En cours au Siège de l'ONU

9336e séance – après-midi 
CS/15304

Péninsule coréenne: le Conseil de sécurité affiche à nouveau ses divisions après la tentative de la RPDC de lancer un satellite de renseignement militaire

À l’initiative des États-Unis, de l’Albanie, de l’Équateur, de la France, du Japon, de Malte et du Royaume-Uni, le Conseil de sécurité s’est réuni cet après-midi, deux jours après le lancement raté d’un satellite de reconnaissance militaire par la République populaire démocratique de Corée (RPDC). 

La Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo, a rappelé que le mercredi 31 mai, la RPDC avait lancé une fusée transportant un satellite de reconnaissance militaire, qui s’est abîmée au large de la côte ouest de la péninsule coréenne à la suite de la séparation de son premier et de son deuxième étage. 

Si la RPDC a le droit de mettre sur orbite un satellite et de tirer profit des activités spatiales, les résolutions du Conseil lui interdisent expressément en revanche de procéder à des lancements utilisant la technologie des missiles balistiques, a rappelé la haute fonctionnaire, comme à sa suite le Ghana, le Gabon et l’Albanie.  « Peu importe si c’était un satellite, ou si le lancement a échoué.  Il s’agit d’une nouvelle violation des résolutions de ce Conseil », a tranché le Japon, en rappelant, comme la Suisse, que le Conseil a imposé cette interdiction à Pyongyang afin d’arrêter le développement illégal de son programme de développement d’armes nucléaires.  Dans une déclaration en date du 30 mai, le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, avait d’ailleurs fermement condamné le tir, appelant la RPDC à reprendre rapidement le dialogue pour amorcer une dénucléarisation complète et vérifiable de la péninsule coréenne. 

La RPDC avait déjà procédé à un lancement similaire le 7 février 2016.  En conséquence, le Conseil avait imposé de nouvelles sanctions et renforcé les mesures existantes à l’encontre de la RPDC en adoptant la résolution 2270 (2016).  La résolution 2397 (2017), la dernière en date mettant à jour le régime de sanctions contre la RPDC, réaffirme la décision du Conseil que ce pays « ne doit pas procéder à des lancements utilisant la technologie des missiles balistiques, à des essais nucléaires ou à toute autre provocation ».  Depuis, Pyongyang a considérablement intensifié ses activités de lancement de missiles en 2022 et 2023.

La plupart des membres du Conseil ont condamné le tir « imprudent » et « raté », comme l’a qualifié le Royaume-Uni.  Les États-Unis se sont dits déçus d’avoir à discuter d’une « nouvelle provocation » de la RPDC, alors qu’elle menace de réitérer l’expérience dans un proche avenir.  Le Japon s’est élevé contre ceux qui affirment que le Conseil ne devrait pas provoquer ce pays, mais plutôt chercher à atténuer les tensions, tandis que la France, l’Albanie et la Suisse ont appelé le Conseil à faire preuve d’unité sur ce dossier.

« Ne rien faire, ne pas réagir aux actions illicites de la RPDC, signifierait la normalisation des violations des résolutions au nez et à la barbe de ce Conseil », a prévenu Malte.  Sur le même ton, la République de Corée a exhorté le Conseil à parler d’une seule voix, car la RPDC cherche à tirer profit de sa paralysie pour avancer ses programmes nucléaire et balistique, a-t-elle mis en garde.

Par son comportement « irresponsable », la RPDC lance un défi à la communauté internationale dans son ensemble, a estimé l’Albanie, car elle « se sent et se sait protégée ».  La Chine et la Fédération de Russie ont rétorqué que les sanctions américaines à la RPDC avaient provoqué une détérioration de la situation.  La délégation russe a fait état de l’« activité militaire destructrice » des États-Unis, de la République de Corée et du Japon en Asie du Nord-Est, accusant aussi le Secrétariat de l’ONU de partialité.  Du point de vue de Moscou, la cause profonde de la « spirale » de tensions actuelle tient à la volonté de Washington et de ses alliés d’accroître la pression sur la RPDC dans le cadre d’une « dissuasion élargie ».  La Russie et la Chine ont enfin de nouveau rappelé l’existence de leur « plan d’action » pour un règlement global de la situation dans la péninsule.

