Conseil de sécurité: le Président de l’Ukraine appelle à établir les responsabilités pour le « massacre » de Boutcha
Trois jours après l’apparition des « images horribles » des tués à Boutcha, selon les mots du Secrétaire général, le Président de l’Ukraine a exigé, ce matin devant le Conseil de sécurité, que tous ceux ayant donné ces « ordres criminels » soient jugés, « comme ce fut le cas à Nuremberg », exhortant en outre à réformer le système des Nations Unies « afin que le droit de veto ne soit pas le droit de tuer ».
« Le Conseil de sécurité doit agir en faveur de la paix », a souligné M. Volodymyr Zelenskyy. Et si vous ne savez pas comment faire, alors vous pouvez exclure la Russie du Conseil comme «agresseur et faiseur de guerre», afin qu’elle ne puisse pas bloquer les décisions qui concernent sa propre guerre, l’autre option étant de réformer le système de sécurité et d’œuvrer à la paix. Et si rien de tout cela n’est possible, la seule solution serait de dissoudre le Conseil de sécurité, a-t-il lancé.
De retour de Boutcha où il s’était rendu la veille, M. Zelenskyy, qui intervenait par visioconférence, a notamment accusé les troupes russes de détruire délibérément des villes entières, d’affamer les populations, et d’avoir déporté des centaines de milliers de personnes. Dans les territoires occupés, les civils sont tués en grand nombre et le massacre à Boutcha n’est qu’un exemple parmi d’autres de ce que les forces d’occupation ont fait sur le territoire ukrainien, a-t-il ajouté, tout en soulignant que les images satellitaires fournissent d’innombrables preuves permettant d’établir les responsabilités avec certitudes. « Il faut montrer au monde que les plus puissants peuvent eux aussi être punis », a-t-il clamé.
Le Président ukrainien a ensuite invité le Conseil, « puisque ses membres ne peuvent se rendre sur le terrain », à visionner une courte vidéo montrant « ce qui se passe lorsque les agresseurs restent impunis » et sur laquelle on pouvait voir une succession d’images de corps de civils, parfois calcinés, jonchant les rues de plusieurs localités ukrainiennes, notamment Boutcha, Marioupol et Irpin.
Les « spécialistes ukrainiens de la mise en scène » n’en resteront pas là, a dénoncé la Fédération de Russie qui a accusé les forces militaires ukrainiennes d’avoir réalisé un tournage mettant en scène des populations civiles tuées dans le but de diffuser ces images dans les médias internationaux. Cette « carte ukrainienne » est jouée pour « semer l’hystérie générale » et « attiser la campagne antirusse », a dénoncé le représentant qui a insisté sur les efforts déployés « chaque jour » par son pays pour mettre en place des couloirs humanitaires.
« Nous ne sommes pas venus pour prendre des terres », a affirmé le représentant pour qui l’Ukraine, « où les nazis font la loi », ne serait qu’un pion dans « le jeu géopolitique des Occidentaux contre la Russie ». « Nous sommes venus apporter la paix tant attendue dans le Donbass qui saigne. Et pour cela, il faut découper cette tumeur cancéreuse nazie qui, dévorant l’Ukraine, finira par dévorer aussi la Russie », a-t-il martelé.
Chargé de discuter avec les deux parties des moyens de mettre en place un cessez-le-feu humanitaire, le Coordonnateur des secours d’urgence a rapporté avoir eu, hier à Moscou, de « longs et francs » échanges avec le Ministre russe des affaires étrangères ainsi qu’avec le Sous-Ministre de la défense. M. Martin Griffith a dit avoir évoqué la possibilité d’un gel militaire mutuellement convenu pour permettre l’évacuation des civils et le passage en toute sécurité de l’aide vitale, ajoutant qu’il espère se rendre en Ukraine dès demain pour mener des discussions sur ces mêmes questions.
Alertant pour sa part que la situation sécuritaire en Ukraine s’est considérablement détériorée, la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix a indiqué qu’au moins 1 480 civils ont été tués et au moins 2 195 personnes ont été blessées depuis le début de la guerre en Ukraine, mais que les chiffres réels seraient considérablement plus élevés.
Mme Rosemary DiCarlo a par ailleurs souligné que tout progrès dans les négociations doit se traduire rapidement par des actions sur le terrain. La réduction du nombre de troupes russes et des attaques autour de Kiev et de Tchernihiv ne doit pas répondre à des considérations tactiques, afin de repositionner les forces en vue de mener de nouvelles attaques ailleurs, a-t-elle notamment prévenu.
À l’instar de la France, la grande majorité des délégations a convenu qu’avec les images de charniers et d’exactions de masse contre des civils à Boutcha, Borodianka et Motyiyn, « la guerre d’agression que la Russie livre contre l’Ukraine a franchi un nouveau cap dans l’horreur ». Des enquêtes crédibles et indépendantes doivent être menées afin de permettre aux juridictions nationales et internationales compétentes de juger les responsables, a plaidé la délégation française.
« Le fait que la vérité à Boutcha soit contestée, alors même que le monde contemple des civils assassinés les mains liées dans le dos, est un signe sûr que l’on se trouve au bord du précipice », a alerté pour sa part le Kenya qui a fait le parallèle avec le génocide au Rwanda en avril 1994, où là aussi certains membres du Conseil contestaient « l’horrible vérité » d’un million de personnes assassinées.
Plus de 30 ans après la fin de la guerre froide, cette « tragédie géopolitique » exige une réflexion profonde, qui doit remettre au premier plan la nécessité de respecter la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale des États, a opiné à son tour la Chine pour qui les sanctions ne sont pas le moyen adéquat de régler un conflit comme celui qui sévit en Ukraine.
Le Conseil de sécurité a également entendu le Secrétaire général attirer l’attention sur les graves dommages causés par la guerre à l’économie mondiale, exhortant notamment les pays à maintenir les marchés ouverts, à résister aux restrictions à l’exportation injustifiées et inutiles, et à mettre des réserves à la disposition des pays menacés de faim et de famine. « L’heure n’est pas au protectionnisme », a-t-il averti.
LETTRE DATÉE DU 28 FÉVRIER 2014, ADRESSÉE À LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’UKRAINE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2014/136)
Déclarations
Avant l’adoption de l’ordre du jour, M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a reproché à la présidence britannique de ne pas avoir accéder à la demande formulée le 4 avril par la Russie de tenir une réunion à la suite des « horribles provocations ukrainiennes » à Boutcha. Accusant la Présidence d’avoir foulé aux pieds le règlement intérieur du Conseil, le délégué a réclamé des garanties sur la tenue de réunions à la demande d’un des membres du Conseil de sécurité.
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a indiqué que la présidence n’a pas refusé la demande russe, mais a proposé, dans un délai inférieur à 48 heures, de combiner cette réunion avec celle prévue ce jour.
Le délégué russe a ensuite affirmé avoir en sa possession des éléments factuels démentant cette déclaration de la Présidente. Cette dernière a assuré qu’elle ne refusera pas la tenue d’une réunion à la demande d’un membre du Conseil, a-t-il insisté.
« Je n’oublierai jamais les images horribles de civils tués à Boutcha », a déclaré M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, précisant avoir demandé la tenue d’une enquête indépendante pour en établir les responsabilités. Il a également dit être profondément choqué par les témoignages personnels de viols et de violences sexuelles qui sont en train d’émerger.
