9357e séance – matin
CS/15333

Conseil de sécurité: Ukraine et Russie se renvoient à nouveau la responsabilité de l’explosion du barrage de Kakhovka sur fond d’inquiétudes nucléaires

Réuni, ce matin, à la demande de l’Albanie et des États-Unis, porte-plume sur le dossier politique ukrainien, le Conseil de sécurité a été informé par la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix des conséquences à la fois humaines, sociales, économiques, sanitaires et environnementales de la destruction, le 6 juin, du barrage de Kakhovka.  Une destruction catastrophique dont l’Ukraine et la Fédération de Russie se sont une fois de plus renvoyé la responsabilité, tandis que plusieurs délégations s’alarmaient des risques d’escalade nucléaire, la Chine évoquant même un « scénario d’horreur ». 

À l’entame de son exposé, Mme Rosemary DiCarlo a reconnu que seize mois après le début de l’invasion russe, les perspectives de paix restent « désespérément sombres ».  Faisant état d’une intensification de la violence dirigée contre les civils, Mme DiCarlo a indiqué que les tirs de missiles russes et les attaques de drones à travers l’Ukraine ont presque triplé en mai.  Elle a aussi constaté que les infrastructures civiles ukrainiennes ont continué d’être ciblées, la destruction la plus importante étant sans conteste celle du barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka. 

Alors que les circonstances exactes restent floues, cette catastrophe aura « d’énormes conséquences néfastes », a averti Mme DiCarlo, indiquant que des dizaines d’habitants ont péri dans l’inondation de la zone et que le réservoir de Kakhovka, source d’eau potable pour au moins 700 000 personnes, a perdu 70% de sa capacité.  La haute fonctionnaire a aussi dit craindre que les eaux de crue déplacent des mines terrestres dans des zones précédemment déminées et que les dommages subis par les systèmes d’assainissement augmentent les risques de maladies. 

Dans ce contexte, la Secrétaire générale adjointe s’est déclarée profondément troublée par les informations selon lesquelles des civils évacués et du personnel d’urgence ont été bombardés.  Alors qu’il reste des personnes auxquelles les secours n’ont pas accès, en particulier dans les communautés sous contrôle russe, « la Fédération de Russie a jusqu’à présent refusé notre demande d’aller dans ces régions », a-t-elle encore déploré, avant d’exhorter ce pays à se conformer à ses obligations en vertu du droit international humanitaire. 

Indiquant que, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), la centrale nucléaire de Zaporijia prévoit de reprendre le pompage de l’eau qui reste accessible dans le réservoir de Kakhovka, Mme DiCarlo n’a pas caché que la situation en matière de sûreté et de sécurité dans cette installation reste « extrêmement fragile ».  Elle s’est d’autre part émue du déploiement annoncé d’armes nucléaires tactiques russes au Bélarus, enjoignant aux parties concernées d’agir de manière responsable. 

Ce dernier développement n’a pas manqué de faire réagir les délégations, la Chine mettant notamment en garde contre un risque de guerre nucléaire qu’elle a qualifié de « scénario d’horreur ».  Le Brésil s’est inquiété de l’implantation d’armes nucléaires dans un pays qui n’en est pas doté, tandis que la France y a vu l’aggravation d’une situation déjà instable, en plus d’une « vassalisation du Bélarus ».  Le Japon a, lui, condamné ces transferts, considérant en connaissance de cause que « la non-utilisation d’armes nucléaires, qui dure depuis soixante-dix-sept ans, ne doit pas être rompue ». 

L’inquiétude était vive également concernant la situation de la centrale de Zaporijia et la possibilité d’un « accident nucléaire aux conséquences inimaginables pour la planète », selon les mots des Émirats arabes unis.  La baisse du niveau des eaux du barrage de Kakhovka affecte l’accès à l’eau de refroidissement indispensable aux réacteurs, a averti Malte.  La Russie doit cesser de brandir la menace d’une catastrophe nucléaire, a plaidé l’Équateur, le Ghana appelant quant à lui les parties à respecter les cinq principes de base pour la protection de la centrale pendant le conflit. L’avertissement le plus marquant est toutefois venu du représentant de l’Ukraine, selon lequel la Russie réfléchirait à un attentat terroriste contre la centrale, accompagné de fuites radioactives. 

Pour le délégué ukrainien, l’explosion du barrage de Kakhovka, qui est l’œuvre du « régime criminel russe », a prouvé que Moscou était capable de « céder à la tactique de la terre brûlée » compte tenu de la détérioration de sa situation militaire.  Après avoir exhorté la communauté internationale à répondre à la menace d’attentat en imposant des restrictions à l’industrie nucléaire russe, il a dit attendre une évaluation objective du Directeur général de l’AIEA en ce qui concerne les agissements russes à Zaporijia. 

Pour sa part, le représentant de la Fédération de Russie a imputé la responsabilité de l’explosion du barrage de Kakhovka au « régime de Zelenskyy » et à ses sponsors occidentaux.  Il s’est dit déçu de la réaction de l’ONU à ce sujet, rappelant avoir averti le Secrétaire général des intentions de Kiev concernant cet ouvrage dans une lettre du 21 octobre 2022.  « Rien n’a été fait », a-t-il déploré, reprochant également à l’ONU de n’envisager aucune option valable pour acheminer l’aide humanitaire vers les Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, et aux régions de Zaporijia et de Kherson, sauf à partir de « Kiev » et en traversant les lignes de contact. 

Enfin, quelques jours après la visite à Kyïv et Moscou d’une délégation de chefs d’État et de gouvernement africains, le représentant de l’Ukraine a salué les efforts des pays souhaitant contribuer à une paix véritable.  Il a cependant constaté que la Russie n’a pas hésité à frapper la capitale ukrainienne lors de la venue de ces dirigeants, ce qu’a démenti son homologue russe.  Observant que cette tentative de médiation a été accueillie avec scepticisme, le Mozambique a plaidé pour que toutes les voies pour mettre fin à ce conflit soient explorées. 

