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Conseil de sécurité: des témoins de violences sexuelles liées au conflit en Syrie, Éthiopie et Iraq alimentent le débat sur l’impunité de ces crimes

9016e séance – matin & après-midi
CS/14860

Conseil de sécurité: des témoins de violences sexuelles liées au conflit en Syrie, Éthiopie et Iraq alimentent le débat sur l’impunité de ces crimes

Plus de 70 délégations ont participé aujourd’hui au débat public du Conseil de sécurité sur les violences sexuelles liées aux conflits, tenu sous la présidence du Ministre d’État du Royaume-Uni Tariq Ahmad De Wimbledon, sur le thème de « la responsabilité comme stratégie de prévention ».  La lauréate du prix Nobel de la paix, Mme Nadia Murad, a annoncé à cette occasion la création du « Code Murad » qui servira de directives pour la collecte d’informations et de preuves fournies par les survivantes de ce type de violence. 

La Secrétaire générale adjointe Pramilla Patten, Représentante spéciale chargée de cette question, a présenté le rapport annuel du Secrétaire général qui recense 3 293 cas confirmés de violences sexuelles commises en 2021 dans 18 pays.  Une augmentation de 800 cas par rapport à 2020, s’est-elle alarmée en soulignant l’importance de créer un environnement sûr qui, d’abord, fasse obstacle à la violence sexuelle et, si celle-ci se produit, permette un signalement et une intervention en toute sécurité.  

Que signifient pour les Ukrainiennes, les Afghanes, les Tigréennes et les femmes du Myanmar les 10 résolutions sur les femmes, et la paix et la sécurité, dont 5 portent sur la prévention des violences sexuelles dans les conflits, s’est interrogée Mme Patten.  Le droit international ne doit pas être une promesse vaine, a-t-elle sermonné en évoquant des témoignages terrifiants et des vidéos diffusées à travers le monde, notamment des viols perpétrés avec une arme sur la tempe ou des viols perpétrés en face des membres de la famille, « autant d’appels à agir ».  Elle a donc recommandé aux États Membres, à l’instar de nombreux orateurs de la journée, de mener des enquêtes rapides pour établir la responsabilité des auteurs, « un aspect central de la dissuasion, de la prévention et de la non-répétition de ces actes ». 

Les poursuites judiciaires qui découlent de ces enquêtes sont l’une des formes les plus visibles de la lutte contre l’impunité, a renchéri Mme Murad qui a salué la condamnation par un tribunal allemand d’un membre de Daech pour génocide, au titre de la compétence universelle.  Le moment est venu, selon elle, de traduire Daech en justice pour génocide et violences sexuelles devant la Cour pénale internationale (CPI) ou devant une cour hybride qui serait créée spécialement.   D’autres intervenants ont également été convaincus de la nécessité de saisir la CPI pour de tels cas, tandis que l’Ukraine a demandé des enquêtes transparentes et exhaustives sur tous les crimes commis en Ukraine, dont les crimes à caractère sexuel. 

En amont, Mme Murad a appelé à faire progresser l’égalité entre les sexes et à lutter contre les préjugés et les stéréotypes sexistes.  Cet engagement est à l’origine du « Code Murad », qui a été façonné en consultation avec des survivantes du monde entier et qui vise à promouvoir un plus grand respect, une meilleure compréhension, une transparence et une « guérison ».   Le Ministre d’État du Royaume-Uni a plaidé à ce propos pour que les survivantes soient au centre de tous les efforts de protection.  Cet appel à suivre « une approche fondée sur les survivants » a été relayé par de nombreux intervenants.  Dans le même sens, la Vice-Présidente et Ministre des affaires étrangères de la Colombie, Mme Marta Lucía Ramírez, a signalé une loi colombienne qui garantit aux victimes le droit à des réparations et un modèle de « justice à la porte » pour les femmes rurales.  

Diverses recommandations ont été adressées au Conseil de sécurité, notamment par la lauréate du prix Nobel qui l’a prié de créer un poste d’Envoyé spécial pour mettre fin aux souffrances des Yézidis en Iraq.  De son côté, Mme Patten a demandé au Conseil d’œuvrer en faveur de la prévention et de l’alerte précoce des menaces de violence sexuelle.  Plusieurs délégations ont, dans cet esprit, appelé le Conseil à intégrer la prévention de la violence sexuelle liée aux conflits dans tous les mandats qu’il élabore.  Les Émirats arabes unis, parmi d’autres, se sont dit favorables à ce que le Conseil inclue la violence sexuelle liée aux conflits comme critère de désignation d’individus et d’entités pour les sanctions. 

L’ONU doit aussi prévoir la présence de conseillers pour la protection des femmes dans les budgets des opérations de paix, en particulier pendant les processus de transition, a prescrit l’Irlande.  De plus, Mme Patten a appelé directement les États Membres à financer de manière adéquate le fonds d’affectation multipartite sur les violences sexuelles dans les conflits. 

Deux autres témoins des atrocités commises en termes de violence sexuelle en temps de conflit ont été entendus par le Conseil.  Mme Mariana Karkoutly, enquêtrice indépendante et cofondatrice de l’ONG syrienne « Huquqyat », a affirmé avoir récolté des témoignages de survivants de violences sexuelles, avant de parler aussi des 9 700 femmes arrêtées, détenues ou disparues de manière arbitraire en Syrie.  Mme Hilina Berhanu, de la société civile éthiopienne, a quant à elle témoigné des blessures liées aux violences sexuelles commises au Tigré depuis le début de la guerre dans cet État en novembre 2020.   Elle a dénoncé l’utilisation du viol de façon systématique comme tactique de guerre, pour purifier le « sang tigréen » et pour humilier les survivants et leurs communautés.  Outre l’Ukraine, l’Afghanistan, le Myanmar, la Syrie, l’Éthiopie et l’Iraq, d’autres pays où sont établis des cas de violences sexuelles liées aux conflits ont été cités par les participants à ce débat, notamment la République centrafricaine, la Somalie, la Colombie ou encore le Yémen. 

La lutte contre l’impunité a été au cœur des interventions, selon le thème du débat qui amenait à réfléchir aux moyens de faire porter la responsabilité de ces crimes.  Les États-Unis ont souligné la nécessité d’utiliser tous les outils diplomatiques pour que les responsables de ces violences ne jouissent d’aucune impunité.   La Norvège a appelé à renforcer les capacités des forces de l’ordre, de la sécurité et du secteur militaire, tant dans les opérations de paix des Nations Unies que dans les institutions nationales.  Le Kenya a proposé de placer la barre plus haut s’agissant de la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité.   Il faut des mesures dissuasives pour faire payer plus cher les actes de violence sexuelle liés à un conflit, a suggéré la délégation prônant en outre une coopération transfrontalière plus efficace entre le personnel de sécurité aux frontières, les mécanismes d’alerte précoce, les conseillers nationaux et régionaux pour la protection des femmes, afin de réduire au minimum les lacunes en matière de prévention et de signalement. 

LES FEMMES ET LA PAIX ET LA SÉCURITÉ.

La responsabilité comme stratégie de prévention.  Mettre fin aux cycles de violences sexuelles commises en période de conflit (S/2022/293)

Déclarations

Que signifient pour les Ukrainiennes, les Afghanes, les Tigréennes et pour les femmes au Myanmar les 10 résolutions sur les femmes, et la paix et la sécurité, a demandé d’emblée Mme PRAMILA PATTEN, Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, aux membres du Conseil de sécurité.  Cinq de ces résolutions portent sur les préventions des violences sexuelles dans les conflits, a précisé la Secrétaire générale adjointe avant de demander au Conseil de se laisser guider par les témoignages des rescapés pour trouver des solutions.  Mme Patten a regretté que deux ans après la pandémie, on assiste à une épidémie de coups d’État, avec des représailles contre la société civile, les militants des droits de la personne, les activistes et les journalistes qui militent contre les violences sexuelles et sexistes. 

Mme Patten a averti des effets en cascade des horreurs en Ukraine sur la stabilité du monde et sur l’économie internationale.   e droit international ne doit pas être une promesse vaine, a-t-elle ajouté.  Préoccupée des nombreuses allégations de violences sexuelles, elle a appelé à des enquêtes rapides pour établir la responsabilité des auteurs qui est un aspect central de la dissuasion, de la prévention et de la non-répétition de ces actes.  L’incapacité à reconnaître ou à enquêter sur ces atrocités est une garantie que ces violences vont se poursuivre, a dit en d’autres termes Mme Patten.  Selon elle, alors que tous les signaux d’alarme sont au rouge, les services de soins sexuels et génésiques ne sont plus disponibles.  Les témoignages terrifiants et les vidéos diffusées à travers le monde, notamment les viols perpétrés avec une arme sur la tempe ou les viols perpétrés en face des membres de la famille, sont autant d’appels à agir, a insisté la Secrétaire générale adjointe.

Présentant son rapport, elle a fait état de témoignages terribles qui sont autant d’appels à la justice comme en Éthiopie où 27 soldats ont violé et contaminé une jeune femme au VIH; en République centrafricaine où la violence sexuelle a doublé en une année; à Cox’s Bazar où 900 000 réfugiés rohingya vivent dans une crise au sein d’une crise; ou encore en Somalie, en Colombie, en Afghanistan, en Iraq, en Syrie et au Yémen.  Dans toutes ces situations, l’impunité est plus que flagrante, a dénoncé la Représentante spéciale regrettant le gouffre qui existe, et qui s’élargit, entre engagements et respect des résolutions. Les violences sexuelles sont utilisées comme tactique de guerre, de torture, de terrorisme et de répression politique.  Le rapport qui traite des situations dans 18 pays, recense 3 293 cas confirmés de violences sexuelles commises dans les conflits en 2021 soit 800 nouveaux cas par rapport à 2020.  Le principal message du rapport est la nécessité de favoriser un environnement sûr qui empêche la violence sexuelle en premier lieu et permet un signalement et une intervention sûrs.  Pour Mme Patten, le temps est venu de rendre inévitable le principe de responsabilité et de respecter les droits des personnes rescapées. 

Encouragée par des développements positifs en matière de justice transitionnelle au Guatemala, en Iraq, en Colombie et en Syrie en 2021, la Secrétaire générale adjointe a rappelé le lancement en juin de l’année dernière d’un modèle de lois portant sur les directives applicables aux enquêtes et aux poursuites contre les violences sexuelles et sexistes commises contre dans les cas de conflit.  L’objectif est de s’assurer que les législations nationales sanctionnent toutes les formes de violences sexuelles et protègent les individus à risque.  Il a aussi parlé des directives pour la mise en œuvre de la résolution 2467 (2019) qui appelle les États Membres à renforcer leur législation et à procéder à des enquêtes et des poursuites sur les violences sexuelles afin de garantir une justice accessible et axée sur les rescapées.  Mme Patten a également précisé que le principe de responsabilité, bien qu’important et indispensable, ne peut se substituer aux normes internationales.  Le rapport liste 49 parties suspectées de commettre ou d’être responsables de violence sexuelle dont 70% sont des auteurs de violence systématique inscrits à la liste depuis cinq ans.  L’inscription à la liste de sanctions devrait améliorer le respect du droit international, a insisté la Secrétaire générale adjointe. 

En conclusion, elle a recommandé des mesures pour renforcer la prévention et l’alerte précoce des menaces de violence sexuelle, ainsi que pour endiguer le flux d’armes légères et de petit calibre, garantir la réforme de la justice et du secteur de la sécurité, et faire entendre les voix des rescapés et des communautés touchées.  Il faut en outre renforcer la mise en œuvre de le résolution 1888 (2009), notamment ses dispositions sur l’Équipe d’experts sur l’état de droit et les violences sexuelles commises dans les conflits, l’action des Nations Unies contre les violences sexuelles dans les conflits ou encore les conseillers pour la protection des femmes.  Le fonds d’affectation multipartite sur les violences sexuelles dans les conflits devrait être financé de manière adéquate, a ajouté Mme Patten.  D’autres recommandations sont disponibles dans le rapport spécial sur les femmes et les conflits qui ont subi des grossesses en raison de violences sexuelles dans les conflits et sur les enfants nés de ces violences sexuelles qui a été distribué en janvier, a-t-elle aussi signalé. 

Mme NADIA MURAD, prix Nobel de la paix et ambassadrice de bonne volonté de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a constaté que chaque fois qu’un conflit armé éclate n’importe où dans le monde, « viols et brutalités s’ensuivent », comme c’est actuellement le cas en Ukraine.  La violence sexuelle n’est pas un effet secondaire du conflit, c’est une tactique de guerre aussi vieille que le monde lui-même, a-t-elle souligné.  Des organisations comme Daech ont compris l’effet déstabilisateur de la violence sexiste et nous devons en faire autant, a préconisé Mme Murad, qui a rappelé que la communauté yézidie à laquelle elle appartient a été prise pour cible par ce groupe en 2014. 

Elle a souligné que les poursuites judiciaires sont l’une des formes les plus visibles de la lutte contre l’impunité, a-t-elle rappelé, en se félicitant que, l’an dernier, un tribunal allemand ait condamné pour la première fois au monde un membre de Daech pour génocide.  Jugeant le moment venu de traduire Daech en justice pour génocide et violences sexuelles, elle a appelé à renvoyer l’affaire à la Cour pénale internationale ou à établir une cour hybride par traité pour poursuivre les crimes commis par ce groupe.  En attendant, d’autres nations devraient suivre l’exemple de l’Allemagne et utiliser le principe de la compétence universelle pour juger les criminels de guerre pour les atrocités qu’ils commettent, y compris la violence sexuelle.  Ces procès doivent se dérouler dans la transparence pour les survivants, qui méritent d’être entendus par les tribunaux, a plaidé la prix Nobel de la paix.  

Considérant que réparations et reconnaissance font partie intégrante de la justice, Mme Murad a rappelé qu’elle avait cofondé Global Survivors avec le docteur Mukwege, afin de fournir des réparations provisoires aux survivantes de violences sexuelles commises en période de conflit.  Elle a estimé que le Conseil de sécurité devrait créer un poste d’envoyé spécial pour mettre fin aux souffrances des Yézidis en Iraq, en vertu de la responsabilité morale de ne pas abandonner les rescapés du génocide.  Mais, a-t-elle ajouté, il ne suffit pas de parler de responsabilité et de prévention en temps de crise.  Des engagements à long terme sont nécessaires pour faire progresser l’égalité entre les sexes dans le monde, cruciale pour la démocratie.  À ses yeux, cela signifie lutter contre les préjugés et les stéréotypes sexistes partout où ils se manifestent: dans les foyers et les familles ainsi que dans les systèmes éducatifs.  Et cela signifie reconnaître que ce qui est vrai en temps de conflit est vrai en temps de paix: si nous voulons des communautés fortes et stables, nous devons écouter les femmes. 

C’est pourquoi Mme Murad a dit avoir hâte de rejoindre Lord Ahmad demain pour rendre officiellement public le Code Murad, un ensemble de directives visant à changer les normes relatives à la façon dont les journalistes, les enquêteurs et toute personne chargée de documenter et d’enquêter sur les violences sexuelles liées aux conflits interagissent avec les survivantes.  Ces directives, a-t-elle précisé, ont été façonnées en consultation avec des survivantes du monde entier et visent à promouvoir un plus grand respect, une meilleure compréhension, la transparence et la « guérison ».  La responsabilité peut être un élément crucial de la prévention - mais seulement si elle inclut une justice significative, des services, un soutien dont les survivantes ont besoin et l’objectif ultime de faire progresser l’égalité entre les sexes dans le monde. 

Mme MARIANA KARKOUTLY, cofondatrice de l’ONG Huquqyat, composée d’avocates et de juristes qui luttent pour la responsabilisation des auteurs de crimes en Syrie, a rappelé que ses concitoyens et concitoyennes vivent dans une situation de dictature depuis plus de 10 ans.  Une situation qui a engendré la mort de plus de 350 000 personnes, la détention arbitraire ou la disparition forcée d’une dizaine de milliers de personnes, le déplacement de près de 13 millions de personnes, en plus des 14 millions qui ont besoin d’aide humanitaire.  Les forces du Gouvernement syrien et les groupes armés continuent de mener une politique d’assassinat, de torture et de violences sexuelles et basée sur le genre contre la population civile, a-t-elle témoigné, regrettant que le Conseil de sécurité n’ait pas pris de mesures pour que les auteurs soient incriminés.  Elle a aussi déploré que des membres du Conseil aient empêché des actions urgentes en Syrie, déchargé le régime syrien de sa responsabilité et exercé à 16 reprises leur droit de veto contre les résolutions pour l’aide humanitaire et l’enquête sur l’utilisation d’armes chimiques contre la population civile. 

Rappelant que des violences sexuelles et basées sur le genre contre la population civile sont perpétrées à travers la Syrie depuis 2011, Mme Karkoutly y a vu un « élément dévastateur et omniprésent » du conflit syrien et des attaques systématiques contre les civils, « ce qui revient à des crimes contre l’humanité ». En tant qu’enquêtrice indépendante depuis 2020, elle a dit travailler avec le soutien du Centre syrien pour la justice et la responsabilité sur la constitution de dossiers contre les membres du « régime d’Assad » responsables des crimes contre la population civile.  À ce jour, a-t-elle indiqué, nous avons récolté 54 témoignages, notamment ceux de survivantes et survivants de violences sexuelles.  Selon elle, on estime qu’au cours des 10 dernières années, plus de 150 000 personnes ont été arrêtées, détenues ou ont disparu de manière arbitraire en Syrie et que pas moins de 9 700 femmes le sont encore.  Ces femmes - avocates, journalistes, activistes et autres - ont été détenues pour s’être opposées au régime, mais aussi souvent pour punir ou menacer les hommes dissidents de leurs familles, a expliqué la cofondatrice de Huquqyat.  Dans les centres de détention, les femmes ont fait face à toute sorte de violences sexuelles, y compris le viol, la torture, le harcèlement, les chocs électriques sur les parties génitales, les fouilles corporelles, les avortements forcés et la nudité, a-t-elle détaillé, avant de préciser que nombre des survivant(e)s de viols et de violences sexuelles en détention, estimé(e)s à plusieurs milliers, n’ont pas pu porter plainte contre ces crimes par peur d’être marginalisé(e)s ou puni(e)s encore plus sévèrement. 

La discrimination et la violence faite aux femmes et aux filles qui ont été détenues ont engendré l’abandon, le divorce, les soi-disant « crimes d’honneur » et le suicide, a poursuivi Mme Karkoutly, accusant le régime syrien d’avoir utilisé l’arrestation et la détention des femmes ainsi que la non-transmission d’information auprès de leur famille comme un « instrument clef dans la répression de l’opposition » depuis 2011.  De fait, a-t-elle souligné, le « régime » mène une politique où la violence basée sur le genre est utilisée comme « arme de guerre ». Ses exactions ont pu avoir lieu grâce à un système législatif corrompu et une discrimination contre les femmes et les filles omniprésente en Syrie, qui limite leur accès à l’immobilier, à l’achat de terrain, aux droits de propriété, à la garde de leurs enfants et à leur sécurité.  Par ailleurs, la violence faite aux femmes n’a pas seulement lieu en Syrie, mais aussi dans les camps, les sites et les villes dans toute la région.  Par exemple, a-t-elle noté, 80% des 60 000 personnes vivant dans le camp de Hol, dans le nord-est de la Syrie, sont des femmes et des enfants qui subissent une violence continue.  

Consciente que la responsabilisation domestique est impossible tant que le « régime d’Assad » est au pouvoir, Mme Karkoutly a exhorté tous les États Membres de l’ONU à poursuivre les responsables dans le cadre de la compétence universelle, comme ont commencé à le faire plusieurs pays européens.  Elle a également demandé au Conseil d’appeler le Gouvernement syrien à respecter le droit international, à mettre fin aux attaques contre les civils et les infrastructures civiles, à garantir un cessez-le-feu national permanent, à mettre fin immédiatement à la torture et à la violence sexuelle, et à libérer toutes les personnes détenues arbitrairement.  Elle a, enfin, appelé le Conseil à saisir la Cour pénale internationale (CPI), à adopter une résolution sur la situation des détenu(e)s et des personnes disparues qui démontre l’obligation du Gouvernement syrien, en droit international, à enquêter et engager des poursuites sur tous les coupables de violences sexuelles, ainsi qu’à garantir la participation entière, égale et significative des femmes dans tous les processus politiques, de paix et de réconciliation, et à s’assurer que la Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles dans les situations de conflit l’informe régulièrement sur la pratique des violences sexuelles dont sont victimes les femmes et les filles en Syrie. 

Mme HILINA BERHANU, représentante de la société civile éthiopienne, s’est adressée au Conseil en tant que témoin des blessures liées aux violences sexuelles commises au Tigré, en tant que femme « qui porte la culpabilité de la survie et du silence ».  Aujourd’hui, a-t-elle dit, j’espère rendre justice aux millions de femmes éthiopiennes qui souffrent depuis le début (novembre 2020) de la guerre au Tigré et étendue aux régions voisines de l’Amhara et de l’Afar. 

Mme Berhanu a mis l’accent sur six points étayés par d’effrayants témoignages.  Premièrement, a-t-elle souligné, le viol a été perpétré systématiquement et utilisé comme tactique de guerre, étant conçu comme un moyen de représailles et utilisé comme un outil de liaison pour les membres des forces militaires alliées.  Elle a cité les cas de Blen, une serveuse de 21 ans de Badme, et d’une trentaine d’autres femmes tigréennes, qui ont été détenues contre leur gré et soumises à l’esclavage sexuel, à la famine et au viol collectif par un groupe de soldats érythréens et éthiopiens. 

Deuxièmement, la violence sexuelle est ethniquement motivée, a poursuivi l’intervenante en relevant des cas de viol avec des allégations de purification du « sang tigréen » et de mutilation de femmes pour empêcher la naissance de plusieurs générations de Tigréens, qui ont été couverts par différents rapports sur les droits humains.  Troisièmement, a dénoncé Mme Berhanu, la violence sexuelle est utilisée pour humilier les survivants et leurs communautés, étant souvent perpétrée devant des membres de la famille.  « Une femme amhara a été battue et violée en présence de son mari et de son enfant par deux membres des forces tigréennes.  Elle et son enfant ont vu son mari se faire tuer alors qu’il tentait d’arrêter l’agression. »  Des hommes et des garçons ont également été agressés sexuellement, a-t-elle encore ajouté. 

Quatrièmement, les femmes handicapées et d’autres communautés vulnérables ont été particulièrement exposées au cours de ce conflit, a témoigné la représentante de la société civile.  De nombreuses femmes handicapées ont été spécifiquement ciblées dans la région du Tigré pour avoir combattu lors de la guerre précédente.  Mme Berhanu a expliqué que le manque d’accès sur place a rendu difficile l’établissement des preuves des conséquences du conflit sur les communautés qui vivent dans des zones contestées à la frontière érythréenne, comme l’Irob et le Kunama au Tigré.  Cinquièmement, a-t-elle continué, le conflit dans le nord de l’Éthiopie et le siège effectif de la région du Tigré, en particulier, ont porté atteinte aux droits des femmes, y compris l’accès aux soins de santé génésique et au soutien psychosocial, amplifiant les effets de la violence sexuelle.  Mme Berhanu a raconté l’histoire de Kadija, une femme enceinte de neuf mois originaire de l’Afar, qui a fui la ville d’Aba’ala bombardée par les forces de défense tigréennes, avec ses cinq enfants et sa mère âgée.  «  Elle a accouché sous un arbre après avoir marché neuf jours. » 

Enfin, Mme Berhanu a attiré l’attention de la communauté internationale sur le sort des femmes d’autres communautés à travers l’Éthiopie, en particulier celles des Oromo, des Gumuz, des Konso, des Kimant, des Somali et de l’Ogaden, qui continuent de subir des violences sexuelles liées au conflit, y compris par les forces de l’État.  « Utilisez votre plateforme pour exiger que les efforts de documentation, d’enquête et de prévention des violences sexuelles dans les conflits soient centrés sur les survivants et menés de manière digne, sûre et confidentielle », a lancé en conclusion Mme Berhanu aux membres du Conseil de sécurité, « y compris les trois pays africains ».  Elle leur a demandé de défendre les travaux de la Commission internationale d’experts des droits de l’homme sur l’Éthiopie. 

Lord TARIQ AHMAD DE WIMBLEDON, Ministre dÉtat du Royaume-Uni pour l’Asie du Sud et centrale, l’Afrique du Nord, l’ONU et le Commonwealth, a salué le lancement du Code Murad, fruit de l’initiative de Nadia Murad et de « The Institute for International Criminal Investigations. »  Le Code Murad est un code international de conduite pour la collecte d’informations et de preuves fournies par les survivantes de violences sexuelles en temps de conflit, a-t-il déclaré, en appelant à suivre ce Code.  Il a ensuite plaidé pour que les survivantes soient au centre de tous les efforts de protection. Il a indiqué que son pays explore toutes les pistes pour un renforcement de l’action internationale dans ce domaine, y compris une nouvelle convention internationale.  Il a évoqué l’alarmante situation en Éthiopie et les allégations de violence sexuelle à grande échelle commise dans le Tigré notamment.  Le Gouvernement britannique a apporté une contribution de plus de 7 millions de livres sterling pour soutenir les survivantes dans le Nord de l’Éthiopie et améliorer l’établissement des responsabilités.  Il a salué la première condamnation prononcée à Coblence pour des faits de violence sexuelle commis en Syrie, avant d’apporter son soutien aux femmes afghanes qui font face à un niveau de violence parmi les plus élevés au monde.  « L’Islam est clair s’agissant de l’égalité des filles et des droits des femmes : nous continuerons de presser les Taliban sur cette question. »  M. Ahmad s’est enfin dit choqué par les « épouvantables témoignages » venus d’Ukraine.  Les allégations de viols et de violence sexuelle commis par les forces russes doivent faire l’objet d’une enquête approfondie, a-t-il dit, en souhaitant le renvoi de la situation en Ukraine à la CPI. 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) s’est particulièrement inquiétée que les violences sexuelles continuent d’être utilisées comme tactiques de guerre visant à déstabiliser et briser des communautés partout dans le monde.  Elle a appelé les gouvernements à ne pas se contenter de dénoncer ces crimes mais de poursuivre en justice sans relâche tous les auteurs de violences sexuelles.  Les gouvernements au lieu de nier ces crimes doivent les reconnaître pour y faire face, a encore dit la représentante avant d’appeler à cesser d’intimider les victimes et de les réduire au silence.  Elle a aussi dit la nécessité d’utiliser tous les outils diplomatiques pour que les responsables de ces violences ne jouissent d’aucune impunité.  La poursuite et la condamnation des auteurs de ces violences sexuelles est le meilleur moyen de décourager les futurs crimes en renforçant l’état de droit, a-t-elle souligné. La représentante a aussi appelé à autonomiser les rescapées, les écouter et répondre à leurs besoins en leur fournissant les outils et appuis nécessaires, notant que la garantie de justice est le meilleur moyen de faire en sorte que les rescapées deviennent des vecteurs de la paix.  Enfin, elle a aussi dit la nécessité d’établir des systèmes d’alerte précoce et de ripostes sexospécifiques dans le cadre d’une approche centrée sur les rescapées. 

Mme MONA JUUL (Norvège) a dit qu’elle est préoccupée par les rapports troublants de violences sexuelles commises contre les civils par les forces russes en Ukraine.  Alors que le Conseil discute encore de ce que signifie une approche globale, fondée sur les droits humains et centrée sur les survivants, il doit passer à la mise en œuvre effective, a exhorté la représentante qui a appelé à reconnaître les causes profondes des violences sexuelles et suggérer des mesures concrètes.  Elle a appelé à renforcer les capacités des forces de l’ordre, de la sécurité et du secteur militaire, tant dans les opérations de paix des Nations Unies que dans les institutions nationales, pour aider à renforcer les structures de responsabilité.  Il faut en outre s’attaquer aux inégalités structurelles et veiller à ce que les politiques et les plans d’action soient réellement utilisés. 

La représentante a aussi recommandé d’investir dans l’accès aux services de santé et juridiques, ainsi qu’à l’information louant les centres établis par le Fonds des Nations Unies pour la population notamment à Mossoul, en Iraq.  Elle a préconisé de placer les besoins des survivantes au centre des efforts afin de leur permettre de définir et concevoir ce qu’elles jugent être des mesures nécessaires pour la prévention, la protection et la responsabilité.  Elle a également insisté sur l’importance du financement et des ressources, dénonçant ensuite le manque de volonté politique, « l’éléphant dans la salle ».  Les États ont l’obligation d’agir conformément aux décisions du Conseil, a rappelé la déléguée insistant sur l’importance de la participation pleine, égale et significative des femmes comme une condition préalable à la paix et à la stabilité. 

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a considéré que le Conseil de sécurité doit faire davantage pour prévenir les violences dans les situations de conflit. Aussi sa délégation se félicite-t-elle de l’accent mis sur la prévention structurelle, le renforcement de la résilience et l’établissement des responsabilités dans le rapport du Secrétaire général de cette année.  La représentante a formulé plusieurs recommandations, la première étant de privilégier la réponse la plus efficace à la violence sexuelle et sexiste, à savoir la prévention, en s’attaquant aux causes profondes, notamment l’inégalité structurelle entre les sexes et les normes sociales préjudiciables.  Elle a aussi invité à poursuivre les auteurs pour qu’ils rendent des comptes dans le respect de l’état de droit, en renforçant la capacité des institutions nationales compétentes à cette fin dans les périodes post-conflit.  À la communauté internationale, elle a recommandé de tenir les groupes armés non étatiques responsables des violences sexuelles qu’ils ont perpétrées dans le cadre des conflits.  Les violations graves du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme exigent que justice soit rendue, a-t-elle insisté. Un outil puissant pour le Conseil de sécurité pour y parvenir est d’inclure la violence sexuelle liée aux conflits comme critère de désignation autonome pour les sanctions et de designer les individus et les entités chaque fois qu’ils sont responsables de la commission de tels actes, a fait valoir la représentante. 

M. T. S. TIRUMURTI (Inde) s’est alarmé de la persistance de la violence sexuelle, de même qu’une culture d’impunité, utilisée comme « tactique de guerre ».  Il a appelé les gouvernements nationaux à poursuivre la violence sexuelle en tant que crime à part entière.  À cette fin, l’ONU doit aider les autorités nationales à développer des capacités pour renforcer leurs cadres juridiques nationaux et structures d’enquête, particulièrement dans les situations post-conflit, a-t-il recommandé. Il a également estimé que les États Membres devraient adopter une approche centrée sur la prévention et la réponse à la violence sexuelle, conformément à la résolution 2467 (2019) qui vise à renforcer la justice et la responsabilisation. 

Poursuivant, le représentant a exhorté à briser les liens entre le terrorisme, la traite des personnes et la violence sexuelle dans les conflits armés.  De plus, le Conseil doit, selon lui, renforcer les régimes de sanctions et autres mesures ciblées pour utiliser pleinement son potentiel de dissuasion contre les auteurs de violences sexuelles dans les conflits armés.  Il a aussi invité les États Membres à prévoir un cadre propice à la participation et à l’inclusion des femmes dans la vie politique et les processus de prise de décision, faisant valoir à cet égard que l’Inde est passée de la féminisation du développement au développement dirigé par des femmes.  Nous préconisons ce principe pour atteindre une paix durable dans notre voisinage, y compris en Afghanistan, conformément avec la résolution 2593 (2021), a-t-il indiqué. 

M. LUIS GUILHERME PARGA CINTRA (Brésil) a jugé primordial de s’attaquer à la culture dominante de l’impunité en ce qui concerne les violences sexuelles commises en période de conflit en poursuivant les auteurs de tels crimes.  C’est aussi, comme le montre l’expérience, un outil important pour prévenir les scénarios horribles décrits dans les rapports à l’étude et de nombreux autres récits, a-t-il noté.  Pour le représentant, tous les signaux d’alerte sont au rouge.  Préoccupé par les allégations de violences sexuelles dans le conflit en Ukraine, il a réitéré ses appels à des enquêtes indépendantes urgentes et salué la participation d’experts d’ONU-Femmes qualifiés et expérimentés pour enquêter sur la violence, les abus et l’exploitation sexuels dans le cadre de la commission créée par le Conseil des droits de l’homme. 

Le Conseil de sécurité, a fait valoir le représentant, devrait répondre de manière appropriée à toutes les allégations de violences sexuelles dans les conflits inscrits à son ordre du jour.  Il s’agit de reconnaître le problème et de renforcer, le cas échéant, le mandat des opérations de maintien de la paix et des missions politiques spéciales afin de promouvoir « de véritables changements sur le terrain ».  Le délégué a cité en exemple la situation au Soudan du Sud où la violence sexuelle est utilisée comme arme de guerre.  Il a souhaité que le Conseil remédie de toute urgence au manque de financement qui l’empêche d’apporter une réponse satisfaisante et déployer suffisamment de conseillers pour la protection des femmes sur le terrain. 

Pour éliminer la cause des violences contre les femmes, il faut, a souligné M. BING DAI (Chine), régler les conflits par tous les instruments disponibles. Le représentant a insisté, à cet égard, sur l’importance de la lutte contre les groupes terroristes et de l’autonomisation des femmes, y compris leur participation pleine et entière aux efforts de maintien et de consolidation de la paix. Il a insisté  sur la souveraineté des pays en conflit, avant de saluer le courage de Mme Murad, rescapée de la violence sexuelle, et  d’évoquer le sort des femmes de réconfort en Asie de l’Est au siècle passé. Des milliers de femmes, d’origine chinoise, ont été réduites en esclavage sexuel par le Japon, a-t-il déclaré, déplorant les efforts de ce pays pour passer sous silence cette histoire tragique. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a appelé à donner la priorité à la prévention, invitant notamment le Conseil de sécurité à inclure celle-ci et la réponse aux violences sexuelles liées aux conflits dans la conception et le renouvellement des mandats des opérations de paix.  À cet égard, il a estimé que le déploiement de conseillers pour la protection des femmes s’est avéré très efficace pour garantir des informations rapides, précises et fiables sur ces violences.  M. Hoxha a ensuite appelé à améliorer la responsabilisation et à mettre fin à l’impunité par le biais d’institutions solides chargées de l’état de droit au niveau national.  Il a salué à ce propos le travail de l’équipe d’experts des Nations Unies sur l’état de droit et la violence sexuelle dans les conflits ainsi que les dispositions législatives types et les orientations sur l’enquête et la poursuite des violences sexuelles liées aux conflits, lancées par le Bureau du Représentant spécial chargé de ces questions.  Il a encouragé une approche plus coordonnée entre les États pour lutter contre l’impunité avant d’inviter le Conseil à intégrer la violence sexuelle comme critère spécifique des sanctions ciblées. 

Le représentant a plaidé pour la participation effective et sûre de la société civile, en particulier des organisations de femmes, dans les efforts de lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits, et ce à toutes les étapes, y compris la réparation et la réhabilitation.  Il a souligné le rôle crucial de ces organisations pour documenter les cas et appelé à protéger les femmes militantes, y compris les femmes défenseurs des droits humains, journalistes et artisans de la paix et celles qui travaillent directement sur ces violences.  En conclusion, il a exhorté les États Membres à être concrets dans toute la chaîne des étapes (prévention, protection, justice et réparation).  « Le cadre juridique ne vaut que s’il est mis en œuvre », a insisté M. Hoxha avant d’appeler à s’appuyer sur les récents récits de victimes de violences sexuelles en Ukraine comme un signal d’alarme.  « Aucun auteur ne doit rester impuni, ni en Ukraine, ni au Yémen, ni en RCA, ni au Kosovo. »

M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande) a déploré les cas choquants en Éthiopie qui ne sont pourtant qu’un échantillon du recours généralisé et systémique à la violence sexuelle.  L’année prochaine, a-t-il prévenu, nous risquons de discuter des témoignages similaires en Ukraine, où des informations crédibles parlent d’une violence sexuelle généralisée.  Rappelant les résolutions du Conseil de sécurité, le représentant a estimé que la véritable lacune réside dans la mise en œuvre de ces textes sur des actes qui pourraient constituer un crime de guerre et un crime contre l’humanité.  Il a réclamé l’intégration de la prévention de la violence sexuelle liée aux conflits dans tous les mandats élaborés par le Conseil et celle des conseillers à la protection des femmes dans les budgets des opérations de paix, en particulier pendant les processus de transition.  Le recours à des sanctions ciblées  est également un outil important mais sous-utilisé dont dispose le Conseil, a dit le délégué, avant d’insister sur une approche qui place les victimes au centre.  De nombreux facteurs exacerbent la violence sexuelle liée aux conflits mais la cause fondamentale, a martelé le représentant, ce sont les inégalités entre les sexes. 

Mme LILLY STELLA NGYEMA NDONG (Gabon) a relevé que la multiplicité des conflits et des crises multiformes exacerbe l’horrible phénomène des violences sexuelles dont les femmes sont les premières victimes.  Ce constat aberrant exige des membres du Conseil de sécurité qu’ils se mobilisent pour mettre un point final au cycle des violences sexuelles liées au conflit.  Elle a appelé à l’établissement des responsabilités pour les auteurs de violences sexuelles en période de conflit, ainsi qu’à l’inclusion, la participation et le renforcement de la résilience des femmes.  En effet, leur engagement soutenu aux processus de prévention et de résolution des conflits et de relèvement post-conflit permettent non seulement de parvenir à une paix plus durable, mais aussi de rendre des décisions en matière de justice transitionnelle plus justes et adaptées aux préjudices subis par les victimes.  De même, il est fondamental de faciliter l’accès à la réparation, qui est un élément clef dans la restauration de la dignité des victimes.  La représentante a également préconisé une approche préventive globale adaptée aux situations sur le terrain en utilisant les moyens et mécanismes existants tels que le renforcement des capacités institutionnelles des États, la réforme du secteur de la sécurité et la sensibilisation des populations concernées. 

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a constaté que les abus sexuels et le viol sont utilisés, avec une fréquence sans précédent, comme une « arme de guerre », notamment en RDC et en Éthiopie, mais aussi en Afghanistan, au Myanmar, au Soudan et au Yémen, où des violences sexuelles ont été perpétrées contre des militants politiques.  Il a regretté qu’en dépit du cadre réglementaire existant, l’impunité continue d’être la norme et l’accès des victimes à la justice reste exceptionnel.  Pour y remédier, le représentant a recommandé de renforcer les mécanismes de responsabilisation et de former les policiers et les experts pour qu’ils enquêtent avec une approche de genre. Il a également appelé à garantir l’accès à la justice des victimes de violences sexuelles grâce à des mécanismes de plainte fiables et des mesures de réparation.  Il faut aussi saisir les instances internationales, dont la CPI, des cas que les autorités nationales ne sont pas en mesure de traiter et adopter des mesures globales axées sur le genre, l’intersectionnalité et les droits humains, centrées sur les survivants et conçues avec leur participation.  Il convient, en outre, de répondre aux besoins des hommes, des garçons, et des personnes LGBTI+ victimes de violences sexuelles dans les conflits, tout en reconnaissant les femmes cheffes de file de la société civile comme des alliées dans la prévention et le traitement des violences sexuelles.  Le délégué a aussi demandé davantage de conseillers pour la protection des femmes dans les opérations de paix ainsi que dans les bureaux des coordonnateurs résidents et des affaires humanitaires des Nations Unies. 

M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a indiqué que les travaux de prévention et de lutte contre les violences sexuelles à toutes les étapes des conflits armés relèvent avant tout de la compétence des États.  Il s’est dit préoccupé par la situation en Syrie « occupée par les forces des États-Unis », où des personnes sont victimes de viols et de traitements cruels.  Dans les camps de déplacés, a-t-il insisté, la prostitution et la criminalité prospèrent ainsi que les mariages forcés.  Il s’est par ailleurs indigné des accusations infondées sur les soldats russes s’acquittant de leur mandat dans le cadre de l’opération militaire spéciale en Ukraine, fustigeant « la guerre de l’information irraisonnée » menée contre la Russie par l’Ukraine et ses protecteurs occidentaux.  Les soldats russes sont soumis à des règles strictes, a-t-il défendu. 

Le délégué a ensuite dénoncé les violences sexuelles perpétrées par les « radicaux ukrainiens » qui, a-t-il affirmé, suivent à la lettre les tactiques des terroristes de Daech, notamment dans le Donbass.  Déplorant la déferlante de meurtres commis contre la population ukrainienne suspectée de ne pas être loyale au régime, il a pointé les exactions des  « Nazis du bataillon Azov » dans la ville de Marioupol ou encore les punitions corporelles infligées par les nationalistes qui s’en prennent à ceux qui fuient l’est de l’Ukraine.  Il a aussi averti que le conflit en Ukraine facilite l’industrie de la traite de réfugiés ukrainiens en Europe.  Enfin, le délégué a appelé le Conseil à ne pas taire ces tendances préoccupantes ni les crimes de nature sexuelle commis par les soldats ukrainiens.

Toutes les sociétés doivent vaincre la culture de l’impunité si elles veulent alléger les souffrances des victimes de violence sexuelle, a dit M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana).  Il a jugé important de sensibiliser les consciences sur l’acuité de la menace de cette violence et insisté sur la peur des représailles et l’aide insuffisante aux victimes.  Il a demandé des mesures ciblées contre les auteurs de violence sexuelle et souhaité que les États érigent en infraction pénale la violence sexuelle en temps de conflit.  Il a réclamé des ressources financières pour le déploiement au sein des missions onusiennes de conseillers sur l’égalité des sexes.  L’indifférence est la pire ennemie de ce Conseil s’agissant de ce dossier, a conclu le délégué. 

Mme NATAHLAIE BROADHURST ESTIVAL (France) a salué le témoignage de Mme Murad et du docteur Mukwege, avant de dire sa fierté de voir la France contribuer à hauteur de 6,2 millions d’euros au Fonds mondial pour les survivants et de siéger dans son Conseil d’administration.  Elle a ensuite soutenu la mise en place de projets pilotes en Iraq, en République centrafricaine, au Soudan du Sud et au Nigéria, où un projet soutiendra le retour à l’école ou la formation de filles enlevées par Boko Haram.  Ces différentes initiatives s’appuient sur des partenaires locaux pour fournir un accès à des réparations médicales, physiques et psychologiques ou encore financières. 

En dépit des avancées, la représentante a condamné la persistance d’une culture de l’impunité et dénoncé les représailles contre les défenseurs des droits de l’homme.  Si le cadre normatif est robuste, la mise en œuvre est insuffisante, a tranché la représentant, en notant que 49 parties sont encore listées dans l’annexe du rapport du Secrétaire général.  Elle s’est enorgueillie de l’action de son pays et la Suède pour créer une équipe d’enquête sur les crimes commis contre les Yézidis, en Syrie et en Iraq.  À cet égard, elle a souligné le rôle indispensable de la Cour pénale internationale (CPI) et exhorté le Conseil à utiliser tous les outils à sa disposition, notamment les sanctions, qui représentent une mesure de dissuasion insuffisamment appliquée. 

La représentante a attiré l’attention sur le lancement du Pacte femmes, paix et sécurité et action humanitaire lors du Forum Génération Égalité.  Au niveau national, c’est le sens de l’adoption du troisième Plan d’action sur le programme femmes, paix et sécurité.  Elle a aussi mis l’accent sur la conférence que compte organiser l’Union européenne sur le rôle des femmes dans les processus de médiation. 

M. MARTIN KIMANI (Kenya) a proposé d’intensifier les efforts des États Membres pour prévenir les violences sexuelles liées aux conflits et mener des enquêtes. Il a appelé à lutter efficacement contre la stigmatisation, les lois discriminatoires et les autres obstacles culturels qui entravent le signalement et le principe de responsabilité. Le représentant a plaidé en outre pour un secteur de la sécurité sensible au genre et inclusif et pour des réformes juridiques, avant de recommander de faciliter l’accès à la justice et aux soins médicaux et psychosociaux pour les victimes.  Il a aussi demandé de placer la barre plus haut s’agissant de la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité.  Il a d’ailleurs demandé à celui-ci de prendre des mesures spécifiques et des mesures dissuasives pour faire payer plus cher les actes de violence sexuelle liés à un  conflit.  Il a suggéré à cette fin d’intégrer et d’investir davantage dans les programmes de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent.  Il a aussi prôné une coopération transfrontalière plus efficace entre le personnel de sécurité aux frontières, les mécanismes d’alerte précoce, les conseillers nationaux et régionaux pour la protection des femmes et les acteurs humanitaires, afin de réduire au minimum les lacunes en matière de prévention et de signalement.  Enfin, il a appuyé les stratégies visant à intégrer les postes des conseillers pour la protection des femmes dans les budgets des opérations de paix de l’ONU, en particulier pendant les processus de transition, conformément à la résolution 2594 (2021). 

Mme  MARTA LUCÍA RAMÍREZ, Vice-Présidente et Ministre des affaires étrangères de la Colombie, a indiqué que son pays a, conformément aux recommandations du Secrétaire général, mis l’accent sur le genre dans la mise en œuvre de l’Accord de paix.  Aussi 59% des 51 indicateurs de genre du plan-cadre de mise en œuvre, ont-ils été finalisés ou sont très avancés.  Ces trois dernières années, l’accès des femmes rurales au crédit a augmenté de 28%, pour atteindre plus de 176  000 en 2021.  Quelque 37% des projets productifs financés dans les municipalités du Programme de développement avec une approche territoriale (PDET) sont dirigés par des femmes.  En ce qui concerne l’accès à la justice, la Colombie dispose d’une législation qui garantit aux victimes des violences sexuelles liées au conflit le droit aux réparations.  Sous ma direction, a indiqué la Vice-Présidente, nous avons mis en place un modèle de « justice à la porte » pour les femmes rurales qui doit continuer à être renforcé.  Elle a plaidé pour l’égalité des sexes dans le secteur de la défense, mentionnant une politique qui a renforcé les protocoles visant à prévenir et à combattre toute forme de violence à l’égard des femmes, y compris la violence sexuelle.  Ces protocoles sont déjà mis en œuvre aux niveaux national et régional.  De même, le Gouvernement a augmenté de 38% la participation des femmes aux Forces de sécurité. 

M. MAHMOUD DAIFALLAH HMOUD (Jordanie) a estimé que la formation, l’intégration des politiques, le renforcement du suivi, les mécanismes de signalement et la sensibilisation sont des éléments cruciaux de toute stratégie réussie de lutte contre les violences sexuelles, notamment pour les missions de paix.  Le délégué a ajouté que, malgré ses faibles ressources, la Jordanie, pays d’accueil de millions de réfugiés, a mené de nombreuses activités de sensibilisation qui ont pour objectif de changer les normes sociales et promouvoir l’égalité des genres avec un accent particulier sur la prévention des mariages d’enfants et de la violence sexuelle et sexiste.  À ses yeux, il convient de veiller à ce que les mécanismes onusiens, internationaux et nationaux existants pour lutter contre la violence sexuelle soient soutenus et reçoivent les ressources nécessaires pour fournir un appui aux survivants et prévenir de futures tragédies.  Le représentant également plaidé pour que les États harmonisent leur législation pénale afin de supprimer tout obstacle procédural à la poursuite des crimes sexuels.  En effet, a-t-il souligné, la mise en œuvre effective de la responsabilité pénale est un important moyen de dissuasion contre la commission de tels crimes.  Enfin, il a souhaité que soit garantie l’égalité d’accès aux soins médicaux et au soutien psychologique pour toutes les victimes de violences sexuelles en temps de conflit et dans les situations post-conflit. 

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) s’est alarmée de l’accumulation des signalements de viols en Ukraine.  Plusieurs femmes et filles ont raconté les violences et abus sexuels qu’elles ont subis aux mains des soldats russes.  « Ce que nous entendons est horrible.  Nous ne pouvons pas rester silencieux face à de telles atrocités ».  Il ne faut pas non plus oublier ce qui s’est passé et continue de se passer dans d’autres parties du monde, en Syrie, au Yémen, au Soudan du Sud, au Nigéria, en RDC, en Afghanistan, en Iraq, en Éthiopie, au Myanmar et ailleurs, a plaidé le délégué.  Elle s’est préoccupée du fait que les enfants, en particulier les filles, sont vulnérables à la violence sexuelle à l’école ou sur le chemin de l’école.  Il a également noté que la violence sexuelle liée aux conflits est tout aussi traumatisante pour les femmes, les filles, les hommes, les garçons et les personnes ayant une orientation sexuelle, une identité ou une expression de genre et des caractéristiques sexuelles diverses.  La justice et la responsabilité devant être des éléments cruciaux de la réponse, une plus grande sensibilisation est nécessaire à cette fin, et les survivants doivent rester au centre de nos efforts.   Selon lui, les victimes doivent avoir accès à des ressources pour lutter contre les formes de discrimination multiples et croisées auxquelles elles sont confrontées, tandis qu’un soutien psychologique et médical plus sexospécifique doit être assuré. 

Mme MYRIAM OEHRI (Liechtenstein) a déploré les violations systématiques du droit international commises en Ukraine du fait de l’agression russe et a demandé des enquêtes rapides de la CPI sur les allégations de violence sexuelle.  La déléguée a aussi appelé à ce que la violence sexuelle soit incluse dans les critères d’inscription sur les listes des sanctions.  Elle a évoqué la Syrie et loué le travail du Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011.  Après avoir relevé que les conflits et les déplacements augmentent les risques de traite sexuelle, la déléguée a souligné l’importance du secteur financier pour l’autonomisation des femmes, en insistant sur l’appui du secteur aux réfugiés ukrainiens dans son pays. 

Mettant l’accent sur l’établissement des responsabilités, M ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a expliqué que son pays soutient financièrement depuis 2014 les activités du Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général sur la violence sexuelle liée aux conflits.  Il a indiqué que son pays est devenu membre du Conseil d’administration du Fonds mondial pour les survivants de violences sexuelles, avant d’annoncer une nouvelle contribution de deux millions de dollars qui s’ajoutera aux quatre millions déjà donnés pour garantir des réparations aux survivants.  Depuis 2014, le Japon, a-t-il dit, soutient le Fonds au profit des victimes de la Cour pénale internationale (CPI).  Le représentant a appelé à une coopération internationale renforcée pour promouvoir l’accès à la justice et l’assistance à toutes les victimes de violences sexuelles dans les situations de conflit, post-conflit et autres situations de vulnérabilité, y compris les situations postcatastrophe et postpandémie.  Très préoccupé par le nombre croissant de rapports alarmants sur la violence sexuelle, le représentant a réclamé à tous les États membres des mesures efficaces pour protéger et répondre aux besoins des victimes. 

M. ROBERT KEITH RAE (Canada) qui s’exprimait au nom de 64 États membres du Groupe des amis des femmes, de la paix et de la sécurité, a dit être préoccupé par le recours persistant et généralisé à la violence sexuelle en toute impunité par des acteurs étatiques et non étatiques dans de nombreux conflits dans le monde, notamment en Ukraine où elle frappe de manière « horrible » les femmes et les enfants.  Il a demandé l’ouverture immédiate d’une enquête indépendante sur ces allégations.  Il a exhorté à traduire en justice les responsables de violences sexuelles liées aux conflits, par la justice nationale ou, le cas échéant, internationale.  Les États Membres doivent lutter contre l’impunité en renforçant l’état de droit, la protection, les enquêtes et les poursuites engagées par des systèmes judiciaires indépendants et sensibles au genre, a-t-il ajouté.  Le délégué a encouragé le Conseil de sécurité à incorporer et à appliquer la violence sexuelle comme critère de désignation dans les régimes de sanctions de l’ONU.  Il faut aussi démanteler tous les obstacles structurels et institutionnels, y compris les inégalités, la stigmatisation, la discrimination, l’intimidation et la crainte de représailles qui empêchent les survivantes de dénoncer en toute sécurité ces violences.  Les victimes doivent avoir accès aux services de santé sexuelle et reproductive, a-t-il ajouté. 

Le représentant a appelé toutes les parties à garantir un environnement sûr et propice à la société civile, y compris les femmes bâtisseuses de la paix et les défenseuses des droits humains, afin qu’elles accomplissent leur important travail, sans intimidation, violence ou représailles.  La prévention commence par un engagement en faveur de l’égalité des sexes, de l’autonomisation des femmes et des filles dans diverses situations et conditions, de la protection et de la promotion des droits de l’homme, a déclaré le délégué en exhortant le Conseil à mettre l’accent sur la prévention de ladite violence et à renforcer les systèmes d’alerte rapide en déployant des conseillers pour la protection des femmes dans toutes les situations préoccupantes, ainsi qu’à fournir une assistance aux survivantes.  Les rescapés doivent demeurer au cœur de tous les efforts visant à prévenir et à répondre à ces violences, conformément à la résolution 2467 (2019) et au droit international, a conclu le représentant en mettant l’accent sur leurs besoins, leurs perspectives, leurs droits et leur dignité. 

Mme YOKA BRANDT (Pays-Bas) a appelé à renforcer l’établissement des responsabilités en matière de violences sexuelles dans les conflits, soulignant que le leadership des survivantes est un élément essentiel de la réponse à la violence sexuelle et une condition préalable pour améliorer l’accès à la justice.  De plus, il faut continuer à investir dans la société civile en tant qu’acteur clef de la démocratie et de l’État de droit, a recommandé la représentante qui a appelé à mettre en œuvre les recommandations des défenseuses des droits humains sur la manière dont les missions diplomatiques peuvent les protéger et leur garantir l’accès à un financement flexible.  Enfin, il faut renforcer les mécanismes permettant de demander des comptes aux auteurs de violences sexuelles, tant au niveau national qu’international. La déléguée a donc appelé les autorités nationales à renforcer l’État de droit pour poursuivre les auteurs de violences sexuelles et sexistes.  Trop souvent, ces crimes sont traités par des mécanismes de médiation locaux, qui manquent d’outils et de capacités appropriés pour traiter ces cas et fournir une orientation axée sur les survivantes , a-t-elle observé. 