Axant son intervention sur les graves dommages causés à l’économie mondiale, et en particulier aux personnes vulnérables et aux pays en développement, le Secrétaire général a indiqué que 74 pays en développement, avec une population totale de 1,2 milliard d’habitants, sont particulièrement vulnérables à la flambée des coûts de la nourriture, de l’énergie et des engrais provoquée par la guerre. Il a indiqué que les titres de créance absorbent environ 16% des recettes d’exportation des pays en développement, ce chiffre atteignant 34% pour les petits États insulaires en développement, en raison de l’augmentation des taux d’intérêt et de la nécessité de payer les importations.
En mars, les prix du blé ont augmenté de 22%, ceux du maïs de 21% et ceux de l’orge de 31%, a énuméré M. Guterres. Et au 1er avril, les prix du baril de Brent étaient de 60% plus élevés qu’à la même période l’an dernier, tandis que les prix du gaz naturel et des engrais ont plus que doublé au cours de la même période. Certains pays sont passés de la vulnérabilité à la crise et des signes de graves troubles sociaux se manifestent. Et maintenant que tous les signaux d’alarme sont au rouge, nous avons le devoir d’agir, a-t-il souligné.
Le Secrétaire général a ensuite indiqué que le Groupe chargé d’apporter des réponses aux crises mondiales de l’alimentation, de l’énergie et des financements, qu’il a créé le mois dernier, a formulé plusieurs recommandations à l’intention des États Membres, des institutions financières internationales et autres.
S’agissant de l’alimentation, M. Guterres a exhorté tous les pays à maintenir les marchés ouverts, à résister aux restrictions à l’exportation injustifiées et inutiles, et à mettre des réserves à la disposition des pays menacés de faim et de famine. L’heure n’est pas au protectionnisme, a-t-il averti, appelant au plein financement des appels humanitaires et soulignant que les populations en situation de crise dans le monde ne peuvent pas payer le prix de cette guerre.
Concernant l’énergie, le Secrétaire général a estimé que l’utilisation de stocks stratégiques et de réserves supplémentaires pourrait contribuer à atténuer cette crise énergétique à court terme. Selon lui, la seule solution à moyen et long terme est d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables, qui ne sont pas impactées par les fluctuations du marché. Pour ce qui est de la finance, les institutions financières internationales doivent passer en mode d’urgence, a-t-il ajouté.
M. Guterres a également exhorté le G20 et les institutions financières internationales à agir avec urgence et accroître les liquidités et la marge de manœuvre budgétaire pour permettre aux gouvernements de fournir des filets de sécurité aux plus pauvres et aux plus vulnérables. La réforme du système financier mondial se fait attendre depuis trop longtemps, a-t-il déploré, notant qu’une telle réforme est étroitement liée à la prévention ainsi qu’à la consolidation et la pérennisation de la paix.
« La guerre en Ukraine doit cesser immédiatement », a exigé le Secrétaire général, réclamant des négociations sérieuses pour la paix, fondées sur les principes de la Charte des Nations Unies. Il a profondément regretté les divisions qui ont empêché le Conseil de sécurité d’agir et l’a exhorté à faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre fin à la guerre et atténuer ses répercussions, tant sur le peuple ukrainien que sur les personnes vulnérables et les pays en développement.
Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a déclaré que, depuis son dernier exposé au Conseil le 17 mars, la situation sécuritaire en Ukraine s’est considérablement détériorée. « Le nombre de civils ukrainiens tués a plus que doublé. Les villes ukrainiennes sont impitoyablement pilonnées, souvent aveuglément, par l’artillerie lourde et les bombardements aériens », a-t-elle déploré. Et des centaines de milliers de personnes, dont des enfants, des personnes âgées et des handicapés, restent piégées dans les zones encerclées dans des conditions cauchemardesques. La dévastation de Marioupol et d’autres villes ukrainiennes est l’une des manifestations les plus honteuses de cette « guerre insensée », a insisté la haute fonctionnaire. L’horreur s’est encore aggravée le week-end dernier, avec l’apparition d’images choquantes de civils morts, certains les mains liées, gisant dans les rues de Boutcha, banlieue de Kiev autrefois tenue par les forces russes. De nombreux corps ont également été retrouvés dans une fosse commune dans la même localité, a encore précisé la Secrétaire générale adjointe. Les informations transmises par des organisations non gouvernementales et des médias font également état d’exécutions sommaires de civils, de viols et de pillages dans les régions de Tchernihiv, Kharkiv et Kiev.
Parallèlement, les efforts diplomatiques déployés pour mettre fin à cette guerre, y compris sous la forme de pourparlers directs entre les représentants ukrainiens et russes, se sont poursuivis. « Nous félicitons le Gouvernement de la Turquie d’accueillir ces discussions, ainsi que les efforts de nombreux autres interlocuteurs qui s’engagent auprès de la Russie et de l’Ukraine pour contribuer à l’avènement de la paix. » Tout progrès dans les négociations devra cependant se traduire rapidement par des actions sur le terrain, a prévenu Mme DiCarlo. La réduction du nombre de troupes russes et des attaques autour de Kiev et de Tchernihiv ne devrait pas simplement répondre à des considérations tactiques, afin de repositionner les forces en vue de mener de nouvelles attaques ailleurs, a-t-elle dit. Elle a rappelé que l’Assemblée générale a demandé à deux reprises que les forces russes se retirent entièrement du territoire ukrainien et cessent toute opération militaire.
Mme DiCarlo a aussi pris note du retrait annoncé des forces russes des environs du site nucléaire de Tchernobyl, qui devrait permettre à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), « nous l’espérons », de mener une mission d’assistance et de soutien pour fournir des conseils techniques et livrer des équipements dans les meilleurs délais. Tous les sites nucléaires en Ukraine doivent être entièrement protégés et sécurisés et les opérations militaires à l’intérieur ou autour de ces sites évitées, a insisté la Secrétaire générale adjointe.
Selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), entre le 24 février et le 4 avril 2022, au moins 1 480 civils ont été tués et au moins 2 195 personnes ont été blessées, mais il estime que les chiffres réels sont considérablement plus élevés, a relevé Mme DiCarlo. Elle s’est dite gravement préoccupée par l’utilisation persistante, dans ou près des zones fortement peuplées, d’armes explosives, qui ont causé la plupart des pertes civiles ainsi que des dégâts massifs d’infrastructures civiles, notamment dans les immeubles résidentiels, les hôpitaux, les écoles, les stations d’épuration et les réseaux électriques. Le HCDH a également reçu des allégations crédibles selon lesquelles les forces russes se sont servies d’armes à sous-munitions dans des zones peuplées à au moins 24 reprises, a-t-elle relayé avant de dire que les allégations selon lesquelles les forces ukrainiennes ont utilisé de telles armes font également l’objet d’une enquête.
Mme DiCarlo s’est enfin inquiétée des informations faisant état de cas d’arrestations arbitraires et de disparitions forcées de personnes qui se sont élevées contre l’invasion russe. Enfin, elle a fait part d’allégations de violences sexuelles perpétrées par les forces russes, notamment des viols collectifs et des viols commis devant des enfants. Il existe également des allégations de violences sexuelles commises par les forces ukrainiennes et les milices de défense civile, a-t-elle ajouté. « La mission de surveillance des droits de l’homme des Nations unies en Ukraine s’efforce de vérifier toutes ces allégations », a indiqué en conclusion la Secrétaire générale adjointe.