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE

Déclarations

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a constaté que les combats et les souffrances se poursuivent sans relâche en Ukraine et que, seize mois après le début de l’invasion russe à grande échelle, les perspectives de paix restent « désespérément sombres ».  Elle a ainsi noté que, depuis son dernier exposé au Conseil sur l’Ukraine, la guerre s’est intensifiée et qu’elle est devenue « plus fluide et imprévisible ». 

Faisant état d’une intensification de la violence sur les civils, Mme DiCarlo a indiqué que les tirs de missiles russes et les attaques de drones à travers l’Ukraine ont presque triplé en mai.  Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) a enregistré à ce jour 24 862 victimes civiles, dont 9 083 civils tués et 15 779 blessés, a-t-elle précisé.  Depuis son dernier exposé, 2 131 civils ont été confirmés tués, a ajouté la haute fonctionnaire, selon laquelle les chiffres réels sont probablement « beaucoup plus élevés ».  Depuis février 2022, le HCDH a également vérifié un total de 1 036 attaques touchant des établissements éducatifs et médicaux, a-t-elle ajouté, relevant que 649 attaques ont eu lieu sur un territoire contrôlé par le Gouvernement ukrainien, 301 sur un territoire occupé par la Fédération de Russie et 86 sur un territoire contesté au moment de l’attaque.  Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), plus d’un millier d’attaques ont frappé des centres de soins de santé, faisant 101 morts et 139 blessés, a-t-elle encore rapporté, observant que la plupart de ces attaques impliquaient l’utilisation d’armes lourdes.  En outre, au 19 juin 2023, l’UNESCO a vérifié des dommages sur 260 sites depuis février 2022, dont 112 sites religieux, 22 musées, 94 bâtiments d’importance historique, 19 monuments, 12 bibliothèques et une archive. 

Selon Mme DiCarlo, « la destruction la plus importante d’infrastructures civiles à ce jour a eu lieu le 6 juin lorsque le barrage de Kakhovka a été endommagé ».  Bien que les circonstances exactes restent floues, il s’agit d’une catastrophe qui aura « d’énormes conséquences néfastes », a-t-elle averti, indiquant qu’environ 80 communautés le long du fleuve Dniepr ont été inondées, avec des dizaines de milliers de personnes directement touchées.  Alors que des dizaines de personnes ont péri, a-t-elle poursuivi, le réservoir de Kakhovka, source d’eau potable pour au moins 700 000 personnes, a perdu 70% de sa capacité, selon les autorités ukrainiennes. Relayant les craintes selon lesquelles les eaux de crue pourraient déplacer des mines terrestres dans des zones précédemment déminées, la Secrétaire générale adjointe a prévenu que les dommages infligés aux systèmes d’égouts et le manque d’eau potable augmentent le risque de maladies.  De plus, l’inondation des terres agricoles porte un coup supplémentaire à un secteur agricole et alimentaire déjà au plus mal, a-t-elle expliqué, avant d’indiquer que l’ONU a engagé une évaluation des besoins environnementaux et écologiques découlant de cette catastrophe.  Comme l’a rapporté l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), la centrale nucléaire de Zaporijia prévoit de reprendre le pompage de l’eau qui reste accessible, malgré l’importante perte d’eau dans le réservoir de Kakhovka, a ajouté la haute fonctionnaire.  La situation en matière de sûreté et de sécurité dans la centrale reste « extrêmement fragile ». 

Mme DiCarlo a précisé qu’en réponse à l’incident de Kakhovka, l’ONU et ses partenaires humanitaires se sont empressés de livrer des fournitures et d’aider à l’évacuation de centaines de milliers de personnes dans la zone touchée.  L’équipe de pays des Nations Unies a été pleinement mobilisée, en étroite coopération avec les autorités ukrainiennes et les partenaires locaux, a-t-elle déclaré, se disant profondément troublée par les informations selon lesquelles des civils évacués et du personnel d’urgence ont été bombardés.  Alors qu’il reste des personnes auxquelles les secours n’ont pas accès, en particulier dans les communautés sous contrôle russe, « la Fédération de Russie a jusqu’à présent refusé notre demande d’aller dans ces régions », a regretté la Secrétaire générale adjointe, avant d’exhorter les autorités russes à se conformer à leurs obligations en vertu du droit international humanitaire. « L’aide ne peut être refusée aux personnes qui en ont besoin », a-t-elle insisté.  Elle s’est également inquiétée des dommages signalés au conduit d’ammoniac de Tolyatti-Odessa, le plus grand au monde, situé dans la région ukrainienne de Kharkiv. 

S’agissant des violations des droits humains et des efforts visant à tenir les coupables pour responsables, Mme DiCarlo a indiqué qu’à ce jour, le HCDH a documenté 158 cas de violences sexuelles liées au conflit, dont la majorité ont été commises par des membres des forces armées russes et du personnel du système pénitentiaire.  Elle s’est par ailleurs alarmée des cas de transfert forcé de personnes protégées, y compris d’enfants, vers les territoires ukrainiens sous contrôle russe et de déportation vers la Russie.  Ce grave problème, qui touche les plus vulnérables, doit être traité de toute urgence, en donnant la priorité à la réunification des familles, a-t-elle plaidé.  Elle s’est en revanche félicitée des efforts déployés par les parties pour permettre le retour des prisonniers de guerre. 

La Secrétaire générale adjointe a ensuite indiqué que, depuis sa signature en juillet 2022, l’Initiative de la mer Noire a permis le transport en toute sécurité de plus de 32 millions de tonnes de denrées alimentaires, contribuant ainsi à faire baisser les prix alimentaires mondiaux.  Plus de la moitié de ce qui a été exporté est allé aux pays en développement, a-t-elle indiqué, avant d’exprimer sa déception face au ralentissement du rythme de mise en œuvre de l’Initiative.  Les exportations alimentaires via le corridor humanitaire maritime sont passées d’un pic de 4,2 millions de tonnes en octobre à 1,3 million de tonnes en mai, soit le volume le plus bas depuis le début des opérations. Mme DiCarlo a demandé instamment que tous les obstacles soient levés pour assurer la poursuite de cet accord, ajoutant que l’ONU reste pleinement déterminée à appuyer la mise en œuvre du Mémorandum d’accord sur les exportations russes de produits alimentaires et d’engrais. 