M. BOSTJAN MALOVRH (Slovénie) a regretté le climat d’impunité qui continue d’entourer les crimes sexuels dans le monde et a souhaité que davantage soit fait pour combler le fossé entre l’état normatif et l’état des lieux sur le terrain. Rappelant qu’il incombe à tous les États de prévenir les violences sexuelles liées aux conflits et d’assurer la responsabilité de tels actes, il a plaidé pour une meilleure administration de la justice et une meilleure assistance aux victimes de telles violences liées aux conflits, ce qui, selon lui, passe par un renforcement des connaissances sur la question avant même que le conflit armé éclate. Il a également jugé qu’une approche centrée sur les survivantes pour prévenir et répondre aux violences sexuelles liées aux conflits est essentielle, de même qu’un accès aux services de santé sexuelle et reproductive et au soutien psychosocial et économique pour les victimes et les survivantes.  À cet égard, il a plaidé pour le déploiement de conseillers pour la protection des femmes dans les opérations de paix de l’ONU.  Après avoir souligné la forte implication de son pays dans la prévention et la réponse à la violence sexiste, notamment au Liban et en RDC, le délégué a conclu sur une condamnation des violences sexuelles liées au conflit en Ukraine, parlant à leur sujet de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. 

M. RYTIS PAULAUSKAS (Lituanie) a indiqué que la Russie commet des crimes de guerre en Ukraine, notant que les femmes sont les premières touchées.  Les soldats russes semblent utiliser le viol comme arme de guerre, a-t-il précisé.  Relevant que des mineurs auraient été aussi violés, il a avoué son « horreur ».  Il a observé que les violences de l’armée russe ont pour but de détruire le moral et la résistance des Ukrainiens.  La Russie doit rendre des comptes, a réclamé le délégué en appuyant le travail du Procureur de la CPI.  Il a, enfin, déploré que l’impunité soit toujours d’actualité, que ce soit en Ukraine, en Syrie, au Myanmar et ailleurs, et appelé à y remédier. 

Mme CAROLYN SCHWALGER (Nouvelle-Zélande) a déclaré que la Nouvelle-Zélande faisait partie des 13 signataires d'une déclaration commune de novembre 2021, qui condamne le recours à la violence sexuelle et au viol comme arme de guerre, en faisant une « ligne rouge », semblable à l’utilisation des armes chimiques.  Tenir les auteurs responsables, qu’ils soient des États, des acteurs non étatiques ou des individus, doit être une priorité, tout comme le soutien aux survivants, a insisté la représentante. Elle a jugé troublant que ces crimes soient devenus quotidiens dans certains pays, notamment l’Éthiopie, l’Afghanistan, le Soudan du Sud, la République démocratique du Congo, l’Iraq et l’Ukraine.  Elle a appelé à renforcer les réponses internationales et nationales en soutien à l’architecture de la responsabilité juridique, y compris l’initiative du Royaume-Uni pour une nouvelle convention sur la violence sexuelle liée aux conflits.  La prévalence de la violence sexuelle dans les conflits se poursuivra si la culture de l'impunité n'est pas combattue, a-t-elle prévenu avant d’exhorter les États Membres à adopter des politiques pour combattre cette impunité en poursuivant les auteurs de ces crimes. 

M. ANTJE LEENDERTSE (Allemagne) s’est dit consterné par les informations faisant état de violences sexuelles et sexistes contre des femmes et des enfants en Ukraine, commises par les forces armées russes et des mercenaires.  « Les images et les récits de Boutcha sont choquants; des crimes graves ont été commis. »  L’Allemagne, a assuré le délégué, est solidaire de tous les Ukrainiens, y compris les femmes et les filles, dans toute leur diversité, touchés par la guerre d’agression non provoquée de la Russie en Ukraine.  En Afghanistan, a-t-il poursuivi, des femmes et des jeunes filles sont quotidiennement victimes de mariages forcés et de violences sexuelles et sexistes; au Myanmar, une violence généralisée et systématique est apparue depuis le coup d’État militaire, avec une force excessive, y compris des violences sexuelles et sexistes, contre des manifestants, des journalistes, des militants, des femmes artisanes de la paix et des femmes dirigeantes.  Les nombreuses femmes et filles déplacées de Syrie sont aussi confrontées à des risques accrus de violence sexuelle et sexiste ainsi que de mariage forcé et précoce.  Enfin, le délégué a mentionné les cas de violences sexuelles contre des femmes, des enfants et des hommes yéménites que le Groupe d’éminents experts à Genève a documentés dans ses rapports.  Une approche centrée sur les survivants est essentielle pour prévenir et répondre à ces violences, a-t-il conclu.  En 2021, l’Allemagne a financé 26 projets humanitaires avec des composantes essentielles de violence sexiste, pour un montant total de plus de 80 millions de dollars, ce qui a fait d’elle le plus grand donateur de la Conférence des donateurs d’Oslo, a signalé le représentant avant de mentionner aussi que son pays est le plus grand donateur pour l’appel spécial du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). 

M. TIYANI RAYMOND SITHOLE (Afrique du Sud) a jugé urgent de rediriger l’attention sur les lacunes constatées dans la mise en œuvre complète et efficace de toutes les résolutions du Conseil de sécurité relatives aux femmes, et à la paix et à la sécurité et visant à lutter contre la violence sexuelle liée aux conflits.  Il a appelé à concentrer les efforts sur les mesures préventives aux niveaux national, régional et international en prenant des mesures urgentes et concrètes, politiques et opérationnelles, pour renforcer les mécanismes d’atténuation des risques.  Il a également fait remarquer que les réformes politiques et sociales permettent de créer des environnements sûrs, propices au signalement des incidents de violence sexuelle. En outre, il est important de s’attaquer aux moteurs du conflit, aux barrières structurelles et systémiques, aux stéréotypes discriminatoires, à la pauvreté et à l’inégalité afin de traiter de manière holistique la violence sexuelle dans les situations de conflit, a-t-il ajouté.  À cet égard, le délégué a jugé indispensable d’améliorer les systèmes d’alerte et de réponse précoces, y compris dans les périodes d’instabilité politique, de montée de l’extrémisme violent, de déplacements forcés et d’escalade des conflits armés, afin d'élaborer des réponses plus adaptées pour contrer les actes de violence sexuelle dans les situations de conflit. 

M. OLIVIER MAES (Luxembourg) a observé qu’en dépit des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité depuis 2008, la violence sexuelle continue d’être utilisée comme arme de guerre, notamment en Ukraine, au Myanmar, en Syrie, en Éthiopie et au Soudan du Sud, et ce, dans un climat d’impunité presque totale. Notant que le viol et d’autres formes de violence sexuelle peuvent constituer un crime de guerre, un crime contre l’humanité ou un élément constitutif du crime de génocide, il a détaillé l’engagement de son pays sur ces questions, en particulier en RDC, où il participe à la prise en charge des victimes au Sud-Kivu, et en Iraq, où il aide une ONG qui aide les victimes yézidies de Daech.  Pour le délégué, il faut renforcer les cadres juridiques existants, promouvoir l’égalité des sexes et appuyer le travail de documentation des crimes commis par le biais des mécanismes d’enquête.  Pour mettre fin à l’impunité des auteurs de crimes et ainsi rendre justice aux survivantes, il a souligné le rôle clef de la CPI.  Un accès sans entrave à la justice et aux soins de santé et psychosociaux doit être assuré aux victimes, sans qu’elles aient à craindre des représailles.  Le représentant a encouragé le Conseil de sécurité à poursuivre ses efforts pour ajouter la violence sexuelle aux critères de désignation dans les régimes de sanctions. 

M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a souligné la résilience et l’humanité dans les efforts entrepris à tous les niveaux pour mettre fin aux cycles de violences sexuelles commises en période de conflit.  Le Conseil de sécurité et l’ONU doivent continuer de jouer leur rôle dans ce domaine, a-t-il dit.  L’Estonie s’est concentrée sur cette question pendant son mandat au Conseil, a rappelé le délégué, en assurant qu’elle poursuit aujourd’hui son travail.  Il a condamné la façon dont la Fédération de Russie mène la guerre en Ukraine et l’idéologie qui consiste à traiter les Ukrainiens comme des « sous-humains ».  Il faut agir maintenant pour mettre un terme aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité commis dans ce pays, a martelé le délégué.  À cet égard, l’Estonie soutient les efforts du Procureur de la CPI et des experts de la commission d’enquête.  Le pays a lui-même lancé des poursuites pénales dans le cadre de la compétence universelle et demandé la mise en place de services de santé sexuelle pour les rescapées des violences sexuelles.  Enfin, le délégué a insisté sur la désignation de la violence sexuelle comme critère distinct pour déclencher des sanctions ciblées.  Le Conseil de sécurité dans son ensemble doit commencer à percevoir ce fléau comme faisant partie intégrante de son travail, a-t-il conclu. 

M. OMAR KADIRI (Maroc) a dénoncé les groupes armés non-étatiques qui pratiquent ouvertement l’esclavage de femmes et de filles.  L’indignation ne suffit plus, a dit le délégué, en invitant à l’action.  Il faut, a-t-il martelé, remédier aux causes profondes des conflits et traduire en justice les auteurs de violations. Les femmes doivent participer aux efforts de paix dès le lendemain d’un conflit, a-t-il ajouté, avant de souligner le rôle des dignitaires religieux dans le signalement précoce d’actes de violence sexuelle dont les victimes doivent pouvoir échapper à la stigmatisation.  Répondant à son homologue sud-africain, il a souligné qu’au Sahara marocain, les droits des femmes sont respectés contrairement à l’Afrique du Sud où les violences contre les femmes sont des plus élevées. 

Mme MARIA THEOFILI (Grèce) a jugé indispensable que des enquêtes soient menées sur les allégations de violences sexuelles dans toutes les situations de conflit, y voyant un aspect essentiel de la dissuasion et de la prévention de ces crimes odieux.  Les auteurs de tels actes doivent être tenus responsables par les autorités nationales et, le cas échéant, par la justice internationale pertinente, a-t-elle insisté.  Dans ce contexte, elle a exhorté tous les États à adopter des engagements spécifiques pour prévenir et traiter les violences sexuelles liées aux conflits, protéger les survivants et traduire les auteurs en justice.  Il faut aussi protéger les acteurs de la société civile et en particulier les femmes défenseuses des droits humains, y compris les femmes journalistes, qui sont confrontées à des défis et des menaces croissants. 

La représentante a appelé à une approche centrée sur les survivants pour guider les efforts de paix, en mettant l’accent sur l’octroi de réparations justes, la garantie d’une assistance multisectorielle et l’accès à des services psychologiques et juridiques, entre autres.  Elle a ensuite indiqué que la Grèce a récemment rejoint le Groupe des Amis des femmes et de la paix et de la sécurité et que son premier plan national sur les femmes et la paix et la sécurité, qui sera adopté prochainement, accorde la priorité à la prévention de toutes les formes de violence sexuelle et sexiste liées aux conflits, ainsi qu’à l’aide aux femmes et filles survivantes. 

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a déclaré que les causes profondes de la violence sexuelle liée aux conflits ne peuvent être véritablement résolues que si la participation, l’autonomie et les droits des femmes sont garantis.  Il faut également lutter contre l’impunité aux niveaux local, national et global.  Il a appelé le Conseil à inclure des critères de désignation axés sur la violence sexuelle dans les régimes de sanctions, tout en se félicitant de leur utilisation croissante.  Il a ensuite indiqué par l’intermédiaire de la société civile, la Suisse aide les survivantes à faire valoir leurs droits en recueillant des preuves.  La Suisse a par exemple aidé des femmes rohingya à déposer des requêtes auprès de la CPI au nom de centaines de survivantes de violences basées sur le genre.  Enfin, a-t-il dit, les droits et besoins des survivantes et survivants, surtout leur santé et leurs droits sexuels et reproductifs, doivent figurer au cœur de nos actions.  Il a appelé à fournir des financements adéquats aux efforts de prévention et de réponse, y inclus les réseaux de solidarité communautaire, relevant en outre que les femmes défenseuses des droits humains sont en première ligne de la lutte contre la violence sexuelle. 

M. OLOF SKOOG, de l’Union européenne, s’est dit horrifié par les témoignages et les informations faisant état de cas de violences sexuelles et de viols perpétrés par des soldats russes en Ukraine.  Dénonçant aussi les attaques répétées des forces russes contre des personnes et des infrastructures civiles, il a assuré que ces crimes ne resteront pas impunis.  L’Union européenne, a dit le représentant, apporte son soutien aux enquêtes indépendantes et mais aussi victimes de violences sexuelles.  Il a appelé à l’action plutôt qu’aux débats et préconisé, en premier lieu, que toutes les parties étatiques et non étatiques à un conflit adoptent des engagements spécifiques pour prévenir et lutter contre ces violences.  Il faut aussi mettre un terme aux menaces contre les femmes artisans de la paix, médiateurs, journalistes, politiques, travailleurs humanitaires, dirigeants de la société civile et défenseurs des droits humains. 

L’Union européenne, a-t-il indiqué, mène actuellement des programmes pour soutenir les militantes en danger et les survivantes de violences sexuelles en Afghanistan, en Colombie, en Équateur, en Éthiopie, en Iraq, en Jordanie, au Soudan du Sud, au Soudan, en Syrie, en Turquie, en Ouganda, au Yémen et au Venezuela.  M. Skoog a salué les initiatives visant à renforcer les procédures judiciaires aux niveaux national, régional et international, notamment à travers la CPI, avant de réitérer son soutien à la décision du Conseil de sécurité de faire de la violence fondée sur le sexe un critère de désignation dans les régimes de sanctions de l’ONU. I l a milité pour une approche centrée sur les survivants et mis l’accent sur une assistance multisectorielle de qualité et accessible, psychologique, juridique et relative à la santé sexuelle et reproductive. La participation pleine, égale, effective et significative des femmes à toutes les étapes des processus de maintien et de consolidation de la paix doit être assurée, a conclu le représentant. 

Le représentant de la Fédération de Russie a réagi aux propos du délégué de l’Union européenne en indiquant que l’armée russe n’a pas commis les crimes dont elle est accusée.  Je m’attendais à ce que la Lituanie ou l’Estonie dise que les soldats russes violent des femmes et des enfants mais je ne m’attendais pas cela de vous, a déclaré le délégué russe. 

Le représentant de l’Union européenne a répondu qu’il n’y a de la part de sa délégation aucune russophobie ni sentiment négatif à l’égard de la population russe.  Mais, a-t-il ajouté, nous rejetons avec force l’agression commise par la Fédération de Russie à l’encontre de l’Ukraine. 

Mme GRBA (Turquie) a reconnu que le système de l’ONU a progressé dans la lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits, même si elle a noté un écart entre les intentions et l’action comme le révèle le dernier rapport du Secrétaire général sur la question. Ces crimes, a-t-elle mis en garde, conduisent à des déplacements internes et transfrontaliers et à une « re-victimisation » en cas de traite des personnes. Selon la déléguée, il est essentiel de renforcer le soutien apporté aux victimes, et notamment de leur permettre de prolonger leur séjour dans le pays ou elles ont trouvé refuge.  Il faut, a-t-elle insisté, assurer la reddition de la justice, la reconnaissance et des réparations aux rescapées de ces crimes horribles. L’impunité reste la norme et la justice reste beaucoup trop lente, a-t-elle répété. Appelant à recueillir des preuves pendant les conflits, elle a souligné que tous les acteurs, du Gouvernement à la société civile, ont un rôle important à jouer à cet égard. La déléguée a aussi demandé de déployer les ressources humaines et financières nécessaires pour envoyer des experts de ces questions dans les missions de paix. L’enjeu est de protéger la vie, les droits et la dignité des femmes, notamment des Ukrainiennes victimes des violences menées par les forces russes, a-t-elle conclu. 

M. IVAN ŠIMONOVIĆ (Croatie) a demandé aux États qui ne l’ont pas encore fait d’harmoniser leur législation pénale avec le droit international en ce qui concerne la violence sexuelle et à rejoindre le Statut de Rome de la CPI.  Il a signalé que les rescapés de violences sexuelles commises pendant la guerre en Croatie ont droit à un dédommagement, même si les responsables n’ont pas été appréhendés.  Enfin, le délégué de la Croatie a plaidé pour que soit menée une action plus forte dans la lutte contre l’impunité dans les cas de crimes sexuels. 

M. KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) a dit que la participation pleine, égale et significative des femmes à tous les aspects de la vie publique et des processus de paix est une condition fondamentale pour mettre fin aux violences sexuelles liées aux conflits. Il a expliqué que l’inclusion des femmes permet de garantir une approche centrée sur les victimes, y compris la réhabilitation des femmes survivantes, l’octroi de réparations et la responsabilisation après un conflit, ainsi que la mise en place de mécanismes de vérification excluant les auteurs de violences sexuelles des forces de sécurité.  Il s’est inquiété des témoignages de plus en plus nombreux faisant état de recours délibéré à la violence sexuelle comme tactique de guerre par les soldats russes en Ukraine.  Il a souligné que les déplacements massifs causés par la guerre ont accru les risques de toutes les formes de violence sexuelle et sexiste, pour exhorter ensuite la communauté internationale à veiller à ce que tous les auteurs, y compris les dirigeants, soient traduits en justice.  Le représentant a par ailleurs noté qu’une grande majorité des survivants ne signalent pas de tels actes par crainte de discrimination et de stigmatisation.  Il a également indiqué que son pays était parmi les premiers à avoir déféré la situation en Ukraine à la CPI. 

M. SERGIO AMARAL ALVES DE CARVALHO (Portugal) a appelé les États à utiliser tous les instruments à leur disposition pour assurer la mise en œuvre du cadre global de lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits.  À cet égard, le représentant a appuyé l’idée de faire de ces violences un critère de désignation dans tous les régimes de sanctions pertinents des Nations Unies.  Ce régime doit veiller à ce que tous les auteurs de violences soient traduits en justice et la justice pénale internationale, agir selon une approche intégrée et coordonnée pour collecter les preuves et suivre les procédures jusqu’à leur terme.  Mais, a estimé le représentant, il est plus important de prévenir la violence sexuelle que d’assurer la responsabilité des auteurs.  Aussi, l’investissement dans l’éducation et la formation aux droits de l’homme, dans l’autonomisation de toutes les personnes et dans la participation et le leadership pleins, égaux et significatifs des femmes à tous les niveaux décisionnels est déterminant pour assurer cette prévention, a affirmé le délégué. 

Mme ZAHRA ERSHADI (République islamique d’Iran) a estimé que prévenir et combattre la violence sexuelle pendant les conflits nécessite un effort collectif, lequel ne pourra être couronné de succès que si les causes profondes des conflits sont recherchées.  Nous pensons que mettre un terme à tous les conflits armés est le moyen le plus efficace de prévenir de tels crimes, a-t-elle ajouté, reconnaissant toutefois que tant que le terrorisme, l’extrémisme violent, l’occupation et les ingérences étrangères persisteront, une telle solution restera impossible, notamment dans la région instable du Moyen-Orient.  Pour la représentante, il est également essentiel de lutter contre l’impunité, de juger les auteurs de ces crimes et de garantir l’accès des victimes à la justice.  À cet égard, elle a constaté que la situation actuelle en Afghanistan a de graves répercussions sur les droits des femmes et des filles afghanes qui, selon un récent rapport de l’ONU, sont l’objet de violences systématiques et généralisées, dans le cadre d’une action concertée pour limiter leur participation à la vie publique et politique.  Les femmes afghanes doivent notamment pouvoir jouir de leur droit à l'éducation, au travail et à la participation politique, a plaidé la déléguée, avant de souligner l’importance de l’autonomisation des femmes et de leur participation à la prévention et au règlement des conflits.  Elle a par ailleurs estimé que les questions concernant les femmes et les filles doivent être traitées par l’Assemblée générale et des organes de l’ONU autres que le Conseil de sécurité.  Celui-ci, a-t-elle fait valoir, ne devrait aborder ces questions que lorsqu’elles concernent directement la paix et la sécurité internationales. 

Le représentant d’Italie a rappelé que la protection des droits des femmes et des filles en période de conflit est un engagement ancien pour son pays.  Il s’est toutefois dit préoccupé par le nombre accru de viols comme arme de guerre enregistrés dans le rapport du Secrétaire général.  Le délégué a condamné l’agression injustifié de l’Ukraine par la Fédération de Russie et soutenu le peuple ukrainien dans son ensemble ainsi que les victimes des violences perpétrées par les forces armées russes.  Il faut, a-t-il insisté, n’épargner aucun effort pour aider les survivants.  De façon générale, a dit le représentant, la prévention des violences sexuelles commence en temps de paix.  S’il existe un cadre international qui doit être mis en œuvre, il faut aussi un changement de paradigme pour promouvoir l’égalité des sexes et la participation accrue des femmes.  Les opérations de maintien de la paix jouent également un rôle important. L’Italie, a rappelé le représentant, a déployé des contingents formés à ces questions et promu une forte présence des femmes dans ses rangs.  Il a également jugé important d’aider les pays qui traversent des conflits à réformer leur système de justice et à renforcer l’état de droit. 

M. KARL LAGATIE (Belgique) s’est dit consterné par les allégations de violences sexuelles commises par la Russie en Ukraine.  Il a cité quelques lueurs d’espoir dans un panorama d’ensemble très sombre, en louant la volonté des autorités de la République démocratique du Congo (RDC) de combattre l’impunité.  Il a rappelé que les États sont les premiers responsables dans la lutte contre la violence sexuelle, avant d’appuyer le travail de la CPI et des tribunaux hybrides.  Il a souhaité que la violence sexuelle devienne un critère autonome d’établissement des sanctions par le Conseil.  Il a aussi plaidé pour que les survivantes puissent avoir accès à des soins obstétriques et reçoivent un soutien sur les plans juridique et psychologique.  Enfin, il a souligné l’importance de l’égalité entre les genres et de la participation des femmes pour faire reculer la violence qui les vise. 

Mme LACHEZARA STOEVA (Bulgarie) s’est dit choquée par les témoignages de plus en plus nombreux d’abus sexuels, y compris des viols, perpétrés par les soldats russes, et par les informations « épouvantables » de violences sexuelles quotidiennes.  En tant que Vice-Présidente du Groupes des Amis des enfants et des objectifs de développement durable, la Bulgarie, a-t-elle avoué, est consternée par le fait que des mineurs soient soumis à la violence sexuelle en Ukraine.  Elle a réclamé des enquêtes indépendantes et souligné la nécessité d’une approche axée sur les survivants qui garantisse l’accès à la santé sexuelle et reproductive.  Elle a aussi réclamé des mesures pour protéger les représentants de la société civile de toute forme de représailles et renforcer l’établissement des responsabilités.  La représentante a également appuyé l’idée que les violences sexuelles liée aux conflits deviennent un critère distinct pour justifier l’imposition de sanctions. 

Mme RAWA ZOGHBI (Liban) a rappelé les souffrances inimaginables des femmes et des filles yézidies, qui ont été soumises par Daech à des actes barbares et à des traitements inhumains, y compris le viol, la violence sexuelle, l’esclavage sexuel et la torture.  Malheureusement, de telles atrocités persistent, a-t-elle constaté, avant d’appeler à ce que les victimes de violences sexuelles dans les conflits soient protégées et que les auteurs de ces crimes soient traduits en justice.  À cet égard, la représentante s’est félicitée que, sous l’impulsion de la Sierra Leone et du Japon, l’Assemblée générale ait adopté une résolution sur la coopération pour l'accès à la justice, les recours et l'assistance des survivants de violences sexuelles.  Si les femmes et les filles sont les premières victimes de telles violences dans les conflits, nous ne devons pas exclure les violences sexuelles perpétrées contre les hommes et les garçons, a-t-elle fait valoir, ajoutant que, dans leur cas, la stigmatisation et la honte sont beaucoup plus intenses et de nombreuses victimes et survivants choisissent de rester silencieux. Selon la déléguée, une attention particulière devrait également être accordée aux femmes militantes, artisanes de la paix, défenseuses des droits humains et journalistes, qui sont souvent spécifiquement ciblées, y compris par la violence et le harcèlement sexuels.  Enfin, elle a estimé que la mesure la plus importante à prendre est de faire taire les armes, mettre fin aux conflits et déployer tous les efforts pour empêcher qu’ils éclatent. « Le corps des femmes ne peut plus être utilisé comme arme de guerre et ne peut plus être transformé en champs de bataille », a-t-elle martelé. 

M. MITCHELL FIFIELD (Australie) a déploré les effets dévastateurs et disproportionnés des opérations militaires et des conflits sur les femmes et les filles et constaté que les architectes féminines de la paix sont de plus en plus prises pour cibles et harcelées.  Il faut s’assurer, a-t-il plaidé, qu’elles aient accès à un soutien adéquat, aux services de santé sexuelle et reproductive et à une prise en charge psychosociale.  Pour sa part, l’Australie travaille notamment avec la Fédération internationale du planning familial, le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et le Conseil des réfugiés danois pour fournir ce type de prise en charge.  Le programme national 2021-2031 sur les femmes, la paix et la sécurité met l’accent sur le sort des victimes de violences sexuelles et fondées sur le sexe.  L’impunité reste la norme et la justice reste lente, a encore regretté le délégué.  Selon lui, pour avancer, il faut prévoir des spécialistes des questions sexospécifiques dans la planification des opérations de paix de l’ONU.  D’ailleurs l’Australie forme et déploie des conseillers militaires et civils et promeut la représentation équitable des femmes en uniforme. 

M. MARTÍN JUAN MAINERO (Argentine) a constaté que l’inégalité entre les genres est une cause profonde de la violence sexuelle.  Il a appelé les États à aborder la question de la violence sexuelle de manière globale, demandant notamment que les abus sexuels visant des hommes, des garçons et des personnes de la communauté LGBT soient inclus dans cette discussion.  Il a souhaité que la communauté internationale renvoie à la CPI les cas de violence sexuelle liée à un conflit lorsque les États concernés ne veulent pas ou ne peuvent pas s’en saisir. Il a détaillé l’initiative Justice Rapid Response , dont l’Argentine fait partie, qui a permis, avec l’appui d’ONU-Femmes, de mettre au point un fichier d’experts dans la collecte d’éléments de preuve. Le délégué a enfin appelé à appuyer la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, qui compte déjà 114 signatures. 

M. MARTIN BILLE HERMANN (Danemark) a fustigé le recours aux violences sexuelles comme tactique de guerre et a estimé que les premières allégations concernant les forces russes en Ukraine sont la source d’une grande préoccupation.  Les pays nordiques, a-t-il prévenu, n’accepteront aucune impunité.  Le représentant a soutenu l’idée d’intégrer la violence sexuelle comme critère spécifique des sanctions ciblées. S’inquiétant que 70% des parties désignées dans le rapport du Secrétaire général soient recherchés depuis plusieurs années pour des plusieurs crimes, le représentant a estimé que le rôle des États n’attire pas l’attention suffisante. Il a exhorté les Nations Unies à s’y pencher mais aussi sur le rôle des acteurs privés.  Il faut, a-t-il dit, assurer la participation des victimes aux procédures judiciaires et nommé un plus grand nombre de conseillers des droits des femmes et des enfants dans les opérations de paix parce qu’ils jouent un rôle clef dans la prévention des violences sexuelles. 

M. JAKUB KULHÁNEK (République tchèque) s’est dit préoccupé par tous les cas de violence fondée sur le sexe dans les situations de conflit armé, en particulier en Ukraine.  Il a dénoncé une agression russe caractérisée par des violences contre les civils.  Tous les auteurs de ces actes doivent faire l’objet de poursuites judiciaires, car la lutte contre l’impunité est un facteur de prévention des violences sexuelles, a rappelé le représentant. 

Recourir à la violence sexuelle comme une arme pour terroriser des populations vulnérables et violer leur dignité et leurs droits les plus élémentaires est tout simplement scandaleux, s’est indignée Mme THILMEEZA HUSSAIN (Maldives).  Elle a rappelé, à cet égard, que la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité oblige toutes les parties au conflit, y compris les parties non étatiques, à prendre des mesures pour protéger les femmes et les filles contre la violence fondée sur le sexe.  Quel que soit leur camp, les auteurs de cette violence doivent répondre de leurs actes devant la justice, a souligné la représentante, avant de réclamer des enquêtes et des poursuites judiciaires axées sur les victimes.  Les Maldives, « nation éprise de paix », a-t-elle dit, appliquent une politique de tolérance zéro contre toutes les formes de violences fondé sur le sexe.  Mon pays, s’est-elle félicitée, a promulgué une loi contre le harcèlement et les abus sexuels, et une autre sur la prévention de la violence domestique, lesquelles s’ajoutent à la législation sur la protection sociale qui vise à sensibiliser et créer les conditions nécessaires à la protection de toutes les femmes et de toutes les filles. 

M. ANDRES EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a condamné tous les actes d’agression armée et d’occupation qui sont des « terreaux fertiles » pour les violences sexuelles, comme on l’a vu en Iraq, en Syrie ou plus récemment en Ukraine.  Il est absurde de se considérer comme civilisés tout en continuant d’utiliser des tactiques barbares comme le viol comme arme de guerre, a-t-il affirmé.  Le délégué a préconisé d’appliquer une politique de tolérance zéro et de lutter contre l’impunité.  Pour cela, a-t-il ajouté, il faut appliquer des mesures judiciaires et non judiciaires interdépendantes et coordonnées avec les processus de paix.  À titre d’exemple, le délégué a cité les efforts de la Colombie pour mettre en œuvre l’accord de paix. Il convient également de prendre en charge les victimes de violences en leur fournissant des services juridiques et de santé. 

M. SYED MOHAMAD HASRIN AIDID (Malaisie) a appelé à adopter une approche globale dans la lutte contre la violence sexuelle en temps de conflit, en mettant l’accent sur la prévention de ce fléau et sur le respect des droits des victimes.  Les États doivent renforcer leurs lois et les harmoniser avec le droit international pour un meilleur établissement des responsabilités, a-t-il notamment recommandé.  Il a plaidé pour une meilleure coopération dans ce domaine entre le Conseil de sécurité et le Conseil des droits de l’homme.  Il convient de mettre un terme au harcèlement des femmes participant à des processus de paix, a ajouté le délégué. Il a, enfin, invité le Conseil à œuvrer pour renforcer la protection des civils en temps de conflit armé. 

Mme MARÍA BASSOLS DELGADO (Espagne) a jugé urgent de trouver les solutions pour lutter contre le recours aux violences sexuelles comme tactique de guerre, appelant notamment à faire de la violence sexuelle un critère spécifique de sanctions ciblées.  Elle a dit l’importance de nommer des conseillers de protection et d’alerte précoce dans toutes les opérations de paix.  Constatant qu’en raison de leurs faiblesses institutionnelles, les pays en conflit ou sortant de conflit sont souvent incapables de recueillir des plaintes et de protéger les victimes, la représentant a jugé crucial de fournir un soutien approprié aux entités de la société civile, notamment les organisations féminines, pour les aider à protéger les femmes et recueillir des témoignages des rescapées.  Elle a particulièrement condamné les crimes commis à Boutcha, en Ukraine, et tous les cas de violences sexuelles commis par les soldats russes en Ukraine, avant d’appeler à créer des environnements sûrs dans les pays de transit et de destination des réfugiés pour prévenir les risques de traite des êtres humains. 

M. MICHAL MLYNÁR (Slovaquie) a indiqué que son pays, en tant que coprésident du Groupe des amis de la réforme du secteur de la sécurité (RSS), souhaite rappeler la résolution 2151 (2014) du Conseil de sécurité, qui souligne l’importance d’une participation des femmes et de leur plein engagement dans le secteur de la sécurité afin de mettre en place des institutions inclusives, responsables et légitimes qui protègent plus efficacement les populations et favorisent une paix et un développement durables.  Le représentant a ensuite soutenu l’approche du Secrétaire général fondée sur la priorité accordée aux droits et à la dignité des survivantes.  Les États Membres doivent donc continuer à travailler en étroite coopération avec l’ONU afin de lutter contre l’impunité de tous les crimes sexuels, a-t-il recommandé en demandant par ailleurs au Conseil de sécurité d’examiner attentivement la possibilité de saisir la CPI lorsque des crimes sexistes et des violences sexuelles sont commis.  La responsabilité première de la poursuite de ces crimes incombe toutefois aux États, qui devraient adopter des législations pénales suffisamment robustes, a-t-il rappelé, y voyant un des meilleurs moyens de prévention. 

M. MOHAMMED HUSSEIN BAHR ALULOOM (Iraq) a déclaré que le monde a désormais connaissance des crimes perpétrés par Daech contre le peuple iraquien et en particulier contre ses femmes et ses filles.  Évoquant les cas de décapitation, d’esclavage sexuel, de mariage forcé, d’atteintes aux droits humains et de mépris de la dignité humaine imputés au groupe terroriste, il a indiqué que ces crimes peuvent être constitutifs de crime de génocide et de crimes contre l’humanité.  En dépit de ces calamités, a souligné le représentant, l’Iraq ne ménage aucun effort pour maintenir la paix  et assurer la justice pour les survivants et survivantes.  Le Parlement a ainsi adopté en mars dernier une loi sur les rescapés yézidis, qui est la première du genre.  Cette législation prévoit notamment la recherche des personnes enlevées et la création d’un directorat pour les victimes, a-t-il précisé, ajoutant qu’aucune amnistie ne peut être accordée aux auteurs des crimes d’enlèvement.  Afin de garantir la confidentialité des demandes des rescapés, une plateforme en ligne a également été mise en place pour les recevoir.  Le délégué s’est félicité que des éléments de Daech comparaissent à présent devant des tribunaux nationaux, ce qui s’inscrit dans l’engagement pris par l’Iraq d’assurer la responsabilisation et de rendre la justice pour les victimes.  Dans le même temps, a-t-il encore indiqué, le pays renforce son système judiciaire et s’apprête à recevoir les éléments de preuve de l’UNITAD pour les utiliser dans un tribunal spécialisé. 

M. GVARAM KHANDAMISHVILI (Géorgie) a réaffirmé sa solidarité pleine et entière avec l’Ukraine, condamnant l’agression militaire « non provoquée, injustifiée et de grade ampleur » de la Fédération de Russie contre son voisin.  Dénonçant les attaques contre les civils et les infrastructures civiles et les cas de violences sexuelles perpétrées par des forces russes, il a jugé urgent de mener une enquête impartiale et de demander la reddition de comptes.  C’est essentiel pour les rescapés et pour la dissuasion.  Pour sa part, a poursuivi le délégué, la Géorgie a appliqué un plan d’action national pour promouvoir les droits des femmes et l’égalité entre les sexes, et pour lutter contre la violence sexuelle et sexiste. De plus, le pays forme à ces questions son personnel de maintien de la paix en phase de pré-déploiement.  Enfin, le délégué a rappelé que l’occupation illégale de régions géorgiennes par la Russie reste un obstacle pour la mise en œuvre des droits des femmes et des filles qui se voient souvent privées de leurs libertés fondamentales, comme le droit de se déplacer. 

Mgr ROBERT DAVID MURPHY (Saint-Siège) a dénoncé l’utilisation de la violence sexuelle comme tactique de guerre et déploré que cette violence soit souvent passée sous silence. Il a appelé à documenter l’ampleur de ce « crime caché » afin que les victimes reçoivent un soutien nécessaire, appelant à « briser le silence. »  Il a demandé que la douleur et la force des rescapées soient pleinement reconnues.  Enfin, il a invité le Conseil à combattre la violence sexuelle commise par le personnel onusien sur le terrain et demandé un meilleur établissement des responsabilités pour les actes de violence sexuelle. 

Mme MARITZA CHAN VALVERDE (Costa Rica) a considéré que, pour mettre fin à l’impunité, tous les acteurs étatiques et non étatiques impliqués dans la commission d’atrocités doivent être tenus pour responsables de leurs actes.  Ce travail commence par l’adoption d’une législation solide, le renforcement des systèmes judiciaires et la garantie pour les victimes et les survivants d’un accès à une justice rapide et équitable et du droit à des réparations complètes.  La représentante a appelé à promouvoir le caractère progressif du Statut de Rome de la CPI en adoptant une approche intersectionnelle dans toutes les procédures impliquant des violences sexuelles dans les conflits armés.  Elle a également jugé importante de modifier la vision réductrice et binaire avec laquelle la violence sexuelle dans les conflits armés a été abordée.  Pendant trop longtemps, les garçons, les hommes et les personnes LGBTQ ont été relégués dans les discussions sur cette question, a relevé la représentante qui a demandé au Conseil d’élargir la conversation afin que toutes les victimes soient prises en compte. Une approche centrée sur les victimes et une perspective transversale de genre sont essentielles pour garantir une responsabilisation plus inclusive et efficace, a insisté la déléguée tout en notant que l’invisibilisation perpétue l’injustice et sous-tend l’impunité. 

M. MICHAL MIARKA, Chef du Bureau de liaison de l’Organisation du Traité de lAtlantique Nord (OTAN) auprès des Nations Unies, a expliqué que l’OTAN n’a cessé depuis l’adoption de la déclaration du Sommet de Chicago en 2012 de démontrer son engagement à prévenir et à répondre aux violences sexuelles liées aux conflits.  En 2015, l’OTAN a élaboré des directives militaires spécifiques, actuellement en cours de révision, sur la prévention et la réponse à ce type de violence.  Les directives visent à fournir une orientation stratégique et améliorer la réactivité.  Le personnel de l’OTAN est tenu d’empêcher la violence sexuelle liée aux conflits dans les zones il opère et des outils analytiques sont disponibles pour comprendre le niveau de risque, collecter et communiquer les informations.  Il s’agit aussi de coopérer avec les acteurs locaux et internationaux, y compris l’ONU.  Les Alliés ont également approuvé en 2021 la première politique de l’OTAN sur les violences liées aux conflits.  Cette politique décrit les actions de prévention et de riposte de l’OTAN dans toutes les opérations, missions et activités, a expliqué le représentant. 

M. ANDREAS HADJICHRYSANTHOU (Chypre) a considéré que prioriser la prévention exige une stratégie multidimensionnelle pour s’attaquer aux causes profondes du conflit lui-même.  Investir dans le renforcement de l’État de droit et des institutions de l’État, dans la stabilité économique, les infrastructures et le développement social, ainsi que s'attaquer aux inégalités profondément enracinées et garantir la participation des femmes dans tous les domaines, sont au cœur d’une telle approche. 

Soulignant ensuite l’importance de donner la primauté aux survivantes, le représentant a indiqué qu’elles doivent devenir les architectes des stratégies de lutte contre la violence sexuelle dans les conflits.  Les situations post-conflit sont aussi l’occasion de transformer les structures sociétales de manière à garantir une meilleure jouissance des droits fondamentaux des femmes.  Pourtant, a-t-il déploré, les femmes continuent d'être exclues des efforts de prévention des conflits, de la transition post-conflit et des processus de reconstruction.  Les sociétés post-conflit se rétablissent plus efficacement lorsque les femmes participent aux efforts de reconstruction et que leur expérience est prise en compte, a rappelé le représentant, pour qui la réponse doit inclure les femmes dans l’élaboration de solutions. 

M. ALHAJI FANDAY TURAY (Sierra Leone) a rappelé que son pays a connu une guerre civile sanglante au cours de laquelle la violence sexuelle, y compris le viol, le viol collectif, l’esclavage sexuel et le mariage forcé ont été utilisés comme tactiques de guerre par les factions belligérantes.  La Sierra Leone est donc pleinement consciente de l’impact horrible de ces crimes sur la vie et les moyens de subsistance des femmes et des filles, et n’épargne aucun effort pour combattre ce fléau, a-t-il assuré.  Il a ainsi indiqué qu’entre autres mesures, son pays a modifié la loi sur la violence sexuelle, créé un tribunal spécial sur le viol et mis en place des centres à guichet unique offrant des services aux victimes d’abus sexuels.  Sur cette base, a-t-il poursuivi, le Président de la Sierra Leone a lancé en septembre 2021 un appel à la solidarité mondiale sur l’accès à la justice des victimes de violences sexuelles. 

Le délégué a émis l’espoir que le projet de résolution reprenant cet appel sera adopté par l’Assemblée générale.  Ce texte, a-t-il souligné, vise non seulement à souligner la gravité de la violence sexuelle, mais aussi à la dénoncer comme une menace à la paix et à la sécurité internationales.  Il vise aussi à rappeler que les survivants méritent dignité et justice.  Il reste beaucoup à faire aux niveaux national, sous-régional, régional et mondial pour mettre pleinement en œuvre les résolutions historiques 1325 (2000) et 1820 (2008), et contrer ainsi la violence sexuelle sous toutes ses formes et manifestations, a-t-il professé. 

M. MOHAMMAD KURNIADI KOBA (Indonésie) a réclamé la mise en place d’un système judiciaire fiable au niveau national pour lutter contre l’impunité, par souci d’appropriation.  Le Gouvernement indonésien a d’ailleurs promulgué une loi sur la protection des femmes et des filles contre la violence sexuelle, suivie d’un décret ministériel d’application.  Le représentant a aussi défendu une approche qui inclut la participation pleine et égale des femmes dans tous les processus décisionnels, y compris dans les opérations de paix de l’ONU.  Il a en effet regretté la faible représentation des femmes Casques bleus et conseillé au Conseil de sécurité de prendre en considération le lien existant entre les soldates de la paix et le nombre des cas de violence sexuelle.  Il a souligné l’importance de la coopération internationale pour renforcer les capacités des États de lutter contre l’impunité et de garantir la justice pour les crimes de violence sexuelle. 

M. MD MONWAR HOSSAIN (Bangladesh) a rappelé que deux millions de femmes dans son pays ont été violées lors de la guerre d’indépendance.  Il a dénoncé les crimes commis contre les femmes rohingya et estimé que l’établissement des responsabilités est crucial pour le retour des Rohingya dans l’État rakhine.  Il a aussi indiqué que son pays a augmenté le nombre de femmes déployées sous bannière onusienne.  Le délégué a insisté sur l’importance de système d’alerte précoce pour lutter contre la violence sexuelle et de permettre aux femmes de participer davantage aux processus de paix.  Enfin, il a noté que la Commission de consolidation de la paix a un rôle clef à jouer s’agissant de la promotion de l’égalité entre les genres. 

M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a décrit la reconnaissance par le Conseil de la violence sexuelle en tant que tactique de guerre comme une étape importante dans la reconnaissance de l’impact des conflits sur les femmes.  Afin de mieux répondre à ce problème aujourd’hui, la communauté mondiale doit faire un effort concerté pour faire passer la violence sexuelle liée aux conflits sur le premier plan. Tous les États Membres ont besoin d’une formation, d’une recherche et d’un partage d’informations adéquats, visant à rendre les techniques d’intervention mieux comprises et accessibles, a-t-il fait valoir.  Le représentant a dénoncé certaines pratiques qui encouragent les abus sexuels par le biais d’une camaraderie mal placée, celle-ci aidant à protéger la réputation du délinquant mais entraînant la stigmatisation et l’ostracisme du plaignant.  Il a recommandé que le personnel chargé d’enquêter sur de tels crimes soit formé pour acquérir des compétences pointues et le souci de l’intégrité.  Enfin, il a appelé à ne pas se limiter aux infractions sexuelles mais à étendre la réponse collective aux auteurs de violence domestique et de harcèlement moral. 

M. ABDULLAH ALI FADHEL AL-SAADI (Yémen) a dénoncé les violences infligées aux femmes par l’Arabie saoudite dans le cadre du conflit armé qui sévit dans son pays depuis 2014.  Son gouvernement a pour sa part établi une stratégie pour accroître la participation des femmes à la prévention de l’extrémisme et de la violence au niveau national, et œuvré à la sensibilisation des cadres de la police et de l'armée pour prévenir la violence sexiste.  Le Yémen s’efforce aussi de fournir des services de soutien sanitaire, psychologique et juridique aux femmes et aux filles victimes de violations et de violences, a poursuivi le représentant, qui a indiqué que son pays a également soutenu les efforts d’un comité national chargé d’enquêter sur les allégations de violations des droits humains perpétrées sur l'ensemble du territoire yéménite, y compris les violations contre les femmes. 

M.  ANDREJS PILDEGOVIČS (Lettonie) a condamné dans les termes les plus forts les atrocités et les graves violations du droit international commises par la Fédération de Russie en Ukraine.  Les attaques des forces russes, permises par le Bélarus, contre des personnes et des infrastructures civiles ont horrifié le monde, a souligné le représentant, selon lequel les récits et témoignages recueillis à Boutcha confirment l’utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre par la Russie.  Ces faits, a-t-il insisté, pourraient être constitutifs de crime de génocide et de crimes contre l’humanité.  C’est pourquoi la Lettonie a lancé une procédure pénale pour tenir les auteurs de ces crimes comme responsables et a versé 100 000 euros supplémentaires à la CPI pour l’aider dans la mise en place de ses instructions sur l’Ukraine. 

Pour le délégué, le Conseil de sécurité a la responsabilité d’agir rapidement pour protéger les civils en prévenant les atrocités.  Or, en pratique, ses délibérations ne créent pas de solution, en particulier lorsque les atrocités ont déjà été commises, a-t-il constaté.  Le représentant a appelé à maximiser l’efficacité du Conseil afin qu’il permette la responsabilisation et la poursuite des crimes les plus graves.  Il a aussi appelé à un renforcement des synergies entre le Conseil et la Commission de consolidation de la paix (CCP) ainsi qu’à la mise en œuvre effective de la résolution 1325 (2000) et des résolutions de suivi pour lutter plus efficacement contre la violence sexuelle liée aux conflits. 

M. JOCHEN HANS-JOACHIM ALMOSLECHNER (Autriche) a estimé que la CPI est l'instrument international le plus efficace et le plus pertinent pour aider les États Membres à établir la responsabilité des auteurs de violences sexuelles et mettre fin à l'impunité. Dans ce contexte, il a salué la première condamnation internationale pour grossesse forcée, rendue en février 2021.  Le délégué a exhorté le Conseil de sécurité à traiter les violences sexuelles liées aux conflits dans toutes les situations spécifiques à chaque pays et à appliquer le régime de sanctions aux auteurs de telles violences.  Il a également relevé que ces crimes n'affectent pas seulement les femmes et les filles. Les hommes et les garçons, et les personnes ayant une orientation sexuelle et une identité de genre diverses, font également partie des nombreuses victimes, a rappelé le délégué qui a appelé la communauté internationale à ne pas oublier le sort de ces victimes. Le délégué a ensuite invité les délégations à participer, le 9 mai à New York, à la publication d’une étude de l'Institut Ludwig Boltzmann et de l'Université de Princeton sur le lien entre la violence sexuelle liée aux conflits contre les hommes, les garçons, et les personnes LGBTI+ et la traite des êtres humains. 

M.  AMRIT BAHADUR RAI (Népal) a dit que les violences sexuelles liées au conflit sont impardonnables.  Leurs auteurs doivent être tenus responsables.  L’État est le premier responsable de prévention de la violence à l’égard des femmes.  Pour les États dont la capacité est limitée, le soutien international pour s’attaquer aux causes sous-jacentes des conflits et de protéger les femmes et les filles est nécessaire.  Ils doivent veiller à leur inclusion dans l’appareil de l’État et la prise de décisions en matière de prévention et de résolution des conflits.  Le Népal, qui s’est engagé à accroître le nombre de femmes soldats de la paix, est attaché à une politique de tolérance zéro à l’égard de l’exploitation et des atteintes sexuelles.  Le Gouvernement s’efforce de maintenir l’objectif d’un scénario zéro cas de violences sexuelles dans ses contingents. 

Pays qui est sorti d’un conflit, le Népal est le premier pays d’Asie du Sud et le deuxième d’Asie à adopter le Plan d’action national pour la mise en œuvre des résolutions 1325 (2000) et 1820 (2008).  Le deuxième plan est en cours de finalisation et comprend des mesures visant à répondre aux préoccupations des victimes de violences sexuelles et des enfants nés de viols en temps de guerre.  Le Népal s’est engagé à résoudre les cas de violence sexuelle liée au conflit afin d’assurer la justice pour les victimes grâce à un processus dirigé par deux commissions de justice transitionnelle: la Commission Vérité et réconciliation et la Commission d’enquête sur les personnes disparues. 

Mme NATALIIA MUDRENKO (Ukraine) a fustigé la cruauté inhumaine des envahisseurs russes qui ont transformé les vies de milliers de femmes et de filles en immenses cauchemars.  Alors que les autorités ukrainiennes parlent de centaines de cas de viols, la représentante s’est inquiétée des menaces auxquelles font face les victimes qui ont besoin de soins d’urgence et d’empathie.  « Malheureusement, beaucoup de femmes ont été tuées par des soldats russes qui ont essayé de cacher leurs crimes », a-t-elle dit en regrettant qu’aucune enquête n’ait été diligentée par la partie russe malgré la multiplication des témoignages. Elle a demandé des enquêtes transparentes et exhaustives sur tous les crimes commis en Ukraine, dont les crimes à caractère sexuel.  Elle a salué l’initiative du Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général sur les violences sexuelles en conflits armés pour collaborer avec le Gouvernement ukrainien pour prévenir et riposter contre ces types de violence et renforcer les démarches axées sur les rescapées. Elle a dit l’importance d’une coopération avec les ONG en matière de suivi psychologique des victimes avant d’assurer que tous les auteurs seront poursuivis. 

M. JORGE VIDAL (Chili) a considéré que la violence sexuelle dans les conflits représente un obstacle supplémentaire à la fin des cycles de violence, où les survivantes et leurs familles doivent souvent surmonter le stress post-traumatique et stigmatisation sociale sans garantie d’accès à la justice ou de réparations.  Pour cette raison, il est du devoir de la communauté internationale de garantir l’accès des survivants – et en particulier des femmes et des filles – à la justice et à des services juridiques complets avec des mécanismes accessibles et confidentiels afin que les victimes puissent signaler les incidents de violence. En outre, il est essentiel de garantir l’accès à des services spécialisés complets, y compris des services psychosociaux, des soins, des services de santé sexuelle et reproductive, et des moyens de subsistance adaptés à leurs besoins et fournis sans discrimination, a encore préconisé le délégué. 

M.  MOHAMMED ABDULAZIZ H. ALATEEK (Arabie saoudite) a appelé la communauté internationale à se montrer plus solidaire pour donner aux victimes de violences sexuelles une protection et des voies de recours.  Il a également jugé essentiel de prendre en compte la situation des femmes dans les communautés vulnérables afin d’évaluer leurs besoins humanitaires.  Face aux conflits, qui s’ajoutent à la crise économique mondiale et à la pandémie de COVID-19, il apparaît urgent, selon lui, de mettre en place une stratégie globale afin de renforcer le rôle des femmes et leur offrir l’appui qu’elles méritent, en particulier celles qui tentent de construire leur société et d’assurer plus de résilience.  Le représentant a indiqué que le Centre du roi Salman pour les secours humanitaires contribue à des projets de cet ordre dans des zones de catastrophe et de conflit armé.  À ce jour, il a mis en œuvre 788 projets dans près de 80 régions du monde, venant en aide à quelque 109 millions de femmes pour un investissement total de 520 millions de dollars, a-t-il détaillé.  Outre l’autonomisation et le renforcement des capacités dans le domaine de l’éducation, le Centre fournit des services psychosociaux aux femmes victimes de violence, notamment les réfugiées.  Le délégué a ensuite dénoncé les violations commises par les milices houthistes, lesquelles ont fait un grand nombre de victimes, à commencer par les femmes et les filles du Yémen.  Cela impose de prendre des mesures pour lutter contre la violence sexuelle dans les conflits et de responsabiliser les auteurs de ces crimes, a-t-il souligné en invitant la communauté internationale, et notamment les bailleurs de fonds, à renforcer ces efforts. 

M. YOSEPH KASSAYE YOSEPH (Éthiopie) a mis l’accent sur les défis auxquels son pays a été confronté depuis l'attaque « traître » contre sa Force de défense nationale, le 4 novembre 2020.  D’après lui, des femmes et des enfants ont été victimes de violences « atroces », « systématiquement perpétrées par le Front populaire de libération du Tigré (TPLF) ».  Le Gouvernement éthiopien prend au sérieux toutes les allégations de violations des droits humains et fait preuve d’un haut niveau de responsabilité et de diligence, a assuré le délégué. Outre ses propres enquêtes, a-t-il précisé, la Commission éthiopienne des droits de l'homme a, le 24 mars 2021, conclu un accord avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour mener des enquêtes conjointes.  Soulignant que les gouvernements ont la responsabilité première d’assurer le respect des droits de l’homme, il a appelé à aborder « avec soin » les violations des droits humains liées aux conflits.  Nous avons vu que les droits de la personne sont politisés et instrumentalisés contre des pays comme le mien, a-t-il signalé. 

Mme  ANNA KARIN ENESTRÖM (Suède), s’exprimant au nom du Groupe restreint LGBTI, a souligné la nécessité de répondre aux besoins des rescapés LGBTI de violences sexuelles, y compris en ce qui concerne l’accès à la justice.  Elle a demandé une pleine participation de ces rescapés aux processus de prise des décisions qui les affectent, y compris celles relatives à la justice de transition.  Elle a souligné la nécessité de combattre les discriminations sur la base de l’orientation sexuelle ou bien encore de l’identité de genre.  Les États Membres doivent reconnaître que tous les rescapés, y compris les personnes LGBTI, sont des individus uniques.  Ils doivent prendre en compte l’intersectionnalité des vulnérabilités, a conclu la déléguée. 

