Conseil de sécurité: le Représentant spécial pour le Mali appelle à redoubler d’efforts pour parvenir à un accord sur la transition

9012e séance, matin
CS/14856

Conseil de sécurité: le Représentant spécial pour le Mali appelle à redoubler d’efforts pour parvenir à un accord sur la transition

Le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Mali a appelé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, à n’épargner aucun effort pour parvenir à un accord sur la transition afin de créer un environnement plus propice à la stabilisation du pays où la situation est « extrêmement préoccupante », notamment en raison du vide sécuritaire dont tirent parti les groupes terroristes depuis le retrait des forces Barkhane et Takuba.

Malgré les efforts considérables déployés à cet effet, aucun consensus n’a été trouvé autour de la durée de la transition, s’est inquiété M. El-Ghassim Wane.  Il a également déploré l’absence de progrès notable dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et pour la réconciliation au Mali, une situation aggravée par l’absence de réunions de son Comité de suivi depuis octobre 2021, qui prive les parties et leurs partenaires internationaux de la plateforme tant attendue pour évaluer les défis à relever et chercher une voie consensuelle pour l’avenir.  

Au contraire, a indiqué le Représentant spécial, les trois derniers mois ont été marqués par des « actions et une rhétorique inquiétantes » et la persistance de tensions entre le Gouvernement et les mouvements signataires sur la question du Cadre stratégique permanent, mis en place dans le but déclaré de réconcilier les communautés du Nord. 

Or, le statu quo actuel comporte des « risques énormes » pour l’avenir de l’accord de paix, tout en augmentant les menaces auxquelles sont confrontés les Casques bleus déployés dans le nord du Mali, notamment à Kidal, Aguelhok et Tessalit.  « Dans ce contexte, le Conseil de sécurité pourrait exhorter les parties à tirer parti des synergies existantes entre les recommandations des Assises nationales de la Refondation et l’accord de paix, afin d’inverser le cycle des conflits récurrents dans le Nord », a préconisé le Représentant spécial. 

Tout en assurant que le Gouvernement de transition demeure engagé en faveur de la pleine mise en œuvre de l’accord de paix, y compris son volet relatif au désarmement, à la démobilisation et à la réintégration/réinsertion (DDR), le représentant du Mali a affirmé pour sa part que l’instabilité politique et institutionnelle de son pays s’enracine dans des élections mal organisées et une mauvaise gouvernance.  Pour y remédier, le Gouvernement ambitionne de mener des réformes majeures, qui nécessitent la levée « immédiate » des sanctions « injustes, illégales, illégitimes et inhumaines » imposées par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), a souligné le délégué qui a fustigé un acharnement visant à obtenir un « changement de régime ». 

Au cours de cette séance, les membres du Conseil de sécurité ont en outre pris acte du cortège de souffrances infligées aux populations civiles, visées au courant du mois de mars par des attaques récurrentes de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) dans le centre et le sud du pays.  Même si l’élément déclencheur de la reprise des violences dans la zone des trois frontières semble lié à des trafics locaux et à des dynamiques connexes, il convient de noter que ces incidents surviennent dans le contexte du retrait des forces Barkhane, de la France, et Takuba, de l’Union européenne, a relevé le Représentant spécial.  

Ce dernier a par ailleurs indiqué que suite à l’offensive des forces armées maliennes de la semaine dernière contre les éléments de Katiba Macina dans le village de Moura, au sud de Mopti, la MINUSMA a reçu des informations faisant état de graves violations des droits humains commises contre un grand nombre de civils au cours de cette opération.  Bien que la Mission ait pu effectuer un survol de reconnaissance le 3 avril sur le site de Moura, l’autorisation de déployer une mission intégrée n’a, jusqu’à présent, pas été accordée, a regretté le Représentant spécial, en exhortant les autorités maliennes à donner à la MINUSMA un accès au site des violations présumées, « conformément à son mandat ». 

À l’instar de l’Albanie, l’Irlande, les États-Unis ou encore la France, le Royaume-Uni s’est inquiété de la tendance manifeste à une recrudescence des violations des droits humains depuis le déploiement du groupe Wagner au Mali.  Les affirmations selon lesquelles le Mali s’offrirait les services de cette société de sécurité russe ont été rejeté avec force par la délégation du Mali.  

S’il a reconnu des atteintes aux droits de la personne dans le cadre des opérations antiterroristes menées dans le pays, le représentant malien a juré qu’il n’y avait aucune volonté délibérée des autorités d’accorder des « primes à l’impunité », la justice de son pays étant systématiquement saisie à chaque fois que des violations sont signalées.  Il en a voulu pour preuve l’ouverture d’enquêtes « approfondies » sur les allégations d’exactions présumées commises en mars sur des civils dans la zone de Moura. 

Arguant d’une coopération aux « racines historiques », la Fédération de Russie a dénoncé la « campagne de désinformation » au sujet des « soi-disant mercenaires russes », jugeant pour sa part « irresponsable » la décision de la France de retirer l’opération Barkhane, « sans consultations » avec la partie malienne, « en violation » des accords bilatéraux.   

La fin de son engagement militaire au Mali, c’est une décision que la France a dit aujourd’hui avoir prise en concertation avec les pays sahéliens et voisins, ainsi que les partenaires internationaux, laquelle ne saurait préjuger de l’appui de Paris à la MINUSMA, dont le mandat expire en juin.  Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans la région sahélienne, Paris examine un renforcement de son appui aux pays du golfe de Guinée dont les détails seront présentés prochainement au Conseil de sécurité, a annoncé la délégation. 

Si comme d’autres membres du Conseil, les A3 –Ghana, Gabon et Kenya– ont exhorté les autorités à intensifier leurs enquêtes pour que les auteurs d’atrocités ne restent pas impunis, ils se sont aussi prononcés pour le renforcement des capacités logistiques de la MINUSMA afin de lui permettre d’accroître son efficacité opérationnelle.  De son côté, la Présidente de l’ONG WILDAF, Mme Bouaré Bintou Founé Samaké, a appelé à consulter les femmes maliennes avant le renouvellement du mandat de la MINUSMA afin d’en renforcer la dimension de genre.

LA SITUATION AU MALI (MINUSMA) - S/2022/278

Déclarations

M. EL-GHASSIM WANE, Représentant spécial du Secrétaire général pour le Mali, a déclaré que la situation d’ensemble dans ce pays est extrêmement préoccupante.   Les civils sont confrontés à d’immenses souffrances.  Il n’y a pas eu de progrès notable dans la mise en œuvre de l’accord de paix.  De plus, malgré les efforts considérables déployés à cet effet, aucun consensus n’a été trouvé autour de la durée de la transition.  En outre, le mois de mars a vu plusieurs attaques meurtrières perpétrées par l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) dans la région de Ménaka et dans le sud de celle de Gao, s’est alarmé le Représentant spécial.  Les affrontements dans la région de Ménaka ont causé la mort d’au moins 40 civils et le déplacement d’environ 3 640 ménages.  En réaction à ces incidents, la Mission a intensifié ses patrouilles dans la ville de Ménaka, permettant aux forces de défense et de sécurité maliennes et aux groupes signataires de se mobiliser plus fortement pour répondre à la situation.   

 Même si l’élément déclencheur de la reprise des violences dans la zone des trois frontières semble lié à des trafics locaux et à des dynamiques connexes, il convient de noter que ces incidents surviennent dans le contexte du retrait des forces Barkhane et de Takuba.  Faisant face à moins de pression, les groupes terroristes bénéficient d’une latitude d’action plus grande, posant un danger accru tant aux civils qu’à nos opérations, a analysé le Représentant spécial.  Face à ces défis, il a jugé impératif que le niveau des capacités et des troupes de la MINUSMA soit maintenu, et que des réponses adéquates soient trouvées aux défis liés à l’insuffisance de ces mêmes capacités ainsi qu’aux restrictions nationales des pays contributeurs de troupes et de police. 

Poursuivant, M. Wane a indiqué que l’offensive des forces armées maliennes de la semaine dernière contre les éléments de Katiba Macina dans le village de Moura, au sud de Mopti, a permis de neutraliser un grand nombre d’éléments terroristes contrôlant la zone.  Dans le même temps, la MINUSMA a également reçu des informations faisant état de graves violations des droits humains commises contre un grand nombre de civils au cours de cette opération.  Si la Mission a pu effectuer un survol de reconnaissance le 3 avril, l’autorisation de déployer une mission intégrée n’a, jusqu’à présent, pas été délivrée, a regretté le Représentant spécial.  Il a salué l’annonce, hier soir, par le procureur du tribunal militaire de Mopti, de l’ouverture d’une enquête, y compris le déploiement sur le terrain du personnel nécessaire, et a exhorté les autorités maliennes à apporter la coopération nécessaire pour que la MINUSMA ait accès au site des violations présumées, conformément à son mandat.

 Si les opérations militaires et sécuritaires sont une nécessité absolue dans la lutte contre le terrorisme, l’expérience a montré, à maintes reprises, qu’une telle approche ne peut, à elle seule, apporter une stabilité durable, surtout dans un environnement aussi complexe que celui qui prévaut au centre du Mali, a souligné le haut fonctionnaire.  Elles doivent être menées de manière à minimiser autant que possible les dommages causés aux civils, à respecter les droits humains et les principes du droit international humanitaire et être complétées par des mesures pratiques et durables axées sur les causes profondes du conflit et de la violence.   

Au cours de la période sous revue, a enchaîné le Représentant spécial, aucun progrès tangible n’a été réalisé dans le processus de paix, une situation aggravée par le fait que le Comité de suivi de l’Accord ne s’est pas réuni depuis octobre de l’année dernière, privant les parties et leurs partenaires internationaux de la plateforme tant attendue pour évaluer collectivement les défis à relever et chercher une voie consensuelle pour l’avenir.   Au contraire, les trois derniers mois ont été marqués par des actions et une rhétorique inquiétantes, non conformes à l’esprit de l’Accord, s’est inquiété M. Wane.  En outre, des tensions subsistent entre le Gouvernement et les mouvements signataires sur la question du Cadre stratégique permanent, la structure mise en place par ces derniers dans le but déclaré de réconcilier les communautés du Nord.  Il a averti que le statu quo actuel comporte des « risques énormes » pour l’avenir de l’accord de paix, tout en augmentant les menaces auxquelles sont confrontés les Casques bleus déployés dans le nord du Mali, notamment dans des localités telles que Kidal, Aguelhok et Tessalit.  Dans ce contexte, le Conseil de sécurité pourrait souhaiter exhorter les parties à tirer parti des synergies qui existent entre les recommandations des Assises nationales de la Refondation et l’accord de paix, afin d’inverser le cycle des conflits récurrents dans le Nord, a-t-il préconisé.

Le Représentant spécial a rappelé que le non-achèvement de la Transition dans les délais convenus a conduit la CEDEAO à imposer des sanctions économiques et financières en janvier dernier, notant que l’impasse persiste, exacerbant les tensions entre le Mali et la CEDEAO.  Le Mali a demandé 24 mois supplémentaires pour mettre fin à la Transition, mais cette durée a été jugée trop longue lors du Sommet extraordinaire de la CEDEAO qui s’est tenu à Accra le 25 mars et a approuvé un délai de 12 à 16 mois, a rappelé le haut fonctionnaire. 

« Aucun effort ne doit être épargné pour parvenir à un accord sur la Transition.  Cela permettrait non seulement de lever les sanctions, une mesure essentielle compte tenu de la situation humanitaire actuelle, mais aussi de créer un environnement plus propice à la poursuite des autres processus fondamentaux pour la stabilisation du pays », a insisté le Représentant spécial.  Faisant état d’une forte aspiration à la paix et à une meilleure gouvernance, qui s’est également exprimée lors des Assises nationales de la refondation, il a appelé les acteurs politiques maliens à collectivement intérioriser cette aspiration et être à la hauteur des attentes de leur peuple.   Dans l’intérêt du peuple malien, la MINUSMA doit recevoir toutes les ressources dont elle a besoin pour combler le fossé qui continue d’exister entre ce qu’elle est chargée de faire et ce qu’elle peut réellement faire, a conclu M. Wane. 

Mme BOUARÉ BINTOU FOUNÉ SAMAKÉ, Présidente de l’ONG WILDAF/Mali et ancienne Ministre de la promotion de la femme de l’enfant et de la famille du Mali, a constaté que son pays se trouve aujourd’hui confronté à une crise multidimensionnelle, caractérisée par des défis politiques, sécuritaires, culturels, identitaires et institutionnels.  L’insécurité au Mali a pris une dimension multiforme et multi-acteurs qui a un impact très négatif sur les populations, a-t-elle souligné, rappelant en outre que le retrait de l’opération Barkhane a créé une méfiance des Occidentaux face à une probable coopération des autorités de transition avec la société de sécurité russe Wagner.  À cela s’ajoute la non mise à disposition d’un calendrier pour les élections et d’un chronogramme de la transition, ce qui a mis dos à dos le Mali et ses partenaires européens, notamment la France, mais aussi ses voisins africains de la CEDEAO.  De plus, des combats intensifs entre les forces armées maliennes et les groupes terroristes, au centre et au nord du pays, se multiplient ces derniers temps.  Dans ce contexte, Mme Samaké a dénoncé les difficultés de déplacement rencontrées par les ONG, la limitation de certaines libertés fondamentales, la rareté des ressources financières, ainsi que la monté des courants fondamentalistes qui sapent les questions de genre et la paupérisation des femmes, surtout en milieu rural.  

Face à ces défis, exacerbés par la détérioration de la situation sécuritaire, la représentante de la société civile a préconisé de coordonner les efforts du Conseil de sécurité et du Gouvernement malien afin de promouvoir un cadre juridique et des ressources propices à la construction d’un secteur de la sécurité plus inclusif, efficace et transparent.  Elle a également appelé de ses vœux le renforcement de la dimension de genre dans le volet sécurité du mandat de la MINUSMA, notamment en consultant les femmes maliennes avant le renouvellement du mandat.  Mme Samaké a aussi appelé à l’intensification des programmes d’autonomisation des femmes en permettant à ces dernières de surmonter les obstacles politiques, juridiques et institutionnels qui entravent leur recrutement, rétention et promotion dans le secteur de la sécurité.  Après avoir demandé l’inscription des changements climatiques dans le mandat de la Mission, elle a appelé à la mise en place de mécanismes de responsabilisation efficaces pour mettre fin à l’impunité de toute forme de violence à l’égard des femmes et des groupes sous-représentés au sein des institutions de sécurité.  Elle a également appelé à favoriser l’inclusion en amont des femmes qui font partie du secteur de la sécurité et des organisations de la société civile dans les négociations des dispositions des arrangements sécuritaires des accords de paix maliens, des politiques de sécurité nationale et des dépenses militaires.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a dit qu’il est gravement préoccupé par la situation au Mali, notamment des informations faisant état de violations des droits humains par des éléments des forces armées maliennes accompagnés de mercenaires russes du groupe Wagner, se référant aux violations massives qui auraient causé la mort de centaines de civils dans le village de Moura.  Il a pris note de l’ouverture d’une enquête par le procureur de Mopti, et a demandé que la MINUSMA puisse également mener sa propre enquête, sans entrave et en toute indépendance, pour établir les faits et faire rapport au Conseil de sécurité.  Il est indispensable que la MINUSMA utilise l’ensemble des moyens à sa disposition pour protéger les civils, a-t-il ajouté.  Le représentant a ensuite souligné que la lutte contre le terrorisme ne saurait en aucun cas justifier des violences indiscriminées contre les civils, qui ne font que renforcer les groupes terroristes.  À ce titre, il a observé avec inquiétude l’offensive menée depuis le début de l’année par l’État islamique au Grand Sahara dans la zone des trois frontières, relevant que cette dégradation de la situation sécuritaire intervient alors que la guerre menée par la Russie en Ukraine vient aggraver une situation alimentaire déjà critique.

Le représentant a ensuite appelé les autorités de transition à se concentrer sur la mise en œuvre de l’accord de paix d’Alger, y voyant la réponse adéquate pour apaiser durablement les relations entre les groupes armes signataires et les autorités de Bamako.  Or, aucun progrès n’a été réalisé depuis plusieurs mois, s’est-il inquiété.  Il a également engagé les autorités de transition à proposer une stratégie concrète pour traiter la crise au Centre et à finaliser la transition politique et le retour à l’ordre constitutionnel.  Pour atteindre ces trois objectifs, la MINUSMA reste nécessaire, a estimé M. de Rivière.  Il a ensuite indiqué que la décision de la France de mettre fin à son engagement militaire au Mali a été prise en concertation avec les pays sahéliens et voisins, ainsi que les partenaires internationaux.  Cependant, nous entendons maintenir un appui à la MINUSMA et restons engagés dans la lutte contre le terrorisme dans la région sahélienne, a-t-il ajouté, avant de préciser que Paris examine un renforcement de son appui aux pays du golfe de Guinée dont les détails seront présentés au Conseil prochainement.

M. RAJESH PARIHAR (Inde) s’est déclaré alarmé que les terroristes aient de plus en plus recours à des engins explosifs improvisés pour cibler les forces de sécurité maliennes et les soldats de la paix, réitérant son appel à une mise en œuvre rapide des dispositions de la résolution 2589 (2021) sur la « protection des protecteurs ».  Å ses yeux, la nature multidimensionnelle des défis auxquels le Mali est confronté est enracinée dans les déséquilibres de longue date de son système constitutionnel, administratif et sécuritaire, qui n’ont pas été corrigés depuis des décennies.  « Pour une crise aussi complexe, il ne peut donc y avoir de solution miracle », a-t-il estimé.   

Il a appelé à aborder ces défis par le biais d’une approche globale, intégrant notamment la mise en œuvre de l’accord de paix de 2015, ainsi que des réformes politico-électorales et le renforcement des institutions de sécurité.  Les demandes réelles des autorités nationales et régionales d’entreprendre des mesures contre-offensives contre les groupes armés et terroristes doivent être traitées de toute urgence, a insisté le représentant qui a réclamé un soutien robuste à la Force conjointe du Groupe de cinq pays du Sahel (G5 Sahel).  Le délégué indien a ensuite encouragé le dialogue entre le Mali et la CEDEAO en vue de parvenir au plus tôt à un accord sur un calendrier acceptable pour la transition politique et les élections, conduisant au retour à l’ordre constitutionnel.  Pour sa part, a-t-il ajouté, l’Inde continue à rester étroitement engagée avec le Mali dans la sphère du partenariat de développement, ce qui se reflète dans la construction en cours de 393 kilomètres de ligne à haute tension à Bamako et à Sikasso, la deuxième plus grande ville du Mali. 

S’exprimant au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a appelé au rétablissement rapide de l’ordre constitutionnel au Mali, espérant cela conférera au gouvernement élu la légitimité nécessaire pour mettre en œuvre l’accord de paix.  Il a salué, dans ce contexte, le dialogue noué par le Secrétaire général avec les autorités de transition et les acteurs régionaux en vue de l’adoption d’une approche consensuelle sur les questions de paix et de sécurité au Mali.  Évoquant le renouvellement en juin prochain du mandat de la MINUSMA, il s’est prononcé pour le renforcement des capacités logistiques de la Mission pour lui permettre d’accroître son efficacité opérationnelle.  Outre les conditions de sécurité difficiles, le représentant s’est dit préoccupé par la lenteur de la mise en application de l’accord de paix et l’absence de calendrier pour le retour de l’ordre constitutionnel.  À ses yeux, la solution la plus viable est de faire en sorte que les autorités de transition respectent le protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance et conviennent d’un échéancier rapide.  Il a toutefois relevé que des pourparlers sont en cours entre Bamako et les médiateurs de la CEDEAO pour finaliser un chronogramme.  

Le délégué a d’autre part constaté que le terrorisme continue de menacer la stabilité du Mali.  Il a déploré la recrudescence des attaques extrémistes menées contre la population civile, l’armée et le personnel de la MINUSMA, saluant l’ouverture d’enquêtes sur les tirs de roquettes qui ont visé des Casques bleus le 22 mars dernier.  Il a cependant souhaité un meilleur partage des informations entre les forces armées maliennes et la Mission afin que de tels incidents puissent être évités à l’avenir.  Le représentant s’est ensuite alarmé de la présence au Sahel de mercenaires en provenance de Libye.  Le retrait de ces groupes extrémistes requiert un suivi serré et une coordination en matière de DDR avec les pays voisins, a-t-il dit.  Dénonçant par ailleurs la détérioration de la situation des droits humains au Mali, il a enjoint les autorités de transition à intensifier leurs enquêtes sur les cas de violations afin que les auteurs d’atrocités soient traduits en justice.  Enfin, après avoir appelé les donateurs à financer plus généreusement l’appel humanitaire de l’ONU pour le Mali, il s’est félicité des investissements de 8,4 millions de dollars du Fonds de consolidation de la paix dans des projets concernant la jeunesse, les agricultrices et la violence en période électorale.

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a demandé à intensifier les efforts pour parvenir à la stabilité et la sécurité au Mali où la situation politique et sécuritaire est dégradée.  Elle a encouragé les autorités nationales à fixer un calendrier pour des élections le plus rapidement possible.  À cet égard, elle a pris note des contacts encourageants qui ont eu lieu entre les autorités maliennes et la CEDEAO, notamment au sujet de la préparation du dialogue national.  Elle a estimé que l’appui du Conseil de sécurité aux efforts nationaux et régionaux reste nécessaire à ce moment critique, soulignant en outre que la stabilité à long terme du Mali exige également un renouvellement des engagements en faveur des piliers et fondements de l’Accord pour la paix et la réconciliation pour garantir sa mise en œuvre par les autorités locales en coopération avec les partenaires régionaux et internationaux.   

Préoccupée par la situation sécuritaire dans le centre du Mali, la représentante a appelé à finaliser la stratégie politique globale en appui à la stabilité de la région.  Il est également important de promouvoir la participation effective significative et sur pied d’égalité des femmes dans tous les processus politiques.  Elle s’est inquiétée des menaces posées par les groupes terroristes et a condamné la récente attaque à dans le centre du Mali qui a tué des Casques bleus égyptiens.  Cela montre qu’il faut intensifier les efforts pour lutter contre l’extrémisme et le terrorisme conformément au droit international, a-t-elle estimé.  La déléguée s’est également souciée de la dégradation de la situation humanitaire et a demandé à la communauté internationale de fournir une aide humanitaire et des services de base aux 7,5 millions de personnes qui ont un besoin urgent d’aide.  

S’il a reconnu les efforts des forces de sécurité maliennes au cours des derniers mois pour combattre les organisations terroristes, M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a estimé que la lutte contre l’extrémisme n’exonère pas l’État de ses responsabilités en matière de droits humains et de droit international humanitaire.  Préoccupé par les informations faisant état de victimes civiles lors de l’opération à Moura fin mars, le représentant a appelé les autorités à coopérer étroitement avec la MINUSMA pour faire la lumière sur ce qui s’est passé.  Il a également demandé instamment aux autorités de continuer à travailler avec la CEDEAO et l’Union africaine afin de parvenir dans les meilleurs délais à un accord sur un calendrier électoral pour mettre fin à la transition et permettre à l’État d’aborder les nombreuses réformes en suspens avec la légitimité « irremplaçable » du vote populaire. 

Le représentant a rappelé qu’il reste encore de nombreuses tâches à accomplir pour réaliser les engagements pris par les signataires de l’accord de paix, de la décentralisation de l’administration publique au nécessaire processus de DDR.  Il a jugé urgent de réactiver les mécanismes chargés de la mise en œuvre de cet instrument afin d’éviter de perdre les progrès accomplis, notamment dans le nord du pays.  Pour neutraliser la violence au Mali, a-t-il ajouté, il faut remédier à la situation précaire du développement économique, mettre fin à l’exclusion historique de certains groupes de la scène politique nationale et combattre l’impunité par le biais d’un système judiciaire efficace et indépendant.

M. RICHARD M. MILLS (États-Unis) a appelé le Gouvernement de transition à progresser dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali et à garantir la participation des femmes à tous les niveaux du processus politique et électoral.  Saluant les efforts inlassables déployés par la MUNISMA pour protéger la population civile et préparer la transition politique, le représentant a présenté ses condoléances à la Mission après la mort, le mois dernier, de trois Casques bleus égyptiens.  Le délégué a rappelé à cet égard que les attaques contre la MINUSMA peuvent faire l’objet de sanctions du Conseil de sécurité, avant d’exhorter les autorités de transition à mener des enquêtes crédibles sur les actions menées contre des soldats de la paix et sur les atteintes aux droits humains perpétrées dans le pays. 

Alarmé par la détérioration de la situation sécuritaire au Mali, M. MILLS a dénoncé les violations des droits humains perpétrées par des groupes armés et par les forces armées maliennes, ces dernières agissant avec le groupe Wagner, société privée de sécurité russe.  Il a également déclaré suivre de près les informations faisant état de centaines de personnes tuées à Moura, dans le centre du Mali, et de l’exécution de 35 personnes dans la région centrale de Ségou, invitant les autorités de transition à autoriser la MINUSMA à accéder à ces deux endroits pour mener des enquêtes rigoureuses.  À l’aune de ces manquements, le délégué américain a enjoint les autorités maliennes à renoncer à leur partenariat avec le groupe Wagner qui, a-t-il rappelé, est impliqué dans d’autres violences en Afrique, notamment en République centrafricaine.  Il a d’autre part condamné les incidents du 22 mars et les tirs de roquettes par les forces armées maliennes contre des Casques bleus, exhortant le Gouvernement de transition à coopérer avec la MINUSMA sur le terrain.  Enfin, après avoir regretté que Bamako et la CEDEAO ne se soient encore mis d’accord sur un calendrier acceptable de transition politique, il a appelé à la poursuite du dialogue en vue d’un retour rapide de la démocratie au Mali. 

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a déclaré que les autorités maliennes doivent mener des enquêtes crédibles et impartiales sur les circonstances peu claires qui ont entouré la mort de plusieurs centaines de personnes lors d’une opération antiterroriste à Moura, et faciliter les enquêtes indépendantes de la MINUSMA.  Après avoir rappelé que la fin de la période de transition et le retour à l’ordre constitutionnel auraient dû avoir lieu en février, la représentante a dénoncé la grave escalade des menaces à la sécurité, la situation humanitaire désastreuse et le rétrécissement dramatique de l’espace civique.  L’augmentation rapide des attaques terroristes au Mali est une source de graves préoccupations, alors que des groupes islamistes armés prolifèrent, s’emparant de villages entiers, perpétrant des assassinats ciblés et d’autres crimes en toute impunité, a-t-elle ajouté.  La déléguée s’est aussi déclarée profondément préoccupée par les méthodes employées par les mercenaires affiliés à la Russie qui opèrent au Mali et dans la région.  

Mme Dautillari a ensuite appelé le Conseil de sécurité à maintenir un engagement fort au Mali, afin de favoriser le développement et de renforcer la résilience des communautés locales.  Elle a également exhorté les autorités maliennes à garantir la liberté de circulation et d’action de la MINUSMA.  La crise politique et le manque d’engagement ont contribué à de graves retards dans la mise en œuvre de l’accord d’Alger, s’est encore inquiétée la représentante qui, outre la mise en œuvre dudit accord, a appelé les autorités à s’engager de manière constructive avec la CEDEAO, la MINUSMA et les partenaires internationaux pour accélérer le processus de transition et établir un calendrier pour la tenue d’élections afin de rétablir l’ordre constitutionnel.  

Mme MONA JUUL (Norvège) s’est déclarée encouragée par l’apparent rapprochement entre Bamako et la CEDEAO sur la chronologie de la transition politique.  À cette aune, elle a exhorté les dirigeants de la transition du Mali à maintenir un dialogue constructif avec la CEDEAO et à honorer leur promesse d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel.  La déléguée a toutefois constaté qu’un an et demi après la prise du pouvoir par les militaires, la situation sécuritaire et humanitaire montre peu de signes d’amélioration.  Elle s’est notamment alarmée des recrutements d’enfants dans les conflits armés, des fermetures d’écoles et du risque de dénutrition aiguë. 

Dénonçant l’augmentation drastique des atteintes aux droits humains dans le pays, la représentante a rappelé que l’État a la responsabilité d’assurer la reddition de comptes et de lutter contre l’impunité, y compris à l’égard d’acteurs extérieurs utilisés par les autorités de transition, comme le groupe Wagner.  À cet égard, elle a appuyé l’appel de la Commission nationale malienne des droits de l’homme pour que des enquêtes indépendantes soient menées sur les allégations de violations des droits humains à Moura.  La MINUSMA doit pouvoir enquêter sur ces allégations dans le cadre de son mandat, a-t-elle ajouté.  La déléguée a ensuite souligné qu’il incombe au Conseil de sécurité d’assurer la sûreté et la sécurité des soldats de la paix au Mali, particulièrement au moment où les forces française Barkhane et européenne Takuba entament leur retrait.  Dans ce contexte, a-t-elle souligné, le pays hôte ne doit pas prendre ses responsabilités à la légère, et cela commence par le respect fondamental de la MINUSMA.

M. DAI BING (Chine) s’est félicité des efforts déployés par les autorités maliennes et la CEDEAO pour faciliter un rapprochement sur les questions politiques en suspens.  Selon lui, Bamako est une force importante dans la lutte antiterroriste dans la région du Sahel, les opérations menées dans le centre et le nord du Mali ayant permis de réduire les capacités des groupes terroristes et d’assurer le retour des personnes déplacées.  S’agissant des allégations de violations perpétrées par les forces de défense et de sécurité maliennes dans le cadre de ces opérations, le représentant a souligné que le Gouvernement se dit prêt à mener une enquête, même s’il assure avoir toujours respecté les droits humains.  Les risques sécuritaires auxquels le Mali est confronté étant toujours d’actualité, comme l’illustre le recours aux engins explosifs improvisés, le représentant a encouragé le Conseil de sécurité à donner à la MINUSMA les moyens de s’acquitter de son mandat. 

M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande) s’est alarmé des informations faisant état d’un massacre dans le village de Moura, dans la région de Mopti, au centre du Mali.  Il a demandé une enquête approfondie et transparente sur ces allégations prenant note de l’intention du procureur du tribunal militaire de Mopti d’en ouvrir une.  La MINUSMA doit se voir accorder un accès sans entrave, rapide et sûr à Moura pour mener sa propre enquête et prendre des mesures pour assurer la protection des civils, a exigé M. Flynn pour lequel les responsables de ces violations doivent être traduits en justice, indépendamment de leur nationalité.  Il a ajouté qu’il est préoccupé par les informations faisant état de la présence du groupe Wagner au Mali qui alimente les tensions, accroît l’instabilité et la violence, et entrave les efforts de la MINUSMA pour protéger les civils et apporter un soutien aux forces armées maliennes.  

Le représentant s’est également inquiété de l’augmentation du nombre de victimes civiles résultant d’attaques menées par des groupes extrémistes armés dans la zone des trois frontières.  Il a aussi demandé une action globale et intégrée pour lutter contre la discrimination et la violence sexuelle et sexiste à l’encontre des femmes, exhortant à rendre justice aux survivantes.  Après avoir condamné les attaques contre les Casques bleus, il a appelé les autorités à créer un environnement sûr pour les civils et la MINUSMA.  M. Flynn a également souligné que l’accord de paix de 2015 demeure un cadre essentiel pour assurer une paix et une stabilité durables au Mali, et a regretté la lenteur des progrès accomplis dans sa mise en œuvre.  Il a enfin engagé les autorités de transition à convenir d’un calendrier acceptable pour le retour à l’ordre constitutionnel et à la tenue d’élections.

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a salué la détermination des autorités de transition maliennes à régler progressivement les problèmes que connaît leur pays, notamment leur engagement à rétablir l’ordre constitutionnel.  La création d’un groupe de travail pour préparer des élections et le lancement d’un processus de négociation avec l’Union africaine et la CEDEAO démontre, selon elle, l’attitude constructive de Bamako et « l’absence d’agenda caché par les militaires ».  Appelant les parties à poursuivre le dialogue et les intermédiaires à ne pas relâcher leurs efforts, la déléguée s’est inquiétée de l’escalade de la situation dans les régions du nord du pays, où la réduction de la présence militaire française « crée un vide dans le domaine de la sécurité ».  Sur ce point, elle a estimé que la décision « irresponsable » de retrait total de l’opération Barkhane, prise sans consultation avec la partie malienne, viole les accords bilatéraux.  Elle a également déclaré partager les évaluations du rapport du Secrétaire général sur les conséquences négatives des actions de la France et de ses partenaires de l’Union européenne sur le mandat de la MINUSMA, notamment en matière de risques sécuritaires pour les Casques bleus.  On ne sait pas non plus comment le départ de Barkhane et de la force européenne Takuba affectera les capacités de la Force conjointe du G5 Sahel, qui doit être à l’avant-garde du combat contre le terrorisme dans la région, a-t-elle relevé. 

Observant que le Mali se retrouve seul face à de graves défis transfrontaliers, la représentante a estimé que les autorités du pays ont le droit souverain de décider avec qui elles souhaitent travailler à cette fin.  À cet égard, elle a souligné que la coopération entre la Russie et le Mali a des racines historiques.  Elle a ainsi rappelé que la Russie fournit une assistance aux forces armées maliennes en matière de préparation au combat et de formation des personnels militaires et des employés.  Elle a dénoncé la « campagne de désinformation sur les soi-disant mercenaires russes », estimant qu’elle fait partie d’un « jeu géopolitique sans scrupules ».  Cela ne contribue pas à la stabilisation du Mali, tout comme les sanctions régionales et les restrictions décidées par des pays occidentaux ne font qu’exacerber une situation déjà difficile, a souligné la déléguée.  Selon elle, les « sanctions antirusses sans précédent » prises ces dernières semaines démontrent l’importance pour les pays visés par de telles mesures de défendre leur indépendance et de surmonter les « conséquences du colonialisme ».  Elle a ensuite encouragé Bamako à mener une politique équilibrée, assurant que la Russie continuera d’apporter son soutien aux Maliens, y compris dans le cadre d’un effort collectif, pour favoriser la stabilisation du pays.

Mme MAITÊ DE SOUZA SCHMITZ (Brésil) a exhorté les autorités maliennes de transition à autoriser une enquête impartiale sur les informations faisant état d’exécutions sommaires de civils à Moura, qui auraient été perpétrées par des membres des forces armées maliennes avec le soutien de combattants étrangers.  Le seuil actuel des violences est directement lié à la quasi-paralysie de la mise en œuvre de l’accord de paix, a-t-elle estimé.  Elle a averti que le report du retour au cadre constitutionnel et l’absence d’un calendrier acceptable pour les élections menacent la crédibilité du processus de réconciliation, dans un environnement qui devient plus complexe avec la présence de groupes terroristes et les signes d’une aggravation de la situation humanitaire.  La représentante a ensuite exhorté les autorités de transition à collaborer avec la CEDEAO pour que les sanctions, imposées en réponse au report des élections, puissent être levées dans un avenir proche. 

La déléguée a par ailleurs relevé que le Mali subit déjà l’impact négatif d’autres conflits sur les prix des denrées alimentaires et qu’il existe un risque réel que la situation actuelle se transforme en une catastrophe humanitaire.  S’agissant du renouvellement du mandat de la MINUSMA, elle a considéré essentiel que celle-ci dispose des ressources nécessaires pour soutenir la mise en œuvre de l’accord de paix et la transition politique, ainsi que pour protéger les civils et soutenir la restauration de l’autorité de l’État malien dans le centre du pays.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) s’est déclaré horrifié par les informations selon lesquelles des centaines de personnes auraient été tuées à Moura à la suite d’une opération antiterroriste menée par les forces armées maliennes avec l’implication présumée du groupe Wagner.  Il a demandé une enquête urgente, transparente et impartiale afin de traduire les responsables en justice.  Le Gouvernement malien doit accorder à la MINUSMA un accès complet à Moura sans plus tarder, a exigé le représentant, qui s’est inquiété de la tendance manifeste à une recrudescence des violations des droits humains depuis le déploiement du groupe Wagner au Mali.  Tout comme la présence de mercenaires russes a entraîné une augmentation des violations des droits humains et des abus en République centrafricaine l’année dernière, nous craignons de voir la même chose au Mali, a ajouté le représentant.   

Soulignant que la MINUSMA doit être en mesure de mener à bien ses tâches en matière de droits humains, le délégué a dénoncé les restrictions croissantes imposées par les autorités maliennes aux opérations de la Mission, appelant au respect de la liberté de circulation et l’accord sur le statut des forces.  En ce qui concerne la transition politique, il a appuyé le dialogue de la CEDEAO avec les autorités maliennes sur l’établissement d’un calendrier révisé pour les élections, afin que les sanctions puissent être progressivement levées.  

M. ISSA KONFOUROU (Mali) a assuré que le retour à l’ordre constitutionnel au Mali figure parmi les priorités du Gouvernement de transition.  Il a cependant fait valoir que l’instabilité politique et institutionnelle de son pays prend son origine dans des élections mal organisées et dans la mauvaise gouvernance.  C’est pourquoi, a-t-il dit, le Gouvernement de transition tient à faire des réformes majeures visant notamment à assurer une stabilité des institutions, tout en créant les conditions minimales de sécurisation pour permettre la tenue d’élections.  À cette aune, il a demandé la levée immédiate des sanctions « injustes, illégales, illégitimes et inhumaines » prises par la CEDEAO et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), non sans dénoncer un acharnement visant à asphyxier le peuple malien, à le punir pour ses choix politiques et à obtenir un changement de régime.  Évoquant ensuite la situation sécuritaire, le délégué a indiqué que le Gouvernement continue de renforcer les capacités des forces armées maliennes, ce qui « donne des résultats très encourageants » sur le terrain.  Depuis décembre 2021, a-t-il rappelé, les forces de défense et de sécurité maliennes infligent de lourdes pertes aux groupes extrémistes et sécurisent les populations.  À ce sujet, il a souhaité répondre aux accusations selon lesquelles le Gouvernement malien recourrait à une société de sécurité privée.  « Je le redis ici et avec force: le Mali n’a pris aucun engagement de cette nature », a-t-il protesté, reconnaissant toutefois qu’à la faveur de sa coopération avec la Russie, son pays continue de se procurer du matériel militaire pour sa sécurité et fait appel à des instructeurs russes.  

S’agissant de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, le délégué a assuré que le Gouvernement reste engagé à permettre son accélération, tout comme il est déterminé à renforcer la participation des femmes au processus de paix.  Si le processus de désarmement, démobilisation et réintégration/réinsertion (DDR) connaît quelques difficultés, en dépit des propositions du Gouvernement, ce dernier est dans l’attente de la liste des mouvements signataires pour permettre le démarrage du volet réinsertion des anciens combattants, a précisé M. Konfourou.  Il a également souligné que, contrairement aux affirmations du Secrétaire général, le Gouvernement reste engagé dans la mise en œuvre des programmes de développement des régions du Nord.  

Abordant ensuite la situation des droits humains, le représentant a reconnu que la crise complexe que traverse le Mali depuis une dizaine d’années et la perte du contrôle de certaines parties du territoire national ont entraîné des atteintes à ces droits.  Cependant, il n’y a aucune volonté délibérée des autorités maliennes d’accorder des « primes à l’impunité », a-t-il affirmé, relevant que la justice malienne est systématiquement saisie chaque fois que des violations sont signalées.  Il a précisé que les opérations militaires en cours dans la zone de Moura font suite à des renseignements qui ont permis de localiser la tenue d’une rencontre entre différents « katibas » et ont confirmé que ce secteur était un « sanctuaire terroriste ».  À propos des « événements de Moura », il a signalé l’ouverture, par la Gendarmerie nationale, d’enquêtes approfondies sur les allégations d’exactions présumées commises en mars sur des civils dans cette zone.  En attendant les conclusions de ces investigations, il a appelé toutes les parties prenantes à la retenue et à éviter les qualificatifs de massacres ainsi que les allégations sans fondement proférées à l’encontre des forces armées maliennes.   

Il a par ailleurs estimé que la détérioration continue de la situation humanitaire au Mali est due à la mauvaise saison de pluie enregistrée l’année dernière, à l’impact négatif des sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA sur les populations, ainsi qu’à l’insécurité dans les régions du centre du pays.  Pour y remédier, le Gouvernement travaille, avec l’appui des partenaires bilatéraux et multilatéraux, à apporter l’assistance nécessaire aux Maliens en situation de vulnérabilité, a-t-il dit, avant d’insister à nouveau sur la nécessaire levée des sanctions, « surtout au moment où nos forces armées gagnent en confiance et remportent des victoires sur plusieurs fronts ».

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le Président de l’Ukraine appelle à établir les responsabilités pour le « massacre » de Boutcha

9011e séance – matin
CS/14854

Conseil de sécurité: le Président de l’Ukraine appelle à établir les responsabilités pour le « massacre » de Boutcha

Trois jours après l’apparition des « images horribles » des tués à Boutcha, selon les mots du Secrétaire général, le Président de l’Ukraine a exigé, ce matin devant le Conseil de sécurité, que tous ceux ayant donné ces « ordres criminels » soient jugés, « comme ce fut le cas à Nuremberg », exhortant en outre à réformer le système des Nations Unies « afin que le droit de veto ne soit pas le droit de tuer ». 

« Le Conseil de sécurité doit agir en faveur de la paix », a souligné M. Volodymyr Zelenskyy.  Et si vous ne savez pas comment faire, alors vous pouvez exclure la Russie du Conseil comme «agresseur et faiseur de guerre», afin qu’elle ne puisse pas bloquer les décisions qui concernent sa propre guerre, l’autre option étant de réformer le système de sécurité et d’œuvrer à la paix.  Et si rien de tout cela n’est possible, la seule solution serait de dissoudre le Conseil de sécurité, a-t-il lancé. 

De retour de Boutcha où il s’était rendu la veille, M. Zelenskyy, qui intervenait par visioconférence, a notamment accusé les troupes russes de détruire délibérément des villes entières, d’affamer les populations, et d’avoir déporté des centaines de milliers de personnes.  Dans les territoires occupés, les civils sont tués en grand nombre et le massacre à Boutcha n’est qu’un exemple parmi d’autres de ce que les forces d’occupation ont fait sur le territoire ukrainien, a-t-il ajouté, tout en soulignant que les images satellitaires fournissent d’innombrables preuves permettant d’établir les responsabilités avec certitudes.  « Il faut montrer au monde que les plus puissants peuvent eux aussi être punis », a-t-il clamé. 

Le Président ukrainien a ensuite invité le Conseil, « puisque ses membres ne peuvent se rendre sur le terrain », à visionner une courte vidéo montrant « ce qui se passe lorsque les agresseurs restent impunis » et sur laquelle on pouvait voir une succession d’images de corps de civils, parfois calcinés, jonchant les rues de plusieurs localités ukrainiennes, notamment Boutcha, Marioupol et Irpin. 

Les « spécialistes ukrainiens de la mise en scène » n’en resteront pas là, a dénoncé la Fédération de Russie qui a  accusé les forces militaires ukrainiennes d’avoir réalisé un tournage mettant en scène des populations civiles tuées dans le but de diffuser ces images dans les médias internationaux.  Cette « carte  ukrainienne » est jouée pour « semer l’hystérie générale » et « attiser la campagne antirusse », a dénoncé le représentant qui a insisté sur les efforts déployés « chaque jour » par son pays pour mettre en place des couloirs humanitaires. 

 « Nous ne sommes pas venus pour prendre des terres », a affirmé le représentant pour qui l’Ukraine, « où les nazis font la loi », ne serait qu’un pion dans « le jeu géopolitique des Occidentaux contre la Russie ».  « Nous sommes venus apporter la paix tant attendue dans le Donbass qui saigne.  Et pour cela, il faut découper cette tumeur cancéreuse nazie qui, dévorant l’Ukraine, finira par dévorer aussi la Russie », a-t-il martelé. 

Chargé de discuter avec les deux parties des moyens de mettre en place un cessez-le-feu humanitaire, le Coordonnateur des secours d’urgence a rapporté avoir eu, hier à Moscou, de « longs et francs » échanges avec le Ministre russe des affaires étrangères ainsi qu’avec le Sous-Ministre de la défense.  M. Martin Griffith a dit avoir évoqué la possibilité d’un gel militaire mutuellement convenu pour permettre l’évacuation des civils et le passage en toute sécurité de l’aide vitale, ajoutant qu’il espère se rendre en Ukraine dès demain pour mener des discussions sur ces mêmes questions.   

Alertant pour sa part que la situation sécuritaire en Ukraine s’est considérablement détériorée, la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix a indiqué qu’au moins 1 480 civils ont été tués et au moins 2 195 personnes ont été blessées depuis le début de la guerre en Ukraine, mais que les chiffres réels seraient considérablement plus élevés. 

Mme Rosemary DiCarlo a par ailleurs souligné que tout progrès dans les négociations doit se traduire rapidement par des actions sur le terrain.  La réduction du nombre de troupes russes et des attaques autour de Kiev et de Tchernihiv ne doit pas répondre à des considérations tactiques, afin de repositionner les forces en vue de mener de nouvelles attaques ailleurs, a-t-elle notamment prévenu. 

À l’instar de la France, la grande majorité des délégations a convenu qu’avec les images de charniers et d’exactions de masse contre des civils à Boutcha, Borodianka et Motyiyn, « la guerre d’agression que la Russie livre contre l’Ukraine a franchi un nouveau cap dans l’horreur ».  Des enquêtes crédibles et indépendantes doivent être menées afin de permettre aux juridictions nationales et internationales compétentes de juger les responsables, a plaidé la délégation française. 

« Le fait que la vérité à Boutcha soit contestée, alors même que le monde contemple des civils assassinés les mains liées dans le dos, est un signe sûr que l’on se trouve au bord du précipice », a alerté pour sa part le Kenya qui a fait le parallèle avec le génocide au Rwanda en avril 1994, où là aussi certains membres du Conseil contestaient « l’horrible vérité » d’un million de personnes assassinées. 

Plus de 30 ans après la fin de la guerre froide, cette « tragédie géopolitique » exige une réflexion profonde, qui doit remettre au premier plan la nécessité de respecter la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale des États, a opiné à son tour la Chine pour qui les sanctions ne sont pas le moyen adéquat de régler un conflit comme celui qui sévit en Ukraine. 

Le Conseil de sécurité a également entendu le Secrétaire général attirer l’attention sur les graves dommages causés par la guerre à l’économie mondiale, exhortant notamment les pays à maintenir les marchés ouverts, à résister aux restrictions à l’exportation injustifiées et inutiles, et à mettre des réserves à la disposition des pays menacés de faim et de famine.  « L’heure n’est pas au protectionnisme », a-t-il averti. 

LETTRE DATÉE DU 28 FÉVRIER 2014, ADRESSÉE À LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’UKRAINE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2014/136)

Déclarations

Avant l’adoption de l’ordre du jour, M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a reproché à la présidence britannique de ne pas avoir accéder à la demande formulée le 4 avril par la Russie de tenir une réunion à la suite des « horribles provocations ukrainiennes » à Boutcha.  Accusant la Présidence d’avoir foulé aux pieds le règlement intérieur du Conseil, le délégué a réclamé des garanties sur la tenue de réunions à la demande d’un des membres du Conseil de sécurité. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a indiqué que la présidence n’a pas refusé la demande russe, mais a proposé, dans un délai inférieur à 48 heures, de combiner cette réunion avec celle prévue ce jour. 

Le délégué russe a ensuite affirmé avoir en sa possession des éléments factuels démentant cette déclaration de la Présidente.  Cette dernière a assuré qu’elle ne refusera pas la tenue d’une réunion à la demande d’un membre du Conseil, a-t-il insisté. 

« Je n’oublierai jamais les images horribles de civils tués à Boutcha », a déclaré M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, précisant avoir demandé la tenue d’une enquête indépendante pour en établir les responsabilités.  Il a également dit être profondément choqué par les témoignages personnels de viols et de violences sexuelles qui sont en train d’émerger. 

