Soixante-dix-huitième session,
20e séance plénière - après-midi
CPSD/793

Quatrième Commission: pays hôtes et fournisseurs de contingents demandent la poursuite des réformes des opérations de maintien de la paix

Au dernier jour du débat général de la Quatrième Commission (chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation) consacré aux opérations de maintien de la paix, plusieurs États en situation de conflit ou de postconflit, pays hôtes comme pays fournisseurs de contingents, ont demandé la poursuite des réformes entreprises pour que les missions soient en mesure de relever les défis contemporains et de s’acquitter de leur mandat.   

Le Rwanda a ainsi exprimé sa préoccupation face aux défis interdépendants de la désinformation et des discours de haine destinés à exploiter, dans le cadre des missions de paix, les lacunes sur le plan de la communication stratégique, affectant la protection des civils ainsi que la confiance des communauté locales et des autorités nationales.  Si le renforcement des capacités et l’intégration des communications stratégiques au commandement stratégique, opérationnel et tactique des missions peut combler certains écarts, la délégation a fait valoir que ces problèmes proviennent avant tout de la méfiance des pays hôtes, ce qui mène à des campagnes de désinformation, à la violation des accords sur le statut des forces et à des menaces grandissantes envers les Casques bleus.   

Tout en reconnaissant les défis croissants auxquels est confrontée l’Organisation du fait des changements géopolitiques « spectaculaires » qui s’opèrent sur fond de tensions régionales, la République démocratique du Congo (RDC) a plutôt imputé la « débâcle » actuelle aux « imperfections originelles » de la Charte des Nations Unies, nommément son Chapitre VII, avec pour résultat une « absence d’emploi de la force armée » pour assurer la paix.  Ainsi, malgré la contribution « acceptable » de la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) au processus électoral, aux Forces armées congolaises ainsi qu’à l’action humanitaire, la délégation a dénoncé son incapacité à mettre un terme au « cycle infernal » des massacres de civils, des violations des droits humains et de l’exploitation illégale des ressources naturelles de son pays par des groupes armés nationaux et étrangers, dont le M23 qui opère selon lui « dans l’ombre » de l’Armée régulière du Rwanda.   

Situé dans une région « émaillée par l’instabilité et la violence », comme en témoignent les attentats terribles commis le 7 octobre dernier par le Hamas, Israël a estimé pour sa part que la présence de Casques bleus joue un rôle important pour favoriser la désescalade et promouvoir la stabilité régionale.  Toutefois, au cours des dernières années, les opérations de paix ont fait face à de nouveaux défis, notamment les attaques terroristes qui exploitent les ressources et les infrastructures civiles pour renforcer leurs capacités militaires et stocker des armes, en violation du droit international.   

Un constat partagé par le Liban, pour qui il incombe aux États Membres et au Secrétariat de fournir les ressources et capacités nécessaires pour diagnostiquer les points de tension et renforcer la sécurité.  Si la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) a permis d’atténuer les tensions au Sud-Liban, notamment en fournissant un soutien logistique à l’Armée libanaise, la délégation a dénoncé les attaques menées par Israël, le 28 octobre dernier, contre des postes de cette mission où s’étaient réfugiés des civils.   

À cet égard, une « véritable articulation » entre opérations de maintien de la paix de l’ONU et mécanismes régionaux rendrait leurs actions plus réactives et efficaces sur le terrain, a considéré le Burkina Faso, à condition que les initiatives régionales bénéficient d’un appui politique, financier et matériel conséquent de l’Organisation.  Tenante d’une « nouvelle génération » de missions de paix, la République dominicaine a prévenu que trop souvent, les décisions sur cette question sont prises sur la base de considérations financières et non sur des résultats tangibles tenant compte des capacités et des conditions nécessaires pour faire en sorte que les missions soient efficaces et durables.   

L’occupation de plus d’un tiers du territoire de Chypre et les violations « constantes » de sa souveraineté et de son intégrité territoriale par l’armée d’occupation, en violation des résolutions du Conseil de sécurité, témoignent selon son représentant de la nécessité de maintenir une mission de paix afin d’empêcher à la fois la reprise des combats et de nouvelles avancées de la puissance occupante.  Aujourd’hui, cependant, le succès de la Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre (UNFICYP) est à ses yeux compromis par l’acceptation de faits accomplis sur le terrain, tels que les violations perpétrées dans la zone clôturée de Varosha, évolution qui démontre la nécessité pour les missions de disposer d’un accès sans entrave aux zones dans lesquelles elles sont mandatées pour opérer. 

Haïti, qui a été l’hôte de plusieurs missions de l’ONU, a cependant déploré que les allégations à l’encontre de membres du personnel de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) concernant des violations des droits humains et du droit international humanitaire ainsi que des abus sexuels soient restés lettre morte, engendrant un sentiment d’impunité et sapant la confiance de la population haïtienne dans le maintien de la paix onusien. 

Passé, depuis 2006, du statut de pays hôte à celui de pays fournisseur de contingents, le Cambodge a donné son aval à un examen complet des opérations de paix de l’ONU, y voyant une occasion cruciale d’améliorer leur efficacité.  Une telle analyse devrait selon lui porter sur tous les aspects du maintien de la paix, y compris les mandats, les ressources, la protection des civils et les partenariats.  Pour sa part, Singapour a exprimé son appui à l’A4P et l’A4P+, initiatives qui ont engendré une réduction du nombre de décès de soldats de la paix, l’amélioration de la sûreté des Casques bleus, une participation accrue des femmes aux processus de paix ainsi que des partenariats renforcés en la matière.   

Demain, jeudi 2 novembre, à 10 heures, la Commission entamera son étude d’ensemble des missions politiques spéciales. 

