Décolonisation: partisans et adversaires de l’indépendance de Porto Rico s’opposent en tous points, sauf sur la nécessité qu’évolue son statut
Le Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (Comité spécial des Vingt-Quatre) s’est réuni aujourd’hui pour étudier la question de Porto Rico, l’occasion pour plus de 70 intervenants d’exprimer leur souhait de voir évoluer son statut avant que les membres du Comité adoptent sans vote un projet de décision sur la question qui lui été présenté par Cuba.
Alors que l’archipel bénéficie actuellement du statut d’État libre associé aux États-Unis, le Comité spécial demande une fois de plus au Gouvernement des États-Unis d’assumer la responsabilité qui lui incombe et de prendre des mesures permettant au peuple portoricain d’exercer son droit à l’autodétermination et à l’indépendance, ainsi que de prendre des décisions souveraines, afin de répondre d’urgence aux besoins économiques et sociaux du pays.
Ils sont criants: selon le rapport du Comité spécial des Vingt-Quatre, la crise humanitaire provoquée par les effets des ouragans Irma et Maria, survenus en 2017, a exacerbé les problèmes économiques et sociaux sur l’île, avec pour conséquence un taux de pauvreté passé de 45% à environ 60%, une migration massive vers les États-Unis et la remise en cause des efforts de développement économique durable. Davantage de Portoricains vivent désormais aux États-Unis que sur l’île.
À cela s’ajoute la tutelle mise en place par le Congrès en juin 2016, avec l’instauration d’un Conseil de supervision et d’administration financières pour recouvrer la dette publique de Porto Rico, estimée à plus de 70 milliards de dollars.
Au diapason du Comité spécial, les partisans de l’indépendance ont fait valoir leurs arguments avec énergie, en remarquant que plus de 40 résolutions ont été adoptées par le Comité sans que les États-Unis n’en tiennent compte, et que la Cour internationale de Justice (CIJ) avait été saisie de la question. Du point de vue indépendantiste, transférer les pouvoirs et les institutions des États-Unis à une assemblée constituante portoricaine constitue la seule issue possible à ce contentieux, conformément à la résolution 1514 (1960) de l’Assemblée générale.
Sans relâche, les indépendantistes ont condamné ce qu’ils considèrent comme la mainmise d’une puissance coloniale sur un territoire envahi. Au Congrès américain est reproché la mise en place, via le Conseil de supervision et d’administration financières, d’une « administration parallèle » comparée par un pétitionnaire à une équipe de « pantins de l’empire ».
Dans son projet de décision, le Comité spécial note d’ailleurs avec inquiétude que le régime de subordination politique et économique en place à Porto Rico a encore été réduit du fait de la création du Conseil de supervision et d’administration financières. Le texte signale en outre que les mesures d’austérité, qui entraînent une grave détérioration des conditions sociales et économiques du peuple portoricain et la privatisation de services essentiels tels que l’électricité, sont la cause d’une augmentation du coût de la vie dans une économie déjà précaire.
Quant au secteur privé américain, il a été vivement critiqué par nombre de pétitionnaires pour son emprise sur l’île, que ce soit dans le secteur de l’agriculture ou de l’énergie, au détriment des entreprises locales.
Si elle devenait une nation à part entière, Porto Rico deviendrait en mesure de nouer les relations commerciales et diplomatiques qu’elle souhaite avec d’autres pays, et de choisir le modèle de développement qui lui conviendrait, ont appuyé les partisans de l’indépendance.
La population a pourtant rejeté l’indépendance à trois reprises, ont rétorqué les partisans de la libre association ou de l’octroi du statut d’État américain à l’île selon qui les possibilités de croissance de l’île seraient bien supérieures si elle devenait le 51e État de l’Union.
Les partisans du ralliement se sont eux aussi dits insatisfaits du statu quo actuel, reprochant vivement au Congrès américain de laisser traîner la question et exigeant la fin de l’injustice qui prive les Portoricains du droit d’être représentés au Congrès américain. Le droit à l’autodétermination devrait in fine donner aux Portoricains les mêmes droits que tout citoyen américain, tandis que les appels à l’indépendance ne donneront aucun résultat de leur point de vue.
Le Comité spécial se réunira de nouveau demain, vendredi 23 juin, à partir de 10 heures.