M. JONGIN BAE (République de Corée) a dit l’importance de privilégier une approche centrée sur les victimes de violences sexuelles liées aux conflits et de veiller à ce qu’elles bénéficient d'un accès non discriminatoire à tous les services dont elles ont besoin.  Pour mettre fin à la culture de l’impunité, le représentant a appelé à protéger les survivants et témoins de représailles dans le cadre d’un mécanisme efficace de responsabilisation.  Il a également appelé à intensifier les efforts pour s’attaquer aux causes profondes des violences sexuelles, jugeant impératif de surmonter les inégalités structurelles entre les sexes et d'assurer l'égalité des opportunités pour les femmes et les filles.  

Après avoir souligné que la participation des femmes au maintien de la paix est essentielle pour garantir des environnements sûrs, propices et sensibles au genre, le représentant a vanté l’importance de la Conférence ministérielle des Nations Unies sur le maintien de la paix que la République de Corée a accueilli en 2021.  Il a assuré que son pays continuera d’augmenter le nombre d'observatrices militaires et de femmes officiers d'état-major servant dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies pour atteindre le taux de 25 % d’ici à 2028.  

Mme ZAKIA IGHIL (Algérie) a souligné que la Constitution de son pays, appuyée par un dispositif législatif complet, vise à prévenir toute forme de violence contre les femmes dans les sphères publique et privée.  En outre, un plan national d’action recense les priorités en matière de promotion des femmes de l’Algérie qui, dans le cadre de la Ligue des États arabes, a dirigé les efforts qui ont abouti à la mise en place d’un comité d’urgence pour les femmes arabes.  Les femmes étant les principales victimes des crises en Afrique, son pays a exigé leur participation aux travaux de l’Union africaine et aux processus de consolidation de la paix. Pour garantir la fin de la violence sexuelle conformément au droit international, il est nécessaire de mettre un terme à l’impunité et de promouvoir la responsabilisation et la justice.  À cette fin, a-t-elle ajouté, les efforts devraient se fonder sur les droits humains des victimes, être larges dans leur portée, et sans discrimination.  Il faut balayer les obstacles pour que les femmes leaders des communautés puissent être artisanes de la paix.   La déléguée de l’Algérie a par ailleurs renvoyé le Conseil aux violences sexuelles - documentées - utilisées par le Maroc au Sahara occidental, évoquant le cas particulier de Mme Sultana Khaya. 

M. OMAR CASTAÑEDA SOLARES (Guatemala) a déploré l’utilisation des violences sexuelles comme tactique de guerre pour instiller la terreur.  Il a redit l’importance d’éradiquer totalement ce phénomène, y compris la traite et l’esclavage sexuel pratiqués pour compenser les combattants des groupes extrémistes.  Il a constaté que malgré les condamnations répétées et les appels lancés à l’intention des parties aux conflits armés, de telles violations continuent de se produire.   Elles sont devenues endémiques dans certaines situations, atteignant des degrés de brutalité sans précédent, y compris contre des enfants, à qui il faut garantir à ces derniers une assistance médicosociale. Le délégué a souligné le rôle important que les femmes doivent jouer dans la consolidation de la paix.  La communauté internationale doit balayer les obstacles qui entravent leur représentation à tous les niveaux de prise de décision.  Il a recommandé que les questions liées à la problématique du genre soient prises en compte dans toutes les délibérations du Conseil de sécurité.  Enfin il a vu dans la CPI « le cadre international le plus progressiste en ce qui concerne les crimes de guerre ». 

M.  TIJJANI MUHAMMAD BANDE (Nigéria) a dénoncé les activités terroristes de Boko Haram qui a commis des violences contre les femmes et les filles.  Le Gouvernement nigérian, qui s’est toujours efforcé de garantir la liberté de religion, coopère avec l’ONU et d’autres partenaires internationaux pour améliorer la protection des populations contre ces atrocités.  Insistant sur la détermination de son pays de traduire en justice les auteurs des violences, le représentant a ajouté que le Nigéria s’efforce de prendre en charge les victimes des violences sexuelles, des viols, des enlèvements, des mariages forcés, de l’esclavage sexuel et autres violations commises par Boko Haram.  Des mesures juridiques et médicales ont été prises en ce sens et le Nigéria s’engage en outre à promouvoir la participation des femmes aux processus décisionnels et à prendre en compte leur point de vue sur la sécurité.  La libération de toutes les filles enlevées demeure au centre des préoccupations du Gouvernement, a affirmé le représentant. 

Le représentant du Maroc a repris la parole pour accuser la délégation algérienne de vouloir induire la communauté internationale en erreur par des informations sans fondement et des falsifications. Le représentant a nié à Sultana Khaya tout statut de défenseuse des droits humains. Cette personne, a-t-il affirmé, n’a rien à voir avec ces droits.  Elle travaille pour l’Algérie et son groupe séparatiste, le Front Polisario, pour instrumentaliser la question du Sahara marocain, en se présentant comme une victime de violations. En réalité, a poursuivi le représentant, Sultana Khaya prône la lutte armée pour laquelle elle a suivi une formation dispensée par l’armée algérienne et les « mercenaires » du Polisario. Le représentant a brandi une photographie de Sultana Khaya munie d’une mitrailleuse et vêtue d’un treillis.  Contrairement à ce qu’affirme l’Algérie, cette personne n’est nullement soumise à des abus sexuels ou à un harcèlement de la part du Maroc.  Mme Mary Lawlor, Rapporteure spéciale sur les défenseurs des droits, s’est d’ailleurs définitivement dessaisi du cas de Sultana Khaya car elle manipule les droits à des fins politiques, a dit le représentant.  Rappelant enfin que le chef du Polisario est poursuivi en Espagne pour crimes contre l’humanité, il a jugé que l’Algérie est « mal placée » pour parler de la question des droits de l’homme au Sahara marocain. 

À son tour, la représentante de l’Algérie a dénoncé les «  mensonges  » du Maroc au sujet des enfants soldats dans les camps, y voyant une tentative désespérée visant à diffamer les habitants du Sahara occidental.  Elle a indiqué que nombre d’enfants au Maroc souffrent de la pauvreté et sont en situation de décrochage scolaire.  «  Le délégué Maroc ignore la réalité dans son propre pays. » 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’ECOSOC pourvoit à des postes vacants au sein de ses organes subsidiaires, rejetant, à l’issue de scrutins, quatre candidatures de la Fédération de Russie

Session de 2022,
10e séance plénière – matin
ECOSOC/7074

L’ECOSOC pourvoit à des postes vacants au sein de ses organes subsidiaires, rejetant, à l’issue de scrutins, quatre candidatures de la Fédération de Russie

Le Conseil économique et social (ECOSOC) a pourvu, ce matin, des sièges vacants dans 16 de ses organes subsidiaires et apparentés, un processus qui a requis cinq mises aux voix, y compris à quatre reprises pour des candidatures impliquant la Fédération de Russie qui a été à chaque fois recalée. 

Ainsi, le Conseil a procédé à des élections au scrutin secret pour les postes vacants dans cinq organes subsidiaires où le nombre de candidats dépassait le nombre de postes vacants dans un ou plusieurs groupes régionaux.  Au Comité chargé des organisations non gouvernementales, l’ECOSOC a élu l’Arménie et la Géorgie, au détriment de la Fédération de Russie.  De même, l’expert russe qui prétendait siéger au sein de l’Instance permanente sur les questions autochtones a été recalé au bénéfice de son homologue ukrainien. 

Au Conseil d’administration du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) comme au Conseil d’administration de l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), les candidatures de la Fédération de Russie ont également donné lieu à une fin de non-recevoir des délégués ayant voté. 

En début de séance, le Conseil économique et social a tout d’abord adopté une décision (E/2022/L.5), présentée par son Président, M. Collen Vixen Kelapile (Botswana), et en vertu de laquelle il décide, à titre exceptionnel et sans que cela constitue un précédent, de reporter jusqu’au 1er juillet 2022 la date limite de présentation des rapports quadriennaux des organisations non gouvernementales dotées du statut consultatif général ou spécial auprès du Conseil. 

L’ECOSOC a ensuite élu l’Algérie, le Bahreïn, le Cameroun, le Chili, la Chine, le Costa Rica, Cuba, l’Érythrée, les États-Unis, l’Inde, Israël, le Libéria, le Nicaragua, le Pakistan, le Royaume-Uni, la Turquie et le Zimbabwe au Comité chargé des organisations non gouvernementales, pour un mandat de quatre ans prenant effet le 1er janvier 2023.  Il est ensuite passé par un scrutin pour élire l’Arménie et la Géorgie au Comité, pour le compte du Groupe des États d’Europe orientale.  Ces deux pays entament également un mandat de quatre ans à compter du 1er janvier 2023. 

Après l’élection, les États-Unis ont dit regretté que l’ECOSOC continue d’élire des États Membres qui sont hostiles à l’essor de la société civile, sur le plan national comme à l’ONU.  La délégation a cité la Chine, Cuba, l’Érythrée, le Nicaragua et le Zimbabwe qui utilisent des tactiques pour rejeter les demandes des ONG et empêcher leur participation aux travaux des organes onusiens.  La Chine a déploré cette réaction à son élection, tandis que le Zimbabwe s’est dit surpris de la déclaration américaine, tout en assurant de sa disponibilité à coopérer avec tout État sur quelque question qu’il soit. 

Le Conseil a par la suite élu par acclamation la Gambie, Israël, le Panama, la République islamique d’Iran, le Tadjikistan et l’Uruguay à la Commission de la population et du développement, pour un mandat de quatre ans à compter de la première réunion de la cinquante-septième session en 2023, et expirant à la fin de la soixantième session de la Commission en 2027.  L’Argentine a elle aussi été élue par acclamation à cette même Commission pour un mandat qui débutera à compter de la première réunion de la cinquante-sixième session en 2022 et se terminera à la clôture de la cinquante-neuvième session en 2026. 

L’Arabie saoudite, l’Autriche, le Bangladesh, le Burundi, la Colombie, l’Égypte, le Ghana, Haïti, l’Inde, le Pérou, le Portugal et l’Ukraine sont désormais membres de la Commission du développement social.  Ces pays entament leur mandat de quatre ans à la première séance de la soixante-deuxième session en 2023, jusqu’à la clôture de la soixante-cinquième session de la Commission en 2027.  Pour sa part, le Luxembourg intègre la même Commission pour un mandat débutant à la date de son élection et expirant à la clôture de la soixante-troisième session de la Commission en 2025. 

L’ECOSOC a poursuivi en élisant l’Arabie saoudite, la Côte d’Ivoire, Cuba, l’Espagne, le Liechtenstein, le Mozambique, le Portugal, la République de Corée, la République démocratique du Congo, la République tchèque et l’Ukraine, tous par acclamation, à la Commission de la condition de la femme.  Leur mandat de quatre ans commence à compter de la première réunion de la soixante-huitième session en 2023, et prend fin à la clôture de la soixante et onzième session en 2027. 

L’Algérie, le Belize, le Botswana, la Chine, la Colombie, Cuba, Djibouti, l’Égypte, l’Équateur, les États-Unis, la Hongrie, l’Inde, la Lettonie, Oman, la Roumanie, le Rwanda, le Tadjikistan, la Turquie, la République-Unie de Tanzanie, le Royaume-Uni et l’Ouzbékistan ont été élus, également par acclamation, à la Commission de la science et de la technique au service du développement, pour une durée de quatre ans à partir du 1er janvier 2023. 

De même, l’ECOSOC a plébiscité, par acclamation, la candidature de l’Argentine, la Chine, le Libéria, le Maroc, la République de Corée et la Tunisie qui sont donc recommandés pour élection par l’Assemblée générale des membres du Comité du programme et de la coordination.  Si leur choix était entériné, alors ils y siégeront pour un mandat de trois ans prenant effet le 1er janvier 2023.  De même, le Conseil a retenu la candidature de la Belgique pour élection par l’Assemblée générale au même Comité, pour un mandat prenant effet à la date de l’élection par l’Assemblée générale et expirant le 31 décembre 2024. 

Le Conseil a ensuite élu par acclamation les experts suivants au Comité des droits économiques, sociaux et culturels: Aslan Abashidze (Fédération de Russie), Ludovic Hennebel (Belgique), Joo-Young Lee (République de Corée), Santiago Manuel Fiorio Vaesken (Paraguay), Karla Vanessa Lemus de Vásquez (El Salvador), Julieta Rossi (Argentine) et Preeti Saran (Inde).  Ils vont y siéger pour une période de quatre ans à partir du 1er janvier 2023.  Étant donné que quatre pays du Groupe des États d’Afrique ont présenté des candidatures, l’ECOSOC est passé par un scrutin pour élire Peters Sunday Omologbe Emuze (Nigéria), avant de plébisciter Asraf Ally Caunhye (Maurice) au second tour du scrutin.  Leur mandat est le même que pour les autres membres élus pas acclamation. 

Parmi ces experts, la nomination du Russe a suscité l’ire de certaines délégations.  Le Royaume-Uni et le Canada, s’exprimant au nom du groupe CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), se sont notamment dissociés de cette élection, la délégation britannique arguant notamment que les membres du Comité doivent agir de manière indépendante, « un critère que ne remplit visiblement pas M. Aslan Abashidze ».  De même, l’attaque de la Fédération de Russie contre l’Ukraine a eu un impact négatif sur les systèmes alimentaires mondiaux, et cette élection de l’expert russe est mal venue au vu du contexte actuel.  Un avis partagé du reste par Les États-Unis qui ont expliqué que cet expert a soutenu la guerre que mène son pays, un conflit qui est incompatible avec l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels des Ukrainiens. 

Au nom de l’Union européenne (UE), la France a aussi souligné que les droits économiques, sociaux et culturels des citoyens ukrainiens sont gravement affectés par l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine.  Se dissociant elle aussi de cette élection, elle a demandé à l’expert d’exercer son mandat de manière indépendante et sans céder à aucune influence politique.  Le Japon a fait valoir que les États Membres se doivent de respecter leurs obligations en vertu de la Charte des Nations Unies.  De même, les membres du Comité se doivent d’agir de manière responsable.  Réagissant à ces positions, la Fédération de Russie a déploré, une fois de plus, la politisation des travaux de l’ECOSOC et a rappelé que tout État Membre a le droit d’y prendre part et de faire acte de candidature au sein de ses organes subsidiaires. 

Le Conseil a ensuite élu Vital Bambanze (Burundi), Ali Hajilari (République islamique d’Iran), Keith M. Harper (États-Unis), Nan Li (Chine), Bornface Museke Mate (Namibie) et Tove Søvndahl Gant (Danemark) par acclamation à l’Instance permanente sur les questions autochtones pour un mandat de trois ans à partir du 1er janvier 2023.  Il a dû passer par un scrutin pour élire Rodrigo Eduardo Paillalef Monnard (Chili) et Suleiman Mamutov (Ukraine). 

Le Conseil économique et social a également élu par acclamation la Chine, Cuba, le Danemark, l’Équateur, le Japon, le Mozambique, la Norvège, le Tadjikistan et la Turquie au Conseil d’administration du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).  Leur mandat de trois ans débute le 1er janvier prochain.  La Bulgarie et la République tchèque ont été également élues en passant par la procédure de mise aux voix. 

Le Conseil a ensuite élu par acclamation l’Autriche pour terminer le mandat restant de Belgique, à compter du 1er janvier 2023 jusqu’au 31 décembre 2023.  Il en est de même pour la Grèce et le Luxembourg qui vont terminer le mandat restant de la France et de Monaco, soit du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2024. 

Au cours de cette séance plénière, l’ECOSOC a élu par acclamation la Chine, la Colombie, l’Équateur, les États-Unis, le Japon, la Norvège, la République de Corée, la République de Moldova, la Slovaquie et la Turquie au Conseil d’administration du Programme des Nations Unies pour le développement, du Fonds des Nations Unies pour la population et du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets.  Leur mandat de trois ans débute le 1er janvier 2023.  La Belgique, l’Irlande et l’Islande vont pour leur part compléter le mandat restant de la Finlande, de l’Espagne et de la Nouvelle-Zélande, à compter du 1er janvier 2023 jusqu’au 31 décembre 2023.  Le Canada et le Danemark vont aussi remplacer la Grèce et les Pays-Bas, dès le 1er janvier 2023 jusqu’au 31 décembre 2024. 

Par ailleurs, l’ECOSOC a élu par acclamation le Burkina Faso, la Chine, la Côte d’Ivoire, l’Érythrée, le Japon, le Panama, le Paraguay, le Qatar, la République de Corée, le Tadjikistan, Trinité-et-Tobago et le Zimbabwe au Conseil d’administration de l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes).  Leur mandat de trois ans débute le 1er janvier 2023.  La Bulgarie et la Lettonie sont passées par un vote pour également être élues pour la même durée de mandat. 

Le Conseil a élu par acclamation l’Australie, l’Espagne, l’Éthiopie, la Mauritanie, le Panama et la République islamique d’Iran au Conseil d’administration du Programme alimentaire mondial (PAM).  Leur mandat qui commence le 1er janvier 2023 durera trois ans.  Les États-Unis se sont dissociés de l’élection de l’Éthiopie, arguant que les pays du Conseil d’administration du PAM doivent œuvrer à faciliter l’assistance humanitaire, « ce que l’Éthiopie ne fait pas ».  Le Canada a pour sa part appelé tous les membres du Conseil d’administration à respecter le droit international humanitaire. 

Le Brésil, les États-Unis, le Kenya et la Libye ont été ensuite élus, par acclamation, au Conseil de coordination du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA).  Ils devraient y siéger pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2023. 

Ensuite, le Pérou a été élu, lui aussi par acclamation, au Comité d’organisation de la Commission de consolidation de la paix pour un mandat de deux ans à partir du 1er janvier 2023, ou jusqu’à ce que le Pérou cesse d’être membre du Conseil économique et social. 

L’ECOSOC a également élu l’Équateur, le Nigéria et la Turquie, toujours par acclamation, au sein du Groupe de travail intergouvernemental d’experts des normes internationales de comptabilité et de publication.  Leur mandat, qui prend fin le 31 décembre 2023, commence avec leur élection.  Dans la même veine, le Kirghizistan a été élu dans le même organe, par acclamation, pour un mandat commençant à la date de l’élection et expirant le 31 décembre 2024. 

Enfin, le Conseil économique et social a élu par acclamation le Portugal au Comité d’attribution du Prix des Nations Unies en matière de population.  Son mandat commence à la date de l’élection et expire le 31 décembre 2024. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: à l’exception de la Russie, les délégations saluent les acquis de l’Accord final de paix en Colombie, malgré la violence persistante

9015e séance – matin
CS/14859

Conseil de sécurité: à l’exception de la Russie, les délégations saluent les acquis de l’Accord final de paix en Colombie, malgré la violence persistante

Un « exemple » de l’avis de la France, une « source d’inspiration » selon le Kenya et l’Inde, une « démonstration de sérieux » pour le Brésil: les membres du Conseil de sécurité ont majoritairement loué, ce matin, les avancées liées à la mise en œuvre de l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable en Colombie, à la suite de la présentation par le Représentant spécial des derniers développements dans ce pays, aujourd’hui engagé dans un cycle électoral sur fond de violence persistante.  La mission russe a toutefois fait entendre une voix discordante en jugeant le Gouvernement colombien incapable de garantir la sécurité des parties à l’Accord, une prise de position amèrement regrettée par le Président colombien, qui a rappelé la Fédération de Russie à sa responsabilité en Ukraine. 

Avec la mise en œuvre de l’Accord final conclu en 2016, la Colombie rappelle au monde que même un conflit armé long de plus de cinq décennies, avec un bilan de millions de victimes, peut être résolu par le dialogue, jetant les bases de la réconciliation et de la non-répétition, a tranché le Représentant spécial et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie.  Il y a vu le fruit de la persévérance de l’État colombien et des ex-combattants des Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC-EP), mais aussi du soutien déterminé de la société civile, des victimes et des communautés de toutes les régions. 

Pour M. Carlos Ruiz Massieu, de nombreux défis subsistent néanmoins pour consolider la paix, à commencer par la violence croissante dans certaines régions, en particulier dans l’Arauca, qui ciblent les communautés autochtones et afrocolombiennes, les anciens membres des FARC-EP, les défenseurs des droits humains et les dirigeants sociaux.  Cela étant, le haut fonctionnaire s’est félicité que, pour la deuxième fois depuis la signature de l’Accord, des élections aient pu être organisées sans violence le 13 mars dernier.  Un scrutin marqué par l’augmentation du nombre de femmes candidates et élues au Congrès, mais aussi par l’élection des représentants des 16 « circonscriptions électorales spéciales de transition pour la paix » et par la participation au vote des ex-FARC-EP et des membres du parti Comunes

Avec l’élection présidentielle du 29 mai prochain, le gouvernement dirigé par M. Duque devra passer le relais à une nouvelle administration, la troisième depuis la conclusion de l’Accord, a rappelé le Représentant spécial en invitant les parties, la société civile et les acteurs politiques à reconnaître les progrès accomplis.  Parmi ceux-ci, il a cité les travaux de la Commission Vérité, qui doit rendre en juin son rapport final.  Il a également souligné le caractère historique des premières auditions de la Juridiction spéciale pour la paix, attendues dans les prochaines semaines.  Il a enfin estimé que les garanties de sécurité énoncées dans l’Accord ont le potentiel de stimuler la réintégration, la participation politique et la justice transitionnelle, tout en faisant avancer la réforme agraire et la lutte contre les drogues illicites. 

Affirmant s’appuyer sur une approche de la paix « basée sur la légalité », le Président Duque a mis l’accent sur la réintégration des personnes soumises à la violence, dont dépend la mise en place d’une paix véritable dans différents territoires de la Colombie.  Malgré les obstacles qui entravent ce processus, au premier rang desquels la détérioration des conditions de sécurité dans plusieurs régions, la majorité des plus de 13 000 ex-combattants poursuivent leur réintégration politique, sociale et économique dans la vie civile avec le soutien du Gouvernement, a-t-il assuré, ajoutant que son gouvernement a également fait de la réparation des victimes une priorité.  Des dizaines de milliers de Colombiens « lacérés » par la violence pendant des décennies sont ainsi indemnisés par l’État, qui entend en outre leur permettre d’avoir une influence sur les décisions politiques locales. 

Le Chef de l’État colombien a toutefois reconnu des affrontements continuent d’opposer l’Armée de libération nationale (ELN) et des groupes dissidents des FARC-EP dans certaines régions du pays, en relation avec le trafic de stupéfiants.  À cet égard, il a fait valoir les efforts de substitution des cultures, déployés par son gouvernement pour répondre à la menace du trafic de drogue, tout en constatant que la consommation de stupéfiants ne cesse d’augmenter dans un certain nombre de pays qui devraient, selon lui, assumer leur « coresponsabilité » dans cette situation. 

À l’instar du Kenya, qui, au nom des trois membres africains du Conseil (Gabon, Ghana et Kenya) a vu dans le processus de paix colombien « une source d’inspiration pour de nombreux pays qui cherchent à mettre fin à de longues guerres civiles », la grande majorité des délégations ont salué les acquis indéniables de six années de mise en œuvre de l’Accord final de paix et les perspectives de réconciliation qu’ils supposent.  Toutes se sont en revanche inquiétées de l’intensification des violences dans certaines régions.  L’Irlande s’est particulièrement alarmée du niveau élevé de déplacements, de séquestrations, d’actes d’intimidation et d’assassinats ciblés, jugeant que ces incidents montrent l’importance du travail de la Commission nationale des garanties de sécurité pour lutter contre les groupes armés illégaux.  Un avis partagé par la Norvège, qui a recommandé l’adoption d’une politique publique visant à démanteler les groupes armés illégaux. 

La France a, pour sa part, estimé qu’au-delà de la lutte contre la violence, il importe d’offrir des opportunités socioéconomiques viables aux populations qui ont souffert du conflit et de faire davantage en matière de réforme rurale et d’accès à la terre et au logement.  Sur la même ligne, les États-Unis ont souhaité que les dirigeants actuels et à venir de la Colombie continuent de soutenir la mise en œuvre du versant économique et de développement de l’Accord final, y voyant le « projet d’une génération ». 

À contre-pied des autres délégations, la Fédération de Russie a, elle, pointé la « non-exécution de l’Accord final », relevant que l’emploi même du terme d’anciens combattants « montre bien que le pays est loin d’être réconcilié ». Accusant le Secrétaire général d’enjoliver la situation dans son rapport, elle a jugé le Gouvernement colombien incapable de garantir la sécurité des parties à l’Accord, parlant même d’un « carnage » en lien avec le contrôle du trafic de drogue.   Six conflits armés se déroulent simultanément entre le Gouvernement et divers groupes rebelles, a-t-elle constaté, non sans déplorer l’absence de représentants de la société civile à cette réunion.  En réponse, le Président Duque a évoqué la situation en Ukraine en fustigeant « les pays qui parlent de paix tout en menant une guerre ». 

LETTRES IDENTIQUES DATÉES DU 19 JANVIER 2016, ADRÉSSÉES AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE LA COLOMBIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2016/53) - S/2022/267

Déclarations

M. CARLOS RUIZ MASSIEU, Représentant spécial et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, a déclaré qu’avec l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable et sa mise en œuvre, la Colombie rappelle au monde que même un conflit armé long de plus de cinq décennies, avec un bilan de millions de victimes, peut être résolu par le dialogue, jetant les bases d’une réconciliation et d’une non-répétition.  Ces avancées, a-t-il dit, sont le fruit de la persévérance de l’État colombien et des ex-FARC-EP, mais aussi du soutien déterminé de la société civile, des victimes et des communautés de toutes les régions.  Bien des défis demeurent néanmoins pour consolider la paix, à commencer par la violence croissante dans certaines régions, a-t-il reconnu, avant de s’appesantir sur l’importance du cycle électoral.  Pour la deuxième fois depuis la signature de l’Accord, des élections ont pu être organisées sans violence, en partie grâce au dépôt réussi de milliers d’armes des ex-FARC-EP.  Les récentes élections ont également vu une augmentation du nombre de femmes candidates et élues au Congrès, malgré la persistance de violences fondées sur le genre, s’est-il félicité, ajoutant que ce scrutin a aussi permis d’élire les représentants de 16 nouvelles circonscriptions dans les régions touchées par le conflit.  La démocratie colombienne sera, sans nul doute, enrichie par la voix accrue des victimes au Congrès, a souligné le haut fonctionnaire qui a espéré que le nouveau Congrès, qui entrera en fonction en juillet, fera progresser le programme législatif en suspens de l’Accord final. 

En dépit des défis, notamment sécuritaires, les anciens membres des FARC-EP et les membres du parti Comunes ont pu faire campagne et voter pour la deuxième fois depuis la signature de l’Accord, a poursuivi le Représentant spécial, assurant que la grande majorité des plus de 13 000 anciens combattants accrédités restent engagés dans le processus de paix.  De plus, près des deux tiers d’entre eux prennent maintenant part à des initiatives collectives et individuelles génératrices de revenus, ce qui est crucial pour le succès à long terme de leur réintégration.  Pour M. Massieu, la pérennité du processus reste cependant conditionnée aux efforts visant à mettre fin à la violence qui continue de menacer les anciens combattants désireux de se construire une nouvelle vie.  Faisant état d’une récente visite dans l’Arauca, région encore sujette à la violence, il a dit avoir informé les autorités de la situation critique des populations et appelé les groupes armés à respecter le droit international humanitaire.  Dans le département de Putumayo, a-t-il ajouté, la violence fait payer un lourd tribut aux communautés autochtones et afrocolombiennes sous la forme de meurtres, de déplacements et de recrutement de mineurs.  L’Accord a été conçu pour non seulement mettre fin au conflit avec les FARC-EP, mais aussi pour s’attaquer aux facteurs profondément enracinés qui continuent de sous-tendre cette dynamique de violence, a rappelé M. Massieu.  De fait, si elles sont mises en œuvre de manière coordonnée, les garanties de sécurité énoncées dans l’Accord ont le potentiel de stimuler des domaines clefs tels que la réintégration, la participation politique et la justice transitionnelle, tout en faisant avancer l’application de la réforme agraire et la lutte contre les drogues illicites, a-t-il soutenu. 

Soulignant l’importance d’une utilisation efficace des institutions et des mécanismes ad hoc conçues par le Gouvernement et les ex-FARC-EP, M. Massieu a mis en exergue un projet pilote mené avec l’appui des Nations Unies pour améliorer les capacités des anciens combattants à localiser les champs de mines.  Il s’est par ailleurs réjoui qu’après des années de travail, la Commission Vérité publie en juin prochain son rapport final, rédigé à partir des témoignages de milliers de victimes et de tous les acteurs du conflit.  Le Représentant spécial a également souligné le caractère historique des premières auditions de reconnaissance de responsabilité qui seront effectuées par la Juridiction spéciale pour la paix dans les prochaines semaines.  Dans ce cadre, les anciens commandants des FARC-EP, les membres de la force publique et les tiers auront un espace pour démontrer leur attachement à la vérité et aux droits des victimes, qui sont « la raison d’être du système global de vérité, de justice et de non-répétition », a-t-il dit, y voyant un pas décisif pour la définition des sanctions qui seront prononcées par la Juridiction spéciale. 

Enfin, après avoir signalé que le gouvernement dirigé par M. Duque devra prochainement passer le relais à une nouvelle administration, la troisième depuis la signature de l’Accord final, il a invité les parties, la société civile et les acteurs politiques à reconnaître les progrès accomplis, à faire progresser les éléments en suspens et à relever les défis qui subsistent.  Dans ce contexte, a-t-il conclu, le soutien continu du Conseil de sécurité sera plus important que jamais. 

M. IVÁN DUQUE MÁRQEZ, Président de la Colombie, a dénoncé les agissements des groupes armés qui cherchent selon lui à remettre en question la stabilité des institutions de son pays.  Pourtant, a-t-il assuré, la Colombie reprend « à bras-le-corps » les principes de la paix tels que consacrés dans l’article 22 de la Constitution colombienne, dans laquelle il est dit « sans ambages » que le devoir premier de l’État est de garantir la vie, les droits et les libertés de tous les citoyens, « partout et tout le temps ».  Sur cette base, M. Duque a reconnu qu’au cours des 40 dernières années, la Colombie s’est engagée dans plusieurs processus de paix avec des groupes armés illicites, dont certains ont été couronnés de succès.  Mais six ans après la signature de l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable, entre le Gouvernement colombien et les ex-FARC-EP, des affrontement continuent d’opposer l’Armée de libération nationale (ELN) et des groupes dissidents des FARC-EP dans certaines régions du pays, en relation avec le trafic de stupéfiants. 

L’approche de la paix « basée sur la légalité » privilégiée par mon gouvernement a pour but de corriger ou d’améliorer les éléments nécessaires, a expliqué M. Duque.  S’appesantant sur la réintégration des personnes soumises à la violence, il a indiqué que si celle-ci ne se passe pas bien, cela peut avoir une incidence sur la mise en place d’une paix véritable dans les différents territoires de la Colombie.  Malgré les obstacles qui entravent le processus de réintégration, au premier rang desquels la détérioration des conditions de sécurité dans plusieurs régions, la majorité des plus de 13 000 ex-combattants poursuivent leur réintégration politique, sociale et économique dans la vie civile avec le soutien du Gouvernement, a souligné le Chef d’État.  Plus de 85% de ces personnes disposent d’une carte de sécurité sociale et ont la possibilité de suivre des formations et de bénéficier un jour d’une retraite. 

Le Gouvernement a également fait de la mise en œuvre de la loi pour la réparation des victimes une priorité, a poursuivi M. Duque.  Il a assuré que les dizaines de milliers de Colombiens qui pendant des décennies ont été « lacérés par la violence » sont indemnisés par l’État, qui a également l’intention de leur permettre d’avoir une influence sur les décisions politiques dans les zones les plus touchées par la violence.  Le Président a ensuite évoqué des plans de développement plus nombreux que par le passé, 16 au total, fruits de 14 cycles de consultations des différentes communautés qui ont permis à la Colombie d’investir quatre milliards de dollars dans ces 170 municipalités où vivent 600 000 Colombiens, dont 200 000 qui ont été victimes de la violence. 

Selon le Président, 13 000 agriculteurs colombiens peuvent aujourd’hui vendre sans intermédiaire et, grâce à des systèmes de microcrédit, générer des sources de revenu durable.  Autres éléments notables, s’est-il félicité, la substitution des cultures, qui concerne 50% de toutes les zones éradiquées, pour faire face à la menace du trafic de drogue, assorti d’un « déminage humanitaire » des sols.  Relevant cependant que la consommation de stupéfiants ne cesse d’augmenter dans un certain nombre de pays où transitent les drogues, il a appelé ces derniers à assumer leur « coresponsabilité » dans cette situation.  Il n’y a pas d’ennemi de la paix dans les institutions publiques et démocratiques de notre pays, les seuls ennemis sont ceux qui par la violence ont voulu remettre en question l’existence même de notre pays aujourd’hui, a accusé M. Duque.  « La paix en Colombie n’est pas une question politique, ni électorale, il ne s’agit pas non plus d’une question idéologique », a conclu le Chef d’État.  Nous avons encore beaucoup à faire, a-t-il reconnu, mais les réalisations de la Colombie sont indéniables. 

Lord TARIQ AHMAD DE WIMBLEDON, Ministre d’État pour l’Asie du Sud et centrale, l’Afrique du Nord, l’ONU et le Commonwealth, a déclaré que la Colombie est un exemple important qui démontre que la résolution des différends n’est possible que par des moyens pacifiques et le dialogue.  Il a noté que cette année marque un tournant pour le système de justice transitionnelle, évoquant notamment les premières condamnations prononcées par la Juridiction spéciale pour la paix.  Malgré les progrès réalisés, il s’est inquiété du fait que certains groupes continuent d’être touchés de manière disproportionnée par la violence, les déplacements et le confinement.  À cet égard, il s’est dit alarmé par l’augmentation des incidents violents et de l’insécurité dans plusieurs régions, ce qui a coûté la vie à d’anciens combattants, des écologistes, des défenseurs des droits humains, des femmes leaders et des leaders des communautés autochtones et afro-colombiens.  Il s’est déclaré choqué par le meurtre de Jorge Santofimio à Putumayo, estimant que son engagement pour la protection de l’environnement et la paix avaient fait de lui un exemple des bienfaits qui découlent d’une réintégration réussie. 

Pour briser ce cycle de violence, le Ministre a exhorté le Gouvernement à continuer d’intensifier ses efforts pour assurer une protection adéquate et la sécurité, améliorer la présence de l’État dans les zones touchées par le conflit, et renforcer les institutions capables d’enquêter et de poursuivre les responsables de ces crimes.  Alors que la Colombie envisage les prochaines élections présidentielles le mois prochain, il a appelé à nouveau tous les acteurs politiques à veiller à ce que le scrutin soit pacifique et inclusif, et que les partis élus maintiennent leur engagement à la pleine mise en œuvre de l’Accord final. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est déclaré très inquiet au sujet du processus de paix colombien, notant que le Conseil a mis en jeu sa réputation sur ce dossier.  Les raisons de notre inquiétude ne font que grandir, a dit le délégué.  Il a notamment pointé la non-exécution de l’Accord final, relevant en outre que l’emploi même du terme d’anciens combattants montre bien que le pays est loin d’être réconcilié.  Il a indiqué que le fil directeur du rapport dont le Conseil est saisi, est bel et bien l’inquiétude.  Le Gouvernement colombien est incapable de garantir la sécurité des parties à l’Accord final, a tranché le délégué, en insistant sur le « carnage » qui se déroule en Colombie notamment pour le contrôle du trafic de drogue. 

La situation est tellement grave que le Gouvernement a dû prendre des mesures d’urgence pour remédier à la situation, a poursuivi le délégué.  Il a rappelé que 315 participants à l’Accord final ont été tués depuis sa signature.  De plus, six conflits armés se déroulent simultanément en Colombie entre le Gouvernement et divers groupes rebelles, tandis que 53 000 personnes sont déplacées.  Il a regretté que les représentants de la société civile n’aient pas pu présenter leurs évaluations aujourd’hui au Conseil.  Il a par ailleurs estimé que le rapport du Secrétaire général enjolive la réalité. 

M. MARTIN KIMANI (Kenya) qui s’exprimait au nom du Gabon, du Ghana et du Kenya (A3), a salué la réussite des dernières élections en Colombie qui devrait donner une impulsion pour arriver à une plus grande inclusion politique des communautés touchées par le conflit.  Le processus de paix colombien reste une source d’inspiration pour de nombreux pays qui cherchent à mettre fin à de longues guerres civiles, a remarqué le représentant pour qui l’ampleur et l’ambition de l’Accord final reflètent l’audace de la vision du Gouvernement colombien et des FARC-EP.  M. Kimani, qui a exprimé son admiration pour les victimes et les survivants, a appelé à mettre en œuvre de manière intégrale de l’Accord final dont le succès repose sur la pleine réinsertion des anciens combattants dans la société colombienne. 

L’A3, a indiqué le représentant, appelle à garantir la sécurité des anciens combattants y compris ceux d’origine autochtone et afrocolombienne.  M. Kimani a dit « appuyer » les plans du Forum de haut niveau sur les populations autochtones visant à élaborer une feuille de route pour 2022 afin de résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les anciens combattants d’origine autochtone et afrocolombienne.  Il faut allouer des ressources adéquates et fiables à cette initiative, a-t-il précisé.  Selon M. Kimani, la justice transitionnelle reste la pierre angulaire du processus de paix en particulier les progrès de la Juridiction spéciale pour la paix qui doit être autonome et indépendante. 

Soulignant l’association complémentaire entre le commerce illicite de stupéfiants et les conflits armés, y compris le terrorisme, le représentant a salué l’arrestation du baron de la drogue « Otoniel » qui devrait faciliter le démantèlement des organisations criminelles et de leurs réseaux de soutien.  Il a exhorté le Gouvernement à développer les infrastructures rurales, ainsi qu’à mettre en œuvre le Programme national intégral de substitution des cultures illicites.  L’A3 est préoccupé face à la violence persistante qui cible les anciens combattants, les communautés touchées par le conflit, y compris les communautés afrocolombiennes et autochtones, les dirigeants sociaux, les femmes bâtisseuses de la paix et les militantes des droits de l’homme, a exprimé le représentant.  Il s’est dit particulièrement préoccupé par les informations faisant état de l’intensification de la violence par les groupes armés, y compris l’Ejército de Liberación Nacional (ELN), et de leurs attaques contre des civils innocents.  En conclusion, M. Kimani a encouragé la mise en œuvre urgente auprès des plus vulnérables des garanties de sécurité par la Commission nationale chargée de ces questions, en tenant compte des besoins sexospécifiques. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a reconnu les progrès réalisés en Colombie depuis la signature de l’Accord final il y a cinq ans, avant de se féliciter que des milliers d’anciens combattants aient pu être réintégrés dans leurs communautés respectives et que les FARC aient pu être transformées en parti politique reconnu. Néanmoins, il s’est inquiété de l’augmentation de la violence sexuelle et sexiste et du recrutement des enfants qui risquent de « balayer les progrès atteints ».  Face à la réalité des attaques perpétrées par les groupes armés et les gangs contre des représentants de la société civile et des défenseurs des droits humains, mais aussi contre des femmes et des militants LGBTI, le représentant a exhorté le Gouvernement colombien à redoubler d’efforts pour démanteler ces groupes et gangs.  Parmi les freins au processus de paix, il a cité les menaces que subissent les anciens combattants qui ont rendu les armes et l’absence de réforme foncière comprenant le droit à l’accès à la terre pour les victimes du conflit.  Après s’être félicité de l’organisation des deuxièmes élections parlementaires depuis la signature de l’Accord final, le représentant a particulièrement salué la mise en place de six districts électoraux spéciaux pour donner la voix aux populations historiquement exclues dans les zones frappées par le conflit. 

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a salué les réalisations de l’Accord final en Colombie ainsi que le soutien apporté par le Gouvernement du Président Duque à sa mise en œuvre.  Il faut maintenant construire sur ces acquis, a-t-elle préconisé, reconnaissant toutefois que d’importants défis subsistent.  Pour la représentante, le gouvernement qui succédera à l’Administration de M. Duque aura une responsabilité très lourde mais aussi une « occasion en or » de finaliser les dispositions de l’Accord.  Qualifiant à cet égard de « nouveau pas en avant » les récentes élections au Congrès, marquées par une participation accrue des femmes, elle s’est également réjouie de la signature d’un pacte pour la non-violence par 13 partis politiques. 

Toutefois, a-t-elle nuancé, bien que le contexte soit globalement calme, des inquiétudes demeurent en raison de la persistance de la violence dans plusieurs régions, notamment dans l’Arauca.  Traiter cette violence doit rester une priorité des autorités colombiennes, a recommandé la déléguée.  Elle a conseillé pour cela de pleinement mettre en œuvre les mécanismes de sécurité tout en appuyant les initiatives communautaires, véritable ciment de la paix.  À cet égard, les efforts déployés par le Gouvernement, à commencer par sa stratégie de réintégration des anciens combattants, montrent qu’il faut travailler avec la société dans son ensemble, a relevé la représentante, avant de saluer les avancées réalisées en matière de justice réparatrice basée sur les survivants.  Elle a également applaudi le fait que la Juridiction spéciale pour la paix diversifie les sujets traités et s’intéresse notamment aux violences sexistes et sexuelles liées au conflit.  Pour conclure, elle a souhaité que le processus électoral menant au prochain scrutin présidentiel reste pacifique et contribue à installer une paix durable dans le pays. 

M. CHRISTOPHER P. LU (États-Unis) s’est félicité que les élections législatives récentes se soient déroulées « sans accroc significatif », saluant aussi le nombre sans précédent de femmes élues au Congrès et la participation de communautés sous-représentées jusqu’à présent.  Il a ensuite jugé fondamental pour le Gouvernement et la société colombienne de continuer de mettre en œuvre l’Accord final, avant de dire qu’il attend avec impatience la publication au mois de juin du rapport de la Commission Vérité.  Nous savons que les conclusions de ce rapport seront difficiles et encourageons les acteurs à y réfléchir, a dit le représentant.  Il a constaté que la violence s’est accrue dans plusieurs départements du pays, à l’encontre une fois de plus de défenseurs des droits humains et de travailleurs sociaux, provoquant notamment le déplacement de communautés autochtones.  Le délégué a par ailleurs observé que, au cours de la période à l’examen, la mise en œuvre de l’Accord final a été beaucoup plus lente que souhaitée.  Notant que l’opérationnalisation du versant économique et de développement est le « projet d’une génération », il a appelé les dirigeants actuels et à venir de la Colombie à continuer de soutenir cette mise en œuvre, en renforçant la sécurité dans les zones rurales, en garantissant une réforme foncière dans les zones concernées, et en assurant l’accès à la justice. 

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a estimé que la présence du Président Iván Duque à cette session est une démonstration du sérieux de l’engagement de la Colombie dans la mise en œuvre de l’Accord final.  Avec la proximité de l’élection présidentielle en Colombie, nous sommes heureux de voir que la consolidation de la paix est une priorité consensuelle dans la société colombienne, a—t-il déclaré.  Il a dit comprendre que la route est longue et qu’il y a toujours de nouveaux obstacles à surmonter.  Seulement cinq ans se sont écoulés depuis la signature de l’accord historique avec les FARC, soit le tiers de la période estimée pour la pleine mise en œuvre de ses dispositions.  Le représentant a dit espérer que la prochaine administration du pays saura donner une continuité aux efforts de ces dernières années.  Il a estimé que l’affrontement entre les groupes armés illégaux et les organisations criminelles, ainsi que les économies illicites et le contrôle territorial inefficace par l’État sont des défis incontournables pour le prochain gouvernement colombien.  Le Brésil attend avec intérêt le rapport final de la Commission Vérité, coexistence et non-répétition, un document fondamental pour la société colombienne pour surmonter la violence du passé et continuer à consolider la paix, a jugé le délégué.  Enfin, il a appelé les membres du Conseil à ne pas perdre de vue que leur rôle est circonscrit à la vérification de la mise en œuvre de l’Accord final.  Les stratégies de développement et la sécurité sont des prérogatives de l’État colombien, a-t-il tranché. 

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a insisté sur le travail qu’accomplit la société civile colombienne, avant de se féliciter de la tenue des élections législatives, un jalon important qu’il convient de saluer.  Il a insisté sur le nombre sans précédent de femmes candidates, tout en appelant de ses vœux une participation accrue des femmes autochtones.  Il a loué les « avancées indéniables » dans l’application de l’Accord final, avant de souligner la nécessité de remédier aux causes profondes de la violence.  Les chiffres avancés dans le rapport à l’examen sur le nombre d’incidents violents et le rôle des enfants sont inquiétants, a déclaré le délégué.  Il a appuyé le travail de la Juridiction spéciale pour la paix et de la Commission Vérité, coexistence et non-répétition.  Le Conseil de sécurité a apporté un appui exemplaire au processus de paix colombien, a conclu le représentant du Mexique. 

M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande) s’est félicité de l’augmentation du taux de femmes élues qui est passé de 19% à 30% aux dernières élections législatives.  Il s’est toutefois préoccupé des menaces, des intimidations et de la violence politique qui ont touché certains candidats aux élections, en particulier les femmes et les membres de la communauté afro-colombienne, et a condamné les tentatives de groupes armés illégaux d’interférer avec le processus politique.  En attendant l’élection présidentielle, il est essentiel que les candidats et les électeurs puissent participer à l’exercice de la démocratie sans crainte d’intimidation ou de violence, a souligné le délégué. 

Poursuivant, M. Flynn s’est préoccupé du niveau élevé de déplacements, de séquestrations, d’actes d’intimidation et d’assassinats ciblés et de leur impact croissant sur les communautés et les dirigeants autochtones et afrocaribéens.  Ces incidents montrent l’importance du travail de la Commission nationale des garanties de sécurité pour lutter contre les groupes armés illégaux et créer un environnement sûr en Colombie, a estimé le représentant, notant que les garanties de sécurité contenues dans l’Accord sont fondamentales pour ceux qui ont déposé les armes pour travailler à une Colombie pacifique.  Saluant par ailleurs l’approche centrée sur la victime du système de justice transitionnelle colombien, M.  Flynn a souligné que la pleine reconnaissance de la responsabilité des auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité sera un moment déterminant pour la vérité et la réconciliation en Colombie. 

M. T. S. TIRUMURTI (Inde) s’est dit encouragé par les progrès réalisés ces derniers mois dans la mise en œuvre de l’Accord final en citant les réformes en milieu rural, la mise en place de cultures de substitution et la tenue en juin 2022 des premières audiences de la Juridiction spéciale pour la paix.  Il s’est notamment félicité que les dernières élections aient pu être organisées pour la première fois dans 167 municipalités des zones rurales touchées par les conflits et que des alliances politiques encourageantes aient pu être observées.  Tout en s’inquiétant des menaces que constituent les activités criminelles de différents groupes armés, le représentant a salué les progrès réalisés par les autorités colombiennes en matière de sécurité, d’accès au logement et de garanties foncières telles qu’inscrites dans l’Accord final.  Après s’être vanté de six décennies de fructueuses relations bilatérales entre l’Inde et la Colombie, le délégué a noté que le commerce entre ces deux pays a augmenté de 20% l’année dernière malgré les bouleversements causés par la pandémie.  Alors que la mise en œuvre du processus de paix colombien constitue une source d’inspiration pour la communauté internationale, le représentant a assuré que l’Inde continuera d’appuyer les efforts de la Colombie sur le chemin de la paix durable. 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a estimé que, dans un monde « secoué par les conflits », la Colombie est « un exemple pour la communauté internationale ».  Qualifiant l’Accord final d’ « acquis historique », elle s’est félicitée que l’ancienne guérilla ait déposé les armes, que les anciens combattants se réintègrent peu à peu et que la justice ouvre la voie à la réconciliation.  Elle a salué la tenue sans perturbations majeures des élections au Congrès.  L’élection, pour la première fois, des représentants des 16 circonscriptions pour la paix est une avancée, a noté la déléguée, émettant l’espoir que la campagne présidentielle se poursuivra sans tension et que les élections se tiendront de manière sûre et inclusive, dans toutes les régions du pays.  Elle s’est cependant déclarée préoccupée par la poursuite des violences, en particulier dans la région d’Arauca, avertissant que chaque massacre, chaque assassinat, chaque déplacement de population est un danger pour l’Accord final. Bien que les garanties de sécurité restent insuffisantes à ses yeux, elle a jugé positif que la Commission nationale des garanties de sécurité se soit réunie pour la première fois depuis un an.  Elle a souhaité que cette instance se réunisse plus régulièrement, comme cela est prévu dans l’Accord, afin d’accélérer le démantèlement des groupes armés. 

La représentante a d’autre part appelé au renforcement de la présence de l’État dans les régions reculées.  Dans ces zones, il importe de lutter contre la violence mais aussi d’offrir des opportunités socioéconomiques viables aux populations qui ont souffert du conflit, a-t-elle soutenu, estimant en outre que davantage doit être fait en matière de réforme rurale et d’accès à la terre et au logement.  Elle s’est cependant félicitée des progrès constants de la Juridiction spéciale pour la paix, jugeant que l’ouverture de trois nouveaux cas démontre la maturité de ce système.  Selon elle, les premières peines réparatrices marqueront un tournant en plaçant les victimes au cœur du processus. 

MME MONA JUUL (Norvège) s’est félicitée du nombre de femmes élues lors des élections législatives, qui n’a jamais été aussi élevé.  Des victimes authentifiées, issues de zones rurales touchées par le conflit, ont également été élues pour représenter les circonscriptions électorales transitoires pour la paix, a-t-elle encore salué, en soulignant que les victimes doivent rester au centre des préoccupations dans les années à venir.  Il faut faire davantage d’efforts pour assurer la protection des enfants, des défenseurs des droits et des chefs autochtones et veiller à ce que les auteurs d’attaques contre eux soient traduits en justice, a exhorté la déléguée.  Il a plaidé pour que la mise en œuvre complète des dispositions de l’Accord final relatives aux garanties de sécurité soit finalisée face aux violences persistantes.  Cela exige d’exécuter rapidement les ordonnances émises à l’intention du Gouvernement après la décision de la Cour constitutionnelle qui a jugé « inconstitutionnelle » la loi sur les droits de la personne, a indiqué la représentante.  En outre, elle a recommandé d’adopter une politique publique visant à démanteler les groupes armés illégaux, politique à laquelle les représentants de la société civile devraient être autorisés à apporter leur contribution. 

M. JUN ZHANG (Chine) a indiqué que le processus de paix en Colombie est une source d’inspiration qui devrait œuvrer pour le développement durable du peuple colombien.  Il a espéré que le prochain gouvernement colombien poursuivra la mise en œuvre de l’Accord final.  Le représentant a cependant constaté que la violence a redoublé dans de nombreuses régions et le processus d’intégration des anciens combattants patine.  Il a aussi plaidé pour un plus grand engagement des femmes dans le processus de paix. Le délégué a appelé le Gouvernement à accélérer les réformes actuelles, avec le soutien des pays de la région.  Pour le représentant, le processus de paix en Colombie est irréversible, et la mission onusienne devrait renforcer son soutien au pays. 

Le Président de la Colombie a repris la parole pour saluer cette séance historique et saluer le message positif envoyé par le Conseil aujourd’hui au peuple colombien.  S’agissant de l’égalité hommes-femmes, il a indiqué que la Colombie a accompli des progrès importants, soulignant le nombre sans précédent de femmes soldats et précisant que les bénéficiaires des programmes de redistribution des terres sont pour moitié des femmes.  Nous avons dû faire face à la dissidence des FARC et de l’ELN, a rappelé M.  Duque. 

Il a aussi signalé que le taux d’homicide est au plus bas dans son pays, mentionnant la réduction tendancielle sur les années du nombre de meurtres de dirigeants sociaux.  Ces groupes armés sont des groupes terroristes que nous devons combattre, a déclaré le Président.  «  Nous continuerons d’investir dans la sécurité et le développement social de la Colombie. »  Il a aussi reconnu que la démocratie colombienne doit encore être renforcée.  Le Président a par ailleurs évoqué sa tristesse par rapport à ce qui se passe en Ukraine et fustigé les pays qui parlent de paix tout en menant une guerre.  Accepter le dialogue avec l’État tout en continuant de conduire des actions violentes revient à discréditer ce dialogue, a déclaré le Président, en insistant sur la robustesse accrue des institutions colombiennes. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

COVID-19: Le Conseil de sécurité débat des moyens de promouvoir la vaccination dans les zones de conflit, après ses résolutions de 2020 et 2021

9014e séance, après-midi
CS/14858

COVID-19: Le Conseil de sécurité débat des moyens de promouvoir la vaccination dans les zones de conflit, après ses résolutions de 2020 et 2021

Alors que la COVID-19 a déjà contaminé 500 millions de personnes et fait 6 millions de morts, le Conseil de sécurité a discuté aujourd’hui des moyens d’améliorer la mise en œuvre des dispositions de ses résolutions 2532 (2020) et 2565 (2021).  Si la première, adoptée au début de la pandémie, appelait à mettre un terme immédiat aux hostilités dans le monde pour y faire face, en demandant une pause humanitaire d’au moins 90 jours, la seconde demandait l’année suivante de faciliter l’accès aux vaccins dans les zones de conflit.