S’exprimant depuis Genève, M. MARTIN GRIFFITHS, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a rappelé qu’au cours des six dernières semaines, au moins 1 430 personnes ont été tuées en Ukraine, parmi lesquelles plus de 121 enfants, des chiffres probablement sous-estimés selon lui. Outre les habitations et infrastructures civiles endommagées et détruites, près de 11 millions de personnes ont déjà été contraintes de fuir leur foyer, dont plus de 4,2 millions dans des pays voisins. Dans ce contexte, a-t-il rappelé, des familles, des personnes âgées, des femmes et des enfants sont pris au piège des combats, notamment à Marioupol, depuis plus de cinq semaines. D'autres villes comme Tchernihiv, Soumy et Kharkiv restent coupées des biens et services essentiels. Or, des obstacles empêchent l’aide d’arriver aux civils, a dénoncé le haut fonctionnaire, appelant les parties au conflit à respecter leurs obligations en droit international humanitaire. Il a ajouté qu’alors que les besoins humanitaires montent en flèche, l'ONU et ses partenaires mettent tout en œuvre pour augmenter le soutien aux populations civiles. Saluant le travail des 6 000 volontaires de la Croix-Rouge ukrainienne, ainsi que l’action des ONG locales dans l'est de l'Ukraine, il a indiqué que le Programme alimentaire mondial (PAM) a aidé plus de 1,3 million de personnes par le biais d’une assistance financière et alimentaire. L’agence onusienne prévoit d’atteindre environ 2,5 millions de personnes ce mois-ci, a-t-il précisé, avant de faire également état de la livraison de plus de 180 tonnes de fournitures médicales et de l’acheminement en cours de 470 tonnes supplémentaires. Il s’agit là, selon lui, de répondre aux besoins de santé d'environ six millions de personnes dans les mois à venir.
Le Coordonnateur des secours d’urgence s’est ensuite déclaré préoccupé par le nombre croissant d’informations sur des cas de traite des êtres humains, de violence, d’exploitation et d’abus en Ukraine et dans toute la région. Face à ces horribles incidents qui affectent principalement les femmes et les enfants déplacés, l’ONU s’emploie à renforcer les services de protection et de lutte contre la violence sexiste pour fournir des soins spécialisés aux survivants, a-t-il dit. M. Griffiths a indiqué être revenu dans la nuit de Moscou. « Le Secrétaire général m’a confié la tâche de discuter avec les deux parties pour explorer les moyens de mettre en place des mesures susceptibles d’alléger les souffrances, notamment un cessez-le-feu humanitaire. » M. Griffiths a affirmé avoir eu, hier à Moscou, de longs et francs échanges avec le Ministre russe des affaires étrangères et son adjoint, ainsi qu’avec le Sous-Ministre de la défense. Au cours de ces réunions, il a dit avoir évoqué les convois humanitaires, y compris les quatre qui ont pu avancer. Il a également évoqué la possibilité d’un gel militaire mutuellement convenu pour permettre l'évacuation des civils et le passage en toute sécurité de l'aide vitale. Mes interlocuteurs m'ont assuré de leur l'intention d'étudier attentivement ces idées, a relaté le Secrétaire général adjoint, selon lequel un long chemin reste à parcourir. Demain, a-t-il poursuivi, j'espère me rendre en Ukraine pour mener des discussions avec de hauts responsables du Gouvernement ukrainien sur ces mêmes questions.
M. Griffiths a relevé que, grâce aux généreuses contributions des donateurs, la réponse humanitaire depuis le mois de février s’est intensifiée, permettant de répondre aux besoins de 1,4 million de personnes. Nous aurons besoin d'un fort soutien financier pour combler les besoins en Ukraine, a-t-il souligné, avertissant que ce financement ne doit pas être détourné d'autres crises, d’autant plus que les conflits, les chocs climatiques et la pandémie de COVID-19, aggravés par la flambée des prix des aliments et du carburant, pourraient pousser 47 millions de personnes supplémentaires dans l’insécurité alimentaire aigue. Avant de conclure, il a fait valoir que « le monde ne peut pas se permettre cette guerre ». Appelant tous les membres du Conseil et tous les États Membres influents à soutenir les efforts de paix et d’atténuation des souffrances humanitaires, il a réaffirmé que, dans l'intérêt du peuple ukrainien et de tous ceux qui sont confrontés au fardeau supplémentaire que cette guerre leur impose, « nous devons faire taire les armes ».
M. VOLODYMYR ZELENSKYY, Président de l’Ukraine, s’exprimant par visioconférence, a indiqué s’être rendu hier à Boutcha où les forces militaires ont commis d’innombrables crimes, tuant des civils dans leurs jardins et brûlant des corps. D’autres ont été tués dans leurs appartements et même dans leur voilure alors qu’ils tentaient de fuir et des femmes ont été violées devant leurs enfants du fait d’« un membre permanent du Conseil de sécurité ». L’objectif russe est de tuer le plus grand nombre possible de civils et d’exporter ces pratiques dans d’autres pays, a accusé le Président ukrainien, évoquant la découverte de charniers. Il a également alerté que le conflit pourrait déboucher sur la famine en Afrique et en Asie et semer le chaos aux quatre coins du monde du fait de l’insécurité alimentaire.
Les troupes russes détruisent délibérément des villes entières, affament les populations et visent des convois de civils qui cherchent à fuir les hostilités et font sauter les abris. Dans les territoires occupés, les civils sont tués en grand nombre et le massacre à Boutcha n’est qu’un exemple parmi d’autres de ce que les forces d’occupation ont fait sur le territoire ukrainien, a-t-il ajouté, évoquant notamment la situation à Kharkiv et Marioupol. Il a prédit que les dénégations probables russes viendront s’ajouter à celles déjà lancées après la mort des passagers du vol de la Malaysian Airlines ou les atrocités en Syrie. Mais les images satellitaires fournissent d’innombrables preuves qui sont disponibles pour la presse et la Cour Pénale internationale (CPI) afin d’établir les responsabilités avec certitude. Il faut montrer au monde que les plus puissants peuvent eux aussi être punis, a-t-il clamé.
Le Président Zelenskyy a ensuite accusé les Russes de vouloir s’accaparer des richesses ukrainiennes et de coloniser l’Ukraine, affirmant que des centaines de milliers de personnes ont déjà été déportées. La Russie veut que l’Ukraine tombe en esclavage, a-t-il dénoncé. Et le droit de veto est devenu le droit de tuer et de commettre les crimes en toute impunité . Si cette situation continue, alors nous ne pourrons plus compter sur les institutions internationales, mais uniquement sur les armes pour nous défendre, a-t-il averti. Il a appelé à réformer le système des Nations Unies « afin que le droit de veto ne soit pas le droit de tuer » et que l’agresseur rende des comptes immédiatement, évoquant notamment la situation en Syrie et en Libye. Le Président ukrainien a également rappelé que le monde avait fermé les yeux sur l’occupation de la Crimée, la guerre en Géorgie et la situation en Transnistrie. Pour mettre fin à ces actions, il a exigé que tous ceux ayant donné ces « ordres criminels » soient jugés, « comme ce fut le cas à Nuremberg ».
Poursuivant, le Président ukrainien a appelé à convoquer une conférence internationale à Kiev pour tabler sur la réforme du système de sécurité internationale, afin de fournir des garanties sur la reconnaissance des frontières et l’intégrité territoriale des États. L’ONU doit pouvoir punir ceux qui bafouent les principes de la paix et l’Ukraine est même prête à accueillir un bureau qui serait consacré aux questions de prévention des conflits, a indiqué le Président qui a rappelé que son pays a toujours apporté son aide aux personnes dans le besoin, comme ce fut le cas avec l’évacuation d’un millier d’Afghans l’an dernier.
