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Conseil de sécurité: en Libye, une nouvelle crise politique est à prévoir sans un projet de loi électorale viable, met en garde le Représentant spécial

9438e séance – matin
CS/15444

Conseil de sécurité: en Libye, une nouvelle crise politique est à prévoir sans un projet de loi électorale viable, met en garde le Représentant spécial

Si les inondations meurtrières de Derna, dans l’est de la Libye, le mois dernier, ont été unanimement déplorées par les membres du Conseil de sécurité ce matin, reste qu’elles auront démontré l’unité, la solidarité et la compassion des Libyens ordinaires à travers tout le pays, a observé le Représentant spécial du Secrétaire général pour ce pays, au Conseil de sécurité.  Un exemple à suivre pour M. Abdoulaye Bathily, pour qui cette catastrophe a aussi mis en exergue des problèmes de gouvernance « en l’absence de processus décisionnel politique unifié au niveau national ».

Raison pour laquelle de nombreuses délégations, du Royaume-Uni à l’Équateur, en passant par les Émirats arabes unis, ont soutenu la proposition du haut fonctionnaire de mettre en place un « mécanisme national » de gestion des catastrophes afin de coordonner les efforts de relèvement et de reconstruction dans tout le pays, où règne une situation « bicéphale », selon le Mozambique, qui s’exprimait au nom des A3.  En effet, une partie du pays est contrôlée par le Gouvernement d’unité nationale installé à Tripoli, qui n’est pas reconnu par les autorités adverses basées à Syrte.

Nombre d’intervenants ont donc plaidé pour que les parties prenantes libyennes s’accordent sur un projet de loi électorale viable, « dès que possible ». M. Bathily, qui est également le Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), s’est à cet égard dit satisfait des progrès enregistrés par le processus électoral en Libye, tout en mettant en garde contre les risques d’un « remake du scénario de décembre 2021 ou de la crise d’août 2022 ».

M. Bathily a indiqué que le comité mixte chargé de préparer les lois électorales en Libye, également connu sous le nom de « Comité 6+6 », avait achevé ses travaux début octobre.  Composé à part égale de membres de la Chambre des représentants et du Haut Conseil d’État, il est parvenu, au terme de délibérations « laborieuses », à un compromis sur de nombreuses questions controversées, les lois électorales révisées ayant été publiées par la Haute Commission électorale nationale. 

D’un point de vue technique, a poursuivi le haut fonctionnaire, elles constituent une amélioration par rapport aux précédentes.  Elles répondent aux problèmes identifiés par la Haute Commission électorale nationale et la MANUL, notamment le droit de vote des membres de l’armée, le séquencement des élections, la répartition des sièges au Sénat et à la Chambre des représentants.  Les questions relatives au mécanisme de résolution des litiges électoraux y sont également clarifiées, s’est encore félicité M. Bathily.

En revanche, s’est-t-il alarmé, d’autres questions plus controversées restent en souffrance, dont celle du second tour obligatoire de l’élection présidentielle, indépendamment du nombre de voix obtenues par l’un ou l’autre des candidats arrivés en tête du premier tour.  Une disposition qui pourrait être instrumentalisée pour perturber l’ensemble du processus, de même que le lien entre scrutins présidentiel et législatif: soumettre la validité des législatives à celle de la présidentielle expose le processus à un risque élevé d’échec et de perturbations.

La question de la formation d’un « nouveau gouvernement » n’est pas davantage résolue, sans compter le rejet, par le Haut Conseil d’État, desdits amendements à la loi électorale.  Il y a, là aussi, un risque de remise en cause d’avancées durement acquises, a anticipé le Représentant spécial, en appelant le Haut Conseil d’État à renoncer à cette position, de nature à plonger le pays dans une nouvelle crise politique.  Le Conseil doit user de son influence pour empêcher que cela ne se produise, a-t-il demandé. 

Reconnaissant eux aussi les risques d’instabilité politique, les trois pays africains membres du Conseil de sécurité, à savoir le Gabon, le Ghana et le Mozambique (A3), ont souhaité qu’un consensus politique entre les parties prenantes libyennes se dégage le plus rapidement possible sur un projet de loi électorale viable.

Nombre de délégations, à l’instar de la France, ont souligné la nécessité et l’urgence d’avancer vers l’organisation d’élections présidentielle et parlementaires, « dans les meilleurs délais ».  Pour ce faire, les dirigeants libyens doivent faire des concessions et placer l’intérêt national au-dessus de toute autre considération, ont estimé les États-Unis, l’Albanie ou encore le Brésil.  Pour le Japon, les solutions se doivent d’être consensuelles et réalisables pour garantir le bon déroulement du processus électoral, d’autant que les élections sont le seul moyen de faire avancer un processus politique dirigé et contrôlé par les Libyens eux-mêmes, a renchéri Malte. 

Pour la Fédération de Russie et la Chine en revanche, c’est aux Libyens de convenir des paramètres du processus politique, sans qu’on leur impose des « recettes toutes prêtes », ni qu’on leur fixe des « délais artificiels irréalistes ».  La communauté internationale devrait éviter d’imposer des solutions de l’extérieur, ont insisté ces deux délégations.

Si le représentant libyen a reconnu l’importance de finaliser un calendrier électoral, il a par ailleurs jugé essentiel que le Comité des sanctions et l’Autorité libyenne des investissements continuent à coopérer, pour mettre en place des mécanismes de gestion des avoirs gelés en raison des mesures imposées par le Conseil de sécurité.  « Ce régime de sanctions a été mis en place pour protéger la Libye et non pour la sanctionner  », a rappelé le délégué.  Il s’est également félicité des initiatives de certains membres du Conseil en vue de radier de la liste des sanctions des individus inscrits sur « la base d’une politisation ».

En début de séance, le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye a informé les membres du Conseil des activités de cet organe subsidiaire pour la période allant du 23 août au 16 octobre 2023.

LA SITUATION EN LIBYE

Déclarations

M. ABDOULAYE BATHILY, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies dans ce pays (MANUL), a déclaré que la tragédie de Derna, si elle a coûté la vie à des milliers de personnes, avait démontré l’unité, la solidarité et la compassion des Libyens ordinaires à travers tout le pays.  Au niveau institutionnel, le Conseil présidentiel et le Gouvernement d’unité nationale se sont mobilisés pour apporter leur soutien, tout comme la Chambre des représentants et le Gouvernement, ainsi que l’Armée nationale libyenne, qui a mis en place une salle opérationnelle pour soutenir les activités de secours. Ces inondations meurtrières ont cependant révélé, pour le Représentant spécial, de graves déficits de gouvernance dans divers domaines relatifs à l’entretien des systèmes de barrage, de même que dans la gestion des ressources ou l’absence d’un mécanisme efficace de gestion des catastrophes.  En outre, l’absence de processus décisionnel politique unifié au niveau national a compliqué les choses.  Si ces problèmes de gouvernance avaient été résolus, ils auraient sans doute atténué l’impact de la tragédie, a-t-il fait observer. 

M. Bathily s’est cependant dit heureux d’annoncer que le processus électoral avait enregistré certains progrès.  Ainsi, le Comité 6+6 a achevé ses travaux début octobre.  Grâce à d’énormes pressions et à des délibérations laborieuses à Bouznika, au Maroc, ainsi qu’à Tripoli, Benghazi et dans d’autres villes de Libye, les membres de cet organe sont parvenus à un compromis sur de nombreuses questions controversées.  Les lois électorales révisées ont été publiées par la Chambre des représentants le 5 octobre et officiellement reçues par la Haute Commission électorale nationale le 9 octobre.  D’un point de vue technique, a poursuivi le haut fonctionnaire, elles constituent une amélioration par rapport aux précédentes, dans la mesure où plusieurs problèmes identifiés par la Haute Commission électorale nationale et la MANUL ont été résolus.  Il s’agit notamment du droit de vote des membres de l’armée, de la clarification sur le séquencement des élections, de la répartition des sièges au Sénat et à la Chambre des représentants, et du mécanisme de résolution des litiges électoraux. Mais d’un point de vue politique, les questions les plus controversées restent en souffrance, notamment celles relatives au second tour obligatoire de l’élection présidentielle. 

Contrairement à la pratique courante, a-t-il poursuivi, cette disposition impose aux deux favoris de l’élection présidentielle de se présenter au second tour, quel que soit le nombre de voix obtenues par eux.  Une disposition qui pourrait être instrumentalisée pour perturber l’ensemble du processus.  De plus, le lien entre scrutins présidentiel et législatif reste lui aussi problématique, a considéré M. Bathily.  Même si ces deux élections peuvent se dérouler le même jour, soumettre la validité des législatives à celle de la présidentielle expose le processus à un risque élevé d’échec et de perturbations.

Par ailleurs, la formation d’un « nouveau gouvernement » n’est pas davantage résolue, pas plus que celle de l’égalité des sexes pour les sénatoriales: seuls six sièges (6,6%) restent attribués à des femmes sur 90 en tout. S’ajoutent également des désaccords entre la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État sur les lois électorales.  Le Haut Conseil d’État conteste les amendements apportés aux lois électorales, insistant pour que prévale la version issue des négociations de Bouznika. Or, a mis en garde le Représentant spécial, le rejet, par le Haut Conseil d’État, des amendements apportés par le Comité 6+6 après Bouznika risque de remettre en cause les acquis durement acquis par les deux chambres.  Il doit donc renoncer à cette position, de nature à entraver le processus électoral et à plonger le pays dans une nouvelle crise politique, vers un remake du scénario de décembre 2021 ou de la crise d’août 2022.  M. Bathily a donc appelé le Conseil à user de son influence pour empêcher que cela ne se produise. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon), Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye, a fait rapport sur les activités de cet organe subsidiaire du Conseil pour la période allant du 23 août au 16 octobre 2023.  Concernant l’embargo sur les armes, le Comité a répondu à une lettre de la Libye sur un incident entre un navire battant pavillon libyen et l’opération IRINI, et reçu un rapport d’inspection d’un navire de cette même opération, ainsi qu’une lettre du Groupe d’experts et une communication d’un État Membre sur une note verbale envoyée par l’Italie sur le transfert au Gouvernement libyen de certains navires à des fins d’organisation de patrouilles côtières.

S’agissant du gel des avoirs, aucune décision négative n’a été prise sur le paragraphe 19 au sujet des quatre communications adressées par Bahreïn et de celle du Royaume-Uni.  En ce qui concerne les interdictions de voyager, le Comité a été saisi d’une communication du représentant de Mme Aïcha Kadhafi, inscrite sur la liste des sanctions, dans laquelle il a été confirmé son retour d’Oman, depuis l’Égypte et l’Italie, ainsi qu’une notification des Émirats arabes unis en tant qu’État de transit, a indiqué le Président.  Le Comité a également reçu une demande de radiation de la Libye pour une personne inscrite sur la liste qui est encore à l’examen, ainsi qu’une note verbale de Malte concernant le déploiement d’un navire dans le port de Tobrouk, qui menait une opération humanitaire.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a salué la déclaration du Représentant spécial pour la Libye concernant la nécessité de mettre en place un mécanisme national afin de diriger les efforts de relèvement et de reconstruction, dans l’est comme dans l’ouest du pays.  Les inondations dévastatrices qui ont frappé la Libye confirment selon lui que le statu quo n’est pas durable et ne permet pas de répondre aux besoins du peuple libyen. À cet égard, il a pris note de l’évaluation de la MANUL selon laquelle les lois électorales actualisées constituent une base valable pour des élections.  Toutefois, les questions controversées en suspens doivent d’abord être résolues au moyen d’un accord politique inclusif.  Le représentant s’est ainsi adressé directement aux dirigeants libyens pour leur demander d’assister aux réunions convoquées par l’ONU et de faire des concessions afin de mener la Libye sur la voie des élections. Alors que le mandat de la MANUL doit être renouvelé au cours des prochaines semaines, il a estimé qu’il s’agit d’un partenaire essentiel à l’organisation d’élections présidentielle et parlementaires libres, équitables et inclusives. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a salué les efforts inlassables de tout le personnel national et international impliqué dans les activités de recherche et de sauvetage au lendemain de la tragédie de Derna, ainsi que pour l’aide internationale apportée à la Libye, qui a dépassé les questions géopolitiques. Il a espéré que cette expression d’unité durera jusqu’à la stabilisation de la situation en Libye, qui doit se concentrer sur son développement.  Le représentant s’est fait l’écho de l’appel lancé par la MANUL à toutes les autorités libyennes pour faciliter un accord sur un mécanisme national unifié et coordonné. L’impact de la tragédie a souligné l’urgence de surmonter la stagnation politique, a insisté le délégué, avant de prendre note du travail accompli par le Comité 6+6 pour élaborer les lois électorales ensuite adoptées par la Chambre des représentants.  Maintenant, les acteurs libyens concernés, soutenus par la MANUL, doivent régler toutes les questions litigieuses afin que des élections pacifiques, transparentes et ouvertes puissent avoir lieu dans les meilleurs délais, a-t-il souligné.  Le représentant a enfin souligné la nécessité de renforcer la coopération internationale pour lutter contre le trafic et la traite des êtres humains dans la région et pour traduire les auteurs de ces actes en justice. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a lancé un appel à la tenue d’élections présidentielle et parlementaires nationales à travers toute la Libye dans les plus brefs délais.  Les élections étant le seul moyen de restaurer la légitimité des institutions du pays, le Conseil doit clairement montrer son soutien continu au Représentant spécial en adoptant à l’unanimité un projet de résolution vigoureux à la fin de ce mois.  Le Japon est déterminé à participer de manière constructive aux négociations à venir, a annoncé son représentant.  Il a ensuite dit prendre note des efforts du Comité 6+6 dans l’élaboration des lois électorales.  Tout en respectant le processus dirigé et contrôlé par les Libyens eux-mêmes, le délégué a estimé que les solutions doivent être consensuelles et réalisables pour garantir le bon déroulement du processus électoral. 

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), a joint sa voix à celle du Secrétaire général pour demander la mise en place d’un mécanisme national unifié en vue de faire avancer les efforts de reconstruction dans les zones touchées par les inondations. Sur le plan politique, la situation « bicéphale » du pays et l’impasse actuelle font craindre une nouvelle instabilité, a-t-il relevé, espérant qu’un consensus politique entre les parties prenantes libyennes sur un projet de loi électorale viable se dégage, dès que possible.  Le délégué a salué les efforts continus déployés par le Représentant spécial auprès de toutes les institutions et acteurs libyens concernés pour résoudre les questions en souffrance du cadre électoral, l’encourageant en particulier à fixer des délais fermes.  Il a aussi réitéré l’appel en faveur d’un processus politique pris en charge par les Libyens eux-mêmes, avant de prendre note de l’approbation des lois électorales par la Chambre des représentants.  Le délégué a également relevé que l’accord de cessez-le-feu de 2020 tient toujours, en dépit d’une situation tendue et d’incidents sécuritaires dans le pays. Jugeant « isolés » les incidents en date des 14 et 15 août 2023, il a appelé les parties à faire preuve de retenue pour préserver l’élan positif actuel en vue d’une paix et d’une sécurité durables.  Il a enfin exhorté les autorités libyennes, avec le soutien de la communauté internationale, à œuvrer efficacement à soulager le fardeau des migrants et des réfugiés en Libye.

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a déclaré que la communauté internationale doit continuer de prendre des mesures urgentes pour porter secours au peuple libyen suite aux inondations de Derna.  La solidarité du peuple libyen à cette occasion confirme, selon lui, que l’unification du pays n’est pas un objectif inaccessible.  Dans ce contexte, il a exprimé son soutien à la proposition du Représentant spécial de créer un mécanisme national unifié permettant de mobiliser les appuis aux efforts de relèvement des zones touchées par les inondations.  Le délégué a appelé les parties à placer l’intérêt national au-dessus de toute autre considération en s’engageant en faveur du dialogue et en prenant des mesures concrètes pour surmonter les questions non résolues, avec l’appui de l’ONU. Les efforts déployés par le Comité 6+6 en vue d’organiser des élections parlementaires et présidentielle susceptibles d’être reconnues par toutes les parties restent une étape importante pour mettre fin à la transition dans le pays. 

S’agissant de la résolution qui doit être adoptée en ce qui concerne le régime des sanctions, le représentant a souligné la nécessité pour le Conseil de sécurité d’évaluer régulièrement la situation sur le terrain.  Il est tout aussi nécessaire, à ses yeux, de prendre des mesures permettant d’assurer la préservation et la répartition équitable des richesses du peuple libyen.  Il s’est ainsi félicité de l’inclusion, dans la résolution, de dispositions confirmant que les avoirs libyens gelés seront disponibles ultérieurement et évoquant la possibilité d’autoriser l’Autorité à réinvestir ses liquidités afin de relancer l’économie.  Enfin, le représentant a exprimé son appui aux efforts de la Commission militaire conjointe 5+5 en vue d’unifier les institutions militaires et sécuritaires libyennes. 

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a assuré que sa délégation continuera de soutenir tous les efforts visant à sortir la Libye de l’impasse politique.  Elle continuera d’appeler toutes les parties libyennes à s’engager pleinement, de manière constructive, transparente et dans un esprit de compromis, dans tous les efforts visant à atteindre cet objectif. C’est la seule voie pour faire avancer un processus politique dirigé et contrôlé par les Libyens eux-mêmes.  La communauté internationale doit donc rester guidée par cet objectif global et veiller à ce que tous les processus politiques garantissent la participation pleine, égale, significative des femmes, en toute sécurité.

La représentante a également déclaré regretter le rétrécissement de l’espace réservé à la société civile en Libye.  Nous devons garantir que tous les Libyens puissent jouir de leurs droits humains fondamentaux, a-t-elle plaidé, avant de saluer et soutenir les efforts de la MANUL pour résoudre ce problème.  Elle s’est aussi dite préoccupée par la présence continue de combattants étrangers, de forces étrangères et de mercenaires, dont le retrait complet devrait être une priorité.  Elle a aussi estimé que les fonds libyens détenus à l’étranger doivent être déclarés et gelés en vue d’un éventuel rapatriement.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a jugé urgent d’avancer vers l’organisation d’élections présidentielle et parlementaires en Libye dans les meilleurs délais, à la suite des travaux du Comité 6+6.  Dans ce contexte, il a assuré que son pays appuie la médiation du Représentant spécial pour atteindre l’objectif d’élections crédibles, inclusives et transparentes.  S’agissant de la situation sécuritaire, qui reste fragile en Libye, il faut garantir la pleine mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu d’octobre 2020.  La France continuera, a-t-il dit, d’appuyer, en coordination avec l’ONU et l’ensemble de ses partenaires, la Commission militaire conjointe 5+5 libyenne et les deux chefs d’état-major, en vue d’une réunification de l’armée libyenne qui passe par la création d’une force conjointe. Enfin, à l’approche du renouvellement du mandat de la MANUL, le délégué a appelé le Conseil à encourager les efforts d’unification des institutions sécuritaires et militaires.  Ceci doit permettre à la Libye de retrouver sa stabilité, en mettant un terme à l’emprise des milices, a-t-il conclu.

M. DAI BING (Chine) a constaté que les parties prenantes sont confrontées à des difficultés inédites et multiples que la communauté internationale devrait contribuer à résoudre.  Il a noté que la Chambre des représentants a approuvé le code électoral, espérant que toutes les parties feront avancer le processus politique en vue de la tenue d’élections.  De son côté, la communauté internationale devrait éviter d’imposer des solutions de l’extérieur.  Il demeure aussi essentiel de s’employer à pallier les répercussions de la catastrophe humanitaire due aux inondations dans l’est du pays, a encore souligné le représentant.  Le mois dernier, des denrées alimentaires sont arrivées en Libye en provenance de Chine, laquelle a également versé 30 millions de dollars d’aide humanitaire.  La Libye a besoin d’une aide vitale, a-t-il rappelé, regrettant le maintien du gel des avoirs dans ce pays. 

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a appelé les autorités libyennes à veiller à ce que les personnes affectées aient accès à une aide alimentaire, à des soins de santé et à des installations sanitaires appropriés, les femmes au premier chef.  Conformément au droit international humanitaire, les acteurs humanitaires doivent être en mesure de s’acquitter de leurs fonctions de manière indépendante et avoir accès aux nécessiteux.  Le représentant a pris note de la récente révision des lois électorales par le Comité 6+6, tout en constatant que certaines questions de fond demeurent controversées.  Il a fait écho à l’appel de la MANUL aux acteurs libyens pour qu’ils fassent preuve de bonne foi en vue de résoudre ces questions afin de favoriser le processus électoral.  Dans le cas contraire, le représentant a mis en garde contre le risque d’une impasse durable.  Il s’est en outre inquiété des restrictions imposées à la société civile, estimant que les libertés d’expression, d’association et de réunion, y compris par les représentants de la société civile, constituent des éléments clefs du processus politique. 

Par ailleurs, a poursuivi le représentant, la tragédie de Derna ne constitue pas seulement un symptôme de la crise climatique, mais aussi du déficit de gouvernance et de la division ainsi que de leur impact sur les infrastructures et la prévention des risques.  Dans ce contexte, il a fait valoir que l’unité dont a su faire preuve le pays après avoir été frappé par la tempête Daniel doit se traduire au niveau politique, en plaçant les intérêts du pays au premier plan.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a appuyé les efforts de l’ONU visant à soutenir une intervention humanitaire au lendemain de la tempête Daniel qui a frappé Derna, en rappelant que les États-Unis ont fourni plus de 13 millions de dollars sous la forme de programmes humanitaires et plus de 29 tonnes de biens destinés aux victimes.  Elle a appuyé l’appel de la MANUL pour qu’un mécanisme unique soit mis en place pour faciliter et coordonner l’assistance humanitaire et technique en Libye.  La reconstruction du pays doit se faire de manière apolitique, a insisté la représentante, en martelant que « l’heure n’est pas à la division et aux jeux politiques ».  Elle a encouragé les dirigeants politiques libyens à œuvrer au redressement et à la reconstruction du pays, mais également à s’engager sur une voie crédible pour assurer la tenue d’élections et une gouvernance efficace unie à l’échelle de la Libye.  Les États-Unis soutiennent les efforts du Représentant spécial à cet égard, a expliqué la déléguée avant d’appeler tous les acteurs libyens à jouer un rôle constructif et transparent pour trouver un accord politique, finaliser le code électoral et placer la Libye sur la voie de la tenue d’élections présidentielle et législative justes, transparentes et libres.  Elle a enfin salué le travail de la Commission militaire conjointe 5+5 et les efforts en vue d’un rapprochement est-ouest.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a noté que, même après la tragédie de Derna et malgré l’unité démontrée par le peuple libyen face à cette crise, le processus politique en Libye est toujours en suspens, avec en toile de fond le maintien d’un « double pouvoir ».  Sa conséquence est une absence de perspectives pour un règlement durable, avec une incidence sur la situation sécuritaire, a-t-il noté en appelant à la retenue.  La question la plus importante à l’ordre du jour de la Libye est la préparation et la tenue d’élections présidentielle et législatives, a-t-il insisté, et la mise en place d’autorités unifiées avec une représentation équitable de toutes les régions et des principales forces politiques présentes en Libye.

Sur le volet constitutionnel du processus politique libyen, il a pris note du travail important du Comité 6+6, en demandant que les résultats de ses travaux soient pris au sérieux.  C’est aux Libyens de convenir des paramètres du processus politique, sans qu’on leur impose des « recettes toutes prêtes » et qu’on leur fixe de délais artificiels irréalistes, a-t-il exigé.  Ce processus électoral doit être transparent, véritablement inclusif, sur une base non discriminatoire, et inclure l’ensemble des principales forces politiques de l’ancienne Jamahiriya, y compris les représentants des anciennes autorités, a-t-il ajouté, avant de soutenir les efforts du Représentant spécial pour promouvoir un processus politique intralibyen, dont la pierre angulaire est l’organisation d’élections présidentielle et législatives, « si possible en même temps ».  Tout « ersatz de mécanisme » avec des représentants de nombreux pays occidentaux mais n’incluant ni les Libyens eux-mêmes, ni la Russie, est non seulement inutile mais aussi contre-productif, a-t-il estimé.  Il a condamné les tentatives de certains pays occidentaux d’instrumentaliser la situation en Libye pour régler certains problèmes géopolitiques et économiques, notamment sur le marché des hydrocarbures.  En ce qui concerne l’élimination de la présence militaire étrangère, il a rappelé que le Russie a toujours préconisé un retrait synchronisé, équilibré, graduel et progressif de tous les groupes armés et unités militaires non libyens, sans exception, afin de ne pas perturber l’équilibre des forces.

M. ARIAN SPASSE (Albanie) a fait valoir que les dirigeants politiques libyens de l’est et de l’ouest du pays doivent faire preuve « d’humilité » devant la solidarité dont a fait preuve le peuple libyen dans la foulée de la tempête Daniel.  Cette catastrophe constitue à ses yeux un rappel dramatique du besoin « désespéré » d’institutions unifiées et efficaces dans l’ensemble du pays.  Dans ce contexte, le représentant a exprimé son soutien à la création d’un mécanisme national unifié de réponse aux inondations, avec la collaboration de l’ONU.  Constatant que les négociations entre les deux chambres se trouvent dans une nouvelle impasse, il a appuyé les initiatives prises par le Représentant spécial pour la Libye, le peuple libyen ne pouvant « tout simplement pas attendre indéfiniment les résultats de négociations interminables ».  À cette fin, une médiation active de l’ONU est essentielle, a-t-il jugé.  Qui plus est, les parties au processus électoral libyen doivent comprendre qu’il ne s’agit pas d’un jeu à somme nulle et que chacun peut jouer un rôle important dans la reconstruction d’une Libye réunifiée. 

Pendant ce temps, la situation sécuritaire à Benghazi demeure profondément préoccupante du fait des récents affrontements armés, qui ont fait des victimes civiles et perturbé les communications.  Le processus de stabilisation de la Libye reste selon lui une priorité essentielle, notamment en raison de son impact sur l’Afrique du Nord et le Sahel.  Le représentant s’est inquiété à cet égard du ralentissement des travaux de la Commission militaire conjointe 5+5 avec les comités de liaison du Niger et du Soudan du Sud du fait des évolutions récentes sur le terrain.  Il a donc appelé les acteurs régionaux à jouer un rôle proactif en soutenant les efforts de médiation de l’ONU. 

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a jugé fondamental que les parties prenantes libyennes règlent leurs différends par le dialogue et dans un esprit de compromis. Leur appropriation continue du processus politique suppose un engagement en appui de la tenue d’élections nationales, conformément aux aspirations du peuple libyen et au cadre juridique pertinent, a-t-il dit.  Le délégué a salué l’annonce faite par la Haute Commission électorale nationale confirmant qu’elle était techniquement prête à appliquer les lois électorales. À cet égard, il a espéré que si des problèmes persistaient, la mise en œuvre ne sera pas entravée par une rivalité d’ordre purement politique.  Le délégué a précisé que si les parties prenantes et les institutions libyennes en faisaient la demande, le Représentant spécial pourrait faciliter davantage un consensus et contribuer à jeter les bases d’un climat susceptible de conduire à une réunification du Gouvernement. 

Le représentant a ensuite soutenu l’appel de la MANUL en faveur d’une réponse unifiée dans les zones affectées par les inondations dans l’est de la Libye.  À cet égard, il a conseillé aux parties de s’inspirer de l’unité nationale dont a fait montre leur peuple, qualifiant de « remarquable » par ailleurs l’appui des acteurs régionaux et internationaux à Derna en particulier.  Le délégué a également appelé tous les États Membres au respect de l’embargo sur les armes et à synchroniser le retrait des forces étrangères de la Libye, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité.

M. TAHER M. T. ELSONNI (Libye) a rappelé que des milliers de personnes ont perdu la vie à Derna, et que les secours travaillent encore pour retrouver d’autres corps.  Certaines équipes de sauvetage y ont perdu leur vie, a-t-il déploré.  L’altruisme démontré par toute la population libyenne est un message fort à tous les acteurs politiques pour qu’ils s’unissent et surmontent la crise.  Les autorités locales ont rapidement répondu, pour leur part, à la catastrophe et offert l’assistance nécessaire.  Il a remercié tous les pays et organisations ayant aidé la Libye à faire face aux incidences de cette situation sans précédent.

Le représentant a ensuite jugé important de mettre en place un calendrier électoral pour que la législation pertinente adoptée puisse être appliquée, en particulier s’agissant de l’organisation d’élections justes, libres et répondant effectivement aux attentes du peuple libyen qui attend depuis longtemps.  Il a jugé essentiel, s’agissant du gel des avoirs, que le Comité des sanctions et l’Autorité des investissements libyenne continuent à coopérer, de manière à mettre en place des mécanismes de gestion de ces avoirs gelés pour éviter davantage d’érosion par certains. « Ce régime a été mis en place pour protéger la Libye et non pas pour la sanctionner », a tranché le délégué, rappelant à cet égard l’indépendance de ladite Autorité des investissements.  Il a en outre salué les initiatives positives de certains membres du Conseil en vue de radier de la liste des sanctions des individus inscrits sur la base d’une politisation.

Aujourd’hui, le peuple palestinien est en état de siège, sous les bombes, sans eau, électricité et nourriture, s’est ensuite indigné le représentant libyen. L’assassinat de civils non armés est inacceptable et il importe de dénoncer une politique de deux poids, deux mesures, a-t-il déclaré.  N’est-ce pas déjà une situation de génocide?  Devons-nous attendre que cela se transforme en un autre Rwanda? s’est-il demandé.

Le représentant libyen a dit qu’il faut se garder de mélanger le droit de l’agresseur et des agressés et prendre en compte, au contraire, l’assassinat pur et simple de ce rêve de paix, a-t-il dit, en fustigeant le meurtre collectif des Palestiniens dans « la plus grande prison à ciel ouvert du monde ».  Il a dit avoir un message reflétant la position arabe commune en faveur de la cause palestinienne, que le peuple libyen considère comme fondamentale.  Ce message consiste à demander une cessation immédiate des hostilités et de la violence, la garantie d’un accès humanitaire sans entrave et d’éviter, à tout prix, le déplacement de populations: personne ne veut d’une nouvelle Nakba, a-t-il explicité, en appelant à une solution juste, avec la création d’un État palestinien avec Jérusalem-Est pour capitale.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale au chevet d’une Afrique « malade » mais forte du ressort nécessaire pour son relèvement

Soixante-dix-huitième session,
18e séance – matin
AG/12544

L’Assemblée générale au chevet d’une Afrique « malade » mais forte du ressort nécessaire pour son relèvement

L’Assemblée générale s’est penchée, aujourd’hui, sur les « triples paradoxes » et les obstacles persistants et nouveaux qui entravent la promotion d’une paix et d’un développement durables en Afrique que « rien ne pourrait arrêter » si elle était bien soutenue par la communauté internationale et en avait l’opportunité, a soutenu son Président, M. Dennis Francis.

Mais il faut se rendre à l’évidence, car aujourd’hui l’Afrique « est malade », a alerté le Cameroun, et le continent doit, au préalable, relever des défis urgents pour être sur la bonne voie et réaliser le Programme 2030 et l’Agenda 2063, a abondé M. Francis, lors de cette séance de l’Assemblée générale qui était notamment saisie d’un rapport du Secrétaire général consacré aux paradoxes du développement dans les domaines du financement, de l’énergie et des systèmes alimentaires à l’échelle du continent.

De fait, a soutenu le Président de l’Assemblée générale, l’Afrique est riche en ressources financières, mais elle connaît une crise de la dette si grave qu’elle perd 500 à 600 milliards de dollars par an, une somme plus importante que le produit intérieur brut (PIB) de 35 pays africains réunis.  Par conséquent, la réforme de l’architecture financière internationale et la viabilité de la dette doivent être notre priorité absolue, a-t-il souligné. 

Une approche défendue par l’ensemble des délégations à l’instar de l’Afrique du Sud, de la Thaïlande, de la Sierra Leone et de la Namibie qui ont également appelé à faciliter l’accès aux financements extérieurs et réaffecter les droits de tirage spéciaux (DTS). 

Par la voix de la Tunisie, le Groupe des États d’Afrique a jugé crucial de s’attaquer aux défis structurels et institutionnels qui empêchent les pays africains de maximiser l’utilisation de leurs ressources, à commencer par la prévalence du secteur informel qui emploie environ 84% des travailleurs, la faiblesse des systèmes d’administration fiscale et les flux financiers illicites, qui coûteraient au continent 89 milliards de dollars par an en perte de revenus.  Le Groupe a également jugé primordial d’assurer la viabilité de la dette, notant que la dette extérieure représente 60% de la dette publique de l’Afrique et que le service de la dette absorbe en moyenne plus de 20% des recettes publiques.  L’Afrique dépense actuellement plus pour le service de la dette que pour les soins de santé, s’est-il alarmé, recommandant par ailleurs l’élaboration d’une convention fiscale internationale. 

D’autres délégations, comme l’Inde, ont remis en cause la structure des économies africaines, héritée du colonialisme et fortement orientée vers les marchés extérieurs, tandis que la Libye a demandé la restitution des fonds détournés aux pays d’origine.  Les mesures coercitives unilatérales imposées à plusieurs pays africains ont été décriées par la Fédération de Russie et le Venezuela, la Pologne s’inquiétant, pour sa part, des répercussions des « activités néocoloniales » russes sur la sécurité alimentaire mondiale.

Mais au-delà de ces obstacles, des solutions existent, car même « très malade », l’Afrique a su tracer sa vision, a relevé le Cameroun, en allusion à l’Agenda 2063 de l’Union africaine et à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).  En tant que moteur de croissance, celle-ci peut réaliser des revenus de l’ordre de 450 milliards de dollars d’ici à 2035, tout en ajoutant 76 milliards de dollars à l’économie mondiale, a fait valoir la Thaïlande.  Cependant, a temporisé le Président de l’Assemblée générale, il ne faut pas que l’avenir de la jeunesse africaine, qui représente 60% de la population du continent, soit obscurci par l’instabilité politique et les conflits aux conséquences dévastatrices pour la paix et la prospérité. 

La récente vague incontrôlable de coups d’État ramène le continent plusieurs décennies en arrière et n’augure rien de bon pour la quête d’une paix durable et la nécessité de faire taire les armes en Afrique, a prévenu M. Francis, avant d’appeler à continuer de placer les besoins du continent au centre du cadre stratégique du système de l’ONU.  La Chine a exhorté, pour sa part, à trouver des solutions africaines pour résoudre les problèmes africains.

L’Assemblée générale reprendra ses travaux mercredi 18 octobre, à partir de 10 heures 

NOUVEAU PARTENARIAT POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE: PROGRÈS ACCOMPLIS DANS LA MISE EN ŒUVRE ET APPUI INTERNATIONAL (A/78/309)

LES CAUSES DES CONFLITS ET LA PROMOTION D’UNE PAIX ET D’UN DÉVELOPPEMENT DURABLES EN AFRIQUE (A/78/234A/78/291)

Déclaration liminaire

M. DENNIS FRANCIS, Président de l’Assemblée générale, a déclaré que s’il en avait l’opportunité et s’il était bien soutenu par la communauté internationale, rien ne pourrait arrêter le continent africain.  Mais il doit au préalable relever des défis urgents pour être sur la bonne voie afin de réaliser le Programme 2030 et l’Agenda 2063.  Le Président a notamment relevé que l’Afrique est riche en ressources financières, mais qu’elle connaît une crise de la dette si grave qu’elle perd 500 à 600 milliards de dollars par an, une somme plus importante que le produit intérieur brut (PIB) de 35 pays africains réunis.  Par conséquent, la réforme de l’architecture financière internationale et la viabilité de la dette doivent être notre priorité absolue, a-t-il souligné. Il a également relevé que l’Afrique dispose d’une richesse extraordinaire en ressources naturelles, mais que près de 58% de sa population souffre d’insécurité alimentaire modérée ou grave – presque le double de la moyenne mondiale.  « Nous ne parviendrons pas à un développement pleinement durable en Afrique si nous ne donnons pas la priorité à la mise en œuvre de l’ODD no 2, c’est-à-dire éliminer la faim et assurer la sécurité alimentaire », a-t-il insisté.

Notant en outre que 60% de la population africaine est âgée de moins de 25 ans, le Président de l’Assemblée générale s’est inquiété que l’avenir de cette jeunesse soit obscurci par l’instabilité politique et les conflits aux conséquences dévastatrices pour la paix et la prospérité.  Il est donc crucial de disposer d’un système financier international capable de répondre aux injustices historiques, de promouvoir une économie mondiale ouverte, inclusive et équitable et de mieux représenter les voix africaines au sein de sa gouvernance, a-t-il insisté.

Conscient que la pauvreté et les inégalités économiques sont un déclencheur de conflit, il a pressé à promouvoir les opportunités économiques, l’accès à l’éducation –en particulier pour les filles– et la création d’emplois, en particulier pour les jeunes, les femmes et les communautés marginalisées.  Il faut également aider les pays africains à intégrer la prévention des conflits et la consolidation de la paix aux efforts de développement durable, et fournir une aide humanitaire et une aide au développement robuste aux pays et régions d’Afrique touchés par des conflits. M. Francis a aussi appelé les États Membres à établir des partenariats internationaux solides pour répondre aux défis communs de l’Afrique, exhortant en outre les partenaires de développement, les parties prenantes et le secteur privé à accroître les investissements durables dans le développement de l’Afrique afin de garantir qu’aucun pays du continent ne soit laissé de côté.  La récente vague incontrôlable de coups d’État ramène le continent plusieurs décennies en arrière et n’augure rien de bon pour la quête d’une paix durable et la nécessité de faire taire les armes en Afrique, a-t-il prévenu, appelant à continuer de placer les besoins du continent au centre du cadre stratégique du système de l’ONU.

Débat conjoint sur les questions subsidiaires de l’ordre du jour

Mme HEDDA SAMSON, de l’Union européenne (UE), a indiqué que l’Union africaine (UA) et l’Union européenne entretiennent un partenariat étroit et de longue date en matière de sécurité et de développement.  L’Europe et l’Afrique ont besoin l’une de l’autre pour construire une réponse solide et durable aux défis mondiaux communs, a insisté la déléguée. Elle a indiqué que l’UE est le plus grand partenaire de l’Afrique en matière de commerce, d’investissement et de développement.  Pour la période 2022-2024, l’UE a alloué 600 millions d’euros pour les missions de paix de l’UA et elle soutient par ailleurs le développement et la recherche pour une agriculture durable et économe en ressources en Afrique.  L’UE est en outre l’un des moteurs de la décision d’allouer 100 milliards de dollars en droits de tirage spéciaux aux pays les plus vulnérables particulièrement en Afrique.  Trente-trois des pays africains les moins avancés ont bénéficié d’un régime douanier plus favorable pour toutes les importations de marchandises, à l’exception des armes et des munitions. 

L’UE est de loin le principal partenaire commercial de l’Union africaine avec un volume total de 268 milliards d’euros en 2021, s’est félicitée la représentante, qui a précisé que 90% des exportations africaines entrent dans l’UE exemptes de droits de douane.  En outre, l’aide de l’UE à l’Afrique a augmenté de 11% pour la période 2021-2027. Comme convenu lors du sixième Sommet UE-UA de février 2022, près de 150 milliards d’euros d’investissements seront mobilisés d’ici à 2027 en Afrique.  Ces investissements ont déjà commencé, a indiqué la déléguée. 

Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. TAREK LADEB (Tunisie) a souligné l’urgence de s’attaquer au « triple paradoxe » de la finance, de l’énergie et de la sécurité alimentaire au regard des ramifications des crises actuelles qui ont perturbé les marchés et mis à nu les vulnérabilités des économies africaines aux chocs extérieurs.  Ces chocs, ainsi que les effets des changements climatiques, ont collectivement rétréci l’espace politique et budgétaire, réduit la capacité de génération de revenus, accru les pressions inflationnistes et exacerbé le fardeau de la dette et le déficit de financement des ODD, s’est-il inquiété.  Il est, dès lors, crucial de s’attaquer aux défis structurels et institutionnels qui empêchent les pays africains de maximiser l’utilisation de leurs ressources.  Parmi ces obstacles, il a cité la prévalence du secteur informel qui emploie environ 84% des travailleurs, la faiblesse des systèmes d’administration fiscale et les flux financiers illicites, qui coûteraient au continent 89 milliards de dollars par an en perte de revenus.  À cet égard, il a souligné l’importance de l’élaboration d’une convention fiscale internationale.  Il a également jugé primordial d’assurer la viabilité de la dette, notant que la dette extérieure représente 60% de la dette publique de l’Afrique et que le service de la dette absorbe en moyenne plus de 20% des recettes publiques.  L’Afrique dépense actuellement plus pour le service de la dette que pour les soins de santé, a-t-il signalé.  De même, le délégué a plaidé en faveur d’un accès au financement extérieur à des conditions préférentielles et à la réaffectation des droits de tirage spéciaux (DTS). 

Passant ensuite à la question de la promotion d’une paix et d’un développement durables en Afrique, le représentant a relevé que le chômage et le déficit de travail décent sont de possibles facteurs d’instabilité.  En outre, la population active du continent atteindra 511 millions de personnes en 2023, avec un taux de chômage qui est en hausse, passant de 6,5% en 2019 à 7,1% en 2022.  C’est pourquoi, il a encouragé la mise en œuvre de réformes réglementaires et politiques pour renforcer les flux commerciaux et d’investissement, notamment transfrontaliers, dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). 

M. FRANCISCO JOSÉ DA CRUZ (Angola) a déclaré que l’Afrique continue malheureusement de faire face à des défis majeurs en matière de paix et de sécurité.  La Banque mondiale, a cité le représentant, estime qu’un conflit civil dans un pays en développement moyen coûte environ 30 ans de croissance de son PIB.  Les pays confrontés à une crise prolongée peuvent accuser un retard de plus de 20% dans la lutte contre la pauvreté.  Les données indiquent également que ces pays subissent généralement une réduction de la croissance annuelle du PIB de 2% à 4% et jusqu’à 8,4% si le conflit est grave.  Cette baisse de croissance est toujours accompagnée d’une hausse rapide de l’inflation. Souvent, les pays voisins subissent également de plein fouet les effets secondaires des conflits violents, avec une baisse annuelle de 1,4% de leur PIB. 

Le représentant a estimé que la nature changeante des conflits et des crises exige une approche plus globale et intégrée de la réponse aux crises humanitaires et des violations des droits humains afin d’identifier des solutions politiques durables. Il a également souligné que la confiance et l’unité dans la diversité des peuples d’Afrique sont la voie à suivre pour que le continent parvienne à la paix et à la réconciliation, ainsi qu’à la gestion et à la résolution des conflits.  La réalisation de la paix en Afrique est une responsabilité partagée qui exige de tous les citoyens africains, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, de contribuer au maintien de la cohésion et de l’unité sociales et d’apprécier, valoriser et encourager la paix dans leurs capacités et leurs environnements individuels et collectifs, a-t-il appuyé. 

Mme MATHU JOYINI (Afrique du Sud) a relevé que le problème du manque de financement s’est aggravé après les crises récentes, insistant sur la nécessité de réformer le système financier international injuste et de mobiliser des ressources pour financer le développement.  Notant que le continent perd entre 500 et 600 milliards de dollars par an, elle a insisté sur l’importance d’une justice fiscale internationale, appelant en outre à faire face au fléau des flux financiers illicites qui, depuis des décennies maintenant, privent le continent de ressources importantes essentielles pour son développement.  Elle a insisté sur la nécessité d’adopter une approche basée sur le développement pour appuyer le règlement des conflits et de consacrer davantage de ressources à la consolidation de la paix et à la prévention de conflit. 

L’avenir c’est l’Afrique, a déclaré M. SURIYA CHINDAWONGSE (Thaïlande) soulignant que le continent a la capacité de générer une plus grande prospérité non seulement pour lui-même, mais aussi pour le monde entier.  Il a relevé que l’un des principaux moteurs de cette croissance est la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), qui relie 1,3 milliard de personnes avec un PIB combiné évalué à 3,4 billions de dollars.  La ZLECAf pourrait accroître les revenus de quelque 450 milliards de dollars d’ici à 2035, tout en ajoutant 76 milliards de dollars à l’économie mondiale, a-t-il ajouté, citant la Banque mondiale. 

Soulignant que « nous ne pouvons rien réaliser sans l’Afrique », le représentant a appelé à fournir un financement accru au continent afin de progresser dans la réalisation du Programme 2030.  Il a plaidé pour la mise en œuvre complète du Programme d’action d’Addis-Abeba, exhortant ensuite les pays développés à respecter leur engagement en matière d’APD.  Il s’agit également de traiter le problème de la dette, a-t-il ajouté, appelant à mettre en œuvre les propositions importantes faites par le Groupe des 77 et la Chine pour son allègement. 

Le représentant a ensuite appelé à une réforme plus approfondie de l’architecture financière internationale et à accorder davantage de droits de tirage spéciaux (DTS) aux pays en développement.  Le système commercial multilatéral doit également élargir l’accès des pays en développement aux marchés mondiaux notamment pour faciliter le commerce alimentaire et des produits agricoles.  Enfin, le délégué a défendu des partenariats plus forts et renforcés avec l’Afrique. 

M. OLEGS ILGIS (Lettonie) a indiqué que son pays a proposé des projets liés à la technologie et à l’autonomisation des femmes en Afrique du Sud, au Cameroun, en Namibie, en Zambie et au Zimbabwe.  Il a estimé que les banques multilatérales de développement ont un rôle important à jouer et a fait savoir que le Gouvernement letton prévoit de verser une subvention de 2 millions de DTS au Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et la croissance du FMI, afin d’aider les pays qui en ont le plus besoin.  Le représentant a également insisté sur l’importance d’une réforme de l’architecture financière internationale et du renforcement de la lutte contre les flux financiers illicites.  La promotion d’une bonne gouvernance et des mesures de lutte contre la corruption sont essentielles à cet égard.  Le représentant a par ailleurs appelé à redoubler d’efforts pour assurer la cohérence des efforts de consolidation de la paix entre l’ONU et l’UA, ainsi que d’autres partenaires concernés, y compris les représentants de la société civile. 

M. JOAQUÍN ALBERTO PÉREZ AYESTARÁN (Venezuela) a dénoncé l’ingérence de puissances extrarégionales et des intérêts étrangers qui pillent les ressources naturelles de l’Afrique.  Associés aux changements climatiques, ils perpétuent l’héritage désastreux du colonialisme, s’est inquiété le représentant qui a souligné que le Programme 2030 et l’Agenda 2063 constituent la feuille de route pour des sociétés plus justes, inclusives et équitables en Afrique.  Il s’est inquiété des pressions exercées par le système commercial et financier international sur des nations souveraines en leur soumettant des programmes néolibéraux qui, a-t-il affirmé, ne font qu’envenimer les crises et les tensions sociales.  Après avoir salué la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), le représentant a appelé les anciennes puissances coloniales à mettre fin au néocolonialisme et au pillage des ressources naturelles.  Il a aussi appelé à la levée des mesures unilatérales coercitives imposées à la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, l’Érythrée, la Libye, le Mali, la Somalie, la Soudan, le Soudan du Sud et le Zimbabwe.  Des mesures urgentes s’imposent en outre pour réformer l’architecture financière internationale, a ajouté le délégué.

M. MATEUSZ SAKOWICZ (Pologne) s’est dit alarmé par le nombre record de coups d’État militaires perpétrés en Afrique, après une période de relative stabilité.  Il a expliqué que l’aide polonaise au développement est largement axée sur la réduction des inégalités économiques et sociales, l’objectif étant d’appuyer les ODD et d’éradiquer la pauvreté.  C’est pourquoi, le représentant a jugé important de disposer d’un système financier international capable de s’attaquer aux injustices historiques et de promouvoir une économie mondiale ouverte, inclusive et juste où la voix de l’Afrique est écoutée. 

Poursuivant, le représentant a constaté que nombreux sont ceux qui ont tendance à perdre de vue les formes contemporaines du néocolonialisme, évoquant sa manifestation à travers les activités de la Fédération de Russie dans son voisinage immédiat et dans d’autres parties du monde.  Il a notamment rappelé que l’insécurité alimentaire mondiale s’est aggravée depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.  La Pologne fait tout son possible pour atténuer cette crise, a-t-il assuré.

M. BORIS A. MESCHCHANOV (Fédération de Russie) a dénoncé les analyses attribuant la responsabilité des crises économiques actuelles en Afrique à la Russie et au conflit en Ukraine.  Il a affirmé que de nombreux experts indépendants pensent que les crises alimentaire et énergétique actuelles résultent des erreurs et des mauvais calculs des grandes économies de l’Occident, en particulier l’imposition de sanctions aux pays africains.  Le risque d’une crise alimentaire avait été déjà signalé dès 2020, a-t-il rappelé, notant que, selon les données de la FAO, l’indice des prix pour les denrées alimentaires a augmenté de 50% entre 2019 et 2020.  La Fédération de Russie a toujours accordé une attention prioritaire à la coopération avec l’Afrique, a assuré le représentant, évoquant un allégement de 23 milliards de dollars de dette.  En outre, le deuxième Sommet Russie-Afrique qui s’est tenu à Saint-Pétersbourg a témoigné de la volonté commune de la Russie et des gouvernements du continent de coopérer dans les domaines politique, sécuritaire, économique et social, y compris la lutte contre le terrorisme, le néocolonialisme et les sanctions illicites.  La Russie va continuer d’aider ses amis africains non seulement sur le plan alimentaire, mais également en favorisant le développement énergétique et agricole, a-t-il promis. 

Mme GABRIELA-CORNELIA HOROSANU (Roumanie) a mis en exergue le soutien concret de son pays à l’Afrique, en facilitant l’approvisionnement alimentaire et en appuyant la modernisation agricole du continent.  Face aux changements climatiques, la Roumanie travaille également avec des partenaires africains pour partager les bonnes pratiques et mettre en place des systèmes d’alerte précoce. 

Elle a également évoqué la mise à disposition annuelle de 500 bourses au profit d’étudiants africains.  La Roumanie dispense également une formation technique à ceux qui souhaitent acquérir des connaissances sur les technologies vertes, de même que dans le domaine de la consolidation de la paix.

