L’Assemblée générale actualise la Stratégie antiterroriste mondiale de l’ONU et décide de passer à un examen triennal
L’Assemblée générale a adopté aujourd’hui, par consensus, une résolution sur le huitième examen de la Stratégie antiterroriste mondiale de l’ONU, par laquelle elle actualise ladite Stratégie, « instrument unique, doté d’une véritable valeur transformative », selon les mots du Président de l’Assemblée, avant de débattre sur ce thème. « Ce texte n’est pas parfait mais il reste un aboutissement positif », a déclaré la Tunisie, cofacilitatrice avec le Canada des négociations informelles. Certaines délégations n’ont en effet pas ménagé leurs critiques et ont fait part de leur déception à divers égards.
Dans cette résolution de 32 pages, l’Assemblée juge important que la Stratégie et ses quatre piliers restent d’actualité, au regard des nouvelles menaces qui apparaissent et de l’évolution du terrorisme international. Au titre du pilier I sur les mesures visant à éliminer les conditions propices au terrorisme, elle engage les États Membres à élaborer des stratégies ciblées visant à contrer les discours extrémistes violents de nature à inciter certains à se rallier à des groupes terroristes.
Pour ce qui est du pilier II consacré aux mesures visant à prévenir et à combattre le terrorisme, l’Assemblée engage les États Membres à priver les groupes terroristes de sanctuaire, de liberté d’opération, de déplacement et de recrutement et d’appui financier, matériel ou politique. Les auteurs d’actes terroristes et toute personne les appuyant doivent être traduits en justice ou extradés, selon le principe « extrader ou poursuivre », rappelle l’Assemblée. Préoccupée par le risque d’utilisation de technologies nouvelles à des fins terroristes, l’Assemblée invite tous les États Membres à lutter contre l’utilisation de ces technologies à des fins terroristes, y compris, l’intelligence artificielle, l’impression 3D, les actifs virtuels, les systèmes de drones aériens, ainsi que l’armement des drones commerciaux, « tout en renforçant la coopération internationale pour prévenir et combattre le terrorisme ».
Le pilier III de la Stratégie est relatif aux mesures destinées à étoffer les moyens dont les États disposent pour prévenir et combattre le terrorisme et à renforcer le rôle joué en ce sens par l’ONU. Il importe de renforcer l’action menée par tous les organes et organismes compétents des Nations Unies pour lutter contre le terrorisme, indique l’Assemblée, en invitant le Bureau de lutte contre le terrorisme à améliorer leur coordination. Au titre du pilier IV –« mesures garantissant le respect des droits de l’homme et la primauté du droit en tant que base fondamentale de la lutte antiterroriste »- elle demande aux États Membres de s’abstenir de priver de leur nationalité les personnes présumées avoir commis des actes terroristes. Toutes mesures ou moyens utilisés dans la lutte contre le terrorisme doivent être compatibles avec le droit international, souligne l’Assemblée.
Si la résolution a été adoptée par consensus, les points d’achoppement ont été nombreux. Le Canada, cofacilitateur avec la Tunisie des négociations informelles sur la résolution, a indiqué que la plupart des délégations ont obtenu ce qu’elles attendaient mais qu’il y avait encore une marge d’amélioration. Nous avons discuté du genre et la nécessité de comprendre « les masculinités » dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, mais cela n’a pas fait l’objet d’un consensus, a concédé le délégué canadien. « Nous avons parlé du discours de haine et de l’incitation à la haine et de ses liens avec le terrorisme, tout en débattant également de la liberté d’expression et de ses limites dans différents contextes, mais nous n’avons abouti à aucun nouvel accord », a-t-il ajouté. Dans sa déclaration liminaire, le Président de l’Assemblée générale, M. Csaba Kőrösi, avait exhorté les délégations à s’interroger: « Devons-nous continuer à nous diviser sur ce que sont le terrorisme et l’extrémisme violent? Devons-nous appesantir sur les détails et oublier le tableau général? »
Certaines délégations, à l’instar du Costa Rica, ont formulé des critiques plus acérées. Le texte n’est pas suffisant, notamment en ce qui concerne l’intégration d’une perspective de genre, a dit la déléguée de ce pays. « Le consensus ne peut plus se limiter au plus petit dénominateur commun », a-t-elle asséné. Pour leur part, l’Égypte et la République islamique d’Iran ont regretté que les actes islamophobes n’aient pas été pris en compte au cours des discussions. L’Organisation de la coopération islamique (OCI) a regretté le manque de consensus sur la tendance des groupes d’extrême droite à profaner l’Islam et ses symboles et à propager la haine contre les immigrés, en particulier les musulmans. « Nous devons éviter de normaliser la violence contre les musulmans. »
« Le texte adopté aujourd’hui ressemble à une résolution technique », a, de son côté, fustigé le délégué de l’Union européenne. Plaidant pour un consensus dont l’ambition est à la hauteur des défis, il a insisté sur le renforcement des mesures liées au quatrième pilier de la Stratégie. « Les mesures antiterroristes ne sauraient être manipulées pour réduire au silence opposants et défenseurs des droits humains », a affirmé le délégué.
Au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, le Venezuela a estimé que le terrorisme ne peut être assimilé à la lutte légitime des peuples sous domination étrangère ou coloniale. Il a rejeté l’instrumentalisation politique de la lutte contre le terrorisme, avant de dénoncer les sanctions qui font obstacle à l’élimination du terrorisme. « Il est nécessaire de reprendre aussi vite que possible les négociations sur une convention internationale », a-t-il plaidé. Un élément essentiel pour combattre efficacement le terrorisme est d’adopter une approche « tolérance zéro » pour contrer le terrorisme, a rétorqué le délégué israélien en se disant, lui aussi, « très déçu ». En début de séance, l’Inde avait pour sa part déploré l’absence de référence à la Déclaration de Delhi sur la lutte contre l’utilisation des technologies nouvelles et émergentes à des fins terroristes dans la résolution.
Au vu de ces divergences, le Canada a informé que l’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale sera maintenant triennal au lieu d’être biennal. Le prochain examen, en 2026, coïncidera ainsi avec le vingtième anniversaire de la Stratégie antiterroriste mondiale. « Nous semblons être d’accord sur plus de 95% du texte, il est peu probable que nous parvenions à un consensus sur les questions en suspens de sitôt. »
LA STRATÉGIE ANTITERRORISTE MONDIALE DES NATIONS UNIES (A/77/266, A/77/718)
Déclaration liminaire
M. CSABA KŐRÖSI, Président de l’Assemblée générale, a dénoncé l’attaque meurtrière perpétrée contre une école samedi dernier en Ouganda. Cibler des enfants dans l’enceinte sacrée de leur école est un acte insidieux et haineux, a-t-il dit. « C’est le visage même du terrorisme et un crime de guerre. » Le Président a apparenté le terrorisme à un « feu ravageur, alimenté par la haine ». Il a rappelé que le terreau du terrorisme est constitué par l’instabilité, les inégalités, les violations des droits ou bien encore la mauvaise gouvernance. « Nous devons nous interroger: devons-nous continuer à nous disputer sur ce que sont le terrorisme et l’extrémisme violent? Nous appesantir sur les détails et ne pas voir le tableau général? Ou devons-nous plutôt nous unir et joindre nos forces pour combattre le terrorisme sous toutes ses formes? »
M. Kőrösi a déclaré que la Stratégie antiterroriste mondiale est un instrument unique, doté d’une véritable valeur transformative. C’est un cadre pour l’action. Ce dont nous avons besoin maintenant, a-t-il estimé, c’est de la volonté politique et morale d’agir ensemble. Le Président a espéré que les progrès des États Membres enregistrés ces derniers mois dans la lutte contre le terrorisme seront reconnus. Le terrorisme est une guerre livrée contre les corps et contre les esprits, a-t-il averti. « Ne succombons pas aux divisions qu’il engendre et surmontons ce défi. »
Explication de position avant la décision sur le projet de résolution A/77/L.78
Le délégué de l’Inde, rappelant que son pays était victime du terrorisme transnational, s’est dit très préoccupé par la quatrième révision du projet de résolution. Nous avions indiqué que supprimer la référence à la Déclaration de Dehli sur la lutte contre l’utilisation des technologies nouvelles et émergentes à des fins terroristes, adoptée à l’unanimité par tous les membres du Conseil de sécurité, n’a pas lieu d’être, a-t-il assuré, pointant notamment du doigt des raisons de procédure. Il a déploré qu’aucune consultation des États Membres n’ait eu lieu, rappelant que les récentes délibérations prouvent que les délégations s’associent à la Déclaration de Delhi. « Le fait d’adopter aujourd’hui une approche sélective en acceptant que certains documents soient cités ou non n’est pas acceptable », a martelé le délégué, ajoutant que l’Inde se dissociait par conséquent de cette révision du texte.
