission de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, a-t-elle averti, en mentionnant les exemples du Rwanda ou de l’ex-Yougoslavie.  Elle a estimé que le Conseil de sécurité s’acquitte de son mandat en se penchant sur un tel sujet.  « Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur les défis soulevés par l’extrémisme violent. » 

La Ministre a expliqué que cette séance vise à réaffirmer l’engagement collectif en faveur de la coexistence pacifique.  Elle a aussi demandé que les femmes aient voix au chapitre tant celles-ci jouent un rôle important dans les processus de dialogue et de réconciliation. Les dignitaires religieux ont également toute leur place dans lesdits processus.  Enfin, elle a dit avoir proposé un projet de résolution pour répondre aux défis de la haine et de l’intolérance.  Nous devons répondre aux menaces avant qu’il ne soit trop tard, a-t-elle conclu.

M. HERMANN IMMONGAULT, Ministre des affaires étrangères du Gabon, a rappelé qu’il y a plus de quatre ans, le 4 février 2019 à Abou Dhabi, le pape François et le grand imam d’Al-Azhar, le cheik Ahmed el-Tayeb, avaient signé le document intitulé « La fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune », un appel solennel à mettre fin aux guerres, à condamner le terrorisme et l’extrémisme violent et à dialoguer en permanence de manière sincère et franche.  Il a estimé qu’en faisant du 4 février la Journée internationale de la fraternité humaine, l’Assemblée générale a pris la mesure de l’exigence d’action fondée sur l’unité, la solidarité et la coopération multilatérale face aux « actes qui incitent à la haine et qui menacent l’esprit de tolérance et le respect de la diversité ».  À cette aune, il a appuyé le projet de résolution présenté par les Émirats arabes unis, y voyant un engagement à promouvoir les valeurs qui fondent les Nations Unies. 

Pour le Chef de la diplomatie gabonaise, c’est par une plus grande fraternité et solidarité entre les peuples du monde que nous pouvons sortir des cycles chroniques de crises que connaît le monde.  « Et c’est par la tolérance, le pluralisme, le respect mutuel et la diversité des convictions que nous ferons prospérer la fraternité humaine », a-t-il ajouté, appelant à faire prévaloir ces valeurs au-delà des différences raciales, religieuses ou communautaires.  Assurant que « l’humanité est fraternelle lorsqu’elle dialogue », il a souligné que sortir de la logique de dialogue revient à ouvrir la porte à l’inconnu, à la confrontation, à la défiance et au repli identitaire.  C’est pourquoi, a-t-il dit, partout où la sécurité est rompue ou menacée, nous devons plus que jamais nous réunir et dialoguer.  Avant de conclure, le Ministre a jugé crucial de condamner toutes les pratiques et attitudes qui menacent la vie aussi bien dans leurs manifestations que dans leurs causes profondes, avant de réitérer sa foi en Dieu et d’appeler chacun à préserver le « don de la vie ». 

Mme ANA COMOANE, Ministre de l’administration et de la fonction publique du Mozambique, a rappelé que les droits à la liberté de pensée, de conscience et de religion sont inscrits dans la Charte des Nations Unies et dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, lesquelles réaffirment l’universalité des valeurs de fraternité humaine.  Pour promouvoir et soutenir la paix, nous devons donc refléter ces valeurs dans nos politiques, nos cultures et nos religions.  La Ministre a exprimé sa profonde préoccupation face à la direction que prend le monde aujourd’hui avec l’intolérance, les discours de haine et le racisme, qui conduisent à un climat de méfiance et de peur qui, à son tour, dégénère en conflits.  Les lieux de culte tels que les églises, les mosquées et les synagogues ne doivent pas être utilisés comme « incubateurs d’extrémistes religieux », mais être au service de la paix et de la fraternité humaine, nobles aspirations des peuples et des nations. 

Pour y parvenir, Mme Comoane a prôné le dialogue en tant qu’étape fondamentale vers la paix.  Elle s’est félicitée de toute initiative internationale, régionale ou nationale visant à promouvoir le dialogue interreligieux et interculturel.  Elle a ainsi évoqué la rencontre, en 2019, entre le pape et le grand imam d’Al-Azhar à Abou Dhabi, qui a mené à la signature du document intitulé « La fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune », ou encore le rôle de médiation joué par le Saint-Siège dans la signature, en 1992, de l’Accord de paix de Rome entre le Mozambique et la Résistance nationale mozambicaine (RENAMO), qui a mis fin à la guerre civile.  À ses yeux, les mécanismes de consolidation de la paix ont également un rôle à jouer dans la lutte contre l’extrémisme, de même que les communautés locales. 

M. KWAKU AFRIYIE, Ministre de l’environnement, de la science, de la technologie et de l’innovation du Ghana, a indiqué que certains des plus grands progrès n’auraient peut-être pas été possibles sans une intense culture de coopération pacifique.  Même à ce jour, la diversité des perspectives, des cultures, des croyances et des modes de vie demeure le moteur du progrès humain, a-t-il dit.  Pour cette raison, nous devons accepter nos différences et notre diversité et éviter des attitudes qui creusent un fossé entre nous et nos cultures, entraînant la méfiance et la violence. Malheureusement, a-t-il constaté, une recrudescence des discours de haine et l’incitation à la haine, l’intolérance, le racisme et l’extrémisme violent menacent la coexistence pacifique entre les personnes de différentes confessions, cultures et, dans certains cas, de différentes tendances politiques.  Selon le Ministre, cela est alimenté en grande partie par les médias sociaux.  Il s’est dit préoccupé par les effets de contenus extrémistes violents en ligne, lesquels sont facilement accessibles et trouvent une certaine résonance dans des segments de la jeunesse.  Il a dénoncé des initiatives de désinformation et de propagation de fausses nouvelles, en prenant en exemple le Sahel où de telles initiatives sont déployées pour faciliter le terrorisme et l’extrémisme violent, y compris par le recrutement et la radicalisation.

En ce qui concerne le Ghana, a témoigné M. Afriyie, les différents groupes ethniques, ainsi que les chrétiens, musulmans et pratiquants de la religion traditionnelle africaine vivent en paix et dans l’harmonie depuis la fondation de la nation.  « Ce voyage commence à l’école », a-t-il expliqué, avec des programmes scolaires qui exposent les écoliers aux cultures des plus de 40 groupes ethniques du Ghana et à l’enseignement des trois grandes religions. Cela permet de leur inculquer l’esprit de tolérance, de non-discrimination et de coexistence pacifique. Au lieu de se révolter contre la mondialisation en prônant l’isolationnisme, le nationalisme et protectionnisme, nous devons l’embrasser et nous efforcer de relever les défis qui y sont associés, a-t-il enfin plaidé.

Pour M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis), il est nécessaire d’avoir un dialogue ouvert pour promouvoir la tolérance, l’inclusion et la compréhension.  La défense des droits fondamentaux doit se trouver à la base de tous nos efforts, mais ce travail n’est pas simple, a indiqué le représentant, qui a plaidé pour la promotion de notre humanité commune et de la dignité humaine de chacun.  Le défi est de contrecarrer la violence et de permettre la paix, a estimé le représentant. En plus d’encourager le dialogue et de défendre les droits fondamentaux, il a préconisé de ne plus permettre et laisser faire la répression d’opposants politiques et les violations des droits humains sous couvert de lutte contre le terrorisme.  La paix et la sécurité se trouvent renforcées par la défense des droits de la personne, des libertés fondamentales, et non l’inverse, a-t-il plaidé. 

Le représentant a aussi rappelé que chaque personne a droit à sa propre religion, le droit de changer de religion ou de ne pas suivre de religion, de la vivre façon publique ou de façon privée.  Il a assuré que le Conseil est sans équivoque sur les droits fondamentaux des femmes et leurs libertés fondamentales, notamment le droit de participer à la vie publique, qui augmente les chances d’une paix juste et pérenne. De même, il a défendu les droits humains des personnes transgenres, dénonçant en particulier la criminalisation de leur statut. 

Pour que le monde vive dans la paix, il faut défendre et protéger le rôle de la société civile, soutenir les activistes, les journalistes et les politiques de l’opposition, a poursuivi le représentant, pour qui les gouvernements ne doivent pas interpréter de manière erronée la liberté d’expression pour justifier des répressions.  Si la fraternité humaine peut ouvrir la porte à un monde meilleur, les États-Unis ne soutiendront jamais une interprétation erronée de ce concept pour justifier la répression des défenseurs des droits de l’homme, des femmes, des personnes âgées et des personnes transgenres, a-t-il assuré.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a déploré que la coexistence et le développement inclusif soient menacés par la persistance des conflits.  Un nombre sans précédent de personnes déplacées, les catastrophes naturelles, l’impunité et la résurgence des discours de haine sont des facteurs aggravants.  « Aujourd’hui on s’exprime par l’intolérance, la discrimination et la désinformation. »  Pour faire face à ces maux, le représentant a préconisé des mesures qui ont fait leurs preuves par le passé, à commencer par la diplomatie préventive, car les alertes précoces peuvent éviter une escalade de la violence et limiter l’incidence des conflits, en épargnant autant que possible les civils.  Il a évoqué le poids des discours de haine et d’intolérance. « Avec des mots, a-t-il rappelé, on a pavé la voie vers l’esclavage et la servitude et construit des prisons de terreur ».  C’est la raison pour laquelle il faut mettre un terme à ces discours de haine, a-t-il martelé.  Ce n’est pas un hasard si les dictatures s’appuient sur la suppression du discours pluraliste et se nourrissent de discours nationalistes et paranoïaques, a noté le représentant.  Il a ensuite encouragé à renforcer la coopération entre l’ONU et les différentes instances régionales mais aussi les États.  Il s’agit pour lui de créer des cadres normatifs et institutionnels permettant d’engager l’obligation de rendre des comptes et de proposer des réparations aux victimes.  Car, a-t-il tranché, il n’y a pas de paix sans justice.  Pour finir, le représentant a recommandé d’investir dans l’éducation, d’enseigner la solidarité et la tolérance et de sensibiliser les jeunes afin qu’ils ne tombent pas dans l’extrémisme et le radicalisme.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a condamné les discriminations et toutes les formes d’incitation à la violence.  Pour cette raison, la France, qui « incarne une diplomatie féministe et de défense des droits de l’homme », appelle tous les États à signer, ratifier et respecter les conventions internationales permettant de protéger les droits humains car, a ajouté le représentant, « la tolérance et la fraternité ne suffisent pas ».  Il a rappelé que les Yézidis, les Rohingya, les femmes en Afghanistan, les personnes LGBT+ prises pour cibles, parmi tant d’autres, demandent simplement et courageusement le respect de leurs droits. 

« En France, en vertu du principe de laïcité, l’État ne s’immisce pas dans les affaires religieuses », a déclaré le représentant.  La foi relève d’un choix individuel, l’État respecte la liberté de croyance de chacun et s’assure que tous les croyants puissent pratiquer leur culte, a-t-il expliqué.  Ce n’est pas une manière d’ignorer la diversité des opinions, des cultures et des croyances qui existent à travers le monde, a-t-il ajouté, mais « il nous semble que le meilleur moyen de limiter les heurts qui surgissent entre elles est que les puissances publiques, tout en veillant avec le plus grand soin à ce que les conditions du dialogue entre les différentes croyances soient réunies et préservées, ne s’immiscent en aucun cas dans ce qui constitue avant tout l’exercice d’une liberté individuelle ».  Enfin, il a appelé à se montrer ambitieux et à préférer le vivre ensemble à la simple coexistence pacifique.

Mme SHINO MITSUKO (Japon) a constaté que le nombre des conflits violents dans le monde est aujourd’hui le plus élevé depuis la Seconde Guerre mondiale et que 2 milliards d’individus vivent dans des zones de conflit. Compte tenu de cette réalité, il convient que la communauté internationale, y compris le système des Nations Unies, adopte une perspective de tolérance afin de faire progresser le développement durable ainsi que la paix et la sécurité internationales.  De l’avis de la représentante, la diversité peut conduire à la violence si elle creuse un fossé dans une société.  Inversement, lorsqu’elle est associée à la tolérance, la diversité peut servir de « catalyseur » pour favoriser la formation d’une société inclusive, a-t-elle fait valoir, soulignant le rôle important que les dirigeants communautaires et religieux peuvent jouer dans ce cadre.  Depuis 2018, le Japon organise un « dialogue sur la lutte contre l’extrémisme violent au Moyen-Orient » en présence de personnalités religieuses influentes et de responsables gouvernementaux de la région.  Ce dialogue sert de plateforme aux participants pour explorer les aspects cruciaux de la lutte contre l’extrémisme violent, notamment en élaborant des « contre-récits », a expliqué la représentante, avant de préciser l’approche de sécurité humaine adoptée par son pays pour lutter contre l’extrémisme violent.  Mise en œuvre notamment par le biais du Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour la sécurité humaine, cette approche s’est récemment traduite par un dispositif spécifique mis en place au Java oriental, une province indonésienne en proie à l’extrémisme violent, pour prévenir le recrutement via Internet, les SMS et d’autre technologies modernes.  Sur cette base, la représentante a estimé que le projet de résolution sur la tolérance, la paix et la sécurité internationales, présenté par les Émirats arabes unis et le Royaume-Uni, peut contribuer à encourager et soutenir ces efforts. 

M. VASSYLI A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a déclaré que, quels que soient les conflits qui surgissent entre États, une base fiable de dialogue et de partenariat peut être de mettre en avant les valeurs humaines universelles partagées par toutes les grandes religions du monde et ancrées dans les traditions culturelles et historiques.  Nation multinationale et État multiconfessionnel, la Fédération de Russie s’efforce de développer le dialogue et le partenariat entre représentants de cultures, religions et civilisations différentes, et poursuit constamment cette ligne de conduite au sein d’organisations internationales et régionales, a affirmé le représentant.  Il a ainsi souhaité que l’Alliance des civilisations de l’Organisation des Nations Unies poursuive son travail utile pour promouvoir l’éducation à la paix et à la citoyenneté mondiale.

Les plateformes numériques, profitant de l’impunité, se livrent souvent à la désinformation et lancent des discours de haine à l’encontre des religions et valeurs spirituelles des représentants de diverses confessions, a poursuivi le représentant.  L’une des manifestations les plus éclatantes de cette intolérance est la russophobie, a affirmé M. Nebenzia, qui a attiré l’attention sur les violations flagrantes des droits universels et constitutionnels des adeptes de l’orthodoxie canonique en Ukraine, violations commises avec le consentement tacite des sponsors du régime de Kiev, a-t-il avancé.  Il a évoqué une législation discriminatoire qui permet de saisir les biens de l’Église orthodoxe ukrainienne, ainsi que des liquidations forcées et illégales.  Il a dénoncé l’absence de réaction appropriée de la part des structures internationales des droits de l’homme devant la violence et la persécution ciblant des croyants, ainsi que des faits de destruction et d’appropriation des biens religieux. 

Le représentant a également souligné que l’islamophobie est, elle aussi, en hausse, avant de rappeler que la protection des lieux de culte -mosquées, synagogues, églises– est un devoir des États, et est garantie par le droit international, les législations nationales, les religions et les normes morales.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a déclaré que la liberté de religion ou de conviction, y compris celle de ne pas avoir de religion, est un droit humain fondamental.  Des minorités religieuses, telles que les Yézidis en Iraq ou encore les Rohingya au Myanmar, ont été prises pour cibles à maintes reprises pour des motifs religieux lors de conflits.  Lorsque des communautés sont ainsi attaquées, il incombe au Conseil et au système des Nations Unies d’y faire face. 

Les communautés et les chefs religieux peuvent également jouer un rôle dans les initiatives de prévention des conflits, de réconciliation et de consolidation de la paix, y compris au niveau local, où le dialogue interreligieux et interculturel peut aider à renforcer la confiance, a déclaré le représentant, qui a cité l’exemple de l’Accord du vendredi saint, en Irlande du Nord, auquel les clergés catholique et protestant ont contribué grâce à la médiation.  La participation égale et significative des femmes à la prévention et à la résolution des conflits est également essentielle, a ajouté le représentant. Enfin, il a appelé à mettre les droits humains et la liberté d’expression au cœur de toute tentative de faire progresser la liberté de religion et de conviction. 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a souligné que les inégalités, la marginalisation, le racisme mais aussi le sentiment de ne pas appartenir à une communauté, peuvent pousser tout un chacun à s’adonner à des discours de haine en ligne ou hors ligne.  Cela peut engendrer des conflits ou les aggraver.  Fort de ce constat, le représentant a souligné l’importance des stratégies de communication, rappelant qu’en 2022 le Conseil de sécurité a souligné dans une déclaration présidentielle l’importance de promouvoir le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, qui a pour objectif d’aider les communautés à être plus résilientes et à mieux faire face aux conflits armés.  Il a rappelé à cet égard le rôle de la société civile, y compris des chefs religieux, pour établir la confiance. Les connaissances et la compréhension culturelle des causes profondes des conflits et des questions qui portent à controverse sont essentielles pour ramener le dialogue et la paix durable. Il faut cultiver une culture de paix et de tolérance par l’inclusion et le dialogue interconfessionnel, a poursuivi le représentant, protéger les groupes les plus vulnérables et les minorités pour renforcer le tissu social.  Au sortir des conflits, les pays doivent investir davantage dans l’éducation afin de créer un environnement propice à la tolérance. 