M. DAI BING (Chine) a salué les résultats positifs engrangés par l’Afrique ces dernières années.  Cependant, a-t-il nuancé, ce continent se heurte encore à de graves difficultés comme les conflits, les pénuries alimentaires, les déficits financiers ou encore les changements climatiques qui entravent la réalisation du Programme 2030 et de l’Agenda 2063.  Il a souligné que la communauté mondiale a la responsabilité collective de soutenir l’Afrique.  Nous devons comprendre les besoins des pays africains et respecter leur autonomie de choisir leur propre modèle de développement conformément à leur priorité nationale, a-t-il insisté.  Il a également appelé à appuyer les efforts de l’Afrique pour maintenir la paix et la sécurité. 

Affirmant défendre le principe de trouver des solutions africaines pour résoudre les problèmes africains, le représentant a également appelé les bailleurs de fonds et les pays développés à répondre aux initiatives des pays africains.  Il faut leur fournir un financement prévisible et soutenu pour les aider à relever les défis du financement du développement, a-t-il indiqué, appelant en outre à réformer le système financier international. À cette fin, il a pressé les pays développés à assumer leur responsabilité en honorant leur engagement en matière d’APD et en soldant la dette historique.  Il a également appelé à lutter contre les actes d’hégémonie, pointant notamment l’imposition de mesures unilatérales coercitives. 

M. SUWEED (Libye) a souligné la nécessité d’harmoniser le Programme 2030 et l’Agenda 2063 en tenant compte des spécificités religieuses, économiques et sociales des différents pays.  Face à la persistance de nombreux défis, les pays développés doivent respecter leurs promesses d’investissements, de renforcement des capacités africaines et de transfert de technologies, en particulier dans le domaine de la sécurité alimentaire, la paix et la sécurité. 

Le délégué a ensuite demandé à l’ONU d’engager des dialogues en vue d’établir des solutions pacifiques pour appuyer le développement de la Libye qui est un pays de transit pour de nombreux migrants.  Le Gouvernement n’est pas en mesure de contrôler ses frontières, a reconnu le représentant, qui a souligné que la migration est un problème international qui ne peut pas être assumé uniquement par les pays de transit comme le sien.  Il a appelé à une coopération entre les pays d’origine, de transit et de destination, insistant en outre sur l’importance de lutter contre la traite des êtres humains. Dénonçant le pillage des ressources financières et naturelles de l’Afrique, le représentant a demandé la restitution des fonds détournés aux pays d’origine.  Il a par ailleurs informé que le Gouvernement d’unité nationale de transition travaille avec des ONG de développement pour appuyer la reconstruction de la ville de Derna.

M. RAJESH PARIHAR (Inde) est revenu sur les défis qui ont impacté les efforts de développement de l’Afrique, citant la pandémie de COVID-19, la hausse des prix du carburant, des engrais et des céréales alimentaires, la crise climatique et les tensions géopolitiques croissantes.  Il s’est également inquiété de l’instabilité politique chronique qui touche plusieurs pays du Sahel, de la Corne de l’Afrique et de l’Afrique centrale, de même que des graves défis en matière de financement, d’énergie et de sécurité alimentaire.  Il a remis en cause la structure des économies africaines, héritée du colonialisme et fortement orientée vers les marchés extérieurs. 

 Face à cette situation, le représentant a appelé à établir des partenariats capables de promouvoir la durabilité économique, sans conditionnalités et conformément aux attentes africaines.  Il a indiqué que l’Inde a accordé des prêts concessionnels de plus de 12,37 milliards de dollars à l’Afrique, avant de rappeler que le Sommet du G20 qui s’est tenu le mois dernier, à New Delhi, a été marqué par l’inclusion historique de l’Union africaine en tant que membre permanent du Groupe. 

M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone) a souligné l’importance de l’allégement et de l’annulation de la dette.  Le service de la dette est de plus en plus insoutenable et continue d’asphyxier les véritables initiatives de développement de l’Afrique, a-t-il signalé. Il a appelé à mobiliser les ressources nationales afin de compléter l’APD dans le processus de développement de l’Afrique.  La mobilisation de financements privés est également importante, a estimé le représentant, notant qu’une économie de marché florissante est marquée par la prépondérance du capital du secteur privé.  Il a aussi exhorté à réduire les flux financiers illicites.  À cet égard, la Sierra Leone a renforcé sa Commission de lutte contre la corruption et créé une agence de lutte contre le blanchiment d’argent.  La mobilisation des ressources nationales est également essentielle pour améliorer l’accès à l’énergie et assurer la sécurité alimentaire en l’Afrique, a-t-il ajouté, insistant en outre sur l’importance de la bonne gouvernance et de fournir les services publics essentiels aux populations.  Au niveau continental, la promotion d’une paix durable et d’un développement durable en Afrique nécessite également un partenariat entre l’ONU et la Commission de l’Union africaine afin d’assurer un financement adéquat, prévisible et flexible par le biais d’une contribution obligatoire pour les opérations de soutien de la paix dirigées par l’UA. 

M. MICHEL TOMMO MONTHE (Cameroun) a rappelé que, quand les chefs d’État et de gouvernement sont venus pour apprécier la mise en œuvre du Programme 2030, ils ont constaté que l’Afrique était la plus en retard dans le cadre de ce Programme qui lui-même accuse déjà un retard.  Mais bien que très malade, l’Afrique n’a pas dormi, a-t-il affirmé, saluant la création de l’Agenda 2063 qui, à son échéance, fera de l’Afrique un acteur majeur dans les relations internationales.  Il a indiqué que la prochaine décennie sera axée sur la finance, la technologie, la science et la recherche, l’énergie et l’agriculture.  Les Africains, eux-mêmes, ont pris à bras le corps ces secteurs, s’est-il félicité, avant de mettre en avant la création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZECLAf).  Il a ensuite appelé les partenaires stratégiques à agir, avant de recommander la création d’une matrice avec des indicateurs précis « pour nous conduire à bon port ». 

M. NEVILLE GERTZE (Namibie) a souligné que l’augmentation du revenu des ménages est essentiel pour lutter contre la pauvreté, atténuer les inégalités et renforcer la résilience économique, sociale et environnementale des sociétés africaines.  Il a appelé à s’attaquer à la faiblesse des systèmes fiscaux et aux flux financiers illicites, à appuyer la coopération fiscale internationale et à assurer la viabilité de la dette.  Il faut faciliter l’accès aux financements extérieurs, notamment par le biais de conditions préférentielles et la réaffectation des droits de tirage spéciaux, a-t-il précisé.  S’agissant des ressources énergétiques, le délégué a plaidé pour un accès aux énergies renouvelables en partenariat avec le secteur privé.  Le Gouvernement namibien est en train de mettre en œuvre cinq projets de ce type en cours de développement d’une valeur de 20 milliards de dollars des États-Unis.  Le développement d’une nouvelle industrie des carburants synthétiques en Namibie n’est pas seulement l’occasion de lutter contre les changements climatiques, mais offre une opportunité pour l’industrialisation du pays, a-t-il affirmé. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité encourage la RDC et l’ONU à élaborer un plan pour le retrait de la MONUSCO, sur lequel il se prononcera avant fin 2023

9437e séance – matin
CS/15443

Le Conseil de sécurité encourage la RDC et l’ONU à élaborer un plan pour le retrait de la MONUSCO, sur lequel il se prononcera avant fin 2023

Le Conseil de sécurité a, ce matin, encouragé le Gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et l’ONU à élaborer « d’ici à novembre » un plan de désengagement complet et des propositions sur la chronologie du retrait progressif et ordonné des contingents de la MONUSCO, la mission des Nations Unies déployée dans ce pays.

Dans une déclaration présidentielle, le Conseil se dit prêt à décider, « d’ici à la fin de 2023 », du retrait « progressif, responsable et durable » de la MONUSCO et des mesures à prendre en priorité pour le mener à bien.

Le Conseil lance également un appel au calme et à une intensification du dialogue entre la RDC et le Rwanda pour faire avancer une paix durable dans la région.  Il exige qu’il soit mis fin à toute nouvelle avancée du M23, visé par des sanctions de l’ONU, et que les engagements pris en faveur du retrait du groupe et de son cantonnement soient immédiatement et pleinement mis en œuvre, comme convenu dans le processus de Luanda.

Le Conseil condamne le soutien apporté au M23 par toutes parties extérieures et exige d’elles qu’elles y mettent un terme et se retirent immédiatement de la RDC.  Il se déclare profondément préoccupé par les informations présentées par le Groupe d’experts sur la RDC concernant l’appui militaire extérieur fourni au M23 et le soutien apporté également aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) par des forces militaires.

La déclaration encourage enfin les autorités congolaises à continuer de mettre en place des processus pacifiques, transparents, inclusifs et crédibles en vue de la tenue des élections prévues en 2023 dans l’ensemble de la RDC, pour faciliter des élections libres et régulières.  Elle engage les autorités du pays à garantir un espace civique libre et demande à toutes les parties de privilégier le dialogue et le consensus.

Le représentant congolais s’est félicité de l’adoption de ce texte après « des négociations difficiles et laborieuses » qui, « heureusement », ont abouti au résultat de « compromis » que constitue cette déclaration présidentielle. Très attendue des populations congolaises, elle déterminera la décision que les membres du Conseil de sécurité prendront au mois de décembre, a-t-il relevé.  Elle permettra aussi d’atténuer les tensions entre elles et la MONUSCO et d’« éviter les dégâts du genre de ceux que nous avons vus au mois d’août », a ajouté le délégué.

 

LA SITUATION CONCERNANT LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Texte du projet de déclaration de la présidence du Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité réaffirme son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’unité et à l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo.

MONUSCO

Le Conseil se félicite des mesures de stabilisation prises par la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), demande de nouveau à toutes les parties de continuer de s’attacher à coopérer pleinement avec la Mission et rappelle qu’il a prié le Secrétaire général de la doter des moyens nécessaires pour s’acquitter de son mandat.

Le Conseil encourage le Gouvernement congolais à continuer de s’acquitter de la responsabilité qui lui incombe avant tout de protéger les civils se trouvant sur son territoire et d’assurer la sûreté et la sécurité du personnel et des biens des Nations Unies.

À cet égard, le Conseil prend bonne note du rapport daté du 2 août 2023 que le Secrétaire général lui a présenté conformément au paragraphe 44 de sa résolution 2666 (2022), ainsi que de la lettre émanant du Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la République démocratique du Congo, Christophe Lutundula Apala Pen’Apala, en date du 1er septembre 2023, sur le retrait accéléré de la MONUSCO à partir de la fin de 2023.

Le Conseil se déclare prêt à décider, d’ici la fin de 2023, de l’avenir de la MONUSCO, de son retrait progressif, responsable et durable et des mesures concrètes et réalistes à prendre en priorité pour mener à bien ce retrait.

Le Conseil encourage le Gouvernement congolais et l’ONU, dans le cadre du groupe de travail conjoint composé du Gouvernement, de la MONUSCO et de l’équipe de pays des Nations Unies, à élaborer d’ici novembre, en coordination avec les parties prenantes concernées, et en s’inspirant des efforts déployés pour réviser le plan commun de transition et conformément aux quatre jalons retenus dans sa version actualisée, à savoir la sécurité, la protection des civils, l’appui aux élections et le Programme de désarmement, de démobilisation, de relèvement communautaire et de stabilisation, un plan de désengagement complet et des propositions sur la chronologie du retrait progressif et ordonné des contingents de la MONUSCO; la réduction progressive des effectifs de la Mission; la définition des modalités pratiques du transfert graduel des responsabilités; l’élaboration du plan opérationnel de mise en place du retrait et la définition des tâches devant être accomplies dans le cadre de la transition de la Mission.

Action menée au niveau régional

Le Conseil lance un appel au calme et à une intensification du dialogue entre la République démocratique du Congo et le Rwanda pour faire avancer une paix durable dans la région.

Le Conseil souligne l’importance de parvenir à un règlement politique de la crise actuelle, réaffirme son appui à l’action menée au niveau régional et demande instamment à tous les groupes armés congolais d’y participer sans conditions.

Le Conseil souligne l’importance de la coordination et de la complémentarité entre les initiatives politiques et militaires mises en œuvre en République démocratique du Congo, notamment avec l’appui du Secrétaire général, de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour la République démocratique du Congo et de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs.

Le Conseil se félicite de l’action menée pour harmoniser et coordonner les initiatives de paix visant à remédier à la situation en République démocratique du Congo, notamment dans le cadre du sommet quadripartite de la Communauté d’Afrique de l’Est, de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et de la Communauté de développement de l’Afrique australe, qui s’est tenu à Luanda le 27 juin sous les auspices de l’Union africaine.

Groupes armés

Le Conseil exige qu’il soit mis fin à toute nouvelle avancée du M23, visé par des sanctions de l’ONU, et que les engagements pris en faveur du retrait du groupe de tous les secteurs occupés et de son cantonnement soient immédiatement et pleinement mis en œuvre, comme convenu dans le processus de Luanda.

Le Conseil condamne le soutien apporté au M23 par toute partie extérieure et exige de toutes ces parties qu’elles y mettent un terme et se retirent immédiatement de la République démocratique du Congo.

Le Conseil condamne également le soutien apporté à certains groupes armés, tels que les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), visées par des sanctions de l’ONU, et exige qu’il y soit mis un terme.

Le Conseil se déclare profondément préoccupé par les informations présentées dans le rapport annuel du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo concernant l’appui militaire extérieur fourni au M23 et le soutien apporté également aux FDLR par des forces militaires.

Le Conseil condamne énergiquement la poursuite des violences et des atteintes aux droits humains par tous les groupes armés, notamment les exécutions sommaires, la violence sexuelle et fondée sur le genre et le recrutement et l’utilisation d’enfants à grande échelle, et demeure vivement préoccupé par l’intensification de la mésinformation et de la désinformation.  Il demande également à tous les acteurs de s’acquitter des obligations que leur impose le droit international, notamment le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, selon qu’il conviendra, et de veiller à ce que les auteurs de violations, et notamment de violence sexuelle dans les situations de conflit et d’après-conflit, aient à répondre de leurs actes.

Élections

Le Conseil encourage les autorités congolaises à continuer de mettre en place, avec l’appui de la MONUSCO, des processus pacifiques, transparents, inclusifs et crédibles en vue de la tenue des élections prévues en 2023, dans le respect de la Constitution et de la loi électorale, dans l’ensemble de la République démocratique du Congo, pour faciliter des élections libres et régulières et garantir la participation pleine, égale, effective et véritable des femmes, à toutes les étapes de ce processus, tant des candidates que des électrices.  Il engage la République démocratique du Congo à garantir un espace civique libre et demande à toutes les parties de privilégier le dialogue et le consensus.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Troisième Commission: débat nourri au sujet du projet de pacte international sur le droit au développement

Soixante-dix-huitième session,
20e et 21e séances plénières – matin & après-midi
AG/SHC/4383

Troisième Commission: débat nourri au sujet du projet de pacte international sur le droit au développement

La question du droit au développement a mobilisé, aujourd’hui, l’attention de la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, dont les débats ont été dominés par l’état d’avancement d’un instrument juridiquement contraignant consacrant ce droit. 

Ouvrant le dialogue interactif combiné, le Président-Rapporteur du Groupe de travail intergouvernemental sur le droit au développement s’est félicité du fait que le Conseil des droits de l’homme ait soumis hier pour adoption le projet de pacte international sur le droit au développement à l’Assemblée générale. 

Plaidant pour l’adoption la plus rapide possible de ce pacte, M. Zamir Akram a estimé que cette norme doit être élevée au rang d’instrument juridique contraignant au même titre que les autres droits humains, après avoir rappelé que son groupe travaille sur ce projet depuis 2019. 

« Mon objectif a été d’assurer l’acceptation la plus large possible du projet de traité, en n’imposant pas de nouvelles obligations », a-t-il expliqué, soulignant que ce droit est unanimement reconnu dans les documents finaux de nombreuses conférences majeures, notamment la Déclaration et Programme d’action de Vienne et le Programme 2030. 

Rappelant les obstacles rencontrés depuis la Déclaration sur le droit au développement de 1986, il a toutefois fait état de différences idéologiques entre le Nord et le Sud, certains pays du Nord ne reconnaissant tout simplement pas ce droit comme un droit humain, d’autres estimant qu’il était individuel et non collectif, ou relevant des États et non du droit international.  Il a également signalé que certains pays du Nord n’avaient pas participé à l’élaboration du texte. 

Le droit au développement est central pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD), a cependant souligné le Rapporteur spécial sur le droit au développement, qui a regretté que celui-ci ne soit pas effectif pour des millions de personnes dans le monde.  Au chapitre des recommandations, M. Surya Deva s’est concentré sur le rôle indispensable des entreprises dans la réalisation du droit au développement, tout en mettant en garde contre les pratiques commerciales qui le sapent, comme l’évasion fiscale et l’exploitation des travailleurs migrants.  Il a également appelé à un changement fondamental dans le rôle et la place des entreprises dans la société, ainsi qu’à l’imposition d’obligations contraignantes en matière de droits humains, insistant en outre sur la nécessité de réformer l’architecture juridique actuelle qui, a-t-il affirmé, facilite les abus. 

Dans le même ordre d’idées, la Présidente-Rapporteuse du Mécanisme d’experts chargé de la question du droit au développement a recommandé d’ancrer l’aide au développement dans les principes normatifs du droit au développement afin de traiter les causes profondes des conflits.  Le droit au développement, a expliqué Mme Liliana Valiña, soutient un système de mesure qui inclut des indicateurs pour toutes les dimensions du développement: civile, culturelle, économique, politique, sociale et environnementale.  Appelant à la réforme du système financier international, elle a recommandé d’augmenter les prêts et de réformer l’architecture de la dette souveraine, qui ne permet pas aux pays en développement de surmonter leurs vulnérabilités financières.  Cette réforme est le fondement du processus de développement, a acquiescé le Mali. 

La question du droit au développement a largement dominé le dialogue interactif de la matinée. L’égalité entre les grands types de droits humains a été rappelée par plusieurs délégations, dont le Zimbabwe.  Elle aussi soucieuse de promouvoir le droit au développement, la Chine a appelé à l’intégrer dans l’ensemble du système de l’ONU. Au nom du Mouvement des pays non alignés, l’Azerbaïdjan a quant à lui exhorté les mécanismes de l’ONU chargés des droits humains à faire de la mise en œuvre du droit au développement une priorité, renouvelant sa proposition de convoquer une conférence internationale de haut niveau sur le sujet. 

Autre préoccupation largement répandue, la question de l’impact négatif des mesures coercitives unilatérales sur le droit au développement a notamment été soulevée par Cuba, le Venezuela, le Bélarus, le Zimbabwe, la République arabe syrienne, l’Iran et la Chine, le Nicaragua rappelant pour sa part que plus de 30 pays étaient concernés.  À ce propos, M. Akram a fait savoir que l’article 14 du projet demandait aux États de s’abstenir d’adopter, de maintenir ou d’appliquer de telles mesures. 

La Fédération de Russie a fait valoir que le droit au développement constituait une réponse à l’exploitation coloniale.  Un constat partagé par Cuba qui a affirmé que les pays développés ont une responsabilité historique à assumer face au degré de développement d’autres pays en raison de « siècles d’exploitation et de colonialisme contre leurs peuples et leurs ressources ». 

« C’est un appel aux États qui ont bénéficié du cours de l’histoire pour qu’ils aident d’autres pays, non par charité mais comme un engagement en faveur de la stabilité sociale », a avancé l’Afrique du Sud, interrogeant les titulaires de mandat sur la possibilité de considérer la stabilité humaine comme indicateur alternatif à la croissance économique. 

Dans l’après-midi, les délégations ont dialogué avec le Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, qui a attiré l’attention sur les violations des droits humains commises dans le contexte des programmes de transition énergétique, ainsi qu’avec la Rapporteuse spéciale sur le droit à la vie privée qui s’est inquiétée de l’omniprésence de l’intelligence artificielle dans nos sociétés.  Le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage a également participé à la discussion en s’attardant sur le rôle ambivalent de la technologie en tant qu’instrument à la fois de facilitation et de prévention des formes contemporaines d’esclavage. 

La Troisième Commission poursuivra son examen de la situation des droits humains, lundi 16 octobre à partir de 10 heures.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS (A/78/198)

Déclarations liminaires des titulaires de mandats au titre d’une procédure spéciale et d’autres experts, suivies d’un dialogue interactif

Exposés

M. ZAMIR AKRAM, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement, a rappelé que le mandat du Groupe était d’examiner les progrès réalisés dans la promotion de ce droit, d’identifier les obstacles rencontrés et de formuler des recommandations.  Depuis 2019, sa priorité est de négocier un instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement, a-t-il indiqué, précisant que la version finale avait été proposée au Conseil des droits de l’homme lors de sa cinquante-quatrième session en septembre dernier.  Il s’est félicité que le Conseil ait suivi sa recommandation et, annexant le texte à sa résolution sur le droit au développement adopté hier, l’ait soumis à l’Assemblée générale.  Mon objectif a été d’assurer l’acceptation la plus large possible du projet de traité, en utilisant le libellé accepté dans les instruments internationaux pertinents et en n’imposant pas de nouvelles obligations, a-t-il expliqué, ajoutant que l’aspect essentiel de ce projet était sa nature purement volontaire. 

Il a par ailleurs indiqué que plusieurs États Membres avaient souhaité que ce projet soit qualifié de « pacte », tout en faisant observer que, sur le plan juridique, il n’y avait pas de différence entre un pacte et une convention.  Toutefois, l’emploi du terme « pacte » souligne qu’il n’y a pas de hiérarchie entre les droits humains et que le droit au développement doit être traité sur le même pied et avec la même importance que les deux autres catégories de droits de la personne, tels que consacrés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le Président-Rapporteur a souhaité que le projet de pacte international sur le droit au développement soit adopté par l’Assemblée générale dès que possible. Il a rappelé que la Déclaration sur le droit au développement a été adoptée, en 1986, et que ce droit était unanimement reconnu dans les documents finaux de nombreuses conférences majeures, notamment la Déclaration et Programme d’action de Vienne et le Programme 2030.  Cette norme doit être élevée au rang d’instrument juridique contraignant au même titre que les autres droits humains, a-t-il insisté.  « Il est temps de passer à l’action. » 

Mme LILIANA VALIÑA, Présidente-Rapporteuse du Mécanisme d’experts chargé de la question du droit au développement, a recommandé que l’aide au développement soit ancrée dans les principes normatifs du droit au développement afin de traiter les causes profondes des conflits.  Selon elle, cela suppose plusieurs conditions, notamment la participation et la contribution des secteurs marginalisés et vulnérables de la société, la réalisation d’évaluations de l’impact sur les droits humains, une approche sexospécifique et l’absence de conditionnalité de l’aide. 

Le droit au développement, a poursuivi Mme Valiña, soutient un système de mesure qui inclut des indicateurs pour toutes les dimensions du développement: civile, culturelle, économique, politique, sociale et environnementale.  Un tel système devrait, à ses yeux, surveiller non seulement les ressources nationales, mais aussi l’aide extérieure qu’un État fournit ou reçoit, permettre aux détenteurs de droits de suivre leur propre voie de développement et laisser une marge d’adaptation locale.  Il devrait, en outre, avoir accès à des données sur les groupes qui sont actuellement les moins à même de participer à la distribution équitable des bénéfices résultant du développement et s’assurer qu’il sera utilisé pour contribuer à un environnement international favorable à la réalisation du droit au développement, a-t-elle expliqué. 

Abordant la réforme du système financier international, la Présidente-Rapporteuse a recommandé, entre autres mesures, d’augmenter les prêts, y compris les financements concessionnels des banques multilatérales et régionales de développement.  Elle a également appelé de ses vœux une réforme de l’architecture de la dette souveraine, arguant qu’en l’état, celle-ci ne permet pas aux pays en développement de surmonter leurs vulnérabilités financières.  Autre recommandation: les échanges de dettes liés à la protection de l’environnement ou toute nouvelle mesure incluant la taxation de l’économie numérique et des incitations pour que le secteur privé mobilise les investissements nécessaires. 

Pour ce qui est du principe d’équité intergénérationnelle, Mme Valiña a préconisé de concevoir des forums qui agissent comme des fiduciaires pour les générations futures et d’écouter les voix et les aspirations des jeunes, rappelant que ces derniers vivent principalement dans les pays en développement. Elle a appelé aussi à s’attaquer aux changements climatiques et à d’autres secteurs critiques qui affecteront le bien-être des générations futures, étant donné que la plupart de ces personnes naîtront dans des pays où les revenus sont actuellement faibles ou moyens. 

Enfin, en vue d’améliorer la participation des jeunes, la Présidente-Rapporteuse a recommandé de les inclure en tant que chefs de projet, y compris dans les accords de coopération internationale.  Elle a aussi plaidé pour le renforcement ou la création de nouveaux mécanismes, notamment de plateformes numériques, à tous les échelons, et pour l’octroi d’un soutien financier aux fins d’accroître les capacités de participation des jeunes, dans le cadre de processus sûrs et transparents, prévoyant des mécanismes de retour d’information adéquats.

M. SURYA DEVA, Rapporteur spécial sur le droit au développement, a insisté sur l’importance cruciale du droit au développement, « central pour atteindre les ODD », regrettant qu’il ne soit pourtant pas effectif pour des millions de personnes à travers le monde.  Selon son rapport présenté au Conseil des droits de l’homme le mois dernier (A/HRC/54/27), six défis entravent la pleine réalisation de ce droit, nécessitant des stratégies ciblées pour les surmonter. 

Le Rapporteur s’est concentré sur le rôle indispensable des entreprises dans la réalisation du droit au développement -en construisant des maisons, en offrant des services bancaires, ou en créant des opportunités d’emploi, entre autres- tout en mettant en garde contre les pratiques commerciales qui le sapent, comme l’évasion fiscale ou l’exploitation des travailleurs migrants. Il a donc proposé une feuille de route pour exploiter positivement la contribution des entreprises tout en minimisant leurs impacts négatifs.  Celles-ci peuvent, a-t-il énuméré, verser un salaire décent aux travailleurs, combler le fossé numérique, payer des impôts, faire progresser l’égalité réelle entre les sexes, respecter les droits culturels des peuples autochtones et faciliter la participation des citoyens aux processus de prise de décisions. 

M. Deva a ensuite critiqué les modèles commerciaux actuels pour leur incompatibilité avec une compréhension holistique du droit au développement.  Il a appelé à un changement fondamental dans le rôle et la place des entreprises dans la société, avançant trois éléments pour ce changement: repenser le but des entreprises dans la société, changer les modèles commerciaux irresponsables et aller au-delà de l’approche consistant à « ne pas nuire ».  Les États et les organisations de la société civile ont un rôle essentiel à jouer pour soutenir cette évolution fondamentale, a-t-il ajouté.  Le Rapporteur a ainsi appelé à la création d’obligations contraignantes en matière de droits humains pour les entreprises et a insisté sur la nécessité de changer l’architecture juridique actuelle qui facilite les abus.  Enfin, il a exhorté la communauté internationale à adopter le projet de pacte sur le droit au développement le plus rapidement possible. 

Dialogue interactif

À la suite de ces présentations successives, le Brésil a rappelé que l’élimination de la pauvreté représente un élément crucial pour le développement durable, avant d’appuyer les négociations sur une convention censée protéger le droit au développement en tant que droit humain.  S’exprimant au nom du Groupe des États d’Afrique, la Tunisie a, pour sa part, indiqué que le Conseil des droits de l’homme a adopté, hier, une résolution (A/HRC/54/L.27) par laquelle il décide de soumettre à l’Assemblée générale, « pour examen, négociation puis adoption », un projet d’instrument juridiquement contraignant, intitulé « projet de pacte international sur le droit au développement ». 

Affirmant que le droit au développement est essentiel pour parvenir aux droit économiques, sociaux, culturels et politiques, le Pakistan a demandé aux trois titulaires de mandat d’expliquer comment la réalisation du droit au développement permettra d’atteindre les objectifs de développement durable (ODD).  La délégation a également souhaité que soit développée la question des instruments contraignants existants.  Même son de cloche du côté du Cameroun, qui a souhaité recueillir les impressions de M. Akram sur le processus d’élaboration du « pacte international sur le droit au développement ».  Après avoir exprimé son soutien à ce processus, la Malaisie a voulu obtenir des précisions sur la meilleure manière de rendre effectif le droit au développement.

De son côté, la Fédération de Russie a fait valoir que le droit au développement constitue une réponse au passé et à l’exploitation coloniale de certains pays, avant de s’enquérir des mesures supplémentaires que l’ONU peut prendre pour assurer la pleine application du droit au développement. Le constat dressé par la délégation russe a été partagé par l’Afrique du Sud, qui a souligné que le droit au développement repose sur le principe de responsabilité partagée.  « C’est un appel aux États qui ont bénéficié du cours de l’histoire afin qu’ils aident d’autres pays, non par charité mais comme un engagement en faveur de la stabilité sociale », a expliqué la délégation sud-africaine, qui a ensuite interrogé les titulaires de mandat sur la possibilité d’inclure la stabilité humaine dans les activités humaines en alternative à la seule mesure du produit national brut (PNB).

La Chine a appuyé, à son tour, la création d’une convention sur le droit au développement, appelant à intégrer ce droit humain dans tout le système des Nations Unies.  Elle a souhaité savoir dans quelle mesure il est possible de renforcer la position du droit au développement dans la convention et dans d’autres instruments. De plus, la délégation a exprimé son opposition résolue aux mesures coercitives unilatérales imposées aux pays en développement.  Le Zimbabwe a, lui aussi, interpellé M. Akram sur les répercussions des mesures coercitives unilatérales, avant de réaffirmer l’importance du droit au développement dans la « quête collective du développement durable ». Sur un mode plus offensif, Cuba a jugé inadmissible que le droit au développement soit « réduit au minimum par certains et méconnu par d’autres ».  Les pays développés ont une responsabilité historique dans le degré de développement d’autres pays en raison des « siècles d’exploitation et de colonialisme contre leurs peuples et leurs ressources », a martelé la délégation.  Elle a également appelé à mettre un frein aux mesures coercitives unilatérales, qui sont un « affront aux droits des peuples » et constituent un obstacle au droit au développement.  Un avis partagé par le Venezuela et le Bélarus.

Après avoir salué les progrès réalisés dans la conception d’un instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement, le Bangladesh a interrogé les titulaires de mandat sur les façons d’augmenter les ressources des pays en développement, insistant sur l’aide publique au développement (APD), la coopération économique et l’émission de droits de tirage spéciaux (DTS).  L’Union européenne a rappelé, à cet égard, qu’elle contribue à l’aide au développement mondiale à hauteur de 46%.  S’agissant de la responsabilité sociale des entreprises, également évoquée par le Bangladesh, elle a souligné que les entreprises ont le devoir de protéger les droits humains.  Elle a souhaité obtenir des exemples de bonnes pratiques sur ce point.  L’Égypte a, quant à elle, demandé si les entreprises biomédicales ont bien respecté leur devoir de fournir un accès aux technologies médicales, comme mentionné dans les rapports. 

L’Indonésie a ensuite insisté sur l’importance de la participation de tous et le besoin de changer les paradigmes en matière de droit au développement.  Une approche partagée par le Nicaragua, qui a défendu la nécessité de créer un nouveau modèle économique international fondé sur l’inclusion et la solidarité, l’équité, la justice sociale et l’élimination de la pauvreté.  Se disant convaincue que les entreprises peuvent apporter leur contribution à la matérialisation du droit au développement, la délégation a exhorté les pays développés à tenir leurs engagements historiques en la matière. Elle a également pointé les mesures coercitives unilatérales illicites imposées à plus de 30 pays, qui constituent l’un des principaux obstacles au développement.  Sur cette même ligne, la République islamique d’Iran a insisté sur les effets dévastateurs de ces mesures.  « Si les pays qui les imposent y étaient confrontés, ils comprendraient les impacts catastrophiques de leurs actes », a renchéri la République arabe syrienne.

Revenant sur le projet d’instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement, l’Arabie saoudite a vivement souhaité que les États Membres parviennent à un consensus.  Saluant la dynamique internationale dans ce sens, elle a rappelé l’importance de son fonds pour le développement, lequel a accordé plus de 700 prêts à plus de 80 pays pour la réalisation de leurs objectifs de développement durable (ODD). À cette aune, elle a voulu savoir quels sont les meilleurs moyens d’apporter une assistance en tenant compte des priorités et programmes au développement des différents pays.  Au nom du Mouvement des pays non alignés, l’Azerbaïdjan a quant à lui exhorté les mécanismes des Nations Unies chargés des droits de l’homme à garantir la mise en œuvre du droit au développement en tant que priorité, notamment via l’élaboration d’une convention sur le droit au développement.  Il a, d’autre part, renouvelé la proposition du Mouvement d’œuvrer à la convocation d’une conférence internationale de haut niveau parrainée par les Nations Unies sur le droit au développement. 

Prenant à son tour la parole, l’Algérie a affirmé vouloir construire une économie productive en veillant au développement durable et à la préservation de l’environnement.  À cette fin, elle a dit n’épargner aucun effort sur la voie de la réalisation des ODD avant la date butoir de 2030.  La délégation a ainsi rappelé qu’en 2020, son pays a réservé une enveloppe d’un milliard de dollars pour la mise en œuvre de projets de développement dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’accès à l’eau et aux infrastructures dans la région du Sahel.  Considérant pour sa part que la réforme de l’architecture financière est le fondement du processus de développement, le Mali a souhaité savoir comment il serait possible de faire adhérer les institutions financières internationales à cette approche. 

Reprenant la parole, le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement a indiqué que le projet de pacte en cinq parties et 39 articles était disponible sur le site Internet du HCDH.  Il a indiqué que l’article 14 demandait aux États de s’abstenir d’adopter, de maintenir ou d’appliquer des mesures coercitives unilatérales.  Il a insisté sur le principe d’adhésion volontaire, notant qu’une telle approche permet d’exercer des pressions morales tout en écartant l’idée de pointer du doigt certains États. 

Abordant les obstacles rencontrés depuis l’adoption, en 1986, de la Déclaration sur le droit au développement, le Président-Rapporteur a évoqué les différences idéologiques entre le Nord et le Sud, certains pays du Nord ne reconnaissant pas le droit au développement comme un droit humain.  D’autres estiment, en outre, que ce droit est individuel et non collectif et qu’il relève des États et non du droit international, a-t-il ajouté. Il a fait savoir que certains pays du Nord n’avaient pas participé à l’élaboration du texte, et qu’un consensus n’avait pas pu être trouvé, mais que le Groupe avait pris en compte leurs préoccupations.  Il a également souligné que le projet de pacte était basé sur un corpus de textes juridiques déjà existants et largement acceptés.  Il a demandé que le projet soit lu, estimant que cela contribuera à un soutien accru envers le pacte. 

Lui emboîtant le pas, la Présidente-Rapporteuse du Mécanisme d’experts chargé de la question du droit au développement a souligné que le droit au développement renforce la capacité des États à matérialiser leurs efforts en termes de droits humains.  C’est pourquoi le Mécanisme s’efforce de contribuer au renforcement des capacités nationales.  Elle a insisté sur l’importance de travailler sur des principes fondamentaux, comme la participation libre et active de tous les acteurs, notant que le manque d’appui des communautés concernées entraîne l’échec des efforts investis par les organisations intergouvernementales.  La consultation n’est donc pas seulement bénéfique pour les communautés elles-mêmes, mais pour tous les acteurs du développement, a-t-elle souligné. 

Abordant la réforme de l’architecture financière internationale, la Présidente-Rapporteuse a estimé que les effets de la dette sur le droit au développement doivent être examinés à l’aune du contexte de chaque État.  Les institutions financières internationales peuvent apporter des bénéfices concrets et réels aux populations, a-t-elle ajouté.  Elle a également insisté sur l’importance de la participation de la société civile aux réunions du Mécanisme, notant qu’une grande partie des travaux accomplis reposent sur ses observations sur des questions telles que la justice climatique.

À son tour, le Rapporteur spécial sur le droit au développement, a d’abord encouragé les entreprises, notamment celles de réseaux sociaux, à se saisir pleinement du principe de diligence voulue et à y investir davantage de ressources, afin d’éviter, par exemple, le harcèlement de certains groupes. Dans le même contexte, il a cité le droit à l’eau parfois menacé par des entreprises qui fabriquent des boissons ou qui pratiquent l’agriculture intensive, et auxquelles le principe de diligence voulue pourrait s’appliquer. 

Sur la question de la coopération entre les États et les entreprises, il a avancé que des réglementations obligatoires en matière de droits humains sont nécessaires, mais que les entreprises peuvent aussi répondre à des incitations fiscales pour adopter de bonnes pratiques.  En ce qui concerne la santé publique spécifiquement, il a critiqué le monopole des technologies médicales par le secteur privé, et, donnant l’exemple des vaccins contre la COVID-19, a défendu « l’obligation morale » de partager ces technologies. 

Passant à l’économie des droits humains, il a affirmé que le modèle actuel suscitait trop d’inégalités, appelant à aller « au-delà du PIB ».  À la question d’identifier le meilleur moyen de fournir l’aide publique au développement, il a plaidé pour une écoute attentive des besoins spécifiques de chaque pays.  Il a en outre élargi la notion de ne laisser personne de côté aux animaux et aux plantes, soulignant ainsi une vision écosystémique du développement. 

Pour ce qui est de l’espace de participation, le Rapporteur spécial a appelé tous les gouvernements à respecter la société civile, même lorsqu’ils ne sont pas d’accord avec elle.  Il a également insisté sur l’importance d’un développement participatif, où les personnes à la base sont impliquées à chaque étape de la prise de décisions, faisant une distinction claire entre « participation » et « consultation ». 

Répondant aux pays qui dénoncent l’unilatéralisme, il a estimé que les sanctions unilatérales sont une déviation du droit international, exhortant à revenir à la Charte des Nations Unies et à chercher le consensus, « ce qui aura pour effet de rendre les sanctions caduques ». 

Enfin, il a prédit que le pacte international sur le droit au développement pourrait être adopté d’ici à 2026, coïncidant avec le quarantième anniversaire de la Déclaration sur le droit au développement, insistant sur l’importance de la gouvernance et des compétences techniques pour mettre en œuvre ce pacte dans les politiques nationales. 

Exposé

M. DAMILOLA OLAWUYI, Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, a déclaré avoir exploré, dans le cadre de son rapport intitulé « Secteur extractif, transition juste et droits humains », les facteurs conduisant à des violations des droits humains dans le contexte des programmes de transition énergétique.  Il a dit avoir examiné le meilleur moyen pour les États, les entreprises, les investisseurs et les autres parties prenantes du secteur extractif de concevoir et de mettre en œuvre des programmes de transition énergétique justes, inclusifs et fondés sur les droits humains au regard des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits humains.

Le Président du Groupe de travail a noté que, depuis l’adoption de l’Accord de Paris en 2015, un nombre croissant de parties prenantes dans le monde ont annoncé des engagements et des plans pour mettre en œuvre des programmes de transition énergétique.  Il a toutefois exprimé la crainte que ces engagements ne viennent exacerber davantage les violations des droits humains liées aux entreprises, comme cela a déjà été vérifié dans certains pays.  Parmi les violations évoquées, M. Olawuyi a mentionné les déplacements forcés, le travail des enfants, l’esclavage moderne, la discrimination ou encore la pollution de l’environnement. 

Il a, par conséquent, recommandé aux États de saisir la transition énergétique en cours comme une opportunité pour promouvoir des lois et des politiques cohérentes et tenir les entreprises et les investisseurs pour responsables des violations des droits humains tout au long de la chaîne de valeur.  Une transition juste nécessitera également une forte coordination aux niveaux international, régional, national et local, a-t-il fait valoir, appelant les États à remplir leurs obligations extraterritoriales, car « tenter de respecter les engagements internationaux en matière de climat au niveau national ne peut justifier l’ignorance des violations des droits humains dans les États où se déroulent les activités extractives ».  Lorsqu’ils négocient de nouveaux contrats, concessions ou accords bilatéraux dans le secteur extractif ou qu’ils réforment les accords existants, les États doivent, selon lui, conserver une marge de manœuvre nationale suffisante afin de remplir leurs obligations en matière de droits de l’homme en vertu du droit international.

Après avoir passé en revue les défis actuels, ainsi que des pratiques émergentes mises en évidence dans ce contexte, le Président du Groupe de travail a évoqué un plan d’action pour garantir que tous les programmes de transition énergétique existants et futurs soient compatibles avec les normes et standards internationaux en matière de droits humains.  Saluant à cet égard l’adoption d’un cadre réglementaire clair et complet pour atteindre les objectifs de transition énergétique fondés sur les droits humains, il a incité les États à réviser les politiques fiscales actuelles liées au secteur de l’extraction afin de garantir le respect du droit au partage des bénéfices entre les communautés affectées. 

S’agissant des entreprises, M. Olawuyi leur a suggéré de veiller à ce que tous leurs programmes de transition énergétique existants et futurs soient compatibles avec les obligations internationales en matière de droits humains.  Il les a en outre invitées à aligner leurs pratiques commerciales, politiques, processus, structures de gouvernance et décisions sur les objectifs de l’Accord de Paris.  Tout en leur enjoignant d’éviter « l’écoblanchiment » et les allégations trompeuses sur les programmes de transition énergétique, le Président du Groupe de travail a demandé aux entreprises d’assurer une consultation efficace et significative avec tous les titulaires de droits concernés, notamment en garantissant le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones. 

Dialogue interactif 

Dans la foulée de cet exposé, les États-Unis ont appelé à une coopération multipartite pour créer un environnement qui minimise les effets négatifs de l’environnement sur les droits humains.  Ils ont ensuite souhaité savoir comment le Groupe de travail va assurer la participation des communautés autochtones pour favoriser un monde plus durable et plus juste. Souscrivant aux conclusions du rapport concernant le rôle des États et des entreprises dans l’accomplissement d’une transition énergétique juste, l’Union européenne a voulu connaître les principes à inclure dans le cadre réglementaire pour que la transition énergétique soit juste et efficace.  Comment tenir les entreprises responsables de leurs actions dans le contexte de transition énergétique?, a demandé la délégation européenne. 

De manière connexe, l’Irlande, après avoir exprimé son adhésion au principe de « tolérance zéro » face aux représailles, a souhaité savoir comment les États peuvent appuyer les entreprises en matière de droits humains. Elle a été rejointe en ce sens par le Pakistan et la Suisse, laquelle a demandé à M. Olawuyi si le Groupe de travail prévoit des activités spécifiques pour promouvoir le partage des bonnes pratiques mises en évidence dans le rapport.  La France a, pour sa part, rappelé qu’elle soutient activement les discussions visant à la création d’un instrument juridiquement contraignant universel sur les entreprises et les droits de l’homme. Elle a voulu en savoir plus sur la contribution que le Groupe de travail peut apporter à la poursuite d’une transition énergétique juste et au respect des droits humains dans le secteur des industries extractives. 

À la suite de la Chine, qui a appelé les sociétés transnationales opérant dans les pays en développement à respecter et protéger les droits humains, le Cameroun a regretté que le rapport de M. Olawuyi se montre « peu favorable aux pays où sont menées des activités extractives ». Il a par ailleurs demandé au Président du Groupe de travail un exemple de pays ayant adopté un programme de transition énergétique en Afrique.  De son côté, la Fédération de Russie a souhaité que cette discussion ne soit pas un prétexte pour faire obstacle au développement économique des États. Selon elle, le lien entre les questions de droits humains et d’environnement est « infondé et largement artificiel ».  Jugeant que l’objectif principal du rapport de M. Olawuyi doit être de prévenir les conséquence négatives des activités des entreprises sur les droits humains, elle s’est prononcée pour un renforcement des mécanismes internationaux existants. 

Réagissant aux remarques et questions des délégations, le Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises a évoqué, en premier lieu, les actions que peuvent entreprendre les États.  Ceux-ci doivent adopter des plans nationaux et créer des cadres réglementaires clairs, qui concilient droits humains et efforts de promotion de la transition énergétique, a-t-il dit.  Cela implique aussi de réexaminer les accords et les politiques budgétaires déjà existants, pour faire en sorte qu’ils ne mettent à mal ni les efforts visant à promouvoir la transition énergétique ni les droits humains, a-t-il expliqué. M. Olawuyi a indiqué que nombre de recommandations du rapport sont adressées aux entreprises pour qu’elles inscrivent la transition énergétique dans le respect des droits humains.  À ce titre, les entreprises doivent éviter de faire de fausses affirmations sur leurs programmes et, au contraire, fournir des rapports clairs et objectifs.  Elles doivent en outre s’assurer que leurs pratiques sont conformes aux objectifs de l’Accord de Paris, a-t-il ajouté. 

S’agissant des impacts sur les peuples autochtones, le Président du Groupe de travail a appelé à associer toutes les parties prenantes pour garantir en amont une consultation éclairée sur les incidences des activités économiques sur le droit à un environnement propre.  D’une manière générale, a-t-il précisé, nous attendons des entreprises qu’elles fassent davantage pour contribuer au développement de la société, en mettant les personnes au-dessus des profits. 

Après avoir fait état de sa collaboration étroite avec le Rapporteur spécial sur le droit au développement, qui, jusqu’à l’an passé, était membre du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, M. Olawuyi a évoqué la situation du continent africain, regrettant que seuls trois États –l’Ouganda, le Nigéria et le Kenya– aient adopté des plans nationaux sur les entreprises et les droits humains.  Il a encouragé les autres pays de la région à les imiter.  Il a enfin remercié les membres de la société civile, notamment les syndicats et les représentants des peuples autochtones, pour leurs contributions, avant d’indiquer qu’il se rendra, en 2024, en Colombie et en Tunisie. 

Exposé

M. TOMOYA OBOKATA, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, s’est concentré sur le rôle ambivalent de la technologie en tant qu’instrument à la fois de facilitation et de prévention des formes contemporaines d’esclavage.  Les réseaux sociaux, salles de forum de discussions ou autres plateformes sont fréquemment utilisés par les recruteurs et exploiteurs afin d’instaurer une confiance avec les victimes, en particulier les femmes économiquement défavorisées, les migrants et les jeunes, a expliqué le Rapporteur, qui a également évoqué les annonces d’emploi en ligne fallacieuses.   

Néanmoins, il a reconnu le potentiel de certaines technologies comme l’intelligence artificielle et la technologie de la chaîne de blocs pour lutter contre ces formes d’exploitation.  L’intelligence artificielle permet notamment d’analyser de multiples sources de données pour débusquer des situations d’exploitation au travail et des itinéraires de traite humaine, a-t-il fait valoir.  En outre, la technologie de la chaîne de blocs peut augmenter la transparence des chaînes d’approvisionnement, tandis que la télédétection par satellite offre un moyen de surveiller des zones où les inspections du travail sont difficiles à mener.  « La technologie n’est cependant pas une panacée », a prévenu le Rapporteur spécial.  Soulignant la nécessité de s’attaquer aux causes profondes comme la pauvreté et l’inégalité, il a insisté sur l’importance de la protection des données et de la réduction du fossé numérique. 

Il a appelé à une révision régulière des réponses légales aux formes contemporaines d’esclavage, en tenant compte des avancements technologiques.  Il a également plaidé pour un dialogue international sur les normes techniques et pour une collaboration multisectorielle afin de concevoir des solutions technologiques efficaces.  Enfin, il a encouragé les gouvernements ainsi que les entreprises technologiques de toutes tailles à adopter des mesures obligatoires et autres formes de diligence raisonnable en matière de droits humains dans leurs opérations commerciales. 

Dialogue interactif

Après cet exposé, le Royaume-Uni a souligné l’importance de la législation pour combattre l’exploitation en ligne, particulièrement celle des femmes et des filles, et s’est réjoui que des données statistiques et des outils comme l’intelligence artificielle puissent être utilisés pour prévenir l’esclavage moderne.  L’Australie a renchéri en mettant l’accent sur la coopération régionale et la consultation des victimes, avant de demander des exemples de gouvernements qui collaborent efficacement avec les entreprises technologiques. 

Le Japon a voulu connaître l’avis du Rapporteur sur la possible création par l’ONU d’un nouvel organisme international qui serait chargé de régir l’utilisation de l’intelligence artificielle face à des risques potentiellement catastrophiques et existentiels.  Que pourraient faire les États et les entreprises technologiques pour développer des solutions technologiques simples et conviviales, destinées à lutter contre l’esclavage moderne, s’est, de son côté, enquise l’Union européenne, en insistant sur l’accessibilité de tels outils aux enfants et aux adolescents.  Le Liechtenstein s’est concentré sur le suivi financier pour appréhender les auteurs de crime, tandis que le Chili a souligné le rôle crucial des entreprises technologiques, en complément des États, dans la prévention de l’esclavage moderne. 

La Fédération de Russie, de son côté, a soutenu une approche multidimensionnelle, notant que le problème n’est pas forcément lié à des technologies intrinsèquement « mauvaises », mais plutôt sur des utilisateurs malintentionnés.  Elle a appelé à une réglementation législative des technologies de l’information, insistant en outre sur l’importance de former les forces de l’ordre à ces défis particuliers.  La Chine a reproché aux États-Unis de ne pas avoir ratifié certaines conventions, notamment celle sur le travail des enfants, alors que 500 000 enfants sont toujours exploités, notamment aux États-Unis.  Par ailleurs, plus de 70% des personnes en détention aux États-Unis travaillent dans des prisons privées, pour de très faibles salaires, a dénoncé la délégation qui a demandé une enquête internationale sur le sujet. 

« Les États-Unis condamnent l’esclavage sous toutes ses formes. Point barre », a clarifié le représentant américain, avant de noter que des millions de personnes sont victimes de la traite humaine à des fins sexuelles ou professionnelles.  Il a insisté sur la nécessité de s’attaquer aux moteurs de la vulnérabilité, tels que la pauvreté et la discrimination et s’est demandé comment les États pouvaient mieux intégrer l’analyse des données pour traquer les nouveaux esclavagistes. 