Débat sur la question
M. GERARDO PEÑALVER, Ministre adjoint des affaires étrangères de Cuba, a rappelé que, depuis plus de soixante ans, le peuple cubain a été victime d’innombrables actions terroristes qui, pour la plupart, ont été planifiées et organisées « à partir du territoire des États-Unis ». En conséquence, Cuba a payé un lourd tribut en vies humaines et en pertes économiques, a-t-il dit, assurant que son pays n’a quant à lui jamais participé à l’organisation, au financement ou à l’exécution d’actes terroristes contre un pays et ne soutiendra jamais les actes de terrorisme international. Notre pays est partie aux 19 conventions internationales relatives au terrorisme et a mis en place des mesures pour faire face à ce fléau, a insisté le Ministre, avant de rejeter fermement l’inscription de Cuba sur la liste du Département d’État américain des pays qui parraineraient le terrorisme. Cette désignation est un acte « diffamatoire, hypocrite et opportuniste », a-t-il dénoncé, appelant Washington à la révoquer et invitant l’ONU à se prononcer contre ce type de certifications « unilatérales, manipulées politiquement et contraires au droit international ». Il s’est par ailleurs déclaré préoccupé par l’utilisation abusive des technologies de l’information et des communications pour commettre, inciter, recruter, financer ou planifier des actes terroristes.
M. SHAMENOV, Vice-Président de la Commission publique pour la sécurité nationale et Directeur du Centre international contre le terrorisme du Kirghizistan, a plaidé pour un appui au renforcement des capacités des États, arguant que toutes les organisations régionales devraient tendre vers des partenariats antiterroristes. Il a insisté sur le renforcement des capacités contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, sous l’égide de l’ONU. Insistant également sur le respect des droits humains et du droit international humanitaire, le haut responsable a cité comme mesure préventive, le rapatriement des combattants étrangers. Mon gouvernement a rapatrié des enfants kirghizes d’Iraq et de la Syrie, a-t-il affirmé, avant de souligner l’importance qu’il y a à traduire en justice tous les auteurs d’actes terroristes.
M. AL HAJRI (Qatar) est revenu sur l’engagement du Qatar dans la lutte contre le terrorisme, notamment avec l’adoption d’une stratégie nationale. Soulignant le rôle vital de l’ONU dans la lutte contre le terrorisme, il a rappelé que le Qatar est le plus grand bailleur de fonds du Bureau de lutte contre le terrorisme, avec un don annuel de 15 millions de dollars. Affirmant que la menace terroriste ne cesse d’évoluer, le représentant a souligné l’importance des sciences du comportement qui permettent de comprendre les motifs menant au terrorisme. Il ne faut pas associer le terrorisme à une certaine culture ou religion ni mettre sur un pied d’égalité terrorisme et lutte légitime des peuples souffrant de l’occupation, a-t-il mis en garde. Le représentant a ainsi appelé à lutter contre la xénophobie, dénonçant les incidents récents dans lesquels le Coran a été brulé. L’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale doit accorder de l’importance à ces questions, a-t-il estimé, appelant à adopter une approche équilibrée pour faire face à l’ensemble des menaces terroristes.
L’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale étant l’occasion de l’adapter à la lumière des progrès et des défis émergents, M. ALZAABI (Émirats arabes unis) a estimé que les nouveaux problèmes, comme l’utilisation par les terroristes de drones ou de crypto monnaie, doivent être dûment pris en compte. Il a appelé à une intensification des efforts de prévention du terrorisme et à des dialogues pour promouvoir la coexistence pacifique et lutter contre les discours de haine. Insistant sur l’engagement de longue date de son pays en faveur de la prévention du terrorisme et de l’extrémisme violent, le représentant a souligné qu’en déployant des efforts coordonnés, il sera possible d’éliminer les causes profondes de ces fléaux.
M. FOUAD (Égypte) a regretté que, lors des négociations sur le projet de résolution, certaines délégations aient refusé certaines actualisations qui auraient permis de renforcer l’efficacité de la Stratégie antiterroriste mondiale. Il a par ailleurs condamné fermement le fait que certains groupes extrémistes dans le monde brûlent le Coran, avant d’appeler les autorités concernées à poursuivre pénalement ces actes qui propagent l’islamophobie. Il est regrettable, selon lui, que des délégations aient choisi de négliger ces développements préoccupants au cours des discussions sur le texte. Le représentant a également déploré que la résolution adoptée ne mentionne pas le racisme, la xénophobie et d’autres types d’intolérance, pourtant évoqués dans le rapport du Secrétaire général. Tout en estimant que le consensus représente l’unité de la communauté internationale face au fléau du terrorisme, il a constaté que certaines questions imposées au texte ne sont pas pertinentes avec les quatre piliers de la Stratégie. Il a enfin rejeté les accusations de militarisation entourant l’approche antiterroriste de son pays, assurant que les autorités égyptiennes s’emploient à faire face aux causes profondes du terrorisme et à lutter contre la propagande extrémiste, tout en participant au renforcement des capacités de plusieurs États frères et en menant des efforts conjoints avec l’Union européenne.
M. MAHMUDZODA (Tadjikistan) indiqué que les pays d’Asie centrale ont adopté leur Plan d’action contre le terrorisme qui s’inspire de la Stratégie antiterroriste mondiale. Mon gouvernement, a-t-il expliqué, a mis en place sa stratégie nationale 2020-2025, qui couvre également la lutte contre le financement du terrorisme et contre le recrutement dans les prisons. Le Gouvernement a ainsi fait adopter les lois nécessaires et créé le centre de prévention de la cybercriminalité, une force interinstitutions pour enquêter sur les recrutements et rechercher les personnes impliquées dans des actes terroristes sur le territoire national. La stratégie nationale vise également le renforcement du rôle de la société civile, a encore indiqué le représentant, avant d’annoncer que son gouvernement a assuré le retour de plus 400 enfants tadjiks d’Iraq qui ont bénéficié des mesures de réintégration mises en place.
Mme JAMAL (Bahreïn) a appelé à privilégier une approche commune, notant que les réseaux créés à l’époque de la lutte contre l’État islamique fonctionnaient aujourd’hui « en silo », les objectifs ayant divergé. Ceci peut avoir un impact sur le public cible, a-t-elle mis en garde. Indiquant que Bahreïn avait beaucoup fait dans la région, elle a rappelé que le pays utilise un récit niant l’idéologie criminelle des groupes extrémismes violents. Il s’agit de remplacer les vulnérabilités par des mesures sociologiques et psychologiques d’accompagnement, a-t-elle indiqué. Évoquant ensuite la réintégration des combattants terroristes, elle a indiqué que l’approche de Bahreïn définira le succès à cet égard en fonction de la sécurité. L’extrémisme doit être au cœur de nos discussions, a-t-elle enfin souligné, estimant qu’il s’agissait d’un objectif à poursuivre en tant que tel, et non uniquement en lien avec la lutte contre le terrorisme.
M. FRANK (Suisse) a salué l’achèvement de l’examen de la Stratégie et les progrès obtenus. La lutte contre le terrorisme doit continuer de faire partie du multilatéralisme, a dit le délégué. Si le multilatéralisme est en tension, il n’est pas en faillite comme le montre l’adoption de la résolution, s’est-il réjoui. Ce texte, a-t-il estimé, est un pas dans la bonne direction, même s’il faut aller plus loin. Il a jugé important que les sanctions, y compris celles imposées par l’ONU, se gardent d’entraver le travail humanitaire. Il s’est félicité de ce que le texte adopté aujourd’hui contienne des dispositions sur l’évaluation des progrès réalisés. La mise en œuvre de cette résolution et l’évaluation de son application doivent faire partie intégrante de nos efforts, a-t-il conclu
Au nom de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), M. ABDULAZIZ M. ALWASIL (Arabie saoudite) a déclaré que ce huitième examen de la Stratégie antiterroriste mondiale illustre l’importance du multilatéralisme, du consensus et du compromis. Il a tout de même regretté le manque de consensus sur la tendance des groupes d’extrême droite à profaner l’Islam et ses symboles et à propager la haine contre les immigrés, en particulier les musulmans. Le délégué a vivement dénoncé le rejet des propositions de l’OCI contre cette tendance. L’OCI, a-t-il insisté, est déçue que même la Journée mondiale contre l’islamophobie n’ait même pas été mentionnée dans le texte adopté aujourd’hui. Nous devons, a-t-il dit, éviter de normaliser la violence contre les musulmans.
Il a condamné l’instrumentalisation d’Internet et des technologies de l’information et des communications par les groupes antimusulmans et s’est dit préoccupé par le fait que certaines délégations cherchent à manipuler la Stratégie antiterroriste mondiale. Une telle attitude, a-t-il prévenu, ne saurait contribuer à la réalisation des objectifs communs ni à solidifier les quatre piliers de la Stratégie. Tôt ou tard, a averti le représentant, ce genre de comportement finira par ébranler la Stratégie dans son ensemble. Concentrons-nous sur sa mise à jour et sa pertinence, a-t-il conseillé, et retenons que le terrorisme ne saurait être associé à une religion, une culture ou une ethnie. Le prochain examen, a insisté le représentant, doit dûment refléter les préoccupations et les priorités de tous les États Membres.