M. ZHANG JUN (Chine) a fait état d’un monde à la croisée des chemins, accablé par des déficits de paix, de développement et de sécurité, eux-mêmes exacerbés par l’intolérance.  Dans ce contexte, il est pertinent à ses yeux de parler de la valeur de l’esprit de fraternité dans la promotion d’une paix pérenne.  Il a mis en exergue l’importance du respect de la « diversité civilisationnelle ».  Les conquêtes coloniales et le pillage des civilisation liés à la « supériorité blanche » ont créé selon lui des catastrophes en Afrique, en Amérique latine et en Asie, tandis que les incitations à la haine dissimulées sous des valeurs universelles sont porteuses de confrontations et de nouveaux défis. 

Dans ce monde interdépendant, la Chine essaie de promouvoir de nouvelles valeurs de coopération, a poursuivi le représentant.  L’initiative mondiale pour les civilisations, dévoilée récemment par le Président chinois, prône le respect de la diversité civilisationnelle tout en promouvant les valeurs communes de l’humanité, l’innovation et la coopération internationale.  La confiance mutuelle entre les nations doit être constante, a fait valoir le délégué, en évoquant un « tremplin de réconciliation » lancé par le Dialogue de Beijing entre la République islamique d’Iran et l’Arabie saoudite ainsi que la réintégration de la Syrie au sein de la Ligue des États arabes.  Les membres du Conseil de sécurité devraient selon lui mieux s’acquitter de leur mandat, qui est de maintenir la paix et la sécurité internationales, sans se disperser sur de « petites questions ».  Il a dénoncé les pays qui ont engagé leurs politiques nationales et internationales « sur la pente glissante du populisme », avec des effets imprévisibles.  Dans la foulée du Programme de développement à l’horizon 2030, la priorité doit être accordée au développement, « sans imposition de blocus technologiques ni de sanctions économiques aveugles », a conclu le représentant. 

M. ADRIAN HAURI (Suisse) a estimé que les droits humains sont essentiels à chaque étape du processus de paix.  « L’ensemble des normes en matière de droits de l’homme est crucial pour mettre fin aux conflits et pour établir une paix durable », a-t-il déclaré, avant de condamner la discrimination, l’intolérance, l’incitation à la haine et l’extrémisme violent.  Dans la lutte contre ces phénomènes, le respect des droits humains, en particulier la liberté d’expression, doit être garanti, en ligne et hors ligne, a ajouté le représentant, car « la liberté d’expression est la pierre angulaire de toute société pluraliste et inclusive ».

Le représentant a appelé le Conseil à saisir, dans les semaines qui viennent, l’occasion offerte par le Nouvel Agenda pour la paix pour confirmer le rôle crucial des cadres normatifs acquis, tels que ceux concernant les femmes et la paix et la sécurité ou les enfants dans les conflits armés, ainsi que celui établi en matière de droits humains.  « Ces cadres constituent l’ancre de notre coopération multilatérale en matière de paix et sécurité », a-t-il affirmé, ajoutant que la compassion et le respect mutuel sont des valeurs universelles « qui nous unissent dans notre humanité ».

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a rappelé que le droit international des droits de l’homme fournit un cadre normatif solide pour protéger les libertés d’expression et de religion dans le contexte de la paix et de la sécurité. Ces libertés sont essentielles pour créer des sociétés pluralistes, tolérantes, inclusives et démocratiques, a-t-elle insisté, avant de souligner le rôle positif d’une éducation de qualité et de médias libres et indépendants dans la prévention de l’intolérance et des préjugés et dans la promotion du respect mutuel, de la compréhension et de la solidarité.  Constatant que, dans les conflits armés à travers le monde, nombre de personnes sont victimes d’intolérance, de discours de haine et d’autres formes de violence, en ligne et hors ligne, en raison de leur sexe, de leur religion ou de leurs convictions, de leur race, de leur origine ethnique, de leur nationalité, de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre, elle a appelé à des efforts de prévention intersectionnels pour lutter contre ces formes de discrimination multiples. 

La représentante s’est alarmée de l’augmentation des cas de harcèlement et de représailles contre des individus exerçant leur droit à la liberté d’expression. Elle a également déploré l’utilisation abusive de lois sur l’extrémisme au sens large pour violer les droits humains et les libertés fondamentales, notamment pour cibler les défenseurs des droits humains, la société civile, les journalistes et l’opposition politique. Dans le même temps, elle a condamné tous les actes d’extrémisme violent, quelles que soient leur motivation ou leur idéologie, exhortant tous les États Membres à protéger et faire respecter l’ensemble des droits humains, y compris les droits fondamentaux des femmes et des filles, des personnes handicapées, des personnes LGBTIQ+, des seniors et des membres de groupes ethniques et religieux marginalisés.  Enfin, elle a appelé à faire progresser l’égalité des sexes et à assurer la participation des femmes dans tous les efforts de paix, des objectifs qui, selon elle, ne doivent jamais être réduits à des tactiques de sécurité nationale. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a dénoncé les discriminations, les discours radicaux et les discours de haine.  Il a aussi décrié l’antisémitisme, l’islamophobie et la haine contre les LGBTQI, rappelant que nous sommes tous nés égaux, quels que soient la couleur de notre peau ou le nom de notre dieu.  Il a aussi dénoncé les néonazis qui ciblent les migrants, avant de rappeler la triste histoire des génocides au Rwanda et à Srebrenica.  Le délégué a appelé à un front commun, proposant d’agir par l’éducation à la citoyenneté, tout en enseignant aux jeunes la pensée critique qui apparaît comme un bouclier contre l’extrémisme. Il a aussi indiqué que la lutte contre l’intolérance ne doit pas servir de prétexte pour la répression étatique. Il a terminé son intervention en donnant l’exemple de son pays où différentes religions cohabitent et plusieurs cultures vivent en paix. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité réfléchit aux moyens d’une plus grande cohérence entre action climatique et maintien de la paix et de la sécurité internationales

9345e séance – matin & après-midi
CS/15318

Le Conseil de sécurité réfléchit aux moyens d’une plus grande cohérence entre action climatique et maintien de la paix et de la sécurité internationales

Le Conseil de sécurité a débattu, aujourd’hui, des moyens d’assurer une plus grande cohérence entre la lutte contre les changements climatiques et le maintien de la paix et de la sécurité internationales, alors que 3,5 milliards de personnes vivent dans des zones à risque climatique.  Renforcement des capacités des missions de l’ONU, diminution de leur empreinte carbone, respect des engagements pris au titre du financement climatique et rôle accru des femmes ont été quelques-unes des pistes explorées.

Pour ce débat, riche d’une soixantaine d’interventions, les Émirats arabes unis, à la présidence du Conseil ce mois de juin, avaient distribué une note de cadrage mentionnant les données de plus en plus nombreuses qui montrent que les changements climatiques influent sur la paix et la sécurité internationales.  Ces changements ajoutent en effet à la souffrance humaine et exacerbent l’instabilité politique, le stress économique, les déplacements forcés et la compétition pour les ressources, en particulier dans les zones fragiles ou touchées par un conflit, précise la note.

Si la plupart des intervenants, dont plusieurs ministres et hauts représentants, ont partagé ce diagnostic, certains pays ont fait entendre une note dissonante à l’instar de la Fédération de Russie ou du Brésil, qui a estimé qu’un tel débat du Conseil « n’est ni productif ni efficace » et « soulève un problème très grave concernant l’empiètement du Conseil sur des thèmes abordés par la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et le pilier développement de l’ONU ».  Les émissions de carbone se produisent principalement dans les pays développés, pas dans les zones de conflit, a dit le Brésil.

Ce n’est pas l’avis de Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, M. Jean-Pierre Lacroix, pour qui, au contraire, les « effets en cascade des changements climatiques sont en train de reconfigurer les paramètres de notre travail sur la prévention des conflits, le maintien et la consolidation de la paix ».  Considérer les changements climatiques dans ce que nous faisons ne relève plus d’un choix, a tranché le Secrétaire général adjoint.

À cette aune, il a précisé que l’ONU investit dans le renforcement des capacités des opérations de paix afin de répondre aux corrélations entre changements climatiques, paix et sécurité.  L’ONU doit également réduire son empreinte environnementale, a-t-il reconnu.  En effet, dans nombre de pays hôtes, les missions comptent parfois parmi les plus gros émetteurs, a-t-il dit, en rappelant que 6% de l’électricité utilisée par les missions venaient de sources d’énergie renouvelable en 2021-2022.

« Malgré le désir de certains membres du Conseil, les conséquences des changements climatiques et des conflits convergent très clairement », a appuyé l’ancien Président de la Colombie, prix Nobel de la paix et membre des Sages, M. Juan Manuel Santos, en estimant que le Conseil « pourrait en faire beaucoup plus ».  Il a appelé à augmenter le nombre de conseillers en climat et sécurité attachés aux missions de maintien de la paix et à utiliser les prévisions climatiques dans le cadre des outils de prévention de l’ONU pour anticiper et atténuer les risques. 

Dans ce droit fil, l’Allemagne, au nom du Groupe des Amis du climat et de la sécurité, qui compte 66 États, a souhaité la remise de rapports réguliers du Secrétaire général au Conseil sur les implications pour la paix et la sécurité des effets néfastes des changements climatiques, la nomination par le Secrétaire général d’un représentant spécial pour le climat ou bien encore l’intégration systématique des risques climatiques dans les mandats de toutes les missions des Nations Unies.

De son côté, Mme Salma Kadry, experte au sein de l’Organisation du Système CGIAR, a souhaité que les instruments de paix et de sécurité renforcent la résilience, en particulier celle des femmes et des jeunes.  Mettant l’accent sur l’importance du financement climatique, elle a insisté sur la nécessité de payer des réparations aux pays qui ont le moins contribué au réchauffement climatique afin de leur permettre de s’adapter et de faire face aux pertes et dommages qu’ils subissent. 

La Ministre des changements climatiques et de l’environnement des Émirats arabes unis a précisé que, lors de la prochaine COP28 à Dubaï, son pays prévoit d’organiser une journée sur « les secours, le relèvement et la paix ».  Son objectif est de mettre en évidence l’intersection des changements climatiques, de la paix et de la sécurité, et de proposer des solutions pratiques pour prévenir et gérer le fardeau climatique pesant sur la stabilité, a encore indiqué la Ministre, en appelant à éviter toute polarisation sur le sujet.

La Chine a souligné, à ce propos, le rôle de chef de file que les pays développés doivent endosser dans la lutte contre les changements climatiques.  La Russie a jugé que ces pays sont passés « maîtres dans l’art d’attiser l’alarmisme » face à la « crise climatique ». Ils font des déclarations « populistes » mais, lorsqu’on aborde les mesures concrètes comme le financement du nouveau fonds pour les pertes et dommages et le transfert de technologies, on ne les entend plus, a-t-elle accusé, en les exhortant à s’acquitter de leurs engagements.

Les 100 milliards de dollars promis à Paris seront payés, a assuré l’Envoyé spécial du Président des États-Unis pour les changements climatiques. Il a aussi mentionné le plan d’urgence et de résilience mis en place par le Président Biden, doté de 2 milliards de dollars, qui est destiné à aider les populations des pays en développement d’ici à 2030.  L’Envoyé spécial a rappelé que 48 pays d’Afrique contribuent à moins de 0,55% des émissions et que 20 pays contribuent à 70% des émissions.  « Il faut faire quelque chose à ce sujet », a-t-il admis, en misant sur la prochaine COP.

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Les changements climatiques et la paix et la sécurité (S/2023/408)

Déclarations

M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, a rappelé que 3,5 milliards de personnes vivent dans des zones à risque climatique.  Les changements climatiques contribuent à la diminution des ressources naturelles, affectent la cohésion sociale et alimentent les conflits, a-t-il souligné, sans compter qu’ils perturbent les transhumances et nourrissent les tensions entre éleveurs de bétails et agriculteurs.  Il a pris l’exemple du Soudan du Sud où 8 États sur 10 sont touchés par les inondations et les déplacements.  Ces inondations entravent la mobilité des Casques bleus qui doivent user d’hélicoptères et de bateaux en nombre limité.  Il a aussi mentionné l’Iraq où le manque d’eau, l’augmentation des températures et les tempêtes de sable mettent une pression accrue sur les relations communautaires.  Les effets en cascade des changements climatiques sont en train de reconfigurer les paramètres de notre travail sur la prévention des conflits, le maintien et la consolidation de la paix, a dit M. Lacroix.  « Considérer les changements climatiques dans ce que nous faisons, comme cela est d’ailleurs demandé par ce Conseil, ne relève plus d’un choix. »

À cette aune, il a indiqué que l’ONU investit dans le renforcement des opérations de paix afin d’anticiper et de répondre aux corrélations entre changements climatiques, paix et sécurité.  L’intégration de telles capacités dans les missions permet une meilleure exécution des mandats confiés par le Conseil.  Il a indiqué qu’au sein de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) un conseiller sur le climat, la paix et la sécurité fournit des orientations dans ce domaine aux acteurs de la sécurité.  Il a aussi souligné la nécessité de disposer de données de qualité sur les corrélations entre changements climatiques, paix et sécurité. 

M. Lacroix a fait valoir les bénéfices communs qui sont retirés de l’action climatique et de l’action de paix et de sécurité de l’ONU, lesquelles poursuivent nombre d’objectifs identiques, qui concourent à l’édification de sociétés résilientes, équitables et inclusives.  Les capacités des femmes dans ces domaines sont encore sous-utilisées, a-t-il relevé, en soulignant le rôle catalyseur que joue le Fonds pour la consolidation de la paix pour y remédier.  Depuis 2016, ce Fonds a investi dans plus de 70 projets à dimension climatique et sexospécifique, a-t-il dit, prenant l’exemple de la gestion des ressources hydriques au Yémen. 

Enfin, le Secrétaire général adjoint a souligné la nécessité pour l’ONU de réduire son empreinte environnementale.  En effet, dans nombre de pays hôtes, les missions de l’ONU sont parfois parmi les plus gros émetteurs, a-t-il dit en rappelant que seulement 6% de l’électricité utilisée par les missions venait de sources d’énergie renouvelable en 2021-2022.  Il a indiqué que l’appui du pays hôte, des acteurs de développement et du secteur privé est crucial pour un recours accru à ces énergies renouvelables.  Ensemble, nous pouvons façonner un avenir où les efforts de prévention des conflits et de pérennisation de la paix sont renforcés par notre engagement en faveur de la lutte contre les changements climatiques, a-t-il conclu.

M. JUAN MANUEL SANTOS, ancien Président de la Colombie, prix Nobel de la paix et membre des Sages, a expliqué qu’avant d’entrer en fonctions, il avait sollicité la bénédiction d’un peuple indigène de son pays, les Kogis, lesquels l’avaient appelé à faire la paix avec la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) « mais aussi avec la nature ». À la fin de son mandat, marqué par l’Accord de paix colombien, lequel comprend des dispositions sur la protection de la nature, ces mêmes Kogis lui ont expliqué que sa mission n’était pas achevée car il manquait aux objectifs de développement durable, adoptés entre-temps à l’ONU notamment grâce aux efforts de la Colombie, une dimension spirituelle.  M. Santos a ajouté qu’il revenait du Vatican, où le pape François avait invité une trentaine de prix Nobel de la paix pour lancer un appel à la construction d’une « fraternité environnementale » afin de « faire la paix avec la nature, car tout est en relation avec tout le reste ». L’ancien Chef d’État a affirmé que les questions de la perte de biodiversité et des changements climatiques ne peuvent être traitées séparément et a estimé que ce serait une grande réussite de la prochaine COP28 que de « lier explicitement la Convention sur la biodiversité à la Convention sur le climat », voire de les fusionner en une seule Convention qui reconnaîtrait et financerait de manière adéquate la protection de la nature.

