En cours au Siège de l'ONU

9940e séance – après-midi
CS/16094

Ukraine: le Conseil de sécurité fait le point sur l’intensification des attaques et les chances de cheminer vers la paix

Le nombre élevé de victimes et le niveau de destruction des infrastructures civiles en Ukraine depuis janvier 2025 ont été, cet après-midi, au centre de l’attention des membres du Conseil de sécurité, de deux hauts fonctionnaires et de plusieurs délégations européennes.  Ils ont pointé l’utilisation à grande échelle de missiles de longue portée et de drones par la Fédération de Russie comme cause de cette situation.  La délégation du pays incriminé s’est expliquée en assurant n’avoir visé que des cibles militaires, pendant que l’Ukraine a prié le Conseil de ne pas s’habituer à cette « guerre russe » comme s’il s’agissait d’un bruit de fond. 

Il est en effet essentiel de maintenir une attention soutenue sur le besoin urgent de paix en Ukraine, a fait valoir le Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques, au moment où se déroule une nouvelle escalade sur le terrain.  Dans son exposé sur l’évolution de la situation au cours des trois dernières semaines, M. Miroslav Jenča a noté les attaques aériennes russes incessantes et de grande ampleur contre des villes et villages ukrainiens qui ont fait augmenter de manière significative le nombre de victimes civiles. 

L’attaque de la nuit du 16 au 17 juin contre sept quartiers de Kyïv a tué au moins 28 civils et blessé plus de 130 autres, a-t-il déclaré, constatant que c’est l’une des attaques les plus meurtrières perpétrées dans la capitale depuis près d’un an.  Et cette nuit même, plus de 428 drones et missiles sont tombés sur Odessa, Zaporizhzhia, Chernihiv, Zhytomyr, Kirovohrad, Mykolaiv et Kyïv.  Ce niveau élevé de victimes et de destruction risque d’amoindrir l’espoir d’un cessez-le-feu immédiat et de compromettre les perspectives d’une paix durable, s’est inquiété M. Jenča. 

Au moins 13 438 civils ont été tués et 33 279 blessés depuis le début de l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie en février 2022, a-t-il poursuivi en citant les chiffres du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).  Cette augmentation « spectaculaire » des victimes, en comparaison avec la même période de l’an dernier, résulte à son avis de l’utilisation accrue d’armes à longue portée, de missiles et de munitions rôdeuses.  Dans le même temps, a-t-il reconnu, les civils des régions frontalières de la Fédération de Russie ont subi une escalade de la violence, ce qui lui a fait rappeler que les attaques contre les civils et les infrastructures civiles sont strictement interdites par le droit international humanitaire. 

Sur le plan diplomatique, M. Jenča a parlé d’importants développements vers une paix durable en Ukraine, comme la réunion du 2 juin, à Istanbul, entre les délégations ukrainienne et russe aboutissant à un accord d’échanges de prisonniers de guerre et de dépouilles, ainsi que de détenus civils.  Le Sous-Secrétaire général a encouragé les parties à réaliser des progrès tangibles vers un cessez-le-feu et un règlement durable du conflit.  Il a appelé de redoubler d’efforts pour garantir que le fragile processus diplomatique soit non seulement soutenu, mais devienne aussi irréversible.

Augmentation de 50% des victimes civiles ukrainiennes

À son tour, Mme Edem Wosornu, Directrice des opérations et de la communication du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a déploré les graves conséquences de cette guerre sur les civils, imputant la hausse du nombre des victimes (augmentation de 50% de civils tués ou blessés en Ukraine au cours des cinq premiers mois de 2025 par rapport à 2024) et des destructions à l’utilisation de missiles à longue portée et des drones. 

En outre, le Service de l’action antimines des Nations Unies estime que plus de 20% du territoire ukrainien est contaminé par des mines, a-t-elle indiqué, avant de s’indigner que des travailleurs humanitaires aient été confrontés à 68 incidents de violence depuis janvier 2025.  La Directrice a également fait état d’informations non vérifiées sur des cas de victimes civiles et de dommages à des infrastructures civiles dans les régions frontalières, en Fédération de Russie.  Elle a appelé à épargner les civils, les travailleurs humanitaires et les biens civils. 