Mme DiCarlo a d’autre part estimé que le déploiement annoncé d’armes nucléaires tactiques russes au Bélarus et la rhétorique qui l’accompagne ont encore exacerbé les tensions régionales.  Elle a par conséquent exhorté toutes les parties concernées à agir de manière responsable et conformément aux obligations internationales, réaffirmant que toute menace d’utilisation d’armes nucléaires est inacceptable.  Dans ce contexte d’intensification du conflit, les États Membres ont également intensifié leurs efforts diplomatiques et leurs initiatives en vue d’une désescalade et d’un règlement pacifique, a-t-elle relevé, avant d’affirmer que l’ONU est prête à soutenir tous les efforts significatifs visant à instaurer une paix juste et durable en Ukraine. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a dit avoir évoqué plus d’une fois la situation dramatique des enfants en Ukraine, y compris leur déportation, et que cela a toujours été nié. Aujourd’hui, le rapport annuel des Nations Unies sur les enfants et les conflits armés, qui vient d’être publié, inclut les forces militaires russes et les groupes armés mandataires sur sa « liste de la honte » pour le meurtre et la mutilation de centaines d’enfants dans sa guerre contre l’Ukraine.  Personne ne devrait être surpris, ce n’est qu’un des chapitres de la sombre réalité de cette terrible guerre, s’est lamenté le délégué. 

Le représentant s’est ensuite inquiété que la Douma d’État ait approuvé une législation qui accorderait des grâces aux condamnés qui se portent volontaires pour rejoindre les forces russes combattant en Ukraine, notant que cette pratique avait débuté avec Wagner.  Appeler des criminels, des tueurs et des violeurs sous les drapeaux indique que l’armée russe est en train d’être « wagnérisée », s’est-il alarmé.

D’un point de vue politique, moral et juridique, la Russie sera tenue responsable de la guerre qu’elle a choisie et devra payer les dommages humains et physiques causés à la population ukrainienne, a-t-il affirmé.  Après avoir fustigé l’intention de la Russie de tenir des élections dans les territoires temporairement occupés de l’Ukraine, le représentant a signalé qu’une statue de Slobodan Milošević a été inaugurée la semaine dernière à Moscou, déplorant que toute personne cherchant à glorifier un criminel de guerre puisse « aller en pèlerinage » à Moscou.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a déclaré qu’il est avéré que le Kremlin a acheté des centaines de drones d’attaques iraniens pour détruire les infrastructures ukrainiennes et terroriser des civils ukrainiens.  Alors que l’ONU doit agir avec empressement sur le terrain, car il en va de la vie des civils, la Russie empêche les agences humanitaires d’acheminer de l’aide dans les zones occupées de l’Ukraine, a-t-elle déploré.  La représentante a fustigé « l’hypocrisie victimaire » de la Russie, visible à chaque fois que des drones détruisent des villes et des vies ukrainiennes.  La Russie doit comprendre que l’Ukraine n’abandonnera jamais sa liberté, sa démocratie et sa souveraineté, s’est exclamé la représentante, qui a loué l’audace et le courage du peuple ukrainien.  La représentante a rappelé que lorsque le Président Zelenskyy a présenté son offre de paix, Moscou a déployé des missiles.  « Lorsque le Secrétaire général de l’ONU s’est rendu à Kyïv, la Russie a lancé des frappes aériennes et quand une délégation africaine est venue dans la capitale ukrainienne pour proposer sa médiation, des missiles ont frappé la ville », a-t-elle continué.  D’après les États-Unis, le Président Putin ne manifeste pas le moindre intérêt pour la paix.  « Or, plus la guerre dure, plus l’Ukraine souffre et plus le monde souffre, M. Putin ayant fait de la sécurité alimentaire une arme de guerre. » À cet égard, la représentante a appelé à la prorogation le mois prochain de l’Initiative de la mer Noire, prorogation menacée par le retrait d’une seule partie, « la partie russe », a-t-elle averti.  Le Conseil de sécurité doit exhorter la Russie à rester partie dans cette initiative, a déclaré la représentante, il doit continuer de s’assurer que la Russie répondra de ses crimes et choisira enfin la diplomatie.  La guerre ne doit pas permettre de redéfinir les frontières internationales, a-t-elle conclu. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a réaffirmé la solidarité et le soutien de son pays à l’Ukraine.  Revenant sur la destruction du barrage de Nova Kakhovka, il s’est dit préoccupé par les bombardements signalés lors de l’évacuation d’habitants et par le refus opposé par la Russie à l’accès de l’aide humanitaire de l’ONU aux zones touchées. Le représentant a indiqué que le Japon a fourni une aide d’urgence dans des domaines tels que la nourriture, l’eau et la santé par le biais du PAM, de l’UNICEF, de l’OIM et du HCR.  L’agence japonaise de coopération internationale contribuera en outre à la fourniture de purificateurs d’eau, de pompes de vidange et de réservoirs en plastique, a-t-il informé, faisant également état d’actions contre les mines terrestres par l’intermédiaire du PNUD.  Évoquant ensuite les efforts déployés par de nombreux pays, notamment africains, pour parvenir à la paix en Ukraine, le représentant a rappelé que cet objectif ne pourra se réaliser sans le retrait complet et inconditionnel des troupes et du matériel militaire russes.  « Cette demande de l’Assemblée générale devrait être incluse dans tout appel à la paix », a-t-il insisté, jugeant qu’une paix injuste défiant les principes de la Charte des Nations Unies serait une victoire pour l’agresseur.  Il a également appelé les autres États Membres à s’abstenir de soutenir l’agression, « directement ou indirectement », avant de condamner la menace de la Russie d’utiliser des armes nucléaires tactiques transférées au Bélarus.  « La non-utilisation d’armes nucléaires, qui dure depuis soixante-dix-sept ans, ne doit pas être rompue », a-t-il martelé, concluant son intervention par un appel à la justice pour les crimes de guerre et autres atrocités commises en Ukraine.   