Concernant la façon d’établir un équilibre entre risques et avantage des technologies, le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences a appelé à travailler de près avec les entreprises et les experts technologiques pour identifier les risques qui pourraient aboutir à des formes contemporaines d’esclavage moderne. Il faut demander aux entreprises de mettre au point des outils pour détecter et prévenir ces pratiques, a expliqué le Rapporteur spécial qui a également conseillé de travailler avec les universitaires et la société civile.  À cet égard, il a mis en avant une initiative asiatique analysant la manière dont les technologies peuvent contribuer à la prévention, ainsi qu’un projet de l’Union européenne qui examine la façon dont la technologie peut protéger les droits des victimes des formes modernes d’esclavage 

Il a également soutenu l’appel lancé par le Secrétaire général en faveur d’une initiative mondiale sur l’intelligence artificielle, insistant sur l’importance d’une gouvernance multipartite pour aborder la problématique de la protection des victimes, entre autres.  L’intelligence artificielle peut être utilisée pour déformer les transactions financières mais aussi protéger la vie privée et combattre les formes contemporaines d’esclavage, a noté le Rapporteur. 

Exposé

Mme ANA BRIAN NOUGRÈRES, Rapporteuse spéciale sur le droit à la vie privée, a tout d’abord relevé l’omniprésence de l’intelligence artificielle dans nos sociétés, depuis les appareils mobiles du quotidien jusqu’aux systèmes de gestion d’entreprise les plus complexes.  Cette présence grandissante est source d’opportunités mais aussi de défis, a-t-elle expliqué, mettant notamment en garde contre la prise de décisions biaisées, non transparentes ou incorrectes.  Face à ces dangers, « conformons l’intelligence artificielle aux droits humains », a exhorté la Rapporteuse spéciale.  Et même si l’intelligence artificielle permet de collecter, stocker, analyser et traiter d’énormes quantités d’informations, la vie privée doit malgré tout demeurer un droit essentiel, a-t-elle fait valoir. 

Sur la base de son rapport, Mme Nougrères a noté que la transparence et l’explicabilité renforcent tout à la fois le respect des droits humains et la confiance dans les systèmes d’intelligence artificielle.  La transparence, a-t-elle précisé, concerne non seulement la masse de données utilisées par l’intelligence artificielle, mais aussi la manière dont les décisions basées sur celle-ci sont prises.  Quant à l’explicabilité, elle l’a explicitée en ces termes: « toutes les personnes affectées par une décision prise sur la base de l’intelligence artificielle méritent une explication claire, simple, complète, véridique et compréhensible de la motivation de cette décision ». Selon la Rapporteuse spéciale, ces deux principes exigent la clarté, l’exhaustivité, la véracité, l’impartialité et la publicité des décisions prises par l’intelligence artificielle. À l’opposé, l’opacité, la tromperie, le mensonge et l’abus de puissance informatique sont autant de symptômes d’un traitement illégal des données manquant d’éthique et de respect pour l’être humain et de sa dignité, a-t-elle ajouté. 

En termes de recommandations, la Rapporteuse spéciale a exhorté les États, à promouvoir la transparence dans les développements de l’intelligence artificielle et à incorporer dans leurs réglementations normatives des dispositions relatives à la protection des droits humains.  Les États, a-t-elle poursuivi, doivent notamment intégrer dans leurs réglementations normatives le principe d’explicabilité, afin que les personnes comprennent parfaitement comment les décisions qui les concernent ont été prises et qu’elles puissent disposer d’outils pour défendre leurs droits humains face à l’intelligence artificielle.  Un autre champ d’action proposé est celui de l’éducation et de la culture numériques pour que les citoyens comprennent mieux les concepts liés à l’intelligence artificielle et qu’ils puissent exiger le respect de leurs droits.  L’utilisation de cette dernière doit être promue comme « un outil de protection du droit à la vie privée et du respect de la vie privée », a conclu Mme Nougrères.

Dialogue interactif

À la suite de cette présentation, l’Union européenne a souhaité connaître l’outil réglementaire le plus efficace pour veiller à ce que l’intelligence artificielle et les technologies de l’avenir respectent les droits humains.  Que peuvent faire les usagers pour refuser le traitement automatisé des données personnelles, a demandé l’Autriche, tandis que le Luxembourg et le Brésil s’enquéraient des meilleures pratiques en matière de protection des données, dans le respect des droits humains.  La Malaisie a ensuite voulu savoir quelles difficultés poserait l’intégration de la transparence dans le développement de l’intelligence artificielle.  L’humanité est-elle prête à laisser l’intelligence artificielle prendre des décisions en son nom?, s’est, pour sa part, interrogée la République arabe syrienne.

De son côté, la Fédération de Russie a dénoncé les violations à grande échelle du droit à la vie privée et du secret de la correspondance commises dans plusieurs pays occidentaux, notamment la surveillance totale et l’interception des données des utilisateurs.  La délégation a également critiqué la résistance des Occidentaux en matière de transfert de technologies, dans le but de conserver leur domination mondiale et de garantir un avantage compétitif à leurs ressortissants. 

Après avoir réitéré son engagement à œuvrer avec la communauté internationale pour formuler des règles de gouvernance numérique internationale qui respectent les intérêts de toutes les parties, la Chine s’est attaquée aux États-Unis qui, selon elle, se livrent au « cybervol » dans le monde entier.  Elle a ainsi affirmé qu’en 2021, le FBI a effectué plus de 3,4 millions de recherches sur des données numériques, et ce, sans mandat.  Les agences américaines ont en outre mené 45 cyberattaques contre d’autres pays, dont la Chine, a-t-elle ajouté.  Pour leur part, les États-Unis ont souhaité savoir comment les gouvernements peuvent agir ensemble pour appuyer la liberté de la presse et protéger les journalistes des surveillances arbitraires et illégales, notamment dans le cyberespace. 

En réponse aux questions et commentaires des délégations, la Rapporteuse spéciale sur le droit à la vie privée a souligné le consensus existant quant aux risques liés à l’intelligence artificielle.  Toutefois, a-t-elle nuancé, l’atténuation de ces risques ne devrait pas pour autant empêcher de poursuivre l’innovation. Dans la mesure où les systèmes d’intelligence artificielle représentent une aide, il importe surtout de veiller à ce que leurs effets qui ne répondent pas aux droits de l’homme soient « atténués au maximum », a-t-elle préconisé.  Pour ce qui est de garantir le respect des droits humains, Mme Nougrères a appelé à analyser les principes généraux, en l’absence de règlement en la matière, invitant notamment à se pencher sur la finalité et la proportionnalité, principes qu’elle avait déjà évoqués dans de précédents rapports. La Rapporteuse spéciale a également insisté sur la sensibilisation, en tant qu’outil complémentaire à l’éducation, afin d’introduire la notion de respect de la vie privée dans toutes les strates de la société. 

Par ailleurs, Mme Nougrères a fait le constat qu’à l’intérieur des frontières des États, en raison de l’existence de règlements particuliers, le fonctionnement des systèmes de données personnelles se fait sans grande difficulté. En revanche, le problème se pose à l’échelon international, a-t-elle ajouté, appelant les États à envisager des solutions internationales sur ce point. 

Revenant ensuite sur les deux principes énoncés dans son dernier rapport, à savoir la transparence et l’explicabilité, elle a assuré qu’ils n’entrent aucunement en contradiction avec le principe de précision.  Quant aux préoccupations exprimées par plusieurs pays au sujet du cyberespionnage, la Rapporteuse spéciale a déclaré les partager car, a-t-elle souligné, ces activités nuisent aux droits humains fondamentaux.  Enfin, en réponse à la République arabe syrienne, elle a invité les États à échanger plus largement sur ces questions avec son bureau, lequel prend en compte tous les avis. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Première Commission entame son débat thématique sur les armes nucléaires, dominé par les frustrations et les craintes des États non dotés

Soixante-dix-huitième session,
11e séance plénière – après-midi
AG/DSI/3718

La Première Commission entame son débat thématique sur les armes nucléaires, dominé par les frustrations et les craintes des États non dotés

La Première Commission (désarmement et sécurité internationale) a entamé aujourd’hui la phase de sa session consacrée aux débats thématiques en commençant par le volet consacré aux armes nucléaires.  Les délégations qui ont pris la parole, parmi lesquels plusieurs Groupes d’États, ont déploré le manque de progrès, voire les reculs, en matière de désarmement nucléaire, et ont mis en cause le manque de volonté des États dotés de négocier des accords de désarmement.   

Alors que la Malaisie a rappelé les répercussions indélébiles des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki sur la conscience mondiale, Cuba, ainsi que les États parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) ou signataires du Traité se sont dit gravement préoccupés par le fait que neuf États possèdent encore environ 13 000 armes nucléaires, prêtes à être lancées en quelques minutes.   

Les représentants du Mouvement des pays non alignés et des États membres de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) ont stigmatisé le manque de progrès du désarmement nucléaire, déplorant que certains pays modernisent au contraire leur arsenal.  Ainsi, ont-ils dénoncé, les États dotés auraient dépensé environ 89  milliards de dollars en 2022 rien que pour leurs arsenaux nucléaires, des sommes jugées déraisonnables en regard du sous-financement des objectifs de développement durable.  Le Groupe des États d’Afrique a lui aussi dénoncé le fait que ces pays continuent de moderniser leur arsenal nucléaire aux dépens de la sécurité collective.  « Nous vivons dans un monde de géants nucléaires et de nains éthiques », a assené Sri Lanka, alors que l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) jugeait nécessaire que les États dotés fournissent des garanties négatives de sécurité inconditionnelles et juridiquement contraignantes.   

Pour de très nombreuses délégations, dont le Groupe des États arabes, la CARICOM, Singapour, la Jordanie ou encore l’Union européenne, le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) reste la clef de voute du régime international de non-prolifération et de désarmement nucléaires et ce, malgré l’échec de la dixième Conférence d’examen du Traité.  À l’image de la Nouvelle-Zélande, plusieurs pays ne s’en sont pas moins dits profondément déçus par l’absence de résultats lors des deux dernières Conférences d’examen et par les maigres progrès réalisés cette année lors de la première session du Comité préparatoire de la onzième Conférence d’examen, prévue en 2026.  Pour le Groupe des États d’Afrique, ces échecs persistants érodent la crédibilité du TNP.  Quant à la Malaisie, elle a estimé que les États parties au Traité naviguent désormais en terrain inconnu alors que les armes nucléaires et leurs vecteurs sont modernisés à grande vitesse.   

La Suède s’est voulue moins pessimiste en se disant convaincue que les engagements en matière de désarmement issus des précédentes Conférences d’examen du TNP restent valables.  Elle a en outre mis en exergue l’Initiative de Stockholm et sa démarche pragmatique visant à mobiliser un soutien politique et à réaliser des progrès concrets pas à pas.  Même si elles ne peuvent remplacer le désarmement, de bonnes mesures de réduction des risques peuvent permettre de progresser dans le désarmement en réduisant les tensions, en favorisant l’instauration de la confiance et en ouvrant la voie à des mesures pratiques complémentaires de celles prévues en vertu des traités et accords pertinents, a-t-elle fait valoir. 

L’Union européenne a insisté sur le caractère inacceptable des menaces de la Fédération de Russie de recourir à la force nucléaire, d’autant que l’année dernière, la Russie avait signé la déclaration conjointe des dirigeants du P5 et réitéré cet engagement avec la Chine le 22 mars 2023.  L’Union européenne et la France se sont en outre dites profondément préoccupées par la suspension par Moscou du Traité New START de désarmement stratégique et de vérification qui lie les États-Unis et la Fédération de Russie.  Plusieurs délégations se sont également alarmées de l’intention affichée par la Fédération de Russie de retirer son adhésion au Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE), autre pilier du régime international de désarmement, même s’il n’est toujours pas juridiquement entré en vigueur 27 ans après son adoption.  D’autres ont appelé ceux des États figurant à l’annexe 2 du TICE qui ne l’ont pas encore fait –ils sont huit– à y adhérer rapidement pour permettre, enfin, son entrée en vigueur.   

Seul État doté à s’exprimer aujourd’hui, la France a mis en avant ses propres « mesures unilatérales considérables et sans égales » de réduction de son arsenal nucléaire, ajoutant qu’elle souhaite l’ouverture, dans le cadre de la Conférence du désarmement, de négociations portant sur l’élaboration d’un traité interdisant la production de matières fissiles à des fins militaires.  Plusieurs autres pays ont souhaité l’adoption d’un tel traité, tout en demandant, en attendant, que le seul des cinq États officiellement dotés qui n’a pas adopté de moratoire sur une telle production le fasse à son tour   

Plusieurs Groupes d’États ont en outre rappelé le rôle des zones exemptes d’armes nucléaires (ZEAN).  Ont été mentionnées celles existant en Amérique latine et Caraïbes, en Afrique, en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique Sud.  Le Mouvement des pays non alignés et le Groupe des États arabes ont rappelé leur appui à la création d’une telle zone au Moyen-Orient.   

En début de séance, la Première Commission avait entendu M. Adedeji Ebo, Directeur du Bureau des affaires de désarmement et Haut-Représentant adjoint pour les affaires de désarmement, puis M. Flávio Damico, de l’Organisme pour l’interdiction des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes (OPANAL)M.  Ebo avait notamment souligné qu’il existe un ensemble de principes qui sous-tendent la sécurité collective, à savoir la confiance, la solidarité, et l’universalité.  M. Damico avait mis en avant l’importance d’un dialogue fructueux entre États dotés et pays rassemblés au sein de ZEAN.  Les membres de la Première Commission ont ensuite dialogué à huis clos avec les deux responsables.   

La Première Commission poursuivra son débat thématique sur les armes nucléaires, lundi 16 octobre, à 10 heures.   

DÉBATS THÉMATIQUES SUR DES QUESTIONS PRÉCISES ET PRÉSENTATION ET EXAMEN DE TOUS LES PROJETS DE RÉSOLUTION ET DE DÉCISION PRÉSENTÉS AU TITRE DES POINTS DE L’ORDRE DU JOUR 

Déclarations liminaires 

M. ADEDEJI EBO, Directeur du Bureau des affaires de désarmement et Haut-Représentant adjoint pour les affaires de désarmement, a rappelé que, lors du débat général de la Première Commission, certains États avaient souligné les menaces très élevées de recours à l’arme nucléaire.  Nombre d’entre eux ont fait part de leur préoccupation concernant les dépenses militaires croissantes, qui nuisent aux objectifs de développement durable.  Concernant l’espace extra-atmosphérique, les délégations ont indiqué les vulnérabilités de gouvernance.   

M. Adedeji Ebo a souligné qu’il existe un ensemble de principes qui sous-tendent la sécurité collective, à savoir la confiance, la solidarité, et l’universalité.  Il a rappelé que le Secrétaire général avait présenté un Nouvel Agenda pour la paix, qui inclue des recommandations pour un système multilatéral efficace, afin de trouver de nouvelles approches pour la paix et déceler les domaines potentiels de conflits.  La maîtrise des armes est essentielle pour ces actions, a‑t‑il rappelé, et le désarmement est un outil puissant de prévention, essentiel à la paix et la sécurité.  Il y a un lien entre le désarmement et la réalisation des objectifs de développement durable.  Il faut aussi reconnaitre l’action humanitaire et l’autonomisation des femmes.   

Le Sommet de l’avenir de 2024 sera l’occasion de discuter de l’importance du désarmement pour la paix et la sécurité, a encore noté M. Ebo.  À terme, ce sont les États qui ont la responsabilité de traiter des problèmes de désarmement, a‑t‑il rappelé.  De surcroit, il est fondamental que les États tiennent compte des impératifs humanitaires pour réduire le coût humain des armes.  En raison de l’urbanisation des conflits, les États doivent davantage protéger les populations et conclure des traités pour bannir les armes inhumaines, comme les armes à sous-munitions.   

Les armes légères et de petit calibre (ALPC) continuent d’avoir des effets très lourds conduisant à de grandes souffrances, a également relevé le Directeur du Bureau des affaires de désarmement, qui a appelé à de nouveaux efforts concernant ces armes, en particulier sur les plans régional et sous-régional.  Il a cité en exemple des approches régionales qui incluent les ALPC dans les objectifs de réduction de la violence.   

Enfin, les États doivent porter leur attention sur les nouvelles technologies, a déclaré M. Ebo, qui les a invités à réfléchir à la façon de traiter la propagation des hostilités dans le cyberespace et à traiter des conséquences du recours à l’intelligence artificielle, y compris via la mise en œuvre de normes.   

M. FLÁVIO DAMICO, représentant de l’Organisme pour l’interdiction des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes (OPANAL), a plaidé en faveur de la création d’une structure de gouvernance multilatérale de non-prolifération et de désarmement nucléaire, dont l’ONU serait le moteur.  Il a ajouté que 50 ans après l’entrée en vigueur du Traité de Tlatelolco portant création d’une zone exempte d’armes nucléaires (ZEAN) dans la région, les normes régissant les structures de ce type n’ont jamais été aussi pertinentes qu’aujourd’hui pour renforcer la sécurité collective, restaurer la confiance régionale et améliorer la coopération technique au profit du développement socioéconomique et de la paix.   

À cette aune, le représentant a jugé important que les États dotés dialoguent de manière fructueuse avec les pays rassemblés au sein de telles zones.  C’est à cette fin que l’OPANAL a mis en place un mécanisme avec les cinq grandes puissances nucléaires (P5) pour débattre de solutions mutuellement acceptables donnant des garanties négatives de sécurité aux pays de notre région, a‑t‑il expliqué.  Il a ajouté que, cette année, ces pays ne présenteraient pas leur projet de résolution sur tous les aspects des ZEAN.  Nous le ferons l’an prochain avec l’idée, à travers un texte dont nous espérons qu’il sera consensuel, de faire progresser les traités actuels ayant porté création de ZEAN et de proposer des initiatives pour créer de nouvelles zones de ce type, a‑t‑il conclu.   

Après cette intervention, la Première Commission a tenu un débat interactif en privé avec MM. Ebo et Damico.   

Armes nucléaires 

Déclarations

Mme MARISKA DWIANTI DHANUTIRTO (Indonésie), au nom du Mouvement des pays non alignés, a fait part de ses inquiétudes face à la modernisation des armes nucléaires, ainsi qu’au développement de nouveaux types d’armes nucléaires, y compris de nouveaux vecteurs.  La représentante a déploré un dialogue stratégique limité entre les États dotés au sens du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), prenant note de la prorogation du Traité New START jusqu’en 2026 et appelant au renouvellement des engagements qu’il contient.  Le Mouvement appelle ces États à éliminer totalement leurs armes nucléaires, de manière transparente, irréversible et vérifiable sur le plan international.   

En attendant l’élimination totale, le Mouvement des pays non alignés préconise l’élaboration d’un instrument universel et juridiquement contraignant pour protéger les États non dotés contre l’emploi ou la menace de l’emploi des armes nucléaires.  Il souligne que le désarmement nucléaire ne doit pas être subordonné à d’autres efforts de désarmement et que les mesures de réduction des risques ne sont pas un substitut au désarmement.  À ce titre, le Mouvement des pays non alignés réaffirme son plein engagement en faveur du Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN), ainsi que l’importance de parvenir à une adhésion universelle au Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE). 

La représentante a appelé les États dotés au sens du TNP à faire preuve de volonté politique pour permettre à la onzième Conférence d’examen du TNP de parvenir à des recommandations concrètes, estimant que les pays membres du Mouvement des pays non alignés avaient fait preuve d’un engagement actif lors de la première session du Comité préparatoire.  Elle a fait part de ses préoccupations quant au fait que certains États dotés, de même que des États non dotés, ont accru le rôle des armes nucléaires dans leurs doctrines de sécurité, soulignant une incompatibilité avec la lettre, l’esprit et les objectifs du TNP.   

Par ailleurs, le Mouvement des pays non alignés réitère son soutien à la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive au Moyen-Orient, se félicitant de la convocation des trois sessions de la Conférence sur le sujet, conformément à la décision 73/546 de l’Assemblée générale.  À ce titre, il appelle Israël, seul pays de la région non-partie au TNP, à signer le Traité et à placer ses infrastructures nucléaires sous le régime de garantie de l’AIEA.   

Enfin, la représentante a évoqué le droit inaliénable des États d’acquérir, d’avoir accès, d’importer ou d’exporter des matières, équipements et technologies nucléaires à des fins pacifiques, rappelant que les normes et règles multilatérales en matière de sécurité nucléaire doivent être convenues dans le cadre fixé par l’AIEA.   

M. HOANG GIANG DANG (Viet Nam), au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a souligné qu’il est nécessaire que les États dotés d’armes nucléaires fournissent des garanties négatives de sécurité inconditionnelles et juridiquement contraignantes et adoptent une politique de non-recours en premier aux armes nucléaires.  Ils doivent en outre réduire, en vue de l’éliminer, le risque d’utilisation involontaire et accidentelle d’armes nucléaire.   

Le représentant a réaffirmé que chaque État a droit à une utilisation sûre et pacifique de la technologie nucléaire, en particulier pour son développement économique et social, rappelant en ce sens l’engagement des pays de l’ASEAN de renforcer leur coopération avec l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), notamment par la mise en œuvre d’accords pratiques de coopération.  En outre, il a indiqué que les pays de l’ASEAN présenteront une version actualisée de leur projet de résolution sur le traité ayant porté création de la zone exempte d’armes nucléaires (ZEAN) de l’Asie du Sud-Est.  Enfin, il a assuré que les pays de l’ASEAN s’engagent, aux termes de ce texte, à améliorer et à renforcer davantage la mise en œuvre dudit traité à travers un plan d’action couvrant la période 2023-2027 et tel qu’adopté à Phnom Penh en 2022.   

M. EDUARDO ALCIBIADES SÁNCHEZ KIESSLICH (Mexique), au nom des États parties au TIAN ou signataires du Traité, s’est dit gravement préoccupé par le fait que neuf États possèdent encore environ 13 000 armes nucléaires, prêtes à être lancées en quelques minutes.  La fragilité du contexte international actuel exacerbe les risques d’utilisation de ces armes, a estimé le représentant.  Les conséquences catastrophiques de toute détonation d’arme nucléaire ne peuvent être prises en compte de manière adéquate, a‑t‑il ajouté.  Il s’est dit fermement convaincu qu’il est dans l’intérêt de tous les États d’engager des discussions sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires afin d’élargir et d’approfondir la compréhension.   

En outre, le représentant s’est dit préoccupé par les menaces d’utilisation d’armes nucléaires, menaces qu’il a condamnées sans équivoque, quelles qu’en soient les circonstances.  Il a rejeté l’utilisation des armes nucléaires comme instruments de politique et d’exacerbation des tensions, ainsi que la prétendue valeur de sécurité de la dissuasion nucléaire.   

Pour les États parties au TIAN, l’établissement d’un régime juridiquement contraignant d’interdiction des armes nucléaires est une mesure nécessaire et efficace pour prévenir une course aux armements nucléaires et parvenir au désarmement nucléaire.  Le TIAN est la concrétisation de cet objectif, a souligné le représentant.  En attendant l’élimination totale des armes nucléaires, tous les États possédant des armes nucléaires doivent s’engager à ne jamais les utiliser ou menacer de les utiliser, quelles que soient les circonstances.  À cet égard, il a demandé instamment aux États dotés de redoubler d’efforts pour s’acquitter de l’obligation de désarmement nucléaire énoncée à l’article VI du TNP.   

M. CARLOS FULLER (Belize), s’exprimant au nom des 15 États membres de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), s’est dit préoccupé du manque de progrès dans le domaine du désarmement nucléaire, déplorant que certains pays modernisent leur arsenal, mettent au point de nouvelles armes ou emploient la menace nucléaire.  Le représentant a exhorté les États dotés à respecter leurs obligations et à réaffirmer leurs assurances en matière de non-utilisation aux États non dotés.  Il s’est prononcé en faveur d’un désarmement nucléaire total en tant que seule norme acceptable pour un monde sécurisé.  À ce titre, il s’est inscrit en faux contre la stratégie de la dissuasion, apportant son soutien au TIAN et relevant que tous les États de la CARICOM y sont parties, en sont signataires ou en passe d’y adhérer.  Il s’est félicité de la première Réunion des États parties au TIAN, en 2022.   

Malgré l’échec de la dixième Conférence d’examen du TNP, le représentant a estimé que le traité demeurait le fondement de l’architecture mondiale du désarmement nucléaire.  Il a appelé les signataires à faire en sorte que des recommandations concrètes soient adoptées lors de la onzième Conférence d’examen, en 2026.   

Rappelant que les États de la CARICOM sont tous parties au Traité de Tlatelolco, le représentant a dit sa fierté de faire partie de la première ZEAN au monde.  Il a ensuite dénoncé les dépenses consacrées aux armes et systèmes nucléaires, relevant que les États dotés auraient dépensé environ 89 milliards de dollars en 2022 rien que pour leurs arsenaux nucléaires.  Jugeant ces sommes déraisonnables en regard du sous-financement des objectifs de développement durable, il a exhorté les États dotés à prendre des mesures pour orienter leur financement vers des politiques axées sur la prévention, la paix et le développement durable.  Concluant son intervention sous un angle humanitaire, il a dénoncé les conséquences des essais nucléaires sur un grand nombre de personnes, s’inquiétant de ce que nous ne comprendrons peut-être jamais totalement: l’effet de ces essais sur l’environnement et ses répercussions sur l’humain au fil des générations.   

M. MAHMOUD DAIFALLAH HMOUD (Jordanie), au nom de la Ligue des États arabes, a réitéré son soutien au TNP, pierre angulaire du désarmement et de la non-prolifération, tout particulièrement à la lumière des évolutions géopolitiques et l’érosion des accords bilatéraux sur l’usage des armes.  Le représentant a dénoncé les États dotés dont les doctrines permettent l’emploi des armes nucléaires, estimant que leurs accords de coopération nucléaire contreviennent à l’esprit du TNP.  Les mesures de confiance sont importantes, a‑t‑il relevé, mais elles ne se substituent pas à un accord international contraignant.  À ce titre, il a exprimé ses regrets face à l’échec de la dernière Conférence d’examen du TNP et fait part de son espoir que l’on parvienne à restaurer la crédibilité du Traité.   

Insistant sur l’importance des efforts internationaux pour l’universalisation des accords concernant les armes nucléaires, le représentant a encouragé les pays figurant à l’annexe 2 du TICE à le ratifier.  Enfin, il a plaidé pour la création d’une ZEAN au Moyen-Orient, considérant qu’il s’agissait d’une question nécessitant un engagement international et appelant à ce que soient prises des mesures pratiques immédiates.   À ce titre, il s’est dit préoccupé par Israël, seul pays de la région non-partie au TNP, et de son refus de soumettre ses installations au régime de garanties de l’AIEA.   

M. MOHAMMED LAWAL MAHMUD (Nigéria), au nom du Groupe des États d’Afrique, a dénoncé le fait que les États dotés d’armes nucléaires continuent de moderniser leur arsenal nucléaire aux dépens de la sécurité collective.  Pour le Groupe, l’élimination des armes nucléaires devrait représenter l’objectif général de l’ONU.  Le représentant a donc exprimé sa préoccupation face à la résistance des États dotés et leur a rappelé leurs obligations au titre de l’article VI du TNP.  L’universalisation de ce dernier, a‑t‑il poursuivi, dépend du respect de ses trois piliers – désarmement, non-prolifération et utilisation pacifique de l’énergie nucléaire. 

Le Groupe africain est déçu du nouvel échec de la Conférence d’examen du TNP, laquelle représentait pourtant une occasion pour les États dotés de raviver leurs engagements.  Les échecs persistants des conférences d’examen du TNP érodent sa crédibilité, a déploré le représentant, pour qui tant la lettre que l’esprit du traité sont violés par le stockage et la modernisation des arsenaux nucléaires, la poursuite de l'emploi et de la menace de l'emploi d'armes nucléaires, ainsi que le partage nucléaire et l'extension des garanties nucléaires.  

Le représentant a réitéré l’engagement du Groupe envers le Traité de Pelindaba, qui consacre le statut de l’Afrique en tant que ZEAN, interdisant le stationnement et les essais de dispositifs explosifs nucléaires sur l'ensemble du continent.  Il s’est également dit préoccupé par la non-mise en œuvre des engagements relatifs à la Conférence sur la création d'une zone exempte d'armes nucléaires et de toutes autres armes de destruction massive au Moyen-Orient. 

Soulignant l’importance du respect du droit inaliénable à l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire, le représentant a souligné le rôle central de la communauté internationale et plus particulièrement celui du soutien technique fourni par l’AIEA.  Enfin, il a appelé à prendre en compte les considérations humanitaires durant cette session de la Première Commission, se félicitant à ce titre de l’entrée en vigueur du TIAN comme de la meilleure manière d’éviter l’emploi des armes nucléaires. 

M. STEEN MALTHE HANSEN, de l’Union européenne, a réaffirmé qu’il soutenait fermement les trois piliers du TNP et la mise en œuvre complète du Plan d’action de la Conférence d’examen de 2010.  Il a regretté vivement qu’aucun document de consensus n’ait été adopté lors de la première session du Comité préparatoire de la onzième Conférence d’examen du TNP, en raison de l’attitude peu constructive de certains États parties, mais s’est dit encouragé par l’engagement constructif d’une majorité d’États, y compris de certains États dotés d’armes nucléaires.   

Les menaces de la Fédération de Russie de recourir à la force nucléaire sont inacceptables, a déclaré le représentant, qui a rappelé que, l’année dernière, la Russie avait signé la déclaration conjointe des dirigeants des P5 et réitéré cet engagement avec la Chine le 22 mars 2023.  Il a condamné le déploiement annoncé d’armes nucléaires russes sur le territoire du Bélarus, le jugeant incompatible avec l’engagement pris par le Bélarus dans le Mémorandum de Budapest.   

Le représentant a souligné la nécessité de réaliser des progrès concrets en vue de la pleine mise en œuvre de l’article VI du TNP, notamment par la réduction globale du stock mondial d’armes nucléaires.  Il s’est dit profondément préoccupé par la suspension du Traité New START par la Russie et lui a demandé de s’acquitter de toutes ses obligations.  Il a demandé instamment à la Chine de prendre des mesures de transparence dans sa doctrine nucléaire.  Il s’est dit profondément préoccupé par les rapports récents de l’AIEA documentant le niveau alarmant du programme nucléaire iranien.  Il a demandé à l’Iran d’inverser sa trajectoire nucléaire et de revenir à ses obligations juridiques et à ses engagements politiques.  Il a exhorté la République arabe syrienne à coopérer avec l’AIEA pour rétablir la confiance dans son programme nucléaire, en faisant entrer en vigueur un protocole additionnel à son accord de garanties en lien avec le TNP, conformément à la résolution du Conseil des gouverneurs de l’AIEA de juin 2011.  Enfin, il a affirmé que la République populaire démocratique de Corée (RPDC) ne pourrait jamais avoir le statut d’État doté d’armes nucléaires et qu’elle devait abandonner ses armes nucléaires et toute autre arme de destruction massive, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité et au TNP.   

Mme SHERINA SARAN (Afrique du Sud) s’est dite préoccupée par le nombre croissant d’États qui mettent l’accent sur la valeur de la dissuasion nucléaire et s’appuient toujours davantage sur les armes nucléaires dans leurs doctrines militaires et de sécurité.  L’approche des États non dotés d’armes nucléaires, qui appellent au désarmement et demandent à bénéficier de garanties de dissuasion nucléaire étendues, doit être évaluée à cette aune, a‑t‑elle ajouté.   

Pour la représentante, il est essentiel que les États dotés stabilisent leurs relations géopolitiques et s’engagent sans détour à éliminer leurs arsenaux nucléaires dans des délais précis et vérifiables.  Cela renforcera la sécurité de tous, a‑t‑elle affirmé.  Aujourd’hui plus que jamais, une action urgente est nécessaire pour mettre pleinement en œuvre les obligations du TNP, notamment le désarmement nucléaire et les engagements pris lors des conférences d’examen du Traité, a poursuivi la représentante.  Elle a par ailleurs estimé que le TIAN peut servir de catalyseur à des progrès attendus depuis longtemps par les opinions publiques.  Réaffirmant que les portes de ce Traité sont et ont toujours été ouvertes, elle a encouragé tous les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier le TIAN et à rejoindre la communauté des nations engagées en faveur d’un monde exempt d’armes nucléaires.   

M. ANDY ARON (Indonésie) a estimé que la reconfiguration des engagements politiques de la part des États dotés est essentielle.  Nous avons besoin d’engagement pour avancer vers un monde exempt d’armes nucléaires, a‑t‑il déclaré.  Les États dotés doivent s’acquitter de leurs obligations découlant du TNP, a poursuivi le représentant, qui a condamné l’association de certains pays à des États déjà dotés comme contraire aux accords et traités sur la non-prolifération.   

Il faut concrétiser les bonnes intentions exprimées en matière de désarmement et passer des paroles aux actes, a lancé le représentant, pour qui le désarmement doit être renforcé.  Il a appelé à veiller à l’entrée en vigueur du TICE et à l’universalisation du TIAN.  Il a en outre estimé qu’il fallait avancer vers une institutionnalisation des ZEAN.  Il a dit avoir besoin d’instruments juridiques contraignants élaborés dans le cadre de la Conférence du désarmement et d’assurances négatives de sécurité contre la menace d’utilisation de l’arme nucléaire.   

M. AMR ESSAMELDIN SADEK AHMED (Égypte) a réaffirmé l’importance de l’élimination complète, vérifiable et irréversible des armes nucléaires comme seule garantie contre leur utilisation ou la menace de leur utilisation.  Déplorant l’échec des deux dernières Conférences d’examen du TNP, le représentant a estimé que les risques étaient exacerbés par la modernisation en cours des arsenaux nucléaires et a fait part de son inquiétude quant à l’érosion des accords bilatéraux sur les armes nucléaires.  Les mesures de réduction des risques ne sont pas un substitut à l’élimination des armes nucléaires, a‑t‑il averti.  Pour restaurer la confiance dans le régime de désarmement, il a préconisé des progrès immédiats, ajoutant qu’il s’agit également de reconfirmer la validité de tous les engagements antérieurs.  Il a exhorté les États dotés à plus de transparence, exigeant qu’ils rendent des comptes et produisent des rapports sur la mise en œuvre de leurs engagements.  Il les a aussi rappelés à leurs obligations au titre de l’article VI du TNP.   

Pour l’Égypte, le projet de création d’une ZEAN au Moyen-Orient est dans l’impasse.  Cette paralysie constitue une entrave à la paix et la sécurité dans une région qui fait déjà face à de nombreux problèmes, a déclaré le représentant.  L’Égypte entend présenter un projet de résolution à ce propos, en visant un engagement à long terme à travers le consensus, sans pointer du doigt un État de la région en particulier.  Le représentant a également fait part d’un autre projet de résolution sur le risque de prolifération au Moyen-Orient, appelant au soutien des États Membres.   

M. GERARDO PEÑALVER PORTAL (Cuba) a déploré la présence de 13 000 armes nucléaires dans le monde, leurs détenteurs continuant de moderniser leurs arsenaux et tardant à respecter leurs engagements en vue de réaliser un monde exempt d’armes nucléaires.  Seule l’adoption du TIAN a marqué un progrès marquant ces dernières années, a estimé le représentant, cet instrument ayant codifié pour la première fois le caractère illégitime de ces armes en droit international.  Or, les États dotés ne le reconnaissent pas, empêchant sa nécessaire universalisation, a‑t‑il encore regretté.   

Le représentant a appelé ces pays à abandonner leurs doctrines fondées sur la dissuasion nucléaire, laquelle légitime un statu quo intolérable pour les États non dotés et les opinions publiques éprises de paix et de développement.  Il a également exhorté les États-Unis à sauver le Plan d’action global commun (PAGC) sur le programme nucléaire iranien et à y revenir « pour corriger le tir ».  Par ailleurs, il a indiqué que seuls le dialogue entre les pays de la région et la négociation permettraient d’aboutir à la dénucléarisation de la péninsule coréenne.  Enfin, le représentant a affirmé que le blocus de son pays par les États-Unis l’empêche d’exercer pleinement son droit inaliénable aux utilisations et au développement de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques.   

M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a estimé qu’il est important d’écouter les récits de l’agonie endurée par les survivants.  « Nous vivons dans un monde de géants nucléaires et de nains éthiques », a‑t‑il souligné.  Une croyance bien ancrée dans la dissuasion nucléaire comme stratégie de défense et l’absence de progrès sur le désarmement, pilier du TNP, empêchent l’humanité d’entrer dans une ère plus pacifique où le monde serait libéré de la peur de l’anéantissement nucléaire, a poursuivi le représentant.  Il a souligné que, le 6 juin, la Sri Lanka avait ratifié le TICE, une étape cruciale vers un monde plus sûr.  Fidèle à son engagement de longue date en faveur de la non-prolifération et du désarmement nucléaires, la Sri Lanka a également eu le plaisir d’adhérer au TIAN au cours de la semaine de haut niveau, a rappelé le représentant.   

Mme AMANDA GORELY (Australie) a déclaré que le monde attend de tous les États dotés qu’ils respectent leur déclaration et leurs obligations au titre du TNP, en prenant des mesures concrètes vers le désarmement nucléaire.  En tant que grande puissance, l’engagement de la Chine dans le processus de contrôle des armements sera nécessaire pour façonner la nouvelle ère de contrôle des armements et de stabilité stratégique que nous espérons tous, a souligné la représentante.   

La représentante a estimé que pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouve la Conférence du désarmement, il serait opportun d’y entamer des négociations en vue d’un traité sur l’arrêt de la production de matières fissiles, une lacune dans l’architecture multilatérale de désarmement.  En attendant la finalisation d’un tel traité, elle a appelé les États dotés qui ne l’ont pas encore fait à déclarer et à maintenir un moratoire sur la production de matières fissiles à des fins militaires.  Outre l’entrée en vigueur du TICE, l’élaboration d’outils et de processus crédibles de vérification du désarmement nucléaire constituerait une autre étape nécessaire sur la voie du désarmement nucléaire, a‑t‑elle ajouté.   

M. AHMAD FAISAL MUHAMAD (Malaisie) a rappelé les répercussions indélébiles des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki sur la conscience mondiale.  Aujourd’hui, a‑t‑il estimé, les progrès vers la paix restent entravés par les risques inacceptables que présentent les armes nucléaires.   

Les États parties au TNP naviguent en terrain inconnu depuis les deux échecs consécutifs des conférences d’examens du Traité, a déploré le représentant, tandis que les armes nucléaires et leurs vecteurs sont modernisés à grande vitesse.  On ne saurait préserver la crédibilité du TNP si ses objectifs sont constamment reportés par les considérations de stabilité stratégique des États dotés, a‑t‑il ajouté.  Selon lui, la première session du Comité préparatoire de la onzième Conférence d’examen du TNP, qui s’est tenue récemment à Vienne, reflète le profond déficit de confiance entre les États parties.  Pour la rétablir, il a appelé à la diplomatie et au dialogue.  Enfin, il a réclamé la pleine mise en œuvre de toutes les obligations du TNP citant en particulier celles de l’article VI. 

Se prononçant en faveur de l’élimination totale des armes nucléaires comme seule garantie absolue contre leur emploi, le représentant a expliqué que cette position est à la base du soutien de son pays au TIAN.  Rappelant que la Malaisie copréside le Groupe de travail informel sur l’universalisation du TIAN, il a salué l’adhésion récente de deux nouveaux pays.  Il a émis l’espoir que les avancées du TIAN donnent une impulsion positive aux autres éléments clés de l’architecture mondiale de désarmement nucléaire et de non-prolifération, dont le TICE.  Concernant ce dernier, il a exhorté les États figurant à l’annexe 2 du Traité à le ratifier afin de permettre son entrée en vigueur.   

Le représentant a estimé que l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, rendu en juillet 1996, reste d’actualité.  À ce titre, il s’est félicité du soutien et du coparrainage de la résolution annuelle déposée par son pays à la Première Commission sur le suivi de cet avis.  Enfin, il a appelé au dialogue dans la péninsule coréenne, afin de parvenir à une dénucléarisation complète et a insisté sur l’importance du rétablissement du PAGC sur le programme nucléaire iranien.   

M. PANTELIS MARGARIS (Grèce) a déclaré que l’adhésion universelle au TICE et son entrée en vigueur constituent une priorité essentielle.  Toutefois, il s’est dit préoccupé par certains développements récents qui menacent l’intégrité du Traité.  Si la Grèce reste un fervent défenseur du TNP, le représentant n’en a pas moins regretté que la première session du Comité préparatoire de la onzième Conférence d’examen se soit achevé sans rapport factuel.  Il a reconnu l’importance vitale de l’ouverture de négociations en vue d’un traité sur l’arrêt de la production de matières fissiles dans le cadre de la Conférence du désarmement.   

Le représentant a dit accorder une grande importance à l’expertise technique et à l’impartialité de l’AIEA dans l’accomplissement de son mandat.  Son système de garanties multilatéral, impartial, qualifié et efficace reste l’une des composantes essentielles du TNP et une garantie fondamentale pour la sécurité nucléaire, assurant la nature exclusivement pacifique des activités nucléaires, a‑t‑il estimé.  Les pays qui utilisent l’énergie atomique, ou qui aspirent à le faire à l’avenir, devraient respecter les normes de transparence les plus élevées, notamment en raison des implications possibles sur l’environnement naturel transfrontalier, a encore déclaré le représentant.   

Mme CAMILLE PETIT (France) a rappelé l’attachement de son pays à la mise en œuvre du TNP et a salué les propositions récemment soumises pour accroître la transparence sur les trois piliers du Traité et renforcer le cycle d’examen.  Dans le cadre du TNP et des obligations qu’il emporte au titre de son article VI, la France a pris des mesures unilatérales considérables et sans égales en matière de désarmement, a affirmé la représentante.  En attestent le démantèlement irréversible des installations de production de matières fissiles pour les armes nucléaires, le démantèlement complet de sa composante nucléaire sol-sol, la réduction de moitié du nombre d’armes nucléaires, la réduction d’un tiers de la composante océanique et de la composante aéroportée et le démantèlement irréversible du site d’essais dans le Pacifique, a‑t‑elle énuméré.  La représentante a également rappelé que la France souhaite l’ouverture de négociations portant sur l’élaboration d’un traité interdisant la production de matières fissiles à des fins militaires dans le cadre de la Conférence du désarmement.   

Mme Petit a ensuite condamné la rhétorique nucléaire irresponsable des attaques russes sur les infrastructures énergétiques, y compris nucléaires, en Ukraine.  La France déplore en outre la suspension par la Russie de sa participation au traité New START et exprime sa préoccupation face à l’annonce par ce pays qu’il se tiendrait prêt à revenir sur sa ratification du TICE.   

La représentante a condamné la poursuite des violations par l’Iran de ses engagements en matière de non-prolifération au titre du PAGC, les autorités iraniennes devant mettre en œuvre l’ensemble de leurs obligations en vertu de son accord de garanties généralisées avec l’AIEA.  « Notre objectif reste constant: l’Iran ne doit jamais se doter de l’arme nucléaire », a‑t‑elle martelé.  La France reste également préoccupée par la poursuite par la RPDC de ses activités proliférantes, a ajouté la représentante, qui a exhorté Pyongyang d’abandonner ses programmes proliférants, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité et à ses engagements internationaux.   

M. BENJAMIN ESCAIG (Suède) a indiqué que par le biais de l’Initiative de Stockholm pour le désarmement nucléaire, la Suède, en collaboration avec un groupe interrégional de partenaires, sensibilise à la nécessité de poursuivre les progrès en matière de désarmement à ce niveau.  Convaincue que les engagements en matière de désarmement issus des précédentes conférences d’examen du TNP restent valables, l’Initiative a présenté des propositions visant à mobiliser un soutien politique et à réaliser des progrès concrets en matière de désarmement, a‑t‑il rappelé.  Pour la Suède, il est urgent de prendre des mesures pour réduire le risque d’utilisation d’armes nucléaires car, a ajouté le représentant, même si elles ne peuvent remplacer le désarmement, de bonnes mesures de réduction des risques peuvent permettre de progresser dans le désarmement en réduisant les tensions, en favorisant l’instauration de la confiance et en ouvrant la voie à des mesures pratiques complémentaires de celles prévues en vertu des traités et accords pertinents.   

Le représentant a également salué le rôle de l’AIEA dans la prévention de la prolifération des armes nucléaires, la promotion de la sûreté nucléaire et radiologique et la facilitation de l’utilisation de la technologie nucléaire à des fins pacifiques.  Il est essentiel que l’Agence reçoive le soutien politique et financier nécessaire, a‑t‑il insisté.   

Concernant la vérification du désarmement nucléaire, le représentant a encouragé vivement davantage d’États à s’engager dans ce domaine, la Suède étant un membre actif du Partenariat international pour la vérification du désarmement nucléaire.  Le représentant a également mentionné la participation de la Suède au Groupe d’experts gouvernementaux sur la vérification du désarmement nucléaire de l’Assemblée générale, dont il a salué les travaux et le rapport final.   

Pour M. ROBERT IN DEN BOSCH (Pays-Bas), la confiance a toujours été une rareté en matière de contrôle des armements, de désarmement et de non-prolifération.  À ce titre, a poursuivi le représentant, la devise officieuse est depuis toujours « faire confiance mais vérifier ».  Un simple appel ne suffit pas dans ces circonstances, a‑t‑il estimé, appelant à l’emploi des mesures qui sont déjà en place, ou « encore en place », a‑t‑il précisé en guise d’avertissement.  Le Traité New START a démontré à quel point la vérification renforce la maîtrise du désarmement, a‑t‑il poursuivi, exhortant la Russie à revenir au respect de l’accord.  Dans le même esprit, il a déploré l’annonce russe d’une révocation prochaine de sa ratification du TICE. 

Estimant que le TNP reste la pierre angulaire du régime mondial de non-prolifération et de désarmement nucléaire, le représentant a regretté que le Groupe de travail chargé de renforcer le processus d’examen n’ait pas pu se mettre d’accord sur des recommandations concrètes en vue de la onzième session de la Conférence d’examen du Traité en 2026.  Les États dotés officiels et non officiels doivent continuer de rendre des comptes sur leurs engagements, a‑t‑il poursuivi, précisant que le premier groupe devrait informer sur ses doctrines et ses arsenaux.  À ce titre, il a considéré que le formulaire standard de déclaration, élaboré par l’Initiative sur la non-prolifération et le désarmement, était un outil indispensable.  Renforcer les mesures de transparence, a‑t‑il ajouté, permettra aux États dotés d’armes nucléaires de démontrer leur mise en œuvre du TNP –en particulier la pleine mise en œuvre de l’article VI.   

Jusqu’à présent, quatre pays dotés officiels sur cinq ont déclaré un moratoire sur la production de matières fissiles, a relevé le représentant, qui a appelé le cinquième à faire de même.  Enfin, il a salué le Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général de l’ONU, estimant qu’il insuffle un sentiment d’urgence renouvelé en matière de désarmement, de réduction des risques et de non-prolifération nucléaire.   

M. BENJAMIN HIMMLER (Allemagne) a souligné la nécessité de trouver des mesures concrètes et pratiques en faveur du désarmement nucléaire et du renforcement du TNP si les États Membres veulent se rapprocher d’un monde libéré de telles armes.  Il appartient également à la Russie de faire très rapidement un grand pas en revenant sur sa décision de suspendre la mise en œuvre du Traité New START, a ajouté le représentant, qui a rappelé que ce Traité « est l’un des plus importants traités de contrôle des armements nucléaires, qui a considérablement réduit les deux plus grands arsenaux nucléaires du monde ».  Il a en outre appelé la Chine, dont les arsenaux ne cessent de croître, à entamer un dialogue avec les États-Unis sur son programme nucléaire et leur responsabilité commune en matière de stabilité stratégique.   

Le représentant a par ailleurs estimé que le temps est venu de démarrer des négociations en vue d’un traité sur l’arrêt de la production de matières fissiles, qui contribuerait grandement selon lui à renforcer la non-prolifération et le désarmement nucléaires.  Dans l’immédiat, il a appelé la Chine à décréter enfin un moratoire sur la production de matières fissiles.   

M. NICHOLAS CLUTTERBUCK (Nouvelle-Zélande) a recommandé le projet de résolution de la Coalition pour un nouvel ordre du jour sur l’accélération de la mise en œuvre des engagements en matière de désarmement nucléaire.  Ce texte trace une voie à suivre en réponse aux préoccupations mondiales concernant la montée de la rhétorique nucléaire et le risque d’utilisation d’armes nucléaires, ainsi que la trajectoire des arsenaux et des doctrines nucléaires, a expliqué le représentant.  Toutefois, il s’est dit profondément déçu par l’absence de résultats lors des Conférences d’examen successives du TNP et par les maigres progrès réalisés cette année par le Groupe de travail et le Comité préparatoire.   

Le représentant a rappelé que la Nouvelle-Zélande est l’un des principaux auteurs de la résolution sur le TICE, aux côtés du Mexique et de l’Australie, et a encouragé tous les États Membres à soutenir ce texte.  Il est important que tous les signataires du TICE respectent leurs obligations, a‑t‑il déclaré.  En outre, la Nouvelle-Zélande est l’un des principaux auteurs de la résolution sur le TIAN, qui reste une lueur d’espoir dans un horizon par ailleurs bien sombre.   

Le représentant a rappelé que son pays est partie au Traité de Rarotonga qui a établi une ZEAN dans le Pacifique Sud, y voyant un symbole important de l’opposition de longue date de cette région aux armes nucléaires.  Il s’est dit heureux de diriger, avec le soutien du Brésil, de l’Indonésie et de l’Afrique du Sud, le projet de résolution visant à créer un hémisphère sud exempt d’armes nucléaires.  Ce texte réaffirme le rôle essentiel joué par les ZEAN dans le renforcement du régime de désarmement et de non-prolifération nucléaires, ainsi que l’intérêt d’étendre ces zones, a‑t‑il rappelé.   

Droits de réponse 

Le représentant de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a rejeté les allégations de l’Union européenne, l’accusant de ne pas mettre en pratique ce qu’elle préconise et de manquer de diplomatie tout en suivant les États-Unis dans leur quête brutale et belliqueuse de suprématie dans la péninsule coréenne.  Les résolutions du Conseil de sécurité visant mon pays sont contraires aux principes de la Charte des Nations Unies en matière de souveraineté, a aussi dit le représentant.  L’Australie, qui parle de non-prolifération, n’est pas crédible compte tenu de son partenariat périlleux avec les États-Unis, a‑t‑il ajouté.   

