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Décolonisation: Gibraltar et l’Espagne font valoir leurs divergences sur l’avenir du « Rocher », malgré un futur traité auquel sera également partie l’Union européenne

Session de fond de 2025
10e séance – matin
AG/COL/3393

Décolonisation: Gibraltar et l’Espagne font valoir leurs divergences sur l’avenir du « Rocher », malgré un futur traité auquel sera également partie l’Union européenne

« Nous ne renoncerons jamais au principe de l’autodétermination des peuples.  Nous ne l’abandonnerons jamais.  Nous le défendrons toujours. »  C’est en ces termes que le Chef du Gouvernement de Gibraltar a revendiqué, ce matin devant le Comité spécial de la décolonisation, l’exercice de ce droit, rappelant que le choix des Gibraltariens est de rester à 100% britanniques.

M. Fabian Picardo a donc revendiqué le droit inaliénable des Gibraltariens à décider de leur avenir à l’intérieur des frontières internationalement reconnues. Sur le plan juridique et moral, ce principe l’emporte sur toute revendication que « notre voisin » pourrait faire valoir, a-t-il balayé, en parlant de l’Espagne, considérant que l’avis rendu par la Cour internationale de Justice (CIJ) sur les Chagos ne faisait que renforcer la position de Gibraltar.

Pour sa part, l’Espagne a maintenu sa position de longue date, à savoir que cette « situation coloniale » affecte gravement son intégrité territoriale.  Oubliez les « références inutiles » et rebattues aux résolutions de l’Assemblée générale des années 1960, qui, selon Madrid, étayent ses revendications de souveraineté, a poursuivi le Ministre principal.  Il a rappelé que ces textes remontent à une époque où l’Espagne était dirigée par la dictature franquiste, qui avait décidé de se servir de ce Comité pour faire valoir ses prétentions sur Gibraltar.  En tout état de cause, a argué M. Picardo, rien dans ces résolutions ne peut remettre en question le droit inaliénable à l’autodétermination du peuple d’un territoire non autonome.  Il a donc exhorté le Comité spécial à organiser une mission de visite à Gibraltar avec le soutien de son peuple et de la Puissance administrante – le Royaume-Uni. 

Pas plus tard que la semaine dernière cependant, l’Espagne et Gibraltar sont parvenus à un accord avec l’Union européenne (UE) sur la manière dont leurs relations seront réglementées dans le cadre d’un futur traité entre Londres et Bruxelles, ce dont se sont félicités à la fois la délégation espagnole et M. Picardo. Comme indiqué dans la déclaration commune du 11 juin, cet accord préservera les positions juridiques respectives de l’Espagne et du Royaume-Uni en matière de souveraineté et de juridiction. 

La première a affirmé que son objectif principal est de garantir la coexistence et la prospérité dans toute la région.  À cette fin, toutes les barrières physiques seront supprimées, a indiqué l’Espagne, y compris la clôture, la dernière à subsister sur le territoire de l’Europe continentale.  Cela garantira la libre circulation des personnes et des marchandises entre le territoire de Gibraltar et la zone environnante, profitant ainsi aux dizaines de milliers de personnes qui se déplacent quotidiennement dans les deux sens, s’est félicitée cette délégation.  L’aéroport sera également ouvert aux vols britanniques, européens et espagnols.

En outre, un mécanisme de concertation obligatoire sera mis en place afin de relever tous les défis environnementaux, y compris les rejets et les remblais, a encore fait valoir l’Espagne.  Toutes les parties à l’accord se sont également engagées à contribuer à un mécanisme financier visant à promouvoir la cohésion et à soutenir l’emploi, en réduisant considérablement les inégalités qui existent dans la région. 

Il s’agit en définitive d’un accord visant à améliorer la vie des plus de 300 000 habitants de la région, et en particulier celle des milliers de travailleurs frontaliers, s’est encore félicitée la délégation.

Toutefois, indépendamment de l’accord annoncé, l’Espagne a réitéré son appel au Royaume-Uni pour qu’il aborde la question de la décolonisation de Gibraltar dans le plein respect du principe d’intégrité territoriale.  Le Chef de gouvernement du Rocher a de son côté soutenu que c’est l’opinion de son peuple qui doit être respectée, et non une position qui remonte au Traité d’Utrecht, conclu en 1713. 

Le Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux entamera demain, 18 juin, à 10 heures, l’examen de la question des Îles Falkland (Malvinas).

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Le Comité spécial de la décolonisation adopte une résolution favorable à l’indépendance de Porto Rico malgré des appels pressants au statut d’État fédéré

Session de fond de 2025
8e & 9e séances – Matin & après-midi
AG/COL/3392

Le Comité spécial de la décolonisation adopte une résolution favorable à l’indépendance de Porto Rico malgré des appels pressants au statut d’État fédéré

Le Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux a entamé, aujourd’hui, la deuxième semaine de sa session de fond annuelle en entendant les avis de plusieurs dizaines de pétitionnaires, les uns favorables à l’indépendance de l’île de Porto Rico, les autres plaidant pour le statut d’État fédéré des États-Unis, voire pour la libre association ou encore la réunification avec l’Espagne.  Il a ensuite fait sien un projet de résolution réaffirmant le droit inaliénable du peuple portoricain à l’autodétermination et à l’indépendance, tel qu’énoncé dans la résolution 1514 (XV) adoptée en 1960 par l’Assemblée générale.

Cette séance, qui s’est tenue dans une atmosphère passionnée, des applaudissements nourris ponctuant les interventions des différents camps, faisait suite à l’organisation, le 5 novembre 2024, d’un nouveau plébiscite sur le statut futur de l’île, parallèlement aux élections générales portoricaines.  Si l’accession au statut d’État fédéré a d’abord été donnée victorieuse avec 56,82% des voix, devant l’indépendance (30,85%) et la libre association (12,33%), les résultats ont ensuite été modifiés par la Commission électorale de Porto Rico en raison d’une « erreur » dans le fonctionnement de l’urne électronique.  Le statut d’État fédéré a finalement obtenu 58,61% des voix, contre 29,57% pour la libre association et 11,82% pour l’indépendance.

Toutefois, comme le rappelle le rapport établi par le Rapporteur du Comité spécial (A/AC.109/2025/L.13), plusieurs formations politiques, dont le Parti indépendantiste portoricain (PIP), avaient demandé aux électeurs de voter blanc et, au total, 165 521 votes blancs ont été dénombrés.  En prenant en considération l’ensemble des voix exprimées, y compris les votes blancs, la majorité des votants n’étaient pas favorables à l’accession au statut d’État fédéré, précise le rapport.

À l’aune de ces faits, M. Adrián González Costa, Sénateur et membre du PIP, s’est prononcé pour l’élection d’une « assemblée de statut » à Porto Rico afin de sélectionner des délégués engagés en faveur d’« alternatives non coloniales et non territoriales ».  Ces délégués, a-t-il expliqué, deviendraient les interlocuteurs du Congrès et du Gouvernement des États-Unis dans le cadre d’un processus de négociation permettant au peuple portoricain de choisir son avenir parmi des alternatives rendant possible la décolonisation économique et politique de l’île.

Dénonçant à cet égard « plus d’un siècle de subordination juridique, de répression culturelle et de déni systématique du droit à l’autodétermination », Mme Vivian Godineaux Villaronga, Présidente du Barreau de Porto Rico, a soutenu que « le droit des peuples à choisir librement leur système de gouvernement et leur destin politique est un droit naturel inaliénable » et qu’aucune législation contraire à ce droit ne peut être admise.  C’est pourquoi elle a réclamé que le cas de Porto Rico soit réexaminé conformément aux dispositions de la résolution 1514 (XV), avant d’appeler à son tour à la convocation d’une « assemblée constitutionnelle sur le statut », élue démocratiquement et dotée des pouvoirs nécessaires pour négocier avec les États-Unis en vue de garantir un processus d’autodétermination légitime et contraignant.

Dans la même mouvance, M. Jaime Esteban Inclan, porte-parole de l’association Friends Of Puerto Rico Impact, a plaidé pour la création d’un État souverain et indépendant, faisant valoir que « le besoin d’appartenance et d’identité suppose que les Portoricains disposent d’un drapeau et d’une patrie ».  Et si l’impérialisme américain a provoqué bien des ravages sur l’île depuis l’invasion de 1898, « nos racines sont profondes », a assuré cet indépendantiste convaincu.

Le mois prochain marquera le cent-vingt-septième anniversaire du régime colonial des États-Unis à Porto Rico, « deux fois plus long que le colonialisme belge au Congo », a renchéri M. Calvin Yohannan Boricuas, représentant d’Unidos en la Diáspora, souhaitant que le Comité spécial serve de plateforme pour dénoncer cette « injustice » et aide l’île à ne « plus dépendre des caprices de politiciens américains ».  Un avis partagé par M. Edwin Ortiz, de Call to Action, qui a exhorté l’ONU à condamner les violations du droit international dont se rendent coupables les États-Unis, « à Porto Rico comme dans le Territoire palestinien occupé ».

De manière connexe, M. Yoandry Carlos Oduardo Torres, membre de l’Asociación Cubana de las Naciones Unidas, a qualifié d’« offense à l’ONU et à la communauté internationale » le fait que, 65 ans après l’adoption de la résolution 1514 (XV), Porto Rico attende toujours la réalisation de son droit fondamental à l’autodétermination.  « En tant que Cubains qui avons lutté contre le colonialisme et l’ingérence étrangère, nous ne pouvons pas rester silencieux face à cette injustice historique », a-t-il martelé, jugeant impératif que le Comité spécial et l’Assemblée générale défendent plus activement l’indépendance de l’île.

Même son de cloche de la part de Mme Cynthia Rodríguez Santos, de Jornada: Se Acabaron Las Promesas, pour qui les plaidoyers en faveur de l’accession au statut d’État fédéré ou pour la libre association ne sont que des formes déguisées de colonisation.  « Le seul processus légitime est l’indépendance, le reste n’est que complicité avec les forces d’oppression », a-t-elle argué, appuyée par M. Kevin Rivera-Medina, de Comite Pro Derechos Humanos de Puerto Rico, qui a fustigé le « joug économique et politique » des États-Unis et les abus commis par l’Administration Trump sous couvert de mesures migratoires.

Face à ce tir de barrage pro-indépendance, les tenants de l’intégration de Porto Rico comme cinquante et unième État fédéré des États-Unis ne sont pas restés inertes. Membre de la section du New Jersey de la Coalition for Statehood for Puerto Rico, M. Ramon Vazquez-Escudero a estimé que le résultat du plébiscite de 2024 montre clairement que le peuple portoricain « préfère devenir le cinquante et unième État de l’Union plutôt que d’opter pour l’indépendance ».  À ses yeux, les Portoricains veulent jouir des avantages associés au statut d’État fédéré, il ne serait ni juste ni démocratique de les priver de cette possibilité.