M. ROBERT RAE (Canada), cofacilitateur avec la Tunisie des négociations informelles sur la résolution, a expliqué à quel point le paysage terroriste avait changé au fil des ans. Alors que l’accent a été mis pendant des décennies sur certaines parties du Moyen-Orient, il existe des menaces croissantes dans certaines parties de l’Afrique et des menaces renouvelées en Asie du Sud et centrale, émanant en partie de l’Afghanistan. L’émergence croissante de la menace terroriste provient désormais des zones de conflit, a-t-il relevé. « Là où les terroristes ciblaient les avions pour les détourner ou les faire exploser, ils recherchent maintenant des drones pour mener des attaques ». En outre, a noté le représentant, les motivations derrière le terrorisme changent et les jeunes sont de plus en plus radicalisés et recrutés en ligne. À mesure que les systèmes de lutte contre le terrorisme se sont développés, on reconnaît de plus en plus que les mesures antiterroristes peuvent porter atteinte aux droits de l’homme et qu’il faut respecter le droit international et atténuer l’impact humanitaire des mesures de lutte contre le terrorisme.
Revenant sur le dernier examen de la Stratégie antiterroriste mondiale, le représentant a estimé que la plupart des parties avaient obtenu ce qu’elles en attendaient mais qu’il y avait encore une marge d’amélioration et qu’il était nécessaire de refléter les réalisations importantes des deux dernières années. Nous avons donc discuté de tous ces développements et plus encore, y compris le genre, et la nécessité de comprendre « les masculinités » dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, mais cela n’a pas fait l’objet d’un consensus, a-t-il raconté. Nous avons discuté du discours de haine et de l’incitation à la haine et de ses liens avec le terrorisme, tout en débattant également de la liberté d’expression et de ses limites dans différents contextes, mais nous n’avons abouti à aucun nouvel accord. Et, a-t-il continué, nous avons discuté de la menace émergente dans certaines parties de l’Afrique, ainsi que de la situation humanitaire désastreuse en Syrie autour du camp d’al-Hol, et des risques émanant de l’Afghanistan, mais aucun de ces aspects n’a été intégré au texte. Nous avons réfléchi à l’importante réalisation de la résolution de l’Assemblée générale sur la Journée internationale de l’islamophobie, mais il n’y a pas eu de consensus pour l’inclure seule.
Alors, qu’avons-nous réalisé? a demandé le représentant. Il a mentionné une nouvelle référence à l’importance de soutenir la société civile dirigée par des femmes, ainsi qu’une référence à la résolution 2664 (2022) du Conseil de sécurité et aux exemptions humanitaires qu’elle prévoit. De plus, a-t-il témoigné, nous avons convenu que le travail du Secrétaire général sur les attentats terroristes motivés par la xénophobie, le racisme et d’autres formes d’intolérance, ou commis au nom de la religion ou de convictions est une « première étape dans la compréhension de cette menace », et que davantage de recherches et de données sont nécessaires à ce sujet. Enfin, s’est félicité le représentant, il a été décidé que l’examen des progrès accomplis dans l’application de la Stratégie antiterroriste mondiale pouvait être fait tous les trois ans au lieu de tous les deux ans, « car nous semblons être d’accord sur plus de 95% du texte, et il est peu probable que nous parvenions à un nouveau consensus sur les questions difficiles en suspens de sitôt. »
M. TAREK LADEB (Tunisie), dont le pays était cofacilitateur avec le Canada des consultations informelles, s’est félicité de l’engagement constructif des délégations, qui a débouché sur un document qui, « s’il n’est pas parfait, reste un aboutissement positif ». La résolution, a-t-il dit, reflète notre volonté collective de renforcer la coopération internationale pour prévenir et combattre le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations, notre détermination à assurer une mise en œuvre intégrée et équilibrée de la Stratégie dans tous ses piliers et notre vif intérêt à maintenir la Stratégie pertinente pour l’adapter au paysage mondial des menaces et aux nouvelles tendances émergentes du terrorisme international. Malgré les divergences sur certains aspects du texte, nous sommes unis contre le terrorisme et l’extrémisme violent propice au terrorisme, a-t-il souligné, se félicitant qu’un compromis ait été trouvé sur la nécessité de renforcer les capacités nationales et de promouvoir la tolérance, le respect de la diversité, le dialogue et la compréhension interreligieuse et interculturelle entre les peuples. Nous devons aussi renforcer notre coordination avec toutes les parties prenantes pour contrer l’utilisation croissante par les terroristes des technologies de l’information et des communications et d’autres technologies émergentes qui servent à commettre, inciter, financer ou planifier des actes terroristes, a-t-il ajouté.
M. OLOF SKOOG, de l’Union européenne, a estimé qu’il faut continuer à travailler ensemble, adapter les outils disponibles et veiller à ce que les efforts soient conformes aux valeurs fondamentales communes. Il a donc regretté que le texte adopté aujourd’hui ressemble à une résolution technique, espérant à l’avenir un consensus dont l’ambition est à la hauteur des défis. Le représentant a, en particulier, insisté sur le renforcement des mesures liées au quatrième pilier de la Stratégie, à savoir les droits humains et l’état de droit. Les mesures antiterroristes, s’est-il par exemple expliqué, ne sauraient être manipulées pour réduire au silence opposants et défenseurs des droits humains. Dans un espace civique qui continue de se rétrécir, il faut, a encore dit le représentant, assurer une meilleure protection des représentants de la société civile et accorder à la dimension genre l’attention qu’elle mérite.
Il faut aussi protéger l’espace humanitaire, a-t-il poursuivi, en se félicitant de la référence à la résolution 2664 du Conseil de sécurité dans la Stratégie antiterroriste mondiale, dont toute la portée n’est malheureusement pas soulignée. Il a aussi regretté que la nécessité de mécanismes de contrôle financiers et non-financiers pour la lutte contre le financement du terrorisme n’ait pas été incluse dans le texte. Le représentant a également estimé qu’il faut faire plus pour renforcer le dialogue avec les entreprises du secteur des technologies et de la communication. Il a jugé crucial que le Bureau de lutte contre le terrorisme et le Pacte mondial renforce leur coordination. Il a par ailleurs rappelé les sommes énormes que l’Union européenne consacre aux partenariats sur le renforcement des capacités car la lutte contre le terrorisme est une priorité commune que le monde ne pourra gagner que s’il travaille ensemble.
M. NASUTION (Indonésie) a constaté que l’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale a abouti à des résultats « en deçà des attentes », les derniers développements et les tendances émergentes ne figurant pas dans la résolution adoptée, en particulier les actes de haine pouvant inciter au terrorisme. Il a néanmoins salué l’adoption du document par consensus, estimant qu’il contribuera à guider la communauté internationale face à ce fléau. Pour le représentant, les États Membres doivent agir ensemble et être unis pour répondre à la menace que représentent le terrorisme et l’extrémisme violent. À cette fin, il convient de promouvoir la tolérance et la coexistence pacifique en tant qu’investissement préventif, a-t-il affirmé, se disant très préoccupé par l’essor de l’islamophobie dans le monde, qui selon lui risque d’alimenter le cycle de la violence. Après avoir appelé les pays à créer des sociétés plus justes et plus pacifiques, et à partager leurs meilleures pratiques face au terrorisme, il a estimé que la Stratégie mondiale continue d’offrir des opportunités pour coopérer aux niveaux international, régional et sous-régional pour développer des synergies et gagner en efficacité. À cet égard, il a relevé que les États membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) ont souhaité renforcer leur coopération dans ce domaine en se dotant d’un plan d’action contre la radicalisation et l’extrémisme violent.
M. MONWAR HOSSAIN (Bangladesh) a estimé que l’adoption de la résolution marque un jalon important dans l’histoire collective de la lutte contre le terrorisme, malgré des divergences sur les points essentiels. Notant les nombreuses pistes d’actions issues de l’examen de cette année, le représentant a rappelé que le contact avec les organisations féminines de la société civile et les chefs des communautés, acteurs de premier plan, est nécessaire. Le Bangladesh, a-t-il indiqué, a adopté une politique de tolérance zéro contre le terrorisme. Aucune entité terroriste ne peut utiliser le territoire national pour perpétrer ses actes illégaux ou propager son idéologie. Pour conclure, le représentant s’est opposé à toute politique permettant le profilage de terroristes présumés en fonction de leur identité religieuse.
Mme MARITZA CHAN VALVERDE (Costa Rica) a reconnu que l’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale a été une tâche difficile. Elle a estimé que le texte n’est pas suffisant, notamment en ce qui concerne l’intégration d’une perspective de genre, et s’est dite déçue. Elle a regretté que les inégalités de genre n’aient pas été une piste explorée quant aux facteurs conduisant à la commission d’actes terroristes. La discussion ne fait que commencer, a dit la déléguée, en appelant à remédier à la fracture entre les genres. L’obligation de rendre des comptes a également été oubliée, a-t-elle regretté, en rappelant l’importance de la Stratégie pour les victimes du terrorisme. Elle a appelé à une mise en œuvre équilibrée des quatre piliers de la Stratégie. « Le consensus ne peut plus se limiter au plus petit dénominateur commun », a-t-elle conclu.