DÉCISION DU COMITÉ SPÉCIAL DU 18 JUIN 2021 CONCERNANT PORTO RICO
Audition des pétitionnaires - A/AC.109/2023/L.7, A/AC.109/2023/L.13
M. RAMON NENADICH, de l’Estado Nacional Soberano de Borinken, a indiqué que même après l’instauration, en 1952, d’un gouvernement constitutionnel à Porto Rico, l’autorité du Congrès des États-Unis sur l’île est demeurée inchangée. Étant donné que plus de 40 résolutions ayant été adoptées par le Comité spécial sans que les États-Unis n’en tiennent compte, la Cour internationale de Justice (CIJ) a été saisie sur la question suivante: les États-Unis peuvent-ils maintenir ce statu quo sur l’île ou peut-elle retrouver sa souveraineté? Il a estimé que le Comité a la possibilité aujourd’hui de retourner la situation et de sortir de l’impasse, si la CIJ donne un avis consultatif.
Mme ANA M. LOPEZ, de Frente Independentista Boricua, a appelé à l’indépendance du territoire. Elle a indiqué que la nationalité américaine a été imposée aux Portoricains sous la soumission, faisant fi de leurs souhaits à l’indépendance. Près de 6 millions d’habitants ont été victimes de migrations forcées depuis leur invasion par les États-Unis. Elle a également dénoncé la stérilisation des femmes et la destruction environnementale causées par le Gouvernement américain, coupables à ses yeux de « crimes contre l’humanité ».
M. MANUEL RIVERA, de Puertorriquenos Unidos En Acción, a déploré l’évolution très lente de cette question et a appelé le Comité spécial à la renvoyer à l’Assemblée générale, en évitant les tentatives du Gouvernement américain de torpiller le projet. Pour faire face au maintien, par le Congrès américain, du statut colonial du pays, il faut appliquer la résolution 1514 (1960), a-t-il insisté.
M. ÁNGEL RODRÍGUEZ LEÓN, Movimiento Independenstista Nacional Hostosiano de Puerto Rico, a affirmé que le droit à l’autodétermination de son peuple lui a été dénié, après l’invasion et l’occupation de l’archipel par les États-Unis, qui continue d’exercer une emprise coloniale.
Mme YADIRA OFARRILL, Congressional Extended Delegation-Georgia Chapter, a déclaré que les Portoricains doivent pouvoir exercer l’autodétermination, y compris ceux qui résident à l’extérieur de l’île.
M. ADRIAN GONZALEZ COSTA, Puerto Rican Independence Party, a déclaré que les résolutions du Comité spécial de ces 40 dernières années devaient servir de cadre de référence pour l’exercice du droit à l’autodétermination du peuple portoricain.
M. JOSE ENRIQUE MELENDEZ, LULAC, a fait observer que le Comité débat chaque année d’un projet de résolution concernant Porto Rico présenté par Cuba et d’autres pays hostiles aux États-Unis qui l’utilisent pour critiquer ce pays sans faire d’efforts pour que le texte soit mis aux voix à l’Assemblée générale. Cuba a alors présenté une motion d’ordre, déplorant que le pétitionnaire traite de questions qui ne font pas l’objet du présent débat et niant que son pays est hostile aux États-Unis.
Reprenant la parole, le pétitionnaire a affirmé être venu à l’ONU pour faire valoir la position de la majorité des Portoricains vivant sur l’île, exprimée maintes fois de façon démocratique. Il a déploré que les habitants du territoire ne soient pas autorisés à choisir leurs propres représentants au sein des institutions démocratiques des États-Unis, y compris le président. Selon lui, l’objectif des indépendantistes est de réduire l’influence des États-Unis dans la région au profit de celle de la Chine, de la Fédération de Russie, de l’Iran et d’organisations terroristes comme le Hezbollah.
M. IVÁN ELÍAS RODRÍGUEZ, Insituto Hostosiano del Norte, a appelé l’Assemblée générale à prendre les mesures qui s’imposent pour transférer les pouvoirs et les institutions des États-Unis à une assemblée constituante portoricaine. À ses yeux, la constitution d’un État libre associé sur l’île a été approuvée pour tromper la communauté internationale et le peuple de Porto Rico. Des entreprises des États-Unis ont imposé un monopole, limitent le développement des entreprises locales et transforment Porto Rico en un paradis fiscal, a-t-il décrié.