M. Santos a rappelé que le groupe des Sages, fondé par Nelson Mandela, a pour mission d’appeler les dirigeants mondiaux à intensifier et à répondre aux menaces existentielles auxquelles l’humanité est confrontée, parmi lesquelles il a cité notamment la crise climatique.  Déplorant que les divisions croissantes au sein du Conseil de sécurité sapent sa capacité à s’acquitter de son mandat principal, il a salué la « sage décision » des Émirats arabes unis, hôtes de la prochaine COP28, de mettre le climat, la paix et la sécurité à l’ordre du jour. 

« Malgré le désir de certains membres du Conseil de traiter les changements climatiques et la sécurité comme des questions distinctes, dans le monde réel, les conséquences des changements climatiques et des conflits convergent très clairement », a affirmé l’ancien Chef d’État, pour qui les changements climatiques exacerbent les menaces à la sécurité humaine, alors que la guerre nuit à la nature et à l’environnement de nombreuses manières. Il a cité en exemple la destruction de barrages en Ukraine et les attaques contre les oléoducs et les terres agricoles dans son propre pays. 

Pour M. Santos, le Conseil de sécurité doit jouer son rôle pour relever le défi sans précédent de l’insécurité climatique, en travaillant avec d’autres parties de l’ONU et d’autres institutions internationales. Le Conseil « pourrait faire beaucoup pour intégrer plus efficacement le climat dans les opérations de l’ONU sur le terrain », a-t-il notamment affirmé, appelant à augmenter le nombre de conseillers en climat et sécurité attachés aux missions de maintien de la paix et à utiliser les prévisions climatiques dans le cadre des outils de prévention de l’ONU pour anticiper et atténuer les risques. Rappelant qu’il ne peut y avoir de paix sans développement durable, il en a inféré que la paix ne peut être maintenue que si les forêts, les sols et les rivières mêmes dont dépendent les communautés sont protégés et gérés de manière durable.  Appelant à une « action politique audacieuse », il a demandé des « solutions positives pour la nature », en particulier pour conserver les écosystèmes qui fournissent à l’humanité de l’air pur et de l’eau propre. 

M. Santos a appelé les membres du Conseil de sécurité à l’unité, au dialogue constructif et à la coopération, « non seulement sur le climat, la paix et la sécurité, mais sur le mandat du Conseil dans son ensemble ». Face aux défis sans précédent et aux menaces existentielles auxquelles nous sommes tous confrontés, « unissez-vous, coopérez ou nous périrons tous », a-t-il conclu.

Mme SALMA KADRY, experte en climat, paix et sécurité de l’Organisation du Système CGIAR, a averti que si l’on ne prend pas conscience de l’ampleur de la crise climatique, l’humanité fera face à de nombreux dangers et de l’insécurité.  « Tous les humains ne sont pas sur un même pied d’égalité face à la force de la nature. »  Elle a attiré l’attention sur le fait que les changements climatiques déstabilisent les systèmes alimentaires, fonciers et hydriques dans la région arabe qui est pauvre en eau et tributaire des importations de denrées alimentaires. Elle a aussi souligné que les conflits et la fragilité affaiblissent la gouvernance, provoquent des frictions politiques et détricotent le tissu social des sociétés arabes, tout en détruisant les infrastructures civiles et hydrauliques, les logements, les systèmes éducatifs et les établissements de santé.  Ils déstabilisent tous les outils de résilience et conduisent les sociétés sur une voie incertaine, a-t-elle remarqué.  L’experte a évalué l’état de la transition énergétique actuelle et a tranché: elle ne sert pas le développement humain et n’apporte pas le développement local; elle augmente les inégalités et ne traite pas les causes des conflits et de la fragilité. 

De ce qui précède, elle a tiré quatre recommandations.  D’abord, il faut mettre les personnes au centre de l’adaptation, de la création et de l’innovation.  Les outils de paix et de sécurité doivent soutenir les innovations au service de la population et renforcer la résilience, en particulier celle des femmes et des jeunes, a-t-elle ajouté.  L’experte a aussi souligné l’importance des données pour le Conseil dans sa prise de décision et dans ses interventions.  « Cet organe doit tirer parti des réseaux locaux des chercheurs et des penseurs arabes pour une compréhension de la relation entre la paix, la résilience et le climat. »  Mme Kadry a également recommandé de tirer parti des processus régionaux comme l’initiative Réponses climatiques pour la pérennisation de la paix ou encore le Conseil arabe de l’eau.  Enfin, elle a mis l’accent sur l’importance du financement climatique qui doit bénéficier à ceux qui en ont besoin.  Elle a insisté sur la nécessité de payer des réparations aux pays qui ont le moins contribué au réchauffement climatique afin de leur permettre de s’adapter et de faire face aux pertes et dommages qu’ils subissent. Il est également nécessaire, selon elle, de mettre en place des outils simplifiés de financement de lutte contre les changements climatiques qui soient adaptés aux pays en conflit.  Elle a terminé en insistant sur l’importance de la volonté politique dans ce domaine. 

Mme MARIAM BINT MOHAMMED SAEED HAREB ALMHEIRI, Ministre des changements climatiques et de l’environnement des Émirats arabes unis, a rappelé que c’est en 2007 que le Conseil de sécurité s’était réuni pour la première fois pour discuter des implications potentielles des changements climatiques pour la paix et la sécurité internationales.  Si la corrélation entre ces changements et les menaces à la paix et à la sécurité avait alors été contestée par certains, tel n’est plus le cas aujourd’hui, a-t-elle relevé, soulignant qu’il s’agit d’une « une réalité vécue quotidiennement dans divers contextes de conflit à travers le monde ». 

La Ministre a cité plusieurs exemples pour illustrer le « cycle destructeur » de la vulnérabilité, des changements climatiques et des conflits armés.  En Somalie, le groupe terroriste des Chabab profite de la sécheresse persistante dans la Corne de l’Afrique pour recruter parmi les communautés déplacées et imposer des taxes aux agriculteurs et aux éleveurs désespérés.  Au Moyen-Orient, qui abrite 14 des 33 pays les plus touchés au monde par le stress hydrique, la vulnérabilité aiguë de l’Iraq aux pénuries d’eau met en danger sa reprise post conflit.  Au Soudan du Sud, les inondations ont encore aggravé une crise humanitaire majeure, entravant la capacité de la mission de maintien de la paix de l’ONU à mettre en œuvre son mandat de protection des civils, tandis que les effets néfastes des changements climatiques ont exacerbé les tensions existantes entre les communautés pastorales et agricoles. 

Dans les conflits à travers le monde, les changements climatiques ont encore aggravé l’épidémie de violence et d’inégalité fondées sur le genre, a déploré la Ministre, observant que les femmes et les filles sont exposées à des situations plus précaires lorsque les ressources naturelles et la production agricole sont mises à mal.  Avertissant que ces conséquences ne feront qu’augmenter en intensité et en force avec le temps, elle a regretté que la réponse du Conseil de sécurité à cette crise mondiale soit pour l’heure restée insuffisante.  Il est crucial que le système multilatéral, y compris le Conseil de sécurité, s’adapte à la nature systémique, lente et dispersée des changements climatiques, a-t-elle plaidé.  Pour le Conseil, cela implique d’adopter des tentatives innovantes pour mieux comprendre et traiter l’interaction entre les changements climatiques, la paix et la sécurité.  Le Conseil doit renforcer la capacité et les mandats des opérations de paix pour intégrer les changements climatiques dans les efforts de prévention et de règlement des conflits, a souligné la Ministre, qui a appelé à tirer parti du travail du mécanisme de sécurité climatique et du déploiement de conseillers en sécurité climatique auprès des missions de l’ONU. 

Il faut éviter toute polarisation dans l’examen de cette question, a poursuivi la Ministre, avant de se prononcer pour un dialogue avec des représentants locaux des communautés de première ligne, en particulier des femmes et des jeunes, ainsi qu’avec des organisations régionales menant des initiatives liées au climat.  Cela enrichirait la réponse du Conseil en incluant des nuances locales et des approches sensibles au genre dans les discussions sur les changements climatiques et les conflits, a-t-elle soutenu, tout en invitant le Conseil à favoriser des solutions holistiques.  Lors de la prochaine COP28 à Dubaï, la présidence émirienne prévoit d’organiser une journée sur « les secours, le relèvement et la paix », dont l’objectif est de mettre en évidence l’intersection des changements climatiques, de la paix et de la sécurité, et de proposer des solutions pratiques pour prévenir et traiter le fardeau climatique sur la stabilité, a encore indiqué la Ministre.

M. HERMANN IMMONGAULT, Ministre des affaires étrangères du Gabon, a estimé qu’au-delà de sa dimension environnementale, la crise climatique actuelle est une menace évidente à la stabilité de plusieurs régions dans le monde, notamment sur le continent africain, où l’on dénombre 17 des 20 pays les plus affectés par les dérèglements climatiques, dont la majorité fait face à des défis sécuritaires inextricables.  Cette réalité, a relevé le Ministre, est l’un des moteurs du plaidoyer du Gabon pour la reconnaissance du lien entre la vulnérabilité climatique et la sécurité. 

D’ici à 2050, l’Afrique pourrait enregistrer plusieurs millions de migrants climatiques internes, en raison des dérèglements climatiques et de ses effets néfastes, a indiqué le Ministre.  Ces mouvements de masse vont de pair avec la déstabilisation, l’amplification des tensions, des crises et des conflits dans les régions affectées.  Le risque que ces déplacements de populations créent des tensions susceptibles de se muer en conflits transfrontaliers est réel. C’est pourquoi, a poursuivi le Ministre, il paraît judicieux d’intégrer le risque climatique dans la modélisation des conflits, en matière de prévention ou de règlement durable.  Le nexus climat et sécurité doit être systématisé dans toutes les stratégies géopolitiques de paix et de sécurité internationales.  La lutte contre les changements climatiques est beaucoup plus qu’une question de développement durable, a affirmé le Ministre.  C’est une question de survie pour les populations qui sont affectées, une question dont dépendent la paix et la sécurité de nombreux peuples dans le monde. 

Pour M. KWAKU AFRIYIE, Ministre de l’environnement, des sciences, de la technologie et de l’innovation du Ghana, le Conseil devrait mieux intégrer les changements climatiques dans ses efforts de paix, en encourageant les missions politiques spéciales à les incorporer dans leurs processus de médiation et les négociations de paix.  C’est le cas pour le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel: un bon exemple à reproduire dans d’autres missions, selon lui. 

Un financement adéquat reste essentiel pour faire face aux risques liés au climat, a poursuivi le Ministre.  Soulignant l’importance d’un engagement continu auprès des organes de l’ONU tels que la Commission de consolidation de la paix, il s’est félicité de l’allocation du Fonds pour la consolidation de la paix consacrée à des projets liés à la sécurité climatique dans les pays à l’ordre du jour du Conseil. Rappelant aussi les pays développés à leur engagement de mobiliser conjointement 100 milliards de dollars par an pour le financement de la lutte contre les changements climatiques entre 2020 et 2025, le Ministre a conclu en encourageant l’ONU à approfondir sa coopération avec les mécanismes régionaux. 

Mme ANA COMOANE, Ministre de l’administration d’État et des services publics du Mozambique, a indiqué qu’il ne fait « aucun doute » que les changements climatiques ont des conséquences négatives pour le maintien de la paix et de la sécurité.  De plus, a fait remarquer la Ministre, ces changements frappent davantage les pays africains.  Elle a souligné la vulnérabilité de son pays à cet égard.  Elle a ensuite mentionné les solutions élaborées par le Mozambique pour y remédier, en mentionnant la mise en œuvre des instruments de lutte contre les changements climatiques ou encore sa participation à toutes les conférences sur le sujet, sous les auspices de l’ONU, de l’Union africaine ou de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).  Elle a enfin signalé que le Centre régional d’urgence de la Communauté se trouve à Nacala, dans le nord du Mozambique.

M. JOHN KERRY, Envoyé spécial du Président des États-Unis pour les changements climatiques, a réagi à la déclaration du Mozambique en disant que les États-Unis ne sont pas non plus à l’abri de catastrophes climatiques. Il a d’ailleurs rappelé les coûts, qui se chiffrent en milliards de dollars, de la menace climatique pour son pays. L’Envoyé spécial a martelé que la crise arrive à grand pas, avec notamment des invasions d’insectes et des pertes de biodiversité causées par le réchauffement du climat.  Sept millions de personnes meurent chaque année à cause de la pollution, a-t-il encore alerté avant de mettre en garde également contre le besoin croissant de financement pour faire face aux catastrophes climatiques. Les trois dernières tornades aux États-Unis ont coûté 265 milliards de dollars, a-t-il donné comme exemple. M. Kerry n’en a pas moins assuré que les 100 milliards de dollars promis à Paris seront payés. 

M. Kerry a insisté pour qu’on ne reste pas les bras croisés, s’inquiétant de voir la crise empirer, même si cela fait des années le Conseil s’est saisi de la question.  Il a demandé au Conseil de faire davantage.  Il faut mettre en place des systèmes d’alerte précoce et l’ONU doit repenser complètement sa façon de comprendre les risques climatiques, a-t-il déclaré.  M. Kerry a ensuite mentionné le plan d’urgence et de résilience mis en place par le Président Joe Biden, doté de 2 milliards de dollars, qui est destiné à aider les populations des pays en développement d’ici à 2030.  Il a évoqué la COP de Dubaï, où il faudra établir un rapport sur l’adaptation, traiter les questions des pertes et dommages, et faire une évaluation mondiale de la situation actuelle.  L’Envoyé spécial a rappelé que 48 pays d’Afrique contribuent à moins de 0,55% des émissions et que 20 pays contribuent à 70% des émissions.  Il faut faire quelque chose à ce sujet, a exhorté M. Kerry appelant également les universités et les scientifiques à contribuer à la réduction des émissions et à la recherche sur systèmes de capture de carbone.  Il faut mettre fin à la création d’usines à charbon, mobiliser le financement et les financements mixtes, a conseillé l’Envoyé spécial suggérant qu’aucun pays ne crée de nouvelles sources d’émissions.  Le temps des paroles est révolu, il faut appliquer les mesures de 45% de réduction dès que possible.  C’est la promesse faite à Paris, à Glasgow et à Charm el-Cheikh, a-t-il rappelé en espérant que le Conseil de sécurité contribue à gagner cette bataille.

Mme LIVIA LEU, Secrétaire d’État au Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, a jugé impératif de reconnaître le lien entre les changements climatiques et la sécurité.  Chaleur et sécheresse, tempêtes et inondations déstabilisent de nombreuses régions du monde, a-t-elle constaté, citant l’exemple du Sahel ou encore du Soudan du Sud, où le cercle vicieux des tensions, des fragilités et des conflits est renforcé par les changements climatiques.  Face à l’impact sans précédent de ces derniers, il importe de mettre la science et les nouvelles technologies au service de la prévention des conflits, à l’instar des systèmes d’alerte précoce mis en œuvre par l’initiative sur les systèmes d'alerte précoce aux risques climatiques (CREWS), dont l’Organisation météorologique mondiale (OMM) est un partenaire clef. Intégrer l’expertise scientifique et diplomatique est une approche stratégique de la Suisse, a indiqué la Secrétaire d’État, non sans rappeler qu’un pôle d’expertise sur les effets des changements climatiques sur la sécurité humaine a récemment été créé à Genève. 

La Secrétaire d’État a d’autre part estimé que les efforts collectifs visant à bâtir et consolider la paix doivent également intégrer les liens entre les changements climatiques et la sécurité, notamment en ce qui concerne le financement climatique dans les pays fragiles.  Enfin, elle a souhaité que les mandats des opérations de maintien de la paix soient sensibles aux risques climatiques et s’appuient davantage sur les conseillers climatiques et environnementaux pour soutenir les missions dans l’intégration et l’atténuation des risques climatiques dans leur travail. 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a réitéré la position de son pays selon laquelle la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et son Accord de Paris sont les forums les plus appropriés pour discuter de la réponse mondiale aux changements climatiques. Un débat thématique et transversal sur ce sujet dans le cadre du Conseil de sécurité « n’est ni productif ni efficace » et « soulève un problème très grave et potentiellement insoluble concernant l’empiétement du Conseil sur des thèmes généralement abordés par la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et le pilier développement des Nations Unies », a-t-il assené.  Le représentant a en outre rappelé que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a évalué comme « relativement faible » l’influence du climat sur les conflits. « Tout au long de notre histoire, les émissions de carbone se sont produites principalement dans les pays développés, pas dans les zones de conflit », a-t-il ajouté.

