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Conseil de sécurité: le Président du Comité 1591 sur le Soudan annonce le réexamen fin août de la résolution 2620 pour adopter des « mesures justes »

9070e séance, après-midi
CS/14941

Conseil de sécurité: le Président du Comité 1591 sur le Soudan annonce le réexamen fin août de la résolution 2620 pour adopter des « mesures justes »

Le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1591 (2005) concernant le Soudan a annoncé, cet après-midi, le réexamen fin août de la résolution 2620 (2022) avec pour objectif d’envisager des mesures justes et pertinentes en fonction de l’évolution de la situation sur le terrain.  De son côté, la délégation soudanaise a plaidé pour la levée des sanctions afin « d’aider le Soudan à avancer ». 

Il ne s’agit pas de punir le Soudan mais d’appuyer la réalisation d’une paix pérenne conformément à la résolution 2620 (2022), avec pour objectif d’envisager des mesures justes et pertinentes pour riposter correctement à la situation au Darfour, a expliqué M. Harold Adlai Agyeman (Ghana), dans son exposé trimestriel au Conseil de sécurité.  Le Président du Comité faisait le point sur le travail de celui-ci depuis le 29 mars.

Alors que le Comité a reçu le premier rapport trimestriel du Groupe d’experts et entendu son exposé sur son programme de travail pour la période 2022/2023, le coordonnateur lui a envoyé une vision d’ensemble de son travail d’enquêtes conformément à la résolution 2620.  Dans son rapport, le Groupe d’experts a évoqué la mise en œuvre de l’accord de paix, les dynamiques régionales, le statut des groupes armés dans la région ainsi que les violences intercommunautaires et les signalements de violation des droits de la personne et du droit international humanitaire.  M. Agyeman a attiré l’attention sur les différentes conclusions du rapport, notamment sur la poursuite de la mise en œuvre de l’accord de paix avec la formation d’environ 2 000 recrues pour les forces unifiées nécessaires.

De plus, le Groupe d’experts a fait connaître les derniers éléments concernant la situation sécuritaire au Darfour, notamment les faits de violence intercommunautaires et la situation dans l’ouest du Darfour, théâtre d’échauffourées en mars et en avril.  Pour ce qui est du contexte régional, selon le Groupe d’experts, il est assez favorable au processus de paix au Darfour et tous les États voisins continuent d’appuyer la mise en œuvre de l’Accord de paix de Djouba. 

M. Agyeman a conclu son exposé en faisant part de la détermination du Comité de travailler avec le Soudan et tous les acteurs concernés.  Cela n’a pas empêché la délégation du Soudan de critiquer les sanctions qui ne sont pas, à ses yeux, en cohérence avec la situation sur le terrain au Darfour.  Selon le Soudan en effet, les affrontements communautaires n’enlèvent rien au fait qu’il existe une stabilité nouvelle.  Il convient d’en tenir compte, a plaidé le délégué en faisant valoir que la réalité a changé depuis 2005, date à laquelle le régime de sanctions a été mis en place.  « Aujourd’hui, cela n’est plus une source de préoccupation. » Il s’agit plutôt d’une situation à inclure, selon lui, dans la gestion des conflits et la consolidation et pérennisation de la paix.

La fin du mandat de la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUAD) est bien la preuve qu’il n’y a plus besoin d’une mission de protection des civils après la « révolution glorieuse » de 2018, a argué le représentant en se plaignant des conséquences négatives sur la sécurité nationale de l'embargo sur les armes.

Une position appuyée par la déléguée de la Fédération de Russie, pour qui les sanctions du Conseil de sécurité ont perdu de leur utilité et ne contribuent plus au processus politique.  De plus, elles nuisent aux efforts entrepris par la région et le Gouvernement du Soudan, a relevé la déléguée.  Ce n’est pas un hasard, selon elle, si le Gouvernement soudanais a appelé à plusieurs reprises, mais en vain, à la levée de l’embargo sur les armes.  Elle y a vu surtout une pression politique et a dénoncé les conséquences malheureuses sur les Soudanais ordinaires.  Pour finir, la déléguée a espéré que lors du processus de réexamen des mesures contre le Soudan, le 31 août prochain, le Conseil de sécurité arrivera à réaliser son objectif grâce à un dialogue constructif.

Abondant dans le même sens, le représentant la Chine a rappelé que la résolution 2620 appelle justement à la création d’indicateurs clairs et réalistes pour ajuster le régime de sanctions.  Pour lui, après le retrait de la MINUAD, c’est désormais au Gouvernement du Soudan qu’il revient de garantir la protection des civils.

La délégation du Gabon a voulu reconnaître, en dépit des affrontements communautaires, une paix réelle et manifeste dans la plus grande partie du pays, où il n’y a plus d’affrontements entre les Forces armées soudanaises et les groupes armés qui sont hors du processus de paix.  Le régime de sanctions ne « peut pas et ne dois pas se transformer en un remède plus nocif que le mal lui-même », a-t-il plaidé en pressant le Conseil d’examiner et d’ajuster les mesures applicables en fonction de l’évolution de la situation sur le terrain.

De son côté, tout appuyant pleinement le processus de paix mené par les Soudanais pour résoudre la crise récente ainsi que la facilitation de ce processus par la MINUAD sous la houlette de l’Union africaine (UA)) et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), la déléguée des États-Unis a estimé que la situation au Darfour reste « volatile et dangereuse ».  Elle met en péril, selon elle, le processus de paix. 

Elle a donc appelé à mener rapidement des enquêtes pour traduire en justice les responsables de ces violences qui auraient causé le déplacement de 125 000 personnes.  Elle a aussi plaidé pour la protection des civils et la réforme inclusive du secteur de la sécurité, avec en outre la création de mécanismes robustes de transmission de l’information et de suivi.  Estimant que les forces soudanaises sont responsables au premier chef de la sécurité des civils, elle s’est désolée des grands retards dans la mise en œuvre de l’Accord de Djouba.  Pour finir, elle a appelé les autorités soudanaises et les mouvements armés signataires à redoubler d’efforts et s’engager dans un processus de démobilisation. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité examine la situation en Ukraine et les liens entre les discours de haine, l’incitation à la violence et la guerre

9069e séance - matin
CS/14939

Le Conseil de sécurité examine la situation en Ukraine et les liens entre les discours de haine, l’incitation à la violence et la guerre

À la demande de l’Albanie, Présidente pour le mois de juin, le Conseil de sécurité a examiné ce matin la situation en Ukraine sous l’angle de « l’incitation à la violence conduisant à des atrocités ».  Ce débat a été marqué par les interventions de Mme Alice Nderitu, Conseillère spéciale du Secrétaire général pour la prévention du génocide, Mme Liubov Tsybulska, représentante de la société civile ukrainienne, et M. Jared Cohen, fondateur de Jigsaw (ex Google Ideas) et chercheur au Council on Foreign Relations.  Il s’est déroulé le lendemain d’une réunion informelle de haut niveau de l’Assemblée générale organisée à l’occasion de la première Journée internationale de la lutte contre les discours de haine célébrée le 18 juin. 

À l’instar de plusieurs intervenants, la Conseillère spéciale a cité la décision importante rendue le 16 mars 2022 par la Cour internationale de Justice (CIJ) qui ordonne à la Fédération de Russie de suspendre immédiatement ses opérations militaires en Ukraine.  Dans la requête qu’elle a déposée contre la Russie, l’Ukraine a soutenu que la Russie a faussement revendiqué des actes de génocide contre la population des oblasts de Louhansk et de Donetsk, dans le Donbass, pour justifier son agression.  C’est une accusation « absurde » que la CIJ n’a pas étayée et qu’elle a rejetée, a renchéri l’Albanie, même si à ce jour la Russie ne respecte pas cette décision. 

Pour Mme Tsybulska, qui dirige un centre de communication stratégique, la Russie est « un État totalitaire dont le régime donne à ses citoyens, par médias interposés, la permission de tuer, torturer et violer ».  Pour les inciter à agir de la sorte, la Russie affirme depuis des années qu’elle protège les populations russophones des « nazis » ukrainiens, a-t-elle déploré.  Cette menace concerne selon elle l’ensemble du monde occidental, décrit par les médias russes comme l’ennemi en raison de « l’érosion de ses valeurs morales » et des « intentions agressives » de l’OTAN. 

À son tour, M. Cohen a expliqué que le recours à la désinformation et la propagande incessante de la Russie auprès de ses citoyens selon laquelle les Ukrainiens sont des « nazis », ont probablement servi à déshumaniser les Ukrainiens aux yeux des soldats russes, ce qui a conduit aux nombreux crimes de guerre dont ils sont accusés.  De nouveaux types d’attaques ont vu le jour comme des dénis de service, des logiciels malveillants, des virus, le harcèlement en ligne, l’empoisonnement de serveurs de noms de domaine ou le piratage.  Chacune de ces attaques, bien que relativement nouvelles dans l’histoire du Conseil de sécurité, font désormais partie de la stratégie de la guerre avec des implications qui vont bien au-delà du conflit actuel en Ukraine, a mis en garde M. Cohen. 

À plusieurs égards, la guerre en Ukraine se présente comme un « laboratoire d’expérimentation » de pratiques nouvelles dans la manière dont la communauté internationale appréhende et se saisit des conflits armés, a analysé le Gabon.  « Nous devons être en mesure de relever les défis que posent aujourd’hui les nouvelles technologies », a acquiescé la France, en condamnant la campagne de banalisation des discours de haine et d’incitation à la violence qui accompagne la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine.  Les États-Unis ont dénoncé les efforts de Moscou pour déformer l’histoire à ses propres fins politiques en notant que l’Assemblée générale a rejeté son faux récit sur l’Ukraine et d’autres pays voisins que la Russie traite de néofascistes et de néonazis.  D’après le délégué américain, le Conseil doit respecter la Charte des Nations Unies et « répondre aux mensonges par la vérité ». 

Outré par une déclaration du Président Putin selon laquelle le Gouvernement ukrainien serait « composé de drogués et de néonazis », le Royaume-Uni a rappelé que l’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques interdit expressément toute propagande en faveur de la guerre et « tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence ».  Pour contrer les messages de haine, nous n’avons pas de meilleurs alliés que des journalistes et une presse libres, a fait valoir la Norvège.

La Lituanie, au nom des pays baltes, a fustigé les discours « toxiques et radicaux » tenus au plus haut niveau de l’État russe et le mimétisme qui consiste à accuser les victimes des crimes qui sont commis contre elles.  « L’agression de l’Ukraine ne sera qu’une étape si la communauté internationale ne réagit pas fermement », a prévenu le représentant balte en évoquant la volonté russe de se réapproprier les anciens territoires soviétiques.  

Après avoir lancé à son homologue russe qu’il occupait le siège de l’Union soviétique, le représentant de l’Ukraine a fustigé le mimétisme agressif de la Russie, « technique utilisée par les criminels » et dont les conséquences seront documentées, a-t-il prédit, par un futur tribunal chargé de juger les crimes de guerre russes.  Le représentant a expliqué que le désir obsessionnel des autorités russes de détruire n’est pas apparu du jour au lendemain.  Depuis les années 90, les responsables politiques et les médias russes n’ont cessé de renforcer une rhétorique belliqueuse et un discours de haine mêlés à des sentiments impérialistes.  Hélas, a-t-il regretté, le monde entier n’a pas vu cette tendance périlleuse qui a encouragé la Russie à diffuser sa propagande agressive. 

En écho à ces interventions, le représentant russe a présenté un inventaire de rhétoriques haineuses antirusses de la part de hauts représentants ukrainiens et stigmatisé les pays occidentaux qui « inondent » l’Ukraine d’armes pour cibler le Donbass et sa population.  « La vraie incitation à la haine est le fait de ces pays qui se livrent à une russophobie frénétique », a-t-il réagi avant de prévenir que cela ne fera que retarder l’agonie du régime de Kiev, « condamné » depuis 2014 lorsqu’il s’est lancé dans une guerre contre son propre peuple.  Il a assuré que l’opération militaire spéciale ne prendra fin que lorsque ses objectifs seront remplis, avec la libération de millions d’Ukrainiens.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE

Déclarations

Mme ALICE NDERITU, Conseillère spéciale du Secrétaire général pour la prévention du génocide, a rappelé que la Convention sur le génocide adoptée le 9 décembre 1948 est née des cendres de l’Holocauste avant de préciser que son mandat consiste à prévenir les discours de haine qui entraînent les crimes atroces.  Elle a souligné la décision importante rendue le 16 mars 2022 par la Cour internationale de Justice (CIJ) sur la guerre en Ukraine, qui ordonne notamment à la Russie de suspendre les opérations militaires commencées le 24 février 2022 et dont le prétexte déclaré serait de prévenir et de réprimer un prétendu « génocide » dans les régions de Louhansk et de Donetsk en Ukraine.  

Mme Nderitu a souligné que les États parties doivent s’acquitter de leurs obligations et prévenir les crimes de génocide conformément au droit international.  Elle a précisé qu’elle a appelé les dirigeants religieux à user de leur influence pour diffuser les tensions plutôt que les attiser.  Le Conseil des droits de l’homme, qui a clos les travaux de sa quarante-neuvième session le 1er avril dernier, a créé une commission d’enquête sur les allégations de violations des droits de l’homme dans le contexte de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, a-t-elle noté.

Face aux graves allégations laissant entendre qu’un crime de génocide ou des crimes de guerre ont été perpétrés en Ukraine, Mme Nderitu a rappelé que son Bureau ne peut mener des enquêtes ou déterminer la pertinence des accusations.  « Mon rôle principal est de prévenir et non de rendre la justice », a indiqué la Conseillère spéciale du Secrétaire général.  « La prévention porte sur l’avenir mais aussi sur le passé », a-t-elle déclaré.  La guerre est un problème créé par les êtres humains et que les êtres humains doivent pouvoir régler.  Elle a exhorté les belligérants à s’entendre sur une feuille de route pour mettre fin à cette guerre en se disant persuadée qu’une solution était possible.  

Mme LIUBOV TSYBULSKA, représentante de la société civile ukrainienne, a déclaré que son pays traverse « la période la plus difficile de son histoire » en raison de la guerre qui y fait rage, la plus grande en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.  En effet, « la Russie veut détruire l’Ukraine », a-t-elle résumé, précisant que cela signifie non seulement tuer et violer, mais aussi « éliminer tout ce qui façonne notre identité ».  Pendant des siècles, a-t-elle relaté, la Russie a démontré des appétits impériaux et tenté de conquérir l’Ukraine.  Cela s’est traduit par l’Holodomor, cette famine de masse au cours de laquelle les Soviétiques ont tué plus de sept millions d’Ukrainiens en les privant délibérément de nourriture; par le meurtre et la torture d’écrivains, d’artistes et d’architectes ukrainiens dans les années 30; par des déportations massives, dans les années 60, de dissidents ukrainiens envoyés de force dans des camps de travail en Union soviétique.  Autant de crimes que les Ukrainiens ont subis et subissent à nouveau aujourd’hui, à l’instar des Tatars de Crimée, des Baltes, des Polonais, des Tchétchènes et d’autres peuples.  « C’est le mode opératoire du Kremlin », a souligné l’intervenante.  La guerre actuelle est toutefois « extraordinaire par sa cruauté », l’armée russe faisant preuve d’une « barbarie difficile à imaginer au XXIe siècle ».   

Face à cette agression, a expliqué Mme Tsybulska, la société ukrainienne a d’abord voulu dire la vérité aux Russes « ordinaires », par le biais de témoignages, de photos et de vidéos.  « Nous pensions que lorsque les Russes auraient vu toutes ces atrocités, ils condamneraient définitivement cette guerre. »  Or, les Ukrainiens se sont heurtés à une totale absence de compassion, a-t-elle déploré.  En majorité, les Russes ne condamnent pas les crimes de guerre signalés en Ukraine, beaucoup parlent d’actes isolés et les sondages d’opinion font apparaître un soutien total aux actions du Kremlin.  De plus, les conversations interceptées entre des soldats russes et leurs familles confirment le succès de la machine de propagande russe.  « Les médias du Kremlin ont créé une réalité alternative pour des millions de personnes, dans laquelle les Ukrainiens ont cessé d’être des êtres humains et doivent être physiquement exterminés », a constaté l’intervenante.  Parlant de « rhétorique génocidaire », elle a déclaré avoir créé avec ses collègues une base de données visant à démontrer la nature systématique de la diabolisation des Ukrainiens.  Dans le même temps, a-t-elle noté, les médias russes imposent aux Russes le récit selon lequel ils sont victimes, le monde entier est contre eux et ils ont donc le droit de se défendre préventivement. 

Pour Mme Tsybulska, la Russie est un État totalitaire dont le régime donne à ses citoyens, par médias interposés, la permission de tuer, torturer et violer.  Pour les inciter, la Russie affirme depuis des années qu’elle protège les populations russophones des « nazis » ukrainiens.  Pourtant, des dizaines de milliers de personnes retrouvées dans les charniers de Marioupol parlaient russe, a-t-elle relevé, avant de se féliciter que tant d’éléments de preuve de crimes de guerre russes aient déjà été collectés.  Il est très important de comprendre que cette menace concerne « l’ensemble du monde occidental », décrit par les médias d’État russes comme l’ennemi en raison de « l’érosion de ses valeurs morales » et des « intentions agressives » de l’OTAN.

M. JARED COHEN, fondateur et Président-Directeur général de Jigsaw (ex Google Ideas) et chercheur au Council on Foreign Relations, a fait remarquer que l’interconnexion résultant d’Internet et des médias sociaux a fait progresser l’humanité à un point que nous n’aurions jamais pu imaginer.  Malheureusement, elle a également créé de nouvelles vulnérabilités.  Si l’on se concentre sur la guerre en Ukraine, il y a plus d’heures de séquences téléchargées sur YouTube, Tik Tok et d’autres plateformes qu’il n’y a de minutes de conflit. 

De nouveaux concepts ont vu le jour comme attaque par déni de service (DDoS), logiciels malveillants, virus, « trolling », harcèlement en ligne, « doxxing », empoisonnement de serveurs de noms de domaine (DNS), piratage.  Bien que ces concepts soient relativement nouveaux dans l’histoire du Conseil de sécurité, les motivations qui les sous-tendent et leurs conséquences potentielles sont aussi familières que la guerre et les conflits eux-mêmes.

M. Cohen a expliqué avoir fondé Jigsaw en 2010 pour étudier comment la technologie pourrait aider les cinq prochains milliards de personnes à accéder à Internet pour la première fois.  Aujourd’hui, la grande majorité du monde est connectée d’une manière ou d’une autre et il n’est pas surprenant que tout le bagage géopolitique du monde physique se soit répandu en ligne.  La raison d’être de Jigsaw est justement d’anticiper ces défis qui déstabilisent Internet et ont un impact sur les segments les plus vulnérables de la société.  Comme la terre, l’air et la mer, Internet est devenu, à son avis, un domaine critique à occuper en temps de guerre.  En quelques secondes, le contenu est diffusé à des milliards d’individus à travers le monde.  Les récits sont amplifiés pour atténuer la menace perçue ou même renverser les systèmes démocratiques.  Depuis le monde entier, les combattants peuvent accéder aux infrastructures essentielles qui influent sur les moyens de subsistance de nos communautés et les attaquer.

Déjà en 2016, a poursuivi M. Cohen, il avait prédit que toutes les guerres commenceraient comme des cyberguerres, en notant qu’elles se dérouleraient de manière silencieuse, invisible et relativement peu coûteuse.  Cette observation est plus vraie aujourd’hui que jamais, mais les types d’attaques que nous voyons se sont malheureusement diversifiés et démocratisés. 

L’Ukraine est depuis 2014 la cible disproportionnée de cyberattaques malfaisantes, a-t-il fait observer.  L’Ukraine est une sorte de terrain expérimental dans ce domaine. 

Vu l’efficacité de l’Ukraine à détourner et à contrer ces attaques, il est de plus en plus difficile de comprendre exactement ce qui se passe, a poursuivi M. Cohen.  En Ukraine, la Russie a déployé des attaques DDoS qui ont réduit la connectivité globale de 15 à 20% et, à plusieurs reprises, réduit la connectivité Internet à zéro.  Ces attaques ont bloqué l’accès aux services essentiels, aux institutions financières, aux services gouvernementaux et aux services essentiels des ONG.  Ces attaques ont également visé d’autres pays européens, a-t-il indiqué.  Un autre vecteur identifié par M. Cohen est le harcèlement en ligne organisé, par le biais de la toxicité et de la tromperie.  Une campagne contre le Président Zelensky a cherché ainsi à détériorer sa stabilité mentale tout en incitant l’opinion publique à se tourner vers la Russie.  Dans un cadre plus large, de nombreuses campagnes de désinformation se sont répandues sur les médias sociaux, visant à créer, a analysé M. Cohen, du ressentiment à l’égard des réfugiés ukrainiens dans toute l’Europe.  Une autre particularité de ces attaques souvent utilisée par les régimes autoritaires est de mettre au point des stratégies sophistiquées pour désorienter les conversations numériques et en contrôler complètement le récit.  Un autre vecteur d’attaque a été l’utilisation de la désinformation pour inciter à la violence extrême et la justifier.  La propagande incessante de la Russie auprès de ses citoyens, selon laquelle les Ukrainiens étaient des « nazis », a probablement servi à déshumaniser les Ukrainiens aux yeux des soldats russes, ce qui a conduit aux nombreux crimes de guerre dont sont accusées les forces russes.  Chacune de ces attaques fait désormais partie de la rubrique et de la stratégie de la guerre et a des implications qui vont bien au-delà du conflit actuel en Ukraine, a mis en garde M. Cohen.  C’est pourquoi il a jugé de plus en plus urgent pour le Conseil de sécurité d’examiner les implications numériques de la guerre. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a rappelé l’utilisation des médias qui ont conduit à la persécution active des Juifs en Allemagne, aux génocides du Rwanda et de Srebrenica, au nettoyage ethnique et à des crimes massifs au Kosovo.  En 2022, s’est indigné le délégué, le Président russe conteste à l’Ukraine le droit d’exister et a décidé de la « dénazifier ».  Cette guerre d’agression brutale a fait plus de 10 000 victimes et des millions de réfugiés.  Il a évoqué des atrocités qui donnent froid dans le dos, y compris des exécutions, des viols et des violences sexuelles, le bombardement aveugle de villes entières réduites en ruines, des attaques délibérées contre des abris, des routes d’évacuation et des couloirs humanitaires, le siège et le transfert forcé d’Ukrainiens.  Cette guerre a déclenché une grave vague de crise de l’insécurité alimentaire dans le monde entier, a accusé le Président du Conseil. 

Selon M. Hoxha, la propagande russe a produit l’affirmation totalement fausse selon laquelle l’Ukraine aurait commis un génocide contre la population dans les zones contrôlées par les séparatistes soutenus par la Russie, comme prétexte pour envahir l’Ukraine.  C’est une accusation absurde que la Cour internationale de justice (CIJ) n’a pas étayée et qu’elle a rejetée par une ordonnance rendue le 16 mars dernier et qui, à ce jour, n’a pas été entendue par la Russie.  Il faut s’opposer aux négationnistes du génocide, refuser les révisionnistes de l’histoire, rejeter les extrémistes qui nient le droit fondamental des autres et ceux qui glorifient les criminels, a exhorté le délégué.  Il faut contrer ceux qui veulent utiliser des mots pour inciter à la violence sexuelle comme arme de guerre, ceux qui essaient de construire un chemin vers les camps de concentration ou les fosses communes.  Dans ma région, a-t-il ajouté, les dirigeants politiques font tout pour transformer la Republika Serpska en un tissu de haine.  Nous ne pouvons plus dire que nous ne savons pas qui orchestre les incitations à la violence. 

M. RICHARD M. MILLS (États-Unis) a estimé que les présentations de ce matin offrent un regard sobre sur la façon dont la désinformation et l’utilisation abusive d’Internet par la Fédération de Russie au cours de son invasion brutale et illégale de l’Ukraine causent des souffrances aux Ukrainiens.  « Les États-Unis rejettent fermement les efforts de Moscou pour déformer l’histoire à ses propres fins politiques », a indiqué le représentant en notant que l’Assemblée générale a rejeté son faux récit sur l’Ukraine et d’autres pays voisins que la Russie traite de néofascistes et de néonazis.  Selon M. Mills, le Conseil doit respecter la Charte des Nations Unies et « répondre aux mensonges par la vérité ».  Il doit être clair que les tentatives visant à modifier les frontières internationalement reconnues d’un État souverain par le recours à la force sont illégales et dangereuses, une leçon tirée de la Seconde Guerre mondiale, a-t-il tranché.  Citant des informations faisant état d’atrocités commises par les forces russes contre des civils ukrainiens, à savoir la torture, des meurtres de type exécution, des viols -parfois en public- et la déportation d’enfants vers la Fédération de Russie pour adoption, le représentant a souligné que l’initiative européenne pour la résilience démocratique (EDRI), lancée en mars dernier par le Président Biden, fournira 320 millions de dollars supplémentaires pour défendre les droits de l’homme en Ukraine, en mettant l’accent sur la responsabilité des crimes de guerre.  Alors que certains ont appelé à un règlement pacifique, « ignorant que la Fédération de Russie a déclenché le conflit en envahissant illégalement son voisin », il a exhorté Moscou à retirer immédiatement ses forces et à revenir sur la voie de la diplomatie.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a fustigé la propagande russe et les discours haineux à l’égard de l’Ukraine.  Il a regretté que les media publics soient régis d’une main de fer par le Kremlin pour diffuser de tels discours et des accusations fallacieuses.  Illustrant son propos, il a relevé une déclaration du Président Putin arguant que « le Gouvernement ukrainien est composé de drogués et de néonazis ».  Il a aussi fustigé les fausses nouvelles et les allégations infondées propagées par Sergei Lavrov, le Ministre des affaires étrangères russe, qui a prétendu que les forces ukrainiennes se livraient à un génocide dans le Donbass.  Après avoir noté que des enquêtes sont en cours sur les allégations de violences sexuelles, le représentant s’est particulièrement inquiété des capacités de nuisance des plateformes numériques et des média sociaux en matière de propagation de discours de haine.  Rappelant que l’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques interdit expressément toute propagande en faveur de la guerre et « tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence », il a exhorté la Fédération de Russie à cesser ses pratiques.  

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a fait observer que de nombreuses violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme ont été signalées en Ukraine, principalement dans des zones contrôlées ou précédemment contrôlées par les forces russes.  Bon nombre de ces violations peuvent constituer des crimes de guerre, a-t-elle averti.  La représentante a rappelé qu’en mars dernier, dans l’affaire « Ukraine contre Russie » concernant des allégations de génocide, la Cour internationale de Justice (CIJ) a ordonné à la Russie de suspendre immédiatement son opération armée en Ukraine.  Mais alors que la Russie devrait se conformer à cette ordonnance juridiquement contraignante, elle poursuit son agression et sa désinformation, a-t-elle constaté.  À ses yeux, la rhétorique des dirigeants russes est non seulement « fausse » mais aussi « dangereuse » puisqu’elle appelle à la haine nationale, raciale ou religieuse, ce qui constitue une « incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence ».  De fait, a-t-elle argué, le message que propagent l’hostilité et la haine peut déclencher des violences susceptibles de conduire à des crimes de guerre, à des crimes contre l’humanité et même au génocide.  Pour contrer cela, nous n’avons pas de meilleurs alliés que des journalistes et une presse libre, a fait valoir la déléguée.  Il est donc essentiel que les journalistes et les autres travailleurs des médias soient protégés.  Or, le Comité pour la protection des journalistes a confirmé qu’au moins 12 journalistes sont morts alors qu’ils couvraient la guerre en Ukraine, a-t-elle dénoncé, ajoutant qu’en Russie même, des dizaines de reporters ont fui le pays ou font face à des poursuites alors que le pays continue sa répression des médias indépendants.  Dans ce contexte, la représentante a rappelé que le Conseil de sécurité a le pouvoir de renvoyer des affaires à la Cour pénale internationale (CPI). 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a rappelé que les discours de haine et l’incitation à la violence ont nourri de nombreux conflits par le passé.  Nous devons être en mesure de relever les défis que posent aujourd’hui les nouvelles technologies, a-t-elle estimé en relevant que si les nouvelles technologies et les outils de communication modernes permettent notamment de documenter les crimes et les violations des droits de l’homme, elles constituent également des « vecteurs de propagande rapide et parfois systématique de manipulation de l’information ».  Elle a condamné la « campagne de banalisation » des discours de haine et d’incitation à la violence qui accompagne la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine.  Face à la propagation de tels discours, qui s’ajoutent à la restriction « drastique » de la liberté de la presse en Russie, la représentante a appelé cette dernière à mettre fin à la guerre et à se conformer au droit international.  Les images des atrocités commises à Boutcha et dans d’autres zones occupées par les forces russes ont choqué le monde, a-t-elle poursuivi, avant de rappeler le soutien de la France aux mécanismes internationaux et régionaux, notamment la CPI, ainsi qu’à l’Ukraine, pour documenter les atrocités et faire en sorte que les responsables soient traduits en justice. 

Mme JAYNE JEPKORIR TOROITICH (Kenya) a indiqué que son pays a tiré les leçons de sa propre histoire et de l’expérience douloureuse de l’Europe, en prenant des mesures afin de limiter les menaces pesant sur sa démocratie et sa sécurité en raison des discours de haine et de l’incitation à la violence.  Le Kenya a ainsi promulgué des lois contre ce genre de discours et créé la Commission pour la cohésion et l’intégration nationale afin de poursuivre le travail de renforcement de la cohésion et de lutte contre les divisions et la haine, a fait remarquer la déléguée.  Il y a un peu moins d’une semaine, la Commission a lancé son plan d’action national contre les discours haineux, afin de s’assurer que les prochaines élections du mois d’août ne soient pas entachées par ce crime dangereux, a-t-elle dit, précisant que cinq tribunaux ont été désignés pour traiter des questions liées aux discours de haine.  Si elle a tenu à partager ces exemples, c’est bien pour souligner que des actions audacieuses s’imposent, non seulement au Kenya mais aussi dans le monde entier, notamment à l’heure où les conflits s’intensifient sur des bases identitaires et mènent à des guerres prolongées et meurtrières.  Dès lors, a-t-elle exhorté en conclusion, il faut gérer la diversité en tant que compétence cruciale et priorité de l’État. 

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a déclaré que l’action militaire contre un autre État et l’annexion d’une partie de son territoire n’ont pas leur place dans ce monde du XXIe siècle.  La représentante a demandé à la Fédération de Russie de renoncer à nommer ses autorités d’occupation, à changer le fonctionnement de l’État ukrainien et à saper ses fondements démocratiques.  Ces mesures constituent de nouvelles violations déplorables de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, a-t-elle dit.  Les accusations de la Fédération de Russie selon lesquelles l’Ukraine se livre à un génocide étaient et demeurent totalement fausses et l’idée que cette dernière serait une menace existentielle n’a aucune justification.  Ces allégations ne sauraient expliquer la prétendue « riposte préventive » de la Fédération de Russie.  

Notant que la Mission d’experts de l’OSCE a fait état d’un schéma clair de violations du droit international humanitaire et que la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a conclu que la Fédération de Russie ne s’est pas contentée d’ignorer le droit international humanitaire mais qu’elle l’a mis de côté, la représentante a estimé que l’enquête de la CPI s’avérera importante pour établir les responsabilités.  En attendant, elle a demandé à la Fédération de Russie de retirer ses forces et de s’engager dans un dialogue et une diplomatie véritables pour la paix.  La Fédération de Russie doit respecter ses obligations, en vertu du droit international, a-t-elle martelé, en prévenant que « nous continuerons à lancer cet appel ».

M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a rappelé son appui à la création de la Commission d’enquête internationale indépendante du Conseil des droits de l’homme et aux processus engagés devant la Cour pénale internationale (CPI).  Le représentant a appelé à la pleine coopération de tous avec ces mécanismes, soulignant que l’établissement des responsabilités pour les crimes internationaux doit rester la norme, quel que soit le lieu où ils sont commis.  Au moment opportun, le Conseil de sécurité, a réclamé le représentant, devra tenir compte de l’avis de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur l’applicabilité de la Convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide.  En attendant, il a exhorté la Fédération de Russie à se conformer à l’ordonnance de la Cour en date du 16 mars 2022.