Mme RACHELE FRUIT, Socialist Workers Party, a réclamé l’indépendance de Porto Rico et de tous les territoires coloniaux qui subsistent en Amérique latine. Elle a exigé que le Gouvernement américain annule les dettes du territoire et respecte les droits fondamentaux de ses habitants, notamment ceux des syndicalistes. Elle cité en exemple la Révolution socialiste cubaine qui a « cassé », selon elle, le joug impérialiste et montré à Porto Rico le chemin de la liberté.
Mme SARA TORRES, Equality for Puerto Rico, a témoigné de la fierté des Portoricains et de leurs racines multiraciales, et de leur langue, le « Spanglish ». Elle a exhorté au respect de leurs droits à la liberté et à l’égalité, tout en affirmant se sentir américaine dans son cœur. Favorable à ce que Porto Rico devienne le 51e État des Etats-Unis, elle a estimé qu’il était « facile d’être socialiste ou communiste quand on vit dans un pays prospère ».
M. CARLOS RAFAEL ALICEA NEGRON, Movimiento Ñin Negrón del Movimiento de Liberación Nacional, a affirmé que le Gouvernement américain est coupable d’une occupation illégale de l’île allant à l’encontre du droit international et constituant un crime contre l’humanité. Les États-Unis s’imposent par une violence coloniale, personnifiée par les mesures d’austérité et la dette subies par les habitants de Porto Rico, a-t-il dénoncé.
M. EDWIN ORTIZ, Call to Action on Puerto Rico, a comparé le Gouvernement américain à une « junte », privant Porto Rico de ses ressources, avec le soutien de « capitalistes vautours ». Il a dénoncé les forces antisyndicales et le pillage des ressources en eau sur l’île par des sociétés privées qui entravent le renforcement des capacités de l’île face aux catastrophes naturelles. Il a ensuite exigé le transfert immédiat des pouvoirs souverains dont l’île a été privée.
M. GERARDO RUBEN LUGO SEGARRA, Partido Nacionalista de Puerto Rico, a demandé aux États-Unis de reconnaître l’indépendance de Porto Rico, à moins d’un an du cent-vingt-cinquième anniversaire de leur invasion de l’archipel. Mais ce pays se croit investi d’un « pouvoir divin » sur certains peuples, s’est-il exclamé, en dénonçant l’« impérialisme yankee ».
M. RAFAEL OLIVERA-CINTRÓN, Boricuas Unidos en la Diaspora, a rappelé que, depuis 2010, Porto Rico a perdu de très nombreux habitants, partis s’établir aux États-Unis, en raison des crises de gouvernance et des droits humains, de la pauvreté aussi, que cause l’occupation américaine depuis trop longtemps. Il a exigé qu’il soit mis fin au statut colonial de l’île.
M. MANUEL E MELENDEZ, Comites de la Resistencia Boricua, a considéré que l’impérialisme américain est l’ennemi, les États-Unis ayant perpétré de nombreux attentats à travers le monde, qualifiant Washington de « gouvernement barbare et génocidaire ».
M. IGNACIO ROS, GA for Statehood for PR, a exigé la fin de l’injustice qui prive les Portoricains du droit d’être représentés au Congrès des États-Unis, estimant que l’île devrait devenir un État américain à part entière. Il s’agit à ses yeux d’une « honte pour la démocratie » qui doit être corrigée dans les plus brefs délais. Aux indépendantistes portoricains, il a rappelé que la population a rejeté l’indépendance à trois reprises.
M. ISMAEL MULLER, Frente Socialista de Puerto Rico, a exhorté les États-Unis à respecter le droit international en ce concerne Porto Rico. Selon lui, la région des Caribes souffre depuis longtemps des conséquences néfastes du colonialisme, illustrées par les retards de développement chroniques qui continuent d’affecter de nombreux pays. « La décolonisation des Caraïbes est un impératif pour l’humanité », dont la libération de l’Amérique latine est tributaire, a-t-il conclu.