En réponse, la délégation américaine a mis en garde contre les « fausses équivalences » entre les tirs de Pyongyang et les manœuvres militaires conjointes effectuées par les États-Unis et la République de Corée, justifiées selon eux par les provocations de Pyongyang.  « Il ne s’agit pas de savoir s’il y a deux camps au Conseil, mais plutôt de rappeler qu’il y a une partie visée par les sanctions du Conseil, à savoir la RPDC », ont-ils ajouté.  Il n’est pas question non plus pour eux d’alléger les sanctions à l’encontre de la RPDC, mais au contraire de réagir à ses « provocations ».

Les Émirats arabes unis se sont émus de la situation humanitaire dans le pays, en proie à des pénuries alimentaires croissantes, bien que le territoire soit toujours fermé à l’aide humanitaire.  C’est finalement le peuple de la RPDC qui paie le plus lourd tribut de ces tirs, a estimé le Royaume-Uni, pour qui son gouvernement détourne les ressources des besoins économiques fondamentaux de la population.

NON-PROLIFÉRATION: RÉPUBLIQUE POPULAIRE DÉMOCRATIQUE DE CORÉE

Déclarations

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a d’abord rappelé les faits ayant mené à la réunion du jour.  À 6 h 37, heure locale, le 31 mai, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a lancé ce qu’elle a décrit comme un satellite de reconnaissance militaire.  Cette fusée s’est abîmée au large de la côte ouest de la péninsule coréenne, après avoir perdu sa poussée, à la suite de la séparation de son premier et de son deuxième étage.  La RPDC a attribué l’échec du tir à la faible fiabilité d’un « nouveau type de système de moteur et de carburant » non spécifié, et les médias officiels de ce pays ont déclaré qu’un second tir aurait lieu au plus tôt.  Le 30 mai, la RPDC a envoyé une notification préalable au lancement à l’Organisation maritime internationale (OMI).  D’autres organisations internationales, dont l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et l’Union internationale des télécommunications (UIT), n’ont pas été informées. 

Comme l’affirme la RPDC, a repris Mme DiCarlo, un État souverain a tout à fait le droit de lancer un satellite et de tirer profit des activités spatiales.  Toutefois, « les résolutions du Conseil interdisent expressément à la RPDC de procéder à des lancements utilisant la technologie des missiles balistiques ».  Le 30 mai, a-t-elle aussi rappelé, le Secrétaire général a fermement condamné le lancement par la RPDC d’un satellite utilisant précisément cela.  La Secrétaire générale adjointe a donc appelé la RPDC à s’abstenir de procéder à d’autres lancements de satellites utilisant cette technologie et à reprendre rapidement le dialogue pour atteindre l’objectif d’une paix durable et d’une dénucléarisation complète et vérifiable de la péninsule coréenne.

La RPDC avait déjà procédé à un lancement similaire le 7 février 2016, et dans sa résolution 2270 (2016), le Conseil a justement condamné ce lancement, commis en violation des résolutions pertinentes.  Le 29 mai, la RPDC a justifié sa nécessité de lancer un satellite de reconnaissance militaire pour réagir aux exercices militaires en cours dans la région, mais Mme DiCarlo a rappelé que le développement d’un satellite de reconnaissance militaire faisait partie du plan quinquennal de développement militaire de la RPDC, plan dévoilé en janvier 2021, soit bien avant la reprise des exercices militaires dans la région. 