Alarmé par l’augmentation constante des besoins humanitaires en Ukraine, il a aussi fait observer que l’envolée des prix des denrées alimentaires et ses conséquences sur la sécurité alimentaire affectent tous les pays, surtout les pays en développement.  Il a espéré un accord rapide sur les routes de l’exportation céréalière et un suivi assuré par le Conseil de sécurité.  Ce dernier, a insisté le représentant, ne doit pas perdre de vue les besoins les plus pressants et la nécessité de soutenir les efforts des Nations Unies et des autres médiateurs en vue d’une solution négociée.  

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a condamné avec la plus grande fermeté toutes les formes de discours et d’incitation à la haine avant de rappeler que la haine alimente l’extrémisme et menace la coexistence pacifique.  Il a estimé qu’un dialogue constructif est essentiel pour favoriser la tolérance et peut servir de base à la réconciliation.  À cet égard, le représentant a invité le Conseil à redoubler d’efforts pour lutter contre l’utilisation malveillante de la technologie pour répandre des discours de haine.  « L’utilisation des technologies numériques pour propager la désinformation et les discours de haine pose un défi particulièrement sérieux dans les zones de conflit », a-t-il noté.  Il a souligné la nécessité d’identifier et d’employer des contre-récits efficaces, de soutenir l’éducation aux médias et de s’engager davantage avec le secteur privé pour « déconstruire » la désinformation.  Notant que les enquêtes et la collecte de données appropriées sont essentielles pour la responsabilisation, le représentant a jugé fondamental d’établir les faits et les circonstances pour rendre justice aux victimes et aux survivants, ainsi que pour lutter plus largement contre l’impunité.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a commencé par affirmer que l’idéologie de la violence et de la haine est le fondement de la politique d’État des autorités ukrainiennes actuelles.  Cette idéologie, a-t-il fustigé, est à l’origine des crimes monstrueux du régime de Kiev contre son propre peuple et elle est devenue l’une des principales causes de la crise actuelle en Ukraine.  Il a ensuite rappelé que, lorsque l’Union soviétique s’est effondrée, l’Ukraine est devenue un pays souverain, avec la possibilité de construire un État indépendant.  Le pays disposait d’un libre arbitre et d’un choix géopolitique complets, a-t-il argué, regrettant que les élites arrivées depuis au pouvoir, « sans y être invités », aient choisi d’exalter l’héritage et les mérites de ceux qui ont collaboré avec Hitler, à savoir les dirigeants de l’Organisation des nationalistes ukrainiens - Armée insurrectionnelle ukrainienne (OUN-UPA).  Pendant les années de guerre, a retracé le représentant, les militants de l’OUN-UPA ont commis des centaines de milliers de meurtres de Polonais, de Juifs et de Russes, provoquant même le dégoût des occupants nazis.  De fait, « faut-il s’étonner que la nouvelle Ukraine soit antisémite, raciste et russophobe », s’est-il interrogé, avant d’évoquer un dénigrement et une haine, année après année, de tout ce qui était russe dans la société ukrainienne.  Ce nationalisme ukrainien, a poursuivi M. Nebenzia, a intéressé les États-Unis et leurs alliés, qui y ont vu une excellente opportunité de rompre les liens historiques entre l’Ukraine et la Russie.  En conséquence, le nouvel État ukrainien a fait le choix d’un projet géopolitique antirusse.  Un choix qui n’a pas été simple puisque le sud-est de l’Ukraine est essentiellement russophone.  Après le « coup d’État de Maïdan » en 2014, a-t-il accusé, la « junte de Kiev » a incité à la violence contre ces populations, séparant les individus en « citoyens de première et seconde classes », la seconde catégorie comprenant à la fois les Russes ethniques et les russophones.  Plusieurs lois ont été votées pour porter atteinte à leurs droits, a-t-il dit, ajoutant que les opposants sont alors devenus des « terroristes » et des « séparatistes », notamment dans le Donbass.

Avec le soutien de l’Occident, et au lieu de débattre de la place de la culture et de la langue russe en Ukraine, le Président Petro Poroshenko a décidé en 2014 d’attaquer la population russophone du Donbass, en ordonnant le bombardement de villes paisibles, a poursuivi M. Nebenzia, faisant état d’une discrimination systématique de ces habitants par les autorités ukrainiennes.  Selon lui, le futur Président Volodymyr Zelenskyy, encore comédien à l’époque, aurait lui-même appelé les militants nationalistes à participer à cette « opération punitive » contre les « racailles » du Donbass.  Une fois devenu Président, il n’a pas changé sa rhétorique, a affirmé le délégué.  « Comme leurs idoles du IIIe Reich, les nationalistes ukrainiens voient la solution du problème du Donbass dans la libération de leur espace vital », a-t-il renchéri, avant de dénoncer le pilonnage par les bataillons Azov et Aidar de quartiers d’habitation à Marioupol, Kharkov et Severodonetsk.  Le représentant a d’autre part affirmé que, selon de récentes « révélations » de M. Poroshenko, l’Ukraine n’a jamais eu l’intention d’appliquer l’ensemble de mesures pour la mise en œuvre des Accords de Minsk, conformément à la résolution 2202 (2015) du Conseil.  D’après lui, l’Ukraine s’en est simplement servie pour avoir le temps de préparer ses actions militaires contre le Donbass et la Russie, et ce, avec l’appui de « nos collègues occidentaux » et en menant à bien des projets russophobes comme une loi discriminatoire sur la langue russe et des persécutions contre les médias russophones.  À la veille du lancement de notre « opération spéciale », a-t-il précisé, nous avons reçu des informations selon lesquelles Kiev achevait les préparatifs d’une nouvelle attaque à grande échelle contre le Donbass.  Ces plans ont été « contrariés », a-t-il observé, avant d’annoncer que la délégation russe distribuera prochainement une « compilation » des déclarations des dirigeants ukrainiens afin de mettre au jour la « rhétorique de haine » de l’Ukraine contemporaine.  Pour sa part, a assuré le délégué, la Russie a maintenu une attitude respectueuse à l’égard de la culture et de la langue ukrainiennes.  Certains disent que nous voulons détruire l’Ukraine, « ce n’est pas du tout le cas », a-t-il insisté: « Ce que nous brûlons en Ukraine, c’est le néonazisme et le nationalisme qui sont devenus une menace directe pour nous et les habitants du Donbass. »  Dans ce contexte, a encore relevé M. Nebenzia, les Occidentaux tentent de convaincre le monde que « la solution ne peut être trouvée que sur le champ de bataille », comme l’a lui-même déclaré le Chef de la diplomatie européenne, et « inondent » l’Ukraine d’armes pour cibler le Donbass et sa population.  La vraie incitation à la haine est le fait de ces pays qui se livrent à une « russophobie frénétique », y compris sur leur territoire, a-t-il martelé, condamnant au passage les « insultes » proférées à l’encontre de diplomates russes par la délégation ukrainienne.  Cela ne fera que retarder l’agonie du régime de Kiev, lequel était déjà « condamné » lorsqu’il s’est lancé en 2014 dans une guerre contre son propre peuple.  En conclusion, il a déclaré que l’opération militaire spéciale ne prendra fin que lorsque ses objectifs seront entièrement remplis, avec la libération de millions d’Ukrainiens. 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a d’entrée insisté sur la protection intégrale des civils par toutes les parties, conformément aux principes de distinction, de proportionnalité, de précaution et d’humanité du droit international humanitaire.  En outre, les femmes et les filles, en particulier, sont confrontées à de graves risques de violence sexuelle et sexiste, ainsi qu’à la menace du trafic d’êtres humains, a déploré M. Costa Filho.  Ces crimes sont odieux et méritent d’être dénoncés avec la plus grande fermeté par la communauté internationale, a martelé le représentant.  Il s’est également inquiété des rapports faisant état de tortures, de meurtres sommaires, de déportations forcées de civils et de violences sexuelles systématiques et massives.  Il a demandé à ce sujet une enquête large, indépendante et impartiale.

Par ailleurs, il a dénoncé la destruction des capacités de production de l’Ukraine, d’une part, et les sanctions économiques unilatérales, d’autre part, qui ont contribué à la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, impactant en particulier les pays en développement, encore aux prises avec les conséquences socioéconomiques de la pandémie de COVID-19.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a remarqué que l’une des particularités des guerres actuelles est la possibilité offerte par les médias au grand public de suivre, au jour le jour, le déroulement des combats sur le terrain.  L’évolution de la technologie et des réseaux sociaux permettent non seulement l’instantanéité des images, mais elle ouvre aussi un boulevard quasiment sans bornes à l’enchevêtrement des voix, des points de vue et de toutes sortes de discours haineux, ainsi qu’à la propagande ou la réécriture de la réalité.  À plusieurs égards, la guerre en Ukraine se présente comme un laboratoire d’expérimentation de pratiques nouvelles dans la manière dont la communauté internationale appréhende et se saisit des conflits armés, a estimé M. Biang.  Saluant le fait que la CPI ait ouvert une enquête sur les crimes commis par toutes les parties le dans le cadre du conflit en Ukraine, le représentant a déclaré que la justice doit suivre son cours en toute transparence, en toute impartialité et en toute indépendance et que, tôt ou tard, les responsables de crimes devront répondre de leurs actes.  Abordant aussi la situation des ressortissants africains victimes de violences, de mauvais traitements ou de discrimination, il a exigé que cela soit pris en compte au moment du bilan.  C’est aussi à l’aune du crédit qui sera accordé à la douleur de ses ressortissants que l’Afrique jugera la sincérité du changement de paradigme concernant l’appréhension des guerres, a tenu à souligner le représentant.

M. DAI BING (Chine) a noté que les conséquences humanitaires du conflit ukrainien qui dure depuis déjà quatre mois sont édifiantes.  Le droit international humanitaire doit être respecté par les parties au conflit.  Elles doivent assurer la protection des civils et des infrastructures civiles et faciliter l’accès de l’aide humanitaire et les évacuations.  Pour le représentant, la communauté internationale et les agences humanitaires devraient intensifier l’aide humanitaire.  Il a demandé aux parties d’éviter des « accusations injustifiées ».  L’envoi d’armes va augmenter l’animosité et finalement aggraver la crise, a-t-il prévenu.  La poursuite du conflit entraînerait un risque sécuritaire plus élevé, a-t-il ajouté estimant qu’aucune partie ne pourra en tirer profit.  La communauté internationale devrait coopérer pour éteindre le feu, apaiser la tension et promouvoir un cessez-le-feu.  Les parties doivent reprendre les négociations et accepter un cessez-le-feu sans délai, a insisté le représentant en demandant aux pays voisins de faire abstraction de leurs propres intérêts géopolitiques.  Avec le conflit en Ukraine, les discours de haine ont été très présents et ont créé des dissensions y compris au Conseil de sécurité, et ce climat politique n’aide pas au règlement de la crise ukrainienne.  Il entraîne l’échec des mécanismes de gouvernance mondiale plongeant le monde dans des troubles et une division accrue.  « Nous sommes tous dans la même situation.  Les politiques de bloc n’ont plus de pertinence. »  Il faut remplacer la confrontation et l’affrontement par le dialogue, a exhorté le représentant pour qui le Conseil devrait faciliter les bons offices et les pourparlers de paix.  

Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a déclaré que l’incitation à la violence est une préoccupation majeure car elle conduit invariablement à des atrocités criminelles.  Elle s’est alarmée des discours acerbes qui accompagnent le conflit en Ukraine, estimant que nul ne peut prétendre ignorer les effets de telles campagnes d’incitation à la haine.  Après avoir cité l’exemple du génocide commis en 1994 au Rwanda, elle a fait observer qu’il s’agisse de l’esclavage, du colonialisme ou de l’apartheid, le faux sentiment de supériorité d’un groupe donné a toujours servi à justifier des atrocités.  Elle a appelé le Conseil de sécurité à assumer pleinement sa responsabilité de maintenir la paix et la sécurité internationales, en demeurant vigilant face à de tels discours.  Les atrocités commises à Boutcha, Irpin et Marioupol, y compris la violence sexuelle à l’encontre des femmes et des filles, sont « intolérables » et doivent faire l’objet d’enquêtes indépendantes et impartiales.  L’établissement des responsabilités est un élément essentiel de la dissuasion et la compétence universelle signifie que nul ne peut échapper à la justice, a conclu la représentante.

M.  RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a rappelé son attachement aux principes de la démocratie et du pluralisme, afin d’offrir un environnement propice à la coexistence de diverses communautés.  Il a cependant fait valoir que le terrorisme et la radicalisation sont l’antithèse de ces principes et qu’il est de la responsabilité de l’ONU de « veiller à ce que la lutte contre les discours de haine ne se limite pas à quelques religions et communautés ».  Évoquant le conflit en Ukraine, qui touche non seulement l’Europe mais aussi l’ensemble du monde, le représentant s’est dit profondément préoccupé par l’aggravation de la situation, réitérant son appel à la cessation immédiate des hostilités et à l’ouverture de pourparlers entre l’Ukraine et la Fédération de Russie.  Il a également apporté son soutien à l’appel lancé par le Secrétaire général en faveur d’une enquête indépendante sur les atrocités commises en Ukraine, avant de mettre l’accent sur l’impact disproportionné de cette crise sur les pays en développement du fait de la hausse induite des prix du carburant et de la pénurie en céréales vivrières et en engrais.  À ses yeux, il est urgent de mesurer l’importance de l’équité et de l’accessibilité s’agissant des produits alimentaires.  Mais l’ouverture des marchés ne doit pas devenir un argument pour perpétuer les inégalités et promouvoir la discrimination, a-t-il prévenu.  Avant de conclure, le représentant a indiqué que l’Inde s’emploie de manière constructive à atténuer les impacts négatifs de ce conflit sur la sécurité alimentaire, notamment en fournissant une aide financière et des céréales aux pays voisins.

M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a commencé son intervention en relevant que « le représentant de Putin occupe le siège permanent de l’Union soviétique ».  Son ambassadeur a, une fois de plus, profité de sa position pour rejeter la responsabilité de la guerre sur tout le monde sauf sur la Russie, s’est-il emporté.  Plus d’une fois, a rappelé M. Kyslytsya, j’ai attiré l’attention du Conseil de sécurité sur les tactiques russes de « mimétisme agressif », à savoir qu’un prédateur gagne un avantage en se présentant comme une victime, comme un violeur avec sa victime.  « L’envoyé de Putin suit l’exemple de son patron », le Ministre des affaires étrangères Lavrov, qui a recours à la même tactique lorsqu’il prétend que la Russie n’a pas envahi l’Ukraine et que l’opération militaire a été décrétée car son pays n’avait aucun moyen d’expliquer à l’Occident qu’attirer l’Ukraine dans l’OTAN était un acte criminel.  Quelle confession! s’est exclamé M. Kyslytsya, en critiquant cette tactique défensive souvent utilisée par les criminels, se disant convaincu que l’envoyé ici présent comprendra cela lorsqu’il occupera une autre place, celle de l’accusé dans un futur tribunal chargé des crimes de guerre russes.  Comme les nazis ont dû rendre des comptes à Nuremberg.  D’ailleurs, a-t-il poursuivi, les documents du procès de Nuremberg comprennent l’examen approfondi de la genèse du nazisme et de sa nature meurtrière.  Il s’est dit convaincu que de futurs procès nous donnerons également des réponses exhaustives quant aux raisons pour lesquelles la Russie est devenue un « régime agressif et inhumain ». 

Après avoir rappelé certains jalons historiques, le représentant a expliqué que le désir obsessionnel des autorités russes de détruire n’est pas apparu du jour au lendemain.  Depuis les années 90, les responsables politiques et médias russes n’ont cessé de renforcer la rhétorique belliqueuse et de discours de haine mêlés à des sentiments impérialistes.  Hélas, a-t-il regretté, le monde entier n’a pas vu cette tendance périlleuse qui a encouragé la Russie à diffuser sa propagande agressive.  De surcroît, le Kremlin a reçu tellement de preuves depuis 30 ans de « l’apathie » du monde entier à l’égard des violences de la Russie et de son impunité que lancer cette guerre d’une grande envergure n’était qu’une question de temps.  Il lui a semblé dès lors « insensé » que certains politiciens invitent l’Ukraine à envisager de répondre aux appels de concessions venant de Moscou.  « L’heure de la diplomatie dîtes-vous »? a ironisé M. Kyslytsya.  Il y a une semaine à peine, Putin prétendait que l’ancienne Union soviétique était la Russie historique, a-t-il dit, en s’interrogeant sur ce qui nous attend.  « Peut-être une demande de l’envoyé de Putin d’échanger les plaques ici au sein du Conseil de sécurité en remplaçant la Fédération russe par l’Union soviétique? »  La conversion de la Russie en régime fasciste agressif a déjà été démontrée, selon le représentant, dans son incapacité de s’abstenir d’attaquer ceux qu’il considère comme étant une proie facile.  Il faut faire cessez tout cela et le plus tôt sera le mieux, a martelé le représentant ukrainien, soulignant que son pays, est actuellement sur la ligne de front grâce à la volonté nécessaire de ses dirigeants, la détermination et le courage de son armée et de son peuple ainsi que la solidarité internationale sans précédent.  Mettant en garde que si sous laissons Putin ou son successeur sur le trône du Kremlin, alors la prochaine guerre est imminente et le monde civilisé en paiera le prix!

Au nom des pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie), M. RYTIS PAULAUSKAS, (Lituanie) a dénoncé l’agression militaire à grande échelle non provoquée de la Russie contre la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique de l’État démocratique de l’Ukraine avec le soutien du Bélarus, « coagresseur ».  Pendant des années, a expliqué le représentant, l’Ukraine a été l’une des principales cibles de la désinformation pro-Kremlin tentant de justifier l’invasion russe.  Cette guerre de la Russie contre l’Ukraine s’accompagne d’un langage radical et toxique des médias contrôlés par la Russie et le Kremlin sur l’Ukraine et les Ukrainiens, conduisant à des atrocités commises par les forces russes et à leur acceptation par la société russe, a décrit le représentant.  Il a accusé le Président Putin d’utiliser des tactiques dites de « miroir » en accusant la victime des crimes qu’il commet.  

Le délégué a condamné ces crimes et exhorté la Russie à retirer immédiatement et sans condition toutes ses troupes de l’Ukraine.  Selon lui, la rhétorique belliqueuse russe dévoile ses véritables intentions impérialistes et l’agression contre l’Ukraine n’est que le début.  Le Kremlin parle ouvertement d’accaparement des terres et menace de reprendre les territoires des pays voisins, a encore relevé le représentant.  Il a aussi noté que l’agression de la Russie a provoqué une insécurité alimentaire croissante dans le monde, pointant du doigt le blocus russe des ports ukrainiens, ainsi que les bombardements russes des terres arables et des sites de stockage de vivres en Ukraine.  Les sanctions occidentales ne sont pas la cause des pénuries alimentaires, a-t-il assuré.  Il a conclu en exprimant la solidarité des pays baltes envers l’Ukraine, assurant qu’ils continueront d’apporter un soutien fort à l’Ukraine, y compris un soutien humanitaire et matériel pour résister à l’agression russe.

M. MICHAL MLYNÁR (Slovaquie) a réitéré la préoccupation de la Slovaquie face à la propagande de guerre de la Fédération de Russie qui justifie son agression non provoquée de l’Ukraine au prétexte de « dénazifier » ce pays qu’elle accuse de commettre un génocide et d’exterminer la population civile dans les régions séparatistes soutenues par la Russie.  Ces « faux » prétextes ressemblent de manière marquante à ce que nous avons vu dans le passé, a noté le représentant, lorsque des accusations contre un groupe ciblé présenté comme une menace existentielle ont justifié des atrocités et une guerre présentée comme défensive et inévitable.  La Fédération de Russie utilise une rhétorique similaire en Ukraine, a-t-il regretté accusant « le régime de Putin » de nier la souveraineté et l’indépendance de l’État ukrainien.  C’est tout simplement inacceptable et en contradiction flagrante avec les buts et principes de la Charte des Nations Unies, les obligations de la Russie en vertu de l’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ou l’article III de la Convention sur le génocide, s’est-il indigné en y voyant une preuve de l’intention génocidaire de la Russie.  La Slovaquie rappelle l’ordonnance contraignante du 16 mars 2022 de la Cour internationale de Justice (CIJ) et demande instamment à la Russie de s’y conformer, a déclaré le représentant.  « Ce qui était initialement une incitation à la violence s’est, depuis le 24 février, transformé en atrocités commises en Ukraine. »  Justice pour ces crimes doit être rendue, a tranché le représentant en rappelant que la Slovaquie, en tant que pays voisin, a accueilli des centaines de milliers de réfugiés ukrainiens dont des témoins et victimes potentiels d’atrocités.  Fidèle à sa position ferme contre la culture de l’impunité, la Slovaquie a contribué aux efforts d’enquête et de collecte de preuves sur les plans national, bilatéral, régional et international en lançant ses propres enquêtes sur les crimes présumés contre l’humanité et les crimes de guerre commis en Ukraine, et en envoyant des experts dans le cadre d’EUROJUST, a précisé M. Mlynar.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Il est urgent d’augmenter l’accès des acteurs humanitaires aux personnes dans le besoin en Syrie, déclare le Secrétaire général au Conseil de sécurité

9068e séance, après-midi
CS/14937

Il est urgent d’augmenter l’accès des acteurs humanitaires aux personnes dans le besoin en Syrie, déclare le Secrétaire général au Conseil de sécurité

Alors que les besoins humanitaires de la Syrie sont plus élevés que jamais, le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a demandé cet après-midi au Conseil de sécurité de renouveler en juillet prochain sa résolution 2585 (2021) sur le mécanisme d’assistance transfrontière pour au moins une année supplémentaire.  « Il s’agit d’un impératif moral », a-t-il martelé.  Actuellement, il n’y a tout simplement pas d’alternative pour répondre à l’ampleur et à la portée des besoins, a renforcé le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Martin Griffiths.  « Nous, et les personnes que nous servons, vous demandons de permettre à notre travail vital de continuer », a-t-il plaidé, après avoir dressé à son tour un tableau alarmant de la situation en Syrie.

Si le Coordonnateur du Forum des ONG du nord-ouest de la Syrie, Turquie / Gaziantep, M. Iyad Agha, a fait écho aux préoccupations de MM. Guterres et Griffiths, les membres du Conseil de sécurité ont esquissé leurs divergences au sujet des livraisons humanitaires dans un pays où environ 12 millions de personnes sont déjà en situation d’insécurité alimentaire.  « C’est une crise de la faim.  C’est, également, une crise de l’eau », a averti M. Griffiths.  Une majorité d’intervenants se sont dits favorables à la poursuite des opérations transfrontières via le point de passage de Bab el-Haoua, tandis que la Fédération de Russie, les Émirats arabes unis et la Chine ont mis en garde contre la « politisation » du dialogue sur cette question. 

La réponse humanitaire massive de L’ONU et de ses partenaires en Syrie a permis d’éviter le pire, mais il faut aller plus loin, a exhorté M. Guterres, insistant sur l’importance de maintenir et d’élargir l’accès des acteurs humanitaires.  « Lorsqu’il s’agit d’apporter une aide vitale aux personnes dans le besoin en Syrie, tous les canaux doivent être disponibles et le rester. »  Le Chef de l’ONU a également appelé les États à honorer les promesses faites lors de sixième Conférence de Bruxelles sur l’aide à apporter pour l’avenir de la Syrie et des pays de la région, qui a eu lieu les 9 et 10 mai 2022. 

Depuis l’adoption de la résolution 2585 (2021), cinq convois d’aide transfrontaliers sont passés, comprenant chacun 14 camions, depuis les zones contrôlées par le Gouvernement jusqu’à Edleb, a précisé M. Griffiths.  Cela a permis d’ouvrir un accès transfrontière au nord-ouest de la Syrie, où vivent 4,4 millions de personnes, pour la première fois depuis 2017.   Les livraisons ont également permis de fournir de la nourriture à plus de 43 000 personnes à chaque fois, ainsi que des fournitures médicales et éducatives.  « Nous avons besoin d’approbations en temps voulu et de garanties de sécurité », a-t-il aussi demandé.  Face aux préoccupations des membres du Conseil concernant la transparence des opérations, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires a indiqué que le rapport du Secrétaire général dont est saisi le Conseil a mis l’accent sur ce point. 

Ce mécanisme n’a jamais été aussi crucial, a déclaré la France.  Un avis partagé par la représentante des États-Unis qui a raconté avoir vu de ses propres yeux comment ce mécanisme permet aux vaccins contre la COVID-19 et aux solutions nutritionnelles pour enfants de traverser les frontières.  Sans renouvellement du mandat humanitaire international, les activités de relèvement rapide dans le nord-ouest de la Syrie seraient compromises, a également mis en garde le Royaume-Uni. 

Ces trois pays sont responsables de la non-application des principaux piliers de ladite résolution, a cependant contré le représentant de la Syrie en déplorant que les livraisons humanitaires se font de façon « sélective ».  Il en a voulu pour preuve l’écart entre le nombre de convois transfrontaliers et de convois passés à travers les lignes de front le mois dernier.  Critiquant les résultats « déprimants » du travail de l’ONU à ce sujet, la Russie a estimé pour sa part que l’organisation de livraisons humanitaires en coordination avec le Gouvernement syrien serait possible dans toutes les régions du pays.

Plus nuancés, les pays du groupe A3 (Gabon, Ghana et Kenya), tout en reconnaissant la portée plus large des livraisons transfrontières, ont estimé que l’acheminement de l’aide à travers les lignes de front est tout aussi essentiel.  « Nous n’avons pas d’objectif caché.  Nous voulons simplement sauver des vies », a assuré à la fin de la séance le représentant de la Türkiye avant de rappeler que ce mécanisme d’aide humanitaire est « l’opération la plus sophistiquée et la plus contrôlée de l’histoire des Nations Unies ».  

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT (S/2022/492)

Déclarations

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a jugé « désastreuse » la situation humanitaire pour des millions d’enfants, de femmes et d’hommes à travers la Syrie.  Les besoins sont les plus élevés depuis le début de la guerre, il y a plus de 11 ans.  La plus grande crise de réfugiés au monde continue d’affecter la région et le monde entier, a résumé le Secrétaire général, citant des chiffres sans appel.  Ce sont ainsi 14,6 millions de personnes qui ont besoin d’une aide humanitaire.  Douze millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire, ne sachant pas d’où viendra leur prochain repas; 90% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.  Les infrastructures s’effondrent, détruites par des années de conflit.  L’activité économique a diminué de moitié au cours d’une décennie de conflit, de crises financières régionales, de sanctions et de la pandémie de COVID-19, a précisé M. Guterres. 

L’économie devrait encore se contracter cette année, a averti le Secrétaire général, citant la Banque mondiale.  C’est pourquoi l’appel humanitaire en cours est chiffré à 4,4 milliards de dollars pour venir en aide aux personnes vivant en Syrie et à 5,6 milliards de dollars pour soutenir les réfugiés dans la région.  « Nous avons fait de grands progrès dans l’intensification de la réponse, mais il faut faire davantage », a-t-il pressé, appelant à honorer les généreuses promesses faites lors de sixième Conférence de Bruxelles sur l’aide à apporter pour l’avenir de la Syrie et des pays de la région, qui a eu lieu les 9 et 10 mai 2022.

Les besoins en Syrie sont trop importants pour que l’on puisse y répondre uniquement par des efforts immédiats pour sauver des vies.  Plus d’un quart de notre appel est destiné à soutenir le relèvement rapide et la résilience, a expliqué M. Guterres.  Dans certains secteurs, notamment l’éducation, cela représente environ la moitié de tous les projets, soit une augmentation significative par rapport aux années précédentes.  Grâce aux projets déjà en cours, des millions de personnes bénéficieront de la remise en état d’hôpitaux, d’écoles, de systèmes d’approvisionnement en eau et d’autres infrastructures de base, endommagés.

Dans le nord-ouest de la Syrie, où 2,8 millions de personnes, principalement des femmes et des enfants, sont déplacées, les besoins continuent d’augmenter, a poursuivi le Chef de l’ONU.  Beaucoup vivent dans des camps ou des installations informelles.  Plus de 90% des personnes vivant dans le nord-ouest ont besoin d’aide.  Il s’agit de personnes qui ont particulièrement souffert au cours des 11 années de conflit et de crise humanitaire.

La réponse humanitaire massive de L’ONU et de ses partenaires en Syrie a permis d’éviter le pire, mais il faut aller plus loin, a exhorté M. Guterres, insistant sur l’importance de maintenir et d’élargir l’accès des acteurs humanitaires, notamment par le biais d’opérations transfrontières.  « Lorsqu’il s’agit d’apporter une aide vitale aux personnes dans le besoin en Syrie, tous les canaux doivent être disponibles et le rester », a-t-il martelé.  Après que le Conseil s’est uni l’année dernière pour adopter la résolution 2585 (2021), l’ONU a répondu et acheminé l’aide à travers les lignes de front jusqu’au nord-ouest et ce, malgré un environnement opérationnel « incroyablement difficile ».  Cinq convois transfrontaliers ont maintenant fourni une aide vitale à des dizaines de milliers de personnes dans le besoin. 

Les efforts se poursuivent chaque jour, a dit M. Guterres, prévoyant d’autres convois transfrontaliers.  « Nous avons également tiré pleinement parti de l’autorisation transfrontière pour sauver des vies » puisque, a-t-il dit, des centaines de camions traversent désormais la frontière depuis la Türkiye tous les mois.  Depuis que l’aide transfrontière a été autorisée en 2014, plus de 50 000 camions ont traversé la Syrie pour apporter de l’aide aux personnes dans le besoin.  Les opérations transfrontières des Nations Unies en Syrie font partie des opérations d’aide les plus examinées et les plus surveillées au monde, a rappelé le Secrétaire général.

Poursuivant, M. Guterres a lancé un appel pressant aux membres du Conseil pour qu’ils maintiennent le consensus sur l’autorisation des opérations transfrontières, en renouvelant la résolution 2585 (2021) pour une période supplémentaire de 12 mois.  Il s’agit pour lui d’un « impératif moral et humanitaire », car il faut répondre aux souffrances et à la vulnérabilité de 4,1 millions de personnes dans la région qui ont besoin d’aide et de protection.  Il a rappelé que 80% des personnes dans le besoin dans le nord-ouest de la Syrie sont des femmes et des enfants.

Ensemble, la communauté internationale a contribué à éviter un effondrement total en Syrie, mais la seule façon de mettre fin à la tragédie humanitaire est d’instaurer un cessez-le-feu à l’échelle nationale et de trouver une solution politique qui permette au peuple syrien de déterminer son propre avenir.  En conclusion, le Secrétaire général a demandé instamment à tous les membres du Conseil de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour encourager les parties à s’engager dans des négociations sérieuses pour la paix.  « Nous ne pouvons pas abandonner le peuple syrien. » 

M. MARTIN GRIFFITHS, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a partagé le sombre tableau décrit par le Secrétaire général sur la situation humanitaire en Syrie, où les hostilités se poursuivent sur les lignes de front et dans des poches à travers le pays, tuant encore plus de civils, hommes, femmes et enfants. 

Dressant un état des lieux de la situation sécuritaire, M. Griffiths a rappelé que le 15 juin, une voiture piégée a tué le chef du bureau d’une organisation humanitaire partenaire dans la ville d’Al-Bab.  Une attaque déplorable qui doit faire l’objet, selon lui, d’une enquête et dont les auteurs doivent rendre des comptes.  Le 10 juin, l’aéroport de Damas, endommagé par une frappe aérienne, a été fermé et reste fermé à ce jour.  Cela a conduit le Service aérien d’aide humanitaire des Nations Unies (UNHAS) en Syrie, qui est géré par le Programme alimentaire mondial (PAM), à suspendre ses opérations avec des conséquences directes sur l’acheminement de l’aide essentielle.  Les mines terrestres continuent de menacer les communautés.  Le 11 juin, 10 civils ont été tués et 28 blessés lorsqu’une mine terrestre a explosé sous un véhicule civil transportant des agriculteurs au travail dans le village de Deir Eladas, à Deraa. 