Le représentant de la Fédération de Russie a rejeté les mensonges des Occidentaux, obsédés par leur propagande antirusse.  Les capitales occidentales qui transforment l’Ukraine en place d’armes antirusse et qui s’impliquent toujours plus militairement dans la crise, c’est cela qui attise les risques de catastrophes nucléaires, a‑t‑il dit.  S’agissant de la décision russe de se retirer du Traité New START, le représentant l’a expliquée par la dégradation des relations politiques et militaires entre Russie et États-Unis.  Les Américains, en sapant le principe de non-divisibilité de la sécurité au cœur du Traité, en aidant techniquement et militairement Kiev et en frappant plus ou moins indirectement des sites stratégiques russes, ont violé ce Traité bilatéral, a‑t‑il encore affirmé.   

La représentante d’Israël a répondu au Mouvement des pays non alignés, qui avait présenté son pays comme une menace régionale, qu’il suffit de constater les atrocités du Hamas pour comprendre ce qu’est la véritable menace.  Le Groupe des États arabes a mentionné le danger d’Israël, mais n’a pas mentionné les violations continues de l’Iran dans sa coopération avec l’AIEA, a‑t‑elle aussi relevé.  Nous vivons des jours sombres, a‑t‑elle poursuivi, ajoutant que son pays se rappellera ceux qui ont été à ses côtés dans sa lutte contre le Hamas, décrit comme un agent par procuration de l’Iran.  Diderot disait qu’il n’y a qu’un pas du fanatisme à la barbarie, un pas franchi par le Hamas.   

Le représentant de la République arabe syrienne a répondu à la déclaration de l’Union européenne concernant sa coopération avec l’AIEA en affirmant avoir collaboré avec l’Agence avec clarté et transparence.  Il a estimé que son pays n’avait renoncé à aucun effort, y compris pour régler toutes les questions en suspens.  Les rapports de l’AIEA montrent que la Syrie a mis en œuvre les accords relatifs aux sauvegardes, a‑t‑il continué, ajoutant que son pays avait honoré tous ses engagements dans les délais impartis.  Il a dénoncé une confusion délibérée entre engagement juridique non contraignant et procédures volontaires, estimant qu’il s’agit là d’une manipulation politique et d’une stratégie visant à falsifier les faits pour semer la confusion.   

Le représentant de la Chine a répondu à l’Allemagne qu’elle contrôle sa puissance nucléaire en la maintenant à un niveau minimum de sécurité et en restant fidèle à son engagement de ne jamais utiliser en premier le feu nucléaire.  Nos activités concernent la maintenance et la modernisation de nos arsenaux les plus vieillissants, des activités qui permettent d’assurer leur sûreté, a‑t‑il notamment ajouté.   

Le représentant de la République islamique d’Iran a rejeté les allégations infondées de la représentante du régime israélien, qui occupe illégalement le territoire palestinien depuis 70 ans.  Il a accusé de nouveau le régime israélien de perpétrer des crimes de guerre et de crimes contre l’humanité contre les Palestiniens, bafouant l’esprit et la lettre de la totalité des accords internationaux de désarmement.  Ce régime, qui est connu pour s’être doté clandestinement d’un arsenal nucléaire, ose accuser l’Iran, dont il assassine les scientifiques et détruit des installations nucléaires civiles, de ne pas respecter le PAGC, a encore déclaré le représentant.   

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Sixième Commission reçoit la visite du Président de l’Assemblée générale et se divise sur le principe de compétence universelle

Soixante-dix-huitième session,
12e séance plénière - matin
AG/J/3692

La Sixième Commission reçoit la visite du Président de l’Assemblée générale et se divise sur le principe de compétence universelle

La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a reçu, ce matin, la traditionnelle visite du Président de l’Assemblée générale pour la session en cours, avant d’entamer son débat sur la portée et l’application de la compétence universelle.  M. Dennis Francis a souligné l’importance des travaux de la Commission pour la poursuite des objectifs de paix et de justice de l’ONU « alors que notre système multilatéral est mis à mal ».  « Les situations au Moyen-Orient, en Afrique et en Haïti nous servent de piqûres de rappel: la paix n’est pas un acquis », a-t-il averti. 

Les travaux de la Sixième Commission sur la protection des personnes en cas de catastrophe jouent un rôle important, a affirmé M. Francis.  Face aux dangers posés par l’élévation du niveau de la mer, une priorité de sa présidence, il a recommandé à la Commission de poursuivre ses discussions sur les implications de ce phénomène en droit international.  Le consensus général appelé de ses vœux par le Président de l’Assemblée n’a cependant pas prévalu lors de l’examen du principe de compétence universelle qui a continué de diviser les délégations, une partie d’entre elles reprochant à d’autres de politiser le concept. 

Déplorant, à l’instar du Pakistan et de l’Ouganda, le « deux poids, deux mesures », la Fédération de Russie a estimé que ce principe continue d’être utilisé par l’Occident comme outil de lutte contre les régimes qui ne leur conviennent pas.  La République islamique d’Iran, au nom du Mouvement des pays non alignés, et la Chine se sont alarmés des « abus » du principe, notamment lorsqu’il est invoqué à l’encontre de représentants de l’État jouissant de privilèges et immunités, en violation du droit international.  Ce sont de tels abus, a rappelé l’Ouganda, qui avaient conduit le Groupe des États d’Afrique à demander l’inscription de ce point à l’ordre du jour de l’Assemblée générale en 2009.  Le principe de compétence universelle devrait toujours être appliqué dans le respect de l’égalité souveraine des États et de la non-ingérence dans leurs affaires intérieures, ont martelé les délégations de Russie, du Soudan et du Cameroun.  Le Bélarus et le Brésil ont aussi considéré que le principe de souveraineté des États appelle à une utilisation limitée de la compétence universelle.

Si une grande majorité des délégations ont désigné l’État du territoire sur lequel un crime international a été perpétré comme premier responsable des poursuites pénales, les dissensions sur la portée et l’application du principe de compétence universelle ont été marquées.  Plusieurs pays, dont la Chine, la Russie et le Sénégal, se sont accordés à dire que les juridictions nationales restent l’instance de premier ressort, tandis que d’autres, comme la Thaïlande ou l’Iran, ont privilégié une approche fondée sur la nationalité des auteurs.

L’Union européenne, Saint-Vincent-et-les Grenadines, au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), ou encore l’Égypte, ont tenu à souligner que la compétence universelle peut s’appliquer « exceptionnellement » quand il s’agit de lutter contre l’impunité pour les crimes les plus graves, à savoir les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité.  Si l’État du territoire où un tel crime a eu lieu n’est pas en mesure de poursuivre pénalement ses auteurs, la compétence universelle peut alors s’appliquer, toujours en complémentarité avec les juridictions nationales pertinentes.  « Car ceux qui commettent des atrocités doivent rendre des compte », a abondé le représentant de l’Allemagne. 

Les poursuites engagées par l’Allemagne et l’Autriche contre des dirigeants de Daech ont d’ailleurs été citées en exemple par les délégations du Liechtenstein et du Canada, qui s’exprimaient aussi au nom de l’Australie et de la Nouvelle- Zélande.  La compétence universelle reste ainsi un « outil intéressant » pour rendre justice aux victimes de crimes graves qui feront certainement l’objet de jugements par des tribunaux internationaux, ont renchéri la Lituanie, au nom des pays baltes, et les Pays-Bas, attirant l’attention sur leur doit interne qui permet des enquêtes et la collecte de preuves sur des crimes graves perpétrés en dehors de leur territoire par des non-ressortissants. 

Il est nécessaire d’approfondir la définition de la compétence universelle, qui, selon la Russie, reste « nébuleuse », et ses interactions avec d’autres concepts du droit international, comme la compétence extraterritoriale et les procédures d’extradition, a encore fait remarquer le Mexique.  À ce titre, plusieurs États, comme la République tchèque, au nom de l’Autriche et de la Slovaquie, ou encore Sri Lanka, ont souhaité que la question de la compétence universelle soit inscrite au programme de travail à long terme de la Commission du droit international (CDI). « Nous ne voyons pas pourquoi certains États refusent une analyse juridique qui permettrait une meilleure compréhension du principe, sans préjuger d’un engagement quelconque », a tranché le délégué tchèque. 

Appelant à un « changement de paradigme » dans lequel les victimes de crimes et non plus leurs auteurs, figureraient au cœur de l’approche », le Mexique n’a pas été le seul à souhaiter la poursuite des discussions sur le principe de compétence universelle à la Sixième Commission.  De l’avis de Sri Lanka, de telles discussions peuvent contribuer à réduire l’impunité et offrir « la promesse d’une justice meilleure ».

La Commission poursuivra ses travaux sur ce thème lundi 16 octobre, à partir de 10 heures. 

COMPÉTENCE UNIVERSELLE

Déclaration du Président de l’Assemblée générale

M. DENNIS FRANCIS, Président de l’Assemblée générale, a fait état de la centralité des travaux de la Sixième Commission pour la poursuite des objectifs de paix, de justice et d’état de droit des Nations Unies « alors que notre système multilatéral est mis à mal ».  Les multiples défis rendent les travaux de la Sixième Commission plus pertinents que jamais alors même qu’elle œuvre à la garantie et la production d’un cadre juridique international robuste, flexible, clair et prévisible.  « Les situations au Moyen-Orient, en Afrique et en Haïti nous servent de piqûres de rappel: la paix n’est pas un acquis », a-t-il averti.  « Nous devons investir davantage pour l’atteindre et la pérenniser ». 

Si les défis sont plus nombreux, les capacités collectives pour les surmonter sont aussi plus élevées, a avancé M. Francis, et les changements nécessaires pour atteindre la paix et le développement durable pour tous, peuvent être menés.  Préserver la paix doit rester la pièce maîtresse des travaux de l’ONU, a-t-il déclaré, rappelant toutefois qu’il est crucial de s’attaquer aux changements climatiques.  Les travaux de la Sixième Commission sur la protection des personnes en cas de catastrophe jouent un rôle ici important, a-t-il affirmé, attirant l’attention sur les dangers posés par l’élévation du niveau de la mer qui est l’une des priorités de sa présidence.  Face aux millions de personnes déplacées et aux réfugiés climatiques, il incombe à la Sixième Commission de poursuivre les discussions sur les incidences juridiques de ce phénomène en droit international et sur les cadres juridiques futurs.  Le Président a mentionné la séance informelle qu’il convoquera sur ce sujet le 3 novembre prochain.

La Sixième Commission se doit également de garantir le plein respect du droit international tout au long de ses délibérations, a relevé M. Francis. Alors que le fléau du terrorisme continue de s’abattre sur le monde, il convient d’encadrer la coopération transfrontière, a-t-il poursuivi, exhortant la Commission à établir, dans le respect de la justice et du droit international, des conditions permettant que les traités et les dispositions du droit international soient honorés.  « Nous devons adopter des règles claires et pratiques. » En conclusion, le Président a loué la tradition en vigueur à la Sixième Commission, à savoir la recherche d’un consensus.  En ces temps compliqués, il a encouragé toutes les délégations à se réengager en faveur du consensus qui permet de refléter toutes les perspectives, y compris celles des pays les plus vulnérables. 

Portée et application du principe de compétence universelleA/78/130

Débat général

M. BAHRAM HEIDARI (République islamique d’Iran), au nom du Mouvement des pays non alignés, a insisté sur les limites du principe de compétence universelle, en soulignant l’importance d’empêcher tout recours inadéquat à un tel principe.  Il a rappelé la nécessité de respecter la souveraineté des États, y compris sur le plan judiciaire.  Le représentant a estimé que les tribunaux nationaux qui invoquent le principe de compétence universelle à l’encontre de hauts-responsables jouissant de l’immunité violent l’un des principes les plus fondamentaux du droit international, à savoir la souveraineté des États.  L’immunité, qui est consacrée par le droit, doit être respectée.  Il a rappelé le contexte qui a vu l’inclusion de ce point de l’ordre du jour: le Groupe des États d’Afrique avait demandé, en février 2009, qu’il soit examiné pour remédier à la portée incertaine dudit principe et à ses abus. 

Le représentant s’est ainsi dit « alarmé » par les implications du principe de compétence universelle pour la souveraineté des États concernés. Le fait d’invoquer un tel principe contre des hauts-responsables de pays de notre Mouvement, jouissant de l’immunité, est préoccupant.  Il a mis en garde contre toute extension injustifiée des infractions soumises à un tel principe, avant de souhaiter la mise sur pied d’un mécanisme visant à prévenir tout abus dans son application.  La compétence universelle ne doit pas remplacer les autres compétences, à savoir les compétences de l’État du territoire et de l’État de nationalité, a tranché le représentant.  Enfin, il a jugé « prématuré » de demander à la Commission du droit international (CDI) de conduire une étude sur tous les aspects de ce principe. 

M. MARVIN IKONDERE (Ouganda), au nom du Groupe des États d’Afrique, a rappelé l’importance particulière de ce sujet pour le Groupe, qui avait demandé en février 2009, l’inclusion d’un point supplémentaire sur l’abus du principe de compétence universelle dans l’ordre du jour de la soixante- troisième session de l’Assemblée générale, après avoir constaté « des abus, en particulier en ce qui concerne les fonctionnaires africains ».  Les débats ont été longs et intenses depuis, mais sans avancée importante au sujet de l’utilisation abusive ou de l’abus du principe, raison pour laquelle la portée de la juridiction universelle demeure incertaine.  Les États d’Afrique et la Commission de l’Union africaine se sont pourtant impliqués de manière constructive et dans un esprit de coopération, notamment en fournissant des informations sur les traités internationaux applicables, les règles juridiques nationales et les pratiques judiciaires. 

De l’avis du Groupe des États d’Afrique, « la Sixième Commission peut et doit prendre des mesures pour lutter contre la tendance des États non africains à appliquer le principe de la compétence universelle aux Africains en dehors des processus multilatéraux, sans le consentement des États africains, et en dehors des garanties de coopération relevant du système international ».  Le délégué a indiqué que le Groupe disposait de données montrant l’utilisation du principe d’universalité en Afrique avec le consentement et la coopération des États concernés, et conformément à l’engagement des États africains de mettre fin à l’impunité pour les crimes atroces.  Le consentement et la coopération, lorsqu’ils sont régulés au sein du système multilatéral, peuvent limiter l’utilisation abusive de la compétence universelle, a-t-il argué.  Par ailleurs, la compétence universelle peut être complémentaire avec la juridiction nationale du pays concerné, et elle ne doit pas être appliquée de manière incohérente avec les principes du droit international ou du droit international coutumier, notamment en ce qui concerne la souveraineté, la non-ingérence dans les affaires intérieures des États et l’immunité diplomatique.

Mme HAYLEY-ANN MARK (Saint-Vincent-et-les Grenadines), au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a pris note du rapport du Secrétaire général sur la portée et l’application de la compétence universelle, qui fournit des éléments pour les futurs travaux de la Commission à ce sujet.  Rappelant que le contenu des notes de travail informelles du Président du Groupe de travail listait plusieurs questions à débattre, parmi lesquelles le concept de compétence universelle, son rôle, ses composantes et la distinction avec d’autres concepts, ainsi que son champ d’application, elle s’est félicitée du dialogue mené sur ces questions.  La représentante a rappelé que la compétence universelle était un outil exceptionnel du droit international, visant « à lutter contre l’impunité et à renforcer la justice ».  La CELAC appuie le point de vue réitéré par plusieurs délégations selon lequel la compétence universelle ne doit pas être confondue avec l’exercice de la compétence pénale internationale, ni avec l’obligation d’extrader ou de poursuivre, un point de vue « conforme à compréhension de la CELAC sur le sujet ».  Une étude de la CDI sur cette question permettrait à l’Assemblée générale de progresser dans la clarification de certains aspects juridiques de ce principe, a conclu la représentante. 

Mme SIMONA POPAN, de l’Union européenne, a déclaré que l’Union européenne (UE) déploie tous les efforts nécessaires pour la poursuite des crimes les plus graves au niveau international.  À cette fin, elle a estimé que le principe de compétence universelle peut être un outil primordial, bien que son utilisation doive rester « exceptionnelle » et ne s’appliquer qu’aux crimes les plus graves.  La première responsabilité concernant les poursuites de ces crimes incombe aux États, a-t-elle rappelé.  Toutefois, la représentante a concédé que ce principe peut être utile en l’absence d’un lien spécifique entre l’État où le crime est commis et l’État de nationalité.  Elle a attiré l’attention sur le « réseau génocide » mis en place par l’UE pour lutter contre l’impunité du crime de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre au sein de l’Union et de ses États membres.

M. RYTIS PAULAUSKAS (Lituanie), au nom des pays baltes, a expliqué que si les États ne veulent pas ou ne peuvent pas amener les auteurs de crimes à répondre de leurs actes, d’autres États qui n’ont pas de lien direct avec le crime devraient pouvoir combler le vide existant sur la base de la compétence universelle.  Ce principe est un « outil subsidiaire important » pour garantir que les auteurs des pires crimes rendent compte de leurs actes, a-t-il fait valoir, en rappelant que les États baltes avaient adopté des législations nationales en ce sens et appliqué la compétence universelle pour ouvrir des enquêtes sur les crimes qui auraient été commis en Ukraine et contre l’Ukraine.  Il a encouragé d’autres États à suivre cet exemple. 

Convaincu que les crimes perpétrés en Ukraine feraient l’objet d’une enquête et finiraient par être punis par la Cour pénale internationale (CPI) et par un tribunal international spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine, le représentant a estimé, en attendant, que l’exercice de la compétence universelle par les organes des différents États pouvait contribuer à rendre justice aux victimes et à empêcher la commission de nouveaux crimes.  Pour cela, il a suggéré de mobiliser davantage d’efforts et de ressources dans tous les États pour s’assurer que la compétence universelle « puisse être utilisée au maximum de son potentiel ».

M. ALEXANDER AGNELLO (Canada), au nom de l’Australie, du Canada et de la Nouvelle-Zélande, a dit que la compétence universelle est un « principe fondamental du droit » habilitant tous les États à poursuivre les auteurs des crimes les plus graves.  Il est dans l’intérêt de la communauté internationale et des victimes que les crimes graves soient sanctionnés et que leurs auteurs soient punis.  Ce principe doit s’appliquer de bonne foi, à l’abri de toute considération politique, dans le respect des règles relatives aux immunités, a-t-il ajouté.

En règle générale, a indiqué le délégué, la responsabilité première de l’enquête et de la poursuite des crimes internationaux graves incombe à l’État sur le territoire duquel le comportement criminel est censé avoir été commis, ou à l’État de nationalité de l’accusé.  La compétence universelle peut venir combler une lacune lorsque ces deux acteurs ne peuvent ou ne veulent poursuivre les auteurs de crimes.  Il a souligné l’importance des jugements récemment rendus par des tribunaux autrichiens à l’encontre de responsables syriens.  La compétence universelle est importante quand la Cour pénale internationale (CPI) ne peut pas exercer sa compétence, a conclu le délégué. 

Mme JULIA FIELDING (Suède), au nom des pays nordiques, a plaidé pour une approche prudente, notamment en ce qui concerne la liste des crimes auxquels le principe de compétence universelle peut s’appliquer. Les États ont la responsabilité première de poursuivre ces crimes, a rappelé la déléguée, regrettant que l’impunité continue.  Elle a ajouté que la Cour pénale internationale (CPI) peut aussi constituer un outil pour poursuivre ces crimes si les États ne peuvent pas ou ne veulent pas poursuivre des crimes internationaux.  Si la CPI n’a pas la compétence, alors seulement le principe de compétence universelle peut s’appliquer.  Les pays nordiques encouragent les États qui ne l’ont pas encore fait à intégrer les crimes internationaux graves dans leur législation afin qu’ils ne restent pas impunis.

M. MAREK ZUKAL (République tchèque), au nom de l’Autriche, de la Slovaquie et de la République tchèque, a fait état de l’importance du principe de compétence universelle dans certains cas.  Il s’agit, a-t-il dit, d’une compétence distincte dans les tribunaux internationaux qui peut offrir un accès à la justice aux victimes et combler des lacunes en matière d’impunité, tout en garantissant les normes du droit international.  Regrettant néanmoins le ralentissement des progrès concernant une définition, il a salué le rapport du Secrétaire général pour examiner les convergences entre les opinions des États Membres sur le sujet.  Selon sa délégation, une analyse juridique de la CDI permettrait une meilleure compréhension des trois éléments importants, à savoir la définition, la portée et l’application, sans que cette analyse ne préjuge du résultat final ou d’un engagement quelconque. 

M. SURIYA CHINDAWONGS (Thaïlande) a annoncé que la Thaïlande soumettra un document d’information sur la compétence des cours suprêmes pour les crimes majeurs commis en dehors du territoire et qui n’ont pas de lien avec la Thaïlande.  Il s’agit de crimes qui doivent être réprimés, peu importe le lieu ou les auteurs, a asséné le délégué.  La Thaïlande est convaincue qu’il est dans l’intérêt et qu’il y va de la responsabilité de la communauté internationale de garantir le principe de compétence universelle pour les crimes les plus graves.  Mais cette compétence doit être bien définie, utilisée en tant qu’outil complémentaire, et reconnaître les principes généraux du droit, a-t-il averti.  Le délégué s’est dit préoccupé par le fait qu’une utilisation abusive pourrait aboutir à des poursuites pour des crimes ordinaires, ce qui constituerait une atteinte majeure aux principes du droit général. 

Mme MERHABA HASLER (Liechtenstein) a salué la tendance des tribunaux nationaux à invoquer de plus en plus le principe de compétence universelle pour lancer des enquêtes et des poursuites pénales concernant des crimes internationaux. La déléguée a cité en particulier les poursuites engagées par la justice allemande contre des crimes atroces commis en Syrie.  À ce sujet, elle a également salué le travail du Mécanisme international, impartial et indépendant qui a aidé le tribunal de Coblence à faire condamner des responsables syriens de haut niveau pour crimes contre l’humanité.  Ce mécanisme joue un rôle essentiel dans la lutte contre l’impunité pour des crimes atroces lorsqu’il travaille avec des États invoquant la compétence universelle, a assuré la déléguée.  Elle a aussi évoqué le Statut de Rome de la CPI, et encouragé tous les États Membres qui ne l’ont pas encore fait à y adhérer et à intégrer ses dispositions dans leur Code pénal.

M. PEDRO MUNIZ PINTO SLOBODA (Brésil) a noté que le rapport du Secrétaire général sur la portée et l’application du principe de compétence universelle confirmait le manque d’uniformité de la pratique des États. Il a évoqué un « principe subsidiaire » par rapport à des « facteurs de rattachement plus directs » comme la territorialité et la nationalité.  Le délégué a rappelé que les États qui ont des liens étroits avec les crimes commis avaient toujours la priorité juridictionnelle pour poursuivre les auteurs de ces crimes et qu’il fallait en tenir compte lors de la rédaction des clauses sur l’obligation de poursuivre ou d’extrader.  Il a en outre souligné le caractère exceptionnel du principe qui ne devrait être appliqué que de manière « responsable et judicieuse », et limité aux crimes graves pour « éviter les abus ».  Le délégué a par ailleurs jugé essentiel que l’accusé soit présent sur le territoire de l’État où il est jugé.  Il a insisté sur l’interdiction de la double incrimination et conclu que la compétence universelle ne pouvait servir « d’autres intérêts que ceux de la justice ».

Mme ELIZABETH MARYANNE GROSSO (États-Unis) a reconnu que des questions subsistent sur la portée et l’application du principe de compétence universelle.  Les observations faites par les États, les efforts du Groupe de travail au sein de la Commission et les rapports du Secrétaire général ont été précieux pour nous aider à identifier les divergences d’opinion entre les États ainsi que les points de consensus sur cette question, a noté la représentante.  « Nous continuons d’analyser toutes ces contributions. »  En conclusion, elle a mentionné les récents amendements apportés à la législation des États-Unis sur les crimes de guerre.

M. MICHAEL HASENAU (Allemagne), même s’il a préféré que les crimes les plus graves soient traités par les juridictions nationales, a estimé que la compétence universelle permet de poursuivre tous leurs auteurs et de renforcer les droits des victimes.  Il a annoncé des changements sur les procédures en place dans son pays, tels qu’une interprétation en langue étrangère pendant les procès et un soutien psychologique aux victimes, y compris de crimes sexuels.  Daech est revenu en Allemagne, a-t-il regretté, et la compétence universelle permet de garantir la pleine responsabilité des auteurs de crimes graves et d’appliquer des peines plus lourdes.  Dans le cadre de l’attaque russe contre l’Ukraine, l’Allemagne a mis en place une structure spécialisée qui examine les témoignages et les preuves de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. 

Mme MELINDA VITTAY (Hongrie) a souligné que la pratique judiciaire autour de l’application du principe de compétence universelle était en « constante évolution ».  Elle a donné l’exemple de son pays où, en 2020, un tribunal de Budapest a rendu un jugement historique contre un homme surnommé le « bourreau de Daech », auteur de crimes contre l’humanité à l’encontre de la population civile en Syrie, un jugement confirmé par la Cour d’appel de Budapest en 2021 et qui a envoyé le message que « les crimes internationaux les plus odieux ne doivent pas rester impunis ».  Dans l’idéal, ces crimes sont jugés par des tribunaux locaux dans le pays où ils ont été commis, comme le veut le principe de la souveraineté des États, a-t-elle précisé, ce qui signifie que la compétence universelle doit toujours être utilisée « en dernier recours ».  La représentante a rappelé que dans le cas de son pays, les procédures pénales en vertu de la compétence universelle ne pouvaient être engagées que sur ordre du Procureur général de Hongrie, ce qui constitue une véritable garantie de procédure.  Elle a conclu son intervention en appelant les membre de la Sixième Commission à identifier les points de convergence et de divergence sur la définition, la portée et l’application de la compétence universelle. 

M. PAVEL EVSEENKO (Bélarus) a considéré que le principe de compétence universelle ne doit s’appliquer qu’à certaines catégories de crimes, car une application très large à n’importe quel crime selon les priorités des États contredirait le principe fondateur du droit.  Compte tenu de l’ambiguïté des approches des États en la matière et des lacunes existantes dues à l’utilisation abusive du principe de compétence universelle à des fins politiques et aux tentatives de l’appliquer au sens le plus large sans tenir compte des obligations juridiques internationales relatives aux immunités des représentants de l’État, « le principe ne peut pas être considéré comme une règle coutumière du droit international ».  L’obligation des États de poursuivre sur leur territoire les auteurs de crimes internationaux ne peut naître que sur la base d’un traité international universel, a insisté le délégué.  Il a également critiqué des accords conclus « à la va-vite » entre certains États, comme la Convention de Ljubljana-La Haye, qui ne peuvent pas constituer des normes reconnues au niveau international.  Les mécanismes prévus par cette convention pourraient saper la confiance des États, a-t-il prévenu. 

Mme YARDEN RUBINSHTEIN (Israël) a dit la grande douleur qui est la sienne aujourd’hui, avant de rappeler l’attachement de son pays au sujet à l’ordre du jour.  « Cette année, nous ne pouvons néanmoins pas l’aborder sans faire référence aux événements incompréhensibles qui se sont déroulés », a déclaré la déléguée, en soulignant la cruauté et la barbarie de l’attaque du Hamas, le 7 octobre.  Elle a indiqué que plus de 1 300 Israéliens et de ressortissants de pays présents dans cette salle ont été tués, avant de dénoncer les prises d’otages du Hamas.  « Ces actions terrifiantes constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. »  La déléguée a mentionné les récits terrifiants des survivants de cette attaque, soulignant que des personnes ont été brûlées vives à leur domicile.  Le Hamas a commis des crimes internationaux graves et les responsables doivent rendre des comptes, a-telle insisté, avant de remercier la communauté internationale pour son soutien lors de cette période de « grande angoisse. » 

M. MATS JACOBS (Pays-Bas), après avoir exprimé le soutien de sa délégation à Israël dans le cadre des récents événements, a assuré que la compétence universelle est un outil important dans la lutte contre les crimes les plus graves au niveau international.  Aux Pays-Bas, a-t-il poursuivi, la loi sur les crimes internationaux de 2003 codifie les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité, en veillant à la pleine mise en œuvre des dispositions du Statut de Rome au niveau national.  Ladite loi permet également de mener des enquêtes à l’étranger quand ces crimes sont commis par des étrangers, bien que certaines enquêtes soient impossibles, à moins que les victimes ne soient des ressortissants néerlandais et que le suspect soit présent sur le territoire au moment de l’enquête.  Par ailleurs, le délégué a rappelé que le Code pénal néerlandais prévoit la compétence universelle pour la piraterie en mer.  En conclusion, sa délégation appuie l’étude de la CDI sur la portée et l’application du principe de compétence universelle et attend ses résultats. 

M. BAHRAM HEIDARI (République islamique d’Iran) a noté que les États Membres devaient encore parvenir à une « compréhension commune » du cadre conceptuel et juridique de la compétence universelle et de son champ d’application, notamment s’agissant du chevauchement entre ce principe et les immunités de certains hauts fonctionnaires.  Il par ailleurs noté que « l’expansion non consensuelle » des crimes relevant de la compétence universelle restait un sujet de préoccupation pour son pays.  À ce titre, le représentant a fait part de l’opinion d’un certain nombre de juges de la Cour internationale de Justice (CIJ) concernant « le chaos judiciaire » qui pourrait résulter si la compétence universelle était conférée aux tribunaux de tous les États du monde pour poursuivre certains crimes.  L’application « sélective et arbitraire au profit de certains États spécifiques » est un autre point préoccupant, a jugé le représentant.  Il a indiqué que pour son pays la compétence universelle constituait principalement un outil permettant de poursuivre les auteurs de certains crimes graves « en vertu des traités internationaux pertinents ».  Le renvoi de cette question à la CDI pour un examen approfondi ne produirait donc pas, selon lui, de résultats satisfaisants pour la suite des travaux de la Sixième Commission.

M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a considéré que la compétence universelle ne peut être invoquée par les tribunaux nationaux que pour poursuivre et prononcer des condamnations pour des crimes graves définis en droit international.  Mais, pour l’heure, a-t-il constaté, « l’utilisation de cet outil contre l’impunité reste entachée d’incohérence, de confusion et, parfois, d’une justice inégale ».  Les tribunaux pénaux internationaux ont également un rôle essentiel à jouer pour combattre l’impunité, mais en complément des tribunaux nationaux.  Selon le représentant, élargir l’exercice de la compétence universelle par les tribunaux nationaux pourrait toutefois contribuer à réduire les écarts dans l’application du droit qui ont favorisé les auteurs de crimes graves.

M. ABDOU NDOYE (Sénégal) a dit que la compétence universelle s’avère être l’un des moyens les plus efficaces pour prévenir et réprimer les pires atrocités.  Considérant que l’exercice de la compétence universelle par les États Membres demeure une nécessité pour la lutte contre l’impunité des atrocités de masse, le Sénégal l’a intégrée dans son dispositif juridique interne, a-t-il indiqué.  Il s’est dit convaincu que l’application de la compétence universelle doit toujours reposer sur les principes du droit international, notamment le respect de la souveraineté des États, la non-ingérence dans leurs affaires intérieures ou encore l’égalité souveraine des États.  La légitimité et la crédibilité de la compétence universelle restent fortement tributaires de son application qui doit demeurer conforme au principe de complémentarité, bien établi en droit pénal international, a argué le délégué.  Enfin, il a appelé la CDI à délimiter clairement le champ d’application du principe de compétence universelle.  « Le recours au principe de compétence universelle, sur la base de règles claires, pour les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime de génocide pourrait être un excellent moyen de lutter contre l’impunité des auteurs des atrocités de masse dans le monde. »

M. PABLO ADRIÁN ARROCHA OLABUENAGA (Mexique) a relevé la pertinence de la compétence universelle pour certaines situations.  Toutefois, il a estimé qu’il reste utile d’approfondir et de préciser des questions.  Parmi celles-ci, la compétence subsidiaire, la différence entre la compétence universelle et la compétence extraterritoriale, ainsi que la différence entre la compétence universelle et la compétence aut dedere aut judicare. Le délégué a souhaité que la CDI inclue la question de la compétence universelle à son programme de travail, espérant que l’on puisse mettre de côté les divergences internes entre les commissions afin de répondre aux demandes des États Membres.  Il faut un changement de paradigme dans lequel les victimes, et non plus les auteurs, figureraient au cœur de l’approche pour garantir que justice soit faite, a-t-il conclu. 

M. JONATHAN SAMUEL HOLLIS (Royaume Uni) a souligné que la compétence universelle pouvait être un outil important pour s’assurer que les auteurs de crimes graves n’échappent pas à la justice, tout en notant l’absence de consensus international sur la nature, la portée et l’application de ce principe.  Il a rappelé que ce principe était distinct de la compétence des mécanismes judiciaires internationaux et autres catégories de compétence extraterritoriale et qu’il existait des « chevauchements » entre la compétence universelle et les régimes d’extradition et de poursuites.  Le représentant a insisté sur la primauté de l’approche territoriale de la compétence, rappelant que les autorités de l’État sur le territoire duquel une infraction est commise sont « généralement les mieux placées » pour poursuivre cette infraction.  Il n’existe qu’un « petit nombre d’infractions » sans lien apparent entre le crime et le Royaume-Uni pour lesquelles les tribunaux nationaux peuvent exercer une compétence universelle.  Il a indiqué que sur ces questions, son pays gardait une préférence pour la collaboration entre États par le biais de traités. 

M. MARTÍN JUAN MAINERO (Argentine) a rappelé que la responsabilité principale de lancer des enquêtes et de mener des procès incombe aux États qui ont un lien avec les crimes.  L’Argentine estime qu’il faut dégager des règles claires concernant l’exercice de la compétence universelle, afin d’éviter des abus de procédure et des poursuites à des fins politiques.  Le délégué a indiqué que son pays l’avait exercée à plusieurs reprises, à titre subsidiaire et exceptionnel, s’agissant de crimes qui n’auraient pu être jugés dans les États liés à l’auteur ou au crime.

M. GUSTAVO ADOLFO RAMÍREZ BACA (Costa Rica) a estimé qu’au vu des violations massives et systématiques des droits de l’homme, l’application du principe de compétence universelle est plus nécessaire que jamais, regrettant le manque de progrès à ce sujet au sein de la Sixième Commission.  Ce qui est en jeu, a insisté le délégué, c’est bien l’impératif de justice pour les victimes des crimes les plus atroces et l’engagement de la communauté internationale de lutter contre l’impunité.  Pour le Costa Rica, « l’impunité pour les crimes graves d’envergure internationale est non seulement inacceptable mais aussi injustifiable », d’autant qu’il existe de plus en plus de mécanismes de coopération juridique pour la combattre.  Le délégué a, par ailleurs, souligné l’importance du principe de complémentarité entre la justice internationale et la justice nationale.

Mme NATASA ŠEBENIK (Slovénie) a noté que ces dernières années, les autorités judiciaires nationales ont de plus en plus souvent invoqué la compétence universelle pour lancer des enquêtes sur les atrocités commises dans plusieurs pays et initier avec succès des procédures judiciaires sur cette base.  À ce titre, elle s’est félicitée que son pays, avec l’Argentine, la Belgique, les Pays-Bas, la Mongolie et le Sénégal, ait su mener à bien les négociations qui ont débouché sur l’adoption de la Convention de Ljubljana-La Haye sur la coopération internationale en matière d’enquêtes et de poursuites relatives au crime de génocide, aux crimes contre l’humanité, aux crimes de guerre et aux autres crimes internationaux.  Elle a expliqué que la Convention offrait, pour la première fois dans l’histoire, un cadre juridique permettant aux pays de coopérer « sur une base systématique » dans la poursuite des crimes internationaux les plus graves.  Les États ont également inclus dans cet instrument l’obligation d’établir une compétence universelle pour les crimes internationaux, une disposition qui, a conclu la représentante, reflète le développement progressif du droit international.

M. JAMES KIRK (Irlande) a souligné l’importance de la compétence universelle dans la lutte contre l’impunité.  Si l’établissement des responsabilités pour les crimes les plus graves a un effet dissuasif, c’est aussi un élément essentiel dans tout processus de réconciliation.  Il a précisé que l’application d’une compétence extraterritoriale, y compris la compétence universelle, est exceptionnelle dans son pays et encadrée par la Constitution irlandaise.  Notre droit ne permet pas la tenue de procès par contumace, par conséquent, pour que le principe de compétence puisse s’appliquer, la personne suspectée doit être présente sur le territoire irlandais, a ajouté le délégué.  « C’est pourquoi ce principe a été très peu appliqué en Irlande jusqu’à présent. »  Enfin, il a déclaré que ce principe doit s’appliquer de manière transparente et raisonnable. 

M. HUSSEIN OSSAMA HUSSEIN ABDELRHMAN ROSHDY (Égypte) a souligné que s’il était important, aux yeux de son pays, de lutter contre l’impunité, l’Égypte était aussi attachée au respect du droit coutumier, notamment au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États.  Selon lui, l’adoption d’une définition trop large du principe de compétence universelle devrait être évitée.  Le principe de compétence universelle doit venir « compléter » la compétence des juridictions nationales et ne doit être utilisé qu’à titre « exceptionnel », a poursuivi le délégué.  Il ne peut être invoqué que lorsque l’État où le crime est commis n’est pas à même ou n’est pas disposé à exercer sa compétence, sans que des procédures arbitraires ne soient prises contre cet État.  Le délégué a réitéré le souhait de son pays que les discussions sur ce sujet soient « méticuleuses, sans imposer de calendrier », afin d’aboutir aux résultats escomptés. 

M. MARVIN IKONDERE (Ouganda) a rappelé que la communauté internationale est loin d’avoir dégagé un consensus sur la portée et l’application du principe de compétence universelle.  Par conséquent, la compétence de juger de ces crimes revient à l’État où le crime a eu lieu, a-t-il tranché.  La portée et l’application de ce principe doivent, en outre, s’effectuer en cohésion avec le droit international afin d’éviter les abus et le « deux poids, deux mesures ».  Selon le délégué, il s’agit donc d’une compétence qui doit être exercée en complément aux juridictions nationales, l’État du territoire le plus touché par le crime devant en poursuivre l’auteur.  Si l’État du territoire n’est pas à même de le faire, la compétence universelle, peut servir à condition d’être exercée de bonne foi et dans le respect des normes, a-t-il conclu. 

M. MUHAMMAD USMAN IQBAL JADOON (Pakistan) a déclaré que si son pays reconnaissait la nécessité d’éliminer l’impunité, les efforts collectifs pour parvenir à une compréhension unifiée de cette question étaient « obscurcis » par de fortes disparités.  Il a ainsi dénoncé « l’utilisation sélective et la distorsion » du principe de compétence universelle par certains États et estimé qu’il ne devait être invoqué que dans des circonstances exceptionnelles, la première réponse devant toujours venir des voies de recours internes, « sauf si l’État n’a pas la volonté ou la capacité de le faire ».  Le représentant a par ailleurs noté que la compétence universelle ne devrait s’appliquer qu’aux crimes graves tels que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide et souligné que l’obligation d’extrader ou celle de poursuivre des individus en vertu d’accords conventionnels étaient « conceptuellement et juridiquement distinctes » de la compétence universelle.  Après avoir décrit le principe comme un outil essentiel du respect de la justice, indépendamment des frontières géographiques et de l’État exerçant un contrôle effectif sur le territoire occupé, le délégué a conclu que le principe de compétence universelle ne devait pas être considéré comme une « autorisation d’empiéter » sur la souveraineté des États et devait toujours s’appliquer dans le plein respect des principes du droit international et de la Charte des Nations Unies. 

M. AMMAR MOHAMMED MAHMOUD MOHAMMED (Soudan) a souhaité un dialogue « inclusif et transparent » sur cette question controversée.  Toute approche équilibrée doit tenir compte des principes consacrés par le droit, tels que la souveraineté des États et la non-ingérence dans leurs affaires intérieures, a déclaré le délégué, en soulignant la prééminence de la compétence nationale sur la compétence universelle.  L’État sur le territoire où est commis un crime ou l’État de nationalité doivent avoir compétence.  Il est crucial d’éviter tout conflit de juridiction, a déclaré le délégué.  Plaidant pour le consensus, il a appelé à prévenir tout abus dans l’application du principe de compétence universelle.

M. ALEXANDER S. PROSKURYAKOV (Fédération de Russie) a rappelé les contours nébuleux du concept de compétence universelle, ce que le rapport de la CDI souligne.  Si ce rapport rend bien compte des différentes perspectives et modalités existant en droit interne, il n’y a pas de consensus sur l’application de ce concept, a-t-il rappelé.  Si la communauté internationale souhaite atteindre un consensus, elle doit faire preuve de pragmatisme et s’assurer que la compétence universelle est appliquée en accord avec le droit international, en particulier en ce qui concerne l’immunité des fonctionnaires.  Les abus de ce concept risquent de compliquer les relations entre les États, a mis en garde le représentant, appelant tout de même à la coopération dans les domaines de l’échange d’information et d’aides interétatiques.  L’absence durable de consensus signifie que l’on ne peut pas discuter de critères pour la portée et l’application de la compétence universelle, a-t-il relevé, suggérant qu’il faudrait peut-être en faire un sujet « trisannuel ».  Ce sujet, a-t-il rappelé, a été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée par le Groupe des États d’Afrique et avait pour but initial de renforcer les juridictions nationales et de faire en sorte qu’elles ne soient pas utilisées à des fins politiques. Toutefois, les juridictions nationales continuent d’être utilisées par l’Occident comme outil de lutte contre des régimes qui ne leur conviennent pas, a-t-il regretté. 

Mme ARIANNA CARRAL CASTELO (Cuba) a dit que la portée et l’application du principe de compétence universelle doivent faire l’objet d’un débat général, afin d’éviter une utilisation abusive.  Cette compétence ne peut aller à l’encontre d’un système judiciaire national ni être utilisée à des fins politiques, a insisté la déléguée.  Les principes de droit international constituent la limite du principe de compétence universelle, qui doit être utilisé dans des circonstances exceptionnelles.  Cuba exprime sa préoccupation face à son exercice de manière sélective et avec des « motivations politique » par des tribunaux de pays industrialisés contre des pays en développement, sans que cela ne découle d’une norme internationale ou d’un traité.  L’immunité absolue de chefs d’État et de fonctionnaires de haut rang ne doit pas faire l’objet d’une remise en question sous prétexte de compétence universelle, a asséné la déléguée.

M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a rappelé que l’Assemblée générale avait, dans plusieurs résolutions sur la lutte contre l’impunité, consacré le principe de souveraineté des États découlant de l’égalité même de ces États au plan international.  Il a souligné que la compétence universelle renvoyait à la capacité des États de punirleurs propres nationaux lorsqu’ils commettent des crimes et a expliqué à ce titre qu’il existait plusieurs principes fondant la compétence extraterritoriale de l’État d’origine.  Le représentant a estimé, en s’appuyant sur plusieurs exemples, qu’il était dangereux d’habiliter tous les États à procéder à la répression de certains types d’infractions, quel que soit le lieu où elles ont été commises ou la nationalité de leur auteur ou des victimes.  Cette approche, a-t-il expliqué, risque de transformer la souveraineté des États et la stabilité internationale en « agneau sacrificiel à l’autel d’une certaine politique publique internationale ». Les crimes spécifiques couverts par la compétence universelle varient en fonction des lois de chaque État, a conclu le représentant, en encourageant les États à inclure dans leur ordre juridique interne des dispositions qui donnent à leurs juridictions toute compétence pour connaître de tous les crimes commis par leur nationaux.  Il a indiqué que sa délégation était favorable à un consensus sur les fondements et la portée du principe de compétence universelle. 

M. LI LINLIN (Chine) a souligné que cette question de la compétence universelle a des aspects diplomatiques, juridiques et politiques, avant d’insister sur le manque de consensus entre les États.  Il a notamment estimé que l’exercice de la compétence universelle dans le cas de la piraterie n’offre pas de base pour l’exercice de ce principe dans d’autres cas.  Le délégué a souligné l’importance de respecter la souveraineté des États et la non-ingérence dans leurs affaires intérieures, ainsi que les immunités, dans l’application de ce principe.  Il a appelé à éviter tout abus dans l’exercice de la compétence universelle.  Enfin, le délégué a jugé « prématuré » de demander à la CDI de conduire une étude sur tous les aspects de ce principe. 

Droit de réponse

Le délégué de la République arabe syrienne a réagi à la déclaration faite par le Liechtenstein, qui visait à « politiser » ce débat pourtant de nature exclusivement juridique, en violation de la souveraineté nationale de la Syrie.  Il a rappelé l’importance de ne pas s’ingérer dans les affaires internes des États.  Il a invité son homologue à se préoccuper des crimes dans son pays qui n’ont pas besoin de compétence universelle, « comme la fraude fiscale ».

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Ukraine: le Conseil de sécurité fait le point sur le transfert d’armes

9436e séance – matin 
CS/15439

Ukraine: le Conseil de sécurité fait le point sur le transfert d’armes

Le Conseil de sécurité s’est réuni ce matin, à la demande de la Fédération de Russie, pour entendre un exposé du Haut-Représentant adjoint pour les affaires de désarmement et débattre de la fourniture d’armes « dans le contexte de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine ».  Des données techniques et chiffrées ont été livrées sur ce transfert d’armes qui s’est poursuivi et a même augmenté à destination de l’Ukraine, une aide militaire justifiée par la Charte des Nations Unies selon certaines délégations.  Un journaliste américain invité à la séance a qualifié d’« irresponsable » l’injection d’une catégorie d’armes antiaériennes, les « man pads », dans un environnement aussi instable.

Le Haut-Représentant adjoint Adedeji Ebo, qui est aussi le Directeur du Bureau des affaires de désarmement, a énuméré les armes incluses dans l’assistance militaire apportée aux forces armées ukrainiennes, qui comprennent des armes classiques lourdes (chars de combat, véhicules blindés de combat, avions de combat, hélicoptères, systèmes d’artillerie de gros calibre, systèmes de missiles et véhicules aériens de combat sans équipage), ainsi que des drones armés, des armes légères et de petit calibre et leurs munitions.  Il a en outre fait référence à des informations relatives au transfert de munitions antichars à uranium appauvri aux forces ukrainiennes. Parallèlement, il a fait part d’informations reçues sur le transfert d’armes (drones et munitions) à destination des forces armées russes.

M. Ebo s’est inquiété notamment de l’emploi de mines terrestres antipersonnel et de l’utilisation d’armes à sous-munitions en Ukraine, lançant un appel pour qu’il soit mis fin immédiatement à l’utilisation de ces « armes inhumaines » qui frappent sans discrimination et entraînent des conséquences humanitaires durables. De plus, le détournement de munitions classiques a attiré l’attention du Haut-Représentant adjoint qui a dit « attendre avec intérêt » l’approbation par l’Assemblée générale et la mise en œuvre du tout nouveau Cadre mondial pour la gestion des munitions classiques tout au long de leur cycle de vie.  Il a aussi demandé à tous les États d’adhérer à tous les traités et accords dans ce domaine et à respecter leurs engagements politiques. S’adressant encore aux États Membres, il les a exhortés à appliquer les termes de la Déclaration politique sur le renforcement de la protection des civils contre les conséquences humanitaires de l’emploi d’armes explosives dans les zones peuplées.

De manière générale, la délégation de l’Équateur a recommandé un renforcement de l’architecture mondiale de désarmement, par l’adhésion aux traités existants et l’entrée en vigueur du Traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires. Compte tenu du risque de révocation par la Russie de la ratification de cet instrument signé à ce jour par 185 États et ratifié par 170, le Japon a réaffirmé son appui aux efforts visant à réaliser un monde sans armes nucléaires.

Des appels ont en outre été lancés, par la Chine notamment, pour veiller à ce que les armes ne tombent entre les mains de terroristes, tandis que l’invité de cette séance, l’analyste politique Graham Nixon, a prévenu que des armes issues de ce conflit parviennent en Afrique par le truchement du marché noir.  Allant plus loin, il a déclaré que « les nations européennes sont déjà très probablement inondées de matériel militaire dangereux », craignant que les éléments les plus violents et criminels d’Europe et au-delà se retrouvent ainsi dotés de la capacité de menacer la stabilité interne de n’importe quelle nation de leur choix.

Toujours selon ce journaliste, qui s’est présenté comme un policier à la retraite, les États-Unis auraient injecté plus de 100 milliards de dollars en armes et autres formes d’assistance militaire à l’Ukraine.  La Fédération de Russie a donné ses propres chiffres sur l’aide reçue par l’Ukraine, affirmant que « la somme totale reçue par Kiev avoisine les 165 milliards de dollars ».  Elle a établi un parallèle avec ce que l’ONU reçoit pour financer ses plans d’intervention humanitaire à travers le monde, dont le budget de 55 milliards de dollars n’a été encore financé qu’à 32%.  De même avec ce que l’Union européenne a consacré ces 15 dernières années pour les opérations de maintien de la paix en Afrique, « seulement 4 milliards de dollars », a encore avancé la délégation russe.

Les justifications de l’aide militaire à l’Ukraine sont venues notamment de l’Albanie pour qui l’Article 51 de la Charte des Nations Unies constitue la base juridique permettant aux États d’offrir toute assistance à un pays exerçant son droit de légitime défense.  Il a rappelé que ce « droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective » pouvait être exercé « dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée ».  La France a confirmé que la décision d’appuyer l’Ukraine sur le plan militaire n’est qu’une réponse à l’agression dont est victime ce pays et l’exercice du droit à la légitime défense tel que prévu par la Charte.

« Toute nation qui combat le terrorisme devrait continuer de soutenir l’Ukraine, afin qu’elle sorte vainqueur de cette guerre qui dure depuis 597 jours », a renchéri le représentant de ce pays, ajoutant que la solidarité dont jouit l’Ukraine est essentielle au regard des intentions du Président Putin et de ses complices qui sont « clairement génocidaires », selon lui.