Mme VANESSA RAMOS, American Association of Jurists (Asociación Americana de Juristas), a réaffirmé le droit inaliénable du peuple portoricain à l’autodétermination et à l’indépendance conformément à la résolution 1514 de l’Assemblée générale. Elle a recommandé au Comité spécial de centrer son action sur le colonialisme imposé par les États-Unis depuis son invasion en 1898, aggravé par l’imposition, par le Congrès, du Conseil de supervision fiscal. Elle a dénoncé la contamination des sols et la pollution de l’île en toute impunité par les entreprises et les forces armées américaines.
Mme JOCELYN VELÁZQUEZ, Jornada Se Acabaron Las Promesas, a déclaré que Porto Rico est devenu une « colonie américaine », un statut totalement inacceptable selon elle, d’autant que les instances législatives américaines empêchent l’existence de tout accord confiant une autonomie à l’île. Elle a estimé qu’un nouveau traité de libre-échange n’entraînera que davantage de dépendance. Le seul processus viable est la décolonisation et l’indépendance du territoire, a-t-elle insisté, avant de dénoncer le « silence complice » des Nations Unies sur la question.
M. ANTONIO CAMACHO CAMACHO, La Asociación de Abogados Puertorriqueños Soberanistas en Washington D.C., a dénoncé l’attitude du Congrès américain et du Gouvernement des États-Unis, qui a constitué une « administration parallèle » pour diriger l’île, qu’il a comparé à une équipe de « pantins de l’empire » exerçant un régime fiscal favorable aux entreprises anglo-saxonnes pour détruire la nation portoricaine. Il a appelé à défendre l’île par tous les moyens possibles, y compris en versant le sang.
M. OMAR MARRERO, Département d’État du Gouvernement de Porto Rico, a affirmé que le peuple de Porto Rico souhaite renforcer son association aux États-Unis et devenir un État de l’Union, regrettant que la Chambre des représentants américaine n’ait finalement pas approuvé le processus. Il a souligné que les habitants de Porto Rico recherchent l’égalité et la pleine participation politique pour façonner le processus régissant leur vie. Les Portoricains doivent jouir des mêmes droits que les citoyens américains et les aspirations à l’indépendance ne donneront aucun résultat, a-t-il estimé.
M. ROBERTO LEFRANC-FORTUÑO, Gouvernement de Porto Rico, a déploré que les représentants du peuple portoricain sont privés de leurs droits, considérant qu’ils sont les victimes de la colonisation. Il a demandé qu’une action soit engagée de la part de l’ONU pour mettre fin à ce déni d’autonomie.
Présentant une motion d’ordre, le représentant de Cuba a déclaré que certaines des interventions dépassaient le cadre imparti, priant la présidence de rappeler les pétitionnaires à l’ordre.
M. ANGEL JAVIER SERRANO, Congressional Extended Delegation Florida Chapter Tampa Area, a rappelé que les Portoricains n’ont pas les mêmes droits et privilèges que leurs concitoyens établis aux États-Unis. Le statut actuel de Porto Rico limite les possibilités de croissance de l’île, qui, si elle devenait un État, seraient bien supérieures, a affirmé le pétitionnaire.
M. WALTER ALOMAR, Organization for Culture of Hispanic Origins, a estimé qu’en tant que nation indépendante, Porto Rico serait en mesure de nouer les relations commerciales et diplomatiques qu’elle souhaite avec d’autres pays et de choisir le modèle de développement qui lui conviendrait.
M. RAMON VAZQUEZ-ESCUDERO, Coalition for Statehood for Puerto Rico, New Jersey Chapter, a estimé que Porto Rico devrait devenir le cinquante-et-unième État des États-Unis afin de permettre une véritable représentation politique des Portoricains, qui sont présentement des citoyens américains de deuxième classe. Un tel statut accorderait en outre à l’île l’accès aux vastes ressources économiques des États-Unis et attirerait des investissements susceptibles de l’aider à surmonter la crise financière actuelle.
Mme VIVIAN RIVERA MORENO, Extended Delegates for Statehood for Puerto Rico, a exprimé son appui au projet de faire de Porto Rico le cinquante-et-unième État des États-Unis, affirmant que cette idée est soutenue par le peuple portoricain qui a rejeté le statut de territoire. Elle a demandé aux Nations Unies de se prononcer en faveur d’un projet similaire à la loi sur le statut de Porto Rico approuvée en 2022 par le Congrès américain, mais qui n’a pas été adoptée au Sénat. Elle a demandé au Congrès de « se ranger du côté de la justice » en permettant au peuple portoricain de se prononcer sur cette question par voie de référendum juridiquement contraignant.
