Crise au Moyen-Orient: l’Assemblée générale demande une trêve humanitaire immédiate et la libération des civils retenus illégalement en captivité
Se déclarant vivement préoccupée par la dernière escalade de la violence depuis l’attaque du 7 octobre 2023 et par la grave dégradation de la situation dans la bande de Gaza et dans le reste du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, l’Assemblée générale a demandé, aujourd’hui, une trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue, menant à la cessation des hostilités.
En adoptant par 120 voix pour, 14 contre et 45 abstentions la résolution intitulée « Protection des civils et respect des obligations juridiques et humanitaires », présentée par la Jordanie au nom du Groupe des États arabes, l’Assemblée générale demande également l’annulation de l’ordre donné par « Israël, Puissance occupante », aux civils palestiniens et au personnel des Nations Unies, ainsi qu’aux travailleurs humanitaires et médicaux, d’évacuer toutes les zones de la bande de Gaza situées au nord de Wadi Gaza et de se réinstaller dans le sud de la bande de Gaza.
Elle demande la libération immédiate et inconditionnelle de tous les civils qui sont retenus illégalement en captivité, de même que le respect et la protection, conformément au droit international humanitaire, de toutes les installations civiles et humanitaires, y compris les hôpitaux et les autres installations médicales.
Au préalable, l’Assemblée générale a rejeté un projet d’amendement présenté par le Canada qui aurait introduit un libellé supplémentaire au dispositif par lequel elle aurait « condamné catégoriquement les attaques terroristes qui ont été perpétrées par le Hamas en Israël à compter du 7 octobre 2023 et les prises d’otages, et exigé le respect de la sécurité et du bien-être des otages ». Ce texte a reçu 88 voix pour, 55 contre et 23 abstentions — moins de la majorité des deux tiers requise pour pouvoir être adopté.
Avant le vote, le Pakistan avait vertement critiqué cet amendement qui évoque seulement les responsabilités du Hamas sans nommer Israël. Or, dans cette affaire, l’occupation de la Palestine par Israël est bien « le péché originel », a argué la délégation pakistanaise. Aussi, pour être « juste et équitable », il conviendrait de citer soit les deux, soit aucun, a estimé la délégation qui a expliqué que les coauteurs de la résolution ont préféré la deuxième option à la première, par soucis d’apaisement.
Condamnant le « déséquilibre » du texte qui en résulte à leurs yeux, plusieurs pays ont préféré s’abstenir. Outre le Canada, c’est le cas de l’Islande, qui a tout de même précisé qu’elle en partageait les objectifs principaux, notamment humanitaires, ainsi que celui de la Pologne, qui a noté la présence parmi les otages retenus par le Hamas d’un de ses ressortissants, Alex Danzig, un historien travaillant au mémorial israélien de l’Holocauste, Yad Vashem. Les Philippines, dont plusieurs ressortissants ont été tués le 7 octobre, se sont également abstenues, insistant pour que les Philippins et autres ressortissants étrangers puissent quitter Gaza par le passage de Rafah.
« C’est un jour difficile pour l’Assemblée générale », a de son côté reconnu l’Allemagne, qui s’est également abstenue parce qu’à ses yeux, « la sécurité n’est pas négociable ». Fustigeant le terrorisme du Hamas, les Pays-Bas, la Bulgarie, l’Italie, l’Australie et l’Inde se sont également abstenus. Enfin, s’étant abstenue, mais pour une raison différente, la Tunisie a reproché à la résolution de nuire encore plus à la situation des Palestiniens, en mettant l’agresseur et l’agressé sur un pied d’égalité.
Tout en se lamentant que la résolution votée ne condamne pas le Hamas et n’exige pas spécifiquement la libération des otages, la France a expliqué avoir voté en sa faveur, car « rien ne saurait justifier les souffrances des victimes » et « toutes les vies se valent, sans hiérarchie ». La France a ainsi souhaité garantir un accès humanitaire stable et durable à Gaza, précisant qu’elle venait d’y envoyer un avion rempli de produits de première nécessité, et appelant le Conseil de sécurité à continuer ses efforts pour la paix. Regrettant eux aussi le rejet de l’amendement canadien, l’Irlande (parlant au nom du Luxembourg, de la Slovénie et de l’Espagne), la Belgique, le Portugal, la Norvège, la Suisse, le Ghana, le Kenya, l’Argentine, Singapour et la Nouvelle-Zélande ont toutefois salué le compromis trouvé et voté pour la résolution.
La Colombie, le Pérou, la République populaire démocratique de Corée, El Salvador, Sri Lanka et l’Afrique du Sud ont également voté en sa faveur. L’Algérie a précisé qu’elle comptait, en soutenant la résolution, mettre un terme au « nettoyage ethnique » en cours, tandis que l’Iraq a fustigé le silence international qui encourage Israël à une invasion terrestre. Ayant voté également en faveur de la résolution, la République islamique d’Iran a insisté pour que soit reconnu le droit des Palestiniens à la légitime défense, droit reconnu par la Charte et qui s’étend aux « mouvements de résistance tel que le Hamas ». La République arabe syrienne, pour sa part, a voté pour faire cesser la machine de guerre israélienne, qui se lance contre Gaza « au moment où nous parlons ».
