En cours au Siège de l'ONU

Le Comité des ONG recommande l’octroi du statut consultatif spécial à 106 ONG dont le Ban Ki-moon Centre for Global Citizens

Session ordinaire de 2022,
15 et 16e séances plénières, matin & après-midi
ONG/939

Le Comité des ONG recommande l’octroi du statut consultatif spécial à 106 ONG dont le Ban Ki-moon Centre for Global Citizens

Le Comité chargé des organisations non gouvernementales a entamé aujourd’hui sa reprise de session 2022 en recommandant le statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social (ECOSOC) à l’ONG Ban Ki-moon Centre for Global Citizens et 105 autres organisations. 

Le Comité a reporté sa décision pour 44 autres ONG en attendant leur réponse aux questions supplémentaires posées par les membres du Comité. 

Durant cette reprise de session, qui s’achèvera le 7 septembre, le Comité devra examiner en tout 564 nouvelles demandes de statut d’ONG de 66 pays, a annoncé la Vice-Présidente, Mme Mine Ozgul Bilman.  Quelque 348 demandes reportées des sessions précédentes attendent également les 19 membres qui devront en outre statuer sur 317 nouveaux rapports quadriennaux et 86 rapports issus des sessions précédentes d’ONG dotées de statut général ou consultatif. 

Créée en mars 2021 et basée à Vienne en Autriche, la Ban Ki-moon Centre for Global Citizen, qui tire son nom de l’ancien Secrétaire général de l’ONU, regroupe 16 associations membres dont l’une des activités en cours est un programme de bourses pour l’autonomisation des femmes leaders.  D’autres programmes visent à pérenniser l’héritage de l’ancien chef de l’ONU dans le domaine climatique, la médiation, l’éducation et le plaidoyer. 

S’agissant du renforcement du service des ONG et de la mise en œuvre de la résolution 1996/31, M. Wook-Jin Chang, Chef du service, a déclaré que le nombre d’ONG demandant le statut consultatif n’a cessé de croître pour atteindre plus de 883 demandes en 2020.  Aujourd’hui plus de 6 300 ONG sont dotées du statut consultatif auprès de l’ECOSOC.  En revanche, les capacités du service n’ont pas augmenté entravant son aptitude à passer en revue et à présenter toutes les nouvelles demandes de statut consultatif. 

M. Wook-Jin Chang a appelé le Comité à doter le service des ressources nécessaires pour qu’il s’acquitte de ses obligations au titre de la résolution 1996/31 annonçant qu’à la suite de campagne de sensibilisation auprès des ONG, près de 600 nouvelles demandes de statut pour le cycle de 2023 ont été reçues.  Le haut responsable a en outre informé de la mise à l’essai d’un nouveau système informatique qui viendra remplacer une plateforme obsolète utilisée à l’heure actuelle.  Cette nouvelle plateforme devrait être lancée d’ici à la fin de l’année, a-t-il précisé. 

Sur la question du renforcement du rôle du Comité des ONG, l’Union européenne a prié le Comité ne pas traiter les ONG de façon arbitraire en prenant l’exemple de l’ONG européenne « Le Réseau de solidarité internationale » qui, en 15 ans, a reçu 103 questions auxquelles elle a répondu de façon très complète.  Cette situation ternit la réputation des Nations Unies et appelle à la réforme de ce système avec des procédures plus équitables et transparentes notamment pour établir des limites s’agissant des reports des demandes de statut des ONG.  Le délégué européen a aussi rappelé que l’ECOSOC peut inverser une décision du Comité des ONG s’agissant de non-recommandation de statut consultatif. 

Les États-Unis ont rappelé que face aux abus de procédure du Comité des ONG, l’ECOSOC a décidé d’octroyer le statut consultatif spécial à 16 organisations en juillet dernier.  Ils ont déploré la marginalisation des ONG qui travaillent sur les droits humains, les groupes marginalisés ou encore de toxicomanes.  Il est impératif que le Comité fasse davantage pour recommander le statut consultatif aux organisations quelle que soit leur position politique.  Les États-Unis et l’Union européenne ainsi que d’autres délégations ont en outre souhaité que les ONG puissent interagir avec le Comité via Internet durant le segment d’une heure consacré au dialogue avec les ONG.  La Grèce a secondé cette demande. 