La Russie a regretté pour sa part de ne pas avoir entendu la moindre proposition tangible de la part de ses collègues occidentaux pour trouver une solution pacifique en Ukraine. Le Gabon, le Ghana et le Mozambique ont plaidé pour un règlement « diplomatique et négocié », le Brésil préconisant de déployer des bons offices ou de mener des négociations par le biais de « pays tiers neutres ».  Le Gabon a encouragé le Conseil à se réconcilier avec sa fonction initiale de « conseil de sécurité », et non de « conseil de guerre », et demandé de définir de toute urgence de nouvelles normes et des lignes rouges à l’échelle mondiale, dans le contexte actuel marqué par la résurgence de conflits, notamment au Moyen-Orient.

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclarations

M. ADEDEJI EBO, Directeur du Bureau des affaires de désarmement et Haut-Représentant adjoint pour les affaires de désarmement, a indiqué que la fourniture d’une assistance militaire aux forces armées ukrainiennes s’est poursuivie dans le contexte de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, mentionnant des armes classiques lourdes (chars de combat, véhicules blindés de combat, avions de combat, hélicoptères, systèmes d’artillerie de gros calibre, systèmes de missiles et véhicules aériens de combat sans équipage), ainsi que des drones armés, des armes légères et de petit calibre et leurs munitions.  Il a précisé que les transferts signalés d’armes et de munitions aux forces ukrainiennes avaient augmenté au cours des derniers mois, prenant également note d’informations relatives au transfert de munitions antichars à uranium appauvri aux forces ukrainiennes.  En outre, a-t-il ajouté, il a été signalé que des États transfèrent, ou envisageraient de le faire, des armes telles que des drones et des munitions aux forces armées russes, y compris en vue d’une utilisation éventuelle en Ukraine. 

Passant aux informations afférentes à l’emploi de mines terrestres antipersonnel et à l’utilisation et au transfert d’armes à sous-munitions en Ukraine, M. Ebo a appelé à ce qu’il soit mis fin immédiatement à l’utilisation de ces « armes inhumaines » qui frappent sans discrimination et ont des conséquences humanitaires graves et durables.  Les mines terrestres et les restes explosifs de guerre ont entraîné une contamination généralisée en Ukraine, a-t-il déploré en soulignant que cela menace la vie des civils, rend les terres dangereuses pour l’agriculture et perturbe les transports et l’arrivée de l’aide humanitaire. M. Ebo a expliqué que le processus de cartographie de cette contamination et de défrichement des terres sera long et nécessitera des ressources et l’appui de la communauté internationale.  Il a appelé les États qui ne sont pas encore parties à la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, ainsi qu’à la Convention sur les armes à sous-munitions, à tout mettre en œuvre pour y adhérer. 

M. Ebo a aussi réitéré l’appel lancé par la Haute-Représentante à toutes les parties concernées pour qu’elles respectent les obligations qui leur incombent en vertu de la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, et de ne pas transférer ni utiliser de mines interdites par son Protocole II modifié. 

Le Haut-Représentant adjoint a proposé des mesures telles que l’amélioration des pratiques de marquage, des évaluations exhaustives des risques de détournement avant le transfert, des certificats d’utilisateur final (avec notamment des clauses de non-transfert), des mesures juridiques et d’application efficaces et des vérifications après expédition.  Il faut aussi, aux fins de prévenir un détournement d’armes et de munitions, veiller à la transparence de la chaîne d’approvisionnement, à la coopération et l’échange d’informations entre les États importateurs, de transit et exportateurs, a-t-il préconisé.  Au titre des mesures concrètes, il a recommandé le marquage et le traçage, une comptabilité efficace et des pratiques de redevabilité complètes, la protection physique des armes et des munitions, des mesures douanières et de contrôle aux frontières et une surveillance et une analyse du détournement. M. Ebo a mentionné à cet égard le Registre des armes classiques des Nations Unies (UNROCA). 

Le Haut-Représentant adjoint a dit « attendre avec intérêt » l’approbation par l’Assemblée générale du Cadre mondial et les prochaines étapes de sa mise en œuvre pour lutter contre le détournement de munitions classiques, et demandé à tous les États d’adhérer à tous les traités et accords dans ce domaine et de respecter également leurs engagements politiques, afin de réduire au minimum le risque de détournement d’armes et de munitions. 

Évoquant les répercussions de l’intensification de la guerre en Ukraine, il a indiqué qu’entre le 24 février 2022 et le 8 octobre 2023, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme avait enregistré 27 768 victimes civiles en Ukraine, dont 9 806 tuées et 17 962 blessées, ajoutant que les chiffres réels sont susceptibles d’être considérablement plus élevés.  La grande majorité des victimes civiles résultant de l’utilisation d’armes explosives à large rayon d’action (tirs d’artillerie, chars et lance-roquettes multiples, missiles de croisière et balistiques et frappes aériennes), le Haut-Représentant adjoint a exhorté tous les États Membres à appliquer la Déclaration politique sur le renforcement de la protection des civils contre les conséquences humanitaires de l’emploi d’armes explosives dans les zones peuplées. 

Enfin, il a condamné les attaques systématiques et incessantes contre les civils et les infrastructures civiles dans toute l’Ukraine, y compris contre les établissements de santé et d’enseignement, ainsi que contre les installations de stockage des céréales.  « Les attaques contre les civils et les infrastructures civiles doivent cesser immédiatement », a martelé le haut fonctionnaire pour qui les responsables de ce type d’attaque doivent être amenés à rendre des comptes.  En conclusion, M. Ebo a réitéré l’appel du Secrétaire général à tous les États pour qu’ils fassent leur part pour « empêcher une nouvelle escalade, jeter les bases d’une paix durable et mettre fin à cette guerre insensée ».

M. GARLAND NIXON, analyste politique, s’est présenté comme un policier à la retraite, aujourd’hui journaliste, et comme un représentant de la classe ouvrière des États-Unis.  Il a ensuite déclaré que depuis le début de cette guerre, le Gouvernement des États-Unis a injecté plus de 100 milliards de dollars en armes et autres formes d’assistance militaire à l’Ukraine.  Beaucoup des armes portatives fournies possèdent d’incroyables capacités destructrices.  Il existe des armes antiaériennes tirées à l’épaule, connues sous le nom de « man pads », qui peuvent facilement abattre un avion civil.  Les États-Unis ont également livré des roquettes antichars qui pourraient être utilisées avec un effet dévastateur sur un convoi de véhicules civils.  L’injection de ces armes de qualité militaire dans un environnement aussi instable que l’Ukraine est tout à fait irresponsable, a affirmé M. Nixon.

Dans le cas de l’Union européenne, cela pourrait même finir par être suicidaire pour beaucoup de ses citoyens, a poursuivi l’intervenant.  Nous sommes déjà confrontés à des cas où des armes issues de ce conflit parviennent, via le marché noir, en Afrique, a-t-il affirmé, ajoutant que cela signifie que les nations européennes sont très probablement déjà inondées de matériel militaire dangereux, avec des éléments les plus violents et criminels en Europe et au-delà, qui auront la capacité de menacer la stabilité interne de n’importe quelle nation de leur choix.  Qui d’entre nous serait à l’aise de prendre un vol commercial si des acteurs criminels ou terroristes abattaient un avion civil à Paris, Londres ou Bruxelles? a interrogé l’orateur. 

M. Nixon a aussi déclaré que, selon des sources fiables, l’armée ukrainienne a perdu plus de soldats au cours des derniers mois que l’armée américaine n’en a perdu au cours d’une décennie de combats lors de sa malheureuse mésaventure au Viet Nam.  Les militaires hautement entraînés et puissamment équipés, parrainés par l’OTAN, qui ont déclenché le conflit, ont été anéantis et remplacés par des conscrits. Ceux qui prétendent soutenir l’Ukraine doivent reconnaître que mettre des civils en tenue de camouflage, leur donner quelques semaines d’entraînement et les opposer à des positions défensives imprenables est un acte inadmissible de sacrifice humain, a-t-il lancé, ajoutant que soutenir une nation implique de garantir la sécurité et la prospérité de ses citoyens. 

Poursuivant, M. Nixon a déclaré que nous sommes aujourd’hui confrontés à une situation incroyablement dangereuse qui pourrait, sans préavis, devenir incontrôlable et transformer notre belle planète en un rocher glacé et inhabité. Or nous avons une feuille de route pour la paix et si des dirigeants raisonnables à l’esprit diplomatique peuvent trouver les moyens intellectuels et moraux d’agir avec rapidité et détermination, une résolution de ce conflit peut donner naissance à une structure de sécurité qui garantit la paix et la stabilité sur le continent européen et au-delà, a-t-il assuré.  Arrêtez le flux d’armes vers le théâtre ukrainien.  Faites pression pour mettre fin aux hostilités et œuvrez pour une résolution de la sécurité européenne qui tienne compte de la sécurité des nations européennes, de la Fédération de Russie, et de la menace globale que cela représente, a-t-il conclu. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dit qu’il était frappé par « l’entêtement et l’hypocrisie » de ses collègues occidentaux qui appellent à la cessation des hostilités militaires en Ukraine.  Cette cessation des hostilités n’est possible selon eux que dans le cas d’une défaite de la Russie, a-t-il relevé en observant pourtant que les pays occidentaux font tout l’inverse en fournissant à l’Ukraine des armes et en dissuadant le « régime de Kiev » de tout scenario réaliste pour le règlement de la crise.  Le représentant a regretté de ne pas avoir entendu la moindre proposition tangible de la part de ses collègues occidentaux pour trouver une solution pacifique en Ukraine. Poursuivant, le délégué a égrené une longue liste détaillant l’aide militaire occidentale à Kiev « qui bat tous les records » selon lui.  Pour illustrer le « cynisme » de ses collègues occidentaux, il a dénoncé le Ministre de la défense des Pays-Bas qui, en octobre, aurait dit qu’armer l’Ukraine est un moyen peu coûteux de s’opposer à la Russie. En outre, selon le représentant, l’Ukraine est devenue le plus grand importateur d’armes et d’équipement militaire allemand.

Le délégué a affirmé que la Russie ne fait pas face aux forces armées ukrainiennes dont les ressources sont presque épuisées mais à toute la machine de guerre de l’OTAN et à l’industrie militaire conjointe.  Pour « satisfaire l’appétit insatiable de Kiev », les pays de l’Europe occidentale ont presque vidé leurs arsenaux de munitions et d’armes, a avancé le représentant en citant quelques chiffres concernant l’aide à l’Ukraine: la livraison par le Royaume-Uni de missiles pour un montant de 100 millions de livres; le « cadeau à Zelenskyy » de la Belgique de 1,7 milliard de dollars sous forme d’armes.  Le délégué a expliqué la provenance de ces fonds par les allégements fiscaux liés aux taux de pourcentage du taux d’intérêt sur les avoirs russes volés par l’Occident.  L’Allemagne a annoncé une aide militaire de 1 milliard de dollars pour des missiles à longs rayons d’action, a ajouté le délégué en citant encore l’annonce récente du chef du Pentagone sur la nécessité d’assurer l’approvisionnement continu en armes de l’Ukraine et la création d’une coalition d’États qui aiderait l’Ukraine à développer son armée de l’air.  La livraison d’avions de combats F-16 pourrait commencer dès le printemps 2024, a noté le représentant russe. 

Pour le représentant, ce scenario ne ferait qu’exacerber la crise sécuritaire en Europe en entraînant des affrontements militaires directs en Ukraine.  Par ailleurs, il a dit craindre que la corruption en Ukraine fasse accroître la prolifération et les trafics d’armes y compris au Moyen-Orient.  Ce contexte profiterait aux producteurs d’armes occidentaux « qui se frottent les mains », a-t-il commenté en observant que les commandes et les profits augmentent.  De plus, le délégué a affirmé que les pays occidentaux utilisent la situation actuelle pour se réarmer en donnant aux Ukrainiens leurs vieilles armes.  « Les parrains occidentaux de l’Ukraine tirent parti du conflit », a martelé le délégué pour qui les Ukrainiens sont les seuls perdants dans les jeux politiques des autres.  Pour le représentant, l’aide financière occidentale aux pays du Sud n’est rien comparée avec ce que l’Occident a alloué à l’Ukraine en armes.  La somme totale reçue par Kiev avoisine les 165 milliards de dollars alors que l’ONU n’a reçu que 32% des 55 milliards de dollars dont elle a besoin pour financer ses différents plans d’intervention humanitaire à travers le monde, a-t-il relevé. 

Il a ensuite noté que Bruxelles avait promis 50 milliards de dollars pour le relogement des déplacés ukrainiens.  Pourtant, ces 15 dernières années, l’Union européenne n’a donné que 4 milliards de dollars pour les opérations de maintien de la paix en Afrique. Les prêts du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale pour l’Ukraine ont augmenté de 677%, a encore constaté le délégué en faisant le total: ils ont versé 43 milliards de dollars pour ce pays.  Le représentant a dénoncé « l’humanisme sélectif des pays occidentaux »”. Il a aussi informé que la Première Dame d’Ukraine a dépensé plus d’un million de dollars dans l’une des bijouteries les plus chères de New York en septembre dernier.  Le représentant annonçant l’échec et la fin de la contre-offensive de l’Ukraine, a fait savoir que les forces russes sont passées à des opérations actives le long de la ligne de front et ont déjà réalisé des progrès considérables.  Plutôt que de mettre fin à ce massacre, les pays occidentaux continuent de fournir des armes à Kiev, a-t-il regretté en les accusant de ce fait de précipiter son agonie, a-t-il prévenu.  Selon lui, leur objectif est de porter préjudice à la Russie par le biais de l’Ukraine et de rendre le territoire ukrainien impropre à la vie. 

M. JOHN KELLEY (États-Unis) a remarqué qu’un mois jour pour jour après la réunion précédente sur le sujet, le Conseil se réunit à nouveau à la requête de la Russie pour discuter du transfert d’armes à l’Ukraine.  Il s’est opposé aux « efforts cyniques » de la Russie tendant à faire du Conseil « un pantin », lui répliquant que c’est bien un membre permanent du Conseil qui a envahi un autre État Membre de l’ONU. Cela soulève la question de la légitimité des États Membres, consacrée par la Charte, selon le délégué.  Il a dénoncé en particulier les nombreuses violations des multiples résolutions du Conseil sur la République populaire démocratique de Corée et de celles sur la République islamique d’Iran, ainsi que le blocage de l’acheminement des céréales au reste du monde. 

« La Russie ose parler de désarmement alors que c’est bien ce pays qui a déclenché une guerre d’agression injustifiée contre l’Ukraine », s’est impatienté le représentant, qui a mentionné les multiples attaques « cruelles », comme celle, récente, contre le village de Hroza, et l’invasion de l’Ukraine. Il s’est étonné que « le représentant russe ose dire que c’est notre envoi d’armes pour aider l’Ukraine contre cette agression qui est illégale », ajoutant que pas plus tard que la semaine dernière, un centre d’études internationales a publié des images satellitaires montrant 39 wagons dans une gare nord-coréenne, « une augmentation spectaculaire qui indique que la RPDC envoie des armes à la Russie ».  Le délégué a rappelé à cet égard l’interdiction faite aux États Membres de procéder à des transferts illicites d’armes.  Il a donc appelé la Russie à s’engager en faveur de la paix et de la sécurité et à respecter l’embargo sur les armes.  Le représentant a aussi dénoncé l’achat de drones à la République islamique d’Iran, pourtant interdits, et leur utilisation dans des attaques contre les civils et les infrastructures civiles, y compris des ports clefs pour le reste du monde.  Il a réaffirmé l’engagement des États-Unis à continuer à mettre à nu les efforts de la Russie tendant à obtenir des armes d’autres pays, concluant par un appel à ce pays pour qu’il retire immédiatement ses forces du territoire ukrainien.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a jugé fondamental, pour les membres du Conseil de sécurité, de se réconcilier avec sa fonction initiale de Conseil de sécurité, et non de conseil de guerre.  Il a ensuite estimé que l’appel conjoint du Secrétaire général et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) demandant aux États d’imposer de nouvelles règles internationales sur les systèmes d’armes autonomes, devait engager chaque membre de la communauté internationale.

Définir de nouvelles normes et des lignes rouges à l’échelle globale est une urgence absolue, dans le contexte actuel marqué par la résurgence de conflits, notamment au Moyen-Orient, a dit le représentant, pour qui la guerre en Ukraine doit cesser le plus vite possible.  Les souffrances et les destructions doivent être stoppées et cela n’est possible que par l’activation des canaux de la diplomatie et de la négociation, a-t-il conclu.

M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) qui a réitéré le droit à la légitime défense de tous les États, a souligné l’importance de prévenir la prolifération et les trafics illicites d’armes.  Le représentant a exhorté à chercher des solutions durables au conflit en Ukraine en plaidant en faveur d’un règlement diplomatique et négocié. Pour lui, c’est le seul moyen de mettre fin à ce conflit et de jeter les bases d’une paix durable entre les nations concernées.

Pour y parvenir, le représentant a jugé essentiel de donner une chance à toutes les voies, initiatives de paix et mesures de confiance.  Lorsque la confiance sera rétablie, les voies de la paix émergeront naturellement, a-t-il estimé.  Il a donc exhorté les parties concernées à cesser immédiatement les hostilités, à reprendre les négociations directes de bonne foi et à adopter une stratégie positive, inclusive et axée sur les résultats.  Vous devez vous concentrer sur les avantages de la collaboration plutôt que sur une position étroite et concurrentielle, a-t-il suggéré.

Mme SHINO MITSUKO (Japon) a sommé la Fédération de Russie de se retirer immédiatement et sans condition de l’Ukraine.  Aucun appui, et aucun transfert d’armes, ne doivent être fournis à la Russie.  Et il serait inacceptable qu’elle viole les résolutions du Conseil de sécurité en acceptant un tel appui, a-t-elle souligné.  Évoquant l’attachement du Japon aux efforts internationaux visant à réaliser un monde sans armes nucléaires, elle a fait part de sa profonde préoccupation concernant les déclarations récentes de la Russie sur une éventuelle révocation de ratification du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.  Elle s’est également inquiétée de la possibilité d’une coopération militaire entre la Russie et la « Corée du Nord » après leur récent sommet bilatéral à l’issue duquel les deux pays sont convenus d’une coopération stratégique et tactique.

Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes unis) a rappelé que le droit de légitime défense de tous les États Membres allait de pair avec le droit de développer des capacités de défense.  La représentante a ensuite réaffirmé l’importance de prendre des mesures pour protéger les armes pendant leur transfert, leur emmagasinage et leur déploiement, ajoutant que le moyen le plus efficace de faire face aux risques de détournement des armes et des munitions consiste à mettre définitivement fin au conflit. 

Mme Shaheen a exhorté toutes les parties au conflit en Ukraine à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire, car la protection des civils et des biens de caractère civil est primordiale.  Elle a rappelé le nombre de morts, de victimes et de déplacements de civils et le coût de cette guerre pour le peuple ukrainien.  Le traumatisme et les impacts durables sur la population laisseront également une marque indélébile, s’est-elle émue.  Les Émirats arabes unis sont prêts à travailler avec tous les partenaires dans la poursuite du dialogue et de la diplomatie, et à ouvrir la voie à une paix juste et durable qui respecte la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a accusé la Fédération de Russie de tenter, à nouveau, de détourner l’attention des crimes qu’elle commet.  « Elle ne fera croire à personne que le soutien apporté à l’Ukraine soit à l’origine du conflit, ni la cause de sa prolongation. »  C’est la Russie qui a pris la responsabilité de provoquer cette guerre, a-t-il dit en l’accusant d’avoir agressé l’Ukraine au mépris des principes de la Charte des Nations Unies.  Le représentant a expliqué que ce n’est qu’en réponse à cette agression que de nombreux pays, dont la France, ont décidé d’appuyer l’Ukraine dans l’exercice de son droit à la légitime défense, en vertu de l’Article 51 de la Charte. Il a reconnu que son pays fournit à l’Ukraine des systèmes qui lui permettent de se défendre, notamment face aux frappes indiscriminées menées contre ses infrastructures critiques. Ces livraisons d’armes sont effectuées dans le strict respect de nos engagements internationaux, en termes de contrôle des transferts d’armes et de prévention du détournement, a-t-il assuré. 

Le représentant a estimé que ce qui compromet les chances de régler cette crise, qui dure depuis plus de vingt mois, c’est la poursuite par la Russie d’une agression illégale, au moyen d’armes dont certaines sont acquises, en violation des résolutions du Conseil, auprès de l’Iran et de la République populaire démocratique de Corée.  « Nous appelons une nouvelle fois la Russie à cesser son agression et à retirer ses troupes du territoire ukrainien, comme l’a demandé une écrasante majorité des membres de l’Assemblée générale à plusieurs reprises. »  C’est, selon le représentant, la condition pour une paix juste et durable, fondée sur les principes de la Charte, et sur le respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

M. GENG SHUANG (Chine) a déclaré que les armes qui arrivent sur le théâtre de la guerre en Ukraine sont toujours plus létales et que les perspectives d’une solution s’éloignent chaque fois plus, d’où un risque croissant de prolifération.  Il a appelé toutes les parties à la retenue et à veiller à ce que les armes ne tombent entre les mains de terroristes.  Le délégué a insisté sur le fait que le dialogue et la promotion d’un règlement politique sont les seuls moyens de faire cesser ce conflit.  De l’Asie à l’Afrique, en passant par l’Europe et le Moyen-Orient, le monde est en ébullition, a-t-il relevé, appelant à adopter des mesures efficaces pour promouvoir l’entente et la réconciliation afin de parvenir à une paix pérenne et à une sécurité commune.

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a rappelé que cette séance fait suite à celle tenue en début de semaine après l’attaque meurtrière sur la ville de Hroza, séance lors de laquelle une grande majorité du Conseil y avait exprimé son inquiétude face à l’impact dévastateur de l’agression militaire russe sur la population civile en Ukraine.

Le représentant a rappelé que la Russie pouvait mettre un terme, à tout moment, à son agression militaire et du même coup éliminer les risques relatifs aux livraisons d’armes qui l’inquiètent.  Il ne faut jamais confondre l’agresseur et l’agressé, a-t-il ajouté, en rappelant que c’est la Russie qui viole des principes fondamentaux du droit international.  La Suisse rejette toute tentative de justifier cet acte ou de détourner l’attention de la responsabilité de ses conséquences. L’interdiction du recours à la force et de l’expansion territoriale par la force sont inscrites dans la Charte des Nations Unies et l’Ukraine, comme tous les États, a le droit d’assurer sa sécurité et de défendre son intégrité territoriale et sa souveraineté.

Concernant les livraisons d’armes, le représentant a jugé crucial que les États respectent leurs obligations.  Il s’est dit profondément préoccupé par l’érosion de l’architecture de contrôle des armements et le non-respect de certaines règles, notamment les violations de résolutions de ce Conseil, que ce soit à travers des transferts illégaux de drones de l’Iran vers la Russie ou ceux, présumés, d’armes et munitions de la RPDC au profit du même pays.  Il a ensuite rappelé le soutien de la Suisse au Nouvel agenda pour la paix du Secrétaire général, car il vise à réduire le coût humain des armes en protégeant mieux les civils dans les zones peuplées en conflit.  La Suisse fait d’ailleurs du déminage humanitaire dans les zones civiles une priorité de son action en Ukraine, a-t-il rappelé , ajoutant que son pays poursuivrait son engagement en faveur d’un plein respect du droit international et la reddition de comptes.

M. DARREN CAMILLERI (Malte) a rappelé la cohérence et la constance de la position de son pays sur le danger et l’impact à long terme du flux incontrôlé des armes sur la paix, de même que sur la protection des civils dans les conflits armés et la nécessité de garantir le respect du droit international.  Mais, pour le représentant, le vrai objectif de cette réunion demandé par la Fédération de Russie n’est pas la question du flux d’armes, c’est, cyniquement, de déformer la réalité et de présenter l’agresseur comme la victime et la victime en tant qu’agresseur.

Le Conseil ne doit pas perdre de vue la véritable cause de cette guerre, a déclaré le représentant, qui a rappelé que c’est bien la Russie qui, le 24 février 2022, a lancé une invasion à grande échelle et non provoquée de l’Ukraine, violant du même coup les principes de la Charte et le droit international tout en mettant en danger la sécurité européenne.  À aucun moment l’Ukraine n’a attaqué, ou même menacé d’attaquer, la Russie, a-t-il ajouté.

Réitérant le soutien de Malte à la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, ainsi que le droit de celle-ci à la légitime défense, le représentant a ensuite dénoncé les violences scandaleuses commises contre les civils et infrastructures ukrainiens, comme le récent bombardement de Hroza, un des plus meurtriers depuis le début de l’agression.  Il a également mis l’accent sur l’aggravation de la situation humanitaire avant de rappeler aux parties leur obligation de protéger les civils et de faciliter l’afflux de l’aide humanitaire.

M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) a accusé la Russie de « raconter de nombreux mensonges » au Conseil sur sa guerre d’agression illégale contre l’Ukraine.  Il a rappelé, à cet égard, ce qu’a déclaré le Président Putin après les frappes russes sur les infrastructures énergétiques, économiques et alimentaires civile de la semaine dernière: « l’économie et l’armée ukrainiennes s’effondreraient en une semaine sans l’aide d’autres États ».  Après avoir affirmé que la Russie aspire à la destruction complète d’un État Membre de l’ONU, le délégué a déclaré: « nous sommes fiers d’aider l’Ukraine ».  Le courage et l’unité du peuple ukrainien feront en sorte que la Russie échoue et que l’Ukraine l’emporte, a-t-il assuré, estimant que la guerre de la Russie est déjà un échec.  Il a ensuite dénoncé les « plus de 100 000 crimes de guerre » qui auraient été commis pendant le conflit, citant la torture ainsi que la violence sexuelle et sexiste commises par les forces russes, « amplement documentées ».

Pour le représentant, l’aide internationale à l’Ukraine ne fait pas prolonger cette guerre. Les Ukrainiens continueront à se battre pour défendre leur terre aussi longtemps qu’il le faudra, a-t-il prédit. Il a assuré que le soutien international au plan de paix du Président Zelenskyy augmente, disant que le Royaume-Uni est fier de soutenir ces efforts.  Le représentant a noté que, pour obtenir des armes, la Russie compte sur des États qui sont sous régimes de sanctions, tels que l’Iran et la République populaire démocratique de Corée (RPDC).  Il a dénoncé le fait que des drones iraniens aux mains des Russes aient tué des civils et causé d’énormes dégâts économiques en Ukraine.  Il a averti que la Russie négocie des accords pour qu’un grand nombre d’armes de la RPDC soient utilisées contre l’Ukraine, des accords qui constituent un risque grave pour la paix et la sécurité internationales et qui violent plusieurs résolutions du Conseil de sécurité.  En conclusion, il a garanti le soutien constant de son pays à l’Ukraine dans l’exercice de son droit de légitime défense.

M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a fait siennes les observations et recommandations du Bureau des affaires de désarmement concernant les risques qu’implique l’entrée d’armes et de munitions en Ukraine ainsi que les mesures qui s’imposent pour les réduire.  Il a fustigé la rhétorique nucléaire « nocive » depuis le début de l’invasion russe, avant d’appeler l’ensemble des États Membres à renforcer l’architecture mondiale de désarmement, notamment en ratifiant ou adhérant aux traités dans ce domaine, et en facilitant l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.

Le représentant a condamné par ailleurs les attaques contre Hroza, dans le district de Kharkiv, rappelant le rôle fondamental que peuvent jouer les systèmes d’armement antiaérien dans la protection de la population civile.  À cet égard, il a affirmé que la logique de la protection des civils et de l’intégrité territoriale doit présider tout transfert d’armes.  Il a ensuite exhorté la Fédération de Russie à cesser ses attaques sur les zones résidentielles, ou densément peuplées et à mettre fin à l’invasion pour donner une chance à une solution politique qui s’inscrirait dans le cadre du respect de l’intégrité territoriale et tous les autres principes de la Charte des Nations Unies.

Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a estimé que l’usage de la force n’est pas le moyen le plus stratégique pour régler un différend entre États.  Cela ne peut se faire que par la diplomatie et les négociations.  Mais il semble que les belligérants ne soient pas disposés à emprunter cette voie, en toute bonne foi, a-t-elle regretté.  La représentante a alors appelé à renouveler les efforts diplomatiques pour parvenir à un dialogue crédible entre toutes les parties.  À cet égard, elle a dit être favorable à la reprise des contacts de la part des organes régionaux, qui selon elle, sont les acteurs clefs de l’architecture de défense européenne.  Elle a aussi appelé la Fédération de Russie à retirer ses troupes des territoire ukrainiens, internationalement reconnus.

M. ARIAN SPASSE (Albanie) a relevé que la Russie utilise ses armes pour tuer la population d’un autre pays en violation totale du droit international et de la Charte des Nations Unies.  L’Ukraine utilise ses armements pour se défendre, a-t-elle ajouté, en justifiant ainsi la condamnation de la Russie et le soutien à l’Ukraine.  Elle a réitéré le soutien de son pays envers l’Ukraine sur les plans politique, diplomatique, économique et militaire.  Elle a rappelé que l’Article 51 de la Charte des Nations Unies constitue la base juridique permettant aux États d’offrir toute assistance à un pays exerçant son droit de légitime défense, y compris pour défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale.

De l’avis de la représentante, le transfert d’armes à l’Ukraine a été effectué conformément au droit national applicable et au Traité sur le commerce des armes.  En revanche, la Russie utilise des drones iraniens en violation de la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité, a-t-elle dénoncé, avant de mentionner de graves allégations selon lesquelles la Russie recevrait des armes et des munitions de la RPDC tout autant en violation des résolutions du Conseil.  Pendant que la Russie essaie de détourner l’attention en parlant de la fourniture d’armes à l’Ukraine, elle transforme la nourriture, l’énergie et les médias en armes dans sa guerre d’agression, a-t-elle dénoncé en conclusion.

M. NORBERTO MORETTI (Brésil) a appuyé le droit à la légitime défense en cas d’agression et souligné que les transferts d’armes dans les zones de conflit s’accompagnent d’énormes risques sur le champ de bataille.  De plus, a-t-il ajouté, ils éloignent toute perspective de paix et de sécurité.  Le délégué s’est inquiété notamment de l’introduction d’armes de plus en plus destructrices dans ce conflit et de la « menace inadmissible » de l’emploi d’armes nucléaires.  Il a aussi pointé la menace pérenne des mines terrestres et de leurs incidences sur le long terme pour les civils.  Il a en outre prévenu que les armes transférées risquent de tomber entre les mains de terroristes.  Le délégué a appelé les membres du Conseil de sécurité à encourager la désescalade et à inciter à des négociations soit directement entre les parties soit par les bons offices de tiers neutres.  Il a aussi exhorté les États Membres à s’abstenir de toute violation des résolutions pertinentes du Conseil.

M. SERHII DVORNYK (Ukraine) a accusé la Fédération de Russie d’avoir atteint le fond. Il a observé que la délégation russe continue sa « stratégie puérile » qui consiste à demander des réunions qui font doublon et font perdre du temps au Conseil de sécurité. Il a également déclaré que la solidarité dont jouit son pays est essentielle, dans le contexte où les intentions du Président Putin et de ses complices sont « clairement génocidaires ».  Selon lui, en attaquant des écoles et en tuant des enfants, « Putin cherche à détruire notre avenir commun, un avenir que nous bâtissons tous ensemble, un monde affranchi des guerres, de la pauvreté et de la faim ».  Or, l’Ukraine défend ces aspirations et progresse sur le terrain, a assuré le représentant.  Il a également déclaré que le Président Putin rêve d’une Ukraine qui n’aurait plus qu’une semaine à vivre si elle ne recevait plus d’armes. « Il comprend maintenant que l’Ukraine est un cauchemar pour lui. »  D’après le représentant, le Président Putin craint une défaite imminente. Or, toute nation qui combat le terrorisme devrait continuer de soutenir l’Ukraine, afin qu’elle sorte vainqueur de cette guerre qui dure depuis 597 jours, a-t-il conclu.

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Quatrième Commission porte son attention sur la sûreté nucléaire et adopte une résolution sur les effets des rayonnements ionisants 

Soixante-dix-huitième session,
11e séance plénière – matin
CPSD/784

La Quatrième Commission porte son attention sur la sûreté nucléaire et adopte une résolution sur les effets des rayonnements ionisants 

Au terme d’un débat axé sur les questions de sûreté nucléaire, la Quatrième Commission (chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation) a adopté, ce matin, un projet de résolution portant sur les effets des rayonnements ionisants et approuvé le rapport annuel du Comité scientifique des Nations Unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants.   

Venue présenter ce rapport, la Présidente du Comité scientifique a indiqué que plus de 150 scientifiques provenant de 30 États membres du Comité et de 11 organisations internationales observatrices ont participé à la soixante-dixième session du Comité, qui s’est tenue du 19 au 23 juin 2023, à Vienne.  À cette occasion, le Comité a révisé ses principes directeurs et adopté une procédure de préparation des annexes scientifiques et des rapports.  Il a également abordé les évaluations concernant six sujets potentiels en vue de son programme de travail pour la période 2025-2029, trois d’entre eux ayant été sélectionnés pour une évaluation plus approfondie. 

« Les travaux du Comité scientifique sont fondamentaux pour la sûreté radiologique internationale », a fait valoir Mme Jing Chen, du Canada, « et affectent les décisions des gouvernements et des organismes nationaux et internationaux ».  Parmi les cinq projets en cours du Comité scientifique, celui concernant les seconds cancers primitifs après radiothérapie vise à sensibiliser les communautés scientifiques et médicales, ainsi que les autorités nationales, au fait que le traitement du cancer par radiothérapie peut entraîner un second cancer primaire des années plus tard.  Entrepris en 2020, le projet d’évaluation de l’exposition du public aux rayonnements ionisants devrait être approuvé en 2024.   

L’an dernier, le Comité scientifique a organisé un événement de sensibilisation au Japon afin de diffuser l’annexe de son rapport 2020-2021 portant sur les niveaux et effets de l’exposition aux rayonnements dus à l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, un document qui a également fait l’objet de présentations lors de forums internationaux.  En tant que pays « pleinement engagé » en faveur de la sécurité de la technologie nucléaire, le Japon s’est félicité des activités de sensibilisation scientifique initiées par le Comité scientifique concernant ses découvertes sur les niveaux et les effets de l’exposition aux rayonnements dus à cet accident.   

La Chine, au contraire, s’est vivement préoccupée de l’accident de Fukushima, « l’un des pires accidents nucléaires de l’histoire », marqué par la libération de matières radioactives, avec des conséquences délétères pour l’environnement marin et la santé humaine.  Sa représentante a remercié le Comité scientifique d’avoir examiné les niveaux d’exposition nucléaire qui ont découlé de cette catastrophe et d’avoir rendu public un rapport à ce sujet.  Selon elle, le déversement de l’eau contaminée dans l’océan est un événement « sans précédent et irresponsable ».  Face à un tel constat, elle a appelé la communauté internationale à mettre en place un mécanisme de supervision garantissant la participation de l’ensemble des pays voisins.    

Le Japon a rétorqué que cette eau possède une concentration de matière radioactive bien en deçà des normes en vigueur.  L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a d’ailleurs procédé à des évaluations qui démontrent une concentration en tritium dans l’eau suffisamment basse, a affirmé la délégation, et un mécanisme de supervision a été mis en place.  Tokyo ne s’aventurerait pas à déverser dans la mer une eau mettant en péril la santé humaine ou l’environnement marin, a assuré le Japon.   

L’Union européenne a relevé à cet égard l’expérience acquise par le Comité scientifique en matière d’évaluation de l’exposition consécutive à des rejets accidentels de radionucléides et de développement des bases scientifiques nécessaires à l’amélioration de la préparation aux interventions et au rétablissement en cas d’urgence nucléaire et radiologique.  Selon elle, la préparation aux situations d’urgence nécessite des efforts internationaux soutenus, en améliorant les connaissances nécessaires à la gestion des sites existants afin de répondre à des événements radiologiques ou à des accidents nucléaires.   

Pour sa part, le Pakistan a mis en place une réglementation nationale concernant la protection contre les rayonnements ionisants conforme aux normes de sécurité et aux documents d’orientation de l’AIEA.  Les installations nucléaires et radiologiques de la Commission pakistanaise de l’énergie atomique effectuent régulièrement des mesures de l’exposition aux rayonnements des travailleurs et des patients dans les hôpitaux spécialisés dans le traitement du cancer, ainsi que des évaluations de l’exposition du public autour des installations nucléaires.   

La Présidente du Comité scientifique a par ailleurs indiqué que des études épidémiologiques sur les radiations et le cancer ont débuté en 2019 et devraient être approuvées en 2025, en ajoutant que le groupe d’experts a réalisé des progrès significatifs depuis 2022 dans la rédaction de l’annexe scientifique sur les 25 cancers sélectionnés.  Le projet concernant les effets des rayonnements ionisants sur le système nerveux a débuté en avril de cette année et devrait être approuvé en 2027.   

Le Comité scientifique a en outre actualisé, en 15 langues, sa brochure intitulée « Radiations: effets et sources », une initiative qualifiée de « remarquable » par le Bangladesh.  Ce pays a d’ailleurs reçu, ce mois-ci, sa première livraison d’uranium en vue de l’inauguration, prévue en 2024, de sa première centrale nucléaire, laquelle est appelée à fournir 2 400 mégawatts d’électricité, appuyant ainsi les efforts de décarbonation de ce pays.   

La Commission entamera l’examen des questions relatives à l’information lors de sa prochaine réunion, le mardi 17 octobre 2023, à partir de 15 heures.   

EFFETS DES RAYONNEMENTS IONISANTS 

Déclarations 

M. STEEN MALTHE HANSEN, de l’Union européenne, a déclaré que les travaux entrepris par le Comité scientifique des Nations Unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants sont conformes aux priorités de l’Union européenne et ont joué un rôle important pour forger une meilleure compréhension scientifique internationale des mécanismes biologiques par lesquels les effets radio-induits sur la santé humaine et le biote non humain peuvent se produire.  De même, il a salué les travaux du Comité sur l’exposition médicale aux rayonnements atomiques, qui est l’une des priorités de l’Union européenne en matière de radioprotection, conformément au plan d'action SAMIRA (programme stratégique pour les applications utilisant des rayonnements ionisants à des fins médicales), adopté par la Commission en 2021 afin de soutenir une utilisation sûre et fiable de la technologie radiologique et nucléaire dans le domaine de la santé.  Le représentant a pris note de l’expérience acquise par le Comité en matière d’évaluation de l’exposition consécutive à des rejets accidentels de radionucléides et de développement des bases scientifiques nécessaires à l’amélioration de la préparation aux interventions et au rétablissement en cas d’urgence nucléaire et radiologique.  Selon lui, la préparation aux situations d’urgence nécessite des efforts internationaux transfrontaliers soutenus permettant une réponse à un événement radiologique ou à un accident nucléaire en améliorant les connaissances nécessaires à la gestion des sites existants.   

Le représentant s’est par ailleurs félicité des travaux entrepris pour l’évaluation de l’exposition du public aux rayonnements ionisants, en ajoutant que les projets de recherche lancés par l’Union européenne dans ce domaine apporteront une contribution clef aux efforts internationaux en la matière.  S’agissant de la radioprotection, de l’amélioration de l’utilisation des rayonnements ionisants dans les applications médicales et de la préparation aux situations d’urgence, il a indiqué que le Partenariat PIANOFORTE, cofinancé par le programme de recherche et de formation de la Communauté européenne de l'énergie atomique (EURATOM), est le principal moteur de la recherche pour les années 2021 à 2025.   

M. MOHAMMAD AAMIR KHAN (Pakistan) a salué les travaux du Comité scientifique des Nations Unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR).  Il a expliqué que le Pakistan a mis en place une réglementation nationale pour la protection contre les rayonnements ionisants, conformément aux normes de sécurité et aux documents d’orientation de l’AIEA.  Les installations nucléaires et radiologiques de la Commission pakistanaise de l’énergie atomique (PAEC) effectuent régulièrement des mesures de l’exposition aux rayonnements des travailleurs et des patients dans les hôpitaux spécialisés dans le traitement du cancer, ainsi que des évaluations de l’exposition du public autour des installations nucléaires.  Les données relatives à l’exposition sont conservées à des fins d’analyse et de référence future, a précisé le représentant, avant d’assurer que le Pakistan continuera à fournir ses données sur la plateforme en ligne pour la collecte de données et à participer aux enquêtes mondiales de l’UNSCEAR sur l’exposition aux rayonnements par l’intermédiaire des personnes de contact nationales désignées.  Le représentant a estimé que pour renforcer l’acceptation de la technologie nucléaire par l’opinion publique, des efforts globaux doivent être déployés pour mettre en lumière les aspects bénéfiques des rayonnements ionisants.  Il a donc encouragé le Comité scientifique à améliorer davantage son site Internet et à rendre publiques des brochures et des affiches dans toutes les langues officielles de l’ONU. 

M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a dit que son pays s’était engagé dans le développement pacifique de l’énergie nucléaire et collaborait avec l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pour cela.  Il a d’ailleurs adhéré en 1999 à la Convention de l’AIEA de 1994 sur la sûreté nucléaire, preuve de son sérieux en la matière.  Collaborer avec la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) et l’AIEA est selon lui essentiel pour donner bonne suite au rapport du Comité.   

Le cadre de protection de Sri Lanka concerne l’étude des sources rayonnantes, et l’agence nationale dédiée est déterminée à poursuivre sa collaboration avec l’AIEA.  Déterminé à accroître ses capacités pour d’éventuels programmes nucléaires futurs, y compris un réseau national de stations de surveillance de centrales nucléaires voisines, le pays se prépare à la construction d’un parc de centrales et le Gouvernement adapte son cadre régulateur en ce sens pour s’aligner avec les normes internationales.  Les investissements du pays dans la sureté nucléaire soulignent ses engagements et sa contribution à la sécurité régionale et internationale, notamment avec le centre scientifique Gamma, mis sur pied dans la capitale Colombo.   

Dans le secteur alimentaire, plus précisément laitier, le Sri Lanka étudie les isotopes du lait de vache en fonction des différentes zones climatiques, contribuant ainsi, de manière indirecte, à la stabilité économique internationale, et donc à la paix et à la sécurité internationales, a indiqué le délégué.  En conclusion, il a reconnu des insuffisances dans le secteur national hospitalier en matière de détection et de traitement des cancers.   

M. RAFIQUL ALAM MOLLA (Bangladesh) a expliqué que son pays a lancé plusieurs initiatives afin d’assurer une utilisation sûre et pacifique des rayonnements ionisants.  Un programme a ainsi été lancé avec l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pour la période 2018-2023 dans les domaines de la santé, la sécurité nucléaire et des applications industrielles.  Des projets de lutte contre l’insécurité alimentaire et les cancers contribuent également au bien-être de la population, et ont permis d’améliorer une centaine de types de céréales, triplant la production rizicole depuis les années 1970.  Le Bangladesh a reçu, ce mois-ci, sa première livraison d’uranium en vue de l’ouverture de sa première centrale nucléaire, prévue en 2024.  Cette centrale est appelée à fournir 2 400 mégawatts d’électricité, appuyant ainsi les efforts de décarbonation déployés par le pays.  Le représentant a qualifié de « remarquable » la mise à jour par le Comité scientifique du manuel sur les effets des rayonnements ionisants en 15 langues.  Le représentant a par ailleurs invité le Comité à forger des partenariats avec l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’AIEA, l’Organisation internationale du Travail (OIT) et d’autres.   

Mme GRETEL ROLLE HERNÁNDEZ (Cuba) s’est félicitée que le Comité ait inscrit à son programme de travail actuel un groupe de questions importantes, telles que les études épidémiologiques sur les rayonnements et le cancer, l’évaluation de l’exposition du public aux rayonnements ionisants, l’évaluation des maladies de l’appareil circulatoire dues à l’exposition aux rayonnements ionisants, et les effets des rayonnements ionisants sur le système nerveux.  Selon elle, il est également nécessaire de renforcer la stratégie visant à améliorer la collecte, l’analyse et la diffusion des données sur l’exposition aux rayonnements.   

Elle a aussi réitéré la position ferme de Cuba selon laquelle l’élimination totale des armes nucléaires est le seul moyen efficace de garantir que l’humanité ne subira plus jamais leurs terribles effets.  Par ailleurs, la déléguée a jugé souhaitable de maintenir et de renforcer les liens de collaboration entre le Comité et les différentes agences et institutions du système des Nations Unies, y compris l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’AIEA et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE).  L’expérience acquise à ce jour montre que cette collaboration favorise la mise en œuvre des orientations stratégiques du Comité et génère de plus grands bénéfices pour l’humanité, a-t-elle souligné.   

M. MOHAMMAD REZA SAHRAEI(République islamique d’Iran) a exprimé son attachement aux travaux menés par le Comité scientifique, dont son pays est membre.  Depuis sa création, le Comité a permis d’élargir la portée des connaissances et de la compréhension concernant les niveaux, les effets et les risques d'exposition aux rayonnements ionisants, tout en remplissant son mandat en toute indépendance et avec la rigueur scientifique requise.  Le représentant a jugé prioritaire d’accorder un financement adéquat, assuré et prévisible au Comité scientifique, qui devrait en outre être doté d’un personnel géographiquement équilibré.  Selon lui, le Comité doit prendre les mesures administratives qui s’imposent pour maintenir son indépendance et exercer les fonctions qui lui incombent 

M.  AL-SAED (Iraq) a dénoncé les effets délétères des rayonnements ionisants sur la santé humaine et sur l’environnement en notant que ces effets transcendent les générations.  Par conséquent, le représentant a exigé qu’il en soit tenu compte, notamment par les nations qui utilisent l’énergie nucléaire. Quant au Comité scientifique des Nations Unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants(UNSCEAR), le représentant a salué la stratégie du Comité pour améliorer sa collecte de données, avant d’exhorter toutes les parties concernées à lui fournir plus de données fiables, notamment sur les origines des rayonnements ionisants.  Il a également encouragé une collaboration plus étroite entre l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et l’UNSCEAR.  Pour avoir été un pays victime de ces rayonnements lors des conflits qui l’ont frappé, tant sur le plan de la santé qu’environnemental, l’Iraq appelle à miser sur une éducation saine et sur l’éducation des jeunes en regrettant que les enfants iraquiens en soient encore trop souvent privés. En guise de conclusion, le délégué a apporté son soutien à tout projet de résolution visant à minimiser les effets de rayonnements ionisants. 

M. MAXIMILIANO JAVIER ALVAREZ (Argentine) a soutenu le projet de résolution présenté aujourd’hui, avant de rappeler que son pays est un membre fondateur du Comité et a toujours soutenu son action, en fournissant gratuitement au Secrétariat les conclusions de ses experts, entre autres.  Le Comité examine actuellement les seconds cancers primaires après radiothérapie, une demande de son pays conjointement avec la France, et les experts argentins aident le Secrétariat à la mener à bien.  L’autorité argentine de régulation nucléaire, en collaboration avec l’AIEA, a produit un document suggérant que les « expositions adventices » devraient être surveillées, a indiqué le représentant.  Le document est disponible sur le site Web de l’AIEA.  Toutes les autres questions en cours sont également très importantes et l’Argentine soutient leur mise en œuvre, a-t-il insisté. 

Mme YURIE MITSUI (Japon) a salué le travail essentiel du Comité scientifique, lequel fournit des évaluations et des rapports scientifiques sur les effets de l’exposition aux rayonnements ionisants.  Ces travaux nous ont permis d’approfondir notre compréhension des niveaux, des effets et des risques d’exposition aux rayonnements ionisants, sur la base de recherches scientifiques indépendantes.  En tant que pays pleinement engagé en faveur de la sécurité de la technologie nucléaire, le Japon apprécie les fonctions actuelles et le rôle indépendant du Comité, a-t-elle ajouté.  La représentante s’est notamment félicitée des activités scientifiques initiées par le Comité scientifique en matière de sensibilisation, au Japon comme auprès de la communauté internationale, concernant ses découvertes sur les niveaux et les effets de l’exposition aux rayonnements dus à l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi.  Elle a réaffirmé à cet égard l’engagement « profond et de longue date » de son pays en faveur de la sûreté nucléaire.   

M. MARCEL WILLAM ONDO ÉBANG (Cameroun) a salué l’importante contribution de certaines organisations internationales, dont l’AIEA, la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) et l’UNSCEAR, qui travaillent à la mise en place d’un cadre scientifique et juridique dans le domaine de la radioprotection.  Le Cameroun n’est pas resté en marge de la mobilisation internationale, a-t-il assuré, en citant la mise en place, en 2002, de l’Agence nationale de radioprotection (ANRP), et l’adoption d’une nouvelle législation pour notamment établir les règles de protection des personnes, des biens et de l’environnement contre les risques liés aux matières radioactives et nucléaires, et définir les règles de protection physique requises pour les installations, les matières radioactives et matières nucléaires.  L’ANRP a pour mission d’assurer la protection des personnes, des biens et de l’environnement contre les effets des rayonnements ionisants, de proposer des normes en matière de radioprotection, d’autoriser les pratiques mettant en œuvre des sources de rayonnements ionisants et de donner un avis sur les demandes d’autorisation, d’exploration et d’extraction des minerais uranifères et de thorium, a précisé le délégué.  Il a également évoqué les mesures prises pour réglementer, entre autres, l’utilisation des sources de rayonnements ionisants, l’importation et l’exportation des sources radioactives, le transport des matières, la gestion des déchets radioactifs et le suivi dosimétrique des travailleurs.  Avant de conclure, il a remercié l’AIEA pour l’assistance technique que cette agence offre aux projets nationaux et régionaux. 

Mgr GABRIELE CACCIA, Observateur permanent du Saint-Siège, a dit s’intéresser particulièrement à l’étude en cours du Comité sur l’exposition du public aux rayonnements ionisants, qui devrait s’achever en 2024.  Ces dernières années, les effets délétères de l’exposition aux rayonnements ionisants dus à l’utilisation et aux essais d’explosifs nucléaires, qui touchent de manière disproportionnée les femmes, les enfants et les fœtus, ont été de plus en plus connus. Il a espéré que l’étude à venir accordera une grande attention à l’exposition permanente, régionale et locale du public dans les zones contaminées par des essais nucléaires.  Ces informations pourraient être utilisées dans le cadre d’efforts d’assistance aux victimes et d’assainissement de l’environnement, en veillant à ce qu’elles répondent aux besoins spécifiques de chaque personne affectée d’une manière fondée sur la science.   