ÉTUDE D’ENSEMBLE DE TOUTE LA QUESTION DES OPERATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX SOUS TOUS LEURS ASPECTS (FIN) 

Déclarations 

M. HASANAIN HADI HASAN AL-DAHLAKI (Iraq) a réaffirmé le soutien de son pays à l’initiative A4P et A4P+, ainsi qu’aux opérations de paix de l’ONU, dont les mandats multidimensionnels sont décidés par le Conseil de sécurité.  Le représentant a exprimé l’attachement de son pays au règlement pacifique des conflits avant de rappeler le sacrifice des forces de sécurité iraquiennes dans leur combat contre Daech, notamment pour protéger les populations civiles des exactions de ce groupe.  Il a reconnu le rôle important des femmes au sein des opérations de paix, au succès desquelles elles contribuent.  Avant de conclure, le délégué a réaffirmé l’attachement de l’Iraq au respect des principes de l’indépendance, de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et de la non-ingérence dans les affaires internes des États 

M. JOSÉ ALFONSO BLANCO CONDE (République dominicaine) a relevé que l’efficacité et le succès des missions de maintien de la paix sont étroitement liés au niveau de la collaboration avec les acteurs concernés sur le terrain, y compris les communautés d’accueil.  Ils dépendent également de notre capacité à renforcer leurs mandats pour garantir que cette relation puisse se développer et s’adapter aux réalités du terrain, en mettant l’accent sur l’alerte précoce et l’atténuation de la violence.  Dans un contexte de crises multidimensionnelles où les conflits sont exacerbés par des facteurs multiplicateurs tels que les changements climatiques, le représentant a jugé essentiel de renforcer la formation du personnel de maintien de la paix avant son déploiement afin de garantir une performance optimale et le respect des mandats qui leur ont été confiés par le Conseil de sécurité.  À cet égard, il a appelé à l’avènement d’une nouvelle génération de missions de paix, dotées d’un financement adéquat.  Or, le plus souvent, les décisions sur cette question sont prises sur la base de considérations financières et non sur des résultats tangibles tenant compte des capacités et des conditions nécessaires pour faire en sorte que les missions soient efficaces et durables.  Pour accroître la pleine participation des femmes aux processus de paix, il est tout aussi nécessaire de reconnaître et savoir gérer les vulnérabilités particulières des femmes et des filles dans les conflits, notamment en déployant davantage de conseillers en matière de genre.   

Pour M. CHRISTOPHER PIERRE (Haïti), le succès des opérations de paix dépend du respect des principes du consentement, de l’impartialité et du non-recours à la force sauf en cas de légitime défense.  Il s’agit d’un élément déterminant pour la confiance entre les missions et les populations des pays d’accueil.  Il a mis l’accent sur le comportement et la conduite des Casques bleus, qui peuvent avoir un impact considérable sur la crédibilité de l’ONU aux yeux des citoyens des pays dans lesquels ces missions sont déployées, les appelant à se montrer responsables dans leurs actions, y compris en dehors du cadre de leurs fonctions.  Le délégué a également soulevé la question de la responsabilité des fonctionnaires ou experts des missions onusiennes en saluant le rapport A/78/248 du Secrétaire général qui met en lumière les politiques et procédures relatives aux allégations d’infractions imputables à ces acteurs, y compris les Casques bleus.  Il a soutenu les recommandations du  Comité des 34, qui demande au Secrétariat de collaborer étroitement avec les États Membres et les responsables des missions en vue de faire mieux connaître, dans le cadre des activités de formation avant déploiement ou en cours de mission, les mécanismes de signalement des fautes, dont  le Groupe déontologie et discipline, les numéros d’urgence et les ressources permettant aux membres de personnel de se faire conseiller sur la manière de signaler tous types de fautes. 

Insistant en outre sur la pleine application de la politique de tolérance zéro concernant l’exploitation et les atteintes sexuelles, il a souligné que cela suppose, entre autres, des mesures préventives, l’ouverture d’enquêtes afin d’amener les auteurs de tels actes à en répondre sans délai et de façon appropriée, l’examen des demandes de reconnaissance de paternité, conformément au droit national, et la fourniture d’un appui aux victimes, comme le prévoient les procédures établies.  En tant que pays ayant accueilli plusieurs missions onusiennes au cours des trois dernières décennies, Haïti est bien placée pour discuter de la responsabilité des Casques bleus, a-t-il argué, en dénonçant le fait que les allégations faites contre des membres du personnel de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), concernant de graves violations des droits humains, du droit international humanitaire et des infractions pénales dont d’exploitation et d’atteintes sexuelles n’ont pas été suivies d’effets, ce qui a créé un sentiment d’impunité et sapé la confiance du peuple haïtien envers les missions onusiennes.  Les victimes ont rarement reçu des réparations adéquates, et l’absence de poursuites efficaces a renforcé le sentiment d’injustice au sein de la communauté, a-t-il fait valoir. 

M. NADARAJAH (Singapour) a noté que la nature des opérations de maintien de la paix et le rôle des Casques bleus ont beaucoup changé au cours des 75 dernières années.  Dans le même temps, les missions se heurtent à des défis plus grands, comme des environnements sécuritaires multiples aggravés par les vulnérabilités climatiques, des attaques indiscriminées et des campagnes de désinformation.  Dans ce constat, le représentant a exprimé son appui à l’A4P et l’A4P+, initiatives qui ont engendré une réduction du nombre de morts, l’amélioration de la sûreté des soldats de la paix, une participation accrue des femmes aux processus de paix et des partenariats plus solides en matière de maintien de la paix.  Au cours des 30 dernières années, a ajouté le représentant, Singapour a déployé plus de 2 000 personnels de police et contingents dans 17 missions de paix de l’ONU dans le monde.  À ses yeux, la communauté internationale doit maintenant continuer de soutenir les opérations de maintien de la paix et fournir aux Casques bleus les ressources et les capacités dont ils ont besoin pour s’acquitter de leur mandat.   