La Syrie est, également, en pleine crise humanitaire, a expliqué M. Griffiths.  Le nombre de personnes dans le besoin est le plus élevé jamais atteint en plus de 11 ans de guerre.  « C’est une crise de la faim.  C’est, également, une crise de l’eau. »  Avec la chaleur de l’été, les niveaux d’eau ont considérablement baissé dans le fleuve Euphrate.  M. Griffiths a appelé toutes les parties à faire en sorte que la population ait accès à une eau saine et en quantité suffisante dans le nord du pays.  Pour ce faire, toutes les infrastructures essentielles, y compris les installations électriques, doivent rester fonctionnelles.

Mais, la triste réalité est que la situation ne fait qu’empirer, a déploré le haut responsable, alors que nous avons la même conversation ici, chaque mois. 

En attendant que le Conseil discute prochainement du renouvellement de la résolution 2585 (2021), adoptée à l’unanimité il y a près d’un an, M. Griffiths a voulu, aujourd’hui, détailler les progrès dans la mise en œuvre des différents éléments de ladite résolution.

M. Griffiths a précisé que 26% de la demande d’aide humanitaire pour la Syrie cette année est destinée aux activités de relèvement rapide et à la résilience.  À ce jour, 2,9 millions de personnes ont bénéficié de ces efforts.  Il a évoqué diverses activités, dont un projet géré par le PAM et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui permet aux agriculteurs, en particulier des groupes de femmes, de cultiver leurs terres.  Il a cité, à cet égard, cette mère célibataire qui a confié à Mme Joyce Msuya, Sous-Secrétaire générale du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), alors en visite sur place, en mai dernier: « Je peux enfin subvenir aux besoins de mes enfants.  J’ai une nouvelle chance dans la vie ». 

Les Nations Unies intensifient leurs opérations de relèvement rapide avec des partenaires pour parer à l’insuffisance des services essentiels et à l’effondrement des infrastructures dans toute la Syrie, a poursuivi M. Griffiths.  C’est ainsi que de janvier à avril, les partenaires du secteur de la santé ont formé près de 15 000 agents afin de rendre les systèmes de santé plus résistants aux chocs.  Ils ont également réhabilité 106 installations de soins de santé qui desservent jusqu’à 400 000 personnes.  Les partenaires du secteur de l’éducation ont restauré plus de 1 500 salles de classe, permettant à près de 80 000 enfants des provinces d’Alep et d’Edleb de retourner à l’école.  Depuis décembre 2021, les équipes de déminage humanitaire ont nettoyé plus de 500 000 mètres carrés de terrain pour permettre l’agriculture à Darayya, dans la région rurale de Damas, a-t-il détaillé. 

M. Griffiths a ensuite informé que depuis l’adoption de la résolution 2585 (2021), cinq convois d’aide transfrontaliers sont passés, comprenant chacun 14 camions, depuis les zones contrôlées par le Gouvernement jusqu’à Edleb.  Le dernier en date s’est déroulé il y a quelques jours, du 12 au 13 juin.  Cela a permis d’ouvrir un accès transfrontière au nord-ouest de la Syrie pour la première fois depuis 2017.  Les livraisons ont également permis de fournir de la nourriture à plus de 43 000 personnes à chaque fois, ainsi que des fournitures pour la nutrition, l’hygiène, la médecine et l’éducation.

Pour faciliter la régularité des convois, l’ONU a développé son plan opérationnel interorganisations et l’a mis à jour pour qu’il soit valable jusqu’à la fin de l’année 2022.  Souhaitant faire plus et notamment élargir l’accès des acteurs humanitaires, M. Griffiths a reconnu la nécessité d’un environnement favorable.  « Nous avons besoin d’approbations en temps voulu et de garanties de sécurité, notamment pour le passage en toute sécurité, en plus de financements ». 

Répondant aux préoccupations des membres du Conseil concernant la transparence des opérations, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires a indiqué que le rapport du Secrétaire général publié conformément à la résolution 2585 (2021) a justement mis l’accent sur ce point.  La Syrie reste l’une des opérations humanitaires les plus complexes au monde.  Le rapport décrit les systèmes robustes en place pour nous aider à surveiller, à atténuer les risques et à fournir une assistance de principe à des millions de personnes dans le besoin, a-t-il assuré.  Il est, dès lors, impératif, selon lui, de maintenir notre capacité à fournir une assistance de l’autre côté de la frontière depuis la Türkiye pendant 12 mois supplémentaires: 4,4 millions de personnes vivent actuellement dans le nord-ouest de la Syrie, dont plus de 90% ont besoin d’une aide humanitaire. 

En 2021, a rappelé M. Griffiths, les Nations Unies ont envoyé quelque 800 camions d’aide transfrontaliers dans le nord-ouest de la Syrie, touchant 2,4 millions de personnes chaque mois.  De la nourriture a été fournie à 1,8 million de personnes, une assistance nutritionnelle à 85 000 personnes, une éducation à 78 000 enfants, ainsi que des articles médicaux essentiels, notamment les vaccins contre la COVID-19.  Les chiffres pour 2022 montrent des niveaux d’aide similaires, a-t-il annoncé.

L’année dernière, les Nations Unies ont dépensé plus de 420 millions de dollars dans le nord-ouest de la Syrie, dont 151 millions de dollars alloués par le biais du Fonds humanitaire transfrontalier pour la Syrie.  Cependant, a-t-il averti, sans l’accès transfrontière des Nations Unies, la faim va augmenter, des cas médicaux ne seront pas traités, des millions de personnes risquent de perdre l’aide au logement et l’accès à l’eau va diminuer.  Les plans de distribution de vaccins contre la COVID-19 seront perturbés et les capacités à fournir une protection aux femmes et aux filles qui risquent d’être victimes de violences sexistes seront fortement limitées.  Plus, a mis en garde M. Griffiths, le mécanisme de surveillance de l’ONU sera également interrompu, ce qui réduira la transparence et la responsabilité.

Dans un monde idéal, a conclu le haut responsable, des progrès plus importants auraient été réalisés en matière de livraisons transfrontières et nous serions plus avancés dans la mise en œuvre des programmes de relèvement rapide.  « Mais nous devons faire face à la réalité: il y a eu des progrès et il y en aura d’autres », a estimé M. Griffiths.  En même temps, les besoins augmentent et davantage de personnes ont besoin de notre aide, a-t-il averti.  Actuellement, il n’y a tout simplement pas d’alternative pour répondre à l’ampleur et à la portée des besoins.  « Nous, et les personnes que nous servons, vous demandons de permettre à notre travail vital de continuer », a-t-il plaidé.

M. IYAD AGHA, Coordonnateur du Forum des ONG, Forum des ONG du nord-ouest de la Syrie, Turquie / Gaziantep, a déclaré que la situation humanitaire désastreuse en Syrie continue de se détériorer, tandis que notre capacité à répondre aux besoins ne cesse de diminuer en raison de la baisse du financement et d’autres crises humanitaires concurrentes dans le monde.  Dans le nord-ouest du pays, plus de 2,8 millions de personnes vivent dans des camps ou des abris de fortune qui n’offrent que peu de protection contre les conditions climatiques extrêmes.  Dans ce contexte, les opérations humanitaires transfrontalières constituent la seule façon de répondre aux besoins fondamentaux des personnes déplacées, notamment la génération d’enfants syriens qui y sont nés et qui ne connaissent que la vie dans les tentes, a poursuivi M. Agha.  

Depuis l’adoption, en 2014, de la première résolution sur les convois transfrontaliers, les agences des Nations Unies, les ONG et les donateurs ont investi massivement pour maintenir l’aide vitale dans le nord-ouest de la Syrie, a continué le Coordonnateur, citant en exemple l’action du Programme alimentaire mondial (PAM) qui fournit de la nourriture à plus de 1,4 million de personnes mensuellement, alors que le nombre total de personnes en situation d’insécurité alimentaire est de 3,1 millions, soit plus de 70% de la population de la région.  Cette assistance transfrontière ne peut être remplacée sans impact humanitaire majeur, a averti M. Agha, qui a mis en garde contre le risque d’une détérioration « rapide et catastrophique » de la situation humanitaire en cas d’interruption. 

Les agences de l’ONU ont joué un rôle essentiel dans l’approvisionnement, le prépositionnement et le transport d’articles de secours dans presque tous les secteurs du nord-ouest de la Syrie, notamment ceux qui ne peuvent être achetés en Türkiye et ailleurs dans la région, a ajouté M. Agha.  Il a exhorté le Conseil de sécurité à autoriser les opérations transfrontalières pour une durée additionnelle de 12 mois afin d’assurer la fourniture « rapide et prévisible » de l’aide humanitaire dans le nord-est de la Syrie, ajoutant qu’il n’existe actuellement aucune alternative viable.

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a déploré que, chaque jour, des millions de Syriens soient tenaillés par la faim.  L’avenir des enfants, qui n’ont souvent connu que la guerre, est hypothéqué pour que les familles puissent manger, a-t-elle ajouté, signalant qu’ils sont retirés de l’école pour travailler ou encore mariés de force.  La représentante a également noté que, dans toute la Syrie, seul un tiers des écoles fonctionnent à plein et que plus de 1,5 million d’enfants actuellement scolarisés risquent de décrocher.  Les enfants handicapés sont particulièrement susceptibles de ne pas être scolarisés, a ajouté la représentante. 

Mme Byrne Nason a ensuite souligné combien l’adoption « à l’unanimité » de la résolution 2585 (2021) avait permis d’enregistrer des progrès significatifs en termes d’assistance humanitaire transfrontière, près de 3 millions de personnes ayant vu leur quotidien amélioré grâce au relèvement rapide mis en œuvre au titre de cette résolution.  C’est en tant que coauteure de celle-ci que l’Irlande avertit que son non-renouvellement mettrait fin à la fourniture d’une aide vitale à des millions de personnes vulnérables ayant un besoin urgent de nourriture, d’abris, d’assistance médicale, de matériel pédagogique et des moyens de subsistance les plus élémentaires.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), a dénoncé les atrocités commises par des groupes terroristes tels que Daech et Hayat Tahrir al-Cham sur les civils dans les zones de Deïr el-Zor, Hassaké et les zones rurales de l’est Homs et Hama.  Il a appelé à des efforts concertés de toutes les parties pour s’assurer que ces crimes ne resteront pas impunis.  Le représentant a souligné l’importance des opérations transfrontalières de l’ONU, qui bénéficient à près de 60% des 4,1 millions de Syriens ayant besoin d’aide humanitaire.  Il a aussi salué l’intensification des livraisons à travers les lignes de front de fournitures humanitaires essentielles à 43 000 personnes dans le nord-ouest du pays, sous l’égide du plan interinstitutions de l’ONU et de la résolution 2585 (2021) du Conseil.

Tout en reconnaissant la portée plus large du mécanisme de livraison transfrontalière, les A3 estiment que l’acheminement de l’aide à travers les lignes de front est tout aussi essentiel.  C’est pourquoi M. Agyeman a appelé à la poursuite des livraisons à travers les lignes de front, car elles complètent le mécanisme transfrontalier facilité par l’ONU.  Dans ce contexte, il a appuyé le renouvellement du mandat de la résolution 2585 (2021) à partir du 10 juillet 2022, pour garantir la livraison continue de l’aide humanitaire vitale aide aux bénéficiaires dans le nord-ouest de la Syrie.  Il a demandé la suppression de tous les obstacles administratifs à l’acheminement de l’aide aux personnes avant de réitérer son appel à un cessez-le-feu à l’échelle nationale et l’urgente nécessité d’une négociation entre les parties, en vue d’un accord politique qui apportera une paix et une stabilité globales et durables.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a rappelé que l’adoption du mécanisme transfrontière il y a un an avait redonné l’espoir à des millions de Syriens, à commencer par des enfants sauvés de la famine et les personnes ayant pu bénéficier de la vaccination contre la COVID-19.  La diplomate américaine a raconté avoir vu de ses propres yeux comment fonctionne ce mécanisme, qui permet aux vaccins et aux solutions nutritionnelles pour enfants de traverser les frontières.  L’acheminement de ces biens vitaux est contrôlé régulièrement par les travailleurs humanitaires.  Ces derniers m’ont dit, a-t-elle raconté, que les livraisons transfrontières permettent d’aider des milliers de personnes « mais pas des millions de personnes », précisément celles qui ne parviennent plus à faire face à la dégradation de la situation humanitaire.  Or 4 millions de personnes ont plus que jamais besoin de l’aide internationale, le prix du panier humanitaire ayant explosé ces derniers mois, a-t-elle alerté.  Mme Thomas-Greenfield a ajouté que ces travailleurs humanitaires étaient inquiets et qu’ils « connaissent la date butoir du 10 juillet pour la prorogation du mécanisme », qui seule leur permettra de poursuivre leurs activités salvatrices.  Après avoir condamné toute attaque perpétrée contre les travailleurs humanitaires, elle a insisté sur le fait que l’unique moyen d’atténuer l’angoisse des travailleurs et des Syriens dans le besoin est sans nul doute de proroger le mécanisme transfrontière.  « Parlons d’une seule voix en nous engageant en faveur de l’humanité, montrons-nous à la hauteur des idéaux de l’ONU », a-t-elle lancé, rendant hommage, en cette Journée mondiale des réfugiés, au Gouvernement turc qui accueille « autant de réfugiés syriens ». 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a jugé les informations relatives à la crise alimentaire et énergétique en Syrie « de plus en plus alarmantes », tout en déplorant que le rapport du Secrétaire général reste « muet » sur la responsabilité des États-Unis dans la crise alimentaire du fait des sanctions et de l’occupation militaire.  À ses yeux, les déclarations de Washington et d’autres pays occidentaux selon lesquelles les sanctions unilatérales respectent leurs obligations internationales sont non seulement fausses mais démontrent l’inhumanité du traitement de la population civile en Syrie.  Le représentant a dénoncé les incidents tragiques qui compromettent la sécurité de la population, notamment les frappes israéliennes du 10 juin contre l’aéroport de Damas, qui ont entraîné sa fermeture et l’interruption des vols du Service aérien d’aide humanitaire des Nations Unies (UNHAS).  Alors que la vie de 2 millions de personne est en jeu, il s’est interrogé sur la différence de traitement entre les Syriens qui reçoivent une aide humanitaire sur le territoire contrôlé par le Gouvernement et ceux qui échappent au contrôle des autorités syriennes.  S’agissant de la résolution 2585 (2021), le représentant a déploré les résultats « déprimants » du travail de l’ONU concernant les livraisons d’aide humanitaire, alors que seulement cinq convois transfrontaliers ont eu lieu, se disant convaincu que l’organisation de livraisons humanitaires en coordination avec le Gouvernement Syrien est possible dans toutes les régions du pays.  Il a ainsi dénoncé la « politisation » du dialogue sur l’aide humanitaire en Syrie.  Enfin, il a invité l’OCHA à fournir des informations plus détaillées sur son plan d’action intégré pour des conditions de vie dignes pour les résidents du nord-ouest de la Syrie.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a constaté qu’après 11 ans de conflit, la situation humanitaire en Syrie continue de s’aggraver, 80% de la population ayant besoin d’aide pour se nourrir et accéder aux services les plus fondamentaux.  Il a exhorté la communauté internationale à répondre à l’appel lancé la semaine dernière par l’ONU et une trentaine d’ONG de ne pas relâcher l’effort humanitaire en Syrie.  Sur le relèvement du pays, le représentant a indiqué que près de 3 millions de Syriens bénéficient de projets déployés rapidement et financés à hauteur de 195 millions de dollars.  Le Royaume-Uni continuera à jouer son rôle puisque nous avons promis près de 200 millions de dollars d’aide humanitaire en 2022, a-t-il ajouté.  Ces fonds soutiendront le relèvement précoce en cours dans toutes les régions de la Syrie dans des domaines comme la réhabilitation des réseaux d’eau et l’éducation des enfants, a précisé le représentant.  

Toutefois, Mme Woodward a répété que, sans renouvellement du mandat humanitaire international, les projets de relèvement rapide dans le nord-ouest de la Syrie seraient compromis.  J’exhorte les membres du Conseil à écouter les experts qui nous disent que la réponse aux besoins humanitaires et la stabilité régionale nécessitent que la résolution 2585 (2021) soit renouvelée et élargie, a conclu le représentant. 

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a rappelé que, le mois prochain, ce Conseil devra, une fois de plus, prendre une importante décision concernant l’acheminement de l’aide humanitaire aux personnes dans le besoin à travers la Syrie.  Le représentant a qualifié de stupéfiant les chiffres présentés dans le rapport du Secrétaire général en avril, notamment l’assistance fournie à 5,4 millions de personnes dans 14 provinces.  Ces chiffres parlent d’eux-mêmes, c’est pourquoi le Brésil est d’accord avec le Secrétaire général sur l’impératif moral de l’aide humanitaire internationale pour les populations en Syrie.

Ce Conseil doit reconnaître une fois pour toutes qu’il est confronté aujourd’hui à un problème très sérieux, à savoir que les ressources ne sont pas illimitées et que la flambée des prix des denrées alimentaires et du carburant dans le monde entier impacte les coûts des opérations humanitaires, a poursuivi le représentant, pour qui il est donc essentiel de trouver des solutions durables aux conflits en cours.

Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a estimé que les opérations transfrontalières au point de passage de Bab el-Haoua ne peuvent pas être déplacées à ce stade.  Elle a rappelé que pendant les mois de validité de la résolution 2585 (2021), environ 800 camions d’aide humanitaire sont entrés chaque mois par ce passage, permettant de venir en aide à plus de 2,4 millions de personnes.  Dans un contexte d’insécurité alimentaire croissante, réduire l’accès à l’aide humanitaire plutôt que de l’augmenter aurait des conséquences néfastes et « probablement irréversibles », a-t-elle argué.  Or, pour la représentante, il est clair que Bab el-Haoua reste un point d’entrée vital pour l’aide humanitaire et d’autres fournitures.

La réponse humanitaire est de plus en plus axée sur l’intensification des projets de relèvement rapide, a poursuivi la représentante, en notant que ces projets avaient déjà profité directement à plus de 319 000 personnes, et à davantage encore plus indirectement.  Dans le cadre de ces projets, elle a souhaité que soient priorisés les secteurs de la santé, de l’éducation et du désarmement.  Elle a appelé les membres du Conseil de sécurité à se laisser guider par les besoins humanitaires de la population, dont la situation ne cesse d’empirer après 11 années de conflit, au cours des négociations à venir.

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a souligné que, si le mécanisme transfrontalier est toujours d’actualité et utile, « il convient de rappeler qu’il s’agit d’une mesure exceptionnelle et temporaire ».  Il a estimé à cet égard que l’action humanitaire doit être cohérente avec les exigences actuelles de la crise, « à savoir l’augmentation du nombre de convois transfrontaliers et un soutien renforcé aux projets de relèvement précoce ».  

Le représentant a insisté sur le fait que, dans le contexte actuel dans le nord de la Syrie et de l’escalade des tensions à la frontière turco-syrienne, il est nécessaire de veiller à ce que le mécanisme transfrontalier d’acheminement de l’aide ne soit pas utilisé à des fins politiques.  Une utilisation abusive de l’assistance humanitaire sapera la crédibilité du mécanisme « en tant que mécanisme purement humanitaire », a-t-il averti.  Le mécanisme transfrontalier ne doit pas être utilisé comme un outil pour s’immiscer dans les affaires de la Syrie.  Quant à l’acheminement de l’aide à travers les lignes de front, « les Émirats arabes unis se félicitent du passage récent du cinquième convoi dans le nord-ouest de la Syrie ».  Concernant le devenir de la résolution 2585 (2021), il a attiré l’attention sur le fait qu’elle précisait, pour la première fois, l’importance de soutenir et de mettre en œuvre des projets de relèvement rapide en Syrie.  En conséquence, nous devons maintenant examiner comment intensifier les efforts de réhabilitation et de reconstruction des infrastructures qui ont été détruites, a déclaré le représentant.

M. ZHANG JUN (Chine) a salué l’importance de la résolution 2585 (2021) du Conseil de sécurité pour livrer l’aide humanitaire tout en invitant le Conseil de sécurité à examiner pourquoi elle n’a pas été mieux appliquée.  Le représentant a appuyé l’importance des livraisons transfrontières tout en insistant sur le fait que celles-ci doivent respecter la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale de la Syrie.  S’agissant des livraisons à travers les lignes de front qui, selon lui, devraient constituer la meilleure solution, il a regretté que seulement cinq convois et 70 camions aient pu être acheminés dans le nord-ouest.  Selon lui, rien ne justifiait l’abandon de ce mécanisme.  Faisant référence à une lettre de l’Ambassadeur syrien datée du 13 juin, le représentant a condamné l’attaque de l’aéroport international de Damas par Israël.  Il a appelé à protéger toutes les infrastructures, dont cet aéroport, qui sont indispensables à la fourniture de l’aide humanitaire.  Il a exhorté les donateurs à respecter l’esprit humanitaire des livraisons et à ne pas « politiser » ni « conditionner » l’aide humanitaire.  Enfin, il a demandé la levée immédiate de toutes les sanctions unilatérales qui ont coûté des dizaines de milliards en pertes économiques pour la Syrie au cours des dernières années.  D’après lui, ces sanctions représentent le principal obstacle à l’amélioration de la situation humanitaire.

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a noté qu’après 11 ans de conflit, les besoins humanitaires en Syrie n’ont jamais été aussi élevés et que, dans ce contexte, « les chiffres parlent d’eux-mêmes »: le mécanisme transfrontalier permet d’apporter chaque mois de l’aide à plus de 2,4 millions de personnes, alors que les cinq convois entre les lignes de front déployés depuis août dernier ont permis chacun d’apporter de l’aide à moins de 50 000 personnes.  Environ 80% de l’aide alimentaire au Nord-Ouest est acheminée par des convois transfrontaliers.  

Pour la représentante, un renouvellement du mécanisme, « pour 12 mois au minimum », est donc fondamental, « comme le demandent le Secrétaire général, les agences onusiennes et les ONG ».  Alors que les besoins humanitaires ont augmenté, tant au nord-ouest qu’au nord-est, ce mécanisme n’a jamais été aussi crucial, a ajouté la représentante, qui a appelé l’ensemble des membres du Conseil à faire preuve d’unité, de responsabilité et à prendre des décisions sur la base de considérations purement humanitaires.  Nous avons un devoir moral, a-t-elle estimé, celui de sauver des vies, de contrer le risque de famine, de répondre aux besoins médicaux et de faciliter les campagnes de vaccination, y compris contre la COVID-19.  

Mme Broadhurst Estival a en outre souligné qu’en l’absence de solution politique, « il n’y a absolument pas lieu de normaliser les relations avec le régime syrien et d’avancer vers la reconstruction », les positions françaises, comme européennes, sur la reconstruction et la levée des sanctions demeurant dans ce cas inchangées.  La reconstruction ne pourra débuter que lorsqu’un processus politique conforme à la résolution 2254 (2015) sera solidement enclenché, a poursuivi la représentante, qui a demandé aux États qui appellent à reconstruire la Syrie à « commencer par renforcer leurs contributions à la réponse humanitaire ».  Enfin, a-t-elle conclu, la France continuera son combat sans relâche contre l’impunité des auteurs de crimes commis en Syrie.  Les responsables de ces crimes doivent répondre de leurs actes.

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) s’est alarmé de la situation humanitaire en Syrie, qui ne cesse de se dégrader, le nombre de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire ayant dépassé les 14 millions, soit 60% de la population.  Pour y remédier, il a jugé urgent de réaliser des progrès politiques tangibles dans la foulée de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité.  Nous devons éviter de lier l’aide humanitaire et l’aide au développement à l’avancée du processus politique, a-t-il averti, estimant que cela ne ferait qu’exacerber les souffrances.  

Le représentant s’est dit convaincu qu’un cessez-le–feu national serait dans l’intérêt du peuple syrien, estimant que les mécanismes transfrontaliers actuels ne pouvaient se poursuivre éternellement.  Il s’est toutefois félicité du passage récent du cinquième convoi humanitaire à travers les lignes de front dans le nord-ouest de la Syrie et a exprimé son appui à l’OCHA et aux autres agences de l’ONU impliquées.  

« Nous ne pouvons pas discuter de la situation humanitaire en ignorant l’impact des groupes terroristes sur la vie des civils », a poursuivi le représentant, en mettant en garde la communauté internationale contre tout laxisme à cet égard.  Enfin, constatant que l’aide humanitaire en Syrie a diminué en 2021, il a demandé à l’OCHA d’harmoniser les données relatives au relèvement rapide et aux projets de résilience d’ici à la fin juin, afin que le Conseil de sécurité puisse avoir une vue d’ensemble de la situation avant l’expiration de l’autorisation transfrontalière.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a rendu hommage, en cette Journée mondiale des réfugiés, aux réfugiés du monde entier et aux millions de personnes en Syrie, en Afghanistan, en Ukraine, en Éthiopie et ailleurs, qui ont été forcées de fuir leur foyer à cause des conflits, de la violence, des violations des droits de l’homme.  Pour l’Albanie, la prorogation du mécanisme transfrontalier est vitale pour des millions de Syriens qui ont besoin d’aide, l’insécurité alimentaire exacerbée par le conflit en Ukraine rendant encore plus complexe la fourniture d’une assistance humanitaire à tous ceux qui en ont le plus fortement besoin. 

Le renouvellement de l’autorisation du seul point de passage en place est une véritable bouée de sauvetage pour des millions de personnes, a martelé M. Hoxha, qui a exhorté les membres du Conseil à prendre, au plus tard le 10 juillet, la seule décision qui vaille, une décision vitale et salvatrice pour ceux qui dépendent de l’aide humanitaire internationale.  En outre, il a rappelé que l’aide humanitaire ne doit pas être politisée.  Elle ne peut pas être une arme ou un moyen d’étendre le conflit, a-t-il averti, appelant le Gouvernement syrien à assurer la fourniture de l’aide de sorte que les ONG puissent travailler sans entrave et porter assistance à toutes les personnes dans le besoin.

M. BASSAM SABBAGH (République arabe Syrienne) a accusé certaines délégations occidentales de taire la récente agression israélienne contre l’aéroport civil international de Damas en violation du droit international, du droit international humanitaire et de la protection des sites civils.  Les multiples agressions d’Israël contre son pays entravent la navigation et la circulation maritime et aérienne et portent également atteinte à des vies civiles, s’est plaint le délégué.  Dans le cadre d’une coordination sans équivoque avec ces agressions, a-t-il dénoncé, le Président du « régime » de Türkiye se dit prêt à lancer une action militaire dans le nord de la Syrie, avec le prétendu objectif de mettre en place une zone sûre.  Cela s’inscrit pour lui dans le droit fil de la politique « agressive » de M. Erdogan et de ses pratiques subversives visant à déstabiliser la Syrie.  Quant à l’exposé de M. Griffiths, il a dit comprendre les difficultés qu’il rencontre en essayant d’aider les Syriens en raison des obstacles érigés par les pays occidentaux et bailleurs de fonds qui politisent le dossier humanitaire.  Pour lui, ce sont ces pays qui ont directement et indirectement refusé d’appliquer la résolution 2585 (2021).  Ladite résolution n’a pu atteindre ses objectifs énoncés, a ajouté le représentant, car les défaillances flagrantes du mécanisme transfrontière n’ont pas été réglées, notamment la violation de l’indépendance et de la souveraineté de la Syrie et la coopération avec des parties inconnues.  L’on a également fermé les yeux sur l’aide humanitaire qui tombe entre les mains de groupes terroristes qui contrôlent la zone d’Edleb, a-t-il ajouté.  Il a déploré les livraisons humanitaires qui se font de façon « sélective », accusant les pays occidentaux d’être revenus sur leurs engagements à garantir les livraisons humanitaires à l’intérieur du pays.  Il en a voulu pour preuve l’écart entre le nombre de convois transfrontaliers (5 000 camions) et le nombre de convois passés à travers les lignes de front (70 camions) le mois dernier.  Pour finir, le représentant a accusé ces mêmes pays de fermer les yeux sur les obstacles érigés par le régime turc.  Il a notamment tenu les États-Unis, le Royaume-Uni et la France pour responsables de la non-application des principaux piliers de la résolution.

M. MAJID TAKHT RAVANCHI (République islamique d’Iran) a déclaré que le conflit en Syrie est aggravé par les sanctions unilatérales qui entravent l’acheminement de l’aide humanitaire et l’application de la résolution 2585 (2021) prévoyant la fourniture de services essentiels et la mise en place d’activités de relèvement rapide.  Ces mesures illicites entravent également la capacité du Gouvernement syrien à parvenir à la stabilité économique et sociale alors que, selon l’ONU, 14,6 millions de personnes auront besoin d’une aide humanitaire en 2022.  Les circonstances politiques ne devraient pas empêcher l’aide humanitaire d’atteindre les personnes qui en ont besoin, a-t-il ajouté, dans le plein respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale de la Syrie.  En tant que garant du format d’Astana, l’Iran a souligné l’importance de lever tous les obstacles à l’aide humanitaire pour tous les Syriens.  Le délégué a condamné à cet égard les sanctions internationales et les objectifs « séparatistes » de certains pays qui sapent le droit international.  Afin d’améliorer la situation militaire, il a invité la communauté internationale, l’ONU et les ONG à aider la Syrie par le biais d’activités de relèvement rapide tels que le redressement des infrastructures de base et l’aide humanitaire à travers les lignes de front.  Il a rappelé que le mécanisme transfrontière est « une mesure partielle et temporaire qui doit se faire en coordination avec le Gouvernement syrien ». 

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Türkiye) a déclaré que la Syrie vit la pire crise humanitaire générée par la main de l’homme depuis la Seconde Guerre mondiale avant de préciser que 4,4 millions de Syriens sont réfugiés en Türkiye et 2,2 millions sont déplacés au niveau interne.  Après avoir rappelé l’importance « cruciale » du mécanisme d’aide transfrontière et de ses 800 camions par mois pour sauver des millions de vies, le représentant a indiqué qu’un total de 47 000 camions sont passés par le point de passage de Bab el-Haoua, à la frontière entre la Syrie et la Türkiye, depuis le début des livraisons.  « Nous n’avons pas d’objectif caché.  Nous voulons simplement sauver des vies », a assuré le représentant avant d’ajouter que ce mécanisme d’aide humanitaire est l’opération la plus sophistiquée et la plus contrôlée de l’histoire des Nations Unies.  « La nature humanitaire de ce mécanisme donne lieu à des contrôles constants et aucun cas d’acheminement d’articles non humanitaires n’a jamais été constaté », a-t-il insisté avant d’ajouter que la prorogation du mandat du mécanisme de livraisons transfrontières est un « impératif moral et humanitaire ».  Par ailleurs, ledit mécanisme est le reflet de l’engagement de la communauté internationale dans le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté nationale de la Syrie.  Mettant l’accent sur la contribution de son pays à l’aide humanitaire, le représentant a rappelé que 750 000 bébés syriens sont nés en Türkiye au cours des 10 dernières années et que plus de 4 millions de réfugiés syriens y bénéficient d’une assistance en matière de santé et d’éducation.  Enfin, il a indiqué ne pas souhaiter répondre aux accusations infondées du représentant du « régime criminel » de la Syrie, sa présence au Conseil de sécurité étant un affront à la mémoire des centaines de milliers de victimes civiles.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Décolonisation: les partisans et les opposants au projet de loi du Congrès américain sur l’autodétermination de Porto Rico défendent leurs points de vue

Soixante-seizième session,
6e séance plénière – matin
AG/COL/3360

Décolonisation: les partisans et les opposants au projet de loi du Congrès américain sur l’autodétermination de Porto Rico défendent leurs points de vue

Ce matin, le Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (Comité spécial des Vingt-Quatre) s’est penché sur la question de Porto Rico, dans un contexte marqué par les prises de position autour du projet de loi du 18 mars 2021 sur l’autodétermination de Porto Rico, présenté au Congrès américain.  Cette initiative prévoit notamment l’option pour Porto Rico de devenir le cinquante-et-unième État américain, permettant ainsi aux Portoricains vivant sur l’île de devenir des citoyens à part entière.

