Comité de l’information: devant la multiplicité des crises, le Département de la communication globale ne cesse d’affiner sa réponse, affirme Melissa Fleming

Quarante-cinquième session,
1re séance, matin
PI/2309

Comité de l’information: devant la multiplicité des crises, le Département de la communication globale ne cesse d’affiner sa réponse, affirme Melissa Fleming

À l’ouverture de la quarante-cinquième session du Comité de l’information (COI) ce matin, la Secrétaire générale adjointe à la communication globale, Mme Melissa Fleming, a déclaré que devant la « nouvelle norme » que constituent des crises internationales toujours plus nombreuses et souvent liées entre elles, le Département qu’elle dirige, le DCG, n’a de cesse de recalibrer sa réponse pour promouvoir les activités de l’ONU à travers le monde. 

Qu’il s’agisse de l’urgence climatique, de la guerre en Ukraine, de la montée des discours de haine et de la xénophobie, des catastrophes dévastatrices telles que les récents séismes en Türkiye et en Syrie, des déplacements massifs de population à travers le monde ou, pas plus tard que la semaine dernière, des combats meurtriers au Soudan et de leur effroyable impact humanitaire, le DCG applique systématiquement une méthodologie fondée sur des données, axée sur ses publics qu’il souhaite informer et sur l’impact qu’elle peut avoir, a-t-elle indiqué. 

Mais pour la Secrétaire générale adjointe, au-delà de la sensibilisation, il faut « éveiller l’imagination » et proposer des solutions aux grands problèmes collectifs dans des langues et sur des plateformes que les gens utilisent et comprennent.  Ainsi en va-t-il des objectifs de développement durable (ODD), dont la réalisation a été entravée par la pandémie de COVID-19, raison pour laquelle Mme Fleming a annoncé qu’elle dévoilerait, lors de cette session du Comité, une stratégie de communication à ce sujet ainsi qu’une campagne d’action sur la question climatique, à quelques mois du Sommet sur les ODD prévu en septembre. 

Sous l’impulsion de Mme Fleming, la stratégie entreprise par le Département privilégie une dimension collaborative, notamment avec des influenceurs, des ambassadeurs de bonne volonté et des messagers de la paix, pour amplifier ses communications.  De façon générale, a-t-elle expliqué, la gestion des crises est devenue au cours des 12 derniers mois un élément central des activités du DCG, qu’il s’agisse de celles qui sévissent en Ukraine, en Afghanistan, en Haïti, en Éthiopie, au Burkina Faso ou au Soudan. 

« La situation extrêmement fluide qui règne actuellement dans ce pays a rendu plus complexe le fait d’expliquer le rôle de l’ONU sur place, en particulier lorsque son personnel déployé sur le terrain est confronté à d’énormes risques sécuritaires », a-t-elle précisé, en rappelant l’importance de la lutte contre la désinformation. 

Le Président du Comité, M. Aamir Khan (Pakistan), nouvellement élu ce matin, a lui aussi fait état d’un monde confronté à la « triple crise » de la pandémie de COVID-19, des changements climatiques et des chocs interdépendants de la hausse des prix des produits alimentaires et du carburant, aggravés par les conflits.  Dans ce contexte, il a jugé essentiel le rôle de cet organe subsidiaire de l’Assemblée générale dans la lutte contre les défis actuels et la mise à disposition en temps opportun d’informations exactes. 

Nous devons donc concentrer nos efforts sur les problèmes les plus urgents auxquels notre monde est confronté, a-t-il ajouté, à commencer par l’intégrité de l’information dans un monde interconnecté et en évolution constante où la propagation de fausses nouvelles peut être source de déstabilisation.  Mme Fleming a d’ailleurs annoncé aux États Membres qui siègent au Comité qu’ils continueraient d’être consultés dans le cadre de l’élaboration du code de conduite sur l’intégrité de l’information en ligne, une note du Secrétaire général à ce sujet devant leur être présentée le 18 mai. 

« La désinformation et les discours de haine sont si omniprésents qu’il est impossible d’être aujourd’hui un professionnel de la communication sans y être confronté », a-t-elle déploré. 

En début de séance, outre M. Khan au poste de président, ont été élus Vice-Présidents du Comité M. Ivars Liepnieks (Lettonie) et Mmes Vero Henintsoa Andriamiarisoa (Madagascar), Liliana Verónica Baños Muller (El Salvador) et Ludovica Murazzani (Italie).  Mme Baños Muller a également été élue Rapporteuse du Comité. 

Le Comité de l’information entamera son débat général demain, mardi 25 avril, à partir de 10 heures.

OUVERTURE DE LA QUARANTE-CINQUIÈME SESSION DU COMITÉ DE L’INFORMATION

Déclarations d’ouverture

M. AAMIR KHAN, Président du Comité de l’information, a fait état d’un monde confronté à la « triple crise » de la pandémie de COVID-19, des changements climatiques et des chocs interdépendants de l’augmentation des prix de l’alimentation et du carburant, qui sont encore aggravés par les conflits.  Dans ce contexte, il a jugé essentiel le rôle du Comité dans la lutte contre les défis actuels et la fourniture d’informations exactes et opportunes.  Nous devons donc concentrer nos efforts sur les problèmes les plus urgents auxquels notre monde est confronté, a-t-il ajouté, à commencer par assurer l’intégrité de l’information dans un monde interconnecté et en évolution rapide où la propagation de la désinformation peut déstabiliser les sociétés. Il a ensuite indiqué qu’en tant que Président du Comité, il entend promouvoir l’information factuelle et lutter contre la diffusion de fausses informations. 

Il a ainsi appelé à combattre les discours de haine qui pullulent sur les plateformes numériques utilisées à mauvais escient afin de provoquer des troubles sociaux et d’attiser les tensions.  À cette fin, il entend intensifier les efforts déployés pour lutter contre les contenus problématiques et promouvoir l’accès à l’information pour tous, y compris les communautés marginalisées telles que les migrants, les réfugiés, et les populations touchées par des conflits et les catastrophes naturelles.  Malgré les défis posés par la pandémie, le Président du Comité a appelé à renouveler l’engagement à atteindre les objectifs de développement durable (ODD), question prioritaire à l’approche du Sommet des ODD, en septembre de cette année.  Nous devons encore faire face à la menace « existentielle » des changements climatiques, a-t-il ajouté, en évoquant la récente inondation catastrophique au Pakistan, le tremblement de terre qui a frappé la Türkiye et la Syrie cette année ainsi que les menaces de la montée des eaux de la mer et de la désertification.  Pour y arriver, nos systèmes d’information doivent selon lui favoriser l’échange d’informations et de bonnes pratiques afin d’accélérer l’action climatique. 

Selon le Président, il est essentiel de mettre fin à la fragmentation de notre système d’information pour parvenir à un système « cohérent », fondé sur la diversité et une meilleure compréhension des principes de la Charte des Nations Unies.  Afin de créer un environnement mondial de l’information juste, équitable et résilient, il nous faut encore remédier à la fracture technologique et au manque d’accès des pays en développement à des informations fiables et multilingues.  Il a vu dans la réduction de la fracture numérique le remède à la « pandémie de désinformation et de discours de haine », ainsi que le moyen de prendre des décisions éclairées tout en élargissant la participation aux débats démocratiques.  Bien qu’un travail considérable ait été initié par le Département de la communication globale pour lutter contre la désinformation et les discours de haine, il incombe selon lui au Comité de l’information d’aiguiller son action.  À l’ouverture de cette nouvelle session du Comité, M. Khan a encouragé les délégations à examiner la proposition d’élaborer un code de conduite pour l’intégrité de l’information sur les plateformes numériques. 

Mme MELISSA FLEMING, Secrétaire générale adjointe à la communication globale, a constaté que cette quarante-cinquième session du Comité s’ouvrait sur fond de crises internationales multiples, qu’il s’agisse de l’urgence climatique, de la guerre en Ukraine, de la montée des discours de haine et de la xénophobie, des catastrophes dévastatrices telles que les récents séismes en Türkiye et en Syrie, des déplacements massifs de population à travers le monde et, pas plus tard que la semaine dernière, des combats meurtriers au Soudan et de leur effroyable impact humanitaire.  Malheureusement, a-t-elle dit, la multiplication des crises est devenue la nouvelle norme, posant de véritables défis de communication à l’ONU. 

Dans ce contexte, l’approche du Département de la communication globale (DCG) continue d’être définie par une stratégie qui préconise une méthodologie systématiquement fondée sur des données, axée sur ses publics et sur l’impact qu’elle peut avoir.  Au-delà de la sensibilisation, nous devons éveiller l’imagination et proposer des solutions aux grands problèmes collectifs dans des langues et sur des plateformes que les gens utilisent et comprennent, a préconisé la Secrétaire générale adjointe.  Ainsi en va-t-il des objectifs de développement durable (ODD), dont la réalisation a été ralentie par la pandémie de COVID-19, raison pour laquelle Mme Fleming a l’intention de dévoiler, lors du segment interactif informel de cette session du Comité, une stratégie de communication ainsi qu’une campagne d’action sur la question climatique.  Elle a cependant donné quelques exemples de la manière dont l’ONU a déjà trouvé des moyens créatifs de nouer des partenariats pour promouvoir les ODD, comme Football for the Goals, une initiative qui vise à mobiliser la communauté du ballon rond, sur le terrain et en dehors, en vue de prendre des mesures pour atteindre ces objectifs. 

À l’occasion de la Journée internationale du sport au service du développement et de la paix, le 6 avril, un évènement a été organisé au Siège de l’ONU, qui a attiré 400 personnes, dont de nombreux athlètes de haut niveau, pour discuter du rôle du sport dans la lutte contre les changements climatiques, la promotion de l’égalité entre les sexes et la lutte contre le racisme. Relayée par des influenceurs entre autres, la retransmission en ligne de cette manifestation a été regardée par plus de 30 millions de personnes.  La Secrétaire générale adjointe a ensuite présenté un certain nombre d’initiatives lancées par son département au cours des 12 derniers mois, allant de l’accueil de la Conférence scientifique ouverte des Nations Unies, qui portait précisément cette année sur l’accélération de la réalisation des ODD, à Impact universitaire, un réseau de plus de 1 600 campus dans plus de 150 pays, qui a organisé 18 sessions de formation en ligne sur les ODD pour des publics anglophones et hispanophones entre janvier et mars. 

Une même approche collaborative, y compris avec des influenceurs, prévaut pour les communications du DCG relatives au climat, a poursuivi la Secrétaire générale adjointe.  Pour le lancement du récent rapport de synthèse du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), ses contenus sur les réseaux sociaux ont été repris et amplifiés par 30 ambassadeurs de bonne volonté, messagers de la paix, défenseurs des ODD et autres personnalités de premier plan affiliées à l’ONU, touchant près de 100 millions de « followers ».  La Section de la vidéo a renforcé sa couverture pertinente, en produisant des vidéos mettant en scène des étudiants et des activistes dans leurs propres langues et les publications d’ONU Info sur l’action climatique continuent de représenter un nombre important de visites sur la plateforme dans toutes les langues.  En outre, le mois dernier, lors de la Conférence des Nations Unies sur l’eau, le DCG a collaboré avec le système des Nations Unies dans le cadre d’une campagne stratégique coordonnée menée avant, pendant et après les délibérations.  Dès la mi-février, des contenus multilingues ont été postés plus de 400 fois sur les réseaux sociaux, générant au moins 450 000 réactions distinctes.  Et pendant la Conférence elle-même, la Section des communiqués de presse, qui publie en anglais et en français, a observé une hausse de la fréquentation, des pages visionnées et du temps de lecture de ses nombreux résumés, s’est encore félicitée Mme Fleming. 

Au cours des 12 derniers mois, a-t-elle poursuivi, la gestion des crises est devenue un élément central des activités du DCG, chargé de coordonner les communications dans l’ensemble du système des Nations Unies et d’identifier les lacunes éventuelles.  Ainsi, les situations en Ukraine, en Afghanistan, en Haïti, en Éthiopie, au Burkina Faso et maintenant au Soudan ont toutes nécessité une réponse soigneusement calibrée au fur et à mesure que ces conflits ou crises s’aggravaient ou s’atténuaient, a indiqué la haute fonctionnaire qui a expliqué que la situation extrêmement fluide qui règne actuellement au Soudan a rendu plus complexe le fait d’expliquer le rôle des Nations Unies sur place, en particulier lorsque son personnel déployé sur le terrain est confronté à d’énormes risques sécuritaires.  S’agissant de l’Ukraine, le DCG adapte ses communications à l’évolution de la situation dans le pays, ONU Info fournissant des mises à jour sur tous les aspects de la réponse de l’Organisation.  Un document explicatif sur la guerre a ainsi attiré plus de deux millions de visiteurs, dont un quart de russophones.  Les services Web continuent de mettre à jour les informations relatives à l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire, et les réunions de l’ONU, conférences et points de presse liés à la guerre sont accessibles dans le monde entier par l’intermédiaire de UNTV et du Webcast de l’ONU. 

Mme Fleming a ensuite annoncé qu’à la suite de la tenue, il y a moins d’un mois, d’une réunion informelle avec les membres et non-membres du Comité sur l’intégrité de l’information en ligne, ceux-ci continueraient d’être consultés dans le cadre de l’élaboration du code de conduite à cet égard, une note d’information du Secrétaire général sur ce sujet devant leur être présentée le 18 mai.   La désinformation et les discours de haine sont si omniprésents qu’il est impossible d’être aujourd’hui un professionnel de la communication sans y être confronté, a-t-elle déploré.  Cependant, l’ONU constate de plus en plus que ce n’est pas seulement la capacité des personnels à remplir leurs mandats qui est en jeu, mais aussi qu’ils sont souvent directement attaqués, s’est alarmée la Cheffe du DCG.  C’est particulièrement vrai sur le terrain, où des Casques bleus et des travailleurs humanitaires sont délibérément pris pour cible.  Une enquête réalisée l’an dernier, par exemple, a révélé que 75% des soldats de la paix de l’ONU estiment que la désinformation a un impact sur leur sûreté et leur sécurité.  Dans ce contexte, le DCG est à pied d’œuvre pour élaborer avec d’autres départements une réponse « permanente » à ce problème, a précisé la Secrétaire générale adjointe, pour qui le réseau des centres d’information des Nations Unies jouera un rôle crucial à cet égard.  Un site Web sur la lutte contre la désinformation a par ailleurs été lancé sur un.org en collaboration avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, a-t-elle ajouté, rappelant au passage l’existence de l’initiative phare Verified

En collaboration avec les États Membres et d’autres parties prenantes, les programmes de sensibilisation du DCG sur l’Holocauste, la traite transatlantique des esclaves et le génocide de 1994 contre les Tutsis au Rwanda se poursuivent tout au long de l’année, que ce soit par l’organisation d’expositions, d’activités pédagogiques et autres événements.  L’objectif n’est pas seulement de commémorer, mais aussi d’informer sur les séquelles de ces tragédies, pour éviter qu’elles ne se répètent, a précisé la Secrétaire générale adjointe.  Dans cette optique, ONU Info et la Section de la vidéo ont brossé le portrait de plusieurs survivants, dont les témoignages rappellent ce que « plus jamais ça » signifie pour eux. 

Le multilinguisme est l’élément vital de notre travail, a reconnu la Secrétaire générale adjointe, relevant que « sans lui, nous ne serions pas en mesure d’atteindre et d’engager le public ».  Elle a signalé que le défi est de trouver les ressources suffisantes pour faire du multilinguisme une réalité.  Dans la mesure du possible, nous nous servons de la technologie, mais même à l’ère de l’intelligence artificielle, il n’est pas toujours possible d’y parvenir, a-t-elle indiqué.  Dans ce contexte, Mme Fleming s’est dite ravie d’annoncer que, grâce à la générosité des États Membres qui ont fourni des ressources en personnel supplémentaires cette année, UN Web TV a récemment lancé son site Web en arabe, chinois, français, russe et espagnol, en complément de la version anglaise existante, ce qui signifie que les réunions de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité et d’autres organes clefs de l’ONU sont désormais accessibles en direct, et à la demande, dans les six langues officielles. 

Elle a également annoncé le lancement, à la Bibliothèque Dag Hammarskjöld, d’une capacité de création de métadonnées pour les documents juridiques et normatifs ainsi que les publications de l’ONU, une innovation qui remplace le système en vigueur depuis la fin des années 80.  Enfin, l’an dernier, le Département a poursuivi la numérisation, le catalogage et l’affichage sélectif des documents de la collection audiovisuelle historique de l’ONU, avec 55 000 documents audio, vidéo et cinématographiques numérisés à ce jour.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Commission du désarmement achève les travaux de sa session de fond 2023

Session annuelle de 2023,
388e & 389e séances plénières – soir
CD/3858

La Commission du désarmement achève les travaux de sa session de fond 2023

Cet après-midi, la Commission du désarmement a clôturé les travaux de sa session de fond 2023, en adoptant son projet de rapport, présenté par le Vice-Président, M. Landry Sibomana, du Burundi, tel qu’oralement amendé section par section.

Comme il est d’usage, le rapport final est une description factuelle des travaux et procédures de la Commission au cours de la session.  La partie substantielle comprend les deux rapports des groupes de travail 1 et 2, qui ont également été adoptés par la Commission cet après-midi.  Le groupe de travail 1, qui se penchait sur les « recommandations pour atteindre l’objectif du désarmement nucléaire et de la non-prolifération des armes nucléaires », alors que le groupe de travail 2 était chargé de l’élaboration de recommandations visant à promouvoir l’application des mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales, aux fins de la prévention d’une course aux armements dans l’espace.  Ces rapports ont été présentés par les présidents respectifs de ces organes subsidiaires de la Commission, M. Kurt Davis (Jamaïque) et Mme Szilvia Balázs (Hongrie).

La Commission avait entamé ses travaux le 3 avril dernier.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Financement du développement: le forum de l’ECOSOC s’achève sur l’adoption d’un document final qui engage les États à se montrer à la hauteur des enjeux

Session de 2023,
7e et 8e séances plénières – matin & après-midi
ECOSOC/7121

Financement du développement: le forum de l’ECOSOC s’achève sur l’adoption d’un document final qui engage les États à se montrer à la hauteur des enjeux

Quatre jours de discussion au Conseil économique et social (ECOSOC), dans le cadre de son huitième forum sur le suivi du financement du développement, se sont conclus aujourd’hui par l’adoption d’un document final intitulé « Suivi et examen des résultats du financement du développement et des moyens de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 ». Ce texte, riche de 93 paragraphes, notamment sur la coopération internationale au développement et sur le rôle du commerce international comme moteur du développement, a été adopté par consensus non sans l’expression de certaines critiques. 

Malgré la diversité de points de vue exprimés sur de nombreuses questions, comme l’a relevé la Présidente de l’ECOSOC, Mme Lachezara Stoeva, tous ont convenu que le statu quo n’est pas viable et notamment l’architecture financière internationale qui est inadaptée à son objectif.  La Présidente a rappelé que, selon le stimulus lancé par le Secrétaire général pour soutenir la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), il faut mobiliser « au moins » 500 milliards de dollars par an.  Face à l’urgence d’augmenter ce financement, à mi-parcours du Programme 2030, « c’est maintenant ou jamais », a prévenu la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme Amina Mohammed en identifiant trois domaines d’action: la dette, le financement des investissements dans les ODD et la réforme de l’architecture financière internationale.

Nous avons besoin d’actions supplémentaires pour financer la réalisation du Programme 2030, du Programme d’action d’Addis-Abeba et de l’Accord de Paris, a renchéri la cofacilitatrice portugaise du forum.  Son homologue rwandais a toutefois reconnu que le document final ne répond pas à toutes les préoccupations, mais a assuré avoir pris en compte plusieurs demandes et arguments des États Membres afin de créer un espace pour les discussions.

Parmi les objections exprimées, certaines délégations comme la Syrie, le Nicaragua et le Groupe des 77 et la Chine, ont regretté que les mesures coercitives unilatérales, qui sont autant d’obstacles à la réalisation des ODD, n’aient pas donné lieu à l’inclusion de « lignes rouges » dans le document final.  « Comment parler de la mise en œuvre du Programme 2030 alors que des fonds de grande ampleur sont toujours bloqués par suite de l’application illégale de mesures coercitives unilatérales? », s’est impatienté le Venezuela.  Ces mesures constituent une menace pour les investissements et le commerce, a conclu la République islamique d’Iran en demandant à la communauté internationale de prendre des mesures immédiates pour les faire cesser.

D’autres réserves ont porté sur le paragraphe 20 du document, selon lequel les participants au forum disent attendre « avec intérêt » le début des discussions intergouvernementales devant se tenir au Siège de l’ONU sur les moyens de renforcer le caractère inclusif et l’efficacité de la coopération fiscale internationale par l’évaluation d’options supplémentaires, « y compris la possibilité d’élaborer un cadre ou un instrument de coopération fiscale internationale dans le cadre d’un processus intergouvernemental de l’Organisation, compte étant pleinement tenu des accords internationaux et multilatéraux existants ».

Le Japon, par exemple, a évoqué les réserves de 55 États Membres qui craignent qu’une discussion intergouvernementale aux Nations Unies détourne l’attention et duplique les travaux en cours sur la solution à deux piliers, longuement débattus par le cadre inclusif OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices.  Le Canada a appelé l’ONU à se focaliser sur l’amélioration des mécanismes qui existent déjà dans le domaine de la coopération internationale en matière fiscale.  « Nous devons veiller à ne pas créer de structures parallèles et à utiliser au mieux les synergies en assurant la complémentarité des processus », a aussi plaidé la Suisse.

Par ailleurs, certains auraient voulu voir aborder dans le document davantage de recommandations concernant le financement de l’adaptation climatique.  Ainsi le Costa Rica souhaitait qu’il parle de la nécessité de mobiliser les ressources pour résorber la crise énergétique.  Cuba, au nom du Groupe des 77 et la Chine, s’est dite déçue que la proposition du Groupe d’inclure une référence à l’importance de l’apport d’un financement climatique nouveau et supplémentaire par les pays développés aux pays en développement, différent de l’aide publique au développement (APD), n’ait été pas été retenue.

Dans la matinée, les discussions se sont poursuivies entre experts, délégations et représentants de la société civile, avec la tenue de deux tables rondes, la deuxième portant sur les « cadres de financement nationaux intégrés », c’est-à-dire les actions nationales visant à mobiliser des financements pour réaliser les ODD.  La première, intitulée « Préserver la sécurité alimentaire par le multilatéralisme, le commerce et les actions nationales », a entendu des appels à améliorer l’accès aux marchés pour les produits agricoles des pays en développement.

Le Président du Zimbabwe, M. Emmerson Mnangagwa, dans un message vidéo, a partagé l’expérience de son pays qui, malgré les multiples crises qu’il subit, s’est engagé dans des réformes structurelles en vue d’améliorer le secteur agricole.  Il a notamment recommandé de s’appuyer sur le multilatéralisme pour accompagner ces changements.  Il faut en effet adopter une approche multilatérale, comme celle qui a permis de lancer l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire, a confirmé le Secrétaire général adjoint de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et développement), après avoir rappelé que 2,3 milliards de personnes souffrent d’insécurité alimentaire dans le monde.  La plupart vivent dans des pays en développement qui sont pourtant producteurs de denrées alimentaires, a-t-il fait observer.

La FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) a constaté à cet égard que les pays développés ont les moyens de subventionner leurs agriculteurs, tandis que ceux en développement ne peuvent pas se le permettre.  Des subventions agricoles également pointées du doigt par Third World Network, qui a conclu en appelant à travailler sur le plan multilatéral pour changer la donne. Un multilatéralisme décidément invoqué par tous pour parvenir, sans plus tarder, à des solutions. 

FORUM SUR LE SUIVI DU FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT

Table ronde 9 - Préserver la sécurité alimentaire grâce au multilatéralisme, au commerce et aux actions nationales 

Après des années de gains sur l’objectif de développement durable (ODD) 2 (Faim zéro), la sécurité alimentaire mondiale a drastiquement diminué du fait des effets continus de multiples crises.  Fort de ce constat, les intervenants à cette table ronde ont mis l’accent sur les moyens d’améliorer la productivité agricole et de sauvegarder la sécurité alimentaire.  La session s’est ouverte part un message vidéo du Président du Zimbabwe, M. EMMERSON MNANGAGWA, qui a partagé l’expérience de son pays: celui-ci, qui subit de multiples crises, est cependant engagé dans des réformes structurelles afin d’améliorer le secteur agricole.  Dans cette voie, le Président a notamment invité à renforcer les partenariats visant à relever les défis de l’insécurité alimentaire.  Le Chef de l’État a aussi invoqué le multilatéralisme pour accompagner ces changements, afin qu’un accès à une alimentation digne soit offert à tous, dans le monde entier. 

Le modérateur de la discussion, M. PEDRO MANUEL MORENO, Secrétaire général adjoint de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et développement (CNUCED), a rappelé qu’aujourd’hui, 2,3 milliards de personnes souffrent d’insécurité alimentaire, la plupart vivant dans des pays en développement qui sont pourtant producteurs de denrées alimentaires.  Il faut adopter une approche multilatérale, comme celle qui a permis de lancer l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire, a-t-il préconisé avant de miser également sur une production et une consommation durable des aliments. Pour y parvenir, la Ministre d’État pour la prospective économique et des partenariats internationaux du Tchad, Mme MADELEINE ALINGUÉ, a suggéré de procéder à des investissements dans les systèmes alimentaires durables, y compris en soutenant les processus de transformation locale des produits de base.  La Ministre a constaté une baisse de la production céréalière nationale, soit 15 kilos en moins par habitant et par an.  En conséquence, 5,3 millions de Tchadiens vivent dans l’insécurité alimentaire, donc 51% de femmes, a-t-elle regretté.  La Ministre a aussi appelé à rompre avec le statu quo profondément injuste du commerce international, qui ne fait qu’aggraver l’insécurité alimentaire. 

Se désolant elle aussi de la situation du commerce multilatéral, l’Argentine a rappelé que les négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dans le domaine agricole sont à l’arrêt depuis une trentaine d’années.  Les marchés ne sont pas équitables et ne bénéficient pas aux agriculteurs, a confirmé le Directeur général du Fonds commun pour les produits de base, M. SHEIKH MOHAMMED BELAL, en évoquant un système multilatéral d’échanges ressemblant à « un chaos organisé ».  Il a pris en exemple le marché du café dont une portion congrue des revenus va aux paysans alors que les pays qui n’en produisent pas bénéficient de la plus grande part des revenus de son exploitation.  Il en est de même pour les noix de cajou qui rapportent à peine 1 centime aux producteurs alors que le prix sur le marché mondial est de 2,5 dollars.  La situation est la même pour le cacao et la vanille, a-t-il dénoncé.  M. Belal a appelé la société civile à faire un plaidoyer pour sensibiliser à ces questions et aussi pour que les producteurs aient voix au chapitre.  Il a regretté que même quand les prix flambent, les paysans ne connaissent pas d’embellie dans leurs revenus. 

Nous avons besoin d’un système multilatéral ouvert, transparent et fondé sur les règles, a préconisé le Directeur de la Division de l’économie agroalimentaire à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).  M. DAVID LABORDE a d’emblée averti que le prochain rapport de la FAO sur l’insécurité alimentaire dans le monde, prévu pour juillet, ne sera pas reluisant.  « Comment en est-on arrivé à cette situation? »  Le monde n’a pas assez investi dans le secteur agricole, a-t-il tout simplement répondu, sachant qu’en plus les chocs climatiques affectent l’agriculture de pratiquement tous les pays.  Il a également recommandé de fixer des règles précises sur les marchés, notant qu’elles font malheureusement défaut.  Une autre chose pose problème, selon l’expert: alors que les pays développés ont les moyens de subventionner leurs agriculteurs, ceux en développement ne peuvent pas se le permettre.  Des subventions agricoles également pointées du doigt par Third World Network, un réseau de la société civile, qui a dénoncé cette iniquité par rapport aux petits agriculteurs des pays en développement.  « Il faut travailler sur le plan multilatéral afin d’arriver à faire changer les choses. »

Mme JANE NALUNGA (Ouganda) a, à son tour, critiqué un commerce multilatéral jugé « inique ».  S’exprimant au nom de l’ONG Civil Society Mecanism, elle a rappelé qu’en Afrique, la libéralisation commerciale a détruit une agriculture qui n’était pas préparée à rivaliser avec les pays développés.  Elle a appelé à soutenir les petits exploitants agricoles, regrettant aussi que peu de pays africains consacrent 10% de leur budget à l’agriculture.  Ils avaient pourtant promis de le faire en adoptant la Déclaration de Maputo de l’Union africaine en 2003, a-t-elle rappelé.  Dans la même veine, le Paraguay a demandé à la communauté internationale d’améliorer l’accès aux marchés pour les produits agricoles, tout en tenant compte des problèmes spécifiques des petits pays, y compris ceux sans littoral. 