« Nous demandons la justice, pas la compassion », a abondé M. Ignacio Ros, Président d’un syndicat d’Atlanta, rappelant que les Portoricains ont voté quatre fois en 12 ans pour devenir un État fédéré.  Or, a-t-il déploré, le Congrès des États-Unis ne tient pas compte de ces consultations et prive le peuple portoricain de son droit d’être représenté.  « Ce n’est pas une démocratie, cela va à l’encontre des principes des Nations Unies. »  Pour que nous ne soyons plus considérés comme des « citoyens de seconde classe », il est impératif que Porto Rico devienne le cinquante et unième État américain, a appuyé Mme Beatriz Areizaga, membre de la délégation élargie du Congrès portoricain.

Le peuple portoricain a exprimé sa volonté lors de quatre plébiscites, en 2012, en 2017, en 2020 et en 2024, a insisté M. Mario Solano, du Statehood Texas Chapter.  « Son choix du statut d’État fédéré illustre un souhait collectif de parvenir à l’égalité », a-t-il analysé, estimant que le rejet de l’indépendance est aussi « un refus du marxisme caribéen ».

Dans ces conditions, comment comprendre que le Comité spécial adopte depuis 42 ans une résolution appelant à l’autodétermination et à l’indépendance, s’est interrogée Mme Zoraida Velez Beniquez, membre d’une délégation élargie du Congrès de Floride. Considérant que « l’indépendance est un leurre du colonialisme », elle a invité le Comité spécial à reconnaître les résultats de l’expression du peuple portoricain en faveur du statut d’État fédéré « libre et souverain » et de les inscrire dans le projet de résolution soumis au vote de l’organe.

De rares voix se sont aussi élevées pour proposer la réunification de Porto Rico avec l’Espagne. Le pétitionnaire Juan Manuel Cruz de Armas, résident et natif de l’île, a ainsi estimé qu’en redevenant une province espagnole, sa patrie « jouirait de l’égalité politique et de la capacité de gérer son économie, sans restrictions unilatérales et dans une relative harmonie, au sein de la nation que son peuple a forgée il y a cinq siècles ».

Le débat général qui a suivi ces prises de position a fait pencher la balance du côté de l’autodétermination et de l’indépendance.  Par la voix de Saint-Vincent-et-les Grenadines, le Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies a constaté que, depuis que cette question a été inscrite à l’ordre du jour du Comité spécial en 1972, aucun progrès n’a été réalisé dans le processus de décolonisation de Porto Rico, principalement en raison du manque de volonté politique de la Puissance administrante, soucieuse de consolider sa domination économique, politique et sociale sur cette nation.

Le Venezuela a, pour sa part, accusé « l’empire américain » de mener à son encontre des actions secrètes et d’espionnage en utilisant Porto Rico comme une simple base pour faire avancer son interventionnisme.  Pour la délégation, le Comité spécial ne peut et ne doit ignorer les implications plus larges de la question coloniale de Porto Rico, qui, loin de ne concerner que les États-Unis, se révèle être « une question géopolitique ayant des conséquences régionales, voire mondiales ».

Cuba a, elle, dénoncé le statut colonial actuel de Porto Rico, qui empêche son peuple de décider souverainement des graves problèmes économiques et sociaux qui l’affectent.  Une situation aggravée par la privatisation de services essentiels, tels que le système de production et de distribution d’électricité, et l’imposition de la « mal nommée Commission de surveillance budgétaire », qui conduisent à un renforcement de la subordination coloniale, au lieu de permettre au peuple portoricain d’exercer pleinement son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance, s’est indignée la délégation.

Dans le prolongement de ces diatribes, le Comité spécial a adopté, sans mise aux voix, sa résolution relative à Porto Rico (A/AC.109/2025/L.7), laquelle demande de nouveau au Gouvernement des États-Unis d’assumer la responsabilité qui lui incombe de prendre des mesures qui permettront au peuple portoricain d’exercer pleinement son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance, dans le strict respect de la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale et de ses propres résolutions et décisions. 

Soumis par Cuba, l’État plurinational de Bolivie, la Fédération de Russie, le Nicaragua et le Venezuela, le texte demande en outre aux États-Unis de prendre des décisions souveraines afin de répondre d’urgence aux besoins économiques et sociaux de Porto Rico liés, notamment, au chômage, à la marginalisation, à l’insolvabilité et à la pauvreté, ainsi qu’aux problèmes relatifs à l’éducation et à la santé, qui se sont aggravés en raison des ravages causés par les ouragans Irma et Maria, des tremblements de terre survenus dans la zone sud-ouest de l’île et la pandémie de COVID-19.

Par cette résolution, le Comité spécial se déclare également gravement préoccupé par les actes commis contre des indépendantistes portoricains et souhaite que des enquêtes soient menées sur ces actes avec tout le sérieux nécessaire et avec la coopération des autorités compétentes.  Enfin, il décide de rester saisi de la question de Porto Rico.

 

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L’Assemblée générale proclame à la fois la « Journée internationale contre les mesures coercitives unilatérales » et celle « des personnes sourdaveugles »

Soixante-dix-neuvième session
78e & 79e séances plénières – matin & après-midi
AG/12691

L’Assemblée générale proclame à la fois la « Journée internationale contre les mesures coercitives unilatérales » et celle « des personnes sourdaveugles »

Ce fut un jour spécial aujourd’hui à l’Assemblée générale des Nations Unies qui a proclamé deux journées internationales.  L’une, le 27 juin, pour sensibiliser sur les personnes sourdaveugles; l’autre, le 4 décembre, promue comme « Journée internationale contre les mesures coercitives unilatérales », des mesures qui « tuent comme des balles », selon le Nicaragua. 

Cette dernière résolution, fort discutée avec le cas de Cuba comme référence, n’a pas reçu les suffrages de la plupart des pays occidentaux, dont les États-Unis qui ont dénoncé, en expliquant leur vote négatif, le bien-fondé des leurs sanctions visant à combattre des actes repréhensibles comme le terrorisme et la criminalité.  La délégation a balayé du revers les allégations faisant croire que les sanctions américaines induisent des souffrances, tout en mettant en avant les dérogations humanitaires.  Comme elle, 50 autres délégations ont voté contre ce texte qui a reçu 116 voix en sa faveur et 6 abstentions (Bahamas, États-Unis, Kazakhstan, Panama, Paraguay et Türkiye). 

L’Assemblée s’est également prononcée en faveur d’un texte portant sur la coopération entre l’Organisation des Nations Unies et le Conseil de coopération du Golfe, et elle a terminé son débat entamé le 5 juin dernier sur le rapport du Secrétaire général intitulé « L’urgence d’aujourd’hui: le sida à la croisée des chemins –état des progrès accomplis au regard des cibles fixées pour 2025 et objectifs stratégiques pour l’avenir ». 

Le texte sur la surdicécité reconnaît, par acclamation, ce handicap à part entière, avec ses propres enjeux, obstacles et exigences en matière de soutien et d’inclusion. 

Des sanctions indésirables, car entravant le développement

Le texte sur la journée du 4 décembre était porté par le « Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies » dont le porte-voix, l’Érythrée, a expliqué que « ces mesures sapent le système multilatéral que nous sommes réunis ici pour défendre ».

L’Assemblée a donc décidé que cette journée sera célébrée chaque année à compter de 2025.  Elle exhorte, « une fois encore », les États à s’abstenir de prendre, d’adopter et d’appliquer des mesures économiques, financières ou commerciales unilatérales dérogeant au droit international ou à la Charte des Nations Unies, et qui font obstacle à la pleine réalisation du développement économique et social, en particulier dans les pays en développement ou la compromettent de toute autre manière. 

En outre, elle invite sa présidence à organiser chaque année et à compter de 2025 une réunion plénière informelle en vue de célébrer et de promouvoir la Journée internationale contre les mesures coercitives unilatérales, avec la participation des États Membres et des observateurs auprès de l’Assemblée, ainsi que de sa présidence et ou du Secrétaire général.

C’est « plus d’un tiers de la population mondiale, dans plus de 30 pays », qui subit directement le poids de ces mesures cruelles et illégales, a argumenté l’Érythrée, au nom du Groupe des Amis de la Charte.  De plus, leurs effets extraterritoriaux s’étendent encore plus loin, déstabilisant les chaînes d’approvisionnement mondiales, entravant le développement et menaçant la coopération internationale, tout en empêchant les tiers de s’engager dans des échanges commerciaux ou une coopération licites.

Particulièrement concerné par le sujet, le Ministre des affaires étrangères de Cuba a dénoncé l’embargo des États-Unis contre son pays, « une sanction et une guerre menée sans répit ».  L’objectif, de nature coloniale, est de briser le pays, a-t-il déclaré en accusant les États-Unis de bafouer la souveraineté de Cuba tout en menaçant les pays qui coopèrent avec le pays.  Les États-Unis frappent également de sanctions les navires transportant du carburant pour Cuba.  « Ce sont des mesures de temps de guerre », a-t-il tranché, en ajoutant qu’elles violent le droit.  Il a marqué sa solidarité avec tous les pays frappés de ce châtiment cruel que sont les sanctions. 

L’Iraq, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a dénoncé les conséquences des sanctions, en particulier pour les transferts de technologie et la production industrielle, constatant que cela entrave la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).  Les sanctions sont aussi un obstacle à la participation aux réunions de l’ONU des délégués des pays frappés, a fait remarquer la délégation en rappelant que ces mesures violent le droit international et la Charte des Nations Unies. Elles doivent être éliminées, a-t-il jugé.  Le Groupe a d’ailleurs demandé la nomination d’un représentant spécial chargé notamment d’évaluer les conséquences des sanctions. 

Des sanctions illégales, une menace pour le multilatéralisme

Dans un même élan, l’Ouganda, au nom du Mouvement des pays non alignés, a condamné les sanctions et souligné leur illicéité.  Il a demandé lui aussi une évaluation des conséquences des sanctions, notamment sur le développement des pays touchés.  Il a aussi noté que les sanctions empêchent certains pays de verser leurs contributions à l’ONU.  « C’est une menace que nous ne pouvons plus ignorer. »  Se joignant à ces critiques, le Gabon, au nom du Groupe des États d’Afrique, a demandé la levée des sanctions.  Le Conseil est le seul organe habilité à prendre de telles mesures, a-t-il rappelé avant de demander la mise en place de mécanismes d’indemnisation des pays frappés par les sanctions.  Il a aussi dénoncé les mesures protectionnistes prises par certains pays. 