S’exprimant en tant que membre de la Délégation spéciale de Porto Rico au Congrès des États-Unis, l’ancien Gouverneur de l’archipel, M. Ricardo Rossello, s’est félicité qu’après des années d’inaction, le Congrès américain a finalement rédigé un projet de loi consensuel pour parvenir à la décolonisation de Porto Rico et a appelé à saisir cette opportunité historique d’accorder le statut d’État à l’archipel. 

Les indépendantistes ont cependant estimé que ce projet de loi, présenté par les représentantes Nydia Velázquez et Alexandria Ocasio-Cortez, ne permettra pas de résoudre la situation coloniale de l’archipel, lui reprochant d’une part d’être totalement contrôlé par le Gouvernement américain mais aussi de ne pas aborder le problème de la « dette honteuse » que les États-Unis ont imposée à l’archipel.  Ce projet ne mentionne pas non plus les plus de 6 milliards de dollars de réparation que les États-Unis devraient verser à Porto Rico du fait de l’exploitation coloniale à laquelle ils ont soumis l’île pendant plus d’un siècle.  La décolonisation doit être décidée par le peuple colonisé et non pas par le colonisateur, ont souligné les opposants au projet du Congrès américain. 

À cela, les partisans de la libre association ou de l’octroi du statut d’État américain à l’île ont rappelé que le peuple portoricain, à travers six référendums, a systématiquement rejeté l’option de l’indépendance et que 52% de la population portoricaine est favorable au statut d’État américain.  « Si vous voulez l’indépendance il faut la gagner dans les urnes », ont-t-il asséné aux indépendantistes.

À l’issue de ces échanges, le Comité spécial a adopté sans mise aux voix son rapport sur l’archipel, ainsi qu’une décision par laquelle il demande de nouveau au Gouvernement des États-Unis de prendre des mesures qui permettront au peuple portoricain d’exercer pleinement son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance, et de répondre d’urgence aux besoins économiques et sociaux du pays, ainsi qu’aux problèmes relatifs à la santé et à la sécurité, qui se sont aggravés en raison des ravages causés par les ouragans Irma et Maria, des tremblements de terre survenus dans la zone sud-ouest de Porto Rico et de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19).

Il prie également le Gouvernement des États-Unis, de restituer au peuple portoricain l’ensemble des terres occupées par les forces militaires des États-Unis, en particulier les installations de l’île de Vieques et de Ceiba, et d’accélérer l’exécution et la prise en charge financière du nettoyage et de la dépollution des zones auparavant utilisées pour des manœuvres militaires.

Le Comité note par ailleurs avec inquiétude qu’en vertu de la décision du Congrès des États-Unis portant création d’un Conseil de supervision et de gestion des affaires financières, la marge de manœuvre déjà limitée dont disposait le régime de subordination politique et économique en place à Porto Rico a encore été réduite. 

Le Comité spécial se réunira de nouveau jeudi 23 juin à partir de 10 heures.

COMITÉ SPÉCIAL CHARGÉ D’ÉTUDIER LA SITUATION EN CE QUI CONCERNE L’APPLICATION DE LA DÉCLARATION SUR L’OCTROI DE L’INDÉPENDANCE AUX PAYS ET AUX PEUPLES COLONIAUX

DÉCISION DU COMITÉ SPÉCIAL EN DATE DU 18 JUIN 2018 CONCERNANT PORTO RICO A/AC.109/2019/L.7A/AC.109/2019/L.13

Audition de pétitionnaires

M. BENJAMIN RAMOS, ProLibertad Freedom Campaign, a souligné que son peuple souffre toujours du joug du Conseil de supervision et de gestion des affaires financières et qu’il est devenu plus dépendant des combustibles fossiles.  Il a dénoncé les incitations fiscales américaines à venir s’installer à Porto Rico sans paiement d’impôts locaux alors que le peuple est surtaxé.  Il a décrié le fait que l’ancien Gouverneur doit s’exprimer ici aujourd’hui, estimant que cela va à l’encontre de la volonté du peuple portoricain puisqu’il a été évincé. 

M. EDUARDO VILLANUEVA MUÑOZ, Ordre des avocats de Porto Rico, a dit venir depuis 40 ans s’exprimer au Comité spécial pour réfuter les arguments des États-Unis selon lesquels la question de Porto Rico serait une question interne.  Il faut que le peuple portoricain ait le dernier mot et non pas le Congrès américain.  La question de la citoyenneté américaine peut être négociée, a-t-il dit en rappelant que les Portoricains qui résident légalement aux États-Unis ont les mêmes droits que les citoyens américains à l’exception du droit de vote.  Selon lui, le plébiscite proposé par le Congrès américain et géré par le Département de justice ne respecte pas les droits humains, entre autres. 

M. JOSÉ ENRIQUE MELÉNDEZ-ORTIZ, LULAC Puerto Rico, a déclaré que Porto Rico vit un moment historique étant donné que le Congrès américain travaille pour la première fois sur un projet de décolonisation.  Il a rappelé que l’ONU n’inclut pas Porto Rico dans sa liste officielle de colonies en raison d’une décision prise durant les années 50.  Le simple fait que le Congrès fédéral ait entamé un processus délibératif qui a pour but de décoloniser Porto Rico devrait suffire pour que cette Organisation reconnaisse sa grave erreur historique, a-t-il estimé.  Le pétitionnaire a ensuite indiqué que le processus proposé comprend des options non coloniales et non territoriales, notant que lors d’un référendum électoral, 53% des Portoricains ont rejeté la condition territoriale actuelle de l’île.  Il a salué le fait que le processus en cours comprend un langage clair pour décrire les conditions d’admission de Porto Rico en tant qu’État américain, en tant que république indépendante ou en établissant une relation d’association libre et souveraine. 

M. JAN SUSLER, National Lawyers Guild, a déclaré que la situation coloniale de Porto Rico a conduit à une catastrophe économique et écologique en transférant la richesse de l’île aux États-Unis.  Il a affirmé que le Conseil de supervision et de gestion des affaires financières mis en place en 2016 par le Congrès américain a affamé les Portoricains, éliminé les pensions des professeurs des écoles, fermé de nombreuses écoles publiques et privatisé l’Université de Porto Rico dont le budget a été réduit de moitié et les frais d’inscription multipliés par trois.  Dénonçant également la gestion des ouragans qui ont balayé Porto Rico depuis 2017, le pétitionnaire a récriminé contre les abattements fiscaux dont bénéficient les investisseurs privés qui s’enrichissent avec des projets néfastes pour l’environnement qui font monter les prix de l’immobilier et chamboulent la vie des Portoricains qui ne parviennent plus à se payer des aliments.

Mme ESTELI CAPOTE, Instituto Puertorriqueño de Relaciones Internacionales, a déclaré que le Comité spécial est manipulé par les États-Unis.  Elle a dénoncé la proposition du Congrès américain pour résoudre la situation de Porto Rico, soulignant que l’île a besoin de son indépendance afin de pouvoir garantir son développement socioéconomique.  Selon elle, les États-Unis ont imposé le Conseil de supervision et de gestion des affaires financières pour garantir le paiement d’une dette illégale qui a été créée par le Congrès lui-même.  Elle a revendiqué le droit des Portoricains de choisir librement leur système politique économique et social, d’administrer ses ressources naturelles, ainsi que le droit à garantir le développement durable de Porto Rico. 

M. EDWIN PAGA, Generacion 51, a regretté l’inaction du Comité spécial qui a aidé à maintenir la présence des États-Unis dans l’archipel et a l’appelé à se prononcer au sujet des discriminations qui existent en 2022 à Porto Rico.  Comment peut-on justifier l’absence de participation et de représentations politiques comme dans un système d’apartheid?  Il a appelé à garantir la démocratie que le peuple portoricain souhaite mettre en place. 

M. ROGELIO MALDONADO, Jornada Se Acabaron Las Promesas, a fustigé le contrôle des États-Unis sur le sort des Portoricains, victimes d’une situation coloniale qui en est toujours au point mort.  Nous sommes des parias dans notre propre pays et ne disposons d’aucune capacité d’autogouvernance, a-t-il ajouté, jugeant que les Portoricains ne sont pas libres, et par conséquence dans l’incapacité de discuter de leur avenir.  Porto Rico est une colonie et les États-Unis doivent rendre des comptes, a-t-il encore déclaré. 

Mme MADELIN COLON PEREZ, Coalición Puertorriqueña contra la Pena de Muerte, a indiqué que son organisation œuvre à l’abolition de la peine de mort à Porto Rico « et partout dans le monde ».  Elle a expliqué que la peine capitale peut être appliquée aux habitants de l’île s’ils sont accusés dans le cadre de poursuites fédérales conduites en anglais.  Selon elle, si la peine de mort était appliquée, ce qui n’a pas été le cas depuis le milieu des années 1950, elle le serait par un pays étranger.  À ses yeux, l’application potentielle de la peine de mort à Porto Rico est une preuve de plus de la situation coloniale qui prévaut dans le pays. 

M. MICHAEL URAYOAN REYES, Vidas Viequenses Valen, a attiré l’attention sur le péril environnemental qui menace à terme la vie dans au moins 10% du territoire de l’île.  La puissance coloniale laisse la situation sanitaire, dont elle est directement responsable, se dégrader, a-t-il encore accusé. 

M. CARLOS VEGA, Movimiento Independentista Nacional Hostosiano (MINH), a rappelé que depuis la première résolution du Comité spécial sur la question de Porto Rico il y a presque 50 ans, la situation coloniale de Porto Rico n’a pas changé.  Les États-Unis ont trompé la communauté internationale en lui faisant croire que Porto Rico n’était pas une colonie, a-t-il constaté.  Et aujourd’hui, les personnes aux commandes ne sont pas élues par le peuple portoricain.  Le pétitionnaire a également fait état de fortes migrations vers les États-Unis et du fait que le peuple portoricain est toujours privé de la possibilité de participer à la prise de décision au niveau international.  Il a revendiqué le droit à l’autodétermination de son peuple. 

Mme VANESSA RAMOS, American Association of Jurists, a soutenu la résolution présentée aujourd’hui ainsi que le droit à l’autodétermination et à l’indépendance du peuple portoricain.  La question ne sera pas réglée par l’annexion de Porto Rico par les États-Unis.  La décolonisation doit être décidée par le peuple colonisé et non pas par le colonisateur, a-t-elle martelé, en dénonçant les systèmes de franchise imposés par les États-Unis à Porto Rico, tout comme la dette sauvage et le contrôle fiscal exercé sur l’île.  Les entreprises multinationales y commettent des atrocités et le peuple ne peut pas demander de dédommagements, a dénoncé la pétitionnaire qui a demandé au Comité spécial d’envoyer une mission de visite sur place. 

Présentant une motion d’ordre, le représentant de la Papouasie-Nouvelle-Guinée a estimé que si l’on reconnaît les opinions exprimées librement par les pétitionnaires, il faut également respecter le quorum.  La Présidente du Comité spécial a ensuite invité les pétitionnaires à ne pas applaudir après les interventions pour respecter les règles de bienséance. 

Mme TRILCE TORRES LOPEZ, Gran Oriente Nacional de Puerto Rico, a souhaité que l’Assemblée générale se prononce afin que le processus de décolonisation à Porto Rico soit mené à terme.  Elle a dénoncé les règles unilatérales imposées par le Conseil de supervision et de gestion des affaires financières qui contrôle l’économie et aggrave les problèmes socioéconomiques de Porto Rico.  Il est temps que l’ONU appelle la puissance colonisatrice à rendre des comptes. 

M. JUAN DALMAU, Partido Independentista Puertorriqueño, a dit que les décisions sur Porto Rico sont prises par les trois branches du Gouvernement des États-Unis en violation flagrante des droits humains civils et politiques.  Il a appelé à mettre fin à cette situation sans plus attendre, notant que les conséquences économiques et sociales du colonialisme sont énormes.  La communauté internationale doit exercer une pression morale et juridique sur les États-Unis pour qu’ils s’acquittent de leurs obligations internationales et respectent les dispositions de la résolution 1514

M. ARIEL HERNANDEZ, Movimiento Unión Soberanista, a fait part d’une situation d’urgence à Porto Rico où les moyens de subsistance des Portoricains sont menacés, le Gouvernement des États-Unis œuvrant contre les intérêts de la population.  Les États-Unis ont promu une immigration massive d’agriculteurs au début du siècle, imposé l’anglais dans le système éducatif ainsi que le service militaire obligatoire en 1917.  Nous ne pouvons pas utiliser notre drapeau, a-t-il encore dénoncé.  Il a décrié les conséquences des décisions du Conseil de supervision et de gestion des affaires financières et réclamé un véritable processus de décolonisation en commençant par l’élimination de la dette. 

M. RAMON NENADICH, Estado Nacional Soberano de Borinken, a appelé à ne pas se laisser tromper par les nouvelles manigances de Washington, le processus du Congrès ne visant en rien à permettre aux Portoricains de se déterminer sur leur avenir.  Il a exhorté le Comité spécial à adopter les deux résolutions à son ordre du jour pour que la communauté internationale s’engage pour de bon aux côtés des Portoricains sur la voie de l’indépendance. 

M. RICHARD LOPEZ, Partido Nacionalista de Puerto Rico, a expliqué que son mouvement demande de longue date à la communauté internationale qu’elle exige des États-Unis l’indépendance et la souveraineté de Porto Rico.  La reconnaissance de la souveraineté d’un État est irrévocable au titre de la Charte et ce que font les États-Unis et leur administration coloniale depuis 100 ans est illégal, a-t-il souligné. 

M. JOHN MELENDEZ RIVERA, Frente Independentista Boricua, a fustigé le joug et l’oppression colonialistes étatsuniens lesquels sont tenus les Portoricains depuis plus de 100 ans.  L’indépendance est notre droit inaliénable, a-t-il clamé, notant que les États-Unis invoquent le droit à la liberté pour justifier de leurs agissements.  Un tel droit à annexer, à éliminer l’identité portoricaine, existe-t-il?  Le pétitionnaire a exhorté les États-Unis à se retirer des archipels de Porto Rico, un pays dont la culture hispanique est bien distincte de celle, anglophone, des États-Unis, « qui nous discrimine, nous chasse de nos terres et nous persécute là où nous immigrons ». 

M. MANUEL RIVERA, Puertorriqueños Unidos En Acción, a noté que les Portoricains disposent de la citoyenneté américaine parce que le droit américain détermine que si l’on fait partie de l’union des États-Unis on y a droit.  Selon lui, le transfert de pouvoir ne devrait pas signifier qu’il faille renoncer à cette citoyenneté dans le contexte de libre association entre Porto Rico et les États-Unis. 

M. MICHAEL VIERA, El Grito, a déclaré que l’esprit « révolutionnaire » qui revendique l’indépendance de Porto Rico reste bien présent.  Il a dénoncé la présence d’une délégation portoricaine du Congrès qui a été élue avec moins de 3% des votes et dirigée par l’ancien Gouverneur de l’archipel, évincé depuis « et qui n’a donc aucune légitimité ».  Porto Rico n’est pas à vendre, a-t-il conclu. 

Mme MARIA ISABELLE PEREZ-HEDGES, Puerto Ricans in Minnesota Committee, a appuyé la décolonisation de Porto Rico, déplorant que les Portoricains ne connaissent pas assez leur propre histoire et sont victimes de l’argument « paternaliste » selon lequel ils ne peuvent pas survivre sans les États-Unis.  Le peuple portoricain continue d’endurer une expérience américaine ratée et Porto Rico ne doit plus être le butin de guerre d’une nation qui détruit son environnement, mène des expériences scientifiques sur ses corps de femmes et ne fournit même pas l’aide d’urgence la plus élémentaire dans les situations de crise et de catastrophe naturelle.

M. RICARDO ROSSELLO, Délégation spéciale de Porto Rico au Congrès des États-Unis, s’est félicité du fait qu’après des années d’inaction, le Congrès américain a finalement rédigé un projet de loi consensuel pour parvenir à la décolonisation de Porto Rico.  Vous pouvez choisir de rester sur le côté ou vous pouvez choisir de vous engager activement, a dit le pétitionnaire.  Il a jugé essentiel de soutenir les efforts du Congrès et de défendre le statut d’État pour Porto Rico, soulignant l’opportunité historique qui se présente. 

M. WALTER ALOMAR, Organization for Culture of Hispanic Origins, a souligné que le statut de Porto Rico ne sera pas réglé tant que sa population restera marginalisée.  Elle souffre du chômage, de l’exploitation par le travail, et de la fermeture d’écoles ordonnée par le Conseil de supervision et de gestion des affaires financières qui nous a réduit en esclavage.  Les États-Unis doivent restituer tout ce qui a été pillé de notre pays depuis plus de 100 ans.  Parler de démocratie dans le contexte du colonialisme est un mensonge, s’est insurgé le pétitionnaire qui a appelé la communauté internationale à exiger des États-Unis qu’ils s’acquittent de leurs obligations à l’égard de Porto Rico. 

Mme SARA LOBMAN, Socialist Workers Party, a pointé du doigt la dette de 72 milliards de dollars qui frappe de plein fouet Porto Rico.  Le conflit entre les classes à Porto Rico et aux États-Unis fait partie d’une crise capitaliste.  L’indépendance et la souveraineté de Porto Rico sont compromises alors que cet ordre capitaliste se poursuit.  Elle a également évoqué les mouvements de grève initié par les travailleurs portoricains pour obtenir des salaires plus décents et davantage de dignité.  Il faut appuyer la lutte pour la liberté de Porto Rico. 

Mme CHRISTINA MOJICA, Boricuas Unidos en la Diáspora, a déclaré qu’en tant que citoyenne née aux États-Unis et vivant désormais à Porto Rico, elle s’efforce de mettre en place un Porto Rico juste et prospère.  Selon elle, le projet de loi en discussion au Congrès est une occasion à saisir pour que les principes du droit à l’indépendance et à la souveraineté puissent être intégrés à la discussion.  Elle a souhaité que le Comité spécial se rapproche du Congrès sur ce projet de loi et se rende à Porto Rico pour y rencontrer les forces vives politiques et la société civile. 

Mme NORMAHIRAM PEREZ, A Call to Action on Puerto Rico, a affirmé qu’en 1952 les États-Unis n’avaient nullement solutionné la situation mais mis sur pied « une véritable farce politique à Porto Rico, un piège qui s’est refermé sur nous ».  Mais Porto Rico résiste, ne plie pas devant Washington et Wall Street.  Elle a également dénoncé la spoliation des ressources naturelles et les avantages fiscaux réservés aux riches Américains qui deviennent sur l’île plus riches en profitant d’une main d’œuvre sous payée et de terres bradées. 

Mme BEATRIZ AREIZAGA, Extended Congressional Delegation for Puerto Rico (Washington DC), a déclaré lutter pour l’équité sociale des plus de 3 millions d’habitants de l’île.  Vivre sous un régime colonial c’est être privé de pouvoir et condamné au malheur, a-t-elle ajouté, plaidant pour l’égalité de droit, la défense de la culture portoricaine et l’octroi du droit de vote aux habitants de l’île.  Le Comité spécial doit faire davantage pour briser la chaîne de l’esclavage imposée depuis 500 ans à Porto Rico, a-t-elle encore déclaré. 

Mme CARMEN HERNANDEZ, NY State Coalition of Hispanic Chamber of Commerce, a souligné que son île est la colonie la plus peuplée au monde.  Elle a indiqué que sa mère revendiquait déjà le droit de vote pour les Portoricains, en exigeant que l’on mette fin à la discrimination qui les vise.  C’est un affront à la démocratie américaine, s’est exclamée la pétitionnaire en appelant le Comité spécial à appuyer le projet sur lequel travaille le Congrès américain en ce moment. 

M. MARIO A. SOLANO, Delegacion Congresional Extendida Texas-Puerto Rico, a appelé à soutenir le projet du Congrès qui permettrait à Porto Rico de devenir un État américain à part entière.  Le mouvement indépendantiste représente la minorité à Porto Rico, a-t-il affirmé. 

M. MARIO SOLANO RIVERA DELEGADO, Congresional Extendio P.R, a rappelé que le peuple portoricain, à travers six référendums, a rejeté l’option de l’indépendance.  L’option de devenir un État américain a obtenu le plus fort soutien, et ce n’est que 5% de la population portoricaine qui rejette une forme d’association quelconque avec les États-Unis.  « Si vous voulez l’indépendance il faut la gagner dans les urnes et pas ici », a-t-il asséné.

Mme SARA TOREZ, Reading High School Parents Organization, Puerto Rico, a rappelé que les Portoricains ne peuvent pas voter aux élections législatives ou présidentielle à moins de déménager aux États-Unis.  Cette situation a permis au Gouvernement de Porto Rico, territoire qui appartient aux États-Unis mais qui ne fait pas partie des États-Unis, de maintenir la situation de l’époque de mes grands-parents qui ne sont pas nés citoyens américains, a accusé la pétitionnaire.  Elle a indiqué que d’anciens présidents des États-Unis se sont exprimés en faveur d’un État portoricain faisant partie des États-Unis et que le mouvement pour un État de Porto Rico a toujours été très important, représentant plus de 50% des suffrages exprimés lors des référendums.  Il faut garantir un traitement égal permettant aux Portoricains d’être de véritables citoyens des États-Unis et le Congrès doit se prononcer en faveur du projet de loi. 

M. DANIEL VILA, Sovereign National State of Borinken, a mis en garde contre le piège de l’autodétermination concoctée par les États-Unis y compris le projet de loi qui a été soumis par la Représentante Alexandria Ocasio-Cortez et un de ses collègues.  Ce projet ne va pas résoudre la situation parce que Porto Rico va continuer d’être contrôlé par le Gouvernement des États-Unis.  Il ne va pas mettre fin au gouvernement colonial ni résoudre les problèmes qui ont été imposés par les États-Unis notamment la dette honteuse de plusieurs milliards de dollars.  Ce projet vise simplement à maintenir le colonialisme et l’assimilation politique de Porto Rico. 

M. EUGENIO MATIAS, Extended Delegation, a manifesté son opposition aux grandes entreprises multinationales qui œuvrent contre les intérêts de Porto Rico.  Il a également dénoncé le fait que les Portoricains sont des citoyens américains mais que contrairement aux citoyens des 50 États des États-Unis, ils ne peuvent pas élire leur président.  Le fait de résider dans un territoire ne doit pas limiter les droits fondamentaux tels que le droit de vote.  Le pétitionnaire a demandé au Congrès des États-Unis et au Président Biden de mettre fin à cette relation inégale qui existe entre les États-Unis et ses territoires. 

Mme YADIRA O’FARRILL, Extended Congressional Delegation Pro Statehood Puerto Rico in Ga. USA, Mme VIVIAN RIVERA MORENO, Puerto Rico Bilingue, Inc., Rhode Island Extended Delegation for Statehood for Puerto Rico, et M. ROBERTO DELGADO, Delegates US, ont plaidé pour que Porto Rico devienne le cinquante-et-unième État des États-Unis, « comme le souhaite vivement la majorité des Portoricains, issus de la diaspora et vivant dans l’île ».  Pour ces pétitionnaires, le seul moyen de mettre un terme à la situation coloniale qui prévaut depuis 125 ans à Porto Rico, est précisément d’obtenir le statut d’État américain, notamment de premier État américain bilingue.  Ils ont appelé le Comité à soutenir le processus en cours au Congrès américain pour décider du statut futur de Porto Rico, « y compris d’éventuel État américain ». 

Mme LIA FIOL-MATTA, Latino Justice PRLDEF, a déclaré qu’il est plus urgent que jamais de trouver une solution au statut politique de Porto Rico.  Depuis 1963, les États-Unis maintiennent le mythe que Porto Rico est un État autonome, et la dernière restructuration de la dette de Porto Rico en est une illustration flagrante, puisqu’elle réduit les pensions des employés publics et les ressources des municipalités.  Les résidents de l’archipel ont moins de droits que les citoyens américains, « ils sont juste des pions sur un échiquier ».  Dès lors la pétitionnaire a exigé que les États-Unis s’engagent sans tarder dans un véritable processus de décolonisation transparent et complet. 

Mme KATHY BLOUNT, Puerto Rico Statehood Delegation, tout en soutenant le droit à l’autodétermination du peuple portoricain, l’a encouragé à choisir l’option de devenir le cinquante-et-unième État des États-Unis et à obtenir ainsi le droit de vote au même titre que les Américains du continent.  Elle a soutenu le projet de loi présenté à la Chambre des représentants aux États-Unis. 

Déclarations

M. JOAQUÍN PÉREZ (Venezuela) a mis en avant le soutien de région de l’Amérique latine et des Caraïbes au droit à l’autodétermination et à l’indépendance du peuple portoricain.  Le représentant a insisté pour qu’il soit mis fin à l’assujettissement politique de Porto Rico aux États-Unis, imputant l’absence de progrès sur ce dossier au manque de volonté politique de l’administration américaine ces 50 dernières années.  Il a exigé du Gouvernement américain qu’il mène des activités de nettoyage sur l’île de Vieques.

M. JAIME HERMIDA CASTILLO (Nicaragua) a appuyé la lutte du peuple portoricain pour son autodétermination et son indépendance.  Il a rappelé que l’examen de la question de Porto Rico au sein du Comité a généré plus de 39 résolutions et décisions qui ont toutes défini clairement le statut colonial et l’urgence pour les États-Unis de mettre en place un véritable processus de décolonisation.  Porto Rico ne peut pas continuer d’être un territoire qui soit l’exception dans notre région.  Elle est une nation qui a le droit de se développer et de mettre en œuvre le Programme 2030 en tant que pays indépendant. 

M. DIEGO PARY (Bolivie) a réaffirmé le droit inaliénable de Porto Rico à devenir un État libre et réclamé un processus permettant l’indépendance et la fin du colonialisme à Porto Rico.  Il a appelé le Comité à faire respecter la volonté du peuple de Porto Rico exprimé le 6 novembre 2012 lorsque celui-ci a rejeté sa situation d’assujettissement politique.  Ce peuple doit pouvoir prendre des décisions souveraines pour répondre à ses besoins face à la crise humanitaire due aux effets des cyclones Irma et Maria mais également face aux besoins découlant de la COVID-19.  Le représentant a appelé au respect des résolutions 1514(XV) et 75/123 de l’Assemblée générale du 10 décembre 2020 sur la quatrième Décennie internationale sur l’élimination du colonialisme.  Il a également exhorté la Puissance administrante à coopérer avec le Comité spécial afin d’élaborer un programme de travail constructif pour mettre fin de manière rapide et sans conditions au colonialisme. 

M.PEDRO LUIS PEDROSO CUESTA (Cuba) a observé que malgré 124 années de domination coloniale, le peuple portoricain a toujours maintenu sa culture, sa langue et son sentiment national.  En dépit des efforts du Comité, le peuple portoricain continue de ne pas pouvoir exercer son droit légitime à une véritable autodétermination.  Les États-Unis ont dit très clairement que Porto Rico n’était pas souverain et dépendait pleinement de Washington.  Porto Rico est donc une possession des États-Unis et un territoire colonial.  Le représentant a appelé à une solution définitive, relevant en outre que celle-ci ne relève pas uniquement des États-Unis, mais concerne également le Comité spécial tout comme la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) qui au dernier Sommet de septembre 2021, à Mexico, a insisté sur le caractère latino-américain et caribéen de Porto Rico.  Il faut trouver une solution dans le cadre du droit international pour mettre fin à ce fait de colonialisme. 

M. VADIM GUSMAN (Azerbaïdjan), au nom du Mouvement des pays non alignés, a rappelé le droit du peuple de Porto Rico à son indépendance et appelé à un examen complet de cette question sous tous ses aspects, conformément aux résolutions pertinentes, y compris celles adoptées par le biais du Comité.  Il a déploré que la subordination politique actuelle empêche tout règlement des crises budgétaire et humanitaire en cours à Porto Rico.  Le représentant a exhorté les États-Unis à restituer les territoires occupés de Porto Rico, notamment la base navale de Roosevelt Roads, et à contribuer de bonne foi à l’accélération du processus permettant au peuple portoricain d’exercer son droit à l’autonomie et à l’indépendance. 

La représentante de la République arabe syrienne a exhorté les États-Unis à mettre fin à l’occupation de l’île conformément aux résolutions pertinentes de l’Assemblée générale. 

Mme MARÍA DEL CARMEN SQUEFF (Argentine), au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a rappelé le droit inaliénable du peuple portoricain à l’indépendance, conformément aux dizaines de résolutions de l’Assemblée générale, y compris celles demandant un examen continu et complet de la question de Porto Rico aux Nations Unies.  Elle a réaffirmé le caractère latino-américain et caribéen de Porto Rico, soulignant en outre la portée des résolutions les plus récentes adoptées par le Comité.  Enfin, elle a réaffirmé « une fois encore » l’engagement de la CELAC en faveur de l’élimination totale et rapide du colonialisme sous toutes ses formes. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Réunion de l’ECOSOC sur le passage de la phase d’urgence au développement: la Vice-Secrétaire générale de l’ONU souligne que l’alimentation est un droit de l’homme fondamental

Session de 2022,
23e & 24e séances plénières – matin & après-midi
ECOSOC/7089

Réunion de l’ECOSOC sur le passage de la phase d’urgence au développement: la Vice-Secrétaire générale de l’ONU souligne que l’alimentation est un droit de l’homme fondamental

Le Conseil économique et social (ECOSOC) a tenu aujourd’hui sa réunion annuelle sur la question du passage de la phase des secours aux activités de développement sur le thème « Crises récurrentes et solutions durables: renforcer la résilience et faire face à l’insécurité alimentaire croissante et aux déplacements ». 

La Vice-Secrétaire générale de l’ONU a souligné que l’alimentation est un droit de l’homme fondamental.  Mme Amina Mohammed a affirmé que la crise alimentaire peut se résoudre avec seulement 300 millions de dollars.  Près de 193 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire dans 53 pays et territoires et les conséquences du conflit en Ukraine font craindre une famine dans le monde, a-t-elle prévenu.  Insistant sur la mise à disposition des fonds nécessaires, elle a fait observer que, ces deux dernières années, 62 milliardaires ont émergé dans le secteur agroalimentaire. 

En renouvelant nos engagements et en renforçant notre coopération, nous pouvons surmonter ces défis, réduire la vulnérabilité, renforcer la résilience et trouver des solutions pérennes pour les personnes déplacées, a ajouté M. Collen Vixen Kelapile, Président de l’ECOSOC.

Précédant le segment des affaires humanitaires, prévu du 21 au 23 juin, la réunion d’aujourd’hui s’est tenue sous son nouveau format, avec deux tables rondes qui ont permis aux États Membres, aux organes des Nations Unies et à un ensemble de partenaires du monde de la finance ou de la société civile d’explorer les questions pressantes du monde.  L’un des coprésidents de la session, le Vice-Président de l’ECOSOC, M. Diego Pary Rodríguez, de la Bolivie, a demandé aux participants de se concentrer sur deux crises actuelles: l’insécurité alimentaire et les mouvements de population. 

Les deux tables rondes ont pour mission, a-t-il rappelé, de partir des expériences concrètes pour examiner la collaboration, la cohérence et la complémentarité entre les efforts humanitaires, de développement et de consolidation de la paix, en particulier en Haïti, au Soudan du Sud et au Sahel. 

Pendant la première table ronde, l’Économiste en chef de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), M. Maximo Torero, a suggéré de passer à des modèles durables de consommation, tout en veillant à ne pas aggraver les inégalités.  Le Représentant spécial du Fonds monétaire international (FMI), M. Robert Powell, a annoncé le lancement des « fonds de vulnérabilité », cette année.  Le FMI collabore également avec la Banque mondiale pour la restructuration de la dette souveraine de certains États.  Le Coordonnateur spécial pour le développement au Sahel, M. Abdoulaye Mar Dieye, a voulu que l’on double la « débauche d’énergie » que l’on a vue pendant la pandémie de COVID-19 pour servir la lutte contre l’insécurité alimentaire, cette autre pandémie. 