De nouvelles menaces, notamment la guerre à proximité de la centrale nucléaire de Zaporyzhzhya, risquent de déclencher une émission incontrôlée de rayonnements ionisants, a mis en garde le délégué.  L’expérience acquise par le Comité dans l’évaluation des niveaux et des effets de l’exposition aux radiations due à l’accident nucléaire de la centrale nucléaire de Fukushima peut aussi s’avérer vitale pour une réponse adéquate à tout incident futur, qu’il soit délibéré ou non, a-t-il observé. 

Explications de position 

Après avoir fait état de son expérience en matière de sûreté nucléaire, la Chine s’est vivement préoccupée de l’accident de Fukushima, « l’un des pires accidents nucléaires de l’histoire », caractérisé par la libération de matières radioactives, avec des conséquences délétères pour l’environnement marin et la santé humaine.  Sa représentante a remercié le Comité scientifique d’avoir examiné les niveaux d’exposition nucléaire à la suite de cet accident et d’avoir rendu public un rapport à ce sujet.  Selon elle, le déversement de l’eau contaminée dans l’océan est un événement « sans précédent et irresponsable » qui aura un impact important sur les océans.  La communauté internationale doit donc mettre en place un mécanisme de supervision garantissant la participation de l’ensemble des pays voisins.   

L’Argentine a rappelé avoir demandé l’année dernière au Secrétariat de vérifier que les études épidémiologiques sur les rayonnements et le cancer soient menées en stricte cohérence avec les conclusions du rapport de 2012 du Comité scientifique des Nations Unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants.  Il est essentiel que les estimations du Comité scientifique fassent une distinction claire entre les études épidémiologiques menées auprès de cohortes qui ont été exposées à des débits de doses élevées comme par exemple, celle d’Hiroshima et de Nagasaki, et les situations de cohortes exposées à de faibles doses, où seuls des risques conjecturaux peuvent être déduits, mais où la présence de dommages causés par les rayonnements ne peut être attestée sans équivoque.  La délégation a signalé qu’à la suite de la soixante-dixième session du Comité scientifique, un article a été publié avec un fort retentissement, décrivant l’étude INWORKS, coordonnée par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).  L’Argentine a expliqué que cette étude remet en cause les estimations des risques d’irradiation fournies par le Comité scientifique à l’Assemblée générale.  Par conséquent, la délégation a souhaité que le Comité scientifique aborde cette discussion dès que possible.   

Droit de réponse 

Le Japon a réagi aux propos de la Chine, qui a fait référence au déversement supposé d’eau contaminée dans l’océan par son pays.  Cette eau a une concentration de matière radioactive bien en deçà des normes en vigueur grâce à un processus de purification.  La déclaration de la Chine est donc erronée et dépourvue de base scientifique, a soutenu le Japon, le Gouvernement japonais ayant toujours été transparent avec la communauté internationale.   

Par ailleurs, l’AIEA procède à des évaluations et les autorités japonaises, qui respectent toutes les normes fixées par l’Agence, n’iraient jamais déverser de l’eau contaminée dans la mer si cela mettait en danger la biodiversité ou les vies humaines, a insisté la délégation.  La concentration en tritium dans l’eau est suffisamment basse, a-t-elle précisé, en soulignant que cela a été confirmé par les experts de l’AIEA sur la base d’un accord conclu entre le Japon et l’Agence.  L’opération de déversement de l’eau a démarré: un mécanisme de supervision s’assure qu’aucune anomalie n’existe et que la concentration en tritium demeure en deçà des normes requises, a encore indiqué le Japon.  Si une anomalie survenait, le processus serait bien entendu interrompu.   

Décision sur un projet de résolution 

En adoptant le projet de résolution intitulé « Effets des rayonnements ionisants », l’Assemblée générale prendrait note du rapport annuel du Comité, et notamment de la mise à jour de ses orientations stratégiques à long terme et de l’actualisation des principes directeurs de ses travaux.  Elle noterait également l’application de la stratégie actualisée de 2022 destinée à améliorer la collecte, l’analyse et la diffusion de données sur l’exposition aux rayonnements, afin d’élargir la participation aux enquêtes du Comité.  L’Assemblée se féliciterait des progrès accomplis dans les évaluations portant sur le risque de second cancer primitif après radiothérapie, et noterait qu’une nouvelle évaluation des effets sur le système nerveux des rayonnements ionisants a été entreprise.  Par ce texte, elle prendrait note du nouveau cadre de coopération avec le Système d’information sur les expositions professionnelles en décembre 2022 et de l’accord de recherche signé avec la Commission européenne en juin 2023.  L’Assemblée générale constaterait par ailleurs l’inquiétude croissante du Comité s’agissant de la baisse continue du budget ordinaire qui lui est alloué pour recruter des experts-conseils, et noterait que malgré une légère augmentation en 2023, celui-ci a diminué de 50% au cours des 10 dernières années. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Les évènements dramatiques au Moyen-Orient marquent le débat de la Sixième Commission sur les crimes contre l’humanité

Soixante-dix-huitième session,
10e & 11e séances plénières, matin & après-midi
AG/J/3691

Les évènements dramatiques au Moyen-Orient marquent le débat de la Sixième Commission sur les crimes contre l’humanité

Le conflit entre le Hamas et Israël s’est immiscé aujourd’hui dans le débat de la Sixième Commission (questions juridiques) sur les crimes contre l’humanité, lorsque le délégué d’Israël, deuxième orateur de la journée, a détaillé les atrocités commises dans son pays par le Hamas, le 7 octobre dernier, tandis que les délégations de l’Égypte, de l’Iran et de la Palestine, entre autres, ont souligné les crimes de guerre perpétrés contre le peuple palestinien.  Les enjeux juridiques ont néanmoins dominé les discussions, une majorité de délégations se disant en faveur de l’élaboration d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité. 

« Des centaines de terroristes ont perpétré un pogrom en le filmant en direct pour leurs partisans barbares, s’attaquant à des bébés, des enfants, des personnes âgées », a déclaré le délégué israélien.  Il a précisé que plus de 1 300 Israéliens ont été tués et 3 500 blessés lors de cette attaque du Hamas, « organisation terroriste génocidaire ». Personne dans cette salle ne doit garder le silence devant ce qui s’est passé, a dit le délégué, en dénonçant les prises d’otage du Hamas. 

« Le Hamas est pire que Daech, on ne peut pas dire autrement d’une organisation qui décapite des bébés d’un mois et des enfants pour faire de leurs têtes un trophée », a-t-il dit, en demandant que tout instrument juridique contre Daech soit utilisé contre le Hamas. Si plusieurs délégations comme le Royaume-Uni, l’Uruguay ou la Pologne ont marqué leur solidarité avec Israël, d’autres ont, en revanche, souligné sa responsabilité. 

La situation actuelle est le fruit de la marginalisation de la question palestinienne, a déclaré l’Égypte, en déplorant les milliers de victimes civiles à Gaza et en Israël.  Soulignant la « tragédie » en cours à Gaza, le délégué a exhorté Israël, en tant que Puissance occupante, à s’acquitter de ses obligations au titre des Conventions de Genève.  « Le peuple palestinien est victime de crimes de guerre, notamment le peuple de Gaza qui subit des attaques aveugles et indiscriminées », a appuyé le délégué de l’Iran, tandis que le Sénégal a rappelé que les attaques contre des civils, y compris dans le cadre de représailles, étaient contraires au droit. 

« Il existe deux approches irréconciliables concernant les vies civiles perdues dans le conflit actuel au Moyen-Orient », a réagi le délégué de l’État de Palestine.  « Il ne peut y avoir de droit international humanitaire si nous abandonnons les principes de dignité et d’humanité. »  Il a rappelé le grand nombre de Palestiniens, notamment des femmes et des enfants, tués ces derniers jours, en soulignant le « véritable enfer » infligé aux habitants de Gaza.  « Nous respectons les normes internationales mais n’admettons pas que l’on prive les populations palestiniennes de leur humanité. »   

Le projet d’articles de la Commission du droit international (CDI) sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité a été au cœur des interventions, un grand nombre de délégations, telles que la Slovénie, la Slovaquie, la Jordanie, le Royaume-Uni, le Mexique ou bien encore la Colombie réclamant qu’une convention soit élaborée sur cette base afin de combler une lacune dans le cadre juridique international.  Le Mexique, en pointe sur ce sujet, a souhaité l’entame de négociations formelles l’année prochaine, en se félicitant de l’avancement des délibérations lors de la reprise de session de la Commission en avril dernier. 

Cette reprise a été un « succès retentissant », a salué le Cameroun, à l’unisson de la majorité des délégations.  Les divergences sont néanmoins loin d’être aplanies, comme l’ont rappelé l’Éthiopie, la Chine, l’Inde, l’Égypte, la Fédération de Russie ou bien encore l’Iran.  Ces pays ont mis en garde contre l’inclusion de notions peu consensuelles, déplorant notamment la référence faite au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  « De nombreux pays, comme le mien, ne sont pas parties au Statut », a dit l’Inde, tandis que la Sierra Leone a estimé, au contraire, que ce Statut doit être le point de départ de toute discussion. 

Mais la charge la plus virulente est venue de la Chine, qui a estimé que ledit projet « ne constitue pas un avant-projet de convention ».  Les crimes contre l’humanité doivent être traités dans le respect de l’égalité souveraine des États, de la non-ingérence dans leurs affaires intérieures et de l’immunité de leurs représentants officiels, a dit le délégué chinois, en mettant en garde contre toute transposition du Statut de Rome dans les discussions.  Il a exhorté les États Membres à « cesser d’utiliser les crimes contre l’humanité comme un outil pour accuser d’autres États ». 

« Nous sommes encore loin du consensus », a averti le délégué, appuyé par son homologue russe.  Même les États en faveur d’une telle convention ont demandé que le projet d’articles soit complété, à l’instar du Mexique qui a demandé l’inclusion de sujets comme la traite et les violences de genre.  Des pays comme le Burkina Faso, l’Érythrée ou Haïti ont également insisté sur la prise en compte de l’esclavage ou encore du pillage des ressources.  Dans son article 2, le projet mentionne certains actes susceptibles d’être définis comme des crimes contre l’humanité.  « Les mesures unilatérales coercitives pourraient être définies comme des crimes contre l’humanité », a argué la Fédération de Russie, tandis que l’Inde a déploré que le terrorisme ne soit pas mentionné. 

Enfin, plusieurs délégations ont salué l’adoption, en mai dernier, de la Convention de Ljubljana–La Haye pour la coopération internationale en matière d’enquête et de poursuite du crime de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et autres crimes internationaux.  Les Pays-Bas ont informé que la cérémonie de signature de la Convention aurait lieu les 14 et 15 février 2024 au Palais de la Paix, à La Haye. 

La Commission entamera son débat sur la portée et l’application du principe de compétence universelle demain, vendredi 13 octobre, à partir de 10 heures. 

CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ

Suite et fin du débat général

M. PAVEL EVSEENKO (Bélarus) a déclaré que le projet d’articles de la CDI constitue une base pour avancer sur certains aspects des crimes contre l’humanité, tels que la prescriptibilité des crimes.  Il s’agit d’une source de recommandations utile qui peut jouer un rôle significatif dans une discussion constructive, a-t-il poursuivi.  Toutefois, le sujet étant fortement « médiatisé », il en résulte une « politisation » qui éloigne des discussions juridiques et tend à créer une dispersion importante des opinions, a-t-il déploré, soulignant que des progrès significatifs n’ont pas vraiment été réalisés sur des points pourtant clés, tels que la définition du crime contre l’humanité, l’immunité, ou encore les mécanismes de prévention.  L’absence d’un dialogue constructif et les divergences d’opinions sur ce projet d’articles ne peuvent qu’entraîner des conflits entre les États, a-t-il affirmé, appelant à ne pas poursuivre les discussions sur ce projet sous une contrainte temporelle qui ne permettrait pas d’examiner les articles en profondeur. 

M. NOAM CAPPON (Israël) a voulu informer la Commission des dernières nouvelles terrifiantes venues d’Israël, avec l’attaque perpétrée le 7 octobre par « l’organisation terroriste génocidaire » du Hamas.  Des centaines de terroristes ont commis un pogrom en le filmant en direct pour leurs partisans barbares, s’attaquant à des bébés, des enfants, des personnes âgées, s’est indigné le délégué.  « Plus de 1300 Israéliens ont été tués et 3500 ont été blessés. », personne dans cette salle ne doit garder le silence devant ce qui s’est passé, a-t-il martelé, en rappelant l’importance de défendre le droit international.  Ces terroristes ont commis des crimes de guerre, en attaquant des civils israéliens, en utilisant des boucliers humains à Gaza et, désormais, en prenant comme otages des Israéliens, a dit le délégué.  « Le Hamas est pire que Daech, on ne peut dire autrement d’une organisation qui décapite des bébés d’un mois et des enfants pour faire de leurs têtes un trophée. ».  Le délégué a demandé que tout instrument juridique contre Daech soit utilisé contre le Hamas.  Il a loué les résultats obtenus par la CDI sur ce point de l’ordre du jour, avant de souligner combien cette abominable attaque terroriste exige de parvenir à l’objectif de prévention et de répression des crimes contre l’humanité. Notre appui est inébranlable, a-t-il assuré.  Ces événements incompréhensibles ne doivent pas être oubliés par la communauté juridique internationale, a poursuivi le délégué.  « Nous devons rester unis et condamner ces actes inhumains. » Il a estimé que rien ne sera désormais plus comme avant.  « Nous lutterons contre les terroristes pour Israël et pour la préservation de la paix mondiale, et nous l’emporterons pour les enfants israéliens, pour ma fille de neuf mois, pour les enfants palestiniens qui souffrent du joug du Hamas, qui leur volent leur présent et leur avenir, pour toutes les victimes. »

Mme ANGELIQUE VAN DER MADE (Pays-Bas) a souligné que l’objectif identifié quand la CDI a commencé ses travaux en 2013 était bien de « combler une lacune dans le cadre juridique international ».  D’après elle, une convention basée sur le projet d’articles renforcerait le système de justice pénale internationale et contribuerait à renforcer les lois nationales et la juridiction pénale dans la lutte contre l’impunité.  Soulignant que son pays était extrêmement favorable à l’ouverture de négociations sur un traité, la représentante a par ailleurs rappelé l’existence de la Convention de Ljubljana–La Haye sur la coopération internationale en matière d’enquête et de poursuites concernant le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et autres crimes internationaux, dont l’objectif est similaire à celui du projet d’articles de la CDI.  Indiquant que la cérémonie de signature de la Convention Ljubljana–La Haye aurait lieu les 14 et 15 février 2024 au Palais de la Paix à La Haye et qu’il était crucial qu’un maximum d’États signent et ratifient ce texte, elle a insisté sur l’importance d’une cohérence entre celui-ci et le texte d’une future convention sur les crimes contre l’humanité.

Mme FANNY RATHE (Suisse) a fait état du « travail remarquable » de la CDI sur le projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, soulignant les discussions constructives en avril dernier et espérant une poursuite des efforts dans cette voie en avril prochain. Plus de quatre ans après le projet d’articles, il est temps d’aller de l’avant, a-t-elle exhorté.  Selon la déléguée, les divergences d’opinion ne doivent pas entraîner un blocage et l’ajournement perpétuel des décisions de la Sixième Commission.  Elle a estimé qu’une convention internationale renforcerait les systèmes juridiques des États, permettrait la coopération étatique, et complèterait le droit international sur les crimes contre l’humanité, ajoutant qu’il s’agirait d’un « symbole fort ».  Nous avons l’opportunité de combler les lacunes juridiques dans les systèmes nationaux, il en va de notre responsabilité de la saisir, a- t-elle conclu. 

Mme ANA PAULA ZACARIAS (Portugal) a maintenu qu’il était possible, et même impératif, que les États suivent la recommandation de la Commission du droit international (CDI) et convoquent une conférence diplomatique pour négocier et adopter une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Encouragée par l’esprit positif qui a imprégné les discussions d’avril dernier, la déléguée a attiré l’attention sur l’adoption, en mai 2023, de la Convention de Ljubljana–La Haye pour la coopération internationale en matière d’enquête et de poursuite du crime de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et autres crimes internationaux.  Ce traité, comme son titre l’indique, a pour objectif de renforcer la coopération entre les États concernant les crimes les plus graves.  L’existence de cette Convention, a-t-elle souligné, ne doit pas empêcher d’avancer dans la discussion.  Le Portugal reste convaincu que les deux textes pourraient être mis en œuvre ensemble pour mettre en place un cadre juridique international, efficace et complet.

M. BAHRAM HEIDARI (République islamique d’Iran) a demandé que les commentaires critiques des délégations soient dûment prises en compte par la CDI s’agissant du projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Les divergences sur ledit projet et sa future utilisation nous empêchent d’aboutir à une réponse unique face aux auteurs de crimes contre l’humanité, a-t-il estimé. Le délégué a mis en garde contre l’inclusion de normes non-consensuelles, freinant ainsi les progrès et la recherche du consensus.  Il a encouragé la poursuite des délibérations sur ce projet, avant de dire son insatisfaction devant l’approche « sélective » sur les produits de la CDI.  Le délégué a tenu à dénoncer ensuite les atrocités perpétrées contre le peuple palestinien, en particulier « le blocus inhumain » imposé à Gaza où les conditions de vie sont « abominables ».  De telles mesures illicites constituent un exemple frappant de crimes contre l’humanité, a-t-il dit.  Il a estimé que le peuple palestinien est victime de crimes de guerre, notamment le peuple de Gaza qui subit des attaques aveugles et indiscriminées. « Tout cela doit cesser, les auteurs d’atrocités commises contre les Palestiniens doivent répondre de leurs actes », a conclu le délégué, en appelant la communauté internationale à prendre les mesures nécessaires pour réprimer les crimes perpétrés contre les Palestiniens.

M. MUHAMMAD ABDUL MUHITH (Bangladesh) a expliqué que son pays avait lui-même été victime de crimes de génocide et de crimes contre l’humanité lors de la guerre de 1971 et que son gouvernement avait mis en place un tribunal pénal international pour poursuivre les crimes commis sur son territoire lors de ce conflit.  Il a rappelé qu’en 2010, le Bangladesh avait en outre été le premier pays d’Asie du Sud à ratifier le statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  Le représentant a poursuivi en indiquant que le Bangladesh accueillait sur son territoire plus d’un million de Rohingya déplacés de force en raison des violations dont ils sont victimes au Myanmar, évoquant notamment le « crime de déportation forcée » de cette population.  S’agissant du projet d’articles de la CDI, il s’est félicité de la richesse des échanges lors du débat d’avril dernier, et s’est dit optimiste sur la possibilité de trouver un consensus.  Si la responsabilité première de la répression de ces crimes revient aux États, le Conseil de sécurité a lui aussi une responsabilité, notamment celle de saisir la CPI, a-t-il souligné.  En conclusion, le représentant a estimé que les causes profondes du conflit israélo-palestinien était la « politique de colonisation » et « l’occupation illégale de territoires en Palestine » et a dit soutenir la solution des deux États. 

M. ABDOU NDOYE (Sénégal), évoquant la reprise des hostilités entre Israël et la Palestine, a rappelé que les attaques contre des civils, y compris dans le cadre de représailles, étaient contraires au droit international et au droit international humanitaire.  Il a rappelé la nécessité d’appliquer les dispositions de la Quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, notamment son article 27, qui stipule l’obligation faite à toute puissance occupante de respecter les droits fondamentaux des personnes du territoire occupé.  Depuis l’achèvement des travaux de la CDI en 2019, des divergences profondes entravent l’adoption d’une convention internationale sur les crimes contre l’humanité, a ensuite constaté le représentant.  Il s’est réjoui que la CDI se soit employée, à travers la finalisation de son projet d’articles, à fournir une base à de futures négociations.  Le représentant a réaffirmé son engagement à poursuivre les discussions de fond de manière consensuelle, engagement illustré par le fait que le Sénégal a été le premier pays au monde à avoir ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  La création des chambres africaines extraordinaires, à la suite d’un accord avec l’Union africaine pour juger un ancien Président, en témoigne également.  C’est aussi le sens de l’adhésion du Sénégal à l’initiative dite « MLA » aux côtés d’autres pays en vue d’élaborer une convention pour la coopération internationale en matière d’enquête et de poursuite du crime de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. 

Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a rappelé le soutien constant de son pays à une convention universelle sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité sur la base du projet d’articles de la CDI.  Elle s’est félicitée de l’engagement du processus délibératif lors de la reprise de session de la Commission au printemps, en notant le fort intérêt des délégations pour cette question.  « Nous pensons que l’engagement sera le même lors de la reprise de session d’avril prochain. »  La déléguée a estimé qu’il est temps de passer à l’étape suivante en ce qui concerne ce projet d’articles.  Il doit être enrichi, a-t-elle dit, en demandant l’inclusion de sujets comme la traite d’esclaves et les violences de genre.  « Nous espérons aborder ces questions lors de la prochaine reprise de session. »  Elle a souligné tout le potentiel du processus ainsi engagé, et espéré que cette Commission deviendra une enceinte de codification en assurant le suivi dudit projet. Nous espérons une décision prochaine, a conclu la déléguée, en souhaitant l’entame de négociations formelles, l’année prochaine, en vue d’aboutir à une convention.

M. JONATHAN SAMUEL HOLLIS (Royaume-Uni) a vu dans l’absence de convention multilatérale pour les poursuites nationales en cas de crimes contre l’humanité une « lacune indéfendable », compte tenu des cadres existants pour d’autres crimes graves tels que le génocide, les crimes de guerre et la torture. Cette lacune compromet non seulement la prévention et la poursuite des crimes contre l’humanité, elle empêche aussi les victimes d’accéder à la reconnaissance qu’elles méritent, a-t-il expliqué, soulignant que le « véritable coût » des crimes contre l’humanité était leur impact dévastateur sur les victimes, les survivants, leurs familles et leurs communautés.  Le délégué a noté que la convention établirait notamment des obligations de coopération pour les États et fournirait une base juridique pour des dispositifs d’extradition efficaces, même si la position de son pays demeurait de donner la préférence à l’exercice de la justice sur le territoire où l’infraction a lieu.

M. MARTÍN JUAN MAINERO (Argentine) s’est réjoui que la Sixième Commission soit parvenue à sortir de l’impasse et à convoquer une reprise de session en avril, afin de mener, pour la première fois, une discussion de fond sur le projet d’articles de la CDI sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Conscient de la divergence des points de vue sur la voie à suivre, le représentant a jugé important de disposer d’un espace dédié pour les identifier précisément.  Encourageant les délégations à maintenir un esprit constructif en vue de la deuxième réunion de fond prévue en avril 2024, il a réitéré l’engagement de l’Argentine en faveur de la lutte contre l’impunité et estimé qu’un instrument international juridiquement contraignant consoliderait l’édifice juridique international.

M. MATUS KOSUTH (Slovaquie) a appuyé le projet d’articles de la CDI sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, projet qui reflète le droit coutumier international.  Il a loué l’esprit constructif des délégations lors de la reprise de session de la Commission au printemps dernier.  Ce n’est pas un sujet théorique, a-t-il dit.  Le délégué a souligné la nécessité de combler une lacune dans le cadre juridique international en élaborant une convention.  « La justice doit prévaloir sur la violence. »

M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a estimé qu’il est nécessaire de définir « ce que constitue un ennemi de l’humanité ». Selon les universitaires, a-t-il expliqué, l’humanité vient du caractère substantiel de ce qui est bien et mal, mais cette distinction reste ambigüe.  Le concept de crime contre l’humanité est-il substantiel?  Si les crimes de guerre sont fréquemment évoqués dans les tribunaux, la question revient souvent de savoir si ceux-ci relèvent du droit international ou du droit de la guerre, a-t-il fait remarquer, s’interrogeant sur les éléments à prendre en compte dans ce cadre.  Le représentant a regretté que les groupes politiques affirmant s’occuper de l’humanité œuvrent généralement contre les droits humains.  Les universitaires disent que nous sommes toujours plus proches d’une communauté universelle cosmopolite unifiée qui transcende ces divergences, a- t-il noté, avant d’appeler à réaffirmer la compétence universelle et à se doter de normes qui s’appliqueraient à tous.  « Nous devons réaffirmer notre humanité », a-t-il exhorté, précisant que son pays s’est engagé sur la voie de la réconciliation nationale.  La lutte contre les crimes contre l’humanité est un impératif moral qui nous impose d’avancer main dans la main afin de parvenir à un monde où ces crimes ne seront plus perpétrés, a conclu le représentant. 

M. AHMAD SAMIR FAHIM HABASHNEH (Jordanie) a indiqué que son pays soutenait l’idée d’un accord international sur la base du projet d’articles de la CDI pour mettre en place un cadre « exhaustif » afin de répondre aux crimes contre l’humanité, notamment en ce qui concerne la définition de ces crimes, les compétences nationales et la coopération entre États. S’agissant du conflit israélo- palestinien, le délégué a lancé un appel à protéger la population palestinienne. Ce qui se passe en ce moment, a-t-il analysé, est une conséquence de l’occupation prolongée et des « crimes contre l’humanité » qui ont été commis et représentent des attaques contre les populations civiles. 

Mme NATASA SEBENIK (Slovénie) a déclaré qu’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité permettrait de fournir un instrument supplémentaire aux juridictions nationales et d’offrir une nouvelle base juridique pour la coopération entre États.  Il est plus que temps de combler cette lacune dans le cadre juridique international, a estimé la déléguée.  Elle a souligné l’importance de l’adoption, en mai dernier, de la Convention de Ljubljana-La Haye sur l’entraide judiciaire.

M. JAMES KIRK (Irlande) a indiqué que son pays était un « fervent partisan » de l’élaboration d’une convention sur la base du projet d’articles de la CDI sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, le meilleur moyen, selon lui, de combler une lacune importante dans le cadre juridique des traités internationaux.  Reconnaissant toutefois que tous les États n’étaient « pas prêts à franchir cette étape », il a invité chacun à « réfléchir plus avant » à ce projet tout en permettant aux travaux de continuer à progresser, jugeant qu’une majorité d’États étaient favorables à l’élaboration d’une convention.  Le délégué a noté que c’était la cinquième fois que la Sixième Commission examinait, dans ce format, le projet d’articles de la CDI et qu’il était désormais nécessaire de « passer à l’action ».  Se félicitant de l’adoption de la Convention de Ljubljana-La Haye, en mai de cette année, il a jugé qu’elle était « complémentaire » des efforts menés sur la question des crimes contre l’humanité. 

Mme MARITZA CHAN VALVERDE (Costa Rica) a estimé qu’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité contribuerait à avoir un effet dissuasif.  Elle permettrait aussi de régler une dette aux victimes de crimes contre l’humanité, qui méritent la justice au même titre que les victimes d’autres crimes internationaux fondamentaux.  Pour la déléguée, combler cette lacune n’est pas seulement nécessaire mais urgent.  Se félicitant que le projet d’articles de la CDI, une « base solide » selon elle, ait reçu un accueil largement positif, elle a souhaité que les délibérations lors de la reprise de session de la Sixième Commission, en avril 2024, aient un caractère « juridico technique et non politique », le but étant de parvenir, dès que possible, à un accord international juridiquement contraignant.  La déléguée a aussi souligné le rôle fondamental de la société civile et des médias, qui sonnent l’alerte avec courage quand plane le risque de crimes contre l’humanité.

Mme ALESSANDRA FALCONI (Pérou) a estimé qu’il est indispensable d’élaborer une convention internationale qui comblera les lacunes juridiques, lesquelles sont particulièrement flagrantes dans le domaine des droits humains.  La répression des crimes contre l’humanité est une norme impérative du droit international, a-t-elle rappelé, et il faut mettre fin à l’impunité de leurs auteurs.  La représentante a salué les discussions sur le projet d’articles de la CDI qui ont permis de mieux cerner les approches des États.  Sans vouloir préjuger des discussions au printemps 2024, a-t-elle poursuivi, le Pérou prône l’établissement d’un comité ad hoc ouvert à tous les États Membres afin d’examiner et de participer de manière substantive au contenu des articles.  Les crimes contre l’humanité, qui érodent la dignité et l’humanité, transcendent les frontières et les cultures, a-t-elle insisté, jugeant impératif de garantir leur prévention et leur répression au niveau international.  

Mme LUCÍA SOLANO (Colombie) a considéré que le projet d’articles préparé par la CDI se concentre sur l’essentiel, à savoir la répression efficace des crimes contre l’humanité par l’adoption de mesures au niveau national et la promotion de la coopération internationale.  Face aux lacunes existantes, les États gagneraient à disposer d’un tel instrument de droit positif, selon elle.  Le projet d’articles n’est pas incompatible avec le Statut de Rome, mais complémentaire, a poursuivi la déléguée, et son champ d’application est différent.  Dans le détail, les obligations découlant de l’éventuelle convention permettraient de séparer, d’une part, le consentement de l’État à accepter la juridiction de la Cour pénale internationale (CPI) et, d’autre part, la manifestation du consentement de l’État à assumer ses obligations internationales.  La déléguée a mis en avant l’exemple de son propre pays en matière de poursuites, de prévention et de coopération dans la lutte contre les crimes contre l’humanité, y compris l’exemple, révélateur, de sa relation avec la CPI, qui constitue un « modèle de réussite ».  Ces articles, s’ils deviennent convention, contribueront à la responsabilisation et à la lutte contre l’impunité de multiples façons, a-t-elle promis. 

M. ELHOMOSANY (Égypte) a déploré les milliers de victimes civiles à Gaza et en Israël, en appelant à protéger les civils, conformément au droit international.  Les habitants de Gaza, privés d’eau et de nourriture, vivent une tragédie, a-t-il dit, en rappelant que les civils ne doivent pas être ciblés.  Il a estimé qu’Israël est responsable de la situation et doit, en tant que Puissance occupante, s’acquitter de ses obligations au titre des Conventions de Genève.  La situation actuelle est le fruit de la marginalisation de la question palestinienne, a poursuivi le délégué.  Enfin, concernant le projet d’articles de la CDI, il a exprimé des réserves quant à la mention du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) qui n’est pas universel, a-t-il rappelé, avant de souligner la nécessité de parvenir à un consensus.

M. GENG SHUANG (Chine) s’est dit favorable à la poursuite d’une discussion sur les questions juridiques pertinentes, rappelant toutefois que le projet d’articles de la CDI « ne constitue pas un avant-projet de convention ».  Les crimes contre l’humanité doivent être traités en cohésion avec le droit international, a-t-il estimé, dans le respect de l’égalité souveraine des États, de la non-ingérence dans leurs affaires intérieures et de l’immunité de leurs représentants officiels.  Le Statut de Rome, qui n’est pas reconnu unanimement, ne doit pas être transposé dans les discussions, a-t-il mis en garde.  Le représentant a rappelé que les États sont actuellement « loin d’un consensus », estimant que l’élaboration d’une convention est un projet d’envergure qui doit être abordé prudemment.  Selon lui, les obligations des États et la portée des articles restent également à définir en raison de leur incohérence et de leurs manquements en ce qui concerne les pratiques existantes au niveau national.  La confiance joue un rôle important, a poursuivi le représentant, regrettant la « fabrication de fausses informations » par certains États afin de s’ingérer dans les affaires intérieures d’autres États ou les accuser de perpétrer des crimes contre l’humanité.  La Chine exhorte les États Membres à « cesser d’utiliser les crimes contre l’humanité comme un outil pour accuser d’autres États ». Selon le représentant, il faut arrêter d’étendre ce concept car beaucoup de crimes dépassent le droit coutumier international sans être suffisamment encadrés par les pratiques nationales, augmentant ainsi le risque d’abus et d’impunité.  Même si les crimes contre l’humanité portent des noms différents dans les différents systèmes judiciaires nationaux, la Chine soutient les efforts de renforcement des législations nationales et participe aux efforts pour l’élaboration d’un consensus pour la prévention et la répression de ces crimes, sans pour autant définir de feuille de route ou de calendrier, a-t-il conclu. 

M. KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) a appuyé l’idée d’une convention sur la base du projet d’articles de la CDI sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, en rappelant le conflit qui fait rage en Ukraine.  Il a plaidé pour une approche centrée sur les victimes, en demandant l’inclusion d’une référence explicite aux victimes dans ce projet.  Une référence aux droits des enfants devrait également être incluse.  Il est vital de compléter le cadre juridique international, a dit le délégué, en rappelant la nature impérative de l’interdiction de ces crimes.  Il a enfin condamné les crimes terroristes sous toutes leurs formes, en mentionnant ceux récemment commis contre Israël.

M. ALKAABI (Qatar) a espéré que les discussions de la Sixième Commission aboutiront à des « décisions concrètes et effectives » en vue de prévenir et de réprimer les crimes contre l’humanité.  Notant la multiplication des « violations humanitaires », il a indiqué que la coopération entre États était centrale pour lutter contre de tels crimes.  Le délégué a souhaité que les discussions puissent rapprocher les opinions divergentes, soulignant l’importance d’une approche consensuelle et de faire preuve de « cohérence » avec les législations nationales, notamment sur l’extradition des auteurs de crimes commis en dehors du territoire des États. 

Mme THI NGOC HA NGUYEN (Viet Nam) a accueilli favorablement la reprise de session prévue en avril prochain, saluant le projet d’articles de la CDI qui constitue une base de discussion adéquate.  Néanmoins, certains articles doivent être raffinés, a-t-elle précisé, citant en exemple la reconnaissance implicite de la compétence universelle dans certains articles qui ne fait pas l’objet d’un consensus parmi les délégations.  La souveraineté et la non-ingérence dans les affaires internes doivent également primer, a déclaré la représentante, soulignant que la répression des crimes contre l’humanité incombe d’abord aux États.  Les États doivent être en mesure d’agir et la coopération internationale et des mécanismes complémentaires peuvent les aider à renforcer leur action.  À ce titre, elle a prôné un renforcement des capacités techniques au niveau national pour prévenir et réprimer ces crimes.  Soulignant le contexte déjà compliqué au sein des institutions pénales internationales, la représentante a demandé si une telle convention est vraiment nécessaire.  Réitérant l’importance de prendre en compte les ordres juridiques nationaux et les préoccupations de chacun, elle a néanmoins affirmé que son pays continuera à délibérer sur cette question. 

M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a loué le « succès retentissant » des travaux d’intersession d’avril 2023.  Il a noté toutes les évolutions autour du projet d’articles de la CDI sur les crimes contre l’humanité et recommandé la prudence, la poursuite de la réflexion et la prise en compte de toutes les sensibilités exprimées sur ce sujet.  Il a estimé qu’il faut en préciser certains aspects, notamment la portée de ces crimes et certaines obligations y relatives. Selon le représentant, tenir compte de l’actualité du concept de crime contre l’humanité « permettrait de prendre en compte toutes ses facettes et déclinaisons, que ce soit la question de l’esclavage, et ce, dans toute sa chaîne, du pillage des ressources du sol et du sous-sol et ses conséquences immédiates et progressives, dont l’expression la plus achevée est la ruée vers le choix de la mort de milliers de personnes, qui préfèrent mourir dans les océans ou dans les forêts hostiles, parce que vivre dans ce qui est pourtant ou qui a été un espace de rêve et de richesse, est devenu synonyme de mort certaine ».  Le représentant a encouragé le recours aux mécanismes d’entraide judiciaire et leur renforcement, en notant avec intérêt que la coopération internationale en matière pénale s’est considérablement intensifiée ces dernières années.

M. OUMAROU GANOU (Burkina Faso) a déclaré que la nécessité de la prévention et de la répression des crimes les plus graves était ressentie par de nombreux pays, notamment les États africains qui ont été victimes de la traite des noirs et de l’esclavage, du colonialisme, de « guerres fratricides » et, aujourd’hui, d’attaques de groupes armés terroristes violents.  Fort de ce constat, le représentant a indiqué que son pays appuyait pleinement l’idée de l’adoption d’une convention internationale sur les crimes contre l’humanité, pour fixer « une nouvelle base juridique » pour la lutte contre les crimes les plus graves.  Expliquant que le Burkina Faso disposait d’un cadre juridique cohérent pour réprimer ces crimes, il a noté que le chemin serait encore long pour parvenir à un consensus et que l’important était l’espoir de parvenir à un instrument universel, pleinement applicable et accepté de tous, dans le respect de l’égalité souveraine des États, de la non-ingérence dans leurs affaires intérieures, et du respect des immunités dont jouissent leurs représentants. 

M. GERARDO PEÑALVER PORTAL (Cuba) a réitéré les inquiétudes de son pays quant au contenu des formulations présentées dans le projet d’articles de la CDI. La convention devrait refléter le fait que la responsabilité première de la prévention et de la répression des crimes internationaux graves incombe en premier lieu à l’État concerné.  Les États ont la prérogative souveraine d’exercer devant leurs tribunaux nationaux leur compétence à l’égard des crimes contre l’humanité commis sur leur territoire ou par leurs ressortissants, a fait valoir le délégué.  Ce n’est que lorsque les États ne peuvent, ou ne veulent, exercer leur compétence à l’égard de ces crimes, que d’autres mécanismes de poursuite doivent être envisagés. D’autre part, a-t-il relevé, la définition des crimes contre l’humanité est basée sur la définition contenue dans le Statut de Rome, bien que plusieurs États n’aient pas signé cet instrument.  Ce n’est qu’en tenant compte des différences entre les divers systèmes juridiques nationaux existants qu’une future convention pourra être largement acceptée par la communauté internationale.  Le délégué a rappelé l’existence d’autres instruments internationaux, comme la Convention de 1968 sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité, qui ne compte que 56 États parties.  De nombreux pays qui plaident aujourd’hui pour une convention sur les crimes contre l’humanité n’ont même pas signé cet instrument, s’est-il étonné, appelant à davantage de cohérence. 

Mme MATHU JOYINI (Afrique du Sud) a défendu le principe de complémentarité: les tribunaux internationaux jouent un rôle important en veillant à ce que les auteurs de crimes graves répondent de leurs actes, mais ils ne pourront jamais se substituer entièrement aux États qui interviennent dans le cadre plus large des enquêtes et des poursuites relatives aux crimes internationaux. Ce rôle de collaboration des États reste primordial, et s’avère de plus en plus nécessaire dans un monde globalisé, a-t-elle remarqué.  Rappelant qu’en début d’année, l’un des quatre derniers fugitifs du génocide rwandais a finalement été arrêté en Afrique du Sud, plus de 20 ans après avoir été inculpé par le Tribunal pénal international pour le Rwanda, la déléguée a souligné que cette arrestation n’aurait pu avoir lieu sans une coopération étroite entre les autorités sud-africaines et le Mécanisme international résiduel pour les Tribunaux pénaux.  Incidemment, l’arrestation susmentionnée a eu lieu deux jours seulement avant l’adoption de la Convention de Ljubljana-La Haye, en mai 2023. Cette Convention, de son point de vue, constitue un développement important dans le renforcement de la coopération dans la lutte contre l’impunité.  Toutefois, il convient de souligner qu’une convention sur les crimes contre l’humanité ne serait en aucun cas une redite, mais bel et bien une convention distincte. 

Mme LIGIA LORENA FLORES SOTO (El Salvador) a considéré comme positif le fait que le projet d’articles de la CDI définisse une procédure générale, y compris le principe de non-refoulement d’une demande d’asile lorsqu’il y a des motifs raisonnables de croire que la personne concernée risque d’être victime d’un crime contre l’humanité, parmi d’autres sujets importants.  Ainsi, la déléguée a considéré que les textes envisagés peuvent s’avérer complémentaires avec les instruments existants. On pourrait même, a-t-elle ajouté, explorer la possibilité de lier de manière cohérente des critères dérivés de la jurisprudence de divers systèmes juridiques régionaux dans le domaine des droits humains, ce qui garantirait une réelle représentation des États parties à un éventuel traité.

Mme CARMEN ROSA RIOS (Bolivie) a expliqué que les crimes contre l’humanité ne se limitent pas à une époque ou à un groupe, mais constituent « un problème qui transcende les frontières et touche l’humanité tout entière ». Elle a indiqué que son pays était, lui aussi, d’avis qu’il fallait continuer de développer progressivement le droit international pour aboutir à une proposition de convention sur ces crimes, en prenant pour base le projet d’articles préparé par la CDI, et ce, avec l’ampleur nécessaire pour que toutes les questions puissent être analysées et débattues. La déléguée a déclaré que la vérité et la justice étaient fondamentales pour réparer les conséquences de ces crimes terribles, et que « l’oubli ne devait pas devenir complice » de ces crimes qui détruisent la coexistence pacifique dans le monde.

Mme ESSAIAS (Érythrée) a rappelé que certains articles du projet restent ambivalents et nécessitent un réexamen, soulignant les réserves de sa délégation sur le préambule, notamment le renvoi à la définition des crimes contre l’humanité établie dans le Statut de Rome et la référence à la notion de jus cogens. De plus, a-t-elle souligné, le projet d’articles ne couvre pas tous les aspects des crimes contre l’humanité, comme leur caractère systémique qui les différencie des autres crimes.  La représentante a souhaité en outre l’inclusion d’autres crimes graves, tels que les crimes environnementaux ayant des répercussions sévères sur les populations, la traite des êtres humains et la déprivation des terres.  À ce titre, les sanctions unilatérales coercitives qui ont des effets sur les populations civiles peuvent constituer un crime contre l’humanité, a-t-elle fait valoir, affirmant qu’elles sont « illégales par nature ».  Par ailleurs, les articles de la CDI doivent être conformes à la Charte des Nations Unies, a-t-elle rappelé, soulignant l’importance de la souveraineté des États et de l’immunité diplomatique.  Estimant que les auteurs de crimes contre l’humanité doivent être poursuivis par les juridictions nationales, la représentante a appelé à examiner les articles dans le cadre d’une complémentarité positive avec les systèmes juridiques nationaux.  Il faut poursuivre les discussions, mais il est trop tôt pour une conférence diplomatique sur ce sujet, a-t-elle conclu. 

Mme KAJAL BHAT (Inde) s’est dite préoccupée par la méthode d’élaboration du projet d’articles de la CDI à partir d’autres textes existants, comme le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  De nombreux pays, comme le mien, ne sont pas parties au Statut, a rappelé la déléguée, en mettant en garde contre l’inclusion de notions non consensuelles et non universelles.  Elle s’est prononcée contre l’inclusion de régimes existants dans une nouvelle convention, avant de faire part de l’attitude constructive de son pays lors des discussions. Elle s’est demandé pourquoi le terrorisme n’est pas explicitement mentionné dans ce projet, alors qu’il porte atteinte à la paix.  Enfin, la déléguée a critiqué le libellé des projets d’articles 5 et 7 portant, respectivement, sur le non-refoulement et l’établissement de la compétence nationale.

Mme AUGUSTINA SIMAN (Malte) a fait part du soutien de son pays aux efforts déployés pour rédiger une convention sur les crimes contre l’humanité, car la communauté internationale a besoin d’un instrument mondial dédié à la prévention et à la répression de ces crimes, a-t-elle expliqué.  Le monde ne devrait pas rester silencieux lorsque le meurtre, l’extermination, l’esclavage ou la déportation, et tout autre acte inhumain énuméré au projet d’article 2 de la CDI, sont commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile, a-t-elle souligné.  La déléguée a noté que l’écrasante majorité des États Membres avait, en avril 2023, confirmé la nécessité et l’intérêt du projet d’articles et jugé que l’obligation de rendre des comptes pour les crimes contre l’humanité était « essentielle ».  Elle a espéré que les travaux de la Sixième Commission, en avril prochain, progresseront en vue d’un consensus sur ces questions.

M. ADEL BEN LAGHA (Tunisie) a félicité la CDI qui s’est acquittée de son rôle en recensant les pratiques existantes et en formulant des recommandations.  Le projet d’articles constitue, dès lors, une bonne base pour combler les lacunes juridiques actuelles, a-t-il estimé.  Sa délégation comprend toutefois que certains États émettent des réserves, bien que celles-ci ne doivent pas empêcher de donner suite à la recommandation de la CDI sur l’élaboration d’une convention à laquelle une grande majorité d’États est globalement favorable.  La communauté internationale a démontré qu’elle est capable, dans sa diversité, d’aller au-delà des divergences pour parvenir au consensus dans d’importants instruments juridiques, a rappelé le représentant, espérant que cette tradition au sein de la Sixième Commission se perpétuera.  Revenant sur les récents événements dans la bande de Gaza, le représentant a déploré les 1 400 victimes palestiniennes et les dizaines de milliers de personnes déplacées.  Les réserves de biens de première nécessité et de matériel médical s’amenuisent, alors que « l’occupant bombarde les infrastructures civiles et maintient un blocus total de la zone, des pratiques qui sont rapidement qualifiées de crimes de guerre dans d’autres contextes », a-t-il déclaré.  « Qu’attend-t-on pour ouvrir des couloirs humanitaires et aider les Palestiniens comme le prévoit le droit international humanitaire? »  La sélectivité et les deux poids, deux mesures ne font qu’affaiblir le droit et notre engagement envers une paix pérenne, a-t-il mis en garde. 

Mme RABIA IJAZ (Pakistan) a déploré la situation humanitaire qui se dégrade dans la bande de Gaza, jugeant que les faits actuels relèvent du crime de guerre et du crime contre l’humanité.  Alors que le récent cycle d’agressions s’inscrit dans des décennies d’occupation illégale, « le droit international rappelle les droits du peuple palestinien », a-t-elle déclaré, appelant à une solution à deux États dans le respect des accords menés au préalable.  La coopération internationale est nécessaire pour mettre fin à l’impunité.  À ce titre, le projet d’articles de la CDI constitue un excellent point de départ, bien qu’il soit trop tôt pour en faire une convention, a estimé la représentante.  Activement engagée dans cette discussion, sa délégation a lu les contributions des États Membres avec intérêt, a-t-elle souligné.  Si les projets d’articles présentent un intérêt, plusieurs d’entre eux, notamment les articles 7, 9 et 10, restent préoccupants pour certains États Membres, a-t-elle précisé, espérant parvenir à un consensus.  Il en va de même pour la définition des crimes qui doit être conforme à celle des autres conventions afin d’éviter des incohérences et de mauvaises interprétations, a-t-elle mis en garde.  Rappelant les divergences de points de vue, la représentante a jugé imprudent de se précipiter vers une convention ou une conférence internationale, sans avoir d’abord progressé vers un consensus, notamment sur l’inclusion de références au Statut de Rome. 

Mme SOFIAN AKMAL BIN ABD KARIM (Malaisie) a salué le projet d’articles de la CDI, en se disant favorable à son examen par l’Assemblée générale ou par une conférence diplomatique.  Elle a déploré la « dévastation » perpétrée en ce moment, à Gaza, en demandant la poursuite des auteurs de crimes contre l’humanité.  Une approche de deux poids, deux mesures ne saurait être de mise, a dit la déléguée, avant de détailler la législation de son pays afin de prévenir et réprimer les crimes contre l’humanité.  Celle-ci n’est néanmoins pas suffisante, a-t-elle estimé, en se félicitant de la poursuite des discussions.  Enfin, elle a souhaité qu’un recueil des commentaires des délégations sur ledit projet soit distribué avant la reprise de session du printemps prochain.

Mme THARARUT HANLUMYUANG (Thaïlande) a indiqué que son pays était favorable à une définition des crimes contre l’humanité comme celle du projet d’article 2 de la CDI, aligné sur l’article 7 du Statut de Rome, pour veiller « à la cohérence et à la stabilité » de la justice pénale internationale.  Elle a en outre expliqué que si l’article qui sous-tend l’extradition devait être réaffirmé, les lacunes juridictionnelles identifiées pour la poursuite des crimes contre l’humanité devaient être comblées.  La déléguée a rappelé l’existence de textes juridiques internationaux similaires qui ont permis aux États de prévenir et réprimer des actes d’une autre nature, comme la Convention contre la torture, textes dont elle a appelé les délégations à tenir compte.  S’agissant des juridictions nationales, elle a mis en garde contre les « doubles procédures » et appelé à la formulation de règles très claires pour éviter de telles situations.

M. MHER MARGARYAN (Arménie) a estimé qu’une convention en la matière pourrait constituer un outil juridique important en facilitant les enquêtes, les poursuites et les sanctions au niveau national et en encourageant la coopération internationale.  L’Arménie, a-t-il rappelé, a été « le théâtre de crimes odieux perpétrés systématiquement par son voisin, l’Azerbaïdjan ».  L’agression contre le Haut-Karabakh, en 2020, en est un parfait exemple.  Les attaques militaires répétées contre l’intégrité territoriale de l’Arménie, en 2021 et 2022, ont visé des zones densément peuplées et des infrastructures civiles, avec des rapports vérifiés de crimes ignobles, y compris des violences sexuelles basées sur le genre, des tortures et des mutilations.  Ces attaques systématiques constituent, selon le représentant, une violation flagrante du droit international et des ordonnances de la Cour internationale de Justice (CIJ).  Le 19 septembre dernier, a dénoncé le représentant, l’Azerbaïdjan a déclenché une nouvelle offensive de grande envergure contre le Haut-Karabakh, qui a coûté la vie à des centaines de personnes, y compris des enfants, et a entraîné le déplacement forcé de toute sa population.  Cette offensive a été précédée d’une crise humanitaire - avec le blocus du corridor de Latchine, a-t-il rappelé.  L’Arménie s’est engagée, à titre national, à lutter efficacement contre l’impunité en lançant son processus d’adhésion à la Cour pénale internationale (CPI).

Mme ALIS LUNGU (Roumanie) a fait état des crimes haineux commis partout dans le monde, y compris dans sa région, rendant impératif de combler les lacunes existant dans le cadre juridique international afin de ne pas laisser place à l’impunité.  Contrairement au génocide et aux crimes de guerres, les crimes contre l’humanité ne font pas l’objet d’un traité multilatéral, a-t-elle fait remarquer, soutenant une approche cohérente en matière de crimes graves pour éviter toute fragmentation dans la coopération interétatique et l’aide juridique mutuelle. C’est la seule manière de parvenir à la prévention et la répression de ces crimes, a-t-elle estimé.  Rappelant le soutien de sa délégation à la recommandation de la CDI d’élaborer une convention sur la base du projet d’articles, la représentante a salué le format interactif des discussions constructives lors de la reprise de session, attirant l’attention sur la large convergence des opinions sur le besoin d’avoir une convention.