M. HAMAMOTO YUKIYA(Japon) a insisté sur le fait que les conflits doivent être résolus par des solutions politiques, dont la recherche doit être principalement menée et prise en charge par l’État hôte, et les opérations de paix aider à créer un environnement propice à de telles solutions.  Toutefois, a remarqué le délégué, ces efforts pour une paix durable ne seront efficaces que si l’État hôte et la mission de paix travaillent en étroite collaboration, ce qui suppose un partenariat fermement ancré dans une stratégie politique commune.  Il a également insisté sur l’importance de mandats clairs, ciblés, séquencés, hiérarchisés et réalisables, soulignant que leur formulation doit se fonder sur une évaluation solide, réaliste et franche des besoins et des capacités de chaque mission.  Son dernier point portait sur l’amélioration des formations avant déploiement, y compris le soutien au renforcement des capacités.  Afin de remplir leur mandat, il est nécessaire que chaque unité de maintien de la paix et l’ensemble de son personnel acquièrent des capacités suffisantes, a martelé le représentant.  Il s’agit notamment de savoir comment contrer la désinformation et l’émergence de nouvelles menaces telles que les engins explosifs improvisés, qui ont compliqué l’environnement de sécurité.  Il convient donc de veiller à ce que l’ensemble du personnel civil et en uniforme soit parfaitement formé avant son déploiement et le Japon reste déterminé à fournir un soutien au renforcement des capacités des pays contributeurs de troupes par le biais de la coopération bilatérale et de ses contributions aux programmes des Nations Unies, tel que le programme de partenariat triangulaire.   

M. HALIDOU SAVADOGO (Burkina Faso) a déploré les attaques meurtrières perpétrées par des groupes armés terroristes dans son pays au cours des dernières années, engendrant un climat d’insécurité et des déplacements massifs de populations, avec pour conséquence d’entraver son développement.  Le Gouvernement de transition déploie des efforts considérables pour venir à bout de ce « fléau », en prenant en charge les personnes déplacées et les populations hôtes.  Malgré ces défis, le Burkina Faso a pris part à plusieurs opérations de maintien de la paix en République démocratique du Congo (RDC), en République centrafricaine, en Haïti, au Soudan, et au Soudan du Sud.  En septembre dernier, le dernier contingent burkinabé a commencé à se désengager de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), qui doit se retirer d’ici la fin de l’année.  Le représentant a fait valoir qu’une « véritable articulation » entre opérations de maintien de la paix de l’ONU et mécanismes régionaux rendrait leurs actions plus réactives et efficaces sur le terrain, à condition que les initiatives régionales bénéficient d’un appui politique, financier et matériel conséquent de l’Organisation.  Le Burkina Faso est d’ailleurs prêt à participer à tout effort régional visant à bouter hors du continent « l’hydre terroriste », a assuré le représentant, et salue à cet égard l’engagement du Département des opérations de maintien de la paix et du Département de l’appui aux missions à mieux former et équiper les opérations. 

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a estimé que le principe du respect absolu de la souveraineté des pays hôtes, le respect inconditionnel de la Charte des Nations Unies et l’adhésion stricte aux principes fondamentaux du maintien de la paix –consentement des parties, impartialité et non-recours à la force sauf en cas de légitime défense et de défense du mandat– doivent rester des lignes directrices essentielles dans la mise en œuvre des activités de maintien de la paix des Nations Unies.  Elle a demandé que les mandats des missions soient clairs et réalistes et tiennent compte des raisons propres à chaque conflit et de la situation sur le terrain.  Les efforts de maintien de la paix de l’ONU devraient être axés principalement sur la promotion d’un règlement politique et d’une réconciliation nationale, a-t-elle fait valoir, avant de juger nécessaire de réduire les tâches secondaires et non essentielles des soldats de la paix, en particulier celles qui ont trait aux droits humains, à l’égalité des sexes et à la lutte contre les changements climatiques. 

Pour sa délégation, l’une des principales conditions préalables à la mise en œuvre efficace des tâches assignées aux opérations de paix est une coopération constructive avec les pays hôtes, premiers responsables de la protection des civils, du traitement des causes de la crise et de la reconstruction postconflit.  Il importe également d’améliorer l’interaction trilatérale entre le Conseil de sécurité, les pays contributeurs de troupes et le Secrétariat, a-t-elle souhaité, afin de renforcer l’esprit de partenariat, de coopération et de confiance mutuelle.  Elle s’est dite en faveur d’une coopération renforcée entre le Conseil et les organisations régionales et sous-régionales, en particulier avec l’Union africaine dont l’architecture de la paix a fait ses preuves sur le continent africain.  Reconnaissant la nécessité d’améliorer la sécurité des soldats de la paix, la déléguée a argué que cela passe par un meilleur soutien logistique et leur formation professionnelle.  Sans nier le fait que l’utilisation de nouvelles technologies peut contribuer à améliorer la sécurité des Casques bleus et des civils, elle a exigé que l’introduction de ces technologies tienne compte de la nécessité de respecter la souveraineté du pays hôte et des États voisins, et de protéger la vie privée des citoyens.   

M. AHMAD SAMIR FAHIM HABASHNEH (Jordanie) a noté que plus de 120 000 Jordaniens ont participé à des opérations de maintien de la paix au fil des années, en raison des principes humanitaires du pays et afin d’assurer la paix et la sécurité internationales.  Les femmes jouent un rôle essentiel dans les Forces armées jordaniennes, a-t-il ajouté, en prenant part à des missions humanitaires et à des missions spéciales.  Or, le succès des missions de paix n’incombe pas qu’aux pays fournisseurs de contingents, a noté le délégué, en précisant que celles-ci doivent être dotées d’un mandat clair et viable, notamment en termes de financement, de ressources humaines et de volonté politique.  Les responsabilités pénales doivent en outre être assumées en cas d’attaque contre des Casques bleus, au moyen de consultations trilatérales entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat et les pays fournisseurs de contingents. 