M. Zelenskyy a ensuite appelé le Conseil de sécurité à agir en faveur de la paix. « Si vous ne savez pas comment faire, alors vous pouvez exclure la Russie du Conseil comme agresseur et faiseur de guerre», afin qu’elle ne puisse pas bloquer les décisions qui concernent sa propre guerre et son agression. L’autre option est de réformer le système de sécurité et d’œuvrer à la paix. Et si rien de tout cela n’est possible, la seule solution serait de dissoudre le Conseil de sécurité, a-t-il lancé.
Le Président a enfin invité le Conseil, « puisque ses membres ne peuvent se rendre sur le terrain », à visionner une courte vidéo montrant « comment un pays peut violer les droits et ce qui se passe lorsque les agresseurs restent impunis ». Sur cette vidéo, on pouvait voir une succession d’images de corps de civils, parfois calcinés, jonchant les rues de plusieurs localités ukrainiennes, notamment Boutcha, Marioupol et Irpin.
Mme LINDA THOMAS GREENFIELD (États-Unis), a indiqué qu’elle venait de rentrer d’un voyage en Moldavie et en Roumanie où elle a vu de ses propres yeux la crise des réfugiés causée par « la guerre inadmissible de la Russie ». Les voisins de l’Ukraine portent le poids de la plus importante crise de réfugiés en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, a-t-elle soulignée. Elle a ensuite indiqué que les États-Unis sont prêts à fournir plus d’un milliard de dollars pour appuyer l’aide humanitaire aux personnes touchées par la guerre en Ukraine et à accueillir jusqu’à 100 000 Ukrainiens.
Revenant sur les images de corps sans vie gisant dans les rues de Boutcha, apparemment sommairement exécutés, les mains liées dans le dos, Mme Thomas-Greenfield a indiqué que son gouvernement est d’avis que des membres des forces russes ont commis des crimes de guerre en Ukraine. Elle a parlé d’informations faisant état d’enfants enlevés - ainsi que des maires, des médecins, des chefs religieux, des journalistes et d’autres qui osent défier l’agression de la Russie. Certains d’entre eux, selon des informations crédibles, auraient été emmenés dans des soi-disant « camps de filtration », où les forces russes auraient relocalisé des dizaines de milliers de civils ukrainiens en Russie. C’est effrayant, s’est indignée la représentante. Chaque jour, il devient plus clair à quel point la Russie ne respecte pas les droits humains, a poursuivi Mme Thomas-Greenfield, justifiant ainsi le fait que les États-Unis aient annoncé hier, en coordination avec l’Ukraine et de nombreux autres États Membres de l’ONU, vouloir demander la suspension de la Russie du Conseil des droits de l'homme.
Compte tenu de la montagne croissante de preuves, la Russie ne devrait pas occuper une position d’autorité dans cet organe, et dont elle se sert comme plateforme de propagande pour suggérer qu’elle a des préoccupations légitimes pour les droits humains, a justifié la représentante y voyant le comble de l’hypocrisie. S’attendant à entendre une partie de cette propagande ici aujourd’hui, la représentante a estimé que chaque nouveau mensonge du représentant russe est une preuve supplémentaire que la Russie n’a pas sa place au Conseil des droits de l’homme. Suspendre la Russie du Conseil des droits de l’homme est quelque chose que nous avons, collectivement, le pouvoir de faire à l’Assemblée générale, a-t-elle souligné. Alors franchissons ce pas pour aider les Ukrainiens à reconstruire leur vie et soyons à la hauteur du courage du Président Zelenskyy.
« Nous sommes aux côtés de tous les Ukrainiens », a déclaré M. FERIT HOXHA (Albanie). Le délégué a rappelé des faits essentiels de cette guerre entrée dans son second mois. La Russie marque le pas, ne s’est pas emparée de Kiev et a dû renoncer à ses rêves d’empire, même si elle continue de pilonner l’Ukraine. Il a souligné les souffrances indicibles en Ukraine, avant de dénoncer les actes insoutenables commis à Boutcha, « cimetière à ciel ouvert », témoin des atrocités russes. Qui va croire qu’il s’agit d’une mise en scène, qui va croire la Russie alors que nous avons tous vu les images?
Le délégué a demandé des enquêtes détaillées sur ces atrocités, soulignant que la Russie ne peut échapper à l’établissement des responsabilités. Il a relayé l’appel pour une suspension de la Russie du Conseil des droits de l’homme, tant sa présence est une « farce et une profanation de cet organe, sanctuaire du droit ». Il a estimé, qu’avec la concentration des forces russes dans l’est de l’Ukraine, le monde doit s’attendre à de nouvelles atrocités dans ce qui va devenir une guerre d’usure. Le délégué a relevé que l’armée russe a été tenue en échec par la résistance ukrainienne et que la Russie est devenue en quelques jours seulement le pays le plus isolé au monde, un véritable « paria », l’exhortant à quitter l’Ukraine.
Mme EDWIGE KOUMBY MISSAMBO (Gabon) a alerté que les répercussions de la catastrophe humanitaire effroyable de la guerre en Ukraine seront sans doute aggravées par les risques d’insécurité alimentaire due à l’imprévisibilité des récoltes avec des effets transrégionaux. Elle a dénoncé les attaques contre les infrastructures et les personnels humanitaires, soulignant que ces derniers doivent pouvoir acheminer l’aide humanitaire dans tous les lieux où elle est nécessaire. Des convois d’évacuation sécurisés doivent également pouvoir être édifiés pour permettre le bon déroulement des évacuations des personnes qui souhaitent quitter les zones de combat. La situation à Marioupol, pour ne citer que cette ville, devient proprement intenable, a-t-elle ajouté. La représentante a également appelé à commanditer une enquête libre et indépendante, sous la houlette des Nations Unies, pour faire toute la lumière sur les victimes et sur les circonstances des exactions commises à Boutcha.
Soulignant que le retour à la paix en Ukraine ne se fera pas par des échanges d’invectives, la déléguée a jugé urgent que les parties s’engagent résolument dans le temps de la négociation en vue d’un arrêt des hostilités. Elle a espéré que les négociations qui se poursuivent à Istanbul aboutiront à court terme à un cessez-le-feu, afin de créer le climat de confiance et de mettre en place l’accalmie nécessaire pour que « la diplomatie donne de la voix et que les armes se taisent ».
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a rappelé les efforts déployés « chaque jour » par son pays pour mettre en place des couloirs humanitaires, accusant la « partie ukrainienne » de ne pas se conformer à ses obligations. Il a affirmé que, depuis Marioupol à l’est, « sans aucune participation de la partie ukrainienne », la Russie aurait déjà réussi à sauver 123 686 personnes. Selon lui, plus de 602 000 civils ont déjà été évacués vers la Russie depuis le début de l’opération militaire spéciale, dont plus de 119 000 enfants. « Et nous ne parlons d’aucune forme de coercition ou d’enlèvement, comme nos partenaires occidentaux aiment à les dépeindre. Les nombreuses vidéos disponibles sur les réseaux sociaux témoignent qu’il s’agit d’une décision volontaire de la part de ces personnes », s’est-il justifié.
