BBNJ: après des débats fructueux, la Commission préparatoire pour l’entrée en vigueur de l’Accord sur la biodiversité marine entame sa deuxième semaine de travaux
BBNJ: après des débats fructueux, la Commission préparatoire pour l’entrée en vigueur de l’Accord sur la biodiversité marine entame sa deuxième semaine de travaux
Lancés le 14 avril dernier, les travaux de la Commission préparatoire pour l’entrée en vigueur de l’Accord se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (Accord BBNJ) et la tenue de la première réunion de la Conférence des Parties à l’Accord ont repris aujourd’hui.
À l’ouverture de la séance, ce matin, les Coprésidents de la Commission préparatoire, Mme Janine Elizabeth Coye-Felson (Belize)et M. Adam McCarthy (Australie), ont donné un aperçu des sujets qui ont semblé être au cœur des interventions des délégations et des tendances générales des débats qui ont déjà eu lieu. Les rapports oraux présentés par les coprésidents sont « bien entendu sans préjudice des discussions en cours et toutes les options évoquées par les délégations restent valables », a précisé M. McCarthy.
Sur le fond, ont-ils relevé, les délégations ont convenu du fait que le règlement intérieur de la Conférence des Parties (COP), largement considéré comme fondamental, apporterait « clarté, inclusion et justice ». S’agissant du lieu, on s’oriente vers une organisation des réunions au Siège de l’ONU, tout en laissant une certaine souplesse à la COP afin qu’elle conserve l’option d’organiser des réunions ailleurs, en prenant en compte les obstacles en termes de coûts.
S’agissant de la fréquence des réunions de la COP, on s’achemine vers « une fois par an au début, puis tous les deux ans ensuite ». Sauf circonstances exceptionnelles, le présentiel sera privilégié au virtuel, ont résumé les coprésidents. S’agissant du règlement intérieur des organes, plusieurs ajouts devraient être compilés dans un document unique. Un soutien a été exprimé pour que le secrétariat de la COP soit relié institutionnellement à l’ONU tout en préservant une certaine autonomie. À ce sujet, le modèle de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a semblé rallier le plus de soutiens.
Groupe de travail III sur les règles de gestion financière régissant le financement de la Conférence des Parties à l’Accord et le financement du secrétariat et de tout organe subsidiaire
La Commission préparatoire a ensuite poursuivi l’étude des règles de gestion financière régissant le financement de la prochaine COP, celui du secrétariat de l’Accord BBNJ et de ses cinq organes subsidiaires.
L’Union européenne (UE)a soutenu le fait qu’en adoptant le budget, la COP autorise le Chef du secrétariat à engager des dépenses pour lesquelles des crédits ont été ouverts, et ce jusqu’à concurrence des montants approuvés. Toutefois, sur la capacité de celui-ci à effectuer des virements de crédit à l’intérieur de chacune des principales lignes budgétaires approuvées et d’une ligne à l’autre, « à hauteur de 20% de la principale ligne de crédit sur laquelle le montant est prélevé », l’UE s’est montrée plus circonspecte. « Ce pourcentage devrait être aussi stable que possible: que la COP le fixe périodiquement paraît incertain. » Même prudence s’agissant de la réserve de trésorerie, qui a pour objet d’assurer la continuité des opérations en cas de manque temporaire de liquidités. Un passage dans la note des coprésidents n’a pas échappé à l’UE: dans le cadre du fonds d’affectation spéciale général, il est constitué une réserve de trésorerie dont la COP « fixe périodiquement le montant » par consensus. Ce dernier point a paru, là aussi, malvenu à l’UE.
S’agissant du modèle de fonds -modèle A, de type Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), ou modèle B, de type Convention sur la diversité biologique- l’UE n’a pas été en mesure de se prononcer à ce stade. Enfin, la perspective que la COP décide, en consultation avec le Secrétaire général de l’ONU, de la répartition de tout solde non engagé, une fois que toutes les dépenses ont été réglées, a satisfait l’UE, qui s’est félicitée « que si la COP peut créer des fonds, elle puisse aussi en supprimer ».
Le groupe Core Latin American countries (CLAM) a exprimé sa préférence pour « le modèle CCNUCC », sauf s’agissant du fonds spécial: là, le modèle de la Convention sur la diversité biologique prévaudrait pour sa souplesse. Le groupe a également adhéré à l’idée d’un fonds de réserve de trésorerie dans le cadre du fonds d’affectation spéciale général. Sur la question des arriérés, le CLAM s’est rangé derrière la Chine et a préconisé de la souplesse au sujet de la date butoir du 1er janvier pour le versement des contributions.
« Dans l’intérêt des pays en développement », la Fédération de Russie a appelé à ne pas créer de structures qui nécessiteraient un financement supplémentaire et ajouteraient un fardeau pour le mécanisme de financement. Pour garantir la stabilité financière de l’Accord, la Türkiye a recommandé la création d’un système de riposte graduée pour les arriérés persistants. Le mécanisme devrait toutefois prendre en compte les « circonstances exceptionnelles » des pays en développement et appuyer des mesures « proportionnées », telles que la suspension temporaire du droit de vote après une longue période de non-versement. Une telle approche, selon la Türkiye, promouvrait la reddition de comptes tout en préservant l’équité et l’inclusion.