M. DEM MIJAEL CHOQUE ROSARIO (Bolivie) a constaté que trop souvent encore, les opérations de maintien de la paix sont perçues comme des forces d’occupation, ce qui porte préjudice aux actions de l’ONU sur le terrain.  Éviter les conflits ne suffit pas, a-t-il ajouté, considérant à cette aune qu’il est indispensable de promouvoir le développement des populations en proie à des conflits ou touchées durablement par ceux-ci en termes socioéconomiques.  Il s’est par ailleurs félicité de la hausse du nombre significatif de femmes engagées au service du maintien de la paix, cette présence permettant selon lui d’améliorer la coopération avec les différents groupes constitutifs des communautés.  Il faut éviter la politisation des opérations, et, au-delà, continuer à nourrir l’espoir qu’un jour, le monde n’aura plus besoin des dispositifs de maintien et de consolidation de la paix de l’ONU, a conclu le délégué.   

M. KEDAR (Israël) a constaté que son pays se trouve dans une région « émaillée par l’instabilité et la violence », comme en témoignent les attentats terribles commis le 7 octobre dernier par le Hamas.  Dans ce contexte, la présence de Casques bleus dans la région est importante pour la désescalade et pour promouvoir la stabilité régionale.  Au cours des dernières années, les opérations de paix ont fait face à de nouveaux défis, notamment les attentats terroristes qui exploitent les ressources et les infrastructures civiles pour renforcer leurs capacités militaires et stocker des armes, en violation du droit international.  Il est donc essentiel de reconnaître que le fait d’être un Casque bleu ne garantit pas la protection.  Après avoir exprimé son appui à la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), le représentant s’est inquiété des violations répétées des résolutions du Conseil de sécurité par le Hezbollah, « organisation terroriste financée par l’Iran », et menaçant la stabilité de toute la région.   

Depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas, le Hezbollah a déployé des militants le long de la Ligne bleue et lancé des attaques contre des agglomérations israéliennes, a fustigé le représentant.  Il a dénoncé les entraves et les attaques menées au cours des derniers mois contre les Casques bleus de la FINUL, qui s’ajoutent au meurtre d’un soldat de la paix en 2022.  De même, la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD) est essentielle pour éviter l’escalade le long de la frontière nord avec la Syrie, où se trouvent également des entités terroristes.  Israël, a-t-il affirmé, joue un rôle essentiel pour le maintien de la paix, en partageant son expertise et en contribuant au renforcement des capacités, en partenariat avec l’ONU et les pays fournisseurs de contingents.   

M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a constaté qu’aujourd’hui, les soldats de la paix de l’ONU sont trop souvent déployés dans des zones où il n’y a pas de paix à maintenir.  Ils sont confrontés à des menaces de plus en plus complexes pour leur sécurité et leur sûreté, notamment l’hostilité des populations des pays d’accueil, souvent alimentées par la désinformation.  Alors que le maintien de la paix repose sur la primauté de la politique, sa politisation excessive réduit la latitude d’action du Casque bleu, a analysé le représentant, en notant que médias et réseaux sociaux ont souvent amplifié le récit des bénéficiaires du statu quo, au détriment du changement positif que les soldats de la paix aspirent à apporter.  À ce point d’inflexion, il y a un besoin primordial d’une compréhension plus profonde de l’environnement opérationnel, a‑t‑il fait valoir, en encourageant une coopération renforcée avec les pays hôtes et les mécanismes de sécurité régionaux, destinés à susciter l’adhésion des pays et communautés d’accueil concernés, et donc faciliter la confiance mutuelle et la capacité des Casques bleus à s’acquitter de leur mandat.  L’une des approches novatrices du maintien de la paix de l’ONU consiste à autoriser des opérations de paix dirigées par les organisations régionales, a‑t‑il rappelé.  Une approche appliquée en Afrique avec un succès remarquable, a estimé le délégué, pour qui le chaînon manquant reste une volonté politique suffisante pour fournir un financement adéquat et prévisible.  Aussi a‑t‑il réitéré l’appel de l’Union africaine (UA) pour que ces opérations de paix régionales soient financées par des contributions obligatoires au budget de l’Organisation.   

M. ASHISH BHALLA (Inde) a déclaré que le sacrifice des Casques bleus montre combien l’environnement des opérations de paix a toujours été difficile.  En tant que premier pays fournisseur de personnel de soldats et de policiers, déployés dans 10 missions, il a estimé que c’est le domaine sociopolitique qui est la clef du règlement durable des conflits.  Il a donc souligné à son tour l’importance qu’il y a à ce que les mandats des missions soient rédigés clairement et que l’on prévoit un financement pérenne des initiatives lancées.  Si elles veulent être efficaces, les opérations de paix doivent reposer sur des composantes qui travaillent ensemble et qui se soumettent à des processus d’évaluation holistiques.  Le représentant a salué l’apport avéré des femmes dans le maintien de la paix, en particulier dans l’amélioration de la coopération avec les communautés.  Le représentant a conclu en insistant sur le fait que la dimension « protection des civils » des mandats des missions multidimensionnelles doit être financée correctement.   

M. BERNARD MABEBA (Afrique du Sud) a estimé que face à l’évolution des menaces et des conflits armés prolongés, les performances des opérations de maintien de la paix doivent être revues pour les rendre pertinentes et adaptées à leurs objectifs.  Il s’est félicité à cet effet de l’A4P et de la Déclaration d’engagements communs concernant les opérations de maintien de la paix, notamment les priorités A4P+ pour 2021-2023.  Le représentant a d’ailleurs constaté des améliorations significatives depuis le lancement de ces initiatives, l’accent étant désormais mis sur l’amélioration des performances, la responsabilité, la consolidation de la paix, la sécurité, les stratégies de communication et la bonne conduite des Casques bleus.  Il a toutefois exprimé sa préoccupation face à l’opposition aux opérations de paix dans certains pays hôtes, ce qui pourrait mettre en danger la sécurité des soldats de la paix.  Malheureusement, les fautes commises par les Casques bleus contribuent à perpétuer la méfiance à leur égard et à l’égard des opérations de maintien de la paix, a regretté le délégué, qui a réaffirmé son soutien à la politique de tolérance zéro à l’égard de l’exploitation et des atteintes sexuelles.  Enfin, si les organisations régionales assument de plus en plus souvent des responsabilités en matière de maintien de la paix par le biais d’opérations telles que la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe au Mozambique (SAMIM), reste qu’un financement adéquat, prévisible et durable est nécessaire pour leur permettre de s’acquitter de leurs mandats, a-t-il ajouté. 