M. MARTINS MARIANO KUMANGA (Mozambique) a déploré qu’en dépit des appels répétés à la cessation des hostilités, au compromis et au dialogue, le conflit se poursuit sans relâche.  Une « spirale descendante » s’empare de cette confrontation, marquée par une dangereuse course aux armements, des millions de réfugiés et de personnes déplacées, la destruction d’infrastructures civiles et une situation humanitaire désastreuse, s’est-il alarmé.  Dans ce contexte de pessimisme croissant quant à la capacité de l’architecture multilatérale de paix et de sécurité de faire face à ces multiples défis, plusieurs tentatives de médiation, notamment la récente initiative de plusieurs chefs d’État et de gouvernement africains, ont été accueillies avec scepticisme et rapidement rejetées car jugées « irréalisables », a regretté le représentant.  Notant la réticence des parties concernées à rechercher une solution politiquement négociée, il s’est dit convaincu que toutes les voies pour mettre fin à ce conflit doivent être explorées.  Pour cela, il est fondamental, à ses yeux, de donner une chance à la « force de la raison », plutôt qu’à la « raison de la force ».  Alors que des décisions « mal calculées » par des nations impliquées directement et indirectement dans la poursuite de la guerre peuvent avoir des conséquences désastreuses pour le monde entier, aucune solution ne portera ses fruits sans la volonté politique des parties et de leurs soutiens d’engager des négociations, a conclu le représentant. 

M. NORBERTO MORETTI (Brésil) a déploré les 9 000 morts officiellement recensés depuis février 2022 et la destruction continue des infrastructures civiles de l’Ukraine, ainsi que l’absence de dialogue entre les parties.  Il s’est dit préoccupé par l’intensification des combats le long des lignes de front et par l’implantation d’armes nucléaires dans un pays qui n’en est pas doté. À cet égard, le représentant a réitéré son inquiétude quant aux risques pour l’intégrité des installations nucléaires de Zaporijia, en particulier après la rupture du barrage de Nova Kakhovka. Ces dernières semaines, les voix des membres de la communauté internationale en faveur d’une cessation immédiate des hostilités se sont multipliées, a noté le représentant, ajoutant que le Brésil a suivi avec intérêt la visite des dirigeants africains à Kyïv et à Moscou.  Le Brésil soutient les propositions de désescalade des hostilités, d’échange de prisonniers de guerre et de négociations de paix fondées sur les principes de la Charte des Nations Unies et tenant compte des préoccupations légitimes de toutes les parties en matière de sécurité.  Il est également essentiel, a insisté le représentant, de garder à l’esprit les répercussions négatives de ce conflit sur les pays tiers, notamment l’Afrique, l’Amérique latine et les Caraïbes, en raison de l’augmentation des prix des denrées alimentaires et des intrants agricoles.  Pour finir, il a encouragé les parties à prendre dûment en considération les appels à la normalisation du commerce des céréales et des engrais. 

M. GENG SHUANG (Chine) a estimé que, vu l’état actuel du conflit en Ukraine, tous les efforts doivent être déployés pour que la situation n’échappe à tout contrôle.  Constatant une « incertitude accrue », le représentant a noté que la destruction du barrage de Kakhovka vient rappeler que si le conflit perdure, un « scénario d’horreur » risque de se matérialiser.  La communauté internationale doit s’employer à éviter une escalade des tensions et une guerre nucléaire.  Dans le même temps, tous les efforts doivent être faits pour alléger les souffrances des populations, a-t-il dit, appelant les parties à respecter le droit international humanitaire.  Des efforts doivent être déployés pour éviter un « effet domino », a insisté le représentant, qui a souligné les graves retombées de cette crise sur le relèvement des pays en développement.  Il a donc exhorté les parties à diminuer les effets négatifs de la guerre, plaidant en outre pour une stabilisation des chaînes d’approvisionnement et une levée des sanctions unilatérales imposées par certains pays. Après avoir souhaité que l’Initiative de la mer Noire continue d’être mise en œuvre de manière équilibrée, le représentant a appelé à la poursuite des efforts pour promouvoir le dialogue et les négociations.  Saluant la récente visite à Kyïv et à Moscou d’une délégation de dirigeants africains, il a souhaité que des messages « raisonnables » soient portés pour faire cesser les hostilités et permettre l’ouverture de pourparlers.  La guerre doit cesser, a-t-il martelé, avant de rappeler l’attachement de la Chine à la souveraineté et à l’intégrité territoriale des États, conformément à la Charte des Nations Unies.  Jugeant que les préoccupations légitimes en matière de sécurité doivent aussi être prises en considération, il a assuré que son pays continuera d’œuvrer de manière constructive au règlement de cette question. 