La République démocratique populaire lao s’est pour sa part dite opposée de longue date aux sanctions et préoccupée par leurs répercussions sur le développement des pays visés, alors que le Brésil a estimé que les sanctions sont illicites et illégitimes et qu’elles aggravent la pauvreté et les inégalités.  Plus accusatrice, la République populaire et démocratique de Corée (RPDC) a estimé que les États-Unis tentent d’imposer leur volonté sur les autres États à travers l’unilatéralisme.

Allant plus loin, le Ministre des affaires étrangères la République bolivarienne du Venezuela a dénoncé « une nouvelle génération de mesures illégales, bien plus cruelles et destructrices que jamais, qui utilisent la douleur et la souffrance qu’elles provoquent délibérément comme moyen de promouvoir des programmes interventionnistes et de déstabilisation ».  Pour le membre du Gouvernement, « ces mesures constituent clairement des crimes contre l’humanité et des violations massives des droits de l’homme, car elles visent clairement à priver des populations entières, entre autres, de leurs propres moyens de subsistance ».  Il a argué que les soi-disant « exemptions humanitaires » ne sont qu’une pure fantaisie. 

S’exprimant au nom de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), le Zimbabwe a rappelé que l’Afrique australe a déjà pris de l’avance en proclamant, en solidarité avec le Zimbabwe, le 25 octobre comme « Journée régionale contre les sanctions unilatérales ».  Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), la Malaise a relevé que ces mesures sapent la confiance des États en le multilatéralisme.  L’Égypte a aussi dénoncé les sanctions unilatérales, arguant que les mesures et actions coercitives unilatérales qui impliquent une tentative d’appliquer ou de faire respecter des lois ou des législations nationales en dehors du territoire d’un État sont incompatibles avec les règles du droit international.

Pour le Nicaragua, « les mesures coercitives tuent comme des balles ».  Elles tuent des enfants privés de soins, des femmes privées d’accès aux médicaments, et des familles incapables de se nourrir.  Pour le Bélarus, l’application de telles mesures à des impacts néfastes sur tous les aspects du droit et notamment sur la santé des populations.  Avis similaire pour la Colombie pour qui « de telles mesures sont particulièrement préjudiciables aux pays en développement et compromettent la capacité de leurs gouvernements à parvenir à un développement durable et à réaliser les investissements essentiels à la justice sociale ».

Le Chili a également dénoncé des mesures unilatérales qui limitent l’accès au financement, au commerce, à la technologie et à la coopération internationale, restreignant la capacité des États à concevoir et à mettre en œuvre des politiques publiques visant le bien-être de leurs citoyens.  Convaincue également du bien-fondé de la résolution, la Chine a appelé tous les pays à voter pour et à défendre le multilatéralisme, que les sanctions sapent.  Le droit au développement, qui est un droit pour tous les pays, est affecté par les sanctions, a martelé la délégation en appelant à contrecarrer ces tendances à l’hégémonie. 

Le Mexique a d’ailleurs dénoncé le recours croissant à ces sanctions.  Or, selon l’Éthiopie, ces mesures sapent la crédibilité du système multilatéral et entravent le développement des pays touchés et les mesures climatiques.  Pour la Fédération de Russie, ces mesures fragilisent également le Programme 2030 et sapent les droits humains.  Seul le Conseil peut prendre des sanctions et l’imposition de sanctions relève donc d’une usurpation, a-t-elle dit.

Dans la même veine, la République islamique d’Iran a dénoncé des mesures coercitives unilatérales qui violent une multitude de normes juridiques internationales établies.  La délégation a rappelé à cette occasion que le 13 juin 2025, le régime israélien a lancé une agression non provoquée et préméditée contre l’Iran, ciblant des zones civiles où vivent des millions de personnes, tuant plus de 200 civils, dont des femmes, des enfants, des scientifiques et des professeurs d’université, et faisant plus d’un millier de blessés.  L’Iran n’hésite pas à exercer son droit de légitime défense en vertu de l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, et elle agit actuellement avec détermination, a dit son délégué.

Des sanctions qui seraient quand même utiles et nécessaires

D’autres délégations ont en revanche expliqué combien les sanctions peuvent contribuer à des objectifs et des résultats positifs.  Israël a relevé que depuis plus de 50 ans, la République islamique d’Iran construit des infrastructures pour détruire Israël, sans que le monde ne fasse rien.  L’opération « Lion dressé » (Rising Lion) était une nécessité, avec l’objectif de détruire les sites iraniens de lancement de missiles balistiques et d’autres structures de guerre, a noté le délégué.  Il a fait observer que de son côté, l’Iran a visé et frappé des enfants et des civils.  « S’il y a un régime qui mérite des sanctions, c’est bien le régime iranien », a-t-il martelé en déplorant leur absence après tant d’années de menace par l’Iran.

L’Union européenne (UE) a affirmé que les sanctions font partie des outils pacifiques dont dispose le Conseil de sécurité pour assurer le maintien de la paix et de la sécurité internationales, comme le prévoit la Charte des Nations Unies. De même, les mesures restrictives autonomes de l’UE visent à cibler les responsables de transgressions et elles sont conformes au droit international, a-t-elle expliqué en faisant la comparaison. Elle a ajouté que les mesures restrictives de l’UE sont soigneusement conçues pour ne pas cibler la population civile et l’acheminement de l’aide humanitaire.  Elles sont destinées à toucher seulement les responsables de graves violations du droit international et des droits de l’homme.

Les sanctions, quand elles sont appliquées pour répondre à des violations du droit, sont un moyen pacifique, a décrété l’Ukraine en dénonçant l’instrumentalisation de ce point de l’ordre du jour.  Elle a jugé ironique que la Russie se pose lors de ce débat en défenseur du droit alors qu’elle a déclenché une guerre contre l’Ukraine, enlevant des enfants et ciblant des infrastructures civiles.

Explications de vote

Plusieurs délégations ont tenu à expliquer leurs votes, comme l’UE qui, par la voix de la Pologne, a relevé que le texte sème les graines d’une désunion et d’une division accrue.  La délégation a demandé de ne pas oublier que certains des coauteurs de la résolution exercent des pressions économiques unilatérales sur d’autres pays ou adoptent des sanctions.  L’UE a aussi alerté sur la surcharge que va impliquer ce texte sur les ressources humaines et financières de l’ONU et des États Membres, sans aucun bénéfice supplémentaire.

Pour le Canada, qui a rejeté le texte, les sanctions sont un outil légitime pour remédier à des violations du droit.  Les sanctions visent à promouvoir la reddition de comptes, elles ne sont pas punitives par nature.  Les conséquences pour les civils sont minimisées car elles sont ciblées.  Le Royaume-Uni a, lui, expliqué que les sanctions britanniques visent à promouvoir les droits humains et un ordre basé sur des règles. Il n’est pas toujours possible pour le Conseil de prendre des sanctions en raison du veto, a-t-il fait valoir pour les justifier.  Le Japon, qui a aussi voté contre ce texte, a craint qu’il n’entraîne des réunions inutiles. Et d’autres délégations opposées aux sanctions, comme les Émirats arabes unis, ont dit que d’autres enceintes sont plus appropriées que l’Assemblée pour en débattre.

D’autres ont soutenu le texte, comme l’Algérie ou l’Afrique du Sud, conscientes que les sanctions oblitèrent les efforts de développement durable.  Le Soudan n’a pas dit le contraire, tout comme le Nigéria qui a défendu un « monde libéré des effets dévastateurs des sanctions ». 

Journée internationale des personnes sourdaveugles

Consciente que la surdicécité est la combinaison d’une déficience visuelle et d’une déficience auditive d’une gravité telle qu’il est difficile pour les sens déficients de se compenser mutuellement, et qu’il s’agit donc d’un handicap à part entière, l’Assemblée générale a également adopté une résolution (A/79/L.92) en vertu de laquelle elle proclame le 27 juin de chaque année, à compter de 2025, « Journée internationale des personnes sourdaveugles ». 

La Croatie, qui a présenté ce texte, a appelé les États à le soutenir car il reconnaît enfin une communauté fortement marginalisée.  Après l’adoption, les États-Unis ont salué cette résolution mais ont dit ne pas être favorables à une journée dédiée à chaque handicap.  Israël a également salué le texte tout en regrettant que les négociations aient fait voir des positions politisées sur ce texte. 

Coopération entre l’Organisation des Nations Unies et le Conseil de coopération du Golfe

Une autre résolution portant sur la coopération entre l’Organisation des Nations Unies et le Conseil de coopération du Golfe (A/79/L.91) a également été adoptée sans vote.  Par ce texte, l’Assemblée souligne l’importance des consultations de haut niveau entre le Secrétaire général de ladite Organisation, et encourage la poursuite des réunions annuelles organisées dans le cadre du dialogue stratégique. 

En présentant le texte, la délégation du Koweït a mis l’accent sur les possibilités de médiation et de résolution des conflits qui résultent de la coopération entre les deux organisations. 

Après l’adoption, l’Argentine a précisé s’être dissociée du Pacte pour l’avenir.  Un commentaire fait également par les États-Unis. 

Élection de membres de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial

Par un vote, l’Assemblée a élu l’Ukraine, avec 153 voix en sa faveur, à la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international.  Il s’agissait du second tour d’un scrutin entamé le 20 novembre 2024.  Lors du premier tour de scrutin, l’Ukraine, la Croatie et la Slovaquie n’avaient pas obtenu le nombre de voix requis pour leur élection.  Ces deux derniers États ont informé le Secrétariat qu’ils n’avaient pas l’intention de se porter candidats au deuxième tour de scrutin.  L’Ukraine entamera donc son mandat dès le 7 juillet prochain jusqu’au dernier jour de la soixante-quatrième session de la Commission en 2031.  Les Pays-Bas ont également été élus par acclamation pour un mandat similaire. 

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La Conférence de Nice s’achève sur un engagement en faveur d’une « gouvernance multilatérale de l’océan »

Soixante-dix-neuvième session, Conférence sur l'océan,
8e séance plénière – après-midi 
MER/2231

La Conférence de Nice s’achève sur un engagement en faveur d’une « gouvernance multilatérale de l’océan »

NICE, FRANCE, 13 juin – Après cinq jours de délibérations sous le soleil radieux de Nice, et en bordure de son port de plaisance aménagé pour la circonstance, la troisième Conférence des Nations Unies sur l’océan (UNOC3) a conclu ses travaux par l’adoption par consensus de sa déclaration politique, intitulée « Notre océan, notre avenir: unis pour une action urgente », qui consacre une gouvernance multilatérale de l’océan.

Pour M. Olivier Poivre D’Arvor, l’Envoyé spécial du Président de la République française sur l’océan, le « pari de l’océan » est gagné.  Depuis une semaine, au bord de la Méditerranée, 14 000 délégués, 64 chefs d’État et de gouvernement en provenance de 130 pays, 30 chefs d’organisations onusiennes, 115 ministres et 130 000 visiteurs ont créé une énergie qui a permis d’annoncer de très ambitieux objectifs pour l’océan, s’est-il félicité.