Les États-Unis vont continuer d’œuvrer à l’ouverture des marchés internationaux, a déclaré fort à propos la Directrice générale des politiques commerciales et des questions géographiques au Département de l’agriculture des États-Unis.  Mme ALLISON A. THOMAS, qui est également Présidente des politiques de partenariat pour la sécurité alimentaire à l’Association de coopération économique Asie-Pacifique (APEC), a affirmé que son pays a déboursé pas moins de 13 milliards de dollars depuis l’an dernier pour lutter contre l’insécurité alimentaire dans le monde. Selon elle, il est important de prendre des mesures pour lutter contre la faim et la pauvreté, mais il faut aussi adopter des politiques appropriées.  Il faut donc une croissance productive et durable et investir dans l’adaptation aux changements climatiques dans la sphère de l’agriculture, a-t-elle plaidé, précisant que cela comprend la mise en place de systèmes d’alerte précoce et l’utilisation appropriée d’engrais.  Alors que 10% de la population mondiale a faim, c’est le moment d’agir, a conclu le modérateur.

Table ronde 10 - Cadres de financement nationaux intégrés: actions nationales pour lever des fonds en faveur des ODD

L’Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), M. ACHIM STEINER, a ouvert la table ronde en invitant les délégations à réfléchir à la proposition du Secrétaire général de débloquer 500 milliards de dollars supplémentaires par année à l’intention des pays en développement.  À ce jour, 86 pays ont mis en place des cadres financiers nationaux intégrés et près de 20 États ont adopté des stratégies de financement, ainsi que des plans nationaux de développement.  Ces instruments permettent selon lui d’insuffler une plus grande cohérence financière tout en mobilisant et en harmonisant le financement du développement avec les priorités nationales et l’atteinte des ODD. 

Pour transformer l’architecture financière internationale, les cadres financiers nationaux intégrés requièrent un appui adapté, une assistance technique soutenue, et le partage d’expérience entre les pays du Sud. À cette fin, le PNUD s’est joint au Département des affaires économiques et sociales (DESA), à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), au Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), à l’Union européenne (UE) et à d’autres partenaires pour lancer un mécanisme destiné à appuyer les États Membres désireux de mettre en place de tels cadres.  « Les cadres financiers nationaux intégrés sont l’expression de la reconnaissance que la finance représente la force cinétique nécessaire pour combler le fossé financier et, à terme, assurer l’avenir des peuples et de la planète », a dit M. Steiner. 

Cependant, vu que le temps presse pour sauver les ODD, le Sous-Secrétaire général chargé du développement économique au Département des affaires économiques et sociales (DESA) a prévenu que nous avons « reculé et perdu le cap ».  Alors que la fracture financière ne fait que se creuser, M. NAVID HANIF a encouragé une aide pour réaliser les ODD.  Cette dernière serait axée sur trois volets: répondre au surendettement, mettre à disposition des liquidités, et apporter une aide financière d’urgence.  Des cadres financiers nationaux intégrés renforcés, adaptés à chaque pays, permettraient, selon lui, de mobiliser les financements et combler certaines lacunes, conformément aux priorités nationales.  Le DESA, le PNUD et l’OCDE ont ainsi mis sur pied des modèles permettant d’examiner dans quelle mesure les cadres financiers nationaux intégrés portent leurs fruits.  Deux cours seront bientôt offerts en ligne afin d’appuyer les États, a annoncé M. Hanif.

Grâce à l’aide du Bureau de la Haute Représentante pour les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement, M. OLIVIER CATTANEO de l’OCDE a adapté les outils des cadres financiers nationaux intégrés aux besoins spécifiques des pays en situation particulière, a relevé son représentant.  Le mécanisme des cadres intégrés, lancé il y a un an, a ainsi pour objectif de réagir à la demande croissante émanant des pays qui ont besoin d’assistance technique et de renforcement des capacités pour élaborer leurs cadres financiers. 

Les Maldives ont mentionné avoir été le tout premier petit État insulaire en développement (PEID) à lancer un cadre financier national intégré afin d’appuyer sa lutte contre les effets délétères des changements climatiques.  La multiplication des crises rend toutefois difficile l’application des cadres financiers dans les États vulnérables comme la République dominicaine, pays insulaire à revenu intermédiaire qui se trouve en première ligne de la lutte contre les changements climatiques.  Il s’agit, selon son représentant, d’un instrument de négociation, de planification et de financement structurel à long terme. 

Alors que l’aide au développement a connu une diminution majeure ces dernières années en raison des conflits et des récessions à l’échelle mondiale, la Suède a relevé que les investisseurs sont aujourd’hui plus en phase avec les ODD.  Néanmoins, les chocs répétés compliquent les investissements dans les pays en développement et les marchés émergents.  L’organisation Action Aid International s’est toutefois inquiétée que la mise en place de cadres financiers nationaux intégrés puisse éroder la souveraineté des pays concernés quand il est question d’élaborer leurs plans de développement. Pour aplanir ces difficultés, l’Espagne a estimé essentiel le rôle de la société civile dans l’organisation et le suivi des stratégies nationales. 

Les questions globales et nationales doivent aller de pair et se refléter dans les cadres financiers nationaux intégrés de chaque pays, a expliqué la modératrice de la table ronde, Mme SHARI SPIEGEL de DESA.  Elle a aussi évoqué le principe de ne pas nuire.  L’Association des îles du Pacifique pour les ONG a considéré pour sa part que ces cadres doivent tenir compte de la situation financière des pays concernés et des risques potentiels.  Ces cadres ne constituent pas la solution à tous les problèmes de financement, a prévenu à son tour le Réseau africain pour la justice économique, en précisant que les 86 États qui ont mis en place des cadres financiers nationaux intégrés sont tous des pays du Sud.  M. MARCOS NETO, du PNUD, n’a vu pour sa part aucune contradiction entre les processus de coopération financière mondiale et les cadres financiers nationaux intégrés, estimant plutôt qu’ils se complètent et se renforcent mutuellement. 

Déclarations de clôture

Mme ANA PAULA ZACARIAS (Portugal) a présenté, en tant que cofacilitatrice, le projet de document final du forum de l’ECOSOC intitulé « Suivi et examen des résultats du financement du développement et des moyens de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 ».  Il s’agit selon elle d’un document essentiel pour les plus vulnérables et les pays en développement.  Le consensus a été possible grâce à l’engagement et à l’esprit constructif des délégations qui ont pris part au forum, a-t-elle salué avant d’exprimer l’espoir de voir conserver cet esprit en raison de l’importance de cette question.  Nous sommes en train de prendre de l’élan pour le financement du développement et nous avons besoin d’actions supplémentaires pour nous aider à la réalisation du Programme 2030, du Programme d’action d’Addis-Abeba et de l’Accord de Paris, a-t-elle ajouté.  « Aujourd’hui, nous avons fait un pas de plus sur cette voie qui nous mènera vers 2025 et la prochaine conférence sur le financement du développement afin de garantir un avenir prospère pour tous. » 

En tant que cofacilitateur du projet de document final du forum de l’ECOSOC, le représentant du Rwanda a estimé que ce document jette les bases d’un accord constructif qui peut servir pour les années à venir.  Dans le contexte du financement du développement, nous pourrons capitaliser sur les éléments contenus dans le document, a-t-il espéré.  En attendant le rapport du Secrétaire général, il a jugé important de se pencher sur les discussions sur les banques multilatérales de développement, les réformes et le besoin d’intensifier les prêts préférentiels. Après avoir reconnu que le document final ne répond pas à toutes les préoccupations, il a pris en compte plusieurs demandes et arguments des États Membres afin de créer un espace pour les discussions et de refléter leurs points de vue. 

La représentante du Costa Rica, qui s’exprimait aussi au nom de la Colombie, a déploré que le document final n’aborde pas la question de la fracture financière et la nécessité de mobiliser les ressources pour résorber la crise énergétique.  Nous aurons besoin d’un effort concerté pour augmenter les investissements dans les ODD et dans l’action climatique alors que les investissements publics et privés continuent d’être limités, surtout dans les pays en développement, a-t-elle expliqué.  Il s’agit là, selon elle, de mesures essentielles pour mener les projets de décarbonisation et réaliser les ODD. 

Au nom du Groupe des 77 et la Chine, le représentant de Cuba a dit s’être jointe au consensus, tout en ayant des commentaires à faire sur certains points du document final.  Il a tout d’abord appelé la communauté internationale à soutenir la proposition du Secrétaire général en faveur d’un plan de relance des ODD pour les pays en développement, en particulier les plus en détresse.  Il a ensuite regretté que les conclusions concertées ne réitèrent pas que le succès du Programme 2030 et de l’Accord de Paris sur le climat dépendra de la capacité à mobiliser des ressources.  De même, il s’est dit déçu que la proposition du Groupe sur une référence à l’importance de l’apport d’un financement climatique nouveau et supplémentaire par les pays développés aux pays en développement, différent de l’aide publique au développement (APD), pour accélérer la mise en œuvre des politiques d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques, n’ait été pas été retenue.  Concernant l’accord sur les pertes et dommages intervenu lors de la COP27, il a déploré que certains tentent de « réécrire ce que nous avons tous convenu il y a quelques mois à peine » en jugeant inacceptable la référence à la mise en place de nouveaux dispositifs de financement pour aider les pays en développement particulièrement vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques. 

Le représentant a aussi exprimé sa déception qu’aucune référence ne soit faite aux décisions prises lors de la deuxième partie de la quinzième session de la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, estimant que cela ne fera que saper la coopération internationale pour la biodiversité.  Par ailleurs, s’agissant du paragraphe 25, il a noté avec préoccupation la lenteur du processus de recouvrement et de restitution des avoirs volés, qui représente un sérieux défi pour les pays en développement.  Il a appelé la communauté internationale à prendre des mesures concrètes pour annuler ou réduire au strict minimum le processus et les coûts de recouvrement des avoirs volés, notamment en réduisant les goulots d’étranglement administratifs et juridiques.  Il a également regretté que le document final ne tienne pas compte du rôle préjudiciable des mesures coercitives unilatérales pour le développement social et économique des pays en développement illégalement soumis à de telles mesures, avant d’appeler à l’élimination immédiate de ces mesures. 

En ce qui concerne l’APD, le représentant s’est dit déçu par le fait que de nombreux pays développés continuent de ne pas respecter leurs engagements.  Il a regretté que la proposition du Groupe pour qu’on revienne au libellé de 2011, au paragraphe 34, n’ait pas été acceptée.  Évoquant ensuite le paragraphe 36, il a appelé la communauté internationale à défendre le principe des « responsabilités communes mais différenciées » et à aider la coopération Nord-Sud à continuer de jouer son rôle clef.  Selon lui, les pays développés devraient assumer la responsabilité première du financement du développement.  À propos du paragraphe 48, il a regretté que la demande du Groupe pour une utilisation de la formulation convenue l’an dernier, qui est celle de la Commission de statistique, n’ait pas été acceptée.  Il a également réitéré la position du Groupe selon laquelle la discussion sur le « soutien public total au développement durable » ne devrait pas être incluse dans le document final, car ce n’est pas une mesure acceptée à l’échelle mondiale. 

Pour ce qui est du paragraphe 77, le représentant a estimé que la référence au « changement structurel inclusif » manque de clarté.  Le Groupe aurait préféré qu’il soit précisé que ce « changement structurel » renvoie à la réduction des fractures numérique et technologique.  Enfin, au paragraphe 83, il a dit sa déception que la proposition du Groupe sur la nécessité d’augmenter le soutien financier et l’assistance pour renforcer les capacités des bureaux nationaux de statistique n’ait pas été retenue. 

Le représentant de la Fédération de Russie s’est désolidarisé du paragraphe 85 du Document final, qui prend note du rapport de l’Équipe spéciale interinstitutions sur le financement du développement durable.  Il a regretté que ledit rapport contienne une analyse des conséquences de la situation en Ukraine à partir de positions « ouvertement biaisées », fondées sur des « hypothèses peu fiables », qui selon lui n’ont pas été confirmées par les faits. À ses yeux, les tentatives d’attribuer tous les problèmes mondiaux aux « événements ukrainiens », y compris les échecs dans la lutte contre la pauvreté et la faim, ne sont « pas objectives mais destructrices », car elles détournent la communauté mondiale de la compréhension des véritables causes des phénomènes de crise mondiale dans la sphère socioéconomique.  Parmi ces raisons, le représentant a cité les conséquences négatives de la pandémie de COVID-19, notamment pour les chaînes de valeur mondiales.  Il a aussi fait état de la politique financière « à courte vue » des pays occidentaux pour lutter contre la pandémie, lorsque des milliards de dollars non garantis ont été injectés, ce qui a stimulé l’inflation, conduit à une augmentation des taux directeurs et déplacé la charge sur les « pays du Sud » déjà largement endettés.  Il a d’autre part dénoncé la marche forcée vers une transition énergétique, qui a commencé à « vaciller » à l’automne 2021, et les effets néfastes des sanctions unilatérales illégales imposées au fil des ans par les pays occidentaux.  Plutôt que d’essayer de s’exonérer de leurs responsabilités, les défenseurs de cette analyse « erronée » devraient se pencher sur la sombre situation de l’économie mondiale et réfléchir à la manière de « s’en sortir », a-t-il ajouté, qualifiant d’« inacceptables » les références faites au rapport de l’Équipe spéciale interinstitutions et les remarques liminaires du Secrétaire général. 

Le représentant du Venezuela a déclaré que le document final constitue le meilleur effort possible pour parvenir à un résultat consensuel.  Il a insisté sur l’importance d’aborder la question du déficit prolongé en matière de financement et de viabilité de la dette.  Nous devrons une fois pour toute avancer vers une réforme de l’architecture financière internationale tant attendue, a-t-il ajouté.  Si le document final couvre des sujets de grande importance pour les pays en développement, le temps est venu selon lui de passer à l’action pour concrétiser nos engagements.  « Comment parler de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 alors que des fonds de grande ampleur sont toujours bloqués suite à l’application illégale de mesures coercitives unilatérales? », s’est demandé le représentant, en déplorant le silence du forum sur cette question.  Le document final continuera d’être incomplet tant que le forum ne reflétera pas une problématique qui a une incidence directe sur le développement d’un tiers de l’humanité, a martelé le représentant. 

Le représentant de la République islamique d’Iran a indiqué que son pays se désolidarise des parties du document final qui ne sont pas conformes à ses lois.  Soulignant le fait que l’accès aux financements reste critique pour les pays en développement, ce qui les empêche de parvenir aux ODD, il s’est dit déçu que le document final ne fasse pas mention des conséquences négatives des mesures unilatérales pour les pays qui les subissent.  Il est selon lui urgent de mettre un terme à ces mesures, y compris aux sanctions unilatérales, qui sapent les principes de la Charte des Nations Unies et du droit international, et constituent également une menace pour les investissements et le commerce.  Il a donc demandé à la communauté internationale de prendre des mesures immédiates pour faire cesser ces pratiques. 

Le représentant de la Suisse a salué l’adoption par consensus du document final du forum sur le financement du développement, en considérant essentiel de parvenir à des compromis.  S’agissant de la coopération internationale en matière fiscale, il a soutenu l’identification et la mise en œuvre de solutions consensuelles efficaces et durables tenant compte des intérêts légitimes des États.  Nous devons toutefois veiller à ne pas créer de structures parallèles et à utiliser au mieux les synergies en assurant la complémentarité des processus.  Les questions liées à la dette doivent être traitées de toute urgence, avec le leadership du FMI et avec la plus grande transparence, a-t-il ajouté. 

Le délégué du Canada a pris la parole au nom du CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), et a salué un document final qui tient compte de l’égalité entre les sexes, un préalable pour le développement économique.  Il s’est dit inquiet que les discussions sur le cadre fiscal international qu’entendent mener les Nations Unies pourraient saper l’initiative déjà en cours au sein du G20.  Il a appelé les Nations Unis à se focaliser sur l’amélioration des mécanismes déjà existants dans le domaine de la coopération fiscale. 

Le représentant de l’Union européenne s’est réjoui de l’adoption du document final par consensus.  Il a notamment salué les paragraphes relatifs au plan de relance des ODD et à la coopération fiscale internationale.  Il a remercié l’Équipe spéciale interinstitutions sur le financement du développement pour son rapport et l’ECOSOC pour son rôle de chef de file. 

Le représentant de la République arabe syrienne a dit s’être rallié au consensus.  Il a toutefois jugé que le document final est incomplet car il ne traite pas de toutes les difficultés auxquelles sont confrontés les pays en développement pour financer leur développement.  Soulignant à cet égard que les mesures coercitives unilatérales sont autant d’obstacles aux ODD, il a regretté que des lignes rouges n’aient pas été intégrées à ce sujet dans le document final.  Pour le représentant, le tremblement de terre du 6 février dernier a montré les conséquences catastrophiques de ces mesures inhumaines, qui ont empêché l’acheminement des secours et augmenté le nombre des victimes.  Il a ajouté que la souplesse dont a fait preuve son pays lors de cette crise ne doit pas être interprétée comme une faiblesse. 

La représentante des États-Unis a rappelé que son pays est le plus grand fournisseur d’APD.  Nous sommes parfois en désaccord sur certaines questions, a-t-elle reconnu tout en disant se ranger au consensus sur le document final. 

Le représentant de la Hongrie s’est félicité de l’adoption consensuelle du Document final, tout en précisant qu’il aurait préféré que le paragraphe 9 mentionne d’une manière plus générale les groupes marginalisés et les personnes en situation de vulnérabilité, certains groupes pouvant selon lui être omis. Il a donc souhaité se dissocier de ce paragraphe. 

Le représentant du Nicaragua a jugé le document final incomplet alors qu’il est muet sur les conséquences négatives des mesures coercitives unilatérales sur le financement du développement.  Il s’agit selon lui d’une situation « inacceptable » qui laisse pour compte plus de 2 milliards de personnes provenant de 40 pays.  Nous voyons chaque jour les « impérialistes et les néocolonialistes » augmenter le nombre de ces mesures néfastes, autant « d’agressions » incompatibles avec les objectifs du forum sur le financement du développement et avec le droit au développement, a-t-il jugé. 

Le délégué de la République de Corée s’est dissocié du libellé du paragraphe 20 du document final, arguant que les États Membres n’ont pas eu le temps de s’exprimer sur la question.  Ce paragraphe stipule que « des discussions intergouvernementales devant se tenir au Siège de l’Organisation des Nations Unies, à New York, sur les moyens de renforcer le caractère inclusif et l’efficacité de la coopération fiscale internationale par l’évaluation d’options supplémentaires, y compris la possibilité d’élaborer un cadre ou un instrument de coopération fiscale internationale dans le cadre d’un processus intergouvernemental de l’Organisation ». 

Selon le représentant, cette assertion n’a pas été faite de manière consensuelle.  C’est aussi l’avis du Japon qui a souligné que ces « discussions intergouvernementales » ne font pas l’unanimité.

Le délégué du Royaume-Uni a salué l’adoption du document final, avant de plaider pour que les ressources nécessaires soient mobilisées pour soutenir les pays en développement.  Des systèmes fiscaux plus justes sont à promouvoir, a—t-il dit, avant d’appeler à améliorer les processus de restructuration de la dette.  

Mme AMINA MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, s’est félicitée que les discussions du forum 2023 de l’ECOSOC sur le financement du développement aient fait ressortir l’urgence d’augmenter le financement du développement durable.  À mi-parcours du Programme 2030, « c’est maintenant ou jamais », a-t-elle affirmé en rappelant que les ODD sont attaqués et que, selon les projections, environ 574 millions de personnes, soit près de 7% de la population mondiale, vivront encore dans l’extrême pauvreté d’ici à 2023.  Selon elle, l’impact des crises multiples sur les pays en développement a été exacerbé par une architecture financière mondiale « en faillite morale » et faussée par les intérêts des économies avancées.  Elle s’est ainsi demandé pourquoi les pays en développement paient des coûts d’emprunt plus élevés sur les marchés financiers et pourquoi un pays riche de 83 millions d’habitants a reçu presque le même montant de droits de tirage spéciaux (DTS) que toute l’Afrique, un continent de 1,4 milliard d’habitants.  Le danger actuel est le « grand fossé financier » qui pourrait conduire à un fossé permanent en matière de développement durable si nous n’agissons pas immédiatement, a-t-elle averti, avant d’appeler à passer des paroles aux actes. 

Nous devons prendre des mesures immédiates en utilisant les moyens dont nous disposons déjà pour soutenir les pays en développement en détresse, a plaidé Mme Mohammed.  Rappelant que le Secrétaire général a appelé à la mobilisation immédiate d’au moins 500 milliards de dollars supplémentaires par an grâce à une relance des ODD, elle a assuré que les trois domaines d’action de ce plan peuvent tous être atteints dans le contexte de l’architecture financière actuelle.  Pour ce faire, il faut tout d’abord s’attaquer au coût élevé de la dette et aux risques croissants de surendettement.  Au moment où les conditions de financement se resserrent, cela devient de plus en plus urgent, a-t-elle estimé, notant que, fin 2022, 60% des pays à faible revenu étaient déjà surendettés ou risquaient de l’être.  Pour relever ce défi, il convient selon elle d’élaborer une initiative améliorée sur la dette multilatérale afin de soutenir les suspensions, les échanges et les décotes, avec l’élargissement de la vulnérabilité à tous les pays dans le besoin. Il importe aussi de créer des mécanismes pour inciter les créanciers privés à participer et pour assurer un traitement comparable entre les secteurs public et privé.  De même, a-t-elle ajouté, pour permettre aux pays de libérer de l’espace pour les investissements dans le développement durable, nous avons besoin de développer un programme d’échange de « dette contre ODD, nature et climat », d’évaluer la viabilité de la dette sur la base de la solvabilité et de mesurer les risques à long terme et l’impact positif des investissements dans les ODD et la résilience sur la croissance économique et la viabilité de la dette. 

Deuxièmement, a poursuivi Mme Mohammed, nous devons augmenter massivement les financements abordables et à long terme pour les investissements dans les ODD et dans les transitions justes, y compris dans les énergies renouvelables, la protection sociale, la création d’emplois décents et la numérisation.  Pour augmenter les prêts tout en maintenant leurs notations de crédit, les banques multilatérales de développement devront renforcer leurs fonds propres, a-t-elle préconisé, jugeant que cela peut être réalisé en faisant un meilleur usage de leur capital existant, parallèlement à des augmentations de capital, et en poursuivant les efforts pour réacheminer les DTS.  Les banques multilatérales de développement doivent également aligner leurs mandats et leur expertise sur les investissements et les résultats des ODD afin d’améliorer leurs conditions de prêt pour inclure des durées plus longues, des taux d’intérêt plus bas et une augmentation des prêts en monnaies locales, a défendu la Vice-Secrétaire générale, pour qui ces établissements peuvent aussi mieux tirer parti des financements privés vers des objectifs publics. Toutefois, pour le faire à grande échelle, nous avons besoin de nouveaux modèles de financement mixte, a-t-elle relevé, avant de plaider pour un renforcement des engagements en matière d’APD. Alors que les décaissements d’APD ont augmenté de 8,5% en 2021 et ont atteint en moyenne 0,33% du revenu national brut des donateurs, ils restent bien en deçà de l’engagement de 0,7%, a-t-elle constaté, souhaitant qu’on cesse d’éloigner l’APD des objectifs de développement traditionnels et de l’orienter vers l’auto-assistance des pays donateurs. 

En troisième lieu, nous avons besoin de réformes de l’architecture financière internationale, qui répondent précisément aux besoins du monde d’aujourd’hui, a expliqué la Vice-Secrétaire générale.  À ses yeux, il est essentiel d’intégrer la résilience et la justice dans notre système financier et d’étendre le filet de sécurité financière mondial, notamment en élargissant le financement d’urgence et de prévoyance aux pays dans le besoin.  Notant que ce filet est resté stable depuis 2012 et que les mécanismes institutionnels de fourniture de liquidités sont toujours de l’ordre de 4 à 5% du produit brut mondial, elle a fait état de progrès encourageants lors des réunions de printemps du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale.  Le Japon a ainsi accepté de doubler le montant des DTS qu’il redirigera vers ceux qui en ont besoin.  La Banque africaine de développement a, elle, continué de chercher des opportunités de réacheminer les DTS par elle-même en dehors des canaux traditionnels, tandis que les institutions financières internationales ont accepté une petite augmentation de capital.  Le Secrétaire général, a-t-elle rappelé, a demandé une redistribution des DTS d’au moins 100 milliards de dollars d’ici à octobre de cette année, à réaffecter par le biais du FMI et des banques multilatérales de développement.  « C’est un appel à portée de main », a-t-elle jugé, considérant également crucial de renforcer la fiscalité internationale sur les sociétés, alors que le monde perd 10% de ses recettes en la matière, soit 969 milliards de dollars, en raison de l’évasion et de la fraude fiscales.  Elle a enfin appelé à « sauver les ODD », remerciant le forum de l’ECOSOC d’avoir donné le ton au forum politique de haut niveau, au Sommet sur les ODD, au Dialogue de haut niveau sur le financement du développement et à la COP28.  « C’est le moment d’agir et de respecter les engagements », a-t-elle conclu. 

Mme LACHEZARA STOEVA, Présidente de l’ECOSOC, s’est félicitée de l’engagement actif des chefs d’État et de plus de 30 ministres au premier forum d’ECOSOC sur le financement du développement en présentiel depuis la pandémie.  Alors que le monde continue de faire face à des crises qui se chevauchent et ont des effets dévastateurs sur les économies et les sociétés, le besoin de politiques de financement du développement destinées à soutenir les efforts mondiaux visant à remettre le Programme 2030 sur les rails est plus nécessaire que jamais, a-t-elle reconnu: malgré la diversité de points de vue exprimés sur de nombreuses questions, tous conviennent que le statu quo n’est pas viable. 

Au nombre des points clefs du forum, la Présidente a reconnu que l’architecture financière internationale est inadaptée à son objectif et que les mécanismes existants sont insuffisants pour faire face aux crises simultanées.  Comme le propose le stimulus du Secrétaire général, le financement du développement durable doit être augmenté de façon massive, a-t-elle noté.  Plusieurs délégations ont souligné la nécessité de débloquer des ressources supplémentaires, de réformer les institutions financières internationales, de renforcer les banques multilatérales de développement, d’attirer le secteur privé et d’utiliser les instruments de financement innovants, a-t-elle relevé.  De même, elle a entendu que la coopération fiscale internationale doit être plus efficace et inclusive afin de préserver les ressources publiques.  Les vulnérabilités multidimensionnelles doivent également être prises en compte dans l’allocation des ressources concessionnelles. 

Selon Mme Stoeva, une nouvelle génération de politiques industrielles durables et inclusives peut contribuer à atteindre les ODD.  La mobilisation du financement pour faire face aux changements climatiques restera cruciale pour les années à venir, a poursuivi la Présidente, en souhaitant l’augmentation urgente du financement de l’adaptation.  À son avis, les résultats du forum éclaireront les discussions sur le financement lors du forum politique de haut niveau pour le développement durable, lequel aura pour tâche d’identifier les priorités et de générer une dynamique politique en vue du Sommet sur les ODD qui se tiendra en septembre.  Elle a exhorté les États Membres à prendre des engagements fermes pour faire en sorte que personne ne soit laissé pour compte et que les aspirations des plus vulnérables soient au centre de nos efforts. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Instance permanente fait le point sur ses six domaines d’action

Vingt-deuxième session,
7e séance plénière – matin
DH/5478

L’Instance permanente fait le point sur ses six domaines d’action

Les débats de l’Instance permanente sur les questions autochtones se sont axés, ce matin, sur ses six domaines d’action (développement économique et social, culture, environnement, éducation, santé et droits humains), l’occasion pour les représentants des peuples autochtones de multiplier les demandes d’excuses et de réparation. 

Les délégations ont également entendu M. Vital Babanze, membre de l’Instance permanente (Burundi), faire le point sur la réunion du Groupe d’experts internationaux sur le thème « Vérité, justice transitionnelle et mécanismes de réconciliation » tenue à Santiago, Chili, du 15 au 17 novembre 2022.  La réunion a notamment recommandé aux États et aux gouvernements de réexaminer et réviser, avec les peuples autochtones, les constitutions et les cadres juridiques nationaux afin de reconnaître de manière exhaustive les droits humains des peuples autochtones, de leur garantir un rôle de premier plan dans toutes les institutions de justice transitionnelle, et de respecter les décisions prises par les systèmes de justice autochtone.  Les experts recommandent en outre d’encourager les institutions nationales des droits humains à promouvoir les processus de vérité et de réconciliation. 