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a fait part de sa préoccupation face aux conséquences humanitaires, écologiques et économiques des inondations dues à la destruction du barrage de Nova Kakhovka. Au manque d’eau potable s’ajoute une multitude d’autres défis, notamment le risque posé par des mines et des restes explosifs de guerre déplacés par l’eau qui compliquent l’acheminement de l’aide humanitaire et le déminage humanitaire, a-t-elle expliqué, saluant les efforts incessants des acteurs humanitaires, notamment de l’ONU, du CICR et des acteurs locaux, pour venir en aide à toutes les personnes touchées.  Au Gouvernement russe, la déléguée a demandé d’agir conformément à ses obligations en vertu du droit international humanitaire et d’autoriser et faciliter l’accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave aux territoires ukrainiens actuellement sous son contrôle.  La destruction du barrage illustre les risques que fait courir la poursuite de l’agression militaire russe aux infrastructures avec des conséquences désastreuses pour la population civile, a-t-elle dit.  La déléguée s’est en outre félicitée de l’engagement continu de l’AIEA pour la protection de la centrale nucléaire de Zaporijia et les autres installations nucléaires en Ukraine, réaffirmant à cet égard le soutien pratique, financier et politique de la Suisse à l’Agence. Concernant l’après-guerre, elle a salué la solidarité exprimée lors de la conférence sur la reconstruction de l’Ukraine à Londres tenue cette semaine.  « Avec le cycle des conférences, nous sommes résolus à offrir de meilleures perspectives au peuple ukrainien », a-t-elle assuré avant de juger essentiel que la reconstruction se fasse de manière participative et transparente, comme le soulignent les principes de Lugano.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a déclaré que « partout où le Gouvernement de Putin a tenté de prendre le contrôle de l’Ukraine, il a montré ses valeurs en torturant, assassinant et violant les libertés fondamentales et les droits de l’homme ».  La semaine dernière, la Russie a rejeté les appels de l’ONU pour aider ceux qui en avaient désespérément besoin à la suite de la destruction du barrage de Kakhovka, a-t-elle accusé, estimant que la guerre est un choix résolu pour le Président Putin.  Il lance des missiles sur Kyïv alors même que les dirigeants mondiaux y sont en visite, cherchant à construire la paix, il approvisionne ses armées à partir d’États sanctionnés par l’ONU, comme l’Iran et la RPDC, ce qui compromet davantage la sécurité mondiale, et il continue de rançonner la nourriture mondiale en bloquant les expéditions de céréales sous pavillon de l’Initiative de la mer Noire, a énuméré la représentante.  « L’Ukraine ne connaîtra jamais la paix tant que les forces russes resteront sur son territoire. »  Appelant la Russie à retirer ses forces d’Ukraine et à mettre fin à cette guerre d’agression illégale, elle a rappelé que lors de la conférence sur la reconstruction de l’Ukraine qui s’est tenue à Londres cette semaine, le Premier Ministre britannique a rendu hommage à l’état d’esprit « extraordinaire » de l’Ukraine.  Il a promis que son pays resterait aux côtés des Ukrainiens aussi longtemps qu’il le faudra pour obtenir une paix juste et durable basée sur le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, conformément à la Charte des Nations Unies.  Et nous serons également à leurs côtés pour les aider à reconstruire leur pays brisé par l’agression de Putin, a-t-elle conclu. 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon)a déploré la poursuite des violences meurtrières et des souffrances en dépit des initiatives de paix portées notamment par des chefs d’État africains dont l’objectif était et demeure de « frayer un chemin vers la désescalade et le dialogue entre les belligérants ».

Citant le dernier rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial (PAM), le délégué a alerté sur le risque d’une aggravation de l’insécurité alimentaire entre les mois de juin et de novembre de cette année: 22 pays risquent de présenter 18 foyers de famine.  L’inflation induite par ce conflit sur les prix des denrées alimentaires contribue à fragiliser les pays à revenu faible ou intermédiaire, déjà en proie à des défis sécuritaires ou à des conflits armés, a souligné le délégué.  D’autant plus, a-t-il ajouté, que les statistiques montrent qu’il y a bien une « redirection » d’une partie de l’aide internationale vers l’Ukraine. 

Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) s’est déclarée préoccupée par l’évolution de la situation dans plusieurs régions d’Ukraine, regrettant que des civils continuent d’être la cible d’attaques de missiles et de drones.  Dénonçant la destruction généralisée des infrastructures à travers l’Ukraine, elle s’est alarmée des effets humains, sociaux et environnementaux négatifs provoqués par la destruction du barrage hydroélectrique de Kakhovka.  La représentante a toutefois invité le Conseil à ne pas céder au découragement et à continuer d’œuvrer au retour de la paix en Ukraine.  Lors de la conférence sur la relance de l’Ukraine qui s’est tenue ces derniers jours au Royaume-Uni, a-t-elle noté, des manifestations massives de soutien et des promesses ont été faites en faveur de la reconstruction du pays.  À titre national, a-t-elle poursuivi, le Ghana exhorte toutes les parties à engager un dialogue constructif en vue de réduire leurs divergences.  Il les appelle à éviter la destruction délibérée des infrastructures civiles.  À cet égard, la représentante s’est associée à toutes les demandes visant à restaurer l’intégrité de la centrale nucléaire de Zaporijia et a appelé les parties à assurer le respect des cinq principes de base pour la protection de la centrale pendant le conflit militaire. Enfin, exprimant son indignation face aux informations faisant état d’abus sexuels continus et de violences sexuelles liées au conflit, elle a souhaité que les responsables répondent de leurs actes et que des ressources suffisantes soient fournies aux victimes. 

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a fait part de sa profonde préoccupation face au refus de la Russie d’accéder à la demande de l’ONU de fournir une assistance humanitaire à ceux qui en ont besoin après l’attaque du barrage de Kakhovka. La représentante a exhorté une fois de plus la Russie à agir conformément aux obligations qui lui incombent en vertu du droit international humanitaire et à ne ménager aucun effort pour faire en sorte que l’aide humanitaire parvienne à ceux qui souffrent de ces destructions.  Il est essentiel que les responsables rendent compte de leurs actes et qu’ils soient tenus pour responsables, a-t-elle martelé.  La baisse du niveau des eaux du barrage affecte l’accès à l’eau de refroidissement indispensable aux réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporijia, a-t-elle averti.  Pour finir, la représentante a dit continuer de soutenir les efforts de l’AIEA pour trouver une solution permanente à la sécurité et à l’intégrité de la centrale nucléaire.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a regretté que la Fédération de Russie continue d’ignorer l’appel de la grande majorité des États Membres de l’ONU pour qu’elle mette fin à son occupation militaire de l’Ukraine et pour que cesse la menace d’une catastrophe nucléaire à la centrale de Zaporijia, dont les installations et le territoire doivent être restitués sans condition au peuple ukrainien.  Le délégué a insisté sur la nécessité d’arrêter « les récits et les actions corrosifs qui peuvent entraîner des interprétations erronées ou des erreurs de calcul ».  Il a rappelé que cette guerre continue de détériorer la situation humanitaire en Ukraine et d’affaiblir le reste du monde, y compris en termes de sécurité alimentaire, dans le contexte d’une augmentation « absurde » des dépenses militaires mondiales.  Enfin, il a réitéré la gravité de la fourniture d’armes en violation des résolutions du Conseil de sécurité.