Mme Wosornu s’est également émue de la grave vulnérabilité de près de 13 millions de personnes en Ukraine, dont environ 3,7 millions de déplacés, sachant que 60 000 le sont depuis janvier 2025.  En outre, près de 6 millions d’Ukrainiens sont enregistrés comme réfugiés dans le monde, a-t-elle ajouté.  Saluant le travail des organisations non gouvernementales (ONG) locales, elle a toutefois regretté qu’il leur soit impossible d’atteindre 1,5 million de civils dans le besoin dans certaines parties des régions occupées par la Fédération de Russie. 

Elle a aussi invoqué le droit international humanitaire qui exige des parties qu’elles facilitent l’acheminement rapide et sans entrave de l’aide humanitaire vers les civils dans le besoin, où qu’ils se trouvent.  Grâce à la générosité des donateurs, a-t-elle indiqué, quelque 816 millions de dollars, soit 31% des 2,6 milliards nécessaires pour réaliser le Plan d’intervention humanitaire en Ukraine pour 2025, ont été mobilisés.  Appelant le Conseil à protéger les civils, Mme Wosornu a demandé à préserver les infrastructures civiles et à maintenir le soutien financier qui a tendance à baisser pour sauver des vies.  « En tout cas, il faut mettre fin à cette guerre. »

Les civils utilisés comme boucliers humains, selon la Russie

Acculée par les autres membres du Conseil et d’autres intervenants pour son utilisation de missiles et de drones, la Fédération de Russie a expliqué avoir visé exclusivement des cibles militaires au cours des récentes frappes à Kyïv.  Mise devant le nombre élevé des victimes civiles, elle a dénoncé l’utilisation de civils comme « boucliers humains » par les forces armées ukrainiennes.  De plus, la Russie a dénoncé le silence délibéré des Occidentaux à propos des crimes commis par les forces armées ukrainiennes contre des civils dans les régions russes où, du 9 au 15 juin, 104 civils ont été blessés et 8 personnes tuées par les bombardements des « nazis ukrainiens ». 

Le représentant russe s’est dit convaincu que cette série d’actes terroristes visait à perturber le deuxième cycle de négociations de paix du 2 juin et à inciter son pays à des représailles de grande ampleur.  S’agissant des contacts directs russo-ukrainiens établis à Istanbul, le délégué a assuré que son projet de mémorandum sur un accord de paix comprend les conditions de conclusion d’une paix globale et durable, ainsi que celles d’un cessez-le-feu.

C’est la meilleure offre que l’Ukraine puisse recevoir aujourd’hui, a-t-il déclaré en conseillant à ce pays de « l’accepter, car la situation à Kiev ne fera qu’empirer à partir de maintenant ».  La seule chose qui puisse encore sauver l’Ukraine d’une catastrophe totale est l’ouverture immédiate de négociations constructives et réalistes, dont nous proposons la tenue du prochain cycle à Istanbul après le 22 juin, a réitéré le délégué russe. 

L’Ukraine prie le Conseil de mettre fin à cette guerre

L’Ukraine a répondu en comparant les attaques de missiles et de drones par la Fédération de Russie à « une épée de Damoclès planant au-dessus de nos têtes et pouvant s’abattre à tout moment ».  Cette guerre russe est menée non pas dans des tranchées mais dans les chambres de la population, dans les cuisines, dans les aires de jeu, dans les hôpitaux et dans les écoles. 

Cette folie doit prendre fin, a prié le représentant s’étonnant de la déclaration de la Russie.  « Si ce n’est pas la Russie qui bombarde nos maisons, alors c’est “Dark Vador” et son étoile de la mort. »  Pour le délégué ukrainien, ces attaques sont pourtant bien une décision du Président Putin pour terroriser les civils car son armée ne parvient pas à gagner sur le champ de bataille.  Face à cela, le délégué a martelé que le Conseil devait promouvoir la paix et mettre un terme à cette guerre horrible. 

« Le Conseil ne doit pas s’habituer petit à petit à cette guerre comme s’il s’agissait simplement d’un bruit de fond », a encore prié le délégué ukrainien en lui demandant de ne pas tolérer les crimes de guerre commis au quotidien en Ukraine.  Même s’il est dans l’impasse, le Conseil doit montrer qu’il est possible de mettre un terme à ce bain de sang, de parvenir à un cessez-le-feu immédiat sans condition pour au moins 30 jours ou, encore mieux, 60 jours. 