M. YAHYA AREF (République islamique d’Iran) a déclaré qu’en tant que nation ayant longtemps été victime du terrorisme, son pays attache une grande importance aux examens de la Stratégie antiterroriste mondiale. Il a cependant regretté que certaines propositions de l’Iran aient été rejetées sans explication lors des négociations sur le projet de résolution. Selon lui, il en a été de même pour plusieurs propositions de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), parmi lesquelles figurait l’importance d’une réponse efficace aux attaques terroristes contre les musulmans et aux profanations délibérées du Coran et des mosquées. Cette proposition a été rejetée sans aucune raison concrète par certaines délégations « minoritaires », a-t-il dénoncé, souhaitant que le prochain examen de la Stratégie antiterroriste mondiale aborde plus concrètement l’incitation au terrorisme contre les musulmans ainsi que les défis persistants qui entravent les efforts des États Membres, en particulier le manque de coopération du système de gouvernance mondiale d’Internet et la politisation de cette lutte. Malgré ces objections, le représentant a plaidé pour le maintien du consensus sur cette question afin que l’ONU dans son ensemble renforce la détermination de la communauté internationale à lutter véritablement contre le terrorisme. Il a assuré que, pour sa part, l’Iran aide les États touchés du Moyen-Orient à combattre et à démanteler les groupes terroristes dans la région, à commencer par Daech. Enfin, après avoir appelé à la levée des mesures coercitives unilatérales, qui entravent la coopération internationale dans cette lutte, il a condamné les attaques terroristes systématiques menées contre le peuple palestinien, ainsi que celles qui ciblent des installations nucléaires pacifiques.
Mme MELINDA VITTAY (Hongrie) a salué l’inclusion dans le projet de résolution de la mention de la résolution 2664 (2022) du Conseil de sécurité et du rôle des organisations de la société civile dirigées par les femmes. Elle a cependant regretté les « ratés » de l’examen, alors que celui-ci est essentiel pour rendre la Stratégie pérenne et refléter les défis actuels. La représentante a ensuite informé de l’arrestation, cette semaine, d’un homme qui voulait commettre un attentat terroriste en Hongrie. Cet homme a trouvé son inspiration en ligne, en visionnant des attaques terroristes précédentes, et son objectif était de tuer autant de personnes que possible, a-t-elle précisé, ajoutant qu’il avait même posté des vidéos de son projet sur les médias sociaux. Elle s’est inquiétée de l’évolution du danger que présentent la radicalisation en ligne et les acteurs isolés. Elle a regretté à cet égard que la question de l’utilisation des technologies nouvelles et émergentes à des fins terroristes n’ait pas été abordée depuis le précédent examen de la Stratégie antiterroriste mondiale, en dépit du développement rapide de ces technologies et de leurs incidences sur l’exercice des droits de l’homme. Enfin, la représentante a demandé un financement durable et prévisible pour le Bureau de lutte contre le terrorisme des Nations Unies.
Au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, M. JOAQUÍN ALBERTO PÉREZ AYESTARÁN (Venezuela) a estimé que tous les actes, méthodes et pratiques terroristes sont injustifiables et violent de manière flagrante les principes de la Charte. Cela étant dit, le terrorisme ne peut être assimilé à la lutte légitime des peuples sous domination étrangère ou coloniale, a-t-il souligné. Il a rejeté l’instrumentalisation politique de la lutte contre le terrorisme, y compris sous la forme des listes établies arbitrairement ou unilatéralement accusant tel ou tel pays de soutenir le terrorisme. Les efforts en la matière ne sauraient servir sous aucun prétexte à justifier l’ingérence dans les affaires intérieures d’un État, a martelé le représentant.
Saluant ensuite l’adoption à l’unanimité de la résolution, il a réaffirmé le rôle central et premier des États et institutions nationales pour agir, avec l’aide des Nations Unies. Beaucoup a été fait depuis l’adoption de la Stratégie mondiale en 2006 mais le chemin à parcourir est encore long, a-t-il relevé. Il ne peut pas y avoir de bons ou de mauvais terroristes, a-t-il dit, avant de dénoncer les mesures coercitives unilatérales qui font obstacle à l’élimination du terrorisme. Il est nécessaire de reprendre aussi vite que possible les négociations sur une convention internationale, a-t-il plaidé, en conclusion.
M. ANTONIOS PAPAKOSTAS (Grèce) a noté que lors de l’examen de la Stratégie, les paragraphes pertinents de la résolution correspondant au trafic et au commerce illicites de biens culturels dont les terroristes peuvent bénéficier, ou qui peuvent être la cible d’attaques terroristes, n’ont pas été modifiés de manière significative. Or il a tenu à souligner l’importance de renforcer concrètement les efforts de lutte contre ce type de trafic et de commerce, et d’assurer le retour des biens exportés ou importés, illicitement exhumés ou volés, vers leur pays d’origine. Selon l’UNESCO, ce pillage contribue substantiellement au financement des groupes terroristes. Par ailleurs, a estimé le délégué, les acteurs de la société civile, en particulier les organisations dirigées par des femmes, devraient être davantage en mesure de contribuer aux objectifs de la Stratégie, dans un environnement qui respecte et promeut les droits humains. Enfin, le délégué a rappelé l’importance de la résolution 2664 (2022) du Conseil de sécurité afin que la législation et les mesures antiterroristes n’entravent pas les activités humanitaires et médicales, conformément au droit international humanitaire.
M. LUIS UGARELLI (Pérou) a jugé essentiel de soutenir les victimes du terrorisme et de veiller à ce qu’elles soient traitées avec dignité et respect. « Leur droit d’accès à la justice et aux mécanismes de réparation doit être garanti. » Renforcer la capacité des États à assister les victimes est fondamental à cette fin, a-t-il ajouté, soulignant que la prise en charge des victimes du terrorisme a été l’un des objectifs prioritaires de son gouvernement avec la politique nationale multisectorielle de lutte contre le terrorisme 2019-2023. S’agissant de la lutte contre le financement du terrorisme, le travail des cellules de renseignement financier et des douanes est décisif, a dit le délégué, plaidant pour l’amélioration des mécanismes de coopération et d’échange d’informations entre ces entités au niveau national et international. À cet égard, il a souligné que le Groupe d’action financière contre le blanchiment de capitaux et ses affiliés régionaux jouent un rôle important dans l’assistance aux États pour le renforcement de leurs systèmes financiers.
M. ARIEL RODELAS PEÑARANDA (Philippines) a souligné l’importance qu’il y a à assurer l’équilibre entre les intérêts des États et les quatre piliers de la Stratégie antiterroriste mondiale. Six ans après l’attaque terroriste inspirée par Daech dans le sud des Philippines, le Gouvernement, a indiqué le représentant, a adopté une stratégie visant notamment à établir des partenariats avec les collectivités, lutter contre le financement du terrorisme et renforcer le contrôle aux frontières. Dans les domaines aérien et maritime, les Philippines travaillent avec le Programme de lutte des Nations Unies contre le terrorisme axé sur les déplacements. L’incident de Marawi, a poursuivi le représentant, souligne la nécessité d’une approche globale. Il a d’ailleurs déploré que l’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale ait été trop courte. Insistant sur le respect des droits humains et du droit international humanitaire, le représentant a voulu que les programmes de renforcement des capacités soient conformes aux besoins des États en matière de sécurité mais aussi de développement. La lutte contre le terrorisme doit respecter la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’indépendance et l’unité de chaque État, a-t-il martelé.
M. AKAN RAKHMETULLIN (Kazakhstan) a estimé que la Stratégie antiterroriste mondiale reste un instrument unique pour renforcer les instruments de lutte contre le terrorisme. Elle n’envoie pas seulement un message clair mais elle permet aussi de prendre des mesures pratiques, notamment pour renforcer les capacités des États. Rappelant la contribution du Kazakhstan aux efforts internationaux, le représentant a rappelé qu’à ce jour, 25 organisations, y compris Al-Qaida, sont reconnues comme terroristes et extrémistes. Il a affirmé que son pays accorde une attention particulière à la réinsertion des ressortissants de retour d’Iraq et de Syrie, en particulier les femmes et les enfants, ajoutant que l’immense majorité a repris une vie normale.
M. YONG-ERN NATHANIEL KHNG (Singapour) a salué l’adoption par consensus d’un texte important, ce qui envoie un message fort d’unité des États Membres face au terrorisme et en faveur des quatre piliers de la Stratégie antiterroriste mondiale. Pour le délégué, il faudra en réexaminer les approches opérationnelles communes en 2026. Sur le plan national, son pays met l’accent sur la lutte contre le financement du terrorisme, l’action des autorités visant à détecter et dissuader le financement par le biais d’un régime de sanctions solide et des actions répressives. Le délégué a souhaité que la coopération internationale débouche sur davantage d’initiatives sur ce front. En Asie du Sud-Est, nous sommes parties à toutes les initiatives antiterroristes organisées sous les auspices de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), et nous continuerons de coopérer avec la communauté internationale au sens large pour défaire les groupes terroristes, a-t-il assuré.