Mme ISIS MARIE DORIANE JARAUD-DARNAULT (France) a reproché à la Russie de s’entêter dans sa « stratégie cynique » visant à détruire les infrastructures civiles ukrainiennes. « La Russie n’a pas hésité à viser Kyïv et sa région alors que s’y trouvait une mission de dirigeants africains venue promouvoir une initiative de paix. »  Notant que les frappes sont conduites au moyen de missiles russes et de drones iraniens, en violation de la résolution 2231 (2015) de ce Conseil, elle a jugé qu’un « nouveau seuil a été franchi avec la destruction du barrage de Kakhovka ».  Il s’agit de l’atteinte la plus grave aux infrastructures civiles ukrainiennes depuis le début du conflit et la France s’est mobilisée pour venir en aide aux populations déplacées et directement affectées par la destruction du barrage. La France appelle la Russie à respecter ses obligations au titre du droit international humanitaire et à permettre l’accès des acteurs humanitaires aux territoires sous son contrôle, a déclaré la représentante.  Elle a ensuite rappelé que le Président russe a récemment annoncé avoir transféré de premières armes nucléaires sur le territoire bélarussien, aggravant ainsi une situation déjà instable.  « La Russie poursuit par ailleurs son entreprise de vassalisation du Bélarus, autre illustration criante de son entreprise impérialiste et de ses prétentions à mettre une partie de l’Europe sous tutelle », a accusé la représentante. Nous avons aussi alerté à de nombreuses reprises sur l’aggravation de l’insécurité alimentaire pour de nombreux pays, a-t-elle rappelé.  Face aux destructions et à la menace de se retirer de l’Initiative de la mer Noire, qu’elle a qualifiée de « chantage inacceptable », la représentante a estimé qu’il faut continuer à soutenir l’Ukraine, « par tous les moyens », pour mener une contre-offensive efficace, dans le cadre de son droit à la légitime défense.  Pour la France, la paix ne peut être un cessez-le-feu qui viendrait geler la ligne de front et consacrer l’annexion des territoires occupés par la Russie. « Le 23 février dernier, 141 États se sont exprimés en soutien à une paix juste et durable dont la première étape est le respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. »  C’est dans cet esprit que la France soutient le plan de paix ukrainien, a conclu la représentante.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est étonné du contexte dans lequel se déroule cette réunion alors que « les maîtres à penser occidentaux de l’Ukraine » fournissent armes et munitions à Kiev et que les forces armées ukrainiennes continuent à mener depuis près d’un mois leur « contre-attaque suicidaire » contre sur les positions russes.  Le « régime de Kiev » a envoyé des soldats ukrainiens à une mort certaine, uniquement pour prouver aux fournisseurs d’armes occidentaux que l’Ukraine pouvait gagner, a lancé le représentant.

Maintenant, a-t-il ironisé, Kiev est confrontée à une tâche plus sérieuse, à savoir comment transformer un fiasco complet en victoire.  Pour lui, il est évident que Washington, Londres et Bruxelles se servent de l’Ukraine pour affaiblir ou du moins contenir la Russie.  Tant qu’à parler des aspects humanitaires de la situation en Ukraine, a poursuivi le représentant, il convient de souligner les conséquences catastrophiques de la destruction du barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka qui se feront sentir pendant longtemps, tant en Ukraine qu’en Russie.  Il est évident que ceux qui, à Kiev, sont derrière cet attentat terroriste ne mettent pas en avant l’intérêt de leur peuple et l’avenir de leur pays.  Le représentant a imputé la responsabilité de ce crime au « régime de Zelenskyy », mais aussi à ses sponsors occidentaux.  Il a fait part de sa déception quant à la manière dont l’ONU a agi et continue d’agir. Il a dit avoir pourtant averti le Secrétaire général des intentions de Kiev concernant Kakhovka dans une lettre du 21 octobre dernier.  Rien n’a été fait.  Pourquoi le travail préventif nécessaire n’a-t-il pas été effectué avec l’Ukraine? Au lieu de cela, l’ONU se plaint maintenant du manque d’accès humanitaire aux territoires russes touchés par la destruction de la centrale hydroélectrique. 

Selon le représentant, l’ONU n’envisage aucune option valable pour acheminer l’aide vers les Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, aux régions de Zaporijia et de Kherson, sauf à partir de Kiev et en traversant les lignes de contact.  La Russie, pour sa part, n’a cessé d’attirer l’attention des représentants de l’ONU sur le fait que les conditions de sécurité nécessaires ne sont pas réunies, notamment du fait de la présence de mines dans la zone, rendant impossible l’accès par les lignes de contact.  Toutes les options proposées par son pays ont été rejetées par l’ONU, s’est-il plaint.  S’agissant de l’Initiative de la mer Noire, le représentant a accusé l’ONU de tenter de passer sous silence l’explosion du pipeline d’ammoniac Tolyatti-Odessa, qui est la clef de l’exportation ininterrompue d’engrais russes vers le marché mondial.  Revenant aux allégations de frappes russes sur Kiev lors du passage des délégations africaines, il a souligné que les dirigeants africains ont eux-mêmes réfuté ces accusations.  De même, il a dénoncé « les inventions » concernant l’utilisation de drones iraniens en Ukraine.  Aucune preuve convaincante n’a été fournie, selon lui, par le « régime de Kiev ». Évoquant la célébration hier par la Russie de la journée marquant la guerre entre l’Union soviétique et l’Allemagne, alors que « les tanks allemands continuent de cibler son peuple », il a promis, comme il y a 80 ans, « la défaite des nazis ».

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a appelé à continuer à prendre les mesures nécessaires pour parvenir à un règlement politique de la guerre. L’urgence est de répondre aux besoins humanitaires sur le terrain, a-t-elle ajouté.  La représentante a estimé que le Conseil de sécurité doit prêter attention aux initiatives de paix des délégations africaines s’étant rendues récemment à Kyïv et à Moscou.  Après avoir appuyé les efforts en cours pour organiser des échanges de prisonniers et préconisé la prorogation de l’Initiative de la mer Noire, elle a indiqué que son pays a alloué à ce jour plus 100 millions de dollars d’aide à l’Ukraine.  Nous fournissons des groupes électrogènes et des lampes LED dans les zones sinistrées et faisons régulièrement don de produits de première nécessité pour les nouveaux nés, a-t-elle encore dit.  Nous venons de faire don de 2 500 ordinateurs portables aux enfants qui ne peuvent se rendre à l’école, a poursuivi la représentante avant de demander aux parties au conflit d’honorer leurs obligations au regard du droit international humanitaire.  Enfin, elle a salué les efforts constants de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour « éviter un accident nucléaire aux conséquences inimaginables pour la planète ».  À terme, la désescalade et le dialogue forment l’unique solution vers une paix basée sur le principes de la Charte, a conclu la représentante. 