Axant son intervention sur les graves dommages causés à l’économie mondiale, et en particulier aux personnes vulnérables et aux pays en développement, le Secrétaire général a indiqué que 74 pays en développement, avec une population totale de 1,2 milliard d’habitants, sont particulièrement vulnérables à la flambée des coûts de la nourriture, de l’énergie et des engrais provoquée par la guerre.  Il a indiqué que les titres de créance absorbent environ 16% des recettes d’exportation des pays en développement, ce chiffre atteignant 34% pour les petits États insulaires en développement, en raison de l’augmentation des taux d’intérêt et de la nécessité de payer les importations. 

En mars, les prix du blé ont augmenté de 22%, ceux du maïs de 21% et ceux de l’orge de 31%, a énuméré M. Guterres.  Et au 1er avril, les prix du baril de Brent étaient de 60% plus élevés qu’à la même période l’an dernier, tandis que les prix du gaz naturel et des engrais ont plus que doublé au cours de la même période.  Certains pays sont passés de la vulnérabilité à la crise et des signes de graves troubles sociaux se manifestent.  Et maintenant que tous les signaux d’alarme sont au rouge, nous avons le devoir d’agir, a-t-il souligné. 

Le Secrétaire général a ensuite indiqué que le Groupe chargé d’apporter des réponses aux crises mondiales de l’alimentation, de l’énergie et des financements, qu’il a créé le mois dernier, a formulé plusieurs recommandations à l’intention des États Membres, des institutions financières internationales et autres. 

S’agissant de l’alimentation, M. Guterres a exhorté tous les pays à maintenir les marchés ouverts, à résister aux restrictions à l’exportation injustifiées et inutiles, et à mettre des réserves à la disposition des pays menacés de faim et de famine.  L’heure n’est pas au protectionnisme, a-t-il averti, appelant au plein financement des appels humanitaires et soulignant que les populations en situation de crise dans le monde ne peuvent pas payer le prix de cette guerre. 

Concernant l’énergie, le Secrétaire général a estimé que l’utilisation de stocks stratégiques et de réserves supplémentaires pourrait contribuer à atténuer cette crise énergétique à court terme.  Selon lui, la seule solution à moyen et long terme est d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables, qui ne sont pas impactées par les fluctuations du marché.  Pour ce qui est de la finance, les institutions financières internationales doivent passer en mode d’urgence, a-t-il ajouté. 

M. Guterres a également exhorté le G20 et les institutions financières internationales à agir avec urgence et accroître les liquidités et la marge de manœuvre budgétaire pour permettre aux gouvernements de fournir des filets de sécurité aux plus pauvres et aux plus vulnérables.  La réforme du système financier mondial se fait attendre depuis trop longtemps, a-t-il déploré, notant qu’une telle réforme est étroitement liée à la prévention ainsi qu’à la consolidation et la pérennisation de la paix. 

« La guerre en Ukraine doit cesser immédiatement », a exigé le Secrétaire général, réclamant des négociations sérieuses pour la paix, fondées sur les principes de la Charte des Nations Unies.  Il a profondément regretté les divisions qui ont empêché le Conseil de sécurité d’agir et l’a exhorté à faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre fin à la guerre et atténuer ses répercussions, tant sur le peuple ukrainien que sur les personnes vulnérables et les pays en développement.  

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a déclaré que, depuis son dernier exposé au Conseil le 17 mars, la situation sécuritaire en Ukraine s’est considérablement détériorée. « Le nombre de civils ukrainiens tués a plus que doublé. Les villes ukrainiennes sont impitoyablement pilonnées, souvent aveuglément, par l’artillerie lourde et les bombardements aériens », a-t-elle déploré.  Et des centaines de milliers de personnes, dont des enfants, des personnes âgées et des handicapés, restent piégées dans les zones encerclées dans des conditions cauchemardesques. La dévastation de Marioupol et d’autres villes ukrainiennes est l’une des manifestations les plus honteuses de cette « guerre insensée », a insisté la haute fonctionnaire.  L’horreur s’est encore aggravée le week-end dernier, avec l’apparition d’images choquantes de civils morts, certains les mains liées, gisant dans les rues de Boutcha, banlieue de Kiev autrefois tenue par les forces russes. De nombreux corps ont également été retrouvés dans une fosse commune dans la même localité, a encore précisé la Secrétaire générale adjointe.  Les informations transmises par des organisations non gouvernementales et des médias font également état d’exécutions sommaires de civils, de viols et de pillages dans les régions de Tchernihiv, Kharkiv et Kiev. 

Parallèlement, les efforts diplomatiques déployés pour mettre fin à cette guerre, y compris sous la forme de pourparlers directs entre les représentants ukrainiens et russes, se sont poursuivis.  « Nous félicitons le Gouvernement de la Turquie d’accueillir ces discussions, ainsi que les efforts de nombreux autres interlocuteurs qui s’engagent auprès de la Russie et de l’Ukraine pour contribuer à l’avènement de la paix. »  Tout progrès dans les négociations devra cependant se traduire rapidement par des actions sur le terrain, a prévenu Mme DiCarlo.  La réduction du nombre de troupes russes et des attaques autour de Kiev et de Tchernihiv ne devrait pas simplement répondre à des considérations tactiques, afin de repositionner les forces en vue de mener de nouvelles attaques ailleurs, a-t-elle dit.  Elle a rappelé que l’Assemblée générale a demandé à deux reprises que les forces russes se retirent entièrement du territoire ukrainien et cessent toute opération militaire. 

Mme DiCarlo a aussi pris note du retrait annoncé des forces russes des environs du site nucléaire de Tchernobyl, qui devrait permettre à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), « nous l’espérons », de mener une mission d’assistance et de soutien pour fournir des conseils techniques et livrer des équipements dans les meilleurs délais.  Tous les sites nucléaires en Ukraine doivent être entièrement protégés et sécurisés et les opérations militaires à l’intérieur ou autour de ces sites évitées, a insisté la Secrétaire générale adjointe. 

Selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), entre le 24 février et le 4 avril 2022, au moins 1 480 civils ont été tués et au moins 2 195 personnes ont été blessées, mais il estime que les chiffres réels sont considérablement plus élevés, a relevé Mme DiCarlo.  Elle s’est dite gravement préoccupée par l’utilisation persistante, dans ou près des zones fortement peuplées, d’armes explosives, qui ont causé la plupart des pertes civiles ainsi que des dégâts massifs d’infrastructures civiles, notamment dans les immeubles résidentiels, les hôpitaux, les écoles, les stations d’épuration et les réseaux électriques.  Le HCDH a également reçu des allégations crédibles selon lesquelles les forces russes se sont servies d’armes à sous-munitions dans des zones peuplées à au moins 24 reprises, a-t-elle relayé avant de dire que les allégations selon lesquelles les forces ukrainiennes ont utilisé de telles armes font également l’objet d’une enquête. 

Mme DiCarlo s’est enfin inquiétée des informations faisant état de cas d’arrestations arbitraires et de disparitions forcées de personnes qui se sont élevées contre l’invasion russe.  Enfin, elle a fait part d’allégations de violences sexuelles perpétrées par les forces russes, notamment des viols collectifs et des viols commis devant des enfants.  Il existe également des allégations de violences sexuelles commises par les forces ukrainiennes et les milices de défense civile, a-t-elle ajouté.  « La mission de surveillance des droits de l’homme des Nations unies en Ukraine s’efforce de vérifier toutes ces allégations », a indiqué en conclusion la Secrétaire générale adjointe. 

S’exprimant depuis Genève, M. MARTIN GRIFFITHS, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a rappelé qu’au cours des six dernières semaines, au moins 1 430 personnes ont été tuées en Ukraine, parmi lesquelles plus de 121 enfants, des chiffres probablement sous-estimés selon lui.  Outre les habitations et infrastructures civiles endommagées et détruites, près de 11 millions de personnes ont déjà été contraintes de fuir leur foyer, dont plus de 4,2 millions dans des pays voisins. Dans ce contexte, a-t-il rappelé, des familles, des personnes âgées, des femmes et des enfants sont pris au piège des combats, notamment à Marioupol, depuis plus de cinq semaines. D'autres villes comme Tchernihiv, Soumy et Kharkiv restent coupées des biens et services essentiels.  Or, des obstacles empêchent l’aide d’arriver aux civils, a dénoncé le haut fonctionnaire, appelant les parties au conflit à respecter leurs obligations en droit international humanitaire.  Il a ajouté qu’alors que les besoins humanitaires montent en flèche, l'ONU et ses partenaires mettent tout en œuvre pour augmenter le soutien aux populations civiles. Saluant le travail des 6 000 volontaires de la Croix-Rouge ukrainienne, ainsi que l’action des ONG locales dans l'est de l'Ukraine, il a indiqué que le Programme alimentaire mondial (PAM) a aidé plus de 1,3 million de personnes par le biais d’une assistance financière et alimentaire.  L’agence onusienne prévoit d’atteindre environ 2,5 millions de personnes ce mois-ci, a-t-il précisé, avant de faire également état de la livraison de plus de 180 tonnes de fournitures médicales et de l’acheminement en cours de 470 tonnes supplémentaires. Il s’agit là, selon lui, de répondre aux besoins de santé d'environ six millions de personnes dans les mois à venir.  

Le Coordonnateur des secours d’urgence s’est ensuite déclaré préoccupé par le nombre croissant d’informations sur des cas de traite des êtres humains, de violence, d’exploitation et d’abus en Ukraine et dans toute la région. Face à ces horribles incidents qui affectent principalement les femmes et les enfants déplacés, l’ONU s’emploie à renforcer les services de protection et de lutte contre la violence sexiste pour fournir des soins spécialisés aux survivants, a-t-il dit.  M. Griffiths a indiqué être revenu dans la nuit de Moscou.  « Le Secrétaire général m’a confié la tâche de discuter avec les deux parties pour explorer les moyens de mettre en place des mesures susceptibles d’alléger les souffrances, notamment un cessez-le-feu humanitaire. »  M. Griffiths a affirmé avoir eu, hier à Moscou, de longs et francs échanges avec le Ministre russe des affaires étrangères et son adjoint, ainsi qu’avec le Sous-Ministre de la défense. Au cours de ces réunions, il a dit avoir évoqué les convois humanitaires, y compris les quatre qui ont pu avancer.  Il a également évoqué la possibilité d’un gel militaire mutuellement convenu pour permettre l'évacuation des civils et le passage en toute sécurité de l'aide vitale. Mes interlocuteurs m'ont assuré de leur l'intention d'étudier attentivement ces idées, a relaté le Secrétaire général adjoint, selon lequel un long chemin reste à parcourir. Demain, a-t-il poursuivi, j'espère me rendre en Ukraine pour mener des discussions avec de hauts responsables du Gouvernement ukrainien sur ces mêmes questions.  

M. Griffiths a relevé que, grâce aux généreuses contributions des donateurs, la réponse humanitaire depuis le mois de février s’est intensifiée, permettant de répondre aux besoins de 1,4 million de personnes.  Nous aurons besoin d'un fort soutien financier pour combler les besoins en Ukraine, a-t-il souligné, avertissant que ce financement ne doit pas être détourné d'autres crises, d’autant plus que les conflits, les chocs climatiques et la pandémie de COVID-19, aggravés par la flambée des prix des aliments et du carburant, pourraient pousser 47 millions de personnes supplémentaires dans l’insécurité alimentaire aigue. Avant de conclure, il a fait valoir que « le monde ne peut pas se permettre cette guerre ».  Appelant tous les membres du Conseil et tous les États Membres influents à soutenir les efforts de paix et d’atténuation des souffrances humanitaires, il a réaffirmé que, dans l'intérêt du peuple ukrainien et de tous ceux qui sont confrontés au fardeau supplémentaire que cette guerre leur impose, « nous devons faire taire les armes ». 

M. VOLODYMYR ZELENSKYY, Président de l’Ukraine, s’exprimant par visioconférence, a indiqué s’être rendu hier à Boutcha où les forces militaires ont commis d’innombrables crimes, tuant des civils dans leurs jardins et brûlant des corps.  D’autres ont été tués dans leurs appartements et même dans leur voilure alors qu’ils tentaient de fuir et des femmes ont été violées devant leurs enfants du fait d’« un membre permanent du Conseil de sécurité ».  L’objectif russe est de tuer le plus grand nombre possible de civils et d’exporter ces pratiques dans d’autres pays, a accusé le Président ukrainien, évoquant la découverte de charniers.  Il a également alerté que le conflit pourrait déboucher sur la famine en Afrique et en Asie et semer le chaos aux quatre coins du monde du fait de l’insécurité alimentaire. 

Les troupes russes détruisent délibérément des villes entières, affament les populations et visent des convois de civils qui cherchent à fuir les hostilités et font sauter les abris.  Dans les territoires occupés, les civils sont tués en grand nombre et le massacre à Boutcha n’est qu’un exemple parmi d’autres de ce que les forces d’occupation ont fait sur le territoire ukrainien, a-t-il ajouté, évoquant notamment la situation à Kharkiv et Marioupol.  Il a prédit que les dénégations probables russes viendront s’ajouter à celles déjà lancées après la mort des passagers du vol de la Malaysian Airlines ou les atrocités en Syrie.  Mais les images satellitaires fournissent d’innombrables preuves qui sont disponibles pour la presse et la Cour Pénale internationale (CPI) afin d’établir les responsabilités avec certitude.  Il faut montrer au monde que les plus puissants peuvent eux aussi être punis, a-t-il clamé. 

Le Président Zelenskyy a ensuite accusé les Russes de vouloir s’accaparer des richesses ukrainiennes et de coloniser l’Ukraine, affirmant que des centaines de milliers de personnes ont déjà été déportées.  La Russie veut que l’Ukraine tombe en esclavage, a-t-il dénoncé.  Et le droit de veto est devenu le droit de tuer et de commettre les crimes en toute impunité .  Si cette situation continue, alors nous ne pourrons plus compter sur les institutions internationales, mais uniquement sur les armes pour nous défendre, a-t-il averti.  Il a appelé à réformer le système des Nations Unies « afin que le droit de veto ne soit pas le droit de tuer » et que l’agresseur rende des comptes immédiatement, évoquant notamment la situation en Syrie et en Libye.  Le Président ukrainien a également rappelé que le monde avait fermé les yeux sur l’occupation de la Crimée, la guerre en Géorgie et la situation en Transnistrie.  Pour mettre fin à ces actions, il a exigé que tous ceux ayant donné ces « ordres criminels » soient jugés, « comme ce fut le cas à Nuremberg ». 

Poursuivant, le Président ukrainien a appelé à convoquer une conférence internationale à Kiev pour tabler sur la réforme du système de sécurité internationale, afin de fournir des garanties sur la reconnaissance des frontières et l’intégrité territoriale des États.  L’ONU doit pouvoir punir ceux qui bafouent les principes de la paix et l’Ukraine est même prête à accueillir un bureau qui serait consacré aux questions de prévention des conflits, a indiqué le Président qui a rappelé que son pays a toujours apporté son aide aux personnes dans le besoin, comme ce fut le cas avec l’évacuation d’un millier d’Afghans l’an dernier.  

M. Zelenskyy a ensuite appelé le Conseil de sécurité à agir en faveur de la paix.  « Si vous ne savez pas comment faire, alors vous pouvez exclure la Russie du Conseil comme agresseur et faiseur de guerre», afin qu’elle ne puisse pas bloquer les décisions qui concernent sa propre guerre et son agression.  L’autre option est de réformer le système de sécurité et d’œuvrer à la paix.  Et si rien de tout cela n’est possible, la seule solution serait de dissoudre le Conseil de sécurité, a-t-il lancé. 

Le Président a enfin invité le Conseil, « puisque ses membres ne peuvent se rendre sur le terrain », à visionner une courte vidéo montrant « comment un pays peut violer les droits et ce qui se passe lorsque les agresseurs restent impunis ».  Sur cette vidéo, on pouvait voir une succession d’images de corps de civils, parfois calcinés, jonchant les rues de plusieurs localités ukrainiennes, notamment Boutcha, Marioupol et Irpin.

Mme LINDA THOMAS GREENFIELD (États-Unis), a indiqué qu’elle venait de rentrer d’un voyage en Moldavie et en Roumanie où elle a vu de ses propres yeux la crise des réfugiés causée par « la guerre inadmissible de la Russie ».  Les voisins de l’Ukraine portent le poids de la plus importante crise de réfugiés en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, a-t-elle soulignée.  Elle a ensuite indiqué que les États-Unis sont prêts à fournir plus d’un milliard de dollars pour appuyer l’aide humanitaire aux personnes touchées par la guerre en Ukraine et à accueillir jusqu’à 100 000 Ukrainiens. 

Revenant sur les images de corps sans vie gisant dans les rues de Boutcha, apparemment sommairement exécutés, les mains liées dans le dos, Mme Thomas-Greenfield a indiqué que son gouvernement est d’avis que des membres des forces russes ont commis des crimes de guerre en Ukraine.  Elle a parlé d’informations faisant état d’enfants enlevés - ainsi que des maires, des médecins, des chefs religieux, des journalistes et d’autres qui osent défier l’agression de la Russie. Certains d’entre eux, selon des informations crédibles, auraient été emmenés dans des soi-disant « camps de filtration », où les forces russes auraient relocalisé des dizaines de milliers de civils ukrainiens en Russie.  C’est effrayant, s’est indignée la représentante.  Chaque jour, il devient plus clair à quel point la Russie ne respecte pas les droits humains, a poursuivi Mme Thomas-Greenfield, justifiant ainsi le fait que les États-Unis aient annoncé hier, en coordination avec l’Ukraine et de nombreux autres États Membres de l’ONU, vouloir demander la suspension de la Russie du Conseil des droits de l'homme. 

Compte tenu de la montagne croissante de preuves, la Russie ne devrait pas occuper une position d’autorité dans cet organe, et dont elle se sert comme plateforme de propagande pour suggérer qu’elle a des préoccupations légitimes pour les droits humains, a justifié la représentante y voyant le comble de l’hypocrisie.  S’attendant à entendre une partie de cette propagande ici aujourd’hui, la représentante a estimé que chaque nouveau mensonge du représentant russe est une preuve supplémentaire que la Russie n’a pas sa place au Conseil des droits de l’homme.  Suspendre la Russie du Conseil des droits de l’homme est quelque chose que nous avons, collectivement, le pouvoir de faire à l’Assemblée générale, a-t-elle souligné.  Alors franchissons ce pas pour aider les Ukrainiens à reconstruire leur vie et soyons à la hauteur du courage du Président Zelenskyy. 

« Nous sommes aux côtés de tous les Ukrainiens », a déclaré M. FERIT HOXHA (Albanie).  Le délégué a rappelé des faits essentiels de cette guerre entrée dans son second mois.  La Russie marque le pas, ne s’est pas emparée de Kiev et a dû renoncer à ses rêves d’empire, même si elle continue de pilonner l’Ukraine.  Il a souligné les souffrances indicibles en Ukraine, avant de dénoncer les actes insoutenables commis à Boutcha, « cimetière à ciel ouvert », témoin des atrocités russes.  Qui va croire qu’il s’agit d’une mise en scène, qui va croire la Russie alors que nous avons tous vu les images? 

Le délégué a demandé des enquêtes détaillées sur ces atrocités, soulignant que la Russie ne peut échapper à l’établissement des responsabilités.  Il a relayé l’appel pour une suspension de la Russie du Conseil des droits de l’homme, tant sa présence est une « farce et une profanation de cet organe, sanctuaire du droit ». Il a estimé, qu’avec la concentration des forces russes dans l’est de l’Ukraine, le monde doit s’attendre à de nouvelles atrocités dans ce qui va devenir une guerre d’usure.  Le délégué a relevé que l’armée russe a été tenue en échec par la résistance ukrainienne et que la Russie est devenue en quelques jours seulement le pays le plus isolé au monde, un véritable « paria », l’exhortant à quitter l’Ukraine. 

Mme EDWIGE KOUMBY MISSAMBO (Gabon) a alerté que les répercussions de la catastrophe humanitaire effroyable de la guerre en Ukraine seront sans doute aggravées par les risques d’insécurité alimentaire due à l’imprévisibilité des récoltes avec des effets transrégionaux.  Elle a dénoncé les attaques contre les infrastructures et les personnels humanitaires, soulignant que ces derniers doivent pouvoir acheminer l’aide humanitaire dans tous les lieux où elle est nécessaire.  Des convois d’évacuation sécurisés doivent également pouvoir être édifiés pour permettre le bon déroulement des évacuations des personnes qui souhaitent quitter les zones de combat.  La situation à Marioupol, pour ne citer que cette ville, devient proprement intenable, a-t-elle ajouté.  La représentante a également appelé à commanditer une enquête libre et indépendante, sous la houlette des Nations Unies, pour faire toute la lumière sur les victimes et sur les circonstances des exactions commises à Boutcha. 

Soulignant que le retour à la paix en Ukraine ne se fera pas par des échanges d’invectives, la déléguée a jugé urgent que les parties s’engagent résolument dans le temps de la négociation en vue d’un arrêt des hostilités.  Elle a espéré que les négociations qui se poursuivent à Istanbul aboutiront à court terme à un cessez-le-feu, afin de créer le climat de confiance et de mettre en place l’accalmie nécessaire pour que « la diplomatie donne de la voix et que les armes se taisent ». 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a rappelé les efforts déployés « chaque jour » par son pays pour mettre en place des couloirs humanitaires, accusant la « partie ukrainienne » de ne pas se conformer à ses obligations.  Il a affirmé que, depuis Marioupol à l’est, « sans aucune participation de la partie ukrainienne », la Russie aurait déjà réussi à sauver 123 686 personnes.  Selon lui, plus de 602 000 civils ont déjà été évacués vers la Russie depuis le début de l’opération militaire spéciale, dont plus de 119 000 enfants.  « Et nous ne parlons d’aucune forme de coercition ou d’enlèvement, comme nos partenaires occidentaux aiment à les dépeindre.  Les nombreuses vidéos disponibles sur les réseaux sociaux témoignent qu’il s’agit d’une décision volontaire de la part de ces personnes », s’est-il justifié. 

Reconnaissant les répercussions des événements en Ukraine sur la crise alimentaire mondiale, le délégué russe a considéré que ce n’est pas le principal facteur de cause d’une telle crise, évoquant notamment les mines ukrainiennes disséminées en mer Noire et le refus de Kiev de permettre l’ouverture de couloirs humanitaires pour les navires.  Et comment ne pas tenir compte des sanctions bancaires et commerciales unilatérales imposées par les États-Unis et l’UE à l’encontre de la Russie, qui entraînent des problèmes de transactions, d’assurance, de logistiques, et de chaînes d’approvisionnement?  a-t-il lancé.  « Après tout, il ne serait pas exagéré de dire que si celles-ci étaient annulées ou atténuées, la crise alimentaire serait beaucoup moins prononcée.  

S’adressant ensuite directement au Président de l’Ukraine, le représentant russe a indiqué que l’élection de ce dernier en 2019 a suscité de nombreux espoirs parmi la population russophone, « qui ne se sont hélas pas réalisés ».  Maintenant, a-t-il déploré, vous appelez « avec mépris » les habitants des « républiques populaires » de Donetsk et de Lougansk des « mutants » et avez déjà pris les armes contre votre langue maternelle russe, en lançant une « inquisition linguistique » dans un pays où il s’agit de la langue natale d’au moins 40% de la population. 

On nous dit qu’il ne peut y avoir de nazis en Ukraine, s’est étonné le représentant russe.  « Cependant, nous savons parfaitement qu’ils y font la loi », a-t-il lancé.  Et comment pourrait-il en être autrement, puisque les héros nationaux ukrainiens sont des « collaborateurs nazis » qui ont non seulement participé à l’Holocauste, mais sont aussi coupables des meurtres de centaines de milliers de Polonais, Russes et Ukrainiens pacifiques.  « Vous avez simplement choisi de prétendre qu’ils n’existent pas », a accusé M. Nebenzia.  Mais, malheureusement, ils sont nombreux et ne s’en cachent pas, a-t-il déploré, évoquant des jeunes arborant des tatouages nazis et des croix gammées sur leurs vêtements, se saluant comme des nazis, et en faisant étalage sur les réseaux sociaux.  Il a également affirmé que les membres du bataillon Azov « tuent comme des nazis », en les accusant de faire preuve d’une « cruauté sans précédent » envers la population civile, dont ils se servent comme « boucliers humains ».  

 Comment en sommes-nous arrivés là, cher Volodymyr Oleksandrovytch, à une telle cruauté non slave, à un désir si aveugle de complaire aux patrons occidentaux de l’Ukraine pour qui le pays n’est qu’un pion dans un jeu géopolitique contre la Russie?  « Nous ne sommes pas venus pour prendre des terres, a affirmé M. Nebenzia.  Nous sommes venus apporter la paix tant attendue dans le Donbass qui saigne.  Et pour cela, il faut éradiquer la cruauté dont j’ai parlé, découper cette tumeur cancéreuse nazie qui, dévorant l’Ukraine, finira par dévorer aussi la Russie », a-t-il martelé. 

Et nous atteindrons cet objectif; il ne peut y avoir d’autre issue , a insisté le représentant qui a expliqué que comme la Russie épargne les civils afin de sauver le plus de vies possibles, elle n’avance pas aussi vite que beaucoup l’espéraient.  « Nous n’agissons pas comme les Américains et leurs alliés en Iraq et en Syrie, qui ont effacé des villes entières de la surface de la terre », a encore accusé le représentant.  À l’en croire, les radicaux « n’ont rien à perdre », comme l’a clairement démontré selon lui la provocation de Boutcha.  « Ne laissez pas l’Occident réaliser ses plans, Vladimir Oleksandrovytch.  Prenez les bonnes décisions pour votre pays, car l’Occident est prêt à se battre en Ukraine jusqu’au dernier Ukrainien. » 

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a constaté que les appels à mettre fin à cette guerre restent sans réponse 40 jours après le début de l’invasion russe de l’Ukraine. Au lieu de cela, nous sommes les témoins d’un niveau de destruction qui n’a plus été vu en Europe depuis de nombreuses années.  Au cours des 48 dernières heures, a-t-elle poursuivi, nous avons vu des images choquantes de civils gisant morts dans les rues de Boutcha et entassés dans des charniers improvisés.  « Les tentatives visant à nier la culpabilité russe sont épouvantables dans leur cynisme et insultent la mémoire de ces civils massacrés », a martelé la représentante, avant de condamner les atrocités qui auraient été commises par les forces armées russes dans nombre de villes ukrainiennes occupées.  Pour Mme Byrne Nason, les autorités russes sont responsables de ces atrocités, perpétrées alors qu’elles contrôlaient la zone.  Il ne peut y avoir d'impunité pour de tels crimes, « plus jamais », a-t-elle souligné, souhaitant que des enquêtes soient menées et que des preuves soient conservées afin que ces crimes soient poursuivis par les tribunaux nationaux et internationaux, y compris la Cour pénale internationale (CPI).  Elle a également appelé la Fédération de Russie à se conformer à la décision la Cour internationale de Justice (CIJ) lui enjoignant de cesser immédiatement ses activités militaires en Ukraine. 

La déléguée a par ailleurs fait état de nombreux cas de violences sexuelles attribuées à des soldats russes, avant de rappeler que de telles violences liées au conflit peuvent constituer un crime de guerre et exigent que leurs auteurs soient tenus pour responsables.  « La violence sexuelle est un autre crime odieux de cette guerre et il ne peut rester sans réponse. »  Elle a aussi réaffirmé la nécessité d'un accès complet, sûr et sans entrave de l’aide à ceux qui en ont besoin, se faisant l’écho des appels lancés à la Fédération de Russie pour qu'elle mette en œuvre un cessez-le-feu humanitaire immédiat. Enfin, après avoir noté les répercussions qu’a cette guerre dans le monde entier, elle a exhorté la partie russe à renoncer à ses tentatives illégales d'établir des autorités d'occupation et de déstabiliser les fondements démocratiques de l’Ukraine.  « Il n’est pas trop tard pour mettre fin à cette guerre. » 

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a appelé à une enquête indépendante et approfondie sur les violations des droits humains commises au cours du conflit en Ukraine, demandant que leurs auteurs soient tenus pour responsables.  Il a plaidé en faveur d’une cessation immédiate des hostilités en Ukraine.  Ce n’est qu’après le silence des canons et le retrait des troupes qu’il sera possible d’évaluer les coûts immenses des souffrances humaines que ce conflit a entraînées, a—t-il argué. Le représentant a estimé que le Conseil de sécurité échoue dans son rôle qui consiste à aider à parvenir à un dialogue constructif entre les parties, dans le but de négocier un règlement de paix efficace à ce conflit.  Le respect du droit international humanitaire, la protection des civils et les appels à la paix sont des objectifs qui devraient nous unir au lieu de nous diviser, a-t-il déploré.  Il a appelé à créer les conditions pour, d’une part, renforcer les négociations politiques et, d’autre part, parvenir à se mettre d’accord sur des mesures pratiques pour minimiser la souffrance en Ukraine.  Il a demandé aux parties de laisser passer de manière sûre les envois de secours et de ne point politiser l’action humanitaire ni de faire une application sélective du droit international humanitaire. 

Le représentant a fait observer que les sanctions prises dans le cadre de ce conflit ont des retombées dans le monde entier, notamment la hausse des prix du pétrole, du gaz, des céréales et des engrais.  Plus ce conflit dure, plus le risque d’instabilité, de faim et de dévastation en Ukraine et dans le monde augmentera, a-t-il averti.  Enfin, il a affirmé que la désescalade et les négociations sont le seul moyen de sortir de ce conflit, non seulement pour les pays directement impliqués, mais aussi pour le monde entier. 

Pour M. MARTIN KIMANI (Kenya), le fait que la vérité à Boutcha soit contestée, alors même que le monde contemple des civils assassinés les mains liées dans le dos, est un signe sûr que l’on se trouve « au bord du précipice ».  Il a fait le parallèle avec le génocide au Rwanda en avril 1994, où là aussi certains membres du Conseil contestaient l’horrible vérité d’un million de personnes assassinées.  Il a donc mis en garde contre l’incapacité du Conseil à établir les faits et à attribuer les responsabilités, ce qui peut conduire à une escalade vers des crimes bien pires.  Au-delà de la ville de Boutcha, il s’est dit extrêmement préoccupé pour la sécurité des civils piégés dans d’autres villes et villages assiégés comme Marioupol et Kherson.  Il est incontestable que ce qui a commencé comme une opération militaire spéciale est maintenant « une guerre », a-t-il tranché, et que ce qui a commencé par des assurances d’objectifs limités ne visant pas les civils a fait des milliers de morts parmi eux et des millions de réfugiés. Personne ne peut douter qu’il y ait des violations flagrantes du droit international, du droit international humanitaire et de la Charte des Nations Unies en ce moment en Ukraine, a martelé M. Kimani en condamnant ces actes injustifiables. 

Reconnaissant qu’il n’existe pas de solutions faciles, le représentant a demandé certaines mesures urgentes comme une enquête impartiale et rapide des Nations Unies sur les atrocités commises contre les civils à Boutcha et dans d’autres villes d’Ukraine.  Il a exhorté les parties en conflit à faire comprendre immédiatement à leurs officiers militaires qu’ils seront tenus pour responsables de toute violation du droit international et des lois qui régissent la guerre.  Tout en félicitant les pays voisins de l’Ukraine pour l’accueil réservé aux réfugiés ukrainiens, il leur a demandé de veiller aussi à ce que le droit international humanitaire s’applique aux milliers d’Africains affectés par cette crise.  M. Kimani a également plaidé pour des couloirs humanitaires et un accès humanitaire sans entraves, en particulier à Marioupol, Kherson et d’autres villes assiégées.  Il a conclu en exhortant le Conseil de sécurité à rassurer le monde sur sa pertinence en abordant les autres conflits inscrits à son ordre du jour avec une vigueur renouvelée.  Les crises en Afghanistan, en Haïti, dans la Corne de l’Afrique, au Liban, en Libye, au Myanmar, en Palestine/Israël, en Syrie, au Yémen et au Sahel méritent notre une attention urgente, a rappelé M. Kimani. 

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a dit son « horreur » devant les images partagées par le Président ukrainien, avant d’évoquer le tableau « Guernica ».  « Depuis six semaines, le monde est le témoin des horreurs perpétrées en Ukraine. »  Il a rappelé que la Cour internationale de Justice (CJI) a demandé la suspension immédiate des activités militaires en Ukraine, avant de déplorer que les hostilités se poursuivent.  Les images en provenance de Boutcha et d’autres villes ukrainiennes ont ému le monde, a dit le délégué, en condamnant ces atrocités injustifiables. 

Il a estimé que ces graves violations du droit pourraient constituer des crimes de guerre et demandé des enquêtes impartiales permettant un établissement des responsabilités.  Le délégué a ensuite déclaré que des régions dans le monde, déjà fragiles, vont être confrontées à une insécurité alimentaire accrue en raison de la situation en Ukraine.  Il a demandé une cessation des hostilités et appuyé les efforts pour une pause humanitaire, avant de saluer la solidarité des pays voisins envers l’Ukraine.  En conclusion, le délégué du Mexique a exhorté le Conseil à assumer ses responsabilités et à mettre un terme à cette guerre. 

M. T.S. TIRUMURTI (Inde) a condamné les meurtres de civils à Boutcha et appelé à une enquête indépendante.  Il a également soutenu les appels demandant des garanties de passage sûr pour livrer des fournitures humanitaires et médicales essentielles, précisant que l’Inde se tient prête à envoyer des fournitures médicales supplémentaires en Ukraine dans les prochains jours.  Préoccupé par l’aggravation de la situation sur le terrain, le représentant a appelé à la cessation immédiate de la violence et à privilégier la voie de la diplomatie et du dialogue.  Relevant que les effets de la crise se font ressentir dans de nombreux pays en développement en raison de l’augmentation du prix de l’alimentation et de l’énergie, il a souligné qu’il est dans l’intérêt collectif de travailler de manière constructive pour trouver un règlement rapide du conflit. 

M. JUN ZHANG (Chine) a estimé que la communauté internationale devrait créer un environnement propice à la recherche d’un règlement pacifique de la crise ukrainienne, demandant aux parties de respecter le droit international humanitaire.  Il a appelé à ne pas instrumentaliser ni politiser les questions humanitaires, surtout vu l’ampleur des besoins.  Pour sa part, la Chine a fourni et continuera de fournir une aide humanitaire aux populations civiles, a assuré le délégué.  Il s’est ensuite dit préoccupé par les images prises à Boutcha, recommandant de mener des enquêtes pour déterminer les responsabilités de ces actes.  Abordant les sanctions, il a été d’avis que ce ne sont pas le moyen adéquat de régler un conflit comme celui qui sévit en Ukraine.  Dans un monde interdépendant comme le nôtre, cela revient à sanctionner les pays qui ne sont pas parties au conflit, en particulier ceux en développement, a-t-il fait remarquer. 

Le représentant a ensuite observé que, plus de 30 ans après la fin de la guerre froide, cette « tragédie géopolitique » exige une réflexion profonde, qui doit remettre au premier plan la nécessité de respecter la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale des États.  S’agissant de l’Ukraine, nous ne sommes « pas mus par des intérêts économiques étriqués » et n’avons pas non plus l’intention « de rester les bras croisés sur le banc de touche », a précisé le délégué, qui a réitéré la volonté de la Chine de contribuer à rapprocher les parties. 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a estimé qu’avec les images de charniers et d’exactions de masse contre des civils à Boutcha, Borodianka et Motyiyn, « la guerre d’agression que la Russie livre contre l’Ukraine a franchi un nouveau cap dans l’horreur ».  Condamnant ces faits avec la plus grande fermeté, elle a relevé que de telles exactions pourraient être constitutives de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.  Après avoir dénoncé les manœuvres de désinformation utilisées par la Russie pour dissimuler ses crimes, la représentante a jugé que Moscou « ajoute à l’indignité du meurtre de civils et du massacre d’enfants celle du mensonge et du négationnisme ».  Face à ces crimes odieux, elle a appelé à maintenir la pression la plus forte possible pour contraindre les autorités russes à mettre fin à une guerre qui ébranle la sécurité mondiale, notamment la sécurité alimentaire.  Elle a également appelé à faire en sorte que les crimes commis en Ukraine ne restent pas impunis.  Des enquêtes crédibles et indépendantes doivent être menées afin de permettre aux juridictions nationales et internationales compétentes de juger les responsables, a-t-elle plaidé avant d’appeler la Fédération de Russie et l’Ukraine à coopérer pleinement avec la CPI et la commission d’enquête établie par le Conseil des droits de l’Homme. 

La déléguée a ensuite exhorté les parties à respecter le droit international humanitaire.  Appelant à la protection des personnes et des infrastructures civiles, elle a salué la mobilisation des pays frontaliers de l’Ukraine pour l’accueil des réfugiés.  Elle a rappelé que l’Union européenne a levé plus de 500 millions d’euros de soutien d’urgence à l’Ukraine et que le Conseil européen vient d’annoncer la mise en place d’un fonds fiduciaire de solidarité avec ce pays.  La France prend également sa part avec 100 millions d’euros d’aide humanitaire, tout en soutenant les efforts déployés par l’ONU pour obtenir un cessez-le-feu humanitaire et permettre l’évacuation des civils des villes assiégées.  Pour Mme Broadhurst, tout doit être fait pour obtenir la cessation des hostilités, qui serait une première étape vers un règlement durable du conflit et un signal nécessaire de la crédibilité de l’engagement russe dans la négociation. Pour conclure, elle a réaffirmé la solidarité de la France avec l’Ukraine et a appelé le peuple russe, autre victime de cette guerre, à continuer de trouver les moyens d’exprimer son opposition, en dépit de la répression.  « C’est nécessaire pour rompre avec la logique de haine dans laquelle Vladimir Putin veut enfermer les Ukrainiens et les Russes », a-t-elle soutenu. 

Mme MONA JUUL (Norvège) a exprimé son soutien non seulement au Président ukrainien mais également au Secrétaire général de l’ONU afin qu’il fasse pleinement usage de ses bons offices dans la recherche d’une solution pacifique. Elle a dit être profondément choquée par les atrocités commises contre des civils dans des lieux qui ont été tenus par le forces russes, y compris à Boutcha.  Elle a parlé d’images affligeantes de cadavres sur la route et de charniers, ainsi que de maisons, d’écoles, d’hôpitaux et autres infrastructures civiles qui ont été détruites et auraient été minées.  La représentante a accusé la Fédération de Russie de chercher désespérément à cacher la vérité sur la guerre. Les atrocités doivent faire l’objet d’enquêtes et les responsables doivent être traduits en justice, a-t-elle exigé.  À cet égard, elle a salué la mise en place par le Conseil des droits de l’homme d’une commission d’enquête sur l’Ukraine afin d’enquêter sur toutes les violations alléguées du droit international humanitaire et des droits humains.  Mme Juul s’est également félicitée de l’ouverture d’une enquête sur la situation en Ukraine par la Cour pénale internationale (CPI).  La guerre de la Fédération de Russie se fait également sentir dans le monde entier, a enfin relevé la déléguée en notant que le confit a exacerbé d’autres crises humanitaires, ayant de graves effets négatifs sur le secteur agricole, avec une augmentation mondiale de l’insécurité alimentaire et une augmentation des prix des carburant et des engrais. 

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) s’est dit gravement préoccupé par les informations faisant état de violations flagrantes du droit international humanitaire et du droit pénal international depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, y compris les rapports émergents et les images de meurtres de civils à Tchernihiv, Kharkiv et dans les zones périphériques de Kiev comme Boutcha.  Il a appuyé l’appel du Secrétaire général pour que soit menée une enquête indépendante, impartiale et approfondie afin d’établir les faits et les responsabilités de tous les auteurs de ces crimes atroces.  Tuer des enfants, des personnes âgées, du personnel médical, des travailleurs humanitaires et des journalistes est simplement déplorable, a-t-il déclaré en condamnant sans réserve tous ces actes. 

Le représentant a exhorté toutes les parties à la retenue et a souligné à nouveau l’urgence d’une cessation inconditionnelle des hostilités dans tout le pays, pour permettre notamment l’évacuation et le passage en toute sécurité des civils et faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire vitale dans les villes assiégées.  M. Ageyman a insisté sur l’impératif d’un accès humanitaire sans entrave.  Disant avoir suivi de près les négociations directes entre les parties en conflit, il a noté les progrès accomplis lors de la quatrième série de consultations qui a eu lieu à Istanbul le 29 mars.  Il a appelé à la modération et au respect des engagements pris pour régler les problèmes de sécurité des parties. Il a exhorté le Conseil de sécurité à se concentrer sur les mesures de confiance pouvant faciliter un règlement négocié du conflit immédiat et de la question plus large de la sécurité de l’Europe, sur la base du droit international et d’autres accords-cadres internationaux. 

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a jugé très inquiétantes les interventions entendues aujourd’hui.  Les images en provenance de Boutcha et d’autres villes ukrainiennes sont choquantes, a-t-elle dit, en demandant l’ouverture d’enquêtes indépendantes.  « Il ne faut pas tomber dans une guerre des récits. »  Elle a demandé une cessation des hostilités et espéré que les récents pourparlers se traduisent par une désescalade sur le terrain.  La déléguée a exhorté les parties à respecter le droit international humanitaire, notamment en ce qui concerne la protection des civils, qui doit être la priorité absolue.  Elle a souligné l’importance d’accords locaux pour l’acheminement de l’aide humanitaire et l’évacuation des blessés.  Elle a appelé à la préservation des édifices culturels, qui sont au fondement d’une mémoire commune.  La déléguée a enfin averti que des régions dans le monde qui sont déjà fragiles pourraient être en proie à une grave crise alimentaire en raison de l’augmentation du prix des denrées. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a rappelé à tous ceux qui ont signé la Charte des Nations Unies qu’ils se sont engagés à mettre fin au fléau de la guerre et à lutter pour le respect des droits humains fondamentaux, de la dignité et de la valeur de la personne humaine, de l’égalité des droits des nations - grandes et petites-, de la justice et du droit international.  Pourtant, a constaté la représentante, nous sommes à l’heure actuelle confrontés à une nouvelle guerre d’agression en Europe.  « Nous avons de nouveau entendu aujourd’hui l’impact dévastateur de l’action militaire unilatérale et illégale de la Russie sur l’Ukraine, sur les pays voisins et sur toute la région, ainsi que sur la sécurité et la prospérité du monde entier alors qu’il cherche à se remettre de la pandémie de Covid-19. »

Maintenant, alors que la Russie est forcée de se retirer des régions autour de Kiev, la brutalité de l’invasion est mise à nu, a constaté la représentante en se référant aux images horribles provenant des villes de Boutcha et d’Irpin et montrant de civils délibérément tués dans des zones d’où les forces russes se sont récemment retirées.  Ces actes, et tous les autres incidents crédibles, doivent faire l’objet d’une enquête en tant que crimes de guerre, a appelé de ses vœux Mme Woodward qui a affirmé soutenir le travail de la Cour pénale internationale (CPI) ainsi que le travail du Procureur général de l’Ukraine et d’autres procureurs nationaux.  Joignant sa voix aux autres délégations, la représentante a déclaré que tout ceci peut être arrêté si la Fédération de Russie met fin à cette guerre, maintenant. 

M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a repris la parole pour, tout d’abord, regretter une nouvelle fois que la réunion d’urgence que réclamait son pays n’ait pu être organisée, ce qui montre, selon lui, les limites de l’ordre international fondé sur des règles.  Revenant sur les événements de Boutcha, qui justifient la tenue de la présente réunion, il a rappelé que les forces russes ont quitté cette ville le 30 mars, au lendemain des négociations à Istanbul entre les parties russe et ukrainienne.  Le même jour, a-t-il relevé, le Ministère russe de la défense confirmait ce retrait sur son site Web.  Affirmant que cette opération n’a fait aucune victime civile, il a assuré que les habitants de Boutcha pouvaient se déplacer librement et avaient accès aux communications téléphoniques.  De même, a-t-il ajouté, personne n’a été empêchée de quitter la ville et tous ceux qui le souhaitaient pouvaient partir vers le nord, la périphérie sud faisant l’objet, selon lui, de tirs d’artillerie des forces ukrainiennes. 

Après le départ des militaires russes, a poursuivi le représentant, le maire de Boutcha a diffusé, le 31 mars, une vidéo dans laquelle il présentait ce retrait comme une « libération héroïque » de sa ville, sans toutefois évoquer la présence de cadavres de civils tués.  M. Nebenzia a également indiqué qu’une responsable du conseil municipal de Boutcha avait averti de l’entrée dans la ville de forces de sécurité ukrainienne « en vue de procéder à un nettoyage ».  Selon le délégué, les témoignages sur les « soi-disant crimes russes » n’ont fait leur apparition que le 3 avril, sans que la moindre preuve soit apportée.  Sur la base de la présomption de culpabilité, on essaie donc de faire porter par la Russie la responsabilité de ces crimes, s’est-il indigné, dénonçant des « incohérences flagrantes ».  Si les cadavres de ces personnes étaient restés plusieurs jours dans la rue, ils seraient en décomposition, a-t-il fait valoir, affirmant s’appuyer sur les conclusions de spécialistes médicolégaux.  « Or, cela n’attire l’attention de personne ».  Dans une interview, la responsable du conseil municipal de Boutcha a reconnu que les forces russes n’avaient pas tiré sur la population civile, a-t-il encore déclaré, maintenant que ces crimes sont le fait des forces ukrainiennes. 

Ce n’est pas ce que l’on entend de la part des responsables occidentaux, a constaté le représentant.  « Le Président Zelenskyy a même dit que ces images donnent le droit aux Ukrainiens d’avoir une réponse non civilisée », a-t-il regretté, avant d’annoncer que les « spécialistes ukrainiens de la mise en scène » n’en resteront pas là.  D’après lui, les forces militaires ukrainiennes ont réalisé, le 4 avril, dans une localité située à 23 kilomètres de Kiev, un tournage mettant en scène des populations civiles tuées par l’armée russe, des images destinées, selon lui, à être diffusées dans les médias internationaux.  Se disant convaincu que cette « carte  ukrainienne » est jouée pour « semer l’hystérie générale » et « attiser la campagne antirusse », il a déclaré s’attendre à « d’autres provocations, « tout aussi mesquines et lâches ».  Les technologies les plus sophistiquées permettent de fabriquer de telles informations, a noté le délégué. Il a ajouté que la vidéo montrée aujourd’hui au Conseil a déjà été diffusée sur Internet que des personnes y ont réagi en affirmant que certaines images n’avaient pas été tournées dans les villes indiquées.  Après avoir rappelé que le Président Zelenskyy avait condamné les agissements des États-Unis en Afghanistan, il a formé l’espoir, en conclusion, que les autres membres du Conseil ne se laisseront pas manipuler et ne joueront pas le jeu de Washington dans cette « mascarade ». 

M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a dit que « nous avons pris l’habitude des mensonges propagés constamment dans cette salle du Conseil de sécurité ».  Il a demandé au « camarade Nebenzia » (le représentant russe), qui a cité un entretien publié sur le site Meduza, pourquoi il n’avait pas cité cet entretien dans son intégralité.  Il a, pour sa part, cité en entier les propos d’une femme rapportés par cet entretien disant que si les soldats russes pouvaient distribuer de la nourriture aux civils ukrainiens, ils tiraient ensuite des grenades à leur encontre.  Est-ce là la supposée aide humanitaire des soldats russes, a-t-il lancé. 

Il s’est ensuite demandé comment les Russes en étaient arrivés à faire preuve de la même cruauté que les Nazis.  La Fédération de Russie est devenue « une cellule cancéreuse comparable à la tumeur nazie qui se propage vers ses voisins », a-t-il affirmé.  Le représentant a décrié les mensonges cyniques de la partie russe, en lui rappelant qu’elle tue des civils.  Il a rappelé que, lors de sa conférence de presse d’hier, le représentant russe avait déclaré que, comme dans toute guerre, il y a des civils qui meurent, tués par l’armée russe.  Il a souligné, à cet égard, que les soldats russes visent des civils comme l’hôpital pour enfant touché hier par un missile russe. 