M. MATEUSZ SAKOWICZ (Pologne) a noté qu’en 2021, lors du précédent examen de la Stratégie antiterroriste mondiale, personne n’aurait pu imaginer qu’un an plus tard nous assisterions à « l’horrible guerre en Europe », due à l’agression non provoquée de la Russie contre l’Ukraine. Cette situation, a-t-il déploré, a non seulement conduit à l’instabilité, à l’enterrement des accords existants et à la souffrance de personnes innocentes, mais a aussi inspiré de nombreuses organisations terroristes dans le monde. Relevant à cet égard que Daech, Al-Qaida et leurs affiliés ont changé de tactique et recruté de nouveaux membres, notamment en utilisant la propagande en ligne, il a constaté que l’Afrique est également touchée par ce fléau, auquel certaines forces paramilitaires et mercenaires, comme le groupe russe Wagner, contribuent en alimentant les conflits. Après avoir évoqué la menace croissante de l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan en Afghanistan et le débordement possible de ses activités en Asie centrale, le représentant a souligné la nécessité d’une approche globale du terrorisme et de ses causes profondes, qui implique les gouvernements, le secteur privé et la société civile. Des progrès doivent, selon lui, être faits en matière d’échange d’informations, de partage des meilleures pratiques et de coopération sur le terrain, notamment pour contrer l’utilisation abusive des nouvelles technologies et pour tarir les sources financières du terrorisme.
M. UHIMWEN ROBERT IMOHE (Nigéria) a salué le fait que la Stratégie antiterroriste mondiale prenne en compte des solutions lancées, menées et dirigées localement. Il a aussi fait valoir qu’une coopération internationale axée sur la prévention et le renforcement de la résilience joue un rôle essentiel pour stopper la propagation du terrorisme. Le Gouvernement nigérian a adopté en 2022 une loi sur la prévention, qui a créé le centre national de lutte contre le terrorisme. La loi vise aussi à l’élaboration et à l’application des politiques et stratégies de lutte contre le terrorisme, a-t-il précisé en se prévalant de la création par cette même loi de la commission nationale des sanctions, comme recommandé par les résolutions du Conseil de sécurité dans la lutte contre le financement du terrorisme. En outre, la loi établit un fonds d’affectation spéciale chargé d’indemniser les victimes d’actes terroristes.
Par ailleurs, la Commission nationale de lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre renforce les capacités du Nigéria à lutter contre les trafics d’armes, a poursuivi le délégué. Il a ajouté que le Gouvernement donne aussi la priorité à la lutte contre le financement du terrorisme, étant également déterminé à lutter contre l’utilisation abusive d’Internet et des nouvelles technologies par les groupes terroristes. Le Nigéria poursuit par ailleurs ses efforts de lutte contre les menaces posées par Daech et Al-Qaida en Afrique, dans le cadre d’un partenariat international. Pour le représentant, le neuvième examen de la Stratégie antiterroriste mondiale devra prendre en compte les propositions qui n’ont pas été retenues, comme celles visant à affronter l’augmentation de la menace terroriste en Afrique portée par Daech, Al-Qaida et leurs groupes affiliés. Pour le délégué, le prochain sommet africain sur la lutte contre le terrorisme, qui sera organisé à Abuja en 2024, sera l’occasion d’identifier des actions collectives visant à renforcer les efforts nationaux et les institutions régionales pour lutter efficacement contre la menace terroriste en Afrique.
M. DZHAIANI (Ukraine) a estimé que la résolution, dans le contexte de la guerre en cours de la Russie contre l’Ukraine, réitère l’attachement de la majorité des pays au respect des principes de souveraineté, d’intégrité territoriale, d’indépendance et d’unité de la Charte des Nations Unies. « Le monde entier est témoin des méthodes de guerre terroristes de Moscou en Ukraine », a-t-il déclaré, évoquant les attaques contre des zones densément peuplées, le chantage nucléaire et l’écocide en cours dans son pays. Le représentant a en outre accusé la Russie d’avoir miné les environs de la centrale nucléaire de Zaporijia, ce qui constitue une menace de catastrophe nucléaire non seulement pour l’Ukraine mais bien au-delà. La communauté internationale ne doit pas tolérer l’activité terroriste d’État de Moscou dans sa guerre contre l’Ukraine, a-t-il insisté, rappelant que les actes de nature terroriste de « l’État agresseur » et de ses soutiens devront faire l’objet de poursuites judiciaires internationales.
M. SURIYA CHINDAWONGSE (Thaïlande), rappelant que le terrorisme se joue des frontières, a noté que l’accès facile à Internet offre aux terroristes de nouveaux moyens de propager leur idéologie, de grossir leurs rangs et d’obtenir des financements. Pour y répondre, il importe d’adopter une approche multiforme qui promeuve la coopération internationale et le respect des droits humains, a-t-il souligné, se félicitant que ces éléments figurent dans la résolution adoptée par l’Assemblée générale. La Thaïlande, a assuré le délégué, est attachée à la prévention et à la lutte contre le terrorisme dans toutes ses manifestations, comme témoigne l’adoption de lignes directrices sur la coexistence et la diversité sociale dans le cadre du plan d’action contre l’extrémisme violent 2023-2027. Dans ce cadre, des ressources sont allouées à l’enseignement pour encourager un esprit critique, afin de créer des sociétés inclusives et sans préjugés, a-t-il précisé. Cet engagement va au-delà des frontières nationales, avec des échanges de renseignements et de bonnes pratiques, ainsi que des réunions au sein de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) sur la criminalité transnationale organisée et des travaux sur la communication stratégique face à l’extrémisme violent menés avec le Bureau de lutte contre le terrorisme. Enfin, le représentant a plaidé pour le renforcement des capacités de pays comme le sien, y voyant un élément essentiel dans la lutte mondiale contre le terrorisme.
M. PABLO ADRIÁN ARROCHA OLABUENAGA (Mexique) a fait remarquer que les défis de 2023 sont différents de ceux de 2006, lorsque la Stratégie antiterroriste mondiale a été adoptée. L’utilisation d’Internet pour la radicalisation et la diffusion de messages de haine ainsi que les financements en ligne des activités terroristes obligent à revoir la Stratégie pour nous assurer qu’elle demeure un outil à la hauteur des défis à relever. Le représentant a estimé que la lutte contre le terrorisme exige l’adoption d’une définition du terrorisme dans le cadre d’une convention générale sur la question. Il a déploré le manque de souplesse et de volonté politique qui ont empêché de parvenir à une résolution actualisée. La lutte contre le terrorisme doit respecter la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire et les droits humains, y compris le droit des réfugiés, a ajouté le délégué.
Il a ensuite mis l’accent sur l’importance de la prévention pour lutter efficacement contre le terrorisme, notamment par le développement, l’éducation, la création d’emplois, la justice sociale et l’égalité des sexes. Il a ensuite abordé la question du droit de légitime défense en citant l’Article 51 de la Charte et en priant de faire valoir ce droit seulement dans le cadre des limites des lois nationales, pour éviter de réveiller des sentiments de vengeance. Il a ensuite cité la résolution « parapluie » 2664 (2022) qui prévoit de ne pas entraver l’aide humanitaire dans la mise en place de mesures nationales de lutte contre le terrorisme. Il a aussi voulu que les mesures prises pour prévenir et combattre le terrorisme et l’extrémisme violent intègrent une véritable analyse de genre. Le fait que beaucoup des jeunes hommes décident de rejoindre des organisations extrémistes et de perpétrer des attentats terroristes nous oblige à mettre les notions de masculinité et de stéréotypes de genre au centre du débat, a conclu le délégué.
M. MITCHELL FIFIELD (Australie) s’est félicité que, lors du septième cycle d’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale, on ait reconnu l’impact parfois négatif des mesures antiterroristes sur les communautés qu’elles visent à protéger, car ces mesures exacerbent parfois les facteurs de radicalisation. Le représentant s’est ensuite félicité de la création de l’unité chargée des questions de genre et de droits humains au sein du Bureau de lutte contre le terrorisme, espérant que cela favorise une approche fondée sur le genre dans les travaux. Il a également salué les efforts déployés lors du huitième cycle d’examen pour renforcer les cadres de compréhension et de réponse aux dimensions sensibles au genre du terrorisme, y compris la manière dont les conceptions de la masculinité jouent un rôle. Nous sommes déçus que l’Assemblée générale n’ait pas été en mesure de trouver un consensus sur ce point, a-t-il cependant déploré. Par ailleurs, il a estimé qu’une approche globale de la société est essentielle pour prévenir efficacement l’extrémisme violent. La société civile est en effet la mieux placée pour connaître les dynamiques locales et les meilleures solutions, adaptées aux communautés locales, a-t-il souligné.
Enfin, se disant convaincu que le système des Nations Unies doit être transparent et responsable, le représentant s’est félicité des efforts déployés par le Bureau de lutte contre le terrorisme en vue d’élaborer des politiques stratégiques et de renforcer le suivi et l’évaluation. Il a dit attendre avec impatience l’élaboration d’un cadre de résultats, qui pourrait être utilisé dans l’ensemble du système des Nations Unies pour aider les parties prenantes à évaluer de manière exhaustive la mise en œuvre de la Stratégie. Cependant, a-t-il tempéré, nous aurions souhaité un contrôle indépendant de l’intégration de l’état de droit, des droits humains et de l’égalité des sexes en tant qu’éléments transversaux dans l’ensemble du travail des Nations Unies. Il a regretté qu’un consensus n’ait pas été atteint sur ce point.