Conformément à son plan quinquennal, la RPDC a considérablement intensifié ses activités de lancement de missiles en 2022 et 2023, avec notamment plus de 80 tirs utilisant la technologie des missiles balistiques.  Pyongyang a déclaré que ces tirs concernaient des systèmes dotés d’armes nucléaires, y compris des armes nucléaires dites « tactiques ». En outre, la RPDC a continué à faire référence à l’utilisation possible d’armes nucléaires depuis la dernière réunion du Conseil.  Par ailleurs, le rapport final du Groupe d'experts fait état d’informations selon lesquelles les « activités cybernétiques illicites » attribuées à des acteurs affiliés à la RPDC se poursuivent et s’intensifient, en particulier le vol de cryptomonnaies.

Dans la péninsule coréenne, la coopération doit prévaloir, a appuyé Mme DiCarlo.  Elle a salué l’engagement du Conseil, exprimé dans la résolution 2397 (2017), en faveur d’une solution pacifique, globale, diplomatique et politique à la situation dans la péninsule coréenne.  Jugeant la diplomatie -et non l’isolement– comme la seule voie à suivre, elle a déploré « un manque d’unité et d’action » au sein du Conseil ne contribuant guère à ralentir la trajectoire négative de la péninsule.

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) s’est dit déçu d’avoir à discuter d’une nouvelle provocation de la RPDC, qui constitue une violation directe des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  Il a rappelé le mandat de ce dernier d’agir face à ces violations répétées, sachant que Pyongyang menace maintenant de procéder à un nouveau tir « dès que possible ».  Mais forte du soutien de ses deux fervents défenseurs au sein du Conseil, la RPDC affirme qu’ils sont justifiés.  Rien n’a poussé la RPDC à procéder à ces tirs ou à menacer de procéder à un autre tir, si ce n’est son désir de parfaire sa technologie, qui a échoué cette semaine.

Le représentant a demandé à ce pays de s’engager dans des négociations sans conditions préalables. Tant qu’il se sentira enhardi par le silence du Conseil, tant qu’il fera fi des résolutions du Conseil de sécurité et du régime de non-prolifération, il continuera à choisir les munitions plutôt que l’alimentation.  Dans le même temps, alors que la Chine et la Russie réaffirment leur attachement à une solution politique à la crise dans la péninsule coréenne, ces pays estiment qu’une action du Conseil ou la tenue d’une séance relève de la provocation.  Il a accusé ces deux délégations de procéder à de fausses équivalences entre les tirs de Pyongyang et les manœuvres militaires conjointes effectuées par les États-Unis et la République de Corée, qui ne sont pour le représentant rien d’autre qu’une défense justifiée face aux provocations de Pyongyang.  La RPDC se sert de cela comme prétexte pour promouvoir son programme de missiles balistiques et d’armes de destruction massive.  Face à la menace croissante posée par la RPDC et l’inaction du Conseil, il est absolument hallucinant que certains s’imaginent que les États-Unis et d’autres resteront les bras croisés, a prévenu le représentant.  « Nous utiliserons nos alliances et nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour garantir notre sécurité », a-t-il mis en garde, avant de demander à tous les membres du Conseil de se joindre aux États-Unis pour condamner cette attitude illégale et empêcher que la RPDC ne procède pas à un autre tir. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a condamné sans réserve le tir par la RPDC d’un satellite de reconnaissance militaire utilisant la technologie des missiles balistiques.  Ce tir s’est certes soldé par un échec, mais il représente une nouvelle tentative de violation des résolutions du Conseil de sécurité, a-t-il dénoncé, estimant que, par son comportement irresponsable, la RPDC lance un défi à la communauté internationale dans son ensemble.  Notant que la RPDC prévoit de procéder à un nouveau lancement sous peu, le représentant a constaté que le « régime nord-coréen » s’enhardit et poursuit son escalade.  Selon lui, la RPDC ne fait que mépriser les résolutions du Conseil la concernant car elle « se sent et se sait protégée ».  À ce sujet, le délégué a jugé regrettable que la majorité du Conseil ne soit pas entendue, alors qu’elle demande un arrêt immédiat et complet de ces provocations.  « Si nous n’agissons pas tout de suite, il sera bientôt trop tard », a-t-il averti, déplorant que, par son inaction, le Conseil semble dire que ces actions sont « sans conséquences ».  Ce faisant, le Conseil ne fait pas entendre à la RPDC que sa politique menace les pays voisins et ne permet aucunement pas de régler la crise.  Le Conseil échoue par conséquent à assumer sa responsabilité et entame sa crédibilité, a poursuivi le représentant, pour qui le monde n’a pas besoin d’une escalade supplémentaire, mais de négociations et d’une diplomatie de bonne foi pour que cesse ce programme d’armes de destruction massive.  Le Conseil peut apporter sa pierre à cet édifice s’il agit de manière unie, en apportant une réponse concertée, a-t-il conclu. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a condamné la tentative de lancement d’un satellite de reconnaissance par la RPDC, ainsi que les violations des résolutions du Conseil commises par ce pays.  Il a lui a demandé d’abandonner son programme nucléaire et balistique.  Tous les États ont l’obligation de procéder à l’exploration de l’espace extra-atmosphérique de manière pacifique, a dit le délégué.  « Ce Conseil doit prendre des mesures et s’exprimer d’une seule et même voix », a-t-il poursuivi.  Enfin, le représentant de l’Équateur a appelé à la cessation des actes et discours belliqueux, plaidant pour un approfondissement du dialogue, en vue d’une atténuation des tensions dans la péninsule coréenne.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a condamné le lancement « imprudent » et « raté » d’un satellite de reconnaissance militaire par la RPDC le 30 mai 2023, en violation des résolutions du Conseil.  Ce tir fait suite à neuf séries d’essais de missiles balistiques depuis le début de l’année 2023, dont un essai de missile balistique intercontinental à combustible solide en avril, a-t-il souligné. Tous ces essais s’inscrivent dans le cadre d’efforts inconsidérés de la RPDC pour se doter de capacités nucléaires et de missiles balistiques avancés, avec lesquels elle cherche à menacer ses voisins, selon le délégué britannique.  Et c’est le peuple de la RPDC qui en paie le prix le plus élevé, car son gouvernement détourne les ressources des besoins économiques fondamentaux de la population. 