La Fédération de Russie s’est dite prête à exporter 25 millions de tonnes de blé et 22 millions de tonnes d’engrais d’ici à la fin de l’année.  L’Argentine a mis en garde contre des mesures de distorsion qui viendraient affecter les échanges commerciaux.  Il faut, a-t-elle dit, remettre au goût du jour les résolutions de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). 

La Sous-Directrice exécutive du Département de l’élaboration des programmes et des politiques du Programme alimentaire mondial (PAM), Mme Valerie Guarnieri, a averti que si rien n’est fait les gouvernements risquent de chuter, après des troubles sociaux.  Les femmes, qui contribuent à la moitié de la production alimentaire mondiale, représentent paradoxalement 70% des gens exposés à la faim.  Il est impossible de parvenir à des solutions durables et efficaces sans la participation des femmes, et ce, de l’élaboration à l’exécution des programmes, a commenté la Vice-Présidente de l’ECOSOC, Mme Miia Rainne, de la Finlande. 

L’ECOSOC entamera demain mardi 21 juin à partir de 10 heures le segment « affaires humanitaires ».

QUESTIONS DE COORDINATION, QUESTIONS RELATIVES AU PROGRAMME ET AUTRES QUESTIONS

  • Programme à long terme d’aide à Haïti (E/2022/52)
  • Pays d’Afrique sortant d’un conflit
  • Développement durable au Sahel (E/2022/63)

Déclarations liminaires

M. COLLEN VIXEN KELAPILE, Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a mentionné les statistiques alarmantes sur les risques de famine à l’échelle mondiale, puisque 750 000 personnes font face à un tel risque si une assistance ne leur est pas apportée.  Il a aussi insisté sur le nombre sans précédent de personnes déplacées et de réfugiés, plus de 100 millions de personnes.  Malgré ces chiffres inquiétants, ces crises de l’alimentation et de déplacements ne sont pas hors de notre contrôle, a déclaré le Président.  Il a assuré que les parties prenantes peuvent remédier à l’insécurité alimentaire et prévenir la famine, en renforçant les systèmes alimentaires mondiaux et en élaborant des solutions durables permettant de réduire les risques et les vulnérabilités.  En renouvelant nos engagements et en renforçant notre coopération, nous pouvons surmonter ces défis, réduire la vulnérabilité, renforcer la résilience et trouver des solutions pérennes pour les personnes déplacées, a conclu le Président.

Mme AMINA MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, a rappelé que près de 193 millions de personnes souffraient d’insécurité alimentaire en 2021 dans 53 pays et territoires.  Elle a mentionné les conséquences du conflit en Ukraine qui font craindre une famine à l’échelle mondiale.  Elle a parlé des près de 750 000 personnes qui font face au risque de famine en Éthiopie, au Yémen, au Soudan du Sud, en Somalie et en Afghanistan.  Elle a aussi indiqué que près de 13,6 millions d’enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition aiguë.  Or, a-t-elle assuré, « nous pouvons changer cela avec seulement 300 millions de dollars ».  Dans le même temps, elle a rappelé qu’il y a eu ces deux dernières années 62 nouveaux milliardaires dans le secteur agroalimentaire.  Les milliardaires des secteurs de l’agroalimentaire et de l’énergie ont vu leur fortune augmenter de 382 milliards de dollars ces deux dernières années, a-t-elle ajouté en en concluant que « nous ne pouvons pas continuer sur une telle trajectoire ».

En conséquence, la Vice-Secrétaire générale a appelé à une stabilisation des marchés et à une réduction de la volatilité, en estimant qu’il ne peut y avoir de solution à la crise alimentaire mondiale sans réintégration de la production alimentaire ukrainienne et des engrais de la Russie.  La Vice-Secrétaire générale a ensuite rappelé que la nourriture est un droit humain fondamental, en demandant une réponse immédiate aux besoins par le biais d’une assistance alimentaire.  Mme Mohammed a insisté sur le besoin de réponses spécifiques à chaque pays.  À ce sujet, elle a misé sur le rôle clef que peuvent jouer les coordonnateurs résidents de l’ONU.  Le monde fait face à une crise globale de la faim aux dimensions sans précédent, a conclu la Vice-Secrétaire générale en appelant à répondre aux besoins immédiats tout en renforçant la résilience de long terme

Table ronde 1: Crises récurrentes et solutions durables: renforcer la résilience et lutter contre la montée de l’insécurité alimentaire

La modératrice de la table ronde, Mme HELI UUSIKYLA, Directrice de la Division du financement des activités humanitaires et de la mobilisation des ressources au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a posé le débat en rappelant combien nos chaines d’approvisionnement alimentaires sont perturbées actuellement.  Il faut donc agir aujourd’hui pour mettre un terme à la faim dans le monde, a-t-elle plaidé.  Lui emboitant le pas, M. MAXIMO TORERO, Économiste en chef de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a rappelé que le monde compte 193 millions de personnes souffrant de la faim, dont 72% du fait des conflits armés.  Il a souligné que les principaux exportateurs de céréales ont une influence sur les marchés, ce qui explique pourquoi le monde connait depuis le déclenchement du conflit en Ukraine des perturbations d’approvisionnement en céréales.  Pour la FAO, la solution serait de passer à des modèles durables de consommation, à travers un ensemble de mesures qui s’imposeraient comme des accélérateurs, tout en veillant à ne point renforcer les inégalités.

Le Fonds monétaire international (FMI) est déjà à pied d’œuvre, avec la Banque mondiale et d’autres partenaires, pour conseiller et financer les pays qui font face à ces difficultés, a indiqué M. ROBERT POWELL, Représentant spécial du FMI auprès des Nations Unies.  Il a expliqué que le Fonds s’appuie sur des cadres économiques nationaux en veillant à renforcer les filets de sécurité sociale.  Le FMI a contribué à soutenir les plus vulnérables au Mozambique et au Moldova, par exemple, et il entend vulgariser ce genre d’intervention à travers le futur « fonds de vulnérabilité » du FMI qui sera lancé au cours de cette année.  Le FMI collabore également avec la Banque mondiale pour la restructuration de la dette souveraine de certains pays.

Il faut également s’assurer que les systèmes alimentaires et les marchés fonctionnent bien, a recommandé pour sa part Mme RABAB FATIMA, Représentante permanente du Bangladesh et Présidente de la Commission de consolidation de la paix (CCP), en soulignant que l’insécurité alimentaire peut conduire à des conflits.  Elle a appelé à des meures internationales cohérentes et à des financements adéquats pour relever les défis de l’insécurité alimentaire. 

Le financement des opérations humanitaires doit aussi être mis à niveau, car il n’est pas proportionnel aux besoins croissants, a reconnu, dans un message vidéo, la Sous-Directrice exécutive Département de l’élaboration des programmes et des politiques du Programme alimentaire mondial (PAM).  Mme VALERIE GUARNIERI a ainsi prédit que cette situation aura de multiples répercussions comme les chutes de gouvernements et des troubles sociaux.  De plus, a-t-elle fait remarquer, alors que les femmes contribuent à la moitié de la production alimentaire mondiale, elles représentent, paradoxalement, 70% des gens exposés à la faim.  Elle a donc demandé de trouver de nouvelles solutions, notamment par le biais de partenariats basés sur des avantages comparatifs et des compétences. 

En se tournant vers des situations nationales particulières, les panélistes ont notamment évoqué les situations relatives à la zone sahélienne et à Haïti.  Pour ce dernier cas, M. ROBERT KEITH RAE, Représentant permanent du Canada et Président du Groupe consultatif ad hoc de l’ECOSOC sur Haïti, a constaté que la situation va de mal en pis dans le pays.  Il a évoqué les conflits liés aux gangs, qui conduisent à des déplacements de population et à des migrations.  La solution doit être haïtienne, a-t-il souligné en reconnaissant que les mesures imposées de l’extérieur ont montré leurs limites.  Selon lui, il faut d’abord régler la crise politique, notamment en impliquant les femmes et les jeunes.  Le représentant a également appelé à une approche coordonnée et holistique pour rétablir la sécurité dans le pays, tout en luttant contre la corruption et le cycle de l’impunité.  Il a enfin appelé la communauté internationale à combler le déficit de développement socioéconomique du pays, y compris dans le secteur agricole.  Le Vice-Ministre des affaires étrangères de la République dominicaine a, elle aussi, déploré la situation de son voisin où des bandes de brigands terrorisent la population.  Le représentant d’Haïti a, pour sa part, appelé à la mise en place de mesures pour assurer la sécurité sociale dans le pays et notamment des emplois en faveur des jeunes. 

M. ABDOULAYE MAR DIEYE, Coordonnateur spécial pour le développement au Sahel, a reconnu que la transition du secours au développement n’est pas une voie facile.  Dans le cadre du Sahel, il a suggéré de revoir les modèles de production et de distribution, étant donné que 30% de la production alimentaire est perdue dans la région.  Se basant sur la prompte réaction de la communauté internationale face à la pandémie de COVID-19, il a appelé à redoubler de cette énergie pour la cause de l’insécurité alimentaire qui doit être considérée comme une pandémie par l’ECOSOC.  Dans ce contexte, il a appelé à la responsabilité sociale des entreprises du secteur privé qui doivent s’impliquer à fond dans la lutte contre la faim. 

Au niveau des banques, M. FERNANDO QUEVEDO, Directeur général de la Banque interaméricaine de développement (BIAD) pour l’Amérique centrale (Haïti, Mexique, Panama et République dominicaine) a témoigné de sa contribution dans la lutte contre la faim.  Il a évoqué notamment des transferts de bons alimentaires à l’endroit de populations nécessiteuses.  De même, M. MASATSUGU ASAKAWA, Président de la Banque asiatique de développement (BAsD), a expliqué que son institution apporte un appui conséquent aux pays les plus affectés par la crise alimentaire découlant du conflit ukrainien.  La Banque aide ces pays à renforcer leurs filets de sécurité sociale, comme c’est le cas au Sri Lanka et en Afghanistan.  Elle a aussi consacré environ 2 milliards de dollars pour la crise alimentaire en offrant des prêts aux banques nationales, question de soutenir des investissements dans le domaine agricole et le secteur alimentaire.

Dans le Sahel, le Burkina Faso est l’un des pays les plus affectés par la crise alimentaire, a indiqué Mme LAURENCE GROS, Directrice pays adjointe pour le Burkina Faso d’Action contre la faim.  Intervenant par visioconférence, elle a relevé que près de 3,8 millions de Burkinabè souffrent d’insécurité alimentaire, notamment du fait des conflits, des effets multiples des changements climatiques et du manque de mesures pour assurer la sécurité alimentaire.  Elle a relevé que l’agenda sécuritaire, notamment les mesures de lutte contre le terrorisme, est indissociable de la lutte contre l’insécurité alimentaire dans le pays.  Elle a aussi attiré l’attention sur le fait que les femmes et les filles figurent parmi ceux qui souffrent le plus de l’insécurité alimentaire à cause des inégalités structurelles.  Même son de cloche du côté de la Norvège qui a insisté sur l’égalité entre les sexes dans les réponses contre l’insécurité alimentaire. 

Le Royaume-Uni a dit consacrer 30 milliards de dollars à ce défi planétaire de l’insécurité alimentaire, tandis que le Maroc a appelé à des solutions adaptées et qui tiennent compte, à la fois, des préoccupations humanitaires et des défis de développement.  C’est pourquoi les États-Unis ont demandé de diversifier les ressources pour lutter contre l’insécurité alimentaire, avant que l’Indonésie n’insiste aussi sur la diversification des partenariats, en faisant fond sur les avantages comparatifs des uns et des autres.  La Zambie a appelé à soutenir les petits agriculteurs au niveau local, alors que la Thaïlande et le Zimbabwe ont dénoncé les mesures restrictives prises contre certains États, y compris le Zimbabwe et la Fédération de Russie qui s’est tout de même dite prête à exporter 25 millions de tonnes de blé et 22 millions de tonnes d’engrais d’ici la fin de l’année. 

Selon la Suisse, il faut renforcer les systèmes de production alimentaire et préserver les acquis.  Faisant référence à la crise en Ukraine, la délégation a rappelé que les situations de conflit armés peuvent désormais être dénoncées à la Cour pénale internationale (CPI) s’il est démontré qu’une partie à délibérément affamé des populations.  Enfin, l’Argentine a mis en garde contre des mesures de distorsion qui viendraient affecter les échanges commerciaux de denrées alimentaires.  C’est pourquoi il faut remettre au goût du jour les résolutions prises par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis des années, a plaidé la délégation. 

Table ronde 2: Crises récurrentes et solutions durables: renforcer la résilience et répondre à la hausse des déplacements

Cette table ronde s’est voulue résolument concrète et axée sur la recherche de solutions pérennes pour diminuer la vulnérabilité des 59 millions de déplacés dans le monde. 

Un chiffre annoncé d’emblée par M. ROBERT PIPER, Conseiller spécial du Secrétaire général sur les déplacements internes, qui a rappelé que ces derniers sont des citoyens de pays qui doivent les protéger.  Plus de 15 pays ont inclus cette question des déplacements dans leurs plans de développement, s’est félicité M. Piper, avant de demander une amélioration des données en la matière tant sur le plan national qu’international.  Alors qu’il n’occupe sa fonction que depuis quelques jours, il a promis de faire entendre la « voix des déplacés ».  Il a rappelé que toute solution doit bénéficier de ressources adéquates avant de plaider pour des actions collectives permettant d’obtenir des résultats. 

La Colombie est le pays qui compte le plus grand nombre de déplacés dans le monde, a ensuite signalé Mme KELLY T. CLEMENTS, Haut-Commissaire adjointe des Nations Unies pour les réfugiés.  Elle a également parlé des déplacés au Honduras, qui fuient la violence et l’insécurité Elle a passé en revue les efforts du Haut-Commissariat pour répondre aux besoins des déplacés, avant d’estimer que la clef du succès des stratégies en la matière est leur dimension locale.  Elle a ainsi insisté sur le rôle important du réseau de coordonnateurs résidents.  En amont, Mme Clements a appelé à remédier aux causes profondes des déplacements.  Elle s’est enfin dit « frappée » par la similitude des besoins des personnes déplacées et des personnes réfugiées. 

De son côté, Mme UGOCHI DANIELS, Directrice générale adjointe de l’Organisation internationale de la migration (OIM), a misé sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030 comme feuille de route pour relever le défi des déplacements.  Elle a plaidé pour une meilleure compréhension des facteurs de vulnérabilité en précisant d’ailleurs que l’OIM a élaboré un indice de vulnérabilité.  Elle a balayé l’idée erronée selon laquelle les acteurs du maintien de la paix et les acteurs du développement et de l’aide humanitaire poursuivraient des objectifs antagonistes.  « Il est crucial de travailler de concert. » Elle a appelé à développer une « sensibilité » aux conséquences des conflits tant ces conflits sont un facteur crucial de déplacements.  Mme Daniels a insisté sur l’importance de disposer de données rigoureuses sur les besoins en développement.  Enfin, elle a rappelé l’importance, en plus de répondre aux besoins élémentaires des déplacés, de restaurer leur dignité. 

« Regardons en face la réalité », a déclaré M. MICHAEL KOHLER, Direction générale pour la protection et l’aide humanitaire civile de l’Union européenne, en notant l’augmentation exponentielle des déplacements.  Sommes-nous à la hauteur, notre aide est-elle à la hauteur?  C’est la première question que nous devons nous poser, a-t-il dit, en ajoutant que les déplacés sont souvent négligés.  Ils ne sont en effet pas considérés comme de véritables citoyens.  Il a mentionné sa récente visite dans un camp au Yémen.  Les femmes et mères m’ont dit que leur besoin le plus urgent était de trouver un emploi pour leurs époux, a dit M. Kohler.  Il a tenu à briser ce mythe qui voudrait que ces déplacements soient de courte durée.  Ces déplacements peuvent durer 10 ou 20 ans, a-t-il tranché.  Il a rappelé que les communautés hôtes n’ont parfois pas la même religion, pas la même culture ou pas la même langue que les déplacés, engendrant des difficultés supplémentaires.  Enfin, il a plaidé pour un échange des bonnes pratiques dans ce domaine et rappelé que les bailleurs de fonds ne peuvent se substituer aux autorités locales. 

Mme SARA BEYSOLOW NYANTI, Coordonnatrice résidente au Soudan du Sud, a indiqué qu’il y a deux millions de déplacés dans ce pays qui accueille, en plus, des réfugiés venus du Soudan.  Le conflit, le climat et les violences intercommunautaires sont des facteurs qui causent ces déplacements, a-t-elle expliqué en insistant sur l’importance d’actions collectives.  Elle a mentionné à ce titre le plan d’action multipartenaires mené dans un État du Soudan du Sud visant à transformer un camp en quartier.  Elle a évoqué la lassitude des déplacés devant les livraisons humanitaires.  Ils veulent se nourrir eux-mêmes et disposer des outils nécessaires à leur autonomisation, a-t-elle rappelé.  Elle a appelé à éliminer les barrières structurelles entre efforts de paix, de développement et humanitaires, même si cela ne se fera pas sans résistance.  Enfin, Mme Nyanti a insisté sur l’importance d’entendre les voix des communautés et de mieux comprendre ce qui engendre la violence. 

Pour sa part, Mme ROSE-MAY GUIGNARD, Présidente du Comité de Liaison Inter ONG, Haïti, a insisté sur l’insécurité alimentaire chronique en Haïti, tandis que la violence des gangs ne fait que croître.  Les Haïtiens fuient en masse cette violence.  Le quartier de Martissant s’est ainsi vidé de ses habitants en raison de la violence des gangs.  Elle a aussi évoqué les expulsions et rapatriements d’Haïtiens depuis les États-Unis ou la République dominicaine, ce qui les laisse sans ressource.  Face à cette réalité, elle a souligné l’importance de disposer de ressources suffisantes pour soutenir les organisations présentes sur le terrain.  Ce dont nous avons le plus besoin en Haïti, c’est de soutien psychologique pour les femmes qui sont victimes de violence en raison de leur genre, a enfin déclaré Mme Guignard.  Elle a ajouté une recommandation: donner les ressources aux personnes et communautés qui savent précisément quels sont les besoins à pourvoir. 

Lors du débat interactif avec les États Membres, trois délégations ont proposé des pistes pour répondre à la question des déplacements.  Les efforts humanitaires ne sont pas suffisants pour répondre à cette question, a d’emblée déclaré la déléguée des États-Unis: ces efforts doivent aller de pair avec les efforts de développement et de paix.  Il est crucial de mieux comprendre les causes profondes de ces déplacements, a dit la délégation, en mentionnant notamment les changements climatiques.  « Nous avons besoin d’une approche globale », a renchéri la Suisse, en appelant de ses vœux des programmes de réduction des risques de catastrophe naturelle.  La Suisse a insisté sur l’importance du réseau des coordonnateurs résidents, avant de demander, à l’instar de la Norvège, que ce réseau bénéficie de ressources suffisantes. 

Cette table ronde a été conclue par Mme GHADA ELTAHIR MUDAWI, Bureau de la coordination des affaires humanitaires, qui a déclaré que derrière chaque déplacé il y a une histoire et une sensibilité.  Elle a rappelé que 100 milliards de dollars sont nécessaires pour remédier aux conséquences des changements climatiques, qui sont un véritable multiplicateur de déplacements.  « Agissons ensemble pour que les déplacés puissent regagner leurs foyers et reconstruire leur vie. »  

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale proclame le 24 juin « Journée internationale des femmes dans la diplomatie »

Soixante-seizième session,
84e séance – matin
AG/12427

L’Assemblée générale proclame le 24 juin « Journée internationale des femmes dans la diplomatie »

L’Assemblée générale a adopté sans vote ce matin, et sous les applaudissements des délégations, une résolution par laquelle elle décide de proclamer le 24 juin de chaque année « Journée internationale des femmes dans la diplomatie ».  Même si elles voient trop souvent leurs contributions « gommées » de l’histoire, les femmes, a rappelé le Président de l’Assemblée générale, M. Abdulla Shahid, ont contribué à façonner le multilatéralisme.  Après lui, la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme Amina Mohammed, a témoigné de l’engagement de l’ONU pour la parité des sexes, dans le monde entier et au sein même de l’Organisation. 

S’il a rappelé les multiples contributions des femmes diplomates et leur rôle, notamment dans la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme, M. Shahid, a regretté qu’elles continuent de faire les frais du sexisme.  C’est pourquoi, a-t-il insisté, leur histoire doit être racontée de façon à illustrer les efforts déployés au niveau international pour défendre l’égalité entre les sexes.  Pour Mme Mohammed, cette égalité est essentiellement une question de pouvoir, or historiquement, a-t-elle fait remarquer, le pouvoir a été concentré entre les mains des hommes.  La parité des sexes et le leadership égal des femmes sont donc des conditions préalables fondamentales pour un monde sûr, pacifique et durable pour tous.  « C’est pourquoi les femmes doivent être à la table des négociations, c’est pourquoi leurs voix doivent être entendues et leurs contributions valorisées. »

Présentant la résolution, dont 187 États membres se sont portés coauteurs, la déléguée des Maldives a évoqué une « tribune » qui permet de sensibiliser davantage et de réfléchir aux avancées réalisées en la matière et aux mesures à prendre à différents niveaux pour les femmes diplomates.  L’Union européenne y a vu un appel « à faire mieux et à montrer l’exemple », non sans noter qu’en 76 ans d’existence, « l’ONU n’a jamais eu de femme Secrétaire générale ». 

En vertu de cette résolution, l’Assemblée générale invite en effet les États Membres, les organismes des Nations Unies, les autres organisations internationales et régionales et la société civile, y compris les organisations non gouvernementales, les établissements universitaires, les associations de femmes diplomates lorsqu’elles existent et les autres parties intéressées à célébrer la Journée internationale des femmes dans la diplomatie, de la manière qu’ils jugeront la plus appropriée, notamment dans le cadre d’activités d’information et de sensibilisation du public, « afin de favoriser la participation pleine et égale des femmes à tous les niveaux de la diplomatie ».

Au niveau le plus élevé, a précisé la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, nous avons atteint la parité entre les sexes au début de l’année dernière parmi les chefs et les chefs adjoints de mission, et nous nous efforçons de la maintenir.  Grâce aux messages politiques de l’ONU visant à stimuler la participation des femmes et à lutter contre la violence sexiste en Iraq, par exemple, près de 30% de femmes ont été élues au Conseil des représentants en octobre 2021.  Le Fonds pour la consolidation de la paix investit également dans des initiatives visant à lutter contre la violence à l’égard des femmes en politique et à promouvoir des processus politiques pacifiques et crédibles, en Guinée-Bissau, en Colombie ou en Sierra Leone.  En conclusion, Mme Mohammed a encouragé à profiter de cette Journée annuelle pour réfléchir aux succès des femmes qui ont ouvert la voie et s’engager à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour promouvoir la cause des femmes diplomates jusqu’à ce que nous atteignions la parité dans chaque organisation et organe. 

En attendant, a encore regretté la délégation de l’Union européenne, le mur des photos des 75 derniers présidents de l’Assemblée générale ne compte que quatre femmes.  Et sur les 193 États Membres des Nations Unies, moins de 30% sont représentés par des ambassadrices à New York.  Tous les organes des Nations unies ont adopté des engagements ambitieux en matière d’égalité des sexes, a fait valoir l’Union européenne, mais « le fait est que nous ne répondons pas à nos propres attentes ».  Ce qui est vrai dans la diplomatie l’est aussi dans tous les secteurs de la société: la discrimination fondée sur le sexe, les stéréotypes et les normes négatives continuent d’entraver la participation et le leadership pleins et égaux, effectifs et significatifs des femmes.  Pour que la parité des sexes devienne une réalité, nous devons également créer des environnements sûrs et favorables pour toutes les femmes et les filles, a plaidé l’Union européenne. 

La déléguée de Grenade qui s’exprimait au nom du groupe des délégations qui ont permis de faire du 24 juin la Journée internationale des femmes dans la diplomatie, a salué, pour sa part, l’adoption de cette résolution qui a bénéficié d’un soutien « historique » des États membres.  Un tel soutien, proche de l’unanimité, prouve, selon elle, notre volonté à tous d’arriver à l’égalité entre les sexes à tous les niveaux.  « Nous sommes à la croisée des chemins dans le domaine du multilatéralisme. »  De fait, a-t-elle elle aussi reconnu, entre 1992 et 2019 les femmes ne représentaient que 13% des négociateurs, 6% des médiateurs et 6% des signataires dans les principaux processus de paix au niveau international.  Et sept sur 10 processus de paix ont exclu les femmes ! Elle a, dès lors, jugé fondamentale la présence transversale de la problématique homme-femme dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Texte du projet de résolution - Journée internationale des femmes dans la diplomatie (A/76/L.66)

L’Assemblée générale,

Rappelant ses résolutions 53/199 du 15 décembre 1998 et 61/185 du 20 décembre 2006 sur la proclamation d’années internationales, et la résolution 1980/67 du Conseil économique et social, en date du 25 juillet 1980, sur les années internationales et les anniversaires,

Réaffirmant le Programme de développement durable à l’horizon 2030, et réaffirmant que l’égalité des genres et l’avancement de toutes les femmes et de toutes les filles contribueraient de manière déterminante à la réalisation de l’ensemble des objectifs et cibles de développement durable, et que la prise en compte systématique des questions de genre dans la mise en œuvre du Programme 2030 est un élément crucial,

Consciente que les femmes apportent des contributions précieuses à la diplomatie,

Constatant que les femmes sont sous-représentées dans la diplomatie,

Se félicitant des efforts déployés par le système des Nations Unies pour faire progresser la parité des genres,

Réaffirmant que la participation active des femmes, sur un pied d’égalité avec les hommes, à tous les niveaux des processus de décision, est indispensable pour parvenir à l’égalité, au développement durable, à la paix, à la démocratie et à la diplomatie,

1. Décide de proclamer le 24 juin de chaque année Journée internationale des femmes dans la diplomatie ;

2. Invite les États Membres, les organismes des Nations Unies, les autres organisations internationales et régionales et la société civile, y compris les organisations non gouvernementales, les établissements universitaires, les associations de femmes diplomates lorsqu’elles existent et les autres parties intéressées à célébrer la Journée internationale des femmes dans la diplomatie, de la manière qu’ils jugeront la plus appropriée, notamment dans le cadre d’activités d’information et de sensibilisation du public, afin de favoriser la participation pleine et égale des femmes à tous les niveaux de la diplomatie ;

3. Souligne que toutes les activités qui pourraient découler de l’application de la présente résolution devront être financées au moyen de contributions volontaires ;

4. Prie le Secrétaire général de porter la présente résolution à l’attention de tous les États Membres, des organismes des Nations Unies et des organisations de la société civile afin que la Journée internationale des femmes dans la diplomatie soit célébrée comme il convient.

*   ***   *

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: la « fenêtre d’opportunité » pour la fin de la transition se referme, prévient le Représentant spécial pour le Soudan du Sud

9067e séance – matin       
CS/14936

Conseil de sécurité: la « fenêtre d’opportunité » pour la fin de la transition se referme, prévient le Représentant spécial pour le Soudan du Sud

Alors que la mise en œuvre de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud, signé en 2018, accuse du retard, la « fenêtre d’opportunité » pour la fin de la période de transition, censée s’achever en février 2023, est en train de se refermer, a averti, ce matin, le Représentant spécial pour ce pays devant le Conseil de sécurité, appelant les parties à s’entendre de toute urgence sur une « feuille de route », comme le demandent conjointement l’Union africaine, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et l’ONU.     

Cette feuille de route, a précisé M. Nicholas Haysom, qui est aussi Chef de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), devrait servir à réengager les parties à l’Accord revitalisé et à accélérer l’achèvement des tâches en suspens, notamment le déploiement des forces unifiées nécessaires, l’approbation des législations en souffrance sur le processus d’élaboration de la Constitution et sur les élections nationales, en plus des réformes attendues en matière de sécurité, de justice et de finances.  S’agissant des élections, le Représentant spécial a plaidé pour un environnement politique propice qui permette d’organiser un scrutin libre, équitable et transparent.  Il a également souhaité que la communauté internationale s’implique davantage en apportant un soutien ciblé aux tâches transitoires prioritaires. 

Tout en saluant quelques avancées, telles que l’Accord du 3 avril sur la structure de commandement conjoint des forces unifiées nécessaires et la formation de la législature de transition au niveau national et des États, M. Haysom s’est alarmé de l’ampleur des conflits infranationaux, qui s’étendent dans tout le pays, accompagnés de violences, notamment sexuelles, contre des civils.  Il s’est félicité des mesures prises par le Gouvernement pour établir des commissions d’enquête et a indiqué que la MINUSS menait ses propres investigations indépendantes.  Si l’on assiste à une baisse notable du nombre de victimes civiles par rapport à l’an dernier, les données montrent que 80% d’entre elles sont attribuées à la violence intercommunautaire, a-t-il indiqué, non sans rappeler que la responsabilité première de protéger les civils incombe au Gouvernement. 

S’agissant de la crise humanitaire que connaît le pays, M. Haysom a mis en garde contre la baisse des ressources nécessaires pour venir en aide aux millions de personnes dans le besoin.  Actuellement, seulement 26% du plan de réponse humanitaire de 1,7 milliard de dollars ont été reçus, a-t-il déploré, avant d’exhorter la communauté des donateurs à ne pas perdre de vue le Soudan du Sud.  Un appel repris par la Directrice par intérim de la Division des opérations et de la sensibilisation du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), qui a averti que 8,3 millions de personnes feront face à une grave insécurité alimentaire pendant la période de mai à juillet, dont 2,9 millions à des niveaux d’urgence et 87 000 à des niveaux catastrophiques. 

Notant en outre qu’au moins un demi-million de personnes seront probablement touchées par des inondations cette année, Mme Ghada Mudawi a relevé que plus de deux millions de personnes restent déplacées à l’intérieur du pays, tandis que plus de 2,3 millions de Sud-Soudanais sont des réfugiés.  Pour permettre à ces personnes de rentrer chez elles, elle a appelé les autorités sud-soudanaises à régler les problèmes de sécurité, de gestion du foncier et de manque de services de base, tout en suggérant de transformer progressivement des sites de déplacés internes en lieux d’installation permanents. 

De son côté Mme Merekaje Lorna, défenseuse des droits de l’homme et militante des droits civils, s’est inquiétée du manque d’engagement des parties à mettre pleinement en œuvre l’Accord de paix de 2015, qui vient à échéance dans quelques mois, estimant que certains de ses « éléments essentiels » ne sont pas appliqués.  Elle a appelé à cet effet à accroître la pression sur les parties et exhorté les garants de l’Accord de paix à soutenir le peuple du Soudan du Sud dans l’élaboration d’une feuille de route concrète pour le pays.  De surcroît, elle a exhorté le Conseil de sécurité à envisager l’implication de l’ONU dans l’organisation et la conduite des élections. 

Dans ce contexte, le Soudan du Sud a rappelé à son tour que, dans huit mois, la période intérimaire et l’Accord revitalisé prendront fin.  Dans l’intervalle, aucune partie ne doit prendre de décision unilatérale qui risquerait d’entraîner des conséquences négatives sur la stabilité du pays, et cela concerne également la communauté internationale, a-t-il plaidé en appelant de ses vœux des consultations étroites entre toutes les parties à l’Accord.  Au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), le Ghana a invité les parties à mener un dialogue inclusif pour s’entendre, entre autres priorités, sur la tenue d’élections, tout en réitérant son appel à un soutien financier international en faveur du Soudan du Sud. 

Si la France a fait valoir que les arrangements sécuritaires sous-tendent l’application du processus de paix, notamment la tenue d’élections, et font partie des critères de révision de l’embargo sur les armes, la Chine a, elle, souhaité que cet embargo soit levé au plus vite et que les sanctions ne soient plus utilisées comme des moyens de pression politique.  En appui de cette position, soutenue également par l’Inde, la Fédération de Russie a dénoncé les sanctions unilatérales « illégales » que lui imposent des pays occidentaux et qui, selon elle, causent d’énormes dommages au commerce alimentaire mondial.  À ce propos, elle a rejeté catégoriquement les accusations selon lesquelles l’ « opération militaire spéciale » de la Russie en Ukraine serait la cause principale de la crise alimentaire au Soudan du Sud.

