En cours au Siège de l'ONU

9069e séance - matin
CS/14939

Le Conseil de sécurité examine la situation en Ukraine et les liens entre les discours de haine, l’incitation à la violence et la guerre

À la demande de l’Albanie, Présidente pour le mois de juin, le Conseil de sécurité a examiné ce matin la situation en Ukraine sous l’angle de « l’incitation à la violence conduisant à des atrocités ».  Ce débat a été marqué par les interventions de Mme Alice Nderitu, Conseillère spéciale du Secrétaire général pour la prévention du génocide, Mme Liubov Tsybulska, représentante de la société civile ukrainienne, et M. Jared Cohen, fondateur de Jigsaw (ex Google Ideas) et chercheur au Council on Foreign Relations.  Il s’est déroulé le lendemain d’une réunion informelle de haut niveau de l’Assemblée générale organisée à l’occasion de la première Journée internationale de la lutte contre les discours de haine célébrée le 18 juin. 

À l’instar de plusieurs intervenants, la Conseillère spéciale a cité la décision importante rendue le 16 mars 2022 par la Cour internationale de Justice (CIJ) qui ordonne à la Fédération de Russie de suspendre immédiatement ses opérations militaires en Ukraine.  Dans la requête qu’elle a déposée contre la Russie, l’Ukraine a soutenu que la Russie a faussement revendiqué des actes de génocide contre la population des oblasts de Louhansk et de Donetsk, dans le Donbass, pour justifier son agression.  C’est une accusation « absurde » que la CIJ n’a pas étayée et qu’elle a rejetée, a renchéri l’Albanie, même si à ce jour la Russie ne respecte pas cette décision. 

Pour Mme Tsybulska, qui dirige un centre de communication stratégique, la Russie est « un État totalitaire dont le régime donne à ses citoyens, par médias interposés, la permission de tuer, torturer et violer ».  Pour les inciter à agir de la sorte, la Russie affirme depuis des années qu’elle protège les populations russophones des « nazis » ukrainiens, a-t-elle déploré.  Cette menace concerne selon elle l’ensemble du monde occidental, décrit par les médias russes comme l’ennemi en raison de « l’érosion de ses valeurs morales » et des « intentions agressives » de l’OTAN. 

À son tour, M. Cohen a expliqué que le recours à la désinformation et la propagande incessante de la Russie auprès de ses citoyens selon laquelle les Ukrainiens sont des « nazis », ont probablement servi à déshumaniser les Ukrainiens aux yeux des soldats russes, ce qui a conduit aux nombreux crimes de guerre dont ils sont accusés.  De nouveaux types d’attaques ont vu le jour comme des dénis de service, des logiciels malveillants, des virus, le harcèlement en ligne, l’empoisonnement de serveurs de noms de domaine ou le piratage.  Chacune de ces attaques, bien que relativement nouvelles dans l’histoire du Conseil de sécurité, font désormais partie de la stratégie de la guerre avec des implications qui vont bien au-delà du conflit actuel en Ukraine, a mis en garde M. Cohen. 

À plusieurs égards, la guerre en Ukraine se présente comme un « laboratoire d’expérimentation » de pratiques nouvelles dans la manière dont la communauté internationale appréhende et se saisit des conflits armés, a analysé le Gabon.  « Nous devons être en mesure de relever les défis que posent aujourd’hui les nouvelles technologies », a acquiescé la France, en condamnant la campagne de banalisation des discours de haine et d’incitation à la violence qui accompagne la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine.  Les États-Unis ont dénoncé les efforts de Moscou pour déformer l’histoire à ses propres fins politiques en notant que l’Assemblée générale a rejeté son faux récit sur l’Ukraine et d’autres pays voisins que la Russie traite de néofascistes et de néonazis.  D’après le délégué américain, le Conseil doit respecter la Charte des Nations Unies et « répondre aux mensonges par la vérité ». 

Outré par une déclaration du Président Putin selon laquelle le Gouvernement ukrainien serait « composé de drogués et de néonazis », le Royaume-Uni a rappelé que l’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques interdit expressément toute propagande en faveur de la guerre et « tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence ».  Pour contrer les messages de haine, nous n’avons pas de meilleurs alliés que des journalistes et une presse libres, a fait valoir la Norvège.

La Lituanie, au nom des pays baltes, a fustigé les discours « toxiques et radicaux » tenus au plus haut niveau de l’État russe et le mimétisme qui consiste à accuser les victimes des crimes qui sont commis contre elles.  « L’agression de l’Ukraine ne sera qu’une étape si la communauté internationale ne réagit pas fermement », a prévenu le représentant balte en évoquant la volonté russe de se réapproprier les anciens territoires soviétiques.  

Après avoir lancé à son homologue russe qu’il occupait le siège de l’Union soviétique, le représentant de l’Ukraine a fustigé le mimétisme agressif de la Russie, « technique utilisée par les criminels » et dont les conséquences seront documentées, a-t-il prédit, par un futur tribunal chargé de juger les crimes de guerre russes.  Le représentant a expliqué que le désir obsessionnel des autorités russes de détruire n’est pas apparu du jour au lendemain.  Depuis les années 90, les responsables politiques et les médias russes n’ont cessé de renforcer une rhétorique belliqueuse et un discours de haine mêlés à des sentiments impérialistes.  Hélas, a-t-il regretté, le monde entier n’a pas vu cette tendance périlleuse qui a encouragé la Russie à diffuser sa propagande agressive. 