Mme CECILE HILLYER (Nouvelle-Zélande) a attiré l’attention sur l’importance d’une approche inclusive et « pansociétale » de la prévention et de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, une approche « qui protège et promeuve les droits humains et qui soit sensible au genre ». La déléguée a souligné que le paysage mondial du terrorisme évoluant rapidement, la Stratégie doit s’adapter, être ambitieuse et inclusive pour refléter la nature changeante du terrorisme et de l’extrémisme violent. Elle doit également promouvoir et défendre les droits de ceux que l’on cherche à protéger, a insisté la représentante. Elle a répété que la Stratégie antiterroriste mondiale étant un document vivant, elle devra continuer d’être l’objet de discussions ouvertes et innovantes à l’ONU, du type de celles ayant prévalu lors des négociations sur le projet de résolution.
M. MOHAMMED ALI AHMED AL SHEHHI (Oman) a indiqué que son pays combat de manière constante le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations. En outre, Oman respecte les buts et principes de la Charte des Nations Unies et se conforme à la Stratégie antiterroriste mondiale, a ajouté le représentant, faisant également état d’une stratégie nationale et d’un cadre scientifique pour combattre le terrorisme et son financement. Oman s’est aussi doté d’une politique de prévention de la radicalisation afin de promouvoir les principes de tolérance et de non-recours aux discours de haine, a-t-il précisé. Le pays s’emploie par ailleurs à promouvoir une politique neutre en matière d’informations et croit en une justice internationale non sélective et aux vertus de la tolérance pour faire face à la recrudescence de la haine, favorisée par les conflits. Pour le délégué, une lutte efficace contre ces fléaux impose de couper les ressources alimentant les réseaux terroristes.
M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a noté que la menace est plus diffuse idéologiquement et géographiquement que jamais. Al-Qaida et de Daech restent résilients et déterminés, en particulier en Afrique et en Afghanistan. Les terroristes utilisent des drones, l’intelligence artificielle et des communications cryptées pour radicaliser les nouvelles recrues à la violence et commettre des actes de terrorisme. La communauté internationale doit maintenir une pression antiterroriste efficace contre ces adversaires, a fait valoir le représentant. Si les négociations ont été tendues, a-t-il admis, elles ont accouché d’un texte solide sur le rôle important de la société civile, de l’égalité des sexes et des droits humains. Il s’est félicité que la résolution mentionne les attentats terroristes motivés par la xénophobie, le racisme et d’autres formes d’intolérance, ou commis au nom de la religion ou de convictions, ce que les États-Unis appellent « l’extrémisme violent à motivation raciale ou ethnique ». Par ailleurs, le représentant a appelé les États Membres à rapatrier leurs ressortissants du nord-est de la Syrie et à fournir une assistance technique à cette fin et pour leur réintégration, et demandé des poursuites judiciaires à l’encontre des combattants terroristes étrangers. Enfin, il a regretté que la résolution soit restée muette sur la menace de l’utilisation de drones à des fins terroristes.
M. BRETT JONATHAN MILLER (Israël) a déclaré que 28 Israéliens ont été assassinés par des terroristes palestiniens ces six derniers mois, et évoqué plus de 150 attaques terroristes palestiniennes. Pendant ce temps, le terrorisme parrainé par l’État iranien finance, arme et entraîne en permanence des armées terroristes dans toute la région, a-t-il affirmé. En Israël, il est difficile de trouver une seule personne qui ne connaisse pas quelqu’un qui a été tué ou blessé dans un attentat terroriste, a poursuivi le représentant, dénonçant des attaques antisémites qui prolifèrent à une vitesse vertigineuse. Saluant l’adoption par consensus de la résolution, il a cependant estimé qu’une question cruciale ne reçoit pas l’attention qu’elle mérite. « Je veux parler de l’incitation via les plateformes de médias sociaux - principalement parmi les enfants », a-t-il expliqué. « Les enfants palestiniens à qui on a lavé le cerveau pour les inciter au meurtre se tournent de plus en plus vers le jihad et prennent les armes contre des Israéliens innocents », a-t-il déploré, affirmant que le nombre d’attentats perpétrés par des enfants palestiniens -dont certains n’ont que 13 ans- est en augmentation. Enfin, le représentant s’est dit très déçu de voir que le paragraphe 43 du préambule a été, une fois de plus, inclus dans cette résolution. Un élément essentiel pour combattre efficacement le terrorisme est d’adopter une approche de « tolérance zéro » pour contrer le terrorisme, a-t-il estimé. Or le paragraphe 43 du préambule va tout à fait à l’encontre de cette approche et sert à justifier certains actes terroristes et le meurtre de sang-froid de civils innocents, a-t-il affirmé, indiquant donc s’en dissocier.
Mme SOPHEA EAT (Cambodge) a reconnu que si les désaccords persistent quant à une définition du terrorisme, l’adoption du projet de résolution est un signe incontestable d’unité de vues sur les questions entourant ce fléau et les risques que représentent son essor mondial. Nous sommes tous concernés par ce phénomène, c’est pourquoi les réponses doivent être collectives, impliquant les pays, le secteur privé à la société civile, a-t-elle dit. Dans ce cadre, elle a souligné que le Bureau de lutte contre le terrorisme a un rôle vital de coordonnateur des actions antiterroristes à tous les niveaux. Sur le plan national, à l’heure de l’intelligence artificielle, nous avons modernisé, dans le respect du droit, notre système de protection des frontières et de surveillance aérienne, a fait savoir la déléguée, qui a ajouté que le comité national antiterroriste du Cambodge a contribué, à ce jour, à plus de 300 formations à la prévention des actes terroristes sur son sol.
Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) s’est félicitée que la résolution adoptée réaffirme que le terrorisme est une menace existentielle pour tous. Elle a également estimé que, pour faire progresser la lutte contre ce fléau, chacun des quatre piliers de la Stratégie antiterroriste mondiale doit bénéficier du même poids. La représentante a précisé que son pays accorde une attention particulière au quatrième pilier, relatif aux droits humains et à l’état de droit. Ces droits et principes doivent être au cœur de toute approche contre le terrorisme, a-t-elle fait valoir, relevant qu’enfreindre les droits en prétendant les défendre est la meilleure façon de miner la confiance des populations. La lutte contre le terrorisme doit offrir des alternatives aux idéologies extrémistes et nous ne parviendrons à les surmonter qu’en montrant l’exemple, notamment en respectant les droits de la personne en cas de poursuites judiciaires, a professé la déléguée.
L’Albanie, a-t-elle poursuivi, a adopté des stratégies nationales de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. En effet, bien qu’il n’ait pas connu d’attentats terroristes sur son territoire, le pays est confronté au phénomène des combattants terroristes étrangers. C’est pourquoi, a-t-elle expliqué, des mesures ont été prises pour permettre à ces combattants et à leurs familles un retour dans la dignité. Ceux reconnus coupables de crimes ont été traduits en justice et d’autres ont bénéficié de dispositifs de réinsertion dans la société. Enfin, la représentante s’est alarmée de la réduction, dans de nombreux pays, de l’espace accordé à la société civile, alors que, selon elle, celle-ci devrait avoir un rôle de premier plan dans les stratégies antiterroristes.
M. MOHAMMAD AAMIR KHAN (Pakistan) a indiqué que le pays avait perdu 80 000 vies du fait d’actes de terrorisme et qu’il continuait de subir des menaces provenant de groupes terroristes présents dans son voisinage. S’interrogeant sur les causes du terrorisme, le représentant a exhorté à faire la distinction entre la lutte pour l’indépendance et contre la domination ou l’occupation étrangère, d’un côté, et les actes de terrorisme, de l’autre. Il a dénoncé l’absence de mention des mouvances suprémacistes blanches et d’extrême droite dans la Stratégie actualisée, y compris les profanations de mosquées, du Coran et des musulmans. Le délégué a déploré que les préoccupations des États musulmans n’aient pas trouvé de place dans le texte de la résolution, en particulier celles relatives à la haine des immigrants. Il s’est interrogé sur la pertinence de cette approche fragmentaire qui refuse de condamner les discours de haine. Il a également regretté l’approche discriminatoire et biaisée relative à l’Islam, marquée par l’absence de la mention de la Journée mondiale contre l’islamophobie dans la résolution. Le représentant a invité l’Assemblée générale à examiner les raisons de la stigmatisation de l’Islam. Il a aussi appelé à examiner l’utilisation d’Internet par les groupes terroristes avant de demander la création d’une commission chargée de trouver l’équilibre entre les quatre piliers de la Stratégie antiterroriste mondiale.
M. DENNIS FRANCIS (Trinité-et-Tobago) a réaffirmé son appui à la mise en œuvre de la Stratégie antiterroriste mondiale qui constitue un pilier important sur lequel reposent les efforts de la communauté internationale dans ce domaine. Il a mentionné la loi de lutte contre le terrorisme de Trinité-et-Tobago, qui établit une architecture juridique solide. Le représentant a cité, notamment, les mesures qui peuvent être prises pour poursuivre au pénal les auteurs d’actes terroristes. Toutefois, la menace terroriste est mouvante et le contour de cette menace est aujourd’hui beaucoup plus flou, a-t-il mis en garde, citant l’éventail d’idéologies, l’émergence des loups solitaires ou encore la mauvaise utilisation des technologies émergentes. Pour les petits États en développement, ces défis sont complexes, plus nombreux, plus directs, a-t-il témoigné. Il a donc appelé à regrouper les expertises, les technologies et les infrastructures de lutte contre le terrorisme pour fournir une assistance technique aux autorités nationales de ces pays.