S’adressant aux deux membres permanents du Conseil qui « s’opposent aux sanctions de façon habituelle » et « minent nos capacités à utiliser l’arme des sanctions », les États-Unis ont souhaité que Russes et Chinois gardent à l’esprit le « coût humain » de cette attitude.  À l’instar d’une majorité de délégations, ils ont également salué le déploiement rapide des forces de la MINUSS pour restaurer le calme dans l’État de l’Unité, où des crimes atroces ont été commis.  Ceux qui sont impliqués dans la planification et la commission de tels actes peuvent être soumis à des sanctions de l’ONU, ont averti les États-Unis. 

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD (S/2022/468)

Déclarations

M. NICHOLAS HAYSOM, Représentant spécial et Chef de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), a tout d’abord estimé que la « fenêtre d’opportunité » pour la fin de la période de transition au Soudan du Sud, qu’il avait évoquée lors de son précédent exposé devant le Conseil de sécurité, est en train de se refermer.  Il s’est toutefois félicité qu’après le retrait de l’opposition des mécanismes de sécurité transitoire fin mars, les parties aient réussi à sortir de cette impasse pour parvenir à un accord décisif, le 3 avril, sur la structure de commandement conjoint des forces unifiées nécessaires.  Il a également salué la formation de la législature de transition reconstituée, au niveau national et des États, jugeant préférable que les différences politiques soient combattues au Parlement plutôt qu’à l’extérieur.  Il a d’autre part souhaité que la prorogation du Comité chargé des mandats de la Commission constitutionnelle nationale permettra l’examen de la loi sur les élections nationales et s’est réjoui qu’après neuf mois de retard, le budget national pour 2021-2022 ait été voté.  Il a encouragé le Gouvernement à présenter sans tarder le budget 2022-2023 pour son approbation rapide.

Dans les mois à venir, a poursuivi M. Haysom, les dirigeants du Soudan du Sud doivent s’engager de manière visible à honorer leurs responsabilités en vertu de l’Accord de paix et à prendre les étapes nécessaires pour que le pays sorte de la période de transition.  Il a donc dit attendre des parties qu’elles se mettent d’accord sur une feuille de route, comme demandé conjointement par l’Union africaine, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et l’ONU.  Cette feuille de route, a-t-il précisé, devrait servir à réengager les parties à l’Accord de paix revitalisé et aborder l’achèvement des tâches en suspens, notamment le déploiement des forces unifiées nécessaires, l’approbation des législations en attente sur le processus d’élaboration de la Constitution et sur les élections nationales, en plus des réformes en matière de sécurité, de justice et de finance.  S’agissant des élections, le Représentant spécial a plaidé pour un environnement politique propice, qui permette d’organiser un scrutin transparent.  Selon lui, la feuille de route offre également un point d’entrée à la communauté internationale pour apporter un soutien ciblé aux tâches transitoires prioritaires. 

Le Chef de la MINUSS s’est ensuite alarmé de l’ampleur des conflits infranationaux, qui s’étendent désormais du nord au sud et d’est en ouest.  Dans l’est et dans les États de l’Équatoria-Central, d’Unité, de Ouarrap et de Jongleï, ainsi que les zone administratives d’Abyei, des violences, y compris sexuelles, ont été perpétrées contre des civils, alimentant un cycle de vengeance, a-t-il indiqué, avant de saluer les mesures prises par le Gouvernement pour établir des commissions d’enquête. 

La MINUSS, qui fournira un soutien logistique dans plusieurs cas, a déjà mené ses propres enquêtes indépendantes sur le conflit de Leer, qui a révélé d’horribles violations des droits de l’homme par des jeunes armés venant des comtés de Koch et Mayendit, a précisé M. Haysom, relevant que, cette année, plus de 80% des victimes civiles avaient été attribuées à la violence intercommunautaire et aux exactions de milices, ce qui entrave la réconciliation.  Il s’est toutefois félicité de la baisse du nombre de victimes civiles par rapport à l’an dernier.  Dans ce contexte, la MINUSS doit maintenir ses efforts de prévention et d’intervention.  C’est pourquoi, a-t-il expliqué, elle s’emploie à être de plus en plus mobile, même dans des conditions de terrain et météorologiques difficiles.  Alors que le déploiement des bases opérationnelles temporaires offre à court terme des « sanctuaires de paix », il importe que la Mission puisse se déployer rapidement là où les besoins sont le plus grand.  Toutefois, nous ne pouvons pas être partout, a concédé M. Haysom, qui a rappelé que la responsabilité première de protéger les civils incombe au Gouvernement. 

M. Haysom a confirmé que la vision stratégique triennale demandée par le Conseil de sécurité reste le cadre des efforts intégrés de la MINUSS.  En plus des travaux liés à la protection des civils, la Mission a soutenu le renforcement de la chaîne judiciaire et la promotion de la responsabilité, a-t-il précisé.  La Mission contribue par ailleurs au renforcement de l’état de droit en soutenant la police de proximité et les tribunaux spéciaux mis en place dans plusieurs États.  De plus, dans quatre « points chauds », à savoir l’État d’Unité, l’Équatoria-Central, Jongleï -Zone administrative de Pibor, et Bahr el-Ghazal occidental- Ouarrap, la MINUSS participe à un effort de programmation conjointe destiné à opérationnaliser les liens entre l’humanitaire, le développement, la paix et la sécurité et ainsi s’attaquer aux causes profondes du conflit.  

Évoquant la grave crise humanitaire que connaît le pays, M. Haysom a noté qu’alors que les besoins concernent environ 8,9 millions de personnes, les ressources diminuent.  Actuellement, seulement 26% du 1,7 milliard de dollars requis pour le plan de réponse humanitaire ont été reçus, a-t-il déploré, avant d’exhorter la communauté des donateurs à ne pas perdre de vue le Soudan du Sud.  Il a aussi alerté le Conseil sur les inondations incessantes, qui frappent pour une quatrième année consécutive les États d’Unité et Jongleï, ainsi que sur les effets liés aux changements climatiques, notamment les déplacements, l’insécurité alimentaire et le manque d’opportunités de subsistance pour les jeunes. 

Le Représentant spécial a par ailleurs appelé le Gouvernement à garantir la sûreté et la sécurité du personnel humanitaire, tout en dénonçant la décision du Ministère des affaires humanitaires et de la gestion des catastrophes, qui réclame aux partenaires humanitaires des documents non prévus par les accords.  Enfin, il a tenu à réaffirmer que, malgré les retards d’application, la seule ligne de conduite viable reste la mise en œuvre de l’Accord de paix revitalisé, qui prévoit aussi la participation pleine et entière des femmes à tous les mécanismes prévus. 

Mme GHADA MUDAWI, Directrice par intérim de la Division des opérations et de la sensibilisation du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a déclaré que la plupart des indicateurs humanitaires se sont détériorés au Soudan du Sud depuis fin 2021.  « Dans un contexte de défis macroéconomiques profonds, les moteurs des conflits et des chocs climatiques ont entraîné une situation humanitaire désastreuse », a précisé Mme Mudawi avant de s’inquiéter du spectre de la famine et d’avertir que 8,3 millions de personnes feront face à une grave insécurité alimentaire pendant la période de mai à juillet.  D’après elle, « 2,9 millions de personnes seront probablement confrontées à des niveaux d’urgence, tandis que 87 000 personnes seront probablement confrontées à des niveaux catastrophiques d’insécurité alimentaire/famine ».

La Directrice par intérim a rappelé qu’au moins un demi-million de personnes seront probablement touchées par des inondations cette année; 200 000 personnes sont déjà déplacées dans l’État de l’Unité, et de nouvelles inondations se produisent dans des zones gorgées d’eau depuis les inondations de l’année dernière.  

Par ailleurs, Mme Mudawi a noté que plus de 2 millions de personnes restent déplacées à l’intérieur du pays, tandis que plus de 2,3 millions de Sud-Soudanais sont des réfugiés.  Pour que les personnes puissent revenir, elle a appelé le Soudan du Sud à résoudre les problèmes qui les maintiennent dans « un schéma de déplacement en attente »: insécurité, risques d’explosion, problèmes fonciers et immobiliers non résolus, et manque de services de base.  Elle a aussi suggéré une planification pour que les sites de déplacés internes deviennent éventuellement des lieux d’installation permanents.  

Après avoir relevé que quatre travailleurs humanitaires ont été tués en 2022 dans l’exercice de leurs fonctions et qu’un groupe armé aurait attaqué une clinique dans la Zone administrative du Grand Pibor et pillé des fournitures alimentaires prépositionnées, la haute responsable a appelé à lutter contre l’impunité.  Notant que le plan de réponse humanitaire (HRP) 2022 vise à aider 6,8 millions de personnes, elle a regretté que seulement 3,1 millions de personnes aient pu être aidées jusqu’à présent par manque de ressources, le plan de réponse estimé à 1,7 milliard de dollars n’étant financé qu’à hauteur de 26%.

Concluant son intervention par trois messages, Mme Mudawi a rappelé que la réponse internationale nécessite que les efforts humanitaires, de développement et de consolidation de la paix aillent de pair pour s’attaquer aux causes profondes de la crise.  Elle a souligné l’importance de l’appropriation nationale des services de base et la promotion d’un leadership et de solutions localisées quand et où cela est possible.  « Tout en garantissant la protection des civils et la responsabilisation pour les violations des droits humains », a insisté Mme Mudawi.  Par ailleurs, elle a redit la nécessité d’assurer la sécurité des travailleurs et des biens humanitaires avant d’appeler à une action du Gouvernement et de toutes les parties au conflit afin de faire cesser les attaques contre les travailleurs et les biens humanitaires.  Enfin, elle a demandé un financement flexible à grande échelle de toute urgence pour répondre aux besoins humanitaires croissants, notamment pour prévenir une détérioration dangereuse de la situation en termes de sécurité alimentaire.

Mme LORNA MEREKAJE, défenseure des droits de l’homme du Soudan du Sud, militant des droits civils et défenseure de la paix, a déclaré que son pays se préparait à la tenue des élections prévues par l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud malgré une détérioration de la situation économique, caractérisée par une augmentation du prix des denrées alimentaires de base, une escalade de la violence et des violations des droits de l’homme.  Elle s’est inquiétée du manque d’engagement des parties à mettre pleinement en œuvre l’Accord de paix de 2015, qui vient à échéance dans quelques mois, estimant que certains de ses « éléments essentiels » ne sont pas appliqués.  Elle a appelé à cet effet à accroître la pression sur les parties et exhorté les garants de l’Accord de paix à soutenir le peuple du Soudan du Sud dans l’élaboration d’une feuille de route concrète pour le pays après l’expiration de l’Accord.

Alors que se poursuivent les actes violence et les violations des droits de l’homme, le conflit reprend à Kajo-Keji, Nimule et dans d’autres régions du pays, a rappelé Mme Merekaje.  Les femmes et les filles continuent notamment d’être confrontées à la menace de violences sexuelles liées au conflit, y compris dans la capitale Djouba, a-t-elle poursuivi, déplorant l’augmentation des cas de viols et de meurtres.  Malgré les progrès réalisés dans la mise en place de la Commission vérité, réconciliation et apaisement, guérison et réconciliation, d’autres processus, tels que l’élaboration d’une Constitution et la réforme des finances publiques, accusent des retards importants, s’est alarmée la défenseure des droits de l’homme. 

Afin d’aller de l’avant, Mme Merekaje a plaidé pour un renforcement des capacités des institutions nécessaires à la tenue d’une élection crédible, de la liberté de la presse et de l’engagement civique, ainsi que du cadre juridique.  Elle a exhorté le Conseil de sécurité à envisager l’implication de l’ONU dans l’organisation et la conduite des élections.  Elle a recommandé la tenue de forums périodiques entre la société civile et la MINUSS et demandé au Conseil de sécurité d’autoriser la MINUSS à faciliter un engagement avec le Gouvernement, la société civile et les groupes de citoyens afin d’instaurer un climat de confiance dans le pays. 

M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a fait part de sa profonde préoccupation face aux violences, notamment sexuelles et sexistes, perpétrées au Soudan du Sud, qui frappent les femmes et les enfants.  Il s’est dit « atterré » par les crimes atroces commis dans l’État de l’Unité.  La délégation des États-Unis sera claire, a martelé le délégué.  Ceux qui sont impliqués dans la planification et la commission de tels actes peuvent être soumis à des sanctions de l’ONU, a-t-il averti.  Se tournant ensuite vers la Chine et la Fédération de Russie, les deux États permanents du Conseil qui « s’opposent aux sanctions de façon habituelle » et « minent nos capacités à utiliser l’arme des sanctions », le délégué les a pressés de garder à l’esprit le coût humain de cette attitude.  Poursuivant, il a demandé au Gouvernement et aux responsables du Soudan du Sud de traduire en justice tous les responsables.  À cet égard, il a salué l’action de la MINUSS qui a permis le déploiement rapide des forces de maintien de la paix pour restaurer le calme dans l’État de l’Unité et sauver des vies.  Le délégué a toutefois reconnu qu’aucune paix pérenne ne sera possible s’il n’y a pas de progrès sur le plan politique.  Dans cet esprit, il a partagé les préoccupations du Secrétaire général concernant la lenteur de la mise en œuvre de certains éléments essentiels de l’Accord de paix revitalisé.  Il s’est, enfin, inquiété de la grave crise humanitaire que traverse le pays, la pire de son histoire, rappelant que les États-Unis fournissent tous les ans une aide alimentaire à hauteur d’un milliard de dollars environ. 

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a estimé que les dernières évolutions positives au Soudan du Sud, notamment les avancées dans les processus d’élaboration d’une constitution et d’organisation d’élections, sont le reflet de la détermination des dirigeants sud-soudanais de mettre en œuvre l’Accord de paix revitalisé.  Il s’est félicité à cet égard que l’accent soit mis sur la réconciliation et a souhaité que des progrès soient réalisés pour opérationnaliser le commandement conjoint des forces unifiées nécessaires et pour achever le calendrier électoral.  Avec l’appui de la communauté internationale, en particulier de l’Union africaine, et de l’IGAD, ces tâches peuvent être menées à bien dans les prochains mois, a-t-il assuré. 

Le représentant a ensuite salué la stabilisation économique du pays, avant de l’alarmer de la situation humanitaire.  Selon lui, la communauté internationale, à commencer par l’ONU, doit redoubler d’efforts pour appuyer le Gouvernement et donner à la MINUSS les moyens d’agir.  M. Raguttahalli a également applaudi les actions de médiation menées par la Mission pour faire cesser les différends communautaires.  Le représentant a d’autre part rappelé que l’Inde est l’un des principaux contributeurs de personnel en tenue au sein de la MINUSS, avec un contingent de quelque 2 300 soldats de la paix, ce qui lui a valu d’être distingué par l’ONU en avril dernier.  Enfin, il a appelé la communauté internationale à tout mettre en œuvre, en cette période de transition, pour répondre aux préoccupations des Sud-Soudanais, notamment en ce qui concerne les sanctions, les mesures ciblées et l’embargo sur les armes. 

Mme CAÍT MORAN (Irlande) a particulièrement regretté les retards de mise en place des Forces unifiées nécessaires.  Elle a appuyé l’action urgente demandée par le Secrétaire général pour mettre pleinement en œuvre les dispositions de sécurité transitoires, alors que la sécurité reste une préoccupation majeure compte tenu de la poursuite des violences à travers le pays entre le Gouvernement et les forces d’opposition.  Elle a aussi appelé à une action urgente pour la protection des travailleurs et biens humanitaires, en rappelant que leur action est essentielle pour aider les populations à faire face à une insécurité alimentaire extrême. 

Par ailleurs, la représentante s’est dite profondément préoccupée par l’étouffement continu de l’espace civil avant d’exhorter le gouvernement du Soudan du Sud à protéger la liberté de parole, de réunion et d’expression pour insuffler l’espoir nécessaire à sa jeune population.  Elle a ajouté que l’avenir de ce jeune État pouvait être mesuré au statut de la participation des femmes à la vie publique, au bien-être de ses enfants et de ses jeunes, et non par une augmentation des armes entrant dans le pays.  Enfin, elle a estimé que beaucoup de progrès peuvent être réalisés au cours des huit derniers mois de la période de transition, notamment en matière de mise en œuvre des dispositions transitoires de sécurité.  Elle a conclu en affirmant que les forces de sécurité avaient besoin de leadership, de direction et d’unité, avant de prévenir que la levée de l’embargo sur les armes ne remédierait pas à l’absence de ces principes.

M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a noté que, malgré les progrès réalisés dans l’application de l’Accord de paix et la mise en place de la Commission vérité, réconciliation et apaisement, ces processus continuent d’accuser d’importants retards.  Afin d’achever le processus de transition, il a invité les parties à l’Accord de paix à élaborer une feuille de route comprenant notamment des garanties en matière de sécurité.  « Il est temps de mettre le peuple sud-soudanais au centre et de sortir de la logique de la confrontation politique permanente », a poursuivi le représentant, en renouvelant son appel en faveur d’un quota de 35% de participation des femmes aux institutions établies par l’Accord. 

M. Gómez Robledo s’est dit préoccupé par les tensions infranationales persistantes qui entraînent de nouveaux déplacements et aggravent la situation humanitaire.  Face à l’augmentation significative de la violence sexiste à l’égard des femmes et des filles, il a rappelé la responsabilité première des autorités nationales dans la protection de la population civile.  Par ailleurs, alors que les changements climatiques continuent d’aggraver l’insécurité alimentaire et les tensions communautaires, il a exhorté les parties à respecter le droit international humanitaire et à assurer la sécurité des travailleurs humanitaires et du personnel de MINUSS.   

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a formé le vœu de voir les parties au Soudan du Sud bientôt en mesure de s’entendre sur un calendrier d’élections et une feuille de route claire pour mettre fin à la période de transition.  La représentante s’est, cependant, inquiétée de la flambée des violences dans les États du Nil supérieur et de l’Unité.  Elle a fermement condamné toutes les violations de l’Accord de paix global et les actes de violence contre les civils, y compris les travailleurs humanitaires au Soudan du Sud.

Mme Evstigneeva a par ailleurs catégoriquement rejeté les accusations selon lesquelles « l’opération militaire spéciale » de la Russie en Ukraine serait la cause principale de la crise alimentaire au Soudan du Sud.  « Nous rejetons catégoriquement une telle approche et la considérons comme politisée », a-t-elle insisté, rappelant avoir donné à plusieurs reprises des explications détaillées sur les véritables causes de la crise alimentaire mondiale, causes qu’elle a qualifiées de complexes, citant en particulier les problèmes de développement socioéconomique et de défis mondiaux tels que la pandémie de coronavirus. 

Dénonçant les politiques « irresponsables » de nos « amis occidentaux » -guerres commerciales, protectionnisme et autres pratiques douteuses– elle a pointé du doigt les sanctions unilatérales jugées illégales imposées par un certain nombre de pays occidentaux à l’encontre de la Russie et du Bélarus qui causent, selon lui, d’énormes dommages au commerce mondial, y compris au commerce alimentaire. 

Enfin, la représentante a suggéré à ceux qui siègent au Conseil de s’employer à rectifier la situation de l’économie mondiale et à lever leurs mesures unilatérales illégales, plutôt que de s’engager dans une démagogie inutile.

Mme ALICE JACOBS (Royaume-Uni), jugeant la situation humanitaire alarmante, a exhorté le Gouvernement du Soudan du Sud à réduire les obstacles physiques et bureaucratiques et à respecter ses obligations en vertu de l’Accord de paix pour permettre un accès humanitaire sans entrave.  La situation des droits humains continue également d’être préoccupante, comme en témoignent les informations faisant état de violences, de meurtres et de violences sexuelles généralisées, a poursuivi la représentante qui a appelé le Gouvernement à tenir les auteurs pour responsables.  Par ailleurs, le Royaume-Uni salue les récents progrès réalisés sur l’Accord de paix, y compris la structure de commandement unifiée.  S’il se dit également encouragé par l’intégration de l’Accord de paix dans la Constitution de transition et par le fait que la législation a été présentée au Parlement, le Royaume-Uni regrette toutefois que « les progrès globaux restent trop lents et trop limités » et que des repères critiques n’aient pas été atteints.  À moins d’un an de la période de transition, la représentante a encouragé le Gouvernement du Soudan du Sud à définir en détail les mesures concrètes qu’il doit prendre pour mettre en œuvre l’Accord de paix, en particulier sur l’élaboration de la Constitution et les élections, et comment la MINUSS et la communauté internationale dans son ensemble peuvent apporter leur soutien.

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a jugé urgent que les forces unifiées nécessaires soient mises en place et déployées avec des ressources suffisantes pour garantir la stabilisation du pays et briser le cycle des violences intercommunautaires.  Alors que des groupes armés s’affrontent depuis des années, la représentante a estimé que la présence de telles forces pourrait réduire les tensions en comblant le vide actuel des forces nationales.  Par ailleurs, elle a appelé le Gouvernement à s’engager en faveur d’un processus inclusif d’élaboration de la Constitution et d’élections libres et équitables avant la fin de la période de transition.  À cette fin, la représentante a exhorté le Gouvernement à fournir sans délai les fonds nécessaires à la mise en œuvre de l’Accord de paix.  Alors que les revenus pétroliers augmentent, elle a souligné la nécessité de prévenir la corruption en promouvant la transparence et la responsabilité.  Notant ensuite que la situation humanitaire ne cesse de se détériorer en raison de la lenteur de la mise en œuvre de l’Accord de paix, la représentante a dit qu’il n’était pas viable pour le pays de dépendre uniquement de l’aide humanitaire pour ses services de base.  Onze ans après l’indépendance, la Norvège juge indispensable un engagement et des investissements accrus de la part du Gouvernement du Soudan du Sud pour s’attaquer aux causes profondes de la crise humanitaire. 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) s’est alarmé de l’accroissement de la violence liée au bétail dans les États de l’Équatoria-Oriental, de l’Unité et le secteur de Jongleï.  Il s’est dit particulièrement préoccupé par le niveau élevé d’insécurité alimentaire et les déplacements, estimant crucial d’assurer le financement du plan de réponse humanitaire 2022 et un accès humanitaire plus large afin de subvenir aux besoins les plus urgents de la population civile.  S’agissant du processus de paix, le représentant s’est félicité de l’accord sur la structure de commandement des forces unifiées nécessaires et de la formation de l’Assemblée législative nationale de transition.  À ses yeux la mise en œuvre de l’Accord revitalisé demeure le meilleur instrument dont dispose le Soudan du Sud pour atténuer la violence intercommunautaire.

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a salué les dernières évolutions enregistrées dans la mise en œuvre de l’Accord de paix revitalisé, en particulier les efforts pour la mise en place d’une commission pour la vérité, la réconciliation et l’apaisement.  Elle également estimé que les accords conclus dans le domaine de la sécurité vont dans le bon sens.  Il faut se fonder sur ces acquis pour avancer sur voie d’un avenir prospère, a-t-elle plaidé, insistant sur l’importance d’une coopération entre les autorités sud-soudanaises et les organisations internationales, notamment l’Union africaine, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et l’ONU.  La déléguée s’est par ailleurs félicitée des efforts de médiation déployés par la Communauté des États d’Afrique centrale, avant d’exprimer sa préoccupation face à la situation humanitaire que connaît le Soudan du Sud, laquelle exige un soutien de la communauté internationale.  Elle a d’autre part jugé urgent de s’atteler à la question de la violence sexuelle et sexiste, appelant à ce sujet à la mise en application effective du plan d’action conjoint.  Enfin, évoquant les impacts négatifs des changements climatiques sur la population, elle a salué efforts déployés par la MINUSS pour atténuer les effets des inondations et ceux de l’équipe de pays de l’ONU pour évaluer les risques environnementaux. 

M. HAROLD A. AGYEMAN (Ghana), au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), s’est félicité des efforts consentis par le Gouvernement du Soudan du Sud et des progrès obtenus dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé, notamment la première phase de la formation des formations des forces unifiées nécessaires, un accord sur la structure de commandement et l’ouverture de couloirs humanitaires, qui a facilité le retour volontaire progressif d’un demi-million de réfugiés et déplacés.  Il s’est également félicité de la récente visite dans le pays du Comité de haut niveau de l’Union africaine sur le Soudan du Sud, qui a posé les bases de la consolidation de la paix et de la démocratie dans le pays, en mettant en évidence tant les succès de l’Accord revitalisé que les défis auxquels reste confrontée sa mise en œuvre.  Les A3 exhortent toutes les parties à rester attachées à l’Accord revitalisé et félicitent le Président Salva Kir et le Premier Vice-Président Rick Machar pour avoir réitéré leur attachement à l’Accord.  Ils appellent les parties non signataires à faire la preuve de leur engagement en faveur de la paix et réitèrent leur appel pour qu’elles reprennent au plus vite les discussion de paix sous la facilitation de la Communauté de San Egidio.

Le représentant a également attiré l’attention sur les défis dans la mise en œuvre des derniers critères de référence de l’Accord de paix, en particulier le nombre limité de mois restants pour la période de transition.  Il a appelé les différentes parties à mener un dialogue inclusif et à forger un consensus sur une feuille de route pour le reste de cette période, y compris pour la tenue d’élections, et a souligné que pays aurait besoin d’un soutien financier international.

M. Agyeman s’est inquiété de la recrudescence de la violence communautaire et a demandé à toutes les parties à ces conflits de mettre en place des mesures pour les résoudre par le dialogue.  Les A3 félicitent la MINUSS pour son rôle dans la protection des civils et pour ses engagements locaux, qui aident à établir la confiance entre les communautés à la base, facteur vital pour le processus de paix.

Les A3 s’inquiètent de la décision du Programme alimentaire mondial de suspendre une partie de son aide alimentaire du fait du manque de financement. Elle aura pour conséquence de priver d’aide alimentaire un tiers des 6,2 millions de personnes qui devaient recevoir une assistance cette année, « la plus difficile depuis l’indépendance du pays ».  Au-delà de la fourniture immédiate d’aide alimentaire, il est important que la communauté internationale augmente son aide au développement au Soudan du Sud, a encore déclaré le représentant, qui a rappelé qu’un soutien international sera nécessaire pour assurer les réformes indispensables à l’économie du pays. 

Enfin, les A3 demandent que la communauté internationale fournisse l’assistance technique et financière indispensable à la formation des forces unifiées nécessaires et que le Chef de la MINUSS continue d’offrir ses bons offices, y compris pour faire face à la recrudescence des violences intercommunautaires.

M. DAI BING (Chine) a salué l’Accord du 3 avril 2022 sur le commandement unifié des forces armées et la création d’une Commission vérité, réconciliation et apaisement.  Alors que la période de transition va prendre fin dans huit mois, il a exhorté toutes les parties à se concentrer sur les objectifs fixés en matière de sécurité et la réforme constitutionnelle.  S’agissant des défis du développement économique et social, le représentant a invité la communauté internationale à aider le Soudan du Sud à se relever plutôt que d’appuyer des sanctions. 

Le représentant de la Chine a déclaré que des élections ne règleront pas tous les problèmes.  Par ailleurs, il a noté une stabilité de la situation sécuritaire tout en regrettant des conflits sporadiques qui méritent des approches ciblées.  Il a appelé la communauté internationale à lever au plus vite l’embargo sur les armes qui frappent le Soudan du Sud, en souhaitant que les sanctions ne soient plus utilisées comme des moyens de pression politique.  Il a appelé la communauté internationale à appuyer les capacités de développement du Soudan du Sud en respectant les spécificités locales.  Il a enfin rappelé que son pays menait plusieurs projets d’envergure au Soudan du Sud et travaillait avec la MINUSS pour encourager la participation des femmes et des jeunes. 

Mme SHERAZ GASRI (France) a salué l’Accord du 3 avril 2022 sur le commandement unifié des forces armées, soulignant au passage le rôle positif joué par le Soudan.  Elle a appelé les autorités sud-soudanaises à allouer les ressources nécessaires à la mise en place des forces unifiées nécessaires, estimant que les arrangements sécuritaires sous-tendent l’application du processus de paix, notamment la tenue des élections, et qu’ils font partie des critères de révision de l’embargo sur les armes.

Mme Gasri a appelé les parties à s’entendre sur la date des élections et à débuter sans tarder leur préparation, tout en déplorant l’absence de progrès dans l’adoption du cadre constitutionnel et juridique permettant la tenue de ce scrutin.  Devant la poursuite des violences à un niveau alarmant, notamment sous l’impulsion de dynamiques politiques nationales, la représentante a appelé les autorités à assurer la protection des civils et des travailleurs humanitaires, ainsi que la liberté de mouvement de la MINUSS.  Face à l’augmentation des besoins humanitaires, l’Union européenne a augmenté, en 2022, son assistance humanitaire au Soudan du Sud de 41,7 à 71,7 millions d’euros, a-t-elle en outre rappelé.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) s’est dite profondément préoccupée par la gravité de la situation des droits de l’homme et de la sécurité au Soudan du Sud, déplorant en particulier la souffrance des victimes et des survivants des violences sexuelles.  La représentante s’est en outre inquiétée que près de 9 millions de personnes -dont 2 millions de femmes–, soit plus des deux tiers de la population, aient des besoins humanitaires importants.  La situation humanitaire est aggravée par la violence et la crise alimentaire mondiale, a rappelé la représentante, qui a exprimé sa préoccupation face à la « tendance », illustrée notamment par la mort de quatre travailleurs humanitaires cette année et le pillage de centaines de tonnes de nourriture et de fournitures vitales. 

Mme Dautllari a, de même, regretté que le Gouvernement sud-soudanais crée des obstacles bureaucratiques et ajoute des conditions préalables pour que les acteurs humanitaires puissent mener à bien leur travail.  Cela doit cesser immédiatement, a-t-elle martelé. 

Enfin, la représentante a pressé les acteurs de faire preuve de davantage de volonté politique, de faire passer l’intérêt du peuple du Soudan du Sud avant le leur et de convenir d’une date pour les élections.

M. MALWAL (Soudan du Sud) a rappelé que, dans huit mois, la période intérimaire et l’Accord revitalisé prendront fin.  Dans l’intervalle, a-t-il plaidé, aucune partie ne doit prendre de décision unilatérale qui risquerait d’entraîner des conséquences négatives sur la stabilité du pays.  Cela concerne également la communauté internationale, a souligné le représentant, qui a formé le vœu qu’au fil des huit prochains mois, un désir de consultations étroites se fasse jour chez toutes les parties à l’Accord, y compris au sein de la communauté internationale.  « Vous serez les bienvenus à Djouba », a-t-il assuré.  Le représentant a ensuite regretté qu’une liste de noms de hauts responsables et individus sud-soudanais ait circulé sur les réseaux sociaux il y a deux semaines.  Certains affirmaient alors que cette liste avait été dressée par le comité des sanctions du Conseil de sécurité, ce qui avait suscité de graves préoccupations au Soudan du Sud.  Nous avons donc été heureux d’apprendre qu’il s’agissait d’un faux, a-t-il déclaré à l’issue de sa courte intervention. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: la Représentante spéciale en Haïti appelle à fournir d’urgence un soutien à la police nationale

9066e séance, après-midi
CS/14934

Conseil de sécurité: la Représentante spéciale en Haïti appelle à fournir d’urgence un soutien à la police nationale

La Représentante spéciale du Secrétaire général en Haïti a appelé à fournir d’urgence un plus grand soutien à la police nationale du pays, alertant de la détérioration rapide de la sécurité au moment où le dialogue sur les futurs arrangements de gouvernance du pays restent dans une impasse prolongée.

Intervenant devant le Conseil de sécurité, Mme Helen La Lime a indiqué que l’instabilité prononcée que connaît Haïti découle en grande partie de son vide institutionnel prolongé, auquel s’ajoute l’emprise des gangs sur une grande partie de la zone métropolitaine de Port-au-Prince.  Pour le seul mois de mai, la Police nationale d’Haïti (PNH) a recensé 201 homicides volontaires et 198 enlèvements, soit une moyenne de 7 cas par jour, a-t-elle notamment alerté.  Or la PNH manque de ressources humaines, matérielles et financières et ses capacités opérationnelles et logistiques limitées compromettent la mise en œuvre d’un programme global de sécurité publique.  