En écho à ces interventions, le représentant russe a présenté un inventaire de rhétoriques haineuses antirusses de la part de hauts représentants ukrainiens et stigmatisé les pays occidentaux qui « inondent » l’Ukraine d’armes pour cibler le Donbass et sa population.  « La vraie incitation à la haine est le fait de ces pays qui se livrent à une russophobie frénétique », a-t-il réagi avant de prévenir que cela ne fera que retarder l’agonie du régime de Kiev, « condamné » depuis 2014 lorsqu’il s’est lancé dans une guerre contre son propre peuple.  Il a assuré que l’opération militaire spéciale ne prendra fin que lorsque ses objectifs seront remplis, avec la libération de millions d’Ukrainiens.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE

Déclarations

Mme ALICE NDERITU, Conseillère spéciale du Secrétaire général pour la prévention du génocide, a rappelé que la Convention sur le génocide adoptée le 9 décembre 1948 est née des cendres de l’Holocauste avant de préciser que son mandat consiste à prévenir les discours de haine qui entraînent les crimes atroces.  Elle a souligné la décision importante rendue le 16 mars 2022 par la Cour internationale de Justice (CIJ) sur la guerre en Ukraine, qui ordonne notamment à la Russie de suspendre les opérations militaires commencées le 24 février 2022 et dont le prétexte déclaré serait de prévenir et de réprimer un prétendu « génocide » dans les régions de Louhansk et de Donetsk en Ukraine.  

Mme Nderitu a souligné que les États parties doivent s’acquitter de leurs obligations et prévenir les crimes de génocide conformément au droit international.  Elle a précisé qu’elle a appelé les dirigeants religieux à user de leur influence pour diffuser les tensions plutôt que les attiser.  Le Conseil des droits de l’homme, qui a clos les travaux de sa quarante-neuvième session le 1er avril dernier, a créé une commission d’enquête sur les allégations de violations des droits de l’homme dans le contexte de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, a-t-elle noté.

Face aux graves allégations laissant entendre qu’un crime de génocide ou des crimes de guerre ont été perpétrés en Ukraine, Mme Nderitu a rappelé que son Bureau ne peut mener des enquêtes ou déterminer la pertinence des accusations.  « Mon rôle principal est de prévenir et non de rendre la justice », a indiqué la Conseillère spéciale du Secrétaire général.  « La prévention porte sur l’avenir mais aussi sur le passé », a-t-elle déclaré.  La guerre est un problème créé par les êtres humains et que les êtres humains doivent pouvoir régler.  Elle a exhorté les belligérants à s’entendre sur une feuille de route pour mettre fin à cette guerre en se disant persuadée qu’une solution était possible.  

Mme LIUBOV TSYBULSKA, représentante de la société civile ukrainienne, a déclaré que son pays traverse « la période la plus difficile de son histoire » en raison de la guerre qui y fait rage, la plus grande en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.  En effet, « la Russie veut détruire l’Ukraine », a-t-elle résumé, précisant que cela signifie non seulement tuer et violer, mais aussi « éliminer tout ce qui façonne notre identité ».  Pendant des siècles, a-t-elle relaté, la Russie a démontré des appétits impériaux et tenté de conquérir l’Ukraine.  Cela s’est traduit par l’Holodomor, cette famine de masse au cours de laquelle les Soviétiques ont tué plus de sept millions d’Ukrainiens en les privant délibérément de nourriture; par le meurtre et la torture d’écrivains, d’artistes et d’architectes ukrainiens dans les années 30; par des déportations massives, dans les années 60, de dissidents ukrainiens envoyés de force dans des camps de travail en Union soviétique.  Autant de crimes que les Ukrainiens ont subis et subissent à nouveau aujourd’hui, à l’instar des Tatars de Crimée, des Baltes, des Polonais, des Tchétchènes et d’autres peuples.  « C’est le mode opératoire du Kremlin », a souligné l’intervenante.  La guerre actuelle est toutefois « extraordinaire par sa cruauté », l’armée russe faisant preuve d’une « barbarie difficile à imaginer au XXIe siècle ».   

Face à cette agression, a expliqué Mme Tsybulska, la société ukrainienne a d’abord voulu dire la vérité aux Russes « ordinaires », par le biais de témoignages, de photos et de vidéos.  « Nous pensions que lorsque les Russes auraient vu toutes ces atrocités, ils condamneraient définitivement cette guerre. »  Or, les Ukrainiens se sont heurtés à une totale absence de compassion, a-t-elle déploré.  En majorité, les Russes ne condamnent pas les crimes de guerre signalés en Ukraine, beaucoup parlent d’actes isolés et les sondages d’opinion font apparaître un soutien total aux actions du Kremlin.  De plus, les conversations interceptées entre des soldats russes et leurs familles confirment le succès de la machine de propagande russe.  « Les médias du Kremlin ont créé une réalité alternative pour des millions de personnes, dans laquelle les Ukrainiens ont cessé d’être des êtres humains et doivent être physiquement exterminés », a constaté l’intervenante.  Parlant de « rhétorique génocidaire », elle a déclaré avoir créé avec ses collègues une base de données visant à démontrer la nature systématique de la diabolisation des Ukrainiens.  Dans le même temps, a-t-elle noté, les médias russes imposent aux Russes le récit selon lequel ils sont victimes, le monde entier est contre eux et ils ont donc le droit de se défendre préventivement. 

Pour Mme Tsybulska, la Russie est un État totalitaire dont le régime donne à ses citoyens, par médias interposés, la permission de tuer, torturer et violer.  Pour les inciter, la Russie affirme depuis des années qu’elle protège les populations russophones des « nazis » ukrainiens.  Pourtant, des dizaines de milliers de personnes retrouvées dans les charniers de Marioupol parlaient russe, a-t-elle relevé, avant de se féliciter que tant d’éléments de preuve de crimes de guerre russes aient déjà été collectés.  Il est très important de comprendre que cette menace concerne « l’ensemble du monde occidental », décrit par les médias d’État russes comme l’ennemi en raison de « l’érosion de ses valeurs morales » et des « intentions agressives » de l’OTAN.

M. JARED COHEN, fondateur et Président-Directeur général de Jigsaw (ex Google Ideas) et chercheur au Council on Foreign Relations, a fait remarquer que l’interconnexion résultant d’Internet et des médias sociaux a fait progresser l’humanité à un point que nous n’aurions jamais pu imaginer.  Malheureusement, elle a également créé de nouvelles vulnérabilités.  Si l’on se concentre sur la guerre en Ukraine, il y a plus d’heures de séquences téléchargées sur YouTube, Tik Tok et d’autres plateformes qu’il n’y a de minutes de conflit. 