Jugeant ce comportement inacceptable, le représentant a exhorté tous les États Membres à appliquer pleinement les résolutions existantes et à s’opposer à la poursuite du développement des programmes d’armement illégaux de la RPDC. Il a également exigé de cette dernière qu’elle cesse ces lancements, reprenne le dialogue et prenne des mesures crédibles en faveur de la dénucléarisation et de la paix. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a condamné le dernier lancement effectué par la RPDC, y voyant une menace pour la paix et la sécurité du Japon, de la région et de l’ensemble de la communauté internationale.  « Peu importe de savoir si c’était un satellite ou si le lancement a échoué.  Il s’agit d’une nouvelle violation des résolutions de ce Conseil », a martelé le représentant.  Rappelant que le Conseil de sécurité a interdit les lancements utilisant la technologie des missiles balistiques afin d’arrêter le développement illégal par la RPDC d’armes nucléaires et de leurs vecteurs, il a fait observer que les lanceurs spatiaux de ce pays utilisent la même technologie que les missiles balistiques et peuvent porter des ogives nucléaires.  Il a d’autre part rappelé qu’à la suite de l’« échec » de ce dernier lancement, la RPDC a annoncé son intention de lancer prochainement un autre satellite de reconnaissance militaire.  Face à ce manque de respect envers la Charte des Nations Unies, il a exhorté tous les membres du Conseil à se joindre à l’appel du Secrétaire général pour qu’il soit mis fin à de tels actes. 

