Conseil de sécurité: l’escalade entre Israël et l’Iran ne doit pas saper les progrès de la transition en Syrie, insistent les délégations
Ce matin, les appels ont été nombreux au Conseil de sécurité afin que l’affrontement en cours entre Israël et l’Iran n’affecte pas la transition politique en Syrie. Les risques d’une escalade accrue pourraient en effet de compromettre les progrès fragiles en Syrie, a déclaré l’Envoyée spéciale adjointe du Secrétaire général pour la Syrie, Mme Najat Rochdi, qui a salué certains développements positifs, dont les mesures prises par les autorités syriennes pour apaiser les tensions confessionnelles. De nombreuses délégations ont par ailleurs condamné les incursions répétées d’Israël en Syrie.
« La Syrie ne peut pas se permettre une nouvelle vague d’instabilité », a déclaré l’Envoyée spéciale adjointe, en appelant l’Iran et Israël à faire montre de la plus grande retenue. S’ils sont fragiles, les progrès de la transition sont bien réels en Syrie, une étape cruciale ayant été franchie avec l’établissement d’une nouvelle assemblée du peuple. Mme Rochdi a salué, à ce titre, le récent décret présidentiel portant formation du comité suprême des élections de l’assemblée du peuple, qui sera notamment chargé d’arrêter le calendrier électoral.
« L’assemblée devra être la pierre de touche du consensus politique et un facteur de stabilisation. » La protection de toutes les composantes de la société syrienne et la prévention des violences communautaires sont également fondamentales pour la stabilité du pays, a poursuivi l’Envoyée spéciale adjointe. Si des incidents violents bien que sporadiques se sont poursuivis à Homs, à Hama et dans les régions côtières, certains signes sont encourageants, a-t-elle déclaré. Les autorités intérimaires ont ainsi pris des mesures pour apaiser les tensions, dont l’adoption d’une fatwa interdisant les vengeances et représailles extrajudiciaires.
Justice et transition vont de pair
La réinstallation des juges limogés par l’ancien régime est un autre développement positif dans la restauration de la confiance du peuple en la justice, a affirmé Mme Rochdi. La justice a d’ailleurs été au cœur de l’intervention de Mme Amneh Khoulani, défenseuse des droits humains, survivante et Directrice exécutive de l’organisation non gouvernementale (ONG) Adalaty Centre, qui a perdu trois frères, exécutés par l’ancien régime. « La justice transitionnelle est un impératif national et moral essentiel à l’instauration de la paix civile », a-t-elle rappelé. Elle a notamment salué la création récente de la Commission nationale pour la justice transitionnelle et de la Commission nationale pour les disparus.
« La Syrie doit être reconstruite par son peuple, sans discrimination et avec l’inclusion comme principe directeur de chaque étape. » Le régime précédent ayant laissé derrière lui un État dévasté, dépourvu d’institutions fonctionnelles, Mme Khoulani a estimé que la Syrie a besoin d’une aide internationale responsable et pleinement respectueuse de son indépendance. Même son de cloche du côté de Mme Joyce Msuya, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, qui a appelé la communauté internationale à rester concentrée sur la crise humanitaire en Syrie, l’une des plus importantes au monde.
Mme Msuya a rappelé que les trois quarts de la population ont encore besoin d’aide humanitaire, le pays comptant plus de 7 millions de personnes déplacées. « Alors que nous sommes à la moitié de l’année, le plan d’aide humanitaire pour la Syrie a reçu 260 millions de dollars, soit à peine 14% des fonds nécessaires. » Dans un contexte de crise des financements, l’ONU entend réduire son déploiement. Cela signifie « faire moins avec moins », a justifié Mme Msuya. Pour éviter que les populations ne soient dépendantes de l’assistance, la Sous-Secrétaire générale a appelé à rétablir les moyens de subsistance de la population.
La levée des sanctions, une ouverture pour la réactivation économique
Dans ce droit fil, l’Envoyée spéciale adjointe a salué les récentes décisions de levée des sanctions des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Union européenne en vue de la « réactivation économique » de la Syrie. À l’instar des États-Unis et de la Türkiye, elle a salué la signature de contrats pour la construction de plusieurs installations gazières et d’énergie solaire. Une nouvelle ère s’ouvre en Syrie, a déclaré la déléguée des États-Unis, qui s’est félicitée de la reprise des vols vers Damas. Mme Khoulani a néanmoins estimé que la levée des sanctions ne doit pas signifier la fin du soutien international à la Syrie.