Dans un exposé liminaire, M. Ted Chaiban, Coordinateur principal mondial pour la préparation et la fourniture du vaccin contre la COVID-19, a jugé indispensable de renouveler les efforts pour atteindre les objectifs de ces deux textes en demandant notamment un financement souple et un débat sur le dispositif mondial d’urgence sanitaire.  S’il s’est félicité de la baisse du nombre de pays ayant une faible couverture vaccinable (inférieure ou égale à 10%), passé de 44 à 18 depuis janvier 2022, les autres intervenants ont rappelé que l’objectif de vacciner 70% de la population mondiale d’ici à mi-2022 sera impossible sans atteindre les populations des zones de conflit.

Pour mettre fin à la pandémie en effet, la vaccination doit avoir lieu partout, a rappelé Mme Esperanza Martinez, Conseillère principale du Directeur général du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui a plaidé pour que les campagnes de vaccination aient lieu dans les zones de conflit où les systèmes de santé ne sont plus en mesure de contenir la propagation des maladies.  « Ceux qui administrent les vaccins méritent une protection particulière contre les attaques », a-t-elle aussi rappelé, une obligation qui est réaffirmée dans la résolution 2565.  Pour avancer, elle a suggéré d’intégrer les vaccins contre la COVID-19 dans une stratégie de santé plus large et, parallèlement, de renforcer les systèmes de santé nationaux.

En outre, le docteur Emmanuel Ojwang de « CARE International », organisation qui œuvre au Soudan du Sud, a exhorté les membres du Conseil à appeler le système des Nations Unies, la communauté internationale des donateurs et les gouvernements à assurer un accès humanitaire sûr et sans entrave à toutes les personnes dans le besoin, afin de créer un environnement propice à une distribution équitable des vaccins dans les situations de conflit, postconflit et contextes humanitaires à travers l’Afrique et au-delà.

Tous ces éléments nécessaires pour parvenir à une immunité collective ont été repris par les membres du Conseil, dont la France qui ainsi résumé les priorités: un accès équitable et abordable aux vaccins contre la COVID-19; une cessation des hostilités et une pause humanitaire, conformément à la résolution 2532; la prise en compte des personnes les plus vulnérables dans les plans nationaux de vaccination, notamment les réfugiés et les déplacés; et le renforcement des systèmes de santé et la réponse aux besoins humanitaires.

Pour permettre l’accès équitable et abordable aux vaccins, la France a dit s’être engagée à donner 120 millions de doses d’ici à l’été 2022, dont la moitié destinée à l’Afrique, tandis que la Chine a fait valoir son don de deux milliards de doses ayant bénéficié à 150 pays.  Le Brésil a, pour sa part, souligné que sa contribution de 86,6 millions de dollars au Mécanisme COVAX constitue le plus grand don reçu par le Mécanisme venant d’un pays en développement. 

Le Ministre d’État du Royaume-Uni Tariq Ahmad de Wimbledon, qui présidait la séance, a fait part du don de plus 1,4 milliard de vaccins fait par son pays avant de poser le problème le plus urgent: le défi, selon lui, n’est plus la production de vaccins mais les campagnes de vaccination.  Il a illustré ses propos par le fait que moins de 4% de la population du Yémen, de la République démocratique du Congo, d’Haïti et du Burundi est vaccinée.

« Aujourd’hui nous n’avons plus de problèmes de doses mais des problèmes de livraison et de distribution », ont renchéri les États-Unis en soulignant les difficultés de distribution dans les zones de conflit.  Ils ont jugé essentiel, pour remédier à cela, que les organisations humanitaires bénéficient d’un accès sûr et sans entrave en Ukraine, en Syrie, au Myanmar, et dans tous les pays et dans tous les conflits. 

« Nous devons trouver des moyens d’assurer la livraison de vaccins dans les zones touchées par les conflits et postconflit », a insisté l’Inde avant d’appeler les États à intensifier leurs capacités de fabrication, tant sur le plan qualitatif que quantitatif, et à garantir une chaîne d’approvisionnement mondiale des matières premières ouverte et ininterrompue.

Les difficultés de financement de la vaccination mondiale ont été soulevées par plusieurs délégations, à la suite des commentaires du docteur Ojwang qui a prévenu, par exemple, que le coût réel de la livraison du vaccin contre la COVID-19 au Soudan du Sud est nettement plus élevé que les estimations mondiales actuelles.  Il faut 1% de PIB supplémentaire pour financer la santé mondiale, a calculé le Ghana, en appelant à financer des pôles de développement de vaccins sur le continent africain.  L’ACT et le Mécanisme COVAX doivent être mieux financés, ont aussi plaidé l’Albanie et la Norvège.

Les membres du Conseil ont, de manière générale, rappelé qu’une cessation des hostilités et une pause humanitaire, conformément à la résolution 2532, sont des conditions indispensables pour faciliter le déroulement des campagnes de vaccination et atteindre les objectifs de couverture vaccinale partout dans le monde.  Plusieurs ont mis l’accent sur la dimension genre, en notant que les femmes et les filles sont particulièrement touchées par les inégalités d’accès à la vaccination, à l’instar de Mme Sarah Bint Yousif Al Amiri, Ministre d’État aux technologies avancées des Émirats arabes unis, qui a invité le Conseil à plaider en faveur d’une vaccination sensible à la dimension sexospécifique.  Beaucoup ont souligné à cette occasion l’importance du leadership des femmes dans ces efforts.

Sollicité par la délégation russe en fin de séance, le Coordonnateur principal mondial pour la préparation et la fourniture du vaccin contre la COVID-19 a estimé que, s’agissant du stock tampon humanitaire dans le cadre du COVAX, la question de l’indemnité est essentielle, même si elle se pose différemment qu’en début de pandémie.  Il faut voir quelles mesures pourraient être prises pour un plein agrément des vaccins et quels instruments pourraient être utilisés à cette fin, a-t-il dit, ajoutant que les débats sur le stock tampon se penchent sur ces questions.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES: APPLICATION DES RÉSOLUTIONS 2532 (2020) ET 2565 (2021)

Déclarations

M. TED CHAIBAN, Coordonnateur principal mondial pour la préparation et la fourniture du vaccin contre la COVID-19, a noté qu’un million de cas ont été signalés récemment à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) alors que la pandémie a déjà fait six millions de morts.  Tout en se félicitant de la distribution de 11 milliards de vaccins, il a dit que la fenêtre d’opportunité se referme, comme le signale le Directeur de l’équipe interorganisations de haut niveau afin de garantir une réponse mondiale efficace à la pandémie.  Pour gagner en efficacité vaccinale, M. Chaiban a appelé à regrouper la vaccination contre la COVID-19 avec d’autres interventions sanitaires et d’autres campagnes de vaccination, dont le vaccin contre la rougeole.

« Depuis janvier 2022, le nombre de pays ayant une couverture vaccinable inférieure ou égale à 10% est passé de 44 à 18 », s’est félicité M. Chaiban.  Alors qu’il participait à la séance en visioconférence depuis la République démocratique du Congo, il a expliqué être dans ce pays pour aider le Gouvernement à étendre sa couverture vaccinale pour atteindre 75 millions d’habitants.

Dans le contexte des crises en Afghanistan et au Yémen, lutter contre l’insuffisance vaccinale exige que nous travaillions avec le personnel humanitaire pour surmonter les principaux obstacles à la vaccination, a insisté M. Chaiban.  Il a dit l’importance des partenariats pour la distribution des vaccins en citant la coordination des actions du Mécanisme COVAX, de l’UNICEF, de l’Alliance mondiale pour les vaccins (GAVI), de la Banque mondiale et d’autres institutions qui fournissent un appui concerté aux pays dans le besoin en matière de financements souples et d’assistance technique.  Il a jugé indispensable de déployer des efforts renouvelés pour la mise en œuvre des résolutions 2532 (2020) et 2565 (2021) du Conseil de sécurité avant de souligner la pertinence d’un financement souple dont les bénéfices se feront sentir bien après la pandémie.  Enfin, il a jugé nécessaire de mener un débat sur le dispositif mondial d’urgence sanitaire.   

Mme ESPERANZA MARTINEZ, Conseillère principale du Directeur général du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a rappelé que la pandémie de COVID-19 a tué plus de six millions de personnes dans le monde, selon les chiffres officiellement publiés.  Pour y mettre fin, la vaccination doit avoir lieu partout, a estimé la responsable déplorant que ce n’est pas le cas dans les zones de conflit où les systèmes de santé ne sont plus en mesure de contenir la propagation des maladies.  Pour Mme Martinez, la bonne nouvelle est qu’à mesure que l’offre de doses de vaccin augmente, le potentiel de vaccination augmente aussi.  Pour y parvenir dans les situations de conflit, le CICR recommande au Conseil, aux États Membres de l’ONU et aux pays touchés par des conflits de respecter le droit international humanitaire, l’intégrité des hôpitaux et autres établissements médicaux ainsi que le personnel médical.  « Ceux qui administrent les vaccins méritent une protection particulière contre les attaques. »  Ces obligations sont réaffirmées dans la résolution 2565 (2021), a rappelé la Conseillère spéciale qui a exhorté les parties au conflit à appliquer ce texte de bonne foi, « car les attaques contre les soins de santé ont un effet profond sur la vie et l’avenir des gens ». 

Poursuivant, Mme Martinez a conseillé d’intégrer les vaccins contre la COVID-19 dans une stratégie de santé plus large et, parallèlement, de renforcer les systèmes de santé nationaux.  Elle a encouragé à faire en sorte que la vaccination contre la COVID-19 devienne une routine.  Elle a aussi suggéré d’investir dans la préparation des pays et de renforcer les éléments des systèmes de santé qui soutiennent les vaccinations.  Ceux-ci devraient, à leur tour, soutenir la réponse à d’autres besoins de santé préexistants.  Les investissements devraient se focaliser sur le développement des capacités et des compétences des agents de santé ainsi que sur l’amélioration des chaînes d’approvisionnement et des infrastructures locales, a-t-elle encore suggéré.  Le CICR a soutenu plus de 600 établissements de santé en Iraq en 2021 permettant ainsi l’administration de plus de 14 millions de doses de vaccin contre la COVID-19, a informé Mme Martinez. 

L’experte a aussi recommandé de faire participer les communautés aux activités de vaccination et de leur faire mobiliser leurs ressources.  Le CICR a mis en place un réseau de comités de santé communautaire rattachés à 28 centres de soins de santé primaires en Somalie et à 16 au Soudan du Sud.  De nombreuses représentantes sont des femmes qui peuvent jouer un rôle important dans le contrôle et la prévention de la pandémie de COVID-19 et d’autres maladies, a expliqué Mme Martinez.  L’engagement communautaire garantit que les connaissances des communautés font partie intégrante de la conception et de la mise en œuvre des programmes, et que les gens disposent d’informations précises sur les vaccins et les interventions de santé publique, afin qu’ils puissent faire des choix éclairés pour eux-mêmes, a observé la Conseillère spéciale.  Le CICR s’efforce aussi de favoriser la confiance des communautés et des parties au conflit concernant toutes ses activités humanitaires.  Le CICR a aidé à administrer plus de 21 millions de doses de vaccin contre la COVID-19 l’année dernière dans les zones touchées par les conflits armés, a indiqué l’intervenante pour qui le relèvement collectif en dépend.

Le docteur EMMANUEL OJWANG de « CARE International » au Soudan du Sud, a relevé que son organisation est l’un des principaux acteurs du secteur de la santé au Soudan du Sud où elle soutient 56 établissements de santé, dans 4 des 10 États du pays.  Il a signalé des cas de désinformation dans le pays, « comme cela a été le cas ailleurs en Afrique subsaharienne », ce qui a contribué à la réticence par rapport à la vaccination, y compris des mythes très persistants que les vaccins causent l’infertilité chez les femmes et les hommes.  Il a expliqué que même avant l’arrivée de la COVID-19, les systèmes de santé dans les zones où travaille son organisation étaient très fragiles et débordés.  Ainsi, 56% des gens n’avaient pas un accès adéquat aux services de santé et devaient marcher des kilomètres pour rejoindre une clinique.  Dans un contexte de pénurie de personnel de santé qualifié, seulement 30% des femmes ont accouché avec l’assistance d’une professionnelle, a-t-il dit, ajoutant que cela a conduit à des taux de mortalité maternelle parmi les plus élevés au monde.  Et quand la COVID-19 a frappé, seuls 49% des enfants avaient reçu les vaccins infantiles classiques, a-t-il aussi signalé.  Il a aussi expliqué que la distribution de vaccins contre la COVID-19 n’avait pas été facile au Soudan du Sud qui compte une population de 12 millions de personnes, dont beaucoup vivent dans des régions isolées pendant plusieurs mois de l’année en raison d’inondations saisonnières.

Le docteur Ojwang a indiqué que bien qu’il ait dû renvoyer au Mécanisme COVAX 72 000 doses de vaccin en mai 2021 avant qu’elles n’expirent, deux mois plus tard seulement le Ministère de la santé a pu administrer la quasi-totalité des 60 000 doses de vaccin contre la COVID-19 dont il disposait.  La clef de cette réussite, a-t-il expliqué, réside dans plusieurs approches novatrices que le Gouvernement du Soudan du Sud et ses partenaires ont mis en place en juin et juillet 2021, comme des investissements stratégiques dans l’éducation et la mobilisation communautaires pour briser les mythes et la désinformation.  Sachant que la radio est la première source d’informations pour la plupart des habitants du pays, les stations de radio locales ont été mises à contribution pour sensibiliser les populations qui pouvaient discuter en langues locales avec des spécialistes de la santé.  De même, les autorités et les partenaires ont fait appel à des vaccinateurs et des prestataires de services supplémentaires.  Cela a permis de déployer les vaccins contre la COVID-19 sans perturber d’autres services de santé essentiels tels que la vaccination des enfants.  Le représentant de Care International a tenu à préciser que le coût réel de la livraison du vaccin contre la COVID-19 au Soudan du Sud est nettement plus élevé que les estimations mondiales actuelles. 

Avant de conclure son intervention, le docteur Ojwang a exhorté tous les membres du Conseil de sécurité à appeler le système des Nations Unies, la communauté internationale des donateurs et les gouvernements à garantir un accès humanitaire sûr et sans entrave à toutes les personnes dans le besoin, afin de créer un environnement propice à une distribution équitable des vaccins dans les situations de conflit, postconflit et contextes humanitaires à travers l’Afrique et au-delà.  Il leur a également demandé de veiller à ce que les modèles d’établissement des coûts et les budgets des vaccins contre la COVID-19 couvrent tous les aspects de la livraison et reflètent les coûts réels du déploiement des vaccins jusqu’au dernier kilomètre.  Enfin, il a appelé à faire des investissements concrets pour assurer un déploiement équitable du vaccin contre la COVID-19 afin de ne laisser personne derrière.  Cela inclut à son avis la collecte et l’utilisation systématique des données ventilées par sexe, par âge et en tenant compte du handicap.

Lord TARIQ AHMAD DE WIMBLEDON, Ministre d’État pour l’Asie du Sud et centrale, l’Afrique du Nord, l’ONU et le Commonwealth, et Représentant spécial du Premier Ministre du Royaume-Uni pour la prévention de la violence sexuelle dans les conflits, a indiqué que la contribution de son pays pour atténuer les conséquences de la pandémie et y mettre fin le plus rapidement possible s’élève à 1,4 milliard de livres sterling.  Le partenariat entre le Royaume-Uni et l’Inde a permis à plus d’un milliard de personnes dans le monde de recevoir un vaccin, a-t-il aussi témoigné avant de préciser que son pays contribue également au Mécanisme COVAX qui a acheminé plus 1,4 milliard de vaccins à 144 pays.  Le Ministre a estimé que le défi désormais n’est plus la production de vaccins mais les campagnes de vaccination, en rappelant que moins de 4% de la population du Yémen, de la République démocratique du Congo, d’Haïti et du Burundi est vaccinée.

Le Ministre a souhaité que la vaccination devienne la priorité des gouvernements des pays connaissant un conflit, en appelant dans le même temps au renforcement de la coopération internationale.  « Nous devons rappeler aux parties belligérantes qu’elles ont l’obligation, en vertu du droit international humanitaire, d’assurer un accès humanitaire sans entraves, y compris à la vaccination. »  Nous devons ensuite, en tant que Nations Unies, œuvrer pour surmonter les obstacles et renforcer les systèmes de santé à travers le monde, a déclaré M. Ahmad.  Enfin, il a estimé que l’application de la résolution 2565 (2021) doit demeurer une priorité pour tous les pays.

Mme SARAH BINT YOUSIF AL AMIRI, Ministre d’État aux technologies avancées des Émirats arabes unis, s’est déclarée encouragée par l’accélération sans précédent de l’innovation autour des vaccins contre la COVID-19.  Elle a cependant convenu que la pandémie est loin d’être terminée, comme en attestent les vagues de nouveaux variants.  Observant que la crise actuelle a infligé un stress économique et social à des communautés déjà fragiles, en mettant en péril les moyens de subsistance et les services de base comme l’éducation et la santé, la Ministre a estimé que l’héritage sécuritaire de la pandémie sera probablement l’aggravation des causes profondes de ces problèmes à l’échelle mondiale.  Dans ce contexte, elle a rappelé que, le mois dernier, lors de la présidence émirienne du Conseil, les taux de vaccination dans les pays à l’ordre du jour du Conseil s’échelonnaient de 49% de la population éligible à moins de 1%, la moyenne étant inférieure à 10%.  Elle s’est donc félicitée de l’engagement continu du Conseil en faveur de la mise en œuvre de résolution 2565 (2021), estimant que cette année offre peut-être la meilleure occasion depuis 2020 d’améliorer la vaccination dans les pays à l’examen. 

La Ministre a ajouté que, fort de son expérience dans la collaboration avec les agences humanitaires et sanitaires, son pays considère essentiel que le Conseil continue d’insister sur les avantages de la vaccination à l’échelle mondiale, en soutien à des initiatives comme le Mécanisme COVAX et à son tampon humanitaire.  Elle a d’autre part jugé que le soutien du Conseil aux cessez-le-feu, aux trêves et aux systèmes de notification humanitaire peut faire la différence dans la livraison et la distribution rapides des vaccins.  De plus, a-t-elle ajouté, le Conseil devrait encourager les entités opérant dans le cadre de son mandat à assurer la coordination au niveau des pays afin que la vaccination contre la COVID-19 fasse partie de l’ensemble des services essentiels fournis par l’ONU et ses partenaires.  Ceci est particulièrement important en période d’insécurité alimentaire et de forte hausse des prix des matières premières, a souligné Mme Al Amiri.  Enfin, elle a souhaité que le Conseil plaide en faveur d’une vaccination sensible à la dimension sexospécifique, soulignant que le leadership des femmes dans ces efforts ainsi que les outils de responsabilisation dont disposent les agences d’exécution sont des moyens éprouvés d’améliorer l’équité. 

Après avoir rappelé que la pandémie de COVID-19 se comptabilise en termes de 500 millions de cas et de 6 millions de morts, Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a exprimé sa confiance dans la science qui a permis le développement de vaccins sûr et efficaces en moins d’un an.  Tout en se félicitant que près de 6 personnes sur 10 aient reçu au moins 2 doses de vaccin dans le monde, elle a reconnu que cela est insuffisant pour parvenir à une immunité collective.  Aujourd’hui, nous n’avons plus de problèmes de doses mais des problèmes de livraison et de distribution, a dit la représentante, avant de souligner les problèmes auxquels se heurte la distribution des vaccins dans les zones de conflit.  Illustrant son propos, elle a cité l’exemple de l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie, laquelle a perturbé la campagne de vaccination, en faisant chuter le rythme de 52 000 vaccins administrés par jour à moins de 1 000.  Par ailleurs, elle a jugé essentiel que les organisations humanitaires, dont celles chargées de la vaccination, bénéficient d’un accès sûr et sans entrave en Ukraine, en Syrie, au Myanmar, et dans tous les pays et tous les conflits.  Nous devons faire plus pour appliquer les résolutions 2532 et 2565 du Conseil de sécurité, a martelé la représentante, avant de préciser que le mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontière en Syrie est le seul moyen de faire parvenir des vaccins à des millions de Syriens.  

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a dit qu’en dépit de certains progrès, les taux de vaccination restent extrêmement inégaux d’un pays à l’autre, particulièrement entre pays du Nord et pays du Sud, notamment en Afrique où, selon l’OMS, deux tiers de la population auraient contracté la COVID-19.  Mettant l’accent sur la responsabilité collective du Conseil pour parvenir à une immunité collective, M. de Rivière a proposé quatre priorités et en premier lieu, l’accès équitable et abordable aux vaccins.  Il a indiqué que son pays s’est engagé à donner 120 millions de doses d’ici à l’été 2022, dont plus de 86 millions ont déjà envoyées.  Plus de 90% des vaccins de la France transitent par le Mécanisme COVAX et plus de la moitie bénéficie à des pays africains, a fait savoir le représentant.  Conformément à la résolution 2532 (2002) du Conseil de sécurité, il a demandé la cessation des hostilités et des pauses humanitaires, conditions indispensables pour faciliter les campagnes de vaccination.   

M. de Rivière a aussi insisté sur la prise en compte des personnes les plus vulnérables dans les plans nationaux de vaccination, notamment les réfugiés et les déplacés internes.  Les campagnes de vaccination doivent tenir compte des inégalités d’accès et de la participation des femmes aux processus décisionnels et à la réponse humanitaire.  Il est par ailleurs indispensable, a poursuivi le représentant, de renforcer les campagnes de communication et de sensibilisation pour lutter contre la désinformation et la défiance.  Le délégué a en outre suggéré le renforcement des systèmes de santé et la réponse aux besoins humanitaires.  Au-delà de la COVID-19, la France, a-t-il dit, continuera d’apporter son plein soutien à la GAVI, qui a permis de vacciner près de 900 millions d’enfants depuis 2000.  La France soutiendra l’action de l’OMS, y compris via l’ACT-A, en matière de renforcement des systèmes de santé, a annoncé M. de Rivière, ajoutant que son pays fera tout pour augmenter ses contributions financières à la réponse humanitaire. 

Selon M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil), le Conseil a estimé que la vaccination contre la COVID-19 est à la fois un impératif éthique et une nécessité pratique pour les personnes dans le besoin dans les zones de conflit, y compris les réfugiés, les personnes déplacées et les personnes vivant dans des zones contrôlées par des groupes armés non étatiques et hors de portée des services fournis par l’État.  Il a estimé que le Mécanisme COVAX pourrait être mieux équipé pour remplir son rôle.  Le délégué a souligné qu’il faut à présent s’assurer que les gens soient complètement vaccinés et que le monde soit mieux équipé pour répondre aux futures pandémies, chaque pays devant avoir un système de santé national solide et résilient, s’appuyant sur des forums internationaux comme l’OMS.  

Du côté du Conseil de sécurité, le représentant a estimé que cet organe peut adapter les opérations de maintien de la paix et les mandats politiques spéciaux afin qu’ils puissent, le cas échéant, soutenir les autorités du pays d’accueil dans leurs efforts de renforcement de leur système de santé et mener à bien les campagnes de vaccination incluant les réfugiés et les personnes déplacées.  La participation pleine, égale et significative des femmes dans ces efforts doit être accueillie et encouragée, a-t-il plaidé.  Le Brésil reste pour sa part déterminé à contribuer aux efforts mondiaux visant à augmenter la couverture vaccinale contre la COVID-19, a-t-il assuré, en rappelant de plus que, le 8 avril, le Brésil a annoncé un don de 86,6 millions de dollars au Mécanisme COVAX, soit le plus grand don reçu par le Mécanisme venant d’un pays en développement.

M. EVGENY Y. VARGANOV (Fédération de Russie) a insisté sur les difficultés rencontrées dans l’accès aux vaccins en raison des « sanctions injustifiées prises contre certains pays ».  Il a posé la question juridique des indemnisations de ces pays du fait desdites sanctions et déploré que ce thème soit oublié par le Conseil.  Il a rappelé que la Russie a fourni des vaccins et des tests à la Syrie.  Les réfugiés venant de Donetsk et de Louhansk en Russie peuvent aussi être vaccinés et recevoir des soins gratuits contre la COVID-19, comme tous les Russes, a-t-il ajouté.  Le représentant a ensuite signalé que son pays a déposé le brevet d’un vaccin sous la forme d’un spray nasal qui s’administrera en deux doses.  Le délégué a par ailleurs déclaré que le format du débat de ce jour au Conseil n’est pas « optimal ».  Il a enfin répondu « aux délégations qui profitent de toutes les séances du Conseil pour attaquer son pays » en disant avoir déjà fourni tous les détails sur l’opération militaire spéciale en Ukraine.

M. ZHANG JUN (Chine) a noté qu’en cette troisième année de pandémie, l’humanité commence à « voir la lumière au bout du tunnel ».  L’apparition de nouveaux variants nous rappelle toutefois qu’il n’est pas encore temps de nous reposer sur nos lauriers, a-t-il relativisé, avant d’appeler la communauté internationale à travailler ensemble pour ériger des barrières immunologiques.  L’objectif de 70% de vaccination contre la COVID-19 est en effet loin d’être atteint, en particulier dans les pays en conflit ou en situation postconflit.  Rappelant que la résolution 2565 (2021) demande un meilleur accès aux vaccins dans les zones de conflit, le représentant a plaidé pour un effort mondial de distribution, non sans rappeler que son pays a fourni 2,5 milliards de doses à plus de 120 pays, notamment en Afrique.  La Chine a également été le premier pays à appuyer la levée des droits de propriété intellectuelle sur les vaccins afin de permettre aux pays en développement de contribuer à la production.  Ces pays, a-t-il relevé, ont du mal à fournir des vaccins à leur population en raison de la faiblesse des systèmes sanitaires mais aussi en raison des conflits, de l’absence de moyens de transport et de mauvaises infrastructures de base.  Il est donc urgent de leur venir en aide si l’on veut mieux riposter aux prochaines pandémies, a souligné le délégué, invitant le Conseil à prendre des mesures concrètes dans ce sens.  

Le représentant a ensuite constaté qu’au moment où le monde s’emploie à se relever de cette crise, les bouleversements économiques et la flambée des prix alimentaires ajoutent aux difficultés structurelles des pays en développement.  Pour les soutenir face à ces épreuves, l’ONU doit, selon lui, se pencher rapidement sur des solutions de long terme susceptibles de leur redonner espoir.  À cette fin, le développement doit être le cœur du cadre politique mondial, a-t-il soutenu, avant d’annoncer que la Chine organisera une réunion sur ce thème dans un avenir proche.  Il a d’autre part souhaité que la communauté internationale tire les leçons de cette pandémie en renforçant le multilatéralisme et en adoptant une démarche axée sur les personnes.  Enfin, il a regretté que, malgré ces défis, quelques pays « s’accrochent à leur mentalité de guerre froide », ce qui nous ramène à une « confrontation bloc contre bloc » et plonge le monde dans la division.  À l’opposé de ces « actions irresponsables », a-t-il conclu, tous les pays doivent intensifier leur solidarité sous l’étendard de l’ONU et coopérer pour un avenir meilleur.  

Mme SIV CATHRINE MOE (Norvège) s’est alarmée des disparités actuelles frappantes dans l’accès aux vaccins: alors que certains pays sont proches de la vaccination universelle, d’autres –notamment ceux touchés par des crises humanitaires– n’ont atteint que 5% dans la part de population vaccinée.  Alors que la COVID-19 a permis d’accélérer la recherche, le développement et une capacité de production plus importante que jamais, la livraison reste un défi, a-t-elle relevé.  « Deux ans plus tard, un financement complet d’ACT-A et de son Mécanisme COVAX ne pourrait être plus urgent. »  Mme Moe a jugé indispensable de garantir un accès équitable aux vaccins, aux diagnostics et aux traitements, y compris pour les personnes déplacées ou vivant dans des zones hors d’atteinte des autorités sanitaires nationales.  Aussi a-t-elle demandé aux fabricants de renoncer à leurs exigences en matière d’indemnisation et de responsabilité pour les stocks tampons humanitaires du COVAX.  Elle a aussi estimé essentiel l’engagement de la communauté internationale, plaidant pour un dialogue afin de renforcer l’acceptation et la confiance dans les vaccins contre la COVID-19.  En outre, la capacité des systèmes de santé locaux à fournir le vaccin doit être prise en compte, a poursuivi Mme Moe.  Alors que de plus en plus de vaccins arrivent dans les pays en guerre, un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave reste impératif, a-t-elle conclu.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a jugé inacceptable que seulement 13% des habitants des pays à faible revenu aient été vaccinés par rapport à près de 70% dans les pays à haut revenu, demandant la mise en œuvre des dispositions de la résolution 2565 (2021) ayant trait au stock tampon humanitaire pour garantir un accès équitable aux vaccins.  S’agissant de l’équité vaccinale dans les pays en conflit ou en situation de postconflit, ainsi que dans les contextes de crises humanitaires, le délégué a demandé des financements prévisibles pour les organisations sanitaires internationales, notamment l’OMS et les centres régionaux du contrôle des maladies, appelant en outre à renforcer les systèmes sanitaires publics en tenant compte des besoins sanitaires, des priorités nationales et des personnes.  Le représentant a ensuite indiqué que le Ghana, le Rwanda et le Sénégal en partenariat avec une société pharmaceutique allemande, se sont lancés dans le développement et la production de vaccins en Afrique subsaharienne.  

M. FERIT HOXHA (Albanie) a déploré l’intensification des conflits en Éthiopie, en RDC, en RCA, au Mali, en Syrie ou au Yémen.  Il a aussi noté la détérioration des crises humanitaires en Afghanistan, au Myanmar, en Haïti, au Soudan du Sud, sans oublier l’émergence des nouveaux conflits.  Il a relevé que la guerre en Ukraine est la pire que le monde n’ait jamais pu imaginer.  Le représentant a appelé à une réponse plus solide pour faciliter un accès équitable et abordable aux vaccins, arguant que les rapports de l’OCHA montrent que si l’on compte 28 plans nationaux de réponse humanitaire aujourd’hui, plus du tiers d’entre eux dont ceux du Yémen, de la République démocratique du Congo (RDC), d’Haïti, du Soudan du Sud, du Cameroun, du Burundi et du Mali ont à peine conduit à la vaccination de 3 à 10% de la population.  Il a demandé à la communauté internationale de s’appuyer sur l’ACT et le Mécanisme COVAX qui doivent être mieux financés.  Le Conseil de sécurité, a ajouté le représentant, ne devrait épargner aucun effort pour obtenir de toutes les parties aux conflits qu’elles cessent immédiatement leurs hostilités et s’impliquent dans une solution humanitaire.

M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a dénoncé les inégalités inacceptables dans l’accès aux vaccins, même si ceux-ci sont plus disponibles.  Dans nombre de pays inscrits à l’ordre du jour du Conseil, la situation est décourageante, a constaté le délégué, rappelant notamment que moins de 3% de la population haïtienne est vaccinée.  Il a demandé la levée des droits de propriété intellectuelle dans un contexte de pandémie et la reconnaissance universelle de tous les vaccins autorisés par l’OMS.  La stigmatisation de vaccins pour des raisons politiques est aberrante, a-t-il tranché.  Le délégué du Mexique a estimé que la résolution 2565 (2021) est un pas dans la bonne direction, avant de souligner la nécessité que les vaccins soient reconnus comme ce qu’ils sont, un bien public mondial.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a constaté qu’en dépit des actions conjuguées des mécanismes mis en place pour l’accès équitable au vaccin (COVAX, GAVI, l’Alliance du vaccin et la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies), seul un faible pourcentage des personnes vivant dans les pays en développement a été vacciné et dans des proportions encore moindres dans les zones exposées aux conflits armés, contre un peu plus de 70% dans les pays développés.  Aussi a-t-il considéré que deux éléments pourraient contribuer à accroître l’efficacité de la réponse aux défis posés par la pandémie de COVID-19.  Tout d’abord, les mécanismes multilatéraux doivent se déployer dans les zones de conflits armés selon une approche de coopération qui met à profit les mécanismes régionaux et sous-régionaux.  Dans le cas de l’Afrique par exemple, l’Équipe spéciale africaine pour l’acquisition des vaccins (AVATT); les envoyés spéciaux de l’Union africaine pour la COVID-19 ou encore les centres africains de contrôle et de prévention des maladies, doivent être mis à contribution dans le cadre de partenariats efficaces, a préconisé le délégué.  Ensuite, a-t-il ajouté, il est primordial que l’approche communautaire soit privilégiée, pour surmonter certaines pesanteurs, notamment d’ordre sociétale.  Nous savons que la faible couverture des pays du Sud tient à des facteurs divers, au nombre desquels la réticence ou le scepticisme face au vaccin.  Pour atteindre des populations de zones éloignées, rurales ou en proie à la peur de l’inconnu, il peut s’avérer salutaire de s’appuyer sur des réseaux communautaires susceptibles de susciter la confiance nécessaire en pareille situation, a plaidé le représentant.

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a appelé à améliorer les infrastructures de santé publique pour la livraison des vaccins dans les régions les plus enclavées, à trouver des moyens d’assurer la livraison de vaccins dans les zones touchées par les conflits et postconflit et à lutter contre la réticence à la vaccination.  Face à l’augmentation du nombre de variants préoccupants, il a appelé à une collaboration pour surveiller les mutations et échanger des informations de manière régulière et en temps opportun.  Notant que l’accélération de la vaccination contre la COVID-19 a vu, parallèlement, une réduction de la vaccination des enfants contre d’autres maladies, le représentant a prévenu que tout relâchement dans les autres vaccinations menace une reprise sanitaire durable après la pandémie.  

Après avoir précisé que l’Inde a soutenu plus de 150 pays avec l’approvisionnement en médicaments essentiels et accessoires médicaux depuis le déclenchement de la pandémie, le représentant de l’Inde a précisé que plus de 170 millions de doses de vaccin fabriquées en Inde ont atteint 96 pays, dont 41 millions qui ont été distribuées dans 48 pays via le Mécanisme COVAX.  Il a ensuite regretté que les terroristes et autres organisations non étatiques ont profité de la « pause COVID-19 » dans les hostilités pour augmenter leurs activités néfastes.  Notant que le monde postpandémique est encore loin, le représentant a appelé à intensifier les capacités de fabrication de vaccins, tant sur le plan qualitatif que quantitatif, et à garantir une chaîne d’approvisionnement mondiale des matières premières ouverte et ininterrompue.

M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a considéré que si le Mécanisme COVAX avait été activé rapidement et efficacement, l’impact colossal de la pandémie aurait pu être évité.  Au lieu de cela, la pandémie a révélé l’insuffisance de l’engagement envers le multilatéralisme et le « faux sentiment d’autonomie » dans lequel vit le monde développé.  « Le résultat?  Une série de réactions impulsives qui ont donné à la pandémie l’espace et le temps de se développer, y compris sous la forme de nouveaux variants très contagieux », a constaté à regret le représentant.  Pour combattre la pandémie, en particulier dans les pays en développement et les pays touchés par des conflits, il a jugé essentiel de bâtir une résilience à long terme dans les données, les vaccins et les infrastructures de dépistage pour résister aux futures vagues de la COVID-19 et autres pandémies.  Ensuite, il est temps de passer d’une aide bilatérale « discrétionnaire » à un investissement stratégique dans la production locale de vaccins, a plaidé le représentant, précisant que le Kenya a récemment signé un protocole d’accord avec Moderna pour l’établissement d’un laboratoire de vaccins à ARNm et de médicaments connexes d’une valeur de 500 millions de dollars.  En outre, le Conseil de sécurité peut encourager les missions de maintien de la paix à renforcer la médiation entre les parties aux conflits armés afin de faciliter la riposte à la COVID-19, y compris la vaccination dans les situations de conflit armé.  Enfin, il pourrait réitérer ses demandes à toutes les parties aux conflits armés de s’engager immédiatement dans une pause humanitaire durable, étendue et soutenue pour faciliter, entre autres, la livraison et la distribution équitables, sûres et sans entrave des vaccins dans les zones de conflit.  

M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande) s’est félicité des progrès accomplis pour atteindre l’objectif de l’OMS d’un taux de vaccination mondial de 70% d’ici à la mi-2022, mais a constaté que des lacunes importantes demeurent dans la couverture.  Faire face aux très faibles taux de vaccination dans les contextes de conflit ou postconflit doit être priorisé et des solutions créatives doivent être appliquées, a-t-il préconisé, saluant à cet égard la création du tampon humanitaire COVAX, qui a permis la livraison de nombreuses doses de vaccin dans des pays comme la RDC, l’Afghanistan, le Yémen, l’Éthiopie et le Yémen.  Il a demandé de donner la priorité à l’accès des acteurs humanitaires, notamment l’OMS, l’UNICEF, le CICR et les acteurs de la société civile disposant de l’expertise nécessaire.  Le défi en 2022 va toutefois bien au-delà des problèmes d’approvisionnement, a-t-il relevé, avant d’appeler à reconstruire les systèmes de santé, en particulier dans les contextes fragiles.  Dans ce cadre, a poursuivi le délégué, nous devons condamner tout incident où des travailleurs de la santé ou des établissements de soins de santé sont pris pour cible par toute partie à un conflit.

Le représentant a ensuite souhaité que le Conseil continue d’assurer la mise en œuvre de la résolution 2565 (2021), estimant qu’il est de l’intérêt de tous de veiller à ce que le plus grand nombre de personnes possible soit vacciné en toute sécurité contre cette maladie trop facilement transmissible.  Il a réitéré à cet égard le soutien de l’Irlande à l’appel lancé au début de la pandémie par le Secrétaire général en faveur d’un cessez-le-feu mondial.  Parallèlement au renforcement des capacités des systèmes de santé, il importe également de nous attaquer à la désinformation qui s’est développée autour des vaccins, a-t-il plaidé, jugeant impératif de recentrer les efforts sur la réalisation de l’objectif de l’OMS avant l’arrivée possible d’un nouveau variant plus agressif.  Pour ce faire, nous devons accélérer notre travail dans les situations de conflit, postconflit et humanitaires, a-t-il conclu.

Sollicité par la délégation russe en fin de séance, le Coordonnateur principal mondial pour la préparation et la fourniture du vaccin contre la COVID-19 a estimé que, s’agissant du stock tampon humanitaire, la question des responsabilités civiles ou pénales et des indemnisations est essentielle, même si elle se pose différemment qu’au début de l’effort de vaccination.  Des milliards de doses ont été administrées et nous avons donc des antécédents en matière d’effets négatifs.  Il faut voir quelles mesures pourraient être prises pour un plein agrément des vaccins et quels instruments en matière d’assurances pourraient être utilisés pour faire face aux préoccupations subsistantes, a-t-il dit, ajoutant que le débat sur le stock tampon se penche sur ces différentes options.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: l’Ukraine et la Fédération de Russie confrontent de nouveau leurs visions radicalement différentes du conflit qui les oppose

9013e séance – matin
CS/14857

Conseil de sécurité: l’Ukraine et la Fédération de Russie confrontent de nouveau leurs visions radicalement différentes du conflit qui les oppose

Une nouvelle séance du Conseil de sécurité consacrée à la guerre en Ukraine, la treizième depuis l’annonce de l’« opération militaire spéciale » par la Russie dans ce pays le 23 février dernier, a été à nouveau l’occasion d’entendre, ce matin, des récits concurrents de la situation sur le terrain, la Fédération de Russie et l’Ukraine s’accusant mutuellement des pertes civiles et des déplacements de population provoqués par le conflit.  Cette séance a également vu une multiplication d’appels en faveur de l’inclusion des femmes ukrainiennes au processus de paix. 

Le bilan a été encore alourdi, le 8 avril, par le bombardement de la gare de Kramatorsk qui a fait une cinquantaine de morts et une centaine de blessés.  Les membres du Conseil ont dénoncé cette attaque, que l’Ukraine a attribuée à la Russie, qui a vigoureusement démenti.  Assimilable à un crime contre l’humanité pour la France, elle a été jugée « odieuse » et « inqualifiable » par le Directeur des situations d’urgence du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), M. Manuel Fontaine, qui a expliqué que cet attentat a frappé un nœud de communication et d’évacuation crucial pour des familles désespérées essayant de fuir. 

« Dans mes 31 années d’humanitaire, jamais je n’ai vu autant de destructions causées en si peu de temps », a-t-il assuré au lendemain d’une mission d’une semaine en Ukraine.  Sur les 3,2 millions d’enfants ukrainiens restés dans leur pays, près de la moitié risquent de manquer de nourriture, a-t-il expliqué.  Par ailleurs, 1,4 million de personnes sont privées d’eau courante et 4,6 millions d’autres n’y ont qu’un accès limité.  « La situation est particulièrement grave à Marioupol et Kherson où des familles vivent depuis des semaines sans eau courante ni services sanitaires et sans accès régulier aux vivres et aux soins médicaux », s’est alarmé le haut fonctionnaire, pour qui le bilan de 142 enfants tués –183 selon l’Ukraine– est très probablement « bien plus élevé ». 

Quant à elle, de retour de Moldova, la Directrice exécutive d’ONU-Femmes, Mme Sima Bahous a dit avoir été impressionnée par la mobilisation des organisations locales de femmes, qui se démènent pour prêter assistance, notamment sur le plan psychosocial, aux personnes vulnérables déracinées, 95 000 personnes en tout, en mettant l’accent sur une dimension genre trop souvent négligée.  « Au péril de leur vie », les femmes sont tout aussi actives en Ukraine, où elles représentent 80% de tous les travailleurs des secteurs de la santé et social, a-t-elle relevé, en saluant celles qui continuent de siéger au parlement, « alors que les bombes s’abattent autour de Kiev ». 

La Directrice exécutive d’ONU-Femmes a appelé le Conseil de sécurité à se servir de tous les moyens à sa disposition pour que les Ukrainiennes prennent enfin part aux efforts de négociation, l’expérience ayant montré que la paix est plus viable lorsque celles-ci sont consultées et cessent d’être considérées uniquement comme des victimes pour devenir des « actrices majeures du changement ».  Un appel repris à leur compte par le Mexique, le Royaume-Uni, le Kenya et la Norvège, notamment.  Mme Bahous a également relayé l’appel des autorités moldaves, qui demandent un soutien aux frontières pour endiguer le risque de traite humaine, à laquelle jeunes femmes et adolescents non accompagnés sont particulièrement exposés. 

Face à la « cruauté inhumaine » de l’occupant, qui a transformé la vie de millions de femmes et d’enfants en « cauchemar », le représentant ukrainien a annoncé que le bureau du Procureur général de son pays vient d’établir un mécanisme spécial pour documenter les violences sexuelles commises par des soldats russes, Kiev se disant prêt à appuyer le principe d’enquêtes internationales.  Le délégué russe a décrit de son côté des Ukrainiennes « pétries de nationalisme » capables d’un « comportement sauvage », comme l’attesterait une vidéo montrant l’une d’entre elles décapitant à l’aide d’une faucille un soldat russe sur fond de chants patriotiques. 

S’exprimant par visioconférence, la Présidente de l’organisation « La Strada-Ukraine », Mme Kateryna Cherepakha, s’est livrée à un véritable réquisitoire contre la Fédération de Russie, accusée de « déportations forcées » de civils et de meurtres de femmes.  Et les lignes téléphoniques de son ONG sont assaillies quotidiennement d’appels à l’aide de survivantes de violence sexuelle et de viols dans les territoires occupés, a-t-elle relaté, tout en notant que de nombreux incidents ne seront jamais connus car de multiples victimes ont déjà été tuées par les « envahisseurs » russes. 

Fustigeant le « tissu de mensonges » que constitueraient les dénégations du Kremlin quant à la responsabilité de l’attaque contre la gare de Kramatorsk, le délégué de l’Ukraine a ironisé sur la ligne de défense de la Russie, qui consiste à dire que les Ukrainiens s’entretueraient.  Les bilans officiels ne peuvent d’ailleurs inclure les victimes de Marioupol, puisque la Russie, a encore accusé le délégué ukrainien, fait désormais appel à des crématorium mobiles pour escamoter les corps et s’épargner ainsi une mauvaise « publicité de type Boutcha ». 

La « présomption d’innocence » est piétinée par les « Occidentaux », s’est insurgé le délégué russe, qui les a accusés de relayer des « infox » sur les évènements de Boutcha, pour donner plus de poids à la « propagande » des « Ukraino-nazis », inspirée des « méthodes de Joseph Goebbels ».  Malheureusement, « la mise en scène n’est toujours pas à la hauteur », a poursuivi le délégué.  Selon lui, c’est un missile ukrainien « obsolète » qui aurait frappé la gare de Kramatorsk, et des cadavres retirés de la morgue d’Irpin seront sans doute prochainement présentés comme ceux des victimes de tirs russes. 

« Nous savons que la Russie n’attaque pas les civils, à l’exception des zones résidentielles, des écoles, des hôpitaux, des théâtres, des jardins d’enfants et des gares.  Et aussi que les hommes, les femmes, les filles et les enfants ukrainiens ne sont pas considérés comme des civils par la Russie », a ironisé de son côté l’Albanie.  La Chine a pour sa part appelé au dialogue et aux négociations, seules voies possibles pour créer les conditions d’un cessez-le-feu. 

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ EN UKRAINE

Déclarations

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a pris la parole au sujet de l’adoption de l’ordre du jour, affirmant ne pas s’opposer à l’ajout du point traité ce jour, tout en relevant que la problématique des hommes et des enfants semble y avoir été ajoutée, ce qui rend le thème universel.  Selon lui, il serait dès lors judicieux de supprimer deux autres points, à savoir les lettres de la Fédération de Russie et de l’Ukraine de 2014.  Sur cette base, il a demandé à la présidence du Conseil d’officialiser le nouveau point et de supprimer les deux anciens afin que l’adoption de l’ordre du jour ne présente plus de difficultés dans les mois à venir. 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a déclaré que le point de l’ordre du jour ne fait pas préjudice aux lettres de 2014.  Même si l’ampleur de la situation en Ukraine s’est étendue bien au-delà des circonstances de 2014, il est important de reconnaître son histoire et les membres voudront peut-être se référer à ces éléments à l’avenir.  En tant que tels, ces points de l’ordre du jour devraient être maintenus, a-t-elle déclaré. 

Reprenant la parole, le délégué de la Fédération de Russie a souhaité que ses observations soient prises en compte. 

En sa qualité de Présidente du Conseil, Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a rappelé que le processus de radiation d’un point de l’ordre du jour peut prendre trois ans avant d’aboutir.  Elle a donc proposé que cette question soit abordée séparément et qu’elle fasse l’objet de discussions dans les jours qui viennent. 

Mme SIMA BAHOUS, Directrice exécutive d’ONU-Femmes, a indiqué être rentrée hier de Moldova, où les conséquences de la « guerre absurde en Ukraine » se font ressentir douloureusement, alors que ce « petit pays avec un grand cœur » est toujours aux prises avec la pandémie de COVID-19.  Alors qu’il s’efforce de réaliser ses priorités de développement national, il a ouvert ses frontières « et ses foyers » à celles et ceux qui fuient les bombardements en Ukraine, et la majorité de ces réfugiés sont des femmes, des enfants, des personnes âgées, 95 000 personnes en tout. 

Après avoir relayé plusieurs témoignages recueillis sur place auprès de réfugiés ukrainiens, la haute fonctionnaire a indiqué que les organisations locales de défense des droits des femmes s’étaient adaptées du jour au lendemain à la nouvelle donne.  À leur demande, ONU-Femmes leur prête assistance et joue un rôle de coordination pour que la dimension genre de cette crise bénéficie d’une réponse adéquate, notamment la fourniture d’une prise en charge psychosociale pour les jeunes femmes déracinées par le conflit.  Mme Bahous a condamné vigoureusement les viols et violences sexuelles, au sujet desquels les allégations se multiplient, avant d’exiger des enquêtes indépendantes. 

Une guerre de cette magnitude entraîne des répercussions bien au-delà des frontières de l’Ukraine, a poursuivi la Directrice exécutive, à qui le Gouvernement de Moldova a dit qu’il doit absolument bénéficier d’un soutien élargi aux frontières pour endiguer le risque de traite humaine, qui s’accroît à mesure que la situation s’aggrave.  Les jeunes femmes et les adolescents non accompagnés sont particulièrement en danger, a-t-elle prévenu.  Aussi Mme Bahous a-t-elle appelé à ce que tous les pays renforcent leurs efforts de lutte contre la traite, saluant d’ores et déjà la coopération des pays hôtes à cet effet. 

« Malgré toutes ces horreurs », les femmes continuent d’être au service de leurs communautés et de soutenir les déplacés : elles représentent 80% de tous les travailleurs du secteur de la santé et du secteur social en Ukraine et beaucoup d’entre elles ont choisi de continuer à assumer leurs fonctions de parlementaires dans l’enceinte de la Verkhovna Rada, « alors que les bombes s’abattent autour de Kiev ».  Quant aux organisations de femmes en Ukraine, elles ont changé leur façon de travailler pour mieux répondre aux besoins immédiats de la population qu’elles servent et ce, « au péril de leur vie ». 

Mme Bahous a ensuite appelé le Conseil de sécurité à se servir de tous les moyens à sa disposition pour que les femmes fassent partie de la solution.  L’expérience nous a montré, a-t-elle rappelé, que la participation des femmes rend la réponse et le relèvement plus efficace et viable et que les organisations de femmes ont des compétences uniques pour aider, non seulement les femmes, mais également d’autres groupes de personnes vulnérables.  Il est donc essentiel que les femmes soient consultées et participent à tous les processus décisionnaires relatifs à la crise et à la recherche de la paix, a insisté la Cheffe d’ONU-Femmes.  « Il ne faut pas les considérer seulement comme des victimes, mais comme des actrices majeures du changement », a-t-elle résumé, constatant cependant que les femmes sont largement absentes des efforts de négociations actuelles. 

« Dans mes 31 années d’humanitaire, je n’ai jamais vu autant de destructions causées en si peu de temps », a déclaré M. MANUEL FONTAINE, Directeur des situations d’urgence du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) qui revient d’une semaine en Ukraine.  Il a indiqué que l’attaque odieuse de vendredi contre la gare de Kramatorsk a frappé un nœud de communication et d’évacuation crucial, touchant des familles désespérées essayant de fuir.  « Cette attaque est inqualifiable. »  Il a ensuite précisé que sur les 3, 2 millions d’enfants ukrainiens restés chez eux, près de la moitié risquent de manquer de nourriture. Près d’1,4 million de personnes n’ont pas accès à l’eau courante et 4,6 millions d’autres n’ont qu’un accès limité.  La situation est particulièrement grave à Marioupol et Kherson où des familles vivent depuis des semaines sans eau courante et services sanitaires et sans accès régulier à la nourriture et au soins médicaux.  Il a estimé que 142 enfants ont été tués et 229 blessés, tout en jugeant très probable que le bilan réel soit bien plus élevé.  M. Fontaine a dénoncé les attaques contre les hôpitaux et les écoles.  La fermeture des écoles touche 5,7 millions d’enfants, a-t-il indiqué, avant de saluer les efforts des autorités pour assurer une continuité scolaire. 

M. Fontaine a rappelé que près de deux tiers des enfants ukrainiens ont été déplacés en six semaines seulement, avant de pointer les risques accrus de violence pesant sur les enfants non accompagnés.  Les femmes font face à des risques similaires, a ajouté le Directeur, en se disant très préoccupé par les allégations de violence sexuelle.  Il a ensuite indiqué que l’UNICEF fait face en Ukraine à des conditions extrêmement difficiles, les hostilités en cours l’empêchant d’accéder à ceux qui ont besoin d’assistance dans de nombreuses zones du pays.  Selon le représentant de l’UNICEF, si nombre de ceux qui ont pu fuir au début de la guerre ont pu trouver refuge dans d’autres pays, on ne sait comment s’en sortiront ceux qui sont à présent déplacés, ces personnes ayant été exposées à la violence depuis plus longtemps et pouvant avoir moins de ressources à leur disposition. 

Il s’est dit très préoccupé par les risques des restes explosifs de guerre pour les enfants, notant que l’est de l’Ukraine était déjà l’une des zones les plus minées au monde avant même la récente escalade.  Il a précisé que l’UNICEF veille sur la santé et les droits des femmes et des filles face aux risques grandissants de violence et insisté sur la nécessité de protéger les mineurs isolés.  Enfin, M. Fontaine a exhorté ceux qui ont le pouvoir de faire cesser cette guerre d’en user, la vie et l’avenir de millions d’enfants étant entre leurs mains. 

Mme KATERYNA CHEREPAKHA, Présidente de l’organisation «La Strada-Ukraine», s’exprimant par visioconférence, a dit parler au nom d’organisations diverses de la société civile ukrainienne, ainsi qu’en tant que militante des droits des femmes, mère et maintenant aussi en tant que personne déplacée.  Elle a relevé que les femmes et les enfants représentent la plus grande partie des personnes déplacées et des réfugiées et sont particulièrement vulnérables aux risques de violence et d’exploitation sexiste. 

Mme Cherepakha a indiqué qu’au cours des évacuations, les populations arborant des signes indiquant clairement qu’elles sont des civiles, non armées, et portant des enfants, sont brutalement tuées par les troupes russes.  Elle a cité l’exemple de l’attaque du 8 avril contre la gare de Kramatorsk, ainsi que les frappes contre des maternités et les hôpitaux pédiatriques, les jardins d’enfants, ou encore le bombardement du théâtre à Marioupol le 18 mars dernier où des femmes, des enfants, des familles avaient trouvé refuge, et alors même que des panneaux visibles depuis le ciel mentionnait le mot « ENFANTS ».  Elle a aussi parlé d’appels de femmes de Marioupol informant de la déportation forcée de civils, y compris d’enfants non accompagnés, par les troupes russes vers Donetsk et même vers la Fédération de Russie.  Elle a ensuite cité des cas précis de femmes tuées par les forces russes, notamment celui de Larysa Osypenko, directrice de jardin d’enfants de Kyivska, tuée par les occupants à cause de sa profession.  « Vous ne devez pas élever de nazis », lui a-t-on dit.  Elle a mentionné également le harcèlement de femmes journalistes et humanitaires, y compris le cas de Julia Payevska (Tyra), infirmière bénévole ukrainienne qui, depuis de nombreuses années, sauvaient la vie des gens sur les territoires occupés par les Russes à l’est de l’Ukraine.  Cette dernière a été capturée et son sort n’est pas connu, a-t-elle déplorée. 