Cette conférence visait à soutenir la mise en œuvre de l’Objectif de développement durable n°14 du Programme 2030, qui a pris du retard. « L’océan et les écosystèmes qu’il abrite pâtissent des changements climatiques, de l’appauvrissement de la biodiversité et de la pollution », observe la déclaration.  « L’action engagée n’est pas assez rapide ni assez forte pour atteindre l’objectif 14 et réaliser le Programme 2030 », est-il encore écrit, justifiant « d’agir de toute urgence » en prenant des « mesures audacieuses, ambitieuses, justes et transformatrices ».

Comme il a été convenu dans le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, adopté en 2022, « nous ferons en sorte que, d’ici à 2030, au moins 30% des zones terrestres et des eaux intérieures, ainsi que des zones marines et côtières, soient dûment conservées et gérées grâce à la mise en place d’aires protégées bien reliées », rappellent les signataires de la déclaration. 

Face à l’élévation du niveau de la mer, les États Membres s’y disent déterminés à prêter assistance aux petits États insulaires en développement (PEID) et aux pays les moins avancés (PMA) les plus exposés aux effets néfastes des changements climatiques.  Conscients de la gravité du problème, les États Membres se disent également déterminés à élaborer un instrument international juridiquement contraignant sur la pollution plastique, notamment dans le milieu marin, qui pourrait aborder la question globalement en traitant le cycle de vie complet du plastique.

La déclaration prend acte de l’adoption de l’Accord portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (dit « Accord BBNJ ») et invite les États et les organisations régionales d’intégration économique qui ne l’ont pas encore fait à envisager de signer et de ratifier, d’approuver ou d’accepter l’Accord, pour qu’il entre rapidement en vigueur.  Une disposition dont se sont dissociées le Venezuela et la Fédération de Russie, laquelle a estimé que l’Accord BBNJ contredit la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et « va au-delà » du mandat de certaines organisations régionales. 

Si le Panama a regretté de partir de Nice en ayant échoué à faire entrer en vigueur l’Accord BBNJ, la Conseillère spéciale sur les océans et les questions juridiques auprès des présidents de la Conférence, Mme Elinor Hammarskjöld, s’est en revanche félicitée qu’il ne manque que 10 ratifications pour y parvenir, à l’instar de M. Poivre d’Arvor.  Pour ce traité sur la haute mer aussi, « c’est gagné », a-t-il lancé, confirmant que 51 États avaient d’ores et déjà ratifié l’Accord BBNJ. « En septembre, lors de la semaine de haut niveau de l’Assemblée générale de l’ONU, nous serons encore plus nombreux », a assuré l’Ambassadeur de France pour les pôles et les océans, pour qui « c’est la victoire du droit sur le Far West et la prédation ».  Il s’est également réjoui que 37 pays aient rejoint la coalition pour une pause de précaution ou un moratoire sur l’exploitation des grands fonds marins.

La déclaration politique adoptée aujourd’hui préconise une approche « de la source à la mer », qui renforcera la gestion intégrée du littoral et de l’océan, la planification de l’espace marin, l’atténuation des changements climatiques et l’adaptation à ceux-ci, ainsi que les stratégies de réduction des risques de catastrophe.  « Nous nous engageons à mettre en œuvre des solutions fondées sur la nature et des approches écosystémiques pour protéger, conserver et restaurer les écosystèmes côtiers ayant une fonction de tampon naturel, comme les mangroves, les herbiers marins, les forêts de varech, les marais salants et les récifs coralliens, tout en promouvant des moyens de subsistance durables et en préservant la biodiversité », précisent les signataires. 

Ils encouragent aussi les membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à déposer leur instrument d’acceptation de l’Accord sur les subventions à la pêche afin que celui-ci aussi entre en vigueur et soit appliqué, et invitent en outre à faire avancer les négociations au sujet de l’ajout de dispositions concernant les subventions à la pêche qui contribuent à la surcapacité et à la surpêche et à les conclure aussitôt que possible. 

L’action pour l’océan doit se fonder sur les meilleures données scientifiques et connaissances disponibles, y compris les connaissances traditionnelles, le savoir des peuples autochtones et les systèmes de connaissances locaux, rappelle en outre le texte.  Il faut veiller à une gouvernance participative des océans, fondée sur la science transparente et équitable, notamment pour les communautés vulnérables et les PEID, a abondé le Ministre des affaires étrangères du Costa Rica, M. Arnoldo André-Tinoco.  « À l’approche de 2030, nous devons atteindre les objectifs fixés et renforcer le lien avec la nature en nous appuyant sur la réciprocité et sur les connaissances traditionnelles », a ajouté M. Peter Thomson, l’Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour l’océan.  Le Panama a toutefois regretté que la société civile et la jeunesse n’aient pas été plus étroitement associées aux délibérations des États Membres. 

Alors que la question du financement des « économies océaniques durables » a été récurrente au cours des derniers jours, la déclaration reconnaît qu’il faut mobiliser davantage de ressources, notamment en encourageant le secteur privé –banques, sociétés d’assurance et investisseurs–, à participer à cette transition.  Le Chef de la diplomatie costaricaine, qui coprésidait la Conférence aux côtés de la France, a souligné l’importance de rendre accessibles les moyens financiers nécessaires, des SWAP aux crédits de biodiversité.

La Conférence de Nice terminée, les délégations se sont donné rendez-vous en 2028 pour la quatrième édition de cette rencontre qui sera coorganisée par le Chili et la République de Corée, et qui sera la dernière avant l’échéance de 2030 pour la réalisation de l’ODD 14.

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Conseil de sécurité: la réunion convoquée en urgence après les frappes israéliennes contre l’Iran résonne d’appels à la retenue et à la diplomatie

9936e séance – après-midi
CS/16087

Conseil de sécurité: la réunion convoquée en urgence après les frappes israéliennes contre l’Iran résonne d’appels à la retenue et à la diplomatie

Alors que les missiles et les avions de chasse se croisaient au-dessus de l’Iran et d’Israël, le Conseil de sécurité s’est réuni d’urgence, cet après-midi, à la demande de la République islamique d’Iran, soutenue en cela par quatre membres du Conseil (Algérie, Chine, Fédération de Russie et Pakistan), « pour traiter des violations de la Charte des Nations Unies et du droit international par Israël », selon l’explication du représentant iranien. 

Rappelant les faits, Mme Rosemary DiCarlo, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a rappelé qu’à 3 h 15 ce matin, heure locale, l’armée israélienne a mené des frappes en Iran visant des sites des gardiens de la révolution.  Ces frappes, qui se poursuivaient cet après-midi, ont fait plusieurs victimes civiles, a précisé la haute fonctionnaire. De plus, « à l’heure où le Conseil se réunit, l’Iran lance des missiles contre Israël », a-t-elle ajouté. 

Israël, a rapporté Mme DiCarlo, justifie ses frappes en disant qu’elles sont de nature préemptive et préventive.  La Secrétaire générale adjointe a noté qu’elles ont ciblé des installations nucléaires, comme celles de Natanz, ainsi que des sites principaux du programme nucléaire iranien.  Israël a attaqué les capacités de missile balistique de l’Iran et des scientifiques nucléaires iraniens de premier plan, a-t-elle encore décrit.  Citant le Premier Ministre israélien, M. Benjamin Netanyahu, elle a noté que ces attaques, qui visaient à contrer une menace existentielle, se poursuivraient.

Mme DiCarlo s’est inquiétée que l’impact de ces frappes se soit déjà fait ressentir dans toute la région, avec notamment la fermeture des espaces aériens des pays voisins qui ont mis leurs forces de sécurité en haute alerte.  Les houthistes auraient lancé des missiles en direction d’Israël touchant la Cisjordanie occupée et faisant des blessés, a-t-elle informé.  Face à cette situation, elle a répété l’appel lancé par le Secrétaire général aux deux parties pour qu’elles fassent preuve de la plus haute retenue à ce moment crucial et pour qu’elles évitent à tout prix une escalade qui aboutirait à un conflit régional étendu. 

La Secrétaire générale adjointe a rappelé que, dans une résolution adoptée hier, le 12 juin, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) demandait à l’Iran de coopérer pleinement avec l’Agence et de respecter la Charte des Nations Unies et le droit international afin de remédier de toute urgence aux problèmes de non-respect de l’accord sur les garanties.  Elle a regretté que cette dernière escalade dangereuse intervienne au moment où ont repris, à Oman ce week-end, des faits diplomatiques importants et des pourparlers entre l’Iran et les États-Unis. 

L’impact des frappes 

Intervenant par visioconférence, M. Rafael Grossi, Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), a indiqué que l’Agence était en contact avec les autorités iraniennes en ce qui concerne le sort des sites nucléaires.  Le niveau de radioactivité aux alentours de Natanz est normal, a-t-il assuré, aucun impact n’étant constaté sur la population et l’environnement.  Il a toutefois reconnu qu’il y aurait une contamination radiologique à l’intérieur des installations de Natanz.  De plus, « nous n’avons pas suffisamment d’informations sur les sites de Fordou et d’Ispahan qui ont été aussi attaqués », a admis le Directeur. 

M. Grossi a demandé à toutes les parties de faire montre de la plus grande retenue, rappelant la récente résolution du Conseil des gouverneurs de l’AIEA qui soutient une solution diplomatique. 

La délégation iranienne a exprimé sa profonde préoccupation face aux frappes israéliennes, les qualifiant de violations du droit international et de la Charte des Nations Unies.  Ces frappes ont visé des installations nucléaires pacifiques et des infrastructures civiles, y compris l’installation de Natanz placée sous la supervision de l’AIEA, s’est étonné le représentant.  Il a condamné l’assassinat barbare et systématique des responsables militaires et des civils iraniens.  Il a exhorté l’ONU et à l’AIEA à prendre une position ferme contre l’agression israélienne. 

La réponse de l’Iran sera ferme

L’Iran a de plus accusé les États-Unis de complicité dans les actions d’Israël, affirmant que le soutien américain encourage l’agression israélienne et compromet la paix internationale.  Il a réaffirmé le droit de son pays de se défendre et promis de répondre de manière proportionnée tout en exigeant la prise de responsabilité internationale pour les actions d’Israël.  « Notre réponse sera ferme, légitime et dissuasive; nous allons défendre notre souveraineté et les principes du droit international car aucun agresseur ne devrait pouvoir agir en toute impunité », a lancé le représentant. 