« Nous voulons tourner la page une fois pour toutes », a appuyé le représentant syrien. Il a assuré que son gouvernement mène des efforts de réconciliation nationale et entend garantir la reddition de comptes pour les auteurs de violations graves. Parallèlement, il s’emploie à rétablir les services essentiels et à régler la question des camps du nord-est, où les conditions de vie sont insoutenables. « La Syrie ne demande pas une aide humanitaire d’urgence mais veut plutôt nouer des partenariats mutuellement bénéfiques », a-t-il expliqué, avant de remercier les pays qui ont levé les sanctions imposées « depuis trop longtemps » à la Syrie.
Le risque redouté d’escalade dans la région
Mais c’est bien l’escalade régionale en cours qui a été au cœur des préoccupations. Le grave conflit entre l’Iran et Israël jette une ombre sur les développements positifs en Syrie et exacerbe les défis considérables que Damas doit relever pour reconstruire le pays, a déclaré la République de Corée. « Ce nouveau et malheureux développement ne doit pas saper la dynamique positive de la Syrie après 14 années de dévastation. » Nous devons tout faire pour éviter que cette situation affecte la transition en Syrie, a appuyé la France. « Son succès doit permettre à la Syrie de devenir un pôle de stabilité régionale. »
Le Royaume-Uni a mis en garde contre un risque d’escalade de la crise actuelle, avec de graves conséquences pour la sécurité régionale et au-delà, y compris en Syrie, et encouragé les acteurs à éviter toute activité susceptible de déstabiliser davantage la région. De son côté, le Pakistan a dénoncé l’agression lancée par Israël contre l’Iran, estimant qu’elle risque d’alimenter un conflit à plus grande échelle. Le délégué de l’Iran a, lui, fustigé les attaques terroristes et barbares lancées contre son pays par Israël en violation de la Charte des Nations Unies, qui ont tué au moins 224 civils, dont de nombreux enfants.
« Ce sont des crimes de guerre », a estimé le délégué, alors que la réponse iranienne a été défensive, limitée et proportionnée, en ne ciblant que les infrastructures directement impliquées dans l’agression. « L’Iran ne cherche pas l’escalade mais n’hésitera pas à défendre son peuple, sa souveraineté et son intégrité territoriale. » L’Iran n’a pas déclenché cette guerre, a-t-il tranché, en dénonçant le « feu vert » donné à Israël par les États-Unis. Estimant que ce pays est le seul à pouvoir mettre un terme à l’agression israélienne, le représentant a regretté que le Président Trump ait, au contraire, appelé la nuit dernière à l’évacuation de Téhéran. « Une telle menace est irresponsable. »
L’Iran, à l’instar de la République de Corée, du Pakistan, de la Fédération de Russie ou encore du Yémen, au nom du Groupe des États arabes, a condamné les incursions israéliennes en Syrie. L’Algérie, au nom des A3+ (Algérie, Sierra Leone, Somalie et Guyana), a dénoncé les violations de l’Accord sur le dégagement des forces. « Le Golan syrien occupé demeure un territoire syrien au regard du droit international. » Les attaques répétées d’Israël sont un obstacle à la stabilité, a fait aussi remarquer le délégué de la Syrie. Ces attaques sont inacceptables, a tranché l’Envoyée spéciale adjointe, en estimant néanmoins que la voie diplomatique demeure possible. Les États-Unis ont encouragé la Syrie et Israël à signer un accord de non-agression.
Lutte contre le terrorisme et recherche des responsabilités
La recrudescence des actions de Daech en Syrie a enfin alarmé les délégations. « Des mesures décisives doivent être prises pour lutter contre le terrorisme et régler la situation des terroristes étrangers », a tranché la Russie, appuyée par la Chine. La République de Corée a, elle, exhorté les autorités syriennes à la vigilance afin que les idéologies extrémistes ne prennent pas racine dans les institutions naissantes de la Syrie. La Türkiye s’est dite disposée à travailler avec la Syrie pour sécuriser les camps du nord-est et empêcher une résurgence du terrorisme.
Enfin, revenant à l’impératif de justice transitionnelle, la France a recommandé aux autorités syriennes de poursuivre leur coopération avec les organes des Nations Unies compétents en matière de reddition des comptes. Elle a en outre réclamé la tenue des engagements pris avec les Kurdes syriens.
Suivez les délibérations: En direct de l'ONU | Couverture des réunions & communiqués de presse