M. MICHEL TOMMO MONTHE (Cameroun) a salué l’initiative Action pour le maintien de la paix du Secrétaire général, qui a révélé l’importance, pour la communauté internationale, d’adopter une vision cohérente qui tienne compte de la complexité de l’environnement dans lequel sont déployées les missions de l’ONU.  Il a insisté sur les mérites des partenariats avec les organisations régionales, dans le cadre du maintien de la paix, y compris en termes de formation et d’assistance aux pays fournisseurs de contingent pour que leurs soldats de la paix puissent être bien formés au moment de leur déploiement.  En termes de défis à relever, il a identifié les difficultés liées aux retraits réussis des missions, comme la MINUSMA et la MONSUCO, en arguant qu’il faut respecter un calendrier et des règles d’usage fixés par toutes les parties concernées pour éviter tout incident.  Dans les opérations actives, la décentralisation mise en œuvre dans la gestion doit s’améliorer davantage en termes de renforcement des outils de contrôle et d’assignation des rôles entre les directeurs de cabinet et les chefs de mission, a estimé le représentant.  Il a également soulevé la question du financement des opérations de paix autorisées par le Conseil de sécurité et initiées par l’Union africaine, pour demander qu’elles soient financées sur le budget ordinaire des Nations Unies.  Avant de conclure, le délégué a rappelé la contribution du Cameroun au maintien de la paix de l’ONU sous forme de contingents, et de l’École de formation aux opérations de maintien de la paix mise en place au Cameroun. 

M. NOEL MANGAOANG NOVICIO (Philippines) a déclaré que les politiques de son pays partagent les principes de paix qui animent l’ONU depuis plus de sept décennies.  C’est la raison pour laquelle le pays a déployé 14 000 Casques bleus sur le terrain.  C’est fort de son expérience que les Philippines ne cessent d’insister sur la politique de tolérance zéro à l’égard des auteurs d’atteintes sexuelles commises lors de ces opérations et d’une coopération accrue entre l’ONU et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) pour renforcer la performance des missions.  Sur ce dernier point, le représentant a jugé nécessaire de renforcer les capacités opérationnelles et stratégiques ainsi que la féminisation des contingents et des personnels des missions.  Le niveau de performances et la responsabilisation des missions ne peuvent être mesurés qu’à l’aune de l’état de mise en œuvre de la dimension « protection des civils » des mandats.  Dans cette optique, il a insisté sur l’importance d’une bonne formation des contingents et surtout aux spécificités des situations avant le déploiement, comme le préconise d’ailleurs « Action pour le maintien de la paix. » S’agissant de la sécurité et de la sûreté du personnel, le délégué a souligné qu’il faut adapter les mandats aux nouvelles menaces telles que les changements climatiques ou les cybermenaces.   

M. BRANISLAV RADOVIĆ (Serbie) a notamment déclaré qu’outre la contribution directe qu’elle apporte aux opérations de paix de l’ONU par le déploiement de forces militaires et de police, la Serbie accorde une attention particulière à la nécessité de soutenir la formation et le renforcement des capacités comme le demande le Secrétaire général.  Dans le cadre des préparatifs de la prochaine Conférence ministérielle sur le maintien de la paix, qui se tiendra au début du mois de décembre de cette année à Accra, au Ghana, la Serbie prépare un train de mesures concrètes dans ces deux domaines, a‑t‑il annoncé.  Il a également assuré la Commission que pour soutenir une plus grande efficacité des opérations de paix, son pays s’attachera à renforcer ses performances, en déployant du personnel militaire et de police dûment formé et équipé.  L’accent sera mis sur l’augmentation des capacités militaro-médicales, a‑t‑il ajouté. 

M. TITHIARUN MAO (Cambodge) a exprimé son plein appui à un examen complet des opérations de maintien de la paix, y voyant une occasion cruciale d’améliorer leur efficacité.  Un tel examen devrait selon lui porter sur tous les aspects du maintien de la paix, y compris les mandats, les ressources, la protection des civils et les partenariats.  Il est également essentiel qu’une telle évaluation tienne compte des facteurs évolutifs tels que les progrès technologiques, les changements climatiques et les questions de genre, a-t-il noté.  Quant aux mandats, il a estimé qu’ils devraient se centrer sur la protection des groupes vulnérables, notamment les femmes et les enfants.   

Il a rappelé que, depuis 2006, le Cambodge a fourni des soldats aux missions de paix l’ONU, passant du statut de pays hôte à celui de contributeur actif au maintien de la paix de l’Organisation.  À date, nous avons déployé 9 205 soldats, dont 728 femmes, dans des pays d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Europe, le Cambodge s’engageant en outre à promouvoir dans ce cadre le rôle leader des femmes en matière de paix et de sécurité, a-t-il dit.  Il a indiqué que le Cambodge se classe sur ce point au douzième rang parmi les 121 pays contributeurs de troupes et au deuxième rang des pays de l’ASEAN en 2022, avec un taux de déploiement de femmes de 16,42%, dépassant la limite de 15% fixée par l’ONU.  Enfin, le représentant a annoncé que son pays s’est porté candidat pour devenir membre du Comité d’organisation de la Commission de consolidation de la paix pour la période 2025-2026, sa délégation appelant les États Membres à soutenir cette initiative.   