Comme de nombreuses délégations, le Koweït, parlant au nom du Conseil de coopération du Golfe (CCG), a condamné les attaques d’Israël contre l’Iran en s’inquiétant du risque de faire dérailler les efforts diplomatiques en cours.  Le représentant a encouragé à poursuivre les efforts de désescalade et de négociation entre les parties et a, lui aussi, appelé à la retenue et à la sagesse afin d’éviter l’élargissement du conflit. 

Pour la Fédération de Russie comme pour d’autres délégations, ces attaques non provoquées, malgré les affirmations contraires d’Israël, constituent une violation flagrante de la Charte des Nations Unies et du droit international. Ces aventures militaires poussent la région au bord d’une troisième grande guerre, a craint le représentant russe imputant la responsabilité de toutes leurs conséquences aux dirigeants israéliens et à ceux qui les encouragent. 

Chronique d’une mort annoncée

Selon le Panama, nous lisons aujourd’hui la Chronique d’une mort annoncée, de Gabriel García Márquez.  Les actions d’Israël sapent la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Iran, a condamné la Chine en demandant à Israël de cesser immédiatement toute action militaire et d’éviter d’exacerber les tensions.  Cette attaque s’insère dans une série d’actions dangereuses d’Israël, avec les opérations militaires à Gaza et les frappes en Syrie, au Liban et au Yémen, au mépris du droit, a invectivé le Pakistan. 

Ce Conseil doit faire en sorte que le pays agresseur rende des comptes, a réclamé la délégation avant de faire écho aux préoccupations de la plupart des intervenants aujourd’hui qui ont pointé le fait que les attaques contre l’Iran se sont produites au moment où se déroulent des négociations pour le règlement pacifique de la question du programme nucléaire iranien.  C’est « moralement répugnant », s’est indigné le Pakistan.

L’idée de vouloir procéder à des frappes préventives sans mandat légal ne saurait être tolérée ou acceptée au sein de ce Conseil, a grondé l’Algérie. Ces attaques prétendument préventives ne préviennent que la paix, a ironisé le délégué rejetant les « justifications erronées » d’un État Membre qui agit hors du cadre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.  Le recours à la force sans autorisation du Conseil de sécurité hypothèque les fondements mêmes de l’ordre juridique international, a encore déploré l’Algérie pour qui le comportement d’Israël est indigne d’un État Membre.  « Israël se comporte comme un État voyou », a tranché l’Algérie.

L’Iraq s’est, lui aussi, élevé contre cette agression et le viol de son espace aérien, des actions piétinant les résolutions du Conseil de sécurité qui exigent une réponse claire et sérieuse de la part de la communauté internationale, a plaidé la délégation. 

« Il serait sage, pour les responsables de l’Iran, de négocier »

Pour la France comme pour d’autres États Membres, dont le Royaume-Uni, « Israël a le droit de se protéger et d’assurer sa sécurité ».  La délégation, à l’instar du Panama, a fait valoir que « c’est la diplomatie qui doit désormais prévaloir ». Elle a regretté que l’Iran n’ait pas saisi les multiples opportunités de retour à l’accord de 2015 qui lui ont été présentées.  De son côté, la République de Corée, en tant que pays voisin d’un autre pays qui viole gravement ses obligations en matière de non-prolifération, a exprimé sa grande préoccupation du fait de l’expansion continue du programme nucléaire iranien, en particulier l’accélération de la production d’uranium hautement enrichi. 

« Israël a pris hier une action unilatérale », ont clarifié les États-Unis en réaction à certaines délégations insinuant le contraire. Israël nous a indiqué que cette attaque était une action nécessaire, a dit le délégué américain en rappelant qu’Israël a le droit de se défendre.  Il a déclaré que « l’Iran ne saurait prendre pour cible des bases américaines ou tout autre intérêt américain dans la région », prévenant qu’à défaut, les conséquences seraient « immenses ».  « Il serait sage, pour les responsables de l’Iran, de négocier », a pressé le délégué affirmant que son pays continuera de rechercher la paix par la diplomatie. 

Les motifs d’Israël

« Israël a agi pour éviter sa destruction », a expliqué son représentant.  « À l’heure où nous parlons, des cibles civiles en Israël sont frappées par des missiles balistiques iraniens », a poursuivi le délégué invitant le Conseil à « imaginer si le régime iranien parvenait à doter ces missiles de têtes nucléaires ».  L’opération israélienne d’hier, appelée « Lion dressé » (Rising Lion), vise à faire en sorte que l’Iran n’ait pas l’arme nucléaire, a-t-il insisté.  Décrivant la menace à laquelle son pays est confrontée, il a rappelé que « Khomeini promettait l’éradication d’Israël et que, dans la principale place de Téhéran, figure un décompte égrenant les jours restants jusqu’à la destruction d’Israël ».  « Quand un État promet de nous détruire, nous le croyons, nous le prenons au sérieux », a-t-il déclaré estimant avoir auparavant laissé « sa chance à la diplomatie ». 

Hier soir, l’attente s’est achevée, a raconté le délégué israélien satisfait d’avoir éliminé des hauts responsables militaires et politiques et frappé des capacités nucléaires, dont l’installation de Natanz.  « L’attaque est un acte de préservation d’Israël, car nous n’avions plus le choix », a assuré le délégué.  Il a revendiqué le droit de son pays de se défendre contre toute volonté d’extermination.  Ce Conseil doit reconnaître la menace existentielle qu’est l’Iran, a-t-il dit en conclusion. 

 

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Conférence sur l’océan: « Améliorer la conservation et l’exploitation durable des océans et de leurs ressources en appliquant les dispositions du droit international »

Soixante-dix-neuvième session, Conférence sur l'océan,
Table ronde Action pour l’océan no 10– après-midi 
MER/2230

Conférence sur l’océan: « Améliorer la conservation et l’exploitation durable des océans et de leurs ressources en appliquant les dispositions du droit international »

NICE, FRANCE, 13 juin – « Nous sommes tous ici parce que nous savons que l’océan est notre source de vie et qu’il ne suffit pas de protéger l’océan uniquement à l’intérieur de nos frontières nationales ».  C’est en ces termes que la Directrice générale de l’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (UICN) a planté le décor de la dixième et dernière table ronde de la Conférence sur l’océan qui s’achève aujourd’hui à Nice, en France.

La table ronde avait pour thème « Améliorer la conservation et l’exploitation durable des océans et de leurs ressources en appliquant les dispositions du droit international figurant dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ».

À l’heure où les tensions géopolitiques et les crises environnementales convergent, Mme Grethel Aguiar a souligné que la sauvegarde de l’océan dépend d’un engagement commun en faveur d’un ordre international fondé sur des règles, ancré dans la science, l’équité et la coopération multilatérale.  Pour l’intervenante, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer continue de fournir des règles juridiques visionnaires pour la santé des océans et, par conséquent, pour la santé de la planète. 

Elle a indiqué que cet « instrument vivant » a été complété par d’autres textes depuis son entré en vigueur il y a 30 ans, le plus récent exemple étant bien entendu l’adoption de l’Accord BBNJ en 2023 qui attend les dernières ratifications pour son entrée en vigueur. 

« En travaillant ensemble, nous avons tracé la voie vers une nouvelle ère de gouvernance des hautes mers » s’est félicitée Mme Aguiar.  Mais notre succès dépend de structures de gouvernance véritablement inclusives, où la voix de toutes les parties prenantes, en particulier celles des pays en développement, des peuples autochtones et des communautés locales, est au cœur du processus décisionnel. 

Après la Vice-Présidente de la Société asiatique de droit international, Mme Lan-Anh Nguyen, qui a défendu la pertinence juridique de la Convention, M. Kentaro Nishimoto, professeur à la faculté de droit de l’Université de Tohoku, au Japon, a indiqué qu’outre les travaux menés au sein de la Commission préparatoire pour établir le cadre institutionnel de l’Accord BBNJ, les préparatifs en vue de lancer des actions dès que ce cadre sera opérationnel peuvent d’ores et déjà être entrepris. 

Il a encouragé l’établissement des bases de données scientifiques sur les zones marines protégées ainsi que le recensement des besoins en matière de renforcement des capacités et des lacunes technologiques.

Il s’agit également de veiller à ce que les modalités du BBNJ ne deviennent pas trop lourdes, en particulier pour les pays en développement, dont les petits États insulaires en développement, a estimé le responsable des affaires maritimes au Secrétariat du Commonwealth qui a appelé à tenir compte de leur capacités limités en matière de ressources humaines.  Il a également évoqué les grandes lignes de la déclaration d’Apia sur les océans, adoptée l’année dernière par les 56 chefs d’État des pays du Commonwealth, et qui lance un appel pressant en faveur de la conservation et de l’utilisation durable des océans.

La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer reste le fondement de l’ordre juridique international pour les océans, a souligné la Secrétaire générale de l’Autorité internationale des fonds marins qui a rappelé que ce texte consacre les fonds marins et océaniques –la Zone– comme patrimoine commun de l’humanité et confie leur gestion à l’Autorité. 

Elle a insisté sur l’importance de concilier les intérêts légitimes de l’humanité tout entière pour le bien commun, en plaidant pour un régime juridique efficace et robuste de la gouvernance et de la gestion des fonds marins.  « Les fonds marins ne doivent pas devenir le Far West », a souligné Mme Carvalho, en reprenant l’expression employée lors de l’ouverture de la séance par le Secrétaire général de l’ONU.

 

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Conférence sur l'océan 2025 | Couverture des réunions & communiqués de presse

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Conférence sur l’océan: « Promouvoir le rôle de l’alimentation durable issue de l’océan pour l’éradication de la pauvreté et la sécurité alimentaire »

Soixante-dix-neuvième session, Conférence sur l'océan,
Table ronde Action pour l’océan no 9– matin 
MER/2229

Conférence sur l’océan: « Promouvoir le rôle de l’alimentation durable issue de l’océan pour l’éradication de la pauvreté et la sécurité alimentaire »

NICE, FRANCE, 13 juin – En ouvrant, ce matin, la neuvième table ronde de la Conférence sur l’océan, qui s’achève aujourd’hui à Nice, l’un de ses Coprésidents, le Vice-Ministre de la politique maritime de la République de Corée, a prévenu que le thème retenu pour cette discussion allait « bien au-delà de la simple valeur de l’alimentation issue de l’océan ».  S’il a rappelé que les aliments aquatiques fournissent des protéines et des nutriments essentiels à des centaines de millions de personnes dans le monde et constituent l’épine dorsale économique d’innombrables communautés côtières, il a aussi précisé que, pour maintenir les niveaux actuels de consommation par habitant d’ici à 2050, l’approvisionnement mondial en aliments aquatiques devrait augmenter de plus de 22%. 

Les échanges ont mis en évidence des approches efficaces, telles que la gestion responsable des pêches, l’aquaculture durable, une plus grande transparence de la chaîne de valeur, la réduction des pertes alimentaires et le renforcement de la protection sociale. 