Préserver l’élan des négociations d’Istanbul

Les civils doivent être protégés et les belligérants doivent respecter le droit international humanitaire, a annoncé la Chine, préoccupée elle aussi par les attaques de missiles et de drones.  La délégation a souhaité que soient préservés l’élan obtenu grâce aux négociations et les contacts établis afin de parvenir à un accord de paix juste et acceptable par tous. 

Exhortant à créer les conditions propices à la paix, la Chine a appelé les États-Unis à se concentrer sur une solution diplomatique par le dialogue.  De son côté, la Lituanie, qui s’exprimait au nom des États baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie), a exhorté la Chine à exercer son influence pour contraindre la Russie à la paix en Ukraine en acceptant le cessez-le-feu.

Un ressortissant américain a été tué dans ces attaques, a informé la déléguée américaine qui a condamné leur brutalité.  La Russie tue des civils ukrainiens alors qu’elle devrait faire l’inverse c’est-à-dire mettre un terme à la guerre, s’est-elle indignée.  Cela fait 116 jours que le Conseil a adopté une résolution appelant de ses vœux une cessation du conflit et une paix durable entre la Fédération de Russie et l’Ukraine, mais les actions de la Russie vont à l’encontre de cet objectif, s’est impatientée la déléguée. 

« Aujourd’hui, nous lançons de nouveau un appel à la Russie pour qu’elle négocie de bonne foi dans le but d’un cessez-le-feu et d’une paix durable, et nous exhortons tous les pays, y compris la Chine, à cesser les exportations vers la Russie de technologies à double usage qui pourraient contribuer à la guerre en Ukraine », a insisté la représentante américaine.

Première étape: accepter un cessez-le-feu

Les autres délégations ont vivement dénoncé les frappes de missiles et de drones russes sur des immeubles résidentiels.  Le Royaume-Uni a aussi reconnu que, selon les dernières informations, le nombre de victimes militaires russes aurait atteint le million.  « Alors que ces terribles chiffres continuent de s’accumuler, la Russie ne montre aucun signe d’apaisement », s’est étonnée la délégation, avant d’appeler une nouvelle fois ce pays à respecter le droit international et à accepter un cessez-le-feu inconditionnel.  Même son de cloche chez le Danemark et l’Union européenne, qui ont demandé à la Russie d’accepter l’offre de l’Ukraine d’un cessez-le-feu de 30 jours immédiat, inconditionnel et complet.

Les parties doivent accepter un processus politique pour parvenir à une paix durable, a plaidé l’Algérie, et s’y engager de bonne foi, a ajouté le Guyana. Mais la Russie ne veut pas la paix, a décrété la France en estimant que des habitants de Kyïv sont morts parce que la Russie choisit chaque jour de semer la terreur au sein de la population pour tenter de mettre l’Ukraine à genoux.  L’Allemagne s’est montrée de même dubitative quant à la volonté de la Russie de trouver une solution diplomatique juste et durable.  Il lui a semblé que la Russie voulait plutôt la capitulation inconditionnelle de l’Ukraine. 

L’Allemagne a néanmoins dit attendre de la Russie un engagement sincère en faveur d’un cessez-le-feu complet et inconditionnel, qui serait « un premier pas vers la paix ».  Un argument repris par la Norvège qui, au nom des pays nordiques (Danemark, Finlande, Islande, Suède et Norvège), a dit soutenir la position de l’Ukraine selon laquelle la première étape doit être un cessez-le-feu total, immédiat et inconditionnel.  Elle s’est également préoccupée de l’accès humanitaire « complet, sûr et sans entrave » aux territoires occupés.

Le Pakistan a dit garder l’espoir que les deux parties s’appuieront sur les cadres existants pour parvenir à un cessez-le-feu durable et ainsi trouver une solution durable.  À cet égard, il est important de maintenir des voies de communication entre les parties, a observé le Panama. 

Dernière à intervenir, l’Italie a rappelé que seule une solution diplomatique pourrait conduire à une paix acceptable, basée sur la Charte des Nations Unies et le droit international, avec l’implication de l’Ukraine et de l’Europe. L’Italie accueillera d’ailleurs une conférence à Rome, les 10 et 11 juillet, sur le relèvement de l’Ukraine.  Il y sera question de lancer les fondations d’une Ukraine prospère et indépendante en Europe.

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