Mme Cherepakha a indiqué que les lignes téléphoniques de son organisation reçoivent au quotidien des appels à l’aide de femmes qui parlent de violence sexuelle et de viol.  De nombreux survivantes restent en danger dans les territoires occupés, coupées de l’aide.  Elle a estimé que de nombreux cas de violence ne seront jamais connus car de nombreuses victimes ont déjà été tuées par les envahisseurs russes.  Nous ne voulons pas que vous nous regardiez seulement comme des victimes, a—telle déclaré, précisant que les femmes ukrainiennes sont actives dans le secteur de la paix et de la sécurité.  Elles sont bénévoles, militantes, journalistes, militantes des droits humains.  Elle a appelé le Conseil de sécurité, les institutions internationales et les gouvernements à manifester leur solidarité avec les Ukrainiennes avec des actions concrètes.  « Trouvez et utilisez les outils pour stopper l’agression russe et assurez-vous que vos décisions ne sont ni bloquées ni ignorées », a-t-elle plaidé. 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a déclaré que lorsque des hommes comme Putin déclarent la guerre, ce sont des femmes et des filles qui sont déplacées, victimes d’abus sexuels et de traite.  Illustrant son propos, elle a rappelé que samedi dernier une gare a été frappée par un missile russe sur un reste duquel on pouvait lire « pour les enfants ».  Ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine dépasse l’entendement, a-t-elle dit.  Elle a indiqué que lors de son déplacement récent en Roumanie et en Moldova, elle a vu de ses propres yeux les répercussions atroces de cette guerre qui a fait 11,6 millions de déplacés alors que 90% des réfugiés sont des femmes et des enfants.  Qui plus est, les séparations familiales exposent les jeunes filles à un risque accru de violence sexiste et de traite, a-t-elle relevé.  Tout ceci exige, selon la déléguée, que les organisations humanitaires puissent compter sur des ressources supplémentaires, et de répondre dès à présent à la violence sexuelle, a-t-elle estimé balayant le prétexte à l’inaction selon lequel les données sont incomplètes pour prévenir la violence sexiste.  Ces actes horribles rappellent également qu’il faut prévenir ces phénomènes et veiller au respect des droits des femmes et des filles, a ajouté la représentante en insistant sur l’importance de leur accès à la justice et de tout faire pour traduire les coupables en justice.  Notant les nombreuses femmes ukrainiennes qui sont activement engagées dans la défense de leur pays, elle a exigé la pleine participation des femmes aux processus de négociation et de paix. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a constaté que l’agression russe contre l’Ukraine continue de causer des souffrances à 44 millions de personnes, qualifiant de « catastrophiques » les actions brutales et destructrices de l’armée russe contre les personnes et les infrastructures civiles.  Il a rappelé que des crimes innommables ont été commis et que la situation est particulièrement grave pour les femmes et les enfants, a souligné que celles-ci sont confrontées à des risques accrus de violence sexiste, de traite, d’exploitation et de violence sexuelle liées au conflit.  Leurs besoins doivent être une priorité dans la réponse humanitaire, a-t-il exigé, avant de signaler que la situation des enfants est encore pire : 4,3 millions d’entre eux ont été chassés de chez eux, tandis que ceux qui restent dans le pays sont pris au piège et que 121 000 auraient été expulsés de force vers la Russie.  Selon Save the Children, a précisé le délégué, 22 écoles sont attaquées chaque jour en moyenne depuis le début de la guerre en Ukraine, ce qui est criminel. 

Le représentant a rappelé à la Russie qu’une guerre ne peut pas être gagnée par des massacres.  Pendant les conflits dans les Balkans, à la fin des années 1990, les crimes contre des civils innocents n’ont aidé aucun de leurs auteurs à gagner la guerre, a-t-il ainsi rappelé en affirmant que celle-ci ne fera pas exception, et en regrettant à ce sujet que la Russie, avec son droit de veto, ait pris le Conseil de sécurité en otage.  Il s’est cependant félicité que l’Assemblée générale ait mis par trois fois la Russie « au pied du mur ».  Il a également rappelé qu’en vertu du droit international, un chef militaire est responsable des crimes de guerre commis par ses troupes, ce qui fait que le commandant russe impliqué dans l’occupation de Boutcha devra répondre des accusations de viol, pillage et meurtre de centaines de civils ukrainiens.  Assurant que, loin de « l’effet Tefal » évoqué par certains, ces crimes vont poursuivre le Kremlin, le représentant a rappelé que 5 600 enquêtes ont été ouvertes jusqu’à présent par le Procureur général de l’Ukraine.  « Nous savons que la Russie n’attaque pas les civils, à l’exception des zones résidentielles, des écoles, des hôpitaux, des théâtres, des jardins d’enfants et des gares.  Et aussi que les hommes, les femmes, les filles et les enfants ukrainiens ne sont pas considérés comme des civils par la Russie », a ironisé le représentant. 

Avant de conclure, le délégué a rappelé que le Président Putin est aussi un père.  « Auriez-vous accepté que vos filles soient dans la même situation que le petit Yuri, 11 ans, qui, contraint de quitter son domicile, terrifié, a raconté à des journalistes que, chaque fois qu’il y a un bombardement, son cœur s’arrête », a-t-il lancé à l’adresse du Chef du Kremlin.  Alors, a-t-il poursuivi, arrêtez les bombardements et ordonnez à vos soldats encore en vie de rentrer chez eux.  À ses yeux, il est temps que les Russes reprennent leurs esprits et se soulèvent contre cette sauvagerie. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a dit qu’il est encore sous le choc de l’attaque abominable contre la gare de Kramatorsk vendredi dernier qui pourrait constituer un crime contre l’humanité.  Les attaques indiscriminées doivent cesser, a ordonné le représentant préoccupé par la multiplication des allégations de violence sexuelle.  La France, a ajouté M. de Rivière, soutient l’action des Nations Unies sur place pour établir les faits et les responsabilités.  Il a condamné les destructions d’infrastructures de santé et leurs conséquences sur l’accès à la santé sexuelle et reproductive.  Rappelant que les attaques contre les hôpitaux peuvent constituer des crimes de guerre, la guerre bouleverse aussi la vie des enfants ukrainiens, a insisté M. de Rivière qui a appelé le Secrétaire général à se saisir des outils mis en place par ce Conseil pour protéger les enfants contre les graves violations les visant.  La France soutient aussi l’action des Nations Unies pour prévenir les risques de traite. 

Poursuivant, le représentant a martelé que face à cette agression aux conséquences insupportables sur les femmes et enfants d’Ukraine, la France reste entièrement mobilisée.  Il a appelé à une cessation immédiate des hostilités, à un retrait total des troupes russes de l’intégralité du territoire ukrainien et à un plein accès humanitaire.  Près de 500 tonnes de matériel humanitaire ont été envoyées par la France qui a aussi offert 100 millions d’euros pour la réponse humanitaire.   La France a déployé un dispositif d’accueil et d’accompagnement pour les femmes et enfants ukrainiens.  Près de 10 000 enfants ukrainiens arrivés en France ont déjà pu être scolarisés.  Pour M. de Rivière, la lutte contre l’impunité doit être menée avec vigueur.  La France appuie le travail d’enquête et de documentation mené par la Cour pénale internationale, dans le respect de son indépendance.  Une contribution exceptionnelle de 500 000€ a également été accordée au fonds dédié.  La France, a enfin dit le représentant soutient la pleine mise en œuvre de l’agenda Femmes, paix et sécurité, dans toutes ses dimensions.  Il ne pourra y avoir de solution durable au conflit sans la pleine participation des femmes, a insisté M. de Rivière. 

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a condamné l’attaque du 8 avril 2022 contre la gare de Kramatorsk qui a fait de nombreuses victimes civiles, notamment des femmes et des enfants.  Il a rappelé que les enfants doivent être protégés par toutes les parties conformément au droit international applicable.  Après avoir rappelé que 4,3 millions de réfugiés ont fui l’Ukraine vers les pays voisins, dont 90% sont des femmes et des enfants, le représentant s’est inquiété des conséquences sur les femmes, les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées.  Il s’est aussi dit préoccupé par l’insécurité alimentaire croissante et le manque d’accès aux services sociaux essentiels dans des villes comme Marioupol, Tchernihiv, Soumy et Kharkiv.  Le représentant a condamné les informations faisant état de traite de personnes, de violence sexuelle et sexiste, y compris de viol, et autres abus.  Il a souligné la nécessité de demander des comptes pour toutes les violations alléguées du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme avant de réitérer son appel à mener des enquêtes immédiates, indépendantes et impartiales pour établir les faits et constituer des preuves permettant de traduire en justice les auteurs de ces atrocités. 

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a condamné le récent attentat meurtrier contre la gare de Kramatorsk et annoncé, en sa qualité de coprésident du Groupe de travail sur les femmes, la paix et la sécurité, que le Conseil de sécurité organisera prochainement une réunion pour examiner en profondeur la question de la vulnérabilité des Ukrainiennes aux violences sexuelles, à l’exploitation et à la traite ainsi que pour proposer des mesures pour y remédier.  Le représentant s’est ensuite dit préoccupé par la participation insuffisante des femmes au processus politique, alors qu’elles devraient être incluses dans tous les canaux possibles de dialogue et de négociation.  « Comme ailleurs dans le monde, les Ukrainiennes doivent participer pleinement, à égalité et de manière significative aux processus décisionnels et aux négociations de paix », a insisté le délégué, en réitérant l’appel du Mexique à une cessation immédiate des hostilités, à un accès libre et inconditionnel pour la passage de l’aide humanitaire et à la recherche d’une solution diplomatique au conflit, « sans exclusion ». 

M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a salué la générosité des pays voisins de l’Ukraine qui ont accueilli les réfugiés ukrainiens avec compassion et dignité.  Il a insisté sur les conséquences graves de la situation actuelle pour les enfants, en rappelant que plus de 900 écoles ont été touchées en Ukraine.  Il a également engagé à ne pas oublier la situation des étudiants étrangers, y compris les étudiants indiens, précisant que son Gouvernement a facilité le retour d’Ukraine de 22 500 ressortissants indiens, pour la plupart étudiants.  Le délégué s’est ensuite dit très préoccupé par l’aggravation de la situation en Ukraine et demandé la fin des hostilités.  La diplomatie est la seule voie à suivre, a-t-il dit.  Il a estimé qu’il est de l’intérêt de tous d’œuvrer, au sein de l’ONU comme à l’extérieur, à un règlement du conflit.  Il s’est également opposé à toute politisation de l’action humanitaire qui doit répondre aux principes d’humanité, de neutralité, de partialité et d’indépendance. 

M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande) a dénoncé l’attaque de Kramatorsk par la Fédération de Russie vendredi dernier contre des civils innocents, principalement des femmes et des enfants, et la nouvelle tentative de fermeture des voies d’évacuation pour ceux tentant de fuir.  Les violences sexuelles liées aux conflits peuvent constituer un crime de guerre et les responsables doivent rendre des comptes, a-t-il exigé, pas seulement ceux qui physiquement posent de tels actes, mais aussi les commandants militaires qui ne veulent prendre les mesures nécessaires et raisonnables pour les arrêter.  Il a relevé que les femmes âgées, les femmes handicapées et les groupes marginalisés, y compris les Roms et LGBTQI+, sont particulièrement vulnérables dans ce conflit.  Il a salué ces femmes et tous ces gens qui font encore le choix désespéré et héroïque de rester au lieu de fuir le conflit.  Une crise de la protection de l’enfance est en train d’émerger, au vu du nombre d’enfants non accompagnés et séparés qui augmente, a aussi relevé le représentant en soulignant la responsabilité commune de répondre.  Évoquant le traumatisme de la guerre et de la séparation familiale qui auront des effets à vie, il a appelé à atténuer ces impacts, notamment par le biais de services psychosociaux et de santé mentale. 

Le délégué a rappelé que ce mois marque un an depuis que le Conseil a adopté la résolution 2573 (2021) sur la protection des civils, un texte parrainé par tous les membres du Conseil, y compris la Fédération de Russie.  Ce jour-là, nous avons envoyé un message uni de condamnation des attaques contre des civils ou des biens à caractère civil, a-t-il relevé.  « Douze mois plus tard, où est cette unité en Ukraine? » a-t-il lancé en évoquant des milliers de biens civils, dont des centaines d’écoles et de jardins d’enfants détruits, en grande partie à cause de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées.  Les répercussions de cette guerre vont bien au-delà des frontières de l’Ukraine et iront aussi au-delà de cette génération, a-t-il estimé.  Il a appelé à veiller à inclure directement et substantiellement les femmes dans les pourparlers de paix.  Avant la guerre, l’Ukraine était une société où les femmes participaient pleinement et équitablement à la vie publique, a-t-il rappelé. 

Mme MONA JUUL (Norvège) s’est dit profondément choquée par les atrocités commises contre des civils dans des lieux qui ont été tenus par les forces russes, citant notamment des informations crédibles sur des exécutions extrajudiciaires de civils.  Elle a exigé le respect de la protection des civils et des droits de l’homme qui sont des obligations en droit international humanitaire et en droit international des droits de l’homme.  Pourtant, le fait est qu’il existe aujourd’hui un risque accru de violence sexiste, d’exploitation sexuelle, d’abus et de traite pour les femmes et filles en Ukraine, a-t-elle mis en garde, constatant que leur santé et droits sexuels et reproductifs ont été gravement compromis en raison des déplacements de personnes et de la destruction ciblée des établissements de santé.  Pour beaucoup, y compris les réfugiés, cela signifie la perte quasi totale de l’accès à une assistance essentielle, parfois vitale.  Dès lors, la réponse humanitaire doit être sensible au genre et à l’âge, afin d’éviter et de combler les lacunes en matière de protection, a souhaité la déléguée. 

Pour la Norvège il est également impératif que les droits des femmes soient respectés et que leur participation pleine, égale et significative soit assurée dans tout processus politique, pourparlers et négociations concernant l’avenir de l’Ukraine et de son peuple, a poursuivi la représentante.  Elle a exprimé sa préoccupation par rapport aux informations selon lesquelles plus de 60% des enfants ukrainiens sont désormais déplacés à la suite de « l’invasion illégale de la Russie ».  Elle a appelé à la cessation immédiate des attaques et des menaces d’attaques contre les écoles, les élèves et les enseignants, conformément à la résolution 2601 (2021) et à la déclaration sur la sécurité dans les écoles, rappelant aussi l’obligation des parties au conflit de faciliter la poursuite de l’éducation.  Dans cet esprit, la représentante a souligné l’importance de l’enquête en cours sur la situation en Ukraine par la Cour pénale internationale (CPI), ainsi que par le Conseil des droits de l’homme sur toutes les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme.  Elle a conclu en appelant la Russie à cesser ses attaques contre la population civile ukrainienne et à mettre fin à cette guerre insensée. 

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a déclaré qu’en cette septième semaine de conflit en Ukraine, son pays reste préoccupé par les signalements quotidiens de violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire.  Il a appelé les parties et les acteurs pertinents à mettre au point des dispositions prévoyant un répit pour les populations civiles, à commencer par les enfants.  Ces derniers ne devraient jamais être déracinés et leur intégrité physique devrait être une préoccupation constante pour les États Membres, a-t-il insisté.  Il a jugé indispensable la mise en œuvre de la résolutions 2601 (2021) sur la protection de l’éducation et des écoles en temps de conflit, ainsi que le résolution 2573 (2021) qui appelle à protéger les infrastructures civiles.  Les cas de violence sexuelle doivent quant à eux faire l’objet d’enquêtes indépendantes et leurs auteurs doivent être traduits en justice, a-t-il ajouté.  Il a appelé la communauté internationale à coopérer avec la commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme, y compris en identifiant les auteurs de violations.  Le représentant a par ailleurs relevé que le conflit en cours en Ukraine est responsable du déplacement d’enfants le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale et que ces mineurs sont exposés aux crimes sexuels et à l’exploitation.  Il a ensuite appelé à permettre un accès libre et sans entrave à l’aide humanitaire en Ukraine, dans le respect des principes de neutralité et d’indépendance. 

M. BING DAI (Chine) a déclaré que les femmes et les enfants devraient être protégés.  À cet égard, il a appelé les parties à respecter le droit international humanitaire et les infrastructures civiles.  Les femmes et les enfants doivent être prioritaires dans les évacuations et les soins médicaux, a ajouté le représentant qui a déploré le fait que des femmes et des enfants figurent parmi les victimes de l’incident à Kramatorsk.  Il a demandé une enquête indépendante pour en faire la lumière.  Le délégué de la Chine a salué le geste des pays accueillant les réfugiés en notant que les besoins de ces derniers, notamment en termes d’aide internationale, de conseils psychosociaux et d’éducation.  Le représentant a aussi dit être préoccupé par le fait que des femmes et des enfants auraient été exposés à des violences.  Il faut prendre des mesures pour empêcher ces abus, a-t-il souhaité.  Le délégué a ensuite prôné le dialogue et des négociations, les seules voies possibles pour créer les conditions d’un cessez-le-feu.  Il faut au préalable créer un environnement propice aux négociations, a-t-il reconnu en prévenant que les sanctions et l’envoi d’armes ne ramèneront pas la paix.  « Les populations du monde en paient le prix. »  En conclusion, le représentant a appelé les parties à tout faire pour ramener la paix en Ukraine. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) s’est inquiété des informations faisant état de multiplication de violence sexuelle par des soldats et de traites des personnes par des réseaux criminels transfrontaliers.  Il a indiqué que les attaques perpétrées contre 89 hôpitaux sapent en particulier les droits des femmes et des filles à un accès sûr à la santé, relevant de plus que le conflit perturbe l’accès à l’éducation pour les enfants.  Le représentant a ensuite appelé à assurer une participation significative des femmes dans le processus de négociation en cours et souhaité que les mécanismes de reddition de comptes tiennent compte de la dimension genre de cette crise.  Une approche sexospécifique de tous les efforts humanitaires permettra en outre de mieux faire entendre la voix des femmes et de mieux répondre à leurs besoins. 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a jugé primordial que des enquêtes indépendantes et impartiales soient diligentées pour établir les responsabilités dans les incidents de violence sexuelle qui font l’objet de multiples allégations.  Il a appelé à un cessez-le-feu et à l’ouverture de corridors humanitaires partout où c’est nécessaire, en vue de fournir une aide dans des conditions optimales de sécurité.  Le représentant a également réitéré l’appréciation de son gouvernement à l’égard des pays voisins de l’Ukraine, qui continuent de se mobiliser pour l’accueil d’urgence des réfugiés.  Il les a encouragés à accorder le même accueil à toutes les personnes en détresse sans distinction d’origine ou de race, y compris les ressortissants et étudiants africains, en insistant sur le respect de leur dignité et sur la nécessité d’un traitement équitable pour toutes les personnes en détresse. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a dénoncé les pays occidentaux qui veulent ternir la réputation de la Russie au sujet l’opération militaire spéciale qui se déroule en Ukraine en déformant les faits et en relayant la propagande ukrainienne.  La présomption d’innocence est piétinée par nos collègues, s’est insurgé le délégué, en ciblant son homologue albanais.  Il a estimé que ces « fake news » s’inspirent de celles propagées par les Casques blancs en Syrie, déclarant avoir à sa disposition des preuves irréfutables du caractère fallacieux des accusations ciblant la Russie sur ce qui s’est passé à Boutcha.  Il a affirmé que les provocations des « Ukraino-nazis » s’inspirent des méthodes employées par Joseph Goebbels, lorsque ce dernier accusait l’Armée rouge de crimes.  « Goebbels aurait été fier de ses successeurs ukrainiens. » 

Malheureusement, la mise en scène n’est toujours pas à la hauteur, a poursuivi le délégué, en indiquant que les experts ont réfuté les accusations sur Boutcha.  Il a également affirmé avoir la certitude que c’est un missile ukrainien qui a frappé la gare de Kramatorsk, précisant que l’armée russe n’utilise pas le type de missile obsolète qui a été utilisé dans cette frappe et que l’armée ukrainienne est la seule à employer.  Le numéro de série de ce missile ukrainien peut d’ailleurs être vu sur de vidéos, a affirmé le délégué selon lequel la provocation de Kramatorsk a été éventée comme celle de Boutcha.  Il a mis en garde contre les futures provocations que prépareraient les Ukrainiens dans certaines localités, notamment Irpin.  On va transporter des morts depuis la morgue de la ville pour les présenter comme des victimes de tirs russes, a-t-il prédit, dénonçant le mépris total des « Ukraino-nazis » pour le droit international. 

Affirmant que la Russie ne vise pas les populations civiles, il a fustigé la « russophobie » qui fait toujours recette en Ukraine, notant que la réalité sur le terrain est bien différente de celle présentée par les médias occidentaux.  Il a indiqué que les femmes ukrainiennes, pétries de nationalisme, sont capables d’un « comportement sauvage », en mentionnant une vidéo montrant une femme ukrainienne décapitant un soldat russe avec une faucille sur fond de chants patriotiques. L’opération militaire spéciale de la Russie est indispensable pour préserver la sécurité de la Russie et des pays voisins de l’Ukraine, a martelé le délégué selon lequel il existe une Ukraine toute autre, différente de celle dont il a parlé, et qui veut la paix. 

M. MARTIN KIMANI (Kenya) a précisé que le Conseil de sécurité n’aurait pas tenu cette séance « sans la violation armée de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Ukraine par la Fédération de Russie ».  Le Conseil a régulièrement parlé de la question des « femmes, et la paix et la sécurité », a-t-il rappelé en soulignant que, le plus souvent, il s’agissait d’applaudir le rôle des femmes en tant que bâtisseuses de paix et d’exhorter à les faire participer à la prise de décisions à tous les niveaux.  Il a invité les membres du Conseil à « faire une pause » pour laisser le poids de la souffrance des femmes s’installer dans leurs esprits.  De chaque côté de la violence de cette guerre se trouvent des femmes, a-t-il argué, faisant référence aux femmes qui subissent les effets de la guerre en Ukraine et aux mères de soldats de la Fédération de Russie qui doivent attendre en se demandant si leurs fils rentreront sains et saufs.  Il est donc extrêmement inapproprié à son avis de ne voir ni femmes ni mères autour de la table des négociations.  Le délégué a donc appelé les parties à les inclure dans les négociations en cours pour un cessez-le-feu. 

Si la guerre dure plus longtemps, elle nuira à la fourniture en nourriture et en énergie, et partant à la sécurité de plusieurs millions de gens, a observé M.  Kimani.  Il a prédit la destruction de moyens de subsistance, l’augmentation de la pauvreté et l’avènement de crises économiques.  Pour un monde qui commence à peine à se relever de la pandémie de COVID-19, la guerre en Ukraine est un coup double, a-t-il fait remarquer, tout en prévenant de la possibilité de décès prématurés, de l’instabilité politique et de l’escalade d’autres conflits.  De ce fait, la réponse humanitaire et en termes de développement ne doit laisser aucun pays ou aucune région de côté, a-t-il plaidé.  À cet égard, le représentant a exhorté le Secrétaire général à rallier l’ONU, les grandes économies et les institutions financières internationales pour qu’elles conçoivent des instruments en soutien aux pays les plus vulnérables, en particulier les pays du Sud. 

Lord TARIQ AHMAD DE WIMBLEDON, Ministre dÉtat pour l’Asie du Sud et centrale, l’Afrique du Nord, l’ONU et le Commonwealth, et Représentant spécial du Premier Ministre du Royaume-Uni pour la prévention de la violence sexuelle dans les conflits, a rappelé d’emblée que les Conventions de Genève contiennent de nombreuses dispositions qui offrent des protections spéciales aux femmes et aux filles en tant que civiles dans les zones de conflit.  Pourtant, les forces d’invasion de Putin ignorent même le principe le plus fondamental de ces Conventions à savoir la distinction entre civils et combattants, s’est-il indigné dépeignant les attaques commises par les Russes dans les zones civiles comme rien de moins que barbares. 

De nouveaux rapports brossent un tableau profondément troublant, a-t-il regretté, notamment des allégations de viols et de violences sexuelles à l’intérieur des frontières de l’Ukraine.  Au-delà des frontières, les femmes et les filles ukrainiennes déplacées sont confrontées à des risques accrus de traite et d’exploitation sexuelle par des gangs criminels.  À ses yeux, les preuves de crimes de guerre commis en Ukraine exigent de la communauté internationale de faire davantage pour soutenir l’Ukraine et ceux qui sont confrontés à une violence aussi indicible.  Le vote visant à suspendre la Russie du Conseil des droits de l’homme a été la preuve de la volonté collective de le faire, a souligné le Ministre avant d’appeler à travailler sans relâche maintenant pour enquêter sur ces crimes et demander des comptes au Président Putin et à ses forces.  C’est pourquoi le Royaume-Uni a travaillé en étroite collaboration avec des partenaires pour renvoyer l’invasion de l’Ukraine à la CPI, pour établir une commission d’enquête par l’intermédiaire du Conseil des droits de l’homme et une mission d’experts de l’OSCE, a expliqué Lord Ahmad de Wimbledon. 

Le Ministre a également insisté sur le fait que les femmes ukrainiennes ont aidé à construire la société libre, démocratique et ouverte que craint le Président Putin, avant de plaider pour leur pleine participation à tous les niveaux dans le processus de construction d’une paix durable.  Tout règlement de paix doit également refléter l’impact disproportionné de ce conflit sur les femmes et les filles, a estimé le Ministre pour lequel la discussion d’aujourd’hui est un appel de ralliement à la communauté internationale pour qu’elle reconnaisse l’impact de cette guerre illégale sur les femmes et les enfants ukrainiens et qu’elle demande des comptes à la Russie pour ses crimes. 

M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a estimé, tout d’abord, que le représentant de la Fédération de Russie serait « plus à sa place dans le box des accusés d’un tribunal en charge des crimes de guerre en Ukraine ».  Observant que le « représentant de Putin ne nous a épargné aucun mensonge », il a ajouté ironiquement que « l’on sait, ici à New York, que les Russes mentent dès lors que l’on voit leurs lèvres bouger ».  Après avoir rappelé que, selon l’écrivain George Orwell, le totalitarisme et la corruption de la langue sont étroitement liés, il a dit faire très attention à l’interprétation de ses propos vers le russe.  Il a ainsi constaté que le nouveau point de l’ordre du jour, consacré au « maintien de la paix et de la sécurité en Ukraine », a été présenté par le représentant russe, dans sa langue, comme « sur l’Ukraine », ce qui vise, selon lui, à « imposer une vision alternative de la réalité ».  Tout en saluant l’ajout de ce nouveau point, qui servira à traiter de l’actuelle agression russe contre son pays, il a souhaité que la demande russe de suppression des points relatifs aux lettres de 2014 sur l’annexion de la Crimée ne soit pas acceptée par le Conseil. 

Le délégué a ensuite rappelé que, le 24 mars, l’Assemblée générale a adopté une résolution sur les conséquences humanitaires de cette guerre, exigeant que les civils, y compris les journalistes, les travailleurs humanitaires et les personnes vulnérables soient protégés.  La Russie a voté contre, montrant ainsi que les femmes et les enfants sont pour elle des « cibles potentielles », a-t-il cinglé, notant que cette approche s’est vérifiée sur le terrain.  Évoquant les massacres perpétrés à Boutcha et d’autres localités ukrainiennes pendant l’occupation russe, il a déclaré que les enquêtes sur ces faits ne font que commencer mais que la tentative de la Russie de nier sa responsabilité apparaît futile à tous.  Il a notamment relevé que des missiles semblables à ceux qui ont frappé, le 8 avril, la gare de Kramatorsk, faisant une cinquantaine de morts et plus d’une centaine de blessés parmi les civils qui attendaient d’être évacués de la zone de guerre, ont été déployés par la Russie sur le territoire bélarusse.  Selon lui la Russie tente de maquiller ses actions, comme elle l’avait fait pour le vol MH17 abattu au-dessus de l’Ukraine en 2014.  Pour cela, elle recourt à un tissu de mensonges en affirmant que les Ukrainiens se tuent entre eux.  Dans ce contexte, l’ampleur des crimes commis contre des enfants est sans précédent en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, a-t-il poursuivi, faisant état, selon les chiffres de son gouvernement, de 183 enfants tués et 342 blessés depuis le début de l’invasion, ce qui n’inclut toutefois pas les victimes de Marioupol.  Dans cette ville, le bilan reste inconnu, a-t-il dit, non sans avertir que, soucieuse de s’épargner une « publicité de type Boutcha », la Russie fait désormais appel à des crématorium mobiles pour faire disparaître les corps. 

Soulignant que la « cruauté inhumaine » de l’occupant russe a transformé la vie de millions de femmes et d’enfants en cauchemar, le délégué s’est dit particulièrement préoccupé par le sort des femmes et des jeunes déplacés et réfugiés, qui sont exposés à toutes sortes d’abus, à la traite et à l’exploitation sexuelle.  Remerciant la représentante de la société civile ukrainienne d’avoir fourni des exemples sur la répression épouvantable des femmes militantes dans les territoires occupés par la Russie, il a répété que le retrait des forces russes met au jour des crimes abominables, notamment à l’encontre de femmes et d’enfants. Face à ces horreurs, le bureau du Procureur général de l’Ukraine coopère avec les organismes d’enquête et a lancé un mécanisme spécial pour documenter les violences sexuelles commises par des soldats russes, a-t-il indiqué, réaffirmant que son pays est prêt à appuyer les institutions internationales pour que des investigations soient menées.  À cet égard, il a signalé le fait que les envahisseurs ont déjà sorti plus de 21 000 enfants d’Ukraine et ont déjà engagé des procédures d’adoption, en violation de la quatrième Convention de Genève. Enfin, après avoir rendu hommage aux femmes ukrainiennes qui, à tous les niveaux, contribuent à la paix et à la sécurité dans leur pays, notamment celles qui sont membres des forces armées et les défenseuses des droits humains, il cité les mots d’une lettre écrite par un enfant de 9 ans dont la mère a été tuée par des soldats russes lors de leur repli.  Si de telles lettres sont rédigées, « c’est que les choses ont très mal tourné, y compris au Conseil de sécurité », a-t-il regretté, attribuant le blocage de cet organe au fait que la Russie est un membre permanent, doté du droit de veto.  Pour le représentant, le Kremlin doit être arrêté pour sauver les générations futures du fléau de la guerre, conformément à la Charte de l’ONU. 

M.  KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) a déclaré que près de 2,6 millions des réfugiés Ukrainiens sont arrivés en Pologne dont l’écrasante majorité sont des femmes et des enfants.  Des rapports font état de violence sexuelle commises par des soldats russes contre des femmes et des filles ukrainiennes qui fuient le pays, a-t-il précisé demandant de répondre aux besoins spécifiques des femmes et des enfants.  Il a indiqué que les autorités polonaises ont mis en place, dans les centres de transit frontalier et les centres d’accueil, des mesures d’identification et d’enregistrement des noms des personnes qui y arrivent, des noms et cartes d’identité des personnes avec lesquelles les réfugiés quittent les sites, des documents d’information pour les personnes originaires d’Ukraine qui traversent la frontière polono-ukrainienne et des dépliants en ukrainien, polonais et anglais.  L’accès des réfugiés au marché du travail devient une priorité, a-t-il poursuivi en signalant une nouvelle loi adoptée en Pologne qui permet aux Ukrainiens de vivre et de travailler légalement dans le pays pendant au moins 18  mois, avec la possibilité de demander un permis de séjour pour trois années supplémentaires. En outre, l’État polonais aide financièrement les municipalités à trouver un logement à long terme, des emplois et des places dans les écoles pour les réfugiés ukrainiens, a encore fait savoir le délégué en ajoutant qu’il explore les moyens de soutenir l’intégration des Ukrainiennes sur le marché du travail. 

Poursuivant, le représentant a dit que Varsovie accueille 100  000 enfants réfugiés dont 15  000 sont déjà inscrits dans les écoles.  Ces enfants suivront le programme scolaire de l’Ukraine et recevront un enseignement en ukrainien, a-t-il précisé.  Les étudiants ukrainiens de l’enseignement supérieur ont également la possibilité de poursuivre leurs études dans les universités polonaises, a annoncé le représentant citant d’autres mesures.  Cependant, les besoins augmentent chaque jour, a-t-il constaté avant de saluer les Ukrainiennes qui ont rejoint le mouvement de protestation pro-européen et qui, depuis lors, ont dirigé les efforts de secours, aidé à financer l’armée ukrainienne, et fourni des soins médicaux, de la nourriture et des services sociaux aux populations déplacées.  Le représentant a estimé que les femmes ukrainiennes représentées au sein du Gouvernement jouent un rôle clef dans l’élaboration de politiques qui seront cruciales pour atténuer les effets de la guerre au lendemain du conflit. 

M. ION JINGA (Roumanie) a indiqué que son pays est une des principales destinations des réfugiés ukrainiens et qu’il met tout en œuvre pour les accueillir de la meilleure des façons.  Il a précisé que son gouvernement assurait d’abord une réponse d’urgence tenant compte de tous les aspects de la crise humanitaire dès la prise en charge aux points de franchissement de la frontière avant de développer des mécanismes de protection.  Il a cité la mise en place de six groupes de travail chargés de définir des mesures d’inclusion et des politiques de protection dans les domaines de la santé, de l’éducation, du travail, du logement, des personnes vulnérables, des enfants et de la jeunesse.  Il a expliqué que chacun de ces groupes développe des plans d’action sectoriels en collaboration avec les experts des ministères pertinents, les agences de l’ONU et les représentants de la société civile.  Par ailleurs, il a précisé que 650 000 citoyens ukrainiens sont entrés en Roumanie entre le 10 février et le 4 avril 2022, dont 80 000 se trouvent toujours sur le territoire roumain.  Il a ajouté que les 4 400 citoyens ukrainiens qui ont effectué une demande d’asile bénéficient d’un soutien matériel, financier, sanitaire et psychologique.  Enfin, il s’est félicité de la collaboration de son pays avec l’UNICEF pour fournir un soutien juridique et psychologique aux familles et mineurs non accompagnés ukrainiens. 

Mme ANTJE LEENDERTSE (Allemagne) s’est dite choquée par les conséquences de l’agression russe sur la situation des femmes et des enfants en Ukraine avant d’évoquer les images de corps de civils gisant morts dans les rues de Boutcha et Irpin parmi lesquels se trouvaient ceux de femmes et de filles victimes de violence sexuelle et de viols par des soldats russes et des mercenaires.  En outre, des corps de femmes et de filles tuées auraient été brûlées ou écrasées par les auteurs pour couvrir leurs actes, a-t-elle relevé.  Elle a assuré que ces crimes ne resteront pas sans réponse, ajoutant que son pays soutient pleinement le travail de la mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine.  La déléguée s’est félicitée que le Conseil des droits de l’homme ait mis en place une commission d’enquête sur ces cas, avant de saluer aussi le lancement d’un organisme indépendant d’enquête par le Procureur de la CPI, M.  Karim Khan.  Ces mécanismes de responsabilisation devront tenir le plus grand compte de la dimension genre de l’agression russe contre l’Ukraine, a-t-elle conseillé. 

La représentante s’est inquiétée des conséquences de la guerre sur la perturbation de l’éducation des enfants ukrainiens dont plus de la moitié ont été déplacés.  Elle a salué les efforts de l’UNICEF pour fournir des kits éducatifs aux enfants des familles fuyant la violence et aider à reconstruire les écoles et les jardins d’enfants endommagés.  Elle a précisé que son pays a décidé de consacrer 20  millions d’euros à l’UNICEF pour soulager les souffrances des enfants ukrainiens dans le cadre du programme humanitaire global de 370  millions d’euros pour l’Ukraine.  Enfin, Elle a indiqué que l’Allemagne a consacré 600  000 euros au travail d’ONU-Femmes en Ukraine et en République de Moldova. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’ECOSOC se penche sur le défi de l’équilibre des recettes fiscales entre pays, dans le contexte d’une numérisation croissante des activités économiques

Session de 2022, Réunion spéciale en matière fiscale,
Matin & après-midi
ECOSOC/7073

L’ECOSOC se penche sur le défi de l’équilibre des recettes fiscales entre pays, dans le contexte d’une numérisation croissante des activités économiques

La coopération en matière fiscale, nécessaire pour mobiliser efficacement les ressources en faveur du développement durable, en particulier après la COVID-19, a été examinée, aujourd’hui, au Conseil économique et social (ECOSOC), sous deux angles différents: la fiscalité des entreprises et les flux financiers illicites.  De retour dans la salle de l’ECOSOC rouverte après deux ans de restrictions liées à la pandémie, le Conseil a néanmoins tenu cette « réunion spéciale » en format hybride. 

Une coopération internationale plus étroite est nécessaire pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, le blanchiment d’argent et les flux financiers illicites, a d’emblée affirmé la Vice-Secrétaire générale de l’ONU.  Mme Amina J. Mohammed a souligné par exemple l’importance d’une réforme de la fiscalité internationale sur les sociétés extractives, en citant le Groupe de travail mondial sur les industries extractives qui la recommande pour sortir efficacement de la pandémie et accélérer la transition vers l’équité, la durabilité et la résilience. 

La première discussion a porté sur les difficultés rencontrées par les pays en développement pour tenter de collecter les impôts sur les sociétés dans un monde de plus en plus numérisé et globalisé.  De nombreuses entreprises sont en effet en mesure de vendre leurs produits sans forcément maintenir une présence sur le terrain et donc souvent sans être assujettis au système fiscal du pays concerné.  « Cette imposition est-elle encore adaptée?  Le contrat social est-il respecté?  Le facteur travail n’est-il pas trop imposé par rapport au facteur capital?» a demandé le Président de l’ECOSOC, M. Collen Kelapile, pour lancer le débat. 

La capacité de faire des affaires à distance depuis un pays sans avoir à s’acquitter de l’impôt est une question cruciale, a reconnu la Vice-Présidente du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale.  D’où l’importance des travaux de ce comité qui a conçu et présenté, dans le Modèle de convention fiscale des Nations Unies de 2021, une approche alternative pour l’imposition des services numériques automatisés. 

La discussion du matin a été l’occasion de promouvoir différentes approches pour résoudre ces difficultés.  Plusieurs orateurs ayant soulevé le problème de la faible représentation des pays en développement à l’élaboration des règles de fiscalité internationale, un expert du Nigéria, parmi d’autres intervenants, a invité à écouter davantage ces pays quand ils font des propositions pour la réforme du système fiscal international.  Son homologue de la Chine s’est montré optimiste à cet égard, en constatant que les pays en développement ont de plus en plus voix au chapitre dans les arcanes multinationaux de discussion sur la fiscalité, comparativement à il y a quelques années. 

La Directrice adjointe du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE  était là pour rappeler le nouveau cadre fiscal international soumis à l’appréciation des États depuis octobre 2021, communément appelé « solution des deux piliers ».  Si le pilier 1 entend garantir une répartition plus équitable des bénéfices et des droits d’imposition entre pays, concernant les grandes multinationales, y compris celles du numérique, la solution à deux piliers n’a pas l’ambition de résoudre tous les problèmes de fiscalité au monde, a prévenu la conférencière.  C’est à chaque pays d’établir comment ces piliers s’appliquent à lui sur le plan national, a aussi tenu à préciser une journaliste spécialisée sur ces questions.  La Directrice des programmes fiscaux au Forum africain sur l’administration fiscale (ATAF) a regretté pour sa part que la solution à deux piliers n’ait pas abordé les deux questions fondamentales pour les administrations fiscales africaines: les juridictions de résidence et du marché, et les flux financiers illicites. 

La réduction de ces flux a d’ailleurs été jugée prioritaire, dans la réforme des systèmes fiscaux internationaux et nationaux, par une intervenante de la Norvège participant à la discussion de l’après-midi.  Elle a relevé qu’il n’existe toujours pas de définition convenue des flux financiers illicites, ce qui illustre les défis complexes en la matière.  Soutenant la proposition du Groupe de haut niveau sur la responsabilité financière internationale, la transparence et l’intégrité pour la réalisation du Programme 2030, elle a fait remarquer que l’expression « intégrité financière » oblige à se demander avant tout si nos actions sont conformes à l’intention de la loi. 

La clef du succès réside dans une volonté commune de lutter contre la fraude et les crimes fiscaux, a ajouté son homologue de la Finlande en saluant le soutien de la population de son pays  au principe de payer des impôts pour maintenir l’État-providence.  Puisque la réunion était axée sur la coopération en matière fiscale, l’intervenante a vanté la longue tradition de coopération de la Finlande avec d’autres pays nordiques en matière de répression des crimes fiscaux. 

La collecte de l’impôt n’est plus adaptée aux nouveaux modèles économiques numérisés, a reconnu en conclusion le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques en invitant à aider les pays en développement à y faire face.  Il faut remédier à la faiblesse des institutions qui empêche les pays concernés d’exercer leurs droits de contrôle des flux et ressources économiques, notamment les ressources naturelles.  Au niveau international, il faut améliorer les normes, les lois et les politiques fiscales internationales pour corriger les déséquilibres dans les systèmes financiers et commerciaux internationaux, a conclu le Président de l’ECOSOC. 

RÉUNION SPÉCIALE SUR LA COOPÉRATION INTERNATIONALE EN MATIÈRE FISCALE

Déclarations liminaires

M. COLLEN VIXEN KELAPILE, Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a indiqué que le thème de la réunion spéciale, cette année, est « Renforcer la coopération en matière fiscale pour la reprise post-COVID-19 et au-delà: envisager l’avenir de la fiscalité des entreprises et enrayer les flux financiers illicites liés à la fiscalité ».  Il a campé les enjeux de cette réunion, en rappelant que l’imposition des entreprises est une source cruciale de revenus pour les gouvernements, en particulier pour la réalisation du Programme de développement à l’horizon 2030.  Il a expliqué que cette imposition est aujourd’hui remise en question par la numérisation des activités économiques.  Les entreprises sont en effet en mesure de vendre leurs produits sans forcément maintenir une présence sur le terrain.  « Cette imposition est-elle encore adaptée?  Le contrat social est-il respecté?  Le facteur travail n’est-il pas trop imposé par rapport au facteur capital?»  Il a aussi estimé que toute réforme de la fiscalité doit répondre aux besoins spécifiques des pays en développement et satisfaire à la nécessité de réduire les inégalités mondiales.  Les perspectives des pays en développement doivent être ainsi prises en compte pour apporter des solutions inclusives, a-t-il insisté. 

Le Président a indiqué qu’un autre défi pour la mobilisation des ressources fiscales est posé par les flux financiers illicites.  Ces flux, notamment en provenance de pays en développement riches en ressources naturelles, tarissent les ressources à disposition pour soutenir la croissance et la création d’emplois ou lutter contre les conséquences des changements climatiques.  Les pays doivent accroître leurs efforts pour substantiellement diminuer ces flux en vue de leur élimination, a-t-il recommandé, en défendant des règles nationales et une coopération internationale renforcées.  Il a suggéré d’autres pistes telles que la lutte contre l’évasion fiscale, l’élimination des sociétés écran ou bien encore le renforcement des lois contre le blanchiment.  « Je suis persuadé que cette réunion permettra d’explorer les pistes concrètes pour remédier aux flux financiers illicites. » 

Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, a résumé les défis du moment à savoir les flux financiers illicites dans le secteur extractif, les répercussions de la pandémie de COVID-19, les incidences fiscales de l’économie numérique et mondialisée, la guerre en Ukraine et le fait que le monde est encore loin des objectifs climatiques convenus à Paris il y a 7 ans.  Le relèvement et l’élimination des inégalités sont au cœur du rapport sur Notre programme commun, du Secrétaire général, a rappelé Mme Mohammed.  Pour réduire les inégalités, rétablir la confiance et veiller à ce que les financements soient investis dans le développement durable pour tous, une coopération internationale plus étroite est nécessaire pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, le blanchiment d’argent et les flux financiers illicites.  Le Groupe de travail mondial sur les industries extractives a constaté que la réforme de la fiscalité internationale sur les sociétés extractives est une exigence essentielle pour sortir efficacement de la pandémie et accélérer la transition vers l’équité, la durabilité et la résilience, a-t-elle indiqué en plaidant pour un nouveau contrat social entre les entreprises, les gouvernements et les citoyens, un contrat devant inclure une fiscalité progressive comme fondement du développement durable.  Dans les réformes des systèmes fiscaux, les décideurs devraient intégrer l’égalité des sexes pour soutenir une croissance inclusive, a aussi suggéré Mme Mohammed. 

Déplorant le fait que dans l’économie numérique mondialisée, la valeur ajoutée créée à distance ne soit toujours pas assujettie à l’impôt dans le pays où l’activité économique a lieu, la Vice-Secrétaire générale a salué les négociations en cours menées par le G20 sur une convention multilatérale qui donnerait des droits d’imposition aux autorités fiscales des pays concernés.  Des analyses sont nécessaires pour assurer une répartition équitable des recettes fiscales entre les marchés où se déroule l’activité économique, souvent dans les pays en développement, a ajouté Mme Mohammed.  C’est en soutien à ces efforts que le Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale a conçu et présenté, dans le Modèle de convention fiscale des Nations Unies de 2021, une approche alternative pour l’imposition des services numériques automatisés.  Alors que les pays continuent de déterminer les options qui s’offrent à eux, il est important qu’ils tiennent compte de leurs réalités et de leurs situations spécifiques afin de parvenir à des systèmes fiscaux équitables et efficaces, a plaidé la Vice-Secrétaire générale. 

Dans les économies en développement, la réforme est particulièrement essentielle dans le secteur extractif parce qu’elle peut stimuler la croissance et le développement durable en particulier dans les pays en développement dotés de ressources naturelles, y compris celles nécessaires à la transition verte, a estimé Mme Mohammed.  Dénonçant le « paradoxe de l’abondance » dans ces pays, elle a déclaré que pour que les industries extractives contribuent avec succès au développement durable, la gouvernance des ressources extractives doit être améliorée pour renforcer la durabilité environnementale, la transparence, la prise de décision inclusive et la responsabilité.  Il faut notamment investir les rentes des industries extractives dans le développement durable des populations locales.  Il faut également diversifier les économies et réduire la dépendance à long terme aux revenus des industries extractives, créer une fiscalité directe des revenus et de la propriété afin d’améliorer la résilience financière du secteur, et aligner le secteur extractif sur les objectifs de développement durable (ODD) et l’Accord de Paris sur les changements climatiques.  Cela nécessite la mise en place d’incitations fiscales pour encourager les pratiques durables dans le secteur extractif ainsi que le transfert des subventions accordées aux combustibles fossiles vers les énergies renouvelables, a encore recommandé Mme Mohammed 

Mme LISELOTT MARGARETA KANA, Vice-Présidente du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale, a rappelé que le but du Comité est d’aider les pays à mobiliser leurs ressources en faveur du développement durable, en élargissant leur base fiscale, en renforçant leur administration fiscale et en luttant contre l’évasion fiscale.  « Cela est essentiel à la réalisation du Programme 2030. »  Elle a souligné les outils développés par le Comité à cette fin, y compris une actualisation du modèle de convention fiscale, et les conseils apportés sur la taxe carbone ou le règlement des contentieux fiscaux.  Elle a précisé que le travail du Comité sur les liens entre imposition, échanges commerciaux et accords d’investissement vise à parvenir à un équilibre entre besoins de rentrées fiscales et investissements pour le développement durable et l’action climatique. 

Mme Kana a ensuite évoqué le défi de l’imposition dans un contexte de numérisation des activités économiques.  La capacité de faire des affaires à distance depuis un pays sans avoir à s’acquitter de l’impôt est une question cruciale, a-t-elle dit, en attendant avec impatience les discussions de ce jour. Elle a rappelé que le Comité est un organe qui produit des normes et prodigue des conseils aux pays en développement pour répondre aux défis en matière fiscale.  « Nous sommes fiers de fournir une assistance pratique aux pays en développement et d’apporter une perspective fiscale aux travaux du Conseil. » 

Table ronde 1

L’avenir de la fiscalité des entreprises dans un monde numérique et globalisé 

Comment assurer la participation effective des pays en développement dans la construction d’un cadre fiscal international plus robuste?  Tel fut la préoccupation majeure des intervenants à cette table ronde animée par Mme BELEMA OBUOFORIBO, Directrice du «IBFD Knowledge Centre» et Présidente du Centre d’Études en Fiscalité Africaine (CSAT).  Elle a d’emblée rassuré sur le fait que des efforts sont faits pour impliquer davantage les pays en développement dans la réglementation des questions fiscales à l’échelle internationale. 

Le constat est clair pour la plupart des spécialistes fiscaux: le système actuel d’imposition internationale des entreprises, hérité du début du XXe siècle, est désormais désuet.  Il permet en effet aux multinationales d’exploiter la complexité, les failles et les inadéquations des règles fiscales internationales à des fins d’optimisation fiscale et pour transférer leurs profits vers des juridictions à fiscalité faible ou nulle.  Dans le même temps, les entreprises se plaignent d’être parfois victimes de la double imposition, à la fois dans les « juridictions de marché », c’est-à-dire là où elles mènent leurs activités et où se trouvent les consommateurs, et dans les pays où sont basés leur siège. 

Pour éviter la double imposition et la non-imposition, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a proposé, en octobre 2021, une « approche unifiée » visant à accorder aux juridictions de marché le droit d’imposer une part accrue des profits des entreprises multinationales.  Cette approche dite des deux piliers cible à la fois les acteurs de l’économie digitale et l’ensemble des multinationales. 

Selon M. MATHEW GBONJUBOLA, qui est Coprésident du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale des Nations Unies et Directeur du Département de la politique et des conseils fiscaux du Nigéria, les règles actuelles de fiscalité internationale tendent à favoriser les recettes des pays développés au détriment des pays en développement.  Il a estimé que ces derniers ne sont pas écoutés quand ils font des propositions pour la réforme du système fiscal international.  Il a par exemple dénoncé la pratique des pays développés qui présentent des centaines de pages sous forme de propositions à la veille des pourparlers, handicapant ainsi la capacité des pays en développement à les étudier tous en profondeur du fait du manque d’experts dans leurs délégations. 

Même si elle a partagé cet avis, Mme YAN XIONG, également membre du Comité d’experts des Nations Unies et Directrice générale adjointe de la Direction de la fiscalité internationale de la Chine, a salué le fait que les pays en développement sont de plus en plus écoutés dans les arcanes multinationaux de discussion sur la fiscalité, ce qui ne fut pas toujours le cas il y a quelques années.  Selon elle, il y a des raisons d’être optimiste. 

Le Commissaire à la Commission des services financiers du Belize, M. STEPHEN COAKLEY-WELLS, a pour sa part dénoncé les systèmes fiscaux « importés » qui sapent les efforts des administrations fiscales des pays en développement.  Lui aussi a insisté sur l’importance d’écouter les avis des pays en développement à qui revient en dernier ressort la décision politique d’adopter les modifications faites dans les instances internationales. 

Les réformes de l’OCDE sont en fait des propositions soumises aux pays, y compris ceux en développement, a tempéré Mme GRACE PEREZ-NAVARRO qui est Directrice adjointe du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE.   Elle a rappelé que le nouveau cadre fiscal international soumis à l’appréciation des États depuis octobre 2021, communément appelé « solution des deux piliers », est le fruit des négociations menées au cours de la dernière décennie sous la coordination de l’OCDE.  Le pilier 1 garantira une répartition plus équitable des bénéfices et des droits d’imposition entre pays concernant les grandes multinationales, y compris celles du numérique.  Il permettra de réattribuer une partie des droits d’imposition sur ces entreprises de leurs pays d’origine aux pays de marché dans lesquels elles exercent des activités commerciales et réalisent des bénéfices, qu’elles y aient ou non une présence physique.  Le pilier 2 entend encadrer la concurrence fiscale en matière d’impôt sur les bénéfices des sociétés en introduisant un impôt minimum mondial que les pays peuvent prélever pour protéger leur base d’imposition.  Elle a précisé que pour l’OCDE, il est clair que la solution à deux piliers n’a pas l’ambition de résoudre tous les problèmes de fiscalité au monde. 

À sa suite justement, Mme MARILOU UY, Directrice du Secrétariat du Groupe des 24, a dit que les pays en développement doivent déterminer ce qui les arrange dans ces nouvelles propositions.  Selon elle, il faut aussi regarder la structure de gouvernance de ces instances internationales dans lesquelles les pays en développement n’ont pas souvent voix au chapitre.  C’est à chaque pays d’établir comment ces piliers s’appliquent à lui sur le plan national, au cas par cas, a avancé Mme LEE SHEPPARD, journaliste spécialisée sur les questions fiscales.  Il est vrai que chaque pays doit voir comment gérer ces changements, mais il faut que ces modifications soient à l’avantage des pays en développement, a ajouté Mme ALLISON CHRISTIANS de la faculté de droit de l’Université McGill (Canada). Selon l’universitaire, il faut développer une gouvernance inclusive et créer un forum mondial sur la gouvernance fiscale pour aider à modifier les processus décisionnels, notamment en s’assurant que les pays en développement soient les premiers entendus lors des négociations.  On peut par exemple s’assurer que la direction des discussions soit tournante, a-t-elle suggéré. 