Après avoir une nouvelle fois regretté le silence et l’inaction du Conseil face aux violations répétées de la RPDC, le représentant s’est élevé contre ceux qui soutiennent que l’organe onusien ne devrait pas provoquer ce pays, mais devrait plutôt chercher à apaiser les tensions.  « Notre silence n’a fait qu’encourager, et continuera d’encourager, les contrevenants à agir comme ils l’entendent », a-t-il affirmé, appelant le Conseil à s’acquitter de sa responsabilité et à ne pas détourner le regard des violations de ses propres résolutions.  Le délégué a également jugé regrettable que le régime nord-coréen continue de dépenser d’énormes ressources pour ses programmes nucléaires et de missiles illégaux, tout en sacrifiant le bien-être de sa population.  Il a donc exhorté la RPDC à cesser ses lancements, à se conformer immédiatement et pleinement à toutes les résolutions pertinentes, à s’engager dans la diplomatie et à accepter les offres répétées de dialogue, demandant en outre à tous les membres du Conseil et aux États Membres de se joindre à cet appel. 

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a fermement condamné la tentative de lancement d’un satellite de reconnaissance par la RPDC.  Elle a dénoncé le comportement irresponsable de la RPDC, qui sape les efforts de non-prolifération.  Elle a également demandé à la RPDC d’abandonner son programme nucléaire et balistique.  Face aux violations flagrantes de Pyongyang, les membres du Conseil doivent dire clairement que ce genre d’action est inacceptable, a dit la déléguée: « Ne rien faire, ne pas réagir aux actions illicites de la RPDC, signifierait la normalisation des violations au nez et à la barbe de ce Conseil. »  Enfin, vivement préoccupée par la situation humanitaire en RPDC, elle a exhorté les autorités de ce pays à faciliter l’acheminement d’une aide.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a condamné fermement la nouvelle action provocatrice et déstabilisatrice de la Corée du Nord.  Au vu de la grande proximité des technologies employées lors des lancements spatiaux et des tirs balistiques, ce lancement d’un satellite militaire témoigne de la poursuite du programme nord-coréen, au mépris des décisions du Conseil de sécurité, a-t-il décrié, déplorant en outre une volonté de poursuivre l’escalade.  Il a appelé le Conseil à répondre de manière unie à cette nouvelle violation de ses résolutions, exhortant ensuite la Corée du Nord à se conformer sans délai à ses obligations et à revenir à la table des négociations en donnant suite aux offres de dialogue qui lui ont été présentées à plusieurs reprises.

M. JESWUNI ABUDU-BIRRESBORN (Ghana) s’est dit gravement préoccupé par le tir par la RPDC d’un satellite militaire, en violation de plusieurs résolutions du Conseil. Il s’agit, selon lui, d’une confirmation inquiétante de l’accélération spectaculaire de son programme d’armement. C’est également un reflet inquiétant de sa détermination à atteindre ses objectifs stratégiques.  Le rapport final 2023 du Groupe d’experts issu de la résolution 1718 (2006) montre clairement que la RPDC cherche activement et assidûment à augmenter de manière exponentielle sa production d’armes nucléaires, en particulier d’armes nucléaires tactiques de plus petite taille. Regrettant que face à ces menaces à la paix et à la sécurité mondiales, le Conseil ne fasse pas preuve d’unité, malgré les nombreuses séances sur la RPDC cette année et en 2022, le délégué ghanéen a encouragé tous ses membres à remédier à cela.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a condamné le lancement d’un satellite de reconnaissance par la RPDC et appelé à la désescalade pour mettre fin à ce cycle infernal pour les populations et pour la navigation marchande dans la péninsule coréenne.  Il a observé avec beaucoup d’inquiétude la tendance périlleuse à la banalisation et à l’acceptation du risque nucléaire dans les antagonismes entre puissances.  En effet, le contexte actuel, marqué par un durcissement et une radicalisation des positions, est de nature à conduire à terme certains États à reconsidérer leur position de neutralité en matière de défense militaire ou d’équipement nucléaire, a-t-il analysé.  Le représentant a appelé le Conseil à se pencher sérieusement sur la situation sécuritaire intenable de la péninsule coréenne, jugeant en outre fondamental et urgent que l’ensemble des parties puissent dialoguer de bonne foi pour trouver une solution définitive à même de garantir la sécurité et la coexistence pacifique dans la région.