Le représentant ukrainien a ensuite souligné la résistance de l’armée et de la population ukrainiennes.  Il a aussi salué le soutien apporté par la communauté internationale, assurant que l’Ukraine vaincra.  Le délégué a également relevé que, lors de sa conférence de presse d’hier, le représentant russe avait reconnu que la Russie mène une guerre en Ukraine, « pas une opération militaire spéciale ».  Une « guerre », a-t-il insisté en se demandant si cela aurait une incidence sur l’évaluation par les Nations Unies de ce qui se passe actuellement au cœur de l’Europe. 

M. BJÖRN OLOF SKOOG de l’Union européenne a exigé de la Russie qu’elle mette immédiatement fin à son agression militaire, qu’elle retire immédiatement et sans condition toutes ses forces de l’ensemble du territoire ukrainien et qu’elle respecte pleinement l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, comme le demande la résolution A/ES-11/1 de l’Assemblée générale des Nations Unies.  Il a dit soutenir pleinement l’enquête lancée par le Procureur de la CPI sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis par la Fédération de Russie, ainsi que les travaux de la commission d’enquête indépendante, en précisant que l’UE aide le Procureur général ukrainien et la société civile à recueillir et à préserver les preuves des crimes de guerre. 

Par ailleurs, l’UE et ses États membres accueillent plus de quatre millions de réfugiés ukrainiens, « sans distinction de nationalité, d’ethnie, de religion ou de race », a fait valoir le représentant.  Il a précisé que, à ce jour, l’UE a mobilisé plus de 1,1 milliard d’euros d’aide d’urgence en faveur de l’Ukraine, une somme qui vient s’ajouter aux 2,4 milliards d’euros d’aide humanitaire, d’urgence et de relèvement rapide versés par l’UE et ses États membres à l’Ukraine depuis 2014.  Dans le cadre de la plus grande opération jamais menée au titre du mécanisme de protection civile de l’UE, 29 pays -tous les États membres de l’UE ainsi que la Norvège et la Turquie- ont répondu à la demande d’assistance de l’Ukraine.  Au 4 avril, a encore indiqué M. Skoog, plus de 13 000 tonnes de médicaments, de matériel hospitalier, d’ambulances et d’équipements de lutte contre les incendies, d’aide alimentaire et de fournitures énergétiques sont arrivées en Ukraine. 

Les conséquences dramatiques de la guerre de la Russie contre l’Ukraine ne se limitent pas à l’Europe, « elles sont mondiales », s’est alarmé M. Skoog.  Les agriculteurs ukrainiens sont empêchés de semer en raison des bombardements russes et les navires remplis de blé sont bloqués dans les ports de la mer Noire par les forces militaires russes, a-t-il regretté.  En conséquence, les prix des denrées alimentaires se sont envolés, précipitant les populations dans la pauvreté et menaçant de déstabiliser des régions entières, les pays les plus pauvres étant les plus vulnérables aux chocs de la flambée des prix des denrées alimentaires.  Tout ceci est le résultat direct de la guerre, malgré les tentatives cyniques de la Russie de rejeter la faute sur les autres, a-t-il affirmé.  « Le Président Putin doit arrêter cette guerre immédiatement et sans condition », a exhorté en conclusion le délégué de l’Union européenne. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Après un « hiatus de trois ans », la Commission du désarmement se réunit dans un contexte sécuritaire mondial aux « perspectives terrifiantes »

Session de fond de 2022,
376e et 377e séances plénières, Matin
CD/3842

Après un « hiatus de trois ans », la Commission du désarmement se réunit dans un contexte sécuritaire mondial aux « perspectives terrifiantes »

La Commission du désarmement s’est réunie aujourd’hui à New York pour sa première session de fond après un « hiatus de trois années » dû, comme l’a indiqué son Président, à la pandémie de COVID-19 et à d’autres « questions organisationnelles ».  La quarantaine de délégations à avoir pris la parole ont discuté des retards du désarmement nucléaire dans un contexte sécuritaire mondial marqué par la situation en Ukraine.  La Haute-Représentante aux affaires de désarmement a ainsi souligné le risque « bien réel » d’emploi d’armes nucléaires. 

Donnant le ton de ces deux jours de réunion, le Président de la Commission, M. Xolisa Mfundiso Mabhongo, de l’Afrique du Sud, s’est dit « bien conscient des graves défis » auxquels la Commission fait face au moment où elle débute ses travaux.  « Derrière l’expression de ces défis à la paix et à la sécurité internationales, se cache un manque de confiance qui alimente l’instabilité dans les zones de conflit et crée des tensions entre les grandes puissances militaires. » 

Ce manque de confiance empêche aussi les progrès dans le désarmement nucléaire et conduit à une augmentation constante des budgets militaires qui poussent à une dangereuse concurrence, comme la modernisation des arsenaux et la militarisation de l’espace extra-atmosphérique, a poursuivi le Président.  M. Mabhongo a rappelé que la question du désarmement nucléaire est examinée depuis 2006 et espéré voir des progrès cette année. 

Une inquiétude partagée par la Haute-Représentante, Mme Izumi Nakamitsu, qui a insisté sur les « conséquences potentiellement existentielles » des armes nucléaires.  Mme Nakamitsu s’est dite « consternée » par la situation actuelle qui « nous rappelle brutalement que le danger du recours à ces armes n’est pas abstrait ».  Ce risque est aujourd’hui plus élevé qu’au plus fort de la guerre froide, a-t-elle fait remarquer en jugeant « terrifiantes » les perspectives d’erreurs, de mauvais calculs et d’escalade. 

« Comment peut-on collectivement poursuivre les objectifs internationaux du désarmement, lorsque les accords existants sont violés et la confiance sapée d’une manière aussi éhontée? » a, de son côté, lancé la Lettonie, en dénonçant l’agression de la Russie contre l’Ukraine.  S’exprimant également au nom de l’Estonie et de la Lituanie, la délégation lettone a observé que les récentes déclarations de la Russie mettant en alerte ses forces nucléaires compliquent encore plus l’environnement sécuritaire.  « La Russie doit cesser cette rhétorique dangereuse et irresponsable », a-t-elle exigé. 

« Il est important de se débarrasser irréversiblement de ces armes, sous une supervision et une vérification internationales », a, de son côté, déclaré l’Égypte, au nom du Groupe des États arabes.  « D’autant plus que le monde connaît en ce moment une étape délicate, avec l’augmentation des tensions et la propagation des conflits armés aux niveaux régional et international. »  La délégation a notamment souligné l’importance de la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’armes de destruction massive au Moyen-Orient. 

Le même constat d’échec a été dressé s’agissant de la préservation de l’espace extra-atmosphérique.  Le sujet de la transparence et des mesures d’établissement de la confiance dans les activités liées à l’espace extra-atmosphérique a été examiné pour la première fois en 2018 mais depuis lors, il n’a été mis sur la table officiellement que par une seule session, a déploré le Président de la Commission.  Il s’est inquiété de voir des développements politiques, militaires et technologiques qui pourraient avoir de graves implications pour la sécurité et la viabilité des activités dans l’espace extra-atmosphérique. 

Rappelant qu’il incombe à tous les États de veiller à ce que l’utilisation et l’exploration de l’espace extra-atmosphérique demeure pacifique, le Cambodge a, au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), exhorté l’Assemblée générale à favoriser la poursuite du dialogue sur les enjeux et défis actuels dans ce domaine.  À l’instar de la Haute-Représentante, la délégation s’est félicitée du progrès que constitue l’établissement du groupe de travail à composition non limitée sur la réduction des menaces spatiales par des normes, règles et principes de comportement responsable. 

Intervenant au nom du Mouvement des Non-alignés, l’Indonésie a en outre estimé que le projet de traité sino-russe sur le non-déploiement des armes dans l’espace et le non-emploi de la force contre les objets cosmiques pourrait être une bonne base pour les débats à ce sujet, exhortant par ailleurs à la reprise urgente des travaux de la Conférence du désarmement.

À l’ouverture de la session, M. Zhangeldy Syrymbet (Kazakhstan) a été élu à l’une des vice-présidences de la Commission, les autres membres du Bureau devant être élus à une date ultérieure.  M. Kurt Davis (Jamaïque) et Mme Szilvia Balázs (Hongrie) ont été élus Présidents des Groupes de travail I et II.  Ces deux groupes se réuniront après la fin du débat général qui se poursuit le mardi 5 avril. 

OUVERTURE DE LA SESSION DE FOND DE 2022

Déclarations

M. XOLISA MFUNDISO MABHONGO (Afrique du Sud), Président de la Commission, s’est dit conscient des graves défis auxquels la Commission fait face au moment où elle débute ses travaux.  Derrière l’expression de ces défis à la paix et à la sécurité internationales, se cache, a-t-il estimé, un manque de confiance qui alimente l’instabilité dans les zones de conflit et créé des tensions entre les grandes puissances militaires.  Ce manque de confiance empêche aussi les progrès dans le désarmement nucléaire et conduit à une augmentation constante des budgets militaires qui poussent à une dangereuse concurrence, comme la modernisation des arsenaux et la militarisation de l’espace extra-atmosphérique. 

La question du désarmement nucléaire est examinée depuis 2006, a souligné le Président, en espérant voir des progrès cette année.  Le sujet de la transparence et des mesures d’établissement de la confiance dans les activités liées à l’espace extra-atmosphérique a été examiné pour la première fois en 2018 mais depuis lors, il n’a été mis sur le table officiellement que par une seule session.  Neuf ans après que le Groupe gouvernemental d’experts a fini son travail, l’on voit des développements politiques, militaires et technologiques qui pourraient avoir de graves implications pour la sécurité et la viabilité des activités dans l’espace extra-atmosphérique, a poursuivi le Président. 

Il a donc formulé le vœu que cette session sonnera le renouveau de l’engagement de la Commission.  L’espace extra-atmosphérique, a-t-il insisté, touche presque tous les aspects du travail des Nations Unies et plusieurs des priorités nationales, et ce, au-delà du désarmement.  Il touche en effet le développement durable et l’action climatique.  Quels que soient leur taille ou leur niveau de développement, a-t-il dit, tous les États doivent soumettre des propositions.  La Commission fait partie intégrante du désarmement multilatéral depuis près de 50 ans.  Mais compte tenu de la pandémie de COVID-19 et de certains problèmes organisationnels, elle n’a pu se réunir depuis 2018.  Aujourd’hui, elle a donc l’occasion unique de faire avancer les discussions sur les questions nucléaires et extra-atmosphériques et à le faire substantiellement pour mener à un accord.  Il est important, a conclu le Président, que la Commission reprenne son travail de fond cette année. 

Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a dit qu’après un « hiatus de trois ans » lié à la COVID-19 et à des questions organisationnelles, elle salue l’occasion de pouvoir s’adresser aujourd’hui à la Commission du désarmement lors du démarrage de sa session de fond.  Celle-ci a pour grandes thématiques le désarmement nucléaire et la non-prolifération des armes nucléaires, et les mesures de transparence et de confiance dans les activités spatiales, a-t-elle rappelé. 

S’agissant du désarmement nucléaire, la Haute Représentante a assuré que cela restait la plus haute priorité des Nations Unies en matière de désarmement pour la simple raison qu’il s’agit des seules armes ayant des conséquences potentiellement existentielles.  Toute utilisation entraînerait une catastrophe humanitaire et environnementale, a-t-elle martelé, se disant consternée par la situation actuelle qui nous rappelle brutalement que le danger du recours à ces arme n’est pas abstrait.  « C’est bien réel.  Ce risque est aujourd’hui plus élevé qu’à tout autre moment depuis le plus fort de la guerre froide, et les perspectives d’erreurs, de mauvais calculs et d’escalade sont terrifiantes. »  Le développement de nouveaux systèmes d’armes conventionnelles à effet stratégique et le lien naissant entre les armes nucléaires et les nouveaux domaines du cyberespace et de l’espace extra-atmosphérique ne font qu’amplifier les risques d’erreurs de communication et de calcul, a-t-elle mis en garde. 

Notant, ces dernières semaines, une résurgence du discours selon lequel les armes nucléaires offrent la garantie ultime de sécurité, Mme Nakamitsu a tranché en disant que c’est simplement faux, car la possession d’armes nucléaires met en danger la sécurité collective.  À aucun moment cela n’est plus clair qu’en période de crise, y compris aujourd’hui, a-t-elle observé en rappelant que rien ne saurait justifier l’utilisation de telles armes. 

Passant aux questions liées à l’espace extra-atmosphérique (sécurité, viabilité et intérêt accru pour son exploration et son utilisation), Mme Nakamitsu a souligné que notre quotidien dépend de plus en plus de cet espace.  Mais elle a surtout voulu mettre en garde qu’après des décennies de coopération remarquable, l’espace extra-atmosphérique est à nouveau en train de devenir une arène de compétition géopolitique et stratégique, citant notamment le test et le déploiement de systèmes antisatellites terrestres.  Elle s’est alarmée que tout cela se passe dans un contexte de détérioration rapide de la situation en matière de sécurité internationale, ce qui ébranle la confiance dans la viabilité des normes internationalement reconnues et affecte la capacité des institutions multilatérales de désarmement à élaborer des accords et trouver des solutions. 

C’est précisément dans des moments comme ceux-ci que nous devons préserver et développer davantage les mesures qui peuvent renforcer la confiance, a souhaité la Haute-Représentante, soulignant que de telles mesures servent souvent de point de départ et de base pour des mesures plus ambitieuses.  Les mesures de transparence et de confiance (TCBM) peuvent servir de base à l’examen de concepts et de propositions de mesures juridiquement contraignantes, a-t-elle poursuivi en appelant à les mettre en œuvre dans les activités spatiales et à en faire une priorité. 

Le Département du désarmement espère qu’au cours des trois prochaines semaines, la Commission aura l’occasion d’examiner, de consolider et de développer davantage les mesures élaborées par le Groupe d’experts gouvernementaux en se concentrant, en particulier, sur les aspects ou recommandations que la Commission pourrait faire pour donner les orientations nécessaires aux États et combler les lacunes dans la pratique existante.  L’un de ces domaines pourrait être les mesures d’échange d’informations sur les politiques nationales de sécurité spatiale et sur les dépenses militaires, a suggéré Mme Nakamitsu. 

Selon elle, les travaux de la Commission du désarmement doivent être considérés comme complémentaires avec ceux menés par d’autres entités des Nations Unies traitant de la sécurité de l’espace extra-atmosphérique et de sa viabilité.  À cet égard, elle s’est réjouie de voir que le groupe de travail à composition non limitée sur la réduction des menaces spatiales tiendra sa première session le mois prochain à Genève.  Elle s’est également dite encouragée par la décision prise cette année par la Conférence du désarmement d’établir des organes subsidiaires, dont l’un sera dédié à la prévention d’une course aux armements dans l’espace.  Mme Nakamitsu a également espéré que les résultats de l’examen par la Commission de ce point de l’ordre du jour appuieront ceux du Sommet du futur. 

La Haute-Représentante s’est, enfin, inquiétée de l’effilochage continu du régime de désarmement et de non-prolifération, y voyant à la fois une cause et une conséquence des tensions et des conflits géopolitiques actuels.  La paralysie persistante du mécanisme multilatéral de désarmement ne peut pas continuer si nous voulons construire un monde plus sûr et plus sécurisé, a-t-elle prévenu en appelant à mettre fin à l’érosion de la maîtrise des armements.  Tous les États devraient être tenus pleinement responsables du strict respect de leurs obligations et la pleine mise en œuvre de leurs engagements au titre des traités et instruments dont ils sont parties, a-t-elle estimé.  « Ce n’est pas le moment d’abandonner le dialogue et la diplomatie, au contraire. » 

Pour Mme Nakamitsu, il incombe aux membres de cet organe universel de travailler collectivement et de se concentrer sur la réduction des divergences de position et le renforcement des points communs.  Elle les a aussi invités à élaborer des recommandations de mesures pratiques permettant de réduire le risque de guerre nucléaire et d’atteindre l’objectif commun d’un monde sans armes nucléaires.  Forger un accord sur la mise en œuvre de mesures de transparence et de confiance contribuerait à prévenir une course aux armements dans l’espace et à préserver celui-ci comme un domaine d’exploration et d’utilisation pacifique, a-t-elle fait valoir.  « Souvenons-nous que des crises passées de l’histoire sont nées de nouveaux accords de maîtrise des armements et de désarmement et qu’ils font partie intégrante des dispositifs de sécurité. » 

Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), le Cambodge s’est, en premier lieu, déclaré préoccupé par les conséquences humanitaires catastrophiques de toute utilisation d’armes nucléaires et par les risques induits par la persistance de telles armes.  Il a donc déploré la conduite d’essais nucléaires, non sans rappeler que tous les États membres de l’ASEAN ont ratifié le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE).  Il a également exhorté les États de l’annexe 2 du TICE à signer et ratifier le Traité dès que possible.  Le Cambodge a d’autre part reconnu que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) est la pierre angulaire du régime mondial de non-prolifération, et a exhorté tous les États parties à œuvrer au succès de la dixième Conférence d’examen. 

Soulignant le caractère complémentaire du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, la délégation a en outre réitéré l’engagement de l’ASEAN à préserver l’Asie du Sud-Est en tant que zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive.  À cet égard, le Cambodge a insisté sur l’importance de la mise en œuvre complète du Traité de l’ASEAN sur la zone exempte d’armes nucléaires en Asie du Sud-Est, tout en réaffirmant l’engagement de l’organisation régionale à soutenir les efforts en cours vers l’établissement de telles zones à l’échelle mondiale, en particulier au Moyen-Orient.  La délégation a aussi réitéré que chaque État a droit à l’utilisation sûre et pacifique de la technologie nucléaire, notamment pour son développement économique et social. 

De même, a-t-il ajouté, l’ASEAN reconnaît l’accès à l’espace extra-atmosphérique comme un droit inaliénable de tous les États.  Comme il incombe à tous les États de veiller à ce que l’utilisation et l’exploration de l’espace extra-atmosphérique demeure pacifique, l’Assemblée générale doit s’employer à favoriser la poursuite du dialogue sur les enjeux et défis actuels dans ce domaine, a plaidé la délégation, avant de se féliciter de l’établissement du groupe de travail à composition non limitée sur la réduction des menaces spatiales par des normes, règles et principes de comportement responsable.  Enfin, souhaitant qu’à l’avenir les activités dans l’espace extra-atmosphérique ne restent pas l’apanage exclusif d’un petit groupe d’États, la délégation a appelé à l’intensification des programmes de renforcement des capacités, avec un accent particulier sur les pays en développement. 

S’exprimant au nom du Groupe des États arabes, l’Égypte a estimé que l’instauration de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans le monde n’est pas possible avec la présence d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive.  Il est donc important de se débarrasser irréversiblement de ces armes, sous la supervision et la vérification internationales, a déclaré la délégation, d’autant plus que le monde connaît en ce moment une étape délicate, avec l’augmentation des tensions et la propagation des conflits armés aux niveaux régional et international. 

Très préoccupé par l’absence continue de progrès tangibles en matière de désarmement nucléaire, la délégation a déploré que les États nucléaires désavouent expressément tout calendrier spécifique de mise en œuvre des obligations internationales visant l’élimination de ces armes.  L’Égypte a estimé que la décision de 1995 sur un Moyen-Orient exempt d’armes nucléaires et d’armes de destruction massive (Conférence du TNP) est valable jusqu’à ce qu’elle soit pleinement mise en œuvre et que ses objectifs soient atteints.  La délégation a insisté sur le fait que la responsabilité de libérer le Moyen-Orient d’armes nucléaires incombe à toute la communauté internationale.  Estimant que le Groupe des États arabes a fait sa part, l’Égypte a demandé à la communauté internationale de faire la sienne pour assurer la pérennité du TNP auquel tous les États arabes ont adhéré.  De plus, toutes les installations nucléaires des États arabes ont été soumises au système de garanties généralisées de l’AIEA, ce qu’Israël n’a pas fait jusqu’à présent, malgré toutes les exigences et les résolutions de l’ONU à cet égard, a fait remarquer la délégation.  L’Égypte a souligné l’importance de la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’armes de destruction massive au Moyen-Orient, car c’est le quatrième pilier du TNP, tout aussi important que les trois autres. 

Dans ce contexte, l’Égypte a rappelé l’adoption par l’Assemblée générale de la décision 73/546 chargeant le Secrétaire général de convoquer une conférence pour négocier un traité contraignant sur la création d’une telle zone, à condition que la résolution de 1995 soit la référence pour la conférence.  La délégation s’est félicitée de la convocation de la première session de la conférence en novembre 2019, et de la seconde en novembre 2021, avec la participation de toutes les parties invitées, à l’exception d’Israël.  Elle a exhorté le Groupe de travail I à soutenir les efforts régionaux et internationaux pertinents en matière de désarmement nucléaire, afin de parvenir à la création de cette zone. 

L’Égypte a par ailleurs souhaité que les discussions de la Commission du désarmement contribuent à faire avancer les efforts en cours pour le succès de la dixième Conférence d’examen du TNP, notamment dans le contexte actuel de tensions internationales.  La délégation a appelé au démarrage immédiat des négociations spéciales sur un instrument juridique international portant sur l’obligation des États dotés d’armes nucléaires de fournir des garanties de sécurité aux États non dotés en ce qui concerne l’utilisation ou la menace d’utiliser des armes nucléaires en toutes circonstances, sachant que les garanties ne remplacent pas l’objectif du désarmement nucléaire. 

En outre, l’Égypte s’est félicitée de l’inclusion à l’ordre du jour de la session de l’examen des recommandations relatives à l’instauration de la confiance dans le domaine de la prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.  Elle a jugé important que certains principes soient respectés, le premier étant l’espace extra-atmosphérique considéré comme un bien public et patrimoine commun de l’humanité.  Par conséquent, toutes les activités humaines qui s’y déroulent doivent respecter les différents cadres pertinents des Nations Unies, dans le but d’assurer l’inclusion, l’universalité, la non-discrimination et la réalisation de la règle du consensus international.  Elle a aussi proposé que tous les efforts visant à légaliser et réglementer les utilisations de l’espace extra-atmosphérique tiennent compte du profit de tous les pays et peuples du monde.  L’Égypte a ensuite insisté sur l’obligation de préserver l’espace extra-atmosphérique de tout conflit ou course aux armements jusqu’à ce qu’un instrument juridique, contraignant et universellement acceptable soit adopté.  Enfin, elle a mis l’accent sur la nécessité de travailler pour améliorer l’échange de technologies dans le domaine de l’espace extra-atmosphérique, en fournissant une coopération technique et en renforçant les capacités connexes aux pays en développement. 

La Lettonie, qui s’exprimait également au nom de l’Estonie et de la Lituanie, a déploré que nombre des objectifs poursuivis dans le domaine du désarmement n’aient pas été atteints.  « Nous sommes actuellement les témoins d’une agression à grande échelle en Europe, qui a gravement altéré la paix et la sécurité internationales. »  L’invasion russe de l’Ukraine a conduit à d’immenses souffrances du peuple ukrainien et provoqué la plus grande crise humanitaire en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, a rappelé la Lettonie avant de souligner que le Bélarus a favorisé cette agression et que les actions de la Russie sapent l’ordre international fondé sur des règles, y compris la Charte des Nations Unies.  « Comment peut-on collectivement poursuivre les objectifs internationaux du désarmement, lorsque les accords existants sont violés et la confiance sapée d’une manière aussi éhontée? » 

La délégation a estimé que les États Membres ont répondu à cette question le 2 mars dernier en votant en faveur d’une résolution de l’Assemblée demandant notamment que la Russie cesse immédiatement l’usage de la force contre l’Ukraine.  La Lettonie a aussi estimé que les récentes déclarations de la Russie sur la mise en alerte de ses forces nucléaires compliquent davantage encore l’environnement sécuritaire.  La Russie doit cesser cette rhétorique dangereuse et irresponsable, a exigé la délégation.  Enfin, la Lettonie a souligné la nécessité de préserver l’immense potentiel de l’espace extra-atmosphérique au service d’activités pacifiques. 

Le représentant de l’Indonésie, intervenant au nom du Mouvement des Non-alignés, a appelé à parvenir à des résultats concrets dans le cycle de travail actuel, exhortant à la souplesse et au compromis. Il s’est inquiété de l’absence de progrès réalisés par les États dotés d’armes nucléaires dans la mise en œuvre de leurs obligations en matière de désarmement complet.  Le désarmement nucléaire est la priorité numéro un, a-t-il souligné. Il s’est opposé aux tentatives de faire des mesures de confiance ou de la soi-disant « stabilité stratégique » une condition du désarmement, notant en outre que les efforts en matière de non-prolifération doivent aller de pair avec les efforts de désarmement.  Le délégué a jugé urgent de démarrer les négociations au sein de la Conférence du désarmement pour élaborer une convention internationale sur les armes nucléaires.  Il est également urgent de conclure un instrument juridiquement contraignant universel pour protéger les États non dotés d’armes nucléaires contre la menace ou l’emploi d’armes nucléaires, priorité ultime en attendant l’élimination des arsenaux, a-t-il ajouté.

Poursuivant, le représentant a insisté sur le droit inaliénable de tous les États à l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, soulignant qu’aucune restriction ne devrait être imposée sur les matériaux ou les technologies dont ont besoins les pays en développement à cet égard. Soulignant par ailleurs que les questions de non-prolifération doivent être réglée par des voix diplomatiques, le délégué a regretté l’échec de la neuvième Conférence des Parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, et a appelé les délégations à travailler d’arrache-pied pour parvenir au désarmement nucléaire.  Le représentant s’est également dit préoccupé par le manque de participation d’Israël à la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient. Après avoir de nouveau appelé à la reprise sans plus attendre des travaux de la Conférence du désarmement, le représentant s’est préoccupé de la militarisation possible de l’espace extra-atmosphérique, réclamant le début de négociations sur un instrument sur l’élimination de la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.  Le projet de traité sino-russe sur le non-déploiement des armes dans l’espace et le non-emploi de la force contre les objets cosmiques pourrait être une bonne base pour les débats à ce sujet, a-t-il estimé.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale entérine le Programme d’action de Doha pour les pays les moins avancés après l’examen des travaux du Mécanisme international d’enquête en Syrie

Soixante-seizième session,
65e & 66e séances – Matin & après-midi
AG/12413

L’Assemblée générale entérine le Programme d’action de Doha pour les pays les moins avancés après l’examen des travaux du Mécanisme international d’enquête en Syrie

C’est à l’unanimité que l’Assemblée générale a entériné aujourd’hui le Programme d’action de Doha en faveur des pays les moins avancés, adopté le 17 mars par la cinquième Conférence des Nations Unies dédiée à cette catégorie de pays, avant la tenue d’une deuxième partie de conférence à Doha en mars 2023 grâce à la « généreuse offre du Gouvernement du Qatar ».

Les « PMA » sont désormais dotés de leur cinquième Programme d’action, après deux reports dans le calendrier à cause de la COVID-19.  Dix domaines d’action prioritaires sont prévus, pour arriver, par exemple, à tirer mieux parti de leur capital humain, ainsi que de la science, de la technologie et de l’innovation.  Après le Programme d’action d’Istanbul qui avait prévu la création de la Banque de technologies des Nations Unies en faveur des PMA, le Programme de Doha prévoit la création d’une université en ligne, d’un centre international de soutien à l’investissement ainsi que de stocks alimentaires pour permettre à ces pays de reconstruire en mieux.  Si la résolution présentée par le Pakistan, au nom du Groupe des 77 et la Chine, a été adoptée sans vote et saluée par le Malawi, des réserves ont été émises par la Chine et la Fédération de Russie notamment sur la question d’allègement de la dette.  Des incidences budgétaires sont à prévoir, a aussi signalé le Secrétariat.

Le débat qui a occupé auparavant l’Assemblée générale, une grande partie de la journée, était consacré au « Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 ».  Comme l’an dernier, il a opposé les États Membres favorables à cet outil de lutte contre l’impunité à la délégation syrienne et à ses soutiens, qui contestent l’impartialité de cet organe judiciaire, voire la légitimité de son existence.

Venue présenter le dernier rapport en date du Mécanisme, dont elle dirige les travaux, Mme Catherine Marchi-Uhel a d’emblée estimé que les problèmes auxquels il se heurte aujourd’hui ne sont pas de nature juridique, mais relèvent plutôt de l’incapacité de la communauté internationale à « parler d’une seule voix » face aux « atrocités » commises en Syrie.  Néanmoins, le Mécanisme n’a pas chômé, a souligné la magistrate, en faisant valoir sa coopération avec 13 juridictions différentes et l’afflux de demandes d’assistance, 180 en tout, relatives à plus de 150 affaires distinctes.  Si la plupart de ces procédures en sont encore au stade de l’enquête, d’autres ont donné lieu à des procès ou ont abouti à des condamnations, notamment en Allemagne, en Suède et aux Pays-Bas, en vertu de la compétence universelle.

Ainsi, s’est félicitée Mme Marchi-Uhel, un tribunal allemand de Coblence a « fait la une des journaux du monde entier » avec deux verdicts distincts, qui affirment que des crimes contre l’humanité ont été commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique contre la population civile par l’État syrien, par l’intermédiaire de ses forces de sécurité et de ses services secrets, entre avril 2011 et septembre 2012.  Un tribunal de Francfort a en outre établi que les crimes contre la communauté yézidie s’apparentent à un génocide.

L’Union européenne et la Finlande, laquelle s’exprimait au nom des pays nordiques, ont salué ces jugements, considérant que la lutte contre l’impunité constitue une condition sine qua non à une future Syrie stable et pacifique.  Toutes deux ont à nouveau demandé que le Conseil de sécurité renvoie la situation dans ce pays à la Cour pénale internationale (CPI), une demande également formulée par l’Allemagne, le Liechtenstein, la République tchèque, l’Estonie, l’Albanie ou encore la Slovénie.  Les mêmes délégations ont plaidé pour la mise à disposition de ressources financières adéquates pour le Mécanisme, dont le financement est inclus dans le budget de l’ONU depuis 2020.  Le rapport demande ainsi aux États Membres « de continuer à lui apporter un appui, au moyen du budget ordinaire de l’Organisation et de contributions volontaires complémentaires ».

Parce qu’elle lui conteste sa raison d’être même, la République arabe syrienne n’a même pas souhaité discuter des travaux du Mécanisme, fustigeant son instrumentalisation supposée par les pays occidentaux et des « organisations terroristes comme les Casques blancs », qui fournissent des éléments de preuve falsifiés et irrecevables sur le plan judiciaire.  « Politisation », « sélectivité », « deux poids, deux mesures » font de cet organe subsidiaire de l’Assemblée générale une « violation » même de la Charte des Nations Unies, a cinglé la République populaire démocratique de Corée (RPDC).

À partir du moment où la République arabe syrienne n’a pas accepté la mise en place de ce mécanisme et qu’aucune résolution du Conseil de sécurité n’a été adoptée à ce sujet au titre du Chapitre VII de la Charte, ce mécanisme n’a tout simplement pas lieu d’être, a tranché la Fédération de Russie, pour qui l’Assemblée a clairement agi ultra vires, contrairement à la répartition des compétences respectives des principaux organes de l’ONU.  Ce mécanisme n’est rien d’autre aux yeux du représentant russe que le « jouet » des « ambitions géopolitiques de l’Occident ».  Convaincu comme la Chine que les fonds du budget ordinaire de l’ONU destinés aux « prétendues enquêtes » du Mécanisme pourraient être utilisés à meilleur escient, le délégué russe a dénigré ses méthodes de travail, qui ne répondent pas à son avis aux critères de « pertinence et d’admissibilité des preuves ».

À l’Iran et à la Syrie qui dénonçaient le manque de transparence des travaux du Mécanisme, le Canada a rétorqué que l’on ne peut imaginer un système pénal qui puisse agir autrement.  « Suggérez-vous vraiment qu’un mécanisme d’enquête puisse divulguer les noms des témoins alors que l’investigation est en cours? » leur a-t-il lancé.  Si vous ne voulez pas de ce mécanisme, alors vous devez tout faire pour que l’impunité ne devienne pas un « mode de vie », a-t-il déclaré, en réfutant toute accusation de politisation ou d’ingérence étrangère.

PRÉVENTION DES CONFLITS ARMÉS: NOTE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL (A/76/690)

Déclarations

Mme CATHERINE MARCHI-UHEL, Chef du Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011, a affirmé que les « atrocités » commises en Syrie comptent parmi les plus « dévastatrices et barbares » recensées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.  Après 11 ans de conflit, la communauté internationale n’a pas réussi à rendre une justice complète au peuple syrien.   Les problèmes auxquels nous sommes confrontés ne sont pas de nature juridique, il s’agit de l’incapacité de la communauté internationale à parler d’une seule voix face à ces atrocités, a observé Mme Marchi-Uhel, qui a souligné qu’il est rare que justice soit rendue lorsque « les grandes puissances sont en désaccord » au sujet d’un conflit en cours.  Les réfugiés et personnes déplacées ne peuvent rentrer chez eux en toute sécurité et, alors que les hostilités se poursuivent, la détention illégale et les crimes connexes persistent et il reste difficile de fournir aux familles des informations crédibles sur leurs proches disparus.  Or, a-t-elle rappelé, sans cessation des hostilités, sans processus de paix, sans justice, y compris la justice transitionnelle, sans réconciliation, rien de tout cela n’est possible.  Le véritable test pour cette Assemblée générale est double, a-t-elle estimé: l’efficacité avec laquelle elle a répondu à la situation actuelle en Syrie, et la manière dont elle veillera à ce que les principaux responsables répondent de leurs actes.  La justice internationale est peut-être imparfaite, mais elle reste une force avec laquelle il faut compter, « une fois qu’elle est en marche », a estimé Mme Marchi-Uhel. 

Le Mécanisme, a-t-elle rappelé, a été créé pour collecter, consolider et analyser les informations et preuves des principaux crimes internationaux commis en Syrie avec deux objectifs: aider les juridictions qui enquêtent sur ces crimes et ont ouvert des poursuites, et soutenir les futures voies judiciaires, « si et quand elles seront disponibles ».  Le Mécanisme coopère actuellement avec 13 juridictions différentes et a reçu plus de 180 demandes d’assistance, relatives à plus de 150 enquêtes distinctes, dont près d’une centaine ont déjà été soutenues, a précisé la magistrate.  La plupart de ces procédures en sont encore au stade de l’enquête et ne sont pas publiques, tandis que d’autres ont donné lieu à des procès ou ont abouti à des condamnations, notamment en Allemagne, en Suède et aux Pays-Bas.  Un tribunal allemand de Coblence a d’ailleurs fait la une des journaux du monde entier lorsqu’il a établi, dans deux verdicts distincts, que des crimes contre l’humanité avaient été commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique contre la population civile par l’État syrien, par l’intermédiaire de ses forces de sécurité et de ses services secrets, entre avril 2011 et septembre 2012, a-t-elle indiqué.  Un tribunal de Francfort a en outre établi que les crimes contre les Yézidis s’apparentent à un génocide. 

Nous ne pouvons sous-estimer l’importance de telles conclusions juridiques, a considéré l’intervenante.  Elles ne sont peut-être pas contraignantes pour d’autres juridictions, mais elles fournissent des orientations qui font autorité et établissent des faits sur lesquels le doute n’est pas permis.  Et d’autres sont en cours, s’est félicitée Mme Marchi-Uhel.  Plusieurs États ont publié des informations sur leurs procédures en cours, notamment l’Autriche, la Belgique, la France, l’Allemagne et la Suisse.  Les autorités judiciaires des États ont également de plus en plus recours à des équipes d’enquête conjointes et coopèrent plus étroitement entre elles.  Les Pays-Bas, rejoints par le Canada, ont engagé une procédure faisant valoir que la République arabe syrienne a manqué à ses obligations au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.  « La liste des développements judiciaires pertinents s’allonge d’année en année.  La demande pour notre travail augmente en conséquence », s’est félicitée la magistrate.

Mme Marchi-Uhel a ensuite indiqué que le Mécanisme avait ouvert deux nouveaux dossiers sur des événements survenus en Syrie en 2015 et 2017, qui impliquent l’utilisation présumée d’armes chimiques et conventionnelles, notamment contre des installations médicales.  Le Mécanisme a également finalisé et partagé un module de preuve visant à établir l’existence d’une attaque systématique contre une population civile pour étayer les accusations de crimes contre l’humanité pour les agissements liés à Daech en Syrie.  Par ailleurs, le Mécanisme a mis au point un système préliminaire pour saisir les informations relatives aux personnes disparues et partage fréquemment ces données avec l’une des entités mandatées pour les rechercher.  Mme Marchi-Uhel a cependant estimé que « nous devons être honnêtes avec nous-mêmes quant à ce qui peut être réalisé en ce moment, en supposant que les circonstances ne changent pas, et ajuster les attentes en conséquence ». 

M. MARIO BUCARO, Ministre des affaires étrangères du Guatemala, a appuyé d’emblée les travaux du Mécanisme international et impartial pour la Syrie.  Il a appelé à la défense des obligations internationales découlant du droit international des droits de l’homme, ainsi que du droit international en général et du droit des réfugiés, faisant remarquer que ces obligations sont intrinsèquement liées à la protection de la population civile.  Pour contribuer à celle-ci, le Guatemala a toujours participé au maintien de la paix au sein des Nations Unies et prôné le dialogue et la médiation, a expliqué le Ministre. Il est impératif, selon M. Bucaro, de mettre en œuvre sur le territoire syrien la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage des armes chimiques et sur leur destruction.  Dans cet esprit, il a condamné toute violation de cet instrument international, ainsi que l’utilisation de ce type d’armes par tout acteur et en toute circonstance, exigeant que les responsables soient tenus responsables de leurs actes et qu’il n’y ait pas d’impunité.  En ce qui concerne le financement du Mécanisme, le Ministre a fait valoir qu’un instrument qui contribue à l’établissement des responsabilités doit être financé par le budget ordinaire de l’ONU, afin de garantir son impartialité et son indépendance, et de lui assurer un financement prévisible.  Le manque de ressources peut compromettre sa pérennité, a mis en garde le Ministre.

M. SILVIO GONZATO, de l’Union européenne, a indiqué que plusieurs jugements ont été rendus contre des responsables syriens dans plusieurs pays européens, en rappelant l’importance de l’établissement des responsabilités pour garantir une Syrie stable et pacifique.  L’Union européenne (UE) continue de demander au Conseil de renvoyer la situation en Syrie à la CPI, a-t-il ajouté.  Il a assuré que l’UE restera en première ligne des efforts visant à combattre l’impunité en Syrie et qu’elle continuera d’appuyer les efforts de collecte des preuves des atrocités commises, quels qu’en soient leurs auteurs.

Le délégué a apporté son appui au Mécanisme, à la Commission d’enquête internationale indépendante et à l’équipe d’enquête et d’identification de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OAIC).  Il a souligné l’importance d’établir les faits sur les atrocités commises en Syrie, y compris le sort des personnes disparues, en vue d’aboutir à une action judiciaire.  Il a jugé crucial que l’ONU consacre les ressources nécessaires pour établir les responsabilités dans les atrocités commises, rappelant à cet égard la tenue le 10 mai prochain de la sixième conférence de Bruxelles d’aide pour l’avenir de la Syrie et de la région.

Au nom des pays nordiques (Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède), Mme MIIA RAINNE (Finlande) a rappelé que le conflit en Syrie est l’un des plus sanglants de l’histoire récente.  À partir d’un paisible soulèvement populaire, la violence de la répression menée par le régime a entraîné, en l’espace de 11 ans, la disparition ou la mort de centaines de milliers de Syriens, tandis que des milliers d’autres ont été soumis à la torture, au viol ou à d’autres formes de traitements cruels et dégradants, et que des millions ont fui leurs foyers.  De fait, a-t-elle souligné, il est prouvé, notamment par le Mécanisme, que le régime syrien porte la principale responsabilité de la plupart des violations flagrantes du droit international.  Pour la représentante, il ne peut y avoir d'impunité.  Elle a jugé cela nécessaire non seulement pour garantir la justice pour les victimes, mais aussi pour prévenir et dissuader de futures violations. 

Sur la base du rapport présenté par Mme Marchi-Uhel, la déléguée a noté avec satisfaction que le nombre d’États coopérant et demandant l’assistance du Mécanisme continue d’augmenter.  Elle a aussi salué la coopération étendue du Mécanisme avec d’autres parties du système de l’ONU, ainsi qu’avec l’OIAC et la société civile.  Elle s’est d’autre part félicitée que le Mécanisme ait ouvert deux nouveaux dossiers portant sur des attaques illégales, notamment chimiques, et qu’il ait progressé dans ses travaux analytiques sur les crimes liés à la détention et les personnes disparues.  Applaudissant les actions en cours dans les tribunaux de plusieurs pays pour poursuivre, sur la base du principe de compétence universelle, les crimes commis en Syrie, elle a souhaité que davantage soit fait en la matière et a appelé le Conseil de sécurité à renvoyer la situation en Syrie à la Cour pénale internationale (CPI).  Enfin, elle a estimé que l’important travail du Mécanisme nécessite des ressources durables et prévisibles, ce qui ne peut être garanti que par un financement du budget-programme de l’ONU.  Les contributions fixées peuvent être complétées par des financements volontaires, a-t-elle aussi suggéré. 

M. JULIAN SIMCOCK (États-Unis) a dit que son pays est fier d’appuyer les efforts du Mécanisme dont le travail a eu un impact direct sur la reddition de la justice pour d’anciens responsables du « régime d’Assad ».  Nous nous devons d’être clairs sur les moteurs de ce conflit, a-t-il dit avant d’accuser la Fédération de Russie d’avoir ciblé des civils en Syrie et de reproduire ces atrocités en Ukraine.  Les États-Unis sont inquiets des informations qui font croire que la Fédération de Russie entend transférer des mercenaires syriens en Ukraine, a-t-il ajouté.  Selon M. Simcock, il n’est donc pas surprenant de constater que la Fédération de Russie s’insurge contre le mandat du Mécanisme.  Le représentant a salué par ailleurs le courage des Syriens qui décident de fournir des preuves d’atrocités au Mécanisme.  Sans responsabilité, il n’y aura pas de justice, et sans justice, pas de paix, a conclu le représentant américain.

M. MOHAMMAD GHORBANPOUR NAJAFABADI (Iran) a regretté la politisation de la justice, déplorant notamment que le Conseil des droits de l’homme n’ait pas renouvelé le mandat du Groupe d’éminents experts sur le Yémen « à cause du vote de ceux qui sont de fervents partisans du Mécanisme ».  Il a ensuite relevé que les travaux de ce mécanisme ainsi que ses résultats ont été menés sous le prétexte de confidentialité, décriant une pratique qui porte gravement atteinte à la transparence et à la responsabilisation.  Le rapport ne partage pas non plus d’informations concernant les dossiers sur lesquels il travaille, a accusé M. Ghorbanpour pointant l’absence d’informations sur les sources des preuves, les procédures de collecte et de traitement ainsi que l’identité des personnes qui coopèrent avec le Mécanisme.  En revanche, le rapport n’hésite pas à faire référence à la coopération entre le Mécanisme et les gouvernements parties à la crise syrienne dont le rôle néfaste est connu, a-t-il déploré.

M. MLADEN BRUČIĆ-MATIC (Croatie) a considéré que le nombre croissant de demandes d’assistance adressées au Mécanisme témoigne de son importance cruciale dans la lutte contre l’impunité, pour ensuite le remercier de ses efforts pour prêter attention aux crimes sexuels et sexistes et aux crimes contre les enfants.  Il a encouragé le Mécanisme à poursuivre son travail sur la stratégie globale relative au genre et sur son approche centrée sur les victimes survivantes et à se pencher sur le transfert croissant d’informations aux acteurs mandatés pour rechercher les personnes disparues. 

Le représentant a ensuite dénoncé le ciblage délibéré de civils en Ukraine.  Les attaques indiscriminées commises contre eux ne sont pas seulement « moralement abjects », mais constituent des crimes de guerre et, si elles sont commises de manière généralisée ou systématique, des crimes contre l’humanité.  Nous devrions donc soutenir tous les efforts visant à établir la responsabilité des crimes commis en Ukraine, a estimé le délégué, pour qui justice doit être rendue aux victimes, « en Ukraine et en Syrie », et ailleurs.  

Mme YOKA BRANDT (Pays-Bas) a commencé par citer les propos d’un Syrien torturé à la prison d’al-Khatib, qui estimait que le processus d’enquête en Syrie était un motif d’espoir pour la justice.  Les mots de cet homme, qui a ensuite témoigné devant le tribunal de Coblence, soulignent l’importance de poursuivre cet effort, a-t-elle affirmé.  Elle s’est félicitée à cet égard que ce même tribunal allemand ait condamné, en janvier dernier, un haut responsable du Gouvernement Assad pour des crimes contre l’humanité.  À ses yeux, ce verdict « historique » est non seulement le point de départ de futurs procès mais aussi le point culminant de la recherche des faits et de la collecte de preuves.  C’est aussi, selon elle, le signe de la grande détermination des Syriens qui sont prêts à témoigner ou font sortir des éléments de preuve de Syrie, et des journalistes qui continuent de rendre compte de la terreur qui sévit toujours.  

Nous devons veiller à ce que les mots justice et responsabilité « ne sonnent pas creux » et conduisent à des actes, a martelé Mme Brandt, estimant qu’un pas important dans ce sens a été franchi avec la création du Mécanisme qui « ouvre la voie à la justice pour les Syriens ».

M. ELIE ALTARSHA (République arabe syrienne) a dénié toute légitimité au Mécanisme et dit qu’il n’entend pas discuter du rapport.  « Ce mécanisme n’est pas licite, ni légitime, il est utilisé par certains pays pour exercer des pressions sur la Syrie », a tranché le délégué.  Il a rappelé que la Syrie n’a pas demandé la création d’un tel mécanisme et n’a pas sollicité l’aide juridictionnelle de l’ONU.  La Syrie a lancé de nombreuses enquêtes pénales et est dotée des outils nécessaires pour rendre la justice.  Il a ajouté que ce mécanisme viole plusieurs dispositions de la Charte des Nations Unies et que toute décision relative à ce mécanisme est nulle et non avenue.  L’ONU ne doit pas fournir des ressources audit mécanisme. 

Le délégué a refusé toute validité aux éléments de preuve collectés par le Mécanisme, ces éléments étant fournis par des organisations terroristes comme les Casques blancs et ne peuvent être versés à des procédures judiciaires.  Il a estimé que la sélectivité et une approche de deux poids, deux mesures ont perverti les efforts d’établissement des responsabilités au sein de l’ONU, en fustigeant ces pays qui ont attaqué la Syrie.  « Ces pays doivent rendre des comptes pour leurs actes. »  Il a exhorté à ne pas céder aux pressions des pays occidentaux et à ne pas doter le Mécanisme de ressources. 

M. ROBERT RAE (Canada) a soutenu le Mécanisme international, impartial et indépendant en réfutant les propos de ceux qui l’ont critiqué et en réaffirmant sa légitimité et sa crédibilité.  Le représentant a rappelé que le Canada a accueilli, depuis 2013, 73 000 Syriens, qui sont aujourd’hui éligibles à la citoyenneté et qui se sont intégrés dans le tissu social canadien.  « Leur histoire est devenue la nôtre », a-t-il affirmé en revendiquant leur droit à la justice.  C’est dans cet esprit qu’il a salué le travail inclusif du Mécanisme qui se concentre sur les victimes et collabore avec la société civile.  Il s’est félicité des efforts pour intégrer une perspective de genre dans ses travaux.

Après 11 ans de conflit, il est temps que la communauté internationale réaffirme son soutien aux initiatives de responsabilité et de justice en Syrie, comme le Mécanisme international, impartial et indépendant, a-t-il poursuivi en indiquant soutenir son financement par l’entremise du budget ordinaire de l’ONU.  Il a rappelé que, depuis le début de la crise, le Canada a fourni 33 millions de dollars à des efforts propres à la Syrie, notamment pour la destruction d’armes chimiques et pour soutenir les travaux de la mission de vérification et d’enquête.  Aujourd’hui, l’heure est venue d’établir des voies qui mènent davantage vers la justice et vers la paix, a estimé le représentant.  Répondant aux interventions de la Syrie et de l’Iran au sujet des « enquêtes confidentielles » du Mécanisme, il leur a dit qu’il ne peut imaginer un système pénal qui puisse ne pas agir de la sorte.  Suggérez-vous vraiment qu’un mécanisme d’enquête puisse divulguer les noms des témoins alors que l’enquête est en cours, leur a-t-il demandé.  Si vous ne voulez pas de ce mécanisme, alors vous devez tout faire pour que l’impunité ne devienne pas un mode de vie, leur a-t-il encore répondu en réfutant toute accusation de politisation ou d’ingérence.