De nouveaux concepts ont vu le jour comme attaque par déni de service (DDoS), logiciels malveillants, virus, « trolling », harcèlement en ligne, « doxxing », empoisonnement de serveurs de noms de domaine (DNS), piratage.  Bien que ces concepts soient relativement nouveaux dans l’histoire du Conseil de sécurité, les motivations qui les sous-tendent et leurs conséquences potentielles sont aussi familières que la guerre et les conflits eux-mêmes.

M. Cohen a expliqué avoir fondé Jigsaw en 2010 pour étudier comment la technologie pourrait aider les cinq prochains milliards de personnes à accéder à Internet pour la première fois.  Aujourd’hui, la grande majorité du monde est connectée d’une manière ou d’une autre et il n’est pas surprenant que tout le bagage géopolitique du monde physique se soit répandu en ligne.  La raison d’être de Jigsaw est justement d’anticiper ces défis qui déstabilisent Internet et ont un impact sur les segments les plus vulnérables de la société.  Comme la terre, l’air et la mer, Internet est devenu, à son avis, un domaine critique à occuper en temps de guerre.  En quelques secondes, le contenu est diffusé à des milliards d’individus à travers le monde.  Les récits sont amplifiés pour atténuer la menace perçue ou même renverser les systèmes démocratiques.  Depuis le monde entier, les combattants peuvent accéder aux infrastructures essentielles qui influent sur les moyens de subsistance de nos communautés et les attaquer.

Déjà en 2016, a poursuivi M. Cohen, il avait prédit que toutes les guerres commenceraient comme des cyberguerres, en notant qu’elles se dérouleraient de manière silencieuse, invisible et relativement peu coûteuse.  Cette observation est plus vraie aujourd’hui que jamais, mais les types d’attaques que nous voyons se sont malheureusement diversifiés et démocratisés. 

L’Ukraine est depuis 2014 la cible disproportionnée de cyberattaques malfaisantes, a-t-il fait observer.  L’Ukraine est une sorte de terrain expérimental dans ce domaine. 

Vu l’efficacité de l’Ukraine à détourner et à contrer ces attaques, il est de plus en plus difficile de comprendre exactement ce qui se passe, a poursuivi M. Cohen.  En Ukraine, la Russie a déployé des attaques DDoS qui ont réduit la connectivité globale de 15 à 20% et, à plusieurs reprises, réduit la connectivité Internet à zéro.  Ces attaques ont bloqué l’accès aux services essentiels, aux institutions financières, aux services gouvernementaux et aux services essentiels des ONG.  Ces attaques ont également visé d’autres pays européens, a-t-il indiqué.  Un autre vecteur identifié par M. Cohen est le harcèlement en ligne organisé, par le biais de la toxicité et de la tromperie.  Une campagne contre le Président Zelensky a cherché ainsi à détériorer sa stabilité mentale tout en incitant l’opinion publique à se tourner vers la Russie.  Dans un cadre plus large, de nombreuses campagnes de désinformation se sont répandues sur les médias sociaux, visant à créer, a analysé M. Cohen, du ressentiment à l’égard des réfugiés ukrainiens dans toute l’Europe.  Une autre particularité de ces attaques souvent utilisée par les régimes autoritaires est de mettre au point des stratégies sophistiquées pour désorienter les conversations numériques et en contrôler complètement le récit.  Un autre vecteur d’attaque a été l’utilisation de la désinformation pour inciter à la violence extrême et la justifier.  La propagande incessante de la Russie auprès de ses citoyens, selon laquelle les Ukrainiens étaient des « nazis », a probablement servi à déshumaniser les Ukrainiens aux yeux des soldats russes, ce qui a conduit aux nombreux crimes de guerre dont sont accusées les forces russes.  Chacune de ces attaques fait désormais partie de la rubrique et de la stratégie de la guerre et a des implications qui vont bien au-delà du conflit actuel en Ukraine, a mis en garde M. Cohen.  C’est pourquoi il a jugé de plus en plus urgent pour le Conseil de sécurité d’examiner les implications numériques de la guerre. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a rappelé l’utilisation des médias qui ont conduit à la persécution active des Juifs en Allemagne, aux génocides du Rwanda et de Srebrenica, au nettoyage ethnique et à des crimes massifs au Kosovo.  En 2022, s’est indigné le délégué, le Président russe conteste à l’Ukraine le droit d’exister et a décidé de la « dénazifier ».  Cette guerre d’agression brutale a fait plus de 10 000 victimes et des millions de réfugiés.  Il a évoqué des atrocités qui donnent froid dans le dos, y compris des exécutions, des viols et des violences sexuelles, le bombardement aveugle de villes entières réduites en ruines, des attaques délibérées contre des abris, des routes d’évacuation et des couloirs humanitaires, le siège et le transfert forcé d’Ukrainiens.  Cette guerre a déclenché une grave vague de crise de l’insécurité alimentaire dans le monde entier, a accusé le Président du Conseil. 

Selon M. Hoxha, la propagande russe a produit l’affirmation totalement fausse selon laquelle l’Ukraine aurait commis un génocide contre la population dans les zones contrôlées par les séparatistes soutenus par la Russie, comme prétexte pour envahir l’Ukraine.  C’est une accusation absurde que la Cour internationale de justice (CIJ) n’a pas étayée et qu’elle a rejetée par une ordonnance rendue le 16 mars dernier et qui, à ce jour, n’a pas été entendue par la Russie.  Il faut s’opposer aux négationnistes du génocide, refuser les révisionnistes de l’histoire, rejeter les extrémistes qui nient le droit fondamental des autres et ceux qui glorifient les criminels, a exhorté le délégué.  Il faut contrer ceux qui veulent utiliser des mots pour inciter à la violence sexuelle comme arme de guerre, ceux qui essaient de construire un chemin vers les camps de concentration ou les fosses communes.  Dans ma région, a-t-il ajouté, les dirigeants politiques font tout pour transformer la Republika Serpska en un tissu de haine.  Nous ne pouvons plus dire que nous ne savons pas qui orchestre les incitations à la violence. 