Pour le représentant, le Conseil de sécurité, qui n’a pas la légitimité nécessaire pour faire face aux changements climatiques, manque aussi des outils adéquats pour s’attaquer aux questions clefs, qui sont aux mains de la CCNUCC et du pilier développement de l’ONU.  Le représentant a également fait observer que le régime multilatéral sur les changements climatiques est basé sur divers principes qui garantissent l’équilibre, la transparence et l’inclusivité, avec des décisions basées sur le consensus de tous les pays parties à la Convention.  Or, a-t-il fait valoir, « rien n’est plus éloigné de la réalité du Conseil de sécurité, qui fonctionne et est structuré d’une manière fondamentalement différente ».  Le représentant en a profité pour rappeler l’urgence d’une réforme en profondeur du Conseil de sécurité, avant d’affirmer que l’ajout des changements climatiques au mandat des missions autorisées par le Conseil ne ferait que les surcharger encore plus alors que beaucoup sont déjà soumises à de sérieuses pressions en raison de l’extension excessive de leurs rôles multidimensionnels.  Pour le Brésil, le traitement des changements climatiques dans des enceintes appropriées et, surtout, la fourniture d’engagements financiers dans le cadre de l’Accord de Paris pourraient certainement avoir un impact plus tangible sur le terrain.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a d’abord jugé nécessaire d’accroître et d’améliorer l’accès au financement pour les pays les plus touchés par les changements climatiques.  Pour sa part, le Royaume-Uni travaille à la réforme du système financier international et à l’augmentation des financements publics et privés pour la résilience climatique et la paix, y compris pour les pays inscrits à l’ordre du jour du Conseil. En juillet, il organisera des événements sur le financement du climat au Royaume-Uni et à New York, y compris pour les pays ayant des besoins humanitaires, dans la perspective de la COP28.

Le représentant a aussi appelé à veiller à ce que les facteurs de conflit soient pris en compte dans les actions d’intervention et les efforts d’adaptation contre les changements climatiques.  Enfin, il a suggéré que la réduction des risques liés au climat et aux conflits, ainsi que le système d’alerte précoce, soient intégrés dans les programmes humanitaires, de consolidation de la paix et de développement, conformément au cadre de Sendai. 

M. ZHANG JUN (Chine) a demandé une nouvelle gouvernance climatique mondiale permanente, en appuyant les efforts de l’ONU dans ce domaine et en espérant le succès de la prochaine COP28.  Il a souligné le lien entre changements climatiques et sécurité, tout en prenant note des divergences sur le sujet.  Il a encouragé le Conseil à procéder à une étude contextualisée de ce lien, à la lumière de son mandat, et dans les limites de ses moyens.  Il a pris l’exemple de l’Iraq et d’Haïti, pays où cette corrélation entre climat et sécurité peut se prouver dans une certaine mesure. 

Le Conseil doit aider les États confrontés à des défis sécuritaires et ne pas devenir « un salon où s’entendent de bonnes paroles », a insisté le représentant, qui a ensuite souligné le rôle de chef de file que les pays développés doivent endosser dans la lutte contre les changements climatiques. Enfin, il a fustigé le « protectionnisme vert » prôné par certains pays, le qualifiant de « véritable fléau ».

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a rappelé que les changements climatiques sont responsables de catastrophes climatiques dans le monde, en particulier dans les pays en développement, lesquels ont pourtant moins contribué aux émissions qui sont responsables du réchauffement du climat.  Préoccupé par la façon dont le Conseil se saisit de cette question en mettant en avant notamment les effets multiplicateurs de conflit du climat, le représentant a attiré l’attention sur le rôle des pays contributeurs de contingents dans les opérations de maintien de la paix.  Il a demandé de renforcer les capacités de chaque pays et des institutions de sécurité.  Il a aussi souligné l’importance de la démocratie et l’état de droit. 

Rappelant en outre la proposition du Secrétaire général de créer des systèmes d’alerte précoce, le représentant a plaidé pour que le fonds pour les pertes et dommages décidé lors de la COP27 entre en vigueur dès que possible.  Il a aussi appelé à mobiliser rapidement les 100 milliards de financement climatique promis depuis 2020 à Paris en faveur des pays en développement.  Il a demandé à prendre en compte des instabilités sociales générées par les changements climatiques en mettant l’humain au cœur des approches, et en trouvant des solutions sexospécifiques.  Il a enfin souligné l’importance des organisations régionales, estimant que l’action climatique est une action conjointe qui appelle les pays développés à assurer leur rôle de chefs de file. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a estimé que débattre des problèmes mondiaux que les changements climatiques posent à l’humanité est d’une importance fondamentale, en particulier pour les pays en développement. Dans le même temps, le représentant a regretté que les discussions à l’ONU n’insistent pas suffisamment sur le rôle crucial des questions de développement durable dans les mesures de prévention des conflits, ne mettant en évidence que le climat dans un contexte plus large.  Or, la promotion de la croissance économique et du bien-être social et la lutte contre les inégalités sont des éléments essentiels pour bâtir des sociétés résilientes capables de s’adapter efficacement aux défis climatiques, a-t-il fait valoir, ajoutant qu’assurer un développement durable contribue certainement à éliminer les conditions préalables aux conflits. 

Le représentant a jugé que les pays développés sont passés « maîtres dans l’art d’attiser l’alarmisme » face à la « crise climatique ». Ils font des déclarations « populistes » mais, lorsqu’on aborde les mesures concrètes comme le financement du nouveau fonds pour les pertes et dommages et le transfert de technologies, on ne les entend plus, a-t-il accusé.  Il a donc exhorté ces pays à remplir avant tout leurs engagements en fournissant des ressources financières et des technologies aux pays en développement, afin de soutenir leurs efforts d’adaptation et d’atténuation. 

M. Nebenzia a ensuite reconnu que, dans certaines situations nationales et régionales, l’élément climatique peut être un facteur supplémentaire d’aggravation des conflits.  Il a toutefois estimé que le débat sur les changements climatiques « ne relève pas du mandat du Conseil » et ne fait que détourner l’attention des causes premières, souvent socioéconomiques, des conflits.  Le lien direct entre l’agenda climatique et la sécurité « n’est pas étayé scientifiquement », a-t-il insisté, ajoutant à titre de rappel que « des changements climatiques sur la planète Terre se sont produits à toutes les périodes de son existence, que ce soit dans le sens d’une élévation ou d’une baisse de la température ». 

Le représentant a, enfin, appelé à respecter la « division du travail » prévue par la Charte des Nations Unies, sans dupliquer le travail d’outils tels que la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et l’Accord de Paris.  Ces deux mécanismes, ajoutés aux travaux de l’Assemblée générale, du Conseil économique et social et du système des Nations Unies pour le développement, offrent des plateformes fiables pour relever les défis de l’environnement et du développement durable en général, a-t-il conclu. 

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a fait observer que des preuves scientifiques solides montrent que si les risques liés à la sécurité climatique sont laissés de côté et ne sont pas contrôlés, ils pourraient avoir des conséquences dévastatrices.  Ce constat nécessite donc à son avis un changement de paradigme, car on ne peut plus traiter de la dynamique des conflits et de la fragilité climatique sur des pistes distinctes.  Les régions en conflit sont souvent les plus vulnérables au climat, avec une instabilité encore exacerbée par les chocs climatiques, a-t-elle noté. 

La déléguée a souhaité que les efforts déployés par les missions des Nations Unies dans l’exécution de leurs mandats tiennent davantage compte des conséquences climatiques et environnementales, car celles-ci ont un impact sur les opérations de terrain.  Pour sa part, Malte a maintenu le discours climat-paix-sécurité au cœur de ses priorités du Conseil, a-t-elle relevé.  Le fait que le Conseil se penche sur ces questions ne détourne en aucune façon son attention du Secrétariat de la Convention-cadre sur les changements climatiques ou d’autres organes compétents, mais complète plutôt et renforce leurs rôles distinctifs, a-t-elle argué.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a été d’avis que les changements climatiques contribuent à l’instabilité politique et aux conflits.  Ainsi, dans les régions déjà confrontées à la pauvreté, à une mauvaise gouvernance et à des tensions ethniques, leurs impacts amplifient les conflits en perturbant les moyens de subsistance, en causant une pénurie d’eau et une insécurité alimentaire qui peuvent alimenter les troubles sociaux et accroître le risque de violence et de terrorisme.  De plus, il a fait remarquer que dans un monde interconnecté, les événements d’une région peuvent avoir des répercussions sur d’autres régions, en en déduisant que le Conseil ne peut y rester indifférent.

Constatant que le monde a uni ses efforts pour réduire les émissions de carbone, le délégué a regretté le peu de mesures prises pour réduire la probabilité que les changements climatiques multiplient les menaces.  Il a donc jugé urgent d’aider à améliorer la résilience et la capacité des nations vulnérables déjà directement touchées.  Pour réduire les risques d’instabilité géopolitique liés aux changements climatiques, le délégué albanais a appelé à poursuivre les efforts collectifs pour renforcer la bonne gouvernance, mener à bien la transition énergétique et améliorer la gestion des ressources naturelles, notamment grâce à des financements appropriés.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a constaté que sur les 20 pays les plus touchés par les conflits dans le monde, 12 font partie des plus vulnérables aux changements climatiques et alertent régulièrement sur les effets de ce phénomène sur leur sécurité.  Il a regretté que la communauté internationale reste loin de l’objectif qu’elle s’était fixé en 2009 dans la résolution 281 de l’Assemblée générale, qui appelait les Nations Unies à redoubler d’efforts face aux répercussions des changements climatiques sur la paix et la sécurité internationales.  Le représentant a donc misé sur le Conseil de sécurité pour mieux évaluer, anticiper et prévenir cet impact, et pour que l’ONU agisse sur le terrain.  Pour ce faire, il importe selon lui que les représentants spéciaux transmettent au Conseil des informations précises lors de leurs exposés et présentent des recommandations d’actions ciblées pour certaines zones, en particulier l’Afrique, où des initiatives ambitieuses prennent forme telles que la Grande muraille verte. 

Il a aussi recommandé au Conseil de mettre davantage l’accent sur la prévention des risques en renforçant les mandats des missions de l’ONU, de sorte que celles-ci puissent venir en appui des pays les plus vulnérables et identifier des actions concrètes, comme l’a par exemple fait le Représentant spécial au Soudan du Sud en proposant de faire du Nil un axe démilitarisé et un bien commun. De même, a-t-il poursuivi, le Conseil doit continuer à appuyer le travail de terrain de l’ONU, en particulier au travers des conseillers climat, paix et sécurité déployés auprès des missions, qui accompagnent les pays dans le renforcement de leurs capacités en matière d’évaluation et de gestion des risques.  La France, a-t-il précisé, est mobilisée en ce sens, notamment au bénéfice de la MANUI en Iraq.  Il a aussi encouragé l’ONU, en lien avec les pays contributeurs de troupes, à poursuivre la mise en œuvre de stratégies environnementales au sein des opérations de maintien de la paix, y compris par la mobilisation des énergies renouvelables. Enfin, le délégué a appelé les États Membres à se joindre à l’effort collectif en adhérant au mécanisme de sécurité climatique des Nations Unies, dont la France copréside avec l’Allemagne le comité de pilotage. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a déclaré que les changements climatiques sont une menace imminente pour nombre de pays et constituent un multiplicateur de risques de conflit.  Le Conseil doit donc agir pour remédier à l’insécurité climatique, a plaidé le délégué. Il l’a encouragé à coopérer à cette fin avec le Conseil économique et social (ECOSOC), les coordonnateurs résidents ou bien encore la Commission de consolidation de la paix.  Il s’est prononcé pour la préservation des démarcations maritimes établies en vertu de la Convention sur le droit de la mer, malgré l’érosion côtière due aux changements climatiques.  Enfin, il a répété que son pays continuera d’œuvrer à renforcer la résilience des groupes de pays vulnérables.

M. PETER SZIJJARO, Ministre des affaires étrangères et du commerce de la Hongrie, a évoqué la guerre régionale qui se déroule dans son voisinage appelant la communauté internationale à sauver des vies et à parvenir à un cessez-le-feu immédiat pour donner une chance aux pourparlers de paix. La solution doit toujours venir de la table des négociations, a observé le Ministre.  Il a rappelé qu’avant cette guerre, le monde vivait déjà à l’ère des menaces et des dangers en raison de l’accélération des changements climatiques, de la pression croissante de la migration et de la menace terroriste.  En raison de la guerre, les céréales exportées des pays en guerre ont diminué, s’est-il inquiété en constatant une déstabilisation des régions déjà fragiles et de l’approvisionnement alimentaire. 

Le représentant a aussi alerté sur le fait que la guerre a ouvert la voie à des idéologies extrêmes.  La guerre en Ukraine provoque également de très graves catastrophes naturelles, a constaté le Ministre en se préoccupant du fait que la plus grande centrale nucléaire d’Europe opère dans des circonstances très risquées.  Pour lui, sans l’énergie nucléaire, la lutte contre les changements climatiques et la protection de l’environnement n’auront aucune chance de réussir.  Il a donc appelé à unir les efforts pour briser ce cercle vicieux.  Si le Conseil n’est pas en mesure de le faire, le monde peut se retrouver facilement dans une crise qui sera totalement insoluble, a-t-il prévenu. 

Mme CATHERINE STEWART, Ambassadrice pour les changements climatiques et Sous-Ministre adjointe à l’environnement et aux changements climatiques du Canada, qui s’exprimait également au nom de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, a reconnu que les changements climatiques sont un « multiplicateur de menaces », qui aggrave les risques de sécurité préexistants. L’élévation du niveau de la mer, le réchauffement polaire et les conditions météorologiques de plus en plus imprévisibles ne peuvent être séparés de leurs implications en matière de sécurité, a-t-elle observé, prenant l’exemple de la région du Sahel, où les pressions supplémentaires sur les ressources exacerbent les tensions et les conflits existants.  Pour répondre à ces défis évolutifs, nous devons collectivement mieux évaluer et comprendre les implications des changements climatiques sur la sécurité, notamment la manière dont ils affectent les États fragiles et touchés par des conflits, a-t-elle affirmé, avant d’insister sur les impacts spécifiques de ce phénomène sur les femmes, les jeunes et les populations autochtones. 

Sur cette base, la représentante a souhaité que le Conseil de sécurité continue d’intégrer les risques climatiques dans les mandats et les pratiques de maintien de la paix.  Elle a aussi préconisé que l’ONU évalue dans quelle mesure les différentes formes d’assistance et d’intervention, telles que le soutien à l’adaptation et à la résilience, affectent les résultats en matière de sécurité.  À cet égard, elle a indiqué que le Canada, appuyé par ses alliés de l’OTAN, établira cette année à Montréal un « centre d’excellence sur les changements climatiques et la sécurité ».  Faisant également état des efforts déployés par l’Australie et la Nouvelle-Zélande pour renforcer la résilience et la sécurité de leur région face aux changements climatiques, la déléguée a appelé à intensifier la coopération internationale pour faire face à cette menace commune. 

Au nom du Groupe arabe, M. OSAMA MAHMOUD ABDELKHALEK MAHMOUD (Égypte) a appelé la communauté internationale à aborder les changements climatiques dans un cadre intégré incluant la relation avec la paix et la sécurité.  Il a relevé que les répercussions négatives des changements climatiques contribuent à alimenter les conflits et à augmenter le nombre de déplacés dans de nombreuses régions du monde, comme le Moyen-Orient, le Sahel et la Corne de l’Afrique.  Le représentant a indiqué qu’environ 90% des citoyens des pays arabes vivent dans des pays qui souffrent de pénuries en eau, une situation qui a un impact sur la sécurité alimentaire et sur la sécurité tout court. 

Au vu de ces constats, le groupe arabe appelle à l’action, afin de réduire les défis climatiques relatifs à la paix et à la sécurité.  Cela ne sera possible, a précisé le représentant, que si les engagements financiers pris par les pays développés envers les pays en développement sont respectés, en particulier la promesse de débourser 100 milliards de dollars américains par an pour l’adaptation.  Il a en outre rappelé la décision de créer le fonds sur les pertes et dommages lors de la COP27, tenue en 2022 à Charm el-Cheikh.  Enfin, il a insisté sur le fait que la question climatique doit être traitée selon une approche intégrée, afin de trouver des solutions radicales à ce défi existentiel.

