Commission de la condition de la femme: nouveau débat ministériel sur les mécanismes nationaux favorisant l’égalité des genres
Commission de la condition de la femme: nouveau débat ministériel sur les mécanismes nationaux favorisant l’égalité des genres
Comme la veille, la Commission de la condition de la femme a tenu, ce matin, un débat ministériel sur l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes et des filles, l’occasion pour les intervenants de présenter les mécanismes, législations et partenariats mis en place au niveau national pour traduire dans les faits le Programme d’action de Beijing, 30 ans après son adoption, et ainsi contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).
En tant que pierre angulaire du Programme de développement durable à l’horizon 2030, l’autonomisation économique et sociale des femmes passe par l’éducation, la santé, la protection contre la violence fondée sur le genre mais aussi par leur représentation systématique dans la prise de décisions à tous les niveaux, tant dans le milieu public et institutionnel que dans celui des affaires, ont souligné plusieurs participantes.
Dans ce droit fil, la Ministre et Directrice adjointe du Comité national de travail sur les enfants et les femmes du Conseil des affaires d’État de la Chine, panéliste de ce débat, a mis en avant la politique volontariste de son pays, décrivant l’étendue des efforts déployés par le Gouvernement central de son pays pour promouvoir le rôle des femmes dans la société et l’économie chinoises. Une politique qui s’appuie sur 75 objectifs et 33 mesures stratégiques, avec un système de suivi statistique reposant sur 2 500 indicateurs, a-t-elle expliqué, signalant une forte réduction des écarts entre hommes et femmes dans les domaines de l’éducation et de l’emploi.
L’entrepreneuriat et le crédit au service de l’autonomisation
Convaincu que le développement dépend de l’autonomisation des femmes et des filles, le Gouvernement sud-africain a également intégré une approche de genre pour toutes ses politiques, particulièrement sur le plan économique. La Ministre des femmes, de la jeunesse et des personnes handicapées de ce pays a précisé que des aides à hauteur de 100 milliards de rands ont été dirigées vers l’entrepreneuriat féminin et que 40% des marchés publics sont ouverts à des entreprises dirigées par des femmes.
L’indépendance financière étant l’un des principaux leviers de l’autonomisation, les interventions ont souvent porté sur l’importance, pour les femmes, de l’accès au crédit et aux services bancaires. À l’instar de nombreuses participantes de délégations africaines, la Ministre de la femme, de la famille et de l’enfant de la Côte d’Ivoire a fait état de « programmes structurants » destinés à accompagner l’entrepreneuriat féminin, notamment un fonds d’appui qui a permis à plus de 360 000 femmes d’accéder à un financement pour développer leurs activités économiques.
Son homologue de la solidarité nationale, des affaires sociales et du genre du Burundi a évoqué le soutien apporté aux femmes entrepreneurs par des banques d’investissement et de développement. Dans le même registre, la Ministre de l’action sociale, de la solidarité et de la promotion des femmes du Togo a indiqué que, par sa politique de quotas pour les marchés publics et les projets agricoles, le fonds national de la finance inclusive appuie l’entrepreneuriat féminin.
Il n’en reste pas moins qu’un financement international accru sera nécessaire pour garantir la pérennité des programmes d’égalité des genres, ont signalé tour à tour des représentantes du monde en développement. L’intégration systématique d’indicateurs sensibles au genre dans la planification et l’évaluation des politiques de développement a été encouragée.
Lutter contre les violences fondées sur le genre pour faire progresser les droits
Sur un autre volet, la Ministre de l’égalité des genres, de la prévention de la violence et de l’autonomisation des femmes de la Serbie, seul pays dans l’est des Balkans doté d’un tel ministère, a fait valoir que l’indépendance financière est un facteur essentiel pour lutter contre les violences conjugales.
La question de la violence fondée sur le genre, problématique partagée par les pays développés et en développement, a été abordée sous différents angles. La Ministre des femmes et de l’égalité des genres du Canada a ainsi annoncé que son pays a signé la semaine dernière la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme. Elle a qualifié ce traité de « mécanisme essentiel » pour faire progresser les droits des femmes dans le monde et fournir un cadre pour lutter contre les violences faites aux femmes et l’éradiquer.
De son côté, la Ministre de l’égalité des genres et de la diversité du Luxembourg a fait état de la préparation d’un premier plan national de lutte contre les violences fondées sur le genre, tandis que son homologue tchèque signalait un renforcement de la législation de son pays en la matière ainsi qu’un élargissement de la spécialisation des tribunaux pénaux en matière de violence domestique et sexuelle. La Vice-Ministre des affaires étrangères de la Géorgie s’est, pour sa part, enorgueillie de l’indemnisation qu’offre son pays aux victimes et survivantes de telles violences, y voyant une première étape vers la garantie de leur protection financière.