M. RICHARD M. MILLS (États-Unis) a estimé que les présentations de ce matin offrent un regard sobre sur la façon dont la désinformation et l’utilisation abusive d’Internet par la Fédération de Russie au cours de son invasion brutale et illégale de l’Ukraine causent des souffrances aux Ukrainiens.  « Les États-Unis rejettent fermement les efforts de Moscou pour déformer l’histoire à ses propres fins politiques », a indiqué le représentant en notant que l’Assemblée générale a rejeté son faux récit sur l’Ukraine et d’autres pays voisins que la Russie traite de néofascistes et de néonazis.  Selon M. Mills, le Conseil doit respecter la Charte des Nations Unies et « répondre aux mensonges par la vérité ».  Il doit être clair que les tentatives visant à modifier les frontières internationalement reconnues d’un État souverain par le recours à la force sont illégales et dangereuses, une leçon tirée de la Seconde Guerre mondiale, a-t-il tranché.  Citant des informations faisant état d’atrocités commises par les forces russes contre des civils ukrainiens, à savoir la torture, des meurtres de type exécution, des viols -parfois en public- et la déportation d’enfants vers la Fédération de Russie pour adoption, le représentant a souligné que l’initiative européenne pour la résilience démocratique (EDRI), lancée en mars dernier par le Président Biden, fournira 320 millions de dollars supplémentaires pour défendre les droits de l’homme en Ukraine, en mettant l’accent sur la responsabilité des crimes de guerre.  Alors que certains ont appelé à un règlement pacifique, « ignorant que la Fédération de Russie a déclenché le conflit en envahissant illégalement son voisin », il a exhorté Moscou à retirer immédiatement ses forces et à revenir sur la voie de la diplomatie.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a fustigé la propagande russe et les discours haineux à l’égard de l’Ukraine.  Il a regretté que les media publics soient régis d’une main de fer par le Kremlin pour diffuser de tels discours et des accusations fallacieuses.  Illustrant son propos, il a relevé une déclaration du Président Putin arguant que « le Gouvernement ukrainien est composé de drogués et de néonazis ».  Il a aussi fustigé les fausses nouvelles et les allégations infondées propagées par Sergei Lavrov, le Ministre des affaires étrangères russe, qui a prétendu que les forces ukrainiennes se livraient à un génocide dans le Donbass.  Après avoir noté que des enquêtes sont en cours sur les allégations de violences sexuelles, le représentant s’est particulièrement inquiété des capacités de nuisance des plateformes numériques et des média sociaux en matière de propagation de discours de haine.  Rappelant que l’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques interdit expressément toute propagande en faveur de la guerre et « tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence », il a exhorté la Fédération de Russie à cesser ses pratiques.  

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a fait observer que de nombreuses violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme ont été signalées en Ukraine, principalement dans des zones contrôlées ou précédemment contrôlées par les forces russes.  Bon nombre de ces violations peuvent constituer des crimes de guerre, a-t-elle averti.  La représentante a rappelé qu’en mars dernier, dans l’affaire « Ukraine contre Russie » concernant des allégations de génocide, la Cour internationale de Justice (CIJ) a ordonné à la Russie de suspendre immédiatement son opération armée en Ukraine.  Mais alors que la Russie devrait se conformer à cette ordonnance juridiquement contraignante, elle poursuit son agression et sa désinformation, a-t-elle constaté.  À ses yeux, la rhétorique des dirigeants russes est non seulement « fausse » mais aussi « dangereuse » puisqu’elle appelle à la haine nationale, raciale ou religieuse, ce qui constitue une « incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence ».  De fait, a-t-elle argué, le message que propagent l’hostilité et la haine peut déclencher des violences susceptibles de conduire à des crimes de guerre, à des crimes contre l’humanité et même au génocide.  Pour contrer cela, nous n’avons pas de meilleurs alliés que des journalistes et une presse libre, a fait valoir la déléguée.  Il est donc essentiel que les journalistes et les autres travailleurs des médias soient protégés.  Or, le Comité pour la protection des journalistes a confirmé qu’au moins 12 journalistes sont morts alors qu’ils couvraient la guerre en Ukraine, a-t-elle dénoncé, ajoutant qu’en Russie même, des dizaines de reporters ont fui le pays ou font face à des poursuites alors que le pays continue sa répression des médias indépendants.  Dans ce contexte, la représentante a rappelé que le Conseil de sécurité a le pouvoir de renvoyer des affaires à la Cour pénale internationale (CPI). 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a rappelé que les discours de haine et l’incitation à la violence ont nourri de nombreux conflits par le passé.  Nous devons être en mesure de relever les défis que posent aujourd’hui les nouvelles technologies, a-t-elle estimé en relevant que si les nouvelles technologies et les outils de communication modernes permettent notamment de documenter les crimes et les violations des droits de l’homme, elles constituent également des « vecteurs de propagande rapide et parfois systématique de manipulation de l’information ».  Elle a condamné la « campagne de banalisation » des discours de haine et d’incitation à la violence qui accompagne la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine.  Face à la propagation de tels discours, qui s’ajoutent à la restriction « drastique » de la liberté de la presse en Russie, la représentante a appelé cette dernière à mettre fin à la guerre et à se conformer au droit international.  Les images des atrocités commises à Boutcha et dans d’autres zones occupées par les forces russes ont choqué le monde, a-t-elle poursuivi, avant de rappeler le soutien de la France aux mécanismes internationaux et régionaux, notamment la CPI, ainsi qu’à l’Ukraine, pour documenter les atrocités et faire en sorte que les responsables soient traduits en justice. 