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a souligné que tout tir recourant à la technologie des missiles balistiques par la RPDC constituait une violation des résolutions du Conseil.  Que la dernière fusée ait été destinée à mettre en orbite un satellite d’observation militaire plutôt qu’à transporter une arme de destruction massive, et qu’une annonce préalable de la trajectoire ait été faite alors que les tirs des dernières années étaient non annoncés, ne changent en rien le fait qu’il s’agit d’une violation du droit international, a raisonné l’orateur.  Face à cela, il est du devoir du Conseil de condamner ce dernier lancement, et d’y répondre, en exhortant la RPDC à renoncer à toute tentative future de lancement. 

Le représentant a par ailleurs constaté que les lourdes restrictions mises en place par la RPDC en lien avec la pandémie entravent encore gravement l’aide humanitaire internationale.  À la suite de l’annonce de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) déclarant la fin de la pandémie de COVID-19 en tant qu’urgence de santé publique de portée internationale, il a espéré la réouverture des frontières de la RPDC afin de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire. 

M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) a constaté que, bien qu’infructueux, le lancement d’un « énième satellite » par la RPDC confirme la persistance de tensions dans la péninsule coréenne, ce qui, selon lui, pourrait conduire à des erreurs de calcul et à des affrontements, ainsi qu’à l’érosion du respect des régimes de non-prolifération dans la région.  Dans ce contexte, le représentant a réitéré son appel à la RPDC pour qu’elle respecte les résolutions du Conseil de sécurité et coopère à la désescalade d’une situation déjà tendue.  Il s’est par ailleurs déclaré préoccupé par l’absence de progrès sur ce dossier, avant d’appeler le Conseil à s’acquitter de ses responsabilités en vue d’une reprise du dialogue.  À ses yeux, il subsiste une « fenêtre d’opportunité » pour persuader la RPDC de s’abstenir d’actes de provocation et de revenir à la table des négociations.  Il a donc exhorté le Conseil à se montrer à la hauteur de son rôle et de son mandat en encourageant la désescalade et la recherche de solutions diplomatiques. 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a déploré le tir de la RPDC le 30 mai et exhorté ce pays à se conformer à ses obligations en vertu des résolutions du Conseil.  S’il a apprécié qu’une notice de lancement préalable ait été transmise à l’Organisation maritime internationale afin d’atténuer les risques pour les populations du Japon et de la République de Corée, le délégué n’en a pas moins rappelé l’illicéité de ce tir.  Il a souligné la dangerosité de la situation actuelle, toute erreur de calcul pouvant avoir des conséquences dévastatrices.  À cette aune, il a appelé à œuvrer pour une atténuation des tensions et des risques d’escalade.  « Nous continuons de penser que l’engagement, et non l’isolement, constitue notre meilleure chance pour une péninsule coréenne pacifique, stable et dénucléarisée. »

M. GENG SHUANG (Chine) s’est déclaré préoccupé par l’aggravation des tensions dans la péninsule coréenne tout en appelant à examiner la situation dans son contexte.  Il a relevé que les préoccupations sécuritaires légitimes de la RPDC n’ont pas été résolues et que les sanctions imposées par les États-Unis ont provoqué une détérioration de la situation.  Le représentant a exhorté les parties à faire preuve de retenue et à trouver une solution politique pour répondre aux préoccupations légitimes de chacun par le biais d’un dialogue significatif capable de déboucher sur la dénucléarisation de la péninsule.  Il a jugé contre-productif de pointer une partie et d’ignorer ce que font les autres. Cela ne fera qu’exacerber les conflits, aggraver les provocations et engendrer davantage d’incertitudes dans une situation déjà tendue, a-t-il mis en garde.  Au contraire, il faut promouvoir la désescalade pour établir une confiance mutuelle.  Il a évoqué le projet de résolution sur la RPDC dont la Chine et la Russie sont coauteurs, expliquant que celui-ci a pour objectif de résoudre les problèmes de moyen de subsistance de la population, et d’appuyer une reprise du dialogue. 