Reconnaissant les répercussions des événements en Ukraine sur la crise alimentaire mondiale, le délégué russe a considéré que ce n’est pas le principal facteur de cause d’une telle crise, évoquant notamment les mines ukrainiennes disséminées en mer Noire et le refus de Kiev de permettre l’ouverture de couloirs humanitaires pour les navires. Et comment ne pas tenir compte des sanctions bancaires et commerciales unilatérales imposées par les États-Unis et l’UE à l’encontre de la Russie, qui entraînent des problèmes de transactions, d’assurance, de logistiques, et de chaînes d’approvisionnement? a-t-il lancé. « Après tout, il ne serait pas exagéré de dire que si celles-ci étaient annulées ou atténuées, la crise alimentaire serait beaucoup moins prononcée.
S’adressant ensuite directement au Président de l’Ukraine, le représentant russe a indiqué que l’élection de ce dernier en 2019 a suscité de nombreux espoirs parmi la population russophone, « qui ne se sont hélas pas réalisés ». Maintenant, a-t-il déploré, vous appelez « avec mépris » les habitants des « républiques populaires » de Donetsk et de Lougansk des « mutants » et avez déjà pris les armes contre votre langue maternelle russe, en lançant une « inquisition linguistique » dans un pays où il s’agit de la langue natale d’au moins 40% de la population.
On nous dit qu’il ne peut y avoir de nazis en Ukraine, s’est étonné le représentant russe. « Cependant, nous savons parfaitement qu’ils y font la loi », a-t-il lancé. Et comment pourrait-il en être autrement, puisque les héros nationaux ukrainiens sont des « collaborateurs nazis » qui ont non seulement participé à l’Holocauste, mais sont aussi coupables des meurtres de centaines de milliers de Polonais, Russes et Ukrainiens pacifiques. « Vous avez simplement choisi de prétendre qu’ils n’existent pas », a accusé M. Nebenzia. Mais, malheureusement, ils sont nombreux et ne s’en cachent pas, a-t-il déploré, évoquant des jeunes arborant des tatouages nazis et des croix gammées sur leurs vêtements, se saluant comme des nazis, et en faisant étalage sur les réseaux sociaux. Il a également affirmé que les membres du bataillon Azov « tuent comme des nazis », en les accusant de faire preuve d’une « cruauté sans précédent » envers la population civile, dont ils se servent comme « boucliers humains ».
Comment en sommes-nous arrivés là, cher Volodymyr Oleksandrovytch, à une telle cruauté non slave, à un désir si aveugle de complaire aux patrons occidentaux de l’Ukraine pour qui le pays n’est qu’un pion dans un jeu géopolitique contre la Russie? « Nous ne sommes pas venus pour prendre des terres, a affirmé M. Nebenzia. Nous sommes venus apporter la paix tant attendue dans le Donbass qui saigne. Et pour cela, il faut éradiquer la cruauté dont j’ai parlé, découper cette tumeur cancéreuse nazie qui, dévorant l’Ukraine, finira par dévorer aussi la Russie », a-t-il martelé.
Et nous atteindrons cet objectif; il ne peut y avoir d’autre issue , a insisté le représentant qui a expliqué que comme la Russie épargne les civils afin de sauver le plus de vies possibles, elle n’avance pas aussi vite que beaucoup l’espéraient. « Nous n’agissons pas comme les Américains et leurs alliés en Iraq et en Syrie, qui ont effacé des villes entières de la surface de la terre », a encore accusé le représentant. À l’en croire, les radicaux « n’ont rien à perdre », comme l’a clairement démontré selon lui la provocation de Boutcha. « Ne laissez pas l’Occident réaliser ses plans, Vladimir Oleksandrovytch. Prenez les bonnes décisions pour votre pays, car l’Occident est prêt à se battre en Ukraine jusqu’au dernier Ukrainien. »
Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a constaté que les appels à mettre fin à cette guerre restent sans réponse 40 jours après le début de l’invasion russe de l’Ukraine. Au lieu de cela, nous sommes les témoins d’un niveau de destruction qui n’a plus été vu en Europe depuis de nombreuses années. Au cours des 48 dernières heures, a-t-elle poursuivi, nous avons vu des images choquantes de civils gisant morts dans les rues de Boutcha et entassés dans des charniers improvisés. « Les tentatives visant à nier la culpabilité russe sont épouvantables dans leur cynisme et insultent la mémoire de ces civils massacrés », a martelé la représentante, avant de condamner les atrocités qui auraient été commises par les forces armées russes dans nombre de villes ukrainiennes occupées. Pour Mme Byrne Nason, les autorités russes sont responsables de ces atrocités, perpétrées alors qu’elles contrôlaient la zone. Il ne peut y avoir d'impunité pour de tels crimes, « plus jamais », a-t-elle souligné, souhaitant que des enquêtes soient menées et que des preuves soient conservées afin que ces crimes soient poursuivis par les tribunaux nationaux et internationaux, y compris la Cour pénale internationale (CPI). Elle a également appelé la Fédération de Russie à se conformer à la décision la Cour internationale de Justice (CIJ) lui enjoignant de cesser immédiatement ses activités militaires en Ukraine.
La déléguée a par ailleurs fait état de nombreux cas de violences sexuelles attribuées à des soldats russes, avant de rappeler que de telles violences liées au conflit peuvent constituer un crime de guerre et exigent que leurs auteurs soient tenus pour responsables. « La violence sexuelle est un autre crime odieux de cette guerre et il ne peut rester sans réponse. » Elle a aussi réaffirmé la nécessité d'un accès complet, sûr et sans entrave de l’aide à ceux qui en ont besoin, se faisant l’écho des appels lancés à la Fédération de Russie pour qu'elle mette en œuvre un cessez-le-feu humanitaire immédiat. Enfin, après avoir noté les répercussions qu’a cette guerre dans le monde entier, elle a exhorté la partie russe à renoncer à ses tentatives illégales d'établir des autorités d'occupation et de déstabiliser les fondements démocratiques de l’Ukraine. « Il n’est pas trop tard pour mettre fin à cette guerre. »
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a appelé à une enquête indépendante et approfondie sur les violations des droits humains commises au cours du conflit en Ukraine, demandant que leurs auteurs soient tenus pour responsables. Il a plaidé en faveur d’une cessation immédiate des hostilités en Ukraine. Ce n’est qu’après le silence des canons et le retrait des troupes qu’il sera possible d’évaluer les coûts immenses des souffrances humaines que ce conflit a entraînées, a—t-il argué. Le représentant a estimé que le Conseil de sécurité échoue dans son rôle qui consiste à aider à parvenir à un dialogue constructif entre les parties, dans le but de négocier un règlement de paix efficace à ce conflit. Le respect du droit international humanitaire, la protection des civils et les appels à la paix sont des objectifs qui devraient nous unir au lieu de nous diviser, a-t-il déploré. Il a appelé à créer les conditions pour, d’une part, renforcer les négociations politiques et, d’autre part, parvenir à se mettre d’accord sur des mesures pratiques pour minimiser la souffrance en Ukraine. Il a demandé aux parties de laisser passer de manière sûre les envois de secours et de ne point politiser l’action humanitaire ni de faire une application sélective du droit international humanitaire.