Mme ANTJE LEENDERTSE (Allemagne), au nom du Groupe des Amis du climat et de la sécurité, a rappelé que ce dernier compte 66 États de toutes les régions du monde, unis par une préoccupation commune: les changements climatiques, « le défi majeur de notre époque », qui menacent de plus en plus le développement durable, posant ainsi un sérieux défi à la paix et à la sécurité humaine.  Pour que la prochaine COP28 soit un succès, le Groupe appelle tous les États à rehausser leur ambition sur l’action climatique, tout en admettant qu’il n’est plus possible de prévenir tous les impacts négatifs des changements climatiques, qui agissent comme un multiplicateur de risques, en particulier dans les contextes fragiles.  L’ensemble du système des Nations Unies doit relever ce défi complexe. 

Pour le Groupe, les travaux du Conseil de sécurité « bénéficieraient grandement » de l’examen des conclusions des récentes réunions de la Commission de consolidation de la paix sur différents contextes régionaux spécifiques où les changements climatiques ont un impact direct sur la sécurité et la stabilité.  Le Groupe estime que le Conseil a « un rôle crucial » à jouer, compte tenu de sa responsabilité première dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales.  La représentante a salué les travaux du Groupe informel d’experts des membres du Conseil de sécurité et pris note du leadership de certains des membres élus du Conseil, citant les Émirats arabes unis, Malte, le Mozambique et la Suisse. 

Jugeant toutefois qu’il reste beaucoup à faire au sein du Conseil de sécurité, la représentante a demandé d’envisager une série d’actions « concrètes et tangibles ».  Elle a notamment cité des rapports réguliers du Secrétaire général sur les implications pour la paix et la sécurité des effets néfastes des changements climatiques, la nomination par le Secrétaire général d’un représentant spécial pour le climat, l’intégration systématique des risques climatiques dans les mandats de toutes les missions de maintien de la paix et missions politiques spéciales des Nations Unies et une incitation à ces missions d’améliorer leur empreinte environnementale et à multiplier les actions de gestion environnementale.  Le Groupe souhaite également que le Conseil se réfère aux risques liés aux changements climatiques dans certaines situations nationales ou régionales spécifiques, en particulier dans ses prochaines déclarations présidentielles relatives aux Bureaux des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC) et pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), car cela « correspond également au souhait des pays concernés ».

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a demandé que la question des menaces des changements climatiques soit intégrée dans les programmes de travail du Conseil de sécurité.  L’objectif est de consolider les travaux de la Commission de consolidation de la paix, en vue d’assurer l’efficacité de la médiation et d’établir la paix.  Selon le représentant, les stratégies de réduction de risques de catastrophe dans les opérations de maintien de la paix et les missions de maintien de la paix doivent être mises en œuvre afin de garantir notamment la sécurité alimentaire. Il a aussi recommandé que les économies émergentes reçoivent le financement nécessaire en matière de renforcement de capacités et de transfert de technologies, afin d’être mieux armées face aux changements climatiques.  Les pays développés doivent respecter leurs engagements, notamment dans le cadre du fonds de compensation en matière de pertes et de dommages, a-t-il aussi exigé. 

M. MAURIZIO MASSARI (Italie) a dit avoir entendu le message des pays les plus touchés par les changements climatiques: au lieu de remettre en question le lien entre le climat, la paix et la sécurité, il faut le contrer.  Le représentant s’est réjoui que des États Membres responsables restent déterminés à rechercher la pleine reconnaissance du lien entre climat et sécurité, tout en tenant compte des questions relatives aux changements climatiques dans les efforts de prévention et de règlement des conflits, de même que pour les efforts de consolidation de la paix.  L’Italie, a déclaré le délégué, appuie l’utilisation de systèmes d’alerte rapide liés au climat comme outil de prévention des conflits et de consolidation de la paix ainsi que l’intégration des risques climatiques dans les mandats des missions de maintien de la paix. 

Le délégué a encouragé le système des Nations Unies à poursuivre ses travaux sur le climat et la sécurité.  Il a ajouté que son pays travaille avec le Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe et l’Union africaine pour renforcer les systèmes d’alerte rapide et la gestion des risques transfrontières.  Il contribue à la mise en œuvre de la Feuille de route pour l’Afrique pour améliorer la disponibilité, l’accès et l’utilisation de l’information sur les risques de catastrophe.  L’Italie coopère en outre avec le Département de l’appui opérationnel en matière de formation, de renforcement des capacités et d’échange de connaissances dans les domaines de la gestion et de la protection de l’environnement, a encore signalé le représentant. 

M. BOŠTJAN MALOVRH (Slovénie) a appelé à une coopération plus étroite, à travers et au-delà du système des Nations Unies, pour répondre à la menace des changements climatiques.  Dans ce cadre, il a jugé crucial de tirer efficacement parti des outils existants, tels que le mécanisme de sécurité climatique, et de renforcer la collaboration entre la Commission de consolidation de la paix et le Conseil de sécurité.  Pour le représentant, il faut également que les risques liés au climat figurent explicitement dans tous les mandats de consolidation de la paix des Nations Unies. 

Par ailleurs, le représentant a jugé important d’aborder les risques liés à l’eau dans les efforts de prévention, de règlement des conflits et de consolidation de la paix.  Nous devons prendre des mesures décisives pour protéger les ressources en eau et les infrastructures pendant et après les conflits armés, a-t-il plaidé, jugeant à cet égard que la récente attaque contre le barrage de Kakhovka, en Ukraine, viole de manière flagrante le droit international humanitaire.  La destruction de cet ouvrage a non seulement mis en danger des milliers de civils, mais a aussi causé de graves dommages à l’environnement, a dénoncé le représentant.  Enfin, après s’être prononcé pour l’intégration d’une perspective de genre dans les réponses climatiques, il a indiqué que son pays, en tant que membre nouvellement élu du Conseil, soutient le traitement par cet organe des risques de sécurité liés au climat. 

Mme KATHERINE ANAS AHMAD AL-HALIQUE (Jordanie) a jugé crucial que le Conseil de sécurité reconnaisse le lien grandissant entre les changements climatiques et la paix et la sécurité internationales.  Selon elle, continuer de tenir ce genre de débat sur cette thématique permettra de lui donner la visibilité requise.  Elle a expliqué qu’en Jordanie, la pénurie croissante d’eau amplifie la pression sans précédent sur les infrastructures hydrauliques causée par l’afflux de réfugiés de pays voisins.  Elle a invité le Conseil de sécurité à renforcer les initiatives existantes au sein du système des Nations Unies, comme l’initiative sur les systèmes d’alerte précoce aux risques climatiques dont les évaluations complètes des risques pourraient servir de points de référence pour contribuer à la sécurité climatique.  Elle a aussi souhaité l’intégration d’experts en sécurité climatique dans les travaux des missions de maintien de la paix.  La déléguée a souligné que la Jordanie, le deuxième pays le plus pauvre en eau au monde, connaît une menace imminente en matière de sécurité à cause des changements climatiques.  C’est pourquoi la représentante a appelé le Conseil à saisir cette opportunité pour utiliser la coopération sur le climat comme moyen de promouvoir la paix et la sécurité internationales.

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a évoqué l’exploitation historique, issue de la colonisation, des populations paupérisées, touchées de plein fouet par les changements climatiques.  Néanmoins, selon elle, bien peu de preuves existent pour faire un lien définitif entre changements climatiques et insécurité.  Sur ce point, la représentante a mis en garde le Conseil contre les « simplifications », qui pourraient finalement saper la cause de la paix et de la justice. 

Le Conseil de sécurité a envoyé des missions de maintien de la paix en invoquant le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies: il faudrait qu’il s’abstienne d’invoquer les changements climatiques pour de prochaines interventions, a poursuivi la représentante.  Il faut, en revanche, faire nettement plus d’efforts en matière d’anticipation, d’adaptation, de financement, de transfert des technologies et de renforcement des capacités, a-t-elle élaboré.  Enfin, elle a mis en garde contre les tentatives de certains pays de prendre des mesures unilatérales sous couvert d’aide à la lutte contre les changements climatiques.

M. OLIVIER MAES (Luxembourg) a salué la tenue de ce débat, souhaitant que l’impact des changements climatiques sur la paix et la sécurité internationales soit mieux appréhendé par les Nations Unies et par le Conseil de sécurité.  Mettant l’accent sur les conséquences pour les personnes qui vivent dans des situations de fragilité, de conflit et de violence, il a rappelé le projet de résolution présenté en décembre 2021 par l’Irlande et le Niger, et soutenu par 113 États Membres, qui répondait à la nécessité de mieux prendre en compte l’impact sécuritaire des changements climatiques.  Il a dit regretter « fortement » qu’il n’ait pas pu être adopté à cause du veto de la Russie, avant d’appeler à « travailler ensemble » et à agir « maintenant ». 

Le délégué a détaillé trois priorités, la première étant la prise en compte des changements climatiques dans la médiation et la prévention des conflits.  Il a fait remarquer que les ressources naturelles sont en cause dans beaucoup de conflits, une situation aggravée par les changements climatiques.  Il a cité l’exemple de la région du Sahel, où le Luxembourg est activement engagé en faveur de conventions locales pour la gouvernance intercommunautaire, inclusive et durable des ressources naturelles.  Il a ajouté que son pays soutient un programme mis en œuvre par le European Institute of Peace dans la région du Liptako-Gourma, à la frontière entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger, qui vise à mieux tenir compte des questions foncières et de la gouvernance des ressources naturelles pour résoudre et prévenir les conflits.  Sa deuxième priorité étant le renforcement des capacités et de l’expertise sur le terrain, il a dit soutenir les initiatives liées au climat prises par les missions politiques spéciales, les opérations de maintien de la paix et les envoyés spéciaux ainsi que par les départements et agences des Nations Unies.  Il a salué le rôle clef que joue le mécanisme de sécurité climatique à cet égard. Enfin, le délégué a plaidé pour la nomination par le Secrétaire général d’un représentant spécial pour le climat et la paix et la sécurité.

M. ALEXANDER MARSCHIK (Autriche) a déclaré que le Conseil devait donner la priorité au lien entre le climat, la paix et la sécurité.  Il faut affermir les capacités de l’ONU sur la question et prendre en compte le lien entre les changements climatiques et la sécurité. Les missions de maintien de la paix doivent être dotées de personnel formé dans ce domaine et d’équipes en capacités d’analyse pour s’adapter aux changements climatiques. 

Le représentant s’est dit favorable à la nomination d’un envoyé spécial pour le climat et la sécurité.  Il a demandé à réfléchir aux voies juridiques utiles pour traiter des effets des changements climatiques et protéger le climat et l’environnement.  Il s’est félicité en ce sens de la saisine par l’Assemblée générale de la Cour internationale de Justice en vue d’un avis consultatif sur la question.  Pour le représentant, il est essentiel de désigner les dommages étendus ou durables causés à l’environnement comme un crime, après s’être entendu sur une définition commune de l’environnement. 

Soulignant le caractère transfrontalier des changements climatiques, le représentant a insisté sur la nécessité de renforcer les partenariats en lien avec la paix et la sécurité, notamment avec des organisations régionales. Il s’est félicité du déploiement de conseillers climat dans des missions régionales de l’ONU, comme le BRENUAC ou l’UNOWAS.  Ces partenariats permettraient aussi de réduire l’empreinte environnementale des missions de paix de l’ONU, a-t-il estimé. 

M. DANG HOANG GIANG (Viet Nam) a souligné l’évidence du lien entre le climat et la sécurité.  Il a observé que les changements climatiques se sont transformés en problèmes multiples ayant des effets sur l’environnement, la société et l’économie. Sur le plan sécuritaire, les changements climatiques deviennent des multiplicateurs de risques et peuvent intensifier les conflits existants, a constaté le représentant.  Ils peuvent aussi rendre l’instabilité sociale et politique plus complexe et, plus grave encore, faire le lit du terrorisme.  Ils peuvent par ailleurs provoquer des conflits internationaux liés à la rareté des ressources, voire inverser les efforts de maintien de la paix de certains pays qui sortent à peine d’un conflit, a-t-il averti, appelant le Conseil de sécurité à honorer sa responsabilité première et à faire davantage pour promouvoir cette question. 

Plus largement, le Conseil devrait prendre des mesures globales pour lutter contre les causes profondes des conflits et intégrer systématiquement les risques climatiques dans les mandats des opérations de maintien de la paix, a estimé le représentant.  Il importe en outre que le Conseil coopère avec tous les mécanismes traitant des questions climatiques, notamment la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et l’Accord de Paris, ainsi qu’avec les organisations régionales, a poursuivi le représentant, qui y a vu un moyen de prendre de meilleures décisions en vue d’une riposte efficace. 

M. ARRMANATHA CHRISTIAWAN NASIR (Indonésie) a appelé à davantage de synergies au sein des Nations Unies pour faire face au défi des changements climatiques.  Il a aussi plaidé pour des mesures tangibles qui vont au-delà de la rhétorique et qui permettent de soutenir les pays les plus vulnérables.  Le représentant a invité les opérations de maintien de la paix des Nations Unies à réduire leur empreinte environnementale dans les pays hôtes. En outre, il a appelé le Conseil à donner aux soldats de la paix des capacités appropriées pour faire face aux changements climatiques.  Pour le représentant, il est tout aussi important de renforcer les partenariats, y compris au niveau régional. 

Mme X (Colombie) a appelé à une paix remettant la planète au cœur de l’action collective, alors que les changements climatiques risquent d’accroître les effets des conflits dans un effet multiplicateur.  Pays en paix, la Colombie veut mettre un terme à la perte de biodiversité, sachant que l’adaptation aux changements climatiques nécessite davantage de ressources financières, a expliqué l’oratrice.  Elle a en effet estimé qu’il faut à la fois contrer les menaces présentes et prévenir les menaces futures.

M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a souligné les conséquences sécuritaires des changements climatiques, telles que les sécheresses dans la Corne de l’Afrique qui peuvent créer des conflits, entre fermiers et éleveurs par exemple. Mais fondamentalement, a-t-il ajouté, il nous fait comprendre que les changements climatiques créent en eux-mêmes de l’insécurité et constituent donc une menace à la paix et la sécurité. Inquiet des prévisions sur la hausse des températures mondiales, qui va probablement dépasser 1,5 degrés Celsius au cours des cinq prochaines années, le délégué a indiqué que son pays s’est engagé à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici à 2030, par rapport à 1990, et à atteindre le net zéro d’ici à 2050.  Il a appelé les plus gros émetteurs à faire de même. S’inquiétant en particulier pour les pays insulaires volcaniques ou composés d’atolls, il a évoqué le cas d’inondation partielle de territoire d’un État et de relocalisation de son peuple: cela ne devrait pas changer, en droit international, la présomption générale que les peuples concernés peuvent exercer leur droit à l’auto-détermination.

Le Liechtenstein a été fier de faire partie du groupe de pays soutenant la résolution de l’Assemblée générale demandant un avis consultatif à la Cour internationale de Justice (CIJ) sur l’obligation des États en lien avec les changements climatiques, a poursuivi le délégué.  Il a salué cette décision historique et a espéré que la CIJ fournirait des directives claires sur ces questions.  S’agissant du Conseil de sécurité, le représentant a suggéré qu’il travaille avec la Commission de consolidation de la paix pour garantir une approche du risque climatique qui soit systématique et préventive.  Le Conseil, a-t-il ajouté, peut aussi faire fond sur les travaux du Groupe informel d’experts sur le climat et la sécurité.  Il a regretté que le projet de résolution de l’Irlande et du Niger, en décembre 2021, n’ait pas été adopté à cause du veto russe.

M. AMIR SAIED IRAVANI (République islamique d’Iran) a déclaré que les défis environnementaux que son pays doit relever sont aggravés par les sanctions imposées par les États-Unis, qui empêchent les investissements dans les sources d’énergies renouvelables et l’accès aux technologies plus durables.  Le représentant a estimé qu’en raison des sanctions le droit de la population iranienne à vivre dans un environnement sain est sapé.  L’Iran reste néanmoins fidèle à ses engagements, a-t-il affirmé, en mentionnant la tenue en septembre prochain à Téhéran d’une conférence sur la lutte contre les tempêtes de sable.  Enfin, il a exhorté les pays développés à s’acquitter de leurs obligations en vertu de l’Accord de Paris.  Les sanctions, qui entravent les efforts d’atténuation des pays en développement face aux changements climatiques, doivent être supprimées, a-t-il réaffirmé en conclusion.