La participation aux décisions, condition de l’égalité des genres
Autonomisation et représentation des femmes dans les sphères de décision allant main dans la main, la Ministre de l’autonomisation des jeunes, du développement social, des questions de genre, du vieillissement et des handicaps de Saint-Kitts-et-Nevis, autre membre du panel ministériel, a axé son intervention sur les mesures prises par son pays pour promouvoir des femmes à des postes de dirigeant. Un effort qui a contribué à l’élection de la première Gouverneure générale en 2022, a-t-elle relevé, ajoutant que l’archipel connaît aujourd’hui son plus haut niveau de participation de femmes au sein du Cabinet gouvernemental et du Parlement, et que sa fonction publique est gérée à 75% par des femmes.
Sur le même thème, la Ministre de la cohésion sociale et des affaires familiales de la Grèce a indiqué que son pays fixe désormais des quotas pour les femmes dans toutes les procédures électorales et dans les conseils d’administration. La Ministre de la promotion des femmes, de l’enfance et des personnes vulnérables de la Guinée a, quant à elle, fait état de l’adoption d’une loi sur la parité permettant l’accès des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives dans les institutions publiques. Elle a ajouté que l’avant-projet de la nouvelle Constitution prévoit des quotas importants pour les femmes dans les instances de prise de décision.
De l’avis de la Ministre de la famille des Émirats arabes unis, les quotas de genre, tant dans le secteur public que le secteur privé, se révèlent être un catalyseur important pour lutter contre la sous-représentation systématique des femmes et les obstacles institutionnels. Elle a précisé que, dans son pays, au moins un siège doit être réservé aux femmes au sein des conseils d’administration. La Vice-Ministre des affaires étrangères du Japon a évoqué des règles comparables, des objectifs chiffrés étant fixés pour la représentation de femmes cadres dans les principales entreprises cotées en bourse.
Depuis 2022, a-t-elle poursuivi, le Japon a également rendu obligatoire pour les entreprises d’une certaine taille de divulguer des informations sur les écarts de salaire entre les hommes et les femmes, une question épineuse soulevée par d’autres intervenantes, en particulier la Secrétaire d’État à la famille, aux personnes âgées, aux femmes et aux jeunes de l’Allemagne, selon laquelle les femmes de son pays gagnent deux fois moins que les hommes au cours de leur vie. L’une des raisons à cela est qu’une femme sur deux en Allemagne travaille à temps partiel, le plus souvent contre son gré, a concédé la responsable, avant d’appeler à investir dans l’offre de garde d’enfants et à concevoir un monde du travail favorable à la famille, en collaboration avec des partenaires du secteur privé et des syndicats.
Pour pouvoir agir sur l’égalité économique et salariale, la Belgique et l’Estonie ont dit miser sur le numérique afin de disposer de données chiffrées en temps réel. La Ministre estonienne a annoncé la mise en place un programme dédié spécifiquement à la lutte contre les écarts de salaires entre les hommes et les femmes, qui permet aux employeurs et décideurs de les analyser en quelques « clics ».
La société civile, acteur essentiel du changement
Ce débat a aussi été marqué par des appels au sursaut, compte tenu des reculs alarmants observés dans de nombreux pays. Décrivant le jalon de 1995 comme un véritable « mandat » pour la communauté internationale, la Secrétaire d’État allemande a exhorté les tenants de l’autonomisation des femmes et des filles à « maintenir le cap », alors qu’aucun pays au monde n’a réellement atteint une véritable égalité des sexes au sens de l’ODD no 5.
« Le changement ne se produit pas tout seul, il est le résultat des efforts déterminés de gouvernements progressistes à travers le monde, d’une société civile forte, notamment des organisations de femmes, et de la puissance du multilatéralisme », a renchéri la Ministre de l’égalité des genres et de la vie professionnelle de la Suède, résumant le sentiment d’une large part des participantes, notamment de l’Envoyée spéciale pour les femmes et les filles du Royaume-Uni.
La Ministre de la protection sociale de l’Estonie, autre panéliste de cette discussion, a, elle, mis en garde contre la montée de mouvements populistes qui alimentent les idéologies antiféministes et menacent la sécurité des femmes et des filles dans le monde entier. Face à cette tendance, elle a mis en exergue le rôle de premier plan joué par la société civile.
Abondant en ce sens, la Ministre du bien-être et de la réduction de la pauvreté, de la culture et de l’égalité des chances de la Belgique a argué qu’en impliquant la société civile, les politiques d’égalité des genres gagnent en intégrité, en efficacité et en résilience. Ce n’est qu’ainsi que leur impact peut être durable, a-t-elle insisté.
Demain, jeudi 13 mars, la Commission tiendra à 10 heures un dialogue interactif de haut niveau sur son rôle dans l’accélération de la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing, avant de poursuivre son débat général dans l’après-midi.