Après cette présentation, la Suède, qui s’exprimait au nom des pays nordiques (Danemark, Finlande, Norvège, Suède), a appelé à recourir aux connaissances autochtones pour réaliser les objectifs du développement durable (ODD).  En outre, les pays nordiques préparent chacun une loi en vue d’améliorer les relations avec les peuples sâmes, y compris la création de comités de réconciliation et de réparation.  Le Conseil international des traités indiens (CITI) a exigé réparation pour les peuples victimes des produits toxiques et chimiques, ainsi que des pesticides, recommandant en outre de réviser la gestion internationale et l’utilisation des pesticides en milieu agricole. 

Après l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR), qui a sollicité la participation des femmes autochtones à ses programmes de formation et l’Équateur, qui a plaidé pour la revitalisation des langues autochtones y compris dans les universités, le National Congress of American Indians a insisté sur l’importance de la protection juridique des savoirs et des ressources génétiques autochtones, plaidant pour la création d’un traité à cette fin dans le cadre de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).  L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a ensuite fait savoir que son programme de mentorat pour les femmes autochtones, qui a été développé dans quatre pays andins, vise à renforcer la création d’entreprises autochtones. 

L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a encouragé les peuples autochtones à développer leurs propres médias afin qu’ils puissent y exprimer leurs opinions et présenter leurs solutions aux défis actuels, notamment les changements climatiques. À ce propos, la Namibie a dit s’être engagée à renforcer la participation des peuples autochtones dans la lutte contre ce phénomène, ainsi que dans la vie sociale et économique.  La Colombie a estimé pour sa part que la participation des peuples autochtones ne doit pas être limitée à l’Instance permanente et que ces derniers doivent être présents dans toutes les entités des Nations Unies existantes.   

Le représentant des peuples autochtones des Chagos s’est alarmé, de son côté, de la situation des Chagossiens qui vivent en exil et a sollicité l’aide de l’Instance permanente pour permettre leur retour dans leurs îles.  Déplorant les actions des Gouvernements des États-Unis et du Royaume-Uni, il a demandé excuses et réparations, réclamant en outre des comptes au Gouvernement de Maurice dont la police aurait battu les militants chagossiens.  Le Conseil sâme s’est inquiété de l’impact de la transition verte sur les droits, les savoirs et les modes de vie autochtones.  L’Organisation internationale du Travail (OIT) a signalé quant à elle que 19% des 476 millions membres des peuples autochtones n’ont pas accès au marché de travail et que les travailleurs autochtones gagnent 18% moins que leurs collègues.  En Afrique du Sud, les peuples autochtones bénéficient d’un salaire minimal, et d’un accès à la santé et à l’éducation.  Et le Gouvernement a également débloqué des fonds pour la diffusion numérique des langues autochtones y compris la création de dictionnaires. 

L’Assemblée des Premières Nations du Canada a rappelé la souffrance de la dépossession subie par les Premières Nations suite à l’exploitation, sans leur consentement préalable, des richesses de leurs territoires. Le Parlement sâme a parlé du « sentiment d’anxiété généralisée » dans lequel vit le peuple sâme en raison des changements climatiques et des politiques d’assimilation forcée.  « Le Gouvernement finlandais doit débloquer les fonds nécessaires pour soutenir le bien-être psycho-social du peuple sâme. »  Au préalable, la représentante des peuples autochtones en Australie a dénoncé l’incarcération des enfants autochtones dans ce pays, y voyant un leg du colonialisme. La priorité doit être donnée à la décolonisation, a-t-elle dit, en ajoutant que la réponse carcérale n’est jamais la bonne.  « Mon pays œuvre sans relâche pour protéger les droits des peuples autochtones et prendre en compte leur voix », a assuré le délégué de l’Australie

Le représentant des peuples autochtones de la péninsule de Yamal a rappelé que les peuples autochtones représentent près de 10% de la population russe et souhaité une meilleure connaissance cartographique de leur présence.  La Fédération de Russie a assuré que les 90 peuples autochtones qui vivent sur le territoire russe jouissent d’une protection renforcée, ce qui leur a permis de préserver leur culture.  Le Grand Conseil des Cris a appelé tous les États à mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, en prenant pour exemple ce qui a été fait dans la Colombie britannique à ce sujet.  De son côté, la représentante du peuple autochtone Ogiek a rappelé que la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a, en 2022, ordonné au Kenya de restituer leurs terres ancestrales à ce peuple autochtone.  Le représentant des peuples autochtones de Crimée a insisté sur les violations dont sont victimes ces peuples, avant de dénoncer la déportation d’enfants vers la Russie et la conscription des hommes pour combattre en Ukraine. 

À son tour, la déléguée du Fonds international pour le développement agricole (FIDA) a assuré que les peuples autochtones sont consultés avant tout projet mené par le FIDA.  « Nos projets sont conduits dans le respect de l’identité des peuples autochtones. »  Même son de cloche du côté de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui a récemment accueilli à Rome plus de 90 experts issus de ces peuples pour discuter de questions alimentaires.  Le Viet Nam a rappelé son engagement en faveur de la protection des droits des minorités ethniques, avec notamment la mise en place d’un cadre juridique renforcé.  Nombre d’enseignements scolaires se font en vietnamien et dans les langues minoritaires.  « Les peuples autochtones sont les gardiens de leurs terres », a déclaré le délégué de l’Indonésie, en passant en revue les efforts de protection de son gouvernement pour la protection de leurs forêts.  Il a néanmoins dénoncé la déclaration abusive d’un représentant des peuples autochtones, dénaturant la mission de l’Instance.  Le Guyana a ensuite fait savoir que les peuples autochtones ont été étroitement associés à l’élaboration de la stratégie de décarbonation, suivi des États-Unis qui ont reconnu que les peuples autochtones ont été victimes de la spoliation de leurs terres. 

Les six domaines d’actions de l’Instance sont en relation avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et le Programme de développement durable à l’horizon 2030. 

L’Instance poursuivra ses travaux la semaine prochaine.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Instance permanente: préoccupations face à la persistance des violations des droits des peuples autochtones

Vingt-deuxième session
5e & 6e séances plénières, matin & après-midi
DH/5477

Instance permanente: préoccupations face à la persistance des violations des droits des peuples autochtones

Le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones a déclaré, ce matin, que les menaces à l’encontre des peuples autochtones n’ont guère diminué, pointant notamment les conséquences des mégaprojets d’extraction. 

Intervenant dans le cadre d’un dialogue interactif avec l’Instance permanente sur les questions autochtones, M. Francisco Cali a alerté que le principe de consentement préalable, libre et éclairé n’est toujours pas respecté, s’inquiétant en outre des conséquences des « projets verts » qui ont tendance à interdire l’accès des peuples autochtones à leurs ressources, et à contribuer aux déplacements forcés. 

Cette vingt-deuxième session de l’Instance a pour thème « Peuples autochtones, santé humaine, santé de la planète et des territoires et changements climatiques: une démarche fondée sur les droits ». 

L’Instance poursuivra ses travaux demain, jeudi 20 avril, à partir de 10 heures. 

DIALOGUE CONSACRÉ AUX DROITS HUMAINS AVEC LE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES ET LE MÉCANISME D’EXPERTS SUR LES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES

Déclarations liminaires  

M. FRANCISCO CALI, Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, a déclaré que les menaces à l’encontre des peuples autochtones n’ont guère diminué, pointant notamment les conséquences des mégaprojets d’extraction.  Le principe de consentement préalable, libre et éclairé n’est toujours pas respecté, a-t-il dénoncé, et cette situation mène à des déplacements forcés, à la criminalisation, à la marginalisation et au racisme.  Il a souligné l’importance des femmes autochtones dans la gestion des conséquences des changements climatiques.  Elles ont besoin d’être protégées pour qu’elles puissent faire valoir leurs connaissances dans la gestion des risques, l’atténuation et le relèvement.  Il a fait part de sa crainte quant aux conséquences des « projets verts » qui ont tendance à interdire l’accès des peuples autochtones aux ressources, et à contribuer aux déplacements forcés et aux assassinats des femmes autochtones.  Il a annoncé qu’il fera une étude sur l’impact du tourisme dans les territoires autochtones et compte rédiger un rapport sur les retombées des investissements verts et du financement climatique sur les peuples autochtones, notamment les financements climatiques. 

M. BINOTA DHAMAI, Président du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, a informé que cet organisme a tenu sa quinzième session à Genève en 2022 et a publié des études sur les traités et les arrangements avec les États, les droits à l’autodétermination et le principe du consentement préalable, libre et éclairé.  S’agissant des activités intersessions du Mécanisme, il a indiqué avoir présenté des rapports sur le respect des droits des peuples autochtones, les retombées des plans de relèvement après la pandémie et l’application de la Décennie internationale des langues autochtones.  En 2023, il espère effectuer des visites de pays, notamment en Australie.  Il a annoncé que le Mécanisme organisera en juillet, à Genève, une table ronde sur les conséquences du colonialisme sur les peuples autochtones, les droits des peuples autochtones LGBTQ, et les systèmes économiques traditionnels des peuples autochtones.  Une table ronde sur la Décennie internationale des langues autochtones est également prévue, de même qu’une session consacrée à la participation des peuples autochtones aux conférences des Nations Unies et au Conseil des droits de l’homme.  Le Mécanisme lancera en outre cette année une étude thématique sur les droits des peuples autochtones et la militarisation de leurs territoires en vue de promouvoir la démilitarisation et le progrès socioéconomique. 

M. Dhamai s’est par ailleurs inquiété de la situation de Mme Myrna Cunningham Kain, experte du Mécanisme qui n’a pas pu regagner son pays après la session 2022 de l’Instance permanente, une préoccupation partagée par M. RODRIGO EDUARDO PAILLALEF MONNARD, membre de l’Instance permanente (Chili). 

Prenant à son tour la parole, M. DEV KUMAR SUNUWAR, Président du Fonds d’affection spéciale des Nations Unies pour les peuples autochtones, a indiqué qu’en 2023, le Fonds compte financer la participation de 160 représentants autochtones à des conférences de l’ONU, notamment à la session 2023 de l’Instance permanente et à des conférences régionales. Il a par ailleurs élaboré un calendrier de formation en ligne sur les changements climatiques et les droits humains dans le cadre de projets de renforcement des capacités des représentants des peuples autochtones.  Quelque 600 autochtones ont déjà participé à ces formations en ligne qui se font en anglais, en russe et en espagnol. 

Dialogue interactif   

À l’issue de ces interventions, M. VITAL BAMBANZE, membre de l’Instance permanente (Burundi), a demandé aux États Membres d’accueillir les visites des experts et du Rapporteur spécial.  Il a déploré qu’en Afrique, on débat encore de l’existence des peuples autochtones, relevant que cette situation entraîne leur marginalisation.  Le devoir des États est de promouvoir les droits des peuples autochtones, de financer les renforcements des capacités et non de les persécuter, a-t-il souligné.  M. WILTON LITTLE CHILD, ancien membre de l’Instance permanente (Canada), a dénoncé les difficultés rencontrées par le Rapporteur spécial dans l’État de l’Alberta lors de sa visite en 2022 alors que le pape François lui-même a présenté ses excuses pour les crimes commis contre les peuples autochtones et que l’Église catholique a renié la doctrine de la découverte.  L’intervenant a demandé la création d’un conseil pour la réconciliation sous la houlette de l’Instance permanente.  Le Conseil des femmes autochtones du Canada a réclamé la mise en œuvre d’un plan d’action pour les femmes autochtones du Canada plus détaillé et plus transparent, suivi du Conseil national des Amérindiens (Canada) qui a demandé la libération à titre humanitaire de M. Leonard Peltier, emprisonné aux États-Unis depuis 1977. 

Les délégations des peuples autochtones se sont ensuite succédé pour dénoncer certains des agissements de leurs gouvernements respectifs, à commencer par le Parlement des Sâmes qui a accusé certains pays nordiques de vouloir perpétuer la colonisation en tergiversant sur l’exercice du droit à l’autodétermination. Le Conseil sâme de Finlande a dénoncé l’absence de processus d’autodétermination des Sâmes de Finlande, affirmant que le Gouvernement va délibérément à l’encontre des recommandations du Conseil des droits l’homme. 

Outre des appels à la cessation des violences à l’encontre des femmes autochtones, les délégations ont entendu l’Union des travailleurs agricoles de Bolivie dénoncer l’exploitation des ressources aquifères.  La représentante des aborigènes d’Australie a revendiqué le respect des savoirs autochtones qui sont essentiels à la survie de la nature et de l’environnement.  L’Organisation nationale autochtone de Colombie a dénoncé les agissements des trafiquants de drogue et les activités extractives illégales sur les territoires des peuples autochtones, exhortant en outre le Gouvernement de Colombie à respecter le principe de consentement préalable, libre et éclairé.  La Directrice exécutive du Réseau du peuple Endorois a demandé la protection de sa communauté qui est privée de l’accès à ses terres autour du lac Bogoria, au Kenya. 

Alors que la représentante de la jeunesse du peuple Khmer-Krom (Viet Nam) a demandé la reconnaissance de son statut de peuple autochtone au Gouvernement vietnamien, sa collègue de la Crimée a dénoncé l’agression russe commencée en 2014 et les représailles russes contre les militants des droits humains.  Dans ce droit fil, M. SULEIMAN MAMUTOV, membre de l’Instance permanente (Ukraine) a condamné l’agression russe de l’Ukraine et de la Crimée, de même que les déportations des peuples autochtones et la pression exercée sur eux qui les oblige à combattre.  Leurs dirigeants sont persécutés ou utilisés comme boucliers, s’est-il inquiété. 

Pour sa part, la représentante du peuple Ryūkyū (Japon) a pointé du doigt la présence de bases militaires japonaises et américaines sur l’île d’Okinawa et le fait que le Gouvernement du Japon ne le reconnaît pas comme peuple autochtone.  Les personnes victimes d’intoxication chimique doivent pouvoir recevoir des soins et des compensations et le Gouvernement cesser le déversement des eaux usées des centrales nucléaires dans l’océan.  Le représentant du peuple Chitonahua (Pérou) a demandé la réglementation de la monoculture promue par le Gouvernement en Amazonie péruvienne.  Enfin, une représentante des autochtones migrants a demandé la mise en place de service d’interprétariat dans les consulats de leurs pays respectifs pour leur permettre d’effectuer les démarches consulaires dans leurs langues maternelles.

Discussion générale 

La discussion générale de l’après-midi a également été marquée par les vives critiques de représentants des peuples autochtones à l’endroit de certains États et par leurs demandes insistantes d’une meilleure protection de leurs droits. 

Ouvrant le bal, le représentant des peuples autochtones de la Papouasie occidentale a ainsi accusé les forces de sécurité de l’Indonésie d’avoir assassiné des membres de ces peuples, avant de demander une révision de l’accord entre l’Indonésie et les Pays-Bas concernant cette région. De son côté, la déléguée de l’Indonésie a dénoncé les informations mensongères colportées sur ce sujet, avant d’assurer de la détermination de son pays à protéger les peuples autochtones présents sur son territoire. 

Dans ce droit fil, la Chine a, elle aussi, tenu à répondre aux « allégations erronées » faites, selon elle, par un représentant des peuples autochtones de la Mongolie intérieure sur un soi-disant génocide culturel.  « Rendez-vous en Chine pour vous rendre compte de la réalité. »  Une passe d’armes a également opposé le Viet Nam et des organisations de peuples autochtones, le délégué vietnamien accusant la Fédération KKF de ne pas représenter les peuples khmers et de saper l’unité du pays.  Une autre organisation a volé au secours de cette dernière, qui s’est exprimée hier, en rappelant que le but de l’Instance est d’entendre les voix de toutes les organisations de peuples autochtones. 

Le Canada s’est retrouvé sur la sellette à plusieurs reprises, notamment lorsque le Conseil circumpolaire inuit l’a accusé d’avoir violé les droits des Inuits.  Un représentant des peuples autochtones de l’Île-du-Prince-Edouard a également dénoncé les violations systématiques des droits des peuples autochtones perpétrées par le Canada, notamment le droit de choisir leurs représentants.  « C’est du néocolonialisme. »  Une plainte a été déposée contre le Canada devant le Conseil des droits de l’homme, laquelle est pour l’instant restée sans réponse, a ajouté ce délégué. La promotion des droits humains des peuples autochtones est une priorité de mon pays, a rétorqué la délégation du Canada, en ajoutant qu’une visite du Mécanisme d’experts est prévue cette année. 

La gravité a été de mise lorsqu’un représentant des peuples autochtones du Brésil a déploré les assassinats perpétrés contre nombre de ses membres.  « Je ne sais pas combien de temps il me reste à vivre », a-t-il dit, en exhortant le Brésil à protéger ces peuples.  Même tonalité tragique du côté d’un représentant du peuple Miskito qui a indiqué que son fils a été assassiné en 2020, rejetant dans la foulée l’invasion de ses terres par le Nicaragua. 

Le peuple tatar de Crimée a été au cœur de l’intervention de la Fédération de Russie qui a accusé l’Ukraine de le manipuler à son profit, avant de dénoncer l’impossibilité pour des représentants tatars de se rendre au Siège de l’ONU en raison d’un refus de visa.  « Les Tatars se sentent bien en Russie. »  Une position balayée par la délégation ukrainienne qui a pointé la grande insécurité des Tatars depuis l’annexion illégale de la Crimée.  « L’agresseur doit être arrêté et justice rendue aux Tatars de Crimée. »  

De son côté, le représentant des Chagossiens a dénoncé les crimes contre l’humanité perpétrés contre ces derniers par le Royaume-Uni et les États-Unis. « Nous ne sommes pas des Mauriciens et nous voulons un plus grand contrôle sur nos terres. »  Cette aspiration à un plus grand contrôle a été au cœur de l’intervention du délégué du Parlement sâme qui a déploré qu’une loi allant dans ce sens n’ait pu être votée au Parlement finlandais en raison de l’opposition de certains groupes politiques. 

Mme Hanieh Moghani, membre de l’Instance permanente (République islamique d’Iran) a dénoncé les effets délétères des sanctions sur les peuples autochtones, tandis que M. Vital Bambanze, un autre membre de l’Instance permanente (Burundi), a interpellé le délégué de la Tanzanie en lui demandant de détruire l’enregistrement qu’il a fait hier de l’intervention d’un représentant des peuples autochtones tanzaniens.  Un autre membre a demandé que l’interprète de la langue anglaise vers la langue espagnole dise « peuples autochtones » et non pas « populations autochtones ». 

Plusieurs délégations ont tenu à détailler leurs actions de promotion des droits de ces peuples, à l’instar de l’Équateur qui a insisté sur l’importance de créer des institutions pour porter la voix des peuples autochtones.  De son côté, la Colombie a déclaré que les peuples autochtones montrent la voie de la résistance au modèle capitaliste et de la protection de la « santé de la Terre », tandis que l’Afrique du Sud a dit œuvrer sans relâche pour protéger ces peuples et leur rendre ce qui leur a été volé.  Des accords de propriété foncière ont été passés avec le peuple Mapuche pour protéger ses droits, a assuré la délégation du Chili.  Enfin, le délégué du Mexique a invité chacun à « sortir de sa zone de confort » et mentionné l’organisation cette année dans son pays d’un évènement consacré aux peuples autochtones.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Industrialisation verte, financement climatique et coopération fiscale internationale au centre des débats sur le financement du développement

Session de 2023,
5e et 6e séances plénières – matin et après-midi
ECOSOC/7120

Industrialisation verte, financement climatique et coopération fiscale internationale au centre des débats sur le financement du développement

Les ministres, experts et représentants d’organisations intergouvernementales et de la société civile invités à prendre part aux trois tables rondes du forum du Conseil économique et social (ECOSOC) sur le suivi du financement du développement ont, aujourd’hui, tourné leur attention vers le financement des transformations industrielles durables, le financement climatique et la coopération fiscale internationale afin de lutter contre les flux financiers illicites et de mobiliser les ressources indispensables à l’atteinte des objectifs de développement. 

Le Directeur général adjoint de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), M. Zou Ciyong, a appelé d’emblée les participants à la première table tonde à intensifier les investissements publics et privés en vue de parvenir à un « nouvel âge industriel vert », permettant d’intégrer les objectifs de développement et de réduire le « fossé de développement » entre les États.  Afin d’apporter les transformations structurelles nécessaires, plusieurs intervenants ont relevé le besoin d’une architecture financière mondiale adéquate. La Vice-Ministre de l’économie et des petites entreprises du Chili, Mme Javiera Petersen, a également souligné l’importance de miser sur une stratégie nationale de financement public et privé de projets efficaces sur le plan social et environnemental.

Il est toutefois particulièrement ardu aujourd’hui pour les États d’entreprendre une telle transformation et d’amener les entreprises privées à passer à des activités industrielles à valeur ajoutée élevée, a tempéré Mme Jayati Ghosh, professeure d’économie à l’Université du Massachusetts-Amherst, du fait de l’architecture financière actuelle et de l’impact des politiques fiscales et macroéconomiques des pays développés sur les flux de capitaux mondiaux.  Pour la Society for International Development, il est impossible de débattre de la transformation industrielle sans remettre en question le rôle « hégémonique » des chaînes de valeur qui « piègent » les économies émergentes en les confinant à une spécialisation, le plus souvent dans la production primaire.  Les politiques industrielles et commerciales des pays développés bâillonnent les voix qui s’élèvent depuis des décennies dans les pays émergents pour réclamer une transformation structurelle leur permettant d’échapper aux cases qui leur ont été assignées dans les chaînes de valeur, a encore dit le Third World Network. 

Seule une approche fondée sur la « production locale pour la consommation locale » nous permettra de surmonter ces paradigmes dépassés, a fait valoir M. Sanjay G. Reddy, Directeur du Département d’économie à The New School.  Il s’agit selon lui d’un « cercle vertueux » qui s’appuie sur le rôle de catalyseur joué par le financement public, sur la mise à disposition de technologies transformatrices, sur l’énergie à bas coût et sur l’apport « unique » du secteur privé.

Pendant ce temps, la crise climatique se poursuit sans relâche, confrontant les pays vulnérables à un avenir précaire du fait notamment de « l’insignifiance » des fonds prévus pour l’adaptation, a dit Mme Ligia Noronha, Sous-Secrétaire générale et Cheffe du Bureau de New York du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), à l’ouverture de la table ronde sur le financement climatique pour l’adaptation et les objectifs de développement durable (ODD). La promesse des pays développés de financer l’adaptation à hauteur de 100 milliards de dollars par année jusqu’en 2025 est en effet restée lettre morte, a constaté le Vice-Ministre de la planification et du développement économique de l’Égypte, M. Ahmed Kamaly. 

La Directrice générale adjointe de l’Agence française de développement, Mme Marie-Hélène Loison, a préconisé de resserrer la synergie entre les banques de développement, les gouvernements et le secteur privé, en adaptant l’architecture financière mondiale aux besoins du développement et en redirigeant l’aide au développement vers des projets d’adaptation.  Les fonds alloués à l’adaptation en Afrique ne constituent pas une obole mais un moyen de partager les défis communs, a fait valoir l’Union africaine.  Parmi ceux-ci, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a jugé impératif d’allouer des fonds afin de renforcer la résilience des petits producteurs agricoles face aux changements climatiques. 

La dernière table ronde de la journée, concernant la coopération fiscale internationale et la lutte contre les flux financiers illicites pour préserver les ressources nationales, présentait un intérêt particulier pour les pays en développement qui demeurent vulnérables aux effets délétères des flux financiers illicites à l’origine de l’évasion fiscale, selon M. Ibrahim Mayaki, Coprésident du Groupe de haut niveau sur la responsabilité, la transparence et l’intégrité financières internationales pour la réalisation du Programme 2030. 

Or, ces échanges illégaux sont à la hausse, s’est alarmée la modératrice de la discussion et Directrice du Secrétariat du Groupe intergouvernemental des Vingt-Quatre pour les questions monétaires internationales et le développement (G24), Mme Iyabo Masha, en plaidant pour la mise en place d’un nouveau cadre fiscal international sous l’égide des Nations Unies.  Même constat de la part de la Ministre déléguée au développement de la Norvège, Mme Bjørg Sandkjær, qui a considéré que les États Membres et les institutions multilatérales telles que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sont seuls à même de prendre les mesures qui s’imposent pour combler les lacunes structurelles favorisant l’évasion fiscale. 

Le forum sur le suivi du financement du développement s’achèvera demain, jeudi 20 avril. 

FORUM SUR LE SUIVI DU FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT

Table ronde 6 - Financement des transformations industrielles durables

Le modérateur de la table ronde, M. ZOU CIYONG, Directeur général adjoint de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), a appelé à promouvoir un développement industriel durable, intégrant les objectifs de développement, en expliquant que c’est l’élément central du plan d’action de l’ONUDI.  Pour assurer la transition énergétique, réduire le fossé de développement entre les États et assurer la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, nous devons intensifier les investissements publics et privés dans la transformation visant un « nouvel âge industriel vert », a recommandé le modérateur en suggérant de s’appuyer sur une nouvelle génération de politiques environnementales intégrées dans la planification nationale.  Un appel entendu par M. ELNUR IBRAHIMOV, Conseiller principal sur les objectifs de développement durable au Ministère de l’économie de l’Azerbaïdjan, qui a expliqué que le nouveau programme de développement de son pays se fonde sur l’objectif d’une croissance verte et durable, avec la collaboration de l’ONUDI. 

Les ODD ne pourront être atteints sans une compréhension systématique de leur rôle dans la transformation sociale et les processus environnementaux dans les pays en développement, a fait valoir Mme JAVIERA PETERSEN, Vice-Ministre de l’économie et des petites entreprises du Chili.  En outre, les transformations structurelles pérennes sont, selon elle, tributaires d’une architecture financière adéquate, assortie de ressources répondant aux besoins productifs et technologiques des États.  Il faut éviter que les entreprises soient contraintes de s’en remettre à des financements extérieurs ou à l’endettement, a averti la Ministre qui a, dès lors, invité à miser sur une stratégie nationale de financements public et privé de projets efficaces sur le plan social et écologique, dotée d’un mandat clair, à savoir le soutien à la transition industrielle et l’innovation. 

Cependant, il est particulièrement difficile aujourd’hui pour les États de se lancer dans une transformation structurelle et d’amener les entreprises privées à passer à des activités industrielles à valeur ajoutée élevée, a noté Mme JAYATI GHOSH, professeure d’économie à l’Université du Massachusetts à Amherst.  Elle a relevé que ce phénomène s’explique largement par l’architecture financière mondiale actuelle ainsi que par l’impact des politiques fiscales et macroéconomiques des pays développés sur les flux de capitaux.  De plus, la revitalisation des politiques industrielles est souvent caractérisée par le protectionnisme face auquel les pays en développement sont sans réponse, a déploré Mme Ghosh.

Autre obstacle à la transformation industrielle mis en évidence par M. STEFANO PRATO, Society for International Development (SID), le rôle hégémonique des chaînes de valeur qui « piègent » les économies en développement en les confinant à une spécialisation, le plus souvent dans la production primaire.  Un phénomène qui a mené certains pays à la désindustrialisation. L’expert a insisté à cet égard sur la nécessité de rendre plus prospère l’économie locale, grâce à des programmes nationaux, régionaux et internationaux privilégiant l’intégration dans les systèmes primaires, secondaires et tertiaires.  Il a ainsi appelé à renouveler le débat sur le commerce et le développement, en affirmant avoir perdu tout espoir que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) aborde cette question avec sérieux. 

Un avis qu’a partagé le Third World Network, pour qui les politiques industrielles et commerciales des pays développés bâillonnent les voix qui s’élèvent depuis des décennies dans les pays en développement, particulièrement en Afrique, pour réclamer une transformation structurelle leur permettant d’échapper aux cases qui leur ont été assignées sans leur consentement dans les chaînes de valeur. 

Seule une approche fondée sur la « production locale pour la consommation locale », à l’aide d’outils industriels sophistiqués, nous permettra de surmonter ces paradigmes dépassés, a approuvé M. SANJAY G. REDDY, professeur agrégé et Directeur du Département d’économie à The New School.  Ce « cercle vertueux », qui a pris de l’ampleur dans le monde postpandémique, s’appuie à son tour sur le rôle catalyseur joué par le financement public et la mise à disposition des technologies transformatrices, de l’énergie à bas coût et de la production locale, a-t-il analysé.  De même, il a estimé que l’apport du secteur privé doit s’appuyer sur la science, qui fait l’objet d’un financement public. 