Groupe de travail III sur les mesures à convenir avec le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) pour donner effet aux dispositions relatives au financement de l’Accord
Un représentant du Fonds pour l’environnement mondial (FEM) a pu échanger ce matin avec les délégations au sujet de la Caisse du FEM, mentionnée dans l’article 52 de l’Accord BBNJ comme faisant partie du mécanisme de financement, de même qu’un fonds spécial et un fonds de contributions volontaires. Le FEM est destiné à lutter contre la perte de biodiversité, les changements climatiques et la dégradation de l’environnement. Il aide les pays en développement à répondre aux priorités environnementales et à adhérer aux conventions internationales en la matière.
À une question de l’UE sur les conditions d’octroi, le représentant a utilisé comme référence la Convention de Minamata sur le mercure. Il a pointé que tous les projets financés par le FEM nécessitaient l’approbation préalable des parties, ceci pour minimiser les incompatibilités potentielles avec la Convention, l’Accord ou les orientations de la COP. À une seconde question portant sur les délais d’approbation du FEM par rapport au moment de l’entrée en vigueur du mémorandum d’accord, le représentant s’est, là encore, référé à la Convention de Minamata sur le mercure, où, lors de la septième réunion, il avait été décidé que ledit mémorandum serait renvoyé au Conseil du FEM pour examen avant la COP. Les secrétariats du FEM et de la COP de Minamata ont ainsi « travaillé de concert » pour mettre à jour le protocole d’entente, pour qu’il soit prêt à être adopté lors de la première COP.
La Russie a demandé au représentant du FEM ce qu’il pensait du projet de mémorandum d’accord à l’étude, « qui n’est pas un document juridiquement contraignant et ne crée aucun droit ou obligation pour les parties ». Constitue-t-il en l’état une garantie suffisante du financement des activités qui seront couvertes par l’Accord? Pour la Russie, cela risque de ne pas suffire. Sachant que le FEM opère par le truchement des institutions spécialisées des Nations Unies, la déléguée russe a voulu savoir « quelle serait l’option juridiquement contraignante la plus adéquate pour que l’intégrité de l’Accord soit préservée ». Quant au fonds d’affectation spéciale: « comment va-t-il fonctionner? Comment les contributions pourront-elles être faites par les pays en développement? » C’est très important, a insisté la Russie, parce que pour le moment, ce qui est présenté aux parties, c’est le modèle du FEM, partiellement contraignant, « sans que l’on sache si les États Membres peuvent fixer leurs conditions, ou si c’est le FEM qui les impose, ce qui est plus probable ». Le FEM risque de privilégier ses propres intérêts et de s’ingérer dans les processus internes des États, a-t-elle craint.
« Le mémorandum d’accord est une décision prise par les parties, aux parties de choisir ce qui doit y figurer », a simplement réagi le représentant du FEM. Le Fonds travaille en étroite coopération avec tous les secrétariats existants pour rendre des comptes, a-t-il assuré.
Pour la République de Corée, le mémorandum d’accord préparé par le secrétariat est adéquat. Cela dit, les modalités précises de financement nécessitent encore des débats. L’UE a pour sa part soutenu le protocole du FEM, ainsi que le Royaume-Uni, qui s’est réjoui du fait qu’il y ait déjà des financements disponibles. Le neuvième processus de reconstitution des ressources du FEM a débuté en décembre dernier et devrait être achevé d’ici à juin 2026.
En fin de matinée, les coprésidents ont réorienté les discussions vers la question du règlement intérieur de la Conférence des Parties à l’Accord.
Groupe de travail I sur le règlement intérieur de la Conférence des Parties à l’Accord
Singapour a réclamé, au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), que les petits États insulaires en développement (PEID) soient représentés dans tous les bureaux des organes subsidiaires.
Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), la Jamaïque a recommandé de faire en sorte que les mandats durent six ans et qu’ils soient limités au nombre de deux, « pas forcément de manière consécutive », afin que les experts des pays en situation particulière puissent être représentés de manière adéquate dans les organes subsidiaires. À ce sujet, un siège devrait être réservé à un représentant des PEID et à un représentant des pays les moins avancés (PMA), a ajouté la CARICOM. Il est à craindre que si l’on choisit les experts par groupe régional uniquement, il n’y ait pas vraiment de représentation équitable, a mis en garde la Micronésie, au nom des PEID.
Ce débat s’est poursuivi durant la session de l’après-midi, les délégations s’exprimant également sur la gouvernance des organes subsidiaires et les modalités pour la prise de décision.