M. HADI HACHEM (Liban) a déclaré que depuis 75 ans, les opérations de maintien de la paix constituent un outil efficace de la communauté internationale pour apaiser les crises régionales et empêcher que les tensions ne dégénèrent en conflits armés.  À ses yeux, la prévention des conflits doit demeurer la priorité de la communauté internationale, au moyen d’alertes précoces et en s’attaquant aux causes profondes.  Toutefois, ces opérations ne doivent pas s’éterniser, des solutions politiques devant prendre le relais, a-t-il noté.  Le représentant a condamné la multiplication des attaques menées contre les soldats de la paix et appelé au renforcement de la reddition de comptes à cet égard.  À cette fin, il incombe selon lui aux États Membres et au Secrétariat de fournir les ressources et capacités nécessaires pour diagnostiquer les points de tension et renforcer la sécurité.  Les attaques d’Israël contre le Liban, a dénoncé le représentant, se poursuivent le long de notre frontière commune, poussant 20 000 Libanais à quitter leurs foyers, certains trouvant refuge dans les postes de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), qui ont eux-mêmes été la cible d’attaques, notamment le 28 octobre dernier.  Le représentant a salué le travail de la FINUL pour atténuer les tensions au Sud-Liban, notamment en fournissant un soutien logistique à l’Armée libanaise, comme le prévoit la résolution prorogeant son mandat.   

M. JOONKOOK HWANG (République de Corée) a expliqué qu’en tant que pays hôte de la Conférence ministérielle des Nations Unies sur le maintien de la paix en 2021, son pays continuera de jouer un rôle actif lorsqu’il deviendra membre du Conseil de sécurité, l’année prochaine.  Il a rappelé que, lors de cette Conférence, 62 États Membres ont annoncé des engagements pour répondre aux besoins et aux lacunes identifiés par le Secrétariat de l’ONU.  Respectant ses propres engagements, la République de Corée a apprêté des hélicoptères pour des missions en Afrique pendant que les équipements d’ingénierie et la formation des pays contributeurs de troupes sont mis en place au Cambodge.  La République de Corée travaille en outre sur un modèle de camp intelligent et sur le renforcement des capacités des femmes déployées dans les missions.  Le représentant a encouragé les États Membres à honorer leurs engagements pour améliorer les capacités médicales des missions de paix, en particulier le soutien à la santé mentale des soldats de la paix.  Il a proposé des approches novatrices, telles que les partenariats triangulaires.   

Rappelant que son pays a d’ores et déjà versé l’année dernière 1,2 million de dollars au Département de l’appui opérationnel (DOS) pour le développement de capacités de télémédecine et la formation médicale.  En outre, le délégué a fait part du soutien de la République de Corée à la mise en œuvre de la stratégie des Nations Unies pour la transformation numérique du maintien de la paix et, en particulier, les efforts déployés par le Secrétariat pour lutter contre la désinformation, grâce à une contribution de 600 000 dollars en fonds extra-budgétaires.  Avant de conclure, le délégué a répondu à l’intervention faite hier par son homologue de la République populaire démocratique de Corée (RPDC).  Il a réfuté des allégations infondées relatives au commandement de l’ONU qui continue, comme chacun sait, à contribuer au maintien de la paix et de la sécurité dans la péninsule coréenne.   

Mme ERIKA HELENA CAMPOS (Brésil) a rappelé combien son pays connaît l’importance des missions de paix de l’ONU, plus de 55 000 militaires et policiers brésiliens ayant participé aux missions au cours des 70 dernières années.  Les soldats de la paix, hommes et femmes, ont la tâche cruciale de contribuer à créer les conditions d’une paix durable et, par conséquent, d’un développement durable.  Il est donc essentiel, a-t-elle ajouté, d’investir dans le pilier sécurité des opérations, tout en jetant les bases du développement durable.  Ce lien est crucial pour le succès.  La représentante a ensuite appuyé l’approche proposée dans le Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général, en particulier l’accent mis sur la nécessité de renforcer les partenariats multipartites.  À cet égard, elle a estimé positif les initiatives telles que le programme pour les femmes et la paix et la sécurité et les stratégies environnementales sur la performance opérationnelle des missions.  Enfin, compte tenu du contexte de plus en plus hostile aux Casques bleus, elle a souligné l’importance d’améliorer la communication stratégique pour, en luttant contre la désinformation et en incitant les communautés locales à s’impliquer dans le maintien de la paix, améliorer là encore la performance globale des opérations de l’ONU.   

Mme RONA MARIE PANTELI (Chypre) a jugé nécessaire de renforcer l’efficacité des opérations de maintien de la paix pour faire face aux défis complexes et multiformes qui menacent la paix et la sécurité internationales.  À cet égard, Chypre soutient la mise en œuvre accélérée de l’initiative Action pour le maintien de la paix (A4P) ainsi que les réformes entreprises sous l’égide du Nouvel Agenda pour la paix, en accordant une importance particulière à la responsabilité des Casques bleus et à la coopération avec les pays hôtes.  Pour réaliser leur mandat, les missions doivent disposer d’effectifs, d’équipements et de financements adéquats.  En outre, les décisions concernant les opérations de paix ne doivent pas se fonder sur des considérations politiques ou financières, mais bien sur la situation sur le terrain.   

La Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre (UNFICYP) continue de jouer un rôle important dans le maintien du cessez-le-feu, la prévention de l’escalade et la protection des civils sur l’île.  L’occupation de plus d’un tiers du territoire de Chypre et les violations constantes, par l’armée d’occupation, de sa souveraineté et son intégrité territoriale, en violation des résolutions du Conseil de sécurité, témoignent selon elle de la nécessité de maintenir une force de maintien de la paix qui empêche à la fois la reprise des combats et de nouvelles avancées de la Puissance occupante.  Le succès de l’UNFICYP est cependant compromis par l’acceptation de faits accomplis sur le terrain, comme les violations perpétrées dans la zone clôturée de Varosha.  Dans ce contexte, la représentante a souligné la nécessité pour les opérations de maintien de la paix de disposer d’un accès sans entrave aux zones dans lesquelles elles sont mandatées pour agir afin qu’elles puissent s’acquitter de leur mandat.   