Les banques de développement régionales, a dit l’Argentine, doivent en outre envisager de financer les transformations dans les secteurs traditionnels afin d’améliorer la performance écologique et l’inclusion, tout en faisant la promotion des chaînes de valeur dans les secteurs faisant partie de l’économie verte. 

Après avoir tenu, en novembre dernier, un sommet sur l’industrialisation et la transformation économique, l’Union africaine a demandé des actions rapides pour que les recommandations issues de la réunion de l’ECOSOC soient mises en œuvre.  Pour y parvenir, les pays africains devraient, selon la délégation, rejointe par la Southern and Eastern Africa Trade Information and Negotiations Institute (SEATINI), avoir accès à un financement international à faible coût afin d’ouvrir la voie à une transformation structurelle et à des chaînes de valeur régionales. 

L’architecture mondiale et ses composantes, qu’il s’agisse de la propriété intellectuelle, des échanges ou du financement, sont devenues un obstacle non seulement pour le développement mais aussi pour faire face aux défis mondiaux, a conclu la professeure de l’Université du Massachusetts, en demandant une réponse globale et urgente. 

Table ronde 7 - Le financement climatique pour l’adaptation et les objectifs de développement durable

Cette session a permis de souligner une évidence: la crise climatique se poursuit sans relâche et les pays vulnérables sont confrontés à un avenir précaire, notamment parce que les fonds escomptés pour l’adaptation sont insignifiants.  Sous la houlette de la Sous-Secrétaire générale et Cheffe du Bureau de New York du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), Mme LIGIA NORONHA, les intervenants à la table ronde ont évoqué les moyens d’augmenter de manière significative le financement de l’adaptation. 

Il y a d’abord eu le constat que la promesse des pays développés de financer l’adaptation est restée lettre morte, notamment la promesse d’y consacrer 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2025, comme l’a relevé d’emblée M. AHMED KAMALY, Vice-Ministre de la planification et du développement économique d’Égypte, qui intervenait par visioconférence. Demander aux gouvernements des pays en développement de financer, seuls, l’adaptation n’est pas viable, a-t-il prévenu en ajoutant que le secteur privé ne peut pas être la panacée au vu des risques liés à un tel investissement.  Le Vice-Ministre a partagé l’expérience de l’Égypte qui entend s’appuyer sur le succès de la COP27 de Charm el-Cheikh pour poursuivre son action dans le domaine climatique.  C’est ainsi que de nombreux investissements verts sont consentis, y compris par l’entremise du fonds souverain d’Égypte.

Certes, il faut investir dans l’adaptation, mais faisons attention au « green washing », a mis en garde la Directrice générale pour les politiques de développement durable de l’Espagne, qui faisait ainsi référence au blanchiment de capitaux par des investissements verts.  Mme EVA DEL HOYO-BARBOLLA a dès lors recommandé que les banques de développement s’investissent dans l’action climatique tout en restant focalisées sur les ODD.  Nous avons besoin d’un niveau de collaboration avancé, en créant les synergies entre les banques de développement, les gouvernements et le secteur privé, a préconisé à son tour la Directrice générale adjointe de l’Agence française de développement, Mme MARIE-HÉLÈNE LOISON, qui intervenait par visioconférence.  Elle a suggéré de repenser l’architecture financière mondiale pour l’adapter aux besoins du développement.  Il faut rediriger les flux financiers d’aide publique au développement (APD) vers les projets d’adaptation, a-t-elle encore proposé. 

Le secteur privé ne fournit pour le moment que 2% des fonds dédiés à l’adaptation, mais il doit avoir son mot à dire, ont estimé les États-Unis.  En d’autres termes, on ne doit pas trop compter sur ce secteur s’il ne fait pas de profit dans la sphère climatique, a concédé Mme CAROLA MEJÍA, de Red Latinoamericana por Justicia Económica y Social (LATINDADD).  Un avis du reste partagé par la Zambie.  « On nous dit qu’il n’y a pas de fonds publics disponibles pour financer l’action climatique, mais l’argent est utilisé à mauvais escient pour subventionner le carburant ou acheter les armes », a ensuite déploré la représentante de LATINDADD.  Elle a donc appelé à réfléchir à des alternatives pour fournir des fonds pour l’adaptation aux pays qui en ont le plus besoin.  Elle a, par exemple, suggéré une allocation spécifique de droits de tirage spéciaux (DTS) au bénéfice de l’action climatique.  Pour elle, il faut tout simplement doubler le financement prévu pour l’adaptation.  L’experte a précisé que le financement climatique n’est pas fondé sur la solidarité entre le Nord et le Sud, mais sur un « devoir de réparation ».  C’est d’ailleurs pourquoi le Népal a estimé que ces fonds devraient être orientés en premier vers les pays les moins avancés (PMA).

Le représentant du Fonds monétaire international (FMI) s’est voulu encourageant en disant que « nous avons les capacités d’atteindre les objectifs en matière climatique ».  C’est dans cette perspective que le Canada a doublé son financement climatique en 2021, a dit son représentant en soulignant que le pays offre aussi des prêts à taux préférentiels à des entreprises d’Amérique qui travaillent dans le secteur écologique.  De son côté, le Belize s’est vanté d’avoir lancé des obligations bleues pour financer l’action climatique.  « Nous faisons ce qu’il faut de notre côté et invitons les pays développés à faire leur part », a lancé la délégation.  Le Bangladesh a pointé du doigt ces pays développés qui débloquent des fonds pour contribuer à l’adaptation climatique des pays en développement, mais souvent sous la forme de prêts.  Pourtant, a dit Cuba, ce financement climatique n’est que justice pour les pays en développement qui ont subi les conséquences néfastes de politiques mis en place pendant des décennies par les pays développés.  Le blocus économique et financier imposé par les États-Unis depuis 60 ans contre Cuba est un exemple de ces politiques qui constituent un obstacle au développement, a déploré la délégation.

Pour l’Union africaine, les fonds dédiés à l’adaptation en Afrique sont insignifiants.  « Pourtant, cet argent n’est pas de l’aumône, mais un moyen de partager et relever ensemble les défis communs. »  Parmi ces défis, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a identifié la nécessité urgente de mettre en place des fonds ciblant les petits producteurs ruraux, afin de renforcer leur résilience face aux changements climatiques.  La représentante du Comité des ONG sur le financement du développement a, pour sa part, déploré le fait que les jeunes, les femmes et les populations autochtones soient mis à l’écart des prises de décisions sur le climat. 

Table ronde 8 - Renforcer la coopération fiscale internationale et lutter contre les flux financiers illicites pour préserver et mobiliser les ressources nationales

La dernière session du jour avait pour objectif de promouvoir la coopération internationale dans les domaines de la lutte contre les flux financiers illicites et du renforcement des bonnes pratiques en matière de recouvrement des avoirs.

La déclaration liminaire a été faite dans un message vidéo préenregistré par M. IBRAHIM MAYAKI, Coprésident du Groupe de haut niveau sur la responsabilité, la transparence et l’intégrité financières internationales pour la réalisation du Programme 2030 (Groupe FACTI).  Il s’est demandé comment, dans un contexte de crises multiples, il est possible de mobiliser davantage de ressources internes et renforcer la coopération fiscale internationale.  Les flux financiers illicites sont un gros problème, qui affecte particulièrement les pays en développement, a-t-il indiqué.  Dans ses travaux, le Groupe évoque des valeurs telles que « la transparence » et « l’échange d’informations ». Ce dernier volet a connu beaucoup d’avancées, a annoncé l’expert.  De plus en plus de juridictions collaborent, mais l’orateur a appelé à faire davantage pour que les pays les moins avancés (PMA) disposent eux aussi de cadres pour juguler les flux financiers illicites.  En termes d’accessibilité à l’information, la numérisation est primordiale, a-t-il relevé.  Enfin, une convention des Nations Unies relatives aux questions fiscales serait la bienvenue pour lutter plus efficacement contre ce fléau, a conclu l’expert.

La modératrice de la discussion, Mme IYABO MASHA, Directrice du Secrétariat du Groupe intergouvernemental des Vingt-Quatre pour les questions monétaires internationales et le développement (G24), a admis que les flux financiers illicites allaient croissants et qu’un nouveau cadre onusien était nécessaire pour instaurer un cadre fiscal digne de ce nom. Aucune administration fiscale ne peut prétendre atteindre ses objectifs sans coopérer avec d’autres juridictions fiscales, a acquiescé M. FRANCIS NKEA NDZIGUE, Ministre de la promotion de la bonne gouvernance et du combat contre la corruption du Gabon, intervenant par visioconférence.  La coopération fiscale du Gabon s’est longtemps faite dans le cadre d’engagements bilatéraux et par l’entremise des travaux du Comité fiscal des Nations Unies et d’activités relatives à l’harmonisation fiscale au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). « L’accélération des échanges économiques a fait apparaître de nouvelles formes de fraude et d’évasion fiscales », a-t-il constaté.  Pour y remédier, il apparaît plus qu’urgent, selon le Ministre gabonais, de renforcer l’échange automatique de renseignements, ou tout au moins de mettre en place des plateformes numériques d’information.  Même si cela a un coût, le jeu en vaut la chandelle, a-t-il argué. Le Gouvernement gabonais a fixé, par un arrêté de juin 2022, les modalités de collecte des données personnelles auprès d’entreprises soumissionnaires des marchés publics, ainsi que les règles régissant la publication desdites données en ligne. 

Le Panama a lui aussi affirmé redoubler d’efforts pour réduire les flux financiers illicites en renforçant sa réglementation nationale.  Dans le cadre de la coopération internationale, les autorités facilitent les échanges d’informations, en vue de renforcer la transparence.  La délégation a assuré mettre en œuvre les meilleures pratiques dans « la prévention du blanchiment d’argent » et de l’évasion fiscale.  Mme BJØRG SANDKJÆR, Ministre déléguée au développement de la Norvège, a abordé les lacunes structurelles permettant ces évasions.  Elle a reconnu qu’un « nouveau cadre onusien était nécessaire » pour instaurer un cadre fiscal international digne de ce nom. La Ministre a insisté sur la coordination à l’échelle nationale entre les ministères.  Toutes les branches de pouvoir public devant collaborer avec les autorités fiscales, y compris les ministères des finances et des affaires étrangères.  Enfin, concernant les données et le travail d’analyse, elle a appelé à davantage d’investissements nationaux. 

Concernant l’échange d’informations, Mme ZAYDA MANATTA, Cheffe du Secrétariat du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a apporté un éclairage technique. Elle s’est réjouie d’« immenses progrès » réalisés par l’OCDE au cours des 10 dernières années, et pas seulement au niveau de la collecte d’informations bancaires.  Elle a parlé d’enquêtes fiscales diligentées pour fournir des informations sur une base collégiale.  Quarante-huit pays y travaillent d’ores et déjà.  De plus, 111 millions de comptes bancaires ont été identifiés dans le monde, ce qui représente en volume 11 milliards d’euros. Une trentaine de millions de ces comptes proviennent de pays en développement, a-t-elle détaillé.  En Afrique, cinq pays, le Kenya, la Tunisie, le Nigéria et l’Ouganda, ont répondu à 92% des demandes.  « Beaucoup d’autres pays comprennent qu’ils sortiront gagnants en collaborant », a-t-elle relevé.  De ce fait, la demande de partage va donc croissant, a-t-elle assuré. L’Espagne, répondant à l’OCDE, a pointé des lacunes en matière de transparence fiscale, car certains pays en développement ne bénéficiant pas de systèmes d’échange automatique. « C’est le cœur du débat » pour l’Espagne pour qui trop d’incertitudes subsistent quant à la mise en place de ces normes et de leur efficacité.

Pour coopérer davantage, Mme KATHERINE BAER, Directrice adjointe du Département des affaires fiscales du FMI, a estimé qu’il faut que les pays comprennent bien les tenants et les aboutissants des règles fiscales internationales.  Le FMI se concentre donc sur les pays à bas revenus afin qu’ils comprennent les complexités et les répercussions des règles sur leur juridiction.  Leurs capacités sont vraiment « lacunaires », a-t-elle observé; leur administration fiscale est « faible » et les registres de contribuables font défaut, tout comme les suivis de paiements et les audits.  L’éducation fiscale est elle aussi insuffisante.  Les technologies de l’information et des communications (TIC) y sont obsolètes et contiennent des informations erronées; il n’y a « pas assez de discipline », a—telle assené.  Il est donc difficile dans ces pays, a poursuivi la représentante du FMI, de parvenir à un échange au niveau national entre le fisc et la douane, « et je ne vous parle même pas au niveau international ».  Enfin, concernant l’accès aux données, les rapports pays par pays sur les multinationales permettent certes de juguler l’évasion fiscale, mais pour l’instant, « seulement cinq pays en développement ont accès à ces rapports », ce qui est bien trop peu, a pointé Mme Baer. 

En réponse à ce sévère diagnostic, Mme CHENAI MUKUMBA, du Réseau Justice fiscale en Afrique, a rétorqué que les pays du Sud étaient toujours pointés du doigt.  Même s’ils parvenaient à régler tous les problèmes, ce serait insuffisant. Pour stopper l’évasion fiscale, « les solutions doivent être internationales », a avancé Mme Mukumba, or cet échelon est bourré de lacunes.  Se contenter d’agir au niveau national comme le préconise Mme Baer reviendrait à « déverser de l’eau dans une passoire ». Mme Baer, du FMI, a répliqué en notant que même des pays aux faibles capacités pouvaient tirer leur épingle du jeu.  Du fait qu’ils partent d’un « niveau moins élevé », leur système de collecte fiscale peut être mis sur pied avec le concours des administrations fiscales et douanières.  « Il ne faut pas croire que c’est un objectif inatteignable », a-t-elle assuré.

Une représentante du Réseau européen sur la dette et le développement a critiqué les règles de l’OCDE qui ne fonctionnent « ni pour les pays en développement ni pour les pays développés », laissant fuiter des centaines de millions de dollars.  Le nouveau taux de fiscalité imposé aux multinationales de 15% est ridiculement bas; la plupart des revenus récupérés vont retomber dans l’escarcelle de paradis fiscaux qui, cyniquement, plébiscitent ce tour de vis. La représentante de l’OCDE a rétorqué que c’était aux législateurs et aux décideurs politiques de « se coordonner davantage », les gouvernements devant jouer un rôle de chef de file.  Sur le plan international, les partenariats sont essentiels et la confiance doit être présente.  Mais sans volonté politique, on ne peut pas renforcer les capacités, et les objectifs ne seront pas atteints, a prévenu Mme Manatta. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: l’Envoyé spécial pour les Grands Lacs appelle à soutenir les initiatives de paix régionales pour éviter « l’escalade vers la guerre »

9307e séance – matin
CS/15262

Conseil de sécurité: l’Envoyé spécial pour les Grands Lacs appelle à soutenir les initiatives de paix régionales pour éviter « l’escalade vers la guerre »

Venu présenter, ce matin, au Conseil de sécurité, le dernier rapport semestriel du Secrétaire général sur la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région, l’Envoyé spécial pour la région des Grands Lacs a appelé à profiter de la « fragile accalmie » observée dans l’est de la RDC pour soutenir plus activement les initiatives de paix régionales et ainsi éviter « l’escalade vers la guerre ». 

Constatant que, ces dernières semaines, « les jours se succèdent sans affrontements majeurs » dans l’est de la RDC, M. Huang Xia a indiqué que le cessez-le feu entre les forces armées du pays et le Mouvement du 23 mars (M23) « semble tenir ».  Parallèlement, le déploiement de la Force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) se poursuit et les échanges « peu diplomatiques » entre la RDC et le Rwanda ont diminué, a-t-il relevé, sans cacher que la situation reste « contrastée ».  En effet, le retrait du M23 des localités occupées reste partiel, tandis que le désarmement et le cantonnement de ses combattants, prévus par la feuille de route de Luanda, se font attendre. 

Faute d’une solution politique négociée, le risque d’une reprise des combats est « réel », a alerté le haut fonctionnaire, selon lequel d’autres groupes armés locaux et étrangers, parmi lesquels les Forces démocratiques alliées (ADF), les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et la Résistance pour un État de droit au Burundi (RED-Tabara), continuent de semer la terreur et d’alimenter l’instabilité, sur fond de tensions persistantes entre Kinshasa et Kigali. Cela a des conséquences sociales et humanitaires « désastreuses », a-t-il ajouté, précisant que 600 000 personnes sont déplacées dans la seule province du Nord-Kivu et que plus de 38 000 Congolais sont devenus réfugiés entre octobre et février.

Dans ce contexte, M. Xia a exhorté le Conseil de sécurité et l’ensemble des partenaires de la région à profiter de la « petite fenêtre d’opportunités ouverte en ce moment » pour favoriser une réelle baisse des tensions et encourager la mise en œuvre intégrale de l’Accord-cadre.  Mais l’urgence est d’abord d’éviter « l’escalade vers la guerre », a-t-il dit, avant d’appeler à soutenir plus fortement les initiatives de paix régionales: le processus de Luanda, qui vise au rétablissement d’une relation apaisée entre la RDC et le Rwanda, et le processus de Nairobi, mené par la CAE, qui combine consultations politiques et efforts militaires. 

Alors que, le 6 mai prochain, doit se tenir la onzième réunion de haut niveau du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre, à Bujumbura, au Burundi, l’Envoyé spécial a souhaité que ce sommet soit l’occasion de renforcer la coordination et l’harmonisation des processus régionaux pour mettre fin à la crise actuelle.  À l’instar notamment du Brésil et de l’Albanie, la France a émis l’espoir que ce sommet donnera une « nouvelle impulsion » aux efforts de paix, en complément des processus de Nairobi et de Luanda.  Selon elle, l’établissement d’un bureau conjoint des mécanismes de vérification devrait permettre de favoriser les synergies entre ces différents instruments.    

De son côté, le Burundi a indiqué que ce sommet aura pour objectif de rendre plus opérationnels les différents mécanismes de sécurisation de la paix mais aussi de mieux comprendre les implications de la « transnationalisation » des violences dans l’est de la RDC.  Il a dit en attendre des tentatives de solutions tenant compte de la porosité des frontières, de la circulation des armes et de la question des richesses naturelles.  Sur ce dernier point, soulevé également par une majorité de délégations, le Président de la Commission de consolidation de la paix, M. Ivan Šimonović, a appelé à assurer la mise en œuvre effective de l’Initiative régionale contre l’exploitation illégale des ressources naturelles.  S’exprimant au nom des trois membres africains du Conseil, le Ghana a lui aussi insisté sur l’urgence d’une réponse au pillage des ressources naturelles par les groupes armés, qui financent ainsi leurs activités criminelles, alors que les pays de la région pourraient tirer parti de ces richesses pour bâtir un « espace de prospérité partagée ».  Une préoccupation partagée par la Fédération de Russie, la Suisse et les Émirats arabes unis, ces derniers appelant à « assécher » cette source de financement illégale. 

Au-delà de l’appel unanime aux groupes armés pour qu’ils déposent les armes et cessent de s’en prendre aux populations civiles, de nombreuses délégations ont affiché leur inquiétude face aux tensions entre la RDC et le Rwanda, l’Albanie évoquant même un risque de « spirale aux conséquences irréversibles ».  Les États-Unis ont, eux, renvoyé les deux pays dos à dos, enjoignant à Kigali de retirer ses troupes et de ne plus soutenir le M23, et appelant la RDC à mettre fin à toute coopération avec des groupes armés, à poursuivre la réforme du secteur de la sécurité, à dénoncer les discours de haine et à tenir comptables de leurs actes les individus responsables d’incitation à la violence. 

La préoccupation majeure de la RDC, a répondu son représentant, est de stabiliser la situation sécuritaire dans l’est du pays en désarmant le M23 et d’autres groupes terroristes étrangers et « locaux d’inspiration étrangère », tels que les ADF, la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) et RED-Tabara.  Il a d’autre part assuré que, contrairement aux « accusations mensongères » selon lesquelles l’armée congolaise soutient le FDLR, ce groupe armé a été « décapité » par les forces de la RDC fin 2022 et ne constitue plus une menace militaire pour le Rwanda.  Kigali, a-t-il accusé, se sert aujourd’hui du « résidu FDLR » comme d’un prétexte pour agresser la RDC et piller « allègrement » ses ressources naturelles. 

Le représentant du Rwanda a réfuté cette explication en affirmant que les FDLR, groupe reconnu comme génocidaire par l’ONU, bénéficient « du soutien et du bouclier politique » que la RDC leur fournit, au mépris du régime de sanctions onusien.  Il a d’autre part reproché au Président de la RDC, M. Félix Tshisekedi, d’entraver les efforts de paix régionaux et continentaux par son refus de négocier avec le M23.  Si des pourparlers n’ont pas lieu une fois que le M23 aura achevé son retrait, les mécanismes de paix pourraient à nouveau tomber dans une impasse, avec pour conséquence une récurrence des atrocités, a-t-il mis en garde. 

LA SITUATION DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS S/2023/237

Déclarations

M. HUANG XIA, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, a fait état d’une « légère amélioration » de la situation régionale.  Sur le plan militaire, une accalmie fragile s’est installée dans l’est de la RDC et les jours se succèdent sans affrontements majeurs, a-t-il indiqué, précisant que le cessez-le-feu entre l’armée de la RDC et le Mouvement du 23 mars (M23) semble tenir.  Parallèlement, le déploiement de la Force régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) se poursuit et les échanges « peu diplomatiques » entre Kigali et Kinshasa ont diminué.  Toutefois, a nuancé M. Xia, le retrait du M23 des localités occupées reste partiel, tandis que le désarmement et le cantonnement de ses combattants, prévus par la feuille de route de Luanda, se font attendre.  De fait, a-t-il dit, une solution politique négociée tarde à se matérialiser et le risque d’une reprise des combats reste réel.  En effet, des groupes armés locaux et étrangers, parmi lesquels les Forces démocratiques alliées (ADF), les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et la Résistance pour un État de droit au Burundi (RED Tabara) continuent de semer la terreur et d’alimenter l’instabilité, ce qui a des conséquences sociales et humanitaires « désastreuses ». Dans ce contexte, 600 000 personnes sont déplacées dans la seule province du Nord-Kivu, plus de 38 000 Congolais sont devenus réfugiés entre octobre et février, et les tensions persistent entre le Rwanda et la RDC, a-t-il noté. 

De l’avis de l’Envoyé spécial, cette situation « contrastée » exige du Conseil de sécurité et de l’ensemble des partenaires de la région qu’ils renouvellent et renforcent les efforts déployés.  Il faut selon lui profiter de la « petite fenêtre d’opportunités ouverte en ce moment » pour favoriser une réelle baisse des tensions.  Il importe aussi d’encourager la mise en œuvre intégrale de tous les engagements pris au titre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité, et la coopération pour la RDC et la région, accord qui reste « plus que jamais pertinent », à condition de lui redonner toute sa vigueur. Dans l’immédiat, cependant, l’urgence est de mettre fin à la crise et d’éviter « l’escalade vers la guerre », a-t-il soutenu, avant d’appeler à soutenir plus fortement les initiatives de paix régionales, à savoir le processus de Luanda, qui vise au rétablissement d’une relation apaisée entre la RDC et le Rwanda, et le processus de Nairobi, mené par la CAE, qui combine consultations politiques et efforts militaires.  Ces deux initiatives « vitales » sont les deux pistes complémentaires vers la résolution de la crise actuelle, a assuré M. Xia. 

Une fois cette étape franchie, les pays de la région devront se pencher sur la mise en œuvre de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, a poursuivi l’Envoyé spécial, pour qui les discussions en cours sur sa revitalisation marquent une étape importante. Si un consensus existe sur le fait que cet accord est important pour la stabilisation de la région, un autre consensus émerge autour de la nécessité de le revitaliser, a-t-il relevé, notant que le Conseil de paix et sécurité de l’Union africaine (UA) l’a souligné le 17 février dernier.  À sa suite, le 29 mars, la Commission de l’UA a réuni les représentants des institutions garantes de l’Accord-cadre et a formulé des recommandations, puis les pays signataires ont eu un premier échange sur le sujet les 12 et 13 avril à Nairobi, a précisé M. Xia, qui a coprésidé cette réunion du Comité d’appui technique pour la mise en œuvre de l’Accord-cadre.  Rappelant que, le 6 mai prochain, aura lieu la onzième réunion de haut niveau du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre, à Bujumbura, au Burundi, il a souhaité que ce sommet soit l’occasion de renforcer la coordination et l’harmonisation des processus régionaux pour mettre fin à la crise actuelle.

L’Envoyé spécial a indiqué que, ces prochains mois, il poursuivra ses missions de bons offices et continuera de souligner l’impératif du dialogue et d’une solution politique. À cette fin, son bureau continuera d’appuyer l’organisation de la prochaine réunion de haut niveau du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre, prévue au Burundi, et poursuivra son soutien à la cellule opérationnelle sur les mesures non-militaires, qui vise à désarmer et rapatrier les combattants des groupes armés étrangers présents dans l’est de la RDC, tout en renforçant les capacités d’accueil et de réintégration dans les pays d’origine.  M. Xia prévoit également d’intensifier ses efforts pour la mise en œuvre de la Stratégie des Nations Unies pour la région des Grands Lacs et ses initiatives phares, en collaboration étroite avec toutes les institutions onusiennes engagées, ainsi qu’avec les partenaires internationaux.  « Plus que jamais, la région des Grands Lacs a besoin du Conseil de sécurité », a-t-il conclu. 

M. IVAN ŠIMONOVIĆ (Croatie), Président de la Commission de consolidation de la paix, a réitéré son appel à tous les groupes armés pour qu’ils déposent immédiatement leurs armes et cessent les hostilités.  Il a également appelé à soutenir fermement les initiatives de paix régionales, notamment le processus de Luanda dirigé par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et le processus de Nairobi conduit par la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE).  Il a jugé essentiel que tous les États concernés mettent en œuvre les engagements de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région, tout en renforçant les mesures de confiance afin de créer un climat propice au dialogue.  Appelant à un soutien international accru pour atténuer la situation humanitaire extrême dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), il a aussi souhaité que l’accent soit mis sur l’inclusion pour faire avancer les objectifs de consolidation de la paix aux niveaux local, national et régional.  Dans cet esprit, il a encouragé la poursuite des efforts destinés à renforcer le rôle des femmes dans les processus et structures politiques et de paix à tous les niveaux.  Il importe également, selon lui, d’inclure les jeunes dans les processus politiques et le développement socioéconomique. 

Le Président de la Commission de consolidation de la paix a d’autre part appuyé les efforts en faveur d’une gestion durable et transparente des ressources naturelles, conformément aux recommandations de l’atelier de Khartoum 2021 visant à assurer la mise en œuvre effective de l’Initiative régionale contre l’exploitation illégale des ressources naturelles.  Il a également exprimé son soutien aux accords existants qui favorisent l’intégration économique et financière régionale et contribuent au développement durable.  Jugeant crucial de s’attaquer aux causes profondes des conflits dans la région en vue de parvenir à une paix, une sécurité et un développement durables fondés sur l’appropriation nationale, il a appelé à redoubler d’efforts pour promouvoir la réconciliation, la responsabilité, la justice transitionnelle et la lutte contre l’impunité dans la région. 

Il a par ailleurs réaffirmé son soutien aux partenariats avec les organisations régionales et sous-régionales, notamment l’Union africaine (UA), la CIRGL, la CAE et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), avant d’appeler au financement adéquat des activités de consolidation de la paix dans la région, notamment en sollicitant la participation du secteur privé et en demandant aux institutions financières internationales et régionales d’accélérer leur soutien aux programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR).  Enfin, il a réitéré l’importance d’une approche stratégique et cohérente de la part des Nations Unies et des parties prenantes dans la région pour pérenniser les acquis de la consolidation de la paix, en particulier dans le contexte de la transition de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO). 

M. ALEXANDRE OLMEDO (France) a déclaré que les instruments de paix régionaux, dont l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, doivent être mis en œuvre et soutenus, rappelant trois principes cardinaux de cet instrument régional: ne pas soutenir les groupes armés; respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale des États voisins; et ne pas héberger ni fournir de protection aux personnes accusées de crimes internationaux.  Le prochain sommet du Mécanisme régional de suivi devra donner une nouvelle impulsion à cet égard, en complément des efforts engagés dans le cadre des processus de Nairobi et de Luanda, a souligné le représentant.  L’établissement d’un bureau conjoint des mécanismes de vérification permettra de favoriser leurs synergies et la cohérence des travaux, s’est-il félicité. 