Par ailleurs, Mme MARY BAINE, Directrice des programmes fiscaux au Forum africain sur l’administration fiscale (ATAF), a précisé que la solution à deux piliers n’a pas abordé les deux questions fondamentales des administrations fiscales africaines: la question de la juridiction de résidence et celle du marché et la question des flux financiers illicites.  La Chine a marqué sa disponibilité à assister d’autres pays en développement à améliorer leur système fiscal, dans l’optique de favoriser la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).  Même son de cloche pour les États-Unis  qui sont prêts à appuyer les efforts des pays en développement en la matière.  Mais déjà, il faudrait que les pays en développement aient des politiques fiscales crédibles, a argué l’Indonésie, tandis qu’Oman et la Thaïlande ont appelé au renforcement des capacités fiscales de ces pays. 

La Banque mondiale a suggéré aux pays en développement de se pencher aussi sur l’élargissement de leur assiette fiscale, notamment pour ceux qui regorgent de ressources naturelles.  La représentante d’une organisation de la société civile qui milite pour le financement du développement a rappelé que l’on a tendance à parler pour les pays en développement, alors que ceux-ci ont déjà clairement transmis leurs préoccupations.  En effet, a-t-elle rappelé, le Groupe des 77 et la Chine (G77) a toujours demandé que les questions fiscales internationales soient discutées au sein des instances onusiennes, alors que les pays africains n’ont de cesse d’appeler à l’élaboration d’une convention fiscale internationale.  Elle a aussi rappelé que le tiers des pays n’a pas pris part aux négociations de l’OCDE. La solution des deux piliers ne semble dès lors pas être une solution mondialement agréée, a-t-elle conclu. 

Mme BJØRG SANDKJÆR, Secrétaire d’État au développement international de Norvège, a vu comme prioritaire la réduction des flux financiers illicites dans la réforme des systèmes fiscaux internationaux et nationaux.  Il faut prendre des mesures politiques audacieuses au niveau mondial et apporter une aide aux administrations fiscales nationales, a-t-elle notamment conseillé, tout en se désolant qu’il n’y ait toujours pas de définition convenue des flux financiers illicites.  Cela illustre, selon elle, les complexités et les défis liés à la recherche d’une voie commune pour aller de l’avant.  La Ministre a aussi prôné l’intégrité financière, épousant la proposition du Groupe de haut niveau sur la responsabilité financière internationale, la transparence et l’intégrité pour la réalisation du Programme 2030.  Elle a fait remarquer que l’expression « intégrité financière » est basée sur des valeurs et un changement de mentalité.  Elle a ainsi proposé de se demander avant tout si nos actions sont conformes à l’intention de la loi.  Elle a aussi noté que la solution à deux piliers de l’OCDE a sensibilisé le public au fait que chacun doit payer une part juste d’impôts là où sont réalisées les activités imposables.  Enfin, elle a souligné que les solutions numériques ont le potentiel de soutenir la collecte de recettes supplémentaires et d’améliorer l’équité et la responsabilité.  Cependant, les résultats dépendent fortement du cadre politique et des ressources humaines, a conclu Mme Sandkjær. 

Table ronde 2

Lutter contre les différents aspects fiscaux des flux financiers illicites pour réaliser les objectifs de développement durable

Le modérateur de la discussion, M. MUHAMMAD ASHFAQ AHMED, Membre du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale des Nations Unies, a fait le constat que le monde est mal outillé pour mener « la lutte contre les différents aspects des flux financiers illicites ».  Pour avancer, il faut répondre à certaines questions, a-t-il dit, notamment pour savoir quelles sont les principales considérations à prendre en compte pour une approche intégrée de la lutte contre les flux financiers illicites liés à la fiscalité. 

Mme BJØRG SANDKJÆR, Secrétaire d’État au développement international de la Norvège, a vu comme prioritaire la réduction des flux financiers illicites dans la réforme des systèmes fiscaux internationaux et nationaux.  Il faut prendre des mesures politiques audacieuses au niveau mondial et apporter une aide aux administrations fiscales nationales, a-t-elle notamment conseillé, tout en se désolant qu’il n’y ait toujours pas de définition convenue des flux financiers illicites.  Cela illustre, selon elle, les complexités et les défis liés à la recherche d’une voie commune pour aller de l’avant.  Elle a aussi prôné l’intégrité financière, épousant la proposition du Groupe de haut niveau sur la responsabilité financière internationale, la transparence et l’intégrité pour la réalisation du Programme 2030.  Elle a fait remarquer que l’expression « intégrité financière » est basée sur des valeurs et un changement de mentalité.  

Elle a ainsi proposé de se demander avant tout si nos actions sont conformes à l’intention de la loi.  La Secrétaire d’État a aussi noté que la solution à deux piliers de l’OCDE a sensibilisé le public au fait que chacun doit payer une part juste d’impôts là où sont réalisées les activités imposables.  Enfin, elle a souligné que les solutions numériques ont le potentiel de soutenir la collecte de recettes supplémentaires et d’améliorer l’équité et la responsabilité.   Cependant, les résultats dépendent fortement du cadre politique et des ressources humaines, a conclu Mme Sandkjær.   

Mme TARJA VALSI, Directrice adjointe de l’Unité des relations avec la clientèle à la Division de la lutte contre l’économie souterraine de l’Administration fiscale de la Finlande, a prévenu que la clef du succès réside dans une volonté commune de lutter contre la fraude et les crimes fiscaux.   Selon une étude récente de comportement, jusqu’à 96% des Finlandais sont d’accord pour dire que payer des impôts est important pour maintenir l’État-providence, a révélé la Directrice.   Il apparait que la volonté commune en Finlande est largement opposée à la fraude, notamment fiscale, a-t-elle précisé.   Tout l’appareil gouvernemental doit être impliqué pour s’y opposer, a ajouté Mme Valsi en soulignant à cet égard l’importance d’un partenariat solide au sein de différents organismes gouvernementaux, entre les différentes juridictions et avec la société civile.  Mme Valsi a également vanté la longue tradition de coopération de la Finlande avec d’autres pays nordiques en matière de répression des crimes fiscaux, car les sociétés de ces pays sont très similaires et ont le même genre de problèmes.  Enfin, pour accroître une part équitable de l’impôt pour chaque pays du monde, Mme Valsi a recommandé d’opter pour des solutions mondiales, afin d’améliorer les normes, les lois et les politiques fiscales internationales.   

M. IBRAHIM ASSANE MAYAKI, Directeur général de l’Agence de développement de l’Union africaine-Nouveau Parlement pour le développement de l’Afrique, a dit que pour faire face aux défis de l’évasion fiscale, il faut en premier lieu accélérer le recouvrement des actifs volés des pays africains et renforcer à cet égard les normes fiscales internationales.  Les pays développés doivent faire preuve de leadership, a-t-il dit invitant le G20 à prendre ses responsabilités.  M. Mayaki a aussi mis en exergue l’importance des échanges d’informations fiscales entre les pays et les recommandations du Groupe FACTI demandant l’élaboration d’un pacte mondial sur l’intégrité financière, le renforcement du partage des informations et l’amélioration de la coopération internationale de lutte contre les fraudes fiscales aux frontières.  Tous les pays doivent adhérer aux 14 recommandation du Groupe FACTI, a encouragé M. Mayaki. 

M. MÁRCIO VERDI, Secrétaire exécutif du Centre interaméricain de l’administration fiscale, a reconnu que les administrations fiscales nationales n’ont pas les capacités de lutter contre les flux financiers illicites et l’évasion fiscale qui exigent des renforcements de capacités.  Évoquant les nouvelles formes de fraudes fiscales, il a recommandé de se doter de modèles fiscaux modernes pour contrôler les flux financiers, ce que les pays membres du Centre interaméricain n’ont pas encore.  En outre, les administrations fiscales doivent être dotées de moyens financiers pour qu’elles puissent mener à bien leur travail.  Il faut également du personnel spécialisé pour chaque produit, notamment pour le secteur minier, a encore suggéré M. Verdi soulignant le caractère particulier de chaque minerai. 

Un rapport du Fonds monétaire international (FMI) sur l’évasion fiscale dans le secteur minier a justement été cité par Mme IRENE OVONJI-ODIDA, Commissaire au Mbeki Panel, Facti Panel, ICRICT Illicit Financial Flows (IFFS) And Extractives Impact On Developing Countries And Solutions.  Ce rapport montre que les règles actuelles élaborées par les pays du Nord entraînent 600 millions de dollars de pertes de revenus chaque année pour les pays africains sub-sahariens.  Les règles sont biaisées et l’asymétrie de l’information profitent aux pays développés, a-t-elle ajouté.  Dénonçant le rôle aggravant des paradis fiscaux, elle a exigé l’élaboration d’un nouveau pacte fiscal mondial afin de mettre à jour les normes et les règles dans le secteur minier et pour prendre en considération les contextes nationaux de chaque pays.  Ces négociations doivent être menées au sein des Nations Unies, a-t-elle souhaité.  Mme Ovonji-Odida a aussi souligné l’importance des échanges d’informations entre les pays sur les détails des projets miniers en cours ou à venir.  Les pays d’accueil et les pays des sièges des sociétés doivent pouvoir taxer les profits de ces entreprises, a plaidé la Commissaire qui a demandé aux pays africains d’adapter ou de supprimer leurs codes miniers, de même que leurs incitations fiscales octroyant un taux d’imposition en deçà de 15%. 

C’est un « nouveau pacte mondial fiscal » pour faire disparaître les flux financiers illicites qu’a recommandé pour sa part Mme ROLA DASHTI, Secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale de l’Asie occidentale.  Ce cadre devra abandonner l’approche fragmentée actuelle, a-t-elle préconisé.  M. ALEX COBHAM, Directeur exécutif de Tax Justice Network, a rapporté que les pertes fiscales de l’année dernière ont atteint 483 milliards de dollars.  Il a demandé l’élaboration d’une convention fiscale des Nations Unies qui aidera à lever les fonds pour réaliser les ODD.  Il faut « traquer les richesses anonymes » grâce à cet organe international ou convention internationale sur la fiscalité internationale d’ici à 2024, a-t-il dit.  Pour la Commissaire au Mbeki Panel, l’ECOSOC est le lieu approprié pour réaliser ces recommandations. 

Le Nigéria et le Bangladesh ont tous deux réclamé le rapatriement des actifs volés des pays en développement après avoir dénoncé les paradis fiscaux et le manque de capacités dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales.  Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), qui a, à son tour, souligné l’importance d’une structure mondiale de lutte contre les flux financiers illicites, a fait part d’un partenariat avec « Tax without Borders » qui vise le renforcement de capacités dans 53 pays dans la lutte contre l’évasion fiscale.  De plus, a dit le FMI, sans une bonne gouvernance et la transparence des administrations fiscales, il n’y aura pas d’amélioration de l’assiette et des recettes fiscales.  Il a invité les pays à travailler avec le Fonds dans la lutte contre l’évasion fiscale. 

Un représentant de la société civile a dénoncé le fait que rien ne s’est passé dans la lutte contre les flux financiers illicites depuis 2016.  Il a dénoncé les propositions de l’OCDE sur la question, estimant qu’elles profitent aux pays développés et aux multinationales des pays riches.  Combien de décennies faut-il attendre pour que ces multinationales paient leurs parts ? a questionné le représentant qui a également demandé la convocation de la Quatrième Conférence internationale sur le financement du développement.  Ce sera l’occasion d’ouvrir la voie à une convention fiscale internationale, a-t-il conclu. 

Déclarations de clôture

M. LIU ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques, a indiqué que la collecte de l’impôt n’est plus adaptée aux nouveaux modèles économiques numérisés.  Il convient d’aider les pays en développement à y faire face.  Il a souligné les conséquences économiques de la pandémie, avant d’insister sur le défi des flux financiers illicites.  Il a plaidé pour des réformes afin de lutter plus efficacement contre l’optimisation et l’évasion fiscale.  Il a aussi appelé de ses vœux une coopération internationale renforcée, avant d’insister sur l’importance de disposer d’informations de qualité.  En conclusion, le Secrétaire général adjoint a détaillé les efforts de l’ONU pour renforcer les capacités fiscales des pays en développement. 

Le Président de l’ECOSOC a insisté, pour ses remarques de clôture, sur la nécessité pour les pays en développement d’améliorer leurs mécanismes de collecte de l’impôt, dans un contexte de numérisation de l’économie.  Il doit être remédié à ces défis, a rappelé le Président, en rappelant l’importance des montants économiques en jeu.  Faisant allusion au thème de la seconde table ronde, il a estimé que la réponse aux flux illicites exige de corriger les déséquilibres dans les systèmes financiers et commerciaux internationaux.  Il faut remédier à la faiblesse des institutions qui empêche les pays concernés d’exercer leurs droits de contrôle des flux et ressources économiques, notamment les ressources naturelles.  Enfin, le Président a appelé à répondre aux asymétries d’information, entre pays mais aussi entre pays et redevables, qui favorisent l’évasion fiscale. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale se félicite de la tenue de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar, la première jamais organisée au Moyen-Orient

Soixante-seizième session,
67e séance plénière – matin
AG/12415

L’Assemblée générale se félicite de la tenue de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar, la première jamais organisée au Moyen-Orient

Convaincue que le sport, et en particulier le football, « au regard de sa popularité universelle », a un rôle important à jouer dans la promotion de la paix et du développement, du respect des droits humains et de l’égalité des genres, l’Assemblée générale a fait sienne, cet après-midi, une résolution qui se félicite que le Qatar organise la Coupe du monde 2022 de la Fédération internationale de football association (FIFA). 

Intitulé « Coupe du monde 2022 organisée par la Fédération internationale de football association au Qatar » et présenté par le pays hôte, qui a promis une édition « exceptionnelle » de la Coupe du monde de football, qui sera « la première manifestation à unir le monde après la pandémie de COVID-19 », le texte a été adopté par consensus. 

Le Bélarus a toutefois profité de la présentation du projet de résolution pour dénoncer la recommandation du Comité international olympique (CIO) et les décisions ultérieures des fédérations sportives internationales d’exclure les athlètes bélarusses des compétitions internationales.  Il a jugé « particulièrement cynique » l’exclusion des athlètes paralympiques, alors même que ces derniers ont « surmonté les épreuves les plus dures de la vie » et font figure d’exemples.  Dans ces circonstances, le sport devient « l’otage de la politique » et est utilisé comme « instrument de pression et de sanctions contre des États individuels », s’est indignée la délégation. 

Pour rappel, le CIO a recommandé, fin février, aux fédérations sportives internationales de « ne pas inviter » les athlètes et équipes russes et bélarusses dans les compétitions sportives internationales en réaction à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, avec l’appui de son allié bélarusse.  La FIFA a alors décidé d’exclure la Russie de la Coupe du monde 2022, ce que la Fédération russe de football a d’abord contesté devant le Tribunal arbitral du sport (TAS), avant de retirer son recours fin mars. 

Par cette résolution, l’Assemblée générale se félicite de la « dimension unique » que revêtira l’événement, organisé du 21 novembre au 18 décembre prochains, « du fait que ce sera la première fois que cette grande manifestation aura lieu au Moyen-Orient ».  Dans cet esprit, elle engage les « autorités compétentes » à n’épargner aucun effort pour faire en sorte que cette Coupe du monde « laisse au Moyen-Orient des traces durables en matière de paix et de développement ». 

De surcroît, elle encourage les autorités concernées à veiller à ce que les communautés d’accueil « bénéficient de retombées positives durables », tant du point de vue des coûts financiers, que de l’impact sur l’environnement, des conséquences sociétales, de l’utilisation ultérieure des équipements et des effets sur la participation au sport.

À cet égard, tout en saluant les réformes engagées par le Gouvernement du Qatar, dans la perspective de cette Coupe du monde, en matière de droits humains et de normes du travail, le Danemark s’est dit préoccupé, au nom de l’Union européenne, des conditions réservées aux migrants lors des préparatifs de l’événement.  Il s’est donc félicité que le préambule du texte fasse référence aux « Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme », qui sont d’une « grande importance dans la préparation et l’organisation de grands événements sportifs ».

Il a rappelé que les États ont la responsabilité de protéger contre les violations des droits humains commises par des entreprises et de prendre les mesures appropriées pour lutter contre ces abus.  De même, a poursuivi le Danemark, les entreprises commerciales doivent à leur tour respecter les principes énoncés dans la Déclaration de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les Principes et droits au travail.

La résolution indique, par ailleurs, que l’Assemblée générale appuie le projet « Coupe du monde 2022 en bonne santé: laisser un héritage pour le sport et la santé », lancé dans le cadre d’un partenariat pluriannuel entre la FIFA, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Qatar, qui vise à ce que la Coupe du monde 2022 « serve de flambeau pour promouvoir une vie saine, la santé physique et mentale et le bien-être psychosocial ». 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale suspend la Fédération de Russie du Conseil des droits de l’homme après des informations sur des violations flagrantes en Ukraine

Onzième session extraordinaire d’urgence (reprise),
10e & 11e séances plénières – matin & après-midi
AG/12414

L’Assemblée générale suspend la Fédération de Russie du Conseil des droits de l’homme après des informations sur des violations flagrantes en Ukraine

Cinq jours après la diffusion d’images choquantes d’atrocités commises à Boutcha, l’Assemblée générale a adopté, ce matin, une résolution présentée par l’Ukraine par 93 voix pour, 24 contre et 58 abstentions, pour « suspendre le droit de la Fédération de Russie de siéger au Conseil des droits de l’homme ».  Il s’agit de la deuxième suspension d’un membre de ce conseil après l’éviction de la Libye, en 2011.  L’adoption du texte nécessitait la majorité des deux tiers du total des votes pour et contre, sans tenir compte des abstentions, nombreuses. 

Se disant gravement préoccupée par les informations concernant « des violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme » par la Fédération de Russie en Ukraine, l’Assemblée a, selon le représentant de l’Union européenne, pris une décision « rare et courageuse » et envoyé un message fort de solidarité, de transparence et de redevabilité que le Conseil de sécurité, paralysé par l’usage du véto russe, ne peut plus adresser à la communauté internationale.  « Les agissements de la Russie, à l’origine d’un nombre incalculable de pertes en vies humaines et de destructions d’infrastructures publiques », exigeaient la prise d’une telle décision, a-t-il déclaré. 

La France et le Royaume-Uni, parmi les coauteurs du texte, ont déclaré que l’Assemblée venait d’envoyer ce message clair à la Fédération de Russie qu’elle devra rendre compte des « atrocités insoutenables de Boutcha », le représentant britannique se demandant « quels crimes de guerre les Russes n’ont pas commis dans les oblasts de Kiev ».  En écho, les États-Unis ont salué un moment historique par lequel, « collectivement, nous avons dit fermement à la Russie que les souffrances de ses victimes, certaines ayant été exécutées les poings liés, ne seront jamais ignorées ».  « La Russie doit être tenue pour responsable de cette guerre », a déclaré la représentante permanente. 

L’Assemblée générale a ainsi répondu à l’appel du représentant ukrainien qui avait exhorté les États à « éviter que le Conseil des droits de l’homme ne sombre, à l’instar du Titanic ».  Un des membres de ce conseil commet des crimes abominables, des violations des droits de l’homme qui pourraient être des crimes contre l’humanité, a-t-il lancé, ajoutant qu’à Boutcha « et dans des centaines d’autres localités environnantes » des résidents pacifiques ont été « tués, torturés et enlevés ».  Estimant que l’ONU ne peut plus tolérer « les versions mensongères de la réalité » de la Fédération de Russie, il a qualifié la logique de cette dernière de « perverse » : c’est la logique de l’agresseur qui se présente comme la victime, celle de celui qui tue des civils et colonise un autre pays, s’est-il exclamé.  Citant Elie Wiesel après avoir rappelé l’incapacité qui fut celle de l’ONU, en 1993, d’empêcher le génocide rwandais survenu à partir du 7 avril 1994, il a déclaré qu’aucun pays ne peut s’offrir le luxe de l’indifférence.  S’abstenir équivaut à n’être qu’un simple observateur et adopter une position qui profite à l’agresseur, a-t-il déclaré. 

Avant le vote également, le représentant de la Fédération de Russie avait fustigé un texte n’ayant « rien à voir avec les droits de l’homme », préférant le qualifier de « tentative de plus des États-Unis de maintenir leur position de domination et de colonisateur du monde ».  Le délégué a renchéri sur ce point après le vote, lorsqu’il a vu dans la décision de l’Assemblée un moyen pour les Occidentaux de punir « ceux qui souhaitent développer une politique étrangère indépendante ».  Par ailleurs, le délégué russe a indiqué que son pays avait pris de lui-même une décision pour se retirer du Conseil des droits de l’homme avant la fin de son mandat. 

Les pays qui ont rejeté le projet de résolution ou se sont abstenus ont expliqué leur position en déplorant un texte qui ouvre la voie à une politisation systématique du Conseil des droits de l’homme et qui dévoie le principe de non-sélectivité consacré par la résolution 60/251, le texte qui a porté création de cet organe en 2006.  La Chine, la Syrie ou encore l’Iran, qui ont voté contre, et l’Afrique du Sud, le Sénégal, l’Inde et le Brésil, qui se sont abstenus, ont fait valoir ces arguments.  Cuba a imaginé notamment que si la Russie est aujourd’hui exclue, « demain, n’importe quel pays, surtout du Sud, pourrait être visé parce qu’il défendrait son indépendance et ne se plierait pas à un modèle dominant de démocratie ». 

Les pays qui n’ont pas soutenu la résolution ont de plus réitéré leur confiance dans les processus « judiciaires » en cours, notamment la commission d’enquête indépendante sur les allégations de violations des droits de l’homme en Ukraine désignée par le Conseil des droits de l’homme fin mars.  Pour eux, toute allégation de cette nature qui justifierait la suspension d’un membre du Conseil doit se fonder sur des faits incontestables, solidement établis.  Par ailleurs, le Mexique, qui s’est abstenu, a noté que la Russie suspendue ne se verrait pas pour autant imposer de nouvelles obligations.   L’objectif, a insisté le représentant, est la traduction en justice de tous les auteurs de crimes en Ukraine. 

À la fin de cette réunion convoquée pour se prononcer sur la suspension du droit de la Fédération de Russie de siéger au Conseil des droits de l’homme, l’Assemblée générale a suspendu sa onzième session extraordinaire d’urgence démarrée le 28 février.  Mais la résolution adoptée aujourd’hui précise que l'Assemblée reviendra sur la question « selon qu’il conviendra ». 

LETTRE DATÉE DU 28 FÉVRIER 2014, ADRESSÉE À LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’UKRAINE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES: PROJET DE RÉSOLUTION A/ES-11/L.4

Décision sur le projet de résolution

Lettre datée du 5 avril 2022, adressée au Président de l’Assemblée générale par les Représentants permanents d’Antigua-et-Barbuda, du Canada, de la Colombie, du Costa Rica, des États-Unis d’Amérique, de la Géorgie, du Japon, du Libéria, de la République de Moldova, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et de l’Ukraine, ainsi que par le Chef de la délégation de l’Union européenne auprès de l’Organisation des Nations Unies (A/ES-11/6)

Le représentant de l’Ukraine, qui présentait le projet de résolution demandant la suspension du droit de la Fédération de Russie de siéger au Conseil des droits de l’homme, a rappelé qu’en 1993, le Secrétaire général d’alors avait appelé à une réponse plus robuste de l’ONU face aux exactions en cours au Rwanda, « cela pour empêcher un possible génocide ».  Il a déploré que les États Membres n’avaient pas entendu les appels de M. Boutros Ghali, souhaitant qu’aujourd’hui la crédibilité des institutions des Nations Unies soit préservée.  Il a qualifié le régime de M. Putin de régime possiblement génocidaire qui, chaque jour, diffuse des mensonges odieux.  Il est ensuite revenu sur la création du Conseil des droits de l’homme, en rappelant que pour M. Eliasson, Président de l’Assemblée générale en 2005, la promotion et la protection des droits de l’homme étaient l’un des moyens les plus sûrs de renforcer l’efficacité du multilatéralisme.  Comparant le Conseil à un bateau ayant traversé des tempêtes mortelles, il a exhorté les États à voter en faveur du projet de résolution pour éviter que cet organe ne sombre « à l’instar du Titanic ». 

Un des membres de ce conseil commet des crimes abominables, des violations droits de l’homme qui pourraient être des crimes comme l’humanité, a-t-il lancé, ajoutant qu’à Boutcha et dans des centaines d’autres localités des résidents pacifiques ont été tués, torturés et enlevés.  Pour le représentant ukrainien, l’ONU ne plus accepter d’entendre en son sein les versions mensongères de la réalité de la Russie.  C’est une question de santé du mécanisme onusien des droits de l’homme et de sauvegarde de la crédibilité du Conseil des droits de l’homme, a-t-il dit.  Parce que la logique de la Russie est celle, perverse, de l’agresseur qui se présente comme la victime, celle de celui qui tue des civils et colonise un autre pays, les États Membres ont le devoir de suspendre, conformément à ce que prévoit la résolution pertinente, ce pays du droit de siéger au Conseil des droits de l’homme, a encore argué le délégué.  Un tel vote est une action rare, mais les actions de la Russie sont telles que le choix n’est pas laissé à l’Assemblée générale, a encore dit le délégué.  Enfin, citant Elie Wiesel sur le danger de l’indifférence, il a considéré qu’aucun pays ne peut s’offrir le luxe de l’indifférence, « de s’abstenir pour n’être qu’un simple observateur », une telle position ne pouvant profiter qu’à l’agresseur. 

Le représentant de la Fédération de Russie a estimé que le texte présenté par l’Ukraine n’a rien à voir avec les droits de l’homme, et n’est qu’une une tentative de plus des États-Unis de maintenir leur position de domination et de colonialisme dans le monde.  Ce texte vise à empêcher ceux qui le souhaitent de développer une politique étrangère indépendante, cela en demandant qu’ils soient relégués à la périphérie de la communauté internationale, a-t-il accusé.  Le représentant a assuré que son pays avait toujours défendu les principes de coopération sur un pied d’égalité en matière de défense des droits de l’homme.  Il a rejeté « les insinuations mensongères de l’Ukraine », proférées sur la base de « documents fabriqués », et appelé les délégations à s’opposer aux tentatives de l’Occident de détruire l’architecture des droits de l’homme en s’opposant au projet de résolution. 

Explications avant le vote

Le représentant du Kazakhstan a dit craindre que le projet de résolution ne contribue pas au règlement du conflit.  Avant de suspendre un État Membre, il faut d’abord, a-t-il argué, mener une enquête approfondie sur les violations présumées des droits humains en Ukraine.  «  C’est pourquoi nous allons voter contre. »

Le délégué du Venezuela a mis en garde contre toute instrumentalisation des droits de l’homme pour attaquer un État souverain.  Il a déploré l’escalade des tensions, avant de souligner les conséquences de la situation en Ukraine sur la sécurité alimentaire mondiale.  Il a aussi mis en garde contre un affrontement nucléaire.  Ce projet de résolution, a-t-il estimé, est un exemple de la politisation des droits humains pour promouvoir des intérêts nationaux.   « Sans la Russie, il n’y a pas de paix possible », a martelé le représentant, avant d’insister sur l’incidence négative qu’aurait l’adoption de cette résolution sur les négociations.  La crédibilité du Conseil en serait sapée, a-t-il dit.   « Nous rejetons tous les efforts visant à suspendre la Russie. »  

Le représentant de la République populaire démocratique de Corée a dit rejeter toute initiative politisée qui sape la transparence.  Certes nous avons vu des images de civils morts à Boutcha, mais leur authenticité doit être vérifiée, a-t-il argué, en appelant à une enquête indépendante.  Certains États, a-t-il soupçonné, veulent poursuivre des objectifs politiques qui ne sauraient pas contribuer au règlement du problème.  Nous allons voter contre le projet de résolution, a indiqué le représentant. 

Son homologue de la République islamique d’Iran a d’abord réclamé la cessation immédiate des hostilités en Ukraine et un accès humanitaire sans entrave.  Il a ensuite qualifié le projet de résolution de politisé avec l’objectif de manipuler les mécanismes de l’ONU à des fins politiques.  Nous voterons contre ce texte pour éviter la politisation des travaux du Conseil des droits de l’homme, a-t-il promis. 

Le représentant de la République arabe syrienne, rejetant toute politisation occidentale des droits de l’homme, a annoncé qu’il voterait contre ce projet de résolution.  Selon lui, « les pays occidentaux à l’origine de ce texte » sont sélectifs et font preuve de deux poids, deux mesures en matière de violations des droits de l’homme.  Sur certaines situations, ils ferment les yeux, comme celles caractérisées par les agissements illégaux des forces d’occupation israéliennes en Palestine ou par des violations des droits de l’homme dans le Donbass, a-t-il ajouté.  Le représentant a jugé que le projet de résolution « n’est fondé sur aucune preuve objective des violations qu’il mentionne » et que l’appuyer ferait peser une menace sur l’avenir même des Nations Unies. 

Le représentant de Cuba a défendu l’impartialité générale de l’ONU, le Conseil des droits de l’homme devant travailler sur la base de faits vérifiés.  Cuba s’est toujours opposé à la suspension des droits d’un membre du Conseil, laquelle ouvrirait la voie à la politisation systématique des droits de l’homme, a-t-il ajouté.  La Russie, qui avait été élue membre de ce conseil avec 158 voix, pourrait être suspendue avec un nombre de voix nettement inférieur, a-t-il noté.  Pour le délégué, c’est la Russie aujourd’hui, mais « demain ce pourrait être n’importe quel pays, surtout du Sud, qui pourrait être visé parce qu’il défendrait son indépendance et ne se plierait pas à un modèle dominant de démocratie ».  Il a indiqué qu’aucune suspension n’avait été décidée contre « l’État qui a imposé à mon pays un blocus économique pendant 50 ans, blocus qui équivaut à un acte de génocide contre tout un pays ».  Il a annoncé que son pays voterait contre le projet de résolution, cela pour empêcher que ne soit légitimée la sélectivité au sein du Conseil des droits de l’homme. 

Le représentant du Sénégal a rappelé que la guerre est une « faillite de l’humanité. »  Nos pays sont les victimes collatérales de la guerre en Ukraine, nos populations souffrant de ses conséquences socioéconomiques, a dit le délégué, en demandant le respect du droit international et de la souveraineté de l’Ukraine. Il a estimé que c’est la publication des conclusions de la commission d’enquête créée par le Conseil des droits de l’homme début mars qui permettra d’avoir une vue d’ensemble des sanctions à prendre.  Le projet de résolution n’attend pas les conclusions de cette commission, a-t-il regretté, expliquant que le Sénégal entend s’abstenir afin de rester cohérent avec la résolution créant cette commission. 

Le représentant de l’Afrique du Sud a rappelé que les parties ont tout à gagner d’un règlement négocié, avant de demander l’ouverture urgente de couloirs humanitaires.  Les parties doivent respecter le droit international humanitaire et respecter la souveraineté de tous les États, a-t-il exigé.  Il a fait remarquer que la commission créée par le Conseil des droits de l’homme n’a pas encore commencé ses travaux.  Ce projet de résolution est donc prématuré, a-t-il jugé, car il préjuge des conclusions de ladite commission.  Il a aussi estimé que ce projet, qui ne suit pas « les procédures habituelles », est une illustration d’une politisation qui risque de saper la crédibilité du Conseil.  « C’est pourquoi nous nous abstiendrons. » 

Le représentant de l’Égypte a rejeté la tendance actuelle à saper le fonctionnement des organes de l’ONU et les mandats pour lesquels ils ont été créés.  Ce projet de résolution, s’est-il expliqué, compromet les méthodes de travail de l’Organisation et risque de ternir sa crédibilité et sa faculté de jouer son rôle.  Le représentant a dénoncé les deux poids, deux mesures et le manque d’impartialité.  C’est la première fois, a-t-il affirmé, que nous voyons un tel texte, alors qu’il y a plusieurs situations de violations des droits de l’homme dans le monde.  En outre, a conclu le représentant, le projet de résolution n’est vraiment présenté au bon moment. 

Celui du Brésil a rappelé que le Conseil des droits de l’homme a créé une Commission d’enquête le mois dernier afin d’établir les faits sur les violations présumées en Ukraine.  Nous allons nous abstenir, a annoncé le représentant, parce que nous estimons qu’il faut d’abord attendre les résultats des enquêtes et surtout il faut éviter les erreurs de l’ancienne Commission des droits de l’homme dont le travail était marqué par la sélectivité et la politisation. 

Le représentant de la Chine a rappelé l’attachement de son pays à la défense et au respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de tous les pays, y compris l’Ukraine.  Concernant les rapports et images de civils tués à Boutcha, il les a qualifiés de « préoccupants », ajoutant cependant que toute accusation doit être fondée sur des faits.  Pour le délégué, seuls le dialogue et la négociation permettront de trouver une issue à la crise en Ukraine.  Par conséquent, il a conseillé de ne pas créer d’obstacle à la recherche d’une solution politique ni d’attiser les flammes de la confrontation, en imposant des sanctions quasi illimitées qui font des civils les principales victimes de conflits auxquels ils ne sont pas parties.  Dénonçant à son tour la politisation et l’instrumentalisation des questions des droits de l’homme, il a annoncé que, fidèle aux principes de non-sélectivité de la résolution portant création du Conseil des droits de l’homme, sa délégation votera contre le projet de résolution présenté par l’Ukraine.  Il a en outre regretté que le texte n’ait pas été rédigé de manière ouverte et transparente, sa mise aux voix hâtive forçant les États à choisir, « ce qui ne peut que les diviser et pénaliser l’avancée des pourparlers ». 

Son homologue du Mexique a réitéré son soutien aux procédures judiciaires en cours, qui, à ce stade, n’ont pas encore permis de qualifier juridiquement les situations à l’examen.  Il faut suivre ces procédures jusqu’à leur terme, a-t-il préconisé, ajoutant que la Russie, si elle était suspendue de son droit de siéger au Conseil des droits de l’homme, échapperait à ses obligations.  Le but, c’est la traduction en justice des auteurs de crimes, a-t-il souligné.  Le Mexique s’abstiendra donc. 

Le représentant du Chili a rappelé que le système multilatéral est la « maison de tous ».  Être membre du Conseil des droits de l’homme requiert un certain comportement et le respect strict des droits humains, a rappelé le délégué, en indiquant qu’un membre peut être suspendu si cela n’est pas le cas.  Il a déclaré que, dans le cas d’espèce, les violations sont d’autant plus graves qu’elles sont le fait d’un État Membre sur le territoire d’un autre État Membre.  C’est pourquoi nous allons voter pour le projet, a-t-il annoncé. 

Le représentant du Bélarus a rejeté catégoriquement le projet de résolution, qui vise à « diaboliser » la Russie et à l’isoler.  Cela déséquilibre tout le système de coopération internationale, a dit le délégué, en mettant en garde contre les conséquences à prévoir sur le long terme, dont « un effondrement de l’ONU ».  Il a refusé « la dictature de l’émotion » pour se concentrer sur le règlement du conflit.  Ce projet va compliquer les efforts de règlement du conflit, a-t-il prédit. 

Explications après le vote

Après le vote, le représentant de l’Inde a dit s’être abstenu, compte tenu de l’attachement de son pays au dialogue et aux efforts diplomatiques.  Toutes les décisions doivent être prises dans la légalité et cela s’applique également aux organisations internationales, dont les Nations Unies, a-t-il souligné. 

Le représentant du Timor-Leste a dit avoir voté en faveur du texte afin de démontrer sa solidarité avec le peuple ukrainien.  Le délégué a expliqué avoir, par ce vote, voté en faveur des droits de l’homme.  Il a appelé les parties à garantir la protection des civils et le retour de la paix en Ukraine. 

La représentante du Qatar a dit s’être abstenue, avant de réitérer l’appel du Secrétaire général en faveur du dialogue et de l’instauration immédiate d’un cessez-le-feu.  Elle a salué les efforts de médiation de la Turquie et souhaité que, par ce biais et d’autres pourparlers, une solution politique, diplomatique et pacifique permette une issue rapide de la crise en Ukraine. 

Son homologue de la République démocratique populairelao a expliqué avoir voté contre le projet de résolution, compte tenu de la nécessité de s’en tenir aux initiatives de paix en cours et d’éviter les allégations non étayées.  Il nous faut les preuves solides qui ne peuvent venir que de la Commission d’enquête indépendante créé par le Conseil des droits de l’homme. 

Le délégué de l’Indonésie a appuyé la création de la Commission d’enquête par le Conseil des droits de l’homme.  Cette Commission, a-t-il dit, doit bénéficier de tout l’appui nécessaire pour pouvoir exécuter son mandat.  Appelant à ne pas préjuger du résultat de l’enquête, le représentant a conseillé à l’Assemblée générale de faire preuve de prudence.  Attendons les conclusions de la Commission, a-t-il insisté, expliquant par là son vote d’abstention. 

Son homologue du Panama a dit avoir voté pour la résolution parce qu’il est essentiel que les États respectent leurs engagements en matière des droits de l’homme, en particulier lorsqu’ils sont membres du Conseil des droits de l’homme. Nous nous sommes vus obligés de nous rallier à la résolution en raison de la gravité des violations en Ukraine, s’est expliquée la représentante, ajoutant qu’elle a voté dans l’espoir que cette situation sera temporaire.  En 2021, a-t-elle rappelé, la Libye avait été suspendue pendant huit mois. 

Le représentant de la Thaïlande a dit que, pour s’assurer de la réalité des violations de droits de l’homme, il faudrait établir les faits et recueillir les preuves à partir de sources fiables.  Il a dit souhaiter que la Commission d’enquête établie par le Conseil des droits de l’homme puisse bientôt commencer son travail.  Le délégué a souligné que le dialogue politique est la seule voix pour faire cesser le conflit. 

Le représentant du Viet Nam a demandé que les informations faisant état d’allégations de violations des droits de l’homme soient vérifiées de manière indépendante.  Il a appelé à la cessation immédiate des hostilités et à l’utilisation du dialogue pour trouver une solution.  Les décisions de l’Assemblée générale doivent être fondées sur des informations impartiales, a-t-il fait valoir. 

Le représentant du Cambodge a estimé que l’idée d’isoler un État Membre ne saurait servir à régler le conflit en Ukraine.  Nous nous sommes abstenus, a-t-il expliqué, car il s’agit d’un texte susceptible de saper la confiance entre les parties à la crise mais aussi de diviser durablement l’Assemblée générale. 

Ayant voté contre le texte, le représentant de l’Ouzbékistan s’est dit convaincu que la procédure de suspension d’un membre du Conseil des droits de l’homme doit se fonder sur des enquêtes approfondies englobant toutes les allégations de violations des droits de l’homme. 

Le délégué de la Malaisie a souligné que les violations des droits humains doivent faire l’objet d’une vérification crédible.  La décision de suspendre un membre du Conseil doit être prise sans précipitation et seulement après la fin du travail de vérification.  C’est pourquoi nous nous sommes abstenus, a-t-il dit. 

Son homologue de Singapour s’est aussi abstenu, voulant d’abord attendre la fin des travaux de la Commission d’enquête.  La représentant en a profité pour réclamer un accès humanitaire sans entrave en Ukraine et exhorter la Russie à œuvrer à un règlement pacifique du conflit. 

La représentante de Brunei Darussalam a condamné toute violation de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale des États et réitéré l’importance de défendre un ordre international fondé sur des règles et de respecter le droit international.  La suspension d’un État membre d’un organe de l’ONU est contre-productive, a-t-elle estimé, craignant qu’elle n’aggrave une situation déjà désastreuse.  La représentante a insisté sur les efforts diplomatiques. 

Son homologue du Koweït a jugé son vote d’abstention par l’opposition de son pays à la politisation des organes de l’ONU.  Appelant au respect du droit international humanitaire, il a rappelé que depuis le début de la guerre en Ukraine, son pays ne cesse d’insister sur le respect de l’intégrité territoriale des États et sur le lancement de négociations pour parvenir à une solution pacifique. 

Le représentant du Kirghizistan a expliqué avoir voté contre le projet de résolution, en plaidant pour que soient d’abord menées des enquêtes impartiales sur les allégations de violations des droits de l’homme en Ukraine, « à commencer par celle, indépendante, diligentée par la commission dédiée du Conseil des droits de l’homme ».  Il a par ailleurs dénoncé les motivations politiques du texte présenté par l’Ukraine. 

Le représentant de l’Algérie, ayant voté contre le projet de résolution, a appelé à la conduite d’enquêtes approfondies et impartiales sur les allégations de violations des droits de l’homme en Ukraine, « seul moyen d’éviter tout préjugement, et partant, d’établir la justice dans le respect du principe de non-sélectivité sur lequel se fonde le mandat du Conseil des droits de l’homme ». 

Le représentant du Pérou a dit que son pays a voté pour le projet de texte « en pensant aux victimes ».  Il a estimé que cette procédure de suspension doit être utilisée sans aucune sélectivité et devrait être employée dans toute situation future similaire à celle d’aujourd’hui.  Cette décision ne préjuge pas à son avis des conclusions des enquêtes du Conseil des droits de l’homme, lesquelles doivent être conduites de manière neutre et indépendante, a-t-il recommandé. 

Le représentant de l’Arabie saoudite a indiqué que son pays s’est abstenu. Suspendre la Russie contribue à l’escalade d’une situation déjà tendue et témoigne d’une politisation du Conseil, a dénoncé le délégué, en rappelant que chaque membre élu au Conseil des droits de l’homme doit pouvoir exercer ses droits.  Cette situation pourrait avoir des effets négatifs sur les négociations, a conclu le délégué. 

La représentante des Émirats arabes unis a expliqué l’abstention de son pays par le fait que son pays privilégie la promotion, au sein des Nations Unies, du dialogue et d’un travail constructif, plutôt que de considérer les organes onusiens comme « un club de gens partageant les mêmes positions ».  Il faut renforcer les efforts diplomatiques afin de mettre fin aux hostilités, a-t-elle plaidé. 

Le représentant de Kiribati a dit avoir voté en faveur du texte après avoir écouté attentivement les deux parties.  Il a expliqué le choix de son pays par les images de civils tués en Ukraine. 

Déclarations après adoption

Le représentant de la Fédération Russie a jugé injustifiée et politiquement motivée la décision de « punir un État Membre souverain des Nations Unies pratiquant une politique intérieure et étrangère indépendante ».  Précisant avoir été autorisé à faire cette déclaration, il a dit que la Russie a pris une décision pour mettre fin à son appartenance au Conseil des droits de l’homme avant la fin de son mandat, le 7 avril.  Un Conseil qu’il a considéré comme une composante importante du système universel de promotion et de protection des droits de l’homme, dont le rôle principal est de contribuer à un dialogue intergouvernemental dépolitisé sur les importantes questions relatives aux droits de l’homme.  Il a regretté que le Conseil soit actuellement « monopolisé »par un groupe d’États qui l’utilisent pour atteindre leurs objectifs à court terme et qui violent eux-mêmes massivement, depuis des années, les droits de l’homme qu’ils prétendent défendre.  Malgré leur appartenance au Conseil, ils ne sont pas prêts à sacrifier leurs intérêts politiques à court terme en faveur d’une vraie coopération pour une stabilisation des droits de l’homme dans certains pays, a-t-il ajouté, constatant que cela viole le mandat du Conseil et sape sa crédibilité.  Il a dit que « l’engagement sincère de la Russie de promouvoir et protéger les droits de l’homme » ne peut pas lui permettre de rester membre d’un mécanisme international qui est devenu un levier pour la volonté dudit groupe de pays.  Il a accusé ces derniers de chercher à atteindre leurs objectifs, notamment de recevoir le nombre suffisant de votes pour adopter cette décision, en faisant du chantage auprès des États.  Notre décision de mettre fin à notre adhésion avant la fin de notre mandat ne veut pas dire que nous n’allons pas continuer à respecter nos obligations dans le domaine des droits de l’homme, a-t-il assuré. 

Le représentant de l’Union européenne a estimé que les agissements de la Russie, à l’origine d’un nombre incalculable de pertes en vies humaines et de destruction d’infrastructures publiques, exigeaient la décision rare et courageuse que vient de prendre l’Assemblée générale.  Les auteurs de ces crimes de guerre en Ukraine devront répondre de leurs actes, a-t-il demandé.  Il a estimé à cet égard que l’Assemblée générale, en suspendant la Russie du Conseil, envoie un message important en termes de redevabilité.  Il a formé le souhait que cette décision dissuadera la commission d’autres violations des droits de l’homme, l’Assemblée ayant fait en ce sens preuve d’une solidarité avec l’Ukraine que le Conseil de sécurité, paralysé par l’usage du véto par la Russie, ne peut plus exprimer complètement. 

Nous nous sommes réunis aujourd’hui parce que nous sommes horrifiés par les atrocités commises en Ukraine par la Russie, a déclaré la représentante des Pays-Bas, au nom des pays membres du Benelux.  Elle a qualifié la décision de l’Assemblée d’exceptionnelle et rappelé aux membres du Conseil des droits de l’homme leurs obligations de défendre et de respecter ces droits.  Or, la Russie n’a pas été à la hauteur de ses responsabilités, a-t-elle dit, avant de demander une enquête indépendante et efficace sur ce qui s’est passé à Boutcha et dans d’autres localités, afin que justice soit rendue aux victimes.  Il est temps que la Russie revienne au respect du droit international et retire ses troupes du territoire ukrainien. 

Dans une motion d’ordre, le délégué du Royaume-Uni a voulu des précisions sur les propos tenus par la Russie.  J´ai cru comprendre qu’elle se retire du Conseil des droits de l’homme, ce qui comporte des implications différentes, a-t-il dit.  La Russie, a-t-il demandé, peut-elle envoyer une note verbale? 

Nous avons parlé du fond de la situation et nos propos ont été suffisamment clairs, a rétorqué le délégué de la Fédération de Russie

Son homologue de la France a dit craindre une différence entre les cabines d’interprétation anglaise et française. 

Le représentant de la Lituanie, s’exprimant au nom des États baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie), a salué la suspension, par l’Assemble générale, du mandat de la Fédération de Russie au Conseil des droits de l’homme ce matin.  Il a déclaré que « la sauvagerie n’a pas sa place au sein du Conseil des droits de l’homme » dans lequel la délégation lituanienne siège également en ce moment.  Il a évoqué les nombreuses violations des droits de l’homme en Ukraine de la part de la Fédération de Russie, y compris contre des représentants des médias dont un Lituanien. 

Au nom des pays nordiques (Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède), le délégué du Danemark a condamné les atteintes aux violations des droits de l’homme par les troupes russes en Ukraine, se félicitant que la Cour pénale internationale (CPI) ait ouvert une enquête sur la question.  Le Conseil des droits de l’homme ne peut laisser sa réputation être ternie par un de ses membres, a-t-il martelé. 

Le représentant de la Géorgie, qui a voté en faveur du texte, a déploré que les appels lancés à la Russie par la communauté internationale, pour obtenir un cessez-le-feu, restent lettre morte.  Il a estimé que la décision prise aujourd’hui par l’Assemblée générale permettra de maintenir la crédibilité du Conseil des droits de l’homme et de réaffirmer la foi de l’ONU dans les principes à l’origine de sa création. 

Le représentant de la Pologne a soutenu pleinement la résolution et estimé que la Russie ne peut plus être un membre actif du Conseil des droits de l’homme, ses agissements violant brutalement les principes de cet organe et, plus généralement, le sens même et les normes de la Charte des Nations Unies.  La Russie attaque délibérément les civils ukrainiens, agresse violemment un autre État Membre, même éhontément, a-t-il déclaré, estimant que l’ONU se devait de répondre à de tels actes abominables. 

Le représentant de la République tchèque a rappelé qu’un pays, membre permanent du Conseil de sécurité, a agressé un autre pays et commis des crimes de guerre.  « Toute honte bue, ce pays fait comme si ces crimes n’existent pas. »  Un tel pays n’a pas sa place au Conseil, a tranché le délégué.  Il a indiqué que l’Assemblée ne débat pas des droits humains en Russie mais d’une violation flagrante de la Charte des Nations Unies.  Il a estimé que cette suspension de la Russie est nécessaire et la seule action qui permet de défendre l’intégrité du Conseil.  « C’est un signal fort envoyé aux victimes. »

Le représentant de l’Italie a dénoncé les atrocités commises à Boutcha et une situation des droits humains catastrophique en Ukraine du fait de l’agression russe.  Il a salué l’adoption de la résolution et estimé que la suspension de la Russie est nécessaire pour défendre l’intégrité du Conseil.  Le délégué a demandé le retrait des troupes russes et le retour des parties à la table des négociations. 

La représentante du Liechtenstein a relevé que la reddition des comptes est cruciale pour les crimes russes en Ukraine: la justice doit et sera rendue.  Elle a expliqué que la suspension de la Russie n’affecte que son rôle politique au Conseil des droits de l’homme.  La levée de cette mesure est possible si les circonstances le permettent, a-t-elle précisé. 

Le représentant du Royaume-Uni a salué le message clair envoyé par l’Assemblée générale à la Fédération de Russie.  Il a dit prendre note qu’après sa suspension, la Fédération de Russie a dit qu’elle se retirait du Conseil des droits de l’homme.  Le délégué en a déduit que cela offrira l’occasion à un État de sa région de prendre la place libérée au sein du Conseil des droits de l’homme. 

Le représentant des Îles Marshall a expliqué que la décision que vient de prendre l’Assemblée « ne l’est pas à la légère ».  Forte de cette mesure, la communauté internationale, par le biais du Conseil de sécurité, doit désormais engager des actions déterminées pour que cesse la guerre en Ukraine, a-t-il ajouté. 

Le représentant de la Croatie a salué le fait qu’à partir de ce jour, la Fédération de Russie n’appartient plus au Conseil des droits de l’homme.  « C’est à la Cour internationale de Justice (CIJ) que nous devrions bientôt la retrouver pour avoir violé le droit à la vie », a-t-il lancé.  Il a estimé que l’éviction de la Fédération de Russie du Conseil des droits de l’homme est la moindre des choses, une mesure d’urgence sachant qu’il n’est pas possible juridiquement de suspendre la Fédération de Russie en tant que membre du Conseil de sécurité ni de lui retirer son droit de véto. 

Le représentant de l’Espagne a déclaré avoir voté pour la résolution.  Il a dénoncé les violations commises en Ukraine, en rappelant que la cause première desdites violations est l’agression russe.  On ne peut être juge et partie, on ne peut être membre du Conseil et auteur présumé de violations, a-t-il argué.  Il a jugé crucial d’établir la réalité des crimes de guerre, avant d’indiquer que la suspension exceptionnelle de la Russie est à la hauteur de la situation exceptionnelle dont elle est à l’origine. 

Le représentant de la Slovaquie a salué la suspension de la Russie du Conseil des droits de l’homme, ce pays étant l’auteur d’une violation flagrante de la Charte des Nations Unies avec son agression de l’Ukraine.  Au moins 1 400 civils ont été tués entre le 24 février et le 4 avril 2022, a-t-il rappelé avant de dénoncer l’horreur des images en provenance de Boutcha.  La réputation de la Russie est salie pour longtemps, a déclaré le délégué, en jugeant incompatible la présence de la Russie au Conseil des droits de l’homme avec le mandat de celui-ci. 

Le représentant de la France a plaidé pour que soit rendue aux Ukrainiens leur dignité.  Pour lui, la résolution adoptée est un message clair envers la Fédération de Russie que ses agissements sont contraires à toutes les valeurs défendues depuis la création des Nations Unies.  La Russie doit rendre des comptes sur les violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme qu’elle commet en Ukraine, a-t-il réclamé en soulignant l’obligation collective de protéger ces droits et l’intégrité du Conseil.  Après avoir salué la « décision courageuse » de l’Assemblée, le représentant a appelé la Russie à entendre raison et à arrêter la guerre. 

Pour la représentante de l’Allemagne, l’Assemblée générale a envoyé un message clair en protégeant l’intégrité du Conseil des droits de l’homme.  Elle a salué les États ayant voté pour le texte ou ceux ne s’y étant pas opposés.  La déléguée a appelé à des enquêtes sur les crimes russes en Ukraine et annoncé que son pays déboursera 1,5 million de dollars supplémentaire à destination de la CPI pour soutenir son enquête en Ukraine. 

Le représentant de la Slovénie a salué à son tour le message clair envoyé par l’Assemblée générale à la Russie qu’il ne saurait y avoir d’impunité pour des crimes de guerre et d’agression.  Il a également appuyé la mise en place d’une commission d’enquête indépendante par le Conseil des droits de l’homme, ce Conseil où la Russie n’avait plus sa place. 

Le représentant du Canada a estimé que les agissements brutaux de la Russie en Ukraine, marqués par des violations généralisées des normes du droit international et des droits de l’homme qui pourraient être qualifiées de crimes de guerre, étaient incompatibles avec son statut de membre du Conseil des droits de l’homme.  Il a exhorté la Russie à mettre fin à « son entreprise vengeresse d’un empire qui n’existe plus. » 

Le représentant du Japon a signalé que son pays s’est porté co-auteur de cette résolution. Dénonçant l’agression russe, il a jugé « déplacé » qu’un État responsable d’horreurs siège au Conseil des droits de l’homme.  Enfin, il a assuré que cette décision de suspendre la Russie n’est pas le fruit de considérations géopolitiques comme certains l’affirment. 

