En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-huitième session,
24e et 25e séances plénières – matin & après-midi
AG/12552

Assemblée générale: des appels impatients à lever le blocus contre Cuba et à retirer ce pays de la liste américaine des parrains du terrorisme

L’Assemblée a adopté, par vote, sa résolution annuelle qui prend note du rapport de la Cour pénale internationale

C’était presque dans un même souffle qu’une quarantaine d’États Membres et de groupes d’États ont demandé, ce matin, aux États-Unis, de lever leur blocus économique, commercial et financier imposé depuis 60 ans à Cuba.  Saisie d’un rapport du Secrétaire général et d’un projet de résolution qui sera présenté demain par Cuba sur la nécessité de lever le blocus, l’Assemblée générale a entendu les intervenants réclamer également le retrait de l’île caribéenne de la liste des pays sponsors du terrorisme établie par les États-Unis.  Un débat et une résolution qui reviennent tous les ans depuis 30 ans, s’est impatienté le Groupe des États d’Afrique.

Premier intervenant à cette réunion, Singapour a donné le « la », au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), en exhortant les États-Unis à lever dès que possible leur blocus.  Sur le même diapason, le Groupe des États d’Afrique, par la voix de la Zambie, a rappelé que cet embargo est « vieux de six décennies », un rappel repris en chœur par le Groupe des 77 et la Chine.  Pour preuve de cette durée jugée excessive, 80% de la population cubaine n’a connu le pays que vivant sous le blocus, a comptabilisé Singapour.

Reprenant souvent mot pour mot le texte du projet de résolution (A/78/L.5) qui sera présenté demain par le Ministre cubain des affaires étrangères, l’Ouganda et d’autres délégations ont motivé leur demande en rappelant la nécessité pour les États-Unis de respecter, à l’égard de Cuba, les principes de l’égalité souveraine des États, de la non-intervention et de la non-ingérence dans leurs affaires intérieures, et de la liberté du commerce et de la navigation internationaux.

Le Groupe des 77 et la Chine et d’autres intervenants ont exprimé leurs préoccupations quant aux effets extraterritoriaux de la loi américaine dite « Helms-Burton », qui, selon le rapport, élargit la portée extraterritoriale du blocus.  Ils ont regretté que ces dispositions législatives portent atteinte à la souveraineté d’autres États et aux intérêts légitimes d’entités ou de personnes relevant de leur juridiction, ainsi qu’à la liberté du commerce et de la navigation.

L’un des principaux griefs exprimé pas les États -intervenus par groupes ou individuellement- était les « pertes » financières qu’entraîne le blocus, soit environ 4,87 milliards de dollars sur un an (1er mars 2022-28 février 2023).  C’est l’équivalent de trois ans de ration alimentaire pour toute la population cubaine, a noté la Chine qui a chiffré à près de 150 milliards de dollars les pertes de La Havane sur les 60 années que dure ce blocus.

Tous les intervenants de la matinée ont aussi repris le même refrain qui demandait aux États-Unis de retirer Cuba de leur liste de pays sponsorisant le terrorisme.  Très en verve sur cette question, la Mauritanie, à la baguette de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), s’est alarmée de l’augmentation exponentielle des effets de l’embargo après « l’inclusion injuste » de Cuba dans ladite liste.  En raison de cette mesure, les opérations bancaires et financières sont devenues extrêmement difficiles pour Cuba, ce qui l’empêche de s’insérer dans la chaîne d’approvisionnement mondiale, a déploré le représentant.

Cette inscription est « non fondée », ont tranché El Salvador, au nom du Système d’intégration de l’Amérique centrale (SICA), et Saint-Vincent-et-les Grenadines, qui s’exprimait au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC).  Elle n’a fait qu’entraîner encore plus de dégâts pour l’économie du pays, en plus de ceux infligés par le blocus, et c’est la population qui en souffre le plus, a renchéri El Salvador.  Pour l’Érythrée, inscrire Cuba sur une liste de pays parrainant le terrorisme est l’une des plus grandes calomnies jamais lancées contre une nation.  « Cuba exporte la solidarité, pas la violence », a argumenté la représentante salvadorienne au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies.  De plus, l’inscription injustifiée de Cuba sur cette liste ne fait, selon la Trinité-et-Tobago, que creuser le gouffre de confiance au sein de la communauté internationale.

Au cours de cette première discussion de la question, qui se poursuivra demain, les délégations ont invité à peser les conséquences du blocus et de la présence de Cuba sur la liste incriminée en termes de développement: elles ont averti que ces mesures éloignent La Havane des objectifs de développement durable (ODD) et de la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2023.  Or, ce programme cherche à « ne laisser personne pour compte », a rappelé l’Afrique du Sud qui a pressé les États-Unis à écouter les appels quasi-unanimes qui leur sont adressés.  Le blocus contrarie les réformes socioéconomiques, compromet le développement de Cuba et freine injustement la croissance économique et le développement humain du pays, ont déploré le Groupe des 77 et la Chine craignant qu’il fasse dérailler Cuba de la voie du développement durable.