Mme MARITZA CHAN (Costa Rica) a jugé essentiel que le Mécanisme maintienne une perspective centrée sur les victimes et les survivants qui intègre également une perspective de genre et tienne compte des besoins stratégiques des personnes disparues, entre autres.  En ce sens, elle a jugé qu’une analyse de genre avec une approche inclusive est essentielle pour garantir la justice aux victimes de violations graves des droits humains et du droit international en Syrie. Par ailleurs, la représentante s’est félicitée de l’accès accordé aux membres du Mécanisme pour consulter des documents recueillis par le Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’ONU. 

La déléguée a ensuite regretté que la décision d’inscrire le financement du Mécanisme au budget ordinaire ait été à nouveau contestée par certains États Membres et qu’il ait été nécessaire de recourir à un vote au sein de la Cinquième Commission pour son approbation.  Le Mécanisme a un rôle clef à jouer non seulement pour mettre fin à l’impunité pour les crimes commis en Syrie, mais aussi pour rendre visibles les victimes qui ont été oubliées, a-t-elle souligné.

M. THOMAS ZAHNEISEN (Allemagne) a insisté sur l’importance du concept juridique de « compétence universelle » des tribunaux nationaux.  Il a expliqué que l’Allemagne a adopté ce concept du fait de son histoire troublée, soulignant qu’il ne peut y avoir de réconciliation sans justice.  Il a expliqué que c’est grâce à la collaboration du Mécanisme que les tribunaux allemands ont pu trancher sur des affaires liées à la guerre en Syrie.  Le représentant a ensuite exhorté tous les États à adopter le principe de compétence universelle, avant de promettre que l’Allemagne poursuivra son assistance au Mécanisme.

M. MITCHELL FIFIELD (Australie) a salué les progrès réalisés par les juridictions nationales dans les enquêtes et les poursuites relatives aux crimes commis en Syrie, y voyant une indication de la valeur ajoutée du Mécanisme.  Il a toutefois reconnu qu’il reste encore du travail à faire, citant notamment les allégations de prises d’otages, de détentions arbitraires et d’utilisation continue de tactiques de siège par les forces syriennes.  Il a exhorté les États Membres à défendre de vive voix l’obligation de rendre des comptes et d’assurer la justice pour les crimes commis en Syrie.  L’impunité ne doit pas prévaloir, en Syrie ou ailleurs, a martelé le représentant qui a appelé toutes les parties au conflit à coopérer pleinement avec le Mécanisme.  

Mme SHARIFA AL-NESF (Qatar) a fait remarquer que l’établissement des responsabilités est un facteur de réconciliation.  Cela ne peut que profiter au processus de paix, a-t-il ajouté.  La déléguée a assuré que son gouvernement continuera de soutenir toutes les parties concernées pour qu’elles parviennent à une solution à la crise syrienne et à une transition politique menée par les Syriens eux-mêmes.  Elle a souligné la nécessité d’appuyer le Mécanisme pour qu’il obtienne les moyens de s’acquitter de son mandat par le biais du budget ordinaire de l’ONU.

Mme MYRIAM OEHRI (Liechtenstein) a constaté que quand l’impunité règne, les auteurs d’infraction s’enhardissent et cela devient une méthode de guerre.  À cet égard, elle s’est félicitée que l’Assemblée générale ait su réagir à un nouveau conflit en lien étroit avec la situation en Syrie.  Voyant dans la guerre en Ukraine une « répétition des stratagèmes russes » observés en territoire syrien, elle a jugé que ce nouveau conflit souligne la nécessité d’établir la responsabilité des crimes commis en Syrie.  Elle a ensuite rappelé qu’en décembre 2016, le Luxembourg a présenté le projet de résolution portant création du Mécanisme pour la Syrie.  Sa création était, selon elle, animée par « l’horreur, la honte collective, l’inactivité du Conseil de sécurité et la conviction que la redevabilité était non seulement nécessaire mais aussi possible ». 

Saluant le travail effectué par le Mécanisme, qui a notamment appuyé 91 enquêtes menées au niveau national, la représentante s’est réjouie qu’il soit soutenu par la volonté exprimée par l’Assemblée générale d’assurer son fonctionnement sur la base du budget ordinaire de l’ONU.  Malgré cela, a nuancé la déléguée, le Mécanisme n’est qu’une réponse partielle au défi de la responsabilisation.  En effet, il n’est pas un tribunal et des lacunes restent à combler, a-t-elle relevé.  Formant le vœu que les procès devant le tribunal régional supérieur de Coblence (Allemagne) ne soient « qu’un début », elle a souhaité que le Conseil de sécurité renvoie la situation syrienne à la CPI.  Il ne pourra y avoir de paix durable en Syrie sans la justice, a-t-elle conclu. 

M. JAKUB KULHANEK (République tchèque) a déclaré qu’avec ce débat « nous n’oublions aucun des conflits qui font rage dans le monde ».  Il a souligné que le Mécanisme est un outil vital et contribue à l’état de droit.  Il a déploré que le Conseil n’ait pas renvoyé la situation en Syrie à la Cour pénale internationale (CPI), en raison de l’exercice du droit de veto.  Le délégué a enfin souhaité que le Mécanisme soit financé par le budget ordinaire de l’ONU et annoncé une contribution financière volontaire de son pays pour son financement.

M. MAURIZO MASSARI (Italie) a déploré les souffrances endurées par le peuple syrien au cours des 11 dernières années, plaidant pour l’application de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité afin de trouver une issue pacifique au conflit.  Pour parvenir à une paix durable il faut assurer la pleine redevabilité pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, a-t-il fait valoir, appelant à la cessation de l’impunité en Syrie.  C’est dans cet esprit que l’Italie a appuyé le Mécanisme depuis sa création, a-t-il ajouté.  Le représentant a salué la coopération croissante entre le Mécanisme et les autorités nationales, et a plaidé pour un renvoi des dossiers nationaux à la CPI.  Il a salué l’approche axée sur les victimes et les rescapés du Mécanisme, ainsi que ses travaux thématiques.  Le représentant a ensuite estimé que le Mécanisme doit être financé à partir du budget ordinaire de l’ONU. 

M. DARREN CAMILLERI (Malte)a cité des comptes rendus de « témoignages glaçants » sur les exactions commises par le régime.  Il a prévenu qu’il ne suffit pas d’entendre les victimes et qu’il est indispensable de leur rendre justice.  Dans ce contexte, il a exhorté les États Membres à coopérer étroitement avec le Mécanisme avant de saluer les efforts entrepris par celui-ci pour déterminer le sort des personnes disparues.  Dans l’attente de résultats, il a estimé que le respect d’un cessez-le-feu et la mise en œuvre d’une solution politique conformément à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité est la seule façon de progresser vers de la justice.  Il a prévenu que les crimes de guerres et crimes contre l’humanité ne peuvent et ne doivent en aucun cas rester impunis.  Enfin, il a suggéré que le Conseil de sécurité renvoie la question de la Syrie devant la Cour pénale internationale.

Mme PASCALE BAERISWYL (Suisse) a appelé tous les États Membres à collaborer étroitement avec le Mécanisme.  Selon elle, les poursuites judiciaires ouvertes dans plusieurs États démontrent la pertinence de son travail, ainsi que l’importance du principe de la compétence universelle, comme en témoignent certains verdicts rendus récemment en Europe.  En Suisse, une modification du cadre législatif relatif à l’entraide pénale internationale est entrée en vigueur en juin 2021, a-t-elle signalé en expliquant que cela permet au pays d’accroître sa coopération avec le Mécanisme et d’autres mécanismes pénaux internationaux.  Toutefois, pour que le Mécanisme puisse continuer sa mission, il est essentiel de lui assurer un financement durable, a plaidé la déléguée, qui a demandé de l’inclure dans le budget ordinaire de l’ONU.  Par ailleurs, soulignant que la reddition de la justice est indispensable pour instaurer une paix durable en Syrie, Mme Baeriswyl a salué l’appui qu’offrent certaines organisations locales syriennes au travail du Mécanisme.  Elle a rappelé que la Suisse et les Pays-Bas s’efforcent depuis 2017, par le biais du processus de Lausanne, de faciliter la coopération et la transmission des informations entre le Mécanisme et les ONG syriennes.

Mme KRISTEL LÕUK (Estonie) a appelé le Conseil de sécurité à saisir la CPI de la situation en Syrie.  Elle a salué le travail du Mécanisme y compris le développement de son répertoire central et l’amélioration de ses analyses pour un certain nombre d’enquêtes concernant les crimes commis en Syrie.  Elle a appuyé les efforts déployés par le Mécanisme pour garantir une justice inclusive et centrée sur la victime ou les personnes rescapées, en prêtant attention aux crimes sexuels et sexistes et aux crimes contre les enfants.  Elle a dit « être impatiente » de lire la stratégie de genre du Mécanisme. 

Compte tenu de la gravité et de l’ampleur de la question des personnes disparues, Mme Louk a souligné l’importance des travaux du Mécanisme visant à accroître le transfert d’informations sur ces dernières et son engagement continu avec les acteurs de la société civile syrienne afin de mieux comprendre et refléter les besoins des communautés locales.  Elle a par ailleurs estimé que le Mécanisme doit continuer d’être financé à partir du budget ordinaire de l’ONU.

M. ONCU KECELI (Turquie) a dénoncé les crimes commis par le « régime syrien », notamment les attaques à l’arme chimique et à l’encontre de son propre peuple, avant de saluer le Mécanisme pour ses efforts visant à établir les responsabilités.  Mais pour lui permettre de continuer son importante mission, il doit pouvoir bénéficier des ressources suffisantes par le biais d’un financement adéquat assuré par le budget ordinaire de l’ONU, a souligné le représentant qui a exhorté tous les États Membres à lui apporter son soutien.

M. OLIVIER MAES (Luxembourg) a observé que l’actualité montre à nouveau l’importance de la lutte contre l’impunité pour la prévention des conflits et des crimes.  « On ne peut que s’interroger sur le lien entre l’impunité pour les crimes commis en Syrie et l’agression de la Russie contre l’Ukraine », a-t-il dit, avant de se féliciter que le Mécanisme international, impartial et indépendant continue de faire la preuve de son efficacité en tant qu’acteur de la justice.  Selon lui, la création du Mécanisme en 2016 a permis de franchir une étape décisive dans l’identification des responsables de ces crimes, notamment grâce à la collecte, à la préservation et à l’analyse d’éléments de preuve.  Elle a aussi illustré le rôle important que l’Assemblée générale peut jouer quand le Conseil de sécurité est paralysé par le veto, a ajouté le délégué, rappelant à cet égard que son pays avait plaidé en 2013, avec 56 autres États, pour que le Conseil saisisse le Procureur de la CPI de la situation en Syrie.  Or le Conseil n’avait pas été en mesure d’adopter une résolution déférant la situation en Syrie à la Cour, le 22 mai 2014, en raison du vote négatif de deux membres permanents, a-t-il regretté.  Près de huit années plus tard, a poursuivi M. Maes, force est de constater que les crimes continuent.  Pour mettre fin au conflit et aux atrocités en Syrie, il est indispensable d’œuvrer à une solution politique, ce qui n’est pas incompatible avec la lutte contre l’impunité, a-t-il plaidé. 

Mme SHANNON TAU (Nouvelle-Zélande) a apporté son plein appui au travail du Mécanisme international, impartial et indépendant, estimant qu’il joue un rôle crucial dans la lutte contre l’impunité pour les atrocités commises en Syrie.  Elle a salué le recours aux moyens technologiques de la part du Mécanisme, s’agissant notamment de la collecte d’éléments de preuve.  Le travail que le Mécanisme doit encore abattre est immense, a conclu la déléguée de la Nouvelle-Zélande, en lui apportant une nouvelle fois son soutien. 

Mme DIARRA DIME-LABILLE (France) a rappelé que la France apporte son plein soutien au Mécanisme pré-juridictionnel depuis sa création, ce qui se manifeste entre autres, par la signature d’une convention de coopération judiciaire internationale entre la France et le Mécanisme, le 29 juin 2021.  Elle a salué la prise en compte systématique des questions liées au genre et aux violences contre les femmes dans l’ensemble de ses travaux.  Saluant le « courage immense » des acteurs de la société civile syrienne, la représentante les a invités à poursuivre leur coopération avec le Mécanisme, arguant que leur contribution à la justice est essentielle.  Elle a ensuite appelé à maintenir le financement du Mécanisme d’enquête sur le budget régulier de l’ONU.

La représentante a ensuite indiqué que la quarantaine de procédures en cours devant les juridictions françaises pour poursuivre les crimes les plus graves commis en Syrie ont fait l’objet de transmissions d’éléments par le Mécanisme.  Elle a ajouté que la France agit également au sein de l’OIAC, pour que soit condamné l’emploi par le régime syrien d’armes chimiques contre sa population, et a lancé et préside le Partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques, qui réunit aujourd’hui 40 États ainsi que l’Union européenne.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a salué le travail louable du Mécanisme pour lever les obstacles à l’accès à la justice des personnes les plus marginalisées, ainsi que les efforts visant à élucider la question des personnes disparues qui représente une tragédie pour des milliers de familles syriennes.  Elle a dit la nécessité de faire pression sur le « régime Assad » afin qu’il collabore avec le Mécanisme.  Elle a assuré que son pays continuera à utiliser sa voix au Conseil de sécurité pour demander à celui-ci de renvoyer la question de la Syrie devant la CPI.  Soulignant que seule la redevabilité peut assurer la justice en Syrie comme en Ukraine, elle a indiqué que son pays à participé à la création du Groupe d’amis pour la reddition de comptes en Ukraine.

M. ALEXANDER MARSCHIK (Autriche) a fait savoir que pour soutenir le Mécanisme, l’Autriche a apporté un soutien financier en 2017 et 2019, saluant le fait que le financement du Mécanisme soit désormais inclus dans le budget ordinaire de l’ONU.  Le Mécanisme ayant été créé par l’Assemblée générale, il est logique que son financement intégral provienne du budget ordinaire, a-t-il argué.  Dans le même temps, l’Autriche a fait des contributions volontaires en 2021 au Mécanisme.  Soulignant que la réconciliation nationale ne peut être réalisée sans responsabilité, il a insisté sur l’importance de tenir pour responsable les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

M. OSUGA TAKESHI (Japon) a déclaré que la reddition de comptes est essentielle pour assurer une paix durable en Syrie, s’inquiétant notamment du sort des personnes disparues et de celles qui ont été détenues arbitrairement en Syrie.  Il a exhorté à ne pas tolérer l’impunité pour les violations flagrantes des droits humains commises pendant le conflit et a salué les progrès accomplis par le Mécanisme au cours de l’année écoulée.

Le représentant a appelé le Mécanisme à continuer de collaborer étroitement avec l’ONU et d’autres organisations internationales, les États Membres et la société civile dans la poursuite d’une justice inclusive grâce à son approche centrée sur la victime et les personnes rescapées.  La crise syrienne ne se terminera pas sans une solution politique conforme à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité, a-t-il ajouté.

M. KIM SONG (République populaire démocratique de Corée) a rejeté la légitimité du Mécanisme, dans la mesure où l’Assemblée générale n’avait pas autorité à le créer, une responsabilité qui incombe de façon absolue au Conseil de sécurité.  L’adoption de la résolution ayant porté création par l’Assemblée de ce mécanisme est un précédent regrettable et relève d’une « pratique anormale » au sein de l’ONU.  Ce mécanisme « illégal », sous couvert de mener des enquêtes impartiales, est coupable d’ingérence dans les affaires internes d’un État, a affirmé le représentant, décriant un « exemple typique » de la politisation, de la politique de deux poids, deux mesures et de la sélectivité à l’œuvre dans l’Organisation.  Il a ensuite appelé l’ONU à préserver son impartialité, son objectivité et sa crédibilité en tant que facilitatrice de la recherche d’une solution politique à la crise syrienne.

M. BOSTJAN MALOVRH (Slovénie) s’est félicité des progrès accomplis par le Mécanisme dans toutes les composantes de son mandat.  Il a cependant constaté que, malgré son succès, le Mécanisme ne reste qu’une réponse partielle au défi de la responsabilisation dans le conflit syrien.  S’il continue de démontrer sa valeur en tant qu’acteur efficace de la justice, le Mécanisme n’est pas un tribunal, a-t-il observé, jugeant qu’un vide crucial reste à combler.  À cet égard, le représentant a salué le fait que plusieurs États aient engagé des poursuites pénales devant leurs juridictions nationales sur la base du principe de compétence universelle.  Ces procédures sont un pas dans la bonne direction pour lutter contre l'impunité, mais il faut faire davantage pour garantir la justice pour les victimes du conflit syrien, a-t-il plaidé, avant d’appeler à la conclusion d’un nouveau traité d’entraide judiciaire et d’extradition pour la poursuite au niveau national des crimes internationaux les plus graves, comme le prévoit l’initiative dite MLA (Mutual Legal Assistance).  Il a également réitéré son appel au Conseil de sécurité pour qu’il renvoie la situation en Syrie à la CPI, estimant que l’impunité pour les atrocités n’est pas acceptable. 

M. KARL LEGATIE (Belgique) a salué le travail du Mécanisme international, impartial et indépendant, ainsi que la pertinence de son mandat.  Les victimes en Syrie se comptent par centaines de milliers, a-t-il rappelé, en soulignant leur soif de justice, celle-ci étant un élément clef d’une paix durable en Syrie.  Le délégué a demandé que le Conseil renvoie la situation en Syrie devant la CPI, avant d’exhorter les pays qui ne l’ont pas encore fait à définir un cadre de coopération avec le Mécanisme.  Il a indiqué que son pays a financé le Mécanisme à hauteur de 1,6 million de dollars.  Son souhait, a-t-il ajouté, est qu’il soit financé par le budget ordinaire de l’ONU.  Enfin, le délégué belge a souligné l’importance d’une justice holistique au service d’une paix durable en Syrie.

M. MICHAL MLYNÁR (Slovaquie) s’est particulièrement félicité de l’aide apportée par le Mécanisme aux poursuites pénales menées par les autorités nationales et les tribunaux régionaux et internationaux, en collectant, analysant et préservant des preuves.  En exigeant de la juridiction bénéficiaire qu’elle respecte le droit international des droits de l’homme, y compris le droit à un procès équitable, le Mécanisme contribue au renforcement de l’État de droit et à une procédure régulière, a aussi relevé le représentant avant de citer un total de 173 demandes d’assistance reçues de 13 juridictions durant la période couverte par le dernier rapport.  De plus, il a noté un total de 112 demandes traitées concernant 91 enquêtes, qui soulignent la contribution pratique du Mécanisme en Syrie. 

En ce qui concerne l’utilisation des preuves recueillies par le Mécanisme, il a dit que tous les motifs fondant une compétence potentielle, y compris la compétence universelle, doivent être pris en compte par les autorités nationales.  M. Mlynar a appuyé les recommandations contenues dans le rapport du Secrétaire général qui demandent à l’ONU et à d’autres organisations internationales d’assurer un plein accès au Mécanisme en ce qui concerne les documents détenus au sein du système des Nations Unies relatifs aux crimes commis en Syrie et d’assurer la pleine coopération des organismes de l’ONU avec le Mécanisme, y compris grâce à l’exécution en temps voulu des demandes d’information et d’assistance.  Dans le même ordre d’idées, il a exhorté les États à s’assurer que les autorités nationales chargées des enquêtes et des poursuites coopèrent sans heurts avec le Mécanisme, pour faire avancer le mandat de celui-ci et, en même temps, bénéficier de son travail. 

M. PEDRO LUIS PEDROSO CUESTA (Cuba) a déclaré qu’il ne soutiendra jamais « un mécanisme qui méconnaît délibérément les principes de la Charte des Nations Unies ».  À son avis, le Mécanisme ne fait que saper de façon délibérée la responsabilité de la Syrie et de son système judiciaire pour enquêter et traduire en justice les crimes qui auraient pu être commis sur son territoire.  Le Mécanisme transgresse les normes et principes du droit international et représente une procédure dangereuse dans la pratique de l’ONU, a encore dénoncé le représentant pour qui son mandat n’a pas de fondement légal ni juridique.  Les États Membres n’ont pas eu la moindre possibilité de se prononcer à ce sujet et encore moins de prendre des décisions sur le mandat du Mécanisme, a regretté le représentant, en pourfendant « un mécanisme qui joue et exerce les fonctions d’un procureur ».  

Le Mécanisme vise à établir un lien entre les éléments de preuve concernant des infractions et ceux qui pourraient en être responsables afin de partager les informations avec les cours ou les tribunaux nationaux ou régionaux ou internationaux, a-t-il constaté en jugeant cela « arbitraire sur le plan juridique » et ne correspondant pas aux fonctions judiciaires classiques.  Il a également dénoncé le changement de mode de financement du Mécanisme dont il a pointé du doigt les vices de forme, ainsi que les incohérences et les contradictions du rapport qui mettent ainsi en cause sa crédibilité, son objectivité et son impartialité.

M. XING JISHENG (Chine) a tout d’abord appelé à la levée des mesures coercitives unilatérales ciblant la Syrie.  Il a ensuite appelé à lutter contre l’impunité, mais demandé que cela se fasse dans le respect du système juridique de chaque pays.  Il ne faut pas que le principe de redevabilité soit politisé, a-t-il déclaré, rappelant que la position de la Chine au sujet du Mécanisme reste inchangée.

M. JHON GUERRA SANSONETTI (Venezuela) a rappelé que son pays avait voté contre le projet de résolution portant création « irrégulière » du Mécanisme pour la Syrie, une structure qui, selon lui, viole de manière flagrante les buts et principes de la Charte des Nations Unies.  En outre, s’est-il indigné, cette décision, imposée « de force » à l’Assemblée générale par une « majorité de circonstance », avait usurpé les prérogatives du Conseil de sécurité.  La création de ce mécanisme, qui prétend être un organe d’enquête indépendant et impartial, non seulement méconnaît le droit souverain des États à enquêter sur des faits survenus sur leur territoire mais établit aussi un précédent néfaste pour les travaux de l’Assemblée générale, a renchéri le délégué, avant de mettre en cause la validité même des éléments de preuve « hypothétiques » qui pourraient être recueillis par le Mécanisme en vue de procédures pénales. 

La Syrie a toutes les capacités judiciaires pour répondre à ces crimes, sans qu’il soit nécessaire qu’un organe tiers s’ingère et propose une assistance qui n’a pas été demandée par la Syrie, a poursuivi le représentant, voyant dans ce mécanisme une tentative déguisée de déstabilisation.  Il s’agit là d’un nouvel exemple de sélectivité et du « deux poids, deux mesures », par lequel de grandes puissances imposent des mesures de terrorisme économique au peuple syrien, a ajouté le représentant, selon lequel ce mécanisme ne répond en fait qu’à des intérêts nationaux « mesquins ».  Appelant à ne plus utiliser l’Assemblée générale pour s’en prendre à des États souverains, il a souligné que, pour parvenir à la paix en Syrie, il importe de ne plus miser sur des sources de division qui nuisent au processus politique. 

M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a pris note des avancées importantes dans la coopération entre certaines juridictions nationales et le Mécanisme, notamment lorsqu’elles le notifient quand elles ont des procédures pénales ouvertes pour les crimes commis en Syrie.  Il a espéré que, comme dans les cas de l’Allemagne, de la France et de la Suède, les autorités juridictionnelles nationales utiliseront le Mécanisme comme dépositaire de preuves à l’appui de leurs enquêtes et pour la constitution de dossiers solides.  Il a également évoqué la coopération avec l’équipe d’enquête et d’identification de l’OIAC et la commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme.  Toutefois, la coordination entre tous ces mécanismes est essentielle pour éviter les doubles emplois et maximiser les ressources, a fait valoir le représentant.  

Tout en reconnaissant que ces efforts sont cruciaux dans la lutte contre l’impunité, le représentant a estimé que la situation en Syrie devrait être déférée à la CPI et regretté que l’usage du veto ait entravé cette voie.  Il est inadmissible de faire une utilisation abusive du droit de veto pour empêcher la reddition de comptes, y compris le renvoi de certaines situations à la CPI, a-t-il affirmé.  Le délégué a ensuite insisté sur l’importance d’octroyer au Mécanisme le budget nécessaire pour lui permettre de mener ses travaux avec efficacité.

En tant que l’un des coparrains du Mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie dès 2016, M. VOLODYMYR LESCHENKO (Ukraine) a affirmé que son pays soutient fermement la mise en œuvre de son important mandat de collecte de preuves des atrocités commises en Syrie, y compris les meurtres, la torture et le traitement inhumain des personnes.  Il est crucial que les victimes et les survivants des crimes internationaux commis en Syrie et leurs familles restent au cœur du travail du Mécanisme, a-t-il estimé avant de condamner dans les termes les plus forts le « régime syrien » et ses alliés, principalement la Russie, pour les violations et abus massifs, systématiques et graves des droits humains et du droit humanitaire.  L’impunité n’est pas une option pour les auteurs de crimes aussi odieux, s’est-il indigné en exigeant qu’ils aient à rendre des comptes pour leurs actes.

Constatant que malgré les nombreux appels de la communauté internationale, le « régime syrien » continue d’ignorer ses obligations en matière de protection de la population civile, le délégué l’a exhorté à cesser immédiatement les attaques contre les civils et les infrastructures civiles et à se conformer à ses obligations internationales, y compris celles découlant de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques.  L’Ukraine continuera à soutenir le Mécanisme international, impartial et indépendant, ainsi que l’équipe d’investigation de l’OIAC, a-t-il fait savoir.  Il a également insisté sur l’impératif de la pleine application de la résolution 2254 (2015) pour un règlement pacifique du conflit syrien.

M. BRIAN FLYNN (Irlande) a relevé que le Mécanisme et la mission d’établissement des faits de l’OIAC permettent de combler un fossé d’impunité et accomplissent un travail essentiel pour responsabiliser et protéger l’intégrité d’un système international fondé sur des règles.  Après avoir cité en exemple le partenariat contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques lancé le 23 janvier 2018, il a félicité les États qui ont engagé des poursuites pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité devant leurs tribunaux nationaux.  Par ailleurs, il a estimé que la situation des détenus et des personnes portées disparues demeure l’une des plus grandes tragédies de ce conflit, se disant inquiet de l’impact psychologique sur les victimes et leurs familles avant d’appeler les autorités syriennes et les autres parties à libérer toutes les personnes détenues et enlevées arbitrairement et à faire connaître le sort des personnes portées disparues.  Il a salué l’accent mis sur cette question importante dans la résolution 76/228 adoptée par l’Assemblée générale le 24 décembre 2021.

Le représentant a rappelé que le Secrétaire général a été chargé d’étudier les moyens de renforcer les efforts du Mécanisme.  Se désolant qu’une génération d’enfants syriens ait grandi en ne connaissant que le conflit, il a dénoncé la poursuite des violations graves des droits des enfants, dont leur recrutement, leur enlèvement ainsi que les meurtres et les mutilations.  Il s’est particulièrement inquiété de la violence sexuelle et sexiste dont sont victimes les filles et du ciblage des établissements d’enseignement et de santé.  C’est pourquoi il a mis l’accent sur la nécessité de renforcer la protection des enfants, de faire valoir leurs droits et de demander des comptes aux responsables.

M. KAHA IMNADZE (Géorgie) a estimé que les auteurs de crimes graves et de violations des droits humains et du droit international humanitaire doivent être tenus pour responsables.  Il a appelé le « régime syrien » à cesser les attaques contre les civils et les installations civiles, afin de permettre la fourniture sans entrave et continue d’une aide humanitaire sûre, au bénéfice de tous ceux qui en ont besoin, en particulier dans le nord-ouest de la Syrie.  Il a également invité le Gouvernement syrien à coopérer pleinement avec le Mécanisme, ainsi qu’avec la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne.  Le représentant a également appelé à se joindre aux efforts de la Géorgie, de l’Ukraine et de la communauté internationale pour s’assurer que justice soit rendue pour les crimes que la Fédération de Russie commet contre l’Ukraine.

M. TIMOTHY JAMES SYLVESTER (Royaume-Uni) a réitéré l’appui de sa délégation au Mécanisme qui continue de compiler les cas de violations des droits humains commises contre le peuple syrien, arguant qu’il ne peut y avoir d’impunité pour ceux qui violent le droit international humanitaire et les droits humains.  Le huitième rapport du Mécanisme démontre son expertise, son efficacité et sa contribution à la justice internationale, a applaudi le délégué pour qui le nombre croissant de demandes d’assistance accrédite cette évaluation.  Il a fait le même constat pour les avancées significatives enregistrées dans l’obtention de la justice, notamment avec le verdict historique rendu à Coblence (Allemagne).  Ce verdict a déterminé que des crimes contre l’humanité avaient été commis en Syrie dans le cadre d’une attaque systématique contre la population civile par le « régime d’Assad » entre avril 2011 et septembre 2012, a rappelé le représentant.  Il a ensuite pris note de la mise à jour du répertoire central d’informations du Mécanisme.  Il a aussi dit être « préoccupé » face à la situation de dizaines de milliers de personnes enlevées et de personnes portées disparues et détenues en Syrie, avant de conclure en demandant la cessation des disparitions et enlèvements. 

M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a indiqué que la position de son pays sur le « soi-disant mécanisme » n’a pas varié.  Il a rappelé que la République arabe syrienne n’a pas consenti à la mise en place de cette structure, qui, a-t-il indiqué, n’est prévue par aucune résolution du Conseil de sécurité au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, estimant que la création dudit mécanisme a violé de manière flagrante les principes d’égalité souveraineté et de non-ingérence dans les affaires intérieures.  Ce faisant, l’Assemblée générale a outrepassé son mandat et continue de le faire en recevant des rapports « non sollicités » de cette structure « illégitime » dont les prétendues « preuves » ne peuvent être utilisées sur des bases juridiques dans le cadre de procédures pénales nationales ou internationales.  De plus, s’est-il indigné, un groupe de pays occidentaux a « cyniquement » fait adopter le transfert du financement du Mécanisme au budget ordinaire de l’ONU, brisant par là même la tradition de consensus de la Cinquième Commission de l’Assemblée générale.  Le « paradoxe » est que ce « jouet » créé pour répondre aux ambitions géopolitiques de l’Occident fonctionne avec « notre argent commun », a-t-il dénoncé. 

Le représentant a également décrié le caractère « superficiel » des informations contenues dans les rapports du Mécanisme.  Il a ainsi noté que les sources des « soi-disant éléments de preuve » n’y sont pas révélées, pas plus que les modalités de leur collecte et de leur traitement.  De même, le Mécanisme refuse de divulguer des informations sur sa coopération avec des ONG telles l’Observatoire syrien des droits de l’homme basé à Londres, ce qui laisse à penser que l’Assemblée générale a contribué à la création d’une « « fabrique de fausses nouvelles ».  En effet, a-t-il fait valoir, quelles preuves peuvent fournir des ONG sur des crimes commis dans des pays où elle ne se trouvent pas?  Lorsque le Mécanisme explique collecter ses informations « principalement à partir de sources ouvertes », cela signifie « en langage non bureaucratique » qu’il transforme la « propagande occidentale » en « preuves juridiquement pertinentes », a encore soutenu le délégué.        

Notant que, dans le but de « justifier son existence », le Mécanisme a annoncé l’achèvement imminent du « module de preuves » concernant les attaques systématiques de Daech contre la population civile en Syrie, le représentant a fait remarquer que les organismes syriens se sortent très bien de leurs enquêtes sur ces crimes.  À cet égard, il a jugé que les méthodes de travail du Mécanisme ne permettent pas de respecter les critères de pertinence et de recevabilité des preuves recueillies et les rendent absolument inutiles pour les enquêtes nationales.  Il s’est par ailleurs étonné qu’une structure « illégitime » telle que le Mécanisme ait eu accès aux archives de l’OIAC, sans l’accord du Conseil de sécurité, et a enjoint le Secrétariat à mettre fin à cette pratique.  Enfin, il a averti les « auteurs » du Mécanisme que les « mensonges » reproduits par ce dernier ne conduiront à « aucun changement de régime ».  

Droits de réponse

Exerçant son droit de réponse, le représentant de la Syrie a rappelé que les forces d’occupation des États-Unis ont commis un « acte horrible » en 2019 en Syrie, au cours duquel 70 femmes et enfants ont perdu la vie, et qui n’est mentionné nulle part dans le rapport du Mécanisme.  Il a affirmé que les actes horribles cesseront en Syrie dès que les forces d’occupation se seront retirées, lorsqu’on ne soutiendra plus les groupes terroristes en Syrie et lorsque les sanctions seront levées.

Il a dit ne pas vouloir répondre à la Turquie, « alors qu’il pourrait parler des mois entiers de la guerre que mène la Turquie en Syrie », mais lui a fait remarquer que le chef de Daech a été éliminé dans un village à quelques mètres de la frontière turque.  Au Canada, qui a demandé des mesures pour lutter contre l’impunité en Syrie, le représentant a souligné que celles-ci doivent s’appliquer à tous, y compris aux gouvernements qui ont financé la guerre en Syrie.  Le représentant a ensuite rappelé que la Syrie avait fourni des informations à l’OIAC qui ont ensuite été transmises au Mécanisme, se demandant au nom de quel droit l’OIAC a pu se permettre d’agir ainsi.

Le représentant de l’Iran a souligné que le Mécanisme n’est pas un organe juridique étant donné l'Assemblée générale n’a pas le mandat de créer un tel organe.  Selon lui, le Mécanisme est avant tout un outil politique qui représente une atteinte à la souveraineté et à l’intégrité de la Syrie.

À son tour, le représentant de la Fédération de Russie a affirmé que les dirigeants ukrainiens s’en prennent à leur propre population en utilisant des sites civils pour l’installation de matériels militaires ou en torturant des prisonniers.  Il a dénoncé l’approche sélective des parrains occidentaux de l’Ukraine, avant de promettre que la Fédération de Russie ira au bout de son entreprise de dénazification de l’Ukraine.

« Qui se trouve actuellement sur le territoire ukrainien? » a demandé en russe le représentant de l’Ukraine s’adressant directement à son homologue de la Fédération de Russie.  « Ce sont vos forces armées, et vous vous permettez de nous accuser de tuer notre propre peuple.  C’est absurde. »

SUIVI DE LA QUATRIÈME CONFÉRENCE DES NATIONS UNIES SUR LES PAYS LES MOINS AVANCÉS (A/76/L.47)

Décision sur le projet de résolution

Un représentant du Secrétariat a fait état des incidences budgétaires à prévoir pour la mise en œuvre de la résolution adoptée.  Des ressources d’un montant de 52 800 dollars devraient être prévues par le projet de budget-programme de l’ONU pour 2023, tandis qu’il faudrait inscrire des ressources d’un montant de 26 400 dollars au projet de budget-programme de 2024.

Explications de position

Au nom des pays les moins avancés (PMA), la représentante du Malawi s’est déclarée enchantée que l’Assemblée générale ait approuvé le Programme d’action de Doha par acclamation.  Elle a émis l’espoir qu’ainsi les plus marginalisés de la communauté internationale ne seront pas oubliés.  L’adoption de ce « pacte mondial ambitieux », qui reflète les aspirations des PMA, permettra d’engager un relèvement rapide et de renforcer la résilience de ces pays en vue de leur mise œuvre du Programme 2030, s’est-elle félicitée.  À ses yeux, l’application du Programme d’action s’impose de toute urgence en cette « période sans égale ».  En effet, a expliqué la représentante, nos pays ont du mal à se relever des multiples répercussions de la pandémie de COVID-19.  Les gains du développement ont été perdus, l’inflation bat des records, les taux d’intérêt sont galopants et la dette est plus lourde que jamais, ce qui paralyse nos économies. 

De plus, a-t-elle ajouté, la guerre en Ukraine a jeté de l’huile sur le feu, en faisant bondir les prix, notamment ceux de l’énergie, à des niveaux supérieurs que ce que l’on a vu lors de la crise financière de 2008.  Tout cela touche durement les 46 PMA, a souligné la déléguée, avant d’appeler les États Membres à appliquer le Programme d’action à tous les niveaux, en coordination avec la Haute-Représentante pour les pays les moins avancés.  De même, après avoir invité les partenaires au développement à aller au-delà de leurs engagements et à répondre aux besoins urgents des PMA, elle a demandé à l’ONU de renforcer les moyens du Bureau de la Haute-Représentante, dont la charge est croissante.  Enfin, elle a tenu à remercier le Qatar pour l’aide apportée à l’organisation de la Conférence de Doha.

Le représentant de la Chine a salué l’adoption de la résolution qui permet d’entériner le Programme d’action de Doha.  Il a espéré que la deuxième partie de la Conférence se tiendra comme prévu et qu’on pourra ainsi obtenir davantage de résultats en matière de développement durable des PMA.  Lors de la première partie de la Conférence, le 17 mars, la Chine avait déjà parlé de la partie ayant trait à l’allégement de la dette, ayant des réserves quant aux paragraphes sur ce sujet.  Le libellé est selon elle trop vague et trop vaste.  Ce n’est pas le miroir des engagements de la communauté internationale en la matière, a commenté le représentant qui n’a pas jugé ces dispositions propices à aider les PMA à alléger le fardeau de leur dette.  Il a suggéré d’utiliser plutôt des termes tels que la suspension ou le traitement de la dette.  La Chine se dissocie donc du paragraphe 29 notamment, a dit le délégué.

Tout en comprenant la nécessité d’adopter ce projet de résolution dans l’intérêt des pays les moins avancés (PMA), le représentant de la Fédération de Russie a souhaité se dissocier de certains paragraphes adoptés sans l’accord d’un certain nombre d’États, regrettant que la position de certains États ne soit pas reflétée dans ce programme d’action.  Il a regretté que cela ne soit pas vraiment le reflet d’un consensus et qu’il y ait des concepts « un peu polémiques ».  Il a dit se dissocier de certains paragraphes, notamment le 28.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Cinquième Commission achève ses travaux sans l’accord attendu depuis cinq ans sur la réforme de la gestion des ressources humaines de l’ONU

Soixante-seizième session,
12e séance plénière, après-midi
AG/AB/4381

La Cinquième Commission achève ses travaux sans l’accord attendu depuis cinq ans sur la réforme de la gestion des ressources humaines de l’ONU

« Nous vivons aujourd’hui une occasion manquée de réformer le système des Nations Unies », ont tranché les États-Unis, à la clôture de la reprise de session de la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires.  À l’instar des autres intervenants, dont le Groupe des États d’Afrique et le Groupe des 77 et la Chine, ils ont regretté l’incapacité de la Commission d’avancer sur une résolution relative à la gestion des ressources humaines, attendue depuis cinq ans, coinçant « l’organisation la plus importante » dans le passé.  

Les États Membres, ont prévenu les États-Unis, ne peuvent pas s’attendre à ce que les Nations Unies s’attaquent efficacement aux situations d’urgence, comme l’Ukraine, ou fassent des progrès significatifs sur les objectifs de développement durable si les 36 800 membres du personnel du Secrétariat de l’ONU ne sont pas dotés des moyens d’être performants.  Les résultats de cette session doivent résonner comme « un coup de semonce » pour la Commission, a estimé, à son tour, l’Union européenne qui s’est inquiétée de l’inertie sur des questions cruciales comme, outre la gestion des ressources humaines, le principe de responsabilité au sein de l’Organisation et la chaîne d’approvisionnement.  Le Mexique a décrit une session compliquée dont les résultats ne correspondent pas aux objectifs fixés sur les questions essentielles pour la performance et l’avenir de l’Organisation.  

L’ensemble des intervenants a néanmoins salué la pertinence des accords conclus sur la gestion souple de l’espace de travail au Siège des Nations Unies, celle de la résilience de l’Organisation, le rapport du Corps commun d’inspection (CCI), le budget de la Mission des Nations Unies en Libye et l’approbation des ressources permettant de financer les mandats adoptés par le Conseil des droits de l’homme.  

À ce propos, la Commission a adopté sans vote le projet de résolution sur les questions spéciales relatives au budget-programme de 2022, non sans avoir mis aux voix la Section 3 du texte allouant au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme des sommes additionnelles pour la toute nouvelle commission internationale d’experts chargée d’enquêter sur les exactions commises par tous les belligérants de la guerre en Éthiopie.  Par 78 voix pour, 18 contre et 40 abstentions, l’adoption « décevante » de la section a conduit l’Éthiopie a fustiger un mécanisme « sans base juridique ni mérite ».  L’Érythrée a aussi réitéré son opposition catégorique aux mandats spécifiques à des pays qui menacent leur souveraineté.  

Avant cela, la Commission avait rejeté par 66 voix contre, 27 voix pour et 39 abstentions un projet de résolution, présenté par l’Éthiopie, visant à revenir sur la création de la commission internationale d’experts.  Le Groupe des États d’Afrique a dit désapprouver tout mécanisme imposé de manière « péremptoire », avant de déplorer « une politisation » des questions des droits humains, au détriment d’une approche concertée avec les États concernés.  La France, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Argentine ont rappelé qu’il n’appartient pas à une commission administrative et budgétaire de remettre en cause des mandats conférés par les autres organes pertinents des Nations Unies.  Il n’appartient pas non plus à une telle commission de faire des commentaires politiques relevant d’autres instances, a souligné la Fédération de Russie, agacée par les références au conflit en Ukraine.    

L’Assemblée générale se prononcera sur les quatre projets de résolution adoptés, le mercredi 13 avril 2022, alors que la Cinquième Commission entamera le 2 mai prochain, sa deuxième reprise de session consacrée aux budgets des opérations de paix.

CLÔTURE DES TRAVAUX DE LA CINQUIÈME COMMISSION PENDANT LA PREMIÈRE PARTIE DE LA REPRISE DE LA SOIXANTE-SEIZIÈME SESSION DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

Progrès sur la mise en œuvre de l’espace de travail souple au Siège de l’ONU (A/C.5/76/L.26)

Par ce texte adopté sans vote, la Commission recommande à l’Assemblée générale d’approuver le rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB).

Questions spéciales relatives au budget-programme de 2022 (A/C.5/76/L.27)

Avant d’adopter le projet de résolution sans vote, la Commission a adopté par 78 voix pour, 18 voix contre et 40 abstentions, la Section 3 sur les estimations révisées résultant des résolutions et des décisions de la troisième session du Conseil des droits de l’homme.  Dans cette section, la Commission recommande à l’Assemblée générale d’allouer une somme supplémentaire de 2 232 600 dollars au chapitre « droits de l’homme » du budget ordinaire et une autre somme additionnelle de 166 100 dollars.

Avant le vote, la France a confirmé sa détermination d’assurer l’exécution des décisions du Haut-Commissariat aux droits de l’homme.

L’Érythrée a rejeté la Section 3, par opposition à tous les mandats spécifiques concernant un pays.  De tels mandats, a-t-elle dit, ont des motivations politiques et manquent d’efficacité.  La création de ces mandats va à l’encontre de la souveraineté des États, sous le prétexte fallacieux de défendre les droits humains.  L’Érythrée a dénoncé ces agendas politiques inavoués.

L’Éthiopie a jugé « décevant » de consacrer des ressources à de tels mandats, sans base juridique ni mérite.  Notre souveraineté est menacée, a-t-elle estimé, en ajoutant que sa relation avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme est tout simplement hypothéquée.  Elle l’a exhorté à ignorer les « fables » racontées sur elle et estimé que la décision de financer le mécanisme qui la concerne entache la réputation de la communauté internationale.

Le projet de résolution présenté par l’Éthiopie visant à revenir sur la création d’une commission internationale d’experts chargée d’enquêter sur les exactions commises par tous les belligérants de la guerre sur son sol (A/C.5/76/L.24) a été rejeté par 66 voix contre, 27 voix pour et 39 abstentions.

L’Éthiopie a qualifié le mécanisme de démarche politique et « d’abus » du système international par les puissants. 

La France, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Argentine ont souligné qu’il n’appartient pas à la Cinquième Commission de remettre en cause les mandats conférés par les autres organes des Nations Unies mais de s’entendre sur leur financement et en l’occurrence sur les estimations révisées résultant des résolutions et décisions adoptées par le Conseil des droits de l’homme. 

Corps commun d’inspection (A/C.5/76/L.25)

Par ce texte adopté sans vote, la Commission recommande à l’Assemblée générale d’accueillir avec satisfaction la mise en œuvre du cadre stratégique du Corps commun d’inspection pour 2020–2029 et de souligner la nécessité de le mettre à jour régulièrement et de l’améliorer, en tenant compte des dynamiques et des problèmes, dont ceux liés à la pandémie de COVID-19 et des efforts de réforme en cours.  L’Assemblée demanderait aussi au Corps commun d’inspection de faire rapport sur sa stratégie de sensibilisation au cadre stratégique auprès du leadership des organisations participantes et d’échanger des informations sur le travail que font ces organisations pour soutenir la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et s’attaquer aux défis émergents.

Enfin, la Commission recommande à l’Assemblée générale une liste de questions reportées (A/C.5/76/L.28), adoptée sans vote.

Déclarations de clôture

M. MHER MARGARYAN, Président de la Cinquième Commission, a remercié les délégations et le bureau pour leur travail, avant d’indiquer que l’Assemblée générale se prononcera sur les projets de résolution, le mercredi 13 avril.

Au nom du Groupe des 77 et la Chine, M. MUHAMMAD JAWAD AJMAL (Pakistan) a déploré que la Cinquième Commission ne soit pas parvenue à un accord sur la question de la gestion des ressources humaines alors que son groupe a redoublé d’efforts pour parvenir au consensus, en renonçant aux positions qu’il a toujours défendues par esprit de compromis face à un sujet aussi important.  Dénonçant l’absence de « résultats concrets », il a tout de même jugé que les efforts n’ont pas été vains: des divergences perdurent mais de nombreux points de convergence émergent.  Ces points, a conclu le représentant, devraient constituer la base des prochains travaux.  Il a insisté une nouvelle fois sur une représentation géographique équitable au sein du personnel du Secrétariat de l’ONU.

Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. FELIX-FILS EBOA EBONGUE (Cameroun) a déclaré que les prévisions révisées de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye sont le signe manifeste de toute l’attention que la communauté accorde à la paix et la sécurité en Libye.  Il a regretté, à son tour, que la Commission ne soit pas parvenue à adopter de résolution consensuelle sur des sujets tels que l’amélioration de la situation financière des Nations Unies; l’assurance maladie après la cessation de service; ou encore la chaîne d’approvisionnement.  Il a regretté que les efforts consentis n’aient pas suffi pour adopter une résolution sur la gestion des ressources humaines et a appelé à plus d’engagement de la part de tous pour mettre fin à toutes les incertitudes liées à la gestion du personnel qui est la ressource la plus importante de l’Organisation.  

S’agissant du mécanisme d’enquête sur la situation des droits humains en Éthiopie, le représentant a dit désapprouver tout mécanisme imposé de manière péremptoire aux États.  Nous dénonçons avec vigueur la politisation des questions des droits humains et réitérons notre position constante sur la nécessité de suivre une approche concertée et d’accompagnement avec les États concernés, plutôt qu’une mise à l’index, a-t-il conclu.

M. THIBAULT CAMELLI, de l’Union européenne, a salué la pertinence de l’action de l’ONU face à la pandémie, tout en regrettant que les méthodes de travail de la Commission se soient détériorées et que le consensus se soit érodé.  Il a exhorté à parvenir à un compromis sur la question des ressources humaines et déploré l’examen reporté de certains points, en raison de considérations trop complexes avancées par le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB).  « Mais nous sommes les seuls responsables », a-t-il dit, regrettant l’inertie sur des questions cruciales comme le principe  de responsabilité au sein de l’Organisation et la chaîne d’approvisionnement.  Le délégué a dénoncé le recours à des tactiques « court-termistes » lors des débats, ainsi que la défiance témoignée à l’endroit du Secrétariat, avant de plaider pour de meilleures méthodes de travail.  Les résultats de cette session doivent être un coup de semonce pour la Commission, a-t-il estimé.