M. TOR TANKE HOLM (Norvège) s’est félicité de l’adoption par consensus de la résolution qui démontre selon lui la volonté commune des États sur la question de la lutte antiterroriste. Il s’est inquiété des tendances inquiétantes du terrorisme, citant l’Afrique qui est le continent le plus touché. Il a fait remarquer que, dans certains contextes, les mesures antiterroristes ont de graves incidences sur les droits humains. En l’absence d’une définition internationalement convenue du terrorisme, certains gouvernements ont déployé des mesures antiterroristes qui violent un large éventail de droits, a-t-il en effet constaté, soulignant que de telles mesures sont parfois utilisées pour cibler l’opposition politique, tout en réduisant l’espace de la société civile. Le représentant a conclu en plaidant pour que les quatre piliers de la Stratégie antiterroriste mondiale soient appliqués de la même manière, sans oublier de lutter contre les causes du terrorisme par le développement notamment.
Mme GABRIELE SCHEEL (Allemagne) a estimé que la Stratégie antiterroriste mondiale doit évoluer constamment pour refléter les nouveaux développements et les menaces émergentes, et fournir ainsi une base solide aux efforts communs des pays. Elle a rappelé que sur le plan national et dans les discussions à l’ONU, l’Allemagne met l’accent sur la prévention de l’extrémisme violent, et plus particulièrement l’extrémisme violent de droite. Nous apprécions donc l’important travail accompli pour analyser l’extrémisme violent propice au terrorisme, a-t-elle ajouté, le rapport du Secrétaire général et le récent manuel publié par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) pour lutter contre l’extrémisme violent de droite qui a apporté des contributions précieuses à ce propos. La représentante a également estimé que la Stratégie doit continuer de refléter les principes et les valeurs des Nations Unies, toute action antiterroriste devant en effet se fonder sur le respect des droits de l’homme et de l’état de droit, le soutien aux victimes et l’implication de la société civile.
M. NORBERTO MORETTI (Brésil) a estimé que s’il est permis de se réjouir de l’adoption aujourd’hui de cette résolution, il est également important de réfléchir aux raisons pour lesquelles nous n’avons pas été capables d’être plus ambitieux.
Pour parvenir à un consensus, il a fallu se contenter d’une révision qui est un peu plus qu’une mise à jour technique du septième cycle d’examen, s’est-il désolé. Il est naturellement difficile de se mettre d’accord sur une stratégie de lutte contre un ennemi dont on ne connaît pas exactement l’identité, a-t-il toutefois concédé. De fait, a-t-il constaté, malgré toutes les conventions internationales qui criminalisent certains actes terroristes, toutes les résolutions du Conseil de sécurité sur la lutte contre le terrorisme et les huit examens de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies, nous ne disposons toujours pas d’une définition juridique du terrorisme qui fasse l’objet d’un accord international. Il a, dès lors, jugé qu’il est grand temps de sortir de l’impasse dans laquelle se trouve depuis des décennies la Sixième Commission en ce qui concerne le projet de convention générale sur le terrorisme international. L’adoption d’une telle convention comblerait une lacune du droit international, a fait valoir le délégué en ajoutant qu’elle permettrait également d’éviter les perceptions fréquentes de deux poids deux mesures qui affaiblissent la lutte contre cette menace.
M. TIÉMOKO MORIKO (Côte d’Ivoire), après l’adoption de la résolution par consensus, a salué la réaffirmation de principes essentiels, tels que l’adaptation de la Stratégie antiterroriste mondiale à la mutation constante du phénomène, le besoin de respecter les quatre piliers de la Stratégie, l’importance de la prévention et la nécessité de promouvoir la coopération internationale en raison de la nature transfrontalière du terrorisme. Il s’est par ailleurs déclaré favorable à l’extension à trois ans du cycle d’examen de la Stratégie afin d’améliorer l’application des mesures arrêtées à chaque révision. Le représentant a ensuite rappelé que son pays, frappé par le terrorisme depuis 2016, a mis en place ces deux dernières années une politique de lutte contre les vulnérabilités dans les zones frontalières du nord, en proie aux incursions de groupes terroristes. Il a ainsi indiqué qu’en partenariat avec la France, une académie internationale de lutte contre le terrorisme a été créée en 2021. La Côte d’Ivoire, a ajouté le représentant, participe également à l’initiative d’Accra, qui vise à faciliter le partage d’informations et la conduite d’opérations militaires transfrontalières conjointes entre États Membres afin de prévenir l’extrémisme violent et de lutter contre la criminalité transnationale. Enfin, au titre de la coopération avec l’ONU, le pays a adhéré en 2021 au Programme de lutte contre les déplacements des terroristes et a participé en 2022 à un atelier de renforcement de l’application des mesures de gel des avoirs du Comité des sanctions contre Daech, Al-Qaida et les personnes, groupes et entités qui leur sont associés.
Saluant l’adoption à l’unanimité de la résolution, M. RICHARD CROKER (Royaume-Uni) a voulu que l’on profite des trois prochaines années pour travailler à la pérennisation de ce consensus. En pleine évolution, la menace terroriste persiste: l’emprise de Daech s’étend et le recours des terroristes aux nouvelles technologies, tels que les systèmes de drones aériens, se confirme. Nous devons travailler avec tous les États pour trouver un terrain d’entente face à ces menaces, a préconisé le représentant, en appelant à des mesures visant la création des sociétés que le monde veut édifier. L’égalité des sexes et les droits humains, s’est-il expliqué, sont au cœur de l’ONU et il revient au Bureau de lutte contre le terrorisme d’en tenir compte. Cette lutte, a-t-il ajouté, va aller au-delà de la coopération entre gouvernements. Elle exige des partenariats avec le secteur privé et la société civile.
M. RIYAD KHADDOUR (Syrie) a estimé que la propagation des combattants terroristes étrangers dans différentes régions du monde résulte en réalité du fait que certains États n’honorent pas leurs obligations internationales en matière de lutte contre le terrorisme. Ces pays doivent être tenus responsables pour leur rôle dans l’aggravation de ce fléau, en particulier au Moyen-Orient et en Asie centrale, a-t-il ajouté. Le représentant a accusé les États-Unis de maintenir une présence illégitime dans le nord-est de la Syrie pour se livrer à des tentatives de sédition dans les camps de prisonniers tenus par des milices qu’ils payent. Nous sommes prêts, a promis le représentant, à divulguer des informations sur les violations du droit international commises par les États-Unis dans cette région. Ce qu’ils veulent, c’est que la crise perdure, en faisant fi des conséquences humanitaires. Il est temps que les familles retenues comme de véritables otages regagnent leur pays d’origine pour que s’applique enfin le droit et que les États-Unis quittent le nord-est de la Syrie, a martelé le représentant.
M. JORGE EDUARDO FERREIRA SILVA ARANDA (Portugal) a salué l’adoption de la résolution par consensus, y voyant le reflet de l’engagement pris par les 193 États Membres pour lutter contre le terrorisme. Il s’est également félicité de l’absence de recul dans les libellés du texte adopté. Cela étant, le représentant a regretté que les délégations n’aient pas été prêtes à aller plus loin et aient manqué d’ambition sur certains points d’importance, notamment la participation de la société civile et l’égalité femmes-hommes. À ses yeux, la lutte contre le terrorisme nécessite une approche globale multidimensionnelle qui repose sur la coopération aux niveaux mondial, régional et national. Sur cette base, le délégué a assuré que son pays veille à ce que les quatre piliers de la Stratégie antiterroriste mondiale soient appliqués, en particulier le deuxième relatif aux mesures préventives. Le Portugal, a-t-il ajouté, est partie aux 19 instruments juridiques internationaux ayant trait à la lutte contre le terrorisme et a adopté une nouvelle stratégie pour prévenir et combattre ce fléau. Notant enfin que le terrorisme est une menace en évolution constante, il a jugé que seules des actions collectives et des solutions multilatérales inclusives permettront d’y remédier. Ce faisant, il importe aussi de respecter les droits humains et l’état de droit, en prenant soin d’intégrer les jeunes, les femmes, les dignitaires religieux et la société civile à cette entreprise, a-t-il conclu.
M. OLEG O. MIKHAYLOV (Fédération de Russie) a estimé qu’il était très important de préserver la nature consensuelle de la résolution sur la Stratégie antiterroriste mondiale. Dans le même temps, il faut examiner toute une gamme de questions telles que les mesures coercitives unilatérales ou les restrictions motivées politiquement, a-t-il aussi estimé, soulignant que de telles mesures nuisent aux efforts antiterroristes. Le représentant s’est dit inquiet de la multiplication des attentats, appelant à une attention particulière à la lutte contre le néo-nazisme et le nationalisme agressif. Il faut réfléchir aux moyens de contrer les idéologies extrémistes, a-t-il insisté, après avoir entendu ici-même à l’ONU les propos de personnalités de haut rang équivalents à une justification du terrorisme.