Le représentant a fait observer que les sanctions prises dans le cadre de ce conflit ont des retombées dans le monde entier, notamment la hausse des prix du pétrole, du gaz, des céréales et des engrais. Plus ce conflit dure, plus le risque d’instabilité, de faim et de dévastation en Ukraine et dans le monde augmentera, a-t-il averti. Enfin, il a affirmé que la désescalade et les négociations sont le seul moyen de sortir de ce conflit, non seulement pour les pays directement impliqués, mais aussi pour le monde entier.
Pour M. MARTIN KIMANI (Kenya), le fait que la vérité à Boutcha soit contestée, alors même que le monde contemple des civils assassinés les mains liées dans le dos, est un signe sûr que l’on se trouve « au bord du précipice ». Il a fait le parallèle avec le génocide au Rwanda en avril 1994, où là aussi certains membres du Conseil contestaient l’horrible vérité d’un million de personnes assassinées. Il a donc mis en garde contre l’incapacité du Conseil à établir les faits et à attribuer les responsabilités, ce qui peut conduire à une escalade vers des crimes bien pires. Au-delà de la ville de Boutcha, il s’est dit extrêmement préoccupé pour la sécurité des civils piégés dans d’autres villes et villages assiégés comme Marioupol et Kherson. Il est incontestable que ce qui a commencé comme une opération militaire spéciale est maintenant « une guerre », a-t-il tranché, et que ce qui a commencé par des assurances d’objectifs limités ne visant pas les civils a fait des milliers de morts parmi eux et des millions de réfugiés. Personne ne peut douter qu’il y ait des violations flagrantes du droit international, du droit international humanitaire et de la Charte des Nations Unies en ce moment en Ukraine, a martelé M. Kimani en condamnant ces actes injustifiables.
Reconnaissant qu’il n’existe pas de solutions faciles, le représentant a demandé certaines mesures urgentes comme une enquête impartiale et rapide des Nations Unies sur les atrocités commises contre les civils à Boutcha et dans d’autres villes d’Ukraine. Il a exhorté les parties en conflit à faire comprendre immédiatement à leurs officiers militaires qu’ils seront tenus pour responsables de toute violation du droit international et des lois qui régissent la guerre. Tout en félicitant les pays voisins de l’Ukraine pour l’accueil réservé aux réfugiés ukrainiens, il leur a demandé de veiller aussi à ce que le droit international humanitaire s’applique aux milliers d’Africains affectés par cette crise. M. Kimani a également plaidé pour des couloirs humanitaires et un accès humanitaire sans entraves, en particulier à Marioupol, Kherson et d’autres villes assiégées. Il a conclu en exhortant le Conseil de sécurité à rassurer le monde sur sa pertinence en abordant les autres conflits inscrits à son ordre du jour avec une vigueur renouvelée. Les crises en Afghanistan, en Haïti, dans la Corne de l’Afrique, au Liban, en Libye, au Myanmar, en Palestine/Israël, en Syrie, au Yémen et au Sahel méritent notre une attention urgente, a rappelé M. Kimani.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a dit son « horreur » devant les images partagées par le Président ukrainien, avant d’évoquer le tableau « Guernica ». « Depuis six semaines, le monde est le témoin des horreurs perpétrées en Ukraine. » Il a rappelé que la Cour internationale de Justice (CJI) a demandé la suspension immédiate des activités militaires en Ukraine, avant de déplorer que les hostilités se poursuivent. Les images en provenance de Boutcha et d’autres villes ukrainiennes ont ému le monde, a dit le délégué, en condamnant ces atrocités injustifiables.
Il a estimé que ces graves violations du droit pourraient constituer des crimes de guerre et demandé des enquêtes impartiales permettant un établissement des responsabilités. Le délégué a ensuite déclaré que des régions dans le monde, déjà fragiles, vont être confrontées à une insécurité alimentaire accrue en raison de la situation en Ukraine. Il a demandé une cessation des hostilités et appuyé les efforts pour une pause humanitaire, avant de saluer la solidarité des pays voisins envers l’Ukraine. En conclusion, le délégué du Mexique a exhorté le Conseil à assumer ses responsabilités et à mettre un terme à cette guerre.
M. T.S. TIRUMURTI (Inde) a condamné les meurtres de civils à Boutcha et appelé à une enquête indépendante. Il a également soutenu les appels demandant des garanties de passage sûr pour livrer des fournitures humanitaires et médicales essentielles, précisant que l’Inde se tient prête à envoyer des fournitures médicales supplémentaires en Ukraine dans les prochains jours. Préoccupé par l’aggravation de la situation sur le terrain, le représentant a appelé à la cessation immédiate de la violence et à privilégier la voie de la diplomatie et du dialogue. Relevant que les effets de la crise se font ressentir dans de nombreux pays en développement en raison de l’augmentation du prix de l’alimentation et de l’énergie, il a souligné qu’il est dans l’intérêt collectif de travailler de manière constructive pour trouver un règlement rapide du conflit.
M. JUN ZHANG (Chine) a estimé que la communauté internationale devrait créer un environnement propice à la recherche d’un règlement pacifique de la crise ukrainienne, demandant aux parties de respecter le droit international humanitaire. Il a appelé à ne pas instrumentaliser ni politiser les questions humanitaires, surtout vu l’ampleur des besoins. Pour sa part, la Chine a fourni et continuera de fournir une aide humanitaire aux populations civiles, a assuré le délégué. Il s’est ensuite dit préoccupé par les images prises à Boutcha, recommandant de mener des enquêtes pour déterminer les responsabilités de ces actes. Abordant les sanctions, il a été d’avis que ce ne sont pas le moyen adéquat de régler un conflit comme celui qui sévit en Ukraine. Dans un monde interdépendant comme le nôtre, cela revient à sanctionner les pays qui ne sont pas parties au conflit, en particulier ceux en développement, a-t-il fait remarquer.
Le représentant a ensuite observé que, plus de 30 ans après la fin de la guerre froide, cette « tragédie géopolitique » exige une réflexion profonde, qui doit remettre au premier plan la nécessité de respecter la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale des États. S’agissant de l’Ukraine, nous ne sommes « pas mus par des intérêts économiques étriqués » et n’avons pas non plus l’intention « de rester les bras croisés sur le banc de touche », a précisé le délégué, qui a réitéré la volonté de la Chine de contribuer à rapprocher les parties.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a estimé qu’avec les images de charniers et d’exactions de masse contre des civils à Boutcha, Borodianka et Motyiyn, « la guerre d’agression que la Russie livre contre l’Ukraine a franchi un nouveau cap dans l’horreur ». Condamnant ces faits avec la plus grande fermeté, elle a relevé que de telles exactions pourraient être constitutives de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Après avoir dénoncé les manœuvres de désinformation utilisées par la Russie pour dissimuler ses crimes, la représentante a jugé que Moscou « ajoute à l’indignité du meurtre de civils et du massacre d’enfants celle du mensonge et du négationnisme ». Face à ces crimes odieux, elle a appelé à maintenir la pression la plus forte possible pour contraindre les autorités russes à mettre fin à une guerre qui ébranle la sécurité mondiale, notamment la sécurité alimentaire. Elle a également appelé à faire en sorte que les crimes commis en Ukraine ne restent pas impunis. Des enquêtes crédibles et indépendantes doivent être menées afin de permettre aux juridictions nationales et internationales compétentes de juger les responsables, a-t-elle plaidé avant d’appeler la Fédération de Russie et l’Ukraine à coopérer pleinement avec la CPI et la commission d’enquête établie par le Conseil des droits de l’Homme.