Et ce n’est pas seulement son propre développement qui est en jeu, mais aussi celui des pays dont il est le partenaire, ont fait valoir certaines délégations, comme le Guyana et la Dominique, en mettant en exergue le rôle de partenaire de développement que Cuba a joué au fil des années, en particulier dans le domaine de la médecine, auprès du monde en développement et notamment dans sa région.  D’autres ont encensé l’apport des médecins cubains dans la lutte contre la pandémie de COVID-19 dans leurs pays respectifs.

Si tous les États Membres et les groupes d’États qui se sont exprimés ce matin ont affirmé qu’ils voteront demain en faveur du projet de résolution, quelques-uns ont suggéré, comme le Kenya, qu’ils le feraient « dans l’espoir que ce soit la dernière fois ».  Le Cambodge a tenté de faire comprendre aux États-Unis qu’en levant ce blocus injuste, ils contribueraient au bien-être de tous, à la paix et à la sécurité internationales.  La Malaisie a encouragé Cuba et les États-Unis à normaliser leurs relations et à reprendre un dialogue constructif.  Les délégations sud-africaine et éthiopienne ont appelé Washington à faire le choix du dialogue constructif et ouvert avec La Havane et à ouvrir un nouveau chapitre d’espoir pour Cuba et sa population en levant le blocus.

Au cours de cette séance, l’Assemblée générale a également adopté par 115 voix pour, 6 contre (Bélarus, Fédération de Russie, Mali, Nicaragua, République arabe syrienne et Togo) et 31 abstentions sa résolution annuelle sur la Cour pénale internationale (CPI) par laquelle elle prend note du rapport de la Cour pour 2022-2023.

Le Brésil a justifié son abstention par la difficulté à trouver un consensus autour des « problèmes que connaît la CPI en termes de partialité, de sélectivité et de déséquilibre géographique ».  Il a suggéré à la Cour de faire une auto-évaluation de son travail pour la recherche de la justice internationale.  Israël s’est abstenu, pour les raisons qui l’ont poussé à se dissocier du projet de résolution, a sobrement indiqué son représentant.  La République arabe syrienne a expliqué son vote contre le texte par « la politisation sans précédent » de la Cour.  Celle-ci est prise en otage par certains États, comme les États-Unis, qui cherchent à l’utiliser comme moyen de pression et de coercition sur certains pays, en particulier africains, « comme si les crimes les plus graves ne se commettaient qu’en Afrique », a fustigé le délégué.

Avant ce vote, quatre dernières délégations sont intervenues pour clore le débat sur le rapport de la CPI, entamé lundi dernier.  Il a ainsi été relevé qu’alors que la Cour fait partie intégrante de l’édifice juridique bâti par la communauté internationale, comme l’a rappelé El Salvador, et en dépit des espoirs placés en elle, son travail ferait aujourd’hui l’objet de sélectivité, de politisation et d’instrumentalisation.  C’est ce qu’ont dénoncé le Venezuela, l’État de Palestine et la Fédération de Russie.

Pour cette dernière, qui a demandé la mise aux voix du projet de résolution, le seul accomplissement de cette « pseudo cour » est d’avoir démontré que la lutte contre l’impunité est sélective.  Rien n’a été concrétisé s’agissant du Soudan, de l’Afghanistan, de l’Iraq, de la Libye ou d’Israël, a-t-elle constaté.  Beaucoup d’affaires sont restées au stade de l’instruction et le budget ordinaire de la CPI, trois fois supérieur à celui de la Cour internationale de Justice (CIJ), est une machine de punition aux mains de « l’Occident collectif » contre les pays qui ne lui obéissent pas, a fustigé la délégation russe.  Pour preuve, depuis sa création, la CPI a inculpé 52 personnes, dont 47 Africains, pendant que les néocolonialistes jouissent de l’impunité, quoi qu’ils fassent.

De plus, a affirmé la délégation vénézuélienne, le processus engagé par un groupe de pays devant la CPI contre le Venezuela est clairement à motivation politique et entre dans le cadre d’une « stratégie ratée » visant un changement de régime. Voici 75 ans, a noté pour sa part l’État de Palestine, que pas un seul soldat israélien n’a été tenu responsable des crimes commis contre les Palestiniens, et il y a même un groupe de pays qui s’opposent à ce que l’Assemble générale saisisse la CPI pour connaître des crimes commis dans le cadre de l’occupation israélienne.

Exerçant son droit de réponse, Israël a déploré que l’État de Palestine exploite cette plateforme pour diffuser de fausses informations alors que les faits sont clairs: c’est « l’organisation terroriste génocidaire Hamas » qui a commencé cette guerre où « tout est asymétrique ».  D’un côté, un État démocratique, qui respecte le droit international et fait tout ce qui est en son pouvoir pour minimiser le nombre de victimes civiles, et de l’autre, une organisation terroriste qui ignore le droit international, cherche à maximiser les victimes des deux côtés, se cache dans des tunnels et se sert de boucliers humains.  Il y a mieux à faire que de propager de fausses informations: il faut condamner le Hamas, a lancé le représentant.

L’Assemblée générale poursuivra demain, jeudi 2 novembre, à partir de 10 heures, son débat sur la « nécessité de lever le blocus économique, commercial et financier imposé à Cuba par les États-Unis d’Amérique ».

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