Tout en défendant les efforts des autorités pour contrecarrer les activités délictueuses des gangs, le Ministre haïtien des affaires étrangères a reconnu que la PNH ne peut pas s’en sortir dans les conditions actuelles et a jugé urgent qu’elle puisse recevoir « dans les prochains jours et non dans les prochaines semaines ou les prochains mois », un accompagnement robuste suffisant de la part des partenaires de la communauté internationale.  

« On ne peut envisager sérieusement aucune élection libre, honnête et démocratique dans un tel environnement », a notamment prévenu M. Jean Victor Généus qui a par ailleurs fait observer qu’après le départ des forces internationales, les structures locales se retrouvent dans l’incapacité d’avoir les mêmes performances, parce qu’elles n’ont pas reçu la formation adéquate et ne disposent pas des mêmes moyens.  

À ce propos, la République dominicaine a rappelé avoir mis en garde, il y a trois ans, contre les conséquences négatives d’une réduction de la mission onusienne en Haïti.  Aujourd’hui nous faisons face aux résultats de cette décision désastreuse, a regretté la délégation qui a appelé la communauté internationale à faire son « autocritique » afin de ne pas répéter les mêmes erreurs.  

Dans la perspective du renouvèlement prochain du mandat du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), la France, plaidant pour que soit mis un terme à la violence des gangs, a suggéré d’augmenter le plafond des conseillers de police du Bureau.  Contraint, en raison de la situation sécuritaire, de renoncer à la visite sur le terrain qu’il prévoyait d’organiser pour le Conseil de sécurité lors de sa présidence le mois prochain, le Brésil a estimé que le BINUH doit également être mandaté pour appuyer le contrôle des flux financiers illicites et voir son action renforcée dans les domaines du judiciaire et des droits humains.  Les États-Unis, pour leur part, ont promis un appui logistique pour assurer la sécurité du pays.  

Le BINUH doit être considéré comme une « lueur d’espoir » plutôt que comme une « déception de plus », a souligné la Chine.  

LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI - S/2022/481

Déclarations liminaires

Mme HELEN LA LIME, Représentante spéciale du Secrétaire général en Haïti, a alerté sur la détérioration rapide de la sécurité au moment où le dialogue sur les futurs arrangements de gouvernance du pays restent dans une impasse prolongée.  Elle a indiqué que l’emprise des gangs sur les territoires s’élargit dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince.  Les enlèvements et les homicides volontaires ont augmenté respectivement de 36 et 17% par rapport aux cinq derniers mois de 2021, et pour le seul mois de mai, la Police nationale d’Haïti (PNH) a recensé 201 homicides volontaires et 198 enlèvements, soit une moyenne de 7 cas par jour.  De fait, des dizaines d’écoles, de centres médicaux, d’entreprises et de marchés ont été contraints de fermer, tandis que les déplacements tout le long des routes nationales reliant la capitale au reste du pays sont sérieusement compromis, ce qui affecte gravement la circulation des marchandises dans tout le pays.  La Représentante spéciale a signalé que la PNH manque de ressources humaines, matérielles et financières et que ses capacités opérationnelles et logistiques limitées compromettent la mise en œuvre d’un programme global de sécurité publique.  Elle a appelé les États Membres à fournir d’urgence un plus grand soutien et à contribuer au nouveau fonds commun géré par le PNUD, destiné à aider la PNH à relever les enjeux actuels.  

Mme La Lime a aussi indiqué que l’instabilité prononcée que connaît Haïti découle en grande partie de son vide institutionnel prolongé.  À ce jour, les multiples initiatives visant à favoriser une vision commune entre les parties prenantes nationales sur la façon dont Haïti peut aller de l’avant n’ont pas porté leurs fruits, et des coalitions auparavant homogènes ont commencé à se fracturer, a-t-elle déploré.  Elle a indiqué qu’un comité tripartite mené par la société civile a été formé fin mars, pour parvenir à un consensus entre les différentes plateformes politiques.  Parallèlement, le Premier Ministre Henry a organisé des négociations directes avec les dirigeants du Groupe Montana, qui ont proposé de nouvelles modalités pour relancer les négociations officielles.  Cependant, la formation d’un nouveau conseil électoral provisoire restant une perspective lointaine, il est très peu probable, à ses yeux, que les élections qui marqueraient le retour à une gouvernance démocratique aient lieu cette année.  Elle s’est également inquiétée de l’enlisement de l’enquête sur l’assassinat du Président Moïse, révélateur, selon elle, des problèmes profondément enracinés qui affectent le système judiciaire haïtien.  Elle a aussi jugé urgent que le Gouvernement et les institutions judiciaires concernées trouvent un consensus sur la nomination des juges de la Cour de cassation pour lui permettre de reprendre ses activités.  

Poursuivant, la Représentante spécial a attiré l’attention sur la situation économique très préoccupante d’Haïti, précisant que le produit intérieur brut s’est contracté de 1,8% en 2021 en raison de la baisse des recettes de l’État.  Dans le même temps, les besoins humanitaires continuent d’augmenter, notamment au lendemain du tremblement de terre qui a dévasté le sud de la péninsule en août dernier.  Cette année, quelque 4,9 millions d’Haïtiens devraient avoir besoin d’une aide humanitaire, dont au moins 4,5 millions de personnes qui devraient avoir besoin d’une aide alimentaire d’urgence.  

M. ARNOUX DESCARDES, Directeur exécutif de l’organisation Volontariat pour le développement d’Haïti (VDH), a appelé à élargir le consensus actuel pour assurer une gouvernance inclusive et consensuelle, saluant notamment la reprise des consultations entre le Premier Ministre Ariel Henry et le bureau de suivi du Groupe Montana, ainsi que la mise en place d’un comité tripartite de facilitation par des représentants du secteur religieux, du secteur des affaires et de l’université.  Seul un dialogue inter-haïtien pourra permettre de bâtir un consensus plus large, a souligné M. Descardes avant d’encourager tous les acteurs à aller au-delà des déclarations de bonne intention. 

S’appuyant sur les chiffres de l’organisation haïtienne CARDH, il a indiqué que les cas de kidnapping ont connu en 2021 une hausse de plus de 18% par rapport à 2020.  Pour le mois de mai 2022, 200 cas ont été recensés et au cours des derniers mois, les abus des droits de l’homme se sont aggravés.  M. Descardes a signalé que les gangs armés occupent la quasi-totalité des territoires au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince et paralysent la communication terrestre entre la capitale et les villes de province, avec des conséquences sur la circulation des produits agricoles notamment.  L’impunité continue à s’ériger en règle, a déploré l’intervenant, en voulant pour preuve qu’à quelques jours du premier anniversaire de « l’assassinat crapuleux » du Président Jovenel Moise, la justice demeure toujours muette.  Il est donc urgent que des actions transnationales soient prises contre les personnes impliquées en Haïti dans la contrebande, le commerce illégal d’armes et les crimes financiers. 

L’intervenant a signalé que la Police nationale d’Haïti n’a pas les moyens de faire face aux gangs sans une assistance externe.  Il a également appelé le Gouvernement à prendre des dispositions pour le renforcement des institutions judiciaires dont les déficiences participent au déni de justice, à la détention préventive prolongée et à la violation des droits des prisonniers.  En outre, des dispositions doivent être prises pour le fonctionnement de la Cour de cassation et du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire.   

Passant aux élections, M. Descardes a souligné que le Gouvernement devra nommer un conseil électoral consensuel, mobiliser les ressources financières nécessaires aux joutes électorales et garantir un support financier aux partis politiques pour éviter que l’argent sale ne vienne influencer la campagne électorale.  Parallèlement, les partis politiques devront éviter l’émiettement de l’électorat et garantir une réelle légitimité populaire aux vainqueurs.  Une révision de la Constitution serait également opportune, notamment en termes de durée des mandats, d’équilibre des pouvoirs, de définition des rôles au niveau des collectivités territoriales, ainsi que des conditions de l’intégration et de la participation des Haïtiens vivant à l’étranger à la vie politique, économique et sociale du pays. 

En matière d’assainissement des finances publiques, le Gouvernement doit reprendre le contrôle des organes de perception et, en accord avec le secteur privé, réorganiser les instances économiques et financières, a poursuivi M. Descardes.  Selon lui, ces défis ne sont pas insurmontables, si l’on met à profit la masse critique d’Haïtiennes et d’Haïtiens, tant de la diaspora que de l’intérieur, « qui sont en capacité de faire mentir les mauvaises prévisions pour Haïti ».  Quant au BINUH, il a estimé qu’il serait encore plus efficace par la mobilisation des ressources adéquates afin de renforcer sa mission de bons offices ainsi que son travail de conseil, soutien et accompagnement aux efforts de la police nationale dans la lutte contre la violence des gangs armés.  

Déclarations 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a souligné « à nouveau » la détérioration de la situation humanitaire en Haïti.  À nouveau, nous allons rappeler aux parties prenantes de mettre leurs différends de côté et de donner la priorité aux Haïtiens, a dit la déléguée.  « Le peuple haïtien mérite mieux. »  Elle a promis l’aide de son pays pour établir un conseil électoral inclusif et souhaité la tenue d’élections dès que les circonstances le permettront.  Nous allons aussi fournir un appui logistique pour assurer la sécurité des Haïtiens, a poursuivi la représentante.  Elle a pris note de l’évaluation du Secrétariat selon laquelle une mission politique spéciale est la forme onusienne la plus adaptée en Haïti.  Enfin, la déléguée s’est dit en faveur du renouvellement du BINUH, tout en soulignant la nécessité de réformes en Haïti.

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) s’est alarmé de la nouvelle dégradation de la situation générale en Haïti, citant notamment la violence urbaine, les violences sexuelles, l’impunité dont jouissent les gangs et les conditions scandaleuses des détenus dans les prisons haïtiennes.  Les victimes obtiennent difficilement justice dans le contexte actuel, a-t-il regretté, avant de dénoncer la forte disponibilité d’armes dans le pays, y compris d’armes de gros calibre.  Face à la faiblesse des appareils judiciaire et policier, il a prôné la coopération pour renforcer l’état de droit, indiquant que son pays rejoindra le programme conjoint d’appui à la Police nationale d’Haïti (PNH).  Il a également salué les initiatives du Fonds de consolidation de la paix et le soutien du Centre régional des Nations Unies pour la paix, le désarmement et le développement en Amérique latine et dans les Caraïbes pour mettre en œuvre le plan national sur les armes et les munitions.  Sur le plan politique, il a noté qu’en l’absence d’accord entre les principaux acteurs, la tenue d’élections semble compromise.  Il a appelé à la formation d’un conseil électoral chargé de coordonner et conduire le prochain scrutin.  Enfin, le délégué a salué le travail de bons offices accompli par le BINUH pour relancer le dialogue politique, revitaliser le système judiciaire, soutenir l’assistance à la PNH et coordonner les efforts des différents programmes de l’ONU présents en Haïti.  En vue du prochain renouvellement de cette mission politique spéciale, il a souhaité qu’elle soit renforcée, notamment pour améliorer sa réponse en matière de droits humains et de violence sexuelle.

Mme ALICE JACOBS (Royaume-Uni) a encouragé la communauté internationale à continuer d’appuyer une solution dirigée et menée par les Haïtiens pour relever les défis sécuritaires, sanitaires et économiques complexes auxquels le pays est confronté.  Pour la représentante, le travail du BINUH est fondamental pour faciliter une démarche unie en vue de régler ces multiples défis. 

Elle a estimé qu’en renforçant la PNH et en facilitant le dialogue entre les interlocuteurs politiques haïtiens, les efforts du BINUH ouvrent la voie à la stabilité.  Il est donc crucial, selon elle, que le Bureau puisse poursuivre ses travaux.  C’est pourquoi la représentante s’est réjouie des délibérations sur le renouvellement de son mandat.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon), qui intervenait au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), a jugé urgent que le Conseil de sécurité prenne des mesures plus énergiques pour répondre aux graves défis politique, sécuritaire, économique et humanitaire d’Haïti.  Il a encouragé un dialogue national inclusif contrôlé par les Haïtiens et avec la pleine participation des femmes et des jeunes, appelant ensuite à aider Haïti à créer des conditions favorables à des élections transparentes et crédibles.  

Indigné par la violence des gangs en Haïti, le représentant a appelé le BINUH à soutenir la police nationale et contribuer à la professionnaliser et à renforcer ses moyens de lutte contre ces gangs et le commerce transnational illicite.  Cela suppose des fonds de la part des bailleurs de fonds internationaux, a-t-il ajouté.  Il a observé que le manque de possibilités économiques et l’accès insuffisant aux services de base ont poussé de nombreux Haïtiens à quitter le pays, et a jugé urgent de renforcer les systèmes fiscaux d’Haïti afin de permettre au pays de mobiliser des ressources pour son développement.  Il faut trouver des solutions structurelles à la crise économique et offrir des perspectives à la jeunesse haïtienne afin que leurs choix ne se limitent pas à quitter le pays ou rejoindre les gangs, a-t-il insisté.  Le représentant a ensuite appelé le Conseil de sécurité à élaborer un mandat approprié pour le BINUH, l’objectif étant d’empêcher Haïti de sombrer dans une crise encore plus profonde.  

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a indiqué avoir espéré, durant la présidence brésilienne du Conseil au mois de juillet, organiser une mission de terrain en Haïti, avant le renouvellement du mandat du BINUH.  Cependant, les conditions sécuritaires en Haïti et les ressources insuffisantes du BINUH pour garantir la sécurité de la mission nous ont contraint à reporter cette idée, a-t-il déploré.  Le représentant a ensuite appelé à renforcer la structure du BINUH pour lui permettre de fournir un appui spécialisé à la Police nationale d’Haïti, évoquant notamment les activités des gangs.  Le BINUH doit également être mandaté pour aider les autorités à contrôler les flux financiers illicites et voir son mandat renforcé en matière d’appui au secteur judiciaire et de prévention des violations des droits humains.  Le représentant a aussi encouragé à améliorer la communication stratégique, notant le manque de clarté entourant le rôle du BINUH et un décalage entre les attentes et la réalité parmi les acteurs locaux.

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a souligné la détérioration de la situation humanitaire en Haïti et dénoncé les nombreux enlèvements.  Haïti est par ailleurs frappé par des désastres naturels fréquents, a-t-elle noté avec inquiétude.  Elle a invité le BINUH à favoriser un processus politique inclusif, en demandant la pleine participation des femmes audit processus.  Elle a souligné la nécessité de lutter contre la corruption et les flux financiers illicites et plaidé pour un renforcement du contrôle aux frontières.  Enfin, la déléguée a souhaité que la Police nationale d’Haïti soit déployée sur la totalité du territoire et appelé à remédier aux causes profondes de la violence dans le pays.

M. ZHANG JUN (Chine) s’est dit préoccupé par l’escalade de la violence des gangs en Haïti.  Il a également condamné les enlèvements de membres du personnel de l’ONU sur place, appelant les autorités à garantir leur sécurité.  Le représentant a ensuite exhorté tous les partis politiques à répondre aux aspirations de la population, à garantir la reddition de comptes, à mettre fin à leurs luttes incessantes et à rétablir l’ordre constitutionnel.  À ses yeux, il est urgent de mettre fin aux troubles et à la paralysie pour aider le pays à se relever.  L’ONU, a-t-il souligné, a investi bien des ressources en Haïti mais la situation n’a de cesse de se dégrader et les souffrances de la population sont immenses.  Dénonçant la collusion entre les gangs et les autorités, qui facilite les trafics d’armes et de stupéfiants, il a plaidé pour des efforts en matière de sécurité et de gouvernance.  Pour le représentant, la communauté internationale doit tirer les enseignements du passé et pousser Haïti à sortir de l’impasse politique le plus rapidement possible.  À cette fin, un mécanisme constitutionnel efficace est la condition sine qua non d’un retour la stabilité, a-t-il soutenu.  De son côté, le BINUH doit renforcer ses efforts de médiation et responsabiliser les autorités pour parvenir à la tenue d’élections.  Dans le même temps, a poursuivi le délégué, il importe de renforcer les capacités de la Police nationale d’Haïti en coopération avec l’ONUDC, tout en garantissant un contrôle aux frontières afin de lutter contre les trafics.  Pour endiguer les activités des gangs, il convient de juguler leurs sources de financement, a-t-il ajouté, avant d’inviter le Conseil à mettre en garde sans équivoque à ceux qui sapent le processus de paix dans le pays.  Pour cela, les pays de la région peuvent jouer un rôle plus central, a estimé le représentant, qui a espéré que le Conseil se saisira de l’occasion du renouvellement du mandat du BINUH pour procéder à un examen des travaux de la mission.  Plaidant pour une évaluation de toutes les tâches mandatées et pour des ajustements, il a souhaité que le BINUH soit considéré comme une « lueur d’espoir » plutôt que comme une « déception de plus ».  

M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande) s’est inquiété du quotidien préoccupant du peuple haïtien, marqué par les violences et la « terreur absolue ».  L’effondrement du contrôle de l’État et l’activité endémique des gangs ont conduit la population à vivre dans la peur, sans aucune garantie de protection contre la violence ou les agressions sexuelles, même dans leur propre maison, a-t-il déploré.  La réunion d’aujourd’hui ne laisse aucun doute quant à l’ampleur des défis auxquels le peuple haïtien est confronté, a estimé la représentante pour qui nos profonds regrets et notre inquiétude ne sont pas suffisants, car, a-t-il insisté, le peuple haïtien mérite notre action.

M. PRATIK MATHUR (Inde) a pris note des récents efforts du Représentant spécial pour faciliter le dialogue entre le gouvernement intérimaire, l’opposition et les groupes de la société civile en Haïti.  Il est important d’avoir un calendrier et une feuille de route clairs pour la transition et la tenue des élections, a-t-il estimé, tout comme il est important que toutes les parties haïtiennes s’efforcent d’instaurer la confiance et parviennent à un consensus sur le rétablissement de l’ordre constitutionnel grâce à une feuille de route réaliste et pratique.  Le rétablissement de l’ordre est resté l’un des plus grands obstacles en Haïti, a constaté le représentant en déplorant notamment les niveaux de violence liés aux gangs et aux enlèvements, principalement dans la capitale.  Dans certains cas, le personnel de l’ONU a également été pris pour cible, a-t-il rappelé en estimant que le Conseil de sécurité devrait les condamner dans les termes les plus fermes et exiger une action rapide contre les auteurs.  Il faut en outre poursuivre de manière proactive le renforcement des capacités de la PNH, a prôné le représentant en saluant la demande officielle du gouvernement intérimaire à l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) pour une assistance dans le règlement du problème persistant de l’entrée de marchandises illicites.  Enfin, le représentant a estimé que la présence du BINUH est importante et doit être renforcée pour soutenir les autorités haïtiennes de manière plus ciblée.  

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a indiqué qu’environ 17 000 Haïtiens ont fui des zones du pays dominées par des gangs, avant de dénoncer l’augmentation de la violence sexuelle contre les femmes et les filles perpétrée par ces gangs.  Haïti est par ailleurs frappé par des désastres naturels de plus en plus graves, a-t-elle dit, en ajoutant que ces éléments climatiques contribuent à l’instabilité.  À cette aune, elle a souhaité que la dimension climatique soit davantage prise en compte dans le mandat du BINUH.  Elle a enfin exhorté tous les acteurs politiques à unir leurs forces afin de restaurer la légitimité des institutions élues.  La volonté politique doit être de mise pour promouvoir la réconciliation et ouvrir la voie vers des élections libres et transparentes, a conclu Mme Heimerback.

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a prôné le dialogue pour sortir de l’impasse politique en Haïti, saluant les contacts directs établis entre le Premier Ministre et l’opposition.  Elle a appelé les acteurs politiques à trouver le consensus nécessaire à l’organisation d’élections lorsque les conditions seront réunies.  Elle a également jugé indispensable de nommer les membres d’un comité électoral provisoire acceptable par tous.  Plaidant pour que soit mis un terme à la violence des gangs, elle a recommandé de donner la priorité au renforcement de la PNH et d’augmenter le plafond de conseillers de police du BINUH.  La représentante a également appelé à renouer avec un fonctionnement normal des institutions, citant les prisons surchargées et le système judiciaire déliquescent qui est incapable de mener à bien l’enquête sur l’assassinat du Président Jovenel Moïse.  Elle s’est cependant félicitée du lancement d’une coopération entre Haïti et l’ONUDC.  Enfin, après avoir appelé à renforcer le soutien humanitaire, elle a appelé de ses vœux le renouvellement pour 12 mois du mandat du BINUH, avec des ressources supplémentaires si nécessaire.  Elle a aussi salué le travail politique et de terrain que mène l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a dit suivre avec une inquiétude croissante l’évolution de la situation en Haïti, citant une dégradation continue au cours des quatre derniers mois de toutes les questions clefs, du règlement politique à la sécurité en passant par la situation humanitaire.  Il a relevé que des divergences importantes subsistent entre les principaux acteurs du Gouvernement, de la société civile et des entreprises pour sortir de l’impasse politique.  Le représentant a regretté que l’assistance du BINUH pour l’organisation de discussions informelles entre divers groupes ne donne pas non plus d’effet tangible.  Il a souhaité avoir plus de détails concernant le mandat du Bureau qui consiste à aider les Haïtiens à établir un dialogue interne.  Enfin, il a dénoncé les nombreuses années d’ingérence extérieure et l’imposition de modèles de démocratisation qui ne tiennent pas compte des spécificités des pays.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a déclaré qu’Haïti et son peuple ne peuvent pas continuer à être soumis à la loi de la rue, appelant à renforcer la police nationale qui, a-t-elle souligné, doit être assistée, formée et professionnalisée afin de pouvoir lutter contre la violence et le crime organisé.  En outre des mesures urgentes sont nécessaires pour garantir l’application de la loi et améliorer les institutions judiciaires.  Constatant que le Gouvernement d’Haïti n’est pas en mesure de protéger seul son peuple, elle a appelé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour soutenir les institutions de sécurité haïtiennes chaque fois que cela est nécessaire.  À cet égard, elle a salué la création du panier de fonds multidonateurs, en coopération avec le PNUD, pour aider la police nationale ainsi que la création des nouvelles unités BINUH-Équipe de pays.  La représentante a souligné que le mandat du BINUH devrait répondre aux besoins du Gouvernement, tout en assurant un suivi adéquat de la situation sur le terrain, y compris la situation des droits humains.  Ce mandat devra également être adapté au contexte sécuritaire et politique difficile en Haïti.  

M. JEAN VICTOR GÉNÉUS, Ministre des affaires étrangères d’Haïti, a indiqué que la situation sécuritaire continue de se dégrader en Haïti, évoquant notamment les activités des gangs, les enlèvements contre rançon et les meurtres violents.  Cependant, les autorités responsables ne restent pas les bras croisés.  Avec les faibles moyens dont dispose le pays, nous faisons le maximum pour mettre hors d’état de nuire ceux qui veulent maintenir le chaos et empêcher la normalisation de la situation.  Il a cependant indiqué que la Police nationale d’Haïti, qui a déployé des efforts pour contrecarrer les activités délictueuses des gangs, ne peut pas s’en sortir dans les conditions actuelles.  C’est pourquoi il est urgent, selon lui, que la police puisse recevoir dans les prochains jours et non dans les prochaines semaines ou les prochains mois, un accompagnement robuste suffisant de la part des partenaires de la communauté internationale, en vue de donner un grand coup d’arrêt à cette situation plus qu’inacceptable. 

Ne jugeant pas souhaitable que la communauté internationale ou des forces étrangères se substituent à la police, le Ministre a souhaité voir les attributions et capacités du BINUH renforcées pour un encadrement et un accompagnement efficaces de la police.  Il a évoqué l’expérience de la présence onusienne en Haïti, faisant observer qu’après le départ des forces internationales, les structures locales se retrouvent dans l’incapacité d’avoir les mêmes performances, parce qu’elles n’ont pas reçu la formation adéquate et ne disposent pas des mêmes moyens.

Il a appelé à trouver des solutions urgentes dans les meilleurs délais pour restaurer la démocratie haïtienne, avertissant qu’on ne peut envisager sérieusement aucune élection libre, honnête et démocratique dans un tel environnement et encore moins une relance de l’économie nationale ou un projet de développement durable.  Il a réclamé une action concertée pour mettre un terme aux agissements des gangs armés, jugeant également essentiel l’échange d’informations sur les acteurs impliqués dans le dysfonctionnement du système judiciaire, le trafic illicite d’armes, de munitions et de stupéfiants, la corruption et la contrebande.

Pour finir, le Ministre a appelé à ne pas perdre de vue que la solution durable au phénomène de l’insécurité passe aussi par la promotion du développement socioéconomique à long terme d’Haïti.  Même s’il n’y a pas une relation de causalité, il existe selon lui, une relation intime entre le niveau de criminalité et la situation de pauvreté extrême dans le pays. 

M. JOSÉ ALFONSO BLANCO CONDE (République dominicaine) a déclaré que l’ONU a le devoir d’agir d’urgence pour la paix et la stabilité en Haïti et demandé une extension du mandat du BINUH.  Les pays voisins sont aussi touchés par l’instabilité en Haïti.  Il a rappelé que son pays, il y a trois ans, avait mis en garde ce Conseil contre les conséquences négatives d’une réduction de la mission onusienne en Haïti.  Aujourd’hui nous faisons face aux résultats de cette décision désastreuse, a dit M. Blanco Conde, en ajoutant que la situation haïtienne est une question de sécurité nationale pour son pays.  Nous ne pouvons plus continuer à être de simples spectateurs de la dégradation sociale en Haïti, a martelé le délégué.  « Il est temps d’agir. »  Il a appelé la communauté internationale à faire son « autocritique » afin de ne pas répéter les mêmes erreurs.  Ce Conseil a les outils pour initier un effort conjoint entre la communauté internationale, le peuple et le Gouvernement haïtien afin de tracer une voie vers la paix et le développement, a poursuivi M. Blanco Conde.  Enfin, il a apporté le soutien de son pays à Haïti, tout en rappelant « qu’il n’y a pas et qu’il n’y aura jamais une solution dominicaine au problème haïtien ». 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le débat sur la coopération entre l’Union européenne et l’ONU met en lumière les divergences croissantes entre Russes et Occidentaux

9065e séance - matin
CS/14933

Conseil de sécurité: le débat sur la coopération entre l’Union européenne et l’ONU met en lumière les divergences croissantes entre Russes et Occidentaux

La séance d’information annuelle du Conseil de sécurité sur la coopération entre l’Union européenne (UE) et l’ONU, tenue ce matin, a permis de constater l’ampleur des divergences entre les Occidentaux et la Fédération de Russie, dans le contexte de la guerre menée par ce pays contre l’Ukraine et de la crise mondiale que provoque ce conflit.

Intervenant en visioconférence depuis Bruxelles, pour cause de contamination à la COVID-19, le Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité n’a pas caché que le multilatéralisme est aujourd’hui plus malmené que jamais.  « Il y a davantage de méfiance, de veto, et cela se traduit par le non-règlement de conflits et par un plus grand nombre de personnes laissées à la merci des événements », a observé M. Josep Borrell, relevant que la guerre menée par la Fédération de Russie a non seulement accentué les problèmes existants mais risque à présent de créer une crise de la faim.  

Cette guerre n’est pas une « guerre européenne » mais « une attaque perpétrée contre les fondements des Nations Unies » par un membre permanent du Conseil de sécurité, a martelé le Chef de la diplomatie européenne, selon lequel, face à un tel risque d’effondrement de l’équilibre mondial, « personne ne peut rester neutre, car ce serait prendre le parti de la Russie ».  Alors que 323 millions de personnes sont menacées d’une grave insécurité alimentaire, les forces russes pilonnent les ports, les entrepôts et les terres agricoles de l’Ukraine, « empêchant des millions de tonnes de céréales d’accéder aux marchés mondiaux, a-t-il dénoncé, non sans exprimer son appui sans faille aux initiatives de l’ONU visant à permettre les exportations ukrainiennes via la mer Noire.   

Précisant à cet égard que l’UE vient d’ores et déjà en aide aux régions les plus à risque d’insécurité alimentaire, le Haut Représentant a assuré que les sanctions européennes ne sont pas la cause des pénuries: ces mesures, qui ne s’appliquent que sur le territoire de l’UE, ne font que cibler la capacité du Kremlin à mener son agression militaire, sans bloquer le transport des biens agricoles russes ni empêcher les pays tiers d’acheter des produits russes.

Si la guerre a fait son retour en Europe, elle ne s’est pas arrêtée ailleurs, a encore noté M. Borrell.  Pour y faire face, a-t-il dit, l’UE a déployé quelque 4 000 hommes dans 18 opérations de paix et de gestion de crise, dont les opérations IRINI, EU NAVFOR Atalante et EUFOR ALTHEA.  Elle contribue aussi à des médiations et à des actions de consolidation de la paix, tout en œuvrant à l’unisson avec l’ONU pour le renforcement des capacités de l’Afrique et le règlement des conflits et des crises qui font rage en Syrie, en Afghanistan, au Myanmar et au Yémen, entre autres situations régionales.   

Cet engagement en faveur de la stabilité, de la paix et de la sécurité dans différentes régions du monde a été salué par plusieurs délégations, le Brésil rappelant qu’au total, l’UE a lancé pas moins de 37 missions de politique de sécurité et de défense commune depuis 2003.  Les États-Unis ont noté que 11 des 18 opérations de paix et de gestion de crise menées par l’UE ont lieu soit à l’intérieur, soit au large des côtes du continent africain.  En outre, a poursuivi la délégation américaine, l’UE a clairement démontré son soutien aux valeurs de la Charte des Nations Unies par ses actions visant à défendre les principes de souveraineté et d’intégrité territoriale et par son aide apportée aux Ukrainiens après le déclenchement de la guerre « injuste, non provoquée et illégale » de la Fédération de Russie.  

Un avis partagé par la plupart des membres occidentaux du Conseil, dont la France, qui a fait valoir que, depuis le début de l’agression russe, l’UE a mobilisé plus de 4,6 milliards d’euros pour prêter assistance à l’Ukraine.  Le Royaume-Uni a, lui, salué le « rôle incommensurable » joué par l’UE dans son soutien aux Ukrainiens afin qu’ils puissent se défendre, tandis que l’Albanie, par la voie de sa Ministre des affaires européennes et étrangères, se félicitait que cette crise, inédite en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, n’ait pas affecté l’unité du bloc européen. 

La Ministre a d’autre part rappelé que l’UE est le premier bailleur de fonds de l’ONU, non seulement pour son budget ordinaire mais aussi en termes d’aide publique au développement et de financement des missions de maintien de la paix.  Son influence ne concerne donc pas uniquement son voisinage immédiat, a fait observer Mme Olta Xhaçka, avant d’indiquer que six États des Balkans occidentaux sont impliqués, à divers stades, dans la perspective de « l’avenue de la coopération euro-atlantique ». 

Résumant pour sa part la position des pays africains, le Ghana a mis en avant les risques pour la sécurité alimentaire que fait courir la guerre en Ukraine pour son continent, invitant l’UE à considérer tous les moyens possibles pour y mettre fin par le biais de négociations prenant en compte les intérêts fondamentaux des parties et respectant le droit international.  De son côté, la Chine a dit appuyer le partenariat UE-ONU, à condition que la coopération repose sur un multilatéralisme authentique et sur les principes internationaux régissant les relations entre pays comme la non-ingérence dans les affaires internes.  Elle a en outre souhaité que l’UE tienne compte des préoccupations sécuritaires d’autres pays et évite de tomber dans le travers d’une vision du monde en blocs. 