M. RADHAFIL RODRIGUEZ TORRES (République dominicaine) a rappelé que les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, le génocide et le nettoyage ethnique constituent les pires actes et doivent être condamnés.  La justice internationale joue un rôle essentiel afin de prévenir ces crimes et de garantir que leurs auteurs rendent des comptes, a-t-il estimé, réitérant que sa délégation appuie les efforts de coopération entre les nations dans ce domaine, tels que l’élaboration d’une convention.  Le délégué a attiré l’attention sur le rôle essentiel de la prévention.  En tant que pays récemment élu au Conseil des droits de l’homme, nous allons faire en sorte d’œuvrer pour ces droits, les crimes contre l’humanité n’ayant pas leur place dans notre monde, a-t-il affirmé. 

Mme AZELA GUERRERO ARUMPAC-MARTE (Philippines) a souligné que chaque État avait le devoir d’exercer une compétence pénale face aux auteurs de crimes internationaux et elle a dit l’adhésion de son pays à l’idée que le projet d’articles de la CDI constitue une contribution importante.  Si les récents projets d’articles devaient servir de base à la convention, son pays respecterait les obligations de l’article 6 (Incrimination en droit interne) et prendrait les mesures nécessaires pour que les crimes contre l’humanité constituent des infractions au regard de son droit pénal.  La déléguée a précisé que les lois nationales aux Philippines coïncidaient « à bien des égards » avec le projet d’articles.  Elle a estimé que ledit projet méritait donc un examen approfondi par les États à titre national et par la Sixième Commission.

M. AL-HASANI (Iraq) a rappelé que son pays a lui-même été victime de crimes contre l’humanité perpétrés par l’organisation terroriste Daech.  La lutte contre le terrorisme doit compter sur la collaboration internationale, et le Gouvernement iraquien s’engage à travailler avec la communauté internationale pour cela, a assuré le délégué.  Le Gouvernement iraquien condamne tout acte constitutif d’un crime contre l’humanité.  En plus des efforts entrepris en matière de renseignement, le délégué a salué les efforts de la CDI s’agissant de la codification et du développement progressif des règles du droit international sur les crimes susmentionnés. 

Le représentant de l’Albanie a assuré que son pays a toujours été un pionnier de la justice internationale, en soulignant le rôle de la Cour pénale internationale (CPI).  Il a appelé à combler les lacunes dans le cadre juridique international, en demandant que les auteurs de crimes contre l’humanité soient poursuivis.  Le délégué a salué le projet d’articles de la CDI.  Il a appelé à investir dans les programmes de protection des civils, en souhaitant que l’accent soit mis sur la protection des femmes et des enfants, premières victimes des crimes contre l’humanité.

M. ALEJANDRO LEONEL KATZ PAVLOTZKY (Uruguay), indiquant que son pays attachait une grande importance à une convention basée sur le projet d’articles de la CDI, a appelé la communauté internationale à combler la lacune que représente l’absence de convention sur les crimes contre l’humanité pour renforcer l’obligation de rendre des comptes et permettre que les auteurs de ces crimes soient traduits en justice « de manière universelle ».  Une nouvelle convention, a-t-il noté, compléterait le droit existant et permettrait de promouvoir la coopération interétatique en termes d’enquêtes, de poursuites et de sanctions.  Le délégué a donc appelé à « aller de l’avant » sur cette question et à mettre en place un processus structuré pour négocier la convention.  Il s’est félicité du fait que le projet d’articles soit basé sur le Statut de Rome, notant que, même si ce dernier n’a pas été universellement ratifié, c’était précisément pour cette raison qu’une convention sur les crimes contre l’humanité était importante, car elle donnerait aux États qui ne sont pas prêts à adhérer au Statut de Rome la possibilité d’adhérer à un traité distinct sur le sujet. 

M. FAISAL GH A. T. M. ALENEZI (Koweït) a rejeté tout crime contre des individus, ces crimes constituant une menace grave pour la paix et la sécurité.  Ce sont des actes injustifiables, a-t-il poursuivi, rappelant l’égalité de tous les individus, en vertu des conventions sur les droits humains.  Soulignant que son pays s’est toujours fait le porte-parole des personnes portées disparues, le délégué a mentionné la proposition de résolution sur ce thème faite au Conseil de sécurité et la candidature du Koweït au Conseil des droits de l’homme.  Le Koweït a aussi mis en place une commission nationale du droit humanitaire international pour consolider en droit interne les valeurs humaines et le droit à une vie décente, a-t-il informé.  Sa délégation appelle donc la communauté internationale à conjuguer ses efforts pour lutter contre les crimes contre l’humanité et garantir le respect de l’état de droit.  Le délégué a ensuite évoqué la situation actuelle du peuple palestinien, déplorant les deux poids, deux mesures.  Rappelant que les civils innocents ne doivent pas être la cible d’activités criminelles, il a exhorté la communauté internationale et le Conseil de sécurité à assumer leurs responsabilités, à mettre fin à ces actes haineux et à trouver une solution à « cette occupation de 65 ans ». 

Mme GUG (Türkiye) a confirmé que la terminologie « crimes contre l’humanité » était intégrée dans sa législation nationale.  Elle a appelé à redoubler d’efforts pour identifier des points de convergence lors des prochaines discussions et adopter une approche consensuelle, afin de préserver l’intégrité des principes du droit international.  Si la déléguée a espéré des progrès, elle a noté que, pour cela, toutes les parties prenantes devaient faire preuve de souplesse. 

La représentante de l’Éthiopie a rappelé que les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles en droit éthiopien.  Elle a demandé le renforcement des capacités des pays pour lutter contre ces crimes.  Elle a déclaré que les droits nationaux offrent une base pour la poursuite d’auteurs de tels crimes.  Mettant en garde contre toute « subjectivité », la déléguée a estimé que la référence à la Cour pénale internationale (CPI) complique les discussions.  L’Éthiopie n’est pas partie au Statut de Rome, a dit la déléguée, avant d’accuser la CPI de se montrer sélective.  Elle a appelé à poursuivre les discussions sur ce projet d’articles, en estimant qu’une convention est encore loin.

M. ENRICO MILANO (Italie) a souligné la nécessité d’une coordination « totale » entre les futures négociations sur une convention découlant du projet d’articles de la CDI et les instruments juridiques internationaux complémentaires qui promeuvent la coopération judiciaire en matière de crimes internationaux.  Il a mis en garde contre le risque de « chevauchement juridique », car en ce qui concerne la coopération judiciaire, ledit projet ne devrait pas donner lieu à des incohérences qui compliqueraient la tâche des législateurs nationaux lorsqu’ils intègrent ces instruments dans leur juridiction interne. À titre d’exemple, le délégué, bien que conscient du principe de pacta tertiis, est d’avis que le Statut de Rome devrait représenter un point de référence pour les définitions qui seraient adoptées dans une future convention.  D’autre part, il a apprécié que le projet de la CDI inclut des règles garantissant que toute poursuite pénale pour crimes contre l’humanité, nonobstant leur caractère particulièrement odieux, soit menée dans le respect des principes d’une procédure régulière, d’un procès équitable, du droit international et du droit international humanitaire.  Ces dispositions devraient, selon lui, être reflétées dans le futur instrument.

M. EVGENY A. SKACHKOV (Fédération de Russie) a mis en garde contre toute approche simplifiée mettant en avant de prétendus progrès sur une convention inspirée du projet d’articles de la CDI.  Les discussions de fond durant la reprise de session en avril dernier nous ont montré que les points de vue sont diamétralement opposés, a-t-il estimé, soulignant qu’aucun amendement de nature cosmétique ne pourra « rectifier le tir ».  Ces articles et le préambule du projet ne nous permettent même pas de comprendre la définition du crime contre l’humanité, a déploré le délégué.  Il a également regretté l’absence d’une liste exhaustive des crimes, soulignant que les mesures unilatérales coercitives pourraient être définies comme des crimes contre l’humanité.  Certains libellés, a-t-il poursuivi, entraînent la confusion, ce qui pourrait mener à des différends, et contiennent trop de détails, ce qui pourrait compliquer leur transposition dans les législations nationales, a-t-il averti.  Selon lui, les travaux de la CDI contiennent donc de nombreuses lacunes.  Nous ne soutenons pas les délégations qui poussent pour une convention, la qualité étant plus importante à nos yeux, a-t-il informé.  En conclusion, si la Russie compte contribuer de manière constructive aux efforts de coopération, elle invite surtout à ne pas perdre de vue d’autres points trop souvent mis de côté, tels que la responsabilité des organisations internationales en cas d’infraction ou l’expulsion des étrangers. 

M. HUGO WAVRIN (France) a noté qu’après plusieurs années sans avancées, la Sixième Commission a enfin pu échanger sur le projet d’articles de la CDI, en avril dernier, et s’engager, pour la première fois, dans un dialogue substantiel sur le fond.  Le délégué a espéré que la réunion intersessionnelle, en avril 2024, permettra des avancées concrètes vers la négociation d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, dont il a soutenu l’adoption sans réserve, puisqu’elle renforcerait le cadre juridique international pour lutter contre les crimes les plus graves.  Le délégué a en outre remercié la CDI pour son concours à la codification et au développement progressif du droit international, un « travail de grande qualité », qui a permis des discussions poussées.

Mme AJAYI (Nigéria) a demandé des efforts accrus pour réprimer les crimes contre l’humanité, en appuyant l’idée d’une convention.  Le projet d’articles de la CDI est une base solide de discussion, a dit la déléguée, en soulignant les conséquences durables de ces crimes pour les victimes.  Elle a détaillé la législation de son pays en la matière, ainsi que les efforts visant à mettre sur pied une base de données afin de faciliter les poursuites contre les responsables.  Elle a réitéré son appui au Statut de Rome et enjoint les pays qui ne l’ont pas encore fait à le rejoindre.  Enfin, elle a souhaité que l’esclavage soit considéré comme crime contre l’humanité.

M. JOSE JUAN HERNANDEZ CHAVEZ (Chili) a souligné que le projet d’articles de la CDI sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité était une contribution au développement du droit pénal international et reflétait un consensus au sein de la communauté internationale, avec la « fin de l’impunité » comme objectif ultime.  Il a par ailleurs noté que le projet d’articles devrait être cohérent avec le Statut de Rome et insisté plus généralement sur la nécessité d’éviter la duplication des efforts ou les contradictions entre les différents textes.  Si le Chili estime qu’il convient de prendre en considération les textes élaborés par la CDI et ses recommandations, ce pays est aussi disposé à examiner d’autres approches dans un esprit constructif, a conclu le représentant. 

Mme ALAMRI (Arabie saoudite) a déploré les différentes décisions de la communauté internationale qui n’ont fait qu’envenimer le conflit israélo-palestinien, aux dépens de civils innocents.  Mon pays rappelle que cette explosion de violence dans la région est le fruit du bafouement des droits des Palestiniens pendant des décennies et du déni des droits légitimes de la Palestine, a-t-elle analysé.  Rejetant tout meurtre de civils innocents et exprimant le soutien de sa délégation à la cause palestinienne, elle a exhorté la communauté internationale à mettre en place une solution juste pour les Palestiniens.  En ce qui concerne la lutte contre l’impunité, son pays est partie prenante à plusieurs conventions internationales, a rappelé la déléguée.  Elle a jugé inadéquat de proposer de nouvelles définitions des crimes contre l’humanité qui pourraient être mal comprises, appelant plutôt à harmoniser la terminologie utilisée dans les articles avec celle de la Charte des Nations Unies.  En outre, elle a estimé qu’un consensus est nécessaire sur les articles 7, 9 et 10 du projet de la CDI, le respect de la souveraineté des États devant être garanti. 

M. KYAW MOE TUN (Myanmar) a mis en lumière la nécessité d’une convention sur les crimes contre l’humanité, qui contribuerait aux efforts de la communauté internationale pour prévenir et réprimer ces crimes.  Il a aussi dit l’importance d’améliorer le système de justice pénale au niveau national.  Comprenant qu’à ce stade les opinions divergent, le délégué du Myanmar n’en a pas moins appelé à aborder les négociations de manière transparente et constructive.  Cette convention est en tout cas nécessaire pour le Myanmar, où « les forces militaires agissent en toute brutalité et en toute impunité depuis 2021 ».  Alors que leur coup d’État « odieux » a échoué, a poursuivi le délégué, leurs attaques contre les populations civiles visent à les subjuguer et à les soumettre.  Le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar a d’ailleurs réaffirmé disposer de preuves attestant de crimes graves contre la population du pays.  Des preuves solides existent, a abondé le délégué, selon lesquelles des crimes contre l’humanité auraient été commis, y compris des viols en détention, des massacres de masse et des incendies intentionnels de maisons.  Encore récemment, des attaques aériennes ont été lancées contre un camp de déplacés, a-t-il dénoncé.  Le Conseil de sécurité doit selon lui soumettre la situation à la Cour pénale internationale (CPI), comme il l’a fait à deux reprises par le passé. Hélas, les appels du Myanmar en ce sens n’ont pas été pris au sérieux, a déploré le délégué.  Le fait que l’ONU ne prenne pas de mesures concrètes encourage la junte militaire à commettre des atrocités, a-t-il encore averti, avant d’appeler à l’aide la communauté internationale.

M. SARANGA (Mozambique) a souligné la volonté collective de prévenir et réprimer les crimes contre l’humanité qui heurtent la conscience internationale. Il a salué le projet d’articles de la CDI sur le sujet, ainsi que la tenue de deux reprises de session de la Commission aux printemps 2023 et 2024.  La coopération internationale est la voie à suivre pour punir ces crimes, a assuré le délégué, en ajoutant qu’un consensus semble se dégager.  Pourtant, les débats ne sont pas encore concluants, certains États indiquant que le consensus est encore loin s’agissant de la rédaction d’une convention, a-t-il noté.  Enfin, le délégué a détaillé la législation de son pays en la matière, avant de saluer le travail de codification de la CDI.

M. ISSA KONFOUROU (Mali) a évoqué des crimes odieux organisés au Sahel avec le terrorisme et des trafics en tous genres.  Jamais la région n’a connu autant de réfugiés et de déplacés internes, a soutenu le délégué.  Le Mali a élaboré un nouveau code pénal qui reconnaît le génocide et les crimes de guerre comme crimes contre l’humanité et confirme le caractère imprescriptible de certains crimes, comme le terrorisme, a-t-il indiqué.  La Cour d’assise malienne a aussi connu plusieurs sessions spéciales pour des affaires en lien avec la crise sécuritaire, notamment les droits humains.  Les forces de sécurité maliennes tentent d’assécher les ressources des terroristes et le Gouvernement malien, conscient du caractère transnational du crime organisé, a créé avec le Burkina Faso et le Niger, en septembre 2023, une charte d’alliance des États du Sahel, afin de mettre leurs efforts en commun pour protéger leurs frontières et collaborer dans la lutte contre le terrorisme.  Le délégué a cependant déploré le manque de ressources humaines et financières de son pays, ainsi que la difficulté d’accéder à certains sites où des crimes ont été commis.

Mme CATHERINE NYABOKE NYAKOE (Kenya) a déclaré que le projet d’articles de la CDI constitue une base solide pour discuter de la prévention et de la répression des crimes contre l’humanité.  Elle a néanmoins souligné que sa délégation souhaite prendre le temps d’approfondir l’analyse des articles et de prévoir les structures adéquates.  Saluant la reprise de session en avril prochain, elle a informé que sa délégation continuera à examiner les propositions de la CDI afin de parvenir à un consensus sur les points importants. 

M. ANDY ARON (Indonésie) a soutenu que son pays a continuellement démontré son engagement à prévenir et à punir les crimes contre l’humanité, en ratifiant de nombreux instruments internationaux en ce sens et en les intégrant méticuleusement à son tissu juridique national.  Évoquant l’échange « fructueux » de points de vue lors de la reprise de session, en avril dernier, il a estimé qu’un tel échange a éclairé la voie à suivre, en favorisant une compréhension commune et en rapprochant les opinions divergentes. 

M. AMARA SHEIKH MOHAMMED SOWA (Sierra Leone) a appelé à délibérer de manière constructive lors de la reprise de session de la Commission en avril prochain. Il a salué les échanges de points de vue entre États lors de la reprise de session du printemps dernier, avant d’appeler à combler les lacunes dans le cadre juridique international.  Le Statut de Rome doit être le point de départ de nos discussions, a tranché le délégué.  Il a toutefois déploré que le Statut de Rome ne prévoit pas dans ses dispositions le commerce d’esclaves ou le maintien d’une personne en esclavage.  Il a proposé d’amender le Statut en ce sens afin d’inclure le crime de commerce d’esclaves en tant que crime contre l’humanité, avant de le transposer dans une future convention sur les crimes contre l’humanité, qu’il a appelée de ses vœux.

M. MHD. RIYAD KHADDOUR (Syrie) a noté des différences de points de vue « majeures » entre les délégations, notamment pour ce qui est de la définition des crimes contre l’humanité ou des approches à adopter face à ces crimes.  Le représentant a ensuite dénoncé la « machine de guerre » israélienne qui se rendait coupable de « crimes odieux » et s’est étonné que ces crimes ne semblaient pas préoccuper les États qui s’étaient exprimés à la Sixième Commission.  Ces États, a-t-il noté, ne font que répéter qu’il s’agit d’une « agression unilatérale de terroristes contre un État pacifique ».  Or, a-t-il dénoncé, la population palestinienne vit sous le joug d’une « occupation raciste » et le Ministre israélien de la défense a récemment fait une déclaration « inhumaine » sur la population de Gaza qui devait, selon lui, être « exterminée ».  Par ailleurs, le représentant est revenu sur l’attaque « barbare » perpétrée dans son pays par un drone pendant une cérémonie en hommage à des jeunes cadets devenus martyrs. Il a aussi mentionné que les aéroports de Damas et d’Alep avaient été pris pour cible par une « puissance occupante » et demandé comment il fallait qualifier, dans le contexte du projet d’articles de la CDI, ces attaques menées sans scrupules à l’égard du droit international.  En l’absence de définition de tels crimes ou du terrorisme, « nous continuerons à avoir deux types de terroristes », a-t-il ironisé, « les bons et les mauvais selon le camp auquel ils appartiennent ».  Le représentant a conclu son intervention en indiquant qu’il ne serait pas possible de progresser dans l’élaboration d’une convention si les États concernés ne tiennent pas compte des questions centrales abordées dans son intervention. 

M. HITTI (Liban) a fait état de la catastrophe à laquelle font face des milliers de Palestiniens, actuellement déplacés ou assiégés, alors que « ce peuple vit sous occupation illégale depuis plus d’un demi-siècle ».  Il a appelé la communauté internationale à faire respecter le droit international, en particulier le droit humanitaire, sans quoi c’est tout le système multilatéral qui est mis à mal.  Le délégué a ensuite réitéré le soutien de sa délégation à une convention sur la base du projet d’articles de la CDI qui comblerait un vide juridique, renforcerait la coopération entre les États et consoliderait les systèmes juridiques internes. Si cette convention représenterait un geste fort dans le combat contre l’impunité, un dialogue de fond et un processus inclusif sont nécessaires pour qu’elle soit pleinement efficace dans sa mise en œuvre, a-t-il poursuivi.  Le Liban s’engage à mener un dialogue inclusif sur ce projet, sans préjuger de la suite à y donner, a-t-il précisé.  Espérant un débat constructif tout comme en avril dernier, le délégué a conclu que ce projet d’articles constitue une base solide mais requiert des amendements.

M. MOHAMED FAIZ BOUCHEDOUB (Algérie) a convenu de la nécessité de prévenir les crimes les plus graves et de punir leurs auteurs.  Le projet d’articles de la CDI comporte, selon lui, de nombreux points positifs pouvant servir de base de discussion au sein de la Sixième Commission. Le représentant s’est toutefois dit préoccupé par des ambiguïtés qui requièrent, selon lui, de discussions supplémentaires, notamment en ce qui concerne les références à des textes ne bénéficiant pas d’un consensus, comme le Statut de Rome et le principe « contesté » de compétence universelle.  En outre, a poursuivi le représentant, certains passages dans le document ne reflètent pas correctement les pratiques du droit coutumier, notamment l’alinéa 5 du projet d’article 6 relatif à l’immunité des personnes occupant une position officielle.  Les débats précédents ayant révélé la grande divergence de points de vue entre États Membres tant sur la teneur que sur la forme des articles, il a jugé prématuré de prendre à l’heure actuelle une décision sur la recommandation de la CDI d’élaborer une convention sur la base dudit projet.  Il serait en revanche souhaitable de donner aux États Membres la latitude d’examiner en profondeur les projets d’articles conformément à leur propre législation nationale, sans qu’une partie impose son point de vue.

M. WISNIQUE PANIER (Haïti) a réitéré son plein soutien à l’élaboration d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité sur la base du projet d’articles de la CDI.  Le représentant a centré son intervention sur la question de l’esclavage, « intrinsèque à l’histoire d’Haïti ».  Rappelant que son pays était le produit d’une révolution d’hommes et de femmes réduits en esclavage qui se sont levés contre l’injustice, il a expliqué que, selon sa délégation, « reconnaître l’esclavage comme un crime contre l’humanité, c’était affirmer que la dignité de la personne humaine est intangible et inaliénable ».  Déplorant l’image donnée d’Haïti, « dépeinte à travers un prisme de catastrophes », le représentant a rappelé que ce pays avait été la première république noire indépendante du monde et avait inspiré d’autres mouvements de libération.  Il a conclu en déclarant que la responsabilité première de l’avenir d’Haïti incombait à son peuple, mais que le poids des facteurs externes comptait aussi.

M. MOUSSA MOHAMED MOUSSA (Djibouti) a noté de profondes divergences, en avril dernier, qui pourraient entraver l’élaboration de la convention, alors que l’ensemble des délégations s’accordent sur la nécessité de prévenir et réprimer les crimes contre l’humanité.  La Déclaration universelle des droits de l’homme prévoit l’obligation morale de protéger le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité, a-t-il rappelé.  Cette obligation morale étant, aujourd’hui, déclinée dans presque tous les traités, il n’est plus question de moralité mais de droit, a-t-il affirmé.  Il a recommandé de dépolitiser les discussions sur cette question et de tenir compte des particularités culturelles et des perceptions de chacun. Le délégué a fait remarquer que la communautarisation de la société internationale suppose qu’on se dirige ensemble vers un objectif commun, et non une pensée commune, et vers une perception harmonieuse, sans qu’elle ne soit unique.  L’interprétation et l’applicabilité de la convention devront être appréciées par chacun des États Membres, faute de quoi nous annihilons l’action commune, a-t-il mis en garde.  Par ailleurs, le délégué a déploré l’évolution dévastatrice de la situation en Palestine, qui « découle de notre incapacité à lire le droit ».  Si nous voulons une convention internationale, nous devons garder à l’esprit les origines de cette situation, a-t-il exhorté, dénonçant la colonisation, le bafouement des droits et l’attitude des deux poids, deux mesures qui caractérisent la situation des Palestiniens depuis 65 ans.

M. ALI MABKHOT SALEM BALOBAID (Yémen) a condamné les « assassinats massifs » perpétrés en Palestine dans la bande de Gaza et réitéré que son gouvernement appuyait les aspirations du peuple palestinien à créer un État de Palestine indépendant.  Il a condamné l’assassinat de civils et les sanctions de masse perpétrées contre les populations de Gaza, résultat, selon lui, de l’occupation et de l’emprisonnement de milliers de Palestiniens.  Le délégué a aussi tenu la Puissance occupante pour responsable de crimes contre l’humanité dans la bande de Gaza, et insisté sur la priorité de mettre fin à ces effusions de sang.  Sommant Israël de respecter ses obligations internationales découlant des Conventions de Genève, le délégué a mis en garde contre une catastrophe sur le territoire assiégé, provoquée par les privations et le blocage de l’aide humanitaire, au milieu de ce qu’il a considéré comme le « silence de la communauté internationale » et de l’intérêt faiblissant pour la cause palestinienne. Le délégué a aussi réclamé, de toute urgence, une convention sur les crimes contre l’humanité. 

Le représentant de la Libye a établi que sa délégation suit de près les points à l’ordre du jour de la Sixième Commission et mène des discussions en interne afin de participer au débat sur le projet d’articles de la CDI. Par ailleurs, il a condamné les actes perpétrés par l’« entité d’occupation israélienne dans la bande de Gaza », qui s’illustrent par un siège sévère et des bombardements, soulignant que ces actes sont aux antipodes des principes du droit international humanitaire, tels que la distinction entre les combattants et les civils ou la nécessité d’empêcher des souffrances inutiles.  Les civils ne peuvent être pris pour cible, s’est-il indigné, exhortant la communauté internationale à mettre en œuvre le droit international et le droit international humanitaire. 

M. MAJED S. F. BAMYA, observateur de l’État de Palestine, a considéré qu’il existait « deux approches irréconciliables » concernant les vies civiles perdues dans le conflit actuel au Moyen-Orient.  Il ne peut y avoir de droit international s’il existe des discriminations selon la race et l’origine nationale, a‑t‑il déclaré, et il ne peut y avoir de droit international humanitaire si nous abandonnons les principes de dignité et d’humanité.  Il ne peut y avoir de droit pénal si l’on justifie les crimes, a encore martelé le représentant.  « La cohérence est la condition préalable à la crédibilité », a‑t‑il déclaré, en rappelant qu’un grand nombre de Palestiniens, notamment des femmes et des enfants, avaient été tués ces derniers jours.  Il a souligné qu’un « véritable enfer » était infligé aux habitants de Gaza.  Le représentant a dénoncé le deux poids, deux mesures, les sanctions collectives, les massacres aveugles, ou encore les propos racistes tenus, notamment par le Ministre de la défense israélien, dans le cadre de la réponse actuelle.  Il a rappelé que sa délégation respectait les règles et les normes internationales, mais n’admettait pas que l’on prive les populations palestiniennes de leur humanité.

Mgr GABRIELE CACCIA, Observateur permanent du Saint-Siège, a rappelé qu’il convient de prendre des mesures efficaces contre les crimes contre l’humanité, lesquels sont déjà traités par le droit coutumier.  Toutefois, a-t-il poursuivi, un traité universel codifiant le droit coutumier permettrait de renforcer la coopération entre les États et serait complémentaire aux systèmes juridiques existants.  Par ailleurs, il a estimé qu’il ne faut pas ajouter de nouvelles définitions à celles qui sont déjà largement acceptées afin de préserver la cohérence et de ne pas saper l’efficacité du système.  Cependant, le Saint-Siège ne partage pas l’exclusion dans le projet de la définition du genre qui figure dans le Statut de Rome, estimant que ces crimes touchent les femmes et les filles de manière disproportionnée, notamment en ce qui concerne les viols et l’exploitation sexuelle.  Le représentant a aussi prôné une coopération pour extrader les auteurs de crimes, assurer l’aide aux victimes, et les aider à obtenir justice.  La future convention devrait encourager l’appui aux systèmes de mise en œuvre de la législation quand elle est fragile ou faible, a-t-il également estimé.  Enfin, il a mentionné la Convention Ljubljana-La Haye qui est, certes, importante mais ne peut se substituer à une convention internationale sur le sujet.

Droits de réponse  

La représentante de l’Inde a répondu au Pakistan, qualifiant ses accusations de frivoles et d’infondées. Les territoires mentionnés « font partie intégrante du territoire indien, aucune propagande ne changera ce fait », a-t-elle affirmé.

Le représentant de l’Azerbaïdjan s’est demandé si l’Arménie était au courant de l’ordre du jour, étant donné ses crimes contre l’humanité: le droit humanitaire et les droits humains.  Il s’est demandé pourquoi l’Arménie parlait avec enthousiasme de ce projet de convention alors qu’elle refuse de poursuivre les auteurs de crimes, les glorifiant même en les nommant à des postes élevés.  Les accusations de l’Arménie ne rassemblent pas de preuves objectives et présentent des informations erronées, a-t-il dit, précisant que les actions menées par son pays contre le recours à la force par l’Arménie étaient en accord avec la Charte des Nations Unies.  Les allégations proférées par le représentant de l’Arménie sur un nettoyage ethnique sont contraires aux déclarations de son propre Premier Ministre qui a établi, tout comme les missions onusiennes qui se sont rendues dans le Haut-Karabakh, qu’il n’y avait pas de menace directe contre la population ou contre les infrastructures civiles dans la foulée du cessez-le-feu.  « Merci de ne pas nous faire perdre de temps en donnant des leçons de droit que l’Arménie n’a de cesse de fouler au pied », a-t-il exhorté.

Le représentant d’Israël a répondu à l’État de Palestine en expliquant qu’il avait dû quitter la séance pour aller consulter des photos et des preuves des massacres de civils dans son pays, et s’est dit convaincu que chaque être humain ayant consulté ces photos ne se poserait pas la question de choisir un camp.  Il s’est dit choqué que l’État de Palestine ait fait le choix de ne pas condamner fermement le Hamas, conformément au droit international.  « Rien ne justifie le massacre de nouveau-nés dans leurs berceaux », a dit le représentant, en indiquant qu’Israël se préparait à une « réponse militaire prolongée » contre le Hamas qui devra rendre des comptes, a-t-il ajouté, en concluant que son pays n’était pas mû par la vengeance, mais par des valeurs morales.

Le représentant de l’État de Palestine a répondu à Israël en l’accusant d’être l’auteur d’assassinats de bébés palestiniens, morts sous les bombes, dans leur sommeil.  Opposé aux meurtres de civils, il a dit que les aspirations du peuple palestinien étaient légitimes et bafouées.  Les Palestiniens sont un peuple non violent, même en tant que victimes de violences de la part d’Israël.  Israël, s’est indigné le représentant a parlé de tout mettre en œuvre pour protéger ses citoyens, or, « les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, bombarder des millions de Palestiniens, tout cela, est-ce légal ou légitime »?  Ce n’est pas à Israël de se prononcer sur le droit.  Un jour ou l’autre, les Palestiniens, brimés depuis 75 ans, pourraient aussi être traversés par un désir de vengeance.  Le représentant a demandé d’arrêter de tuer les Palestiniens demeurés pacifiques malgré les années les plus dures.  La Palestine reconnait Israël, a–t–il ajouté, mais les Palestiniens attendent encore la réciprocité.  Le représentant a prié les capitales du monde de s’identifier davantage aux Palestiniens, dont 1 500 ont été tués ces derniers jours.  Il a reproché à la communauté internationale de cautionner la violence d’Israël.  Il a appelé à ce « que les langues se délient pour que le siège de Gaza soit levé ». Les mêmes délégations, qui trouvaient le siège de Gaza odieux il y a quelques temps, le permettent aujourd’hui, au nom de la légitime défense d’Israël.  « Je ne savais pas que le droit à la légitime défense permettait d’affamer des populations entières. »

La représentante du Pakistan a répondu à l’Inde en expliquant que les affirmations de ce pays sur le Jammu-et-Cachemire étaient erronées, puisque le Conseil de sécurité avait décidé que son statut serait décidé par sa population.  L’Inde n’a aucun droit de changer le statut du territoire, a-t-elle déclaré, et ce pays devrait retirer ses troupes et laisser les habitants choisir leur destin.

Le représentant de l’Arménie a réagi à la déclaration de l’Azerbaïdjan, trouvant inquiétant qu’un État Membre justifie des actions ayant entraîné un nettoyage ethnique.  « Les faits sont clairs et ne peuvent être remplacés par des discours », a-t-il soutenu, jugeant inacceptable de discuter de l’acceptation de certains crimes contre l’humanité.  C’est pourquoi il a réitéré son soutien à une convention internationale sur les crimes contre l’humanité.

Le représentant de l’Azerbaïdjan a répondu à l’Arménie en l’accusant d’un grand nombre de crimes de guerre et de génocide, ainsi que d’avoir permis à des nazis de devenir des « héros nationaux ».

Le représentant de l’Arménie a indiqué à l’Azerbaïdjan que les remarques répétitives de son représentant ne constituaient en aucun cas une réponse aux remarques de sa délégation.  Il a insisté sur le fait que le Haut-Karabakh faisait l’objet d’un nettoyage ethnique « injustifiable », quel qu’en soit le prétexte. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Troisième Commission: la torture, la liberté d’expression et la situation des défenseurs des droits humains mobilisent l’attention des délégations

Soixante-dix-huitième session,
18e et 19e séances plénières – matin & après-midi
AG/SHC/4382

Troisième Commission: la torture, la liberté d’expression et la situation des défenseurs des droits humains mobilisent l’attention des délégations

La Troisième Commission chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a dialogué aujourd’hui, avec pas moins de neuf titulaires de mandat et hauts fonctionnaires de l’ONU, abordant différents aspects de la question des droits de la personne, dont la torture, la liberté d’expression et la situation des défenseurs des droits humains. 

Plaidant en faveur d’un accroissement des ressources, les experts sur la question de la torture se sont succédé, à commencer par le Président du Comité contre la torture qui a alerté que le système des organes conventionnels est confronté à une charge de travail croissante et à un arriéré de rapports considérable.  Des réformes sont nécessaires de toute urgence, a-t-il souligné, mettant en avant trois domaines clefs: l’introduction d’un calendrier prévisible d’examen, la simplification et l’harmonisation des méthodes de travail, et une mise à jour numérique des flux de travail obsolètes. 

De son côté la Rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a attiré l’attention sur la problématique du commerce mondial « tentaculaire » des équipements de maintien de l’ordre, qui devrait connaître une croissance de 8% par an et représenter 27 milliards de dollars d’ici à 2028.  Pour contrôler le marché de ces « outils de torture modernes », elle a appelé à l’élaboration d’un accord commercial international qui permettrait de mettre hors d’usage des objets intrinsèquement cruels, et de contrôler les équipements ordinaires de maintien de l’ordre présentant un risque accru d’utilisation abusive.  Cette question devient de plus en plus importante à mesure que les gouvernements sous-traitent les fonctions publiques à des entités privées non étatiques, a-t-elle souligné. 

Au préalable, la Présidente du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, s’est félicitée de la portée du premier projet d’observation générale du Sous-Comité qui vient clarifier la définition des lieux de privation de liberté. 

Ciblées par la désinformation, les femmes et les filles ont fait l’objet d’une attention particulière, notamment par la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression qui s’est intéressée à la désinformation genrée, une stratégie qui, a-t-elle expliqué, vise à faire taire les femmes et les personnes non conformes au genre et à les chasser des lieux publics et des espaces en ligne.  En exploitant les divisions sociales et les points de tension, tels que le racisme, l’homophobie et la transphobie, la désinformation genrée approfondit la marginalisation des groupes vulnérables et augmente leur risque de subir des violences, en ligne et hors ligne, a-t-elle alerté.  Face à ces tendances inquiétantes, elle a appelé les États à sécuriser les espaces numériques, sans pour autant restreindre la liberté d’expression. 

De manière connexe, le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association a appelé à faire pression sur les acteurs répressifs, étatiques ou non, à travers des sanctions ciblées, afin qu’ils mettent fin à toutes les attaques et actes d’intimidation à l’encontre de la société civile et des manifestants. Il a notamment évoqué les périodes de transition durant lesquelles certaines autorités ont recours à des lois draconiennes et à l’état d’urgence pour restreindre et réprimer indûment la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association, le but étant de faire taire les dissidents et les voix de l’opposition.  Il s’est également préoccupé de la situation des représentants de la société civile qui ont été l’objet de représailles en raison de leur collaboration avec l’ONU. 

La Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains a indiqué, de son côté, que la probabilité qu’un processus de paix soit couronné de succès est très nettement supérieure si les femmes sont impliquées de manière significative dans les négociations, précisant que la probabilité qu’un accord de paix dure au moins deux ans augmente de 20% lorsque les femmes sont correctement impliquées. 

Elle a toutefois relevé que depuis que les femmes participent plus pleinement qu’autrefois aux activités de la société civile, elles sont davantage attaquées, exhortant les États Membres à agir lors d’un vif échange avec les délégations.

« Vous vous présentez tous comme des anges, alors que vous avez en réalité tous vos intérêts stratégiques », s’est exclamée la Rapporteuse spéciale, qui a marqué son agacement en avouant en avoir assez de faire des recommandations. « Je pourrais les faire pendant mon sommeil! Lisez-les! Appliquez-en une ou deux, et vous verrez que la situation s’améliorera », a-t-elle renchéri.

La Troisième Commission poursuivra ses travaux demain, vendredi 13 octobre, à partir de 10 heures.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS (A/78/198)

Déclarations liminaires des titulaires de mandats au titre d’une procédure spéciale et d’autres experts, suivies d’un dialogue interactif

Exposé

Mme ILZE BRANDS KEHRIS, Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme, a présenté à la Troisième Commission 23 rapports du Secrétaire générale et notes du Secrétariat au titre des points à l’ordre du jour.  Les documents cités sont: 

La note du Secrétariat sur le « Fonds spécial créé par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » (A/78/240);

Le rapport du Secrétaire général sur le « Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture » (A/78/263);

Le rapport du Secrétaire général sur le « Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour la lutte contre les formes contemporaines d’esclavage » (A/78/271);

La note du Secrétariat sur le « Droit au développement » (A/78/125);

Le note du Secrétariat sur la « Coopération avec l’Organisation des Nations Unies, ses représentants et ses mécanismes dans le domaine des droits de l’homme » (A/78/136); 

La note du Secrétariat sur la « Promotion et protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales des Africains et des personnes d’ascendance africaine face au recours excessif à la force et aux autres violations des droits de l’homme dont se rendent coupables des responsables de l’application des lois, grâce à une transformation porteuse de justice et d’égalité raciales » (A/78/166);

Le rapport du Secrétaire général sur les « Institutions nationales pour la promotion et la protection des droits humains » (A/78/182);

La note du Secrétariat sur la « Protection des migrants » (A/78/203);

Le rapport du Secrétaire général sur la « Lutte contre l’intolérance, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation, la discrimination, l’incitation à la violence et la violence fondés sur la religion ou la conviction » (A/78/241);

Le rapport du Secrétaire général intitulé « Droits humains et diversité culturelle » (A/78/242);

Le rapport du Secrétaire général intitulé « Terrorisme et droits humains » (A/78/269);

La note du Secrétariat sur la « Prévention du génocide » (A/78/282);

Le rapport du Secrétaire général sur « La sécurité des journalistes et la question de l’impunité » (A/78/270);

Le rapport du Secrétaire général sur le « Renforcement de l’action de l’Organisation des Nations Unies dans le domaine des droits humains par la promotion de la coopération internationale et importance de la non-sélectivité, de l’impartialité et de l’objectivité » (A/78/272);

Le rapport du Secrétaire général sur le « Centre sous-régional des droits de l’homme et de la démocratie en Afrique centrale » (A/78/298);

Le rapport du Secrétaire général sur la « Promotion effective de la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques » (A/78/306);

Le rapport du Secrétaire général sur la « Promotion d’une répartition géographique équitable dans la composition des organes conventionnels des droits humains » (A/78/311);

Le rapport du Secrétaire général sur la « Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées » (A/78/347);

Le rapport du Secrétaire général sur le « Centre de formation et de documentation des Nations Unies sur les droits de l’homme pour l’Asie du Sud-Ouest et la région arabe » (A/78/518);

La note du Secrétaire général sur la « Situation des droits humains au Myanmar depuis le 1er février 2021 » (A/78/316);

Le rapport du Secrétaire général sur la « Situation relative aux droits humains dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol (Ukraine) temporairement occupées » (A/78/340);

Le rapport du Secrétaire général sur la « Situation relative aux droits humains en République populaire démocratique de Corée » (A/78/212);

Et enfin, le rapport du Secrétaire général sur la « Situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran » (A/78/326). 

Dialogue interactif

À la suite de cette présentation, l’Union européenne s’est alarmée de l’augmentation des représailles contre les personnes et les groupes collaborant avec l’ONU, ainsi que de la progression de la censure en ligne et hors ligne et de l’abus des procédures antiterroristes.  Elle a condamné très fermement ces pratiques.  La Lettonie s’est inquiétée du même sujet, dénonçant les mesures d’intimidation qui se produisent jusqu’au Siège de l’ONU à New York. Le Japon a, pour sa part, voulu savoir comment le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) peut aider à résoudre les conflits et à défendre les droits humains.  Le Royaume-Uni s’est dit préoccupé par les menaces exercées contre des personnes collaborant avec l’ONU et a demandé comment améliorer le mécanisme de contrôle des représailles.  La Roumanie a ensuite demandé une évaluation de la situation des droits humains, des femmes et des filles dans le contexte de la prévention des conflits et de la reconstruction post-conflit. 

De son côté, la République islamique d’Iran a critiqué le contenu du rapport la concernant, estimant qu’il est rempli de préjugés et fondé sur des informations non vérifiées.  À sa suite, la République démocratique populaire de Corée a rejeté catégoriquement le rapport la concernant.  Qualifiant ce document « politisé » de « tissu de mensonges », elle y a vu le fruit des « desseins sinistres d’un pays hostile », ajoutant que son pays n’a jamais eu aucun problème de droits humains.  La Chine a, elle, appelé à ne pas politiser les droits humains, avant d’assurer qu’elle les a toujours respectés.  Dénonçant des violations massives des droits humains dans ses territoires occupés par la Fédération de Russie, l’Ukraine a annoncé qu’elle présentera le projet de résolution annuel sur cette situation et a demandé aux États Membres de le soutenir. 

Les États-Unis se sont inquiétés de la situation de la société civile au Bélarus, au Nicaragua, en Fédération de Russie, à Cuba et en Chine, notamment en ce qui concerne Hong Kong, avant de s’interroger sur les moyens susceptibles d’améliorer la situation.  L’Arabie saoudite a regretté qu’une partie des informations figurant dans un des rapports du Secrétaire général soient « fausses » et a demandé comment remédier à cet état de fait.  L’Irlande s’est, elle, inquiétée de l’usage abusif des lois antiterroristes pour poursuivre les personnes collaborant avec l’ONU, tandis que l’Égypte s’inquiétait des discriminations religieuses et s’enquérait des bonnes pratiques pour lutter contre cette tendance. L’Iraq a voulu savoir comment renforcer la participation des femmes au maintien et à la consolidation de la paix.  Enfin, après que Cuba eut rejeté les allégations des États-Unis à son sujet, la Chine a, elle aussi, répondu aux États-Unis, les accusant de répandre des mensonges, notamment concernant Hong Kong. 

Reprenant la parole, la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme s’est félicitée du fait que de nombreuses délégations aient fait mention de la participation de la société civile et de la lutte contre les représailles visant les personnes coopérant avec l’ONU.  Elle a également défendu la méthodologie très stricte adoptée dans les rapports du Secrétaire général.  La haute fonctionnaire a ensuite cité des mesures concrètes que peuvent adopter les États Membres, évoquant notamment la sensibilisation et le renforcement des cadres légaux nationaux.  Évoquant les femmes en situation de conflit, elle a rappelé la présence du HCDH sur le terrain.  Pour finir, Mme Brands Kehris a encouragé les États Membres à fournir un accès aux experts de l’ONU et à leur fournir des informations. 

Exposé

M. KHALED KHIARI, Sous-Secrétaire général pour les affaires politiques et de consolidation de la paix au Moyen-Orient, en Asie et dans le Pacifique, a présenté le rapport du Secrétaire général sur le « Renforcement du rôle que joue l’Organisation des Nations Unies dans la promotion d’élections périodiques et honnêtes et de la démocratisation » (A/78/260). 

Il a indiqué que l’ONU a fourni une assistance électorale à un peu plus de 60 États et territoires.  Essentiellement technique, fournie dans le respect de la souveraineté et des particularités de chaque État, cette assistance a soutenu des processus électoraux inclusifs, notamment vis-à-vis des femmes, a-t-il précisé.

Il a souligné que des élections crédibles donnent de la légitimité aux dirigeants choisis, et constituent une étape importante dans la résolution des conflits et la consolidation de la paix.  Néanmoins, les élections et leurs fondements institutionnels nécessitent un investissement continu de la part des États Membres, a-t-il noté.  En outre, l’engagement en faveur d’un code de conduite contribue efficacement à l’intégrité d’un processus électoral.  Il a également signalé que les avis divergent sur la meilleure façon de traiter la diffusion de fausses informations, sur les réseaux sociaux notamment, en raison de la crainte que les restrictions sur le contenu n’entravent la liberté d’expression. 

Le Sous-Secrétaire général a par ailleurs jugé insuffisants les progrès réalisés en matière de participation et représentation politiques des femmes qui ne représentent toujours que 26,7% des parlementaires dans le monde. La participation des femmes est au cœur de l’assistance électorale fournie par l’ONU et l’inclusion des jeunes dans les affaires publiques est, elle aussi, cruciale pour cultiver leur confiance dans les institutions politiques. 

L’intervention de M. Khiari n’a pas été suivie d’un dialogue interactif.

Exposé

Mme LARA BLANCO ROTHE, Directrice adjointe du Groupe de l’environnement et du développement durable au Cabinet exécutif du Secrétaire général, qui présentait un rapport d’étape sur la Stratégie des Nations Unies pour l’inclusion du handicap lancée par le Secrétaire général en 2019, s’est félicitée des progrès réalisés en la matière, y voyant une illustration de l’engagement croissant en faveur de l’inclusion du handicap dans l’ensemble du système de l’ONU. L’an dernier, a étayé Mme Blanco Rothe, 77 entités ont mis en œuvre la Stratégie -dont 19 opérations de paix- contre 73 en 2021.  Le rapport montre en outre qu’en 2022, les entités ont respecté et même dépassé les exigences dans 34% des indicateurs, contre 30% en 2021. 

La haute fonctionnaire a également relevé une réduction manifeste du pourcentage d’entités qui ne satisfont pas aux exigences, passé de 23% en 2021 à 15% en 2022.  Selon elle, les entités onusiennes ont réalisé le plus de progrès en 2022 dans le domaine de l’évaluation inclusive du handicap. 

Rendant compte des rapports des équipes de pays, Mme Blanco Rothe a relevé une approche plus éclairée de l’inclusion du handicap, bien qu’à un rythme de progrès global plus lent.  Désormais, s’est-elle félicitée, 90% des pays indiquent qu’ils incluent la situation des personnes handicapées dans leurs documents de planification stratégique, tandis que 43% des équipes de pays intègrent les personnes handicapées dans les résultats de leur cadre de coopération.  Elle a précisé à cet égard que son cabinet fournit une assistance technique ciblée pour soutenir les plans d’action élaborés par les équipes de pays aux fins de mise en œuvre de la Stratégie.

Parmi les autres tendances, la responsable onusienne a fait remarquer que la Stratégie a favorisé des synergies au-delà des actions spécifiques au handicap.  Elle s’est ainsi réjouie que les entités et les équipes de pays intègrent l’inclusion du handicap dans leurs mécanismes et stratégies de coordination en matière de genre et de jeunesse.  Toutefois, a-t-elle nuancé, il demeure des goulots d’étranglement dans des domaines opérationnels comme l’accessibilité, l’emploi et les aménagements raisonnables. Elle a donc appelé à une action collective pour éliminer les obstacles systémiques auxquels sont confrontées les entités et les équipes de pays.  Notant que le Secrétaire général a demandé au Comité de haut niveau sur la gestion d’aborder de toute urgence l’inclusion des personnes handicapées et l’accessibilité, elle a fait savoir qu’une action a été lancée pour aborder et renforcer le caractère inclusif des Nations Unies en tant qu’employeur de choix pour les personnes handicapées.

Enfin, la Directrice adjointe s’est déclarée convaincue que la Stratégie ne réussira que lorsque les personnes handicapées « travailleront avec nous à tous les niveaux ».  D’ores et déjà, la mise en œuvre de la Stratégie commence à apporter des changements structurels et opérationnels au sein de l’Organisation, a-t-elle applaudi, promettant de maintenir cet élan pour réaliser le changement transformateur. Elle a invité les États Membres à soutenir cette dynamique pour servir les 1,3 milliard de personnes handicapées dans le monde. 

Dialogue interactif

Dans la foulée de cette présentation, l’Union européenne a salué le dernier rapport du Secrétaire général sur l’inclusion du handicap dans le système des Nations Unie.  Notant avec satisfaction que des progrès importants ont été faits récemment, elle a aussi constaté que beaucoup reste à faire, notamment en matière d’accessibilité physique ou numérique et de violence à l’égard des femmes et filles handicapées.  Elle a souhaité savoir comment les équipes de pays de l’ONU peuvent procéder de manière conséquente à la collecte de données concernant le handicap, avant de s’interroger sur ce que fait l’ONU pour accélérer la mise en œuvre d’initiatives consacrées à l’inclusion des personnes handicapées, notamment celles qui font face à de nombreuses formes de discrimination. 

De manière connexe, la Nouvelle-Zélande a voulu savoir dans quelle mesure les États Membres peuvent appuyer la Stratégie des Nations Unies et assurer son succès à l’avenir.  Elle s’est par ailleurs déclarée fière de présenter avec le Mexique un projet de résolution sur la promotion des droits des personnes handicapées.  Saluant elle aussi l’élaboration de ce texte, la Pologne s’est félicitée de la collaboration entre l’équipe de la Directrice adjointe, le Secrétariat de l’ONU et les organisations représentant les personnes handicapées.  Elle a cependant plaidé pour davantage d’inclusivité pour que ces actions gagnent en efficacité.  À ce sujet, elle a souhaité savoir comment la Stratégie peut contribuer à la réalisation des objectifs d’inclusion sur le terrain.

En réponse à ces questions et commentaires, la Directrice adjointe du Groupe de l’environnement et du développement durable au Cabinet exécutif du Secrétaire général a relevé qu’au cours des quatre dernières années, des progrès graduels mais constants ont été réalisés en matière d’inclusion du handicap.  Nous devons redoubler d’efforts et adopter une approche collective pour atteindre l’inclusion souhaitée, a-t-elle ajouté. Selon elle, le travail réalisé depuis 2019 a permis d’établir une « ligne de base » pour mesurer les avancées, ce qui n’était pas le cas auparavant.  Elle s’est également réjouie que plusieurs entités aient dépassé les indicateurs en matière d’inclusion du handicap, ce qui va « dans le bon sens ».  Sur le terrain, des efforts doivent être entrepris dans la programmation, notamment en ce qui concerne les questions d’intersectionnalité pour l’inclusion dans le cadre de la coopération, a poursuivi Mme Blanco Rothe, répondant à la préoccupation de la Pologne.  Enfin, elle a dit travailler sur la base de partenariats avec les entités onusiennes, notamment avec l’UNICEF pour la collecte de données. 