M. KIMURA TETSUYA (Japon) a regretté l’incapacité de la Cinquième Commission à adopter la résolution sur les ressources humaines et mis sur le dos des États Membres l’inaptitude de répondre aux demandes de directives du Secrétaire général, même si des progrès ont été faits par rapport aux années précédentes.  Il est grand temps, a-t-il estimé, d’explorer de nouvelles approches pour les discussions afin d’éviter la même situation, l’année prochaine.  Alors qu’il était possible de discuter des problèmes de trésorerie de l’ONU, a poursuivi le représentant, la Commission n’a pas avancé.  Elle doit, s’est-il impatienté, se fonder sur ses acquis pour parvenir à un consensus à la prochaine session.

M. JESÚS VELÁZQUEZ CASTILLO (Mexique) a décrit une session compliquée avec des résultats qui ne correspondent pas aux objectifs fixés sur des questions essentielles pour la performance et l’avenir de l’Organisation.  Il a néanmoins salué la pertinence des accords conclus concernant la gestion souple de l’espace de travail au Siège des Nations Unies, la gestion de la résilience de l’Organisation, le rapport du Corps commun d’inspection (CCI), le budget de la Mission des Nations Unies en Libye, et l’approbation des ressources permettant de financer les mandats adoptés par le Conseil des droits de l’homme.  Il a regretté que les efforts déployés n’aient pas été suffisants pour prendre une décision sur le train de mesures relatif à la gestion des ressources humaines, une question qui était au centre de cette session et qui est désormais reportée d’une année supplémentaire.  La Commission n’a pas non plus pris de décisions sur d’autres questions liées à l’efficacité des opérations administratives et financières, telles que le règlement financier du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ou l’assurance maladie après la cessation de service, pourtant nécessaires pour faire avancer la gestion et moderniser l’Organisation.

M. CHRISTOPHER P. LU (États-Unis) s’est félicité du consensus obtenu sur les questions relatives au Corps commun d’inspection, à la gestion souple de l’espace de travail au Siège des Nations Unies et au système de gestion de la résilience institutionnelle, tout en estimant que ces avancées sont tout simplement insuffisantes pour faire entrer l’Organisation dans le XXIe siècle.  Il a regretté l’incapacité de la Cinquième Commission d’avancer sur une résolution concernant la gestion des ressources humaines, depuis cinq ans, ce qui force « l’organisation la plus importante au monde à rester coincée dans le passé ».  Le Comité, a dit le représentant, n’a pas réformé les politiques d’achat de l’Organisation, stabilisé sa situation financière et encore moins assuré la viabilité du programme d’assurance maladie de son personnel après la cessation de service.  « Nous vivons aujourd’hui une occasion manquée de réformer le système des Nations Unies », a-t-il tranché.

Les États Membres, a-t-il dit, ne peuvent pas s’attendre à ce que les Nations Unies s’attaquent efficacement aux situations d’urgence, comme l’Ukraine, ou fassent des progrès significatifs sur les objectifs de développement durable si les effectifs ne sont pas dotés des moyens d’être performants.  Le représentant a aussi déploré la tendance de certaines délégations à présenter à la dernière minute des revendications « déraisonnables et exorbitantes » qui sapent les négociations, d’où les mauvais résultats politiques et le risque de donner une mauvaise image de l’Organisation.

Après avoir salué les décisions prises par la Cinquième Commission, M. RICHARD CROKER (Royaume-Uni) a pointé du doigt les domaines importants sur lesquels elle n’a pas réussi à avancer, dont la gestion des ressources humaines, en dépit des efforts que tout le monde a déployés pendant plusieurs mois pour trouver un consensus.  Les positions se sont certes rapprochées par rapport aux années précédentes mais il a été impossible d’éliminer les divergences.  Le représentant a tout de même estimé que les États Membres ont désormais une bonne base pour poursuivre les discussions futures et qu’il faudra n’épargner aucun effort pour régler les questions de l’assurance maladie après la cessation de service et des procédures d’achat. 

M. EVGENY V. KALUGIN (Fédération de Russie) a salué les accords intervenus sur le budget de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), la gestion souple de l’espace de travail au Siège des Nations Unies, le système de gestion de la résilience institutionnelle et le rapport du Corps commun d’inspection.  Il a tout de même regretté que le consensus ait fait défaut pour d’autres textes importants, en dénonçant notamment l’absence de décisions sur la gestion des ressources humaines et le fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement.  Le représentant a tenu à rappeler que le mandat de la Cinquième commission porte exclusivement sur les questions administratives et budgétaires.  Il a donc demandé au Président de la Commission d’obtenir des États qu’ils s’abstiennent des commentaires politiques relevant d’autres instances de l’ONU.

M. CHENG LIE (Chine) a exhorté la Commission à parvenir à un compromis sur la question des ressources humaines.  Nous devons corriger la situation s’agissant de la représentation géographique équitable au sein du personnel de l’ONU, a-t-il martelé, avant d’appeler les délégations à réfléchir aux moyens d’aller de l’avant.  En l’occurrence, a-t-il tranché, ce qui manque véritablement, c’est la volonté politique.

Le Président de la Commission s’est félicité du consensus obtenu sur certains points de la gestion des ressources humaines qui permettront de poursuivre le travail dès la prochaine session.  

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Somalie: le Conseil de sécurité entérine la décision de l’Union africaine de créer la Mission de transition de l’UA en Somalie (ATMIS) pour remplacer l’AMISOM

9009e séance – matin
CS/14847

Somalie: le Conseil de sécurité entérine la décision de l’Union africaine de créer la Mission de transition de l’UA en Somalie (ATMIS) pour remplacer l’AMISOM

Le Conseil de sécurité a approuvé, ce matin, la décision du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) de reconfigurer la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) qui devient la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS). 

En adoptant à l’unanimité la résolution 2628 (2022), le Conseil autorise pour une période initiale de 12 mois, les États membres de l’UA à prendre toutes les mesures nécessaires pour exécuter le mandat confié à l’ATMIS.  Le mandat de la nouvelle Mission comprend, entre autres, la réduction de la menace posée par les Chabab; le soutien au renforcement des capacités des forces de sécurité et de police somaliennes intégrées; le transfert progressif des responsabilités en matière de sécurité à la Somalie; et le soutien aux efforts déployés par le Gouvernement fédéral somalien et les États membres de la fédération en faveur de la paix et de la réconciliation. 

Les États membres de l’UA sont également autorisés à déployer jusqu’au 31 décembre 2022 au maximum 19 626 membres du personnel en tenue, y compris un minimum de 1 040 membres du personnel de police, et approuve la décision du Conseil de paix et de sécurité de l’UA de retirer 2 000 effectifs à cette date.  De même, le Conseil autorise les États membres de l’UA à déployer, entre le 1er janvier et le 31 mars 2023, au maximum 17 626 membres du personnel en tenue, y compris un minimum de 1 040 membres du personnel de police. 

En vertu de la résolution, le Conseil demande également aux autorités somaliennes de veiller à allouer des ressources suffisantes à la mise en œuvre du Plan de transition et du dispositif national de sécurité, notamment aux mécanismes de commandement, de contrôle et de coordination nécessaires à la planification, à la conduite et à l’exécution des opérations menées conjointement avec l’ATMIS aux niveaux stratégique et opérationnel ainsi qu’à la mise en place des capacités de soutien logistique nécessaires. 

Dans la foulée, le Conseil demande à l’ONU, agissant en coordination avec le Gouvernement fédéral somalien, l’UA et l’Union européenne (UE), de créer une fonction de coordination des partenariats techniques pour renforcer la coordination et la collaboration entre le Gouvernement fédéral somalien, les États membres de la fédération, l’ATMIS, la MANUSOM, le Bureau d’appui des Nations Unies en Somalie (BANUS), l’équipe de pays des Nations Unies et d’autres partenaires multilatéraux, régionaux et bilatéraux de la Somalie. 

Le Conseil engage par ailleurs instamment les États Membres, y compris les nouveaux donateurs, à envisager d’apporter un soutien prévisible, durable et pluriannuel à l’ATMIS, et il demande instamment aux États Membres d’envisager d’apporter un financement au fonds d’affectation spéciale des Nations Unies à l’appui de la Somalie, y compris un financement pour la fourniture d’une formation, du matériel et d’un mentorat aux forces de sécurité et de police somaliennes. 

À l’issue de l’adoption de la résolution, le représentant de la Somalie  a profondément regretté que les suggestions de son gouvernement aient été ignorées, notamment s’agissant du plan d’appui logistique, de la nécessité d’un centre de commandement unifié et de l’exclusion de la composante civile, autant d’éléments dont l’absence, a-t-il mis en garde, se fera ressentir face à la menace en perpétuelle évolution que continuent de poser les Chabab.   Mogadiscio avait pourtant demandé des changements opérationnels au sein de l’AMISOM, pour avoir des capacités mobiles en appui aux forces de sécurité somaliennes, a-t-il indiqué.   S’agissant de la stratégie de sortie envisagée, la délégation somalienne a déploré en outre l’absence de mesures pour remédier aux insuffisances de l’appui logistique. 

Le Royaume-Uni, porte-plume, s’est en revanche félicité de l’adoption d’un texte « historique », tandis que les Émirats arabes unis ont insisté sur l’importance qu’il y avait à reconfigurer l’AMISOM, saluant les consultations entre l’ONU, l’UA, l’UE et la Somalie à cette fin.  De son côté, la Chine a appelé le Conseil de sécurité à tenir compte des recommandations du Conseil de paix et de sécurité de l’UA dans la définition du mandat de l’ATMIS. 

Préoccupées par les attaques à répétition des Chabab, de nombreuses délégations, dont les États-Unis, ont par ailleurs souligné l’importance de la lutte contre le terrorisme en raison de la menace que fait peser le groupe sur la Somalie et toute la région. 

L’Albanie a appelé pour sa part le Gouvernement à garantir l’inclusion et la représentation des femmes et des jeunes tout en se consacrant à la sécurité et à la crise humanitaire dans le pays provoquée par la sécheresse.  L’Inde a, quant à elle, marqué son opposition à toutes les tentatives visant à établir un lien entre la sécurité et les changements climatiques. 

LA SITUATION EN SOMALIE

Texte du projet de résolution (S/2022/277)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant ses résolutions et les déclarations de sa présidence sur la situation en Somalie, et réaffirmant son attachement à la souveraineté, à l’intégrité territoriale, à l’indépendance politique et à l’unité de la Somalie,

Rappelant qu’il incombe au premier chef au Gouvernement fédéral somalien d’assurer la sécurité en Somalie, et prenant acte de la demande de la Somalie tendant à ce que la communauté internationale continue de lui prêter soutien pour qu’elle puisse réaliser progressivement son objectif d’être un pays démocratique, uni, paisible, stable et sûr,

Soulignant que le soutien international devrait être fourni conformément aux orientations stratégiques définies par la Somalie dans le Plan de transition pour la Somalie et le dispositif national de sécurité et demandant instamment un renforcement du partenariat et de la coordination entre toutes les parties prenantes à l’appui des processus de stabilisation et d’édification de l’État en Somalie,

Saluant la contribution que la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) apporte, depuis qu’elle a été autorisée il y a 15 ans, à l’instauration d’une paix et d’une stabilité durables en Somalie, et rendant hommage à l’ensemble du personnel de l’AMISOM, et aux forces somaliennes, en particulier aux personnes qui ont perdu la vie dans l’accomplissement de leur mission,

Se félicitant de l’appui apporté à l’AMISOM par le Bureau d’appui des Nations Unies en Somalie (BANUS), prenant note avec gratitude du soutien financier offert à l’AMISOM par l’Union européenne et d’autres donateurs, et notant l’aide bilatérale apportée par des États Membres à la Somalie,

Constatant que les conditions de sécurité en Somalie ont fortement évolué depuis la création de l’AMISOM, et notant l’amélioration des capacités et des moyens de la Somalie pour ce qui est de faire face aux problèmes de sécurité,

Réaffirmant qu’il faut combattre les menaces terroristes par tous les moyens, dans le respect de la Charte des Nations Unies et des autres obligations découlant du droit international, notamment le droit international des droits de l’homme, le droit international des réfugiés et le droit international humanitaire, et réaffirmant également que tous les actes de terrorisme sont criminels et injustifiables, quels qu’en soient les motivations, le moment, le lieu et les auteurs,

Constatant avec une vive inquiétude que les Chabab continuent de représenter une grave menace contre la paix, la sécurité et la stabilité en Somalie et dans la région, et notant leur recours plus fréquent à des engins explosifs improvisés et leur exploitation du système financier licite,

Notant avec une grave préoccupation la présence persistante en Somalie d’éléments affiliés à l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL, également connu sous le nom de Daech),

Considérant que la nature de la menace posée par les Chabab a évolué, et que le soutien international apporté à la Somalie doit être adapté en conséquence de manière à consolider les résultats obtenus à ce jour en matière de sécurité et à garantir des progrès continus dans l’édification d’une Somalie plus stable, plus sûre et plus paisible,

Rappelant la nécessité de mettre en place une mission de l’Union africaine en Somalie reconfigurée, qui s’attachera à faciliter les opérations de la Somalie et à aider celle‑ci à assumer la responsabilité qui lui revient d’assurer sa propre sécurité, et se félicitant des efforts que font la Somalie et l’Union africaine pour mettre à jour le concept des opérations de l’AMISOM, conformément au Plan de transition et en étroite collaboration avec l’Organisation des Nations Unies et les partenaires internationaux, afin de contribuer à éclairer les décisions concernant la taille et la forme de la future mission, y compris ses besoins logistiques,

Prenant note avec satisfaction de la proposition que le Secrétaire général lui a présentée le 7 mars 2022 et qui a été élaborée conjointement avec l’Union africaine, en concertation avec le Gouvernement fédéral somalien et les donateurs, concernant les objectifs stratégiques, la taille et la composition d’une mission reconfigurée de l’Union africaine en Somalie, comme il l’a demandé dans sa résolution 2568 (2021) (ci-après dénommée « Proposition conjointe »),

Prenant note du communiqué publié par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine à l’issue de sa 1068e réunion tenue le 8 mars 2022, et de sa décision de reconfigurer l’AMISOM qui devient la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS),

Soulignant la nécessité d’assurer un commandement et un contrôle solides et une bonne coordination opérationnelle, tant parmi les contingents et les effectifs de police déployés par l’Union africaine que dans le cadre des efforts déployés par la Somalie en matière de constitution et d’intégration des forces,

Insistant sur l’importance que revêtent le renforcement des capacités et la réforme du secteur de la sécurité pour permettre aux forces et aux institutions de sécurité somaliennes intégrées de faire face efficacement aux menaces contre la sécurité, et soulignant qu’il importe que le Gouvernement fédéral somalien, les États membres de la fédération, l’Organisation des Nations Unies, l’Union africaine et les partenaires internationaux de la Somalie agissent en coordination de manière que le renforcement des capacités et la réforme du secteur de la sécurité se fasse de façon conjointe et permette à la Somalie d’assumer l’entière responsabilité de sa sécurité,

Conscient que l’action militaire ne permettra pas à elle seule de venir à bout des menaces contre la paix et la sécurité en Somalie, soulignant que la protection des civils est indispensable pour instaurer une paix durable, et réaffirmant qu’il est nécessaire de suivre une démarche intégrée afin de consolider les assises de la paix et de la stabilité, notamment en renforçant :

i)    la gouvernance et l’administration publique,

ii)   la lutte contre la corruption,

iii)  la lutte contre la criminalité organisée,

iv)   l’état de droit,

v)    la justice et l’application de la loi,

vi)   la lutte antiterroriste,

vii)  les mesures visant à promouvoir le désengagement et la défection de terroristes,

viii) la lutte contre l’extrémisme violent conduisant au terrorisme,

ix)   la réforme du secteur de la sécurité,

x)    les politiques d’inclusion et la réconciliation,

Notant le potentiel qu’offrent la coopération et le soutien internationaux à la consolidation de la paix et à la reconstruction et au développement après le conflit en Somalie, s’ils se font selon les priorités définies par les autorités somaliennes, et prenant note à cet égard de la politique de l’Union africaine en matière de reconstruction et de développement post-conflit et du Centre de l’Union africaine pour la reconstruction et le développement post-conflit sis au Caire,

Soulignant qu’il est essentiel que le Gouvernement fédéral somalien et les États membres de la fédération concluent des accords politiques inclusifs, les exhortant à collaborer au sujet de la sécurité et d’autres priorités nationales, notant que les parties ont la responsabilité d’améliorer la coopération et de participer aux pourparlers pour le bien de tous les Somaliens et soulignant qu’une pleine coopération de toutes les parties ferait avancer les progrès sur le plan des priorités nationales, à savoir :

i)    mettre en place le dispositif national de sécurité,

ii)   exécuter le Plan de transition,

iii)  assurer le bon fonctionnement du système fédéral,

iv)   achever la révision de la constitution, qui constitue le fondement juridique et politique du gouvernement et des institutions somaliens,

Se félicitant de l’appui fourni par la Mission d’assistance des Nations Unies en Somalie (MANUSOM) à cet égard, et rappelant qu’il a demandé, dans sa résolution 2592 (2021), un examen stratégique de la MANUSOM qui serait entrepris après l’achèvement du processus électoral,

Notant que la MANUSOM et l’ATMIS ont des mandats complémentaires pour soutenir la paix et la réconciliation en Somalie, et qu’en assurant la sécurité et en renforçant les capacités de la Somalie en matière de sécurité, l’ATMIS apportera une contribution capitale à la justice, à la gouvernance locale, à la paix et à la réconciliation,

Conscient du travail complémentaire mené par le Groupe d’experts sur la Somalie et de l’utilité des sanctions imposées par le Conseil de sécurité, notamment en tant que moyen non militaire de réduire les effets déstabilisants des activités des Chabab en Somalie et dans la région et d’aider la Somalie dans la réforme du secteur de la sécurité, en particulier la gestion des armes et munitions,

Rappelant sa résolution 1325 (2000) et ses résolutions ultérieures, conscient du rôle important des femmes dans la prévention et le règlement des conflits et la consolidation de la paix, et soulignant qu’il importe de garantir la participation pleine, égale et effective des femmes à tous les efforts et à tous les niveaux, en vue du maintien et de la promotion de la paix et de la sécurité, et qu’il convient de les faire intervenir davantage, comme élément moteur, dans la prise de décisions touchant la prévention et le règlement des conflits, comme le prévoit la Charte des femmes somaliennes,

Condamnant les violations des droits de l’homme et atteintes à ces droits et les violations du droit international humanitaire commises en Somalie, et demandant à toutes les parties d’agir dans le strict respect des obligations que leur imposent le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire,

Se déclarant vivement préoccupé par la situation humanitaire en Somalie et demandant à toutes les parties au conflit d’autoriser et de faciliter, conformément aux dispositions pertinentes du droit international, notamment du droit international humanitaire applicable, et aux principes directeurs de l’Organisation des Nations Unies relatifs à l’aide humanitaire d’urgence (résolution 46/182 de l’Assemblée générale), notamment les principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance, la fourniture de l’aide humanitaire nécessaire pour soutenir la Somalie,

Soulignant qu’il importe que le Gouvernement fédéral somalien et l’Organisation des Nations Unies mettent en place des stratégies appropriées en matière d’évaluation et de gestion des risques liés aux changements climatiques, à d’autres changements écologiques, aux catastrophes naturelles et à d’autres facteurs ayant une influence sur la stabilité de la Somalie, et encourageant l’ATMIS de poursuivre l’œuvre de l’AMISOM en assurant la protection et la gestion de l’environnement par une meilleure application de ses consignes générales et en renforçant son soutien pour les activités de prévention et d’intervention face à la sécheresse, à la famine, aux inondations et à d’autres problèmes environnementaux,

Considérant que la situation en Somalie continue de menacer la paix et la sécurité régionales et internationales,

      Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

*

Somalie

1.    Accueille avec satisfaction les accords du 27 septembre 2020, du 27 mai 2021 et du 9 janvier 2022, engage instamment le Gouvernement fédéral somalien et les États membres de la fédération à veiller à ce que tout différend concernant l’application de ces accords soit réglé de façon pacifique pour que le processus électoral puisse être achevé sans plus tarder, et souligne que l’achèvement du processus électoral et de la passation pacifique du pouvoir contribuera à faire avancer les priorités nationales et facilitera la transition de l’appui international en matière de sécurité, conformément au Plan de transition pour la Somalie et au dispositif national de sécurité;

2.    Souligne qu’il importe de progresser dans la réalisation des priorités nationales que sont la mise en place du dispositif national de sécurité et la mise en œuvre du Plan de transition et du neuvième plan national de développement, et de parvenir à un accord sur une police et une justice fédérales, le fédéralisme budgétaire, le partage du pouvoir et des ressources, la révision constitutionnelle et la réconciliation aux niveaux local et national, et accueille avec satisfaction à cet égard la feuille de route convenue le 27 mai 2021 et exhorte la Somalie à la mettre en œuvre sans tarder;

3.    Réaffirme l’importance de la participation pleine, égale, véritable et effective des femmes, et de la participation de tous les Somaliens, y compris les jeunes, les personnes handicapées, les personnes déplacées et les réfugiés, à la prévention et au règlement des conflits, aux processus de réconciliation, à la consolidation de la paix et aux élections et autres processus politiques, et constate que la société civile peut y contribuer et demande à la Somalie d’instaurer des conditions sûres pour que les organisations de la société civiles puissent travailler en toute liberté et de protéger celles-ci contre toutes menaces et représailles;

4.    Réaffirme son objectif de faire en sorte que la Somalie puisse assumer l’entière responsabilité de sa sécurité, et notamment prendre en main les activités de lutte contre la menace posée par les Chabab, y compris en menant des opérations militaires visant à amoindrir les moyens des Chabab, and et engave vivement la Somalie à tirer parti des possibilités et de l’appui qu’offre la communauté internationale pour s’employer en priorité à mettre en œuvre le Plan de transition et le dispositif national de sécurité et à se doter de forces de sécurité responsables et compétentes d’un coût abordable afin que l’ATMIS puisse poursuivre son retrait progressif et que la Somalie assume l’entière responsabilité de sa sécurité;

5.    Demande aux autorités somaliennes de veiller à allouer des ressources suffisantes à la mise en œuvre du Plan de transition et du dispositif national de sécurité, notamment aux mécanismes de commandement, de contrôle et de coordination nécessaires à la planification, à la conduite et à l’exécution des opérations menées conjointement avec la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS) aux niveaux stratégique et opérationnel ainsi qu’à la mise en place des capacités de soutien logistique nécessaires;

6.    Souligne qu’il incombe au premier chef aux autorités somaliennes d’assurer la protection des civils, et souligne également à quel point il importe de protéger les civils conformément aux dispositions pertinentes du droit international des droits de l’homme et au droit international humanitaire;

7.    Engage les autorités somaliennes, agissant avec l’appui coordonné de la communauté internationale, à assumer progressivement une plus grande part de responsabilité en matière de sécurité nationale et à élaborer et mettre en œuvre un plan stratégique visant à créer de nouvelles forces de sécurité, à intégrer les forces existantes selon qu’il convient, et à former et équiper les forces existantes et nouvellement créées, en fixant des objectifs et des délais précis, et se félicite à cet égard de l’intention du Gouvernement fédéral somalien de se doter d’un effectif supplémentaire d’agents des forces de sécurité, soit:

a)    3 850 agents avant fin décembre 2022;

b)    8 525 agents avant fin septembre 2023;

c)    10 450 agents avant fin juin 2024;

8.    Invite le Gouvernement fédéral somalien à collaborer avec les États membres de la fédération aux fins de la constitution des forces et de l’intégration des forces régionales, en tenant compte de la nécessité de renforcer les capacités et les moyens des forces, dans des délais compatibles avec la Proposition conjointe et le concept des opérations;

9.    Engage les autorités somaliennes à renforcer le contrôle exercé par les autorités civiles sur l’appareil de sécurité et la responsabilisation de celui-ci et à continuer de mettre en place des procédures de vérification des antécédents de tous les membres du personnel de la défense et de la sécurité, y compris en matière de respect des droits de l’homme;

10.   Réaffirme le rôle essentiel que jouent la police et le secteur judiciaire dans les efforts de stabilisation et dans la préparation et la tenue des élections, demande à la Somalie de soutenir pleinement la police fédérale et la police des États au moyen d’une formation efficace, d’une dotation en matériel et d’un soutien logistique, insiste sur le rôle essentiel que joue la police pour ce qui est de sécuriser et de tenir le territoire, souligne qu’une force de police professionnelle et compétente, capable de concourir à assurer la sécurité des populations civiles, est nécessaire à la Somalie pour mettre pleinement en œuvre le Plan de transition et le dispositif national de sécurité, et appelle de ses vœux un modèle de recrutement des membres des forces de sécurité et de police somaliennes qui soit inclusif et représentatif de tous les segments de la société somalienne;

11.   Demande à la Somalie de veiller à ce que tous les membres des forces de sécurité et de police respectent pleinement le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire et de faire en sorte que les responsables de violations des droits humains et d’atteintes à ces droits, ainsi que de violations du droit international humanitaire, aient à répondre de leurs actes, prie l’Organisation des Nations Unies, l’Union africaine et les autres partenaires internationaux d’apporter aux autorités somaliennes l’appui voulu à cet égard, et demande à l’ATMIS de faire bénéficier les autorités nationales des enseignements tirés de l’expérience et du fonctionnement de la cellule de suivi, d’analyse et d’intervention concernant les victimes civiles, notamment en vue de soutenir la mise en place de politiques et de mécanismes de surveillance, d’atténuation et de prévention des pertes civiles somaliennes;

12.   Demande aux autorités somaliennes d’agir en coordination avec l’ATMIS, les partenaires internationaux et les entités compétentes des Nations Unies, y compris le Service de la lutte antimines, pour combattre le commerce illicite, le transfert, le détournement et l’accumulation d’armes légères et de petit calibre et empêcher l’accès par des personnes non autorisées à tous types d’explosifs et de matériels connexes en Somalie, et de veiller à ce que la gestion et l’entreposage de ces éléments soient effectués de façon sûre et efficace;

13.   Souligne que la Somalie et ses partenaires internationaux doivent tenir compte des conditions de sécurité régnant dans chaque lieu lors du transfert des responsabilités en matière de sécurité de l’ATMIS à la Somalie, et insiste sur le fait que la planification et la prise de décisions devraient être guidées par une évaluation approfondie de la menace qui pèse sur les civils et que des mesures devraient être prises en amont pour atténuer les risques, notamment la mise en place d’une présence des forces de sécurité et de police somaliennes suffisante, qualifiée et responsable pour assurer la sécurité et la protection des civils en continu, avant, pendant et après l’action militaire;

14.   Rappelle sa résolution 1612 (2005) et ses résolutions ultérieures sur les enfants et les conflits armés, et se déclare vivement préoccupé par les informations faisant état des cas de meurtre, de mutilation et de viol ou d’autres formes de violence sexuelle contre des enfants touchés par des conflits armés ainsi que du recrutement, de l’utilisation, et du ré-enrôlement illicites d’enfants, notamment comme non-combattants, et des enlèvements d’enfants, et demande aux autorités somaliennes:

a)    de renforcer le cadre juridique de protection de l’enfance, et insiste sur la nécessité de renforcer les capacités en matière de protection de l’enfance;

b)    de prendre des mesures pour prévenir toutes les formes de violence contre les enfants et d’amener les auteurs de tels actes à en répondre;

c)    de prendre des mesures appropriées pour prévenir les attaques contre les infrastructures civiles, notamment contre les écoles et les hôpitaux, et pour éviter qu’elles ne soient utilisées à des fins militaires;

d)    de faire cesser la détention pour atteinte à la sécurité nationale de tout enfant dans le cas duquel la détention constitue une violation du droit international applicable et de considérer les enfants avant tout comme des victimes, conformément aux obligations incombant à la Somalie en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant;

e)    de prendre les mesures nécessaires pour appliquer pleinement leurs plans d’action de 2012, les règles générales concernant la remise des enfants démobilisés des groupes armés de 2014, la feuille de route de 2018 et les Conclusions du Groupe de travail sur les enfants et le conflit armé en Somalie (S/AC.51/2020/6);

15.   Demande à toutes les parties au conflit armé de mettre fin aux actes de violence sexuelle et fondée sur le genre et demande aux autorités somaliennes de collaborer avec les partenaires compétents pour:

a)    assurer la protection de toute personne contre les violences sexuelles et fondées sur le genre et les violences sexuelles liées aux conflits;

b)    adopter une approche centrée sur les rescapés, qui tienne compte du sexe et de l’âge, pour prévenir la violence sexuelle et fondée sur le genre et y réagir;

c)    prendre les mesures voulues pour enquêter sur les atteintes présumées et en poursuivre les auteurs afin de mettre fin à l’impunité;

d)    renforcer la législation afin d’améliorer l’application du principe de responsabilité conformément à la résolution 2467 (2019) et d’autres résolutions sur la question;

e)    accélérer la mise en œuvre du Communiqué conjoint et du Plan d’action national de lutte contre la violence sexuelle en temps de conflit;

16.   Condamne fermement les attaques commises et les menaces d’attaque proférées, en violation du droit international humanitaire, contre des écoles ou des civils liés à des écoles, et demande instamment à toutes les parties à des conflits armés de cesser immédiatement ces attaques et menaces d’attaques et de s’abstenir de toute action qui entraverait l’accès à l’éducation;

17.   Rappelle sa résolution 2417 (2018) et se déclare gravement préoccupé par la persistance de la crise humanitaire en Somalie et ses conséquences pour le peuple somalien, encourage tous les partenaires, notamment les donateurs, à poursuivre l’action humanitaire en 2022, condamne fermement les attaques sans discrimination et les attaques directes contre le personnel humanitaire et médical et les infrastructures civiles, dont celles commises par les Chabab, ainsi que tout détournement ou toute obstruction de l’aide humanitaire, exige de nouveau que toutes les parties permettent le libre passage, en toute sécurité et sans restrictions, de l’aide humanitaire afin qu’elle puisse être rapidement distribuée à tous ceux qui en ont besoin sur l’ensemble du territoire somalien, conformément aux dispositions applicables du droit international et aux principes humanitaires, et souligne qu’il importe de tenir une comptabilité exacte de l’aide humanitaire fournie par la communauté internationale;

Chabab et éléments affiliés à l’EIIL

18.   Condamne avec la plus grande fermeté les attaques dirigées par les Chabab contre les forces de sécurité, et les attaques terroristes qu’ils perpètrent contre les représentants du Gouvernement, les civils et les infrastructures civiles en Somalie et dans la région, ainsi que les prises d’otages et les enlèvements de civils, le recrutement, l’entraînement et l’utilisation de combattants terroristes étrangers qui sont de leur fait, et note avec préoccupation que ces activités constituent une menace contre la paix et la sécurité en Somalie, la stabilité régionale, l’intégration et le développement et exacerbent la détresse humanitaire;

19.   Réaffirme qu’il incombe au premier chef au Gouvernement fédéral somalien d’assurer la sécurité en Somalie, et demande à la Somalie, agissant à titre prioritaire, de coordonner et de renforcer les activités de lutte contre les Chabab et les éléments affiliés à l’EIIL de façon méthodique, notamment en menant des opérations militaires pour amoindrir leurs moyens et les empêcher d’obtenir des ressources financières, des armes et des munitions, dans le plein respect des obligations mises à sa charge par le droit international, y compris le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, le cas échéant;

20.   Réaffirme que tous les États doivent prévenir et supprimer les actes terroristes, demande instamment à tous les États de prendre des mesures contre les Chabab et les éléments affiliés à l’EIIL en Somalie, conformément aux conventions universelles et régionales contre le terrorisme, ainsi qu’aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, dont la résolution 1373 (2001), et réaffirme également que les États Membres doivent veiller à ce que toutes mesures prises contre le terrorisme soient conformes à la Charte des Nations Unies et à toutes les autres obligations découlant du droit international, y compris le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme et le droit international des réfugiés;

21.   Prie la Somalie de renforcer la coopération et la coordination avec d’autres États Membres, en particulier ceux de la région, pour prévenir et contrer le financement du terrorisme, en application des résolution 1373 (2001), 2178 (2014) et 2462 (2019), et demande instamment à la Somalie, agissant avec l’appui de l’Union africaine, à l’Organisation des Nations Unies et à d’autres États Membres de collaborer plus étroitement pour intensifier les activités non-militaires visant à affaiblir les Chabab et les éléments affiliés à l’EIIL, de les empêcher de mener des activités qui compromettent la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique et l’unité de la Somalie, de contrer leurs activités de terrorisme, de financement illicite et de criminalité organisée, leur accès aux armes et munitions, y compris les armes légères et de petit calibre, et le trafic de ces armes, leur fabrication d’engins explosifs improvisés, leurs activités de justice et de propagande, et de travailler avec la communauté internationale pour appliquer les mesures énoncées dans la résolution 2607 (2021), y compris celles imposées contre les individus et groupes qu’il a désignés en vertu de sa résolution 751 (1992);

ATMIS

22.   Approuve la décision du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine de reconfigurer l’AMISOM qui devient la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS), et autorise, pour une période initiale de 12 mois, les États membres de l’Union africaine à prendre toutes les mesures nécessaires, dans le plein respect des obligations qu’impose aux États participants le droit international, dont le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, ainsi que de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’indépendance politique et de l’unité de la Somalie, pour exécuter le mandat confié à l’ATMIS, à savoir :

a)    réduire la menace posée par les Chabab;

b)    soutenir le renforcement des capacités des forces de sécurité et de police somaliennes intégrées;

c)    procéder au transfert progressif des responsabilités en matière de sécurité à la Somalie;

d)    soutenir les efforts déployés par la Somalie en faveur de la paix et de la réconciliation, conformément au Plan de transition et au dispositif national de sécurité, afin d’appuyer l’édification d’un État somalien stable, fédéral, souverain et unifié;

23.   Décide d’autoriser l’ATMIS à poursuivre les objectifs stratégiques suivants tels qu’énoncés dans la Proposition conjointe :

a)    mener avec les forces de sécurité somaliennes des opérations ciblées planifiées conjointement en vue d’affaiblir les Chabab et les éléments liés à l’EIIL;

b)    soutenir les forces de sécurité somaliennes en tenant conjointement les principales agglomérations et en assurant la protection des populations locales, du personnel et des installations des Nations Unies, en veillant à la sécurité des principaux itinéraires de ravitaillement déterminés par le Gouvernement fédéral somalien, et en agissant en coordination avec les acteurs de la stabilisation et de la réconciliation et en collaboration avec les forces de sécurité somaliennes pour soutenir l’application de la Stratégie nationale de stabilisation de la Somalie et des plans de stabilisation des États;

c)    aider le Gouvernement fédéral somalien dans ses effort de stabilisation de toutes les zones reconquises, en coordination avec l’Équipe chargée du relèvement local et de l’extension de l’autorité et de la responsabilité de l’État et les autres parties impliquées dans l’action de stabilisation;

d)    appuyer le renforcement des capacités des forces de sécurité somaliennes, la priorité étant donnée à la constitution des forces, les compétences opérationnelles et les capacités de soutien logistique, afin de faciliter la prise en main progressive des responsabilités en matière de sécurité par la Somalie;

e)    soutenir les forces de sécurité somaliennes durant les phases « nettoyage, tenue et construction », conformément au Plan de transition et au dispositif national de sécurité, en collaboration avec les institutions gouvernementales fédérales, en facilitant la liaison avec les organismes humanitaires et la communication avec la population locale, ainsi qu’en aidant les forces de sécurité somaliennes à respecter le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme et à demander des comptes à ceux qui commettent de telles violations;

24.   Décide d’autoriser les composantes militaire, policière et civile de l’ATMIS à exécuter les tâches décrites aux paragraphes 33 à 39 de la Proposition conjointe et dans le concept des opérations, et rappelle que le concept des opérations prévoit les tâches suivantes:

a)    mener conjointement des opérations offensives ciblées simultanées dans tous les secteurs, en coordination avec les forces de sécurité somaliennes, afin d’affaiblir les Chabab et les éléments affiliés à l’EIIL;

b)    aider les forces de sécurité somaliennes à créer des conditions de sécurité favorisant l’instauration d’un processus politique à tous les niveaux ainsi que la stabilisation, la réconciliation et la consolidation de la paix;

c)    déterminer la composition, la structure, la disposition et le matériel de l’ATMIS pour faciliter au mieux le transfert des responsabilités en matière de sécurité aux forces de sécurité somaliennes;

d)    aider les forces de sécurité somaliennes à nettoyer les principales voies de ravitaillement, y compris les secteurs repris des Chabab; assurer des services d’accompagnement au combat à l’Armée nationale somalienne; renforcer la capacité de l’Armée nationale somalienne de mener des activités de coordination civilo-militaire;

e)    avec le concours des partenaires, renforcer la capacité de l’Armée nationale somalienne de mener des opérations de lutte contre les engins explosifs improvisés;

f)    veiller au respect des règles d’engagement, du droit international humanitaire, du droit international des droits de l’homme et de toutes les pratiques internationales exemplaires;

g)    appuyer les activités de formation spécialisée, de conseil et de mentorat et fournir un soutien opérationnel à la police somalienne, notamment pour ce qui est des patrouilles conjointes et de la protection des installations essentielles, conformément au Plan de transition;

h)    aider à renforcer la capacité de la police somalienne d’assurer des services de police partout en Somalie grâce à la constitution et au déploiement de forces de police;

i)    aider à l’établissement de partenariats entre la police et le public en vue de renforcer la résilience face à la radicalisation, à l’extrémisme violent conduisant au terrorisme et aux troubles sociaux par des activités de police de proximité, et aider les forces de police somaliennes à respecter le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme, les résolutions sur les femmes et la paix et la sécurité et les normes de déontologie et de discipline;

j)    dans le cadre des opérations menées par l’ATMIS pendant les phases « nettoyage, tenue et construction », entreprendre des activités pour aider les composantes Personnel en tenue de l’ATMIS, ainsi que les forces de sécurité somaliennes agissant conjointement avec l’ATMIS, à mener leurs opérations dans le plein respect des obligations faites par le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme et en conformité avec la politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme en cas d’appui de l’ONU à des forces de sécurité non onusiennes et avec le Cadre de conformité et de responsabilisation de l’Union africaine applicable aux opérations de soutien à la paix;

k)    soutenir les initiatives de relèvement rapide dans les zones nouvellement reconquises et la coordination de l’assistance humanitaire;

l)    appuyer l’application de la stratégie nationale de stabilisation de la Somalie;

m)    aider les ministères et institutions somaliens compétents à mettre en œuvre les priorités du Plan de transition pour la Somalie et apporter le soutien nécessaire à la réalisation des objectifs de l’ATMIS;

25.   Affirme que, lorsque la résolution 2607 (2021) mentionne l’« AMISOM », ce terme doit être lu comme faisant référence à l’ATMIS;

26.   Autorise les États membres de l’Union africaine à déployer jusqu’au 31 décembre 2022 au maximum 19 626 membres du personnel en tenue, y compris un minimum de 1 040 membres du personnel de police, dont 5 unités de police constituées, et approuve la décision du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine de retirer 2 000 effectifs à cette date;

27.   Autorise les États membres de l’Union africaine à déployer, entre le 1er janvier 2023 et le 31 mars 2023, au maximum 17 626 membres du personnel en tenue, y compris un minimum de 1 040 membres du personnel de police, dont 5 unités de police constituées;

28.   Note que dans la proposition conjointe et dans le concept des opérations il est encore prévu de ramener à 14 626 le nombre d’agents en uniforme, y compris de retirer au minimum 1 040 policiers d’ici à la fin de la phase 2 (septembre 2023), de ramener à 10 626 le nombre d’agents en uniforme, y compris de retirer au minimum 1 040 policiers d’ici à la fin de la phase 3 (juin 2024), et de retirer la totalité des effectifs d’ici à la fin de la phase 4 (décembre 2024), et exprime son intention d’autoriser ces réductions, en tenant compte de la situation en Somalie, des évaluations techniques conjointes périodiques visées au paragraphe 51 de la présente résolution;

29.   Prie l’Union africaine de veiller à ce que des structures soient en place pour:

a)    assurer une supervision rigoureuse de l’ATMIS et le fonctionnement de mécanismes de responsabilisation pour la mission et ses contingents;

b)    assurer un commandement et un contrôle rigoureux de la mission et la coordination opérationnelle entre ses contingents;

c)    garantir une prise de décisions opérationnelles coordonnée entre le commandant de la force et les commandants de secteur;

d)    assurer le commandement, le contrôle et la responsabilisation des unités de soutien de la mission, y compris pour ce qui est des moyens aériens;

e)    assurer la création et le déploiement de forces mobiles dans les secteurs de l’ATMIS;

f)    garantir que les instructions émanant de l’ATMIS restent politiquement neutres et donnent la priorité à la protection des civils;

30.   Demande instamment à l’Union africaine, agissant avec le soutien de l’Organisation des Nations Unies, en tenant compte de l’état des besoins par unité et des ressources disponibles, de passer régulièrement en revue les capacités opérationnelles de l’ATMIS afin de :

a)    renforcer la protection de la force pour qu’elle puisse s’acquitter de son mandat;

b)    recenser les besoins en ressources et établir des demandes de ressources et de matériel précis, qui seront fournis au moyen de contributions volontaires;

31.   Souligne qu’il importe que les forces de l’ATMIS continuent de coopérer avec la MANUSOM et le BANUS aux fins de l’application de la politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme en cas d’appui de l’ONU à des forces de sécurité non onusiennes pendant les phases de préparation, d’exécution et d’examen des opérations, notamment dans le cadre des opérations menées conjointement ou en coordination avec les forces de sécurité et de police somaliennes, et salue le rôle que le cadre réglementaire de l’Union africaine et sa mise en œuvre à l’ATMIS peuvent jouer dans le renforcement du respect du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire;

32.   Demande à l’ATMIS d’ouvrir promptement des enquêtes minutieuses, en cas d’allégations de violations des droits humains ou d’atteintes à ces droits ou de violations du droit international humanitaire par ses forces, et à l’Union africaine d’en assurer un suivi régulier, leur demande également de veiller à ce que les normes les plus strictes de transparence, de déontologie et de discipline soient appliquées et à ce que les procédures soient harmonisées avec celles de la MANUSOM, et exhorte les pays qui fournissent des contingents ou du personnel de police à resserrer leur coopération avec l’Union africaine et l’Organisation des Nations Unies afin de renforcer l’efficacité du respect par l’ATMIS et des mesures de responsabilité;

33.   Demande à l’ATMIS de collaborer étroitement avec la cellule de suivi, d’analyse et d’intervention concernant les victimes civiles dans tous les secteurs, souligne qu’il importe de veiller à ce que l’information soit communiquée aux acteurs compétents, dont l’Organisation des Nations Unies, à ce qu’elle soit intégrée dans les rapports de l’ATMIS et à ce qu’il en soit tenu compte dans les directives et plans opérationnels, et demande aux pays qui fournissent des contingents ou du personnel de police d’apporter leur plein appui à ladite cellule, en collaboration avec les agents de l’action humanitaire, de la défense des droits humains et de la protection;

34.   Demande à l’ATMIS d’appuyer la mise en œuvre du Communiqué conjoint et du Plan d’action national de lutte contre les violences sexuelles en temps de conflit, de tenir compte de ces préoccupations spécifiques dans toutes les activités des composantes de l’ATMIS et de veiller à ce que les risques de violence sexuelle en période de conflit soient pris en compte dans la collecte des données, l’analyse des menaces et les systèmes d’alerte rapide, réaffirme l’importance de la politique de tolérance zéro à l’égard de l’exploitation et des atteintes sexuelles, souligne qu’il faut prévenir l’exploitation et les atteintes sexuelles, prie l’Union africaine et les pays qui fournissent des contingents ou du personnel de police de vérifier les antécédents du personnel, de procéder à des évaluations des risques, de dispenser toute formation pertinente au personnel, de protéger les personnes rescapées qui dénoncent des atteintes, d’appuyer leur rétablissement, de diligenter promptement des enquêtes en cas d’allégations afin d’amener les auteurs à répondre de leurs actes et de rapatrier les unités lorsqu’il existe des preuves crédibles qu’elles ont commis des actes d’exploitation ou d’atteintes sexuelles de manière généralisée ou systématique, et engage l’Union africaine à coopérer étroitement avec l’Organisation des Nations Unies dans ce domaine;

35.   Encourage les mesures visant à garantir le déploiement, par les pays qui fournissent des contingents ou du personnel de police, de personnel féminin en tenue à l’ATMIS, et exhorte l’ATMIS à veiller à ce que les femmes participent de manière pleine, effective et véritable à toutes ses opérations et à tenir systématiquement compte des questions de genre dans l’exécution de son mandat;

36.   Prend note de la demande faite par la Somalie auprès de l’Union africaine tendant à ce que des Somaliens soient recrutés à des postes d’agent civil de l’ATMIS;

Bureau d’appui des Nations Unies en Somalie (BANUS)

37.   Prie le Secrétaire général de continuer de fournir un appui logistique et, en consultation avec l’Union africaine et le Gouvernement fédéral somalien, de mettre au point un plan d’appui logistique approprié, par l’intermédiaire du BANUS et dans le plein respect de la politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme en cas d’appui de l’ONU à des forces de sécurité non onusiennes, pour la MANUSOM et le personnel en tenue de l’ATMIS, compte tenu des paragraphes 25 et 26 de la présente résolution, et selon les modalités énoncées au paragraphe 2 de la résolution 2245 (2015), pour les 70 agents civils de l’ATMIS, dont le nombre sera porté à 85 à partir du 1er janvier 2023, pour soutenir les opérations militaires et les opérations de police de l’ATMIS et améliorer la coordination entre l’Organisation des Nations Unies, l’Union africaine et le Gouvernement fédéral somalien, et, au moyen du fonds d’affectation spéciale des Nations Unies, pour appuyer les 13 900 membres des forces de sécurité somaliennes, dont une part appropriée d’agents de la police fédérale et de la police des États qui sont officiellement intégrés à ces forces, conformément au dispositif national de sécurité, et qui participent activement aux opérations menées conjointement ou en coordination avec l’ATMIS à l’appui direct du Plan de transition;

38.   Exprime son intention d’envisager d’augmenter le nombre d’agents des forces de sécurité somaliennes pouvant bénéficier d’un appui du BANUS tel que visé au paragraphe 37 de la présente résolution, à condition qu’aient progressé l’intégration et la constitution des forces selon les dispositions des paragraphes 7 et 8 et le retrait du personnel en tenue de l’ATMIS selon les dispositions des paragraphes 26 et 27;

39.   Souligne qu’il importe que l’ATMIS et les forces de sécurité somaliennes travaillent conjointement avec le BANUS en vue de fournir un appui logistique, et qu’elles associent notamment le BANUS à la planification pour ce qui est des opérations militaires, de la sécurité des aérodromes et des convois, de la protection des civils et de la protection des principales voies de ravitaillement;

40.   Souligne que la durabilité de l’appui à la paix et à la sécurité est améliorée par la mise en œuvre de la stratégie environnementale pour les opérations de paix du Département de l’appui opérationnel (phase II), qui met l’accent sur une bonne gestion des ressources et un héritage positif de la mission, et fixe pour objectif une utilisation accrue des énergies renouvelables dans les missions afin de renforcer la sûreté et la sécurité, de réaliser des économies, d’offrir des gains d’efficacité et de profiter à la mission, compte tenu de l’appel lancé par le Secrétaire général pour adopter, dans les opérations sur le terrain, les énergies renouvelables d’ici à 2030 afin d’atteindre les objectifs du Plan d’action pour le climat;