Mme ZORAIDA VELEZ BENIQUEZ, Statehoodprnow Inc., s’est prononcée en faveur de la décolonisation de Porto Rico, conformément au droit à l’autodétermination des peuples reconnu par les Nations Unies. Selon elle, le Gouvernement américain doit respecter ce droit en permettant à l’île de devenir le cinquante-et-unième État des États-Unis. Elle a demandé au Comité spécial d’exercer une pression sur le Congrès américain afin que la Charte des Nations Unies soit appliquée à Porto Rico.
Mme VANESSA MARIA GRABER, Philly Boricuas, a témoigné des migrations de masses des habitants de l’île de Porto Rico vers les États-Unis pour fuir la crise économique, la pauvreté, le harcèlement de la police et un système de santé défaillant. Pour autant, ils ne sont pas représentés au Congrès américain, ce qu’elle a estimé injuste. Elle a aussi mentionné les catastrophes naturelles et l’élévation du niveau de la mer impactant l’archipel, et les manquements du Gouvernement américain pour y faire face. La seule solution, selon elle, est la décolonisation.
M. FERMIN MORALES, Ruta de la Verdad /Route of Truth, a plaidé pour le maintien d’un service public de l’électricité sur l’île de Porto Rico. Il a dénoncé l’emprise du secteur privé dans ce domaine, emprise décidée, a-t-il affirmé par le Gouvernement américain, qui a entraîné une multiplication par 7 des prix et des coupures dans tout l’archipel, dans un contexte de catastrophes naturelles et environnementales.
Mme MYRNA PAGÁN, Vidas Viequenses Valen, originaire de l’île de Vieques, a fait état d’une île désormais contaminée à l’agent orange et irradiée. Elle a dénoncé l’oppression coloniale et le manque de services de santé sur l’île de Vieques. Elle a réclamé le droit de vivre en paix et dans la dignité, de manière autonome, et dénoncé « les actions de la junte » ainsi que « les riches venant se réfugier chez nous ».
M. CHRISTINA MOJICA, The Puerto Rican Alliance, a déclaré que Porto Rico est une nation colonisée, et que l’annexion forcée ne fera que renforcer cette situation. Il a exigé qu’il soit mis fin à cent vingt-cinq ans d’impérialisme américain.
M. MARIO SOLANO, Delegación Congresional Extendida, Texas chapter, a défendu un projet de référendum sur la possibilité pour les Portoricains de choisir entre le caractère d’état, la libre association ou l’indépendance. « Sans État ni capitalisme, il n’y a pas de patrie », a-t-il ensuite déclaré, avant de taper du poing sur la table.
M. RAPHAEL AGOSTO-MIRANDA, Puerto Rico Not For Sale Campaign, a exprimé son opposition à l’impérialisme des États-Unis, qui essaient de s’approprier toutes les ressources de Porto Rico.
Mme REV CARMEN HERNANDEZ, délégation du Congrès de Porto Rico, a dit qu’en tant que membre de la communauté LGBTQ, elle comprend la lutte pour l’égalité des personnes marginalisés de Porto Rico. Elle a dénoncé la discrimination envers les Portoricains « invisibles », privés chaque jour de leur droit à l’égalité. La voix du peuple portoricain doit être respectée, avec dignité et honneur, comme le mérite Porto Rico, a-t-elle déclaré.
Mme MARIANA NOGALES-MOLINELLI, Chambre des représentants de Porto Rico, a fait état d’une situation invivable à Porto Rico et de l’urgente nécessité d’engager une action au sein de l’ONU conformément à la résolution 1514. À ses yeux, les politiques néolibérales de la métropole ont pour objectif d’exploiter le peuple portoricain « comme des laquais ». Elle a dénoncé la privatisation, les partenariats public-privé et la destruction de la nature et des terres agricoles qui ont affaibli le secteur public de l’île au profit d’intérêts privés, avec pour conséquence de prolonger notre « esclavage colonial ».