Le représentant a ensuite appelé à répondre à la dégradation de la situation humanitaire et lutter contre les causes profondes des conflits.  Il a indiqué que la France a soutenu le pont aérien de l’Union européenne à destination de Goma depuis mars dernier et qu’elle apporte, en 2023, une aide humanitaire d’un montant de 34 millions d’euros, notamment à Goma et dans les environs.  Assurant que l’Union européenne restera un partenaire engagé dans la région des Grands Lacs, il a également rappelé qu’en février dernier, l’UE a adopté une stratégie renouvelée pour la région des Grands Lacs assortie de trois objectifs: la paix, la gestion durable des ressources naturelles et l’intégration régionale.  Parmi les autres volets de l’engagement européen, le représentant a mentionné la stratégie Global Gateway, qui vise notamment à renforcer les interconnexions entre les réseaux électriques et les efforts pour accroître l’approvisionnement en énergies renouvelables. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) s’est inquiété de la violence récurrente des groupes armés, de l’aggravation des crises de sécurité humaine et des tensions croissantes entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda. Il a appelé les pays signataires, y compris la RDC, et les garants, à renouveler leur engagement à mettre pleinement en œuvre l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région.  Les initiatives de paix régionales en cours, notamment le processus de Nairobi et le processus de Luanda, ont un rôle essentiel à jouer, a-t-il ajouté, exhortant l’ensemble des groupes armés à s’engager pleinement dans ces processus.  Toute tentative de soutenir des groupes armés incompatibles avec les initiatives régionales ne saurait être tolérée et les mesures militaires et non militaires devraient être bien coordonnées et alignées sur les efforts actuels de la MONUSCO, a-t-il dit. 

Le représentant a estimé que l’aide internationale doit continuer à se concentrer sur la création d’un environnement propice à la réussite des initiatives et de la coopération régionales, insistant en outre sur l’importance des mesures de confiance et du dialogue entre les parties prenantes.  À la lumière de la complexité des défis auxquels la région des Grands Lacs est confrontée, il a prôné une approche globale et transfrontalière fondée sur le lien entre l’humanitaire, le développement et la paix.  Notant que l’un des principaux piliers de la Stratégie des Nations Unies pour la consolidation de la paix et la prévention et le règlement des conflits dans la région des Grands Lacs consiste à prévenir l’exploitation illégale des ressources naturelles, qui reste l’un des moteurs des conflits, il a souligné l’importance du renforcement des contrôles aux frontières et de la coopération judiciaire. Le Fonds pour la consolidation de la paix est, de l’avis du délégué, bien adapté pour soutenir les projets transfrontaliers et devrait jouer un rôle de catalyseur pour promouvoir d’autres initiatives régionales. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a tout d’abord exprimé sa solidarité avec le peuple du Soudan et s’est joint à la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) pour appeler à la fin immédiate des hostilités.  Il a également salué les efforts de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, de l’Union africaine et des Nations Unies pour résoudre cette crise au plus vite.  Il s’est ensuite déclaré inquiet de la détérioration de la situation sécuritaire dans l’est de la RDC et dans la région du fait de l’accroissement des activités des groupes armés, lesquelles créent notamment des tensions entre la RDC et le Rwanda.  Appelant les États signataires de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération à renouveler leur engagement en faveur de la stabilité régionale, le représentant a estimé que la coordination entre les processus de Luanda et de Nairobi, en particulier l’adoption d’un calendrier pour la mise en œuvre des actions prioritaires relatives aux groupes armés, est essentielle pour améliorer les relations entre la RDC et le Rwanda.  Il s’est réjoui à cet égard de la coopération de l’Angola dans la protection des membres du mécanisme ad hoc de vérification dans la région du Nord-Kivu. 

Le représentant a jugé que l’aggravation de la situation humanitaire pointe sur la nécessité de traiter des causes profondes des conflits.  Il a appuyé l’appel du Président de la Commission de consolidation de la paix à la création de sociétés plus inclusives par la voie du dialogue et souligné l’importance de la participation des femmes aux processus de paix et aux structures politiques nationales et locales.  Les organisations régionales, a-t-il conclu, représentent la « pierre angulaire » de la diplomatie préventive, en tant que garantes des processus de paix dans la région des Grands Lacs.  Elles disposent en effet des outils pour conduire une désescalade des conflits armés, notamment le déploiement rapide de forces sur le terrain. 

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a estimé que la stratégie régionale des Nations Unies pour les Grands Lacs est une initiative importante en vue de ramener la paix dans la région, exprimant également son soutien aux processus de Nairobi et de Luanda.  Malgré ces efforts, la situation dans la région des Grands Lacs continue de se détériorer et les tensions entre la République démocratique du Congo et le Rwanda demeurent, a-t-il observé, appelant toutes les parties à respecter leurs engagements, y compris le retrait total du M23 du sol congolais, suivi du désarmement de ses éléments.  Kigali doit également retirer ses troupes et cesser de soutenir le M23, a-t-il ajouté, rappelant que cette organisation est sous sanctions des Nations Unies.  En outre, le délégué a appelé le Gouvernement de la RDC à mettre immédiatement fin à toute coopération avec des groupes armés, à poursuivre la réforme du secteur de la sécurité, à continuer de dénoncer les discours de haine et à tenir comptables de leurs actes les individus responsables d’incitation à la violence.  Malheureusement, les Forces démocratiques alliées (ADF) ont profité de la situation et continuent de représenter une menace, a-t-il averti, soulignant que la communauté internationale ne doit pas perdre de vue ce défi sécuritaire pressant. 

Le représentant a également souligné la nécessité de se concentrer sur la grave crise humanitaire, notant que le conflit a provoqué le déplacement de plus d’un demi-million de personnes rien qu’en 2023.  Rappelant que son pays est le plus grand bailleur de fonds pour l’aide dans l’est de la République démocratique du Congo, le délégué américain a déclaré qu’il n’était pas possible d’attendre 10 ans de plus pour que la paix s’installe dans les Grands Lacs, car les habitants de la région la méritent maintenant.

M. ZHANG JUN (Chine) a appelé la communauté internationale à soutenir les pays de la région pour redynamiser le processus important initié par l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région de 2013.  Il a exhorté les pays signataires de cet accord-cadre à respecter les engagements qu’ils ont pris il y a 10 ans, notamment celui ne pas soutenir les groupes armés et de respecter la souveraineté nationale.  Il les a aussi exhortés à résoudre leurs différends par le dialogue.  Saluant le travail de l’Envoyé spécial, le représentant a insisté sur le rôle des organisations régionales et demandé à la communauté internationale de respecter l’approche « solutions africaines aux problèmes africains ». La nouvelle stratégie des Nations Unies pour la région des Grands Lacs est un cadre important pour renforcer la coopération régionale, a-t-il relevé, en annonçant que la Chine est prête à fournir une assistance dans le cadre du Fonds pour le développement Nations Unies-Chine.

Le représentant a également mis en avant l’importance du développement pour lier les intérêts des pays de la région et solidifier les fondements de leur sécurité commune.  Il a salué la mise en place de comités de coopération bilatérale, la signature d’accords commerciaux bilatéraux et les projets d’infrastructure régionaux.  Le Bureau des Nations Unies pour les Grands Lacs devrait contribuer à ces efforts, a-t-il souhaité, avant d’appeler au renforcement de la lutte contre le commerce illicite des ressources naturelles et d’encourager la communauté internationale à soutenir les efforts en ce sens. 

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) s’est dit profondément préoccupé par l’intensification de la violence et la détérioration de la situation humanitaire dans la région des Grands Lacs, en particulier dans l’est de la RDC, condamnant la poursuite des violences par tous les groupes armés, y compris le M23. Or, le redéploiement des ressources pour lutter contre ce groupe armé a également compromis la protection des civils ailleurs, victimes d’exécutions et d’attaques par les Forces démocratiques alliées (ADF) et la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO).  Après avoir appuyé les efforts diplomatiques déployés au niveau régional, y compris les processus de Nairobi et de Luanda, le représentant a instamment demandé à toutes les parties de respecter les engagements pris dans le cadre de ces processus, notamment le retrait du M23, la fin de tout soutien aux groupes armés et l’arrêt des discours de haine incendiaires.  Il s’est félicité que le M23 ait remis certaines localités à la force régionale de la CAE, tout en soulignant que tout retrait doit être complet et conforme au processus convenu dans le cadre de la feuille de route de Luanda.  Nous espérons que le prochain déploiement de troupes angolaises contribuera à renforcer ce retrait, a-t-il ajouté. 

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a rappelé qu’il y a 10 ans, les pays de la région signaient l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région.  Aujourd’hui, les faits sur le terrain contrastent avec l’espoir d’une paix durable qui prévalait au moment de la signature, a-t-il observé, indiquant que le Président de la Confédération suisse l’a constaté par lui-même lors de sa visite en RDC la semaine passée.  Rappelant le soutien de la Suisse aux processus de Nairobi et de Luanda, le représentant a estimé qu’une sortie de crise suppose davantage de coopération à l’échelle régionale.  À cet égard, il s’est alarmé de la dégradation des relations entre la RDC et le Rwanda, avant de saluer le leadership des États de la région qui encouragent la recherche d’une solution pacifique dans l’est de la RDC. 

Dans ce contexte, le représentant a jugé impératif que les attaques contre les populations et les infrastructures civiles cessent immédiatement.  Après avoir appelé toutes les parties à respecter leurs obligations en vertu du droit international, il a mis l’accent sur le statut des réfugiés et des déplacés internes qui, selon lui, nécessite des solutions concertées au niveau régional.  Il a aussi réaffirmé le soutien de la Suisse à l’intégrité territoriale et à la souveraineté de la RDC, condamnant toute aide aux groupes armés locaux ou étrangers. Le délégué a par ailleurs appelé à traiter les causes profondes qui nourrissent les conflits dans la région, ce qui passe par le renforcement de l’état de droit, le déploiement de l’État et le respect des droits fondamentaux.  Il importe en outre d’instaurer une gestion viable des ressources naturelles et de s’attaquer aux flux financiers illicites, a-t-il plaidé.  Enfin, après avoir rappelé que les impacts négatifs des changements climatiques, illustrés par les récentes inondations en RDC et au Burundi, contribuent à l’instabilité régionale, le délégué a plaidé pour davantage de dialogue et de mesures de confiance entre les États de la région, la société civile et les partenaires internationaux. 

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a souligné l’unité du Conseil face aux acteurs impliqués dans la crise de l’est de la RDC et estimé que les processus de Nairobi et de Luanda sont essentiels pour parvenir à une paix et une sécurité durables.  Alignée sur celle des Nations Unies, a-t-elle expliqué, la stratégie renouvelée que l’Union européenne vient d’adopter a en son cœur la promotion de la démocratie, de la bonne gouvernance, de l’état de droit, des droits humains et du droit international humanitaire.  Pour Malte, les priorités sont l’organisation d’élections libres et équitables, la mise en place d’une justice transitionnelle et la lutte contre l’impunité et la corruption.  Briser le cycle de la violence dans la région, a poursuivi la représentante, c’est placer les femmes, les jeunes, les groupes marginalisés, la société civile et le secteur privé au centre des préoccupations.  Elle a encouragé la RDC et le Rwanda à reprendre le dialogue et les groupes armés à déposer leurs armes, à désamorcer la crise et à s’engager dans le processus de désarmement.  Quant aux causes profondes du conflit, elle a mis en exergue l’impératif d’une bonne gestion des ressources naturelles qui doit faire partie des efforts collectifs. Elle a conclu sur la situation humanitaire dans l’est de la RDC et constaté qu’une nouvelle fois, ce sont les femmes, les enfants, les réfugiés et les déplacés qui sont touchés de manière disproportionnée. 

M. SUOOD RASHED ALI ALWALI ALMAZROUEI (Émirats arabes unis) a estimé que face à la situation actuelle, il faut déployer plus d’efforts pour restaurer les relations de bon voisinage, surmonter les différends et approfondir la coopération régionale.  Il s’est félicité des initiatives régionales en cours, notamment les processus de Luanda et de Nairobi.  À cet égard, il a dit espérer que la déclaration adoptée par le mini-sommet conjoint de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) contribuera à la convergence des efforts régionaux et aidera à garantir leur complémentarité.  Il s’est également félicité de la reconnaissance par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine de la nécessite de revitaliser l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région, ajoutant que la volonté politique sera déterminante.

Pour le délégué, la quête d’une paix pérenne impose de répondre aux défis sécuritaires, et notamment au problème des groupes armés dans l’est de la RDC.  Comme ces groupes criminels financent leurs activités par l’exploitation illégale des ressources naturelles, il est urgent d’assécher ces sources de financement, a-t-il dit, rappelant que la dixième Conférence de Dubaï sur les métaux précieux, organisée au mois de novembre dernier, a mis l’accent sur les moyens de résoudre ce problème, notamment par le renforcement de la coopération régionale.  Constatant enfin que la crise humanitaire dans la région est exacerbée par les violences des groupes armés, il a estimé que pour éviter de nouveaux déplacements de population, il est impératif que tous ceux qui ont pris les armes se conforment au droit international humanitaire, notamment en matière de protection des civils.  S’agissant enfin de la situation sanitaire, marquée par des flambées épidémiques, le représentant a salué les actions menées par l’Ouganda pour lutter contre la propagation du virus Ebola.  

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) s’est dit préoccupé par la menace que les groupes armés font peser sur la région des Grands Lacs, avant de souhaiter que la prochaine réunion du mécanisme de surveillance de l’Accord-cadre, prévue au mois de mai à Bujumbura, apporte des éclaircissements sur la voie à suivre pour régler la grave crise sécuritaire et humanitaire dans la région.  Dans un contexte aussi difficile, nous n’insisterons jamais assez sur l’importance pour les parties d’adopter des mesures de confiance et de remettre le processus de paix sur la bonne voie, a dit le représentant qui a jugé impératif d’accélérer la mise en œuvre du programme de désarmement et de démobilisation.  Il est tout aussi impératif, a-t-il poursuivi, de renforcer le pilier « réintégration » et de veiller à ce que les anciens combattants, les femmes et les jeunes aient des opportunités économiques qui leur permettent d’améliorer leurs revenus.  Il a également souligné l’importance de l’appropriation nationale pour parvenir à une paix et une prospérité durables dans la région et a fait écho à l’avis de la Commission de consolidation de la paix en faveur d’un soutien à l’intégration économique et financière des pays de la région.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana, Mozambique) s’est dit profondément préoccupé par la détérioration de la situation sécuritaire dans la région, y compris les graves exactions quotidiennes subies par les populations civiles, aux mains de groupes armés et terroristes en RDC comme les M23, les Forces Démocratiques Alliées (ADF), la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO), les Maï-Maï, le groupe Zaïre et d’autres, qui entraînent des déplacements massifs de population en RDC mais aussi dans les pays voisins. Il a demandé le retrait de tous les groupes armés étrangers de la RDC, la cessation immédiate de tout soutien extérieur aux groupes armés, l’adhésion au processus de Nairobi par les groupes armés locaux et leur participation au processus de DDR et de stabilisation.  Il a également appelé à la mise en œuvre intégrale des résultats du mini-sommet de Luanda du 23 novembre 2022.  La prochaine conférence de Nairobi IV doit être l’occasion pour tous les groupes armés locaux de se réengager à faire taire les armes en RDC et adhérer au processus politique en cours, a souligné le représentant. 

Le représentant a vu dans les processus de Luanda et de Nairobi le témoignage de l’engagement continu de l’Afrique pour la stabilisation des Grands Lacs.  Pour que les processus de médiation régionale soient efficaces, il est impératif que les massacres contre les civils cessent, et que le dialogue et la confiance soient rétablis entre tous les acteurs concernés de la région, a-t-il fait valoir.  Saluant la décision de l’Union africaine de soutenir le déploiement de la force de la CAE grâce à une allocation de ressources provenant de la réserve de crise du Fonds pour la paix, le représentant a invité les partenaires internationaux à fournir une expertise financière, logistique, matérielle et technique à la Force et à la mission régionale en cours. 

S’agissant de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région, le délégué a jugé essentiel de procéder à sa revitalisation urgente, avec une réelle volonté politique de tous les pays signataires de respecter leurs engagements.  La mobilisation de la communauté internationale est indispensable et doit être concertée et coordonnée en appui aux initiatives régionales de Nairobi et de Luanda, qui sont, pour les A3, les seules voies crédibles de sortie de crise. Rappelant qu’il ne peut y avoir de développement sans paix, il a également insisté sur l’urgence d’aborder la situation sécuritaire dans la région des Grands Lacs en se penchant sur la question du pillage des ressources naturelles, notant que le développement des richesses en ressources naturelles offre aux pays de la région des Grands Lacs l’opportunité de construire un espace de prospérité partagée.  À cet égard, les efforts visant à intégrer les économies de la région en renforçant la coopération économique et le commerce doivent se poursuivre, a estimé le délégué.  Il a par ailleurs relevé que la région des Grands Lacs compte environ 9,4 millions de personnes déplacées, dont 6,2 millions en RDC, ce qui fait que des millions d’enfants non scolarisés dont l’avenir est compromis.  Il a donc exhorté la communauté internationale à poursuivre sa mobilisation pour le financement des plans de réponse humanitaire des pays de la région.

M. ARIAN SPASSE (Albanie) a constaté que, 10 ans après la signature de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région, la situation sécuritaire continue de se dégrader, malgré le calme relatif de ces derniers jours, ce qui érode les progrès en matière de coopération régionale et d’intégration économique.  Avertissant que les tensions accrues entre la RDC et le Rwanda peuvent déclencher « une spirale aux conséquences irréversibles », il a exhorté les deux parties à s’abstenir de propos incendiaires et à parvenir à un règlement raisonnable dans le cadre des mécanismes régionaux existants.  Par ailleurs, alors que des groupes armés ont repris les armes et formé de nouvelles alliances, il importe que la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC soient respectées et que tout soutien au M23 cesse, a poursuivi le représentant.  Après avoir appelé le M23 à opérer un retrait complet de tous les territoires qu’il contrôle, il a demandé instamment à tous les groupes congolais de participer au processus de désarmement et aux groupes armés étrangers de quitter le pays.  Face au nombre alarmant de réfugiés et de personnes déplacées du fait de ces violences, il a exhorté les États de la région à ne ménager aucun effort pour adopter une approche globale et durable pour permettre leur retour et améliorer leurs conditions de vie. 

Jugeant que les processus de Luanda et de Nairobi sont complémentaires et cruciaux pour désamorcer politiquement les tensions régionales et amener les groupes armés à la table des négociations, le délégué a appelé les États de la région à soutenir ces dispositifs et à renouveler leur engagement à mettre pleinement en œuvre l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération. Il a également souhaité que le onzième sommet du mécanisme régional de surveillance, reporté en mai, soit l’occasion d’avancer sur ces dossiers.  Il a enfin estimé que la région ne pourra trouver la paix sans s’attaquer aux sources sous-jacentes du conflit, à commencer par l’exploitation illicite des ressources naturelles qui permet aux groupes armés de financer leurs « horreurs ».  Il a donc encouragé les pays de la région, de transit et de destination, à renforcer leur coopération pour lutter contre le commerce illicite en améliorant la transparence et le suivi de toute la chaîne d’approvisionnement. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est dit préoccupé par la situation actuelle dans la région des Grands Lacs, en raison des affrontements entre les Forces armées congolaises et le M23 au Nord-Kivu, et des tensions entre Kinshasa et Kigali.  Il a noté que la concentration dans cette région de l’armée congolaise, de la Force de la MONUSCO et des Forces régionales de la CEA est exploitée ailleurs par d’autres groupes armés illégaux, qui multiplient les activités illégales, attaquent les civils, exploitent les ressources naturelles en toute impunité et renforcent leurs positions.  Partisane d’un règlement diplomatique du conflit, y compris dans le cadre des processus de Luanda et Nairobi, la Fédération de Russie, a indiqué le représentant, est convaincue que la tâche prioritaire est de parvenir à une cessation des hostilités et à un dialogue global et inclusif. 

Il a espéré que les accords conclus lors du vingtième Sommet extraordinaire de la CEA à Bujumbura et à la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, contribueront au retrait du M23 des zones occupées.  Il a souhaité que le contingent angolais joue un rôle constructif, à cet égard, en appuyant le mécanisme ad hoc de vérification. Après avoir dénoncé les attaques perpétrées contre les Casques bleus, le délégué s’est dit convaincu que le plan de retrait de la MONUSCO devra être exécuté en fonction de la situation réelle sur le terrain et sans délais artificiels.  Nous attendons, a-t-il dit, les propositions du Secrétaire général sur la reconfiguration de la Mission, à la lumière des consultations en cours avec Kinshasa.  Évidemment, il est impossible de parvenir à une normalisation durable dans l’est de la RDC par des moyens exclusivement militaires, a reconnu le délégué, avant de réaffirmer la disponibilité de son pays à contribuer à la stabilisation de la région des Grands Lacs et à encourager le dialogue et la coopération entre les États concernés. 

M. CLAVER GATETE (Rwanda) a rappelé que l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région avait reconnu qu’une approche holistique qui s’attaque aux causes profondes à multiples facettes est le seul moyen de mettre fin à l’instabilité.  Si le Rwanda espérait que cet accord-cadre mènerait à la paix, la sécurité, la stabilité et au développement, 10 ans après la situation ne s’est pas améliorée, a-t-il déploré, rappelant qu’une évaluation de l’Accord-cadre est attendue depuis longtemps pour déterminer son efficacité et les défis découlant de son manque de mise en œuvre.  Il a vu dans le retrait du M23 de certaines régions de la RDC la démonstration de la productivité des efforts régionaux.  Il a reproché au Président Tshisekedi de la RDC d’avoir déclaré le 13 avril, lors d’une conférence de presse conjointe tenue avec le Président de la Suisse, à Kinshasa, qu’il ne négocierait pas et qu’il n’y aurait pas de dialogue politique avec le M23.  La position de la RDC est inquiétante car elle entrave clairement tous les efforts régionaux et continentaux visant à parvenir à la paix dans l’est de la RDC, a regretté le représentant.  Si les négociations ne sont pas sur la table, une fois que le M23 aura achevé son retrait, les mécanismes de paix pourraient à nouveau tomber dans une impasse avec pour conséquence une récurrence des atrocités, a-t-il mis en garde. 

Le représentant a ensuite affirmé que le groupe terroriste sanctionné par l’ONU qui a perpétré le génocide contre les Tutsis au Rwanda est toujours en fuite en RDC.  Les FDLR bénéficient du soutien et du bouclier politique que le Gouvernement de la RDC leur fournit tout en violant activement les sanctions de l’ONU, a-t-il dénoncé.  Il a estimé que l’attitude du Président Tshisekedi envers les FDLR est problématique, rappelant que lors de la conférence de presse précitée, ce dernier aurait affirmé que ce groupe ne représente plus une menace pour le Rwanda. Pourtant, a-t-il noté, la Conseillère spéciale du Secrétaire général pour la prévention du génocide a publié à deux reprises des déclarations indiquant clairement que les FDLR sont très actives et propagent l’idéologie du génocide. 

Considérant que la situation en RDC est à la fois complexe et facile à régler, le délégué a estimé que les déclarations des dirigeants de la RDC concernant la situation et les FDLR vont à l’encontre des efforts régionaux et des processus de paix tels qu’envisagés dans l’Accord-cadre.  Le Gouvernement de la RDC ne fait pas le moindre effort pour mettre en œuvre les accords signés, a-t-il fustigé.  Appelant néanmoins à reconnaître les progrès réalisés dans certains domaines, le délégué a salué le déploiement en cours des contingents de la Force régionale de la CAE en RDC et le retrait en cours du M23, soulignant ensuite que toutes les parties impliquées mettent en œuvre les accords régionaux à l’exception de la RDC.  Il a exhorté l’ensemble des parties au conflit à respecter strictement les accords de cessez-le-feu, et à mettre en œuvre les feuilles de route des accords régionaux dans l’espoir de négociations pacifiques, et, à terme, d’un règlement pacifique.  

M. ZÉPHYRIN MANIRATANGA (Burundi) a réaffirmé la pertinence de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région, au moment où l’est de la RDC continue de faire face à une crise sécuritaire et humanitaire qui affecte la stabilité régionale.  Face à cette situation, a-t-il dit, la communauté internationale se doit d’appuyer les efforts inlassables de la CAE et de la CIRGL, qui se matérialisent par une force régionale et des sommets au niveau de la région.  Selon le représentant, la situation d’insécurité dans l’est de la RDC a en effet entraîné la pérennisation des conflits en Afrique des Grands Lacs, avec pour corollaire la multiplication des groupes rebelles locaux et étrangers, dont le but est essentiellement le contrôle et l’exploitation des ressources minières.  Mettant en garde contre des risques d’ « embrasement régional », il a souhaité que le Conseil de sécurité soit attentif à cette « permanence de l’insécurité » qui tend à régionaliser le conflit. 

À moins de trois semaines du onzième sommet des chefs d’État et de gouvernement du mécanisme régional de mise en œuvre de l’Accord-cadre, qui se tiendra le 6 mai prochain, il importe, a estimé le représentant, d’utiliser tous les moyens dont la communauté internationale dispose pour arrêter la guerre, neutraliser les forces terroristes, entamer un dialogue et lancer un mécanisme de DDR préconisé par le processus de Nairobi.  La contribution financière et logistique des Nations Unies et de l’Union africaine aux coûts des forces régionales de la CAE s’avère capitale, a-t-il ajouté.  Il a attiré l’attention sur la « diplomatie tous azimuts » que son pays déploie, en cherchant à rallier tous les partenaires régionaux et multilatéraux à sa vision de construction d’une architecture de paix régionale. 

Le représentant a indiqué que le sommet du 6 mai à Bujumbura aura pour objectif de rendre plus opérationnels les différents mécanismes instaurés pour la sécurisation de la paix dans la région.  Il s’agira également de mieux comprendre les différentes implications de la « transnationalisation » des violences dans l’est de la RDC et dans la région, avant de soumettre des tentatives de solutions tenant compte de la porosité des frontières, de la circulation des armes et de la question des richesses naturelles qui semblent être les principaux facteurs de l’instabilité dans les Grands Lacs.  Ce sommet sera enfin l’occasion de revisiter le mécanisme que l’Accord-cadre instaure en matière de prévention et de gestion des conflits pour une paix et un développement durables, a indiqué le délégué, non sans rappeler que son pays entretient d’excellentes relations avec tous ses voisins. 

M. GEORGES NZONGOLA-NTALAJA (République démocratique du Congo) a déclaré que le Rwanda, « qui opère avec le M23 », est un des pays signataires de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba.  La préoccupation majeure de la RDC, a-t-il indiqué, est dans l’immédiat de stabiliser la situation sécuritaire dans l’est du pays en désarmant le M23 et d’autres groupes terroristes étrangers et locaux « d’inspiration étrangère », comme les ADF-MTN, CODECO et Résistance pour un État de droit au Burundi (RED-Tabara).  Le représentant a insisté sur l’importance du pré-cantonnement des éléments du M23 dans un camp dans le territoire congolais de Kiwandja, loin du Rwanda, lequel est « indispensable » pour un véritable désarmement de ces terroristes et la cessation des massacres de masse, comme ceux de Kishishe survenus entre le 22 novembre et le 1er décembre 2022.  Le représentant a demandé aux membres du Conseil de se joindre à la RDC pour sanctionner les auteurs de ces atrocités. 

Il a ensuite tenu à clarifier un point mentionné dans le rapport du Secrétaire général au sujet des FDLR.  Contrairement aux « accusations mensongères » selon lesquelles l’armée congolaise collabore et soutient ce groupe armé, il a cité cinq opérations d’envergure unilatérales et conjointes que les Forces armées congolaises (FARDC) et les Forces de défense rwandaises (RDF) ont menées contre les FDLR entre janvier 2009 et février 2022.  Le « résidu FDLR » dont le leadership a été « décapité » par l’armée congolaise, au cours de ces opérations, ne constitue plus une menace militaire pour le Rwanda, a affirmé le délégué, pour qui il est plutôt une source d’insécurité socioéconomique en RDC, et ce, « au profit du Rwanda ». Ce dernier, a-t-il dit, est le plus grand bénéficiaire du « résidu FDLR » car c’est un prétexte qui lui permet d’agresser la RDC et de piller « allègrement » ses ressources naturelles.