41.   Prie le Secrétaire général de veiller à ce que l’Organisation des Nations Unies continuer d’apporter un appui aux forces de sécurité somaliennes au moyen d’activités de formation et de mentorat et de matériel, afin de contrer la menace que représentent les engins explosifs improvisés;

42.   Souligne que le contrôle et l’application du principe de responsabilité, en particulier le respect de la politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme, devraient être la clef de voûte du partenariat entre l’Organisation des Nations Unies, l’Union africaine et la Somalie, prie le Secrétaire général de veiller à ce que tout appui fourni à des forces de sécurité non onusiennes soit strictement conforme à la politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme, et demande à la Somalie et à l’Union africaine de convenir avec l’Organisation des Nations Unies d’un mémorandum d’accord actualisé sur les conditions de la fourniture d’un appui de l’Organisation des Nations Unies à la Somalie;

43.   Prie le Secrétaire général de collaborer étroitement avec l’Union africaine pour appuyer l’application de la présente résolution, notamment de lui fournir des conseils techniques et spécialisés relatifs à la planification, au déploiement et à la gestion stratégique de l’ATMIS, conformément au mandat du Bureau des Nations Unies auprès de l’Union africaine;

Appui international

44.   Se félicite de l’appui financier que continuent de recevoir la mission de l’Union africaine en Somalie, notamment celui apporté par l’Union européenne ces 15 dernières années, souligne qu’il importe d’associer les partenaires financiers au processus de prise de décisions de l’ATMIS, et insiste sur l’importance d’un contrôle rigoureux et d’une application stricte du principe de responsabilité pour ce qui est du soutien financier et matériel;

45.   Engage instamment les États Membres, y compris les nouveaux donateurs, à envisager d’apporter un soutien prévisible, durable et pluriannuel à l’ATMIS, notamment en fournissant des ressources supplémentaires à l’Union africaine pour la composante civile de l’ATMIS afin de lui permettre de soutenir la mise en œuvre du Plan de transition de la Somalie, du dispositif national de sécurité et des efforts de stabilisation en général ainsi que pour le paiement de la solde des contingents et du personnel de police, du matériel et une assistance technique, et de soutenir le fonctionnement effectif de la cellule de suivi, d’analyse et d’intervention concernant les victimes civiles et le versement de dédommagements;

46.   Demande instamment aux États Membres d’envisager d’apporter un financement au fonds d’affectation spéciale des Nations Unies à l’appui de la Somalie, y compris un financement pour la fourniture d’une formation, du matériel et d’un mentorat aux forces de sécurité et de police somaliennes, afin qu’elles puissent contrer la menace posée par les engins explosifs improvisés et juguler la prolifération illicite des armes légères et de petit calibre ainsi qu’un appui à l’Union africaine pour l’aider à mobiliser les ressources et le matériel requis pour l’ATMIS, y compris au moyen de contributions financières destinées à combler les besoins en ressources et à donner suite aux demandes de ressources et de matériel précis;

47.   Exhorte les États Membres à envisager de fournir un financement bilatéral pour aider les institutions de l’État fédéral et des États membres de la fédération à mettre en place un secteur de la sécurité intégré en Somalie, notamment renforcer les capacités de la police maritime conformément à la résolution 2246 (2015);

48.   Souligne la nécessité pour la Somalie et ses partenaire d’agir de façon coordonnée pour faciliter les réformes des affaires politiques et du secteur de la sécurité dirigées par les Somaliens, afin d’en garantir la cohérence, d’en optimiser les effets et de permettre un transfert progressif et durable des responsabilités en matière de sécurité à la Somalie et, de ce fait :

a)    Demande instamment au Gouvernement fédéral somalien de mener une coordination stratégique au moyen de réunions régulières de haut niveau du Comité de pilotage stratégique du Plan de transition somalien, du Comité de sécurité et de justice et du Mécanisme pour le développement et la reconstruction de la Somalie;

b)    Engage vivement le Gouvernement fédéral somalien à approuver toutes les opérations conjointes ou coordonnées, et les décisions stratégiques et opérationnelles, y compris en ce qui concerne la constitution des forces de sécurité somaliennes avec les États membres de la fédération, en coordination avec l’ATMIS et l’Organisation des Nations Unies et d’autres partenaires internationaux, le cas échéant;

c)    Demande à l’Organisation des Nations Unies, agissant en coordination avec le Gouvernement fédéral somalien, l’Union africaine et l’Union européenne, à créer une fonction de coordination des partenariats techniques pour renforcer la coordination et la collaboration entre le Gouvernement fédéral somalien, les États membres de la fédération, l’ATMIS, la MANUSOM, le BANUS, l’équipe de pays des Nations Unies et d’autres partenaires multilatéraux, régionaux et bilatéraux de la Somalie, notamment :

i)    en assurant le partage de l’information, y compris par la création d’un tableau de bord pour le suivi des indicateurs clefs de performance, secteur par secteur;

ii)   en menant des activités d’analyse, de planification et d’évaluation des résultats;

iii)  en coordonnant la fourniture d’un appui bilatéral en matière de renforcement des capacités, de formation et de mentorat et des dons de matériel et de fournitures aux forces de sécurité et de police somaliennes;

iv)   en veillant à ce que ces activités d’appui et d’assistance soient menées conformément aux dispositions de la résolution 2607 (2021);

v)    en veillant à ce que ces activités d’appui et d’assistance soient conformes à la politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme en cas d’appui de l’ONU à des forces de sécurité non onusiennes;

49.   Insiste sur la nécessité de rendre plus prévisible, durable et souple le financement des opérations de soutien à la paix dirigées par l’Union africaine et autorisées par lui en vertu de l’autorité qu’il tient du Chapitre VIII de la Charte, et engage le Secrétaire général, l’Union africaine et les États Membres à poursuivre les efforts faits pour étudier sérieusement les possibilités de financement de l’ATMIS, en gardant à l’esprit l’ensemble des options dont disposent l’ONU, l’Union africaine, l’Union européenne et d’autres partenaires et sachant que les fonds volontaires sont limités, afin d’établir des modalités de financement pérennes de l’ATMIS;

Évaluation et communication de l’information

50.   Demande à l’Organisation des Nations Unies, agissant de concert avec l’Union africaine, le Gouvernement fédéral somalien, l’Union européenne et d’autres donateurs, de définir, au moyen d’un processus consultatif inclusif, des objectifs de référence pertinents, clairs et réalistes, qui prévoient des attributions et qui comprennent des indicateurs mesurables pour la transition en matière de sécurité, et qui prennent en compte les besoins de toutes les franges de la population, le but étant d’évaluer la mise en œuvre du transfert des responsabilités en matière de sécurité, y compris des objectifs de référence servant à mesurer l’efficacité de l’ATMIS, proposés par l’Union africaine, et des objectifs de référence pour la mise en œuvre du Plan de transition et du dispositif national de sécurité, proposés par le Gouvernement fédéral somalien, d’ici au 30 septembre 2022, compte tenu de la résolution 2594 (2021);

51.   Demande à l’Organisation des Nations Unies, agissant de concert avec l’Union africaine, le Gouvernement fédéral somalien, l’Union européenne et d’autres donateurs d’effectuer des évaluations techniques conjointes régulières des progrès réalisés, et, à partir des objectifs de référence demandés au paragraphe 50 de la présente résolution, de le guider lorsqu’il prendra une nouvelle décision sur les prochaines étapes du retrait progressif de l’ATMIS et sur le soutien apporté par le BANUS, et de lui faire rapport le 15 février 2023 au plus tard;

52.   Prie le Gouvernement fédéral somalien de lui présenter, le 10 juillet 2022, le 10 octobre 2022 et le 10 janvier 2023, un compte rendu sur :

a)    les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan de transition et du dispositif national de sécurité et dans la constitution et l’intégration des forces, tel que cela est envisagé aux paragraphes 7 et 8 de la présente résolution;

b)    les progrès réalisés dans l’application de la feuille de route convenue le 27 mai 2021;

53.   Prie l’Union africaine de lui rendre compte le 10 juillet 2022, le 10 octobre 2022 et le 10 janvier 2023, par l’intermédiaire du Secrétaire général, de l’exécution du mandat de l’ATMIS et demande que ces rapports couvrent en particulier les points suivants :

a)    les opérations conjointes menées à l’appui du Plan de transition et du dispositif national de sécurité, y compris l’utilisation et l’efficacité des mécanismes de coordination avec le Gouvernement fédéral somalien;

b)    l’évaluation des mécanismes de commandement et de contrôle de l’ATMIS;

c)    les progrès réalisés au regard des objectifs stratégiques énoncés au paragraphe 23;

d)    l’évaluation quantitative et qualitative des progrès réalisés dans l’exécution des tâches définies dans la Proposition conjointe et le concept des opérations;

e)    les mesures de responsabilisation prises pour remédier aux résultats insatisfaisants précédemment recensés, y compris sur le plan du commandement et du contrôle, ainsi que de la déontologie et de la discipline;

f)    l’efficacité des mesures prises pour protéger les civils;

g)    les résultats de l’examen du matériel et l’utilisation des moyens de la force;

54.   Prie le Secrétaire général de le tenir régulièrement informé de l’application de la présente résolution, dans les rapports périodiques demandés au paragraphe 17 de la résolution 2592 (2021) et rappelle qu’il a prié le Secrétaire général de lui soumettre un examen stratégique de la MANUSOM, comme indiqué au paragraphe 18 de la résolution 2592 (2021), et exprime son intention de fixer une nouvelle date pour son achèvement à l’issue des opérations électorales en cours en Somalie;

55.   Décide de demeurer activement saisi de la question.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité  prie le mécanisme résiduel des Tribunaux pénaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda de lui présenter son rapport biennal

9010e séance – matin
CS/14848

Le Conseil de sécurité  prie le mécanisme résiduel des Tribunaux pénaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda de lui présenter son rapport biennal

Le Conseil de sécurité a, ce matin, prié le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda de lui présenter, d’ici au 14 avril 2022, un rapport sur l’état d’avancement de ses travaux, le dernier examen en date remontant à juin 2020. 

La déclaration présidentielle présentée par la Présidente du Conseil de sécurité, Mme Lana Zaki Nusseibeh (Émirats arabes unis), en cette dernière séance du mois de mars, demande au Mécanisme de faire état de l’achèvement des tâches qui lui ont été confiées, assorti du calendrier détaillé des affaires en cours et des éléments qui pourraient avoir une incidence sur la date prévue de clôture de ces affaires et d’autres questions de sa compétence. 

Le Conseil rappelle que les fonctions résiduelles étant sensiblement limitées, le Mécanisme devrait être une « petite entité efficace à vocation temporaire », « dont les fonctions et la taille iront en diminuant », et « dont le personnel peu nombreux est à la mesure de ses fonctions restreintes ».  Il rappelle que le Mécanisme devait rester en fonctions pendant une période initiale de quatre ans à compter du 1er juillet 2012, avant la décision de le garder opérationnel pendant de nouvelles périodes biennales, commençant après chaque examen d’avancement des travaux, « sauf décision contraire du Conseil ». 

La Déclaration présidentielle adoptée aujourd’hui prie le Groupe de travail informel sur les tribunaux internationaux d’examiner minutieusement le rapport du Mécanisme et celui sur l’évaluation des méthodes et des travaux du Mécanisme que le Bureau des services de contrôle interne (BSCI) doit lui remettre le 31 mars 2022 au plus tard, et de lui présenter ses vues, y compris pour ce qui est d’achever les tâches qui ont été confiées au Mécanisme.  Cet examen sera terminé le 13 mai 2022 et le Conseil y donnera suite sous la forme qui conviendra, précise la déclaration. 

Le Conseil note avec préoccupation que, bien qu’un accord ait été conclu à cet égard, le Mécanisme rencontre des difficultés à pourvoir à la réinstallation des personnes acquittées et des condamnés ayant purgé leur peine, et souligne qu’il importe de mener à bien cette réinstallation. 

Le Conseil souligne qu’il reste déterminé à lutter contre l’impunité des responsables de violations graves du droit international humanitaire et que toutes les personnes mises en accusation par l’un des deux tribunaux pénaux internationaux, y compris celles qui sont toujours en fuite, doivent être jugées. 

Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie était chargé de juger les personnes accusées de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991, tandis que celui pour le Rwanda était chargé de juger les personnes accusées d’actes de génocide ou d’autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais accusés de tels actes ou violations commis sur le territoire d’États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994. 

MÉCANISME INTERNATIONAL APPELÉ À EXERCER LES FONCTIONS RÉSIDUELLES DES TRIBUNAUX PÉNAUX

Déclaration de la Présidente du Conseil de sécurité 

Le Conseil de sécurité rappelle sa résolution 1966 (2010) du 22 décembre 2010, par laquelle il a créé le Mécanisme international (le « Mécanisme ») appelé à exercer, conformément au Statut joint en annexe à la résolution (le « Statut ») et aux dispositions transitoires consignées dans l’annexe 2 de la résolution, les fonctions résiduelles du Tribunal international chargé de juger les personnes accusées de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie) et du Tribunal international chargé de juger les personnes accusées d’actes de génocide ou d’autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais accusés de tels actes ou violations commis sur le territoire d’États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 (Tribunal pénal international pour le Rwanda). 

Le Conseil rappelle que les fonctions résiduelles étant sensiblement limitées, le Mécanisme devrait être une petite entité efficace à vocation temporaire, dont les fonctions et la taille iront diminuant, et dont le personnel peu nombreux est à la mesure de ses fonctions restreintes. 

Le Conseil rappelle également qu’il a décidé que le Mécanisme resterait en fonctions pendant une période initiale de quatre ans qui a commencé le 1er juillet 2012, décidé d’examiner l’avancement de ses travaux, y compris l’achèvement des tâches qui lui ont été confiées, avant la fin de cette période initiale puis tous les deux ans, et décidé qu’il resterait en fonctions pendant de nouvelles périodes de deux ans, commençant après chacun de ces examens, sauf décision contraire du Conseil. 

Le Conseil prend note des rapports que le Mécanisme lui a présentés chaque année, ainsi qu’à l’Assemblée générale, et chaque semestre, sur l’avancement de ses travaux, en application de l’article 32 du Statut. 

Le Conseil prie le Mécanisme de lui présenter, d’ici au 14 avril 2022, un rapport sur l’état d’avancement de ses travaux depuis le dernier examen, qui date de juin 2020, y compris l’achèvement des tâches qui lui ont été confiées, assorti du calendrier détaillé des affaires en cours et des éléments qui pourraient avoir une incidence sur la date prévue de clôture de ces affaires et d’autres questions de sa compétence. 

Le Conseil prie le Groupe de travail informel sur les tribunaux internationaux d’examiner minutieusement le rapport du Mécanisme et le rapport sur l’évaluation des méthodes et des travaux du Mécanisme que le Bureau des services de contrôle interne doit lui remettre le 31 mars 2022 au plus tard, et de lui présenter ses vues et toutes constatations ou recommandations qu’il pourrait prendre en considération quand il examinera les travaux du Mécanisme, y compris pour ce qui est d’achever, dans un souci d’efficience et de bonne gestion, les tâches qui lui ont été confiées. Cet examen sera terminé le 13 mai 2022 et le Conseil y donnera suite sous la forme qui conviendra. 

Le Conseil note que le Groupe de travail informel sur les tribunaux internationaux peut, s’il y a lieu, poser de nouvelles questions, auxquelles le Mécanisme répondra dans le rapport qui lui est demandé dans la présente déclaration. 

Le Conseil note que la procédure décrite au paragraphe 6 de la présente déclaration, et les constations ou recommandations qu’il ferait siennes, constitueront l’examen des travaux du Mécanisme prévu au paragraphe 17 de la résolution 1966 (2010). Il souligne que, dans les prochains examens, cette procédure comprendra les rapports d’évaluation demandés au Bureau des services de contrôle interne en ce qui concerne les méthodes et travaux du Mécanisme. 

Le Conseil note avec préoccupation que, bien qu’un accord ait été conclu à cet égard, le Mécanisme a des difficultés à pourvoir à la réinstallation des personnes acquittées et des condamnés ayant purgé leur peine, et souligne qu’il importe de mener à bien la réinstallation de ces personnes. 

Le Conseil souligne qu’il reste déterminé à lutter contre l’impunité des responsables de violations graves du droit international humanitaire et que toutes les personnes mises en accusation par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ou le Tribunal pénal international pour le Rwanda, y compris celles qui sont toujours en fuite, doivent être jugées. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale proclame le 12 mai Journée internationale de la santé des végétaux et entend des demandes de réparation pour les victimes de la traite des esclaves

Soixante-seizième session,
63e & 64e séances – matin & après-midi
AG/12412

L’Assemblée générale proclame le 12 mai Journée internationale de la santé des végétaux et entend des demandes de réparation pour les victimes de la traite des esclaves

Lors de la commémoration, ce matin à l’Assemblée générale, de l’abolition de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves, le Secrétaire général a appelé à inverser les conséquences de générations d’exploitation, d’exclusion et de discrimination, grâce à des cadres de justice réparatrice, un appel à l’octroi de réparation dont se sont fait l’écho de nombreuses délégations.  L’Assemblée a ensuite décidé de tenir en 2024 une réunion de haut niveau sur la résistance aux antimicrobiens. 

En adoptant sans vote la résolution « Saisir les plus hautes instances politiques des questions de prévention, de préparation et de riposte face aux pandémies », présentée par la Norvège, l’Assemblée générale a également appelé les États Membres à participer à la rédaction et à la négociation « d’une convention, d’un accord ou d’un instrument » de l’Organisation mondiale de la Santé sur la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies.

Par un texte présenté par la Zambie et adopté sans vote, elle a en outre décidé de proclamer le 12 mai Journée internationale de la santé des végétaux. 

Célébrée officiellement le 25 mars de chaque année, la Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves a été l’occasion pour le Secrétaire général de relever que plus de 200 ans après la fin de la traite, le « mensonge vicieux » de la suprématie raciale reste bien vivant aujourd’hui, ajoutant qu’il trouve même une nouvelle résonance dans les « chambres d’écho de la haine en ligne ».  Mettre fin à l’héritage raciste de l’esclavage est un impératif mondial pour la justice, a-t-il déclaré. 

Constatant que la traite négrière transatlantique a entravé le développement du continent pendant des siècles, M. António Guterres a également appelé à inverser les conséquences de générations d’exploitation, d’exclusion et de discrimination, grâce à des cadres de justice réparatrice, relevant en outre qu’hors du continent africain, les personnes d’ascendance africaine sont souvent parmi les dernières à bénéficier de soins de santé, de l’éducation, de la justice et de toute autre opportunité. 

Cette commémoration a également été marquée par l’intervention de la créatrice du « 1619 Project » qui a exhorté à ne pas oublier la tradition noire de la résistance, évoquant l’histoire de Palmares, quilombo fondé au Brésil par des esclaves fugitifs, les grandes révoltes d’esclaves en Jamaïque ou encore la création de la première république noire au monde, Haïti, ainsi que les mânes d’Harriet Tubman ou de Frederick Douglass.  « Ce qui caractérise l’histoire des Noirs des Amériques ce n’est pas l’esclavage, mais la liberté », a déclaré Mme Nikole Hannah-Jones.

Ce n’est qu’en reconnaissant l’histoire que nous pouvons comprendre comment elle continue d’informer et d’affecter le présent, a renchéri le Président de l’Assemblée générale.  Ce n’est qu’alors que nous pourrons nous attaquer correctement aux injustices qui persistent encore et que nous pourrons véritablement honorer ces victimes qui ont été la proie de l’une des institutions les plus vicieuses jamais conçues par l’humanité, a affirmé M. Abdulla Shahid. 

La question de la réparation était au centre de nombreuses déclarations, à commencer par le Lesotho, qui s’exprimait au nom du Groupe des États d’Afrique.  Le temps est venu de discuter en profondeur de la question d’une justice réparatrice pour les victimes de la traite transatlantique, a martelé Haïti, tandis que la délégation des États-Unis a annoncé que le Président Biden signerait aujourd’hui même la loi antilynchage récemment adoptée par le Congrès. 

De son côté, l’Angola a fait observer que la situation socioéconomique actuelle du continent africain est étroitement liée aux conséquences de la traite des esclaves, la période entre les XVIe et XIXe siècles ayant notamment été marquée par la stagnation économique de l’Afrique.  La traite transatlantique des esclaves a également eu une influence majeure sur la fragmentation politique du continent, a ajouté la délégation qui a dénoncé les interventions brutales ainsi que les guerres liées à la concurrence entre dirigeants africains pour la capture et le commerce des esclaves. 

Au cours de cette séance, l’Assemblée générale a par ailleurs décidé d’accréditer le Conseil nordique et de l’inviter à participer à la réunion « Stockholm+50: une planète saine pour la prospérité de toutes et de tous – notre responsabilité, notre chance » en tant qu’organisation intergouvernementale ayant statut d’observateur. 

Le Fonds nordique de développement a, quant à lui, été accrédité et invité à participer aux travaux de l’édition 2022 de la Conférence des Nations Unies visant à appuyer la réalisation de l’objectif de développement durable n°14: conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable. 

La prochaine réunion de l’Assemblée générale sera annoncée dans le Journal des Nations Unies

COMMÉMORATION DE L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE ET DE LA TRAITE TRANSATLANTIQUE DES ESCLAVES

Déclarations

M. ABDULLA SHAHID, Président de l’Assemblée générale, a rappelé la réalité brutale de la traite transatlantique des esclaves, qui reste à ce jour le plus grand déplacement forcé de personnes de l’histoire.  L’esclavage était destiné à enlever les noms, la personnalité et l’héritage de ses victimes.  En documentant, en partageant et en réfléchissant à leurs histoires, nous les empêchons de sombrer dans l’obscurité et nous réaffirmons leur dignité humaine individuelle, a déclaré le Président, insistant en outre sur le devoir de sensibiliser aux séquelles pernicieuses de l’esclavage, y compris le racisme, la discrimination et l’injustice sociale. 

Il a exhorté à ne jamais oublier ce chapitre tragique de l’histoire, notant qu’on ne peut pas s’attendre à ce que ce traumatisme collectif, subi pendant des centaines d’années par les générations successives, guérisse rapidement.  À ce jour, les conséquences de la traite transatlantique des esclaves et les attitudes racistes qui l’ont facilitée perdurent encore et affectent la vie de nombreuses personnes d’ascendance africaine, a-t-il dénoncé.  Rappelant sa visite de l’île de Gorée au Sénégal, le Président a souligné que l’esclavage n’était pas seulement une terrible épreuve individuelle, mais un traumatisme culturel par lequel un groupe de personnes était soumis à une douleur et une torture si inhumaines qu’il déshumanisait leur existence, leur identité de groupe, leurs valeurs, leurs sentiments et leur vision culturelle du monde. 

Selon le Président de l’Assemblée générale, la solidarité avec les victimes est le strict minimum que nous puissions faire pour remédier à ces inégalités.  Ce n’est qu’en reconnaissant l’histoire que nous pouvons comprendre comment elle continue d’informer et d’affecter le présent.  Ce n’est qu’alors que nous pourrons nous attaquer correctement aux injustices qui persistent encore et que nous pourrons véritablement honorer ces victimes qui ont été la proie de l’une des institutions les plus vicieuses jamais conçues par l’humanité, a-t-il affirmé.  Il a également exhorté à se dresser contre le racisme et la discrimination, et à prendre des engagements plus importants en faveur de la justice sociale et de l’égalité de valeur et de dignité de toutes les communautés, indépendamment de la caste, de la croyance ou de la couleur de peau.  « Écrivons un nouveau chapitre de notre histoire, rempli de justice et d’égalité. »  

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a déclaré que nous ne connaîtrons jamais tous les actes de résistance, petits ou grands, qui ont lentement mais sûrement triomphé de l’injustice, de la répression et de l’esclavage.  Mais ces récits sont cruciaux pour notre compréhension d’un passé dont la cause la plus pernicieuse et l’héritage le plus persistant tachent encore notre présent: le racisme.  Il a indiqué que le commerce transatlantique des Africains réduits en esclavage a contribué à façonner les conceptions modernes de la race, les Africains ayant été dépeints comme moins qu’humains pour rationaliser l’inhumanité de la traite des esclaves.  Plus de 200 ans après la fin de la traite transatlantique des esclaves, le mensonge vicieux de la suprématie raciale reste bien vivant aujourd’hui, s’est indigné le Secrétaire général, ajoutant qu’il trouve même une nouvelle résonance dans les chambres d’écho de la haine en ligne.  Mettre fin à l’héritage raciste de l’esclavage est un impératif mondial pour la justice, a-t-il tranché.

M. Guterres a constaté que la traite négrière transatlantique a entravé le développement du continent pendant des siècles.  Dans le même temps, la prospérité atteinte dans une si grande partie du monde occidental n’a été possible que grâce à l’exploitation du travail et du savoir-faire des esclaves africains.  Il a appelé à inverser les conséquences de générations d’exploitation, d’exclusion et de discrimination, y compris leurs dimensions sociales et économiques évidentes, grâce à des cadres de justice réparatrice.  Reconnaître les torts du passé, abattre les statues d’esclavagistes et demander pardon ne saurait annuler ces crimes, a-t-il concédé, mais cela peut parfois contribuer à libérer le présent -et l’avenir- des chaînes du passé. 

Il a également appelé à veiller à ce que les erreurs du passé ne détournent pas notre attention des maux du présent, relevant notamment qu’hors du continent africain, les personnes d’ascendance africaine sont souvent parmi les dernières à bénéficier de soins de santé, de l’éducation, de la justice et de toute autre opportunité.  La diaspora africaine a enrichi les sociétés du monde entier, et pourtant, elle fait toujours face à la marginalisation, à l’exclusion et aux préjugés inconscients, a regretté M. Guterres.  Dès lors, en cette Journée internationale du souvenir, le Secrétaire général a invité tout un chacun à rendre hommage aux victimes de l’esclavage, dont la mémoire est immortalisée par l’Arche du retour qui se dresse devant le bâtiment de l’ONU.  Cette arche nous invite à faire front commun contre le racisme; à nous attaquer aux inégalités et aux injustices; à apprendre et à enseigner le passé; et à bâtir des sociétés fondées sur la dignité, le respect, la justice et les opportunités pour toutes et pour tous, a-t-il dit.

Mme NIKOLE HANNAH-JONES, journaliste au New York Times Magazine et créatrice du « 1619 Project », a indiqué qu’elle a consacré sa vie à documenter les traces et les conséquences de l’esclavage.  « J’en suis une descendante, née aux États-Unis, dans un pays qui a longtemps cru qu’il était le pays de la liberté. »  La traite est la plus grande migration forcée de l’histoire du monde, a-t-elle dit, en rappelant les horreurs endurées par les esclaves au bénéfice des puissances coloniales.  Elle a dénoncé les « lois Jim Crow » qui avaient cours aux États-Unis et constituaient un véritable apartheid.  Elle a aussi insisté sur la résistance des Noirs face à l’esclavage qui ont résisté à toutes les étapes du trajet qui les emmenait vers les Amériques.  « Nous ne devons pas oublier la tradition noire de la résistance », a insisté Mme Hannah-Jones. 

Elle a ainsi évoqué l’histoire de Palmarès, quilombo fondé au Brésil par des esclaves fugitifs, les grandes révoltes d’esclaves en Jamaïque ou bien encore la création de la première république noire au monde, Haïti, dont l’audace a été punie par les puissances occidentales.  Elle a aussi invoqué les mânes d’Harriet Tubman ou de Frederick Douglass, pour ensuite dénoncer la marginalisation des récits de la résistance noire, qui démontre l’hypocrisie des puissances collectives et altère la mémoire collective.  Mme Hannah-Jones a également mentionné la vie de ses ancêtres aux États-Unis marquée par le racisme et les discriminations.  « Ce qui caractérise l’histoire des Noirs des Amériques ce n’est pas l’esclavage, mais la liberté », a-t-elle déclaré, en insistant sur les luttes contemporaines, comme celles contre les violences policières. 

Enfin, Mme Hannah-Jones a invité les puissances occidentales, les États-Unis en tête, à devenir des puissances éthiques, affirmant qu’il est temps d’apporter des réparations aux descendants d’esclaves dans les Amériques.  Il n’y a pas de rédemption sans réparation, a-t-elle martelé.

M. NKOPANE R. MONYANE (Lesotho), qui s’exprimait au nom du Groupe des États d’Afrique, a souligné la nécessité d’adopter toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination raciale sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, dénonçant la discrimination et le racisme que subissent les étudiants d’ascendance africaine alors qu’ils s’efforcent de fuir les zones de conflit en Ukraine.  Les réparations de l’esclavage et du colonialisme comprennent aussi l’élimination des cicatrices de l’inégalité raciale, de la subordination et de la discrimination qui ont été construites sous l’esclavage, l’apartheid et le colonialisme, a-t-il estimé.

M. Monyane a noté que c’est au niveau humain que l’étude de la traite transatlantique révèle sa véritable brutalité, évoquant les histoires de celles et ceux qui se sont battus contre leurs oppresseurs et qui ont triomphé pour gagner leur liberté.  Ces histoires se poursuivent aujourd’hui alors que les gens du monde entier continuent de lutter ensemble contre le racisme.  Le représentant a ensuite salué les triomphes du transfert culturel d’Afrique pendant la traite transatlantique des esclaves, citant notamment le cas du « riz jollof » africain qui est également un plat populaire en République dominicaine aux côtés du manioc et des patates douces au Brésil et dans les pays des Caraïbes et au-delà.  La contribution culturelle, artistique, scientifique, économique et politique des personnes d’ascendance africaine a triomphé de l’adversité, a affirmé M. Monyane pour qui le langage universel de la danse, l’art et la musique permet une reconnaissance des capacités de transformation de la culture africaine en Afrique et au-delà.  Pour lui, l’Arche du retour est un rappel brutal des voyages de l’esclavage mais extrêmement symbolique de l’espoir de la rédemption.   

Mme JOSIE-ANN DONGOBIR (Nauru), qui s’exprimait au nom des États d’Asie et du Pacifique, a déclaré que la traite des esclaves est l’une des pires violations des droits humains de l’histoire de l’humanité et a souligné l’importance d’éduquer les générations actuelles et futures sur les causes, les conséquences, les leçons et l’héritage de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves, ainsi que le droit de demander réparation, un recours ou une satisfaction juste et adéquate. 

Elle a appelé à éliminer le racisme et la discrimination raciale sous toutes leurs formes, notant que les personnes d’ascendance africaine continuent d’être confrontées à la discrimination raciale, à la marginalisation et à l’exclusion.  Elle a également exprimé sa profonde préoccupation face à la montée de la violence et des crimes haineux contre les Asiatiques et les personnes d’ascendance asiatique, y compris les diplomates asiatiques à New York, et appelé le gouvernement concerné à prendre des mesures concrètes pour lutter contre le racisme systématique, la discrimination raciale et les crimes de haine. 

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique), au nom des États d’Amérique latine et des Caraïbes, a rendu hommage à la mémoire des 15 millions d’Africains qui ont perdu la vie lors de la traite, la plus grande migration forcée de l’histoire du monde.  Il a plaidé pour une justice de réparation afin de remédier aux séquelles de l’histoire de l’esclavage et de la traite.  Les effets de l’esclavage restent présents dans les phénomènes de racisme et de discrimination dont des millions de personnes sont encore les victimes, a-t-il déploré.  Il a appelé à combattre ces effets, avant d’indiquer que l’esclavage existe encore.  Près de 40 millions de personnes sont victimes de l’esclavage moderne.  Enfin, il a plaidé pour la pleine mise en œuvre du Programme 2030 et de la Déclaration de Durban, pour vaincre l’esclavage moderne. 

M. PHILIPPE KRIDELKA (Belgique), qui s’exprimait au nom des États d’Europe occidentale et autres États, a appelé à ne jamais oublier les millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont perdu la vie du fait de la brutalité de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves, demandant que les histoires de leur courage et de leurs réalisations soient racontées et transmises aux jeunes.  Il a également appelé à reconnaître que le racisme à l’encontre des personnes d’ascendance africaine est en partie une séquelle persistante de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves. 

M. Kridelka a demandé à démanteler les structures racistes, les inégalités et les injustices raciales.  La commémoration d’aujourd’hui doit nous encourager à agir conformément à la Déclaration universelle des droits de l’homme qui proclame que personne ne saurait être tenu en esclavage ou en servitude, a estimé le représentant qui a également appelé à lutter contre le trafic et la traite des êtres humains. 

Mme BARBARA LEE (États-Unis) a appelé à réfléchir aux propos de Frederick Douglas, l’abolitionniste américain, qui avait déclaré que l’abolition de l’esclavage était ses plus profonds désir et ambition.  Elle a dénoncé le fait que l’esclavage ait contribué à la déshumanisation des personnes d’ascendance africaine, séquelle indélébile dans l’histoire des États-Unis, de l’Occident et de l’humanité. 

Elle a ensuite annoncé que le Président signera aujourd’hui même la loi antilynchage récemment adoptée par le Congrès américain.  Il aura fallu 120 ans avant que le Congrès cherche à pénaliser les actes horribles du lynchage, a-t-elle souligné en passant en revue d’autres législations qui ont été passées pour s’attaquer aux blessures du passé et octroyer réparation, y compris la loi George Floyd.  À l’échelle mondiale, les États-Unis défendent la création de l’Instance permanente des personnes d'ascendance africaine, a indiqué la représentante qui a par ailleurs fait savoir qu’elle s’était personnellement mobilisée pour assurer la participation américaine à l’Arche du retour.  Malgré ces efforts prometteurs, il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à la pleine équité aux États-Unis et dans le monde, a-t-elle toutefois concédé.

M. FRANÇOIS JACKMAN, (Barbade), au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a appelé à prendre des mesures supplémentaires pour remédier aux séquelles de l’histoire sanglante de l’esclavage et de la traite.  Le seul moyen de parvenir à cet objectif est la justice de réparation, a affirmé le délégué, rappelant que les chefs d’État de la CARICOM et de l’Union africaine ont appuyé cet objectif l’an dernier.  De son côté, la Commission des réparations de la CARICOM a adopté un plan très similaire au programme en quatre points axé sur la transformation pour la justice et l’égalité raciales du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.  Il a aussi demandé la mise en œuvre de la Déclaration de Durban, avant de citer ces mots du grand poète des Caraïbes qu’était Derek Walcott: « le destin de la poésie est de tomber amoureux du monde, malgré l’histoire ». 

M. ANTONIO RODRIGUE (Haïti), après avoir rappelé qu’Haïti est la première république noire du monde créée par d’anciens esclaves, a souligné que les séquelles du système esclavagiste sont encore bien présentes et les personnes d’ascendance africaine en particulier demeurent les principales victimes du racisme systémique découlant du colonialisme et du système esclavagiste.  Il a rappelé que cette pratique criminelle, qui a duré plus de 400 ans, a conduit, selon les estimations de l’UNESO, au déracinement de 15 à 20 millions d’Africains, « séquestrés et traînés de force dans les Amériques pour être vendus comme du bétail ».  La révolution haïtienne de 1791 a apporté la véritable lumière à l’humanité en conduisant à l’effondrement du système de domination et d’exploitation à outrance d’êtres humains réduits en esclavage à partir de motivations à la fois idéologiques, politiques et économiques, a déclaré M. Rodrigue, selon lequel « Haïti a montré au monde entier le chemin de la liberté et de l’émancipation humaine ». 

Le représentant a ensuite invité à lutter contre les formes contemporaines d’esclavage comme le trafic d’êtres humains et l’exploitation des travailleurs migrants.  Il a prié l’ONU de mettre en œuvre de manière systématique des programmes de sensibilisation à grande échelle sur le danger du racisme et des préjugés de toutes sortes pour que jamais cette tragédie humaine ne se répète.  Il a également estimé que le temps est venu de discuter en profondeur de la question d’une justice réparatrice pour les victimes de la traite transatlantique.

M. YUSNIER ROMERO PUENTES (Cuba) a rappelé qu’environ 1,3 million d’esclaves africains sont arrivés de force à Cuba, pour remplacer la population autochtone exterminée par le colonialisme espagnol comme main-d’œuvre.  Notre nation, notre culture, notre idiosyncrasie et notre religiosité populaire sont profondément métisses et ne pourraient s’expliquer sans la contribution africaine, a-t-il indiqué.  Le crime contre l’humanité dont nous nous souvenons aujourd’hui est inextricablement lié à la situation d’inégalité structurelle, de discrimination raciale, de préjugés et d’exclusion qui continue d’affecter les personnes d’ascendance africaine au XXIe siècle, a constaté le représentant.  Les pays développés ont été les bénéficiaires de la conquête, de la colonisation, de l’esclavage et du commerce transatlantique et sont par conséquent responsables de l’extermination qui leur est associée.  

Il a appuyé l’idée d’un traitement spécial et différencié pour les pays en développement, en particulier l’Afrique, dans leurs relations économiques internationales.  En règle générale, ceux d’entre nous qui étions une colonie hier, sommes aujourd’hui soumis à un ordre interne injuste qui a changé de nom, mais pas d’essence, et qui continue de promouvoir la richesse de quelques-uns au détriment de la pauvreté de la majorité, s’est indigné le représentant.  Il en a voulu pour preuve le faible accès des pays en développement aux vaccins contre la COVID-19.  Tant que la communauté internationale ne s’attaquera pas et ne résoudra pas les causes profondes de l’inégalité, de l’exclusion, du racisme et de la discrimination qui ont survécu à l’esclavage, et que des millions de personnes continuent de subir, et en particulier les personnes d’ascendance africaine, la commémoration d’aujourd’hui ne sera qu’une formalité, a-t-il souligné.

M.  ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a indiqué que la Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves est l’occasion de se pencher sur le traitement honteux réservé aux esclaves et aux innombrables souffrances infligées par la traite.  Les personnes d’ascendance africaine continuent de subir les discriminations et de voir leurs droits violés.  Il a loué la « volonté invincible de ne pas mourir » des esclaves, avant de saluer la mémoire de Toussaint Louverture, d’Aimé Césaire et des marrons.  Il a aussi salué l’architecte qui a créé l’Arche du retour sur l’esplanade des Nations Unies.  Nous faisons tous partie de la grande famille de l’humanité, a-t-il déclaré.

M. JOÃO IAMBENO GIMOLIECA (Angola) a indiqué que la situation socioéconomique actuelle du continent africain est étroitement liée aux conséquences de la traite des esclaves.  L’histoire montre que la période entre les XVIe et XIXe siècles a été une période de stagnation économique pour l’Afrique qui a accusé le plus grand retard en matière de développement économique au fil des ans.  La traite transatlantique des esclaves a également une influence majeure sur le paysage politique et établi des précédents préoccupants pour l’avenir, a ajouté le représentant qui a dénoncé les interventions brutales et arbitraires ainsi que les guerres liées à la concurrence entre dirigeants africains pour la capture et le commerce des esclaves.  La traite des esclaves a entraîné une paupérisation à long terme du continent ainsi que sa fragmentation politique.  Il a ensuite appelé à permettre aux personnes d’ascendance africaine du monde entier de trouver leur voix, de retrouver leur identité et leur histoire. 

M. STEPAN Y. KUZMENKOV (Fédération de Russie) a souligné l’importance de la sensibilisation aux causes et conséquences de la traite des esclaves.  Il a fait le lien entre la traite transatlantique des esclaves et la Deuxième Guerre mondiale qui se fondent toute deux sur un « principe perverti » de supériorité raciale d’un groupe sur un autre.  Les excuses faites aux peuples africains et les compensations se font toujours attendre, a-t-il regretté, alors même que les puissances coloniales européennes et les États-Unis n’ont cessé de s’enrichir.  À ses yeux, la traite transatlantique est un exemple flagrant de l’influence que peuvent avoir des phénomènes du passé sur la réalité actuelle.  En effet, a constaté le représentant, on assiste aujourd’hui à une montée de l’intolérance religieuse notamment, et certains États voulant affirmer leur liberté et indépendance font l’objet de blocus et d’ingérences externes.  En outre, les autorités américaines ne semblent pas vouloir s’attaquer à la xénophobie, au racisme et à l’impunité des forces de l’ordre aux États-Unis, a relevé le représentant pour qui l’heure est venue de parler de réparation.

SANTÉ MONDIALE ET POLITIQUE ÉTRANGÈRE 

Déclarations

M. ENRIQUE AUSTRIA MANALO (Philippines), au nom du Groupe des Amis pour l’accès à l’eau, l’hygiène et l’assainissement dans les établissements de santé) a déclaré que la pandémie a creusé les inégalités et souligné la nécessité de se relever en mieux, notamment s’agissant de l’accès à l’eau, l’hygiène et l’assainissement.  Cet accès est crucial pour prévenir les futures pandémies et promouvoir les droits humains, ainsi que pour promouvoir la santé maternelle et infantile.  Enfin, il a invité les États Membres qui ne l’ont pas encore fait à rejoindre son Groupe. 

Mme HARRIET LUDWIG, de l’Union européenne, a exhorté la Fédération de Russie à respecter ses obligations vertu du droit international en matière de protection des installations et du personnel sanitaires.  Il faut tout mettre en œuvre pour empêcher l’apparition de nouvelles épidémies et empêcher qu’elles ne deviennent des pandémies.  Elle a jugé nécessaire de mieux se préparer pour riposter aux pandémies futures et autres menaces à la santé et a appuyé certaines recommandations de la résolution, notamment la création d’une convention ou d’un accord international sur la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies. 

Elle a appelé à donner la priorité à la prévention des pandémies dans les programmes nationaux dans le plein respect des droits humains, à mettre en place une couverture sanitaire universelle ainsi que des systèmes de santé résilients capables de fournir des soins même pendant les situations d’urgence sanitaire.  Il est également important d’améliorer la fabrication nationale et régionale de vaccins et de financer pleinement l’Accélérateur ACT. 

M. SUPARK PRONGTHURA (Thaïlande), qui parlait au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a estimé que la résolution annuelle sur la santé mondiale et la politique étrangère vient à point nommé dans le contexte de la pandémie de COVID-19.  Il a indiqué que l’ASEAN est attachée à mettre pleinement en œuvre son fond de riposte à la COVID-19 ainsi que le cadre de relèvement post-COVID-19 de la région.  Il a également appelé à un meilleur accès aux vaccins contre la COVID-19 ainsi qu’à leur mise au point et distribution à un coût abordable.  

Après avoir insisté sur l’impératif de se préparer à d’autres pandémies futures, le représentant a mis l’accent sur l’importance des systèmes de santé résilients et du renforcement des capacités sanitaires de sa région.  À cet effet, un centre d’excellence et pole de ressources régional sera mis en œuvre sous peu.  Il a par ailleurs appuyé la tenue, en 2024 d’une réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur la résistance aux antimicrobiens. 

M. MOHD HAFIZ BIN OTHMAN (Malaisie) a déploré la persistance des inégalités entre pays du Sud et du Nord, y compris s’agissant de l’accès aux vaccins contre la COVID-19.  Il a demandé une coopération internationale renforcée dans tous les domaines affectés par la pandémie.  Les flux commerciaux continueront d’être entravés tant que la pandémie ne sera pas contrôlée, a-t-il souligné.  Enfin, il a rappelé que la santé est un droit humain fondamental, indispensable pour l’exercice de tous les autres droits.  « Le nationalisme vaccinal doit cesser  », a-t-il plaidé, en demandant que le vaccin contre la COVID-19 soit un bien public mondial.

Mme SHILPA KADAMBARI PULLELA (Australie), au nom du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, a reconnu l’importance cruciale d’assurer un accès équitable au vaccin et autres fournitures médicales dans le monde entier.  La coût de la distribution, du dépistage, de la couverture sanitaire universelle et la prévention des situations d’urgence est faible par rapport au coût des crises comme la COVID-19.  Il faut dès lors donner la priorité aux dépenses pour la santé publique alors que les États continuent de lutter contre la pandémie en plus de maintenir les services de santé essentiels. 

Pour la représentante, le monde doit rester attaché à l’égalité des genres, la sécurité économique, l’autonomisation des femmes et leur participation pleine et entière pour assurer la santé des communautés, des économies et être en meilleure position pour faire face aux pandémies futures.  Elle a appelé à bâtir un système sanitaire mondial plus solide et réactif avec l’OMS en son cœur et à élaborer un nouvel instrument international sur la prévention, la préparation des ripostes face aux pandémies ainsi qu’un programme pour renforcer l’architecture mondiale de la santé. 

Mme NOOR QAMAR SULAIMAN (Brunéi Darussalam) a déclaré que si la santé avait été pleinement intégrée dans la politique étrangère en amont de la pandémie, le monde aurait peut-être été mieux préparé pour y faire face grâce à des système de santé plus résilients, avant de dénoncer les nationalismes et protectionnismes qui se sont manifestés au début de la pandémie.  En tant que petit pays, le Brunéi Darussalam ne peut pas se permettre de fermer ses frontières, a expliqué la représentante.  Il a donc travaillé avec ses voisins pour faciliter les voyages essentiels et le commerce et a également fait don de biens médicaux à certains pays de la région. 

Elle a indiqué que les mesures d’atténuation rapide ont connu un certain succès au départ, mais qu’en août 2021, les transmissions sont reparties à la hausse et le Gouvernement du Brunéi Darussalam a mis l’accent sur le dépistage.  En outre, des unités de tests mobiles et des centres de vaccination ont été mis en place dans le pays.  Le Brunéi Darussalam continue à capitaliser sur une communication transparente avec la population et sa politique étrangère a joué un rôle essentiel dans la politique vaccinale.  Aujourd’hui, plus de 94% de la population a été vaccinée grâce aux relations bilatérales du pays et le soutien du Mécanisme COVAX, a précisé la représentante qui a appelé à fournir un soutien mondial de tous les vaccins approuvés par l’OMS. 

M. GUO JIAKUN (Chine) a constaté que la pandémie continue de faire rage et appelé à la solidarité internationale pour remédier aux inégalités, y compris s’agissant de l’accès aux vaccins contre la COVID-19.  Il faut une distribution égale des vaccins, a insisté le délégué, en rappelant que la Chine a fourni plus de 1,5  milliard de doses à plus de 120  pays et organisations.  Il a souhaité que l’OMS joue un rôle de coordonnateur au sein du Mécanisme COVAX.  Il a défendu une accélération de la mise en œuvre du Programme 2030, avant de plaider pour une amélioration du système de gouvernance sanitaire mondiale.

M. YUSNIER ROMERO PUENTES (Cuba) a dénoncé la course frénétique et irresponsable des pays développés pour s’accaparer les vaccins et les moyens de protection face à la COVID-19.  Il a pointé du doigt les mesures coercitives unilatérales contre les pays en développement qui touchent de façon disproportionnée les pays les plus pauvres.  En plus des difficultés associées à la maladie, Cuba a dû faire face à l’agressivité des États-Unis qui ont renforcé de façon opportuniste et criminelle le blocus économique, commercial et financier visant à le déstabiliser, a protesté le représentant.  Mais Cuba a réussi à élaborer trois vaccins contre la COVID-19, ce qui a permis de vacciner 89,4% de de la population.  Cuba a en outre fourni des vaccins aux pays intéressés et dépêché plus de 4 900 travailleurs sanitaires dans 40 pays et territoires touchés par la COVID-19. 

M. IVAN G. KONSTANTINOPOLSKIY (Fédération de Russie) a soutenu l’adoption de la résolution L.43 qui confirme le rôle central de l’OMS dans la coordination de la coopération internationale dans la lutte contre les pandémies, se disant en outre favorable à l’élaboration d’un nouvel instrument juridique sous l’égide de l’OMS pour assurer un accès équitable au diagnostic, à la prévention et au traitement de la COVID-19.  Le représentant a également salué l’initiative de convoquer une réunion de haut niveau sur la résistance aux antimicrobiens.  Il a toutefois appelé à ne pas hâter la création d’un nouvel instrument de l’OMS, notamment en créant des processus parallèles qui risquent de fragmenter une approche unifiée. 