Le représentant de l’Australie a déclaré que ce sont les « images atroces » venues de Boutcha qui ont poussé l’Assemblée à agir. La Russie doit comprendre que cette agression doit cesser, a plaidé le délégué, en ajoutant que son pays a voté pour le texte.  Il a déclaré qu’envahir un pays et massacrer des civils est incompatible avec la qualité de membre du Conseil.  « Nous ne pouvions pas attendre la fin des travaux d’enquête. » La Russie doit se comporter comme un membre responsable, a conclu le délégué. 

Le représentant du Portugal a appelé la Fédération de Russie à cesser son agression et à retirer ses forces de tout le territoire ukrainien.  Dans l’intervalle, les attaques aveugles contre la population civile doivent cesser, a-t-il plaidé, rappelant que les images des civils tués à Boutcha ont choqué le monde entier.  Il faut que ces violations graves du droit international donnent lieu à une enquête, a ajouté le représentant, qui a également fait valoir qu’un siège au Conseil des droits de l’homme implique des responsabilités de taille, à commencer par le respect des normes les plus élevées de la défense des droits humains.  À la lumière des événements, il s’est félicité que l’Assemblée générale ait adopté une résolution qui suspend le droit de la Fédération de Russie de siéger au Conseil des droits de l’homme. 

Son homologue de la Nouvelle-Zélande s’est aussi félicité de l’adoption de cette résolution dont elle s’était portée coauteur.  Il s’agit d’une décision rare, qui n’a pas été prise à la légère, a-t-elle souligné, avant de rappeler que, lors de la création du Conseil des droits de l’homme, l’Assemblée générale s’était montrée très claire dans ce qu’elle attendait des membres de cet organe, à savoir le respect le plus strict des normes de défense des droits humains, a insisté la déléguée.  En lançant son agression, la Fédération de Russie a choisi de créer une « crise des droits humains » en Ukraine, a-t-elle poursuivi, dénonçant le fait que les personnes et les infrastructures civiles soient délibérément ciblées par les forces russes, de même que les couloirs humanitaires.  La Fédération de Russie ayant sciemment foulé au pied ses responsabilités, elle ne mérite plus de siéger au Conseil des droits de l’homme, a conclu la représentante qui a indiqué que son pays a d’ores et déjà saisi la Cour pénale internationale (CPI) des « crimes de guerre » commis en Ukraine. 

Le représentant du Botswana a dit que son pays chérit les idéaux et principes de la Charte des Nations Unies.  Il s’est inquiété devant les implications humanitaires du conflit en Ukraine et a condamné les violations du droit international humanitaire.  Il a appelé à une enquête indépendante afin de s’assurer que les coupables d’exactions en Ukraine rendent des comptes.  Le représentant a enfin espéré qu’une solution pacifique à la crise en Ukraine sera trouvée dans un avenir proche. 

Le représentant de la Roumanie a rappelé que tous les membres du Conseil des droits de l’homme se doivent d’appliquer les normes les plus élevés en matière de respect de ces droits.  Et comme la Fédération de Russie a violé ces droits, elle n’a plus de place au sein de cette entité onusienne, a-t-il justifié. 

Le représentant de l’Autriche a jugé vital que l’Assemblée générale, où tous les pays sont représentés sur un pied d’égalité, réponde aux agissements de la Fédération de Russie, un État Membre qui foule au pied les principes la Charte des Nations Unies et qui viole de manière systématique toutes les normes des droits de l’homme et du droit international humanitaire en Ukraine.  Les images et les informations qui nous viennent de Boutcha attestent de crimes dépassant toutes les limites fixées par ces normes, a-t-il estimé. 

Son homologue de l’Irlande a abondé dans ce sens et dit avoir voté pour la résolution, estimant que les actes brutaux et atroces commis en Ukraine auraient sapé la crédibilité du Conseil des droits de l’homme si la Russie avait continué d’y siéger. 

La représentante d’Israël a dit que son vote pour, aujourd’hui, ne signifie pas que son pays approuve le Conseil des droits de l’homme.  Elle a en effet regretté que ce Conseil cible systématiquement Israël dans ses travaux, bien plus que la Syrie. 

Le représentant du Myanmar a estimé que l’ONU traverse une crise de crédibilité.  Il a dénoncé les horreurs commises en Ukraine, avant d’évoquer les horreurs perpétrées par la junte en Birmanie.  La justice doit être rendue et les responsables d’atrocités doivent rendre des comptes, a exigé le délégué. 

L’Observateur de l’Ordre souverain de Malte, a appelé à un règlement pacifique du conflit en Ukraine et demandé à la communauté internationale de poursuivre ses efforts pour faire cesser les souffrances des populations civiles. Il a souhaité que les négociations prennent le pas sur les armes, en rappelant que cette crise humanitaire a un impact sur des millions de personnes innocentes.  Il a d’autre part fait valoir que le Conseil des droits de l’homme est responsable de la promotion et de la protection des droits humains dans le monde.  L’an dernier, le Conseil a permis 900 interventions d’observateurs et de représentants, a-t-il relevé, avant d’alerter sur la situation des victimes de la traite et des migrants, eux aussi victimes de la guerre en Ukraine. 

L’Observatrice de l’ Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale, a noté que des sources indépendantes ont confirmé les atrocités commises en Ukraine dans des zones qui étaient sous le contrôle des forces russes.  Ce qui a été découvert à Boutcha n’est peut-être pas le pire de cette guerre, a-t-elle averti, réclamant que les responsables de ces violations flagrantes du droit international humanitaire soient traduits en justice.  Ces faits justifient pleinement la suspension du droit de la Fédération de Russie de siéger au Conseil des droits de l’homme, a poursuivi l’Observatrice, observant que cette guerre met également à mal le principe de démocratie, meilleure garantie de la paix dans le monde. 

Elle a rejeté l’idée selon laquelle la démocratie ne serait qu’un principe occidental car les valeurs des personnes bombardées en Ukraine sont les mêmes que celles des gens qui résistent au Myanmar.  Ce sont ces mêmes valeurs qui poussent des millions de personnes à faire la queue pour voter en Afrique et en Amérique latine. L’Observatrice s’est félicitée de la résolution adoptée aujourd’hui en ce que le maintien de la Fédération de Russie au Conseil des droits de l’homme aurait encore réduit la crédibilité de l’organe.  Elle a d’ailleurs plaidé pour un réexamen des critères d’accès à un siège au Conseil. 

La représentante des États-Unis a estimé que le vote d’aujourd’hui est un moment historique de grande portée.  Tous les pays du monde entier ont voté pour suspendre la Fédération de Russie du Conseil des droits de l’homme en raison des violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme.  Collectivement, s’est-elle réjouie, nous avons envoyé un message très ferme selon lequel la souffrance des victimes ne sera pas ignorée malgré les tentatives de la Fédération de Russie de propager de fausses informations.  Nous avons vu les images abominables de corps dans la rue, mains liées dans le dos, des exécutions de masse et des informations crédibles sur les mines semées par les forces russes, à leur départ.  Que va-t-on découvrir d’autres dans les autres villes d’Ukraine? s’est demandée la représentante, en faisant écho au Président ukrainien. 

Il faut, a-t-elle dit, se souvenir de la photo de ce garçon de six ans, assis à côté de la tombe de sa mère à Kiev, parce qu’un jour les infrastructures seront reconstruites mais pas les vies détruites par la Russie.  Les pères, les mères, les fils et les filles d’Ukraine veulent rentrer chez eux malgré tout ce qu’ils ont vécu.  Ils veulent rentrer dans une Ukraine pacifiée et nous devons montrer la même détermination à apaiser leurs souffrances et à pousser la Russie être comptable de ses actions et à cesser la guerre.  Ne nous parlons pas seulement, a précisé la représentante, de l’établissement des responsabilités. Nous parlons d’être aux côtés du peuple ukrainien parce qu’il s’agit aussi de la crédibilité de l’ONU.  Aujourd’hui le monde se demande si l’ONU est prête à faire face à la réalité.  Sommes-nous une plateforme de propagande, un abri pour les violateurs des droits de l’homme ou les défenseurs des principes de la Charte des Nations Unies?  Aujourd’hui, a conclu la représentante, la communauté internationale a fait un pas dans la bonne direction, en excluant la Russie du Conseil des droits de l’homme.  Ce pays doit être tenu pour responsable de cette guerre non provoquée et injuste, a-t-elle martelé. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le Représentant spécial pour le Mali appelle à redoubler d’efforts pour parvenir à un accord sur la transition

9012e séance, matin
CS/14856

Conseil de sécurité: le Représentant spécial pour le Mali appelle à redoubler d’efforts pour parvenir à un accord sur la transition

Le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Mali a appelé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, à n’épargner aucun effort pour parvenir à un accord sur la transition afin de créer un environnement plus propice à la stabilisation du pays où la situation est « extrêmement préoccupante », notamment en raison du vide sécuritaire dont tirent parti les groupes terroristes depuis le retrait des forces Barkhane et Takuba.

Malgré les efforts considérables déployés à cet effet, aucun consensus n’a été trouvé autour de la durée de la transition, s’est inquiété M. El-Ghassim Wane.  Il a également déploré l’absence de progrès notable dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et pour la réconciliation au Mali, une situation aggravée par l’absence de réunions de son Comité de suivi depuis octobre 2021, qui prive les parties et leurs partenaires internationaux de la plateforme tant attendue pour évaluer les défis à relever et chercher une voie consensuelle pour l’avenir.  

Au contraire, a indiqué le Représentant spécial, les trois derniers mois ont été marqués par des « actions et une rhétorique inquiétantes » et la persistance de tensions entre le Gouvernement et les mouvements signataires sur la question du Cadre stratégique permanent, mis en place dans le but déclaré de réconcilier les communautés du Nord. 

Or, le statu quo actuel comporte des « risques énormes » pour l’avenir de l’accord de paix, tout en augmentant les menaces auxquelles sont confrontés les Casques bleus déployés dans le nord du Mali, notamment à Kidal, Aguelhok et Tessalit.  « Dans ce contexte, le Conseil de sécurité pourrait exhorter les parties à tirer parti des synergies existantes entre les recommandations des Assises nationales de la Refondation et l’accord de paix, afin d’inverser le cycle des conflits récurrents dans le Nord », a préconisé le Représentant spécial. 

Tout en assurant que le Gouvernement de transition demeure engagé en faveur de la pleine mise en œuvre de l’accord de paix, y compris son volet relatif au désarmement, à la démobilisation et à la réintégration/réinsertion (DDR), le représentant du Mali a affirmé pour sa part que l’instabilité politique et institutionnelle de son pays s’enracine dans des élections mal organisées et une mauvaise gouvernance.  Pour y remédier, le Gouvernement ambitionne de mener des réformes majeures, qui nécessitent la levée « immédiate » des sanctions « injustes, illégales, illégitimes et inhumaines » imposées par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), a souligné le délégué qui a fustigé un acharnement visant à obtenir un « changement de régime ». 

Au cours de cette séance, les membres du Conseil de sécurité ont en outre pris acte du cortège de souffrances infligées aux populations civiles, visées au courant du mois de mars par des attaques récurrentes de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) dans le centre et le sud du pays.  Même si l’élément déclencheur de la reprise des violences dans la zone des trois frontières semble lié à des trafics locaux et à des dynamiques connexes, il convient de noter que ces incidents surviennent dans le contexte du retrait des forces Barkhane, de la France, et Takuba, de l’Union européenne, a relevé le Représentant spécial.  

Ce dernier a par ailleurs indiqué que suite à l’offensive des forces armées maliennes de la semaine dernière contre les éléments de Katiba Macina dans le village de Moura, au sud de Mopti, la MINUSMA a reçu des informations faisant état de graves violations des droits humains commises contre un grand nombre de civils au cours de cette opération.  Bien que la Mission ait pu effectuer un survol de reconnaissance le 3 avril sur le site de Moura, l’autorisation de déployer une mission intégrée n’a, jusqu’à présent, pas été accordée, a regretté le Représentant spécial, en exhortant les autorités maliennes à donner à la MINUSMA un accès au site des violations présumées, « conformément à son mandat ». 

À l’instar de l’Albanie, l’Irlande, les États-Unis ou encore la France, le Royaume-Uni s’est inquiété de la tendance manifeste à une recrudescence des violations des droits humains depuis le déploiement du groupe Wagner au Mali.  Les affirmations selon lesquelles le Mali s’offrirait les services de cette société de sécurité russe ont été rejeté avec force par la délégation du Mali.  

S’il a reconnu des atteintes aux droits de la personne dans le cadre des opérations antiterroristes menées dans le pays, le représentant malien a juré qu’il n’y avait aucune volonté délibérée des autorités d’accorder des « primes à l’impunité », la justice de son pays étant systématiquement saisie à chaque fois que des violations sont signalées.  Il en a voulu pour preuve l’ouverture d’enquêtes « approfondies » sur les allégations d’exactions présumées commises en mars sur des civils dans la zone de Moura. 

Arguant d’une coopération aux « racines historiques », la Fédération de Russie a dénoncé la « campagne de désinformation » au sujet des « soi-disant mercenaires russes », jugeant pour sa part « irresponsable » la décision de la France de retirer l’opération Barkhane, « sans consultations » avec la partie malienne, « en violation » des accords bilatéraux.   

La fin de son engagement militaire au Mali, c’est une décision que la France a dit aujourd’hui avoir prise en concertation avec les pays sahéliens et voisins, ainsi que les partenaires internationaux, laquelle ne saurait préjuger de l’appui de Paris à la MINUSMA, dont le mandat expire en juin.  Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans la région sahélienne, Paris examine un renforcement de son appui aux pays du golfe de Guinée dont les détails seront présentés prochainement au Conseil de sécurité, a annoncé la délégation. 

Si comme d’autres membres du Conseil, les A3 –Ghana, Gabon et Kenya– ont exhorté les autorités à intensifier leurs enquêtes pour que les auteurs d’atrocités ne restent pas impunis, ils se sont aussi prononcés pour le renforcement des capacités logistiques de la MINUSMA afin de lui permettre d’accroître son efficacité opérationnelle.  De son côté, la Présidente de l’ONG WILDAF, Mme Bouaré Bintou Founé Samaké, a appelé à consulter les femmes maliennes avant le renouvellement du mandat de la MINUSMA afin d’en renforcer la dimension de genre.

LA SITUATION AU MALI (MINUSMA) - S/2022/278

Déclarations

M. EL-GHASSIM WANE, Représentant spécial du Secrétaire général pour le Mali, a déclaré que la situation d’ensemble dans ce pays est extrêmement préoccupante.   Les civils sont confrontés à d’immenses souffrances.  Il n’y a pas eu de progrès notable dans la mise en œuvre de l’accord de paix.  De plus, malgré les efforts considérables déployés à cet effet, aucun consensus n’a été trouvé autour de la durée de la transition.  En outre, le mois de mars a vu plusieurs attaques meurtrières perpétrées par l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) dans la région de Ménaka et dans le sud de celle de Gao, s’est alarmé le Représentant spécial.  Les affrontements dans la région de Ménaka ont causé la mort d’au moins 40 civils et le déplacement d’environ 3 640 ménages.  En réaction à ces incidents, la Mission a intensifié ses patrouilles dans la ville de Ménaka, permettant aux forces de défense et de sécurité maliennes et aux groupes signataires de se mobiliser plus fortement pour répondre à la situation.   

 Même si l’élément déclencheur de la reprise des violences dans la zone des trois frontières semble lié à des trafics locaux et à des dynamiques connexes, il convient de noter que ces incidents surviennent dans le contexte du retrait des forces Barkhane et de Takuba.  Faisant face à moins de pression, les groupes terroristes bénéficient d’une latitude d’action plus grande, posant un danger accru tant aux civils qu’à nos opérations, a analysé le Représentant spécial.  Face à ces défis, il a jugé impératif que le niveau des capacités et des troupes de la MINUSMA soit maintenu, et que des réponses adéquates soient trouvées aux défis liés à l’insuffisance de ces mêmes capacités ainsi qu’aux restrictions nationales des pays contributeurs de troupes et de police. 

Poursuivant, M. Wane a indiqué que l’offensive des forces armées maliennes de la semaine dernière contre les éléments de Katiba Macina dans le village de Moura, au sud de Mopti, a permis de neutraliser un grand nombre d’éléments terroristes contrôlant la zone.  Dans le même temps, la MINUSMA a également reçu des informations faisant état de graves violations des droits humains commises contre un grand nombre de civils au cours de cette opération.  Si la Mission a pu effectuer un survol de reconnaissance le 3 avril, l’autorisation de déployer une mission intégrée n’a, jusqu’à présent, pas été délivrée, a regretté le Représentant spécial.  Il a salué l’annonce, hier soir, par le procureur du tribunal militaire de Mopti, de l’ouverture d’une enquête, y compris le déploiement sur le terrain du personnel nécessaire, et a exhorté les autorités maliennes à apporter la coopération nécessaire pour que la MINUSMA ait accès au site des violations présumées, conformément à son mandat.

 Si les opérations militaires et sécuritaires sont une nécessité absolue dans la lutte contre le terrorisme, l’expérience a montré, à maintes reprises, qu’une telle approche ne peut, à elle seule, apporter une stabilité durable, surtout dans un environnement aussi complexe que celui qui prévaut au centre du Mali, a souligné le haut fonctionnaire.  Elles doivent être menées de manière à minimiser autant que possible les dommages causés aux civils, à respecter les droits humains et les principes du droit international humanitaire et être complétées par des mesures pratiques et durables axées sur les causes profondes du conflit et de la violence.   

Au cours de la période sous revue, a enchaîné le Représentant spécial, aucun progrès tangible n’a été réalisé dans le processus de paix, une situation aggravée par le fait que le Comité de suivi de l’Accord ne s’est pas réuni depuis octobre de l’année dernière, privant les parties et leurs partenaires internationaux de la plateforme tant attendue pour évaluer collectivement les défis à relever et chercher une voie consensuelle pour l’avenir.   Au contraire, les trois derniers mois ont été marqués par des actions et une rhétorique inquiétantes, non conformes à l’esprit de l’Accord, s’est inquiété M. Wane.  En outre, des tensions subsistent entre le Gouvernement et les mouvements signataires sur la question du Cadre stratégique permanent, la structure mise en place par ces derniers dans le but déclaré de réconcilier les communautés du Nord.  Il a averti que le statu quo actuel comporte des « risques énormes » pour l’avenir de l’accord de paix, tout en augmentant les menaces auxquelles sont confrontés les Casques bleus déployés dans le nord du Mali, notamment dans des localités telles que Kidal, Aguelhok et Tessalit.  Dans ce contexte, le Conseil de sécurité pourrait souhaiter exhorter les parties à tirer parti des synergies qui existent entre les recommandations des Assises nationales de la Refondation et l’accord de paix, afin d’inverser le cycle des conflits récurrents dans le Nord, a-t-il préconisé.

Le Représentant spécial a rappelé que le non-achèvement de la Transition dans les délais convenus a conduit la CEDEAO à imposer des sanctions économiques et financières en janvier dernier, notant que l’impasse persiste, exacerbant les tensions entre le Mali et la CEDEAO.  Le Mali a demandé 24 mois supplémentaires pour mettre fin à la Transition, mais cette durée a été jugée trop longue lors du Sommet extraordinaire de la CEDEAO qui s’est tenu à Accra le 25 mars et a approuvé un délai de 12 à 16 mois, a rappelé le haut fonctionnaire. 

« Aucun effort ne doit être épargné pour parvenir à un accord sur la Transition.  Cela permettrait non seulement de lever les sanctions, une mesure essentielle compte tenu de la situation humanitaire actuelle, mais aussi de créer un environnement plus propice à la poursuite des autres processus fondamentaux pour la stabilisation du pays », a insisté le Représentant spécial.  Faisant état d’une forte aspiration à la paix et à une meilleure gouvernance, qui s’est également exprimée lors des Assises nationales de la refondation, il a appelé les acteurs politiques maliens à collectivement intérioriser cette aspiration et être à la hauteur des attentes de leur peuple.   Dans l’intérêt du peuple malien, la MINUSMA doit recevoir toutes les ressources dont elle a besoin pour combler le fossé qui continue d’exister entre ce qu’elle est chargée de faire et ce qu’elle peut réellement faire, a conclu M. Wane. 

Mme BOUARÉ BINTOU FOUNÉ SAMAKÉ, Présidente de l’ONG WILDAF/Mali et ancienne Ministre de la promotion de la femme de l’enfant et de la famille du Mali, a constaté que son pays se trouve aujourd’hui confronté à une crise multidimensionnelle, caractérisée par des défis politiques, sécuritaires, culturels, identitaires et institutionnels.  L’insécurité au Mali a pris une dimension multiforme et multi-acteurs qui a un impact très négatif sur les populations, a-t-elle souligné, rappelant en outre que le retrait de l’opération Barkhane a créé une méfiance des Occidentaux face à une probable coopération des autorités de transition avec la société de sécurité russe Wagner.  À cela s’ajoute la non mise à disposition d’un calendrier pour les élections et d’un chronogramme de la transition, ce qui a mis dos à dos le Mali et ses partenaires européens, notamment la France, mais aussi ses voisins africains de la CEDEAO.  De plus, des combats intensifs entre les forces armées maliennes et les groupes terroristes, au centre et au nord du pays, se multiplient ces derniers temps.  Dans ce contexte, Mme Samaké a dénoncé les difficultés de déplacement rencontrées par les ONG, la limitation de certaines libertés fondamentales, la rareté des ressources financières, ainsi que la monté des courants fondamentalistes qui sapent les questions de genre et la paupérisation des femmes, surtout en milieu rural.  

Face à ces défis, exacerbés par la détérioration de la situation sécuritaire, la représentante de la société civile a préconisé de coordonner les efforts du Conseil de sécurité et du Gouvernement malien afin de promouvoir un cadre juridique et des ressources propices à la construction d’un secteur de la sécurité plus inclusif, efficace et transparent.  Elle a également appelé de ses vœux le renforcement de la dimension de genre dans le volet sécurité du mandat de la MINUSMA, notamment en consultant les femmes maliennes avant le renouvellement du mandat.  Mme Samaké a aussi appelé à l’intensification des programmes d’autonomisation des femmes en permettant à ces dernières de surmonter les obstacles politiques, juridiques et institutionnels qui entravent leur recrutement, rétention et promotion dans le secteur de la sécurité.  Après avoir demandé l’inscription des changements climatiques dans le mandat de la Mission, elle a appelé à la mise en place de mécanismes de responsabilisation efficaces pour mettre fin à l’impunité de toute forme de violence à l’égard des femmes et des groupes sous-représentés au sein des institutions de sécurité.  Elle a également appelé à favoriser l’inclusion en amont des femmes qui font partie du secteur de la sécurité et des organisations de la société civile dans les négociations des dispositions des arrangements sécuritaires des accords de paix maliens, des politiques de sécurité nationale et des dépenses militaires.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a dit qu’il est gravement préoccupé par la situation au Mali, notamment des informations faisant état de violations des droits humains par des éléments des forces armées maliennes accompagnés de mercenaires russes du groupe Wagner, se référant aux violations massives qui auraient causé la mort de centaines de civils dans le village de Moura.  Il a pris note de l’ouverture d’une enquête par le procureur de Mopti, et a demandé que la MINUSMA puisse également mener sa propre enquête, sans entrave et en toute indépendance, pour établir les faits et faire rapport au Conseil de sécurité.  Il est indispensable que la MINUSMA utilise l’ensemble des moyens à sa disposition pour protéger les civils, a-t-il ajouté.  Le représentant a ensuite souligné que la lutte contre le terrorisme ne saurait en aucun cas justifier des violences indiscriminées contre les civils, qui ne font que renforcer les groupes terroristes.  À ce titre, il a observé avec inquiétude l’offensive menée depuis le début de l’année par l’État islamique au Grand Sahara dans la zone des trois frontières, relevant que cette dégradation de la situation sécuritaire intervient alors que la guerre menée par la Russie en Ukraine vient aggraver une situation alimentaire déjà critique.

Le représentant a ensuite appelé les autorités de transition à se concentrer sur la mise en œuvre de l’accord de paix d’Alger, y voyant la réponse adéquate pour apaiser durablement les relations entre les groupes armes signataires et les autorités de Bamako.  Or, aucun progrès n’a été réalisé depuis plusieurs mois, s’est-il inquiété.  Il a également engagé les autorités de transition à proposer une stratégie concrète pour traiter la crise au Centre et à finaliser la transition politique et le retour à l’ordre constitutionnel.  Pour atteindre ces trois objectifs, la MINUSMA reste nécessaire, a estimé M. de Rivière.  Il a ensuite indiqué que la décision de la France de mettre fin à son engagement militaire au Mali a été prise en concertation avec les pays sahéliens et voisins, ainsi que les partenaires internationaux.  Cependant, nous entendons maintenir un appui à la MINUSMA et restons engagés dans la lutte contre le terrorisme dans la région sahélienne, a-t-il ajouté, avant de préciser que Paris examine un renforcement de son appui aux pays du golfe de Guinée dont les détails seront présentés au Conseil prochainement.

M. RAJESH PARIHAR (Inde) s’est déclaré alarmé que les terroristes aient de plus en plus recours à des engins explosifs improvisés pour cibler les forces de sécurité maliennes et les soldats de la paix, réitérant son appel à une mise en œuvre rapide des dispositions de la résolution 2589 (2021) sur la « protection des protecteurs ».  Å ses yeux, la nature multidimensionnelle des défis auxquels le Mali est confronté est enracinée dans les déséquilibres de longue date de son système constitutionnel, administratif et sécuritaire, qui n’ont pas été corrigés depuis des décennies.  « Pour une crise aussi complexe, il ne peut donc y avoir de solution miracle », a-t-il estimé.   

Il a appelé à aborder ces défis par le biais d’une approche globale, intégrant notamment la mise en œuvre de l’accord de paix de 2015, ainsi que des réformes politico-électorales et le renforcement des institutions de sécurité.  Les demandes réelles des autorités nationales et régionales d’entreprendre des mesures contre-offensives contre les groupes armés et terroristes doivent être traitées de toute urgence, a insisté le représentant qui a réclamé un soutien robuste à la Force conjointe du Groupe de cinq pays du Sahel (G5 Sahel).  Le délégué indien a ensuite encouragé le dialogue entre le Mali et la CEDEAO en vue de parvenir au plus tôt à un accord sur un calendrier acceptable pour la transition politique et les élections, conduisant au retour à l’ordre constitutionnel.  Pour sa part, a-t-il ajouté, l’Inde continue à rester étroitement engagée avec le Mali dans la sphère du partenariat de développement, ce qui se reflète dans la construction en cours de 393 kilomètres de ligne à haute tension à Bamako et à Sikasso, la deuxième plus grande ville du Mali. 

S’exprimant au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a appelé au rétablissement rapide de l’ordre constitutionnel au Mali, espérant cela conférera au gouvernement élu la légitimité nécessaire pour mettre en œuvre l’accord de paix.  Il a salué, dans ce contexte, le dialogue noué par le Secrétaire général avec les autorités de transition et les acteurs régionaux en vue de l’adoption d’une approche consensuelle sur les questions de paix et de sécurité au Mali.  Évoquant le renouvellement en juin prochain du mandat de la MINUSMA, il s’est prononcé pour le renforcement des capacités logistiques de la Mission pour lui permettre d’accroître son efficacité opérationnelle.  Outre les conditions de sécurité difficiles, le représentant s’est dit préoccupé par la lenteur de la mise en application de l’accord de paix et l’absence de calendrier pour le retour de l’ordre constitutionnel.  À ses yeux, la solution la plus viable est de faire en sorte que les autorités de transition respectent le protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance et conviennent d’un échéancier rapide.  Il a toutefois relevé que des pourparlers sont en cours entre Bamako et les médiateurs de la CEDEAO pour finaliser un chronogramme.  

Le délégué a d’autre part constaté que le terrorisme continue de menacer la stabilité du Mali.  Il a déploré la recrudescence des attaques extrémistes menées contre la population civile, l’armée et le personnel de la MINUSMA, saluant l’ouverture d’enquêtes sur les tirs de roquettes qui ont visé des Casques bleus le 22 mars dernier.  Il a cependant souhaité un meilleur partage des informations entre les forces armées maliennes et la Mission afin que de tels incidents puissent être évités à l’avenir.  Le représentant s’est ensuite alarmé de la présence au Sahel de mercenaires en provenance de Libye.  Le retrait de ces groupes extrémistes requiert un suivi serré et une coordination en matière de DDR avec les pays voisins, a-t-il dit.  Dénonçant par ailleurs la détérioration de la situation des droits humains au Mali, il a enjoint les autorités de transition à intensifier leurs enquêtes sur les cas de violations afin que les auteurs d’atrocités soient traduits en justice.  Enfin, après avoir appelé les donateurs à financer plus généreusement l’appel humanitaire de l’ONU pour le Mali, il s’est félicité des investissements de 8,4 millions de dollars du Fonds de consolidation de la paix dans des projets concernant la jeunesse, les agricultrices et la violence en période électorale.

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a demandé à intensifier les efforts pour parvenir à la stabilité et la sécurité au Mali où la situation politique et sécuritaire est dégradée.  Elle a encouragé les autorités nationales à fixer un calendrier pour des élections le plus rapidement possible.  À cet égard, elle a pris note des contacts encourageants qui ont eu lieu entre les autorités maliennes et la CEDEAO, notamment au sujet de la préparation du dialogue national.  Elle a estimé que l’appui du Conseil de sécurité aux efforts nationaux et régionaux reste nécessaire à ce moment critique, soulignant en outre que la stabilité à long terme du Mali exige également un renouvellement des engagements en faveur des piliers et fondements de l’Accord pour la paix et la réconciliation pour garantir sa mise en œuvre par les autorités locales en coopération avec les partenaires régionaux et internationaux.   

Préoccupée par la situation sécuritaire dans le centre du Mali, la représentante a appelé à finaliser la stratégie politique globale en appui à la stabilité de la région.  Il est également important de promouvoir la participation effective significative et sur pied d’égalité des femmes dans tous les processus politiques.  Elle s’est inquiétée des menaces posées par les groupes terroristes et a condamné la récente attaque à dans le centre du Mali qui a tué des Casques bleus égyptiens.  Cela montre qu’il faut intensifier les efforts pour lutter contre l’extrémisme et le terrorisme conformément au droit international, a-t-elle estimé.  La déléguée s’est également souciée de la dégradation de la situation humanitaire et a demandé à la communauté internationale de fournir une aide humanitaire et des services de base aux 7,5 millions de personnes qui ont un besoin urgent d’aide.  

S’il a reconnu les efforts des forces de sécurité maliennes au cours des derniers mois pour combattre les organisations terroristes, M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a estimé que la lutte contre l’extrémisme n’exonère pas l’État de ses responsabilités en matière de droits humains et de droit international humanitaire.  Préoccupé par les informations faisant état de victimes civiles lors de l’opération à Moura fin mars, le représentant a appelé les autorités à coopérer étroitement avec la MINUSMA pour faire la lumière sur ce qui s’est passé.  Il a également demandé instamment aux autorités de continuer à travailler avec la CEDEAO et l’Union africaine afin de parvenir dans les meilleurs délais à un accord sur un calendrier électoral pour mettre fin à la transition et permettre à l’État d’aborder les nombreuses réformes en suspens avec la légitimité « irremplaçable » du vote populaire. 

Le représentant a rappelé qu’il reste encore de nombreuses tâches à accomplir pour réaliser les engagements pris par les signataires de l’accord de paix, de la décentralisation de l’administration publique au nécessaire processus de DDR.  Il a jugé urgent de réactiver les mécanismes chargés de la mise en œuvre de cet instrument afin d’éviter de perdre les progrès accomplis, notamment dans le nord du pays.  Pour neutraliser la violence au Mali, a-t-il ajouté, il faut remédier à la situation précaire du développement économique, mettre fin à l’exclusion historique de certains groupes de la scène politique nationale et combattre l’impunité par le biais d’un système judiciaire efficace et indépendant.

M. RICHARD M. MILLS (États-Unis) a appelé le Gouvernement de transition à progresser dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali et à garantir la participation des femmes à tous les niveaux du processus politique et électoral.  Saluant les efforts inlassables déployés par la MUNISMA pour protéger la population civile et préparer la transition politique, le représentant a présenté ses condoléances à la Mission après la mort, le mois dernier, de trois Casques bleus égyptiens.  Le délégué a rappelé à cet égard que les attaques contre la MINUSMA peuvent faire l’objet de sanctions du Conseil de sécurité, avant d’exhorter les autorités de transition à mener des enquêtes crédibles sur les actions menées contre des soldats de la paix et sur les atteintes aux droits humains perpétrées dans le pays. 

Alarmé par la détérioration de la situation sécuritaire au Mali, M. MILLS a dénoncé les violations des droits humains perpétrées par des groupes armés et par les forces armées maliennes, ces dernières agissant avec le groupe Wagner, société privée de sécurité russe.  Il a également déclaré suivre de près les informations faisant état de centaines de personnes tuées à Moura, dans le centre du Mali, et de l’exécution de 35 personnes dans la région centrale de Ségou, invitant les autorités de transition à autoriser la MINUSMA à accéder à ces deux endroits pour mener des enquêtes rigoureuses.  À l’aune de ces manquements, le délégué américain a enjoint les autorités maliennes à renoncer à leur partenariat avec le groupe Wagner qui, a-t-il rappelé, est impliqué dans d’autres violences en Afrique, notamment en République centrafricaine.  Il a d’autre part condamné les incidents du 22 mars et les tirs de roquettes par les forces armées maliennes contre des Casques bleus, exhortant le Gouvernement de transition à coopérer avec la MINUSMA sur le terrain.  Enfin, après avoir regretté que Bamako et la CEDEAO ne se soient encore mis d’accord sur un calendrier acceptable de transition politique, il a appelé à la poursuite du dialogue en vue d’un retour rapide de la démocratie au Mali. 

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a déclaré que les autorités maliennes doivent mener des enquêtes crédibles et impartiales sur les circonstances peu claires qui ont entouré la mort de plusieurs centaines de personnes lors d’une opération antiterroriste à Moura, et faciliter les enquêtes indépendantes de la MINUSMA.  Après avoir rappelé que la fin de la période de transition et le retour à l’ordre constitutionnel auraient dû avoir lieu en février, la représentante a dénoncé la grave escalade des menaces à la sécurité, la situation humanitaire désastreuse et le rétrécissement dramatique de l’espace civique.  L’augmentation rapide des attaques terroristes au Mali est une source de graves préoccupations, alors que des groupes islamistes armés prolifèrent, s’emparant de villages entiers, perpétrant des assassinats ciblés et d’autres crimes en toute impunité, a-t-elle ajouté.  La déléguée s’est aussi déclarée profondément préoccupée par les méthodes employées par les mercenaires affiliés à la Russie qui opèrent au Mali et dans la région.  

Mme Dautillari a ensuite appelé le Conseil de sécurité à maintenir un engagement fort au Mali, afin de favoriser le développement et de renforcer la résilience des communautés locales.  Elle a également exhorté les autorités maliennes à garantir la liberté de circulation et d’action de la MINUSMA.  La crise politique et le manque d’engagement ont contribué à de graves retards dans la mise en œuvre de l’accord d’Alger, s’est encore inquiétée la représentante qui, outre la mise en œuvre dudit accord, a appelé les autorités à s’engager de manière constructive avec la CEDEAO, la MINUSMA et les partenaires internationaux pour accélérer le processus de transition et établir un calendrier pour la tenue d’élections afin de rétablir l’ordre constitutionnel.  

Mme MONA JUUL (Norvège) s’est déclarée encouragée par l’apparent rapprochement entre Bamako et la CEDEAO sur la chronologie de la transition politique.  À cette aune, elle a exhorté les dirigeants de la transition du Mali à maintenir un dialogue constructif avec la CEDEAO et à honorer leur promesse d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel.  La déléguée a toutefois constaté qu’un an et demi après la prise du pouvoir par les militaires, la situation sécuritaire et humanitaire montre peu de signes d’amélioration.  Elle s’est notamment alarmée des recrutements d’enfants dans les conflits armés, des fermetures d’écoles et du risque de dénutrition aiguë. 

Dénonçant l’augmentation drastique des atteintes aux droits humains dans le pays, la représentante a rappelé que l’État a la responsabilité d’assurer la reddition de comptes et de lutter contre l’impunité, y compris à l’égard d’acteurs extérieurs utilisés par les autorités de transition, comme le groupe Wagner.  À cet égard, elle a appuyé l’appel de la Commission nationale malienne des droits de l’homme pour que des enquêtes indépendantes soient menées sur les allégations de violations des droits humains à Moura.  La MINUSMA doit pouvoir enquêter sur ces allégations dans le cadre de son mandat, a-t-elle ajouté.  La déléguée a ensuite souligné qu’il incombe au Conseil de sécurité d’assurer la sûreté et la sécurité des soldats de la paix au Mali, particulièrement au moment où les forces française Barkhane et européenne Takuba entament leur retrait.  Dans ce contexte, a-t-elle souligné, le pays hôte ne doit pas prendre ses responsabilités à la légère, et cela commence par le respect fondamental de la MINUSMA.

M. DAI BING (Chine) s’est félicité des efforts déployés par les autorités maliennes et la CEDEAO pour faciliter un rapprochement sur les questions politiques en suspens.  Selon lui, Bamako est une force importante dans la lutte antiterroriste dans la région du Sahel, les opérations menées dans le centre et le nord du Mali ayant permis de réduire les capacités des groupes terroristes et d’assurer le retour des personnes déplacées.  S’agissant des allégations de violations perpétrées par les forces de défense et de sécurité maliennes dans le cadre de ces opérations, le représentant a souligné que le Gouvernement se dit prêt à mener une enquête, même s’il assure avoir toujours respecté les droits humains.  Les risques sécuritaires auxquels le Mali est confronté étant toujours d’actualité, comme l’illustre le recours aux engins explosifs improvisés, le représentant a encouragé le Conseil de sécurité à donner à la MINUSMA les moyens de s’acquitter de son mandat. 

M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande) s’est alarmé des informations faisant état d’un massacre dans le village de Moura, dans la région de Mopti, au centre du Mali.  Il a demandé une enquête approfondie et transparente sur ces allégations prenant note de l’intention du procureur du tribunal militaire de Mopti d’en ouvrir une.  La MINUSMA doit se voir accorder un accès sans entrave, rapide et sûr à Moura pour mener sa propre enquête et prendre des mesures pour assurer la protection des civils, a exigé M. Flynn pour lequel les responsables de ces violations doivent être traduits en justice, indépendamment de leur nationalité.  Il a ajouté qu’il est préoccupé par les informations faisant état de la présence du groupe Wagner au Mali qui alimente les tensions, accroît l’instabilité et la violence, et entrave les efforts de la MINUSMA pour protéger les civils et apporter un soutien aux forces armées maliennes.  

Le représentant s’est également inquiété de l’augmentation du nombre de victimes civiles résultant d’attaques menées par des groupes extrémistes armés dans la zone des trois frontières.  Il a aussi demandé une action globale et intégrée pour lutter contre la discrimination et la violence sexuelle et sexiste à l’encontre des femmes, exhortant à rendre justice aux survivantes.  Après avoir condamné les attaques contre les Casques bleus, il a appelé les autorités à créer un environnement sûr pour les civils et la MINUSMA.  M. Flynn a également souligné que l’accord de paix de 2015 demeure un cadre essentiel pour assurer une paix et une stabilité durables au Mali, et a regretté la lenteur des progrès accomplis dans sa mise en œuvre.  Il a enfin engagé les autorités de transition à convenir d’un calendrier acceptable pour le retour à l’ordre constitutionnel et à la tenue d’élections.

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a salué la détermination des autorités de transition maliennes à régler progressivement les problèmes que connaît leur pays, notamment leur engagement à rétablir l’ordre constitutionnel.  La création d’un groupe de travail pour préparer des élections et le lancement d’un processus de négociation avec l’Union africaine et la CEDEAO démontre, selon elle, l’attitude constructive de Bamako et « l’absence d’agenda caché par les militaires ».  Appelant les parties à poursuivre le dialogue et les intermédiaires à ne pas relâcher leurs efforts, la déléguée s’est inquiétée de l’escalade de la situation dans les régions du nord du pays, où la réduction de la présence militaire française « crée un vide dans le domaine de la sécurité ».  Sur ce point, elle a estimé que la décision « irresponsable » de retrait total de l’opération Barkhane, prise sans consultation avec la partie malienne, viole les accords bilatéraux.  Elle a également déclaré partager les évaluations du rapport du Secrétaire général sur les conséquences négatives des actions de la France et de ses partenaires de l’Union européenne sur le mandat de la MINUSMA, notamment en matière de risques sécuritaires pour les Casques bleus.  On ne sait pas non plus comment le départ de Barkhane et de la force européenne Takuba affectera les capacités de la Force conjointe du G5 Sahel, qui doit être à l’avant-garde du combat contre le terrorisme dans la région, a-t-elle relevé. 

Observant que le Mali se retrouve seul face à de graves défis transfrontaliers, la représentante a estimé que les autorités du pays ont le droit souverain de décider avec qui elles souhaitent travailler à cette fin.  À cet égard, elle a souligné que la coopération entre la Russie et le Mali a des racines historiques.  Elle a ainsi rappelé que la Russie fournit une assistance aux forces armées maliennes en matière de préparation au combat et de formation des personnels militaires et des employés.  Elle a dénoncé la « campagne de désinformation sur les soi-disant mercenaires russes », estimant qu’elle fait partie d’un « jeu géopolitique sans scrupules ».  Cela ne contribue pas à la stabilisation du Mali, tout comme les sanctions régionales et les restrictions décidées par des pays occidentaux ne font qu’exacerber une situation déjà difficile, a souligné la déléguée.  Selon elle, les « sanctions antirusses sans précédent » prises ces dernières semaines démontrent l’importance pour les pays visés par de telles mesures de défendre leur indépendance et de surmonter les « conséquences du colonialisme ».  Elle a ensuite encouragé Bamako à mener une politique équilibrée, assurant que la Russie continuera d’apporter son soutien aux Maliens, y compris dans le cadre d’un effort collectif, pour favoriser la stabilisation du pays.

Mme MAITÊ DE SOUZA SCHMITZ (Brésil) a exhorté les autorités maliennes de transition à autoriser une enquête impartiale sur les informations faisant état d’exécutions sommaires de civils à Moura, qui auraient été perpétrées par des membres des forces armées maliennes avec le soutien de combattants étrangers.  Le seuil actuel des violences est directement lié à la quasi-paralysie de la mise en œuvre de l’accord de paix, a-t-elle estimé.  Elle a averti que le report du retour au cadre constitutionnel et l’absence d’un calendrier acceptable pour les élections menacent la crédibilité du processus de réconciliation, dans un environnement qui devient plus complexe avec la présence de groupes terroristes et les signes d’une aggravation de la situation humanitaire.  La représentante a ensuite exhorté les autorités de transition à collaborer avec la CEDEAO pour que les sanctions, imposées en réponse au report des élections, puissent être levées dans un avenir proche. 

La déléguée a par ailleurs relevé que le Mali subit déjà l’impact négatif d’autres conflits sur les prix des denrées alimentaires et qu’il existe un risque réel que la situation actuelle se transforme en une catastrophe humanitaire.  S’agissant du renouvellement du mandat de la MINUSMA, elle a considéré essentiel que celle-ci dispose des ressources nécessaires pour soutenir la mise en œuvre de l’accord de paix et la transition politique, ainsi que pour protéger les civils et soutenir la restauration de l’autorité de l’État malien dans le centre du pays.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) s’est déclaré horrifié par les informations selon lesquelles des centaines de personnes auraient été tuées à Moura à la suite d’une opération antiterroriste menée par les forces armées maliennes avec l’implication présumée du groupe Wagner.  Il a demandé une enquête urgente, transparente et impartiale afin de traduire les responsables en justice.  Le Gouvernement malien doit accorder à la MINUSMA un accès complet à Moura sans plus tarder, a exigé le représentant, qui s’est inquiété de la tendance manifeste à une recrudescence des violations des droits humains depuis le déploiement du groupe Wagner au Mali.  Tout comme la présence de mercenaires russes a entraîné une augmentation des violations des droits humains et des abus en République centrafricaine l’année dernière, nous craignons de voir la même chose au Mali, a ajouté le représentant.   

Soulignant que la MINUSMA doit être en mesure de mener à bien ses tâches en matière de droits humains, le délégué a dénoncé les restrictions croissantes imposées par les autorités maliennes aux opérations de la Mission, appelant au respect de la liberté de circulation et l’accord sur le statut des forces.  En ce qui concerne la transition politique, il a appuyé le dialogue de la CEDEAO avec les autorités maliennes sur l’établissement d’un calendrier révisé pour les élections, afin que les sanctions puissent être progressivement levées.  

M. ISSA KONFOUROU (Mali) a assuré que le retour à l’ordre constitutionnel au Mali figure parmi les priorités du Gouvernement de transition.  Il a cependant fait valoir que l’instabilité politique et institutionnelle de son pays prend son origine dans des élections mal organisées et dans la mauvaise gouvernance.  C’est pourquoi, a-t-il dit, le Gouvernement de transition tient à faire des réformes majeures visant notamment à assurer une stabilité des institutions, tout en créant les conditions minimales de sécurisation pour permettre la tenue d’élections.  À cette aune, il a demandé la levée immédiate des sanctions « injustes, illégales, illégitimes et inhumaines » prises par la CEDEAO et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), non sans dénoncer un acharnement visant à asphyxier le peuple malien, à le punir pour ses choix politiques et à obtenir un changement de régime.  Évoquant ensuite la situation sécuritaire, le délégué a indiqué que le Gouvernement continue de renforcer les capacités des forces armées maliennes, ce qui « donne des résultats très encourageants » sur le terrain.  Depuis décembre 2021, a-t-il rappelé, les forces de défense et de sécurité maliennes infligent de lourdes pertes aux groupes extrémistes et sécurisent les populations.  À ce sujet, il a souhaité répondre aux accusations selon lesquelles le Gouvernement malien recourrait à une société de sécurité privée.  « Je le redis ici et avec force: le Mali n’a pris aucun engagement de cette nature », a-t-il protesté, reconnaissant toutefois qu’à la faveur de sa coopération avec la Russie, son pays continue de se procurer du matériel militaire pour sa sécurité et fait appel à des instructeurs russes.  

S’agissant de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, le délégué a assuré que le Gouvernement reste engagé à permettre son accélération, tout comme il est déterminé à renforcer la participation des femmes au processus de paix.  Si le processus de désarmement, démobilisation et réintégration/réinsertion (DDR) connaît quelques difficultés, en dépit des propositions du Gouvernement, ce dernier est dans l’attente de la liste des mouvements signataires pour permettre le démarrage du volet réinsertion des anciens combattants, a précisé M. Konfourou.  Il a également souligné que, contrairement aux affirmations du Secrétaire général, le Gouvernement reste engagé dans la mise en œuvre des programmes de développement des régions du Nord.  

Abordant ensuite la situation des droits humains, le représentant a reconnu que la crise complexe que traverse le Mali depuis une dizaine d’années et la perte du contrôle de certaines parties du territoire national ont entraîné des atteintes à ces droits.  Cependant, il n’y a aucune volonté délibérée des autorités maliennes d’accorder des « primes à l’impunité », a-t-il affirmé, relevant que la justice malienne est systématiquement saisie chaque fois que des violations sont signalées.  Il a précisé que les opérations militaires en cours dans la zone de Moura font suite à des renseignements qui ont permis de localiser la tenue d’une rencontre entre différents « katibas » et ont confirmé que ce secteur était un « sanctuaire terroriste ».  À propos des « événements de Moura », il a signalé l’ouverture, par la Gendarmerie nationale, d’enquêtes approfondies sur les allégations d’exactions présumées commises en mars sur des civils dans cette zone.  En attendant les conclusions de ces investigations, il a appelé toutes les parties prenantes à la retenue et à éviter les qualificatifs de massacres ainsi que les allégations sans fondement proférées à l’encontre des forces armées maliennes.   

Il a par ailleurs estimé que la détérioration continue de la situation humanitaire au Mali est due à la mauvaise saison de pluie enregistrée l’année dernière, à l’impact négatif des sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA sur les populations, ainsi qu’à l’insécurité dans les régions du centre du pays.  Pour y remédier, le Gouvernement travaille, avec l’appui des partenaires bilatéraux et multilatéraux, à apporter l’assistance nécessaire aux Maliens en situation de vulnérabilité, a-t-il dit, avant d’insister à nouveau sur la nécessaire levée des sanctions, « surtout au moment où nos forces armées gagnent en confiance et remportent des victoires sur plusieurs fronts ».

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le Président de l’Ukraine appelle à établir les responsabilités pour le « massacre » de Boutcha

9011e séance – matin
CS/14854

Conseil de sécurité: le Président de l’Ukraine appelle à établir les responsabilités pour le « massacre » de Boutcha

Trois jours après l’apparition des « images horribles » des tués à Boutcha, selon les mots du Secrétaire général, le Président de l’Ukraine a exigé, ce matin devant le Conseil de sécurité, que tous ceux ayant donné ces « ordres criminels » soient jugés, « comme ce fut le cas à Nuremberg », exhortant en outre à réformer le système des Nations Unies « afin que le droit de veto ne soit pas le droit de tuer ». 

« Le Conseil de sécurité doit agir en faveur de la paix », a souligné M. Volodymyr Zelenskyy.  Et si vous ne savez pas comment faire, alors vous pouvez exclure la Russie du Conseil comme «agresseur et faiseur de guerre», afin qu’elle ne puisse pas bloquer les décisions qui concernent sa propre guerre, l’autre option étant de réformer le système de sécurité et d’œuvrer à la paix.  Et si rien de tout cela n’est possible, la seule solution serait de dissoudre le Conseil de sécurité, a-t-il lancé. 

De retour de Boutcha où il s’était rendu la veille, M. Zelenskyy, qui intervenait par visioconférence, a notamment accusé les troupes russes de détruire délibérément des villes entières, d’affamer les populations, et d’avoir déporté des centaines de milliers de personnes.  Dans les territoires occupés, les civils sont tués en grand nombre et le massacre à Boutcha n’est qu’un exemple parmi d’autres de ce que les forces d’occupation ont fait sur le territoire ukrainien, a-t-il ajouté, tout en soulignant que les images satellitaires fournissent d’innombrables preuves permettant d’établir les responsabilités avec certitudes.  « Il faut montrer au monde que les plus puissants peuvent eux aussi être punis », a-t-il clamé. 

Le Président ukrainien a ensuite invité le Conseil, « puisque ses membres ne peuvent se rendre sur le terrain », à visionner une courte vidéo montrant « ce qui se passe lorsque les agresseurs restent impunis » et sur laquelle on pouvait voir une succession d’images de corps de civils, parfois calcinés, jonchant les rues de plusieurs localités ukrainiennes, notamment Boutcha, Marioupol et Irpin. 

Les « spécialistes ukrainiens de la mise en scène » n’en resteront pas là, a dénoncé la Fédération de Russie qui a  accusé les forces militaires ukrainiennes d’avoir réalisé un tournage mettant en scène des populations civiles tuées dans le but de diffuser ces images dans les médias internationaux.  Cette « carte  ukrainienne » est jouée pour « semer l’hystérie générale » et « attiser la campagne antirusse », a dénoncé le représentant qui a insisté sur les efforts déployés « chaque jour » par son pays pour mettre en place des couloirs humanitaires. 

 « Nous ne sommes pas venus pour prendre des terres », a affirmé le représentant pour qui l’Ukraine, « où les nazis font la loi », ne serait qu’un pion dans « le jeu géopolitique des Occidentaux contre la Russie ».  « Nous sommes venus apporter la paix tant attendue dans le Donbass qui saigne.  Et pour cela, il faut découper cette tumeur cancéreuse nazie qui, dévorant l’Ukraine, finira par dévorer aussi la Russie », a-t-il martelé. 

Chargé de discuter avec les deux parties des moyens de mettre en place un cessez-le-feu humanitaire, le Coordonnateur des secours d’urgence a rapporté avoir eu, hier à Moscou, de « longs et francs » échanges avec le Ministre russe des affaires étrangères ainsi qu’avec le Sous-Ministre de la défense.  M. Martin Griffith a dit avoir évoqué la possibilité d’un gel militaire mutuellement convenu pour permettre l’évacuation des civils et le passage en toute sécurité de l’aide vitale, ajoutant qu’il espère se rendre en Ukraine dès demain pour mener des discussions sur ces mêmes questions.   

Alertant pour sa part que la situation sécuritaire en Ukraine s’est considérablement détériorée, la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix a indiqué qu’au moins 1 480 civils ont été tués et au moins 2 195 personnes ont été blessées depuis le début de la guerre en Ukraine, mais que les chiffres réels seraient considérablement plus élevés. 

Mme Rosemary DiCarlo a par ailleurs souligné que tout progrès dans les négociations doit se traduire rapidement par des actions sur le terrain.  La réduction du nombre de troupes russes et des attaques autour de Kiev et de Tchernihiv ne doit pas répondre à des considérations tactiques, afin de repositionner les forces en vue de mener de nouvelles attaques ailleurs, a-t-elle notamment prévenu. 

À l’instar de la France, la grande majorité des délégations a convenu qu’avec les images de charniers et d’exactions de masse contre des civils à Boutcha, Borodianka et Motyiyn, « la guerre d’agression que la Russie livre contre l’Ukraine a franchi un nouveau cap dans l’horreur ».  Des enquêtes crédibles et indépendantes doivent être menées afin de permettre aux juridictions nationales et internationales compétentes de juger les responsables, a plaidé la délégation française. 