Première panéliste à s’exprimer, la Directrice de la plateforme des domaines d’impact sur la nutrition, la santé et la sécurité alimentaire de l’Organisation du système CGIAR a regretté que la reconnaissance du rôle de l’océan dans l’alimentation des populations et de la planète, en particulier celles des pays à revenu faible et intermédiaire, reste insuffisante. 

Mme Shakuntala Haraksingh Thilsted a ainsi signalé que le volume de production d’animaux aquatiques issus des systèmes d’aquaculture a dépassé celui des pêches de capture et que cette tendance devrait s’accentuer pour répondre à la demande mondiale d’aliments aquatiques.  Selon elle, des technologies et approches innovantes, telles que les systèmes de surveillance des stocks halieutiques, la reproduction sélective, les technologies intelligentes face au climat et les systèmes d’aquaculture régénérative et intégrée, sont prêtes à propulser l’industrie aquacole pour nourrir les populations et les nations.  De plus, l’industrie des algues se développe rapidement dans de nouvelles régions, notamment en Asie du Sud et en Afrique, et devient une source importante de sécurité alimentaire et nutritionnelle. 

Alors que plus de 735 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, la production mondiale de poisson a atteint 189 millions de tonnes en 2023, fournissant à chacun de nous 21 kilogrammes de protéines animales aquatiques chaque année, a indiqué M. Manuel Barange, Directeur général adjoint et Directeur de la Division des pêches et de l’aquaculture de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). 

Les produits d’animaux aquatiques sont non seulement essentiels à l’alimentation mondiale mais aussi l’une des denrées alimentaires les plus commercialisées au monde, a-t-il poursuivi, relevant que plus de 45% du poisson et des produits de la pêche font l’objet d’échanges internationaux.  Rien qu’en 2022, le commerce mondial des aliments marins a représenté plus de 195 milliards de dollars, fournissant des revenus indispensables à de nombreuses personnes, y compris dans les pays en développement. 

Afin de maximiser la contribution des systèmes alimentaires aquatiques à la sécurité alimentaire, tout en préservant la santé des écosystèmes productifs, il a appelé à mettre en œuvre la feuille de route de la « transformation bleue » de la FAO, qui préconise notamment de reconnaître le rôle de ces aliments dans les politiques de sécurité alimentaire.

« L’océan nous nourrit, mais ce sont les populations, les pêcheurs artisanaux, les agriculteurs, les transformateurs, les femmes et les peuples autochtones, qui soutiennent les systèmes qui rendent cela possible », a souligné, pour sa part, le Directeur scientifique des systèmes alimentaires aquatiques durables chez WorldFish.  Or, trop souvent, ces acteurs sont exclus de la prise de décisions et se voient refuser l’accès aux marchés, au financement et à la formation.  Pour inverser cette tendance, M. Jörn Schmidt a exhorté les États à garantir les droits fonciers et à soutenir les mécanismes de gouvernance coutumiers, tout en fournissant un soutien ciblé aux entreprises dirigées par des femmes et en intégrant les objectifs de protection sociale et de nutrition dans les stratégies nationales d’alimentation aquatique. 

Dans les petits États insulaires, a-t-il noté, cela a impliqué de repenser les systèmes alimentaires pour à la fois réduire la dépendance aux importations et renforcer la résilience grâce à l’utilisation des ressources océaniques. Par ailleurs, en Asie et en Afrique, des plateformes d’apprentissage multipays permettent de trouver des solutions partagées, de la numérisation des chaînes de valeur à l’amélioration des environnements alimentaires à base de poisson, a-t-il expliqué. 

À cet égard, Mme Rhea Moss-Christian, Directrice exécutive de la Commission des pêches du Pacifique occidental et central, a fait remarquer que, dans sa région, le thon fait partie intégrante des régimes alimentaires locaux et de l’identité culturelle.  Mais cette source de nourriture quotidienne pour les communautés côtières est aussi une denrée mondiale, le thon en conserve étant l’un des cinq produits de la mer les plus consommés au monde, avec un marché évalué en 2024 à 20,4 milliards de dollars. 

Pour garantir que le thon continue de jouer ce « double rôle vital », elle a plaidé pour une gestion durable des ressources, des chaînes de valeur inclusives et un renforcement de la gouvernance scientifique des pêches, notamment par le biais de stratégies de capture, afin de maintenir des stocks de thon sains.  Parallèlement, a-t-elle ajouté, le développement des infrastructures locales de transformation et de distribution, ainsi que des méthodes de conservation à faible coût, peut améliorer l’accès à un thon abordable et riche en nutriments dans les communautés vulnérables. 

Appelant également à soutenir les pêcheurs artisanaux, la panéliste a mis en garde contre les politiques commerciales mondiales, notamment les droits de douane sur des intrants essentiels comme le fer blanc et l’aluminium pour les boîtes de conserve, qui font augmenter les coûts de production et les prix de détail du thon en conserve.  Garantir un commerce ouvert et équitable et réduire les obstacles aux produits thoniers est essentiel au maintien de la sécurité alimentaire, a-t-elle fait valoir. 

De manière connexe, M. Ciyong Zou, Directeur général adjoint de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), a mis l’accent sur la création de chaînes de valeur résilientes pour que les aliments aquatiques soient rendus sûrs et accessibles pour tous.  En effet, a-t-il dit, ces aliments sont essentiels à plus de 3 milliards de personnes, mais les pertes après récolte peuvent atteindre 30%, en particulier dans les régions en développement, ce qui représente une perte de nutrition, de revenus et d’opportunités, en particulier pour les communautés côtières et insulaires déjà vulnérables aux chocs climatiques et économiques. 

Afin de remédier à ce problème, l’ONUDI aide les pays à moderniser leurs chaînes de valeur, à améliorer la sécurité alimentaire, à réduire les pertes et le gaspillage, et à faciliter l’accès inclusif au marché.  C’est notamment le cas au Cambodge, où l’entité onusienne collabore avec des petites et moyennes entreprises de pêche pour moderniser les installations de transformation et faire respecter les normes internationales de sécurité alimentaire.  Au Soudan, l’agence a formé des pêcheurs artisanaux aux pratiques d’hygiène et de manipulation, ce qui a permis d’augmenter les revenus et d’offrir une alimentation plus saine sur les marchés locaux. 

Dialogue interactif 

Au cours des échanges entre panélistes et délégations, l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS) a, par la voix des Palaos, rappelé un paradoxe fondamental: les petits États insulaires en développement (PEID) « nourrissent le monde tout en luttant pour se nourrir de manière durable », principalement en raison de l’isolement géographique et des retombées des changements climatiques.  Face à cette injustice, elle a réclamé un soutien accru aux infrastructures alimentaires résilientes au climat, des transferts de technologie, un renforcement des capacités et un accès au financement climatique. 

En renforçant la gestion efficace des pêches, en promouvant une aquaculture et une mariculture durables et en améliorant l’accès au marché, les ressources alimentaires aquatiques ont le potentiel de répondre aux priorités des PEID en matière de sécurité alimentaire et de réduction de la pauvreté, a-t-elle souligné, appuyée par les Fidji et le Viet Nam, qui, en tant que grand exportateur de produits de la mer, a appelé la communauté internationale à soutenir une transformation équitable et écologique de la pêche. 

Dans le même esprit, le Kenya a dit réduire les niveaux de malnutrition en promouvant des régimes alimentaires diversifiés, y compris via le développement de la chaîne de valeur des produits de la mer.  En mettant l’accent sur la production, la consommation et la durabilité, il s’emploie à améliorer ses systèmes alimentaires aquatiques et, par voie de conséquence, la nutrition et les moyens de subsistance de sa population. L’objectif est également de réduire les pertes après récolte et de soutenir la croissance de l’économie bleue. 

S’exprimant au nom de ceux, qui, chaque jour, « transforment le poisson en nourriture accessible à tous », la Confédération africaine des organisations de pêche artisanale a demandé aux États de soutenir cette profession en lui fournissant des équipements modernes, plus protecteurs de la santé et de l’environnement.  Elle a d’autre part exigé que les femmes participent aux décisions sur les politiques maritimes, les plans de cogestion et les projets d’économie bleue « car sans leur travail et leur engagement, il n’y a pas de sécurité alimentaire et pas de durabilité ». 

L’Islande a, quant à elle, insisté sur la reconnaissance des aliments bleus aquatiques « aux plus hauts niveaux de la politique climatique ».  Dans la perspective de la COP30 sur le climat, qui se tiendra en novembre à Belém, au Brésil, elle a exhorté les pays à intégrer l’importance de ces aliments dans leurs politiques nationales et leurs positions de négociation. 

De son côté, l’ONG scientifique Aquaculture Stewardship Council a rappelé que les acteurs des océans et de l’économie bleue ont besoin de données vérifiables et impactantes sur la durabilité.  « En aquaculture durable comme ailleurs, ce qui est mesuré, publié et vérifié peut être réalisé », a-t-elle argué. 

 

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Conférence sur l'océan: « Promouvoir et appuyer toutes les formes de coopération, en particulier aux niveaux régional et sous-régional »

Soixante-dix-neuvième session, Conférence sur l'océan,
Table ronde Action pour l’océan no 8– après-midi
MER/2228

Conférence sur l'océan: « Promouvoir et appuyer toutes les formes de coopération, en particulier aux niveaux régional et sous-régional »

NICE, FRANCE, 12 juin – La table ronde thématique de la Conférence sur l’océan, qui se tient à Nice, en France, jusqu’au 13 juin, a permis de mettre en exergue l’importance capitale de la coopération aux niveaux régional et sous-régional pour relever les défis posés à la gouvernance mondiale des océans.  Pour de nombreuses délégations, elle suppose une refonte des mécanismes de coopération actuels, notamment à travers leur alignement et leur décloisonnement. 

Le multilatéralisme et le droit international ne sont pas facultatifs mais au contraire, indispensables, a souligné le Sous-Secrétaire aux affaires multilatérales et aux droits de l’homme du Mexique, un des cinq panélistes de cet échange.  Toutefois leur véritable force ne réside pas seulement dans les engagements pris dans le cadre des accords internationaux, a indiqué M. Enrique Ochoa Martínez, mais dans la manière dont nous donnons vie à ces engagements, grâce à une coopération significative et soutenue à tous les niveaux -mondial, régional, national et local- pour inverser la dégradation des océans et garantir leur durabilité à long terme. 

Cette conférence doit marquer un tournant afin que la coopération sous toutes ses formes soit intensifiée et pérennisée, a souhaité l’intervenant.  C’est précisément la coopération régionale et sous-régionale qui permet aux pays qui partagent des écosystèmes, des côtes et des liens culturels de coordonner leurs efforts et leurs ressources, et de protéger ce qui les unit. 