Mme JAYNE JEPKORIR TOROITICH (Kenya) a indiqué que son pays a tiré les leçons de sa propre histoire et de l’expérience douloureuse de l’Europe, en prenant des mesures afin de limiter les menaces pesant sur sa démocratie et sa sécurité en raison des discours de haine et de l’incitation à la violence.  Le Kenya a ainsi promulgué des lois contre ce genre de discours et créé la Commission pour la cohésion et l’intégration nationale afin de poursuivre le travail de renforcement de la cohésion et de lutte contre les divisions et la haine, a fait remarquer la déléguée.  Il y a un peu moins d’une semaine, la Commission a lancé son plan d’action national contre les discours haineux, afin de s’assurer que les prochaines élections du mois d’août ne soient pas entachées par ce crime dangereux, a-t-elle dit, précisant que cinq tribunaux ont été désignés pour traiter des questions liées aux discours de haine.  Si elle a tenu à partager ces exemples, c’est bien pour souligner que des actions audacieuses s’imposent, non seulement au Kenya mais aussi dans le monde entier, notamment à l’heure où les conflits s’intensifient sur des bases identitaires et mènent à des guerres prolongées et meurtrières.  Dès lors, a-t-elle exhorté en conclusion, il faut gérer la diversité en tant que compétence cruciale et priorité de l’État. 

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a déclaré que l’action militaire contre un autre État et l’annexion d’une partie de son territoire n’ont pas leur place dans ce monde du XXIe siècle.  La représentante a demandé à la Fédération de Russie de renoncer à nommer ses autorités d’occupation, à changer le fonctionnement de l’État ukrainien et à saper ses fondements démocratiques.  Ces mesures constituent de nouvelles violations déplorables de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, a-t-elle dit.  Les accusations de la Fédération de Russie selon lesquelles l’Ukraine se livre à un génocide étaient et demeurent totalement fausses et l’idée que cette dernière serait une menace existentielle n’a aucune justification.  Ces allégations ne sauraient expliquer la prétendue « riposte préventive » de la Fédération de Russie.  

Notant que la Mission d’experts de l’OSCE a fait état d’un schéma clair de violations du droit international humanitaire et que la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a conclu que la Fédération de Russie ne s’est pas contentée d’ignorer le droit international humanitaire mais qu’elle l’a mis de côté, la représentante a estimé que l’enquête de la CPI s’avérera importante pour établir les responsabilités.  En attendant, elle a demandé à la Fédération de Russie de retirer ses forces et de s’engager dans un dialogue et une diplomatie véritables pour la paix.  La Fédération de Russie doit respecter ses obligations, en vertu du droit international, a-t-elle martelé, en prévenant que « nous continuerons à lancer cet appel ».

M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a rappelé son appui à la création de la Commission d’enquête internationale indépendante du Conseil des droits de l’homme et aux processus engagés devant la Cour pénale internationale (CPI).  Le représentant a appelé à la pleine coopération de tous avec ces mécanismes, soulignant que l’établissement des responsabilités pour les crimes internationaux doit rester la norme, quel que soit le lieu où ils sont commis.  Au moment opportun, le Conseil de sécurité, a réclamé le représentant, devra tenir compte de l’avis de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur l’applicabilité de la Convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide.  En attendant, il a exhorté la Fédération de Russie à se conformer à l’ordonnance de la Cour en date du 16 mars 2022.

Alarmé par l’augmentation constante des besoins humanitaires en Ukraine, il a aussi fait observer que l’envolée des prix des denrées alimentaires et ses conséquences sur la sécurité alimentaire affectent tous les pays, surtout les pays en développement.  Il a espéré un accord rapide sur les routes de l’exportation céréalière et un suivi assuré par le Conseil de sécurité.  Ce dernier, a insisté le représentant, ne doit pas perdre de vue les besoins les plus pressants et la nécessité de soutenir les efforts des Nations Unies et des autres médiateurs en vue d’une solution négociée.  

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a condamné avec la plus grande fermeté toutes les formes de discours et d’incitation à la haine avant de rappeler que la haine alimente l’extrémisme et menace la coexistence pacifique.  Il a estimé qu’un dialogue constructif est essentiel pour favoriser la tolérance et peut servir de base à la réconciliation.  À cet égard, le représentant a invité le Conseil à redoubler d’efforts pour lutter contre l’utilisation malveillante de la technologie pour répandre des discours de haine.  « L’utilisation des technologies numériques pour propager la désinformation et les discours de haine pose un défi particulièrement sérieux dans les zones de conflit », a-t-il noté.  Il a souligné la nécessité d’identifier et d’employer des contre-récits efficaces, de soutenir l’éducation aux médias et de s’engager davantage avec le secteur privé pour « déconstruire » la désinformation.  Notant que les enquêtes et la collecte de données appropriées sont essentielles pour la responsabilisation, le représentant a jugé fondamental d’établir les faits et les circonstances pour rendre justice aux victimes et aux survivants, ainsi que pour lutter plus largement contre l’impunité.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a commencé par affirmer que l’idéologie de la violence et de la haine est le fondement de la politique d’État des autorités ukrainiennes actuelles.  Cette idéologie, a-t-il fustigé, est à l’origine des crimes monstrueux du régime de Kiev contre son propre peuple et elle est devenue l’une des principales causes de la crise actuelle en Ukraine.  Il a ensuite rappelé que, lorsque l’Union soviétique s’est effondrée, l’Ukraine est devenue un pays souverain, avec la possibilité de construire un État indépendant.  Le pays disposait d’un libre arbitre et d’un choix géopolitique complets, a-t-il argué, regrettant que les élites arrivées depuis au pouvoir, « sans y être invités », aient choisi d’exalter l’héritage et les mérites de ceux qui ont collaboré avec Hitler, à savoir les dirigeants de l’Organisation des nationalistes ukrainiens - Armée insurrectionnelle ukrainienne (OUN-UPA).  Pendant les années de guerre, a retracé le représentant, les militants de l’OUN-UPA ont commis des centaines de milliers de meurtres de Polonais, de Juifs et de Russes, provoquant même le dégoût des occupants nazis.  De fait, « faut-il s’étonner que la nouvelle Ukraine soit antisémite, raciste et russophobe », s’est-il interrogé, avant d’évoquer un dénigrement et une haine, année après année, de tout ce qui était russe dans la société ukrainienne.  Ce nationalisme ukrainien, a poursuivi M. Nebenzia, a intéressé les États-Unis et leurs alliés, qui y ont vu une excellente opportunité de rompre les liens historiques entre l’Ukraine et la Russie.  En conséquence, le nouvel État ukrainien a fait le choix d’un projet géopolitique antirusse.  Un choix qui n’a pas été simple puisque le sud-est de l’Ukraine est essentiellement russophone.  Après le « coup d’État de Maïdan » en 2014, a-t-il accusé, la « junte de Kiev » a incité à la violence contre ces populations, séparant les individus en « citoyens de première et seconde classes », la seconde catégorie comprenant à la fois les Russes ethniques et les russophones.  Plusieurs lois ont été votées pour porter atteinte à leurs droits, a-t-il dit, ajoutant que les opposants sont alors devenus des « terroristes » et des « séparatistes », notamment dans le Donbass.