M. MUHAMMAD ABDUL MUHITH (Bangladesh) a noté que les changements climatiques ont des énormes conséquences sur le développement.  Toutefois, a-t-il dit, ce sont avant tout des multiplicateurs de risques pour la sécurité humaine, comme le démontre le nombre croissant des personnes affectées et des déplacements de population liés au climat.  De fait, bien comprendre les effets négatifs des changements climatiques sur la paix et la sécurité est nécessaire pour prendre des mesures efficaces, a souligné le représentant, non sans rappeler que son pays est en première ligne face à cette menace.  En plus des inondations, des cyclones et des sécheresses de plus en plus fréquents, les changements climatiques ont des répercussions profondes sur l’alimentation, l’énergie, l’eau et la sécurité sanitaire, a fait remarquer le délégué, avant de saluer le fait que l’Assemblée générale ait demandé un avis consultatif à la Cour internationale de Justice (CIJ) sur les effets juridiques des changements climatiques.  Il a d’autre part averti que, dans les pays accueillant des opérations de maintien de la paix ou des missions politiques, les changements climatiques peuvent empêcher des transitions sans heurt et nuire aux efforts de consolidation de la paix. Il est donc essentiel que la communauté internationale appuie les autorités nationales concernées dans leurs efforts d’adaptation et d’atténuation, a-t-il conclu, en souhaitant que le fonds mondial pour les pertes et les dommages, créé lors de la COP27 en Égypte, devienne rapidement opérationnel. 

Mme NJAMBI KINYUNGU (Kenya) a plaidé pour que toutes les ressources disponibles soient orientées vers une approche multidimensionnelle de l’action climatique, avec l’ONU au centre.  Elle a invité les membres du Conseil à convenir d’un lien entre le climat, la paix et la sécurité, et de dépasser les divisions.  Ce consensus non seulement incitera à une action urgente, mais favorisera également des conversations soutenant le maintien et la consolidation de la paix face aux crises environnementales et climatiques, a-t-elle argué.  La représentante a appelé à tirer parti de l’expertise du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) afin de « coordonner notre résilience climatique collective et soutenir nos efforts vers une économie verte ».  Elle a terminé en invitant la communauté internationale à Nairobi pour le premier Sommet sur l’action climatique en Afrique, prévu en septembre 2023.

M. BURHAN GAFOOR (Singapour) a fait remarquer qu’en tant que petite nation insulaire à faible élévation, son pays est particulièrement vulnérable aux effets des changements climatiques, avec même un risque pour sa survie.  Il a cité notamment les vagues de chaleur récentes et l’élévation du niveau de la mer, des phénomènes qui peuvent faire perdre du territoire aux pays comme le sien et qui font peser des risques de conflit. Il s’est donc dit favorable à l’examen de cette question par le Conseil de sécurité, en détaillant la façon dont, à son avis, le Conseil devrait agir dans ce domaine.  Il a souhaité tout d’abord qu’il adopte une approche multidimensionnelle et holistique s’agissant de la sécurité climatique, faisant observer que les changements climatiques peuvent faire augmenter le risque de famine et de malnutrition de 20% d’ici à 2050, selon le PAM.  Il a aussi suggéré au Conseil d’encourager les pays à tenir leurs engagements dans la lutte contre les changements climatiques, dont les contributions déterminées au niveau national et les stratégies de développement urbain à faibles émissions.  Le délégué a assuré que Singapour assume sa part du contrat, avec pour objectif des émissions net zéro d’ici à 2050.  Enfin, il a recommandé au Conseil de sécurité de promouvoir un soutien renforcé aux pays en développement vulnérables, en particulier les petits États insulaires en développement (PEID), afin que ceux-ci soient en mesure de renforcer leur résilience et leur adaptation.  Cela inclut des investissements dans l’innovation et les technologies, a-t-il précisé.

M. PAULA NARVÁEZ OJEDA (Chili) a insisté sur l’importance du financement de la lutte contre les changements climatiques, encore insuffisant au niveau mondial, en particulier pour les pays en développement.  À cet égard, la raison pour laquelle les changements climatiques affectent la sécurité internationale réside précisément dans le fait que « les flux financiers n’ont pas été suffisants » pour prévenir à temps les conséquences du réchauffement de la planète, a estimé le représentant.

Le représentant a réitéré que les initiatives relatives aux changements climatiques et à la sécurité internationale doivent prendre en compte la perspective des communautés affectées: communautés locales, autochtones et organisations de la société civile.  En première ligne face au dérèglement climatique, elles disposent de moins de ressources pour s’en protéger, a-t-il souligné. 

M. KRZYSZTOF SZCZERSKI (Pologne) a salué les progrès réalisés en matière de lutte contre les changements climatiques dans plusieurs mandats de maintien et de consolidation de la paix des Nations Unies et s’est dit satisfait que le Conseil de sécurité ait intégré le langage des changements climatiques dans les résolutions concernant les opérations de paix.  Le travail en ce sens doit se poursuivre, a-t-il indiqué. Le représentant a ensuite rappelé qu’en plus de la détérioration de la sécurité causée par le climat, on pouvait observer des catastrophes environnementales causées par l’homme et liées aux conflits en cours « ou simplement utilisées comme arme et tactique de guerre ».  Il a cité en exemple la destruction du barrage du Dniepr à Nova Kakhovka, en Ukraine et a rappelé la menace pesant sur la centrale nucléaire de Zaporijia.

Le Conseil de sécurité doit identifier de toute urgence les mesures supplémentaires nécessaires pour que les missions de maintien de la paix et des missions politiques spéciales planifient et traitent correctement les risques de sécurité liés au climat dans le contexte des missions, a affirmé le représentant.  Il a jugé évident que l’accès à l’eau et à l’énergie sur le terrain, les méthodes d’opération et la mobilité des troupes de l’ONU seront de plus en plus affectées par les effets des changements climatiques.  Il a aussi jugé essentiel de former les soldats de la paix de l’ONU au lien entre climat et sécurité.  La Pologne appuie fermement les efforts visant à renforcer la résilience opérationnelle de ces missions face aux impacts climatiques afin de mettre en œuvre efficacement leur mandat, avec un coût minimal pour l’environnement. 

M. OLOF SKOOG, de l’Union européenne, a appuyé l’idée d’encourager les représentants spéciaux des Nations Unies à présenter au Conseil de sécurité des informations liées au climat, de renforcer les mandats de toutes les missions par un aspect « évaluation et gestion des risques liés au climat » et de continuer à appuyer l’ONU sur le terrain.  Il a aussi soutenu l’idée de demander au Secrétaire général de présenter régulièrement des rapports au Conseil de sécurité et celle de nommer un envoyé spécial des Nations Unies sur le climat et la sécurité.  Le climat et l’environnement, a souligné le représentant, sont une partie intégrante des priorités du partenariat stratégique 2022-2024 entre l’Union européenne et l’ONU pour les opérations de paix et la gestion des crises. 

L’Union européenne a d’ailleurs commencé à déployer des conseillers de l’environnement dans toutes ses 22 missions et opérations militaires dont 13 travaillent aux côtés de celles des Nations Unies.  N’oublions pas, a prévenu le représentant, que les forces armées doivent aussi contribuer à l’objectif zéro net.  L’Union européenne entend, dans ce cadre, mener une communication conjointe sur le climat et la sécurité et souhaite une collaboration renforcée avec le système des Nations Unies, l’OSCE et l’OTAN.  Le représentant a dit attendre une COP28 ambitieuse qui conduise le monde vers la transition énergétique et qui maintienne en vie l’objectif de 1,5 degré Celsius.

Mme MARITZA CHAN VALVERDE (Costa Rica) a souligné que le lien mis sur le climat, la paix et la sécurité a négligé l’Amérique latine et les Caraïbes. C’est pourtant une région où les défis climatiques ont des implications potentielles en matière de sécurité, a fait observer la représentante, qui a évoqué le cas du « couloir sec » d’Amérique centrale, qui fait face à des saisons des pluies retardées et irrégulières, des sécheresses prolongées, des ouragans, des pertes de récoltes importantes et des niveaux croissants d’insécurité alimentaire.  Ces catastrophes provoquent des tensions sur la gestion et l’accès à l’eau et à la terre. 

La représentante a demandé une approche globale qui combine des pratiques de gestion durable des terres, une agriculture résiliente au climat, un accès équitable aux ressources en eau.  Il faut s’attaquer aux causes profondes de la rareté des ressources et des disparités sociales, a-t-elle ajouté.  Elle a également souligné le rôle du mécanisme pour le climat et la sécurité en tant que plateforme de coordination des opérations des Nations Unies. Les femmes et les enfants, leur protection et leur autonomisation ne doivent pas être négligées, a-t-elle ajouté, en demandant que soient collectées des données fiables ventilées par sexe. 

M. MARTIN BILLE HERMANN (Danemark), s’exprimant au nom des pays nordiques (Finlande, Suède, Norvège, Islande et Danemark), a souhaité que la question climatique soit intégrée dans le mandat des missions de maintien de la paix. Il a souhaité également que la Commission de consolidation de la paix puisse partager son expérience avec le Conseil de sécurité sur l’interaction entre climat et consolidation de la paix, en prenant comme exemples le Sahel et les îles du Pacifique.  Le représentant a souligné que les femmes sont les plus affectées par les conflits liés aux changements climatiques.  Il faut donc tenir compte du programme sur les femmes et la paix et la sécurité, ainsi que de celui sur les jeunes. 

Certains se demandent sur le Conseil est l’instance la mieux placée pour traiter de la question, a reconnu le représentant.  Pour les pays nordiques, le Conseil peut faire sa part en accélérant par exemple la transition énergétique des opérations de maintien de la paix dans un contexte où seuls 6% des sources d’énergie de ces opérations viennent de sources renouvelables.  Il faut absolument insister pour « verdir le bleu », a-t-il plaidé. 

M. SURIYA CHINDAWONGSE (Thaïlande) a énuméré les impacts négatifs des changements climatiques en particulier pour les petits États insulaires en développement (PEID) et leurs populations.  Il a ensuite demandé à la communauté internationale de consolider le multilatéralisme et la coopération internationale pour relever le défi des changements climatiques et de leurs effets négatifs sur la sécurité humaine et sur la stabilité à long terme des États, des communautés et de la planète. Il faut respecter la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et l’Accord de Paris en tant que pierre angulaire de la gouvernance climatique mondiale, a-t-il insisté.  Le représentant a en outre appelé les pays développés à verser les 100 milliards de dollars par an, reconstituer le Fonds vert pour le climat et honorer leurs engagements financiers en matière d’adaptation en faveur des pays en développement. 

Les opérations de maintien et de consolidation de la paix doivent réduire leur empreinte environnementale, notamment grâce à une meilleure gestion environnementale sur le terrain, a poursuivi le représentant.  Il a par ailleurs demandé d’adopter des politiques qui permettront aux sociétés et aux communautés de surmonter les conflits et de mieux se préparer aux effets négatifs des changements climatiques.  La Thaïlande soutient la mise en œuvre effective de la Stratégie environnementale pour les opérations de paix et des mandats relatifs à l’environnement.  Quant au Conseil de sécurité, il devrait se concentrer sur les risques induits par les changements climatiques dans des contextes de conflit, afin de mobiliser davantage de ressources et d’appui de la part du système des Nations Unies et de la communauté internationale en faveur des pays en conflit. 

Mme ANA PAULA ZACARIAS (Portugal) a jugé crucial que le système des Nations Unies, en tant que plateforme la mieux à même de promouvoir une réponse coopérative et coordonnée, s’emploie à répondre davantage aux implications sécuritaires des changements climatiques.  En particulier, il est essentiel, selon elle, que le Conseil continue d’œuvrer en faveur d’une approche globale pour faire face aux impacts et aux risques sur la sécurité, tout en développant des mécanismes d’alerte précoce sur la base des informations générées par le mécanisme de sécurité climatique.  Elle a souhaité à cet égard que le Conseil intègre davantage les questions de sécurité liées au climat dans ses résolutions.  La représentante a d’autre part plaidé pour un alignement des efforts de consolidation de la paix et de développement pour promouvoir la résilience et l’adaptation aux changements climatiques.  Plutôt que de seulement gérer les risques, nous devrions utiliser les outils dont nous disposons pour promouvoir et maintenir la paix, a-t-elle professé, estimant à cet égard que le Fonds pour la consolidation de la paix joue un rôle important en apportant des financements climatiques aux zones touchées par des conflits.  Enfin après avoir rappelé que le rapport du Secrétaire général sur « Notre Programme commun » recommande que l’ONU renforce son soutien aux capacités régionales pour faire face aux effets des changements climatiques sur la sécurité, elle a dit attendre avec intérêt la note d’orientation sur le « Nouvel Agenda pour la paix », qui pourrait donner un nouvel élan aux discussions du Conseil sur ce sujet.

M. CORNEL FERUȚĂ (Roumanie) a appelé à urgemment intégrer le sujet dans les politiques de l’Organisation, et à agir pour protéger les communautés les plus vulnérables des petits États insulaires en développement (PEID), ainsi que celles des pays de faible élévation.  Ces problèmes liés aux changements climatiques menacent l’identité, voire l’existence, de plusieurs États Membres, a prévenu le délégué roumain. Il a rappelé que Vanuatu avait demandé à la Cour internationale de Justice (CIJ) de travailler sur les implications juridiques des changements climatiques.  L’orateur a appelé le Conseil de sécurité à agir enfin dans le cadre de ces questions.

M. BASSAM SABBAGH (Syrie) a suggéré de mettre en œuvre la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques pour atténuer les effets néfastes du réchauffement climatique dans les pays en développement les plus touchés. Pour le représentant, les actes terroristes des milices et des groupes terroristes dans son pays provoquent des dégâts environnementaux, polluent l’air et les eaux, affectent la santé des populations et impactent négativement les secteurs économiques et sociaux.  Il a aussi dénoncé les mesures coercitives unilatérales imposées par certains pays, qui, a-t-il affirmé, empêchent de protéger l’environnement, de lutter contre les changements climatiques et d’assurer un développement durable.  Il a plaidé pour une action mondiale afin de réduire les effets négatifs des changements climatiques sur la paix, la sécurité et le développement durable. 

Mme CARLA MARIA RODRÍGUEZ MANCIA (Guatemala) a jugé urgent de se pencher sur les questions climatiques, compte tenu de leur effet démultiplicateur des crises existantes, notamment dans les zones fragiles où les gouvernements ont des ressources limitées pour y répondre.  Face à cette menace, il y a lieu d’aider les plus vulnérables et de sauver des vies, a-t-elle affirmé, rappelant au passage que son pays est extrêmement vulnérable aux variations du climat.  Dans ce contexte, le Guatemala appuie l’idée selon laquelle les questions climatiques doivent être traitées dans le cadre du pilier paix et sécurité de la Charte des Nations Unies.  La représentante a appelé l’ONU à assumer le rôle de chef de file sur ces questions et se doter des outils nécessaires pour répondre à des situations mettant en péril le bien-être des individus.  Mais il faut aussi des perspectives à long terme pour faire face aux risques, avant qu’ils ne débouchent sur une crise. 

Compte tenu de sa responsabilité principale, le Conseil de sécurité doit intégrer dans ses évaluations les questions de sécurité climatique, a encore préconisé la représentante, pour qui l’initiative du Secrétaire général en faveur d’alertes précoces pour tous est une proposition utile.  Le Guatemala est heureux de figurer parmi les premiers pays où ce dispositif sera mis en œuvre, a-t-elle indiqué, avant d’inviter le Conseil à se pencher sur la question des migrations climatiques d’une façon interdisciplinaire. 

M. MAX RAI (Papouasie-Nouvelle-Guinée), au nom du Forum des îles du Pacifique, a rappelé que les changements climatiques sont considérés comme la plus grande menace existentielle à laquelle est confronté le continent Pacifique bleu.  Le Conseil de sécurité a un rôle essentiel à jouer et doit aligner son mandat sur celui d’autres organes des Nations Unies, notamment la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, a affirmé le représentant, pour qui cet alignement est, en fait, en cours.  Le représentant a en outre rappelé que le Groupe des amis du climat et de la sécurité, actuellement coprésidé par Nauru, compte plus de 60 membres.  Il a salué la possibilité de veiller à ce que le futur « Nouvel Agenda pour la paix » intègre les changements climatiques en tant que menace pour la sécurité. 

Le maintien de la paix, la consolidation de la paix et la résolution des conflits doivent tous être sensibles au climat, a poursuivi le représentant, qui a appelé le Conseil de sécurité à nommer un rapporteur spécial chargé de produire un examen régulier des menaces à la sécurité mondiale, régionale et nationale causées par les changements climatiques.  Jugeant « aussi complexes qu’indéniables » les implications des changements climatiques pour la paix et la sécurité, il a conclu en demandant que le Conseil et le système multilatéral dans son ensemble agissent sur ces questions de toute urgence. 

M. AKAN RAKHMETULLIN (Kazakhstan) a souhaité que le Conseil de sécurité intègre une dimension climatique dans tous ses mandats de maintien de la paix, en particulier pour les missions opérant dans des lieux très vulnérables aux changements du climat.  À cet égard, il a exprimé son soutien aux efforts du Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix (DPPA) et du Département des opérations de paix (DPO) visant à initier le personnel de terrain aux concepts de climat, de paix et de sécurité.  Il importe également d’intégrer ces concepts aux programmes sur les femmes et les jeunes, et de protéger les défenseurs de l’environnement, a plaidé le représentant, appelant en outre la Commission de consolidation de la paix et le Fonds de consolidation de la paix à soutenir les partenariats noués dans sa région avec les organisations de femmes et le Groupe de femmes d’influence d’Asie centrale. 

Pour le représentant, l’action autour des changements climatiques peut servir de plateforme pour les efforts de consolidation de la paix et de résilience, mais aussi pour la réalisation du Programme 2030, à condition de s’appuyer sur des cadres, des indicateurs et des critères développés collectivement.  Le Kazakhstan, qui subit de plein fouet les conséquences néfastes de ces changements, collabore ainsi avec ses voisins pour en atténuer les conséquences, notamment dans le cadre du Fonds international pour le sauvetage de la mer d’Aral.  Il propose de créer à Almaty un bureau de projet des pays d’Asie centrale sur le climat et l’énergie verte, et d’organiser en 2026 un sommet régional sur le climat. 

Pour M. ANDREJS PILDEGOVIČS (Lettonie), si les changements climatiques peuvent mener à la guerre, les guerres, elles, entravent la possibilité d’un avenir durable. La destruction d’un barrage dans la région de Kherson en Ukraine par la Fédération de Russie en est l’exemple le plus dévastateur, en ayant provoqué une nouvelle crise humanitaire, mais aussi un désastre environnemental, dont les proportions sont peu à peu révélées, a accusé le représentant.  « La nature est elle aussi victime de la guerre menée par la Russie », a-t-il ajouté. 

La Lettonie, qui a coparrainé la résolution de l’Assemblée générale demandant un avis consultatif à la CIJ sur les changements climatiques, estime qu’en intégrant les considérations relatives aux changements climatiques dans ses efforts de prévention et de résolution des conflits, le Conseil de sécurité deviendra plus efficace.  Les missions qu’il mandate devraient contribuer au renforcement de la résilience, a ajouté le représentant.  Enfin, il a estimé important de « verdir » l’action des Casques bleus par des pratiques environnementales saines, afin de réduire l’empreinte environnementale des activités de maintien de la paix.

M. JOONKOOK HWANG (République de Corée) a noté les progrès accomplis dans la reconnaissance du lien entre le climat et la paix et la sécurité, qui a été pris en compte dans plusieurs mandats de maintien de la paix.  Le Conseil n’a toujours pas les outils nécessaires pour aider les pays et régions vulnérables aux changements climatiques, a-t-il toutefois relevé.  De son avis, l’heure est vraiment venue que le Conseil demande au Secrétaire général un rapport sur les risques que font peser les changements climatiques sur la paix et la sécurité, qui pourrait permettre de planifier des mesures et d’identifier les régions devant faire l’objet d’une alerte précoce.  Le délégué a aussi plaidé pour des ressources humaines et financières plus grandes, dans les missions de paix, pour gérer les questions liées au climat, et notamment pour avoir suffisamment de conseillers sur le climat, la paix et la sécurité.  Le représentant a enfin fait état des efforts de son pays pour contribuer à tous les niveaux, citant par exemple la plateforme pour l’hydrogène non polluant développée par la République de Corée, pour que ce soit une ressource du futur.

Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar) a axé son intervention sur le financement des mesures d’atténuation aux changements climatiques.  Rappelant que la cinquième Conférence sur les pays les moins avancés (PMA) a été organisée à Doha, la représentante a fait valoir qu’à sa suite, le Qatar avait investi 60 millions de dollars pour soutenir ses activités d’atténuation dans les PMA.  Cette action s’intègre dans une démarche globale et stratégique du Qatar pour renforcer la lutte contre les changements climatiques à l’échelle mondiale, a-t-elle expliqué. 

Le Qatar dispose d’une longue histoire d’appui aux efforts internationaux pour lutter contre les changements climatiques, dont l’un des jalons a été l’accueil de la COP18, a poursuivi la représentante qui a souhaité que des mesures ambitieuses soient prises lors de la COP28.  La dernière coupe du monde de football, organisée au Qatar l’an dernier, a été la première sans émission de carbone, a-t-elle assuré en conclusion. 

Mme LAURA OLSON, de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), a rappelé que 90% de toutes les catastrophes actuelles sont liées au climat et aux conditions météorologiques et que les conséquences de la crise climatique aggravent d’autres crises et annulent les gains de développement, affectant ainsi la paix et la sécurité mondiales. Elle a appelé à concentrer les efforts sur les communautés les plus touchées et les plus à risque, en particulier celles qui se trouvent dans des contextes fragiles.

S’il n’existe pas de solution unique pour réduire les risques climatiques, la FICR propose trois changements.  Il faut investir au niveau communautaire dans la réduction des risques de catastrophe à grande échelle, l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques. Il faut ensuite combler les lacunes de financement en adoptant une approche plus intégrée du financement humanitaire, du développement, du climat et de la paix, qui mette les besoins des communautés au centre.  Il faut enfin intensifier les systèmes d’alerte précoce et d’action précoce, ce qui implique de donner aux organisations locales un accès plus direct au financement et aux processus décisionnels. 

La déléguée a appelé tous les acteurs de l’humanitaire, du développement, du climat ou de la paix à travailler ensemble pour à la fois répondre aux besoins immédiats et renforcer la résilience à long terme, l’objectif étant de prévenir et d’atténuer les souffrances humaines et de contribuer au maintien de la dignité humaine et de la paix dans le monde.

Mme FATIMA KYARI MOHAMMED, de l’Union africaine, a rappelé que l’Afrique est l’un des continents les plus touchés par les changements climatiques tout en étant le moins contributeur aux émissions de gaz à effet de serre.  Énumérant les effets néfastes de ce fléau, elle a parlé de défi majeur entravant les efforts africains visant à faire taire les armes et à réaliser l’Agenda 2063.  Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a souligné la nécessité d’un lien éclairé entre la sécurité climatique et l’Afrique, a-t-elle indiqué, ajoutant que le risque climatique est un multiplicateur de menaces à la paix et à la sécurité.  En matière de prévention, elle a dit que la Commission de l’Union africaine intègre les changements climatiques dans toutes ses activités.  S’agissant de la perspective sexospécifique, elle a souligné la nécessité urgente d’une approche soucieuse de l’égalité des sexes dans les efforts d’atténuation des effets des changements climatiques et ceux de maintien de la paix.  En outre, elle a demandé d’augmenter le financement de la lutte contre les changements climatiques, afin de pouvoir atteindre les objectifs ambitieux énoncés dans l’Accord de Paris.

M. TESFAYE YILMA SABO (Éthiopie) a souligné que la Corne de l’Afrique est l’une des régions les plus frappées par des sécheresses et des inondations sans précédent.  Toutefois, discuter des conséquences des changements climatiques sous l’angle politique et sécuritaire ne contribuera pas à la recherche de solutions, a estimé le représentant, arguant qu’une telle démarche ne peut que compromettre le consensus autour de la Convention-cadre, soumettre les efforts de développement et l’utilisation des ressources naturelles à des considérations sécuritaires inutiles, faire des victimes climatiques le problème principal, retirer aux pollueurs leur responsabilité et la déporter vers les pays et les communautés en conflit. 

La question des déplacés climatiques est une question socioéconomique qui échappe au mandat du Conseil de sécurité.  Il nous faut, a dit le représentant, une action climatique visant la baisse des émissions, le respect des engagements financiers pour l’atténuation et la résilience et des investissements dans les systèmes d’alerte rapide.  Les entités des Nations Unies doivent appuyer, de manière décisive, des initiatives telles que la Grande muraille verte ou celle de l’Éthiopie elle-même qui a conduit à la plantation de milliards d’arbres.  Le Conseil, a conclu le représentant, doit résister à la tentation de s’immiscer dans les discussions sur les changements climatiques.

M. EOGHAN MCSWINEY (Irlande) a rappelé que les conséquences des changements climatiques sont encore plus graves et profondes quand elles concernent des situations de fragilité et de conflit.  S’il s’est ensuite félicité que le Conseil de sécurité ait reconnu les effets néfastes des changements climatiques sur la dynamique des conflits dans un nombre croissant de mandats de maintien de la paix et de missions politiques spéciales, le représentant a néanmoins jugé qu’il devait faire davantage pour mieux comprendre et traiter les risques de sécurité liés au climat dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Ce n’est pas un hasard, a-t-il ajouté, si 8 des 15 pays les plus vulnérables aux changements climatiques accueillent des opérations de paix des Nations Unies et si 80% des Casques bleus des Nations Unies actuellement déployés le sont dans ces pays.

Là où les changements climatiques sont un facteur d’aggravation de l’instabilité et de sape de la paix et de la sécurité, le Conseil a le devoir d’utiliser tous les outils à sa disposition pour y faire face, a asséné le représentant, pour qui, en faisant moins, le Conseil trahit la responsabilité qui lui a été confiée par les États Membres.  Il a plaidé pour une approche globale et collaborative qui donne la priorité à la prévention, à la résilience, à la coopération internationale et à la résolution des conflits. 

Le représentant a rappelé que durant son récent mandat de membre élu du Conseil, l’Irlande s’était engagée, avec le Niger, « l’un des pays les plus touchés par les risques de sécurité liés au climat » à faire avancer la question du climat et de la sécurité pendant notre mandat au Conseil de sécurité. S’il a reconnu la déception de son pays lorsque la Fédération de Russie a opposé son veto à une résolution sur la question en décembre 2021, il a jugé évident que ce programme « bénéficie d’un énorme soutien de tous les coins de l’ONU ».  Pour l’Irlande, la question n’est plus de savoir si le Conseil de sécurité doit tenir compte des risques de sécurité liés aux changements climatiques dans sa prise de décision, mais quand ce doit être le cas.  Ce n’est qu’alors que le Conseil pourra véritablement s’acquitter de ses obligations envers les plus vulnérables d’entre nous, a conclu le représentant.

M. AGUSTÍN SANTOS MARAVER (Espagne) s’est félicité que le Conseil de sécurité ait inclus des considérations climatiques dans ses résolutions depuis 2017. Il a cependant regretté qu’en décembre 2021, l’organe en charge de la paix et de la sécurité internationales n’ait pu trouver un accord sur le projet de résolution relatif aux conséquences des changements climatiques sur la sécurité, qui était pourtant coparrainé par 113 pays.  Le texte, a-t-il précisé, proposait une approche globale qui intégrait systématiquement les risques de sécurité liés au climat dans la prévention et la gestion des conflits, ainsi que dans le maintien de la paix.  Le représentant a ajouté que son pays soutient le travail du mécanisme de sécurité climatique et de la communauté de pratiques des Nations Unies sur la sécurité climatique, initiatives qui selon lui ne remettent pas en cause la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), mais complètent l’action des différents organes du système onusien.  Enfin, le délégué a indiqué que la stratégie espagnole de diplomatie humanitaire récemment approuvée reconnaît les changements climatiques comme l’une des causes des conflits et prône l’inclusion de paramètres climatiques dans les mécanismes d’alerte précoce. 

M. OMAR HILALE (Maroc) a jugé nécessaire de sensibiliser les esprits aux conséquences sécuritaires du réchauffement planétaire, citant en exemple la désertification qui menace l’Afrique.  « Une terre perdue à la vie est une terre gagnée à l’insécurité », a-t-il lancé, notant que, sur le continent, les zones en prise avec une dégradation extrême des conditions climatiques sont bien souvent aussi celles où les conflits éclatent, où les populations sont déplacées et où les groupes terroristes et séparatistes cherchent à s’infiltrer. 

Après avoir salué les efforts des Émirats arabes unis pour faire de la prochaine COP28 un succès et rappelé plusieurs initiatives de son pays, le représentant a jugé important que le mécanisme de sécurité climatique des Nations Unies, « excellent exemple de coopération interinstitutionnelle » du système des Nations Unies pour analyser et traiter les effets néfastes des changements climatiques sur la paix et la sécurité, travaille en complémentarité avec les trois commissions climat pour l’Afrique issues du Sommet de Marrakech de 2016. 

Quant au Conseil de sécurité, le représentant lui a attribué un rôle crucial, du fait de son mandat.  Le Maroc se félicite des progrès accomplis, notamment de la reconnaissance croissante des effets des changements climatiques lors de l’examen des mandats de maintien de la paix et des missions politiques spéciales, dont la majorité est déployée dans des pays très vulnérables au changement climatique.  Contributeur majeur de troupes le Maroc soutient les efforts du Secrétariat pour réduire l’empreinte écologique des opérations de maintien de la paix, à travers une stratégie dédiée.  Il se félicite également du leadership des Émirats arabes unis et d’autres membres du Conseil, pour élaborer un engagement commun à renforcer le nexus climat et sécurité au sein du Conseil.  Rappelant que certains impacts négatifs des changements climatiques sont désormais inévitables et qu’ils agissent comme un multiplicateur de risques, le représentant a appelé à investir dans des mesures d’adaptation pour renforcer la résilience en période de changements climatiques. 

M. JEANNE MRAD (Liban) a souligné qu’au Moyen-Orient, le réchauffement climatique est deux fois supérieur à la moyenne mondiale.  La température devrait augmenter de 4 degrés Celsius d’ici à 2050 alors que la limite est de 1,5 degré.  Plusieurs villes devraient donc devenir inhabitables, s’est alarmé le représentant qui a estimé que le nexus changements climatiques, paix et sécurité mène à l’équation du lien entre ces changements et les conflits armés.  Sont-ce les guerres qui ont un impact sur les changements climatiques ou les effets de ces derniers qui les alimentent?  Ce qui est certain c’est qu’ils se renforcent mutuellement comme au Moyen-Orient où, pendant ces deux dernières décennies, les guerres ont ruiné la biodiversité et contribué à une crise climatique grave.  Toutefois, a pronostiqué le représentant, les changements climatiques joueront à l’avenir un rôle encore plus important en tant que déclencheurs de conflits.

M. JONATHAN MILLER (Israël) a jugé de plus en plus évident le lien croissant entre changements climatiques et sécurité, lequel exige une attention immédiate et collective du fait du caractère de multiplicateur de risques des changements climatiques.  Il a cité le cas du Moyen-Orient et du Sahel, où la combinaison des changements climatiques, de la pénurie de ressources et parfois du manque de politiques de développement coordonnées, offre un terrain fertile pour la croissance des organisations terroristes.

Le représentant a ensuite affirmé que les Accords d’Abraham avaient ouvert la voie à la coopération dans un variété de domaines au Moyen-Orient, y compris face aux défis des changements climatiques.  Affirmant qu’Israël surmonte ces défis depuis des décennies, il a mis en avant la coopération offerte par l’Agence israélienne de développement international, MASHAV, et les mesures prises par son pays.  Il a toutefois insisté sur la nécessité d’une réponse globale aux défis des changements climatiques, prônant une réduction des émissions de gaz à effet de serre, une adaptation aux effets des changements climatiques, le renforcement de la résilience communautaire et l’aide internationale. 

M. ABDULAZIZ M. ALWASIL (Arabie saoudite) a axé son discours sur le danger de l’élévation du niveau de la mer et ses retombées économiques, sociales et environnementales.  Concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre, il a déclaré que sécurité énergétique, développement économique et changements climatiques devaient être mis sur un pied d’égalité, sans donner la priorité à une source d’énergie en particulier.  Pour atteindre la neutralité carbone, le Royaume s’efforce de promouvoir la diversité économique et il a, de plus, revu à la hausse ses contributions nationales.  L’Arabie saoudite a prévu de réduire drastiquement -de 30%- ses émissions de méthane et de développer les énergies renouvelables à grande vitesse d’ici à 2030, a encore témoigné le représentant. 