M. EUGENIO MATIAS, Comite amigos de Eugenio Matias Perez, a rappelé que depuis 1961, 40 résolutions ont été adoptées par le Comité spécial pour demander aux États-Unis de reconnaître le droit des Portoricains à l’autodétermination. « Aujourd’hui, vous pouvez adopter une nouvelle résolution qui ne sera pas prise en considération », a-t-il ajouté. Pendant ce temps, les États-Unis accroissent leur pression sur Porto Rico et la différence de traitement avec les autres États américains continue de se creuser. Des personnes non-élues contrôlent maintenant le budget de Porto Rico, au détriment de l’autonomie du territoire. « Il s’agit de colonialisme », a dénoncé le pétitionnaire.
Mme NICOLE ALVAREZ ESPADA, de Abolish Act 60, a dénoncé la « loi 60 », coupable d’une fiscalité destructrice avantageant les plus riches au détriment de la classe moyenne, perpétuant la colonisation.
Mme MARIA DE LOURDES GUZMAN, Movimiento Union Soberanista de Puerto Rico, a dénoncé la prise d’otage de l’économie portoricaine par le Gouvernement américain et la drogue qui saigne les rues de son pays. La loi Promesa a profité aux actionnaires da Wall Street et aux conseillers financiers, condamnant les Portoricains à la misère et à l’exil, a-t-elle tranché.
M. DANIEL VILA, Asamblea Nacional Soberana, s’est dit confiant quant à la tâche qui sera remplie par la CIJ. Son avis ne pourra pas être trompé par l’impérialisme yankee, comme ce dernier a trompé l’Assemblée générale en 1952, a-t-il promis, qualifiant les États-Unis d’« empire du mal » et de « gouvernement pervers » qui a transformé les Portoricains en « rats de laboratoire ».
M. MIGUEL ÁNGEL REYES DE JESÚS, Alianza Nacional Contra el Desplazamiento Poblacional (ANCODEPO), a déclaré que les recommandations de ce Comité au sujet de la situation à Porto Rico doivent être présentées à l’Assemblée générale, pour qu’elle contraigne les États-Unis à respecter les décisions souveraines de cet organe.
Combien de temps va-t-il s’écouler avant que le statut de territoire autonome de Porto Rico soit enfin respecté, a lancé M. EDWIN PAGAN, Generacion 51. Il a rappelé que la majorité de son pays s’est exprimée démocratiquement pour devenir un État fédéré.
M. JUAN MARTINEZ-CRUZADO, Convergencia Nacional Boricua, a dénoncé les agissements du Conseil de supervision fiscale des États-Unis sur le financement de l’université dans laquelle il enseigne, où les employés ont vu leurs salaires diminuer et le coût des études a augmenté de manière exponentielle.
Mme GABRIELA MALESPIN, New York Boricua Resistance, s’est inquiétée de la tentative du Gouvernement américain de s’accaparer les ressources de Porto Rico. Les eaux côtières de San Juan sont vendues au plus offrant, et ce, pour les touristes et les colonisateurs. Elle s’est également insurgée contre les tentatives de privatiser les services publics de Porto Rico, « mettant en péril notre planète et appauvrissant notre peuple pour servir les intérêts des États-Unis ». « La décolonisation n’est pas l’annexion », a martelé la pétitionnaire en mettant en garde contre l’intégration de l’île à un « empire violent qui n’a jamais aimé notre peuple ».
M. LUIS TORO-GOYCO, Movimiento Diálogo Soberanista, a rejeté les mensonges de ceux qui souhaitent dissoudre le peuple portoricain dans la société américaine. Il a dénoncé les tentatives répétées des États-Unis de décimer le mouvement indépendantiste de Porto Rico en mettant en place un « arsenal de répression coloniale ».
Mme XIOMARA TORRES, Party for Socialism and Liberation, a condamné la domination de Porto Rico par les « colons yankees », estimant que son peuple a le droit de déterminer son propre destin. Chaque année, la population de Porto Rico continue de diminuer, au point où il y a maintenant plus de Portoricains vivant aux États-Unis que sur l’île. Elle a dénoncé la « grande migration » involontaire des Portoricains, qui s’explique selon elle par des décennies de sous-développement et d’occupation militaire. « Le colonialisme et l’impérialisme américain sont notre ennemi commun qui reproduisent pour nous les mêmes terribles conditions où que nous allions », a-t-elle déploré.