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) s’est tout d’abord étonnée que ni aujourd’hui, ni dans la déclaration du Secrétaire général concernant le lancement, il ait été question de « l’activité militaire destructrice » des États-Unis, de la République de Corée et du Japon en Asie du Nord-Est.  Elle a regretté que ces éléments importants soient complètement ignorés par le Secrétariat de l’ONU, qui, selon elle, devrait adopter une position impartiale et objective.  Elle a ensuite rappelé que la Fédération de Russie a toujours préconisé un examen complet de la situation dans la péninsule coréenne et de tous les facteurs qui l’influencent, qualifiant de contre-productives les tentatives visant à présenter une « image unilatérale » de ce qui s’y passe.  Cela va à l’encontre de la tâche confiée aux membres du Conseil, à savoir une réponse objective et impartiale aux menaces à la paix et à la sécurité internationales, et ne fait que nous éloigner d’une solution à la problématique de la péninsule coréenne, a-t-elle fait valoir. Pour la déléguée, la cause profonde de la « spirale » de tension actuelle réside dans le désir des États-Unis et de leurs alliés d’accroître la pression sur la RPDC dans le cadre d’une « dissuasion élargie ». 

À cet égard, la représentante a mis en garde contre les conséquences « extrêmement négatives » des exercices militaires en cours dans la sous-région. Elle a indiqué que, le 25 mai dernier, les États-Unis et la République de Corée ont mené des tirs réels près de la frontière avec la RPDC, dans le cadre de manœuvres impliquant des milliers de militaires et plusieurs centaines de systèmes d’armes.  Ces manœuvres ne sont que les premières d’une série d’exercices américano-sud-coréens prévus jusqu’à la mi-juin, a-t-elle ajouté, estimant que de telles actions ont un effet déstabilisateur non seulement en Asie du Nord-Est mais aussi dans toute la région Asie-Pacifique.  Selon elle, un autre exemple en est les récents accords américano-sud-coréens sur l’utilisation des armes nucléaires, qui ne feront qu’aggraver encore les tensions et provoquer une course aux armements.

La déléguée a ensuite rappelé que son pays s’oppose systématiquement à toute activité militaire mettant en danger la sécurité de la péninsule coréenne et à l’utilisation croissante et inhumaine de sanctions.  Ces mesures unilatérales non seulement bafouent la souveraineté et les intérêts légitimes des pays ciblés et contredisent les règles du commerce international, mais compromettent également l’intégrité des restrictions convenues par le Conseil, a-t-elle souligné, non sans relever que les résolutions de ce dernier sur la RPDC prévoient la recherche d’un règlement politique et diplomatique.  Constatant l’absence d’autres solutions acceptables, elle a souhaité attirer à nouveau l’attention du Conseil sur le plan d’action russo-chinois pour un règlement global de la situation dans la péninsule coréenne, qui « implique des mesures concrètes des États concernés, dans un sens comme dans l’autre », y compris de la RPDC.  Affirmant ne pas être sûre que Washington soit prêt à avoir une discussion constructive avec Pyongyang, elle a appelé l’Administration américaine à prendre des mesures concrètes en vue d’une reprise du dialogue.  Enfin, après s’être déclarée convaincue que le Conseil peut également jouer un rôle positif « si les discussions en son sein sont constructives et globales », elle a assuré que le projet de résolution politico-humanitaire de la Fédération de Russie et de la Chine « reste sur la table ». 