Pourtant de nombreux mécanismes de coopération régionale continuent de fonctionner en vase clos, a-t-il concédé, souvent sans lien avec les accords mondiaux tels que les contributions déterminées au niveau national au titre de l’Accord de Paris.  M. Ochoa Martinez a également appelé à accélérer la transformation numérique de la gouvernance régionale des océans et en créant davantage de plateformes communes pour l’échange de données, la collaboration scientifique et de systèmes d’alerte précoce.  L’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port, dans le cadre duquel l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a développé des outils numériques qui soutiennent l’action commune contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, en est un exemple concret de l’efficacité possible de ces outils.  Mais il faut aller plus loin, en renforçant ces systèmes et en exploitant pleinement le potentiel des technologies existantes et émergentes.

Sur ce point, les Tuvalu, au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS) qui regroupe 39 États, a expliqué que les capacités et les lacunes financières empêchent toujours les petit État insulaire en développement (PIED) de s’engager pleinement dans les cadres de coopération ou d’en tirer pleinement parti, en particulier dans des domaines tels que le partage des données, les technologies marines et l’application des réglementations. Qui plus est, le cloisonnement entre les différents cadres (conventions maritimes régionales, commissions économiques, organismes de pêche) perpétue la fragmentation institutionnelle, ce qui entraîne des doubles emplois et des lacunes politiques.

L’AOSIS a donc appelé les États Membres et les partenaires au développement à investir dans le renforcement des capacités au sein des mécanismes régionaux dirigés par les PEID, en accordant la priorité à la science, à la surveillance, et aux capacités d’application.  Il faut en outre aligner les politiques océaniques nationales sur les stratégies régionales et les engagements mondiaux.  Les intervenants ont également souligné l’impératif de veiller à ce que les coopérations régionale et sous-régionale soient dotées de ressources suffisantes, inclusives et adaptables à l’évolution du droit international et au changement du paysage marin et environnemental.

La Haute Représentante pour les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement a appelé pour sa part à étendre la portée des institutions régionales et sous-régionales, « l’épine dorsale opérationnelle » de la coopération, pour en faire le moteur de l’action océanique.  Cela passe là aussi par un financement suffisant et durable afin de pouvoir passer d’un fonctionnement fondé sur des projets à une planification stratégique à long terme, a argué Mme Fatima Rebab.

Le Commissaire de l’océan Pacifique, M. Filimon Manoni, a expliqué que le Pacifique dispose d’ores et déjà d’une architecture océanique régionale solide et en constante évolution sur laquelle il faut faire fond, en citant notamment son programme régional pour l’environnement et ses conventions régionales pour les mers.  « Aidez-nous à surmonter nos vulnérabilités et les obstacles qui nous empêchent d’accéder aux financements nécessaires à la réalisation de nos objectifs », a-t-il demandé.

De son côté, le Président des États fédérés de Micronésie a apporté un exemple concret des structures océaniques régionales efficaces du Pacifique, à savoir les cinq commissions du thon qui constituent des plateformes indispensables à la coopération régionale pour la gestion d’un produit de la mer dont la valeur mondiale était estimée à plus de 11 milliards de dollars en 2024. M. Wesley Simina a expliqué que cette approche permet aux petits États côtiers en développement et à de nombreux autres PEID de se joindre aux flottes hauturières de grands pays développés afin de négocier des mesures de conservation fondées sur des données scientifiques, d’harmoniser les protocoles de surveillance et de partager des données essentielles pour sous-tendre une gestion solide des pêcheries de thon et des écosystèmes qui les soutiennent.

Venue présenter la déclaration finale de la vingt-quatrième réunion de coordination mondiale des conventions et plans d’action concernant les mers régionale, qui s’est tenue à Nice, le 11 juin 2025, dans le cadre de l’UNOC3, Mme Tatjana Hema de la Convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée a expliqué que  ce document réaffirme le rôle essentiel du multilatéralisme dans la réponse aux défis liés aux océans et reconnaît que des mesures coordonnées aux niveaux régional et mondial sont indispensables pour protéger, conserver et restaurer les écosystèmes marins et côtiers.

 

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Conférence sur l’océan: la mobilisation pour le traité sur la haute mer et contre la pollution plastique et la pêche illicite ne faiblit pas

Soixante-dix-neuvième session, Conférence sur l'océan,
7e séance plénière – matin
MER/2226

Conférence sur l’océan: la mobilisation pour le traité sur la haute mer et contre la pollution plastique et la pêche illicite ne faiblit pas

NICE, FRANCE, 12 juin – Au quatrième jour de la Conférence sur l’océan, qui se tient à Nice jusqu’au 13 juin, États Membres, entités onusiennes, organisations internationales et représentants de la société civile ont poursuivi sans relâche leur mobilisation contre la pollution plastique et la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.  Ce sont toutefois les appels en faveur de la ratification du traité sur la haute mer (dit « Accord BBNJ »), ainsi que les annonces et engagements fermes, qui ont à nouveau dominé les débats, faisant espérer une entrée en vigueur dans un avenir proche. 

Évoquant « un formidable raz-de-marée d’engagements », l’ONG High Sea Alliance a indiqué que la Conférence a débuté avec 31 des 60 ratifications nécessaires, précisant que, dès lundi en fin de journée, 18 pays supplémentaires avaient déposé leur instrument et 18 autres avaient signé le traité.  Cette tendance s’est maintenue tout au long de la semaine, au point que l’on comptait, ce jeudi, 50 ratifications et 136 signatures.  « Avec seulement 10 ratifications supplémentaires nécessaires, l’entrée en vigueur du traité pourrait ne prendre que quelques semaines », s’est félicitée sa représentante, saluant « un moment historique ». 

Lui emboîtant le pas, l’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (UICN) a appelé les États à aller au-delà des promesses et à ratifier ce traité afin d’assurer sa mise en œuvre effective, et la protection de 30% des océans.  Elle a également encouragé la communauté internationale à adopter la nouvelle déclaration de la Coalition de la haute ambition pour le traité sur la biodiversité en haute mer.

Auparavant, plusieurs pays, dont la Belgique et la République du Congo, avaient annoncé avoir officiellement ratifié ce nouveau jalon de la Convention sur le droit de la mer.  Le Forum des îles du Pacifique a, quant à lui, assuré que 50% de ses 17 États et territoires s’en étaient déjà acquitté.  D’autres comme le Canada, le Panama et Oman se sont engagés à le faire très prochainement. Ainsi, l’Accord BBNJ entrera bientôt en vigueur, ce qui permettra à sa première Conférence des Parties d’avoir lieu en temps voulu et aux aires marines protégées en haute mer de commencer à être mises en œuvre, a applaudi la Fondation Oceano Azul, dont l’enthousiasme a été partagé par l’ONG Ocean Alliance. 

De son côté, le Ministre de la justice de la Belgique, en charge de la mer du Nord, a annoncé la candidature de son pays pour accueillir le secrétariat de l’Accord BBNJ.  « Fort de notre engagement en faveur du multilatéralisme et de notre rôle de leader dans les sciences marines, nous sommes bien placés pour devenir le cœur diplomatique de la gouvernance mondiale des océans », a-t-il dit.  Le Chili avait lui aussi fait acte de candidature ces dernier jours. 

Haro sur la pollution plastique, la pêche illicite et la surpêche 

L’UICN a cependant appelé les différentes parties prenantes à faire preuve de la même détermination lors de la phase finale, en août prochain, des négociations en vue d’un traité sur les plastiques, afin qu’il tienne compte de l’ensemble du cycle de vie du plastique et place la biodiversité au cœur de ses préoccupations.  Une urgence absolue quand on sait que l’océan « s’étouffe avec 11 millions de tonnes de plastique chaque année », a alerté Mme Rabab Fatima, Secrétaire générale adjointe et Haute Représentante pour les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement. 

Autre dossier prioritaire, la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée a continué d’être plébiscitée par les délégations.  La Colombie a notamment souligné son rôle de chef de file dans les efforts qui ont conduit à l’adoption, en 2022, de l’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) interdisant les subventions à la pêche préjudiciables, facteur clef de l’épuisement général des stocks de poissons dans le monde.  Lui aussi en pointe sur cette question, le Forum des îles du Pacifique a assuré que protéger les stocks halieutiques de sa région est « rentable pour tous ». 

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a, pour sa part, précisé qu’entre 2020 et 2022, les États ont dépensé 10,7 milliards de dollars par an en soutien à la pêche, « dont 65% risquent de promouvoir une pêche non durable à moins d’être accompagnée d’une gestion et d’une application rigoureuses ».  En réponse à cette tendance préoccupante, elle a indiqué avoir adopté, la semaine dernière, une recommandation sur l’élimination du soutien gouvernemental à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, renforçant ainsi les efforts déployés au sein de l’OMC.  Une initiative qu’a appuyée la Chambre de commerce internationale (CCI), au nom d’une coalition d’organisations et de réseaux d’entreprises de premier plan. 

S’agissant de la surpêche, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a relevé que cet autre fléau pour le milieu marin touche aujourd’hui 37,7% des stocks de poissons, contre 10% en 1974. Alors que l’objectif de développement durable n°14 reçoit le moins d’aide au développement (APD) de tous les ODD, avec seulement 3 milliards de dollars en 2022, contre un objectif de 175 milliards de dollars, elle s’est alarmée que nous dépensions 35 milliards de dollars par an en subventions à la pêche, dont 22 milliards liés à la pêche illégale, à la surpêche et à la surcapacité.

Besoin urgent de financements 

La sous-dotation de l’ODD 14 a bien sûr suscité de nouveaux commentaires indignés, mais aussi des propositions de nouveaux modèles de financement pour traduire les ambitions en actions concrètes.  L’UICN a ainsi appelé à dépasser le financement fragmenté, projet par projet, et à adopter une approche coordonnée et mondiale qui canalise les capitaux de manière efficace et équitable, en particulier vers les communautés et les pays en première ligne.  « Des taxes de solidarité aux instruments d’assurance et aux obligations bleues, les outils financiers émergent, mais nous avons maintenant besoin d’une plateforme pour les déployer à grande échelle », a-t-elle expliqué, se prononçant pour la création d’un mécanisme de financement « One Ocean », afin d’orienter les ressources vers la résilience marine et des économies positives pour les océans. 

Il est tout aussi important de veiller à ce que la coopération au développement aide les pays, notamment ceux en développement qui sont confrontés à des obstacles financiers, techniques, institutionnels qui limitent leur capacité à effectuer la transition vers des secteurs océaniques durables, a ajouté l’OCDE. Bien que l’APD liée à l’océan soit passée de 3,5 milliards de dollars en 2022 à 5 milliards de dollars en 2023, 80% restent concentrés sur les transports, la pêche et la conservation, a-t-elle noté, jugeant possible d’en faire davantage pour débloquer de nouvelles sources de croissance durable, en particulier les énergies renouvelables offshore, la biotechnologie marine et l’aquaculture durable. 