Exposé

M. CLAUDE HELLER, Président du Comité contre la torture, a tout d’abord indiqué que, depuis l’adhésion du Suriname, en 2021, à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, aucune nouvelle ratification ou adhésion n’avait eu lieu.  Présentant ensuite son rapport annuel (A/78/44), il a précisé que le Comité avait adopté des observations finales sur 16 rapports présentés par les États parties et examiné quatre rapports supplémentaires lors de sa session de juillet 2023. 

Il a rappelé que les autorités nicaraguayennes n’avaient pas envoyé de délégation à la soixante-quatorzième session du Comité, tenue en juillet 2022, au cours de laquelle le deuxième rapport périodique de cet État partie avait été examiné, rejetant fermement les termes de la lettre datée du 29 juin 2022 de son Ministre des affaires étrangères, qui mettait en doute la légitimité et l’intégrité du Comité, ainsi que du HCDH.  Il a précisé que, conformément à son règlement intérieur, le Comité avait procédé à l’examen du rapport périodique du Nicaragua en son absence et adopté des observations finales lors de la soixante-quinzième session en novembre 2022. 

Le Président a rappelé que les États ont la possibilité de soumettre des rapports périodiques selon la procédure simplifiée, c’est-à-dire en réponse à une liste de questions.  De même, une coordination avec le programme de renforcement des capacités des organes conventionnels aide également les États à préparer leurs rapports. 

M. Heller a précisé que 54 rapports sont en attente d’examen en raison des retards entraînés par la pandémie de COVID-19, ajoutant que le Comité manquait de ressources pour faire face à cette charge de travail accrue. Il a précisé que le Comité avait examiné 74 plaintes individuelles au cours de ses quatre dernières sessions, adoptant 36 décisions sur le fond, considérant 14 communications comme irrecevables et interrompant l’examen de 24 autres.  Signalant que là encore le retard est considérable, il a précisé que 197 plaintes individuelles étaient en attente d’examen, arriéré de communications qui ne pouvait être absorbé avec les méthodes de travail et les ressources actuelles.  Il a regretté que certains États n’aient pas mis en œuvre les décisions prises concernant les plaintes individuelles, s’inquiétant également des actes d’intimidation et de représailles à l’encontre d’individus et de groupes qui coopèrent avec le Comité. 

Le système des organes conventionnels est confronté à une charge de travail croissante et à un arriéré de rapports considérable, et des réformes sont nécessaires de toute urgence, a-t-il souligné, relevant que le temps de réunion supplémentaire accordé aux comités pour traiter les arriérés n’avait pas été compensé par les ressources financières, techniques et humaines adéquates. 

Il a rappelé que les présidents des organes conventionnels avaient suggéré des réformes dans trois domaines principaux: l’introduction d’un calendrier prévisible d’examens, la simplification et l’harmonisation des méthodes de travail, et une mise à jour numérique des flux de travail obsolètes. Il a également indiqué qu’ils avaient reconnu que les États et les organes conventionnels avaient des mandats distincts mais interdépendants, invitant les États à exprimer leurs préférences quant aux modalités d’un calendrier prévisible de huit ans, ainsi qu’au sujet d’une numérisation ne pouvant être finalisée qu’avec des ressources financières appropriées. 

Dialogue interactif

Après la Türkiye, qui a fustigé les avis non justifiés du Comité émis sans la consulter, le Mexique s’est intéressé aux meilleures pratiques pour prévenir les cas de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de personnes qui se trouvent dans des situations de vulnérabilité particulière.  Comment identifier les risques et protéger les groupes les plus vulnérables?, a-t-il questionné.

Le Danemark a demandé que pouvaient faire les États pour améliorer les méthodes de travail du Comité et résorber le retard accumulé.  Notant que 196 plaintes étaient encore en attente d’examen, l’Union européenne a voulu connaître l’origine de ces retards et savoir par quels moyens accélérer le processus. 

La Fédération de Russie s’est inquiétée de la situation dans la prison de Guantanamo, accusant les autorités américaines de s’y livrer à des violations des droits des prisonniers et à des traitements cruels.  De plus, les appels de la communauté internationale, y compris des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, à fermer cette prison spéciale américaine continuent d’être ignorés par Washington, a-t-elle dénoncé.  La Chine a appelé, de son côté, le Comité à continuer de se fonder sur le principe de la non-sélectivité et à tenir compte des particularités de chaque pays.

Les États-Unis ont affirmé que la toute première visite, à Guantanamo, de la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, était la preuve de leur souci de transparence.  Par ailleurs, comment couper l’assistance aux États connus pour largement recourir à la torture? ont-ils demandé.

La République arabe syrienne a réclamé des précisions sur la manière dont le Comité a étayé ses affirmations au sujet du Nicaragua.  Le rapport indique que la peur de représailles pousse les victimes à ne pas se plaindre de la torture, donc le Comité accuse un État d’avoir exposé des gens à la torture, sans se baser sur leur témoignage.

Quels sont les nouveaux défis rencontrés en ce qui concerne la présentation des rapports et méthodes de travail, a voulu savoir la République dominicaine qui, reconnaissant un retard dans la présentation de son propre rapport, a assuré faire tout son possible pour qu’il soit prêt avant 2024. 

Réagissant aux remarques et questions des délégations, le Président du Comité contre la torture a d’abord abordé la question des méthodes de travail, expliquant que le Comité invite des États tiers lorsque cela peut s’avérer nécessaire.  Il a ensuite insisté sur l’importance de disposer des financements nécessaires pour absorber la charge de travail qui continue d’augmenter.

En ce qui concerne les pratiques optimales pour prévenir la torture à l’encontre des personnes vulnérables, il a indiqué que l’adoption de mesures juridiques est un pas en avant pour répondre aux situations de crise, telles les crises migratoires, invitant à ratifier le Protocole facultatif.  En outre, il ne suffit pas de ratifier la Convention, il faut l’appliquer et cette application est complexe, a-t-il insisté. 

Il a ensuite expliqué que le Comité contre la torture est en étroite coordination avec des instances similaires au niveau régional, relevant que certaines plaintes sont examinées au mieux dans le contexte régional, notamment dans les Caraïbes par le biais de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. 

Le Président a par ailleurs encouragé les États à envisager un moratoire sur la peine de mort, et à créer des mécanismes nationaux de prévention de la torture.  Enfin, il a remercié la République dominicaine de sa volonté de présenter bientôt son rapport et s’est félicité de la visite du Comité dans ce pays. 

Exposé

Mme SUZANNE JABBOUR, Présidente du Sous-Comité pour la prévention de la torture, a tenu à cadrer la discussion en insistant sur la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants par 93 pays et sur les dialogues menés avec les États parties et signataires concernant la désignation ou le fonctionnement de leurs mécanismes nationaux de prévention.  Alors que le chemin vers la ratification universelle est « semé d’embûches », elle a appelé à faire preuve d’engagement collectif et de volonté politique, afin que les États s’acquittent de leur devoir mondial de prévention de la torture. 

Pour ce qui est du Sous-Comité, Mme Jabbour a indiqué que l’année écoulée a été marquée par des changements importants, des élections tenues en 2022 ayant permis l’introduction de nouveaux membres qui apportent des perspectives et des expertises nouvelles.  À l’avenir, il est important, selon elle, de continuer à mettre l’accent sur la sélection d’experts indépendants ayant des expériences professionnelles diverses, en particulier dans le domaine de la santé et de la santé mentale, afin de garantir une approche pluridisciplinaire. 

Évoquant ensuite le premier projet d’observation générale du Sous-Comité relatif à l’article 4 du Protocole facultatif, Mme Jabbour l’a présenté comme « l’un des développements récents les plus importants ». Notant que ce texte clarifie la définition des lieux de privation de liberté, améliorant ainsi la compréhension des implications du Protocole facultatif, elle a indiqué qu’après son adoption, les États seront encouragés à s’y référer pour garantir à tout organe d’évaluation, y compris les mécanismes nationaux de prévention, un accès complet aux lieux de privation de liberté. 

En 2022, a poursuivi la Présidente du Sous-Comité, plus de 730 entretiens individuels et collectifs ont été réalisés avec plus de 2 300 personnes, principalement des détenus, mais aussi des fonctionnaires, des membres des forces de l’ordre et du personnel médical, dans différents pays.  Elle a souligné l’importance de ces interactions dans la collecte d’informations « précieuses » sur diverses questions urgentes, notamment les défis liés à la détention des migrants, les cas de corruption et d’autogestion au sein des centres de détention, les restrictions d’accès à certains lieux et les limitations à l’obtention de données essentielles.  Faisant état de recommandations adaptées aux contextes nationaux, Mme Jabbour a indiqué que son organe s’est déplacé cette année en Afrique du Sud, au Kazakhstan, à Madagascar, en Croatie et, très récemment, dans l’État de Palestine.  En dépit de ressources insuffisantes, le Sous-Comité aspire à augmenter le nombre de ses visites annuelles, en passant de huit actuellement à 12 par an, a-t-elle précisé, avant de saluer l’adoption du cycle de huit ans, qui permettra à l’organe d’effectuer 93 visites au cours de cette période.

Mme Jabbour a, par ailleurs, estimé que la résolution bisannuelle de l’Assemblée générale sur la prévention de la torture devrait consolider la solidarité mondiale et permettre de transformer une question exclusive aux organes conventionnels des droits de l’homme en une question d’intérêt universel. À cet égard, elle a souligné les efforts du Sous-Comité pour resserrer les liens avec d’autres organes conventionnels, notamment le Comité contre la torture, afin d’aborder des questions communes. Elle a enfin appelé les États à contribuer au fonds spécial du Sous-Comité, auquel les organisations non gouvernementales (ONG) font régulièrement appel et qui a permis de soutenir 18 projets dans 16 États pour un montant total de 525 790 dollars. 

Dialogue interactif

Après cet exposé, l’Union européenne s’est félicitée de deux nouvelles accessions à la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture en 2023.  Elle a ensuite voulu connaître les problèmes rencontrés par le Sous-Comité dans sa collaboration avec les États parties et les mécanismes nationaux de prévention.  L’Ordre souverain de Malte s’est réjoui du fait que 165 pays aient signé la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, bien que son application dépende de la volonté des États parties.  Il a par ailleurs signalé les actions qu’il mène en termes de surveillance des abus, de suivi judiciaire et d’aide directe pour les victimes, avant de rappeler, sur la base d’un rapport d’Amnesty International, que 141 pays ont été impliqués dans des actes de torture au cours des cinq dernières années, soit les trois quarts des États de la planète. 

Reprenant la parole, la Présidente du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a indiqué que des systèmes sont mis en place pour éviter les doublons, notamment avec les organes régionaux comparables, prenant l’exemple du comité de l’Union européenne travaillant sur cette thématique.  Elle a souligné que le principe de confidentialité est central et que les organes conventionnels évitent de se rendre dans le même pays durant la même année pour ne pas surcharger les États.  Mme Jabbour a ajouté que la méthode adoptée par le Sous-Comité repose sur un dialogue constructif avec les États et les mécanismes nationaux, auquel s’ajoute un soutien financier à ces derniers.  Elle a souhaité que les États contribuent aussi à cet effort financier.  Évoquant enfin la surveillance des lieux de détention, question « très complexe » selon elle, la Présidente du Sous-Comité a précisé que son organe se rend sur le terrain, y compris dans les zones de conflit, et vient de rentrer d’une visite de deux semaines en Palestine. 

Exposé

Mme ALICE JILL EDWARDS, Rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, présentant son évaluation annuelle de la torture dans le monde, a indiqué qu’au moins 108 pays ont érigé la torture en infraction pénale, dont la Thaïlande et le Pakistan au cours de l’année écoulée.  Un nombre croissant de pays ont ouvert cette année des procédures contre les auteurs d’actes de torture, certains pour la première fois, et de nouvelles lois d’indemnisation ont été adoptées en Macédoine du Nord et en Ouzbékistan, s’est-elle réjouie. 

Mais dans le même temps, les allégations de torture se sont multipliées, notamment dans le cadre de la guerre, s’est inquiétée la Rapporteuse spéciale.  Elle a indiqué que la Fédération de Russie n’avait pas répondu à sa demande concernant des allégations crédibles de torture par ses forces militaires en Ukraine, ajoutant que sa récente visite dans ce pays avait confirmé que la torture fait partie de la politique de l’État russe.  Des traitements cruels ont également été observés en Haïti, au Mali, au Myanmar, au Soudan et au Yémen, a-t-elle regretté. 

Nombreuses aussi sont les allégations de torture sexuelle, a poursuivi Mme Edwards, déplorant une année particulièrement terrible pour de nombreuses femmes et jeunes filles, notamment en Afghanistan, où elles sont exclues de la vie publique, ou en Iran, où elles font l’objet de la brutalité policière.  Elle a également évoqué des allégations de harcèlement et de torture d’opposants et de dissidents politiques au Bélarus, en Türkiye et en Fédération de Russie. La Chine, en outre, n’a pas pleinement répondu aux allégations de torture et de mauvais traitements à l’encontre des Ouïghours dans le Xinjiang.

Passant à son étude thématique, qui porte sur le commerce mondial des équipements de maintien de l’ordre, la Rapporteuse spéciale a signalé qu’aucun accord international ne régit le commerce d’objets destinés ou utilisés pour torturer ou imposer d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Notant que le commerce des instruments de torture est tentaculaire, elle a recommandé l’élaboration d’un accord commercial international « libre de torture » qui compléterait et renforcerait les obligations existantes.  Cet accord serait composé d’une catégorie A, comprenant des objets intrinsèquement cruels, à immédiatement retirer du marché et à mettre hors d’usage, et d’une catégorie B comprenant les équipements ordinaires de maintien de l’ordre à contrôler, car présentent un risque accru d’utilisation abusive. 

Elle a fait savoir que le marché des équipements de maintien de l’ordre devrait atteindre 27 milliards de dollars d’ici à 2028, avec une croissance de 8% par an.  Cette question devient de plus en plus importante à mesure que les gouvernements sous-traitent les fonctions publiques à des entités privées non étatiques, a-t-elle ajouté.  Les forces de l’ordre, certes, doivent être équipées, mais c’est précisément parce que ces armes peuvent causer des dommages pouvant aller jusqu’à des crimes d’atrocité qu’il est nécessaire de mieux les réglementer, a-t-elle fait valoir. 

La Représentante spéciale a ensuite détaillé les divers artefacts utilisés dans ce contexte, notamment des barres munies de pointes, des ceintures à décharge électrique, des fers à entraver ainsi que des fouets et des munitions contenant des projectiles à impact cinétique, les décrivant comme des outils de torture modernes, aussi horribles que les grilles et les vis à oreilles utilisées par les tortionnaires médiévaux.  Elle a appelé les États à dresser un inventaire des équipements fabriqués, achetés ou utilisés par les autorités publiques compétentes et à interdire immédiatement les articles figurant sur sa liste.  Les États doivent également œuvrer à l’élaboration d’un instrument international de commerce sans torture afin que nous soyons tous plus en sécurité et mieux protégés au sein de nos communautés, a-t-elle souligné. 

Dialogue interactif

Comment l’adoption d’un accord international contribuerait-il à empêcher la torture? a demandé l’Argentine.  Et quelles sont les mesures envisagées pour élaborer un tel instrument, a voulu savoir l’Union européenne, suivie du Danemark qui s’est enquis des principaux obstacles à la ratification de la Convention.  Le Canada s’est interrogé sur les mesures que les États peuvent adopter à court terme pour prévenir la torture et assurer la justice pour les victimes.  À ce propos, comment élargir le soutien aux Principes de Méndez, a demandé le Maroc

Le Chili a indiqué qu’il espère profiter de la visite, la semaine prochaine, de la Rapporteuse spéciale pour identifier les pratiques optimales et les lacunes, tandis que la République dominicaine a voulu savoir comment la Rapporteuse spéciale coopère avec les autres procédures spéciales pour parvenir à un monde exempt de torture.  Le Brésil a appelé à accorder la priorité au renforcement des droits humains et des mécanismes nationaux et locaux de prévention, l’Algérie ayant au préalable insisté sur le renforcement des capacités des forces de police.

Comment protéger les jeunes placés dans des institutions de la négligence, la violence et des abus et comment limiter les risques que des instruments de torture tombent entre les mains d’organisations criminelles et d’autres acteurs non étatiques, a demandé le Luxembourg.  Le Myanmar s’est enquis des mesures collectives à prendre pour mettre fin à la torture sur son sol et demander des comptes aux militaires.  À sa suite, la Géorgie s’est inquiétée, qu’à ce jour, aucun progrès n’ait été réalisé dans l’exécution de la justice dans les cas de torture, de traitements inhumains et de privation de la vie de David Basharuli, Giga Otkhozoria, Archil Tatunashvili, et Irakli Kvaratskhelia. 

Le Pakistan a voulu savoir quel rôle peuvent jouer les mécanismes des droits humains pour prévenir la torture dans les régions et zones occupées, citant en particulier le Jammu-et-Cachemire, une allégation réfutée par l’Inde qui a dit que cette région fait partie intégrante de son pays.  L’Égypte a ensuite appelé à placer des obligations sur le secteur privé, tandis que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a estimé qu’un instrument juridiquement contraignant pourrait avoir des impacts pratiques et symboliques positifs. 

Lors de ce dialogue, plusieurs délégations ont rejeté catégoriquement les « allégations » les concernant contenues dans le rapport, à l’instar de la République islamique d’Iran qui a jugé « sans fondement » ces accusations qui sont inspirées par des médias hostiles à son pays. Dans le même ordre d’idées, la Chine a qualifié la partie du rapport qui la concerne « d’ingérence dans les affaires internes », tout en assurant avoir mis en place des mesures préventives pour combattre le terrorisme en conformité avec le droit international.  « Quelles sont vos sources d’information? » a interrogé la République arabe syrienne, doutant de la véracité des faits rapportés par des ONG inconnues.  Le Nicaragua a lui aussi soutenu que la Rapporteuse spéciale n’a pas rédigé son rapport sur la base d’informations vérifiées, affirmant d’ailleurs qu’il n’y a pas de violence policière dans le pays.  Abondant dans le même sens, la Fédération de Russie a estimé que les accusations à son encontre concernant la situation en Ukraine ne correspondent pas à la réalité. 

Les États-Unis ont voulu en savoir plus sur la visite de la Rapporteuse spéciale en Ukraine, tandis que l’Ukraine s’est inquiétée de la situation des prisonniers de guerre en Russie.  De son côté, Israël a voulu savoir quelles mesures la Rapporteuse spéciale compte prendre devant les atrocités commises ces derniers jours par le Hamas. 

Pour finir, l’Arabie saoudite a confirmé que l’application de la peine de mort sur son territoire est constitutionnelle et respecte les différents principes du Code pénal qui a connu de nombreuses réformes. 

Dans ses réponses et observations, la Rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a expliqué que la création d’un instrument juridique sur l’interdiction du commerce des équipements de maintien de l’ordre aiderait les États à tenir leurs engagements d’interdire et de prévenir la torture en retirant ces objets de la circulation et en en surveillant l’usage.  Elle a recommandé que le secteur privé participe à la discussion précédant la conception d’un tel instrument. 

Il revient d’abord, a-t-elle expliqué, aux États de réglementer, gérer, et surveiller ce commerce.  Dans un second temps, il s’agit de réglementer les fabricants qui sont maintenant « mis en garde ». 

S’agissant enfin de l’origine de ses sources, la Rapporteuse spéciale a fait part de sa disposition à en discuter avec tous les États Membres, y compris la Fédération de Russie, à qui, d’ailleurs, elle a envoyé de multiples demandes.  À la Chine et au Nicaragua, elle s’est dite prête à effectuer des visites de terrain. 

Exposé

Mme IRENE KHAN, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a rappelé qu’elle est la première femme à exercer ce mandat.  Elle a également rappelé qu’en 2021, elle avait présenté à la Troisième Commission un rapport inédit consacré à la liberté d’expression sous l’angle du genre.  Estimant à cet égard que la violence en ligne, la désinformation et les discours de haine constituent autant d’obstacles majeurs à la réalisation de l’égalité des sexes, elle a précisé que son rapport de cette année vise à approfondir la question de la désinformation sexiste. 

Mme Khan a indiqué avoir mené ces deux dernières années de vastes consultations auprès d’individus directement concernés par ce phénomène dans toutes les régions du monde.  Son constat: les femmes, les filles et les personnes non conformes au genre constituent une cible majeure de la désinformation.  Regrettant que ce problème soit encore peu appréhendé, elle a décrit la désinformation genrée comme « une stratégie visant à faire taire les femmes et les personnes non conformes au genre et à les chasser des lieux publics et des espaces en ligne ».  Selon elle, le préjudice ne concerne pas seulement l’individu, mais aussi la société, car le but ultime est « de faire reculer l’égalité des sexes, de réduire la diversité des voix et des points de vue dans nos sociétés et de saper la lutte collective pour la justice de genre ». 

La Rapporteuse spéciale a relevé que les risques augmentent en fonction de la visibilité des individus.  Si les attaques en ligne visent de manière disproportionnée les femmes politiques, journalistes et défenseuses des droits humains, les attaques les plus virulentes sont réservées à ceux et celles qui appartiennent à des communautés minoritaires ou marginalisées, a-t-elle fait observer.  En exploitant les divisions sociales et les points de tension, tels que le racisme, l’homophobie et la transphobie, « la désinformation genrée approfondit la marginalisation des groupes vulnérables et augmente leur risque de subir des violences, en ligne et hors ligne », a-t-elle souligné. Mme Khan a, par ailleurs, dénoncé les campagnes de désinformation en ligne menées par des acteurs non étatiques, souvent motivés par des idéologies extrémistes, des convictions religieuses ou des objectifs anti-droits, ainsi que les déclarations misogynes de hauts responsables gouvernementaux, de personnalités politiques et de dirigeants religieux et communautaires, qui créent un environnement toxique pour les femmes. 

Constatant que le risque de préjudice lié à la désinformation est considérablement accru par le pouvoir de l’amplification et de la coordination en ligne, la Rapporteuse spéciale a souligné que les plateformes de médias sociaux sont un « vecteur clef de la désinformation genrée ».  Face à ces tendances inquiétantes, a-t-elle expliqué, la réponse des États a principalement pris la forme de lois sur l’interdiction de la violence en ligne, les fausses nouvelles ou la réglementation des médias sociaux.  Si les premières peuvent jouer un rôle, à condition d’être ciblées et correctement mises en œuvre, les autres « ne font pas grand-chose pour lutter contre la désinformation, alors qu’elles contribuent à limiter les critiques à l’encontre de l’État », a déploré Mme Khan, appelant ces derniers à sécuriser les espaces numériques, sans pour autant restreindre la liberté d’expression au-delà de ce qui est autorisé par le droit international des droits de l’homme. 

Dialogue interactif

À la suite de cet exposé, le Mexique a insisté sur l’importance de l’accès égal des femmes à Internet et la protection des femmes journalistes.  L’Irlande s’est félicitée de ce premier débat sur la désinformation de genre et a demandé comment soutenir au mieux les femmes et les personnes marginalisées.  L’Union européenne s’est inquiétée de l’utilisation de la désinformation pour renforcer les stéréotypes sexistes et patriarcaux.  Au nom des pays nordiques et baltes, la Suède a appelé les États à prendre toutes les mesures nécessaires pour que la discrimination en ligne prenne fin. 

La Slovaquie a ensuite rappelé qu’une journaliste slovaque avait été tuée dans l’exercice de ses fonctions il y a quelques années et s’est alarmée des discriminations contre la communauté LGBTQI+.  Constatant que les jeunes du monde entier sont pris pour cible par les discriminations et la désinformation en ligne, la Roumanie a souhaité savoir comment ils peuvent lutter contre ce phénomène et dans quelle mesure l’ONU peut les en protéger.  Les Pays-Bas ont rappelé leur politique étrangère féministe et insisté sur la manière d’agir pour lutter contre les discriminations à court terme. 

La Colombie s’est interrogée sur les moyens d’introduire une approche intersectionnelle pour lutter contre les discriminations, tandis que la France demandait à la Rapporteuse spéciale si elle comptait participer aux négociations sur un pacte numérique mondial.  À sa suite, la Hongrie a détaillé les mesures légales qu’elle avait prises contre les discriminations.  Le Pakistan a, lui, espéré que le prochain rapport de la Rapporteuse spéciale se penche sur l’intolérance religieuse, s’inquiétant par ailleurs de la situation des journalistes travaillant sur ce sujet en Inde.  Le Bangladesh s’est enquis des politiques permettant d’encourager les médias sociaux à lutter contre les discriminations envers les femmes. 

Le Canada a voulu savoir comment la communauté internationale pouvait lutter contre les valeurs nocives qui alimentent les discriminations genrées. À son tour, la Belgique s’est inquiétée du sort des femmes journalistes, avant de plaider en faveur de formations pour lutter contre les discriminations en ligne et de s’enquérir des bonnes pratiques en la matière.  La Norvège a demandé comment orienter les négociations sur un pacte numérique mondial pour tenir compte des discriminations en ligne.  La Pologne a, quant à elle, évoqué la désinformation sexiste dans le cadre du conflit en Ukraine, accusant la Fédération de Russie de diffuser de la propagande de guerre.  La Grèce a demandé comment les États pourraient mieux répondre aux discriminations en ligne basée sur le genre, avant d’indiquer que son gouvernement agi déjà dans ce sens. 

La Suisse a fait valoir qu’aucune femme ne devrait avoir à choisir entre son droit à la sécurité et son droit à la parole.  Elle a demandé comment mettre en place des législations plus efficaces en la matière.  Le Myanmar a regretté que 156 journalistes aient été arrêtés par la junte militaire qui bafoue systématiquement la liberté d’expression dans le pays et a demandé comment la communauté internationale pourrait contribuer à la rétablir.  Le Luxembourg a souhaité savoir si la Rapporteuse travaille avec le secteur privé et comment les États Membres peuvent la soutenir dans cette tâche.  La République tchèque s’est interrogée sur les mesures que peuvent prendre les entreprises et les gouvernements pour lutter contre les discriminations visant les femmes et les personnes LGBTQI+. L’Inde a, pour sa part, affirmé que les terroristes ne devraient pas pouvoir se servir des libertés pour semer un discours de haine, avant de rejeter les allégations du Pakistan.  L’Autriche s’est intéressée aux moyens de protéger les adolescentes face à la violence en ligne fondée sur le genre. 

De son côté, la Fédération de Russie a demandé pourquoi les déclarations des représentants de la communauté LGBTQI+ sont présentées comme des plaidoyers pour la liberté d’expression, alors que celles des défenseurs des valeurs familiales sont décrites comme « patriarcales, sans discernement et mal informées ».  Elle a estimé que les critiques de l’« idéologie LGBTQI+ » ne sont pas la preuve d’une intolérance de la part des sociétés, mais de leur fatigue face à l’imposition généralisée de normes qui ne tiennent pas compte des spécificités du développement historique et socioculturel des différents peuples. Loin de ces considérations, les États-Unis ont averti que la liberté d’expression est menacée au Bélarus, en Russie, en Chine et en République populaire et démocratique de Corée, s’inquiétant aussi de la situation au Viet Nam, au Cambodge et en République démocratique populaire lao.  Ils ont demandé comment lutter de manière plus efficace contre ceux qui remettent en cause cette liberté sous prétexte d’une lutte contre l’extrémisme.

À la suite du Royaume-Uni, qui a dit lutter contre l’utilisation des technologies pour diffuser des discours discriminatoires contre les femmes et les filles, l’Égypte a rejeté le cadre conceptuel du rapport de Mme Khan, ainsi que son approche par le genre, tout en reconnaissant l’importance de protéger les femmes.  La Chine a, elle, réfuté les accusations non provoquées des États-Unis à son encontre, assurant garantir la liberté d’expression dans le cadre du droit. Elle a accusé les États-Unis de se livrer à un « deux poids, deux mesures ».

Dénonçant elle aussi le rapport « politisé » de Mme Khan, la République islamique d’Iran a reconnu l’importance du rôle des journalistes.  La République arabe syrienne a estimé que l’approche adoptée par la Rapporteuse spéciale semait la division en usant de concepts « non consensuels ». Le Brésil a préféré mettre en avant les mesures légales qu’il a prises pour lutter contre les discriminations en ligne et la création, cette année, d’un ministère des femmes.  L’Ukraine a, pour sa part, accusé la Fédération de Russie de recourir à la propagande et à la manipulation systématique de l’information, une pratique devenue systématique depuis le début de sa guerre d’agression.  Le Viet Nam a affirmé respecter la liberté d’expression qui, selon lui, n’est pas « absolue », et a rejeté les accusations infondées des États-Unis à son encontre.  Enfin, l’Ordre souverain de Malte a souligné l’importance de la liberté d’expression pour lutter contre les extrêmes, rappelant que, selon feu le pape Jean-Paul II, ce droit existe même pour ceux qui ne le respectent pas. 

Reprenant la parole, la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression a expliqué que pour aider les femmes et les personnes non conformes au genre, il convient de les autonomiser. Elle a également estimé que la seule manière de combattre efficacement la désinformation sexiste est d’énoncer des faits et de renforcer les capacités des femmes et leur accès à Internet. Abordant la question législative, Mme Khan a indiqué que les lois ne peuvent jouer qu’un rôle limité car, a-t-elle dit, « on ne peut pas lutter contre les stéréotypes et les préjugés, même si on peut lutter contre les discriminations ».  Concernant les limitations de la liberté d’expression, elle a indiqué que le droit international est « très clair en la matière ».  Elle a, par ailleurs, invité les entreprises à s’investir de manière locale pour comprendre comment la désinformation fonctionne dans chaque contexte. Concernant la réglementation des réseaux sociaux, la Rapporteuse spéciale a appelé les États à adopter des approches nuancées en s’inspirant des lignes directrices mises en avant par l’ONU. Pour finir, après avoir appelé à émanciper les femmes plutôt qu’à les protéger, elle s’est déclarée disponible pour les négociations sur le pacte numérique mondial, des échanges qui, selon elle, devraient soulever des questions « extrêmement épineuses ». 

Exposé

M. CLÉMENT NYALETSOSSI VOULE, Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, a présenté son rapport thématique consacré à l’importance des droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association pour la construction d’une paix durable et les transitions démocratiques.

Le Rapporteur spécial a relevé que, pendant les périodes de transition, certaines autorités ont eu recours à des lois draconiennes et à l’état d’urgence pour restreindre et réprimer indûment les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, dans le but de faire taire les dissidents et les voix de l’opposition.  Ces militants ont notamment été victimes de disparitions forcées, d’enlèvements, de détentions arbitraires, d’exécutions extrajudiciaires ou de tortures, a-t-il déploré, notant que des représentants de la société civile ont également été l’objet de représailles en raison de leur collaboration avec l’ONU.  En outre, la société civile et les femmes opérant dans des contextes conservateurs ont été accusées d’avoir une activité contraire à l’éthique ou à la culture et aux valeurs locales.

Les plateformes numériques, certes, ont constitué un espace de partage des points de vue, mais le recours des États à des technologies de surveillance numérique a souvent conduit, parallèlement, à plus de répression, a-t-il relevé, soulignant ensuite que la promotion des droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association sont encore plus essentiels en temps de crise et de transition qu’en temps de paix. 

Abordant le volet des mesures concrètes, le Rapporteur spécial a appelé les États à promouvoir l’inclusion de la société civile et des communautés dans les processus de consolidation de la paix et de transition politique, depuis la phase de conception jusqu’à la mise en œuvre, en garantissant leur accès direct à la prise de décision.

Il a également engagé les États à s’abstenir de réprimer la dissidence et d’imposer des restrictions juridiques ou autres, les appelant notamment à veiller à ce que les lois sur la cybercriminalité, la sécurité et la lutte contre le terrorisme ne soient pas utilisées abusivement pour criminaliser et réprimer la société civile.  L’imposition de l’état d’urgence ne peut justifier l’exclusion des acteurs de la société civile des processus de paix et de transition.  Pour faire pression sur les acteurs répressifs, étatiques ou non, il convient par ailleurs d’utiliser tous les leviers disponibles, y compris des sanctions ciblées, afin qu’ils mettent fin aux attaques et actes d’intimidation à l’encontre de la société civile et des manifestants, a-t-il ajouté.

En outre, un soutien technique et financier devrait être fourni pour renforcer les capacités de diverses associations de la société civile, de femmes, de jeunes, de LGBTQI+ et de bâtisseurs de la paix, ainsi que les associations de victimes.  L’ONU doit veiller, pour sa part, à ce que les missions dans les contextes de conflit, d’après-conflit et de transition soient mandatées et dotées des ressources nécessaires pour rendre compte des violations des droits humains liées à l’exercice des droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association. 

Dialogue interactif

Au nom des pays nordiques et baltes, la Lettonie a insisté sur l’importance de la liberté de réunion, surtout dans le contexte de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, et demandé comme aider les communautés à en bénéficier.  Quelles sont les bonnes pratiques qui pourraient servir de base à la résolution des conflits, a demandé la Suisse, suivie du Royaume-Uni qui s’est inquiété du risque de monopolisation des espaces de la société civile par ceux qui veulent saper les transitions post-conflit.  Le Pakistan a dénoncé l’usage des lois de lutte contre le terrorisme pour restreindre les droits en question, notamment au Jammu-et-Cachemire. Que peut faire la communauté internationale pour garantir ces droits dans les cas d’occupation étrangère?  L’Union européenne a conseillé pour sa part de créer des mécanismes indépendants d’obligation redditionnelle pour les cas de graves violations contre les défenseurs des droits humains. 

Des sanctions internationales peuvent-elles être envisagées contre les États qui violent les droits envisagés dans le rapport? a questionné la République tchèque, évoquant les violations commises selon elle par la Russie.  La Belgique a voulu savoir comment le Nouvel Agenda pour la paix pourrait intégrer les recommandations du rapport présenté aujourd’hui, le Bangladesh s’intéressent, lui, à l’inclusion des droits à l’étude dans les opérations de maintien de la paix. 

La Fédération de Russie a estimé cependant que les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association pouvaient avoir de lourdes conséquences comme le renversement de gouvernements démocratiquement élus, comme en Ukraine en 2013.  La délégation a également rejeté les références au groupe Wagner en Afrique au paragraphe 61 du rapport, affirmant que les membres de ces services de sécurité aident des pays africains à combattre le terrorisme.  Il est regrettable que le rapport n’évoque pas le travail des groupes de sécurité privés états-uniens et britanniques connus pour leurs crimes, a-t-elle ajouté. 

Les États-Unis se sont inquiétés de la situation au Belarus, où 470 personnes auraient été condamnées en 2023 pour avoir manifesté pacifiquement, ainsi qu’en Russie où quelque 19 000 personnes auraient été arrêtées pour avoir protesté contre la guerre lancée contre l’Ukraine, dont des centaines ont subi des poursuites pénales.  Ils se sont également préoccupés de la loi russe répressive contre les prétendus agents étrangers qui permet de s’en prendre aux groupes marginalisés comme les LGBTQI+ ou les organisations considérées comme indésirables.  De quels outils dispose la communauté internationale pour promouvoir la liberté de réunion et d’association dans les États qui ne souhaitent pas le faire, a ensuite demandé la délégation. 

L’Autriche a réclamé des détails sur le rôle vital de la participation de la société civile à l’instauration d’une paix durable et aux transitions démocratiques.  La Colombie a demandé quelles étaient les suggestions pour assurer la participation véritable des groupes marginalisés dans les processus de paix, ainsi que dans les enceintes internationales comme l’ONU.  La Chine a noté pour sa part que les États-Unis sanctionnaient les pays ayant connu des coups d’États mais avaient eux-mêmes connu récemment un phénomène de ce type. 

Reprenant la parole, le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association a affirmé que c’était souvent grâce aux groupes marginalisés que la paix pouvait être atteinte, évoquant le cas « exemplaire » du Soudan.  Regrettant que les bonnes pratiques se fassent de plus en plus rares, il a noté que malgré tous les efforts, beaucoup de processus de paix n’avaient pas avancé, s’inquiétant de l’importance trop grande accordée aux belligérants qui, se sentant renforcés par la reconnaissance internationale, cherchent à établir des alliances pour continuer la guerre.  Le Rapporteur spécial s’est prononcé en faveur des sanctions ciblées contre les chefs belligérants et leurs avoirs à l’étranger, plutôt que des sanctions larges qui atteignent la population.  Il s’est également inquiété de l’absence d’action de la part de la communauté internationale concernant le sort des femmes afghanes qui sont laissées de côté, ce qui ne permettra pas d’atteindre la paix. 

Insistant sur l’importance des violations des droits étudiés comme des signes précurseurs de conflit, il a aussi souligné l’importance de la prise en compte des groupes marginalisés dans des contextes de conflit.  L’ONU doit faire plus d’efforts pour renforcer la participation des groupes marginalisés et ne pas se contenter de blâmer les belligérants pour leur exclusion, a-t-il estimé.  En conclusion, il s’est dit choqué par les propos de la déclaration syrienne à l’encontre de l’un de ses collègues et a estimé que la Troisième Commission ne devait pas accepter de tels propos. 

Exposé

Mme MARY LAWLOR, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains, a commencé par partager une « bonne nouvelle »: la probabilité qu’un processus de paix soit couronné de succès est très nettement supérieure si les femmes sont impliquées de manière significative dans les négociations.  À l’appui de cette affirmation, elle a indiqué que, des nombreuses études qu’elle a consultées, il ressort que la probabilité qu’un accord de paix dure au moins deux ans augmente de 20% lorsque les femmes sont correctement impliquées. 

Évoquant son rapport, qui détaille le travail accompli par les défenseuses des droits humains dans les situations de conflit et la manière dont leur action contribue à l’édification de sociétés justes et pacifiques, Mme Lawlor a souligné l’importance de la présence des femmes à tous les niveaux d’un conflit, que cela soit en début de crise, aux moments les plus sombres ou dans les transitions post-conflit.  Si certaines documentent et surveillent les violations contre les femmes, d’autres recherchent la justice et la responsabilisation, a-t-elle observé, précisant que la valeur de cette démarche a été démontrée en Iraq, où des femmes ont rassemblé des preuves des crimes perpétrés par Daech contre la communauté yézidie.  Leur plaidoyer persistant a conduit à l’adoption, en 2021, en Iraq de la loi sur les survivantes yézidies, qui reconnaît les attaques à l’encontre de ces femmes comme un génocide et un crime contre l’humanité, et prévoit des réparations ainsi qu’une réhabilitation, a-t-elle souligné. 

À la question de savoir pourquoi les femmes et les personnes LGBTI sont si souvent empêchées de participer à la vie publique pendant un conflit, la Rapporteuse spéciale a trouvé un premier élément de réponse en Libye.  Dans ce pays, des avocats lui ont raconté comment les défenseuses des droits humains ont été contraintes de quitter la sphère publique en raison d’attaques en ligne et hors ligne, citant pêle-mêle des menaces, des agressions sexuelles, des enlèvements et des meurtres, sans oublier des campagnes de diffamation sexiste visant à les ostraciser.  Le même procédé est de mise en Afghanistan, où les femmes s’opposent à l’apartheid de genre imposé par les Taliban, a-t-elle relevé. 

En Ukraine, Mme Lawlor a recueilli le témoignage de Lyudmyla Yankina, une infirmière qui lui a narré ses courses à travers Kyiv, dans les semaines qui ont suivi l’invasion de son pays par la Russie, pour livrer de la nourriture et des fournitures médicales essentielles aux handicapés, aux personnes âgées et aux malades en phase terminale.  La Rapporteuse spéciale a aussi mentionné le Groupe des mères des personnes enlevées au Yémen, composé de proches de personnes disparues, qui surveille les disparitions forcées dans le pays et a obtenu la libération de dizaines de disparus en instaurant la confiance avec les deux parties au conflit. À ces deux heureuses issues, elle a opposé l’histoire de Razan Zaitouneh, une activiste syrienne qui a fondé, en 2011, un centre destiné à documenter les violations des droits humains dans son pays et qui, 10 ans plus tard, est toujours portée disparue. 

Trop souvent et dans de trop nombreux endroits, les États manquent à leurs obligations de protéger les défenseuses des droits humains, a dénoncé la titulaire de mandat.  Elle a toutefois reconnu que certains progrès ont été réalisés depuis l’adoption de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, exhortant les États à mieux protéger les défenseuses des droits humains s’ils veulent que ces femmes contribuent à la paix.  « Et, si vous avez besoin de plus d’idées sur ce qu’il faut faire pour mieux les protéger, demandez-leur », a-t-elle conclu. 

Dialogue interactif

À la suite de l’exposé de la Rapporteuse spéciale, la Pologne a rappelé qu’en tant que voisine de l’Ukraine, elle voit les femmes ukrainiennes subir la guerre en première ligne.  Ces femmes doivent non seulement être protégées des violences mais doivent aussi prendre part aux décisions et négociations, a-t-elle plaidé.  Les Émirats arabes unis ont ensuite fait part de leur volonté de se joindre aux efforts des différentes entités de l’ONU et ont assuré de leur plein respect de l’action des défenseuses des droits humains. Le Canada a, quant à lui, demandé des exemples de bonnes pratiques pour garantir la protection des défenseuses des droits humains, surtout face aux représailles en ligne. Mettant en avant sa diplomatie féministe, la France a demandé des exemples de mesures pertinentes pour promouvoir la participation des défenseuses des droits aux processus de paix.

La Slovénie s’est, pour sa part, enquise des bonnes pratiques en matière de coopération entre les réseaux de solidarité féminine, à une échelle transnationale, tandis que les Pays-Bas, s’exprimant au nom des trois pays du Benelux (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas) soulignait la contribution que les femmes défenseuses des droits humains apportent à la paix et à la sécurité, malgré l’environnement souvent difficile et hostile dans lequel elles travaillent.  Dans ces conditions, comment les États peuvent-ils être plus efficaces dans leurs réactions face aux attaques contre les défenseuses des droits humains, et ce dans les situations de conflit comme de post-conflit ou de crise? a demandé la délégation.  L’Espagne s’est également interrogée sur les moyens de promouvoir le travail des jeunes défenseuses des droits humains dans les situations de conflit.

À sa suite, la Norvège a voulu savoir comment l’Assemblée générale pourrait s’assurer que les États Membres disposent des outils nécessaires pour défendre cette cause.  Le Myanmar s’est, lui, ému de voir les femmes de son pays rester à l’avant-garde de la lutte contre les crimes commis par la junte militaire au pouvoir, en dépit de risques disproportionnés.  La délégation a demandé ce qui pouvait être réalisé pour que la communauté internationale épaule leur action.  Entre autres remarques, l’Union européenne a insisté sur le fait que les femmes ne peuvent être simplement consultées, mais doivent aussi être actrices des décisions. La République tchèque a préféré attirer l’attention sur la responsabilité très lourde que représentent les enfants pour les femmes, celles-ci en ayant la charge exclusive. Rappelons-nous cet aspect quand nous appuyons les défenseuses des droits humains, a exhorté la délégation.  La Suisse a ensuite demandé à la Rapporteuse spéciale des pistes pour améliorer la collecte de données relatives aux attaques contre les défenseuses des droits humains.

De son côté, le Yémen a dénoncé les violences des milices houthistes à l’encontre des femmes, notamment les défenseuses des droits humains, parfois victimes d’enlèvements et de tortures.  La délégation a demandé comment lutter contre ces milices et les dissuader de recourir à de tels actes.  Le Royaume-Uni a demandé comment les organisations de la société civile peuvent être sensibilisées aux besoins de sécurité des défenseuses des droits humains, notant, comme l’Autriche, que lorsque les femmes participent aux efforts de paix, il y a plus de chance que ces derniers aboutissent.  Sur un plan plus national, la Côte d’Ivoire a insisté sur la nécessité d’adopter des lois qui prennent en compte l’action des femmes en termes de droits humains, à l’image de sa législation sur ce thème adoptée en 2014. 

À son tour, la Géorgie a assuré qu’elle accorde une grande importance à l’engagement des femmes dans les processus de paix.  Elle a par ailleurs alerté sur la situation humanitaire et des droits humains dans les régions d’Abkhazie et de Tskhinvali occupées par la Russie.  Faisant état de graves violations des droits et des libertés fondamentales, elle a indiqué que les représentants de la société civile sont également victimes de discrimination ethnique.  Se référant aux principes du droit international, l’Allemagne a demandé à tous les États d’être à la hauteur de leur responsabilité fondamentale à l’égard des défenseuses des droits humains.  Le Chili a, lui, demandé de ne pas oublier les risques qui pèsent sur les familles des défenseuses des droits humains.  Quelles sont les pratiques optimales en matière de protection du noyau familial, étant donné que ce sont les femmes qui s’occupent généralement des enfants? a-t-il demandé. 

Après s’être alarmé de la situation des otages détenus dans la bande de Gaza, Israël a voulu savoir quelles mesures doivent être prises quand un environnement hostile est instillé par une organisation terroriste comme le Hamas. La délégation a fait mention d’une militante israélienne des droits humains portée disparue depuis le 7 octobre à 11 heures.  Pour sa part, l’Inde a garanti que sa Constitution protège les droits des défenseuses des droits humains et ne tolère aucune attaque contre elles et leur famille. Elle a toutefois précisé que leurs activités doivent respecter la loi.  La délégation s’en est ensuite prise au pays qui « ne cesse de proférer des calomnies » à son sujet.  En réponse, le Pakistan a déploré que, dans les zones occupées par l’Inde, les défenseuses des droits humains soient soumises à la torture et à d’autres traitements dégradants.  Quels mécanismes sont disponibles pour soutenir les défenseuses des droits humains en situation d’occupation et comment peut-on les aider pour qu’elles continuent leur travail? s’est-il enquis. 

À la suite de l’Irlande, qui a demandé comment atténuer les risques qui pèsent sur les défenseuses des droits humains, la Colombie a rappelé la nécessité d’avoir des mesures différenciées qui répondent aux questions de genre, notamment pour les groupes les plus vulnérables qui subissent la stigmatisation.  La Fédération de Russie a, quant à elle, jugé que les accusations partiales portées contre elle sont basées sur des sources ne reflétant pas la réalité. Elle a également regretté que le rapport de Mme Lawlor ne souligne pas la situation déplorable des droits humains en Ukraine.  Après le début de l’opération militaire spéciale, le régime de Kiev s’est employé à « purger » l’espace public et politique des opinions alternatives, a-t-elle argué, accusant en outre les services spéciaux ukrainiens d’enlever des journalistes, des militants de la société civile et des personnalités publiques, y compris des femmes. 

La République islamique d’Iran a, pour sa part, souhaité que les titulaires de mandat de l’ONU utilisent des sources fiables, ajoutant que ce qui est dit dans le rapport sur la situation des femmes en Iran est faux.  Les États-Unis ont ensuite réaffirmé le droit d’Israël à se défendre, accusant le Hamas d’être un groupe terroriste.  Ils ont d’autre part dénoncé les peines de prison infligées à cinq membres d’une ONG ainsi que les persécutions faites à des militantes des droits humains en Chine.  Fustigeant l’attitude des États-Unis consistant à utiliser cette tribune pour l’attaquer, la Chine a indiqué que les défenseuses des droits humains évoquées par la délégation américaine « violent le droit chinois » et seront traduites en justice.  Elle a par ailleurs invité la Rapporteuse à être impartiale.  Enfin, le Brésil a appelé la communauté internationale à prendre des mesures concrètes pour protéger les défenseuses des droits humains, particulièrement contre l’intimidation. 

« Vous vous présentez tous comme des anges, alors que vous avez en réalité tous vos intérêts stratégiques », s’est exclamée la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains en répondant aux délégations.  Regrettant que les États Membres n’adoptent pas une norme indépendante sur ce sujet et s’attaquent les uns les autres au lieu de travailler ensemble, elle a rappelé que des lois injustes sont utilisées partout dans le monde contre les défenseuses des droits humains.  Ces lois, souvent vagues, ne répondent pas aux normes internationales, a observé Mme Lawlor.  « Ne me parlez pas de la manière avec laquelle vous respectez l’état de droit si cette manière n’est pas conforme aux normes internationales » a-t-elle ajouté à l’adresse des États Membres. 

Après avoir relevé que les femmes sont davantage attaquées qu’autrefois parce qu’elles participent plus activement à la vie publique, la Rapporteuse spéciale a regretté que des pays, y compris en Europe, s’en prennent aux défenseuses des droits humains, mais aussi aux migrantes et aux demandeuses d’asile. Elle s’est ensuite adressée à des délégations précises, notamment aux Émirats arabes unies, où trois défenseuses des droits humains, qu’elle a rencontrées, ont été emprisonnées. Répondant à plusieurs pays, dont le Canada, elle a expliqué comment accroître les activités des défenseuses des droits humains sans les mettre en péril.  « Vous devez discuter avec elles pour savoir quels risques elles peuvent encourir, ce n’est pas à vous de décider pour elles », a-t-elle affirmé.

Évoquant les conflits en cours, notamment au Myanmar et au Yémen, Mme Lawlor a alerté sur la situation des défenseuses des droits humains, victimes d’enlèvement perpétré par toutes les parties.  « J’en ai assez de faire des recommandations », a-t-elle lancé aux délégations, les invitant à les lire et à en appliquer au moins « une ou deux ».  « Vous verrez que la situation s’améliorera », a affirmé la Rapporteuse spéciale.  Enfin, après s’être indignée des propos de la République islamique d’Iran, elle a signifié à Israël et aux États-Unis qu’elle « condamne sans équivoque le Hamas ». Elle a toutefois imploré ces pays de ne pas imposer en représailles une « punition collective à une population civile ».  Selon elle, le blocus de Gaza est contraire au droit international et constitue même juridiquement un « crime de guerre ». 

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