M. EDISON DIAZ, Barrio Boricua Resistance/New York Boricua Resistance, a fait part de sa volonté de voir émerger un Porto Rico « libre et anticapitaliste ». Il a dénoncé la destruction des terres, la stérilisation des femmes, les coupures de courant, les fermetures d’écoles et d’hôpitaux par les « capitalistes ». Il a annoncé que c’est la dernière fois qu’il participera à cette manifestation du Comité spécial, ne souhaitant pas cautionner la « politique électorale bourgeoise » ni le « pouvoir impérialiste » qui opprime Porto Rico depuis plus d’un siècle. Les « petites cellules grises » qui pensent que l’on pourra vaincre la colonisation en se ralliant à l’État fédéral en seront pour leurs frais, a-t-il prévenu, avant de brandir puis jeter son passeport américain à terre, car celui-ci « ne changera rien à nos conditions de vie » dans les quartiers paupérisés des États-Unis, où sévit la police, le « pire gang » opprimant la diaspora. Appelant Porto Rico à prendre le contrôle de son histoire, scandant « la révolution ou la mort », il a conclu en jugeant honteux d’avoir à respecter la bienséance pour des « idiots » qui ne respectent pas sa patrie.
Mme MARIA FERNANDEZ, Caribbean Studies Association, a évoqué la persécution politique dont son peuple est victime. Dénonçant aussi le racisme dont les Portoricains, particulièrement les Afro-descendants et encore davantage les femmes, sont toujours victimes, elle a fait le lien entre les discriminations basées sur le genre, l’impérialisme et le « colonialisme internalisé en chacun de nous ».
Mme RACHELLE FERNANDEZ RIVERA, The Point CDC, a expliqué avoir grandi dans le Bronx, à New York, en raison de la colonisation. Malgré leur patriotisme sans faille, les efforts d’intégration de ses parents ont été entravés par le racisme, les transformant en citoyens de seconde zone, tandis que le lien avec leur île a été rompu dans la douleur. Il est impossible de se loger décemment à Porto Rico et le travail manque, a-t-elle témoigné, dénonçant la façon dont le Gouvernement américain n’a pas respecté ses promesses.
M. JOSE ROSSELLO, U.S. House Representative (Shadow) - Ricardo Rosselló, a égrené les nombreuses catastrophes naturelles essuyées par Porto Rico ces dernières années. Ajoutées à la COVID-19, elles ont gravement impacté le développement de l’île. Il a fait remarquer que la population de Porto Rico, dans sa majorité, souhaite que le territoire devienne un État de l’Union à part entière. Il s’est prononcé pour l’autodétermination de l’île et donc, en toute logique, pour son ralliement plein et entier aux États-Unis.
Mme LYDIA WALTHER RODRIGUEZ, CASA, a dénoncé les colonisateurs, qui enfreignent la souveraineté des Portoricains. Elle a appelé au respect de leur autodétermination et de l’indépendance de leur territoire, exhortant en outre à mettre fin à la spoliation des ressources naturelles de l’île.
Interventions des États membres du Comité
Au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), Mme NEDRA P. MIGUEL (Saint-Vincent-et-les Grenadines) a noté que plus de 40 résolutions et décisions sur Porto Rico ont été approuvées par consensus au cours des dernières années. Ces résolutions réaffirment, entre autres, « le droit inaliénable du peuple portoricain à l’autodétermination et à l’indépendance », a-t-elle rappelé. Soulignant le caractère latino-américain et caribéen de Porto Rico, elle a appelé à l’éradication complète et rapide du colonialisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations.
M. YURI ARIEL GALA LÓPEZ (Cuba) a rappelé que cette année marquerait la quarante et unième année consécutive pendant laquelle serait adoptée une résolution réclamant l’autodétermination pour le peuple portoricain. Il a rappelé que son pays a un engagement historique en faveur de l’indépendance de Porto Rico et a assuré qu’il continuera à défendre l’exercice de son droit à l’autodétermination.