La déléguée a ensuite exhorté les parties à respecter le droit international humanitaire. Appelant à la protection des personnes et des infrastructures civiles, elle a salué la mobilisation des pays frontaliers de l’Ukraine pour l’accueil des réfugiés. Elle a rappelé que l’Union européenne a levé plus de 500 millions d’euros de soutien d’urgence à l’Ukraine et que le Conseil européen vient d’annoncer la mise en place d’un fonds fiduciaire de solidarité avec ce pays. La France prend également sa part avec 100 millions d’euros d’aide humanitaire, tout en soutenant les efforts déployés par l’ONU pour obtenir un cessez-le-feu humanitaire et permettre l’évacuation des civils des villes assiégées. Pour Mme Broadhurst, tout doit être fait pour obtenir la cessation des hostilités, qui serait une première étape vers un règlement durable du conflit et un signal nécessaire de la crédibilité de l’engagement russe dans la négociation. Pour conclure, elle a réaffirmé la solidarité de la France avec l’Ukraine et a appelé le peuple russe, autre victime de cette guerre, à continuer de trouver les moyens d’exprimer son opposition, en dépit de la répression. « C’est nécessaire pour rompre avec la logique de haine dans laquelle Vladimir Putin veut enfermer les Ukrainiens et les Russes », a-t-elle soutenu.
Mme MONA JUUL (Norvège) a exprimé son soutien non seulement au Président ukrainien mais également au Secrétaire général de l’ONU afin qu’il fasse pleinement usage de ses bons offices dans la recherche d’une solution pacifique. Elle a dit être profondément choquée par les atrocités commises contre des civils dans des lieux qui ont été tenus par le forces russes, y compris à Boutcha. Elle a parlé d’images affligeantes de cadavres sur la route et de charniers, ainsi que de maisons, d’écoles, d’hôpitaux et autres infrastructures civiles qui ont été détruites et auraient été minées. La représentante a accusé la Fédération de Russie de chercher désespérément à cacher la vérité sur la guerre. Les atrocités doivent faire l’objet d’enquêtes et les responsables doivent être traduits en justice, a-t-elle exigé. À cet égard, elle a salué la mise en place par le Conseil des droits de l’homme d’une commission d’enquête sur l’Ukraine afin d’enquêter sur toutes les violations alléguées du droit international humanitaire et des droits humains. Mme Juul s’est également félicitée de l’ouverture d’une enquête sur la situation en Ukraine par la Cour pénale internationale (CPI). La guerre de la Fédération de Russie se fait également sentir dans le monde entier, a enfin relevé la déléguée en notant que le confit a exacerbé d’autres crises humanitaires, ayant de graves effets négatifs sur le secteur agricole, avec une augmentation mondiale de l’insécurité alimentaire et une augmentation des prix des carburant et des engrais.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) s’est dit gravement préoccupé par les informations faisant état de violations flagrantes du droit international humanitaire et du droit pénal international depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, y compris les rapports émergents et les images de meurtres de civils à Tchernihiv, Kharkiv et dans les zones périphériques de Kiev comme Boutcha. Il a appuyé l’appel du Secrétaire général pour que soit menée une enquête indépendante, impartiale et approfondie afin d’établir les faits et les responsabilités de tous les auteurs de ces crimes atroces. Tuer des enfants, des personnes âgées, du personnel médical, des travailleurs humanitaires et des journalistes est simplement déplorable, a-t-il déclaré en condamnant sans réserve tous ces actes.
Le représentant a exhorté toutes les parties à la retenue et a souligné à nouveau l’urgence d’une cessation inconditionnelle des hostilités dans tout le pays, pour permettre notamment l’évacuation et le passage en toute sécurité des civils et faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire vitale dans les villes assiégées. M. Ageyman a insisté sur l’impératif d’un accès humanitaire sans entrave. Disant avoir suivi de près les négociations directes entre les parties en conflit, il a noté les progrès accomplis lors de la quatrième série de consultations qui a eu lieu à Istanbul le 29 mars. Il a appelé à la modération et au respect des engagements pris pour régler les problèmes de sécurité des parties. Il a exhorté le Conseil de sécurité à se concentrer sur les mesures de confiance pouvant faciliter un règlement négocié du conflit immédiat et de la question plus large de la sécurité de l’Europe, sur la base du droit international et d’autres accords-cadres internationaux.
Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a jugé très inquiétantes les interventions entendues aujourd’hui. Les images en provenance de Boutcha et d’autres villes ukrainiennes sont choquantes, a-t-elle dit, en demandant l’ouverture d’enquêtes indépendantes. « Il ne faut pas tomber dans une guerre des récits. » Elle a demandé une cessation des hostilités et espéré que les récents pourparlers se traduisent par une désescalade sur le terrain. La déléguée a exhorté les parties à respecter le droit international humanitaire, notamment en ce qui concerne la protection des civils, qui doit être la priorité absolue. Elle a souligné l’importance d’accords locaux pour l’acheminement de l’aide humanitaire et l’évacuation des blessés. Elle a appelé à la préservation des édifices culturels, qui sont au fondement d’une mémoire commune. La déléguée a enfin averti que des régions dans le monde qui sont déjà fragiles pourraient être en proie à une grave crise alimentaire en raison de l’augmentation du prix des denrées.
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a rappelé à tous ceux qui ont signé la Charte des Nations Unies qu’ils se sont engagés à mettre fin au fléau de la guerre et à lutter pour le respect des droits humains fondamentaux, de la dignité et de la valeur de la personne humaine, de l’égalité des droits des nations - grandes et petites-, de la justice et du droit international. Pourtant, a constaté la représentante, nous sommes à l’heure actuelle confrontés à une nouvelle guerre d’agression en Europe. « Nous avons de nouveau entendu aujourd’hui l’impact dévastateur de l’action militaire unilatérale et illégale de la Russie sur l’Ukraine, sur les pays voisins et sur toute la région, ainsi que sur la sécurité et la prospérité du monde entier alors qu’il cherche à se remettre de la pandémie de Covid-19. »
Maintenant, alors que la Russie est forcée de se retirer des régions autour de Kiev, la brutalité de l’invasion est mise à nu, a constaté la représentante en se référant aux images horribles provenant des villes de Boutcha et d’Irpin et montrant de civils délibérément tués dans des zones d’où les forces russes se sont récemment retirées. Ces actes, et tous les autres incidents crédibles, doivent faire l’objet d’une enquête en tant que crimes de guerre, a appelé de ses vœux Mme Woodward qui a affirmé soutenir le travail de la Cour pénale internationale (CPI) ainsi que le travail du Procureur général de l’Ukraine et d’autres procureurs nationaux. Joignant sa voix aux autres délégations, la représentante a déclaré que tout ceci peut être arrêté si la Fédération de Russie met fin à cette guerre, maintenant.
M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a repris la parole pour, tout d’abord, regretter une nouvelle fois que la réunion d’urgence que réclamait son pays n’ait pu être organisée, ce qui montre, selon lui, les limites de l’ordre international fondé sur des règles. Revenant sur les événements de Boutcha, qui justifient la tenue de la présente réunion, il a rappelé que les forces russes ont quitté cette ville le 30 mars, au lendemain des négociations à Istanbul entre les parties russe et ukrainienne. Le même jour, a-t-il relevé, le Ministère russe de la défense confirmait ce retrait sur son site Web. Affirmant que cette opération n’a fait aucune victime civile, il a assuré que les habitants de Boutcha pouvaient se déplacer librement et avaient accès aux communications téléphoniques. De même, a-t-il ajouté, personne n’a été empêchée de quitter la ville et tous ceux qui le souhaitaient pouvaient partir vers le nord, la périphérie sud faisant l’objet, selon lui, de tirs d’artillerie des forces ukrainiennes.