« Le fait que la vérité à Boutcha soit contestée, alors même que le monde contemple des civils assassinés les mains liées dans le dos, est un signe sûr que l’on se trouve au bord du précipice », a alerté pour sa part le Kenya qui a fait le parallèle avec le génocide au Rwanda en avril 1994, où là aussi certains membres du Conseil contestaient « l’horrible vérité » d’un million de personnes assassinées. 

Plus de 30 ans après la fin de la guerre froide, cette « tragédie géopolitique » exige une réflexion profonde, qui doit remettre au premier plan la nécessité de respecter la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale des États, a opiné à son tour la Chine pour qui les sanctions ne sont pas le moyen adéquat de régler un conflit comme celui qui sévit en Ukraine. 

Le Conseil de sécurité a également entendu le Secrétaire général attirer l’attention sur les graves dommages causés par la guerre à l’économie mondiale, exhortant notamment les pays à maintenir les marchés ouverts, à résister aux restrictions à l’exportation injustifiées et inutiles, et à mettre des réserves à la disposition des pays menacés de faim et de famine.  « L’heure n’est pas au protectionnisme », a-t-il averti. 

LETTRE DATÉE DU 28 FÉVRIER 2014, ADRESSÉE À LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’UKRAINE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2014/136)

Déclarations

Avant l’adoption de l’ordre du jour, M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a reproché à la présidence britannique de ne pas avoir accéder à la demande formulée le 4 avril par la Russie de tenir une réunion à la suite des « horribles provocations ukrainiennes » à Boutcha.  Accusant la Présidence d’avoir foulé aux pieds le règlement intérieur du Conseil, le délégué a réclamé des garanties sur la tenue de réunions à la demande d’un des membres du Conseil de sécurité. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a indiqué que la présidence n’a pas refusé la demande russe, mais a proposé, dans un délai inférieur à 48 heures, de combiner cette réunion avec celle prévue ce jour. 

Le délégué russe a ensuite affirmé avoir en sa possession des éléments factuels démentant cette déclaration de la Présidente.  Cette dernière a assuré qu’elle ne refusera pas la tenue d’une réunion à la demande d’un membre du Conseil, a-t-il insisté. 

« Je n’oublierai jamais les images horribles de civils tués à Boutcha », a déclaré M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, précisant avoir demandé la tenue d’une enquête indépendante pour en établir les responsabilités.  Il a également dit être profondément choqué par les témoignages personnels de viols et de violences sexuelles qui sont en train d’émerger. 

Axant son intervention sur les graves dommages causés à l’économie mondiale, et en particulier aux personnes vulnérables et aux pays en développement, le Secrétaire général a indiqué que 74 pays en développement, avec une population totale de 1,2 milliard d’habitants, sont particulièrement vulnérables à la flambée des coûts de la nourriture, de l’énergie et des engrais provoquée par la guerre.  Il a indiqué que les titres de créance absorbent environ 16% des recettes d’exportation des pays en développement, ce chiffre atteignant 34% pour les petits États insulaires en développement, en raison de l’augmentation des taux d’intérêt et de la nécessité de payer les importations. 

En mars, les prix du blé ont augmenté de 22%, ceux du maïs de 21% et ceux de l’orge de 31%, a énuméré M. Guterres.  Et au 1er avril, les prix du baril de Brent étaient de 60% plus élevés qu’à la même période l’an dernier, tandis que les prix du gaz naturel et des engrais ont plus que doublé au cours de la même période.  Certains pays sont passés de la vulnérabilité à la crise et des signes de graves troubles sociaux se manifestent.  Et maintenant que tous les signaux d’alarme sont au rouge, nous avons le devoir d’agir, a-t-il souligné. 

Le Secrétaire général a ensuite indiqué que le Groupe chargé d’apporter des réponses aux crises mondiales de l’alimentation, de l’énergie et des financements, qu’il a créé le mois dernier, a formulé plusieurs recommandations à l’intention des États Membres, des institutions financières internationales et autres. 

S’agissant de l’alimentation, M. Guterres a exhorté tous les pays à maintenir les marchés ouverts, à résister aux restrictions à l’exportation injustifiées et inutiles, et à mettre des réserves à la disposition des pays menacés de faim et de famine.  L’heure n’est pas au protectionnisme, a-t-il averti, appelant au plein financement des appels humanitaires et soulignant que les populations en situation de crise dans le monde ne peuvent pas payer le prix de cette guerre. 

Concernant l’énergie, le Secrétaire général a estimé que l’utilisation de stocks stratégiques et de réserves supplémentaires pourrait contribuer à atténuer cette crise énergétique à court terme.  Selon lui, la seule solution à moyen et long terme est d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables, qui ne sont pas impactées par les fluctuations du marché.  Pour ce qui est de la finance, les institutions financières internationales doivent passer en mode d’urgence, a-t-il ajouté. 

M. Guterres a également exhorté le G20 et les institutions financières internationales à agir avec urgence et accroître les liquidités et la marge de manœuvre budgétaire pour permettre aux gouvernements de fournir des filets de sécurité aux plus pauvres et aux plus vulnérables.  La réforme du système financier mondial se fait attendre depuis trop longtemps, a-t-il déploré, notant qu’une telle réforme est étroitement liée à la prévention ainsi qu’à la consolidation et la pérennisation de la paix. 

« La guerre en Ukraine doit cesser immédiatement », a exigé le Secrétaire général, réclamant des négociations sérieuses pour la paix, fondées sur les principes de la Charte des Nations Unies.  Il a profondément regretté les divisions qui ont empêché le Conseil de sécurité d’agir et l’a exhorté à faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre fin à la guerre et atténuer ses répercussions, tant sur le peuple ukrainien que sur les personnes vulnérables et les pays en développement.  

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a déclaré que, depuis son dernier exposé au Conseil le 17 mars, la situation sécuritaire en Ukraine s’est considérablement détériorée. « Le nombre de civils ukrainiens tués a plus que doublé. Les villes ukrainiennes sont impitoyablement pilonnées, souvent aveuglément, par l’artillerie lourde et les bombardements aériens », a-t-elle déploré.  Et des centaines de milliers de personnes, dont des enfants, des personnes âgées et des handicapés, restent piégées dans les zones encerclées dans des conditions cauchemardesques. La dévastation de Marioupol et d’autres villes ukrainiennes est l’une des manifestations les plus honteuses de cette « guerre insensée », a insisté la haute fonctionnaire.  L’horreur s’est encore aggravée le week-end dernier, avec l’apparition d’images choquantes de civils morts, certains les mains liées, gisant dans les rues de Boutcha, banlieue de Kiev autrefois tenue par les forces russes. De nombreux corps ont également été retrouvés dans une fosse commune dans la même localité, a encore précisé la Secrétaire générale adjointe.  Les informations transmises par des organisations non gouvernementales et des médias font également état d’exécutions sommaires de civils, de viols et de pillages dans les régions de Tchernihiv, Kharkiv et Kiev. 

Parallèlement, les efforts diplomatiques déployés pour mettre fin à cette guerre, y compris sous la forme de pourparlers directs entre les représentants ukrainiens et russes, se sont poursuivis.  « Nous félicitons le Gouvernement de la Turquie d’accueillir ces discussions, ainsi que les efforts de nombreux autres interlocuteurs qui s’engagent auprès de la Russie et de l’Ukraine pour contribuer à l’avènement de la paix. »  Tout progrès dans les négociations devra cependant se traduire rapidement par des actions sur le terrain, a prévenu Mme DiCarlo.  La réduction du nombre de troupes russes et des attaques autour de Kiev et de Tchernihiv ne devrait pas simplement répondre à des considérations tactiques, afin de repositionner les forces en vue de mener de nouvelles attaques ailleurs, a-t-elle dit.  Elle a rappelé que l’Assemblée générale a demandé à deux reprises que les forces russes se retirent entièrement du territoire ukrainien et cessent toute opération militaire. 

Mme DiCarlo a aussi pris note du retrait annoncé des forces russes des environs du site nucléaire de Tchernobyl, qui devrait permettre à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), « nous l’espérons », de mener une mission d’assistance et de soutien pour fournir des conseils techniques et livrer des équipements dans les meilleurs délais.  Tous les sites nucléaires en Ukraine doivent être entièrement protégés et sécurisés et les opérations militaires à l’intérieur ou autour de ces sites évitées, a insisté la Secrétaire générale adjointe. 

Selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), entre le 24 février et le 4 avril 2022, au moins 1 480 civils ont été tués et au moins 2 195 personnes ont été blessées, mais il estime que les chiffres réels sont considérablement plus élevés, a relevé Mme DiCarlo.  Elle s’est dite gravement préoccupée par l’utilisation persistante, dans ou près des zones fortement peuplées, d’armes explosives, qui ont causé la plupart des pertes civiles ainsi que des dégâts massifs d’infrastructures civiles, notamment dans les immeubles résidentiels, les hôpitaux, les écoles, les stations d’épuration et les réseaux électriques.  Le HCDH a également reçu des allégations crédibles selon lesquelles les forces russes se sont servies d’armes à sous-munitions dans des zones peuplées à au moins 24 reprises, a-t-elle relayé avant de dire que les allégations selon lesquelles les forces ukrainiennes ont utilisé de telles armes font également l’objet d’une enquête. 

Mme DiCarlo s’est enfin inquiétée des informations faisant état de cas d’arrestations arbitraires et de disparitions forcées de personnes qui se sont élevées contre l’invasion russe.  Enfin, elle a fait part d’allégations de violences sexuelles perpétrées par les forces russes, notamment des viols collectifs et des viols commis devant des enfants.  Il existe également des allégations de violences sexuelles commises par les forces ukrainiennes et les milices de défense civile, a-t-elle ajouté.  « La mission de surveillance des droits de l’homme des Nations unies en Ukraine s’efforce de vérifier toutes ces allégations », a indiqué en conclusion la Secrétaire générale adjointe. 

S’exprimant depuis Genève, M. MARTIN GRIFFITHS, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a rappelé qu’au cours des six dernières semaines, au moins 1 430 personnes ont été tuées en Ukraine, parmi lesquelles plus de 121 enfants, des chiffres probablement sous-estimés selon lui.  Outre les habitations et infrastructures civiles endommagées et détruites, près de 11 millions de personnes ont déjà été contraintes de fuir leur foyer, dont plus de 4,2 millions dans des pays voisins. Dans ce contexte, a-t-il rappelé, des familles, des personnes âgées, des femmes et des enfants sont pris au piège des combats, notamment à Marioupol, depuis plus de cinq semaines. D'autres villes comme Tchernihiv, Soumy et Kharkiv restent coupées des biens et services essentiels.  Or, des obstacles empêchent l’aide d’arriver aux civils, a dénoncé le haut fonctionnaire, appelant les parties au conflit à respecter leurs obligations en droit international humanitaire.  Il a ajouté qu’alors que les besoins humanitaires montent en flèche, l'ONU et ses partenaires mettent tout en œuvre pour augmenter le soutien aux populations civiles. Saluant le travail des 6 000 volontaires de la Croix-Rouge ukrainienne, ainsi que l’action des ONG locales dans l'est de l'Ukraine, il a indiqué que le Programme alimentaire mondial (PAM) a aidé plus de 1,3 million de personnes par le biais d’une assistance financière et alimentaire.  L’agence onusienne prévoit d’atteindre environ 2,5 millions de personnes ce mois-ci, a-t-il précisé, avant de faire également état de la livraison de plus de 180 tonnes de fournitures médicales et de l’acheminement en cours de 470 tonnes supplémentaires. Il s’agit là, selon lui, de répondre aux besoins de santé d'environ six millions de personnes dans les mois à venir.  

Le Coordonnateur des secours d’urgence s’est ensuite déclaré préoccupé par le nombre croissant d’informations sur des cas de traite des êtres humains, de violence, d’exploitation et d’abus en Ukraine et dans toute la région. Face à ces horribles incidents qui affectent principalement les femmes et les enfants déplacés, l’ONU s’emploie à renforcer les services de protection et de lutte contre la violence sexiste pour fournir des soins spécialisés aux survivants, a-t-il dit.  M. Griffiths a indiqué être revenu dans la nuit de Moscou.  « Le Secrétaire général m’a confié la tâche de discuter avec les deux parties pour explorer les moyens de mettre en place des mesures susceptibles d’alléger les souffrances, notamment un cessez-le-feu humanitaire. »  M. Griffiths a affirmé avoir eu, hier à Moscou, de longs et francs échanges avec le Ministre russe des affaires étrangères et son adjoint, ainsi qu’avec le Sous-Ministre de la défense. Au cours de ces réunions, il a dit avoir évoqué les convois humanitaires, y compris les quatre qui ont pu avancer.  Il a également évoqué la possibilité d’un gel militaire mutuellement convenu pour permettre l'évacuation des civils et le passage en toute sécurité de l'aide vitale. Mes interlocuteurs m'ont assuré de leur l'intention d'étudier attentivement ces idées, a relaté le Secrétaire général adjoint, selon lequel un long chemin reste à parcourir. Demain, a-t-il poursuivi, j'espère me rendre en Ukraine pour mener des discussions avec de hauts responsables du Gouvernement ukrainien sur ces mêmes questions.  

M. Griffiths a relevé que, grâce aux généreuses contributions des donateurs, la réponse humanitaire depuis le mois de février s’est intensifiée, permettant de répondre aux besoins de 1,4 million de personnes.  Nous aurons besoin d'un fort soutien financier pour combler les besoins en Ukraine, a-t-il souligné, avertissant que ce financement ne doit pas être détourné d'autres crises, d’autant plus que les conflits, les chocs climatiques et la pandémie de COVID-19, aggravés par la flambée des prix des aliments et du carburant, pourraient pousser 47 millions de personnes supplémentaires dans l’insécurité alimentaire aigue. Avant de conclure, il a fait valoir que « le monde ne peut pas se permettre cette guerre ».  Appelant tous les membres du Conseil et tous les États Membres influents à soutenir les efforts de paix et d’atténuation des souffrances humanitaires, il a réaffirmé que, dans l'intérêt du peuple ukrainien et de tous ceux qui sont confrontés au fardeau supplémentaire que cette guerre leur impose, « nous devons faire taire les armes ». 

M. VOLODYMYR ZELENSKYY, Président de l’Ukraine, s’exprimant par visioconférence, a indiqué s’être rendu hier à Boutcha où les forces militaires ont commis d’innombrables crimes, tuant des civils dans leurs jardins et brûlant des corps.  D’autres ont été tués dans leurs appartements et même dans leur voilure alors qu’ils tentaient de fuir et des femmes ont été violées devant leurs enfants du fait d’« un membre permanent du Conseil de sécurité ».  L’objectif russe est de tuer le plus grand nombre possible de civils et d’exporter ces pratiques dans d’autres pays, a accusé le Président ukrainien, évoquant la découverte de charniers.  Il a également alerté que le conflit pourrait déboucher sur la famine en Afrique et en Asie et semer le chaos aux quatre coins du monde du fait de l’insécurité alimentaire. 

Les troupes russes détruisent délibérément des villes entières, affament les populations et visent des convois de civils qui cherchent à fuir les hostilités et font sauter les abris.  Dans les territoires occupés, les civils sont tués en grand nombre et le massacre à Boutcha n’est qu’un exemple parmi d’autres de ce que les forces d’occupation ont fait sur le territoire ukrainien, a-t-il ajouté, évoquant notamment la situation à Kharkiv et Marioupol.  Il a prédit que les dénégations probables russes viendront s’ajouter à celles déjà lancées après la mort des passagers du vol de la Malaysian Airlines ou les atrocités en Syrie.  Mais les images satellitaires fournissent d’innombrables preuves qui sont disponibles pour la presse et la Cour Pénale internationale (CPI) afin d’établir les responsabilités avec certitude.  Il faut montrer au monde que les plus puissants peuvent eux aussi être punis, a-t-il clamé. 

Le Président Zelenskyy a ensuite accusé les Russes de vouloir s’accaparer des richesses ukrainiennes et de coloniser l’Ukraine, affirmant que des centaines de milliers de personnes ont déjà été déportées.  La Russie veut que l’Ukraine tombe en esclavage, a-t-il dénoncé.  Et le droit de veto est devenu le droit de tuer et de commettre les crimes en toute impunité .  Si cette situation continue, alors nous ne pourrons plus compter sur les institutions internationales, mais uniquement sur les armes pour nous défendre, a-t-il averti.  Il a appelé à réformer le système des Nations Unies « afin que le droit de veto ne soit pas le droit de tuer » et que l’agresseur rende des comptes immédiatement, évoquant notamment la situation en Syrie et en Libye.  Le Président ukrainien a également rappelé que le monde avait fermé les yeux sur l’occupation de la Crimée, la guerre en Géorgie et la situation en Transnistrie.  Pour mettre fin à ces actions, il a exigé que tous ceux ayant donné ces « ordres criminels » soient jugés, « comme ce fut le cas à Nuremberg ». 

Poursuivant, le Président ukrainien a appelé à convoquer une conférence internationale à Kiev pour tabler sur la réforme du système de sécurité internationale, afin de fournir des garanties sur la reconnaissance des frontières et l’intégrité territoriale des États.  L’ONU doit pouvoir punir ceux qui bafouent les principes de la paix et l’Ukraine est même prête à accueillir un bureau qui serait consacré aux questions de prévention des conflits, a indiqué le Président qui a rappelé que son pays a toujours apporté son aide aux personnes dans le besoin, comme ce fut le cas avec l’évacuation d’un millier d’Afghans l’an dernier.  

M. Zelenskyy a ensuite appelé le Conseil de sécurité à agir en faveur de la paix.  « Si vous ne savez pas comment faire, alors vous pouvez exclure la Russie du Conseil comme agresseur et faiseur de guerre», afin qu’elle ne puisse pas bloquer les décisions qui concernent sa propre guerre et son agression.  L’autre option est de réformer le système de sécurité et d’œuvrer à la paix.  Et si rien de tout cela n’est possible, la seule solution serait de dissoudre le Conseil de sécurité, a-t-il lancé. 

Le Président a enfin invité le Conseil, « puisque ses membres ne peuvent se rendre sur le terrain », à visionner une courte vidéo montrant « comment un pays peut violer les droits et ce qui se passe lorsque les agresseurs restent impunis ».  Sur cette vidéo, on pouvait voir une succession d’images de corps de civils, parfois calcinés, jonchant les rues de plusieurs localités ukrainiennes, notamment Boutcha, Marioupol et Irpin.

Mme LINDA THOMAS GREENFIELD (États-Unis), a indiqué qu’elle venait de rentrer d’un voyage en Moldavie et en Roumanie où elle a vu de ses propres yeux la crise des réfugiés causée par « la guerre inadmissible de la Russie ».  Les voisins de l’Ukraine portent le poids de la plus importante crise de réfugiés en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, a-t-elle soulignée.  Elle a ensuite indiqué que les États-Unis sont prêts à fournir plus d’un milliard de dollars pour appuyer l’aide humanitaire aux personnes touchées par la guerre en Ukraine et à accueillir jusqu’à 100 000 Ukrainiens. 

Revenant sur les images de corps sans vie gisant dans les rues de Boutcha, apparemment sommairement exécutés, les mains liées dans le dos, Mme Thomas-Greenfield a indiqué que son gouvernement est d’avis que des membres des forces russes ont commis des crimes de guerre en Ukraine.  Elle a parlé d’informations faisant état d’enfants enlevés - ainsi que des maires, des médecins, des chefs religieux, des journalistes et d’autres qui osent défier l’agression de la Russie. Certains d’entre eux, selon des informations crédibles, auraient été emmenés dans des soi-disant « camps de filtration », où les forces russes auraient relocalisé des dizaines de milliers de civils ukrainiens en Russie.  C’est effrayant, s’est indignée la représentante.  Chaque jour, il devient plus clair à quel point la Russie ne respecte pas les droits humains, a poursuivi Mme Thomas-Greenfield, justifiant ainsi le fait que les États-Unis aient annoncé hier, en coordination avec l’Ukraine et de nombreux autres États Membres de l’ONU, vouloir demander la suspension de la Russie du Conseil des droits de l'homme. 

Compte tenu de la montagne croissante de preuves, la Russie ne devrait pas occuper une position d’autorité dans cet organe, et dont elle se sert comme plateforme de propagande pour suggérer qu’elle a des préoccupations légitimes pour les droits humains, a justifié la représentante y voyant le comble de l’hypocrisie.  S’attendant à entendre une partie de cette propagande ici aujourd’hui, la représentante a estimé que chaque nouveau mensonge du représentant russe est une preuve supplémentaire que la Russie n’a pas sa place au Conseil des droits de l’homme.  Suspendre la Russie du Conseil des droits de l’homme est quelque chose que nous avons, collectivement, le pouvoir de faire à l’Assemblée générale, a-t-elle souligné.  Alors franchissons ce pas pour aider les Ukrainiens à reconstruire leur vie et soyons à la hauteur du courage du Président Zelenskyy. 

« Nous sommes aux côtés de tous les Ukrainiens », a déclaré M. FERIT HOXHA (Albanie).  Le délégué a rappelé des faits essentiels de cette guerre entrée dans son second mois.  La Russie marque le pas, ne s’est pas emparée de Kiev et a dû renoncer à ses rêves d’empire, même si elle continue de pilonner l’Ukraine.  Il a souligné les souffrances indicibles en Ukraine, avant de dénoncer les actes insoutenables commis à Boutcha, « cimetière à ciel ouvert », témoin des atrocités russes.  Qui va croire qu’il s’agit d’une mise en scène, qui va croire la Russie alors que nous avons tous vu les images? 

Le délégué a demandé des enquêtes détaillées sur ces atrocités, soulignant que la Russie ne peut échapper à l’établissement des responsabilités.  Il a relayé l’appel pour une suspension de la Russie du Conseil des droits de l’homme, tant sa présence est une « farce et une profanation de cet organe, sanctuaire du droit ». Il a estimé, qu’avec la concentration des forces russes dans l’est de l’Ukraine, le monde doit s’attendre à de nouvelles atrocités dans ce qui va devenir une guerre d’usure.  Le délégué a relevé que l’armée russe a été tenue en échec par la résistance ukrainienne et que la Russie est devenue en quelques jours seulement le pays le plus isolé au monde, un véritable « paria », l’exhortant à quitter l’Ukraine. 

Mme EDWIGE KOUMBY MISSAMBO (Gabon) a alerté que les répercussions de la catastrophe humanitaire effroyable de la guerre en Ukraine seront sans doute aggravées par les risques d’insécurité alimentaire due à l’imprévisibilité des récoltes avec des effets transrégionaux.  Elle a dénoncé les attaques contre les infrastructures et les personnels humanitaires, soulignant que ces derniers doivent pouvoir acheminer l’aide humanitaire dans tous les lieux où elle est nécessaire.  Des convois d’évacuation sécurisés doivent également pouvoir être édifiés pour permettre le bon déroulement des évacuations des personnes qui souhaitent quitter les zones de combat.  La situation à Marioupol, pour ne citer que cette ville, devient proprement intenable, a-t-elle ajouté.  La représentante a également appelé à commanditer une enquête libre et indépendante, sous la houlette des Nations Unies, pour faire toute la lumière sur les victimes et sur les circonstances des exactions commises à Boutcha. 

Soulignant que le retour à la paix en Ukraine ne se fera pas par des échanges d’invectives, la déléguée a jugé urgent que les parties s’engagent résolument dans le temps de la négociation en vue d’un arrêt des hostilités.  Elle a espéré que les négociations qui se poursuivent à Istanbul aboutiront à court terme à un cessez-le-feu, afin de créer le climat de confiance et de mettre en place l’accalmie nécessaire pour que « la diplomatie donne de la voix et que les armes se taisent ». 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a rappelé les efforts déployés « chaque jour » par son pays pour mettre en place des couloirs humanitaires, accusant la « partie ukrainienne » de ne pas se conformer à ses obligations.  Il a affirmé que, depuis Marioupol à l’est, « sans aucune participation de la partie ukrainienne », la Russie aurait déjà réussi à sauver 123 686 personnes.  Selon lui, plus de 602 000 civils ont déjà été évacués vers la Russie depuis le début de l’opération militaire spéciale, dont plus de 119 000 enfants.  « Et nous ne parlons d’aucune forme de coercition ou d’enlèvement, comme nos partenaires occidentaux aiment à les dépeindre.  Les nombreuses vidéos disponibles sur les réseaux sociaux témoignent qu’il s’agit d’une décision volontaire de la part de ces personnes », s’est-il justifié. 

Reconnaissant les répercussions des événements en Ukraine sur la crise alimentaire mondiale, le délégué russe a considéré que ce n’est pas le principal facteur de cause d’une telle crise, évoquant notamment les mines ukrainiennes disséminées en mer Noire et le refus de Kiev de permettre l’ouverture de couloirs humanitaires pour les navires.  Et comment ne pas tenir compte des sanctions bancaires et commerciales unilatérales imposées par les États-Unis et l’UE à l’encontre de la Russie, qui entraînent des problèmes de transactions, d’assurance, de logistiques, et de chaînes d’approvisionnement?  a-t-il lancé.  « Après tout, il ne serait pas exagéré de dire que si celles-ci étaient annulées ou atténuées, la crise alimentaire serait beaucoup moins prononcée.  

S’adressant ensuite directement au Président de l’Ukraine, le représentant russe a indiqué que l’élection de ce dernier en 2019 a suscité de nombreux espoirs parmi la population russophone, « qui ne se sont hélas pas réalisés ».  Maintenant, a-t-il déploré, vous appelez « avec mépris » les habitants des « républiques populaires » de Donetsk et de Lougansk des « mutants » et avez déjà pris les armes contre votre langue maternelle russe, en lançant une « inquisition linguistique » dans un pays où il s’agit de la langue natale d’au moins 40% de la population. 

On nous dit qu’il ne peut y avoir de nazis en Ukraine, s’est étonné le représentant russe.  « Cependant, nous savons parfaitement qu’ils y font la loi », a-t-il lancé.  Et comment pourrait-il en être autrement, puisque les héros nationaux ukrainiens sont des « collaborateurs nazis » qui ont non seulement participé à l’Holocauste, mais sont aussi coupables des meurtres de centaines de milliers de Polonais, Russes et Ukrainiens pacifiques.  « Vous avez simplement choisi de prétendre qu’ils n’existent pas », a accusé M. Nebenzia.  Mais, malheureusement, ils sont nombreux et ne s’en cachent pas, a-t-il déploré, évoquant des jeunes arborant des tatouages nazis et des croix gammées sur leurs vêtements, se saluant comme des nazis, et en faisant étalage sur les réseaux sociaux.  Il a également affirmé que les membres du bataillon Azov « tuent comme des nazis », en les accusant de faire preuve d’une « cruauté sans précédent » envers la population civile, dont ils se servent comme « boucliers humains ».  

 Comment en sommes-nous arrivés là, cher Volodymyr Oleksandrovytch, à une telle cruauté non slave, à un désir si aveugle de complaire aux patrons occidentaux de l’Ukraine pour qui le pays n’est qu’un pion dans un jeu géopolitique contre la Russie?  « Nous ne sommes pas venus pour prendre des terres, a affirmé M. Nebenzia.  Nous sommes venus apporter la paix tant attendue dans le Donbass qui saigne.  Et pour cela, il faut éradiquer la cruauté dont j’ai parlé, découper cette tumeur cancéreuse nazie qui, dévorant l’Ukraine, finira par dévorer aussi la Russie », a-t-il martelé. 

Et nous atteindrons cet objectif; il ne peut y avoir d’autre issue , a insisté le représentant qui a expliqué que comme la Russie épargne les civils afin de sauver le plus de vies possibles, elle n’avance pas aussi vite que beaucoup l’espéraient.  « Nous n’agissons pas comme les Américains et leurs alliés en Iraq et en Syrie, qui ont effacé des villes entières de la surface de la terre », a encore accusé le représentant.  À l’en croire, les radicaux « n’ont rien à perdre », comme l’a clairement démontré selon lui la provocation de Boutcha.  « Ne laissez pas l’Occident réaliser ses plans, Vladimir Oleksandrovytch.  Prenez les bonnes décisions pour votre pays, car l’Occident est prêt à se battre en Ukraine jusqu’au dernier Ukrainien. » 

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a constaté que les appels à mettre fin à cette guerre restent sans réponse 40 jours après le début de l’invasion russe de l’Ukraine. Au lieu de cela, nous sommes les témoins d’un niveau de destruction qui n’a plus été vu en Europe depuis de nombreuses années.  Au cours des 48 dernières heures, a-t-elle poursuivi, nous avons vu des images choquantes de civils gisant morts dans les rues de Boutcha et entassés dans des charniers improvisés.  « Les tentatives visant à nier la culpabilité russe sont épouvantables dans leur cynisme et insultent la mémoire de ces civils massacrés », a martelé la représentante, avant de condamner les atrocités qui auraient été commises par les forces armées russes dans nombre de villes ukrainiennes occupées.  Pour Mme Byrne Nason, les autorités russes sont responsables de ces atrocités, perpétrées alors qu’elles contrôlaient la zone.  Il ne peut y avoir d'impunité pour de tels crimes, « plus jamais », a-t-elle souligné, souhaitant que des enquêtes soient menées et que des preuves soient conservées afin que ces crimes soient poursuivis par les tribunaux nationaux et internationaux, y compris la Cour pénale internationale (CPI).  Elle a également appelé la Fédération de Russie à se conformer à la décision la Cour internationale de Justice (CIJ) lui enjoignant de cesser immédiatement ses activités militaires en Ukraine. 

La déléguée a par ailleurs fait état de nombreux cas de violences sexuelles attribuées à des soldats russes, avant de rappeler que de telles violences liées au conflit peuvent constituer un crime de guerre et exigent que leurs auteurs soient tenus pour responsables.  « La violence sexuelle est un autre crime odieux de cette guerre et il ne peut rester sans réponse. »  Elle a aussi réaffirmé la nécessité d'un accès complet, sûr et sans entrave de l’aide à ceux qui en ont besoin, se faisant l’écho des appels lancés à la Fédération de Russie pour qu'elle mette en œuvre un cessez-le-feu humanitaire immédiat. Enfin, après avoir noté les répercussions qu’a cette guerre dans le monde entier, elle a exhorté la partie russe à renoncer à ses tentatives illégales d'établir des autorités d'occupation et de déstabiliser les fondements démocratiques de l’Ukraine.  « Il n’est pas trop tard pour mettre fin à cette guerre. » 

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a appelé à une enquête indépendante et approfondie sur les violations des droits humains commises au cours du conflit en Ukraine, demandant que leurs auteurs soient tenus pour responsables.  Il a plaidé en faveur d’une cessation immédiate des hostilités en Ukraine.  Ce n’est qu’après le silence des canons et le retrait des troupes qu’il sera possible d’évaluer les coûts immenses des souffrances humaines que ce conflit a entraînées, a—t-il argué. Le représentant a estimé que le Conseil de sécurité échoue dans son rôle qui consiste à aider à parvenir à un dialogue constructif entre les parties, dans le but de négocier un règlement de paix efficace à ce conflit.  Le respect du droit international humanitaire, la protection des civils et les appels à la paix sont des objectifs qui devraient nous unir au lieu de nous diviser, a-t-il déploré.  Il a appelé à créer les conditions pour, d’une part, renforcer les négociations politiques et, d’autre part, parvenir à se mettre d’accord sur des mesures pratiques pour minimiser la souffrance en Ukraine.  Il a demandé aux parties de laisser passer de manière sûre les envois de secours et de ne point politiser l’action humanitaire ni de faire une application sélective du droit international humanitaire. 

Le représentant a fait observer que les sanctions prises dans le cadre de ce conflit ont des retombées dans le monde entier, notamment la hausse des prix du pétrole, du gaz, des céréales et des engrais.  Plus ce conflit dure, plus le risque d’instabilité, de faim et de dévastation en Ukraine et dans le monde augmentera, a-t-il averti.  Enfin, il a affirmé que la désescalade et les négociations sont le seul moyen de sortir de ce conflit, non seulement pour les pays directement impliqués, mais aussi pour le monde entier. 

Pour M. MARTIN KIMANI (Kenya), le fait que la vérité à Boutcha soit contestée, alors même que le monde contemple des civils assassinés les mains liées dans le dos, est un signe sûr que l’on se trouve « au bord du précipice ».  Il a fait le parallèle avec le génocide au Rwanda en avril 1994, où là aussi certains membres du Conseil contestaient l’horrible vérité d’un million de personnes assassinées.  Il a donc mis en garde contre l’incapacité du Conseil à établir les faits et à attribuer les responsabilités, ce qui peut conduire à une escalade vers des crimes bien pires.  Au-delà de la ville de Boutcha, il s’est dit extrêmement préoccupé pour la sécurité des civils piégés dans d’autres villes et villages assiégés comme Marioupol et Kherson.  Il est incontestable que ce qui a commencé comme une opération militaire spéciale est maintenant « une guerre », a-t-il tranché, et que ce qui a commencé par des assurances d’objectifs limités ne visant pas les civils a fait des milliers de morts parmi eux et des millions de réfugiés. Personne ne peut douter qu’il y ait des violations flagrantes du droit international, du droit international humanitaire et de la Charte des Nations Unies en ce moment en Ukraine, a martelé M. Kimani en condamnant ces actes injustifiables. 

Reconnaissant qu’il n’existe pas de solutions faciles, le représentant a demandé certaines mesures urgentes comme une enquête impartiale et rapide des Nations Unies sur les atrocités commises contre les civils à Boutcha et dans d’autres villes d’Ukraine.  Il a exhorté les parties en conflit à faire comprendre immédiatement à leurs officiers militaires qu’ils seront tenus pour responsables de toute violation du droit international et des lois qui régissent la guerre.  Tout en félicitant les pays voisins de l’Ukraine pour l’accueil réservé aux réfugiés ukrainiens, il leur a demandé de veiller aussi à ce que le droit international humanitaire s’applique aux milliers d’Africains affectés par cette crise.  M. Kimani a également plaidé pour des couloirs humanitaires et un accès humanitaire sans entraves, en particulier à Marioupol, Kherson et d’autres villes assiégées.  Il a conclu en exhortant le Conseil de sécurité à rassurer le monde sur sa pertinence en abordant les autres conflits inscrits à son ordre du jour avec une vigueur renouvelée.  Les crises en Afghanistan, en Haïti, dans la Corne de l’Afrique, au Liban, en Libye, au Myanmar, en Palestine/Israël, en Syrie, au Yémen et au Sahel méritent notre une attention urgente, a rappelé M. Kimani. 

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a dit son « horreur » devant les images partagées par le Président ukrainien, avant d’évoquer le tableau « Guernica ».  « Depuis six semaines, le monde est le témoin des horreurs perpétrées en Ukraine. »  Il a rappelé que la Cour internationale de Justice (CJI) a demandé la suspension immédiate des activités militaires en Ukraine, avant de déplorer que les hostilités se poursuivent.  Les images en provenance de Boutcha et d’autres villes ukrainiennes ont ému le monde, a dit le délégué, en condamnant ces atrocités injustifiables. 

Il a estimé que ces graves violations du droit pourraient constituer des crimes de guerre et demandé des enquêtes impartiales permettant un établissement des responsabilités.  Le délégué a ensuite déclaré que des régions dans le monde, déjà fragiles, vont être confrontées à une insécurité alimentaire accrue en raison de la situation en Ukraine.  Il a demandé une cessation des hostilités et appuyé les efforts pour une pause humanitaire, avant de saluer la solidarité des pays voisins envers l’Ukraine.  En conclusion, le délégué du Mexique a exhorté le Conseil à assumer ses responsabilités et à mettre un terme à cette guerre. 

M. T.S. TIRUMURTI (Inde) a condamné les meurtres de civils à Boutcha et appelé à une enquête indépendante.  Il a également soutenu les appels demandant des garanties de passage sûr pour livrer des fournitures humanitaires et médicales essentielles, précisant que l’Inde se tient prête à envoyer des fournitures médicales supplémentaires en Ukraine dans les prochains jours.  Préoccupé par l’aggravation de la situation sur le terrain, le représentant a appelé à la cessation immédiate de la violence et à privilégier la voie de la diplomatie et du dialogue.  Relevant que les effets de la crise se font ressentir dans de nombreux pays en développement en raison de l’augmentation du prix de l’alimentation et de l’énergie, il a souligné qu’il est dans l’intérêt collectif de travailler de manière constructive pour trouver un règlement rapide du conflit. 

M. JUN ZHANG (Chine) a estimé que la communauté internationale devrait créer un environnement propice à la recherche d’un règlement pacifique de la crise ukrainienne, demandant aux parties de respecter le droit international humanitaire.  Il a appelé à ne pas instrumentaliser ni politiser les questions humanitaires, surtout vu l’ampleur des besoins.  Pour sa part, la Chine a fourni et continuera de fournir une aide humanitaire aux populations civiles, a assuré le délégué.  Il s’est ensuite dit préoccupé par les images prises à Boutcha, recommandant de mener des enquêtes pour déterminer les responsabilités de ces actes.  Abordant les sanctions, il a été d’avis que ce ne sont pas le moyen adéquat de régler un conflit comme celui qui sévit en Ukraine.  Dans un monde interdépendant comme le nôtre, cela revient à sanctionner les pays qui ne sont pas parties au conflit, en particulier ceux en développement, a-t-il fait remarquer. 

Le représentant a ensuite observé que, plus de 30 ans après la fin de la guerre froide, cette « tragédie géopolitique » exige une réflexion profonde, qui doit remettre au premier plan la nécessité de respecter la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale des États.  S’agissant de l’Ukraine, nous ne sommes « pas mus par des intérêts économiques étriqués » et n’avons pas non plus l’intention « de rester les bras croisés sur le banc de touche », a précisé le délégué, qui a réitéré la volonté de la Chine de contribuer à rapprocher les parties. 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a estimé qu’avec les images de charniers et d’exactions de masse contre des civils à Boutcha, Borodianka et Motyiyn, « la guerre d’agression que la Russie livre contre l’Ukraine a franchi un nouveau cap dans l’horreur ».  Condamnant ces faits avec la plus grande fermeté, elle a relevé que de telles exactions pourraient être constitutives de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.  Après avoir dénoncé les manœuvres de désinformation utilisées par la Russie pour dissimuler ses crimes, la représentante a jugé que Moscou « ajoute à l’indignité du meurtre de civils et du massacre d’enfants celle du mensonge et du négationnisme ».  Face à ces crimes odieux, elle a appelé à maintenir la pression la plus forte possible pour contraindre les autorités russes à mettre fin à une guerre qui ébranle la sécurité mondiale, notamment la sécurité alimentaire.  Elle a également appelé à faire en sorte que les crimes commis en Ukraine ne restent pas impunis.  Des enquêtes crédibles et indépendantes doivent être menées afin de permettre aux juridictions nationales et internationales compétentes de juger les responsables, a-t-elle plaidé avant d’appeler la Fédération de Russie et l’Ukraine à coopérer pleinement avec la CPI et la commission d’enquête établie par le Conseil des droits de l’Homme. 

La déléguée a ensuite exhorté les parties à respecter le droit international humanitaire.  Appelant à la protection des personnes et des infrastructures civiles, elle a salué la mobilisation des pays frontaliers de l’Ukraine pour l’accueil des réfugiés.  Elle a rappelé que l’Union européenne a levé plus de 500 millions d’euros de soutien d’urgence à l’Ukraine et que le Conseil européen vient d’annoncer la mise en place d’un fonds fiduciaire de solidarité avec ce pays.  La France prend également sa part avec 100 millions d’euros d’aide humanitaire, tout en soutenant les efforts déployés par l’ONU pour obtenir un cessez-le-feu humanitaire et permettre l’évacuation des civils des villes assiégées.  Pour Mme Broadhurst, tout doit être fait pour obtenir la cessation des hostilités, qui serait une première étape vers un règlement durable du conflit et un signal nécessaire de la crédibilité de l’engagement russe dans la négociation. Pour conclure, elle a réaffirmé la solidarité de la France avec l’Ukraine et a appelé le peuple russe, autre victime de cette guerre, à continuer de trouver les moyens d’exprimer son opposition, en dépit de la répression.  « C’est nécessaire pour rompre avec la logique de haine dans laquelle Vladimir Putin veut enfermer les Ukrainiens et les Russes », a-t-elle soutenu. 

Mme MONA JUUL (Norvège) a exprimé son soutien non seulement au Président ukrainien mais également au Secrétaire général de l’ONU afin qu’il fasse pleinement usage de ses bons offices dans la recherche d’une solution pacifique. Elle a dit être profondément choquée par les atrocités commises contre des civils dans des lieux qui ont été tenus par le forces russes, y compris à Boutcha.  Elle a parlé d’images affligeantes de cadavres sur la route et de charniers, ainsi que de maisons, d’écoles, d’hôpitaux et autres infrastructures civiles qui ont été détruites et auraient été minées.  La représentante a accusé la Fédération de Russie de chercher désespérément à cacher la vérité sur la guerre. Les atrocités doivent faire l’objet d’enquêtes et les responsables doivent être traduits en justice, a-t-elle exigé.  À cet égard, elle a salué la mise en place par le Conseil des droits de l’homme d’une commission d’enquête sur l’Ukraine afin d’enquêter sur toutes les violations alléguées du droit international humanitaire et des droits humains.  Mme Juul s’est également félicitée de l’ouverture d’une enquête sur la situation en Ukraine par la Cour pénale internationale (CPI).  La guerre de la Fédération de Russie se fait également sentir dans le monde entier, a enfin relevé la déléguée en notant que le confit a exacerbé d’autres crises humanitaires, ayant de graves effets négatifs sur le secteur agricole, avec une augmentation mondiale de l’insécurité alimentaire et une augmentation des prix des carburant et des engrais. 

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) s’est dit gravement préoccupé par les informations faisant état de violations flagrantes du droit international humanitaire et du droit pénal international depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, y compris les rapports émergents et les images de meurtres de civils à Tchernihiv, Kharkiv et dans les zones périphériques de Kiev comme Boutcha.  Il a appuyé l’appel du Secrétaire général pour que soit menée une enquête indépendante, impartiale et approfondie afin d’établir les faits et les responsabilités de tous les auteurs de ces crimes atroces.  Tuer des enfants, des personnes âgées, du personnel médical, des travailleurs humanitaires et des journalistes est simplement déplorable, a-t-il déclaré en condamnant sans réserve tous ces actes. 

Le représentant a exhorté toutes les parties à la retenue et a souligné à nouveau l’urgence d’une cessation inconditionnelle des hostilités dans tout le pays, pour permettre notamment l’évacuation et le passage en toute sécurité des civils et faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire vitale dans les villes assiégées.  M. Ageyman a insisté sur l’impératif d’un accès humanitaire sans entrave.  Disant avoir suivi de près les négociations directes entre les parties en conflit, il a noté les progrès accomplis lors de la quatrième série de consultations qui a eu lieu à Istanbul le 29 mars.  Il a appelé à la modération et au respect des engagements pris pour régler les problèmes de sécurité des parties. Il a exhorté le Conseil de sécurité à se concentrer sur les mesures de confiance pouvant faciliter un règlement négocié du conflit immédiat et de la question plus large de la sécurité de l’Europe, sur la base du droit international et d’autres accords-cadres internationaux. 

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a jugé très inquiétantes les interventions entendues aujourd’hui.  Les images en provenance de Boutcha et d’autres villes ukrainiennes sont choquantes, a-t-elle dit, en demandant l’ouverture d’enquêtes indépendantes.  « Il ne faut pas tomber dans une guerre des récits. »  Elle a demandé une cessation des hostilités et espéré que les récents pourparlers se traduisent par une désescalade sur le terrain.  La déléguée a exhorté les parties à respecter le droit international humanitaire, notamment en ce qui concerne la protection des civils, qui doit être la priorité absolue.  Elle a souligné l’importance d’accords locaux pour l’acheminement de l’aide humanitaire et l’évacuation des blessés.  Elle a appelé à la préservation des édifices culturels, qui sont au fondement d’une mémoire commune.  La déléguée a enfin averti que des régions dans le monde qui sont déjà fragiles pourraient être en proie à une grave crise alimentaire en raison de l’augmentation du prix des denrées. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a rappelé à tous ceux qui ont signé la Charte des Nations Unies qu’ils se sont engagés à mettre fin au fléau de la guerre et à lutter pour le respect des droits humains fondamentaux, de la dignité et de la valeur de la personne humaine, de l’égalité des droits des nations - grandes et petites-, de la justice et du droit international.  Pourtant, a constaté la représentante, nous sommes à l’heure actuelle confrontés à une nouvelle guerre d’agression en Europe.  « Nous avons de nouveau entendu aujourd’hui l’impact dévastateur de l’action militaire unilatérale et illégale de la Russie sur l’Ukraine, sur les pays voisins et sur toute la région, ainsi que sur la sécurité et la prospérité du monde entier alors qu’il cherche à se remettre de la pandémie de Covid-19. »

Maintenant, alors que la Russie est forcée de se retirer des régions autour de Kiev, la brutalité de l’invasion est mise à nu, a constaté la représentante en se référant aux images horribles provenant des villes de Boutcha et d’Irpin et montrant de civils délibérément tués dans des zones d’où les forces russes se sont récemment retirées.  Ces actes, et tous les autres incidents crédibles, doivent faire l’objet d’une enquête en tant que crimes de guerre, a appelé de ses vœux Mme Woodward qui a affirmé soutenir le travail de la Cour pénale internationale (CPI) ainsi que le travail du Procureur général de l’Ukraine et d’autres procureurs nationaux.  Joignant sa voix aux autres délégations, la représentante a déclaré que tout ceci peut être arrêté si la Fédération de Russie met fin à cette guerre, maintenant. 

M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a repris la parole pour, tout d’abord, regretter une nouvelle fois que la réunion d’urgence que réclamait son pays n’ait pu être organisée, ce qui montre, selon lui, les limites de l’ordre international fondé sur des règles.  Revenant sur les événements de Boutcha, qui justifient la tenue de la présente réunion, il a rappelé que les forces russes ont quitté cette ville le 30 mars, au lendemain des négociations à Istanbul entre les parties russe et ukrainienne.  Le même jour, a-t-il relevé, le Ministère russe de la défense confirmait ce retrait sur son site Web.  Affirmant que cette opération n’a fait aucune victime civile, il a assuré que les habitants de Boutcha pouvaient se déplacer librement et avaient accès aux communications téléphoniques.  De même, a-t-il ajouté, personne n’a été empêchée de quitter la ville et tous ceux qui le souhaitaient pouvaient partir vers le nord, la périphérie sud faisant l’objet, selon lui, de tirs d’artillerie des forces ukrainiennes. 

Après le départ des militaires russes, a poursuivi le représentant, le maire de Boutcha a diffusé, le 31 mars, une vidéo dans laquelle il présentait ce retrait comme une « libération héroïque » de sa ville, sans toutefois évoquer la présence de cadavres de civils tués.  M. Nebenzia a également indiqué qu’une responsable du conseil municipal de Boutcha avait averti de l’entrée dans la ville de forces de sécurité ukrainienne « en vue de procéder à un nettoyage ».  Selon le délégué, les témoignages sur les « soi-disant crimes russes » n’ont fait leur apparition que le 3 avril, sans que la moindre preuve soit apportée.  Sur la base de la présomption de culpabilité, on essaie donc de faire porter par la Russie la responsabilité de ces crimes, s’est-il indigné, dénonçant des « incohérences flagrantes ».  Si les cadavres de ces personnes étaient restés plusieurs jours dans la rue, ils seraient en décomposition, a-t-il fait valoir, affirmant s’appuyer sur les conclusions de spécialistes médicolégaux.  « Or, cela n’attire l’attention de personne ».  Dans une interview, la responsable du conseil municipal de Boutcha a reconnu que les forces russes n’avaient pas tiré sur la population civile, a-t-il encore déclaré, maintenant que ces crimes sont le fait des forces ukrainiennes. 

Ce n’est pas ce que l’on entend de la part des responsables occidentaux, a constaté le représentant.  « Le Président Zelenskyy a même dit que ces images donnent le droit aux Ukrainiens d’avoir une réponse non civilisée », a-t-il regretté, avant d’annoncer que les « spécialistes ukrainiens de la mise en scène » n’en resteront pas là.  D’après lui, les forces militaires ukrainiennes ont réalisé, le 4 avril, dans une localité située à 23 kilomètres de Kiev, un tournage mettant en scène des populations civiles tuées par l’armée russe, des images destinées, selon lui, à être diffusées dans les médias internationaux.  Se disant convaincu que cette « carte  ukrainienne » est jouée pour « semer l’hystérie générale » et « attiser la campagne antirusse », il a déclaré s’attendre à « d’autres provocations, « tout aussi mesquines et lâches ».  Les technologies les plus sophistiquées permettent de fabriquer de telles informations, a noté le délégué. Il a ajouté que la vidéo montrée aujourd’hui au Conseil a déjà été diffusée sur Internet que des personnes y ont réagi en affirmant que certaines images n’avaient pas été tournées dans les villes indiquées.  Après avoir rappelé que le Président Zelenskyy avait condamné les agissements des États-Unis en Afghanistan, il a formé l’espoir, en conclusion, que les autres membres du Conseil ne se laisseront pas manipuler et ne joueront pas le jeu de Washington dans cette « mascarade ». 

M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a dit que « nous avons pris l’habitude des mensonges propagés constamment dans cette salle du Conseil de sécurité ».  Il a demandé au « camarade Nebenzia » (le représentant russe), qui a cité un entretien publié sur le site Meduza, pourquoi il n’avait pas cité cet entretien dans son intégralité.  Il a, pour sa part, cité en entier les propos d’une femme rapportés par cet entretien disant que si les soldats russes pouvaient distribuer de la nourriture aux civils ukrainiens, ils tiraient ensuite des grenades à leur encontre.  Est-ce là la supposée aide humanitaire des soldats russes, a-t-il lancé. 

Il s’est ensuite demandé comment les Russes en étaient arrivés à faire preuve de la même cruauté que les Nazis.  La Fédération de Russie est devenue « une cellule cancéreuse comparable à la tumeur nazie qui se propage vers ses voisins », a-t-il affirmé.  Le représentant a décrié les mensonges cyniques de la partie russe, en lui rappelant qu’elle tue des civils.  Il a rappelé que, lors de sa conférence de presse d’hier, le représentant russe avait déclaré que, comme dans toute guerre, il y a des civils qui meurent, tués par l’armée russe.  Il a souligné, à cet égard, que les soldats russes visent des civils comme l’hôpital pour enfant touché hier par un missile russe. 

Le représentant ukrainien a ensuite souligné la résistance de l’armée et de la population ukrainiennes.  Il a aussi salué le soutien apporté par la communauté internationale, assurant que l’Ukraine vaincra.  Le délégué a également relevé que, lors de sa conférence de presse d’hier, le représentant russe avait reconnu que la Russie mène une guerre en Ukraine, « pas une opération militaire spéciale ».  Une « guerre », a-t-il insisté en se demandant si cela aurait une incidence sur l’évaluation par les Nations Unies de ce qui se passe actuellement au cœur de l’Europe. 

M. BJÖRN OLOF SKOOG de l’Union européenne a exigé de la Russie qu’elle mette immédiatement fin à son agression militaire, qu’elle retire immédiatement et sans condition toutes ses forces de l’ensemble du territoire ukrainien et qu’elle respecte pleinement l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, comme le demande la résolution A/ES-11/1 de l’Assemblée générale des Nations Unies.  Il a dit soutenir pleinement l’enquête lancée par le Procureur de la CPI sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis par la Fédération de Russie, ainsi que les travaux de la commission d’enquête indépendante, en précisant que l’UE aide le Procureur général ukrainien et la société civile à recueillir et à préserver les preuves des crimes de guerre. 

Par ailleurs, l’UE et ses États membres accueillent plus de quatre millions de réfugiés ukrainiens, « sans distinction de nationalité, d’ethnie, de religion ou de race », a fait valoir le représentant.  Il a précisé que, à ce jour, l’UE a mobilisé plus de 1,1 milliard d’euros d’aide d’urgence en faveur de l’Ukraine, une somme qui vient s’ajouter aux 2,4 milliards d’euros d’aide humanitaire, d’urgence et de relèvement rapide versés par l’UE et ses États membres à l’Ukraine depuis 2014.  Dans le cadre de la plus grande opération jamais menée au titre du mécanisme de protection civile de l’UE, 29 pays -tous les États membres de l’UE ainsi que la Norvège et la Turquie- ont répondu à la demande d’assistance de l’Ukraine.  Au 4 avril, a encore indiqué M. Skoog, plus de 13 000 tonnes de médicaments, de matériel hospitalier, d’ambulances et d’équipements de lutte contre les incendies, d’aide alimentaire et de fournitures énergétiques sont arrivées en Ukraine. 

Les conséquences dramatiques de la guerre de la Russie contre l’Ukraine ne se limitent pas à l’Europe, « elles sont mondiales », s’est alarmé M. Skoog.  Les agriculteurs ukrainiens sont empêchés de semer en raison des bombardements russes et les navires remplis de blé sont bloqués dans les ports de la mer Noire par les forces militaires russes, a-t-il regretté.  En conséquence, les prix des denrées alimentaires se sont envolés, précipitant les populations dans la pauvreté et menaçant de déstabiliser des régions entières, les pays les plus pauvres étant les plus vulnérables aux chocs de la flambée des prix des denrées alimentaires.  Tout ceci est le résultat direct de la guerre, malgré les tentatives cyniques de la Russie de rejeter la faute sur les autres, a-t-il affirmé.  « Le Président Putin doit arrêter cette guerre immédiatement et sans condition », a exhorté en conclusion le délégué de l’Union européenne. 

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