Dénonçant certaines délégations d’avoir voulu exploiter ce point à l’ordre du jour pour lancer des allégations infondées, le représentant les a accusées de vouloir placer dans tous les débats la problématique de l’Ukraine. En écoutant ces délégations, on a presque l’impression que le seul problème au monde, c’est le sort des Ukrainiens dont le régime utilise pourtant des méthodes ouvertement terroristes contre la Fédération de Russie et les Russes. Nous accuser de terrorisme relève tout simplement du cynisme, a conclu le représentant.
M. ABDUL RAHMAN (Malaisie) s’est inquiété de voir la perspective d’un vote augmenter à chaque cycle d’examen de la Stratégie. La Malaisie, a-t-il indiqué, a renforcé son cadre juridique national ainsi que sa coopération bilatérale et multilatérale pour enquêter sur les personnes suspectées d’être des terroristes. Le Gouvernement veille plus particulièrement à la menace que constitue l’utilisation à mauvais escient des technologies de l’information et des communications, d’Internet et des réseaux sociaux par des mouvances terroristes. Il privilégie les mesures de prévention en mettant en place des programmes de déradicalisation, réhabilitation et réintégration des anciens terroristes et de combattants terroristes étrangers. Le délégué a cité la vision « Malaysia Madani » qui met en avant les valeurs de compassion, d’équité, de respect et de gouvernance, en particulier parmi les jeunes. Le plan d’action national a permis d’écarter les menaces que représentent les idéologies extrémistes violentes, a-t-il assuré. Soulignant l’importance du respect et de la tolérance envers les religions, les cultures et les peuples, le délégué a rappelé que le terrorisme et l’extrémisme violent ne peuvent en aucun cas être associés à une religion, une nationalité, une civilisation ou une ethnie.
M. ANIL KAYALAR (Türkiye) a rappelé que son pays a été durement frappé par toutes les formes de terrorisme pendant des décennies, qui ont causé la mort de dizaines de milliers de civils. Nous connaissons bien ce phénomène qui constitue pour nous l’une des plus graves violations des droits humains. Le terrorisme ne peut et ne doit être associé à aucune religion, civilisation, nationalité ou groupe ethnique, a insisté le représentant, en s’inquiétant de la multiplication d’actes terroristes commis par une extrême droite propageant l’islamophobie, l’idéologie de la suprématie de la race blanche, les discours de haine, le racisme et la xénophobie. Les tensions régionales et sectaires, l’intolérance et la faiblesse des institutions publiques offrent un terrain propice à la propagande du terrorisme et du radicalisme. La Türkiye, a poursuivi le représentant, est une fervente défenseuse de la coopération internationale dans la lutte contre ces fléaux.
Notre pays est depuis des années, à l’avant-garde de la lutte contre les organisations terroristes qui ont des idéologies très diverses, comme le démontrent Daech, Al-Qaida, le PKK, le PYD ou encore l’YPG lesquels opèrent au-delà des frontières nationales, organisent des camps d’entraînement, acquièrent des ressources financières et exploitent les médias pour diffuser leur propagande et glorifier leurs actes malveillants à l’étranger. Malheureusement, certains auteurs d’attentats terroristes, leurs complices et leurs argentiers ont pu échapper à la justice et voyager librement. Or, a martelé le représentant, le succès de la lutte mondiale contre le terrorisme dépend des efforts collectifs pour refuser tout refuge aux groupes concernés. La communauté internationale ne saurait laisser ces groupes abuser des droits humains et des libertés fondamentales, et exploiter ainsi le droit d’asile. De même toute initiative visant à sous-traiter une organisation terroriste pour lutter contre une autre est condamnable. C’est une erreur grave et contre-productive qui ne manquera pas d’avoir un effet boomerang.
M. RAMESH KUMAR CHARMAKAR (Népal) a déclaré que son pays suit les enseignements du Bouddha et promeut l’harmonie, la paix, la compassion et la non-violence. Le Népal ne compte aucun groupe terroriste identifié sur son sol, a-t-il dit. Nous sommes déterminés à faire en sorte qu’aucun groupe terroriste n’utilise notre territoire pour attaquer un autre pays, a promis le délégué, avant de rappeler que le Népal est partie à neuf instruments internationaux de lutte contre le terrorisme. Il a aussi rappelé que son pays coopère avec INTERPOL et applique les sanctions onusiennes. « Ensemble, nous pouvons former un bouclier contre le terrorisme. »
M. ZHANG JUN (Chine) a constaté que le terrorisme continue de représenter un grand défi pour la paix et la sécurité internationales, comme en témoigne la menace persistante de Daech, Al-Qaida et leurs affiliés. De plus, d’autres organisations terroristes continuent d’étendre leur emprise en Afrique, a-t-il observé, jugeant essentiel de lutter contre les causes profondes de ce phénomène, comme les conflits et les troubles sécuritaires. Pour ce faire, l’heure est venue de renforcer la coopération internationale, avec l’ONU en son cœur. Dans ce domaine, a ajouté le représentant, il ne peut y avoir de sélectivité: « on ne peut se concentrer uniquement sur la lutte contre des groupuscules terroristes qui nous menacent en fermant les yeux sur des groupes qui s’attaquent à d’autre pays ou encore les blanchir parce qu’ils servent les intérêts de certains ». Étant donné que les terroristes se rallient à des organisations criminelles transnationales, l’action militaire seule ne peut suffire pour les combattre, a-t-il fait valoir, jugeant que les efforts entrepris doivent respecter le rôle de premier plan des pays concernés. Le soutien aux pays affectés doit en outre être axé sur un renforcement de leurs capacités, a soutenu le représentant, qui a invité les donateurs à ne pas en profiter pour « imposer leurs objectifs ». L’ONU, de son côté, doit allouer davantage de ressources à l’élaboration de lois et au renforcement des forces de l’ordre dans les pays en développement, a-t-il ajouté, espérant que le sommet de l’an prochain sur la lutte contre le terrorisme en Afrique contribuera à rallier le soutien de la communauté internationale au continent africain. Enfin, il a souhaité que davantage d’attention soit porté à la situation en Afghanistan, où des groupes terroristes mettent en péril la paix et la sécurité internationales.
Mme CARLA MARIA RODRÍGUEZ MANCIA (Guatemala) a demandé une application de la Stratégie antiterroriste mondiale conforme à ses quatre piliers. La résolution que nous venons d’adopter facilitera la lutte antiterroriste, a-t-elle déclaré, en se félicitant du consensus obtenu. Elle a insisté sur le lien entre terrorisme et criminalité transnationale organisée et mentionné les efforts de son pays visant à lutter contre celle-ci. Nous craignons que la criminalité transnationale organisée ne crée des mouvances terroristes, a-t-elle dit, en appelant à une coopération internationale renforcée afin d’y remédier. Enfin, elle a condamné le terrorisme sous toutes ses formes.
M. SARHAD SARDAR ABDULRAHMAN FATAH (Iraq), saluant le travail important de coopération internationale mené pour vaincre Daech, a indiqué continuer à lutter contre les vestiges du groupe terroriste et ses cellules dormantes. Il est important de dire que Daech continue d’être une menace et cherche une occasion pour lancer des attaques contre des civils, des infrastructures et des forces de sécurité, a-t-il mis en garde. Le représentant a ensuite tenu à souligner une question d’urgence, celle du camp al-Hol situé en Syrie, à 13 kilomètres de la frontière iraquienne. Ce camp compte 50 000 personnes et 10 000 combattants étrangers dont la plupart sont des femmes et des enfants, a-t-il signalé. Il a fait valoir que ce camp représente une menace directe tant à la sécurité iraquienne qu’à la sécurité régionale, citant notamment l’extrémisme qui s’y trouve. Il est revenu sur la décision courageuse du Gouvernement iraquien de transférer en Iraq ses ressortissants et de les enrôler dans un programme de réintégration. En outre, a-t-il ajouté, nous avons rapatrié des anciens combattants iraquiens emprisonnés en Syrie pour qu’ils soient jugés dans leur pays. Invitant tous les pays à s’acquitter de leurs responsabilités concernant les combattants terroristes et leurs familles en les ramenant dans leurs pays d’origine, le délégué a indiqué être en contact avec les États concernés.
Droit de réponse
La République islamique d’Iran a accusé Israël d’être la principale source d’instabilité au Moyen-Orient. C’est un régime de terreur qui se livre à la violence, à la torture et au terrorisme et qui essaie de diffuser de fausses informations et de politiser la lutte internationale contre le terrorisme. Le régime israélien, a-t-elle poursuivi, appuie ouvertement le terrorisme dans la région et au-delà. Ce régime a même reconnu son implication dans les attaques terroristes contre des fonctionnaires, des scientifiques et des civils iraniens. Il s’est vanté de ses opérations de sabotage contre nos infrastructures nucléaires civiles et dans d’autres pays. Nous rejetons, a dit la République islamique d’Iran, les allégations infondées et fabriquées de toutes pièces d’Israël, un régime terroriste qui ne respecte aucune règle ni aucun principe et qui n’a absolument pas le droit d’accuser les autres.