Nous entendons souvent des Rwandais fidèles au « régime dictatorial de Paul Kagame » dire que les Congolais menacent leur pays par leur collaboration avec les FDLR et la haine ethnique contre les locuteurs du kinyarwanda. Or jusqu’à présent, a fait observer le représentant, nous n’avons pas vu d’exemples crédibles de violences xénophobes comparables à celles perpétrées dans d’autres pays.  Une autre accusation formulée par les Rwandais, a-t-il relevé, est que les Congolais ne feraient que se plaindre, alors qu’ils sont responsables de leurs problèmes et manifestement incapables d’analyser les causes profondes de leurs faiblesses.  Or, les racines de la crise congolaise sont le fait du Rwanda et non du Congo, a rétorqué le représentant. 

Lors de sa récente conférence de presse à Cotonou, le Président du Rwanda a dévoilé ses visées expansionnistes, en soutenant que certaines régions de la RDC et de l’Ouganda appartenaient au Rwanda avant la colonisation, a également relevé le représentant.  Ce n’est pas la première fois, a-t-il accusé, que les dirigeants rwandais propagent ces mensonges alors que les historiens ont prouvé qu’aucun roi du Rwanda précolonial n’avait réussi à conquérir ne serait-ce qu’un petit morceau du Congo actuel. « Mais Kagame, qui vient d’une famille royale, aimerait accomplir ce que ces ancêtres ont échoué à faire », a taclé le délégué.  Il s’est ému des récentes déclarations « dangereuses », appelant à redéfinir la démarcation des frontières dans la région des Grands Lacs.  Ces propos, que le Conseil de sécurité doit condamner et rejeter, révèlent des velléités expansionnistes qui exacerbent les tensions dans la région.  Pour rappel, a précisé le représentant, l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation est un principe clef qui a été consacré par l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) dès le 21 juillet 1964 au Caire.  La RDC défendra chaque pouce de son territoire, a prévenu le délégué, en conclusion.

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Au deuxième jour du forum sur le financement du développement, des appels à la « transparence » et au partage d’informations pour mieux gérer l’endettement

Session de 2023,
3e et 4e séances plénières – matin & après-midi
ECOSOC/7119

Au deuxième jour du forum sur le financement du développement, des appels à la « transparence » et au partage d’informations pour mieux gérer l’endettement

Au deuxième des quatre jours du forum du Conseil économique et social (ECOSOC) sur le suivi du financement du développement, la question de la réforme de l’architecture financière mondiale a été posée de manière à la fois plus fine et plus franche.  Le format de l’événement a permis de faire dialoguer les institutions financières internationales, les pays créanciers et les pays endettés.  À l’issue de la Réunion spéciale de haut niveau avec les institutions de Bretton Woods, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) qui a entamé la journée, la Présidente de l’ECOSOC, Mme Lachareva Stoeva, avait d’ailleurs expliqué que tout le sel de ce genre d’événement consistait précisément à amener les parties prenantes à discuter, à « reconnaître leurs différences de points de vue », tout en les amenant à des « solutions convergentes ». 

Dans sa déclaration d’ouverture, elle a rappelé les propos du Secrétaire général en début de forum, selon lesquels plus de 40% des personnes en situation d’extrême pauvreté vivent dans des pays affligés par de graves problèmes d’endettement.  Elle a aussi souligné le déficit sans précédent de financement des ODD, à la suite des multiples crises frappant les pays en développement depuis 2020.  L’un des vice-présidents de l’ECOSOC, M. Albert Ranganai Chimbindi, a dénoncé « la myopie des perspectives ». Il a réclamé un financement adéquat, prévisible et durable à destination des pays en développement, sans quoi les ODD ne seront pas atteints, et le fossé entre pays s’élargira.

Que faire concrètement, alors, pour réduire le fardeau de la dette?  M. Bahtijors Hasans, Président du Conseil du commerce et du développement de la CNUCED, a prôné l’intégration des besoins climatiques en matière de financement, dans la même ligne que le doyen du Conseil des administrateurs du Groupe de la Banque mondiale, M. Koen Davidse, qui a appelé à investir davantage dans la lutte contre les changements climatiques et la numérisation, sans quoi le monde risque de « perdre une décennie de croissance ».  Durant les deux tables rondes du jour, consacrées respectivement aux moyens de combler les lacunes de l’architecture de la dette souveraine, et à l’investissement privé pour les pays en développement, Sri Lanka et les Seychelles ont réclamé de leurs vœux des solutions adaptées au contexte de chaque pays. 

Un des nombreux représentants du Fonds monétaire international (FMI) présents aujourd’hui, M. Carlos Cuerpo Caballero, Président des députés du Comité monétaire et financier international du FMI, a confirmé la nécessité d’adopter des politiques ciblées, adaptées aux circonstances de chaque pays, notamment pour parvenir à la réduction de l’inflation, à la stabilité financière et au renforcement de la protection sociale.  Le soutien ciblé apporté aux pays pour le financement de leur développement a été illustré par la Secrétaire exécutive du Comité du développement de la Banque mondiale-FMI, Mme Miyang Tembon: depuis les réunions de printemps du Groupe de la Banque mondiale, cette dernière a pu mobiliser un montant record pour le soutien au développement, en plus de fonds débloqués en faveur des pays en développement dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques.

Il a aussi été beaucoup question de rendre la dette « transparente » pour progresser.  Une transparence réclamée par exemple par le Président de l’Indonésie, M. Joko Widodo, et par M. Robert Powell, Représentant du FMI auprès des Nations Unies qui, pour l’atteindre, a jugé essentiel le partage, par le FMI et la Banque mondiale, de l’information sur la gestion de la dette.  Un partage d’informations jugé pertinent par l’Inde lorsqu’il s’agit de garantir les efforts de restructuration.  Dans cette optique, la France a rappelé s’être déjà engagée à partager les données sur les dettes de ses débiteurs.  Dernier appel à la « transparence » –des économies, cette fois-, celui du Président du Rwanda, M. Paul Kagame, qui, s’exprimant par un message vidéo, a souligné la nécessité d’aller au-delà des clichés s’agissant des profils à risque des pays en développement.

Des critiques ont été adressées contre des pratiques ou des instruments vus comme des obstacles à la réforme de l’architecture financière internationale réclamée par tous.  Ainsi, pour Cuba, le FMI doit « cesser ses partis pris en matière de prêts » et accorder davantage de droits de tirage spéciaux (DTS) plutôt qu’exercer une politique d’austérité servant « les intérêts des créanciers ».  Plus nuancés, les pays les moins avancés (PMA) ont salué l’octroi de DTS supplémentaires pour lutter contre les effets de la COVID-19, mais ont invité le FMI à identifier des mesures pouvant avoir un impact positif à plus long terme.  Ils ont aussi estimé que les prêts concessionnels devaient être une priorité. 

Une critique a par ailleurs été formulée par une membre de la société civile, au sujet du Cadre commun pour le traitement de la dette du G20, qui selon elle déçoit car il n’améliore pas le sort des pays emprunteurs.  Elle a regretté à cet égard que les discussions aient lieu au sein du G20, c’est-à-dire entre pays créanciers, sans prendre en compte le point de vue des débiteurs.  Le Président du comité de liaison du FMI, M. Facinet Sylla, a répondu aux critiques, arguant qu’il était « facile de pointer du doigt celui réclamant son dû » et lançant en retour des appels à la bonne gouvernance à l’échelon des pays.  M. Sylla a invité les délégations à ne pas transformer la dette en « arme géopolitique », un appel repris au mot près par le Président de l’Indonésie.

Parmi d’autres voies à suivre, Mme Ayanda Dlodlo, Directrice exécutive du Groupe de la Banque mondiale, a préconisé un accès élargi des pays aux marchés financiers et de faire que l’aide publique au développement (APD) cesse de diminuer.  Le financement du secteur privé, qui suscitait beaucoup d’espoir, ne s’est pas révélé optimal, selon elle.  Elle a aussi critiqué le rôle joué par le système de notation des agences de crédit. 

Le forum du Conseil économique et social (ECOSOC) sur le suivi du financement du développement reprendra ses travaux demain, mercredi 19 avril, à 10 heures.
 

RÉUNION SPÉCIALE DE HAUT NIVEAU AVEC LES INSTITUTIONS DE BRETTON WOODS, L’ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE ET LA CNUCED

Déclarations d’ouverture

Mme LACHEZARA STOEVA, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a déclaré que cette réunion, mandatée par le Programme d’action d’Addis-Abeba, qui se tient dans le cadre du forum de l’ECOSOC sur le suivi du financement du développement, constitue « un lien essentiel entre nos institutions et nos groupes d’intérêt ».  Compte tenu de l’urgence à relever les défis du financement du développement durable, il est impératif que toutes les institutions multilatérales travaillent de concert et en cohérence, a-t-elle appuyé.  Elle a annoncé les deux sujets abordés lors de cette réunion spéciale: la dette extérieure, d’une part, et l’aide apportée aux pays en développement pour faire face à l’aggravation des crises et financer les objectifs de développement durable (ODD), d’autre part.  Tous deux nécessitent des actions et des solutions urgentes, étant donné le risque que les vulnérabilités de la dette font peser sur la stabilité économique et les perspectives de développement durable, a-t-elle prévenu.  Mme Stoeva a rappelé les propos du Secrétaire général dans son discours d’ouverture du forum hier, selon lesquels plus de 40% des personnes en situation d’extrême pauvreté vivent dans des pays affligés par de graves problèmes d’endettement. Dans le même temps, le déficit de financement des ODD s’est creusé à une échelle sans précédent, à la suite des multiples crises se chevauchant et frappant les pays en développement depuis 2020.  La Présidente a encouragé les délégations à utiliser cette réunion spéciale comme une plateforme pour « avancer des solutions concrètes à ces immenses défis ».

Des solutions qui s’inscrivent dans le prolongement d’une importante série de consultations, a-t-elle précisé en rappelant qu’en février se sont tenus des dialogues fructueux à Washington entre le Bureau de l’ECOSOC, des représentants permanents impliqués dans la cofacilitation de processus de développement clefs, les directeurs exécutifs du groupe de la Banque mondiale et le Comité de liaison du Fonds monétaire international (FMI). Depuis lors, les discussions se sont poursuivies avec les principales parties prenantes, a poursuivi la Présidente en se réjouissant qu’elles aient permis de dégager d’importants domaines d’alignement et de complémentarité. 

En cette année cruciale pour le développement durable, elle a appelé à faire davantage ensemble à tous les niveaux -local, national, régional et mondial- pour renforcer conjointement la mise en œuvre du Programme 2030.  La budgétisation des ODD, la réponse aux crises et le partage de données ne sont que quelques-uns des domaines identifiés pour le renforcement de la collaboration dont chaque organisation peut tirer parti afin que nos efforts aient un impact maximal, a appuyé Mme Stoeva.  Elle a misé sur les engagements qui seront pris lors du forum politique de haut niveau pour le développement durable qui se tiendra sous les auspices de l’ECOSOC en juillet, ainsi que lors du Sommet sur les ODD et du Dialogue de haut niveau sur le financement du développement, qui se tiendront en septembre.  À plus long terme, d’autres mécanismes, tels qu’un sommet biennal proposé par le Secrétaire général entre l’ECOSOC, le G20, le Secrétaire général et les dirigeants des institutions financières internationales peuvent aider à mettre en place une collaboration multilatérale encore plus homogène, a espéré la Présidente en conclusion.

M. CARLOS CUERPO CABALLERO, Secrétaire général au Trésor d’Espagne et Président des députés du Comité monétaire et financier international du Fonds monétaire international (FMI), a estimé que l’économie mondiale et les marchés financiers ont fait preuve de résilience malgré des progrès mitigés et une situation mondiale caractérisée par des crises telles que la guerre en Ukraine et l’inflation.  Les pressions que subissent les marchés font toutefois augmenter les risques en matière de stabilité.  Pendant ce temps, certains pays font face à des niveaux d’endettement très élevés, ce qui sape les efforts des populations vulnérables, creuse les inégalités et les risques de chocs, a encore constaté le Secrétaire général au Trésor qui a recommandé de préserver la stabilité macroéconomique tout en appuyant les pays vulnérables et en renforçant la résilience, éléments clefs pour traiter de ces questions d’un point de vue politique.  Nous avons besoin pour ce faire de politiques ciblées, adaptées aux circonstances de chaque pays, notamment pour parvenir à la réduction de l’inflation, à la stabilité financière et au renforcement de la protection sociale.  Nous devons en outre assurer la cohérence entre les politiques fiscales et monétaires et faciliter le commerce, une liste très longue de mesures à prendre, a-t-il convenu. 

M. Caballero a prôné la restructuration de la dette extérieure de façon coordonnée et prévisible, avec la coopération de partenaires tels que la Banque mondiale.  Il s’est dit impatient à cet égard de tenir une réunion conjointe avec la Banque afin d’échanger des informations sur cette question, notamment les détails d’une analyse de la vulnérabilité face à la dette.  Il a salué la tenue de la table ronde sur la question de la dette souveraine, qui permet selon lui de réunir les principales parties prenantes, les marchés émergents, le secteur privé et les pays créanciers. 

Le Secrétaire général entend par ailleurs diriger ses efforts en vue d’alléger la crise alimentaire en se concentrant sur les restrictions en matière d’accès à l’alimentation et aux engrais.  « Nous devons donc renforcer la production et la chaîne de valeur agricole dans les économies vulnérables, tout en fournissant un appui politique concret et des activités de renforcement des capacités. »  Une croissance soutenue et la mise en œuvre des différents programmes de réduction de la pauvreté existants constituent pour le FMI des moyens essentiels pour appuyer des pays en difficulté, a-t-il noté. M. Caballero s’est félicité à cet effet de l’approbation du premier projet pilote en matière de résilience et de durabilité.  Pour un avenir vert et inclusif, il a appelé à une coopération internationale solide, au multilatéralisme et à l’ouverture, plutôt qu’à la guerre et à l’isolationnisme. 

Mme MIYANG TEMBON, Secrétaire exécutive du Comité du développement de la Banque mondiale-FMI a pris la parole au nom du Président dudit Comité.  Elle a indiqué qu’au cours de la réunion de la semaine dernière, les membres de celui-ci ont salué les progrès faits depuis la dernière séance.  Entre les deux sessions en effet, la Banque mondiale a pu mobiliser un montant record pour le soutien au développement, en plus de fonds débloqués en faveur des pays en développement dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques.  Mme Tembon a informé que la plupart des membres du Comité ont condamné l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie, laquelle a eu des effets délétères sur l’économie mondiale.  Elle a aussi indiqué que ces membres ont insisté sur l’action de la Banque pour l’évaluation des dégâts en Ukraine et qu’ils ont encouragé des mesures ciblant la reconstruction du pays, ainsi qu’un soutien approprié aux pays affectés par les conflits en général.  Le Comité a insisté sur le concept de la durabilité et sur la finalisation de la nouvelle vision de la Banque mondiale, a-t-elle ajouté, avant de signaler que le Comité, au cours de sa réunion de la semaine dernière, a abordé la mobilisation des ressources nationales pour la cause du développement.  Le Comité a aussi discuté de la manière dont la Banque mondiale pourrait renforcer son partenariat avec le FMI, ainsi qu’avec d’autres banques multilatérales de développement, a fait valoir la Secrétaire exécutive.  Elle a conclu en relatant l’insistance des membres du Comité sur l’importance d’aborder la question du fardeau de la dette; des membres qui ont par ailleurs réitéré leur appel en faveur de la coopération internationale et du multilatéralisme.

M. BAHTIJORS HASANS, Président du Conseil du commerce et du développement de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a estimé qu’il faut absolument mettre en œuvre l’accès à un filet de sécurité en matière de dette.  Ceci est crucial, la plupart des pays en développement sans aide internationale connaissant de graves problèmes de liquidité qui les mènent au bord du gouffre par le surendettement, a-t-il expliqué.  Il a aussi prôné l’évaluation de la durabilité de la dette et l’intégration des besoins climatiques en matière de financement.  Les pays en développement ont besoin de transparence dans les financements, a-t-il ajouté. 

Mais le financement n’est pas le seul élément de l’équation, selon l’expert, car il s’agit aussi d’assurer autour du système commercial mondial une prévisibilité et une collaboration élargie.  Ce système est au cœur de la croissance, il en est le moteur et il peut aussi être le moteur de la transformation climatique, a fait valoir M. Hasans en recommandant à la communauté internationale de commencer à identifier comment le commerce peut être un moteur pour appliquer l’Accord de Paris.  Il a toutefois fait remarquer que la dépendance au fossile doit être prise en compte et qu’il faut concentrer les efforts sur le numérique.  Les géants du numérique se battent dans le domaine de l’intelligence artificielle mais les besoins en connectivité et en infrastructures numériques doivent être dans tous les esprits car ils sont la condition pour que les pays en développement ne soient pas irrémédiablement distancés, a appuyé l’expert.

M. KOEN DAVIDSE, doyen du Conseil des administrateurs du Groupe de la Banque mondiale, a reconnu que la mise en œuvre des ODD se heurte à de nombreux défis.  Il y aura bientôt 600 millions de pauvres supplémentaires si nous ne changeons pas de trajectoire, a-t-il prévenu, en mettant en garde contre la perte de capital humain, notamment les jeunes.  « Si nous n’investissons pas davantage dans la lutte contre les changements climatiques et la numérisation, nous risquons de perdre une décennie de croissance. »  L’engagement des pays est au cœur de nos priorités afin de lutter contre la pauvreté, a dit M. Davidse, au moyen notamment de l’atténuation et de l’adaptation au climat.  Pour y parvenir, il a recommandé de développer de meilleurs outils d’analyse et une approche plus intégrée entre les secteurs public et privé, tout en nous concentrant sur les résultats.

À cet égard, M. Davidse a estimé que la réunion de Marrakech arrivera à point nommé pour faire en sorte que la Banque continue de servir les pays à revenu faible et intermédiaire.  Les défis sont trop grands pour que les acteurs du développement agissent seuls, a-t-il ajouté en appelant le système des Nations Unies, le secteur public, le secteur privé, le FMI, les banques multilatérales de développement, l’Union africaine et l’Union européenne à travailler de concert pour faciliter l’entrée des pays en développement dans le système économique mondial ainsi que la réalisation des ODD. 

Du côté des instruments à disposition, M. FACINET SYLLA, Président du comité de liaison du FMI, a vanté plusieurs outils, dont les fonds fiduciaires pour la résilience.  Ces fonds étant victimes de leur succès, il a réclamé un appui pour atteindre ses objectifs de levée de fonds, en attendant les prochaines échéances

Discussion interactive 

Lançant le premier sujet de la Réunion spéciale sur la dette extérieure, la modératrice Mme SARAH CLIFFE, Directrice exécutive du Centre de coopération internationale de l’Université de New York (NYU), a demandé aux panélistes de réfléchir aux différents moyens permettant de renforcer le cadre de l’architecture financière mondiale.  M. JUN MIZUGUCHI, Directeur exécutif du FMI, remarquant que la dette dans les pays à revenu intermédiaire pouvait créer de l’instabilité politique et sociale, a jugé important d’augmenter la transparence et la visibilité.  Le FMI a lancé un outil destiné à renforcer la compréhension entre les parties et éviter « un goulot d’étranglement », a-t-il fait valoir.  Son voisin M. PARAMESWARAN IYER, Directeur exécutif du Groupe de la Banque mondiale, a lui aussi appelé à améliorer la transparence et à rendre le système plus efficace afin de renforcer les capacités de restructuration de la dette.  « Nous fournissons des financements à des conditions favorables aux pays en difficulté, restructurons les portefeuilles et permettons de réduire ce fardeau. »  Le Groupe a financé près de 22 milliards de dollars aux pays relevant de ce système, a précisé son directeur avant de réitérer l’engagement du Groupe de la Banque mondiale à réduire la pauvreté et à garantir la résilience. 

La « vulnérabilité » qu’implique la dette a été soulignée par M. MAURIZIO MASSARI, Vice-Président de l’ECOSOC, qui a cité, parmi les causes, les changements climatiques, la pandémie et l’invasion de la Russie en Ukraine.  Les pays font face à des taux d’intérêt élevés et à une « super inflation », a-t-il relevé.  Il a rappelé que, sous la présidence de l’Italie, le G20 s’est mis d’accord pour temporairement suspendre la dette des pays en ayant besoin.  À l’heure actuelle, il travaille à des mesures financières internationales plus structurées, s’est félicité le Vice-Président, qui a appelé à un système financier international « davantage adapté aux réalités d’aujourd’hui », plus souple, ainsi qu’à une meilleure coopération entre créanciers privés et publics. Il a aussi insisté sur le rôle important que jouent les institutions financières internationales, « dotées de ressources immenses », pour mettre fin aux crises alimentaires.

Première délégation à s’exprimer après les experts, Cuba a appelé à la mise en œuvre de mesures d’urgence et à opérer des changements structurels au sein des organisations.  Le FMI doit « cesser ses partis pris en matière de prêts », a poursuivi Cuba, citant en exemple les droits de tirage spéciaux (DTS), qu’elle a réclamés, au lieu de mener une politique d’austérité et de « servir les intérêts des créanciers ».  Une membre de la société civile a rappelé que la Zambie a négocié deux ans sans obtenir la restructuration de sa dette et donc sans aucun résultat, tout comme le Suriname, qui avait négocié hors du Cadre commun pour le traitement de la dette.  Les bénéfices du Cadre commun se font attendre, s’est-elle impatientée.  Renforcer le Cadre commun ne résoudra pas la crise de la dette, car les discussions se font au sein du G20, c’est-à-dire par les créanciers, sans prendre en compte les débiteurs, a encore regretté le Suriname avant de faire remarquer que le G20 n’est ni inclusif, ni clair, ni doté de mandat ou d’ordre du jour, une observation accueillie par des applaudissements du fond de la salle du Conseil de tutelle. 

Le Tchad a tout simplement pensé que les États devraient revoir leur modèle de développement durable.  Le Tchad, qui n’a reçu aucun dollar de réduction de sa dette, a pourtant lancé un plan d’industrialisation en investissant massivement dans le secteur manufacturier, avec des objectifs ambitieux.  Convaincu que seule la collaboration internationale pourra résoudre le problème de la dette, le Tchad a appelé à élargir les sources de financement pour aider les pays qui le réclament.  Le Président du comité de liaison du FMI a repris plus tard la parole pour répondre aux critiques.  Soyons clair, le Cadre commun ne règlera pas le problème de la dette, a-t-il concédé, mais « il est cependant toujours facile de pointer du doigt celui qui réclame son dû ».  Il faut absolument renforcer la bonne gouvernance au sein des pays, a-t-il ajouté. Il a noté qu’il aura fallu plus d’une décennie pour rendre effectif le Cadre commun, les autorités tchadiennes ayant bénéficié de ce mécanisme.  Il a lancé un appel à toutes les délégations à ne pas transformer la dette en « arme géopolitique ».

L’Inde, pour soutenir les pays plongés dans la crise de la dette, a préconisé un dialogue basé sur le « partage d’informations », condition nécessaire selon elle pour garantir les efforts de restructuration.  Elle a aussi appelé à garantir un transfert des technologies, à aider les pays à long terme, et à créer de l’emploi.  Pour l’Inde, les partenariats doivent être consultatifs et préserver l’intégrité des pays. Le Maroc a rappelé que 60% des pays en développement avaient vu leur note de crédit diminuer depuis la crise de la COVID-19.  Il a appelé les institutions à élargir l’appui et l’éligibilité à des programmes spéciaux à tous les pays, y compris les pays à revenu intermédiaire, et à subvenir à leurs besoins en matière de liquidités.

Passant au second sujet de la réunion, l’aide apportée aux pays en développement pour faire face à l’aggravation des crises et financer les ODD, Mme Cliffe, de NYU, a demandé à trois nouveaux panélistes si le système multilatéral international était « toujours crédible ».  Pour Mme AYANDA DLODLO, Directrice exécutive du Groupe de la Banque mondiale, la voie à suivre est de renforcer l’accès des pays aux marchés financiers, de renforcer la bonne gouvernance et de faire que l’aide publique au développement (APD) cesse de baisser.  Le financement du secteur privé, qui suscitait beaucoup d’espoir, ne s’est pas révélé optimal, selon lui.  L’architecture financière internationale doit être révisée, a-t-elle conclu, critiquant le rôle du système de notation des agences de crédit. 

M. ROBERT NICHOLL, Directeur exécutif du FMI, a quant à lui conseillé d’aligner les financements sur des objectifs mondiaux à long terme.  Les États doivent mieux gérer leur dette, a-t-il ajouté, leur recommandant aussi d’élaborer des politiques monétaires tournées vers le relèvement.  C’est ce à quoi le FMI contribue en jouant un rôle de conseil avec des guichets dédiés, a-t-il fait observer.  De plus, pour M. Nicholl, l’assistance financière sera efficace seulement si les pays ont la capacité de collecter des données et de les partager. Enfin, M. ALBERT RANGANAI CHIMBINDI, Vice-Président de l’ECOSOC, a dénoncé « la myopie des perspectives » et réclamé un financement adéquat prévisible et durable à destination des pays, sans quoi les ODD ne seront pas atteints, et les écarts grandiront.

En clôture de la Réunion spéciale, la Présidente de l’ECOSOC a constaté que l’architecture financière internationale demeure défavorable aux pays en développement malgré l’expansion récente du filet de sécurité mondial, que le Cadre commun n’a pas répondu aux attentes suscitées et que la fourniture de liquidités reste un défi majeur pour de nombreux pays en développement en période de crise, alors que le Secrétaire général a appelé à une relance des ODD comprenant une réforme en profondeur du système financier international, visant à mobiliser 500 milliards de dollars par an au minimum.  Il s’agit également d’accroître les fonds d’urgence pour les pays dans le besoin, en réorientant les DTS inutilisés ou en en émettant de nouveaux, et d’élargir le mandat des banques multilatérales de développement (BMD) afin d’augmenter massivement les financements abordables à long terme. 

Enfin, face aux désaccords entendus, la Présidente a souligné que c’était précisément le rôle de ce forum que d’amener les parties prenantes à des solutions convergentes tout en reconnaissant les différences de points de vue. 

Table ronde 4 - Favoriser la soutenabilité de la dette en comblant les lacunes de l’architecture de la dette souveraine

La session avait pour objectif d’explorer les réformes de l’architecture de la dette souveraine pour parler des moyens de combler les lacunes connues de longue date, comme l’a expliqué Mme SARAH CLIFFE, Directrice exécutive du Centre de coopération internationale de l’Université de New York (NYU).  Elle a entendu tout d’abord un message vidéo du Président de l’Indonésie, M. JOKO WIDODO, qui a lancé un appel: « La dette ne doit pas devenir un outil géopolitique »  Selon lui, il faut trouver des solutions durables en garantissant la coopération entre les créanciers publics et privés et les débiteurs.  Le Président indonésien a insisté sur la transparence de la dette, avant de préciser que le niveau d’endettement de tout pays ne devrait pas dépasser ses capacités de remboursement.  Il faut une architecture de la dette qui soit à la fois inclusive et équitable, a-t-il conclu.

Il faudrait en effet combler les lacunes de longue date de cette architecture, a souscrit le Ministre d’État en charge des finances de Sri Lanka, M. SHEHAN SEMASINGHE, qui a informé que son pays a demandé une restructuration de sa dette en fin d’année 2022.  Le pays a invité les créanciers de Sri Lanka à accompagner ce processus, y compris les créanciers issus de banques commerciales. Selon le Ministre, les solutions doivent tenir compte du contexte de chaque pays.  C’est aussi la position de son homologue le Ministre des finances des Seychelles, M. NAADIR HASSAN, dont le pays, comme la plupart des petits États insulaires en développement (PEID), n’a pas les capacités financières de faire face aux effets des changements climatiques.  De nombreux pays dans la même situation ne peuvent accéder ni aux financements ni aux marchés de capitaux, ce qui les oblige à se tourner vers des créances à fort taux d’intérêt que proposent les banques commerciales.  Ces dettes à haut risque viennent encore renforcer l’insolvabilité de ces pays, a-t-il expliqué.  Il a aussi fait remarquer que la crise climatique exacerbe la vulnérabilité de ces pays, appelant à des solutions à court terme comme à long terme.  Sur le court terme, ces pays pourraient par exemple accéder à des prêts concessionnels, a-t-il suggéré avant de recommander aussi de renforcer les capacités des PEID à mieux gérer leurs dettes.  Une assistance technique pour appuyer les pays en développement dans la gestion de leur dette serait déjà un bon début, a renchéri le Paraguay

Donnant le témoignage du Tchad, M. ABDELKERIM AHMADAYE BAKHIT, Président du Conseil économique, social, culturel et environnemental du Tchad, a expliqué que la baisse du prix du baril du pétrole sur les marchés internationaux a fait exploser la dette publique du pays: elle est estimée à 2,6 milliards de dollars, soit environ 70% de son produit intérieur brut (PIB).  Pour réduire la dette, le pays a engagé des négociations pour sa restructuration, notamment en visant la baisse des taux d’intérêt et en espaçant les payements, a relaté le haut fonctionnaire.  Il faut davantage de prêts concessionnels pour les pays en développement, a—t-il plaidé. Il serait aussi souhaitable d’améliorer la transparence dans le secteur de la dette, a argumenté le Directeur du développement durable au Ministère de l’Europe et des affaires étrangères de la France.  M. CHRISTOPHE GUILHOU a expliqué que la France s’est déjà engagée dans le partage des données sur les dettes de ses débiteurs.  Il a souligné que le Club de Paris est engagé dans la restructuration des dettes souveraines, comme c’est le cas avec le Tchad.  Mais il faut des processus transparents et limités dans le temps, a-t-il insisté.