Nettement moins conciliante, la Fédération de Russie a exprimé ses grandes divergences avec la ligne de l’Union européenne, qui, selon elle, est de plus en plus éloignée du projet de ses pères fondateurs.  Dénonçant une stratégie européenne qui viserait désormais à « éjecter la Russie de l’Europe », elle a regretté que, malgré ses avertissements, l’UE ait emprunté la « voie désastreuse de l’OTAN ».  La délégation s’est indignée, à ce sujet, de l’envoi d’armes létales aux « nationalistes » ukrainiens et du « chantage » exercé par l’UE sur des pays non membres pour qu’ils se joignent aux sanctions antirusses.  Loin d’améliorer la sécurité des citoyens européens, une telle politique constitue un « tremplin potentiel » pour un affrontement entre les deux superpuissances, a-t-elle averti.

COOPÉRATION ENTRE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES ET LES ORGANISATIONS RÉGIONALES ET SOUS-RÉGIONALES AUX FINS DU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES: UNION EUROPÉENNE

Déclarations

S’exprimant en visioconférence depuis Bruxelles, M. JOSEP BORRELL, Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a tout d’abord indiqué qu’une contamination à la COVID-19 l’a empêché de se rendre à New York comme il prévoyait de le faire.  Rappelant que l’ONU est fondée sur le respect du droit international et de l’état de droit, il a souligné que les États Membres se doivent d’appliquer les principes fondamentaux de sa Charte, dont le non-recours à la force dans les affaires internationales.  L’Union européenne (UE) se targue d’avoir comme raison d’être le multilatéralisme, a poursuivi le Chef de la diplomatie européenne.  C’est pourquoi elle a investi sur les plans politique et financier dans les Nations Unies, devenant ainsi l’un de ses partenaires les plus essentiels.  Or le multilatéralisme est aujourd’hui plus malmené que jamais.  Les nouveaux défis mondiaux, qui nécessitent une coopération internationale, s’aggravent et l’offre et la demande du multilatéralisme ne correspondent plus, a-t-il constaté, imputant ce déséquilibre à la montée de la concurrence politique pour le pouvoir.  Il y a davantage de méfiance, de veto, et cela se traduit par le non-règlement de conflits et par un plus grand nombre de personnes laissées à la merci des événements.  Observant que cette situation n’a fait qu’empirer depuis un an, il a estimé que la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine a accentué les problèmes existants et risque à présent de créer une nouvelle crise de la faim.  Cette guerre n’est pas une guerre européenne mais une attaque perpétrée contre les fondements des Nations Unies par un membre permanent du Conseil de sécurité, a-t-il martelé, ajoutant que, contrairement à ce pensent certains, cette crise touche tout le monde, partout.  

En effet, a noté M. Borrell, nous voyons que les économies du monde entier sont frappées de plein fouet par la hausse du prix des denrées alimentaires et la flambée des cours de l’énergie, ce qui pourrait conduire, selon lui, à un effondrement de l’équilibre mondial.  Assurant que l’UE est pleinement attachée à garantir la bonne santé de l’économie de l’Ukraine et à lui donner les moyens militaires de défendre son intégrité territoriale et sa démocratie, il a appelé tous les États Membres à lui emboîter le pas et à aider ce pays.  À ses yeux, personne ne peut rester neutre, car ce serait prendre le parti de la Russie.  Alors que le Programme alimentaire mondial (PAM) estime que, depuis le début de cette guerre, 323 millions de personnes sont menacées de grave insécurité alimentaire, quelque 20 millions de tonnes de céréales ukrainiennes ne peuvent pas arriver sur les marchés mondiaux, a dénoncé le haut fonctionnaire, non sans rappeler que la Russie pilonne les ports, les entrepôts et les terres agricoles.  Ce n’est pas nous qui avons bombardé ces silos et qui bloquons ces exportations, a-t-il insisté, affirmant appuyer sans faille les initiatives de l’ONU visant à permettre la réouverture des ports ukrainiens.  Ce doit être la priorité de la communauté internationale mais seule la Russie peut mettre fin à cette guerre, a-t-il commenté.  De son côté, a-t-il ajouté, l’UE aide les régions les plus touchées.  Dans le cadre de son Équipe Europe, elle a annoncé un don de 1 milliard d’euros pour le Sahel et de 600 millions pour la Corne de l’Afrique, tout en mettant en place un dispositif alimentaire pour ses partenaires du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.  

Pour M. Borrell, les sanctions européennes ne sont pas la cause des pénuries.  Il a expliqué qu’elles ne font que cibler la capacité du Kremlin à mener son agression militaire, qu’elles ne bloquent par le transport des biens agricoles russes et qu’elles ne s’appliquent que sur le territoire de l’UE.  Ces mesures n’empêchent donc pas les pays tiers d’acheter des produits russes s’ils le souhaitent, a-t-il précisé.  Indiquant avoir échangé avec les principaux responsables de l’ONU afin de permettre les exportations ukrainiennes par la mer Noire, il a salué les initiatives onusiennes poursuivant ce but et s’est dit prêt à se pencher sur les cas de mauvaise interprétation des sanctions de l’UE, notamment en expliquant aux opérateurs économiques les domaines qui tombent sous le coup de ces mesures.  Il a ensuite relevé que, si la guerre a fait son retour en Europe, elle ne s’est pas arrêtée ailleurs.  Pour y faire face, a-t-il précisé, l’UE a déployé 4 000 hommes dans 18 opérations de paix et de gestion de crise, dont les opérations IRINI, EU NAVFOR Atalante et EUFOR ALTHEA.  Nous contribuons aussi à des médiations et à des actions de consolidation de la paix, tout en œuvrant à l’unisson avec l’ONU pour le renforcement des capacités de l’Afrique, l’objectif étant de permettre des solutions africaines aux problèmes africains.  L’UE s’emploie également à trouver des solutions aux crises et conflits qui font rage en Syrie, en Afghanistan, au Myanmar et au Yémen, entre autres situations régionales, a conclu M. Borrell.  

Mme OLTA XHAÇKA, Ministre des affaires européennes et étrangères de l’Albanie, a estimé que la coopération entre l’ONU et l’UE renforce l’approche fondée sur les règles du multilatéralisme, et a soutenu que ce partenariat est essentiel pour faire face à l’ampleur et à la complexité croissantes des défis à la paix et à la sécurité internationales.

S’attardant sur l’agression militaire de la Russie en Ukraine, elle a souligné que les effets de cette guerre non provoquée et injustifiable ne se font pas seulement sentir en Ukraine, relevant que celle-ci a gravement affecté le commerce mondial et exacerbé l’insécurité alimentaire dans le monde, sans parler des 6,8 millions de réfugiés.  Cette vague sans précédent, inédite sur le continent depuis la Seconde Guerre mondiale, a sérieusement défié l’Europe, mais elle n’a pas affecté son unité, au contraire, a clamé la Ministre.  Elle a exigé la levée immédiate du blocus des ports ukrainiens afin que les produits alimentaires puissent circuler librement vers le reste du monde, et a salué les efforts en cours de l’ONU et de la Türkiye pour trouver les meilleures solutions pratiques.  La Ministre a signalé qu’une insécurité accrue provoque toujours une augmentation des dépenses de défense et d’armement, ce qui pourrait entraîner une baisse des investissements dans d’autres domaines, comme l’innovation, l’éducation et les services publics.  Les guerres qui ont défini notre passé ne peuvent et ne doivent pas dicter notre avenir, a affirmé Mme Xhaçka.

La Ministre a fait observer que l’Union européenne est un acteur central de la politique mondiale, du développement et des questions humanitaires.  C’est le plus grand contributeur financier de l’ONU, non seulement au budget ordinaire, mais aussi en termes d’aide publique au développement et de financement des missions de maintien de la paix.  Son influence ne concerne donc pas seulement son voisinage immédiat, a noté la Ministre.  Elle a indiqué que les six États des Balkans occidentaux sont tous impliqués, à divers stades, dans la perspective de « l’avenue de la coopération euro-atlantique ».   Nous avons fait ce choix en sachant qu’en suivant cette voie, nous investissons dans notre avenir, pour plus de développement, une sécurité accrue et des institutions plus fortes et responsables devant leurs citoyens, a déclaré la Ministre.  C’est là la valeur de l’élargissement de l’UE, que les récents événements en Europe ont remis à juste titre au cœur des débats.  Elle a défendu l’idée que le monde a besoin de « plus d’UE » et de son action multiforme dans tous les domaines importants et a estimé que cela peut se faire par le truchement d’une augmentation et d’un renforcement de la coopération entre l’ONU et l’UE.

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a rappelé que l’UE est un partenaire clef de l’ONU pour répondre aux crises, dans l’urgence et face aux menaces les plus graves.  Elle a fait valoir que, depuis le début de l’agression russe, l’UE a mobilisé plus de 4,6 milliards d’euros pour venir en aide aux Ukrainiens.  Les mesures restrictives adoptées par l’UE n’ont qu’un objectif, a-t-elle expliqué: ramener la Russie au respect de la Charte des Nations Unies.  Elle a indiqué que l’UE a mis en place des mesures restrictives ciblées contre les responsables de violations graves des droits de l’homme et du droit humanitaire, via un régime spécifique créé en 2020.  Ce dispositif ne fait aucunement obstacle à la livraison de l’aide humanitaire dont l’UE et ses États membres sont l’un des premiers fournisseurs.  Enfin, elle a déclaré que la présidence française du Conseil de l’UE a été l’occasion de traduire l’engagement de l’Union en faveur des valeurs et des actions de l’ONU, à travers notamment la promotion du droit des femmes et des filles et le soutien au pluralisme et à la liberté des médias.

M. RICHARD M. MILLS (États-Unis) a salué l’engagement important de l’Union européenne en matière de sécurité en Afrique, notant que 11 de ses 18 opérations de paix et de gestion de crise ont lieu soit à l’intérieur, soit au large des côtes du continent africain.  En outre, a-t-il ajouté, l’UE a clairement démontré son soutien aux valeurs de la Charte des Nations Unies par ses actions visant à défendre les principes de souveraineté et d’intégrité territoriale après le déclenchement de la guerre « injuste, non provoquée et illégale » de la Fédération de Russie contre l’Ukraine.  Les actions de la Fédération de Russie font grimper l’insécurité alimentaire mondiale, a dénoncé le représentant, avant de faire observer que les sanctions internationales ne ciblent pas les exportations agricoles, malgré la « désinformation russe suggérant le contraire ».  Dans ce contexte, les efforts déployés par l’UE pour faire face à cette crise sont selon lui les bienvenus.  Le délégué a également rappelé que les voisins européens de l’Ukraine ont ouvert leurs frontières aux réfugiés, saluant à cet égard la directive de protection temporaire de l’UE, qui offre des avantages sociaux et de protection à tous ceux qui fuient le conflit.  Enfin, évoquant les déclarations selon lesquelles toutes les parties portent la responsabilité du conflit en Ukraine, il a estimé que de tels propos « peuvent être diplomatiquement habiles mais sont moralement indéfendables ». 

M. DAI BING (Chine) a déclaré appuyer le partenariat UE-ONU, à condition que la coopération repose sur un multilatéralisme authentique, sur le droit international et sur les principes internationaux régissant les relations entre pays comme la non-ingérence dans les affaires internes.  Il faut en outre respecter le concept de sécurité commune, a ajouté le représentant en souhaitant que l’UE tienne compte des préoccupations sécuritaires d’autres pays et évite de tomber dans le travers d’une vision du monde en blocs.  Il a également encouragé l’UE à revoir à la hausse son aide au développement.  Face au conflit en Ukraine et ses risques d’effet domino, le représentant a espéré que l’UE saura jouer son rôle de médiateur et prendre les mesures qui s’imposent pour relever les défis humanitaires.  En outre, il a dit compter sur la contribution positive de l’UE dans les négociations sur la mise en œuvre du Plan d’action global commun pour le dossier nucléaire iranien, souhaitant aussi que l’Union européenne adopte une attitude équitable pour ce qui est de la paix au Moyen-Orient et des activités de peuplement.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a salué l’engagement renouvelé de l’UE en faveur de la lutte antiterroriste au Sahel, ainsi que les ressources financières apportées à la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM).  Il a remarqué que la relative stabilité dans les Balkans est due en partie à l’engagement actif de l’UE.  Il a souhaité que celle-ci s’engage davantage au Moyen-Orient en vue d’une solution négociée à la « brûlante » question palestinienne.  S’agissant de l’Ukraine, le délégué a encouragé l’UE à considérer tous les moyens possibles pour mettre fin à la guerre par le biais de négociations prenant en compte les intérêts fondamentaux des parties dans le respect du droit international.  La guerre en Ukraine doit cesser, a conclu le délégué, en appelant l’UE à se pencher sur les solutions pour remédier aux conséquences de cette guerre, notamment s’agissant de la sécurité alimentaire.

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a constaté que l’affront fait à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine a ébranlé l’ordre géopolitique européen et a appelé l’Union européenne à utiliser tous les outils de dialogue et de médiation pour avancer vers une solution négociée.  Évoquant l’augmentation mondiale des prix des produits essentiels et l’insécurité alimentaire qui touche particulièrement les pays en développement, il a dit espérer que des solutions seront trouvées pour l’exportation des céréales d’Ukraine.  Il a salué le renforcement de l’association stratégique de l’UE avec l’ONU, citant notamment les nouvelles priorités de coopération en matière d’opérations de maintien de la paix et de gestion de crise pour la période 2022-2024.  S’agissant des convergences entre le Conseil de sécurité et l’UE, il a jugé qu’il serait opportun d’investir dans les efforts de prévention et de soutien aux régions pour la consolidation de la paix, que ce soit dans les Balkans, avec EUFOR ALTHEA, ou en Afrique, en particulier au Mali ou en République centrafricaine.  De même, il a souhaité que le travail de proximité mené par l’ONU et l’UE en Afghanistan s’intensifie pour faire face à la crise des droits humains que traverse ce pays.  Il a également appelé à renforcer la coopération entre l’UE et la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC).  

Pour Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) il ne fait aucun doute que l’ONU et l’UE sont des partenaires naturels pour éradiquer la pauvreté, protéger les droits de l’homme et préserver la paix.  Le partenariat stratégique de l’UE avec les Nations Unies est la pierre angulaire de la politique et des actions de l’UE en faveur de la paix et de la sécurité internationales, a-t-elle affirmé en notant que de la Bosnie-Herzégovine au Moyen-Orient, et dans toute l’Afrique, les missions de l’UE sont déployées parallèlement aux opérations de maintien de la paix ou aux missions politiques spéciales de l’ONU.  Des experts irlandais travaillent dans des missions de l’UE en Europe, dans le Caucase, au Moyen-Orient et en Afrique, tandis que des membres des Forces de défense irlandaises participent à des missions et opérations au Mali, en Bosnie-Herzégovine et en Méditerranée, a précisé la représentante.  De plus, avec ses partenaires de l’UE, l’Irlande a soutenu les processus de médiation et de paix en Colombie, en Géorgie et au Mozambique.  La déléguée a également mis l’accent sur la coopération étroite de l’UE avec de nombreux partenaires autour de la table du Conseil en tant que membre du Quatuor pour le processus de paix au Moyen-Orient, facilitateur du dialogue Belgrade-Pristina et coordonnateur du Plan d’action global commun pour le dossier iranien.  Mme Byrne Nason en a profité pour inviter le Conseil de sécurité à encourager cette coopération et utiliser, le cas échéant, le soutien de l’UE aux Nations Unies.  Le Conseil devrait faire preuve de plus d’ambition en portant à un niveau supérieur le partenariat stratégique ONU-UE sur les opérations de paix et la gestion des crises, a-t-elle souhaité en soulignant au passage que l’UE est le premier bailleur de fonds mondial d’aide humanitaire et d’aide au développement et un partenaire clef des Nations Unies dans la gestion des crises.

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) s’est félicité que l’UE ait pris la tête de la réponse de l’Europe à l’attaque russe contre l’Ukraine.  Chaque fois que la paix est compromise en Europe, nous avons besoin d’une UE forte, travaillant de concert avec l’ONU et ce Conseil, a dit la déléguée.  Elle a souligné l’importance de la contribution d’EUFOR ALTHEA pour la paix en Bosnie-Herzégovine, en souhaitant le renouvellement de son mandat en novembre prochain.  Elle a appuyé le rôle directeur de l’UE dans la lutte contre les changements climatiques et les risques sécuritaires afférents.  La déléguée a enfin indiqué que la guerre de la Russie contre l’Ukraine a des conséquences bien au-delà du continent européen et plaidé pour une action mondiale rapide afin de renforcer la sécurité alimentaire. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a commencé par exprimer les divergences croissantes de son pays avec la ligne de l’Union européenne, qui, selon lui, est de plus en plus éloignée du projet de ses pères fondateurs.  « Nous le regrettons sincèrement, ce n’est pas notre choix, mais nous tirons les conclusions de vos actions. »  Rappelant à cet égard que la Russie avait signé, en 1994, un accord de partenariat et de coopération avec l’UE, il a déclaré que son pays comptait sur une entente tenant compte des intérêts des deux parties.  De même, lorsqu’a été signée la Charte de sécurité européenne en 1999, suivie de feuilles de route fixant la coopération entre la Russie et l’UE, l’espoir était grand que cela mettrait fin à la concurrence géopolitique dans l’espace européen, a-t-il rappelé.  Hélas, il est vite devenu évident que les idées des pères fondateurs de l’UE appartiennent au passé et que Bruxelles poursuit d’autres objectifs, a poursuivi le représentant, évoquant une stratégie destinée à « éjecter la Russie de l’Europe ».  Malgré nos avertissements, l’UE a alors emprunté la « voie désastreuse de l’OTAN » et a détruit l’équilibre des forces entre l’Est et l’Ouest, a-t-il déploré en affirmant aussi que, sur instructions de Washington, un programme antirusse a été adopté.  Il en a voulu pour preuve les appels récents des dirigeants polonais à construire un système de défense dirigé contre la Russie.  

Dans ce contexte, et contrairement à ses promesses passées, l’UE a mis en place sa politique de partenariat oriental, qui a remplacé en 2009 sa politique de voisinage, a encore retracé le représentant russe.  Il a estimé qu’il ne s’agissait pas de construire une coopération égalitaire mais de formater les systèmes politiques des participants « selon le modèle de l’UE », ce que la Russie a refusé.  Pour le délégué, l’un des « produits » de cette politique erronée a été le projet d’accord d’association entre l’Ukraine et l’UE, qui a fait exploser la sécurité et l’équilibre des pouvoirs sur le continent européen.  Il obligeait en effet l’Ukraine à rompre ses liens avec la Russie et à devenir un « appendice de l’Europe ».  Et lorsque les dirigeants légitimes de l’Ukraine ont demandé un délai pour évaluer ce projet, l’UE avec les États-Unis ont organisé un coup d’État qui a déclenché la guerre civile dans ce pays, a décrit le représentant.  Il a dénoncé le fait que, durant toutes ces années, l’UE a « fermé les yeux » sur les actions criminelles de Kiev dans le Donbass et ses violations des Accords de Minsk.  Ce faisant, « l’UE a dévoilé son visage agressif et russophobe », au point que le Chef de la diplomatie européenne appelle maintenant à « gagner la guerre sur le champ de bataille ».  « Nous suivons votre conseil », a ironisé le délégué, non sans dénoncer l’envoi d’armes létales aux forces armées et aux nationalistes ukrainiens pour un montant de 2 milliards d’euros, en plus des fournitures militaires des différents membres de l’UE.  Des armes européennes qui tuent aussi des civils ukrainiens, a-t-il relevé, avant de condamner le chantage exercé par l’UE sur des pays non membres pour qu’ils se joignent aux sanctions antirusses.  

De l’avis du représentant, l’UE, à la suite de son « grand frère » américain, divise les États en « démocraties » et « non-démocraties », parfois en usant d’un vocabulaire colonial.  Elle voit ainsi en l’Afrique son « arrière-cour » et dans les Balkans sa « cour intérieure », selon lui.  Tout cela se fait au nom du concept occidental d’ordre mondial basé sur des règles, au détriment de l’idéal européen originel, a-t-il déploré, voyant désormais dans l’UE un « appendice obéissant des États-Unis et de l’OTAN ».  Une telle politique constitue, selon lui, un tremplin potentiel à un affrontement entre les deux superpuissances, sans améliorer la sécurité des citoyens européens.  De son côté, la Russie s’est habituée à compter sur sa propre force, et, en tant que puissance européenne et asiatique, entend développer des relations avec les pays et les associations qui sont indépendants et n’ont pas peur de défendre leurs intérêts.  Il a toutefois formé l’espoir que ce processus de séparation de la Russie ne sera pas irréversible.  Affirmant se méfier désormais de tous les projets impliquant l’UE, y compris à l’ONU, il a également regretté que le projet du bloc européen ait « dégénéré dans l’ombre géopolitique de l’OTAN », citant longuement les propos de l’ancien Chancelier allemand Konrad Adenauer, selon lequel « l’histoire montre que les civilisations ont tendance à disparaître ».  Pour le délégué, il est dommage que les générations suivantes de dirigeants européens n’aient pas pris en compte ce sérieux avertissement.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a indiqué qu’en Afrique, les Nations Unies et l’UE travaillent côte à côte en Somalie, en République centrafricaine, en Libye, et en soutien à la Force conjointe du G5 Sahel concourant ainsi à développer un réseau d’institutions multilatérales, dans plusieurs pays et régions, qui travaillent ensemble pour la paix, le développement durable et la promotion des droits de l’homme dans les pays en proie à des situations de fragilité ou de crise.  Il a appelé au renforcement de la coopération bilatérale entre l’ONU et l’UE mais également de la coopération entre l’UE et l’Union africaine (UA) et, plus largement, de l’interaction trilatérale entre l’ONU, l’UE et l’UA, en vue d’accroître leur coordination sur les préoccupations transversales en matière de paix et de sécurité.  

Il a également plaidé en faveur du renforcement du dialogue entre le Conseil de paix et de sécurité de l’UA et le Comité politique et de sécurité de l’UE.  Il va de soi, selon le représentant, que l’implication des acteurs régionaux aux côtés des Nations Unies permet de renforcer l’efficacité des processus de stabilisation et de mieux appréhender les menaces persistantes.  Il a estimé que le partenariat entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales doit s’appuyer sur la complémentarité et les avantages comparatifs.  Cela requiert un accompagnement financier, logistique et technique stable et prévisible ainsi qu’un renforcement des capacités.  De même, il a appelé à établir des mécanismes de gestion ou de règlement de crises cohérents, dont les tâches et responsabilités entre les divers acteurs sont clairement définies.  

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a plaidé pour une réforme de l’architecture multilatérale internationale, y compris de ce Conseil, et estimé naturel que l’UE appuie les efforts en cours.  Il a même estimé que l’UE devrait en faire beaucoup plus pour appuyer cette réforme.  Il a dit soutenir tous les efforts visant à résoudre le conflit en Ukraine, y compris par une reprise des pourparlers entre la Russie et l’Ukraine.  L’UE, à son avis, doit jouer un rôle moteur dans l’atténuation des conséquences de la crise en Ukraine sur le quotidien des personnes vivant dans des pays vulnérables.  Le délégué a par ailleurs demandé que l’UE appuie davantage la lutte de l’Inde contre le terrorisme afin que cette lutte soit menée de manière collective, sans ambiguïté et selon le principe de tolérance zéro.  En conclusion, il a salué la récente stratégie annoncée par l’UE s’agissant de la région indopacifique et souhaité une coopération accrue afin que cet espace soit « ouvert, libre et régi par des règles ».

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a noté qu’au fil des ans, l’Union européenne est passée d’un statut d’acteur régional à celui d’acteur mondial et qu’aujourd´hui, ses initiatives à travers le monde renforcent les efforts des Nations Unies et du Conseil de sécurité pour maintenir la paix et la sécurité internationales.  Il a notamment cité son rôle dans le dialogue entre le Kosovo et la Serbie ou encore dans la mise en œuvre des Accords de Dayton, mais également en tant qu’acteur humanitaire de premier plan dans le monde.  À cet égard, le représentant a mis l’accent sur le financement de 371 millions d’euros apportés par l’UE aux pays européens qui accueillent les réfugiés ukrainiens, ainsi que ses contributions au Programme alimentaire mondial.  Il a également salué la contribution par l’UE de 400 millions de doses de vaccin contre la COVID-19 au Mécanisme COVAX et de 1,4 milliard de doses dans le monde.  Il a ensuite insisté sur la valeur du renforcement de la coopération entre organisations régionales sur les questions d’intérêt commun et a appelé à veiller à ce que les acteurs régionaux jouent un rôle actif et de premier plan dans tout effort de diplomatie multilatérale afin de trouver des solutions durables aux défis régionaux et internationaux.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a salué l’engagement de l’UE et de ses États membres à travailler avec les Nations Unies, dans le cadre du Chapitre VIII de la Charte, dans diverses instances pour contribuer à la promotion de la stabilité, de la paix et de la sécurité dans différentes régions du monde.  Il a rappelé qu’au total, l’UE a lancé 37 missions de politique de sécurité et de défense commune depuis 2003 et qu’il y a actuellement 211 missions civiles en cours et 7 missions/opérations militaires à travers l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient.  Pour les questions européennes, il a cité notamment la mission d’assistance de l’Union européenne à la frontière entre la République de Moldova et l’Ukraine (EUBAM) et l’engagement de l’UE aux côtés des pays des Balkans occidentaux.  Revenant sur la décision du Conseil des affaires étrangères de l’UE de mars dernier d’établir la European Peace Facility –un outil de financement des actions opérationnelles dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE-, il a soulevé la question de savoir si ce mécanisme pourrait venir en aide à d’autres organisations régionales pour combler leurs lacunes dans le financement des missions de paix et de sécurité.  En outre, plaidant pour que les missions de l’UE soient toujours alignées sur les mandats établis par le Conseil de sécurité et agir conformément aux principes inscrits dans la Charte, il a demandé à l’UE d’examiner à l’avance les éventuelles conséquences imprévues de l’adoption de mesures unilatérales, telles que des sanctions.

Mme JAYNE JEPKORIR TOROITICH (Kenya) a salué le partenariat historique entre l’UE et l’Union africaine (UA) et noté la vision commune arrêtée entre les deux organisations en février de cette année pour un partenariat renouvelé.  Elle a dit son appréciation pour le soutien logistique, technique et financier apporté par l’UE aux opérations de paix emmenées par l’UA.  Une collaboration structurée entre l’ONU, l’UA et l’UE est capitale pour le renforcement des efforts de paix et de développement sur le continent africain, a-t-elle souligné.  Elle a demandé la poursuite du soutien aux opérations de paix africaines, avant de mentionner les discussions en cours sur l’emploi des contributions volontaires pour les opérations autorisées par le Conseil. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a indiqué que cette année a été l’une des plus difficiles pour l’Europe, avec la guerre de la Russie contre l’Ukraine.  Elle a aussi fait état d’« un monde ravagé par les changements climatiques et la pandémie de COVID-19 ».  Elle a salué le rôle positif joué par l’UE et son soutien « incommensurable » apporté aux Ukrainiens, afin que ces derniers puissent se défendre.  Elle a loué la coopération de son pays et de l’UE face à cette nouvelle violation de la souveraineté de l’Ukraine.  Mme Woodward a appuyé les efforts de l’UE pour lutter contre la désinformation autour des sanctions, ainsi que le rôle joué par l’UE dans le dialogue entre la Serbie et le Kosovo.  Enfin, elle a souligné la convergence de vues entre son pays et l’UE s’agissant de l’action climatique avec la récente tenue de la COP26 à Glasgow.

Reprenant la parole en fin de séance, le Haut Représentant de l’UE a repris à son compte les propos prononcés par des ambassadeurs africains qui ont parlé du rôle important des organisations régionales et sous-régionales face aux défis planétaires.  Il a également dit être d’accord avec la Chine pour ce qui est d’éviter que le monde ne s’articule en blocs qui s’opposent, attisant l’insécurité.  Il a ensuite assuré que l’UE est prête à renouer le dialogue afin de renforcer la sécurité européenne lorsque la Fédération de Russie aura mis fin à son invasion de l’Ukraine.  S’agissant du rôle de l’UE en Ukraine, M. Borrell a indiqué qu’elle n’est pas une union militaire, mais qu’elle ne peut être indifférente à ce qui se passe dans son voisinage et à l’agression contre l’un de ses plus grands partenaires, l’Ukraine.  Il a appelé à déployer tous les efforts possibles pour éviter la prochaine étape à cette tragédie, à savoir une vague de famine dans le monde, notant que ce n’est pas l’UE qui bloque les exportations de blé ukrainien ou qui pilonne les entrepôts de céréales.  En outre, le Haut Représentant a souligné que les sanctions imposées par l’UE à la Russie n’empêchent pas l’exportation de blé ou d’engrais russes.  Le prochain chapitre de cette tragédie relève de la responsabilité commune de tous pour éviter que des millions de personnes ne connaissent la famine dans les prochains mois, a-t-il affirmé.

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Après cinq tours de scrutin, l’Assemblée générale ne parvient pas à départager la Fédération de Russie et la Macédoine du Nord pour siéger à l’ECOSOC

83e séance plénière,
matin
AG/12426

Après cinq tours de scrutin, l’Assemblée générale ne parvient pas à départager la Fédération de Russie et la Macédoine du Nord pour siéger à l’ECOSOC

L’Assemblée générale, n’a pas été en mesure, ce matin, malgré cinq tours de scrutin, de départager la Fédération de Russie et la Macédoine du Nord pour siéger au sein du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) pour un mandat de trois ans commençant le 1er janvier 2023.  Aucun de ces deux pays n’ayant obtenu la majorité des deux tiers requise pour être élu, l’Assemblée générale a reporté à une date ultérieure la poursuite du processus. 

Cette élection devait compléter le scrutin du 10 juin dernier au cours duquel 17 autres membres de l’ECOSOC ont été élus.  Il n’avait déjà pas été possible, aux termes de six tours d’élection, de départager la Fédération de Russie de la Macédoine du Nord, au sein du Groupe des États d’Europe orientale.  Après les cinq nouveaux tours de scrutin de ce matin, c’est donc un douzième tour que l’Assemblée générale prévoit d’organiser prochainement.

Ce matin, la Russie a d’abord obtenu 98 voix contre 86 pour la Macédoine du Nord, lors du premier scrutin; puis 102 (Russie) contre 82 (Macédoine du Nord) au deuxième; 105 (Russie) contre 80 (Macédoine du Nord) au troisième; et 103 (Russie) contre 80 (Macédoine du Nord) au quatrième.  Enfin le cinquième tour a vu la Fédération de Russie obtenir 102 voix contre 79 pour la Macédoine du Nord et 1 pour la Hongrie.  Aucun scrutin n’a permis d’atteindre la majorité des deux tiers, se situant entre 122 et 124 voix en fonction du nombre d’États Membres présents et votants, requise pour être élu. 

Les 17 pays élus le 10 juin sont Botswana (190 voix); Cabo Verde (190 voix); Cameroun (189 voix); Guinée équatoriale (186 voix); Qatar (186 voix); République démocratique populaire lao (181 voix); République de Corée (178 voix); Chine (172 voix); Slovénie (176 voix); Slovaquie (173 voix); Brésil (183 voix), Costa Rica (182 voix); Colombie (180 voix); Grèce (176 voix); Suède (175 voix); Danemark (174 voix) et Nouvelle-Zélande (174 voix). 

Les 18 membres de l’ECOSOC dont le mandat finit le 31 décembre 2022 sont: Bangladesh, Bénin, Botswana, Chine, Colombie, République du Congo, Danemark, Gabon, Grèce, Lettonie, Monténégro, Nouvelle-Zélande, Nicaragua, Norvège, Panama, République de Corée, Fédération de Russie et Thaïlande.  Le Botswana, la Chine, la Colombie et la Nouvelle-Zélande ayant été réélus, ils continueront à être membres de l’ECOSOC pour un nouveau mandat, car l’ECOSOC autorise la réélection immédiate des pays sortants. 

Le Conseil économique et social se compose de 54 États Membres, renouvelé chaque année par tiers (18), que l’Assemblée générale élit pour trois ans.  Les sièges y sont répartis en fonction du principe de la représentation géographique: 14 au Groupe des États d’Afrique, 11 au Groupe des États d’Asie, 6 au Groupe des États d’Europe orientale, 10 au Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes, et 13 au Groupe des États d’Europe occidentale et autres États. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.