La Fédération de Russie s’est, quant à elle, félicitée de l’adoption de cette résolution importante, qui n’est la victoire d’aucune position nationale quelle qu’elle soit, mais « la victoire du bon sens et de l’humanisme ». Les voix du monde arabe et de tous ceux « animés par la raison » l’ont emporté, a jugé le délégué russe, tout en appelant les deux parties à s’entendre désormais, surtout au moment où circulent des informations sur le début d’une invasion terrestre de la bande de Gaza par Israël.
Ce jour sera marqué du « sceau de l’infamie », a fustigé la délégation d’Israël pour qui l’ONU n’est plus légitime, ni pertinente. Fondée à la suite de l’Holocauste, l’ONU donne désormais son blanc-seing à d’autres atrocités au lieu de les prévenir, préférant défendre des « nazis terroristes » plutôt que l’état de de droit. « Israël n’a-t-il plus le droit de défendre des familles entières exterminées? » s’est-elle indignée avant de promettre que son pays « ne restera pas passif » face au Hamas qui, s’est-elle offusquée, n’est pas nommé une seule fois dans cette résolution « dangereuse ». « Pourquoi défendez-vous des terroristes? Que se passe-t-il? » s’est emporté le délégué, soulignant que son pays défendra quoi qu’il arrive son avenir en éradiquant le Hamas et en ramenant les otages à la maison.
La Tchéquie a également dit avoir voté contre, la résolution péchant, selon elle, par l’absence de condamnation du Hamas et de ses attaques épouvantables qui ont plongé Gaza et Israël dans une spirale de violence.
Prenant la parole après les explications de vote, en tant qu’observateur permanent, l’État de Palestine a, pour sa part, salué l’Assemble générale, « parlement du monde où, aujourd’hui, les pays épris de paix ont montré que la communauté internationale n’a pas renoncé à l’humanité ni au droit international applicable à tous ». Ému que le peuple palestinien n’ait pas été abandonné alors qu’Israël renforce ses attaques barbares à « l’heure même où nous parlons », il a remercié tous les pays qui ont voté en faveur de cette résolution, et tout particulièrement les plus de 40 pays coauteurs.
Précédemment, dans la matinée, la dixième session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale consacrée aux mesures illégales prises par les autorités israéliennes, à Jérusalem-Est occupée ainsi que dans le reste du Territoire palestinien occupé, avait poursuivi ses débats de la veille. En ouverture le Venezuela, qui s’exprimait au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, a déploré que le Conseil de sécurité ne soit pas parvenu à faire adopter la moindre résolution sur la situation à Gaza, et affiché sa confiance vis-à-vis de l’Assemblée générale pour prendre « sans équivoque » ses responsabilités vis-à-vis de cette Charte.
L’Union européenne a estimé que l’urgence est de fournir un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave aux populations dans le besoin, par tous les moyens possibles, qu’il s’agisse d’un « couloir » ou d’une « pause humanitaire », à condition toutefois que cela ne soit pas « exploité par les terroristes ». Pour leur part, les États-Unis ont jugé « scandaleux » que le projet de résolution de la Jordanie ne désigne pas le Hamas comme coupable des attentats terroristes du 7 octobre, et ne mentionne même pas les otages. Des « omissions diaboliques » selon la déléguée américaine, qui justifient l’amendement —finalement rejeté— présenté par le Canada.
Le représentant d’Oman, parlant au nom du Conseil de coopération du Golfe, s’est dit « effaré » par ceux qui évoquent la légitime défense d’Israël. « Mais il n’y a pas de légitime défense qui vaille sur une terre occupée, usurpée », a-t-il martelé, reprenant les propos du Secrétaire général lors du Conseil de sécurité du 24 octobre, pour qui « ce qui se passe à Gaza aujourd’hui n’est pas né du vide ». Condamnant justement les propos « consternants » d’Israël à l’endroit du Secrétaire général, ainsi que son appel à la démission par la délégation israélienne, le Pakistan a qualifié Gaza de « cimetière d’une population coincée entre un siège, une guerre et des privations ». L’Égypte n’a pas non plus ménagé ses coups contre Israël, lui rétorquant que c’est sa soi-disant « guerre contre le terrorisme » qui risque de pousser des générations de jeunes gens dans les bras des terroristes. « Est-ce si difficile à comprendre? » a répété le délégué égyptien à de multiples reprises.
Si le conflit n’est pas immédiatement arrêté, il pourrait s’aggraver en un conflit régional plus vaste, s’est inquiétée, pour sa part, la Jamaïque, qui parlait au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), alertant que les petits États insulaires qui la composent et luttent déjà pour surmonter de multiples défis, subiraient des conséquences « dévastatrices ». La Thaïlande s’est, quant à elle, préoccupée du sort de ses ressortissants dont nombreux ont été tués, blessés et pris en otage, comme l’avait souligné le délégué israélien la veille.
L’Assemblée générale poursuivra sa dixième session extraordinaire d’urgence mardi 31 octobre, à partir de 15 heures.