Avec le soutien de l’Occident, et au lieu de débattre de la place de la culture et de la langue russe en Ukraine, le Président Petro Poroshenko a décidé en 2014 d’attaquer la population russophone du Donbass, en ordonnant le bombardement de villes paisibles, a poursuivi M. Nebenzia, faisant état d’une discrimination systématique de ces habitants par les autorités ukrainiennes.  Selon lui, le futur Président Volodymyr Zelenskyy, encore comédien à l’époque, aurait lui-même appelé les militants nationalistes à participer à cette « opération punitive » contre les « racailles » du Donbass.  Une fois devenu Président, il n’a pas changé sa rhétorique, a affirmé le délégué.  « Comme leurs idoles du IIIe Reich, les nationalistes ukrainiens voient la solution du problème du Donbass dans la libération de leur espace vital », a-t-il renchéri, avant de dénoncer le pilonnage par les bataillons Azov et Aidar de quartiers d’habitation à Marioupol, Kharkov et Severodonetsk.  Le représentant a d’autre part affirmé que, selon de récentes « révélations » de M. Poroshenko, l’Ukraine n’a jamais eu l’intention d’appliquer l’ensemble de mesures pour la mise en œuvre des Accords de Minsk, conformément à la résolution 2202 (2015) du Conseil.  D’après lui, l’Ukraine s’en est simplement servie pour avoir le temps de préparer ses actions militaires contre le Donbass et la Russie, et ce, avec l’appui de « nos collègues occidentaux » et en menant à bien des projets russophobes comme une loi discriminatoire sur la langue russe et des persécutions contre les médias russophones.  À la veille du lancement de notre « opération spéciale », a-t-il précisé, nous avons reçu des informations selon lesquelles Kiev achevait les préparatifs d’une nouvelle attaque à grande échelle contre le Donbass.  Ces plans ont été « contrariés », a-t-il observé, avant d’annoncer que la délégation russe distribuera prochainement une « compilation » des déclarations des dirigeants ukrainiens afin de mettre au jour la « rhétorique de haine » de l’Ukraine contemporaine.  Pour sa part, a assuré le délégué, la Russie a maintenu une attitude respectueuse à l’égard de la culture et de la langue ukrainiennes.  Certains disent que nous voulons détruire l’Ukraine, « ce n’est pas du tout le cas », a-t-il insisté: « Ce que nous brûlons en Ukraine, c’est le néonazisme et le nationalisme qui sont devenus une menace directe pour nous et les habitants du Donbass. »  Dans ce contexte, a encore relevé M. Nebenzia, les Occidentaux tentent de convaincre le monde que « la solution ne peut être trouvée que sur le champ de bataille », comme l’a lui-même déclaré le Chef de la diplomatie européenne, et « inondent » l’Ukraine d’armes pour cibler le Donbass et sa population.  La vraie incitation à la haine est le fait de ces pays qui se livrent à une « russophobie frénétique », y compris sur leur territoire, a-t-il martelé, condamnant au passage les « insultes » proférées à l’encontre de diplomates russes par la délégation ukrainienne.  Cela ne fera que retarder l’agonie du régime de Kiev, lequel était déjà « condamné » lorsqu’il s’est lancé en 2014 dans une guerre contre son propre peuple.  En conclusion, il a déclaré que l’opération militaire spéciale ne prendra fin que lorsque ses objectifs seront entièrement remplis, avec la libération de millions d’Ukrainiens. 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a d’entrée insisté sur la protection intégrale des civils par toutes les parties, conformément aux principes de distinction, de proportionnalité, de précaution et d’humanité du droit international humanitaire.  En outre, les femmes et les filles, en particulier, sont confrontées à de graves risques de violence sexuelle et sexiste, ainsi qu’à la menace du trafic d’êtres humains, a déploré M. Costa Filho.  Ces crimes sont odieux et méritent d’être dénoncés avec la plus grande fermeté par la communauté internationale, a martelé le représentant.  Il s’est également inquiété des rapports faisant état de tortures, de meurtres sommaires, de déportations forcées de civils et de violences sexuelles systématiques et massives.  Il a demandé à ce sujet une enquête large, indépendante et impartiale.

Par ailleurs, il a dénoncé la destruction des capacités de production de l’Ukraine, d’une part, et les sanctions économiques unilatérales, d’autre part, qui ont contribué à la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, impactant en particulier les pays en développement, encore aux prises avec les conséquences socioéconomiques de la pandémie de COVID-19.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a remarqué que l’une des particularités des guerres actuelles est la possibilité offerte par les médias au grand public de suivre, au jour le jour, le déroulement des combats sur le terrain.  L’évolution de la technologie et des réseaux sociaux permettent non seulement l’instantanéité des images, mais elle ouvre aussi un boulevard quasiment sans bornes à l’enchevêtrement des voix, des points de vue et de toutes sortes de discours haineux, ainsi qu’à la propagande ou la réécriture de la réalité.  À plusieurs égards, la guerre en Ukraine se présente comme un laboratoire d’expérimentation de pratiques nouvelles dans la manière dont la communauté internationale appréhende et se saisit des conflits armés, a estimé M. Biang.  Saluant le fait que la CPI ait ouvert une enquête sur les crimes commis par toutes les parties le dans le cadre du conflit en Ukraine, le représentant a déclaré que la justice doit suivre son cours en toute transparence, en toute impartialité et en toute indépendance et que, tôt ou tard, les responsables de crimes devront répondre de leurs actes.  Abordant aussi la situation des ressortissants africains victimes de violences, de mauvais traitements ou de discrimination, il a exigé que cela soit pris en compte au moment du bilan.  C’est aussi à l’aune du crédit qui sera accordé à la douleur de ses ressortissants que l’Afrique jugera la sincérité du changement de paradigme concernant l’appréhension des guerres, a tenu à souligner le représentant.