Groupe de travail I sur le mandat, les modalités de fonctionnement et le règlement intérieur des organes subsidiaires créés en application de l’Accord
Les délégations se sont mises d’accord sur le fait que les organes subsidiaires doivent pouvoir jouir d’une certaine autonomie et d’une certaine indépendance, tout en s’acquittant de leurs fonctions sous l’égide de la COP. Si l’Accord BBNJ définit déjà le mandat de ces organes, a fait remarquer l’Union européenne, il faut toutefois favoriser les synergies afin d’éviter tout doublon, a-t-elle précisé, appuyée par le Bangladesh.
S’agissant de la composition du bureau, la Türkiye, Sri Lanka et le Royaume-Uni ont marqué leur nette préférence pour un bureau « de taille limitée ». Souhaitant que les présidents des organes subsidiaires participent à tous les travaux du bureau, le Japon a estimé, à l’instar de l’UE et de l’Islande, qu’un président et neuf vice-présidents serait le « nombre idéal ». S’agissant des pouvoirs des présidents des organes subsidiaires, les avis ont été davantage partagés. L’Australie a estimé que le président devrait pouvoir voter, tandis que l’Arabie saoudite préférerait que les présidents restent neutres.
Toutefois, l’Argentine, au nom du CLAM, a trouvé difficile d’assurer un équilibre régional dans de telles circonstances et s’est dite favorable à une limite de 15 membres qui pourraient prendre des décisions « en connaissance de cause ». Au nom de la CARICOM, la Jamaïque a précisé que « tant qu’il y a une représentation régionale pour nous, nous sommes flexibles » sur le nombre de membres.
Dans le même ordre d’idées, Singapour, au nom de l’AOSIS, a rappelé qu’il était important d’avoir un membre du bureau provenant des PEID pour répondre à leurs besoins spécifiques, tel que précisé dans l’Accord. Pour favoriser la participation des PEID, le Bangladesh a proposé d’inclure des mécanismes consultatifs. Réclamant une représentation des pays en développement, la République islamique d’Iran a abondé en ce sens et suggéré de nommer deux représentants pour chaque groupe régional représenté à l’ONU. Appuyant cet objectif, la Türkiye a également estimé que les cinq régions doivent être représentées de manière équitable.
Se posant en gardienne des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer comme à son habitude, la Fédération de Russie a rappelé que les décisions de la COP ne devront, en aucun cas, préjuger du statut juridique des mesures prises dans le cadre d’autres instances. Pour la déléguée russe, les zones protégées doivent être définies avec l’accord des pays signataires mais également, et -c’est là une « question vitale »- des États parties à la Convention, et il est nécessaire de prévoir des contre-dispositions pour préserver les droits des utilisateurs dans ces zones. Faisant écho à la position russe, la Chine a rappelé que les décisions prises dans le cadre de l’Accord BBNJ doivent effectivement refléter les intérêts de tous les pays.
C’est également dans cette optique que le libellé « jusqu’à ce que tous les efforts pour parvenir à un consensus aient été épuisés » a retenu l’attention des délégations lors des discussions sur les modalités de vote. Afin de s’assurer que tous les efforts ont été déployés pour parvenir au consensus, il faudrait déterminer des indicateurs et donc établir un seuil élevé pour le quorum, a expliqué la Chine, appuyée par le Japon. Un avis que la Micronésie, au nom des PEID du Pacifique, n’a pas partagé, préférant une majorité simple à un quorum trop élevé. Pour l’UE, les étapes pour arriver au consensus sont pourtant bien définies dans l’Accord, un avis que n’a pas partagé pas l’Arabie saoudite. « De toute façon, ce sera la COP qui décidera si le consensus a été épuisé », a fait valoir le délégué micronésien.
Débattant sur le seuil à atteindre pour les décisions et les amendements, le Maroc, au nom du Groupe des États d’Afrique, et la Türkiye ont suggéré un seuil des deux tiers pour garantir « la légitimité du processus », une option retenue également par le Japon qui pourrait « même accepter un seuil des trois quarts ». Pour d’autres délégations, tout dépend du type de décision. Selon la déléguée chinoise, il ne peut y avoir d’outil de gestion qui ne soit créé par consensus. D’après la Micronésie, au nom des PEID du Pacifique, toutes les parties prenantes de la Convention sur le droit de la mer devraient être associées à la création d’outils de gestion mais « cela ne veut pas dire qu’on ne doive pas essayer de dégager un consensus ».
L’Argentine, au nom du CLAM, a, quant à elle, relevé l’absence de dispositions sur le droit au vote par procuration. Le vote par procuration est « contraire aux principes de la Charte de l’ONU », a objecté la Russie, souhaitant éviter tout précédent allant à l’encontre des pratiques onusiennes. « Il n’existe pas de règles formelles pour le vote par procuration dans ce contexte », a répliqué le Royaume-Uni. L’Accord est un « jalon pour le multilatéralisme et l’inclusivité en est un principe clef », a tranché l’Islande, faisant remarquer que le vote par procuration soutiendrait toute disposition allant en ce sens.
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