M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a fustigé l’intervention « perverse et cynique » du représentant russe, la comparant aux propos qu’il avait tenus avant le début de l’« opération militaire spéciale ».  Il a ensuite accusé le « régime criminel russe » d’avoir fait exploser le barrage de Kakhovka dans une tentative d’endiguer une contre-offensive ukrainienne le long du fleuve Dniepr, en violation de la décision de la Cour internationale de Justice (CIJ) du 16 mars 2022.  Depuis, a-t-il dit, le Gouvernement ukrainien fait tout son possible pour atténuer les conséquences néfastes de cet acte terroriste pour les populations et l’environnement.  Nous travaillons avec l’ONU et d’autres acteurs internationaux sur la rive droite du fleuve, la rive gauche étant interdite d’accès par les forces russes. Pour le représentant, il est déplorable que la Russie ait non seulement refusé de venir en aide aux populations des zones sinistrées sous son contrôle temporaire mais aussi rejeté les demandes d’accès de l’ONU.  Le Gouvernement ukrainien, a-t-il assuré, a fourni toutes les garanties sécuritaires afin que l’ONU puisse s’acquitter de ses obligations en termes d’opérations humanitaires.  Se faisant l’écho de l’appel lancé par la Coordonnatrice humanitaire en Ukraine, Mme Denise Brown, il a sommé la Russie de fournir un accès aux personnes se trouvant dans les territoires qu’elle occupe.  Alors que l’on recense pour l’instant 109 personnes disparues après la destruction du barrage, la Russie essaie également de saper les opérations humanitaires dans les zones contrôlées par l’Ukraine, s’est indigné le représentant, rappelant que, le 20 juin, une équipe de secours ukrainienne a été visée par des bombardements russes. 

De l’avis du représentant, cette destruction a d’ores et déjà provoqué l’une des pires catastrophes anthropiques enregistrées en Europe.  En effet, a-t-il détaillé, quelque 150 tonnes de polluants pétroliers s’écoulent dans les eaux du Dniepr et pourraient atteindre la Méditerranée, tandis que l’on recense 95 000 de tonnes de poissons morts, 500 kilomètres carrés de forêts inondées et 20 000 animaux sauvages menacés d’extinction. De plus, a-t-il poursuivi, « selon certaines informations, la Russie réfléchit actuellement à un attentat terroriste contre la centrale nucléaire de Zaporijia, avec la possibilité de fuites radioactives ».  À ses yeux, l’explosion du barrage de Kakhovka a prouvé que la Russie est capable de céder à la tactique de la « terre brûlée » compte tenu de la détérioration de sa situation militaire.  Il a donc exhorté la communauté internationale à prendre au sérieux cette menace nucléaire en imposant des restrictions à l’industrie nucléaire russe.  Le représentant a aussi dit attendre une évaluation objective du Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en ce qui concerne les agissements de la Russie. 

Dans ce contexte, le représentant a estimé que les options d’apaisement, comme les concessions territoriales ou le gel du conflit, ne se seraient que des « emplâtres sur une jambe de bois ».  « Si elles se concrétisaient, la situation deviendrait explosive et la Charte des Nations Unies serait jetée à la poubelle, avec des effets ricochet dans le monde entier », a-t-il prévenu, assurant qu’en dépit des fortifications érigées par la Russie, les soldats ukrainiens continueront d’aller de l’avant pour libérer tous les territoires de leur pays.  Le délégué a néanmoins salué les efforts des pays souhaitant contribuer à une paix véritable.  Rappelant à cet égard que l’Assemble générale de l’ONU a mis en avant les modalités d’un règlement de paix, il a constaté que la Russie ne montre pas la moindre volonté de mettre fin à son agression, comme en témoignent les tirs de missiles sur Kyïv lors de la récente visite de dirigeants africains. Ces frappes n’étaient qu’une infime partie des tirs de missiles russes et de drones iraniens qui ciblent quotidiennement le territoire ukrainien, a-t-il fait remarquer.  Ce faisant, la Russie et l’Iran violent la résolution 2231 (2015) du Conseil, a ajouté le représentant, qui a appelé le Secrétariat de l’ONU à faire toute la lumière sur ces faits.  Il a enfin affirmé que, malgré la poursuite de la guerre, son pays a déjà commencé son relèvement d’après conflit.  À ce sujet, il s’est félicité que la récente conférence sur l’Ukraine organisée à Londres ait envoyé au monde un « message politique fort ». 

M. RYTIS PAULAUSKAS (Lituanie), qui s’exprimait au nom des pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie)s’est penché sur le coût de la reconstruction pour les dommages causés par l’agression russe contre l’Ukraine, estimés par la Banque mondiale à environ 411 milliards de dollars.

Ce montant colossal met en évidence la nécessité d’investir massivement pour reconstruire le pays, a constaté le représentant. D’autant plus que ce montant, a-t-il tenu à préciser, n’intègre pas l’impact négatif de la destruction du barrage de Kakhovka par la Russie et ses conséquences humanitaires, économiques et écologiques. Le représentant s’est élevé contre le refus de la Russie de garantir l’accès humanitaire pour le franchissement de la ligne de front vers la rive gauche du fleuve Dniepr afin d’acheminer l’aide à tous les civils touchés par la destruction du barrage.  Il est impératif que la Russie prenne des mesures immédiates conformément à ses obligations en vertu du droit international humanitaire afin de permettre aux Nations Unies de fournir l’aide humanitaire indispensable aux personnes touchées par cet acte dévastateur, y compris dans la ville d’Oleshky.