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a fermement condamné le tir, enjoignant la RPDC à s’abstenir de toute provocation dangereuse ou illégale.  Qualifiant le danger et la crainte causés pour les pays voisins d’inacceptables et d’injustifiables, elle a lancé un appel à ce pays pour qu’il respecte les résolutions pertinentes, soit l’interdiction d’utiliser la technologie issue de tirs de missiles balistiques, qui peuvent contribuer à accélérer son programme de développement d’armes de destruction massive.  Préoccupée par les capacités de nucléarisation de Pyongyang, la déléguée émirienne lui a demandé de nouveau de miser sur la « diplomatie » et le « dialogue ».  Elle s’est aussi dite préoccupée par la situation humanitaire dans le pays, en proie à des pénuries alimentaires croissantes, bien que le territoire soit toujours fermé à l’aide humanitaire.  La déléguée a enfin enjoint le Conseil de sécurité à « retrouver une unité » sur ce dossier.

Reprenant la parole, M. WOOD (États-Unis) a tout d’abord observé qu’à aucun moment, le représentant de la Chine n’a condamné le tir spatial de la RPDC, alors même qu’il constitue une violation flagrante des résolutions du Conseil.  Notant ensuite qu’il a été fait mention de l’accord-cadre conclu par son pays avec la RPDC dans les années 1990, il a rappelé qu’à l’époque, la RPDC respectait globalement cet accord tout en mettant en place un programme d’enrichissement clandestin de l’uranium.  S’agissant d’autre part de la déclaration de Washington, qui a été évoquée par certains, il a assuré qu’elle visait à réagir à l’activité déstabilisatrice de la RPDC dans le cadre de son programme, et non l’inverse. « Il ne s’agit pas de savoir s’il y a deux côtés au Conseil, mais plutôt de rappeler qu’il y a une partie visée par les sanctions du Conseil, à savoir la RPDC », a-t-il fait valoir. S’agissant du projet de résolution politico-humanitaire de la Russie et de la Chine, le représentant a jugé difficile d’imaginer que l’on doive alléger les sanctions à l’encontre de la RPDC alors qu’il faut au contraire réagir à ses provocations.  Il a par ailleurs assuré que la coopération entre son pays et la République de Corée ne viole aucun traité que ce soit.  Le délégué a enfin indiqué que les États-Unis sont prêts à nouer un dialogue sans condition avec la RPDC pour discuter des divergences de vues, mais qu’elle a rejeté cette proposition à plusieurs reprises. 

Réagissant à l’intervention des États-Unis, M. GENG (Chine) a de nouveau souligné que les préoccupations sécuritaires de la RPDC n’ont pas été réglées, la méfiance entre les deux parties ayant été exacerbée par les exercices militaires des États-Unis dans la région.  Si les États-Unis poursuivent sur cette voie, cela ne fera que provoquer la RPDC, a-t-il mis en garde, appelant à faire preuve de volonté politique, de souplesse et d’une ouverture au dialogue. 

M. JOONKOOK HWANG (République de Corée) a condamné dans les termes les plus vigoureux la tentative de mise sur orbite d’un satellite de reconnaissance par la RPDC. « Le régime a toujours eu l’obsession de lancer un tel satellite depuis le dévoilement de son plan quinquennal de développement militaire en date de 2021. »  Les allégations avancées par Pyongyang et sa poignée de soutiens, selon lesquelles de telles provocations découleraient des exercices militaires conjoints de mon pays et des États-Unis, ne sont pas conformes aux faits, a-t-il tranché.  « La RPDC fait ce qui lui plaît. »  Il a fustigé la défense de ce tir faite par la sœur du dirigeant de la RPDC, qui a prétendu qu’interdire à son pays de le faire relève du gangstérisme.  Un couteau dans une cuisine est un ustensile pour les gens ordinaires, mais un outil dangereux entre les mains de criminels, a-t-il ironisé, en estimant que ce tir est une violation flagrante des résolutions du Conseil.  Il a exhorté ce Conseil à ne pas rester silencieux et à parler d’une seule voix. La RPDC cherche en effet à tirer profit de la paralysie du Conseil pour avancer ses programmes nucléaire et balistique, pourtant illicites, a-t-il tranché.  Enfin, il a insisté sur l’efficacité des sanctions prises contre ce pays et exhorté tous les pays à les appliquer.

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