Il convient maintenant de mobiliser des capitaux par le biais de mécanismes de financement robustes, a abondé la Chambre de commerce internationale (CCI), plaidant pour des obligations bleues, des financements mixtes et des instruments liés à la durabilité, qui réduisent les risques liés aux investissements durables dans les océans, en particulier dans les économies en développement. 

Dans ce contexte, le Secrétaire général du Forum des îles du Pacifique a appelé à établir un financement accessible et accéléré pour les petits États insulaires en développement (PEID) par l’intermédiaire du Fonds de résilience du Pacifique.  Reconnaissant que les PEID sont « parmi les moins bien équipés » pour répondre aux défis de la dégradation et du réchauffement de l’océan, le Fonds vert pour le climat a constaté que les défis en matière de financement subsistent, de la fragmentation des environnements d’investissement et de l’architecture financière, à l’aversion au risque en passant par les longs délais et les juridictions complexes. 

« C’est pourquoi la prochaine conférence sur le financement du développement, qui se tiendra fin juin, est si importante », a souligné son représentant, indiquant avoir, pour sa part, engagé plus de 1,3 milliard de dollars en financement climatique et mobilisé 1,5 milliard de dollars supplémentaires en cofinancement pour 33 projets liés aux océans dans plus de 70 pays. 

Neutralité de l’Autorité internationale des fonds marins 

Il a enfin été question de la question controversée de l’exploitation des fonds marins.  Rappelant qu’elle est le seul organisme intergouvernemental chargé de gérer les ressources minérales de ces grands fonds au-delà des juridictions nationales, « patrimoine commun de l’humanité », l’Autorité internationale des fonds marins a dit s’acquitter de ce mandat depuis près de trois décennies avec un objectif unique: « garantir que l’exploration et l’exploitation potentielle des minéraux des fonds marins soient menées au bénéfice de tous, en particulier des États en développement, et dans le plein respect de la protection de l’environnement ».

Dans ce contexte, la représentante de l’Autorité a indiqué qu’il n’appartient pas à cet organisme de se prononcer pour ou contre l’exploitation minière en eaux profondes.  « Cette décision incombe entièrement aux pays, qui devront la prendre en fonction des meilleures données scientifiques disponibles, des besoins du marché, des facteurs économiques, des préoccupations environnementales et de la consultation de leurs administrés », a-t-elle ajouté. 

À la suite des prises de position du Président du Brésil et du Secrétaire général de l’ONU, qui ont tous deux déclaré à Nice que les fonds marins « ne peuvent pas devenir le Far West », elle a préféré opter pour la neutralité: « quel que soit votre camp, nous devons tous convenir qu’une gouvernance fondée sur des règles est la seule voie fiable », a-t-elle déclaré, voyant dans une gouvernance efficace des océans « non pas un concept abstrait mais une nécessité ».  De fait, elle a appelé à tirer parti du pouvoir de transformation des institutions créées par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui, a-t-elle affirmé, procure un cadre institutionnel pour que tous les États puissent œuvrer de concert autour d’une cause commune.

La Conférence sur l’océan se réunira de nouveau en plénière demain, vendredi 13 juin, à partir de 16 heures pour décider de l’adoption de son document final.

 

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Conférence sur l’océan: « Tirer parti de l’interdépendance de l’océan, du climat et de la biodiversité »

Soixante-dix-neuvième session, Conférence sur l'océan,
Table ronde Action pour l’océan no 7– matin
MER/2227

Conférence sur l’océan: « Tirer parti de l’interdépendance de l’océan, du climat et de la biodiversité »

NICE, FRANCE, 12 juin – Organisée ce matin en marge du débat général de la Conférence du l’océan qui se tient à Nice, en France, jusqu’au 13 juin, cette table ronde s’est focalisée sur le fait que l’océan, le climat et la biodiversité sont fortement interconnectés et affectés par trois crises planétaires –le déclin de la santé des océans, les changements climatiques et la perte de biodiversité– qui se renforcent mutuellement, mais qui sont encore trop souvent abordées séparément. 

Face à ces crises, la communauté internationale s’est fixée des objectifs clairs dans divers instruments juridiquement contraignants, a expliqué le Coprésident de l’échange et Ministre de la mobilité, du climat et de la transition environnementale de la Belgique.  Cependant, pour les atteindre, il nous faut renforcer la cohérence des politiques dans ces trois domaines et considérer l’océan comme un acteur central.  Dans cette perspective, a préconisé M. Jean-Luc Crucke, il faut intégrer la dimension océanique dans les contributions déterminées au niveau national (CDN) et les indicateurs de l’objectif mondial d’adaptation, qui constitue le levier le plus puissant pour atteindre une bonne synergie entre océan, climat et biodiversité. 

Les liens entre biodiversité et océans sont de plus en plus visibles », a noté la Secrétaire exécutive de la Convention sur la diversité biologique qui a fait observer qu’à la lecture du Cadre mondial de la biodiversité Kunming-Montréal, on constate qu’il est difficile de trouver un seul objectif qui ne soit pas d’une importance cruciale pour les océans et le climat. Mme Astrid Schomaker a également indiqué que l’année dernière, la Conférence des Parties à la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique a adopté deux décisions majeures sur la biodiversité marine et côtière.  Elle a également créé un nouvel organe subsidiaire pour les communautés autochtones et locales, « une victoire majeure » car ces acteurs clefs qui disposent désormais d’un meilleur moyen de s’engager auprès de la Convention. 

Il est désormais crucial d’intégrer tous ces engagements dans les contributions déterminées au niveau national et la biodiversité marine.  Or, de nombreuses parties ne parviennent pas à progresser faute de financements suffisants, a reconnu Mme Shomaker. Au lieu de rechercher des sources de financement distinctes pour les océans, le climat et la biodiversité, la communauté internationale doit réfléchir aux moyens de « mieux dépenser les fonds disponibles ».

Alors que les crises auxquelles notre planète est confrontée –dérèglement climatique, perte de biodiversité et dégradation des océans– sont interdépendantes, trop souvent, nos politiques, nos institutions et nos investissements fonctionnent encore de manière cloisonnée, a constaté M. Chung Keeyong, Ambassadeur de la République de Corée chargé de la lutte contre les changements climatiques, qui a appelé à remédier à cette situation dès à présent. 

Il a parlé de la gestion côtière adaptative au climat mise en œuvre par son gouvernement pour aider les communautés vulnérables à faire face à l’élévation du niveau de la mer, à l’érosion et aux phénomènes météorologiques extrêmes.  La résilience ne se limite toutefois pas aux infrastructures physiques, elle est aussi une question de biodiversité, a-t-il remarqué.  Les écosystèmes marins, des récifs coralliens aux herbiers marins, sont essentiels non seulement à la conservation, mais aussi à la sécurité alimentaire, au stockage du carbone et aux moyens de subsistance de millions de personnes.  La cinquième Stratégie nationale coréenne pour la biodiversité, adoptée plus tôt cette année, vise d’ailleurs la restauration et l’exploitation durable des écosystèmes marins et côtiers, avec un objectif de 30% de conservation de notre espace marin d’ici à 2030.

De son côté, la Vice-Présidente principale du centre pour les océans de Conservation International, Mme Ashleigh Mcgovern, a indiqué qu’en mobilisant toutes les composantes de la société, son organisation cherche à rendre le mouvement de conservation plus inclusif et à exploiter le pouvoir des savoirs traditionnels, de la science et de la technologie.  Elle coopère aussi avec des parties prenantes et des organisations partenaires pour inciter les populations autochtones et les communautés locales à protéger les forêts primaires, les mangroves ou les tourbières, pour atténuer les effets les plus néfastes des changements climatiques.  Conservation International travaille aussi dans des zones de pêche et d’aquaculture artisanales gérées par les communautés locales afin de mettre en œuvre des pratiques de pêche socialement responsables et durables.  À sa suite, M. Jean-Pierre Gattuso, professeur de recherche principal, Laboratoire d’Océanographie de Villefranche-sur-mer, a souligné la nécessité de renforcer les capacités de manière équitable et de transférer les technologies et pratiques optimales aux pays en développement. 

Dialogue interactif

En prévision de la COP30, Antigua-et-Barbuda a exhorté les parties à accorder à l’océan la pleine reconnaissance qu’il mérite dans l’action climatique. « Cela doit inclure un financement dédié à l’atténuation et à l’adaptation liées aux océans, ainsi que l’inclusion des écosystèmes marins dans les objectifs climatiques nationaux », a précisé la délégation, soulignant que c’est une question de survie pour les petit État insulaire en développement (PEID).  Il a également demandé des financements accessibles, prévisibles et alignés sur les priorités nationales, « et non perdus dans des silos bureaucratiques ou des programmes uniformes ».  Le Ghana a lui aussi demandé que s’accélère le financement des écosystèmes de carbone bleu, et que soit garanti un accès équitable aux ressources marines et d’adaptation aux changements climatiques, en accordant la priorité aux nations et communautés côtières vulnérables.

Le Maroc a fait part des mesures qu’il a prises pour harmoniser les multiples accords multilatéraux sur l’environnement.  Ainsi, il a ancré la préservation marine dans sa stratégie nationale de développement durable, et établi une commission nationale sur les changements climatiques et la biodiversité, afin d’assurer une gestion intégrée du climat et de la biodiversité.  Par ailleurs, l’initiative Ceinture Bleue, lancée lors de la COP22 à Marrakech, rassemblant plus de 32 États d’Afrique et d’autres continents, constitue une plateforme régionale pour renforcer les synergies entre coopération internationale, action climatique et protection de la biodiversité marine, s’est félicitée la délégation.  Le Honduras a fait valoir quant à lui l’initiative du Monument naturel marin de Cayos Cochinos, qui vise à renforcer les capacités scientifiques locales, à promouvoir l’assainissement écologique au sein des communautés côtières et à développer des programmes éducatifs sur la valeur du récif mésoaméricain.  Un projet qui témoigne d’une coopération exemplaire entre l’État, le monde universitaire et la société civile, s’est-il réjoui.

Le Canada s’est intéressé au cas du transport maritime, qui constitue un exemple important où certains de ces liens doivent être exploités plus activement, puisque la refonte des navires s’imposera pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.  À cet égard, la délégation s’est dite convaincue que la lutte conjointe contre l’encrassement biologique, les bruits sous-marins et les problèmes climatiques dans le secteur du transport maritime peut se traduire par des avantages considérables.

 

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