Le représentant a par ailleurs rejeté les « allégations fallacieuses » sur les causes de l’opération militaire spéciale russe en Ukraine.  Les États qui ont invoqué aujourd’hui les principes de la Charte des Nations Unies ont foulé ces mêmes principes au pied pendant de longues années, a-t-il assené.  Ils ne se sont pas inquiétés des bombardements d’établissements de santé dans le passé dans le Donbass et ne réagissent pas non plus aux appels de violence contre les prisonniers russes.  Il a ensuite appelé à ne pas politiser les travaux de l’Assemblée générale.

M. OSAMA MAHMOUD ABDELKHALEK MAHMOUD (Égypte) a appelé à fournir des vaccins à tous les pays et à renforcer les capacités de production de ces derniers.  Il a aussi demandé une réponse forte aux conséquences socio-économiques de la pandémie.  Il a indiqué que son pays a produit 76 millions de doses et vacciné plus de 30 millions de personnes.  Un vaccin égyptien « Egyptvax » est également en cours de production.  Le représentant a enfin indiqué que la future Agence africaine de la santé visera à combler les lacunes s’agissant de la production de médicaments et de vaccins en Afrique.  

M. ASHISH SHARMA (Inde) a noté que la pandémie a causé plus de 6 millions de décès dans le monde et demeure une grave menace à la santé et l’économie dans le monde, mettant en exergue l’impératif de disposer de systèmes de santé efficaces et résilients et d’investir dans les systèmes de santé publique.

Il a indiqué que l’Inde a misé sur les soins de santé préventifs, y compris le yoga, ainsi que sur le coût abordable de la santé en élargissant l’accès aux soins de santé primaires et à une couverture de santé universelle.  La création de 157 nouvelles facultés de médecine a également permis d’améliorer l’offre médicale.  Insistant sur l’importance de l’équité pour la santé mondiale, le représentant a appelé à lever les droits de propriété intellectuelle, assurer les transferts de technologie et la production locale de matériel médical et de médicaments en période de crise.  Il a précisé que depuis janvier 2021, l’Inde a fourni plus de 170 millions de doses de vaccin contre la COVID-19 et fermement défendu le principe de l’équité à l’OMS.

Mme ANDERSON (Royaume-Uni) a insisté sur la nécessité de prévenir les futures pandémies, avant de dénoncer fermement les tirs indiscriminés de la Fédération de Russie contre les centres de soins en Ukraine qui, a-t-elle souligné, doivent être protégés.  Elle a enfin plaidé pour des systèmes de santé résilients et pour un accès équitable aux vaccins contre la COVID-19.

Pour le M. NAKAGAWA SHU (Japon), la pandémie de COVID-19 a rappelé l’importance de système de santé solide comme fondement pour aboutir à la couverture sanitaire universelle et à la sécurité sanitaire.  Il a salué une résolution qui traduit bien les difficultés auxquelles la communauté internationale se voit confrontée dans le contexte de la pandémie, ainsi que l’ajout d’un paragraphe sur la résistance aux antimicrobiens et l’appel à la tenue, en 2024, d’une réunion de haut niveau sur la résistance aux antimicrobiens.  Il a toutefois estimé que cette question ne doit pas être examinée isolément, préconisant une approche intégrée.

Mme ZAHRA ERSHADI (République islamique d’Iran) a appelé à renforcer la résilience des systèmes de santé dans le monde, ce qui suppose une amélioration des infrastructures, le transfert de technologies, et l’accès aux médicaments et aux traitements à un coût abordable.  Il s’agit d’une priorité pour la santé mondiale, a estimé la représentante en insistant sur le fait que les questions sanitaires ne devraient jamais être politisées.  La pandémie de COVID-19 nous a rappelé que la santé est un fondement de stabilité politique et économique nationale, a-t-elle remarqué en appelant à la solidarité et à la coopération internationales en période de crise. 

La représentante a ensuite dénoncé les mesures coercitives unilatérales imposées par les États-Unis à l’Iran, affirmant qu’elles entravent l’accès aux soins des Iraniens, certains pays, dont le sien, étant privés d’accès aux systèmes de paiement internationaux et ne pouvant donc pas acheter de médicaments et de matériel médical.  En dépit de cela, l’Iran a vacciné une grande partie de sa population et de nombreux réfugiés afghans qui se trouvent sur son territoire sans avoir obtenu un soutien international à la hauteur de la tâche.  Elle a exhorté la communauté internationale à saisir cette occasion pour renforcer le multilatéralisme et rejeter l’unilatéralisme, en particulier en matière de santé mondiale.

M. NURZHAN RAKHMETOV (Kazakhstan) a plaidé pour des systèmes de santé résilients, avant d’insister sur la nécessité de prévenir les futures pandémies.  Il a réclamé un accès équitable aux vaccins contre la COVID-19 et, plus globalement, « un droit à la santé pour tous ».  Enfin, il a souligné l’importance de la Déclaration d’Astana s’agissant des soins de santé primaires.

Décision sur le projet de résolution

Saisir les plus hautes instances politiques des questions de prévention, de préparation et de riposte face aux pandémies (A/76/L.43)

Selon les termes de cette résolution présentée par la Norvège et adoptée sans vote, l’Assemblée générale demande instamment aux États Membres d’intensifier la collaboration et la coordination internationales en matière de prévention, de préparation et de riposte face aux pandémies au plus haut niveau politique, notamment en participant aux discussions qui sont menées aux fins de la rédaction et de la négociation d’une convention, d’un accord ou d’un instrument de l’Organisation mondiale de la Santé sur la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies.

Elle demande également instamment aux États Membres de continuer de soutenir les travaux du Groupe de travail sur le renforcement de la préparation et de la riposte de l’Organisation mondiale de la Santé aux urgences sanitaires, en particulier ceux relatifs à l’examen des conclusions et des recommandations du Comité d’examen sur le fonctionnement du Règlement sanitaire international (2005) pendant la riposte à la COVID-19, entres autres.

Elle exhorte les États Membres à tirer parti des outils de financement existants et à chercher des moyens de mobiliser des fonds supplémentaires fiables, prévisibles et durables destinés à financer les activités de prévention, de préparation et de riposte face aux pandémies, ainsi que des fonds pour une réponse rapide en cas d’urgence de santé publique de portée internationale.

Elle demande en outre à l’Organisation mondiale de la Santé, à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, à l’Organisation mondiale de la santé animale et au Programme des Nations Unies pour l’environnement de mettre à profit et de renforcer leur coopération, et d’élaborer des options, pour examen par leurs organes directeurs, en vue d’établir une stratégie commune, y compris un plan de travail sur l’approche « Une seule santé ».

Enfin, l’Assemblée générale décide de tenir en 2024 une réunion de haut niveau sur la résistance aux antimicrobiens.

Explications de position

À l’issue de l’adoption du texte, les États-Unis ont condamné les attaques aveugles qui ont détruit de nombreux établissements de santé dont des hôpitaux pour enfants et des maternités en Ukraine.  La délégation a ensuite souligné que l’ONU doit respecter les mandats d’autres institutions notamment pour ce qui est des négociations sur le commerce, l’enjoignant à ne pas se prononcer sur des décisions qui doivent être prises par d’autres instances.  Elle a souligné que le transfert de technologies ou du savoir-faire doit se faire de façon volontaire et selon des conditions mutuellement acceptées.  Les résolutions de l’Assemblée générale ne doivent pas non plus altérer les décisions prises en matière de droits de propriété intellectuelle afférents au commerce.  

L’Arménie a noté que la résolution fait référence à la session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée à la pandémie qui s’est tenue les 3 et 4 décembre 2020.  Cette réunion et a été promue par l’Azerbaïdjan qui, a-t-elle affirmé, a instrumentalisé la pandémie pour lancer une attaque militaire à large échelle contre le Haut-Karabakh en septembre et novembre 2020 et la crise humanitaire qui s’en est suivie a été exacerbée par la propagation de la COVID-19.  Elle s’est ensuite dissociée du paragraphe 9 du préambule.

Le Chili a rappelé avoir proposé en avril 2020 devant l’OMS un projet d’instrument mondial de prévention et de réponse aux pandémies.  Des négociations ont été lancées en vue de cet objectif, a-t-il indiqué.

Déclaration après adoption

Mgr ROBERT DAVID MURPHY, du Saint-Siège, a salué un texte qui reconnaît l’importance de fournir une couverture sanitaire universelle, prélude à l’avènement du développement durable.  La résolution reconnaît aussi l’importance d’améliorer l’accès aux vaccins, aux traitements, aux moyens de diagnostic et à d’autres technologies de santé de qualité sûrs et efficaces.  Il a aussi noté la référence au renforcement des capacités de production locale de vaccins et d’autres matériels et équipements médicaux, ainsi qu’au soutien en faveur de la coordination internationale dans le domaine de la prévention, de la préparation et de la riposte aux pandémies.  Ces dispositions et d’autres rendent compte de tous les enseignements tirés de la pandémie de COVID-19 et de la nécessité de voir les États s’engager résolument à prévenir et à riposter face aux futures crises sanitaires, a estimé le représentant. 

Droits de réponse

Exerçant son droit de réponse, l’Azerbaïdjan a fustigé les tentatives de l’Arménie de mettre en cause une résolution de l’Assemblée générale simplement parce qu’on y mentionne une initiative prise par l’Azerbaïdjan en tant que Président du Mouvement des non-alignés.  La délégation a en outre souligné que les actions prises par l’Azerbaïdjan en mai 2021 étaient conformes au droit international et s’inscrivaient dans le cadre de la légitime défense.  

À son tour, l’Arménie a rejeté les informations fausses proférées par l’Azerbaïdjan, qui vise à dissimuler ses agissements.  Ce pays est responsable d’une escalade militaire en pleine pandémie, a-t-elle accusé.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité s’informe du « scénario du pire » en Ukraine et des craintes d’une crise alimentaire mondiale mais aussi d’une certaine ouverture sur le front politique

9008e séance – après-midi
CS/14846

Le Conseil de sécurité s’informe du « scénario du pire » en Ukraine et des craintes d’une crise alimentaire mondiale mais aussi d’une certaine ouverture sur le front politique

Incapable d’occuper l’Ukraine, l’agresseur détruit simplement tout ce qu’il peut, a commenté l’Albanie, après que la Coordonnatrice adjointe des secours d'urgence et le Directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM) ont alerté aujourd’hui le Conseil de sécurité de la détresse humanitaire, du scénario du pire ou encore d’une catastrophe dans la catastrophe dans le territoire ukrainien.  Mme Joyce Msuya et M. David Baisley ont insisté sur l’énormité des besoins alors que le conflit pourrait compromettre la sécurité alimentaire mondiale.  Sur le front politique, l’Ukraine a indiqué que les négociations d’aujourd’hui à Istanbul ont démontré que la Fédération de Russie pourrait être prête à faire « des pas en avant », même si le chemin vers un cessez-le-feu durable et une désescalade complète est encore long. 

Aujourd’hui sur le territoire ukrainien, a fait observer la Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, nous voyons une vraie détresse humanitaire.  Les grandes villes sont assiégées et leurs habitants, victimes d’un blocus, manquent de tout, à savoir de nourriture, d’eau, d’électricité et de chauffage.  Avec un personnel de 1 230 membres et sa centaine d’organisations partenaires, l’ONU n’épargne aucun effort mais comme « le scénario du pire » se concrétise dans plusieurs régions, elle a augmenté son appel pour la réponse humanitaire en Ukraine à 1,1 milliard de dollars, a indiqué Mme Msuya. 

Notre plan, a indiqué, à son tour, le Directeur exécutif du PAM accuse un déficit de 300 millions de dollars.  M. David Beasley a surtout mis en lumière une situation qui est « une catastrophe dans la catastrophe », puisque son Programme ne peut oublier le Sahel, le Yémen et d’autres endroits encore où sévit la famine. Il a prévenu, à cet égard, que le Yémen dépend exclusivement des céréales russes et ukrainiennes et que le Liban importe 80% de son blé d’Ukraine. 

Les pénuries actuelles, a-t-il mis en garde, pourraient dépasser celles qui avaient précédé « les printemps arabes », car on note en ce moment une crise en Éthiopie et une situation fragile en Afghanistan et au Sahel.  Si des actions ne sont pas prises à temps, le prix que nous allons payer sera beaucoup plus élevé. Le Directeur exécutif du PAM a plaidé auprès du Conseil de sécurité pour que son Programme ne soit pas obligé de faire « le choix tragique » de priver des enfants affamés pour en nourrir d’autres. 

Grande productrice de produits agricoles, la Fédération de Russie, a accusé la Secrétaire d’État adjointe des États-Unis, a choisi de bloquer l’accès aux ports ukrainiens et donc l’approvisionnement mondial en céréales.  Des ports et des axes routiers cruciaux ont été détruits, empêchant les exportations.  La Russie vise les entrepôts, avec une incidence grave sur la flambée des prix des denrées alimentaire.  Mais ces dégâts, a commenté l’Albanie, sont le véritable objectif de l’agresseur.  Incapable d’occuper l’Ukraine, il détruit simplement tout ce qu’il peut. 

Les États-Unis, a annoncé la Secrétaire d’État adjointe, ont promis 1 milliard de dollars d’assistance humanitaire à l’Ukraine et une autre enveloppe de 11 milliards, dans les années à venir, pour tous les pays qui souffrent indirectement de l’invasion russe.  Cette guerre menée contre une autre grande productrice agricole peut cesser si la Fédération de Russie met fin à son agression, a renchéri l’Irlande.   L’appétit de la Russie pour la guerre retire la nourriture de la table du monde, s’est indigné, à son tour, le Royaume-Uni. 

Les vraies raisons de la crise qui menace les marchés agricoles mondiaux se trouvent plutôt dans « l’hystérie des sanctions » que l’Occident a déclenchée contre nous, sans se préoccuper des populations des États du Sud, a rétorqué la Fédération de Russie.  De fait, a-t-elle observé, la tentative d’isolement économique, financier et logistique se transforme déjà en crise économique de « dimension historique ».  Pour soulager les tensions, il suffit de renoncer aux mesures restrictives unilatérales et illégales, car les stocks de produits agricoles n’ont pas diminué chez nous, a-t-elle précisé. 

La Secrétaire d’État adjointe des États-Unis s’est catégoriquement opposée aux propos de la Fédération de Russie, avant que le Kenya ne félicite le Secrétaire général pour avoir rallié l’ONU, les grandes économies mondiales et les institutions financières internationales pour concevoir ensemble des instruments de protection des plus vulnérables contre les effets du conflit en Ukraine. 

Le Ghana a dit prendre note de la volonté de la Fédération de Russie de redéployer ses forces et l’a exhortée à poursuivre le dialogue entamé en Turquie. Les négociations d’aujourd’hui à Istanbul ont démontré que la Fédération de Russie pourrait être prête à faire « des pas en avant », même si le chemin vers un cessez-le-feu durable et une désescalade complète est encore long, a annoncé l’Ukraine.  Elle a expliqué que les parties poursuivront leurs consultations pour convenir des dispositions d’un traité sur les garanties de sécurité pour l’Ukraine, d’un mécanisme de mise en œuvre du cessez-le-feu, du retrait des forces et autres formations armées, de l’ouverture de couloirs humanitaires, de l’échange des soldats tombés au combat et de la libération des prisonniers de guerre et des civils. 

La signature du traité sur les garanties de sécurité pour l’Ukraine ne sera possible qu’après le repli de toutes les unités armées russes vers les positions du 23 février 2022, a précisé l’Ukraine, soulignant que le processus de négociation ne supprime en rien la nécessité de fournir à l’Ukraine une assistance supplémentaire en armes et de mettre en œuvre de nouvelles sanctions imposées à la Fédération de Russie pour acte d’agression.  Les États-Unis devraient aussi dialoguer avec les autorités russes et entendre leurs préoccupations sécuritaires, a estimé la Chine.

LETTRE DATÉE DU 28 FÉVRIER 2014, ADRESSÉE À LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’UKRAINE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2014/136)

Déclarations

Mme JOYCE MSUYA, Coordonnatrice adjointe des secours durgence, a résumé la détresse humanitaire en Ukraine, indiquant que selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, 1 100 civils ont perdu la vie dont 99 enfants; des chiffres probablement plus lourds en réalité.  Les grandes villes sont assiégées et leurs habitants victimes d’un blocus et de pénuries alimentaires, d’eau, d’électricité et de chauffage.  La population effrayée et exténuée, ne peut enterrer ses morts.  Quelque 6,5 millions de personnes ont fui, selon le Haut-Commissariat des Nations unis pour les réfugiés (HCR) et plus de 3 millions de personnes ont quitté le pays depuis le mois dernier.  Le système humanitaire redouble d’efforts et ses organisations ont aidé des milliers de personnes, principalement dans l’Est.  L’ONU et ses partenaires travaillent dans le respect des principes de l’assistance humanitaire et négocient des passages vers les zones encerclées. 

Les efforts pour renforcer la chaine d’approvisionnement se poursuivent malgré les risques immenses et les difficultés d’accès; de nombreux convois humanitaires ne pouvant se déplacer à cause des bombardements ou des mines antipersonnel.  L’ONU a déployé 1 230 membres du personnel, alors que 100 organisations humanitaires mettent en œuvre des activités dans presque tous les districts de l’Ukraine.  La Croix-Rouge ukrainienne fait « un travail courageux, main dans la main avec les bénévoles ». 

Mme Msuya a relevé un « paradoxe » entre la « violence extrême » de la guerre et la « générosité sans limite » des Ukrainiens.  Un premier convoi de l’ONU est finalement arrivé le 19 mars dans la ville de Soumy, dans le nord-est de l’Ukraine, avec plusieurs tonnes de produits alimentaires, de l’eau et des médicaments.  Hier, après plusieurs retards, un deuxième convoi de l’ONU a pu rejoindre Karkhiv, avec du matériel distribué par la Croix-Rouge ukrainienne.  Plus de 470 tonnes sont en cours d’acheminement , a ajouté Mme Msuya.  Les civils, a-t-elle souligné, ont désespérément besoin d’assistance et de protection.  Elle a appelé à un accès sûr et sans entrave aux convois.  Elle a conclu sur les risques de traite, de trafic et de violences sexuelles et sexistes, les risques concernant les enfants étant particulièrement élevés.  Certains prédateurs manipulent les parents célibataires, en leur promettant transport et logement.  « Le scénario du pire » se concrétise  dans plusieurs régions.  L’Appel pour la réponse humanitaire en Ukraine a donc été « revu à la hausse pour atteindre 1,1 milliard de dollars.  Mme Msuya a enfin indiqué que M. Martin Griffiths, Coordonnateur des secours d’urgence, est en contact avec les deux parties.  Il devrait se rendre dans la région dans les prochains jours. 

Intervenant par visioconférence, le Directeur exécutif du Programme alimentaire Mondial (PAM), M. DAVID BEASLEY, a dit que la crise en Ukraine est « une catastrophe dans la catastrophe », puisque la communauté des humanitaires a de la peine à s’occuper de tous ceux qui, dans le monde, ont besoin d’aide. L’Ukraine, qui était le grenier du monde, est décimée et aujourd’hui le PAM aide un million d’Ukrainiens, un chiffre qui devrait augmenter à six millions d’ici le mois de juin.  En ce moment, le Plan humanitaire du PAM accuse un déficit de 300 millions et il ne peut oublier le Sahel, le Yémen et d’autres endroits encore où sévit la famine.  Le Directeur exécutif a prévenu que la situation en Ukraine et les risques de famine dans d’autres endroits du monde devraient conduire à une nouvelle crise migratoire vers l’Europe.  Les prochaines récoltes en Ukraine sont compromises puisque les agriculteurs sont sur les champs de bataille. 

M. Beasley a rappelé que l’Ukraine et la Fédération de Russie produisent 30% de la production mondiale de blé et près de 50% des autres graines, dont les prix ne feront qu’augmenter.  Par exemple, un pays comme le Yémen dépend exclusivement des céréales russes et ukrainiennes, tandis que le Liban importe 80% de son blé d’Ukraine.  Il ne faut pas oublier non plus que la Fédération de Russie et le Bélarus produisent une bonne partie des engrais consommés à travers le monde.  Le Directeur exécutif du PAM a indiqué que les effets de la crise actuelle pourraient surpasser les pénuries qui avaient précédé les printemps arabes, car on note en ce moment une crise en Éthiopie et une situation fragile en Afghanistan et au Sahel.  Si des actions ne sont pas prises à temps, le prix que nous allons payer sera encore pire, a-t-il mis en garde.  Il a plaidé auprès du Conseil de sécurité pour que le PAM ne soit pas obligé de faire le choix tragique de priver des enfants affamés pour en nourrir d’autres. 

M. NICOLAS DE RIVIÈERE (France) s’est inquiété de la détérioration de la situation humanitaire en Ukraine où tous les voyants sont au rouge.  Le représentant a rappelé que la résolution préparée par la France et le Mexique et adoptée par l’Assemblée générale doit permettre de soutenir les efforts du Secrétaire général et des acteurs humanitaires engagés sur le terrain pour apporter un soutien aux populations civiles.  Il a souligné la responsabilité du Conseil de sécurité, jugeant impératif que la Russie respecte les Conventions de Genève.  Les civils qui le souhaitent, à Marioupol et dans toutes les villes attaquées, doivent pouvoir quitter les zones de combat en toute sécurité et librement et le siège être levé, a-t-il ajouté. 

Après avoir déclaré que l’agression de la Russie contre l’Ukraine accroît le risque de famine dans le monde, le représentant a dit que la Russie voudrait nous faire croire que ce sont les sanctions adoptées à son encontre qui déséquilibrent la sécurité alimentaire mondiale.  «  C’est la guerre menée par la Russie qui empêche l’Ukraine d’exporter ses céréales, bouleverse les chaînes d’approvisionnement mondiales et entraîne une hausse des prix mettant en péril l’accessibilité des denrées agricoles pour les plus vulnérables  », a dénoncé M.  de Rivière.  Face à la poursuite des combats qui menace l’activité agricole en Ukraine et les récoltes à venir, l’Union européenne et ses partenaires ont adopté des sanctions pour obtenir de la Russie qu’elle se mette en conformité avec la Charte des Nations Unies.  Il a précisé que ces sanctions ne ciblent pas le secteur agricole en Russie avant de préciser que la France, en tant que présidente de l’Union européenne, a lancé l’initiative Food & Agriculture Resilience Mission (FARM), qui vise à garantir la libre circulation des denrées et un accès rapide pour les pays dont les demandes sont les plus urgentes et à assurer le développement rural et la production agroalimentaire en Afrique. 

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a précisé que la détérioration constante de la situation humanitaire en Ukraine a conduit son pays et la France à demander la tenue de cette réunion d’information.  Cinq semaines après le début de l’invasion menée par la Fédération de Russie, a-t-il dit, la priorité de la communauté internationale est la cessation des hostilités et la protection de la population civile en Ukraine.  Notant à ce sujet que la guerre entraîne également des répercussions majeures sur l’approvisionnement alimentaire et la sécurité alimentaire mondiale, il a salué l’action du Programme alimentaire mondial (PAM) qui vise à répondre aux besoins de base de plus de trois millions de personnes touchées par le conflit.  Il s’est également félicité que près de 800 000 personnes en Ukraine aient déjà bénéficié de transferts monétaires et de distributions alimentaires.  Il a toutefois regretté les nombreuses difficultés logistiques rencontrées pour apporter l’aide humanitaire là où elle est le plus nécessaire, ajoutant que, dans certaines villes comme Marioupol, la situation s’est encore aggravée.  Il a donc réitéré son appel à garantir un accès sûr et sans entrave au personnel humanitaire. 

Le représentant a ensuite signalé que le conflit a aussi un impact négatif direct sur les prix des marchés mondiaux de l’alimentation et de l’énergie.  La hausse des prix de ces produits commence à se faire sentir et, dans plusieurs régions, elle risque de limiter l’accès des populations à certaines denrées alimentaires.  Par voie de conséquence, a-t-il ajouté il y aura également une augmentation des coûts de fonctionnement du PAM, ce qui limitera sa capacité à répondre aux besoins croissants et à l’insécurité alimentaire au-delà de l’Ukraine.  De fait, il importe que le Conseil de sécurité aide à la mise en œuvre du dispositif humanitaire auquel a appelé la résolution ES-11/2 de l’Assemblée générale, a plaidé le délégué. 

Le délégué a par ailleurs exprimé son inquiétude face à l’augmentation du flux d’armes en Ukraine.  Cette prolifération peut entraîner des violences supplémentaires parmi la population civile et, si les armes tombent entre de mauvaises mains, donner lieu à d’autres violations, a-t-il averti, avant d’appeler les États qui ne l’ont encore fait à ratifier la Convention sur les armes à sous-munitions.  Dans ce contexte, une cessation immédiate des hostilités est nécessaire de toute urgence afin de permettre des initiatives humanitaires durables, qui garantissent la protection des civils et l’accès à l’aide, sans restriction ni exclusion, a insisté le représentant. 

Mme WENDY R. SHERMAN, Secrétaire dÉtat adjointe des États-Unis, a rappelé qu’en seulement cinq semaines de conflit, des semaines qui lui paraissent « une éternité », près d’un quart de la population ukrainienne a été déplacée, dont la moitié des enfants du pays.  Alors que l’hiver fait rage, une des crises humanitaires les plus graves de la décennie se profile à Marioupol, une ville prospère et riante il y a encore plus d’un mois. 

L’Ukraine et la Russie sont des producteurs alimentaires considérables, a-t-elle poursuivi.  Or, la Russie a bombardé plusieurs bateaux, bloqué l’accès aux ports ukrainiens et donc l’approvisionnement en céréales d’autres pays méditerranéens.  Des ports, des axes routiers cruciaux ont été détruits, empêchant les exportations.  La Russie vise des entrepôts, avec une incidence grave sur la flambée des prix alimentaires pour les pays à faible revenu.  Mme Sherman a cité le Yémen, le Maroc, la Tunisie, entre autres, qui dépendent de l’Ukraine pour nourrir leur population.  La pandémie, la crise économique, la sécheresse aggravée par les changements climatiques avaient déjà ébranlé les économies ; cette guerre augmente les risques d’insécurité alimentaire, a commenté la Vice-Secrétaire d’État. 

Mme Sherman a ensuite fermement démenti les propos de la Russie: ce ne sont pas les sanctions qui accroissent l’insécurité alimentaire, mais les agissements de Vladimir Putin, a-t-elle tranché.  Elle a promis 1 milliard de dollars d’assistance humanitaire de la part des États-Unis en faveur de l’Ukraine, ainsi que 11 milliards dans les années à venir vers tous les pays souffrant indirectement de l’invasion russe. 

Pour la Secrétaire d’État adjointe, tant que les forces russes bombardent le pays, la crise ne fera que s’aggraver pour les Ukrainiens, les Russes et le monde entier.  « La Russie doit impérativement respecter le droit humanitaire », et les États-Unis ne jugeront pas la Russie sur les mots de M. Putin, « mais sur ses actes ».  « La décision du retrait des forces russes d’Ukraine ne dépend que d’un seul homme », a affirmé Mme Sherman.  « M. Putin a créé cette crise, lui seul peut y mettre un terme », a-t-elle conclu. 

M. MARTIN KIMANI (Kenya) a félicité les voisins de l’Ukraine qui ont ouvert leurs frontières aux réfugiés de plusieurs nationalités.  Nous les exhortons à veiller à ce que la protection recherchée soit offerte en l’absence de toute discrimination, notamment de race ou de religion, a-t-il lancé.  Il a expliqué qu’avec les Ukrainiens qui ont fui les bombardements, il y a aussi des milliers d’Africains qui ont parcouru de longues distances pour obtenir une éducation en Ukraine et ont dû fuir pour sauver leur vie.  M. Kimani a évoqué le cas de Korrine Sky, une étudiante zimbabwéenne en médecine à Dnipro en Ukraine qui a fait un voyage de 26 heures et de près de quatre jours pour traverser la frontière en toute sécurité.  À la frontière, elle a subi l’indignité et le danger du racisme.  Elle a cofondé les « Black Women for Black Lives » pour soutenir des milliers d’étudiantes africaines fuyant l’Ukraine.  Les civils, y compris les ressortissants étrangers, en Ukraine ne sont pas parties au conflit et ne doivent pas être des cibles, a rappelé le délégué en insistant sur la protection des civils et des biens indispensables à leur survie.  Il a exhorté l’Union européenne (UE) et ses membres à offrir leur soutien aux étudiants africains qui ont fui l’Ukraine en leur offrant de poursuivre leurs études dans d’autres pays, ainsi qu’un soutien psychosocial et matériel. 

M. Kimani a en outre rappelé que le Conseil de sécurité est informé des insuffisances de financement de l’aide humanitaire en Afrique et au Moyen-Orient.  La situation est maintenant pire, compte tenu de la flambée des prix des denrées alimentaires et de l’énergie due à la guerre en Ukraine et les sanctions qui en découlent.  Le résultat de cette situation et les effets de type domino seront un retard de santé pour des millions de personnes et une mort plus précoce que la normale pour beaucoup d’autres, a-t-il prévenu.  Il a exhorté le Secrétaire général à rallier l’ONU, les grandes économies, et les institutions financières internationales pour concevoir ensemble des instruments de protection des plus vulnérables des effets du conflit en Ukraine.  Il a enfin appelé à la cessation du conflit, laquelle devrait également conduire à l’élaboration d’un ordre sécuritaire européen viable pour les générations futures. 

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) s’est inquiétée de la détérioration de la situation humanitaire en Ukraine, avec 3,9 millions de réfugiés dans les pays voisins et 6,5 millions de personnes déplacées à travers le pays.  Elle s’est dite vivement préoccupée par la vulnérabilité croissante de ces populations en raison de la guerre alors que sont signalés des enlèvements de citoyens ukrainiens emmenés de l’autre côté de la frontière.  Elle a souligné la menace posée par la traite humaine en prévenant qu’il n’y aura pas d’impunité pour les responsables de violences sexuelles et de violences contre les enfants.  « Nous sommes face à une crise de protection des enfants », a prévenu la représentante de l’Irlande, avant d’exhorter la Fédération de Russie à honorer ses obligations au regard du droit international humanitaire en garantissant un accès sans entrave aux acteurs humanitaires.  En outre, elle a appelé à permettre à tous les civils de se rendre dans la destination de leur choix. 

Alors que nous faisons face au spectre d’une crise alimentaire, dont les effets seront ressentis bien au-delà des frontières de l’Ukraine, la représentante a estimé que cette guerre menée contre un grand producteur agricole entraîne une hausse des prix des denrées alimentaires.  Notant les agriculteurs ukrainiens ne peuvent plus planter, moissonner ou exporter leurs récoltes, puisqu’ils sont sur le champ de bataille, Mme Byrne Nason s’est inquiétée des incidences de cette nouvelle réalité sur les capacités du Programme alimentaire mondial (PAM) à répondre aux besoins alimentaires des nécessiteux.  Mais elle a estimé que cette guerre pouvait cesser si la Fédération de Russie souhaitait mettre fin à son agression et respectait ses obligations au regard du droit international humanitaire. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dit avoir entendu de nombreux appels à une trêve humanitaire, à des accès humanitaires et à des couloirs d’évacuation humanitaires.  Il s’est pourtant étonné de « l’incohérence » de ses collègues qui, pas plus tard que mercredi dernier, ont rejeté le projet de résolution russe qui contenait des dispositions contraignantes pour toutes les parties, avec une liste précise des mesures à prendre pour aider le travail des agences humanitaires, en premier lieu dans l’est de l’Ukraine.  Les doléances d’aujourd’hui, notamment celles des délégations occidentales, semblent très hypocrites, a-t-il déclaré, ajoutant que le texte russe était même plus ambitieux puisqu’il exigeait de ne pas placer d’armes lourdes dans les zones résidentielles et de ne pas utiliser les civils comme boucliers humains.  Son adoption par le Conseil de sécurité aurait pu sauver de nombreuses vies car, a-t-il souligné, la principale menace pour la population civile des villes d’Ukraine vient de l’utilisation qui est faite d’elle par les « nazis » et les « radicaux » ukrainiens.  Selon le représentant, les réseaux sociaux regorgent de vidéos montrant des résidents qui, ayant réussi à sortir le long des couloirs d’évacuation, essuient les tirs des forces armées et des nationalistes ukrainiens.  Nous n’avons entendu aucune condamnation à ce sujet, a-t-il noté. 

Le texte du projet de résolution russe contenait également une exigence de respect et de traitement humain des prisonniers de guerre, a-t-il souligné, faisant référence à la diffusion par les « nazis ukrainiens » sur Internet de vidéos extrêmement cruelles montrant des sévices exercés sur des soldats russes capturés.  La partie russe, quant à elle, respecte strictement ses engagements internationaux, ce qui fait que les Ukrainiens faits prisonniers n’ont rien à craindre, a assuré le délégué.  En revanche, les « radicaux ukrainiens » ne reculent devant aucune torture ou acte de représailles, ce qui pose question sur les intentions du « régime de Kiev » à l’égard même de leaders d’opinion ukrainiens.  Il a rappelé à cet égard que sa délégation a informé le Conseil, le 21 mars, de l’enlèvement par le Service de sécurité ukrainien de l’activiste Elena Berezhnaya, qui avait participé à plusieurs de ses réunions d’information.  On ne sait rien de son sort jusqu’à présent, a-t-il indiqué, avant de citer d’autres cas similaires. Il a dit attendre une évaluation de cette « chasse aux sorcières » par ses collègues occidentaux et les structures spécialisées des droits de l’homme de l’ONU et de l’OSCE. 

Le représentant a ensuite accusé l’Ukraine de faire dériver des mines marines, ce qui pose un problème à des pays tels que la Bulgarie, la Roumanie et la Turquie.  Pour leur part, les forces armées russes ne menacent pas la liberté de navigation civile, a-t-il assuré.  Pour que les navires étrangers puissent quitter les ports ukrainiens vers la haute mer, nous avons créé un couloir humanitaire de 80 milles nautiques de long et de trois milles nautiques de large, qui fonctionne tous les jours de 8h à 19h, heure de Moscou, a précisé M. Nebenzia.  Dans le même ordre d’idées, la Russie honore unilatéralement toutes ses obligations humanitaires, notamment en proposant quotidiennement des couloirs humanitaires, au nombre de 10 aujourd’hui, avec des voies d’évacuation assurées à la fois vers la Russie et à l’ouest de l’Ukraine, a-t-il expliqué.  Selon lui, la Russie organise aussi des livraisons d’articles de première nécessité, de médicaments et de nourriture pour ceux qui en ont besoin.  Des canaux de communication fonctionnent en outre avec succès entre les Ministères russes de la défense et des affaires étrangères et les responsables du CICR et de l’OCHA. 

Évoquant ensuite les avertissements occidentaux quant à une crise alimentaire mondiale imminente, soi-disant en raison des seules actions de la Russie en Ukraine, le représentant y a vu un « leurre ».  Les vraies raisons de la crise qui menace les marchés alimentaires mondiaux se trouvent plutôt dans « l’hystérie des sanctions » que l’Occident a déclenchée contre la Russie, sans se préoccuper des populations des États du Sud.  De fait, a-t-il observé, la tentative d’isolement économique, financier et logistique de la Russie se transforme déjà en crise économique de « dimension historique ».  Pour soulager la tension sur les marchés agricoles et prévenir les pénuries, il suffit de renoncer aux mesures restrictives unilatérales illégales, car les stocks de denrées alimentaires produites en Russie n’ont pas diminué, a-t-il précisé. 

Avant de conclure, le délégué s’est à nouveau inquiété de la saisie de véhicules portant le logo de l’ONU par les forces ukrainiennes.  Faisant aussi état de cas d’utilisation de voitures de l’OSCE par des « radicaux », il a relevé que des publications sur Internet font craindre l’usage de véhicules de la société de livraison DHL par les forces armées ukrainiennes pour transporter des armes.  Enfin, en réponse aux déclarations occidentales selon lesquelles « l’opération militaire spéciale » menée en Ukraine serait une « guerre de choix non provoquée et insensée décidée par une personne en particulier », il a déclaré que la décision a été prise collectivement et dans le strict respect de l’article 51 de la Charte des Nations Unies, pour répondre à un danger vital pour les habitants du Donbass et pour toute la Russie.  Quant à la « guerre de choix », il a rappelé que les États-Unis avaient, eux aussi, le choix de ne pas agresser la Yougoslavie, l’Iraq, la Libye, l’Afghanistan, la Syrie et le Viet-Nam, pays situés à des milliers de kilomètres de Washington.  Aujourd’hui, a-t-il cinglé, les États-Unis et leurs alliés ont le choix d’arrêter de mettre de l’huile sur le feu de la crise ukrainienne et de ne pas provoquer une crise alimentaire internationale. 

Selon Mme MONA JUUL (Norvège), la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine a provoqué la plus grande crise humanitaire en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.  Les destructions d’infrastructures civiles, y compris de systèmes alimentaires, sont dévastatrices, et les attaques contre les civils inacceptables.  Un quart de la population ukrainienne a maintenant été déplacé.  Un cessez-le-feu humanitaire en Ukraine doit être convenu « de toute urgence », a enjoint la représentante, qui s’est félicitée de l’initiative du Secrétaire général de demander à M. Griffiths de travailler directement avec les parties sur un accord. 

La guerre augmente le risque de violence sexuelle et sexiste.  Des mesures immédiates doivent donc être prises pour protéger les enfants ukrainiens, nombreux à avoir fui sans être accompagnés.  « Ils sont extrêmement vulnérables et doivent être protégés », a appuyé l’oratrice.  D’autre part, à la suite de déplacements massifs, des rapports font état d’une hausse significative de la traite d’êtres humains.  Ce problème doit être traité d’urgence, y compris par le biais des Nations Unies et les États d’accueil.  Les organisations humanitaires doivent pouvoir accéder en toute sécurité, rapidement et sans entrave aux personnes dans le besoin, a appuyé la déléguée, avant de saluer l’hospitalité et la solidarité dont font preuve les pays voisins de l’Ukraine et d’encourager ces pays à « garder leurs frontières ouvertes à tous ceux qui cherchent une protection, sans discrimination ». 

Décrivant une crise « à la fois ukrainienne et mondiale », la déléguée a évoqué une hausse globale probable de l’insécurité alimentaire ainsi que des prix du carburant et des engrais.  Les effets de l’agression russe seront particulièrement ressentis par les populations de pays en conflit ou en crise, comme la Syrie, le Yémen, l’Afghanistan, l’Éthiopie et le Soudan du Sud.  La représentante norvégienne a appelé la Russie à « cesser sa guerre injuste », seul moyen, selon elle, de mettre fin à la catastrophe humanitaire en Ukraine et au-delà. 

M. T.S TIRUMURTI (Inde) a réitéré l’appel de l’Inde en faveur d’un accès humanitaire sans entrave aux zones de conflit armé en Ukraine.  Il a dit espérer que la communauté internationale continue à réagir positivement aux besoins humanitaires du peuple ukrainien, y compris en apportant un soutien généreux à l’appel urgent du Secrétaire général et au plan de réponse régional en faveur des réfugiés en Ukraine.  L’Inde a déjà envoyé plus de 90 tonnes de fournitures humanitaires à l’Ukraine et à ses voisins, notamment des médicaments, des tentes, des articles médicaux et autres matériels de secours essentiels pour les réfugiés. Il a promis davantage d’aide humanitaire dans les prochains jours, notamment des médicaments essentiels.  Le délégué a insisté sur la nécessité d’une action humanitaire non politisée, avant de souligner que l’ordre mondial est ancré dans le droit international, la Charte des Nations Unies et le respect de l’intégrité territoriale et la souveraineté des États.  Il a en conclusion dit espérer qu’un accord pourra être trouvé rapidement. 

Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a déclaré qu’un cessez-le-feu et un retour des troupes aux frontières internationalement reconnues de l’Ukraine sont indispensables pour éviter la détérioration de la situation humanitaire.  La représentante s’est ensuite dite très préoccupée par le bombardement des villes, avant de déplorer les décès de nombreux civils et les déplacements de populations.  Elle a jugé essentiel que les parties belligérantes s’engagent en faveur d’une pause humanitaire pour permettre l’acheminement de tous les services indispensables aux personnes piégées dans les villes assiégées.  La déléguée a aussi exhorté les parties à respecter le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire (DIH), dont la quatrième Convention de Genève de 1949 sur la protection des civils en temps de guerre.  Elle a appelé à fournir une assistance humanitaire aux nécessiteux, notamment des soins, dans le respect des principes de neutralité et d’impartialité de l’aide humanitaire.  La représentante a enfin dit prendre note de la volonté de la Fédération de Russie de redéployer ses forces avant de l’exhorter à poursuivre le dialogue entamé en Turquie afin de résoudre cette crise. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a dénoncé, une nouvelle fois, les effets choquants de la « guerre illégale de Putin » contre le peuple ukrainien.  À cet égard, a-t-elle relevé, les chiffres parlent d’eux-mêmes: 10,3 millions de déplacés, 73 attaques confirmées contre des hôpitaux et des centres médicaux et 659 écoles et jardins d’enfants détruits.  Dans le même temps, la situation à Marioupol est presque indescriptible, près de 40% des immeubles résidentiels de la ville ayant été détruits par des bombardements incessants.  Dans ce chaos, les civils n’ont toujours pas assez de nourriture, d’eau et d’électricité et certains auraient même recours à l’eau des égouts pour survivre.  De plus, des informations crédibles font état de fosses communes et d’expulsions forcées de résidents vers la Fédération de Russie, ainsi que des cas de violence sexuelle.  Des comptes devront être rendus pour ces crimes, a martelé la déléguée, avant de saluer l’annonce faite hier par le Secrétaire général concernant le rôle de Martin Griffiths dans la poursuite d’un cessez-le-feu négocié. 

Assurant que le Royaume-Uni continuerait à jouer son rôle après avoir déjà fourni 400 millions de livres sterling pour soutenir l’Ukraine, la représentante a tenu à réaffirmer que la seule façon de mettre fin aux souffrances des civils est d’amener la Fédération de Russie à cesser à sa guerre illégale.  Une guerre qui entraîne une flambée des prix de l’énergie et une hausse de l’insécurité alimentaire, lesquelles étaient en progression avant même l’invasion russe, alors que les économies se remettaient de la pandémie de COVID-19.  « L’appétit de la Russie pour la guerre enlève de la nourriture à la table du monde », a-t-elle résumé, non sans se féliciter du message accablant adressé par les États Membres avec l’adoption, la semaine dernière, de la résolution humanitaire à l’Assemblée générale.  Un message selon lequel la Russie est seule responsable de la crise humanitaire en Ukraine et des chocs ressentis dans le monde, a affirmé la déléguée. 

M. FERIT HOXHA (Albanie)a relevé qu’aucune propagande ne peut l’emporter sur les faits.  La moitié des enfants d’un pays de 44 millions d’habitants sont déplacés et dans la seule ville de Kharkiv, plus de 1000 maisons ont été détruites.  Ces dégâts sont le véritable objectif de l’agresseur.  Incapable d’occuper le pays, il détruit simplement tout ce qu’il peut, a accusé le représentant qui a relevé des faits troublants, confirmant que la Russie a remplacé le droit d’informer par la « liberté de désinformer.  Il a évoqué le sort de la revue Novaya Gazeta, l’un des plus grands journaux d’investigation indépendants de Russie, dirigé par le Prix Nobel de la paix Dmitry Muratov, et contraint d’arrêter sa publication après avoir reçu un avertissement du Gouvernement russe.  Le black-out total de l’information vise à maintenir les Russes dans l’obscurité, les enfouissant dans une réalité parallèle et déformée par la propagande, « jusqu'à ce que les mères commencent à rechercher leurs fils disparus », a prévenu M. Hoxha. 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a fait part de sa préoccupation devant les informations persistantes faisant état de risques de maladies, découlant des difficultés d’accès à l’eau potable et d’infrastructures sanitaires, avec pour corollaire des problèmes d’hygiène.  Dans le même temps, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) prévoit des pénuries de nourriture dans les trois mois à venir pour près de 40% des zones observées, du fait de l’imprévisibilité des récoltes notamment.  Il a dit qu’au-delà des mots et des condamnations que nous avons fait entendre à la face du monde, il est urgent de répondre par des actes à la mesure des enjeux à la détresse du peuple ukrainien et de tous ceux qui souffrent à leurs côtés.  Le délégué a appelé à une action humanitaire en Ukraine sans politisation aucune.  La politisation ne contribuerait qu’à éloigner le Conseil de son but, celui de veiller au respect des Conventions internationales pertinentes en créant les conditions du respect et de la protection des civils dans les zones de guerre, a-t-il expliqué. 

Le représentant a réitéré l’appel du Gabon en direction des pays voisins de l’Ukraine qui continuent de se mobiliser pour l’accueil d’urgence des réfugiés.  Il leur a demandé d’accorder la même hospitalité à toutes les personnes en détresse sans distinction d’origine ou de race, y compris les ressortissants et étudiants africains.  Nous demandons le respect de leur dignité et appelons à un traitement équitable de toutes les personnes en détresse, a-t-il insisté, et dénonçons le discours stigmatisant tendant à mettre en concurrence les réfugiés sur la base de leur origine.  M. Biang a enfin appelé les belligérants et toutes les parties à s’engager résolument dans la voie d’une résolution politique de la crise en vue d’une sortie de la guerre. 

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a dit craindre que le conflit en Ukraine n’aggrave la crise alimentaire mondiale, en précisant que 50 pays sont tributaires des importations de blés russe et ukrainien, sans compter d’autres produits alimentaires.  Il a rappelé que le PAM avait prédit, bien avant le début du conflit, que l’année 2022 pourrait être catastrophique, sans mesures immédiates.  Illustrant son propos, il a expliqué que le Programme a déjà dû limiter ses interventions en Afrique et au Moyen-Orient.  Le représentant a insisté sur les conséquences  des sanctions économiques unilatérales qui risquent d’aggraver encore la crise alimentaire dans de nombreux pays en développement.  Face au désespoir des Ukrainiens, le Conseil se doit de prendre les mesures qui s’imposent, à savoir promouvoir le dialogue pour obtenir des mesures concrètes afin d’atténuer les conséquences humanitaires du conflit.  Il a plaidé pour un accès humanitaire sans entrave et exhorté les belligérants à respecter le droit international humanitaire.  Évitons, a-t-il conclu, de politiser l’aide humanitaire ou de l’offrir de manière sélective. 

M. BING DAI (Chine) a estimé qu’il est urgent, alors que le conflit se poursuit en Ukraine, de protéger et aider les populations civiles et de faire respecter le droit international humanitaire afin de permettre le passage sûr et sans entrave de l’aide vers ceux qui en ont besoin.  Il a souligné à cet égard l’importance de garantir la protection des groupes les plus vulnérables, en particulier les femmes et les enfants.  Dans ce contexte, il a salué l’action du PAM et de l’OCHA, qui tentent d’apporter une aide d’urgence, tout en respectant les principes de neutralité et d’impartialité.  Ces organisations essaient d’aider l’Ukraine et les pays voisins qui font face à des besoins humanitaires considérables, a-t-il insisté, avant de faire remarquer qu’au-delà de ce conflit, les marchés alimentaires mondiaux sont grandement affectés par les sanctions aveugles qui ont aussi des effets sur les moyens de subsistance des populations.  

Ces personnes ne sont pas parties aux conflits et ne devraient donc pas avoir à souffrir d’affrontements entre puissances rivales, a fait valoir le délégué.  Le résultat en est que la sécurité alimentaire est mise à mal du fait de l’aggravation des pénuries et de la perturbation des chaînes d’approvisionnement, ce qui fait flamber les prix, au dépens le plus souvent des pays en développement.  Il faut donc stabiliser les stocks et les prix alimentaires mondiaux, tout en coordonnant la production et le commerce des produits sous l’égide des Nations Unies, a-t-il plaidé.  S’agissant de l’Ukraine, une escalade du conflit entraînerait de graves dégâts, a encore averti le représentant, selon lequel la seule solution réside dans le dialogue et les pourparlers directs.  À cet égard, il a souhaité que les États-Unis dialoguent eux aussi avec la Fédération de Russie en écoutant ses préoccupations en matière de sécurité. 