Principaux donateurs d’aide bilatérale à l’Ukraine en pourcentage de leur PIB, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont déjà fourni 1,5 million d’euros d’aide immédiate pour atténuer les conséquences de la destruction du barrage de Kakhovka, sans compter les initiatives privées, a souligné le représentant.  Le coût de la lutte contre les répercussions de l’agression russe contre l’Ukraine, une nation souveraine, ne cesse d’augmenter, alors que seuls 26% des 3,9 milliards de dollars nécessaires à la réponse humanitaire en Ukraine ont été financés jusqu’à présent.  C’est pourquoi, le représentant a demandé instamment à la communauté internationale de continuer à fournir les fonds nécessaires. 

M. MATEUSZ SAKOWICZ (Pologne) a considéré que la Russie doit assumer le coût total de la destruction causée par son agression.  Avec les attaques continues de la Russie contre les infrastructures critiques et civiles de l’Ukraine, le processus de reconstruction représentera un défi immense, a-t-il dit avant d’indiquer que son pays appuie pleinement la création d’un registre répertoriant tous les dommages causés par l’invasion russe.  Le représentant a salué la conférence sur la reconstruction de l’Ukraine qui s’est tenue avec succès à Londres ces deux derniers jours, son objectif étant de préparer une base politique, juridique et financière qui permettra d’apporter une assistance globale et durable à ce pays brisé.  Le délégué polonais a demandé à la communauté internationale de garder à l’esprit que même si le processus de reconstruction de l’Ukraine sera long et coûteux, il est dans l’intérêt du monde entier.  Selon certaines estimations, au moins 600 millions de consommateurs dans le monde dépendent directement de la production agricole ukrainienne, a-t-il signalé.  Il s’est dit fermement convaincu que seul un retrait complet et inconditionnel des forces russes du territoire internationalement reconnu de l’Ukraine peut offrir une chance pour une paix juste et stable facilitant une solution à long terme pour la reprise économique mondiale et, partant, une amélioration de la situation alimentaire mondiale.  Il a conclu sur une note sombre, jugeant que si demain le bain de sang cesse et que la primauté du droit international est restaurée, « les conséquences de cette guerre se feront sentir pendant très longtemps ». 

M. JAKUB KULHÁNEK (Tchéquie), qui s’exprimait également au nom de la Slovaquie, a relevé que la Russie a démontré, à maintes reprises, qu’elle fait peu de cas du multilatéralisme, du maintien de la paix et de la sécurité internationales ou encore du développement de relations amicales.  De fait, a-t-il étayé, les forces armées russes continuent de prendre délibérément pour cibles des civils et des infrastructures civiles.  « Il ne faut pas se bercer d’illusions quant aux véritables intentions du Gouvernement russe. »  Pour le représentant, l’attaque contre Kyïv au moment de la visite d’une délégation africaine se passe de tout commentaire.  Il s’est demandé combien de vies doivent être perdues avant que cette guerre ne cesse, sachant que pour la Russie, le nombre de mort n’est qu’un chiffre sur le papier.  Le mépris de la Russie pour le droit humanitaire international et les droits de l’homme est également évident dans la répression permanente de ses propres citoyens. 

Le représentant a fait part de son horreur après la destruction du barrage de Kakhovka et au vu des informations très inquiétantes selon lesquelles les forces russes ont bombardé les secouristes ukrainiens qui tentaient d’atteindre les zones inondées dans la région de Kherson.  Pour finir, il a de nouveau appelé la Russie à cesser immédiatement son agression contre l’Ukraine et à retirer ses troupes du territoire ukrainien à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, y compris la Crimée et les régions où la Russie a orchestré son « simulacre de référendum ».

M. BJÖRN OLOF SKOOG , de l’Union européenne (UE), a rappelé qu’il n’existe qu’une seule façon de mettre fin à l’assaut de la Russie contre l’Ukraine: la Russie doit arrêter sa guerre et retirer immédiatement et sans condition toutes ses forces de l’ensemble du territoire de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues.  Il a accusé la Russie de crimes contre l’humanité, le dernier rapport de la Commission d’enquête de l’ONU, notamment, ayant conclu que les attaques contre les infrastructures énergétiques de l’Ukraine et le recours à la torture par les autorités russes peuvent constituer de tels crimes.  Il a en outre appelé la Russie à respecter le droit international.  Sa pratique consistant à délivrer de force des passeports russes aux citoyens ukrainiens, par exemple, constitue une violation flagrante de ce droit et porte atteinte à la souveraineté de l’Ukraine. 

Comme cela a été demandé à plusieurs reprises par l’ONU, nous exhortons la Russie à assurer un accès humanitaire sûr et sans entrave aux populations ayant besoin d’assistance, en particulier dans les territoires temporairement occupés d’Ukraine, a poursuivi M. Skoog.  Il a affirmé que l’aide ne peut être refusée à ceux qui en ont besoin, ajoutant que l’impact de l’agression de la Russie sur les enfants est particulièrement horrible. 

En ce qui concerne l’application du principe de responsabilité, M. Skoog, qui a réitéré l’appui des États membres de l’Union européenne aux travaux en cours pour la création d’un tribunal pour la poursuite du crime d’agression, s’est félicité de la création du Centre international pour la poursuite des crimes d’agression contre l’Ukraine (ICPA) à l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust), à La Haye.  Il a ajouté que l’UE plaide également pour la mise en place d’un mécanisme international chargé d’enregistrer la totalité des dommages infligés par la Russie à l’Ukraine et aux Ukrainiens. 

Après avoir salué les efforts de paix du Président Zelenskyy, M. Skoog a invité les membres du Conseil de sécurité à faire la distinction entre la victime et l’agresseur « dans cette guerre d’agression ».  « En vertu de la Charte des Nations Unies, l’Ukraine a le droit de se défendre contre les attaques de la Russie afin de restaurer son intégrité territoriale. »  Elle a également le droit de demander un soutien international pour de tels efforts, a-t-il assuré, rappelant que l’Union s’est engagée à soutenir l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.