M. ZENON NGAY MUKONGO (République démocratique du Congo) a reconnu les défis croissants auxquels est confrontée l’ONU du fait des changements géopolitiques et économiques « spectaculaires » qui s’opèrent sur fond de tensions régionales et de vulnérabilités climatiques, bien qu’ils ne puissent être vus comme la seule cause de la « débâcle » actuelle.  Selon lui, les « imperfections originelles » de la Charte des Nations Unies figurent parmi les causes principales de ces problèmes.  Il a pointé du doigt la « déviation » des mesures coercitives prévues au Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui a pour résultat une « absence d’emploi de la force armée et un recours à des moyens détournés ».   

Si la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) a apporté une contribution acceptable, notamment s’agissant du processus électoral, aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), à la Police nationale congolaise et à l’action humanitaire, le représentant a considéré son bilan, après 14 ans, comme mitigé, et son efficacité est de plus en plus contestée.  « Bref, sa présence n’a pas aidé à mettre un terme au cycle infernal des massacres des populations civiles, des violations massives des droits de l’homme, des crimes contre l’humanité ainsi que d’exploitation illégale au grand jour des ressources naturelles » de son pays par des groupes armés nationaux et étrangers, dont le mouvement terroriste M23 qui opère selon lui « dans l’ombre » de l’Armée régulière du Rwanda.  Dans ce contexte, le mécontentement et les frustrations accumulés par les populations de l’Ituri et du Nord-Kivu ont mené en 2022 à des manifestations violentes dans plusieurs localités de l’est de la République démocratique du Congo (RDC) pour exiger le départ de la MONUSCO, a-t-il expliqué, causant la mort de 30 civils et de cinq Casques bleus.  « Il y a donc lieu de considérer en définitive que le Rwanda n’est pas dans la logique de la paix », a conclu le représentant.   

M. MICHAEL ALEXANDER GEISLER (Allemagne) a voulu que l’on optimise les processus et les pratiques existants et que l’on développe de nouveaux cadres et approches, en faisant fond sur le Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général afin de rendre les opérations de paix « plus souples, plus adaptables et plus efficaces ».  Il a estimé à cet égard que le futur Sommet de l’avenir est l’occasion idéal pour examiner les recommandations du Secrétaire général et travailler à l’élaboration du pacte de l’avenir, d’ici le mois de septembre de l’année prochaine.  En tant que cofacilitateurs de ce processus, l’Allemagne et la Namibie, a souligné le représentant, espèrent un engagement constructif de la part des États Membres sur le chapitre relatif à la paix et à la sécurité.  Il a pris note du soutien aux organisations régionales et sous-régionales s’agissant du dialogue, de la médiation mais aussi dans l’imposition de la paix.   

Le représentant a précisé que son pays soutient fermement le débat sur un financement adéquat, prévisible et durable des opérations menées par l’Afrique.  Il a dit attendre avec intérêt les nouvelles mesures que prendra le Conseil de sécurité à ce sujet.  Saluant aussi le leadership du Kenya dans la Mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti, le délégué a estimé que, malgré les nombreuses étapes à franchir, cette Mission a le potentiel de devenir un exemple de solidarité internationale dont le besoin se fait cruellement sentir.  Nous sommes, a annoncé le représentant, prêt à y contribuer financièrement.  À cet égard, il a rappelé les contributions extra-budgétaires de plus de 30 millions de dollars consentis par son pays au cours des six dernières années, un financement pluriannuel qui a permis au Département des opérations de paix et au Département de l’appui opérationnel de mettre en œuvre plusieurs projets concrets. 

Mme  GLADYS EVANGELINA EFSON (Mozambique) a rappelé qu’alors que le monde connaît des tensions qui en fragmentent l’unité, le maintien de la paix reste une force d’union qui rassemble les États Membres autour d’une vision commune de la sécurité collective.  Après avoir souligné que le Mozambique a participé à plusieurs missions de maintien de la paix des Nations Unies et accueilli en 1992 la première de ces missions, elle a indiqué qu’une opération de l’ONU ne peut pas réussir lorsque la volonté politique est insuffisante ou dès lors que fait défaut l’acceptation, par les gouvernements hôtes et des parties au conflit, de la présence de Casques bleus.  C’est en ce sens qu’elle a appelé à tenir compte de l’évolution de la nature et de l’ampleur même des conflits armés dans le monde, laquelle exige de revoir régulièrement la conception et la structure des missions.  Mentionnant à ce propos l’initiative Action pour le maintien de la paix, elle a insisté sur la nécessité de rendre les opérations de la paix souples, résilientes et évolutives.  En toutes circonstances, elles doivent inspirer confiance aux partenaires et parties prenantes au conflit, a-t-il insisté.   

M. DEO MUTABAZI (Rwanda) a exprimé sa préoccupation face aux défis interdépendants de la désinformation et des discours de haine dirigés contre certaines communautés dans le cadre des missions de paix afin d’exploiter les lacunes en matière de capacités de communication stratégique, affectant la protection des civils ainsi que la confiance des communauté locales et des autorités nationales.  Nous devons donc combler cet écart grâce au renforcement des capacités, de la culture numérique et de l’intégration des communications stratégiques au niveau du commandement stratégique, opérationnel et tactique des opérations.  Les problèmes des missions, a poursuivi le représentant, trouvent principalement leur origine dans la méfiance du pays hôte, ce qui mène souvent à des campagnes de désinformation, à la violation des accords sur le statut des forces, sans oublier les menaces grandissantes contre les Casques bleus.  La conséquence peut être que les missions doivent prendre fin sans suffisamment de temps pour préparer leur retrait.  Tout en déplorant cette « érosion du consentement stratégique », le représentant a fait valoir que l’ONU doit également évaluer la manière dont elle gère ce consentement et de quelle façon la géopolitique mondiale actuelle influe sur ses missions.   

Il est impératif, a-t-il insisté, de revoir le contexte actuel du maintien de la paix pour que les mandats soient adaptés à la dynamique mondiale ou régionale.  Dans cette optique, il a suggéré de revoir chaque mission et de mener une étude approfondie pour comprendre quand une mission peut être déployée et combien de temps elle doit rester.  Le représentant a demandé au Conseil de sécurité de fournir des fonds aux mécanismes régionaux de l’Union africaine, ajoutant que pour sa part, le Rwanda mise sur une approche d’engagement communautaire, laquelle permet de créer un lien avec la population locale, d’établir la confiance et de mieux collaborer avec les dirigeants locaux.  Une telle approche appliquée sur le plan national produirait des résultats tangibles pour les missions de l’ONU. 

Pour Mgr GIUSEPPE QUIRIGHETTI, observateur du Saint-Siège, il est crucial de défendre le principe du consentement comme base du déploiement des opérations de paix, d’agir avec équité et impartialité et dans le souci du bien commun.  Rappelant que le pape François a effectué cette année des voyages apostoliques en République démocratique du Congo (RDC) et au Soudan du Sud, deux pays hôtes d’importantes opérations de maintien de la paix, l’Observateur permanent a insisté sur le fait que celles-ci sont destinées à assurer la stabilité.  Ce faisant, elles doivent toujours respecter la dignité inhérente à la personne humaine, a-t-il insisté, et donc limiter l’usage de la force.  En outre, il est essentiel que les opérations de paix protègent les civils en priorité, non seulement en assurant une protection physique, mais aussi en surveillant les violations des droits humains, tout en veillant à ce que leur propre personnel ne porte pas atteinte aux civils ou à l’environnement opérationnel, ce qui compromettrait leur légitimité aux yeux de la population locale.  À cet égard, le représentant a réitéré son appel à redoubler d’efforts pour éliminer toutes les formes d’exploitation et atteintes sexuelles sur le terrain, pour que les auteurs de ces actes « odieux » répondent de leurs actes, et que le soutien nécessaire soit apporté aux victimes, notamment aux enfants nés de ces crimes. 

Mme IFIGENEIA KONTOLEONTOS, Observatrice permanente de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), a attiré l’attention de l’OIF sur les avancées concrètes enregistrées dans le partenariat entre l’ONU et cette Organisation à travers le développement de formations inédites répondant à la demande des pays contributeurs de troupes francophones.  Elle a ainsi mentionné l’organisation du premier cours francophone pour les futurs hauts responsables de missions, le développement « pour la première fois en français » du cours d’ONU-Femmes pour les femmes officiers militaires, la première formation francophone pour les conseillers militaires chargés du genre dans les opérations de paix, l’élaboration du premier guide pratique francophone sur les processus de recrutement des officiers au sein de l’ONU ou encore l’approfondissement continu de la coopération avec la Division de la Police des Nations Unies pour la sensibilisation aux opportunités professionnelles et aux modalités de recrutement dans les composantes Police des opérations de paix.  L’OIF travaille également dans la perspective de soutenir les contributeurs non francophones, à travers des programmes d’enseignement du français adaptés aux besoins des personnels en uniforme, a-t-elle ajouté, en vue « de leur intégration dans les cours de langue des opérations de paix ».  « Des formations stratégiques sont donc désormais disponibles en français, et elles doivent le demeurer », a-t-elle encore dit.   

Droits de réponse 

La République islamique d’Iran a réfuté les allégations « fallacieuses » prononcées par Israël à son encontre, en rappelant que les trois opérations de maintien de la paix de l’ONU déployées au Moyen-Orient l’ont été après les agressions israéliennes visant des pays de la région, ce qui prouve qu’Israël est bien à l’origine de toutes les crises et menaces qui s’y posent.  Israël n’est donc pas en mesure de critiquer qui que ce soit, y compris l’Iran.  Le délégué a argué que les actes du régime israélien sont au cœur de la question palestinienne, et ont choqué la conscience du monde entier ces dernières semaines.  Il est déplorable que le régime israélien essaye de masquer ses crimes odieux commis chaque jour contre les Gazaouites en recourant à des rhétoriques vides de sens.  La propagande anti-Iran a toujours été un écran de fumée pour Israël, a affirmé le délégué, en exigeant que la communauté internationale demande enfin des comptes au régime israélien et le tienne pour responsable de ses actes. 

Le Liban est revenu sur les remarques d’Israël relatives au mandat de la FINUL.  Il lui a opposé les attaques meurtrières que le régime israélien mène contre Gaza mais aussi contre le Sud-Liban ces dernières semaines et pendant lesquelles le quartier général de la FINUL a été pris pour cible par des bombardements effectués depuis le sud de la Ligne bleue.  Cela prouve, selon lui, que la partie israélienne méprise la légitimité de l’ONU, un fait confirmé par de hauts responsables gouvernementaux israéliens cette semaine, y compris au Conseil de sécurité.  Israël s’en est pris délibérément à la FINUL, a tranché la délégation libanaise, avant de passer en revue une série d’incidents qui se sont produits au fil des ans. 

Le Maroc a considéré que les propos de l’Algérie sur le Sahara marocain, qui n’ont rien à voir avec le débat en cours, prouvent que ce pays est partie à ce différend régional.  Par ailleurs, l’Algérie n’est ni un pays fournisseur de contingents, ni un pays hôte, et ne contribue pas aux opérations de maintien de la paix, a ajouté la délégation.  S’agissant du mandat de la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO), le Maroc a rappelé que le Conseil de sécurité a réaffirmé sa position et celle de la communauté internationale en adoptant la résolution 2703 (2023).  Elle a également demandé à l’Algérie pour quelle raison elle ne fait rien pour améliorer la situation dans les camps de Tindouf.   

Israël s’est dit outré par les fausses accusations et les mensonges proférés par l’Iran, qui continue de déstabiliser le Moyen-Orient en étant le principal pays parrain du terrorisme.  Le Hamas et le Hezbollah, soutenus par Téhéran, constituent selon la délégation une menace pour les peuples épris de paix et pour les Casques bleus.   

Il a en outre accusé le Liban de reprendre la rhétorique du Hezbollah qui retient selon lui en otage le peuple et le Gouvernement de ce pays. 

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