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a réitéré l’importance de la cessation immédiate de toutes les hostilités et s’est félicitée de la demande faite hier par le Secrétaire général à M. Martin Griffiths de travailler avec les parties concernées pour explorer la possibilité d’un cessez-le-feu humanitaire en Ukraine. 

Elle a salué le rôle des organisations humanitaires et de l’OCHA, « qui ont répondu rapidement, sous une pression extrême, aux besoins des civils », permettant de fournir de l’aide à près d’un million de personnes.  L’oratrice a soutenu également les efforts de l’OCHA pour créer un mécanisme pour assurer un acheminement sûr de l’aide humanitaire.  Elle a souhaité également s’appuyer sur la coordination de l’ONU avec l’Ukraine et la Fédération de Russie, qui a permis aux convois humanitaires d’arriver à Soumy et, plus récemment, à Kharkiv.  

La représentante a réitéré l’importance, pour les parties, de se conformer au droit humanitaire international, en particulier de protéger les civils, de limiter les opérations militaires à des objectifs exclusivement militaires, et de prendre toutes les mesures de précaution.  Enfin, elle a appelé à multiplier les contacts diplomatiques entre parties pour trouver une solution pacifique au conflit en cours. 

M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a déclaré que « la démilitarisation de son pays de la présence russe, menée par l’armée ukrainienne et soutenue par l’ensemble de l’Ukraine, est bien avancée ».  Depuis le début de l’invasion, les occupants russes ont perdu plus de 17  000 militaires, plus de 1 700 véhicules blindés, près de 600  chars, plus de 300  systèmes d’artillerie, 127  avions et 129 hélicoptères, près de 100  systèmes de lance-roquettes, 54  systèmes de défense aérienne et 7  navires, a-t-il énuméré.  Les négociations d’aujourd’hui à Istanbul ont démontré que la Fédération de Russie pourrait être prête à faire des pas en avant, même si le chemin vers un cessez-le-feu durable et une désescalade complète est encore long, a-t-il dit.  Le délégué a expliqué que les parties poursuivront leurs consultations pour préparer et convenir des dispositions d’un traité sur les garanties de sécurité pour l’Ukraine, un mécanisme de mise en œuvre du cessez-le-feu, du retrait des forces et autres formations armées, l’ouverture et le fonctionnement en toute sécurité des couloirs humanitaires, ainsi que sur l’échange des soldats tombés au combat et la libération de prisonniers de guerre et de civils.  La signature du traité sur les garanties de sécurité pour l’Ukraine ne sera possible qu’après le repli de toutes les unités armées russes vers les positions où elles se trouvaient le 23 février 2022, a-t-il précisé.  Pour le représentant, le processus de négociation en cours ne supprime en rien la nécessité de fournir à l’Ukraine une assistance supplémentaire en armes et de mettre en œuvre de nouvelles sanctions imposées à la Fédération de Russie pour l’acte d’agression engagé. 

M.  Kyslytsya a rappelé que la semaine dernière, l’écrasante majorité des membres de l’ONU avait exprimé une fois encore sa position résolue envers l’invasion non provoquée et injustifiée de la Fédération de Russie en Ukraine.  Il a demandé à la Fédération de Russie de mettre en œuvre immédiatement et sans condition toutes les dispositions de la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies sur les conséquences de l’agression contre l’Ukraine pour atténuer les souffrances sur le terrain.  Il a regretté qu’à l’heure actuelle, la Fédération de Russie ne montre aucune volonté de renoncer à sa stratégie d’aggravation délibérée de la situation humanitaire sur le terrain.  Le représentant a expliqué qu’après l’échec de sa « guerre éclair » en Ukraine, la Fédération de Russie a opté pour un plan  B qui table sur la provocation d’une catastrophe humanitaire dans toute l’Ukraine et la destruction du potentiel agricole du pays pour intimider les dirigeants politiques et le peuple ukrainien et les inciter à se rendre.  Il a indiqué que Moscou a tiré 467  missiles sur des zones résidentielles sur un total de 1 200 tirés.  « Marioupol reste une plaie saignante en plein cœur de l’Europe », s’est-il lamenté, en évoquant au moins 5  000 morts, près de 150 000 habitants assiégés et privés du minimum de base pour vivre.  Ils doivent être évacués, mais pas vers le territoire de l’agresseur, a-t-il martelé.  À ce jour, environ 40  000 Ukrainiens ont été forcés de se diriger vers la Fédération de Russie et le Bélarus, a-t-il déploré. 

Selon l’UNICEF, un mois de guerre en Ukraine a conduit au déplacement de 4,3 millions d’enfants, soit la moitié du total d’enfants du pays estimé à 7,5 millions, a relevé le représentant.  Le représentant a affirmé que plus de 1,8 million de mineurs ukrainiens ont quitté le pays en tant que réfugiés, tandis qu’au moins 143 ont été tués par la Fédération de Russie et 216  blessés.  Le représentant a appelé à une action humanitaire urgente, lançant un appel aux États Membres pour qu’ils rejoignent « le Groupe des Amis de la responsabilité à la suite l’agression contre l’Ukraine », créé vendredi dernier et qui compte déjà près de 50 participants. 

En ce qui concerne la sécurité alimentaire mondiale, le délégué ukrainien a rappelé qu’avant la guerre, plus de 55% de toute l’huile de tournesol dans le monde était exportée d’Ukraine.  Plus de 55% du blé ukrainien a été exporté vers l’Asie et 40% vers l’Afrique.  De même, environ 400 millions de personnes dans le monde, principalement au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Asie dépendent de l’approvisionnement en céréales en provenance d’Ukraine.  En outre, il s’est dit inquiet que 40 millions d’Ukrainiens fassent déjà face à des pénuries alimentaires cette année.  Le Gouvernement ukrainien travaille intensivement sur deux pistes: sécuriser le potentiel d’exportation du pays et s’assurer que les Ukrainiens qui portent le principal fardeau de l’agression russe, ne souffriront pas de la faim.  La solidarité internationale avec l’Ukraine sera cruciale pour éviter le pire scénario au niveau mondial, a-t-il prévenu.  Tous les ports maritimes ukrainiens restent bloqués par la Fédération de Russie, ce qui aggrave encore les pénuries, a-t-il argué.  Parmi les mesures prises par son Gouvernement, le représentant a fait état d’un programme de prêts sans intérêt pour les agriculteurs visant à renforcer leurs capacités en temps de guerre.  Des mesures ont été également prises pour trouver des itinéraires sûrs pour l’acheminement des biens.  Le représentant a dit être disposé à discuter plus amplement de la sécurité alimentaire avec toutes les personnes intéressées, mais pas en présence du représentant russe dont le pays a planifié l’insécurité alimentaire actuelle. 

Réagissant aux propos de la délégation russe, la représentante des États-Unis a déclaré que tous les pays ont le droit de mener la politique étrangère de leur choix.  Elle a rappelé que la délégation américaine a présenté un document proposant des solutions visant à répondre aux considérations sécuritaires de la Fédération de Russie avant de regretter que Vladimir Putin ait préféré l’agression.  « En tant qu’Américaine et juive, je ne peux m’empêcher de contester les accusations de nazisme en Ukraine », a déclaré la représentante, avant de rappeler que Madeleine Albright, l’ancienne Secrétaire d’État américaine décédée la semaine dernière aurait été scandalisée par de telles affirmations.  « Le président juif de l’Ukraine n’est certainement pas un nazi », a insisté la représentante, avant d’appeler à se concentrer sur le dialogue nécessaire pour répondre aux besoins humanitaires des civils ukrainiens, mais aussi sur les besoins alimentaires que pose cette crise dans le monde entier.  Après avoir mis l’accent sur la difficulté grandissante du Programme alimentaire mondial (PAM) à répondre aux besoins des enfants à travers le monde, la déléguée a déclaré que la décision de mettre fin à la guerre peut être prise aujourd’hui à Istanbul par le Président Putin.  

Le délégué de la Fédération de Russie a répliqué aux États-Unis en ironisant : si les négociations ont échoué, c’est peut-être parce qu’ils s n’ont pas suffisamment mis de cœur à l’ouvrage.  Le fait que le Président ukrainien soit juif devrait justifier l’impossibilité de trouver des nazis en Ukraine, une théorie que le représentant a tenté de discréditer en énumérant des crimes perpétrés par des citoyens ukrainiens durant la Seconde Guerre mondiale.  Il a affirmé que plusieurs bataillons ukrainiens étaient nazis, arboraient des insignes nazis, et recouraient à la torture. 

Pour l’Ukraine, la Russie n’a pas l’autorisation de s’exprimer au nom du peuple ukrainien.  Durant ce premier mois de guerre, a-t-il elle ensuite affirmé, l’occupant russe a perdu plus de 17  000 soldats, 600  chars, 127  avions, 129  hélicoptères, ainsi que près de 100  systèmes de lance-roquettes.  Un « camouflet sans précédent », ridiculisant les pertes soviétiques en Afghanistan. 

La « députinisation » prend du retard, même si la Russie semble prête à des compromis, a poursuivi l’Ukraine.  Les parties doivent s’accorder sur un traité, un mécanisme de cessez-le-feu, l’ouverture d’un couloir humanitaire, et des échanges de dépouilles de soldats, de prisonniers de guerre et de civils.  Mais la signature d’un traité de garantie et de sécurité ne sera possible qu’après le retrait de toutes les unités de l’armée russe du territoire ukrainien, a insisté le représentant.  La semaine dernière, à l’Assemblée générale, la grande majorité des États Membres s’est prononcée contre l’invasion de la Russie.  Hélas, celle-ci refuse de renoncer à sa stratégie d’agression, a déploré le représentant.  Le lien est clair entre la sécurité alimentaire et la situation humanitaire, selon l’Ukraine.  Après l’échec de sa « Blitzkrieg », la Russie est passée au plan  B, c’est-à-dire la destruction des capacités du pays, une « stratégie cruelle » prévoyant la destruction délibérée de zones résidentielles, le pilonnage du pays, le siège des villes, les violations de couloirs humanitaires, les enlèvements et les meurtres de civils. 

Le délégué a jugé cynique et hypocrite la proposition russe de créer un couloir humanitaire vers la Russie pour la population civile de Marioupol. 

Il a aussi évoqué les problèmes de sécurité alimentaire provoqués par l’invasion russe, relatifs aux exportations de blé et d’huile de tournesol vers les pays du Moyen-Orient et d’Asie, et relatifs aux 40  millions d’Ukrainiens en risque de pénurie alimentaire.  Tous les ports maritimes ukrainiens sont bloqués par la Russie, exacerbant les pénuries, a dénoncé le représentant, pour qui la levée du blocus est indispensable.  En attendant, le Gouvernement ukrainien prend des mesures pour faire face, avec un programme de prêts sans intérêts pour ses agriculteurs. 

« M. Putin agit de la manière de son modèle Staline », utilisant la nourriture pour affamer l’Ukraine, a enfin accusé le délégué.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

RDC: la Cheffe de la MONUSCO alerte le Conseil de sécurité de la détérioration continue de la situation sécuritaire à l’approche des élections de 2023

9007e séance – matin
CS/14845

RDC: la Cheffe de la MONUSCO alerte le Conseil de sécurité de la détérioration continue de la situation sécuritaire à l’approche des élections de 2023

Trois mois après son dernier exposé, la Représentante spéciale et Cheffe de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) a fait état, ce matin, devant le Conseil de sécurité, d’une inquiétante détérioration de la situation sécuritaire en RDC, notamment dans les provinces de l’Est où les groupes armés sont particulièrement actifs, alors que le pays s’efforce de progresser vers la tenue d’élections générales en 2023, sur fond de tensions politiques. 

Cette détérioration, a constaté Mme Bintou Keïta, s’est produite en dépit des opérations menées par les forces de défense et de sécurité congolaises dans le cadre de l’état de siège, pour un certain nombre d’entre elles conjointement avec les Forces de défense populaires de l’Ouganda (UPDF).  Premières victimes de cette aggravation, les populations civiles, à tel point que, selon un décompte de la MONUSCO, 250 civils sont tués en moyenne dans chaque province, chaque mois, soit près de 2 300 morts en l’espace de trois mois, tandis que le nombre des déplacés va croissant. 

Pour la Représentante spéciale, ces pertes humaines font suite à l’intensification des activités des groupes armés, notamment aux représailles menées par les Forces démocratiques alliées (ADF), groupe affilié à l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL/Daech), contre les populations du Nord-Kivu et en Ituri.  Dans cette région, a-t-elle ajouté, les conséquences des violences perpétrées par le groupe armé appelé Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) ont été amplifiées par les actions de la milice Zaïre, qui cherche à contrôler des puits d’or.  De plus, ces trois derniers mois ont vu la reprise des activités du Mouvement du 23 mars (M23) au Nord-Kivu, qui ont conduit à des combats avec les FARDC.  En parallèle, de nouvelles violences contre des civils sont à déplorer au Sud-Kivu, à la suite d’attaques de Maï-Maï contre des villages de la communauté Banyamulenge. 

Dans un contexte de violations accrues des droits humains, de restriction de l’espace démocratique et de multiplication des discours de haine, les besoins humanitaires ne cessent d’augmenter dans l’est du pays, a averti Mme Keïta, selon laquelle les contraintes d’accès et les incidents visant le personnel humanitaire entravent la réponse.  Face à ces dynamiques sécuritaires alarmantes, a-t-elle indiqué, la MONUSCO a mené des offensives en Ituri en accompagnant les opérations conjointes FARDC-UPDF, en déployant des unités d’appui au Nord-Kivu et menant des actions de protection des déplacés au Sud-Kivu.  Toutefois, le recours aux seules opérations militaires a ses limites, a fait valoir la haute fonctionnaire.  Sans un travail sur les causes profondes de ces conflits, les moyens de la MONUSCO resteront, à ses yeux, insuffisants. 

Mme Keïta a cependant vu dans le lancement de consultations nationales sur la justice transitionnelle « un pas dans la bonne direction ».  De même, elle s’est félicitée de l’ouverture, le 15 mars, de la nouvelle session parlementaire et de la présentation de projets de loi essentiels.  Elle s’est également réjouie d’avancées dans l’opérationnalisation du programme de désarmement, démobilisation et réinsertion communautaire et de stabilisation (DDRCS).  Faisant état d’actions destinées à réduire les vulnérabilités dans les domaines où la MONUSCO se désengage progressivement, elle a précisé que, dans la province du Tanganyika, la Mission suit de près la situation sécuritaire de sorte à prévoir une transition souple en vue du désengagement prévu en juin prochain. 

En vue de ce retrait programmé, le représentant de la RDC a jugé souhaitable qu’une évaluation conjointe soit menée sur le terrain.  Il s’est aussi prononcé pour une multiplication des opérations militaires conjointes afin d’accentuer la pression sur les groupes armés et les amener, si possible, à se rendre.  Le résultat de ces opérations pourrait servir au bon déroulement du processus électoral, a-t-il affirmé.  Le délégué a d’ailleurs estimé que l’engagement du Président Tshisekedi à faire de son pays « un État véritablement démocratique » est reflété par la composition du bureau de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et la promulgation de la feuille de route électorale 2021-2027. 

Rappelant la tenue récente de la Conférence des chefs d’États de la Communauté économique de l’Afrique centrale et la dixième réunion de haut niveau du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération en RDC et dans la région, le délégué a noté avec satisfaction que ces deux sommets ont réaffirmé la volonté commune d’œuvrer à la pacification de la partie est de son pays.  Hormis ces territoires soumis aux activités de groupes armés, la situation sécuritaire demeure, d’après lui, « globalement calme » dans le reste de la RDC.  Cela étant, les opérations conjointes des FARDC et des UPDF contre les « terroristes » de l’ADF se poursuivent dans le Grand-Nord et dans le sud de l’Ituri, entraînant la destruction de bastions rebelles.  Le représentant a toutefois relevé que ces actions ont contraint les groupes armés à changer d’approche, voire à recourir à des méthodes de type « kamikaze », ce qui a conduit les FARDC et la MONUSCO à revoir leurs stratégies.  

Par la voix du Gabon, les trois membres africains du Conseil de sécurité –Gabon, Ghana et Kenya– n’ont pas caché leur préoccupation face à la situation sécuritaire dans les Kivus et en Ituri.  Le « cycle de terreur » alimenté par l’ADF, la CODECO et autres groupes armés n’a que trop duré, a martelé le délégué gabonais, demandant que les auteurs de crimes abominables commis en RDC répondent de leurs actes.  Tout en plaidant pour un renforcement des capacités judiciaires de l’État congolais, il a invité le Conseil à se pencher sur la question de l’embargo sur les armes qui, à son sens, contribue à restreindre l’efficacité des actions militaires des États contre les mouvements rebelles. 

Face à la « guerre asymétrique » imposée par les groupes armés, le représentant a jugé essentiel que le plan de retrait transitionnel de la MONUSCO soit progressif, coordonné et concerté avec les FARDC.  Un avis partagé par nombre de délégations, la Fédération de Russie appelant pour sa part à un réexamen du plan de retrait à la lumière des nouvelles réalités du terrain, notamment de multiplication des attaques visant des camps de personnes déplacées et du recours croissant à des engins explosifs improvisés.   La France a, elle, indiqué que les indicateurs du plan de transition de la MONUSCO font désormais l’objet d’un suivi régulier, et que les agences, fonds et programmes des Nations Unies doivent se tenir prêts à prendre le relais et investir dès maintenant le Tanganyika. 

Avant d’ouvrir cette séance d’information, un hommage a été rendu à M. Jim Kelly, Représentant permanent adjoint de l’Irlande, décédé brutalement. 

LA SITUATION CONCERNANT LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO (S/2022/252)

Déclarations

Mme BINTOU KEITA, Représentante spéciale et Cheffe de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), a constaté que, depuis son dernier exposé en décembre dernier, la situation sécuritaire s’est encore détériorée malgré les opérations des forces de défense et de sécurité congolaise dans le cadre de l’état de siège, complétée par les opérations militaires conjointes des FARDC et des Forces de défense du peuple ougandais (UPDF).  Les pertes civiles et les déplacements de populations ont augmenté, notamment en raison des représailles menées par les Forces démocratiques alliées (ADF), groupe armé affilié à l’État islamique en d’Iraq et du Levant (Daech), contre les populations du Nord-Kivu et en Ituri où elles se sont déplacées.  Dans cette région, les conséquences des violences perpétrées par le groupe armé appelé Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) ont été amplifiées par les représailles de la milice Zaïre destinées à contrôler des puits d’or et financer ses opérations.  Ces trois derniers mois, a-t-elle poursuivi, ont aussi vu la reprise alarmante des activités du Mouvement du 23 mars (M23) au Nord-Kivu, qui ont mené à des combats avec les FARDC, les plus récents ayant eu lieu dans la zone de trois frontières.  Parallèlement, au Sud-Kivu, de nouvelles violences contre des civils sont à déplorer, à la suite des attaques de Maï-Maï contre des villages de la communauté Banyamulengue.  En tout, a précisé la Représentante spéciale, la MONUSCO a recensé 250 civils tués en moyenne dans chaque province chaque mois, soit près de 2 300 morts en trois mois. 

Selon Mme Keita, la MONUSCO a aussi documenté une hausse de 10% de violations des droits humains depuis décembre 2021.  Les attaques menées contre les civils par les groupes armés, les restrictions de l’espace démocratique et la multiplication des discours de haine en sont les principales causes, a-t-elle expliqué, avant d’alerter le Conseil quant aux besoins humanitaires croissants dans l’est du pays.  Or, a déploré la Cheffe de la MONUSCO, les contraintes d’accès et les incidents visant le personnel humanitaire entravent la réponse. Faisant état de 4 travailleurs humanitaires tués, 1 blessé et 6 enlevés au cours des trois derniers mois, elle a rappelé aux parties l’impératif juridique et moral de faciliter l’acheminement de l’aide.  Face à ces dynamiques inquiétantes, la MONUSCO a mené des offensives en Ituri, accompagnant les opérations conjointes FARDC-UPDF, et déployant des unités d’appui au Nord-Kivu et menant des actions de protection des déplacés au Sud-Kivu.  « Nous travaillons aussi sans relâche avec les communautés pour atténuer les tensions et encourager le dialogue, tout en documentant les responsabilités des crimes », a-t-elle souligné, non sans reconnaître que, sans un travail sur les causes et les symptômes, les moyens de la MONUSCO resteront insuffisants.  Cela illustre, selon elle, les limites inhérentes aux recours aux seules opérations militaires.  Appelant à la mise en œuvre par le Gouvernement de stratégies globales pour rechercher les causes profondes des conflits, elle a vu le début des consultations nationales sur la justice transitionnelle comme un pas dans la bonne direction.  Elle a également salué l’ouverture, le 15 mars, de la nouvelle session parlementaire et la présentation de projets de loi essentiels, notamment ceux sur la révision de la loi électorale et la loi de programmation militaire. 

Mme Keita a par ailleurs constaté des progrès dans les efforts menés par la MONUSCO, l’équipe de pays de l’ONU et le Gouvernement dans l’application du plan de transition conjoint.  Elle s’est réjouie que les travaux du groupe de travail conjoint progressent et que les sous-groupes aient avancé sur des questions telles que l’opérationnalisation du programme de désarmement, démobilisation et réinsertion communautaire et de stabilisation (DDRCS).  Dans le même temps, la MONUSCO, appuyée par le PNUD, continue de soutenir les travaux de la structure nationale de coordination et facilite le dialogue avec les parties prenantes locales et provinciales pour permettre la mise en œuvre de démarches communautaires en matière de DDR.  Afin de réduire les vulnérabilités dans les domaines où la MONUSCO se désengage progressivement, des actions sont menées, en particulier sur le plan humanitaire et du développement.  Dans la province du Tanganyika, la mission suit de près la situation sécuritaire de sorte à prévoir une transition souple en vue du désengagement prévu en juin prochain.  Dans ce contexte, a noté la Représentante spéciale, Les États de la région sont interdépendants et doivent trouver des solutions communes, comme cela a été rappelé lors de la récente réunion de haut niveau à Kinshasa sur le mécanisme de surveillance régionale.  Elle a salué à cet égard les efforts du Président Tshisekedi visant à accroître la coopération régionale et la volonté des pays voisins à renforcer leur lutte contre les forces négatives, avant de remercier le Conseil de sécurité pour son soutien dans la mise en œuvre de son mandat. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a dit apprendre à l’instant qu’un hélicoptère de la MONUSCO aurait disparu aujourd’hui dans la zone de Rutshuru.  Il a ensuite appelé à soutenir les progrès sur le plan politique et dans la région.  Saluant les avancées pour préparer les élections présidentielle et législatives de 2023, il a relevé que la révision par le Parlement de la loi électorale devra renforcer la confiance dans les institutions et le processus démocratique.  Sur le plan régional, le sommet de suivi de l’Accord d’Addis-Abeba a confirmé la volonté de dialogue, s’est encore félicité le représentant, qui a souligné que les engagements pris devront être mis en œuvre.  De fait, la coopération doit se renforcer toujours plus pour lutter contre les groupes armés et la criminalité, a-t-il relevé, avant d’appeler à priver les forces négatives de leur capacité de nuisance, avant de demander à la MONUSCO et aux forces congolaises de continuer à protéger les camps de personnes déplacées où résident de nombreuses femmes et enfants. 

En outre, pour traiter les causes profondes des conflits, la stratégie de désarmement-démobilisation-réintégration doit être opérationnalisée sans délai, a exhorté M. de Rivière.  La lutte contre l’impunité doit être renforcée, s’agissant des groupes armés comme de certains membres des forces de sécurité.  La France salue à cet égard la condamnation dans l’Ituri de 24 membres de la CODECO pour crimes contre l’humanité.  Le délégué a ensuite déclaré que les Congolais doivent continuer à compter sur le soutien de leurs partenaires.  « Les indicateurs du plan de transition de la MONUSCO font désormais l’objet d’un suivi régulier, et les agences, fonds et programmes des Nations Unies doivent se tenir prêts à prendre le relais et investir dès maintenant le Tanganyika d’où la MONUSCO se retirera en juin », a-t-il rappelé.  Pour sa part, son pays, par le biais de l’Agence française de développement, mobilisera un demi-milliard d’euros d’ici à 2025 pour soutenir la santé, l’agriculture ou encore l’autonomisation des femmes en RDC.  De même, l’Union européenne –dont le Conseil est présidé par la France– allouera cette année 44 millions d’euros pour répondre aux besoins des plus vulnérables en RDC et dans les Grands Lacs.  Elle contribuera aux soins destinés aux survivants de violences sexuelles, à favoriser l’accès à l’eau et à l’éducation, a ajouté le représentant. 

Mme  TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a estimé que les attaques des Forces démocratiques alliées (ADF), ce mois-ci, ainsi que l’assaut mené par la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) contre un camp de déplacés de Savo, en février, illustrent la menace constante à laquelle est confrontée la population civile en RDC.  Après avoir appelé toutes les parties à respecter pleinement le droit international, la déléguée s’est concentrée sur l’exploitation illicite des ressources naturelles, qui reste un facteur de conflit en RDC.  Ces activités génèrent des revenus importants pour les groupes armés, tout en infligeant des souffrances supplémentaires à la population civile, a-t-elle déploré, avant de dénoncer l’utilisation d’enfants et l’exploitation de femmes dans le secteur minier.  Jugeant que la coopération régionale est essentielle pour freiner ce commerce, elle a également relevé qu’un bon fonctionnement du régime de sanctions peut avoir un effet préventif et promouvoir la responsabilisation des auteurs.  La Norvège, a ajouté la déléguée, soutient le travail de toutes les parties prenantes concernées, y compris l’Envoyé spécial auprès de la région des Grands Lacs, la CIRGL et l’Union africaine, pour s’attaquer aux causes profondes des conflits. 

La représentante a ensuite affirmé que le succès ultime de la MONUSCO repose sur une transition bien exécutée, mettant l’accent sur la protection des civils.  Dans ce cadre, elle s’est félicitée des récentes réunions du groupe de travail conjoint et du sous-groupe de travail sur la transition.  Saluant également l’inclusion d’acteurs de la société civile dans cet exercice, elle a estimé que le plan de transition conjoint ne pourra réussir avec des moyens seulement militaires et devra s’accompagner d’un dialogue politique et communautaire inclusif et d’efforts pour promouvoir le développement.  Selon elle, ce processus ne peut pas être précipité.  Il doit être basé sur la situation sur le terrain plutôt que sur les délais fixés.  À cette aune, la Norvège reste attachée à un désengagement rapide et responsable et au retrait final de la MONUSCO, a-t-elle conclu. 

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) s’est inquiétée de la détérioration sécuritaire en Ituri et au Nord-Kivu, malgré les efforts conjugués des forces armées congolaises et ougandaises.  Elle a dénoncé les capacités de nuisance de groupes armés illégaux tels que les Forces démocratiques alliées (ADF) et la coopérative pour le développement du Congo (CODECO), accusée d’avoir massacré une cinquantaine de personnes, dont des femmes et des enfants, lors d’une récente attaque.  La représentante s’est particulièrement inquiétée de la multiplication des attaques visant des camps de personnes déplacées et le recours croissant à des engins explosifs improvisés (EEI).  Elle a ensuite appelé à examiner le plan de retrait progressif des troupes de la MONUSCO en tenant compte de ces nouvelles réalités de terrain.  Notant que l’exploitation illégale des ressources naturelles permet de financer les capacités de combat des insurgés, la représentante russe a souhaité que la RDC puisse bénéficier de l’aide de la communauté internationale pour rétablir son contrôle sur ses ressources minières.  Elle a dit l’importance d’une bonne mise en œuvre du programme DDR avec la participation des soldats de la paix.  La déléguée a par ailleurs jugé indispensable que la prochaine élection présidentielle se tienne dans les délais impartis et dans le respect des normes internationales.  Elle a enfin souligné le rôle de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) pour mettre en œuvre l’Accord d’Addis-Abeba. 

M.  JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a fait part de sa préoccupation devant la détérioration de la situation sécuritaire dans la province de l’Ituri.  Il a rappelé que le Conseil de sécurité avait d’ailleurs publié une déclaration à la presse sur l’attaque particulièrement brutale perpétrée par les milices de la CODECO dans le camp de Savo, qui a fait des dizaines de morts parmi les civils.  La situation dans la province du Nord-Kivu n’est pas moins inquiétante, a relevé le représentant qui s’est inquiété de la hausse du nombre d’attentats commis à l’aide d’engins explosifs improvisés. 

En outre, l’insécurité continue d’entraver l’acheminement de l’assistance humanitaire, a relevé le délégué, qui a insisté sur la nécessité de garantir la sécurité des soldats de la paix.  Il a par ailleurs salué les progrès récents observés dans les échanges transfrontaliers entre la RDC et le Rwanda, ainsi que dans le cadre des opérations militaires conjointes associant les FARDC et les Forces de défense populaires de l’Ouganda (FDPO).  Ces initiatives, à condition qu’elles respectent pleinement la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC, peuvent créer des conditions propices à la stabilisation de la région, a-t-il estimé en conclusion. 

S’exprimant au nom des A3 (Gabon, Ghana, et Kenya), M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a tout d’abord salué l’ouverture de la session parlementaire du mois de mars en RDC et noté avec intérêt l’engagement du Président Félix Tshisekedi de tenir les élections en 2023.  Il s’est également réjoui de l’adoption de la feuille de route électorale par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et de la désignation d’une femme, Mme Marie-Josée Kapinga, au poste de Secrétaire exécutive nationale adjointe de cette institution.  Les autorités congolaises ont manifestement saisi l’importance d’une pleine adhésion au processus électoral de toutes les composantes sociales, a-t-il dit, avant d’appeler tous les acteurs politiques à faire preuve d’esprit de consensus sur les enjeux des prochaines élections locales et nationales, avec l’appui financier et matériel des partenaires au développement.  Le représentant s’est félicité de la tenue d’une réunion de haut niveau sur le mécanisme de surveillance régionale du cadre de paix, de sécurité et de coopération, jugeant que la signature par les autorités congolaises d’un mémorandum d’entente avec l’Ouganda et un autre avec le Rwanda, ainsi que les actions militaires concertées en cours, permettent de consolider une approche régionale positive. 

Il s’est cependant déclaré préoccupé par la détérioration de la situation sécuritaire notamment dans les provinces de l’Ituri et du Kivu, où se poursuivent des attaques de groupes armés.  Dénonçant les massacres, les violences et les enrôlements d’enfants soldats auxquels se livrent les Forces démocratiques alliés (ADF), la CODECO et d’autres groupes rebelles dans l’est du pays, il a estimé que ce cycle de terreur n’a que trop duré.  Les soutiens des groupes armés et ceux qui les alimentent en armes doivent cesser, a-t-il dit, souhaitant que les auteurs de ces crimes fassent l’objet de poursuites judiciaires et répondent de leurs actes abominables.  Saluant à cet égard la condamnation de 24 membres de la CODECO par les juridictions militaires congolaises, il a appelé à un renforcement des capacités judiciaires de l’État congolais.  Il a en outre demandé au Conseil de se pencher sur la question de l’embargo sur les armes qui, à son sens, contribue à restreindre l’efficacité des actions militaires des États contre les mouvements rebelles.  De fait, il est essentiel, selon lui, que le Conseil accède à la légitime requête des autorités congolaises visant la levée de l’obligation de notification pour acquérir des armes. 

Le délégué a ensuite constaté que la RDC est victime de la richesse de son sous-sol en ressources minières, lesquelles sont la principale source de déstabilisation et la première cause de souffrances des populations.  Après avoir salué l’adoption par le Gouvernement congolais d’un plan national stratégique d’exploitation et de certification des ressources minérales, il a encouragé les pays voisins à mettre en œuvre leurs engagements dans le cadre de l’Initiative régionale contre l’exploitation illégale et le commerce des ressources naturelles. Il a également appelé à sanctionner tous les individus et entités impliqués dans ces trafics qui alimentent les tensions communautaires.  Selon lui, cette riposte contre les groupes armés doit aussi s’accompagner d’un appui financier et matériel au programme de désarmement, démobilisation et réinsertion communautaire et de stabilisation. 

Après avoir condamné la guerre asymétrique imposée par les mouvements rebelles et la présence de groupes terroristes dans la région, le représentant a jugé essentiel que le plan de retrait de transition de la MONUSCO s’aligne sur le processus d’évaluation des critères fixés.  Ce retrait doit être progressif, coordonné et concerté avec les Forces armées de RDC afin d’éviter tout regain de violence, a-t-il plaidé, non sans se féliciter des progrès accomplis par le Gouvernement congolais dans la mise en œuvre des 18 critères de référence définis dans le plan de transition conjoint.  Enfin, soulignant que l’environnement sécuritaire est un facteur aggravant de la situation humanitaire, il a exhorté les donateurs internationaux et régionaux ainsi que tous les partenaires de la RDC à participer au financement du Plan de réponse humanitaire de 2022 lancé par le Gouvernement congolais et les Nations Unies. 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a condamné les récentes attaques perpétrées par les groupes armés illégaux, dont les Forces démocratiques alliées (ADF),la coopérative pour le développement du Congo (CODECO), mais aussi un groupe burundais et le M23 reconstitué.  Elle a salué les initiatives prises par la MONUSCO pour renforcer ses capacités de protéger les civils.  Elle s’est félicitée des efforts de coordination entre les Forces armées ougandaises et congolaises, avant d’exhorter les États membres à respecter les mesures de sanctions.  Elle s’est inquiétée de l’importance du trafic illégal de ressources naturelles qui alimente le conflit et finance des activités qui menacent les Congolais tous les jours.  Elle s’est étonnée que dans des zones du Sud-Kivu, l’on voit une connexion entre les groupes armés illégaux connectés et les organisations criminelles qui exploitent les ressources naturelles.  La représentante des États-Unis a conclu sur le processus électoral, en appelant au strict respect des droits de l’homme dont la liberté d’expression afin d’assurer la crédibilité des élections prévues en 2023. 

M. MIJITO VINITO (Inde) a rappelé que son pays est le second plus grand contributeur de soldats de la paix de la MONUSCO.  Il a déploré la recrudescence des attaques des groupes armés, notamment le lien avéré des ADF avec des groupes terroristes sévissant en Afrique centrale.  Le délégué a salué les efforts régionaux renforcés entre la RDC et l’Ouganda et entre la RDC et le Rwanda.  Puis il a appelé la MONUSCO à poursuivre son soutien au Gouvernement de la RDC qui a entamé des réformes sur les plans judiciaire et sécuritaire.  Le délégué a ensuite souhaité que la présidence de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) assumée par la RDC permette de renforcer ses relations avec ses voisins, le Gouvernement de la RDC ayant selon lui montré sa détermination à régler les problèmes en suspens. 

M. ZHIQIANG SUN (Chine) s’est à son tour déclaré préoccupé par le fait qu’un hélicoptère de la MONUSCO ait été abattu et a demandé à ce que toute la lumière soit faite sur cet incident.  Il a ensuite constaté que la situation sécuritaire continue de se détériorer en RDC, observant que les groupes armés sont de plus en plus actifs dans l’est du pays et que les mouvements de population se multiplient. Condamnant tous les actes de violence et de pillage perpétrés par ces groupes, il a appelé à une riposte rapide du Conseil de sécurité.  Il a également enjoint le Gouvernement congolais à coopérer étroitement avec la MONUSCO pour assurer la sécurité des populations civiles.  Pour le délégué, ces troubles prolongés ont des causes complexes qui ne pourront être résolus par la seule voie militaire.  Pour y parvenir, le Gouvernement congolais doit mettre en œuvre le programme DDR et mener les réformes qui s’imposent, notamment dans le domaine de la sécurité, a-t-il argué.  Il est également essentiel, selon lui, que les ressources minières du pays soient utilisées pour créer des emplois, accélérer le développement et rompre le cycle des violences. 

Après avoir salué la réunion de haut niveau sur le mécanisme de surveillance régionale du cadre de paix, de sécurité et de coopération, il a salué la décision prise par le Président congolais de tenir, malgré une situation politique précaire, des élections en 2023, dans le respect des délais prévus par la Constitution.  Dans cette perspective, il a appelé les acteurs politiques à dépasser leurs différends et à trouver des compromis.  Il a aussi demandé à la communauté internationale de renforcer son aide à la RDC et aux autres pays africains.  Enfin, le représentant a souhaité que le retrait programmé de la MONUSCO se fasse en fonction des jalons prévus. 

M. JAMES PAUL ROSCOE (Royaume-Uni) a déploré la perte d’un hélicoptère de la MONUSCO abattu aujourd’hui au Nord-Kivu, avant de se dire préoccupé par la multiplication des attaques contre les civils dans l’est de la RDC.  Il s’est particulièrement inquiété des attaques constantes contre les camps de déplacés, alors que les acteurs humanitaires n’ont plus accès à des pans entiers de territoires.  Près d’un an après la déclaration de l’état de siège, le représentant a salué la reprise des procédures judiciaires civiles et appelé à un plan de sortie s’appuyant sur les recommandations du Conseil national de sécurité.  Préoccupé par la situation dans le territoire de Beni, malgré l’action conjuguée des Forces congolaises et ougandaises, il a jugé indispensable d’empêcher les Forces démocratiques alliées (ADF) d’élargir leur action dans d’autres territoires.  Enfin, il a mis l’accent sur l’importance du nouveau programme de désarmement, démobilisation et réintégration communautaire et de stabilisation (DDR-CS), compte tenu de son approche décentralisée appuyée sur les communautés. 

M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a dit espérer que des actions se poursuivront afin de consolider les changements législatifs, logistiques et budgétaires nécessaires à la tenue des élections en 2023.  Il a insisté sur l’importance d’une pleine participation des femmes dans la vie politique, avant de condamner les agissements des groupes armés et de saluer le fait que le Gouvernement congolais ait enquêté sur l’attaque du camp de Savo.  C’est un pas dans la bonne direction, a-t-il dit, car il faut veiller à ce qu’aucune attaque ne reste impunie.  Il a insisté sur le strict respect du travail humanitaire et sur les mesures visant à la sécurité des voies d’acheminement de l’aide.  Par ailleurs, le représentant a salué le fait que 50 personnes aient été reconnues coupables de la mort des membres du Groupe d’experts, Zaida Catalán, Michael Shar, et des citoyens congolais qui les accompagnaient.  Précisant que son pays est contre la peine de mort, il a demandé le maintien du moratoire en vigueur depuis 2003 en RDC. 

Mme GERALDINE  BYRNE NASON (Irlande) s’est félicitée de l’engagement du Président Tshisekedi à tenir des élections en 2023, conformément à la Constitution congolaise, et de l’adoption d’une feuille de route électorale par la Commission électorale nationale indépendante.  Elle a souligné l’importance d’un processus électoral inclusif, crédible, en temps opportun, sous peine de nuire à la cohésion sociale.  La déléguée a ensuite considéré qu’une stratégie globale sur la réforme du secteur de la sécurité est nécessaire.  Le renforcement du système de justice, la lutte contre l’impunité et la mise en œuvre d’un processus communautaire de désarmement, démobilisation et réintégration des anciens combattants sont indispensables, a-t-elle souligné, avant de préciser que l’inclusion et la participation significative des femmes seront essentielles à cet égard. 

Mme Byrne Nason s’est dite gravement préoccupée par l’insécurité persistante et la situation humanitaire et des droits humains désastreuse dans l’est de la RDC.  Elle a instamment demandé au Gouvernement de veiller à ce que la mise en œuvre de l’état de siège soit limitée dans le temps et assortie d’objectifs clairement quantifiables.  Les opérations militaires doivent être conformes au droit international, notamment aux droits de l’homme et au droit international humanitaire.  Dans ce contexte, les efforts visant à établir une coordination tripartite efficace entre la MONUSCO, les Forces armées congolaises et celles de l’Ouganda sont indispensables pour assurer la protection des civils et la sûreté et la sécurité du personnel de l’ONU et des travailleurs humanitaires. 

La déléguée a salué le Plan de transition et ses jalons, qui peuvent offrir un cadre global pour mobiliser les efforts collectifs du Gouvernement, du système des Nations Unies et de toutes les parties prenantes, y compris la société civile et la jeunesse.  Le récent rapport d’avancement est un point de départ, même si nous souhaiterions, a-t-elle avoué, plus de données ventilées par région et davantage de clarté en ce qui concerne l’évaluation des progrès.  Mme  Byrne Nason s’est enfin félicitée du renforcement de la planification et de la coordination entre le Gouvernement et le système des Nations Unies sur le retrait durable de la MONUSCO de la province du Tanganyika.  Compte tenu des problèmes sécuritaires qui persistent dans certaines zones, nous jugeons essentiel que le retrait de la Mission de la province soit effectué de manière progressive et responsable, afin de préserver les gains durement acquis « par et pour » le peuple de la RDC, a conclu la représentante. 

Mme  ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a jugé important de maintenir l’élan positif des préparatifs des élections prévues en 2023, en garantissant la participation des femmes et des jeunes.  Nous avons, a-t-elle dit, pris acte des atteintes à l’espace démocratique évoquées dans le rapport et nous demandons aux autorités de s’abstenir d’actes qui nuisent au climat électoral.  En marge d’une situation sécuritaire de plus en plus alarmante, en particulier dans les provinces orientales du Nord-Kivu et de l’Ituri, la représentante s’est dite profondément préoccupée par les violences sexuelles liées au conflit contre les femmes et les enfants, commises par des groupes armés, mais aussi par des agents de l’État.  Elle a mentionné une nouvelle tendance alarmante à l’utilisation d’engins explosifs improvisés, soulevant des questions sur les liens entre groupes armés et organisations terroristes internationales.  Ce qui est le plus dévastateur, a-t-elle estimé, ce sont les attaques contre les sites de déplacés, suivies de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire.  Elle a condamné l’attaque du mois de février contre le camp de déplacés de Savo dans la province de l’Ituri, qui a fait plus de 60 victimes?  Elle a aussi appelé les autorités à une mise en œuvre solide du programme de désarmement, de démobilisation, de relèvement et de stabilisation communautaires, qui doit être soutenu par toutes les parties prenantes. 

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a exprimé ses condoléances aux familles des victimes des dernières attaques en Ituri et au Nord-Kivu, lesquelles mettent en lumière les défis sécuritaires en RDC.  La représentante a jugé essentiel de respecter le droit international humanitaire et de maintenir au cœur des préoccupations la protection des civils.  Elle a également fait part de son inquiétude quant aux attaques contre les employés de l’ONU, avant de plaider pour que les femmes aient accès à la protection dont elles ont besoin.  Il est tout aussi important d’avoir une approche régionale intégrée afin de parvenir à la stabilité en RDC et dans toute la région, a-t-elle estimé, avant de souligner qu’à peine 1% des Congolais sont vaccinés contre la COVID-19.  La communauté internationale doit soutenir la RDC dans la lutte contre la pandémie, a-t-elle plaidé. 

M. GEORGES NZONGOLA-NTALAJA (République démocratique du Congo) a déclaré que l’engagement du Président Tshisekedi à faire de son pays « un État véritablement démocratique » est reflété par le parachèvement de la composition du bureau de la Commission électorale nationale indépendante, l’allocation progressive par le Gouvernement des ressources en faveur de cet organe, la promulgation de la feuille de route du processus électoral 2021-2027, et l’adoption par le Gouvernement de trois projets de décrets.  Le premier a porté sur l’organisation de la mutualisation des activités opérationnelles dans le cadre de l’identification et de l’enrôlement des électeurs, de l’identification de la population et du recensement général.  Les second et troisième ont concerné respectivement la création d’une carte d’identité nationale et d’un fichier général de la population. 

Par ailleurs, pour conforter sa volonté de renforcer les relations de bon voisinage et de coopérer avec les dirigeants de la région, le Président congolais a participé à la Conférence des chefs d’États des pays de la Communauté économique de l’Afrique centrale du 19 janvier 2022 à Brazzaville, et à la dixième Réunion de haut niveau du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-Cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région, qui s’est tenue le 24 février 2022 à Kinshasa.  Ces deux sommets ont réaffirmé la volonté commune exprimée des États membres de coopérer davantage pour la pacification de la partie est de la RDC. 

Aujourd’hui, a affirmé le représentant, la situation sécuritaire demeure « globalement calme » dans l’ensemble du pays, en dehors des activités des groupes armés dans certains territoires de l’est.  Les opérations conjointes des Forces armées de la RDC (FARDC) et des Forces de défense populaires de l’Ouganda (FDPO) menées dans le cadre de l’état de siège contre les terroristes ADF/MTM se poursuivent et évoluent normalement dans le Grand-Nord et dans le Sud de l’Ituri. Ces opérations ont entraîné le démantèlement et la destruction de plusieurs bastions qui ont contraint les groupes armés à changer d’approche.  Ils évoluent actuellement en petits groupes mobiles écumant, violant et massacrant la population civile sur leur passage, a dénoncé M. Nzongola-Ntalaja.  Ils recourent aussi aux méthodes terroristes du type kamikaze, comme à Beni les 24 et 25 décembre 2021 et à Oïcha, le 5 janvier 2022.  Ces groupes font usage de bombes artisanales pour terroriser les populations, sans compter la recrudescence de l’activisme de la CODECO en Ituri. 

Ce mode opératoire doit amener les FARDC et la MONUSCO à réadapter et à réajuster leurs stratégies pour neutraliser ces groupes et sécuriser les populations.  Outre l’approche régionale pour la pacification de l’est, le Gouvernement congolais considère également les options pour des solutions non-militaires tant pour les groupes armés nationaux qu’étrangers.  Les synergies des garants régionaux et internationaux qui œuvrent à la promotion de la coopération autour des mesures non militaires contribueront à l’éradication progressive des forces négatives dans la région, a estimé le représentant.  Il a également considéré que la pacification de l’est de la RDC doit induire le renforcement de la lutte contre le trafic illégal d’armes et de munitions ainsi que la lutte contre le pillage des ressources naturelles, qui constitue une des causes principales du conflit à l’est. 

Malgré ces efforts, dans la nuit du 27 au 28 mars 2022, le M23 a mené des incursions et attaqué les positions des FARDC de Chanzu et Munyonyi dans le territoire de Rutshuru.  Après tous ces accords signés avec le M23 et son anéantissement, a fait observer le représentant, il y a lieu de s’interroger sur la résurgence de ce mouvement.  Bien plus, de nombreuses interrogations subsistent entre autres sur la source de leur approvisionnement.  Qui les ravitaille en armes et en munitions? s’est interrogé le représentant.  Concernant les allégations de violations commises par les éléments des forces de sécurité, les mesures prises par la justice militaire congolaise vont se poursuivre, a assuré le représentant, avant de faire valoir les efforts de son gouvernement pour l’opérationnalisation de la justice transitionnelle et la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.  Le représentant a ensuite imputé la situation humanitaire « alarmante » à l’activisme des groupes armés et aux conflits qui secouent aussi les pays voisins de la RDC, dont les populations se réfugient parfois sur le territoire congolais.  Le Gouvernement, a-t-il affirmé, s’est investi, en partenariat avec l’ONU, dans le lancement, le 17 février 2022, d’un Plan de réponse humanitaire, qui vise plus de 8,8 millions des personnes vulnérables. 

S’agissant enfin de la MONUSCO, le représentant a indiqué que la RDC demande que de plus en plus d’opérations conjointes soit menées.  L’objectif est d’accentuer la pression sur les groupes armés et les amener si possible à se rendre.  Le résultat de ces opérations pourrait aussi servir au bon déroulement du processus électoral dans ces territoires, en 2023.  Le délégué a également plaidé pour un renforcement encore plus significatif du partenariat déjà amorcé entre la MONUSCO et les Forces de défenses et de sécurité de la RDC en termes de transfert et renforcement effectif des capacités.  Enfin, il a encouragé l’utilisation du Système intégré de planification et d’évaluation de la performance et sa mise en œuvre horizontale au sein de la MONUSCO.  En rapport avec le retrait programmé au mois de juin 2022 de la province de Tanganyika, une descente de terrain conjointe d’évaluation, prélude à ce retrait, serait souhaitable, a-t-il ajouté.  Pour ce qui est de l’enquête sur l’assassinat des deux experts des Nations Unies, le jugement a été rendu en première instance contre les 51 individus reconnus coupables, assurant les familles des victimes que « justice sera faite ». 

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