M. ROBERTO BAYLEY ANGELERI (Venezuela) a appelé à mettre fin une fois pour toutes à la subordination politique de Porto Rico aux États-Unis, y compris le soi-disant Conseil de supervision fiscal, qui ne fait selon lui que perpétuer les conditions de dépendance et la pauvreté de l’île. Il a exhorté les autorités américaines à respecter les résolutions pertinentes des Nations Unies, y compris les 30 textes adoptés par le Comité spécial, afin de mettre un terme à leur tutelle coloniale. Le délégué a également demandé aux États-Unis de mettre fin à leurs exercices et autres « provocations » militaires menés contre son pays depuis les côtes de Porto Rico, où ils maintiennent des installations militaires.
M. DIEGO PARY RODRÍGUEZ (Bolivie) a regretté l’absence de progrès significatif sur la question de Porto Rico, bien qu’il ne figure plus sur la liste des 17 territoires non autonomes de l’ONU. Malgré son statut d’État libre associé, le Gouvernement de l’île continue d’être lié aux politiques de la puissance administrante des États-Unis, qui gère son territoire sans permettre son plein développement, a-t-il déploré. Le représentant a appuyé pleinement les demandes présentées par le peuple portoricain afin qu’il obtienne au plus tôt l’indépendance et la souveraineté de son territoire.
M. JAIME HERMIDA CASTILLO (Nicaragua) a soutenu la décolonisation complète de l’hémisphère, Porto Rico ne pouvant continuer à être l’exception au processus d’indépendance de l’Amérique latine et des Caraïbes. Nous devons continuer à travailler pour que le peuple portoricain puisse enfin exercer son droit à l’indépendance et à l’autodétermination, conformément à la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale. Cinq décennies se sont écoulées depuis l’adoption, par le Comité, de la première résolution sur Porto Rico, a-t-il rappelé. Il a remercié Cuba d’avoir présenté le présent projet de résolution sur la question de Porto Rico, coparrainé, comme c’est le cas chaque année, par le Nicaragua.
Mme NOUR ALI (République arabe syrienne) a dénoncé la dépendance politique de Porto Rico à l’égard des États-Unis, et a exprimé son inquiétude quant à la législation adoptée par le Congrès américain visant à imposer un Conseil de supervision fiscal au Gouvernement de Porto Rico, qui empiéterait effectivement sur l’autorité limitée de San Juan en matière de finances. Les États-Unis ne peuvent pas priver le peuple portoricain de son identité et ont le devoir de permettre au territoire d’affirmer sa pleine indépendance et d’accélérer le processus qui permettra au peuple portoricain d’exercer pleinement son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance, a exhorté la représentante.
M. VAHID GHELICH (République islamique d’Iran) a dit soutenir pleinement le droit du peuple portoricain à l’autodétermination et à l’indépendance sur la base de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. Il a espéré que le projet de résolution à l’examen sera adopté par consensus, comme les précédents, ce qui témoignera d’un large soutien à l’indépendance de Porto Rico. Le représentant a appelé la puissance coloniale à mettre un terme aux mesures d’austérité qui ont entraîné une grave détérioration des conditions sociales et économiques du peuple portoricain et augmenté le coût de la vie. Il a également appelé à accélérer les procédures en vue de faciliter l’exercice de son droit à l’autodétermination par le peuple portoricain.
Intervention d’un État observateur
Au nom du Mouvement des pays non alignés, Mme NIGAR BAYRAMLI-HAMIDOVA (Azerbaïdjan) a indiqué que la question de Porto Rico a été abordée lors du dix-huitième Sommet du Mouvement, tenu les 25 et 26 octobre 2019 à Bakou. Le Mouvement s’était notamment inquiété du fait que la subordination politique actuelle du peuple portoricain l’empêche de prendre des décisions souveraines concernant de graves problèmes économiques et sociaux, notamment la crise budgétaire, l’insolvabilité du Gouvernement de Porto Rico et la nécessité de restructurer la dette publique.
De même, les chefs d’État et de gouvernement du Mouvement ont exprimé leur inquiétude face à la législation adoptée par le Congrès américain pour imposer le Conseil de supervision et d’administration financières au Gouvernement de Porto Rico, qui empiète sur le pouvoir limité du gouvernement de San Juan en ce qui concerne ses affaires budgétaires, fiscales et autres.
Le représentant a ensuite demandé aux États-Unis de restituer au peuple portoricain les terres et installations occupées de l’île de Vieques et de la station navale de Roosevelt Roads, l’exhortant en outre à accélérer le processus qui permettra au peuple portoricain d’exercer pleinement son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance.