Conseil de sécurité: la Représentante spéciale en Haïti appelle à fournir d’urgence un soutien à la police nationale
La Représentante spéciale du Secrétaire général en Haïti a appelé à fournir d’urgence un plus grand soutien à la police nationale du pays, alertant de la détérioration rapide de la sécurité au moment où le dialogue sur les futurs arrangements de gouvernance du pays restent dans une impasse prolongée.
Intervenant devant le Conseil de sécurité, Mme Helen La Lime a indiqué que l’instabilité prononcée que connaît Haïti découle en grande partie de son vide institutionnel prolongé, auquel s’ajoute l’emprise des gangs sur une grande partie de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Pour le seul mois de mai, la Police nationale d’Haïti (PNH) a recensé 201 homicides volontaires et 198 enlèvements, soit une moyenne de 7 cas par jour, a-t-elle notamment alerté. Or la PNH manque de ressources humaines, matérielles et financières et ses capacités opérationnelles et logistiques limitées compromettent la mise en œuvre d’un programme global de sécurité publique.
Tout en défendant les efforts des autorités pour contrecarrer les activités délictueuses des gangs, le Ministre haïtien des affaires étrangères a reconnu que la PNH ne peut pas s’en sortir dans les conditions actuelles et a jugé urgent qu’elle puisse recevoir « dans les prochains jours et non dans les prochaines semaines ou les prochains mois », un accompagnement robuste suffisant de la part des partenaires de la communauté internationale.
« On ne peut envisager sérieusement aucune élection libre, honnête et démocratique dans un tel environnement », a notamment prévenu M. Jean Victor Généus qui a par ailleurs fait observer qu’après le départ des forces internationales, les structures locales se retrouvent dans l’incapacité d’avoir les mêmes performances, parce qu’elles n’ont pas reçu la formation adéquate et ne disposent pas des mêmes moyens.
À ce propos, la République dominicaine a rappelé avoir mis en garde, il y a trois ans, contre les conséquences négatives d’une réduction de la mission onusienne en Haïti. Aujourd’hui nous faisons face aux résultats de cette décision désastreuse, a regretté la délégation qui a appelé la communauté internationale à faire son « autocritique » afin de ne pas répéter les mêmes erreurs.
Dans la perspective du renouvèlement prochain du mandat du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), la France, plaidant pour que soit mis un terme à la violence des gangs, a suggéré d’augmenter le plafond des conseillers de police du Bureau. Contraint, en raison de la situation sécuritaire, de renoncer à la visite sur le terrain qu’il prévoyait d’organiser pour le Conseil de sécurité lors de sa présidence le mois prochain, le Brésil a estimé que le BINUH doit également être mandaté pour appuyer le contrôle des flux financiers illicites et voir son action renforcée dans les domaines du judiciaire et des droits humains. Les États-Unis, pour leur part, ont promis un appui logistique pour assurer la sécurité du pays.
Le BINUH doit être considéré comme une « lueur d’espoir » plutôt que comme une « déception de plus », a souligné la Chine.
LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI - S/2022/481
Déclarations liminaires
Mme HELEN LA LIME, Représentante spéciale du Secrétaire général en Haïti, a alerté sur la détérioration rapide de la sécurité au moment où le dialogue sur les futurs arrangements de gouvernance du pays restent dans une impasse prolongée. Elle a indiqué que l’emprise des gangs sur les territoires s’élargit dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Les enlèvements et les homicides volontaires ont augmenté respectivement de 36 et 17% par rapport aux cinq derniers mois de 2021, et pour le seul mois de mai, la Police nationale d’Haïti (PNH) a recensé 201 homicides volontaires et 198 enlèvements, soit une moyenne de 7 cas par jour. De fait, des dizaines d’écoles, de centres médicaux, d’entreprises et de marchés ont été contraints de fermer, tandis que les déplacements tout le long des routes nationales reliant la capitale au reste du pays sont sérieusement compromis, ce qui affecte gravement la circulation des marchandises dans tout le pays. La Représentante spéciale a signalé que la PNH manque de ressources humaines, matérielles et financières et que ses capacités opérationnelles et logistiques limitées compromettent la mise en œuvre d’un programme global de sécurité publique. Elle a appelé les États Membres à fournir d’urgence un plus grand soutien et à contribuer au nouveau fonds commun géré par le PNUD, destiné à aider la PNH à relever les enjeux actuels.
Mme La Lime a aussi indiqué que l’instabilité prononcée que connaît Haïti découle en grande partie de son vide institutionnel prolongé. À ce jour, les multiples initiatives visant à favoriser une vision commune entre les parties prenantes nationales sur la façon dont Haïti peut aller de l’avant n’ont pas porté leurs fruits, et des coalitions auparavant homogènes ont commencé à se fracturer, a-t-elle déploré. Elle a indiqué qu’un comité tripartite mené par la société civile a été formé fin mars, pour parvenir à un consensus entre les différentes plateformes politiques. Parallèlement, le Premier Ministre Henry a organisé des négociations directes avec les dirigeants du Groupe Montana, qui ont proposé de nouvelles modalités pour relancer les négociations officielles. Cependant, la formation d’un nouveau conseil électoral provisoire restant une perspective lointaine, il est très peu probable, à ses yeux, que les élections qui marqueraient le retour à une gouvernance démocratique aient lieu cette année. Elle s’est également inquiétée de l’enlisement de l’enquête sur l’assassinat du Président Moïse, révélateur, selon elle, des problèmes profondément enracinés qui affectent le système judiciaire haïtien. Elle a aussi jugé urgent que le Gouvernement et les institutions judiciaires concernées trouvent un consensus sur la nomination des juges de la Cour de cassation pour lui permettre de reprendre ses activités.
Poursuivant, la Représentante spécial a attiré l’attention sur la situation économique très préoccupante d’Haïti, précisant que le produit intérieur brut s’est contracté de 1,8% en 2021 en raison de la baisse des recettes de l’État. Dans le même temps, les besoins humanitaires continuent d’augmenter, notamment au lendemain du tremblement de terre qui a dévasté le sud de la péninsule en août dernier. Cette année, quelque 4,9 millions d’Haïtiens devraient avoir besoin d’une aide humanitaire, dont au moins 4,5 millions de personnes qui devraient avoir besoin d’une aide alimentaire d’urgence.
M. ARNOUX DESCARDES, Directeur exécutif de l’organisation Volontariat pour le développement d’Haïti (VDH), a appelé à élargir le consensus actuel pour assurer une gouvernance inclusive et consensuelle, saluant notamment la reprise des consultations entre le Premier Ministre Ariel Henry et le bureau de suivi du Groupe Montana, ainsi que la mise en place d’un comité tripartite de facilitation par des représentants du secteur religieux, du secteur des affaires et de l’université. Seul un dialogue inter-haïtien pourra permettre de bâtir un consensus plus large, a souligné M. Descardes avant d’encourager tous les acteurs à aller au-delà des déclarations de bonne intention.
S’appuyant sur les chiffres de l’organisation haïtienne CARDH, il a indiqué que les cas de kidnapping ont connu en 2021 une hausse de plus de 18% par rapport à 2020. Pour le mois de mai 2022, 200 cas ont été recensés et au cours des derniers mois, les abus des droits de l’homme se sont aggravés. M. Descardes a signalé que les gangs armés occupent la quasi-totalité des territoires au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince et paralysent la communication terrestre entre la capitale et les villes de province, avec des conséquences sur la circulation des produits agricoles notamment. L’impunité continue à s’ériger en règle, a déploré l’intervenant, en voulant pour preuve qu’à quelques jours du premier anniversaire de « l’assassinat crapuleux » du Président Jovenel Moise, la justice demeure toujours muette. Il est donc urgent que des actions transnationales soient prises contre les personnes impliquées en Haïti dans la contrebande, le commerce illégal d’armes et les crimes financiers.
L’intervenant a signalé que la Police nationale d’Haïti n’a pas les moyens de faire face aux gangs sans une assistance externe. Il a également appelé le Gouvernement à prendre des dispositions pour le renforcement des institutions judiciaires dont les déficiences participent au déni de justice, à la détention préventive prolongée et à la violation des droits des prisonniers. En outre, des dispositions doivent être prises pour le fonctionnement de la Cour de cassation et du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire.
Passant aux élections, M. Descardes a souligné que le Gouvernement devra nommer un conseil électoral consensuel, mobiliser les ressources financières nécessaires aux joutes électorales et garantir un support financier aux partis politiques pour éviter que l’argent sale ne vienne influencer la campagne électorale. Parallèlement, les partis politiques devront éviter l’émiettement de l’électorat et garantir une réelle légitimité populaire aux vainqueurs. Une révision de la Constitution serait également opportune, notamment en termes de durée des mandats, d’équilibre des pouvoirs, de définition des rôles au niveau des collectivités territoriales, ainsi que des conditions de l’intégration et de la participation des Haïtiens vivant à l’étranger à la vie politique, économique et sociale du pays.
En matière d’assainissement des finances publiques, le Gouvernement doit reprendre le contrôle des organes de perception et, en accord avec le secteur privé, réorganiser les instances économiques et financières, a poursuivi M. Descardes. Selon lui, ces défis ne sont pas insurmontables, si l’on met à profit la masse critique d’Haïtiennes et d’Haïtiens, tant de la diaspora que de l’intérieur, « qui sont en capacité de faire mentir les mauvaises prévisions pour Haïti ». Quant au BINUH, il a estimé qu’il serait encore plus efficace par la mobilisation des ressources adéquates afin de renforcer sa mission de bons offices ainsi que son travail de conseil, soutien et accompagnement aux efforts de la police nationale dans la lutte contre la violence des gangs armés.
Déclarations
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a souligné « à nouveau » la détérioration de la situation humanitaire en Haïti. À nouveau, nous allons rappeler aux parties prenantes de mettre leurs différends de côté et de donner la priorité aux Haïtiens, a dit la déléguée. « Le peuple haïtien mérite mieux. » Elle a promis l’aide de son pays pour établir un conseil électoral inclusif et souhaité la tenue d’élections dès que les circonstances le permettront. Nous allons aussi fournir un appui logistique pour assurer la sécurité des Haïtiens, a poursuivi la représentante. Elle a pris note de l’évaluation du Secrétariat selon laquelle une mission politique spéciale est la forme onusienne la plus adaptée en Haïti. Enfin, la déléguée s’est dit en faveur du renouvellement du BINUH, tout en soulignant la nécessité de réformes en Haïti.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) s’est alarmé de la nouvelle dégradation de la situation générale en Haïti, citant notamment la violence urbaine, les violences sexuelles, l’impunité dont jouissent les gangs et les conditions scandaleuses des détenus dans les prisons haïtiennes. Les victimes obtiennent difficilement justice dans le contexte actuel, a-t-il regretté, avant de dénoncer la forte disponibilité d’armes dans le pays, y compris d’armes de gros calibre. Face à la faiblesse des appareils judiciaire et policier, il a prôné la coopération pour renforcer l’état de droit, indiquant que son pays rejoindra le programme conjoint d’appui à la Police nationale d’Haïti (PNH). Il a également salué les initiatives du Fonds de consolidation de la paix et le soutien du Centre régional des Nations Unies pour la paix, le désarmement et le développement en Amérique latine et dans les Caraïbes pour mettre en œuvre le plan national sur les armes et les munitions. Sur le plan politique, il a noté qu’en l’absence d’accord entre les principaux acteurs, la tenue d’élections semble compromise. Il a appelé à la formation d’un conseil électoral chargé de coordonner et conduire le prochain scrutin. Enfin, le délégué a salué le travail de bons offices accompli par le BINUH pour relancer le dialogue politique, revitaliser le système judiciaire, soutenir l’assistance à la PNH et coordonner les efforts des différents programmes de l’ONU présents en Haïti. En vue du prochain renouvellement de cette mission politique spéciale, il a souhaité qu’elle soit renforcée, notamment pour améliorer sa réponse en matière de droits humains et de violence sexuelle.
Mme ALICE JACOBS (Royaume-Uni) a encouragé la communauté internationale à continuer d’appuyer une solution dirigée et menée par les Haïtiens pour relever les défis sécuritaires, sanitaires et économiques complexes auxquels le pays est confronté. Pour la représentante, le travail du BINUH est fondamental pour faciliter une démarche unie en vue de régler ces multiples défis.
Elle a estimé qu’en renforçant la PNH et en facilitant le dialogue entre les interlocuteurs politiques haïtiens, les efforts du BINUH ouvrent la voie à la stabilité. Il est donc crucial, selon elle, que le Bureau puisse poursuivre ses travaux. C’est pourquoi la représentante s’est réjouie des délibérations sur le renouvellement de son mandat.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon), qui intervenait au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), a jugé urgent que le Conseil de sécurité prenne des mesures plus énergiques pour répondre aux graves défis politique, sécuritaire, économique et humanitaire d’Haïti. Il a encouragé un dialogue national inclusif contrôlé par les Haïtiens et avec la pleine participation des femmes et des jeunes, appelant ensuite à aider Haïti à créer des conditions favorables à des élections transparentes et crédibles.
Indigné par la violence des gangs en Haïti, le représentant a appelé le BINUH à soutenir la police nationale et contribuer à la professionnaliser et à renforcer ses moyens de lutte contre ces gangs et le commerce transnational illicite. Cela suppose des fonds de la part des bailleurs de fonds internationaux, a-t-il ajouté. Il a observé que le manque de possibilités économiques et l’accès insuffisant aux services de base ont poussé de nombreux Haïtiens à quitter le pays, et a jugé urgent de renforcer les systèmes fiscaux d’Haïti afin de permettre au pays de mobiliser des ressources pour son développement. Il faut trouver des solutions structurelles à la crise économique et offrir des perspectives à la jeunesse haïtienne afin que leurs choix ne se limitent pas à quitter le pays ou rejoindre les gangs, a-t-il insisté. Le représentant a ensuite appelé le Conseil de sécurité à élaborer un mandat approprié pour le BINUH, l’objectif étant d’empêcher Haïti de sombrer dans une crise encore plus profonde.
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a indiqué avoir espéré, durant la présidence brésilienne du Conseil au mois de juillet, organiser une mission de terrain en Haïti, avant le renouvellement du mandat du BINUH. Cependant, les conditions sécuritaires en Haïti et les ressources insuffisantes du BINUH pour garantir la sécurité de la mission nous ont contraint à reporter cette idée, a-t-il déploré. Le représentant a ensuite appelé à renforcer la structure du BINUH pour lui permettre de fournir un appui spécialisé à la Police nationale d’Haïti, évoquant notamment les activités des gangs. Le BINUH doit également être mandaté pour aider les autorités à contrôler les flux financiers illicites et voir son mandat renforcé en matière d’appui au secteur judiciaire et de prévention des violations des droits humains. Le représentant a aussi encouragé à améliorer la communication stratégique, notant le manque de clarté entourant le rôle du BINUH et un décalage entre les attentes et la réalité parmi les acteurs locaux.
Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a souligné la détérioration de la situation humanitaire en Haïti et dénoncé les nombreux enlèvements. Haïti est par ailleurs frappé par des désastres naturels fréquents, a-t-elle noté avec inquiétude. Elle a invité le BINUH à favoriser un processus politique inclusif, en demandant la pleine participation des femmes audit processus. Elle a souligné la nécessité de lutter contre la corruption et les flux financiers illicites et plaidé pour un renforcement du contrôle aux frontières. Enfin, la déléguée a souhaité que la Police nationale d’Haïti soit déployée sur la totalité du territoire et appelé à remédier aux causes profondes de la violence dans le pays.
M. ZHANG JUN (Chine) s’est dit préoccupé par l’escalade de la violence des gangs en Haïti. Il a également condamné les enlèvements de membres du personnel de l’ONU sur place, appelant les autorités à garantir leur sécurité. Le représentant a ensuite exhorté tous les partis politiques à répondre aux aspirations de la population, à garantir la reddition de comptes, à mettre fin à leurs luttes incessantes et à rétablir l’ordre constitutionnel. À ses yeux, il est urgent de mettre fin aux troubles et à la paralysie pour aider le pays à se relever. L’ONU, a-t-il souligné, a investi bien des ressources en Haïti mais la situation n’a de cesse de se dégrader et les souffrances de la population sont immenses. Dénonçant la collusion entre les gangs et les autorités, qui facilite les trafics d’armes et de stupéfiants, il a plaidé pour des efforts en matière de sécurité et de gouvernance. Pour le représentant, la communauté internationale doit tirer les enseignements du passé et pousser Haïti à sortir de l’impasse politique le plus rapidement possible. À cette fin, un mécanisme constitutionnel efficace est la condition sine qua non d’un retour la stabilité, a-t-il soutenu. De son côté, le BINUH doit renforcer ses efforts de médiation et responsabiliser les autorités pour parvenir à la tenue d’élections. Dans le même temps, a poursuivi le délégué, il importe de renforcer les capacités de la Police nationale d’Haïti en coopération avec l’ONUDC, tout en garantissant un contrôle aux frontières afin de lutter contre les trafics. Pour endiguer les activités des gangs, il convient de juguler leurs sources de financement, a-t-il ajouté, avant d’inviter le Conseil à mettre en garde sans équivoque à ceux qui sapent le processus de paix dans le pays. Pour cela, les pays de la région peuvent jouer un rôle plus central, a estimé le représentant, qui a espéré que le Conseil se saisira de l’occasion du renouvellement du mandat du BINUH pour procéder à un examen des travaux de la mission. Plaidant pour une évaluation de toutes les tâches mandatées et pour des ajustements, il a souhaité que le BINUH soit considéré comme une « lueur d’espoir » plutôt que comme une « déception de plus ».
M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande) s’est inquiété du quotidien préoccupant du peuple haïtien, marqué par les violences et la « terreur absolue ». L’effondrement du contrôle de l’État et l’activité endémique des gangs ont conduit la population à vivre dans la peur, sans aucune garantie de protection contre la violence ou les agressions sexuelles, même dans leur propre maison, a-t-il déploré. La réunion d’aujourd’hui ne laisse aucun doute quant à l’ampleur des défis auxquels le peuple haïtien est confronté, a estimé la représentante pour qui nos profonds regrets et notre inquiétude ne sont pas suffisants, car, a-t-il insisté, le peuple haïtien mérite notre action.
M. PRATIK MATHUR (Inde) a pris note des récents efforts du Représentant spécial pour faciliter le dialogue entre le gouvernement intérimaire, l’opposition et les groupes de la société civile en Haïti. Il est important d’avoir un calendrier et une feuille de route clairs pour la transition et la tenue des élections, a-t-il estimé, tout comme il est important que toutes les parties haïtiennes s’efforcent d’instaurer la confiance et parviennent à un consensus sur le rétablissement de l’ordre constitutionnel grâce à une feuille de route réaliste et pratique. Le rétablissement de l’ordre est resté l’un des plus grands obstacles en Haïti, a constaté le représentant en déplorant notamment les niveaux de violence liés aux gangs et aux enlèvements, principalement dans la capitale. Dans certains cas, le personnel de l’ONU a également été pris pour cible, a-t-il rappelé en estimant que le Conseil de sécurité devrait les condamner dans les termes les plus fermes et exiger une action rapide contre les auteurs. Il faut en outre poursuivre de manière proactive le renforcement des capacités de la PNH, a prôné le représentant en saluant la demande officielle du gouvernement intérimaire à l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) pour une assistance dans le règlement du problème persistant de l’entrée de marchandises illicites. Enfin, le représentant a estimé que la présence du BINUH est importante et doit être renforcée pour soutenir les autorités haïtiennes de manière plus ciblée.
Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a indiqué qu’environ 17 000 Haïtiens ont fui des zones du pays dominées par des gangs, avant de dénoncer l’augmentation de la violence sexuelle contre les femmes et les filles perpétrée par ces gangs. Haïti est par ailleurs frappé par des désastres naturels de plus en plus graves, a-t-elle dit, en ajoutant que ces éléments climatiques contribuent à l’instabilité. À cette aune, elle a souhaité que la dimension climatique soit davantage prise en compte dans le mandat du BINUH. Elle a enfin exhorté tous les acteurs politiques à unir leurs forces afin de restaurer la légitimité des institutions élues. La volonté politique doit être de mise pour promouvoir la réconciliation et ouvrir la voie vers des élections libres et transparentes, a conclu Mme Heimerback.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a prôné le dialogue pour sortir de l’impasse politique en Haïti, saluant les contacts directs établis entre le Premier Ministre et l’opposition. Elle a appelé les acteurs politiques à trouver le consensus nécessaire à l’organisation d’élections lorsque les conditions seront réunies. Elle a également jugé indispensable de nommer les membres d’un comité électoral provisoire acceptable par tous. Plaidant pour que soit mis un terme à la violence des gangs, elle a recommandé de donner la priorité au renforcement de la PNH et d’augmenter le plafond de conseillers de police du BINUH. La représentante a également appelé à renouer avec un fonctionnement normal des institutions, citant les prisons surchargées et le système judiciaire déliquescent qui est incapable de mener à bien l’enquête sur l’assassinat du Président Jovenel Moïse. Elle s’est cependant félicitée du lancement d’une coopération entre Haïti et l’ONUDC. Enfin, après avoir appelé à renforcer le soutien humanitaire, elle a appelé de ses vœux le renouvellement pour 12 mois du mandat du BINUH, avec des ressources supplémentaires si nécessaire. Elle a aussi salué le travail politique et de terrain que mène l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a dit suivre avec une inquiétude croissante l’évolution de la situation en Haïti, citant une dégradation continue au cours des quatre derniers mois de toutes les questions clefs, du règlement politique à la sécurité en passant par la situation humanitaire. Il a relevé que des divergences importantes subsistent entre les principaux acteurs du Gouvernement, de la société civile et des entreprises pour sortir de l’impasse politique. Le représentant a regretté que l’assistance du BINUH pour l’organisation de discussions informelles entre divers groupes ne donne pas non plus d’effet tangible. Il a souhaité avoir plus de détails concernant le mandat du Bureau qui consiste à aider les Haïtiens à établir un dialogue interne. Enfin, il a dénoncé les nombreuses années d’ingérence extérieure et l’imposition de modèles de démocratisation qui ne tiennent pas compte des spécificités des pays.
Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a déclaré qu’Haïti et son peuple ne peuvent pas continuer à être soumis à la loi de la rue, appelant à renforcer la police nationale qui, a-t-elle souligné, doit être assistée, formée et professionnalisée afin de pouvoir lutter contre la violence et le crime organisé. En outre des mesures urgentes sont nécessaires pour garantir l’application de la loi et améliorer les institutions judiciaires. Constatant que le Gouvernement d’Haïti n’est pas en mesure de protéger seul son peuple, elle a appelé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour soutenir les institutions de sécurité haïtiennes chaque fois que cela est nécessaire. À cet égard, elle a salué la création du panier de fonds multidonateurs, en coopération avec le PNUD, pour aider la police nationale ainsi que la création des nouvelles unités BINUH-Équipe de pays. La représentante a souligné que le mandat du BINUH devrait répondre aux besoins du Gouvernement, tout en assurant un suivi adéquat de la situation sur le terrain, y compris la situation des droits humains. Ce mandat devra également être adapté au contexte sécuritaire et politique difficile en Haïti.
M. JEAN VICTOR GÉNÉUS, Ministre des affaires étrangères d’Haïti, a indiqué que la situation sécuritaire continue de se dégrader en Haïti, évoquant notamment les activités des gangs, les enlèvements contre rançon et les meurtres violents. Cependant, les autorités responsables ne restent pas les bras croisés. Avec les faibles moyens dont dispose le pays, nous faisons le maximum pour mettre hors d’état de nuire ceux qui veulent maintenir le chaos et empêcher la normalisation de la situation. Il a cependant indiqué que la Police nationale d’Haïti, qui a déployé des efforts pour contrecarrer les activités délictueuses des gangs, ne peut pas s’en sortir dans les conditions actuelles. C’est pourquoi il est urgent, selon lui, que la police puisse recevoir dans les prochains jours et non dans les prochaines semaines ou les prochains mois, un accompagnement robuste suffisant de la part des partenaires de la communauté internationale, en vue de donner un grand coup d’arrêt à cette situation plus qu’inacceptable.
Ne jugeant pas souhaitable que la communauté internationale ou des forces étrangères se substituent à la police, le Ministre a souhaité voir les attributions et capacités du BINUH renforcées pour un encadrement et un accompagnement efficaces de la police. Il a évoqué l’expérience de la présence onusienne en Haïti, faisant observer qu’après le départ des forces internationales, les structures locales se retrouvent dans l’incapacité d’avoir les mêmes performances, parce qu’elles n’ont pas reçu la formation adéquate et ne disposent pas des mêmes moyens.
Il a appelé à trouver des solutions urgentes dans les meilleurs délais pour restaurer la démocratie haïtienne, avertissant qu’on ne peut envisager sérieusement aucune élection libre, honnête et démocratique dans un tel environnement et encore moins une relance de l’économie nationale ou un projet de développement durable. Il a réclamé une action concertée pour mettre un terme aux agissements des gangs armés, jugeant également essentiel l’échange d’informations sur les acteurs impliqués dans le dysfonctionnement du système judiciaire, le trafic illicite d’armes, de munitions et de stupéfiants, la corruption et la contrebande.
Pour finir, le Ministre a appelé à ne pas perdre de vue que la solution durable au phénomène de l’insécurité passe aussi par la promotion du développement socioéconomique à long terme d’Haïti. Même s’il n’y a pas une relation de causalité, il existe selon lui, une relation intime entre le niveau de criminalité et la situation de pauvreté extrême dans le pays.
M. JOSÉ ALFONSO BLANCO CONDE (République dominicaine) a déclaré que l’ONU a le devoir d’agir d’urgence pour la paix et la stabilité en Haïti et demandé une extension du mandat du BINUH. Les pays voisins sont aussi touchés par l’instabilité en Haïti. Il a rappelé que son pays, il y a trois ans, avait mis en garde ce Conseil contre les conséquences négatives d’une réduction de la mission onusienne en Haïti. Aujourd’hui nous faisons face aux résultats de cette décision désastreuse, a dit M. Blanco Conde, en ajoutant que la situation haïtienne est une question de sécurité nationale pour son pays. Nous ne pouvons plus continuer à être de simples spectateurs de la dégradation sociale en Haïti, a martelé le délégué. « Il est temps d’agir. » Il a appelé la communauté internationale à faire son « autocritique » afin de ne pas répéter les mêmes erreurs. Ce Conseil a les outils pour initier un effort conjoint entre la communauté internationale, le peuple et le Gouvernement haïtien afin de tracer une voie vers la paix et le développement, a poursuivi M. Blanco Conde. Enfin, il a apporté le soutien de son pays à Haïti, tout en rappelant « qu’il n’y a pas et qu’il n’y aura jamais une solution dominicaine au problème haïtien ».