Après le départ des militaires russes, a poursuivi le représentant, le maire de Boutcha a diffusé, le 31 mars, une vidéo dans laquelle il présentait ce retrait comme une « libération héroïque » de sa ville, sans toutefois évoquer la présence de cadavres de civils tués. M. Nebenzia a également indiqué qu’une responsable du conseil municipal de Boutcha avait averti de l’entrée dans la ville de forces de sécurité ukrainienne « en vue de procéder à un nettoyage ». Selon le délégué, les témoignages sur les « soi-disant crimes russes » n’ont fait leur apparition que le 3 avril, sans que la moindre preuve soit apportée. Sur la base de la présomption de culpabilité, on essaie donc de faire porter par la Russie la responsabilité de ces crimes, s’est-il indigné, dénonçant des « incohérences flagrantes ». Si les cadavres de ces personnes étaient restés plusieurs jours dans la rue, ils seraient en décomposition, a-t-il fait valoir, affirmant s’appuyer sur les conclusions de spécialistes médicolégaux. « Or, cela n’attire l’attention de personne ». Dans une interview, la responsable du conseil municipal de Boutcha a reconnu que les forces russes n’avaient pas tiré sur la population civile, a-t-il encore déclaré, maintenant que ces crimes sont le fait des forces ukrainiennes.
Ce n’est pas ce que l’on entend de la part des responsables occidentaux, a constaté le représentant. « Le Président Zelenskyy a même dit que ces images donnent le droit aux Ukrainiens d’avoir une réponse non civilisée », a-t-il regretté, avant d’annoncer que les « spécialistes ukrainiens de la mise en scène » n’en resteront pas là. D’après lui, les forces militaires ukrainiennes ont réalisé, le 4 avril, dans une localité située à 23 kilomètres de Kiev, un tournage mettant en scène des populations civiles tuées par l’armée russe, des images destinées, selon lui, à être diffusées dans les médias internationaux. Se disant convaincu que cette « carte ukrainienne » est jouée pour « semer l’hystérie générale » et « attiser la campagne antirusse », il a déclaré s’attendre à « d’autres provocations, « tout aussi mesquines et lâches ». Les technologies les plus sophistiquées permettent de fabriquer de telles informations, a noté le délégué. Il a ajouté que la vidéo montrée aujourd’hui au Conseil a déjà été diffusée sur Internet que des personnes y ont réagi en affirmant que certaines images n’avaient pas été tournées dans les villes indiquées. Après avoir rappelé que le Président Zelenskyy avait condamné les agissements des États-Unis en Afghanistan, il a formé l’espoir, en conclusion, que les autres membres du Conseil ne se laisseront pas manipuler et ne joueront pas le jeu de Washington dans cette « mascarade ».
M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a dit que « nous avons pris l’habitude des mensonges propagés constamment dans cette salle du Conseil de sécurité ». Il a demandé au « camarade Nebenzia » (le représentant russe), qui a cité un entretien publié sur le site Meduza, pourquoi il n’avait pas cité cet entretien dans son intégralité. Il a, pour sa part, cité en entier les propos d’une femme rapportés par cet entretien disant que si les soldats russes pouvaient distribuer de la nourriture aux civils ukrainiens, ils tiraient ensuite des grenades à leur encontre. Est-ce là la supposée aide humanitaire des soldats russes, a-t-il lancé.
Il s’est ensuite demandé comment les Russes en étaient arrivés à faire preuve de la même cruauté que les Nazis. La Fédération de Russie est devenue « une cellule cancéreuse comparable à la tumeur nazie qui se propage vers ses voisins », a-t-il affirmé. Le représentant a décrié les mensonges cyniques de la partie russe, en lui rappelant qu’elle tue des civils. Il a rappelé que, lors de sa conférence de presse d’hier, le représentant russe avait déclaré que, comme dans toute guerre, il y a des civils qui meurent, tués par l’armée russe. Il a souligné, à cet égard, que les soldats russes visent des civils comme l’hôpital pour enfant touché hier par un missile russe.
Le représentant ukrainien a ensuite souligné la résistance de l’armée et de la population ukrainiennes. Il a aussi salué le soutien apporté par la communauté internationale, assurant que l’Ukraine vaincra. Le délégué a également relevé que, lors de sa conférence de presse d’hier, le représentant russe avait reconnu que la Russie mène une guerre en Ukraine, « pas une opération militaire spéciale ». Une « guerre », a-t-il insisté en se demandant si cela aurait une incidence sur l’évaluation par les Nations Unies de ce qui se passe actuellement au cœur de l’Europe.
M. BJÖRN OLOF SKOOG de l’Union européenne a exigé de la Russie qu’elle mette immédiatement fin à son agression militaire, qu’elle retire immédiatement et sans condition toutes ses forces de l’ensemble du territoire ukrainien et qu’elle respecte pleinement l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, comme le demande la résolution A/ES-11/1 de l’Assemblée générale des Nations Unies. Il a dit soutenir pleinement l’enquête lancée par le Procureur de la CPI sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis par la Fédération de Russie, ainsi que les travaux de la commission d’enquête indépendante, en précisant que l’UE aide le Procureur général ukrainien et la société civile à recueillir et à préserver les preuves des crimes de guerre.
Par ailleurs, l’UE et ses États membres accueillent plus de quatre millions de réfugiés ukrainiens, « sans distinction de nationalité, d’ethnie, de religion ou de race », a fait valoir le représentant. Il a précisé que, à ce jour, l’UE a mobilisé plus de 1,1 milliard d’euros d’aide d’urgence en faveur de l’Ukraine, une somme qui vient s’ajouter aux 2,4 milliards d’euros d’aide humanitaire, d’urgence et de relèvement rapide versés par l’UE et ses États membres à l’Ukraine depuis 2014. Dans le cadre de la plus grande opération jamais menée au titre du mécanisme de protection civile de l’UE, 29 pays -tous les États membres de l’UE ainsi que la Norvège et la Turquie- ont répondu à la demande d’assistance de l’Ukraine. Au 4 avril, a encore indiqué M. Skoog, plus de 13 000 tonnes de médicaments, de matériel hospitalier, d’ambulances et d’équipements de lutte contre les incendies, d’aide alimentaire et de fournitures énergétiques sont arrivées en Ukraine.
Les conséquences dramatiques de la guerre de la Russie contre l’Ukraine ne se limitent pas à l’Europe, « elles sont mondiales », s’est alarmé M. Skoog. Les agriculteurs ukrainiens sont empêchés de semer en raison des bombardements russes et les navires remplis de blé sont bloqués dans les ports de la mer Noire par les forces militaires russes, a-t-il regretté. En conséquence, les prix des denrées alimentaires se sont envolés, précipitant les populations dans la pauvreté et menaçant de déstabiliser des régions entières, les pays les plus pauvres étant les plus vulnérables aux chocs de la flambée des prix des denrées alimentaires. Tout ceci est le résultat direct de la guerre, malgré les tentatives cyniques de la Russie de rejeter la faute sur les autres, a-t-il affirmé. « Le Président Putin doit arrêter cette guerre immédiatement et sans condition », a exhorté en conclusion le délégué de l’Union européenne.