M. ROBERT POWELL, représentant du FMI auprès des Nations Unies, a expliqué qu’en plus de la restructuration, la lutte contre l’endettement passe aussi par la mobilisation des ressources nationales.  En matière de transparence, il a aussi jugé urgent le partage, par le FMI et la Banque mondiale, de l’information sur la gestion de la dette.  Il faut aussi améliorer le cadre de résolution de la dette, a-t-il convenu, suggérant une amélioration du processus de restructuration initié au sein du G20. « Le Cadre commun du G20 ne marche pas, d’ailleurs, il y a quelque chose qui ne marche pas dans ce système », s’est emporté un représentant de la société civile, membre d’AFRODAD. « Les pays en développement ont suivi mot pour mot les conseils de la Banque mondiale et du FMI, mais aujourd’hui le cycle de la dette se poursuit. »  Le représentant a donc appelé à une réforme de l’architecture de la dette, ajoutant que la société civile insiste pour un cadre multilatéral inclusif de gestion de la dette. 

Le Népal, s’exprimant au nom des pays les moins avancés (PMA), a déclaré que les prêts concessionnels doivent être la priorité. La délégation a salué l’octroi de DTS supplémentaires pour lutter contre les effets de la COVID-19, mais elle a invité le FMI à identifier également des mesures ayant un impact sur le long terme. L’ONG South Center a décrié l’exclusion de certains pays en développement des marchés financiers du fait de leur insolvabilité.  Une mise à l’écart qui, cyniquement, vient encore aggraver leur situation.  Pour cette ONG, il faut réformer les agences de notation qui déterminent le sort de ces pays, et plus globalement, modifier l’architecture internationale de la dette. 

Table ronde 5 - L’investissement privé pour les pays en développement

Dans un message vidéo préenregistré, le Président du Rwanda, M. PAUL KAGAME a ouvert la table ronde en prônant des actions concertées de la part des gouvernements et des institutions multilatérales, afin de réaliser les objectifs de développement durable.  Pour y parvenir, nous devons voir émerger un consensus « fort » permettant d’intensifier la participation du secteur privé à la construction d’infrastructures durables, a-t-il relevé.  Le Président a appelé à une gestion macroéconomique « robuste et réactive » de la part des gouvernements et des banques centrales, avec l’appui des institutions financières internationales, et avec comme objectif d’accompagner les pays en développement.  Des économies ouvertes et transparentes sont également nécessaires, a-t-il ajouté, en invitant à aller « au-delà des préjugés infondés s’agissant des profils de risque des pays en développement », notamment en Afrique. Selon le Président, l’afflux de capital, la mise en place de mécanismes permettant de réduire les risques, ainsi que la privatisation des entreprises publiques sont autant d’instruments nécessaires pour favoriser les investissements au service des ODD.

En écho à ces propos, le modérateur de la table ronde, M. WERNER HOYER, Président de la Banque européenne d’investissement, a rappelé que les petites et moyennes entreprises (PME) représentent plus de 90% des entreprises privées et 50% d’emplois dans le monde.  En collaboration avec la Commission européenne, la Banque s’affaire à mettre au point des obligations vertes afin de lever du capital à long terme en faveur de l’aménagement d’infrastructures dans les pays en développement. 

Le Ministre des finances d’Eswatini, M. NEAL HERMAN RIJKENBERG, a fait état des progrès enregistrés par son pays en termes de croissance du secteur privé.  Le Gouvernement a réduit le déficit budgétaire et mis au point une feuille de route stratégique axée sur le développement d’investissements.  Au nombre des mesures identifiées par le Gouvernement pour accompagner la croissance du secteur privé, le Ministre a évoqué la mise en place d’un système de garantie des prêts à l’intention des PME, des initiatives de réduction de la dette et la mise en point d’une stratégie verte.  « Les institutions de Bretton Woods n’ont pas assez de ressources pour nous sauver tous », a-t-il lancé, en appelant les pays en développement et les institutions multilatérales à élaborer un plan en matière de gouvernance. 

Les investissements étrangers directs (IED) continuent d’être une source importante de financement extérieur, a renchéri M. PEDRO MANUEL MORENO, Secrétaire général adjoint de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED).  Les IED vers les pays en développement ont ainsi atteint 850 millions de dollars en 2021, une augmentation de 30% par rapport à 2020.  Toutefois, pour tirer parti de ces investissements, les pays en développement doivent, selon lui, disposer de filières d’investissement axées sur les ODD et d’une stratégie de gouvernance adaptée.  Face à ce constat, la CNUCED mène des programmes visant le renforcement des capacités des agences de promotion des investissements dans les PMA, une initiative qui est également le thème du Forum mondial de l’investissement qui se tiendra en octobre. 

Pour réaliser ces objectifs « existentiels », nous aurons besoin non seulement de capital privé, mais aussi de leadership politique, a diagnostiqué M. NILS BOLMSTRAND, Directeur général de Nordea Asset Management.  Nombre de marchés émergents demeurent cependant confrontés à des crises interreliées, a relevé Mme KAREN FANG, Directrice générale et responsable mondiale de la finance durable de Bank of America.  Le secteur privé souhaite participer de manière constructive à relever ces défis pour mobiliser des investissements en faveur de la transition vers des économies neutres en carbone, a-t-elle assuré, une volonté qui se traduit par une rupture avec les énergies fossiles et un accent mis sur des progrès technologiques rapides. 

Or, a fait remarquer Mme FLORA SONKIN de Society for International Development, le recours à des fonds publics pour mobiliser les investissements privés ne saurait répondre aux défis « systémiques et structurels » auxquels se heurtent les PMA, tels que le poids de la dette, les changements climatiques et l’évitement fiscal par les multinationales.  Tout cela constituant à ses yeux autant de conséquences de l’architecture financière actuelle.  La contribution des acteurs privés reste pour le moment « un simple espoir », fondé, a-t-elle argué, sur des engagements « volontaires et irréalistes » qui ne sont pas en phase avec les priorités du développement.  Elle a plutôt soutenu la mobilisation des ressources publiques adaptées aux réalités nationales et la création d’une instance spécialisée des Nations Unies sur les questions fiscales. 

Nous devons en effet garder à l’esprit que le financement privé implique des réseaux d’influence sur les systèmes de gouvernance. De même, l’accroissement de la coopération multinationale a pendant longtemps tenu en otage les pays en développement, a fait valoir le Tax Justice Network Africa

Malheureusement, ont constaté les États-Unis, l’APD sera insuffisante pour atteindre les ODD.  Elle doit donc s’accompagner de la participation du secteur privé.  Il s’agit, pour la délégation, de repenser une aide publique au développement assortie de garanties à long terme concernant la gouvernance et le respect de l’état de droit et des droits humains.  L’Indonésie a proposé pour sa part une combinaison de mesures réglementaires permettant de faciliter le flux d’investissements à long terme, en développant la transparence et des mécanismes d’analyse des risques à l’aide de données de qualité. 

Il faut toutefois convenir, a rappelé le Belize, que les pays en développement continuent de faire face à un déficit de financement et que les efforts concertés n’ont pas atteint les résultats escomptés.  Malgré la coopération internationale, la perception des risques pour les investissements privés dans les petits pays vulnérables représente un obstacle de taille.  La délégation a appelé à combattre cet obstacle de manière systématique, au moyen de méthodes de financement mixtes permettant de partager les risques. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: des élections en 2023, seule voie de sortie de l’impasse politique pour la Libye, selon le Représentant spécial

9306e séance – matin
CS/15261

Conseil de sécurité: des élections en 2023, seule voie de sortie de l’impasse politique pour la Libye, selon le Représentant spécial

« Une nouvelle dynamique est à l’œuvre en Libye », a déclaré ce matin le Représentant spécial pour la Libye venu présenter au Conseil de sécurité le dernier rapport du Secrétaire général sur la situation dans ce pays, qui souligne que les élections sont « la seule option » pour surmonter l’impasse politique en Libye.  Dans cette optique, M. Abdoulaye Bathily a expliqué qu’il avait multiplié les consultations en vue de concrétiser des scrutins présidentiel et législatifs avant la fin de l’année, sur la base d’un cadre constitutionnel solide. 

Au cours des deux derniers mois, M. Bathily s’est ainsi entretenu avec des personnalités politiques de premier plan, dont des membres de la Chambre des députés, du Haut Conseil d’État et du Conseil présidentiel. Mais l’initiative qu’il a lancée en vue de faciliter la tenue de ces élections s’est élargie aux chefs tribaux et aux représentants de la société civile, dont des femmes et des jeunes, la mobilisation active de toutes les parties prenantes étant selon lui essentielle à cet horizon électoral. 

Ces consultations ont cependant révélé un « sentiment d’exaspération » parmi les Libyens à l’égard de l’impasse politique persistante et un « scepticisme croissant » quant à la possibilité de parvenir à un consensus sur une voie viable menant à des élections, note le Secrétaire général dans son rapport, tous les interlocuteurs du Représentant spécial ayant exprimé le souhait d’un dialogue plus inclusif qui aille au-delà du processus institutionnel lancé par la Chambre des députés et le Haut Conseil d’État. 

Comme les progrès politiques ne peuvent aller de pair qu’avec l’amélioration de la situation sécuritaire, M. Bathily a indiqué avoir œuvré au rapprochement de la Commission militaire conjointe 5+5 avec les acteurs militaires libyens, y compris les groupes armés de l’est, de l’ouest et du sud de la Libye, lors de réunions organisées à Tunis, Tripoli, Benghazi et Sebha en mars et avril.  À ces occasions, s’est-il félicité, les participants se sont engagés à soutenir toutes les étapes des élections, à rejeter la violence, à garantir le retour des personnes déplacées, à remettre en liberté les détenus et à aborder la question des personnes disparues dans le contexte de réconciliation nationale. 

Ces engagements, qui revêtent une « grande valeur symbolique » ont d’ores et déjà été suivis de la libération de six détenus dans l’ouest de la Libye, sans compter que, le 13 avril, les deux chefs d’état-major se sont rencontrés à Benghazi, affichant leur engagement à poursuivre l’unification des forces armées et à soutenir le processus électoral.  M. Bathily a en outre fait savoir qu’il avait offert l’expertise technique et le soutien logistique de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) au Comité « 6+6 » de la Chambre des représentants et du Haut Conseil d’État pour appuyer les préparatifs des lois électorales qui doivent être achevées à temps pour permettre à la Haute Commission électorale nationale de commencer à mettre en œuvre le processus électoral début juillet. 

Devant ces progrès, le Royaume-Uni a estimé que les engagements initiaux devraient servir de base à des compromis politiques plus substantiels pour créer les conditions nécessaires à des élections réussies.  À l’instar de la Suisse, la délégation britannique s’est cependant alarmée de la répression de la société civile et de la restriction de l’espace civique, pourtant indispensable pour permettre à tous les Libyens de jouer un rôle dans le développement d’une société ouverte, inclusive et démocratique. 

Plusieurs membres du Conseil, dont les A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), la Fédération de Russie ou encore les Émirats arabes unis, ont également souligné l’importance du départ de tous les combattants étrangers et mercenaires présents sur le sol libyen.  Le Brésil a d’ailleurs vu dans la redynamisation, par la Commission militaire conjointe 5+5, des comités de liaison avec les pays voisins une étape importante vers ce retrait coordonné. 

Lors de ses entrevues en date du 29 mars et du 4 avril au Soudan, au Tchad et au Niger, le Représentant spécial a toutefois été informé par ses interlocuteurs sur place des obstacles qui se posent au retour de ces combattants étrangers, qu’il s’agisse de la porosité des frontières, des dynamiques à l’œuvre dans les pays d’origine et des diverses motivations de la présence de ces éléments armés sur le sol libyen. 

Les États-Unis ont de leur côté insisté sur le retrait des forces du groupe Wagner, « qui ne cherche qu’à promouvoir ses propres intérêts et ceux de la Russie en Afrique ».  Tout en saluant la création d’un groupe de haut niveau en charge des élections, la délégation russe a de son côté souhaité que la régulation politique en Libye ne devienne pas une « arène de concurrence internationale ».  C’est une nécessité pour permettre au peuple libyen de sortir de la crise provoquée par l’agression de l’OTAN en 2011 et mettre un terme à toutes les ingérences extérieures, a-t-elle plaidé, jugeant contre-productives les initiatives unilatérales visant à créer des « formats parallèles » sans la participation de la Libye ni des autres parties concernées. 

Alors que le régime de sanctions applicables en Libye est émaillé de violations de l’embargo sur les armes, selon le Brésil et les États-Unis, la Chine a estimé qu’il était temps pour cet organe de réfléchir à leur pertinence.  En effet, ont argué les Émirats arabes unis, demandons-nous si ces mesures n’entravent pas les efforts déployés par la Libye pour répondre aux menaces sécuritaires, en particulier dans le sud du pays.  Les délégations avaient entendu au préalable le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye faire le point sur les travaux de cet organe. 

Le représentant libyen a insisté sur la « responsabilité morale » du Conseil de sécurité, relayant la confusion de son peuple devant les appels lancés par cet organe pour que soient respectées ses résolutions, alors qu’il insiste simultanément sur une solution prise en charge et dirigée par les Libyens eux-mêmes.  Dans la perspective des élections, nous nous demandons également ce qui se produira en cas d’absence de consensus, de consensus partiel ou encore si des fauteurs de troubles cherchent à y porter atteinte, a-t-il ajouté tout en assurant que son gouvernement cherche à « maintenir l’optimisme en dépit des difficultés ».  

LA SITUATION EN LIBYE (S/2023/248)

Déclarations

M. ABDOULAYE BATHILY, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), a annoncé avoir entamé la mise en œuvre de l’initiative d’habilitation électorale pour permettre l’organisation d’élections en Libye cette année, en élargissant le champ des acteurs concernés.  La mobilisation active de toutes les parties prenantes, y compris le Conseil présidentiel, le Gouvernement, la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État, est en effet essentielle pour parvenir à un consensus sur les questions politiques et sécuritaires ainsi que celles qui sont liées à la participation des femmes et des jeunes, a souligné le haut fonctionnaire.  Il a indiqué qu’en raison de la difficulté de réunir ces différents interlocuteurs en un seul lieu, il s’efforce de les aider à trouver un terrain d’entente et à faire des compromis. 

Afin de promouvoir l’intégrité territoriale de la Libye et engager tous les acteurs armés à sécuriser les élections, M. Bathily a indiqué avoir également œuvré au rapprochement de la Commission militaire conjointe 5+5 avec les acteurs militaires et sécuritaires libyens, dont les groupes armés opérant dans les trois régions qui composent la Libye, lors de réunions organisées à Tunis, Tripoli, Benghazi et Sebha qui se sont tenues les 15 et 26 mars ainsi que les 7 et 9 avril. 

À ces occasions, a-t-il détaillé, les dirigeants et représentants des différentes unités militaires et formations sécuritaires opérant dans l’ouest, l’est et le sud de la Libye se sont engagés à soutenir toutes les étapes des élections, à rejeter la violence, à prendre des mesures concrètes pour garantir le retour en toute sécurité des personnes déplacées, à remettre en liberté les détenus et à aborder la question des personnes disparues dans le contexte de la réconciliation nationale.  Le Représentant spécial s’est félicité de ces engagements, qui ont d’ores et déjà été suivis de la libération de six détenus dans l’ouest de la Libye.  Autre mesure de confiance qu’il faut saluer selon M. Bathily, le 13 avril, les deux chefs d’état-major se sont rencontrés à Benghazi, affichant leur engagement à poursuivre la réunification de l’armée et à soutenir le processus électoral.  Le haut fonctionnaire a donc exhorté les acteurs politiques à suivre l’exemple donné par les responsables militaires et sécuritaires. 

Le Représentant spécial a également organisé plusieurs séries de consultations à Tripoli, Benghazi et Sebha avec des Libyens des trois régions représentant la société civile, les femmes, la jeunesse, les partis politiques, les notables et les différentes composantes culturelles, pour tenir compte de leurs points de vue sur les élections et de leurs revendications pour davantage d’inclusion. Cet axe d’engagement vise également à assurer l’adoption d’un code de conduite pour que tous les candidats et acteurs électoraux s’engagent dans le processus électoral de manière constructive et en acceptent les résultats, a-t-il précisé. 

Enfin, M. Bathily a offert l’expertise technique et le soutien logistique de la MANUL au Comité « 6+6 » de la Chambre des représentants et du Haut Conseil d’État pour les préparatifs des lois électorales.  Pour que les élections aient lieu cette année, ces lois doivent être achevées à temps pour que la Haute Commission électorale nationale puisse commencer à mettre en œuvre le processus électoral début juillet.  Les lacunes et préoccupations soulevées au sujet de l’amendement constitutionnel no 13 devraient être abordées d’ici là, a fait observer le Représentant spécial. 

Outre la finalisation du cadre constitutionnel et juridique, des règles du jeu équitables sont nécessaires pour ne pas avantager certains candidats et inspirer la confiance dans l’intégrité des scrutins, a relevé M. Bathily.  Aussi a-t-il félicité le Conseil présidentiel pour ses efforts visant à établir un mécanisme national de surveillance financière pour une dépense transparente et équitable des vastes ressources publiques de la Libye, un élément important pour garantir que les fonds publics ne sont pas utilisés de manière indue. 

Poursuivant, M. Bathily a indiqué s’être rendu, du 29 mars au 4 avril, au Soudan, au Tchad et au Niger pour discuter avec les dirigeants de ces pays des moyens d’améliorer les conditions du retour des combattants étrangers et des mercenaires présents en Libye.  Lors de ses entrevues, il a notamment été informé des obstacles qui se posent au retour de ces combattants étrangers, qu’il s’agisse de la porosité des frontières, des dynamiques à l’œuvre dans les pays d’origine et des diverses motivations de la présence de ces éléments armés sur le sol libyen.  Le Représentant spécial a souligné que le retrait de combattants étrangers doit être effectué de manière coordonnée, séquencée et synchronisée afin de garantir qu’ils ne deviennent pas une menace pour la sécurité de leur pays d’origine.  Ce processus devrait également contribuer à lutter contre le terrorisme, l’extraction illégale d’or, le trafic d’êtres humains et de stupéfiants et toutes les formes de criminalité qui affectent les zones frontalières. 

Quant à la situation des droits humains, elle reste tendue, a regretté le Représentant spécial.  Au cours de la période considérée, l’espace civique s’est encore restreint et les activités des organisations de la société civile sont considérées comme illégales. Le 27 mars, la Mission d’enquête indépendante sur la Libye a rendu public son rapport final, qui exprime sa préoccupation face à cette situation et recommande de poursuivre les efforts de lutte contre l’impunité.  Par ailleurs, le Comité international de suivi de la situation en Libye issu du processus de Berlin a présenté, le 15 mars, un ensemble de principes issus des dialogues sur les droits humains au Conseil présidentiel.  M. Bathily a exhorté les autorités libyennes à respecter leurs obligations en matière de droits humains, à mettre fin à l’impunité et à donner plus d’espace à l’action des organisations de la société civile. 

Estimant que depuis son dernier exposé en date le 27 février, une nouvelle dynamique est à l’œuvre en Libye, le Représentant spécial a assuré que la MANUL intensifiera sa facilitation et sa médiation pour soutenir la mise en œuvre de toutes les exigences politiques, juridiques et sécuritaires afin que les élections puissent avoir lieu cette année. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon), Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye, a présenté le rapport périodique sur les travaux de cet organe durant la période allant du 17 décembre 2022 au 18 avril 2023.  Le 3 mars dernier, a-t-il indiqué, le Comité s’est réuni en consultations informelles et a entendu un exposé du Coordonnateur du Groupe d’experts sur le rapport intérimaire du Groupe, soumis au Comité le 21 février, conformément à la résolution 2644 (2022).  Le Comité a ensuite convenu de donner suite à l’une des recommandations qui lui étaient adressées et la liste des sanctions a été mise à jour en incorporant les modifications antérieures apportées aux entrées de la liste dans les résumés narratifs respectifs.  Le rapport intérimaire, qui met en évidence les aspects liés à l’application de l’interdiction de voyager, au gel des avoirs, à l’embargo sur les armes et aux mesures relatives aux tentatives d’exportation illicite de pétrole, a été soumis au Conseil de sécurité le 15 mars, a précisé le Président du Comité. 

S’agissant de la mise en œuvre des mesures d’embargo sur les armes, a poursuivi M. Ishikane, le Comité a reçu un rapport écrit sur une saisie de cargaison ainsi qu’un pré-rapport d’inspection de l’opération IRINI de la Force navale de l’Union européenne en Méditerranée.  Le Comité a également reçu une lettre de la Libye sur des questions liées à l’embargo sur les armes.  Il a par ailleurs examiné une demande présentée par le Maroc pour autoriser l’exportation d’articles explosifs et de produits non explosifs vers la Libye et a conclu que le transfert n’entrait pas dans le champ d’application de l’embargo sur les armes.  Le Comité a en outre reçu une note verbale de Malte concernant une demande de dérogation à l’embargo sur les armes précédemment approuvée et a envoyé une lettre à la Libye demandant des informations actualisées sur certains aspects de l’application de l’embargo sur les armes. 

Dans le cadre des mesures visant à prévenir les exportations illicites de pétrole, y compris de pétrole brut et de produits pétroliers raffinés en provenance de Libye, le Comité envisage d’adresser une lettre à la Libye demandant des mises à jour sur le point focal, conformément à la résolution 2146 (2014).  En ce qui concerne les mesures de gel des avoirs, a ajouté M. Ishikane, aucune décision négative n’a été prise par le Comité sur les notifications d’exemption présentées par Bahreïn, le Luxembourg et la Suisse.  De plus, outre des notes verbales de la Türkiye et de Bahreïn, le Comité a reçu trois lettres de la Libye sur différents aspects du gel des avoirs, dont une a donné lieu à une réponse, tandis que les deux autres restent à l’examen. Le 6 avril, le Comité a aussi envoyé une note verbale à tous les États Membres sur les exemptions et les exceptions aux mesures de gel des avoirs. 

Pour ce qui concerne les mesures d’interdiction de voyager, le Comité a reçu une notification de voyage de Mme Safia Farkash Al-Barassi pour un déplacement de l’Égypte vers la Suisse, en vertu d’une exemption de voyage accordée précédemment pour un nombre illimité de voyages dans un délai de six mois à des fins humanitaires.  Par la suite, le Comité a reçu une lettre de la Suisse, en tant que pays de destination, l’informant de la question et une communication d’un représentant de Mme Safia Farkash Al-Barassi confirmant son retour en Égypte.  Le Comité a d’autre part reçu une lettre du Groupe d’experts faisant référence au cas récent d’une personne inscrite sur la liste ayant utilisé de faux documents des Nations Unies pour tenter de contourner les mesures d’interdiction de voyager et de gel des avoirs.  Le Comité, a encore précisé son Président, examine toujours une radiation demandée par la Libye et a reçu quatre rapports de mise en œuvre de Malte, de la Serbie, du Japon et de la Suisse. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a estimé que la médiation, sous les auspices du Représentant spécial et de la MANUL, est essentielle au succès des élections en Libye. Il faut lier les acteurs du pouvoir libyen à un accord qui permettra la tenue d’élections dès que possible, sans pour autant mettre en péril les progrès accomplis à ce jour en matière de paix et de stabilité, a-t-elle soutenu.  Elle a donc souhaité que la médiation se fasse entre les personnes habilitées à résoudre les principaux points de friction qui ont longtemps retardé les progrès de la Libye vers une sécurité à long terme.  Notant avec satisfaction les efforts déployés par les acteurs de la sécurité pour s’unir en vue d’organiser des élections réussies, la représentante a estimé que leurs engagements initiaux devraient servir de base à des compromis politiques plus substantiels pour créer les conditions nécessaires à des élections réussies.  La représentante s’est inquiétée de la répression de la société civile et a appelé à protéger l’espace civique pour permettre à tous les Libyens de jouer un rôle dans le développement d’une société ouverte et démocratique.  Il incombe aux autorités libyennes de développer rapidement un mécanisme juridique durable qui permette la liberté d’association, d’action et de réunion, comme le garantit la déclaration constitutionnelle, a souhaité la déléguée.  Ce n’est que par des efforts concertés, avec un rôle de chef de file pour la MANUL, que nous pourrons contribuer à préparer le terrain pour les élections et au-delà, afin de garantir à la Libye la stabilité et la prospérité que son peuple mérite, a-t-elle souligné.

Mme RICCARDA CHRISTIANA CHANDA (Suisse) a estimé que le soutien cohérent et sans faille de la communauté internationale au Représentant spécial et à sa récente initiative en faveur de la tenue des élections est nécessaire.  En outre, elle a dit accueillir favorablement les initiatives régionales en vue de promouvoir le dialogue intralibyen.  La représentante a rappelé qu’il incombe de sauvegarder la participation des femmes à des fonctions politiques, ainsi que celle des représentantes élues.  Pour elle, les progrès constatés au cours de la période à l’examen sur le plan sécuritaire doivent s’accompagner de progrès sur le plan politique.  Alors que les droits à la liberté d’association, d’expression, et de réunion pacifique doivent être respectés, la représentante s’est inquiétée des arrestations arbitraires, de l’intimidation et du harcèlement qui empêchent les acteurs de la société civile de s’exprimer librement. Elle a appelé à l’adoption d’une loi conforme au droit international sur les organisations de la société civile en Libye. 

La déléguée a exprimé sa préoccupation quant au fait que la Mission indépendante d’établissement des faits sur la Libye ait trouvé des motifs raisonnables de croire que des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ont été commis en Libye, y compris contre des migrants.  Les auteurs de ces actes doivent être tenus responsables et traduits en justice, a-t-elle exhorté, en exigeant des autorités libyennes qu’elles coopèrent pleinement avec la Cour pénale internationale (CPI).  La représentante a également demandé que les enfants migrants retenus arbitrairement, avec des adultes, dans des centres de détention à travers le pays, avec un accès limité à la protection de base, aux services de santé et à l’assistance juridique, soient remis en liberté. 

Au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) a salué l’initiative du Représentant spécial d’établir un groupe de haut niveau pour les élections afin que celles-ci aient lieu en 2023.  Il a souhaité que ce groupe collabore avec le Comité « 6+6 » créé par les deux chambres du Parlement libyen, afin qu’un consensus soit trouvé sur les questions litigieuses, notamment l’élaboration d’un cadre constitutionnel et d’une feuille de route claire pour la tenue d’élections inclusives et crédibles.  Réitérant d’autre part que le processus de paix en Libye doit être dirigé et pris en main par les Libyens, facilité par les Nations Unies et soutenu par la communauté internationale, le délégué a plaidé pour que le processus de réconciliation nationale fasse partie de tout arrangement politique.  Il a salué à cet égard le rôle essentiel joué par l’Union africaine, le Conseil présidentiel libyen, les organisations régionales et les pays voisins, avant d’exhorter les différents segments de la société libyenne à s’engager de bonne foi dans les pourparlers. 

En ce qui concerne la situation sécuritaire, le représentant a constaté avec satisfaction que l’accord de cessez-le-feu de 2020 continue de tenir, malgré quelques incidents. Après avoir appelé les parties à faire preuve de retenue, il a condamné la présence de forces étrangères sur le sol libyen, jugeant que le départ de ces forces est indispensable pour créer un environnement favorable à l’avancement du processus politique en cours.  À ce propos, il a salué les efforts déployés par la Commission militaire conjointe 5+5 et les comités de liaison pour faciliter le retrait complet des forces et des combattants étrangers.  Dans ce contexte, il a appelé à une action coordonnée pour gérer la menace que la présence de ces combattants étrangers et la prolifération des armes légères et de petit calibre font peser sur la stabilité au Sahel.  Il a en outre demandé que les efforts de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) ne soient pas seulement concentrés en Libye, mais également entrepris dans le cadre d’une approche collaborative avec les pays voisins et les organisations régionales.  Le délégué s’est alarmé des effets que ce conflit prolongé a sur l’économie libyenne, avant de condamner les violations des droits humains dont sont victimes en Libye des réfugiés et des migrants, y compris la traite des êtres humains, la torture, la violence sexuelle et sexiste et l’extorsion. 

M. JOHN KELLEY (États-Unis) a appuyé les efforts déployés par le Représentant spécial afin que le consensus nécessaire à la tenue des élections en Libye puisse être dégagé le plus tôt possible.  Préoccupé du fait que des acteurs libyens influents continuent de saper la tenue des élections, il a estimé que l’heure est venue de s’impliquer de manière constructive dans le processus inclusif décrit par le Représentant spécial dans le cadre d’une feuille de route facilitée par les Nations Unies et ce, le plus tôt possible.  Il a également appelé le Comité « 6+6 » à contribuer à ces efforts en levant les obstacles qui empêchent la tenue de ces élections. 

Pour ce qui est des sanctions, le représentant s’est inquiété de la recrudescence des trafics illicites d’armes et de pétrole en Libye, phénomène qui alimente la déstabilisation et prive les Libyens des ressources qui leur appartiennent.  Il a appelé au respect de l’embargo sur les armes avant d’engager la Commission militaire conjointe 5+5 à continuer de faire son travail et œuvrer à la réunification des forces libyennes.  En outre le retrait des forces étrangères et des mercenaires étrangers reste essentiel pour parvenir à la stabilité en Libye, y compris ceux qui font partie du groupe Wagner « qui ne cherche qu’à promouvoir ses propres intérêts et ceux de la Russie en Afrique ».  Le représentant a également condamné les violations « terribles » des droits humains, en particulier ceux des migrants se trouvant en Libye, et a dénoncé le climat d’impunité dans lequel agissent les acteurs étatiques et non étatiques.  Il faut établir la responsabilité pour que la réconciliation nationale puisse devenir une réalité, a fait valoir le délégué.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) s’est félicité des récents progrès dans la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu de 2020, ainsi que des visites croisées à Tripoli et à Benghazi des chefs d’état-major de l’Ouest et l’Est et leur initiative de créer une force militaire conjointe.  Cela envoie un message fort en faveur d’une Libye unifiée, souveraine et stable, a-t-il souligné en ajoutant que ce processus doit s’accompagner du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration des milices ainsi que du retrait des forces étrangères et des mercenaires de Libye.  Il a salué la mise en place de comités de liaison avec le Tchad, le Niger et le Soudan pour le retrait des mercenaires africains.

Le représentant a appelé la classe politique libyenne à construire sur la base de ces avancées sécuritaires pour offrir au peuple libyen, en 2023, des élections présidentielle et parlementaires simultanées, inclusives, crédibles et transparentes dans tout le pays.  La campagne électorale devra être exempte de corruption et d’intimidation et garantir l’égalité des chances entre tous les candidats et candidates, a-t-il insisté, et il va falloir s’assurer que l’exécutif soit capable d’organiser en toute neutralité et transparence ces élections.  Un accord sur une base légale pour les élections et une nouvelle feuille de route politique sont essentiels, a indiqué le représentant qui a appelé à rapidement finaliser ce processus.  Après avoir condamné les graves violations des droits humains en Libye, le délégué a par ailleurs appelé à accélérer le processus de réunification de la Banque centrale et au respect de l’embargo sur les armes. 

M. DAI BING (Chine) a appelé la Libye à mobiliser toutes les synergies pour sortir de l’impasse politique, toutes les parties prenantes devant continuer à négocier pour aplanir leurs divergences.  Il a plaidé pour que l’on évite dans ce pays l’imposition de solutions externes par des partenaires étrangers, avant de se féliciter des multiples réunions organisées par la Commission militaire conjointe 5+5 au cours des dernières semaines.  Étant donné la poursuite des combats en Libye, une réconciliation nationale apparaît comme l’horizon indispensable, a souligné le représentant.  Saluant le rôle joué par l’Union africaine, il a espéré que la conférence des parties libyennes qu’elle a l’intention d’organiser sera couronnée de succès.  Le délégué chinois a par ailleurs fait écho au sentiment du Gouvernement libyen, qui s’inquiète du gel de ses avoirs et des conséquences que cela a pour le fonctionnement du pays.  Aussi le Conseil de sécurité et son comité des sanctions devraient-ils prendre des mesures concrètes à cet égard, a-t-il préconisé.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a émis l’espoir que la proposition du Représentant spécial d’établir un groupe de haut niveau pour les élections contribuera à rassembler toutes les parties, de manière à favoriser un véritable dialogue intralibyen.  De l’avis du représentant, un tel dialogue devrait s’appuyer sur les progrès réalisés sur le cadre constitutionnel par la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État.  Il s’est aussi dit convaincu que l’accord entre les deux chambres portant création du Comité « 6+6 » contribuera à la réalisation de l’objectif commun d’élections en 2023. 

Sur le plan sécuritaire, le délégué s’est félicité de la rencontre, ces derniers mois, de responsables militaires et de sécurité libyens à Tunis, Tripoli et Benghazi, sous les auspices de la MANUL.  Leur engagement à créer un environnement propice aux élections sera la clef du succès de la transition politique par les urnes, a-t-il affirmé, applaudissant également leurs efforts en vue d’unifier les forces armées.  De plus, il a vu dans la redynamisation par la Commission militaire conjointe 5+5 des comités de liaison avec les pays voisins une étape importante vers le retrait coordonné des combattants étrangers et des mercenaires de Libye.  Compte tenu du lien entre la situation en Libye et celle du Sahel, il a souligné l’importance de la coordination régionale, d’une plus grande cohérence entre les acteurs de l’ONU, y compris la MANUL, opérant au Sahel, ainsi que de la collaboration avec la Commission de consolidation de la paix.  Enfin, après s’être déclaré préoccupé par les rapports du Groupe d’experts faisant état de violations de l’embargo sur les armes établi par la résolution 1970 (2011), il a réitéré son appel au strict respect des termes de cet embargo ainsi que du régime de sanctions plus généralement. 

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a soutenu le groupe de haut niveau pour les élections proposé par le Représentant spécial afin de générer l’élan et le consensus nécessaires à la tenue d’élections en Libye.  Elle a également salué la décision prise par la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État de charger le Comité « 6+6 » de finaliser le cadre constitutionnel et législatif pour les élections.  Il est important que ces efforts soient complémentaires et se soutiennent mutuellement, et qu’ils partagent l’objectif commun d’établir le consensus juridique et politique nécessaire à la tenue d’élections libres, équitables, transparentes, inclusives et sûres, a estimé la représentante.  Elle a également insisté sur l’importance de la participation pleine, égale et significative des femmes à tous les processus politiques, mais également des jeunes et de la société civile.  À cet égard, elle a regretté qu’aucune femme ne siège au Comité « 6+6 ». 

Notant que l’incertitude politique persistante continue d’alimenter une situation sécuritaire fragile et tendue, la représentante a mis en exergue le rôle essentiel que doit jouer la Commission militaire conjointe 5+5, et a salué les récentes réunions en vue de faciliter, entre autres, les efforts de DDR des groupes armés.  Elle a insisté sur l’impératif du retrait des forces étrangères et des mercenaires de la Libye, tout en appelant à veiller que cela se fasse de manière efficace et coordonnée afin d’éviter les problèmes connexes.  La stabilité en Libye est en outre compromise par la prolifération des armes sous le contrôle de divers acteurs étatiques et non étatiques, a relevé la déléguée en insistant sur l’importance de la mise en œuvre complète et rigoureuse des sanctions du Comité 1970 et au respect intégral de l’embargo sur les armes par tous les États Membres.  Dans ce contexte, elle a souligné le rôle de l’opération IRINI ainsi que l’importance de soutenir les efforts supplémentaires de renforcement de la capacité de la Libye à assurer sa sécurité et sa stabilité. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) s’est félicité des mesures encourageantes prises par les parties libyennes au cours de la période à l’examen, réitérant l’importance d’accorder la priorité à la réconciliation et au dialogue entre les parties libyennes.  Dans ce contexte, il a appelé le Représentant spécial à poursuivre sa récente initiative visant à promouvoir un processus politique inclusif dirigé et pris en charge par les Libyens eux-mêmes.  Selon lui, le rétablissement de la sécurité en Libye reste une condition préalable à la stabilité politique et à la création d’un environnement sûr pour la tenue simultanée d’élections présidentielle et parlementaires libres, justes, transparentes et inclusives.  Cela passe par un retrait simultané, progressif et équilibré de toutes les forces étrangères, combattants étrangers et mercenaires présents en Libye, a précisé le représentant.  Il a également jugé important de préserver les acquis obtenus par les Libyens dans leur lutte contre le terrorisme, en veillant à ce que les mesures imposées par ce Conseil n’entravent pas leurs efforts pour répondre aux menaces sécuritaires, en particulier dans le sud du pays.  Le Conseil, a estimé le représentant, devrait donc examiner sérieusement le régime de sanctions applicables en Libye, pour s’assurer qu’elles correspondent à la réalité actuelle et viennent en appui aux efforts nationaux, plutôt que les perturber. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a noté que, depuis la dernière réunion du Conseil sur la Libye, des évolutions positives ont été observées, notamment en vue de la tenue d’élections.  Il est fondamental, selon lui, que les autorités libyennes et les Nations Unies fassent en sorte que ces élections aient bien lieu avant la fin de l’année, comme cela est prévu.  Le délégué a salué à cet égard la création par le Représentant spécial d’un groupe de haut niveau chargé des élections et a appelé tous les acteurs nationaux et régionaux à soutenir cette initiative qui a pour but de rassembler l’ensemble des composantes de la société libyenne.  Cela contribuera à lancer un processus politique dirigé et contrôlé par les Libyens, a-t-il ajouté, remerciant au passage l’Égypte pour avoir facilité l’accord entre la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État. Le représentant a invité les deux chambres du Parlement libyen à parachever la loi et le code électoraux afin qu’un calendrier strict soit établi pour les scrutins à venir.  Concernant la sécurité, il salué les institutions sécuritaires et militaires qui œuvrent à la mise en place d’un environnement propices à ces élections.  Il a également jugé positif que la Commission militaire conjointe 5+5 travaille à la réunification des forces armées et à la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu, avant d’applaudir les efforts déployés par la MANUL pour favoriser la coordination avec les pays voisins et la réforme du secteur de la sécurité en Libye. Enfin, constatant qu’aucune mesure notable n’a été prise ces derniers mois sur le volet économique, le délégué a plaidé pour qu’un système juste de distribution des recettes soit mis en place. Il s’est aussi félicité des sept recommandations du Conseil présidentiel libyen en lien avec les droits humains. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a soutenu les efforts du Représentant spécial pour assurer l’organisation des élections cette année en Libye.  Il a également salué les progrès accomplis sur le front sécuritaire en encourageant les efforts en vue de la réunification de l’armée en Libye. Sur le front politique, il a appelé les dirigeants politiques à entendre les appels des Libyens et à s’engager de bonne foi sur la voie de la transition politique à travers la tenue des élections législatives et présidentielle cette année.  Le représentant a fait part de son appui à un processus politique transparent, inclusif et basé sur le consensus, tel que prôné par le Représentant spécial.  Il a appelé au retrait de tous les mercenaires étrangers de Libye en arguant que « la Libye doit bâtir son navire sans ingérence étrangère ».  En outre, les ressources naturelles de la Libye doivent profiter à tous les Libyens de manière équitable, a encore souligné le représentant.  Dénonçant les violations des droits humains en Libye, le délégué a insisté sur l’importance de la reddition des comptes pour les responsables de ces exactions. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) s’est félicité des progrès enregistrés dans le domaine politique en Libye, notamment la création du Comité « 6+6 », en vue d’achever la transition politique et de tenir des élections présidentielle et parlementaires justes en 2023.  Il a ensuite salué le travail accompli par la Commission militaire conjointe 5+5 concernant le maintien de l’accord de cessez-le-feu de 2020, ainsi que les discussions et engagements pris par différents groupes armés.  Le représentant s’est en revanche préoccupé de la détérioration des situations humanitaire et des droits humains, se disant particulièrement alarmé des violations continues des droits des migrants et des réfugiés, en particulier des enfants.  Il a dit cependant apprécier la présentation d’un projet de loi de lutte contre la violence contre les femmes, souhaitant que soient garantis leurs droits à participer à la vie publique et politique. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a estimé que le rétablissement de la stabilité en Libye est essentiel non seulement pour le pays lui-même et son peuple mais aussi pour le développement de toute l’Afrique du Nord. Dans l’immédiat, il a appelé de ses vœux un règlement équitable, durable et à long terme dans le cadre d’un processus politique dirigé et mené par les Libyens eux-mêmes, sans aucune ingérence extérieure.  Notant que la « pierre angulaire » de ce processus est l’organisation d’élections présidentielle et législatives, il a souhaité que l’intention exprimée par la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État d’achever la coordination du cadre juridique pour le prochain vote se concrétise d’ici au mois de juin prochain.  Il s’est félicité des mesures prises à cette fin, notamment l’approbation d’une version actualisée de la déclaration constitutionnelle et la création d’un comité « 6+6 » chargé d’établir le cadre constitutionnel et législatif pour la tenue des élections.  Il a aussi plaidé pour que l’ensemble des forces politiques libyennes, y compris les représentants de l’ancien gouvernement, soient impliquées dans le processus électoral sur une base non discriminatoire.  Ce n’est qu’ainsi qu’il sera possible d’assurer un accord dans la société sur les résultats du futur vote et d’éviter une aggravation dangereuse de la situation militaro-politique, a-t-il fait valoir. 

Sur le plan sécuritaire, le représentant a salué le résultat de la dernière réunion de la Commission militaire conjointe 5+5 à Benghazi, au cours de laquelle les participants se sont engagés à assurer la sécurité des futures élections.  Après avoir appelé à intensifier les efforts en vue de l’intégration des composantes militaires disparates du pays en une seule armée libyenne, le délégué a exprimé son plein soutien aux travaux visant à éliminer la présence militaire étrangère sur le territoire national, y compris la création, sous les auspices de la Commission militaire conjointe 5+5, de comités de liaison avec les pays voisins.  Selon lui, le retrait du territoire libyen de tous les groupes armés et unités militaires venus de l’étranger doit s’effectuer de manière « synchronisée, équilibrée, graduelle et échelonnée » afin de maintenir un rapport de force sur le terrain. 

Dans le règlement de cette crise, le rôle de l’ONU et de son « instrument clef », la MANUL, est plus que jamais essentiel, a poursuivi le délégué, qui a réitéré l’appui de son pays au Représentant spécial et à son travail inlassable pour trouver des voies de sortie de l’impasse politique intérieure, donner une impulsion au dialogue politique et faciliter la tenue rapide d’élections inclusives.  Saluant la création d’un groupe de haut niveau en charge des élections, il a cependant souhaité que la régulation politique en Libye ne devienne pas une « arène de concurrence internationale ».  C’est nécessaire pour permettre au peuple libyen de sortir de la crise provoquée par l’agression de l’OTAN en 2011 et pour mettre un terme à toutes les ingérences extérieures, a-t-il plaidé, jugeant contre-productives les initiatives unilatérales visant à créer des « formats parallèles » pour soutenir un règlement sans la participation de la Libye ni des autres parties concernées.  Il a enfin souhaité que les questions relatives au contrôle des infrastructures pétrolières et des opérations d’exportation soient tranchées par les Libyens eux-mêmes et que les avoirs libyens gelés à l’étranger soient préservés pour être utilisés au profit du peuple libyen et de l’économie du pays. 

M. TAHER M. T. ELSONNI (Libye) a appelé à trouver des solutions convaincantes aux problèmes du peuple libyen.  Insistant sur la responsabilité morale du Conseil de sécurité, il a indiqué que le peuple libyen demeure confus face au fait que le Conseil l’appelle au respect de ses résolutions, tout en insistant sur une solution purement prise en charge et dirigée par les Libyens.  Le peuple se demande également ce qui se produira en cas d’absence de consensus, de consensus partiel ou encore s’il y a consensus mais que des fauteurs de troubles cherchent à le saper.  Les citoyens ordinaires veulent la fin des combats, la stabilité, la prospérité et la sécurité de leur pays et ces questions restent légitimes, a martelé le représentant qui a assuré que le Gouvernement cherche à maintenir l’optimisme en dépit des difficultés. 

Prenant note de la récente déclaration présidentielle du Conseil qui souligne l’importance de donner un nouvel élan aux fondements juridiques et constitutionnels permettant la tenue, cette année, d’élections transparentes pour parachever le processus de transition politique en Libye, le délégué a reconnu l’importance du dialogue en cours pour aider les Libyens à parvenir à un consensus global sur une base constitutionnelle permettant à toutes les parties de participer au scrutin.  Il a salué la proposition d’envoyer une équipe des Nations Unies sur place pour recenser les besoins en matière d’appui logistique et technique et a demandé à l’ONU d’appuyer la Haute Commission électorale nationale.  Il a indiqué qu’une première réunion a eu lieu avec la Division de l’assistance électorale de l’ONU en ce sens et qu’il a été promis à sa délégation qu’une visite aura lieu sur place. 

Nous continuons de faire preuve d’optimisme et de tout faire pour que prévale l’esprit de coopération entre les différents dirigeants et acteurs politiques de l’Est comme de l’Ouest au cours des réunions qui ont débuté l’an dernier, a poursuivi le représentant qui a notamment fait état des progrès sur la voie de la réunification de l’armée libyenne.  En outre, les dirigeants militaires se sont engagés à apporter tout leur soutien à la tenue du scrutin et à favoriser le retour des personnes déplacées et disparues. Le représentant a fait part de ses préoccupations face aux risques de débordement des combats actuels au Soudan, rappelant que la Libye a déjà énormément souffert des répercussions des divisions et des guerres extérieures ces dernières années.  Il a appelé tous les pays qui s’intéressent au dossier libyen à œuvrer à sa stabilité et à sa sécurité, en saluant les rapprochements intervenus entre certains acteurs régionaux influents.  Il a espéré qu’un compromis sera trouvé pour sortir de la crise actuelle sans aucune ingérence.

Prenant note des remarques faites sur les dossiers du terrorisme, des migrants et des droits humains, le représentant a argué qu’il s’agit là de conséquences de la crise libyenne et des ingérences négatives.  Le règlement de ces problèmes est une responsabilité collective, a-t-il martelé, en particulier pour ce qui est de la crise migratoire et des réseaux qui financent les groupes terroristes.  Nous ne souhaitons pas nous dérober à nos responsabilités, mais il faut commencer par mettre fin aux divisions et trouver une solution politique pour trouver une issue à ces problèmes, a-t-il fait valoir.  Alors que se dessinent les prémices d’une stabilité tant attendue en Libye, le représentant a appelé à faire preuve d’optimisme, à rester sur la bonne voie et à laisser une chance au compromis. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale suit sa Cinquième Commission et adopte l’importante résolution sur la gestion des ressources humaines de l’ONU, attendue depuis six ans

Soixante-dix-septième session,
66e séance - matin
AG/12498

L’Assemblée générale suit sa Cinquième Commission et adopte l’importante résolution sur la gestion des ressources humaines de l’ONU, attendue depuis six ans

L’Assemblée générale a suivi, aujourd’hui, la recommandation de sa Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires et approuvé la très importante résolution sur la gestion des ressources humaines de l’ONU, qui échappait à un accord depuis six ans. 

Avant d’adopter sa propre résolution sur la promotion de l’économie sociale et solidaire au service du développement durable, l’Assemblée a approuvé les autres recommandations de sa Cinquième Commission sur les conditions de voyage en avion, l’emploi et la rémunération des membres de la Cour internationale de Justice (CIJ) et des juges du Mécanisme résiduel, l’application du principe de responsabilité au sein de l’ONU et le Corps commun d’inspection. 

En approuvant ce que l’Union européenne décrivait, le 31 mars dernier à la Cinquième Commission, comme une des refontes les plus importantes jamais entreprises jusqu’ici en matière de gestion des ressources humaines de l’ONU, l’Assemblée a adopté 76 paragraphes de fond couvrant les questions de la sélection, la mobilité, la représentation géographique, la parité et le rajeunissement du personnel. 

Sont également abordés la lutte contre la discrimination raciale dont la nomination de la Conseillère spéciale pour l’éradication du racisme sur le lieu de travail, le système de gestion de la performance, l’aménagement des modalités de travail, les programmes de stage, le travail du Bureau de la déontologie ou encore la politique de tolérance zéro et le traitement de toutes les formes d’inconduite. 

L’Assemblée générale souligne ainsi la nécessité de rajeunir l’Organisation et prie le Secrétaire général de lui proposer une stratégie globale visant à recruter des talents dotés de nouvelles perspectives et des compétences requises, en augmentant le nombre de postes d’administrateur(trice) à la classe de début et en réduisant parallèlement le nombre de postes de haut niveau. 

Le Secrétaire général est aussi prié de garantir une répartition géographique aussi large que possible du personnel au Secrétariat, pour les postes de toutes les classes, qu’ils soient soumis ou non au principe de la répartition géographique. Il est en conséquence appelé à actualiser le système des fourchettes souhaitables au Secrétariat, avec effet au 1er janvier 2024, un système qui doit être revu tous les cinq ans. 

D’ici à 2030, chaque État Membre non représenté ou sous-représenté doit se situer dans la fourchette souhaitable, et d’ici à 2028, la parité entre les sexes doit être atteinte à tous les niveaux.  Insistant sur la culture de la mobilité du personnel, l’Assemblée prend note de la décision du Secrétaire général d’organiser des campagnes annuelles de réaffectation dans le cadre d’un nouveau dispositif consolidé, à compter de 2023. 

L’Assemblée insiste aussi sur la mise en place de programmes de stages plus cohérents à l’échelle du système et prie le Secrétaire général de déterminer, dans le cadre de l’examen approfondi, si le programme de stages restructuré doit être administré de manière centralisée ou rester entièrement décentralisé. 

En attendant, elle encourage le Secrétaire général à aider les supérieurs hiérarchiques à assurer un suivi de la présence du personnel sur le lieu de travail de sorte que l’Organisation continue d’être attentive aux besoins des États Membres et préserve l’efficacité et l’efficience dans l’exécution de ses tâches pour aider les organes délibérants à s’acquitter de leurs fonctions et à exécuter leurs décisions. 

À propos de l’exécution des décisions, l’Assemblée prie le Secrétaire général de tout faire pour que les personnes qui ont droit à un voyage en avion en première classe, y compris lui-même, ou en classe affaires financé par l’ONU, optent pour un déclassement.  Elle précise que son Président et celui de la CIJ n’ont pas droit à la première classe et insiste sur le fait que le respect des directives relatives aux délais d’achat des billets d’avion est une condition préalable pour tout voyage ouvrant droit à une classe supérieure à la classe économique. 

L’Assemblée estime d’ailleurs que l’instauration d’un seuil unique, proposée par le Secrétaire général pour l’accès à la classe affaires, peut entraîner une meilleure application des directives relatives aux délais d’achat des billets d’avion et une réduction des frais facturés par l’agence de voyages.  Elle dit attendre avec intérêt des informations supplémentaires. 

L’Assemblée prie également le Secrétaire général de revoir la formule consistant à verser aux fonctionnaires une somme forfaitaire au titre du congé dans les foyers, de proposer, comme base de calcul de cette somme, un montant égal aux dépenses effectivement engagées par les fonctionnaires, et d’envisager des formules fondées sur le tarif économique le plus restrictif. 

Dans cette même résolution, l’Assemblée demande à la présidence de la Cinquième Commission de demander au Bureau des affaires juridiques un avis officiel dans lequel il évaluera les obstacles juridiques à l’apport de changements au régime des pensions des juges de la CIJ et du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux.  Elle invite la Sixième Commission chargée des questions juridiques à examiner cette évaluation. 

Quant aux progrès accomplis dans l’élaboration d’un dispositif d’application du principe de responsabilité pour le Secrétariat de l’ONU, l’Assemblée prie de nouveau le Secrétaire général de présenter une analyse permettant d’établir si les objectifs et les mesures des résultats définis dans les contrats de mission des hauts fonctionnaires, en particulier les cibles correspondantes, sont atteints, et de veiller à ce que des mesures appropriées soient prises si tel n’est pas le cas. 

Elle souligne qu’il est toujours nécessaire de pouvoir compter sur un système de délégation de pouvoirs bien conçu, dans lequel sont définies et délimitées précisément les fonctions et attributions des fonctionnaires de tous niveaux à qui des pouvoirs sont délégués.  L’Assemblée souligne aussi que la bonne application du principe de responsabilité passe par une totale transparence et prie le Secrétaire général de permettre aux organes délibérants et aux organes de contrôle d’avoir accès aux plateformes et portails de données numériques. 

Elle se félicite d’ailleurs que le Corps commun d’inspection, le Comité des commissaires aux comptes et le Bureau des services de contrôle interne coordonnent leurs activités et engage ces organes à continuer de mettre en commun leurs données d’expérience, leurs connaissances, leurs pratiques de référence et les enseignements qu’ils tirent de leur expérience avec les autres organes d’audit et de contrôle des Nations Unies, ainsi qu’avec le Comité consultatif indépendant pour les questions d’audit, en vue d’éviter les chevauchements d’activités et les doubles emplois et de renforcer la synergie, la coopération, l’efficacité et l’efficience, sans préjudice du mandat de chacun. 

Elle invite le Secrétaire général de continuer d’encourager les organisations participantes du système des Nations Unies à examiner régulièrement l’état de l’acceptation et de l’application des recommandations du Corps commun, en particulier celles qui ont trait à la coordination et à la cohérence à l’échelle du système, et à envisager, en cas de non-acceptation ou de non-application, d’en indiquer les raisons au Corps commun. 

Avant d’en venir à la résolution sur la promotion de l’économie sociale et solidaire au service du développement durable, l’Assemblée a suivi une dernière recommandation de sa Cinquième Commission et nommé M. Minhong Yi, de la République de Corée, au Comité des contributions pour un mandat expirant le 31 décembre 2023, et ce, en remplacement de sa compatriote, Mme Ji-sun-Jun, dont la démission a pris effet le 28 février dernier. 

Selon l’Organisation internationale du Travail (OIT), l’économie sociale et solidaire comprend les entreprises, les organisations et les autres entités qui mènent des activités économiques, sociales ou environnementales servant l’intérêt général, et qui reposent sur les principes de coopération volontaire et d’entraide, de gouvernance participative, d’autonomie et d’indépendance, ainsi que sur la primauté de l’humain et de la finalité sociale sur le capital en ce qui concerne la répartition et l’utilisation des excédents, des bénéfices et des actifs. Les entités de l’économie sociale et solidaire aspirent à la viabilité et à la durabilité dans une optique de long terme, ainsi qu’à la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle, dit encore l’OIT. 

La résolution A/77/L.60 a été présentée par la Ministre espagnole du travail et de l’économie sociale qui a parlé de l’expérience unique de son pays où ce type d’économie représente 10% du PNB.  C’est, a affirmé Mme Yolanda Díaz, une économie « féministe », en ce qu’elle a réduit l’écart salarial, soit 8% de moins que la moyenne nationale.  Il est donc possible, en a-t-elle conclu, de créer un modèle économique plus équitable. 

Par sa résolution, l’Assemblée générale encourage les entités compétentes du système des Nations Unies pour le développement à prendre dûment en considération l’économie sociale et solidaire dans leurs instruments de planification et de programmation et à aider les États qui le demandent à définir, formuler, mettre en œuvre et évaluer des mesures et des cadres politiques cohérents et propices au développement de cette économie.  Les institutions financières multilatérales, internationales et régionales ainsi que les banques de développement sont, pour leur part, encouragées, à participer à ces efforts au moyen d’instruments et de mécanismes financiers, existants et nouveaux, adaptés à tous les stades du développement. 

Le Secrétaire général est prié d’établir, en collaboration avec le Groupe de travail interinstitutions des Nations Unies sur l’économie sociale et solidaire, un rapport sur la mise en œuvre de cette résolution, compte tenu de la contribution de l’économie sociale et solidaire à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et à une reprise inclusive, porteuse d’emplois, résiliente et durable. 

Après avoir prié le Secrétaire général de convoquer une nouvelle reprise de la cinquième session de la conférence chargée d’élaborer un instrument international sur la conservation de la biodiversité marine en haute mer, les 19 et 20 juin 2023 et décidé de tenir la réunion ministérielle préparatoire pour le Sommet de l’avenir, le 21 septembre 2023, l’Assemblée générale a annoncé une autre séance publique mardi 25 avril, à partir de 10 heures, pour discuter de la prévention des conflits.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.