Nous n’avons cessé de le dire, a déclaré Mme AMATLAIN ELIZABETH KABUA (Îles Marshall), au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique, les changements climatiques sont la menace la plus grave qui pèsent sur nous.  Nous sommes les signes avant-coureurs d’une catastrophe, si l’on n’abandonne pas les combustibles fossiles au profit des énergies renouvelables et si l’on n’augmente pas les financements de l’adaptation et de l’atténuation. Insistant sur l’objectif de 1,5 degré Celsius, la représentante a dit que pour les pays comme le sien, 0,5 degré, c’est la différence entre la sécurité et le chaos, entre la vie et la mort par noyade.  Elle a plaidé pour une définition holistique de la sécurité, arguant que son pays est peut-être, avec d’autres, sur la ligne de front, mais les changements climatiques sont une menace à la paix et à la sécurité du monde entier.  Il faut donc une action claire, concrète et transformatrice. 

La représentante a appuyé la nomination d’un rapporteur spécial et appelé le Conseil à considérer les risques climatiques dans l’exécution des mandats de toutes les missions et opérations de paix.  Le Conseil, a-t-elle estimé, doit élaborer une doctrine pour les mandats, les structures, les opérations, la documentation et la formation du personnel, dont les Casques bleus.  Le Conseil, a-t-elle insisté, doit rechercher l’avis des communautés comme les petits États insulaires.  La représentante a conclu en réitérant la proposition de demander à la Cour internationale de Justice (CIJ) un avis consultatif sur les obligations des États par rapport aux changements climatiques.

M. SARHAD SARDAR ABDULRAHMAN FATAH (Iraq) a reconnu que la CCNUCC est l’enceinte appropriée à l’ONU pour débattre des changements climatiques, mais a estimé que ce débat au Conseil est une façon pour la communauté internationale d’endosser ses responsabilités.  Il a attiré l’attention sur les migrants qui ont quitté leur pays pour des raisons écologiques, appelant à réfléchir aux raisons qui les ont poussés à le faire.  Parmi ces causes, il a noté l’absence d’accords ou de cadres régionaux pour l’utilisation des ressources, ainsi que le résultat des changements climatiques.  Il a estimé juste que la communauté internationale prenne à bras le corps les zones vulnérables qui sont plus fragiles aux changements climatiques, comme le delta iraquien, là où se trouve le jardin d’Éden décrit dans les livres saints. C’est une région riche en eau douce qui devient malheureusement saumâtre, a-t-il témoigné.  Le représentant a aussi prôné des approches régionales et des initiatives diplomatiques pour régler les différends entre États riverains.  L’Iraq a récemment accueilli une conférence régionale sur l’eau, a fait savoir le délégué qui a dit vouloir une meilleure coordination entre États riverains.

Mme KHRYSTYNA HAYOVYSHYN (Ukraine) a rappelé qu’avant même l’agression russe, son pays souffrait déjà de l’impact des changements climatiques.  Toutefois, d’après les données, la guerre a causé des émissions de 33 millions de tonnes de gaz à effet de serre.  Les violations russes du droit international humanitaire, comme stratégie militaire, ont donc des conséquences climatiques évidentes.  Le 6 juin dernier, la destruction du barrage de Kakhovka a provoqué la plus grande catastrophe européenne de ces dernières décennies, privant d’eau 94% des systèmes d’irrigation de la région de Kherson, 74% de celle de Zaporijia et 30% de la région de Dnipropetrovsk.  C’est peut-être, a souligné la représentante, en reprenant les propos du Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, le choc le plus horrible infligé au peuple ukrainien parce qu’il aura des conséquences pour la sécurité alimentaire, étant donné que le « grenier » de l’Ukraine sera le plus affecté.  La représentante a conclu, en réclamant une paix globale, juste et durable, fondée sur la Charte des Nations Unies, pour rendre plus efficace l’action commune de lutte contre les changements climatiques.

Pour M. JAIME HERMIDA CASTILLO (Nicaragua), il est urgent que les pays développés renoncent à leurs modes de production et de consommation non durables, et respectent leur engagement de fournir aux pays en développement des ressources financières supplémentaires, prévisibles et suffisantes pour l’adaptation, l’atténuation, les pertes et dommages, le renforcement des capacités, le transfert de technologies, la conservation et la durabilité.  Revenant sur les pertes et dommages, il a estimé que la seule solution scientifique, équitable et éthique est que les pays historiquement responsables des changements climatiques dédommagent les pays qui en subissent les conséquences.  Si les petits États insulaires, qui perdent leur avenir, ne sont pas indemnisés, on ne pourra pas parler de justice climatique, a martelé le représentant.

M. JEEMS S. LIPPWE (États fédérés de Micronésie) a estimé que pour assurer le succès de la COP28, il faut prendre des mesures pour limiter le réchauffement climatique et se montrer plus ambitieux dans l’application de la Convention-cadre et de l’Accord de Paris.  Nous devons nous maintenir en-deçà de l’objectif de 1,5 degrés Celsius. Nous devons, a poursuivi le représentant, investir dans des mesures d’adaptation pour assurer la résilience aux changements climatiques et traiter des pertes et dommages.  Le système des Nations Unies doit relever ces défis, de manière globale, et le Conseil de sécurité doit tirer parti des conclusions présentes et futures de la Commission de consolidation de la paix. 

Les progrès sont là mais il faut faire plus, a ajouté le représentant, en appuyant la nomination d’un représentant spécial pour le climat, la paix et la sécurité, la présentation régulière de rapports du Secrétaire général et la création de systèmes d’alerte rapide incorporant prévention des conflits, médiation et consolidation de la paix.  Il a aussi ajouté une dimension « gestion des risques climatiques » aux mandats des opérations de paix et des missions politiques spéciales.

M. MARC GERARD C. BOUTHÉ (Belgique) a rappelé le rôle de multiplicateur de risques que joue les changements climatiques et apporté le plein soutien de son pays aux efforts visant à intégrer les risques sécuritaires-climatiques, comme le mécanisme de sécurité climatique et la nomination de conseillers pour le climat, la paix et la sécurité.  Il a estimé que la nomination d’un envoyé spécial pour le climat et la sécurité renforcerait une approche à l’échelle de l’ONU et a souhaité des rapports complets et réguliers du Secrétaire général sur la question du climat, de la paix et de la sécurité, estimant qu’ils permettraient au Conseil de se concentrer sur les pays et les régions les plus touchés.

Rappelant que les opérations de maintien de la paix et les missions politiques spéciales ont un impact significatif sur l’environnement, le représentant a souhaité que leur empreinte carbone soit réduite là où cela est possible. Il a demandé que le prochain rapport du Secrétaire général sur le maintien de la paix y consacre une attention particulière.  Par ailleurs, il a regretté l’absence de consensus global sur le lien entre le climat et la sécurité alors même que certains pays d’Afrique centrale et de l’Ouest appellent à porter une attention particulière aux conséquences des changements climatiques sur la sécurité de leurs régions respectives.  Il a donc souhaité que la voix de ces pays soit prise en compte, permettant ainsi la publication prochaine de déclarations présidentielles relatives au Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel et au Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale. 

M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone) a déclaré que son pays s’est félicité de l’examen continu par le Conseil de sécurité des risques liés aux changements climatiques pour la sécurité.  Récemment élue au Conseil pour la période 2024-2025, la Sierra Leone entend accorder la priorité à la poursuite de l’examen et à l’engagement du Conseil de sécurité sur la sécurité et les risques climatiques. 

Pour le représentant, le Conseil peut mieux intégrer l’impact des changements climatiques sur la paix et la sécurité dans ses efforts de prévention, de règlement et de consolidation de la paix.  Il doit mieux sensibiliser à la question des conséquences des changements climatiques pour la paix et la sécurité en s’engageant auprès des gouvernements, de la société civile et du secteur privé.  Il devrait aussi adopter une approche plus intégrée de la résolution des conflits afin de s’attaquer à leurs causes profondes des conflits, y compris les changements climatiques.  En outre, il devrait placer les changements climatiques au centre de ses délibérations sur la prévention, la résolution des conflits et la consolidation de la paix. Il devrait aussi les intégrer dans les mandats des missions de l’ONU menées dans des contextes climatiquement fragiles. 

Ayant convenu de la nécessité de lutter contre les changements climatiques, le Conseil de sécurité doit s’accorder sur le rôle qu’il doit jouer pour faire face à cette menace dans le cadre de son mandat et dans des circonstances appropriées, a poursuivi le représentant, qui l’a appelé à mieux promouvoir les points de vue et les voix des personnes les plus touchées, en particulier les femmes et les enfants.  Ceci suppose un engagement avec la société civile, qui aidera le Conseil à comprendre les besoins et les préoccupations spécifiques de ces groupes et à y répondre en conséquence, a-t-il encore affirmé. 

M. EVANGELOS SEKERIS (Grèce) a jugé essentiel d’évaluer également l’impact des changements climatiques sur la sécurité maritime, une question qui sera parmi les domaines d’action de la neuvième Conférence sur les océans prévue en Grèce en 2024.  Il faut, a-t-il dit, améliorer la base des données pour faire mieux en matière d’évaluation des risques et renforcer les politiques, au niveau local, pour mieux comprendre, intégrer, anticiper et gérer l’impact des changements climatiques sur la sécurité internationale.  Nous devons aussi améliorer nos connaissances sur les risques sécuritaires liés au climat, en sachant que la sécurité climatique doit être intégrée dans les systèmes d’alerte rapide et de prévention des conflits.  Il est important, a conclu le représentant, d’établir des politiques climatiques ambitieuses et d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord de Paris et du Programme 2030. 

Mme LAETITIA COURTOIS, du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a rappelé que son organisation a régulièrement averti le Conseil quant au fait que les effets combinés de la dégradation de l’environnement, des changements climatiques et des conflits armés modifient la structure des besoins humanitaires, créant des risques nouveaux pour les populations vulnérables. Pour sa part, l’environnement naturel, qui bénéficie pourtant de protections en vertu du droit international humanitaire, continue d’être une « victime silencieuse de la guerre », avec des conséquences pour les populations touchées par le conflit, notamment une résistance réduite aux chocs climatiques, a relevé la déléguée.  Dans ce contexte, les organisations humanitaires comme le CICR ont pour responsabilité de réduire les impacts des crises et de renforcer la résilience des populations face aux risques croissants dans les situations de conflit, conformément à la charte sur le climat et l’environnement signée par plus de 360 ONG, a-t-elle relevé, non sans inviter les gouvernements à souscrire eux aussi à ces engagements. 

Sachant que 60% des 25 pays les plus vulnérables aux changements climatiques et les moins capables d’adaptation sont touchés par des conflits armés, cette situation entraîne des conséquences sur toutes les dimensions de la vie des gens, leur sécurité, leur santé, leur sécurité alimentaire, hydrique et économique, a poursuivi la déléguée, pour qui l’action humanitaire, composante vitale dans les environnements fragmentés, est toutefois loin d’être le seul ingrédient pour parvenir à une paix durable.  Pour le CICR, des changements systémiques à plus long terme sont nécessaires pour autonomiser les populations et assurer une protection contre des chocs climatiques plus importants et plus fréquents.  Si le Conseil de sécurité et ses partenaires régionaux apportent la capacité de concevoir des réponses adaptées au contexte et sensibles au climat, il convient aussi de tirer parti de l’expertise collective des acteurs dans les situations de conflit et postconflit et d’écouter attentivement les communautés locales qui sont les plus touchées, a conclu la déléguée. 

M. JAMAL FARES ALROWAIEI (Bahreïn) a insisté sur les menaces multiples que les changements climatiques font peser sur les systèmes socioéconomiques et les infrastructures.  Il a aussi insisté sur l’aggravation des crises dans les zones qui ont des mécanismes de réponse limités.  En tant qu’État insulaire, le Bahreïn a pris à bras le corps le développement durable, alors que son taux d’émission de dioxyde de carbone demeure très bas.  Nous avons, a expliqué le représentant, pris des initiatives pour doubler la consommation d’énergies renouvelables et ralentir l’élévation du niveau de la mer.  Appuyant l’initiative saoudienne sur le Moyen-Orient vert, il a ajouté que son pays a dûment adhéré aux initiatives internationales contre les changements climatiques.  Face aux défis sécuritaires, il a appelé le Conseil à travailler à des solutions globales et à accélérer le travail de pérennisation de la paix. 

M. FAISAL GH A. T. M. ALENEZI (Koweït) a dit que le monde vit le lien entre la sécurité et les changements climatiques depuis les années 70.  Dans ce contexte, il a estimé qu’il faut mettre l’accent sur l’aide aux petits États insulaires en développement (PEID).  Au Moyen-Orient, a-t-il expliqué, le lien entre sécurité et changements climatiques n’est plus à démontrer.  Treize pays arabes sur 19 sont exposés aux risques hydriques qui peuvent déboucher sur des conflits dans et entre les pays.  Plaidant pour que l’on évite un tel scenario, le représentant a salué les engagements environnementaux des pays arabes, comme en atteste la proclamation du 6 novembre comme Journée de la protection de l’environnement en temps de guerre et de conflit armé, six ans après l’invasion du Koweït.  Le délégué a aussi fait observer que son pays produit du pétrole en respectant les normes environnementales et qu’il entend atteindre ses objectifs environnementaux et énergétiques de neutralité carbone entre 2030 et 2050.

M. DAVID BAKRADZE (Géorgie) a insisté sur les dommages environnementaux causés par les actions illicites de la Russie dans les régions occupées de Géorgie. Les principaux réservoirs d’eau des systèmes d’irrigation sont sous le contrôle du régime d’occupation, ce qui n’est pas sans causer de graves problèmes aux régions de la Géorgie confrontées à la sécheresse, a assuré le représentant.  Il a précisé que le déploiement de fils barbelés et de barrières artificielles dans ces zones affecte les populations qui y vivent, en les empêchant notamment d’accéder à leurs propriétés et à leurs champs.  Enfin, il a précisé que son pays est en train d’élaborer une loi sur le climat.

Mme YOKA BRANDT (Pays-Bas) a qualifié les changements climatiques de défi majeur de notre époque, notamment sur le plan sécuritaire.  Il est donc impératif, selon elle, d’inclure les considérations climatiques dans le travail de l’ONU sur la paix et la sécurité, et ce à chaque étape du processus.  Les risques sécuritaires liés au climat doivent être intégrés dans les stratégies de prévention des conflits et les outils d’alerte précoce de l’ONU, a-t-elle préconisé, avant de citer en exemple le Partenariat pour l’eau, la paix et la sécurité, un outil innovant permettant d’identifier les risques de sécurité hydrique, du Mali à l’Iraq et de l’Éthiopie au Kenya.  La représentante a d’autre part voulu que l’on intègre davantage le climat dans l’architecture de consolidation de la paix de l’ONU.  Elle a salué le travail du mécanisme de sécurité climatique en tant que « catalyseur » des approches pertinentes.  En soutenant les missions sur le terrain, les coordonnateurs résidents des Nations Unies et les organisations régionales dans l’évaluation des risques climatiques et des stratégies de gestion de ces risques, le mécanisme contribue aux efforts de consolidation de la paix, a fait valoir la déléguée.  Elle s’est félicitée, à cet égard, du déploiement de conseillers en climat, paix et sécurité dans les opérations de paix. 

M. IVAN ŠIMONOVIĆ (Croatie) a indiqué que selon l’Institut de l’environnement de Stockholm, la moitié des opérations de paix de l’ONU sont déployées dans les pays les plus exposés aux changements climatiques.  Comme le climat n’est pas une menace traditionnelle à la sécurité, les structures militaires classiques ont du mal à y faire face.  Il s’agit en effet d’une menace spécifique qui exige des stratégies différentes parce qu’elle touche à la relation entre la civilisation humaine et la biosphère, et pas seulement à celle entre États.  Le Conseil de sécurité doit donc faire de l’examen de cette menace la norme et pas l’exception. 

Présidente de la Commission de consolidation de la paix, la Croatie, a souligné le représentant, a entendu plusieurs pays, surtout ceux d’Afrique centrale, identifier les changements climatiques comme un amplificateur des risques sécuritaires.  Face au manque de formation des Casques bleus à ces questions, il nous faut, a prescrit le représentant, des civils, dont des conseillers pour la sécurité environnementale qui travailleraient avec les gouvernements hôtes et qui contribueraient à l’intégration des solutions au système des Nations Unies.  Ce qu’il nous faut, a-t-il insisté, c’est une approche soucieuse des questions climatiques et gérée soigneusement.

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