M. DAI BING (Chine) a noté que les conséquences humanitaires du conflit ukrainien qui dure depuis déjà quatre mois sont édifiantes.  Le droit international humanitaire doit être respecté par les parties au conflit.  Elles doivent assurer la protection des civils et des infrastructures civiles et faciliter l’accès de l’aide humanitaire et les évacuations.  Pour le représentant, la communauté internationale et les agences humanitaires devraient intensifier l’aide humanitaire.  Il a demandé aux parties d’éviter des « accusations injustifiées ».  L’envoi d’armes va augmenter l’animosité et finalement aggraver la crise, a-t-il prévenu.  La poursuite du conflit entraînerait un risque sécuritaire plus élevé, a-t-il ajouté estimant qu’aucune partie ne pourra en tirer profit.  La communauté internationale devrait coopérer pour éteindre le feu, apaiser la tension et promouvoir un cessez-le-feu.  Les parties doivent reprendre les négociations et accepter un cessez-le-feu sans délai, a insisté le représentant en demandant aux pays voisins de faire abstraction de leurs propres intérêts géopolitiques.  Avec le conflit en Ukraine, les discours de haine ont été très présents et ont créé des dissensions y compris au Conseil de sécurité, et ce climat politique n’aide pas au règlement de la crise ukrainienne.  Il entraîne l’échec des mécanismes de gouvernance mondiale plongeant le monde dans des troubles et une division accrue.  « Nous sommes tous dans la même situation.  Les politiques de bloc n’ont plus de pertinence. »  Il faut remplacer la confrontation et l’affrontement par le dialogue, a exhorté le représentant pour qui le Conseil devrait faciliter les bons offices et les pourparlers de paix.  

Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a déclaré que l’incitation à la violence est une préoccupation majeure car elle conduit invariablement à des atrocités criminelles.  Elle s’est alarmée des discours acerbes qui accompagnent le conflit en Ukraine, estimant que nul ne peut prétendre ignorer les effets de telles campagnes d’incitation à la haine.  Après avoir cité l’exemple du génocide commis en 1994 au Rwanda, elle a fait observer qu’il s’agisse de l’esclavage, du colonialisme ou de l’apartheid, le faux sentiment de supériorité d’un groupe donné a toujours servi à justifier des atrocités.  Elle a appelé le Conseil de sécurité à assumer pleinement sa responsabilité de maintenir la paix et la sécurité internationales, en demeurant vigilant face à de tels discours.  Les atrocités commises à Boutcha, Irpin et Marioupol, y compris la violence sexuelle à l’encontre des femmes et des filles, sont « intolérables » et doivent faire l’objet d’enquêtes indépendantes et impartiales.  L’établissement des responsabilités est un élément essentiel de la dissuasion et la compétence universelle signifie que nul ne peut échapper à la justice, a conclu la représentante.

M.  RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a rappelé son attachement aux principes de la démocratie et du pluralisme, afin d’offrir un environnement propice à la coexistence de diverses communautés.  Il a cependant fait valoir que le terrorisme et la radicalisation sont l’antithèse de ces principes et qu’il est de la responsabilité de l’ONU de « veiller à ce que la lutte contre les discours de haine ne se limite pas à quelques religions et communautés ».  Évoquant le conflit en Ukraine, qui touche non seulement l’Europe mais aussi l’ensemble du monde, le représentant s’est dit profondément préoccupé par l’aggravation de la situation, réitérant son appel à la cessation immédiate des hostilités et à l’ouverture de pourparlers entre l’Ukraine et la Fédération de Russie.  Il a également apporté son soutien à l’appel lancé par le Secrétaire général en faveur d’une enquête indépendante sur les atrocités commises en Ukraine, avant de mettre l’accent sur l’impact disproportionné de cette crise sur les pays en développement du fait de la hausse induite des prix du carburant et de la pénurie en céréales vivrières et en engrais.  À ses yeux, il est urgent de mesurer l’importance de l’équité et de l’accessibilité s’agissant des produits alimentaires.  Mais l’ouverture des marchés ne doit pas devenir un argument pour perpétuer les inégalités et promouvoir la discrimination, a-t-il prévenu.  Avant de conclure, le représentant a indiqué que l’Inde s’emploie de manière constructive à atténuer les impacts négatifs de ce conflit sur la sécurité alimentaire, notamment en fournissant une aide financière et des céréales aux pays voisins.

M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a commencé son intervention en relevant que « le représentant de Putin occupe le siège permanent de l’Union soviétique ».  Son ambassadeur a, une fois de plus, profité de sa position pour rejeter la responsabilité de la guerre sur tout le monde sauf sur la Russie, s’est-il emporté.  Plus d’une fois, a rappelé M. Kyslytsya, j’ai attiré l’attention du Conseil de sécurité sur les tactiques russes de « mimétisme agressif », à savoir qu’un prédateur gagne un avantage en se présentant comme une victime, comme un violeur avec sa victime.  « L’envoyé de Putin suit l’exemple de son patron », le Ministre des affaires étrangères Lavrov, qui a recours à la même tactique lorsqu’il prétend que la Russie n’a pas envahi l’Ukraine et que l’opération militaire a été décrétée car son pays n’avait aucun moyen d’expliquer à l’Occident qu’attirer l’Ukraine dans l’OTAN était un acte criminel.  Quelle confession! s’est exclamé M. Kyslytsya, en critiquant cette tactique défensive souvent utilisée par les criminels, se disant convaincu que l’envoyé ici présent comprendra cela lorsqu’il occupera une autre place, celle de l’accusé dans un futur tribunal chargé des crimes de guerre russes.  Comme les nazis ont dû rendre des comptes à Nuremberg.  D’ailleurs, a-t-il poursuivi, les documents du procès de Nuremberg comprennent l’examen approfondi de la genèse du nazisme et de sa nature meurtrière.  Il s’est dit convaincu que de futurs procès nous donnerons également des réponses exhaustives quant aux raisons pour lesquelles la Russie est devenue un « régime agressif et inhumain ». 

Après avoir rappelé certains jalons historiques, le représentant a expliqué que le désir obsessionnel des autorités russes de détruire n’est pas apparu du jour au lendemain.  Depuis les années 90, les responsables politiques et médias russes n’ont cessé de renforcer la rhétorique belliqueuse et de discours de haine mêlés à des sentiments impérialistes.  Hélas, a-t-il regretté, le monde entier n’a pas vu cette tendance périlleuse qui a encouragé la Russie à diffuser sa propagande agressive.  De surcroît, le Kremlin a reçu tellement de preuves depuis 30 ans de « l’apathie » du monde entier à l’égard des violences de la Russie et de son impunité que lancer cette guerre d’une grande envergure n’était qu’une question de temps.  Il lui a semblé dès lors « insensé » que certains politiciens invitent l’Ukraine à envisager de répondre aux appels de concessions venant de Moscou.  « L’heure de la diplomatie dîtes-vous »? a ironisé M. Kyslytsya.  Il y a une semaine à peine, Putin prétendait que l’ancienne Union soviétique était la Russie historique, a-t-il dit, en s’interrogeant sur ce qui nous attend.  « Peut-être une demande de l’envoyé de Putin d’échanger les plaques ici au sein du Conseil de sécurité en remplaçant la Fédération russe par l’Union soviétique? »  La conversion de la Russie en régime fasciste agressif a déjà été démontrée, selon le représentant, dans son incapacité de s’abstenir d’attaquer ceux qu’il considère comme étant une proie facile.  Il faut faire cessez tout cela et le plus tôt sera le mieux, a martelé le représentant ukrainien, soulignant que son pays, est actuellement sur la ligne de front grâce à la volonté nécessaire de ses dirigeants, la détermination et le courage de son armée et de son peuple ainsi que la solidarité internationale sans précédent.  Mettant en garde que si sous laissons Putin ou son successeur sur le trône du Kremlin, alors la prochaine guerre est imminente et le monde civilisé en paiera le prix!

Au nom des pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie), M. RYTIS PAULAUSKAS, (Lituanie) a dénoncé l’agression militaire à grande échelle non provoquée de la Russie contre la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique de l’État démocratique de l’Ukraine avec le soutien du Bélarus, « coagresseur ».  Pendant des années, a expliqué le représentant, l’Ukraine a été l’une des principales cibles de la désinformation pro-Kremlin tentant de justifier l’invasion russe.  Cette guerre de la Russie contre l’Ukraine s’accompagne d’un langage radical et toxique des médias contrôlés par la Russie et le Kremlin sur l’Ukraine et les Ukrainiens, conduisant à des atrocités commises par les forces russes et à leur acceptation par la société russe, a décrit le représentant.  Il a accusé le Président Putin d’utiliser des tactiques dites de « miroir » en accusant la victime des crimes qu’il commet.  

Le délégué a condamné ces crimes et exhorté la Russie à retirer immédiatement et sans condition toutes ses troupes de l’Ukraine.  Selon lui, la rhétorique belliqueuse russe dévoile ses véritables intentions impérialistes et l’agression contre l’Ukraine n’est que le début.  Le Kremlin parle ouvertement d’accaparement des terres et menace de reprendre les territoires des pays voisins, a encore relevé le représentant.  Il a aussi noté que l’agression de la Russie a provoqué une insécurité alimentaire croissante dans le monde, pointant du doigt le blocus russe des ports ukrainiens, ainsi que les bombardements russes des terres arables et des sites de stockage de vivres en Ukraine.  Les sanctions occidentales ne sont pas la cause des pénuries alimentaires, a-t-il assuré.  Il a conclu en exprimant la solidarité des pays baltes envers l’Ukraine, assurant qu’ils continueront d’apporter un soutien fort à l’Ukraine, y compris un soutien humanitaire et matériel pour résister à l’agression russe.

M. MICHAL MLYNÁR (Slovaquie) a réitéré la préoccupation de la Slovaquie face à la propagande de guerre de la Fédération de Russie qui justifie son agression non provoquée de l’Ukraine au prétexte de « dénazifier » ce pays qu’elle accuse de commettre un génocide et d’exterminer la population civile dans les régions séparatistes soutenues par la Russie.  Ces « faux » prétextes ressemblent de manière marquante à ce que nous avons vu dans le passé, a noté le représentant, lorsque des accusations contre un groupe ciblé présenté comme une menace existentielle ont justifié des atrocités et une guerre présentée comme défensive et inévitable.  La Fédération de Russie utilise une rhétorique similaire en Ukraine, a-t-il regretté accusant « le régime de Putin » de nier la souveraineté et l’indépendance de l’État ukrainien.  C’est tout simplement inacceptable et en contradiction flagrante avec les buts et principes de la Charte des Nations Unies, les obligations de la Russie en vertu de l’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ou l’article III de la Convention sur le génocide, s’est-il indigné en y voyant une preuve de l’intention génocidaire de la Russie.  La Slovaquie rappelle l’ordonnance contraignante du 16 mars 2022 de la Cour internationale de Justice (CIJ) et demande instamment à la Russie de s’y conformer, a déclaré le représentant.  « Ce qui était initialement une incitation à la violence s’est, depuis le 24 février, transformé en atrocités commises en Ukraine. »  Justice pour ces crimes doit être rendue, a tranché le représentant en rappelant que la Slovaquie, en tant que pays voisin, a accueilli des centaines de milliers de réfugiés ukrainiens dont des témoins et victimes potentiels d’atrocités.  Fidèle à sa position ferme contre la culture de l’impunité, la Slovaquie a contribué aux efforts d’enquête et de collecte de preuves sur les plans national, bilatéral, régional et international en lançant ses propres enquêtes sur les crimes présumés contre l’humanité et les crimes de guerre commis en Ukraine, et en envoyant des experts dans le cadre d’EUROJUST, a précisé M. Mlynar.

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