La Türkiye a formé le vœu de voir le Comité reprendre son cycle de travail « normal » l’an prochain.  S’agissant des prochaines consultations avec les ONG dotées de statut, le représentant a insisté sur l’importance de la transparente, de l’équité et de l’inclusion.  Le Mexique a souligné l’importance de la participation des ONG des pays en développement y compris en ligne.  L’Estonie a dénoncé pour sa part l’impact sur les ONG de l’agression militaire russe en Ukraine, avant de demander elle aussi que les ONG puissent participer au dialogue en ligne avec le Comité. 

Cuba a déploré le fait que le site Web du service des ONG n’ait pas mis à jour la version actuelle datant de 2019.  Le représentant a demandé des précisions sur ce à quoi le Comité s’attend pour le cycle en cours et le cycle à venir, estimant essentiel de veiller à la mise en œuvre de la résolution 1996/31.  La Chine a elle a aussi exigé une application à la lettre de cette résolution et a appelé le Comité des ONG à s’efforcer de conserver son autorité. 

Le Royaume-Uni qui a dénoncé l’agression militaire russe en Ukraine, a vanté le rôle de la société civile et des ONG dans la région.  Regrettant les nombreux reports des demandes des ONG, le représentant s’est inquiété des représailles dont elles sont victimes.  C’est très dommageable pour l’ONU, a estimé le délégué qui a demandé à revoir la méthode de travail du Comité pour éviter ces reports arbitraires. 

Le Pakistan a annoncé l’ouverture d’une enquête concernant les agissements de neuf ONG qui mènent des campagnes de désinformation motivées politiquement visant le pays depuis plus de 20 ans.  Une fois l’enquête terminée, le Gouvernement n’hésitera pas à intenter des actions au civil ou au pénal contre ces ONG, a averti le délégué. 

Au cours de cette séance, le Comité a également adopté le rapport de la première partie de session 2022 et son programme de travail pour cette reprise qui devrait comprendre l’élection d’un deuxième vice-président après la démission de M. Alejandro González Behmaras.  Il poursuivra ses travaux mardi 30 août, à partir de 10 heures. 

NOUVELLES DEMANDES D’ADMISSION AU STATUT CONSULTATIF  

Octroi du statut consultatif spécial

  1. Admighty Foundation (Inde) 
  2. African Refugee and Migrants Aid « ARMA » (Afrique du Sud) 
  3. African Smart Cities Innovation Foundation (Nigéria) 
  4. Al Najm (Liban) 
  5. Andaa Vijana Initiative (Kenya) 
  6. Arab African Council for Peace and Development (Soudan) 
  7. Ardha Jabesa Foundation (Kenya)
  8. Association for Community Development – ACD (Bangladesh) 
  9. Association of Women Professional Financial Managers (Nigéria)
  10. Associação Esporte e Vida (Brésil) 
  11. Beijing Chaoyang District Yongxu Global Environmental Institute (Chine)
  12. Beijing Global Talent Exchange Association (Chine)
  13. Betneely Charity Foundation (Nigéria)
  14. Beyond Mentors Community Care Initiative (Nigéria)
  15. Building Foundation for Development (Yémen)
  16. Cashew Gardens Community Council (Trinité-et-Tobago)
  17. China Ethnic Minorities’ Association for External Exchanges (Chine)
  18. Chongqing Centre for Equal Social Development (Chine)
  19. Coalition of Societies for the Rights of Older Persons in Nigeria (Nigéria)
  20. Corporación Mujeres Católicas por el Derecho a Decidir de Colombia (Colombie)
  21. Defence and Police Officers’ Wives Association (DEPOWA) (Nigéria) 
  22. Destined Kids Assistance Program (DEKAP) Inc (Libéria)
  23. Elsophi Save The Family Limited (Nigéria)
  24. Espoir du Congo pour le développement durable (République démocratique du Congo-RDC)
  25. Fundación Estudiantes Internacionales Debatiendo por el Saber – Eidos (Argentine) 
  26. Fundación Jecani (Costa Rica)
  27. Fundación Comparlante (Argentine) 
  28. Fundación Eduxi (Colombie) 
  29. Fundación Mundo Sano (Argentine) 
  30. Fundación Red de Salud de las Mujeres Latinoamericanas y del Caribe (Chili)
  31. Geledés - Instituto da Mulher Negra (Brésil)
  32. Ghana Federation of Disability Organisations (Ghana) 
  33. H4P (Ghana)
  34. Hands To Help International Foundation (Nigéria)
  35. Help Restore International (Ghana)
  36. House of Africa (Tchad)
  37. Instituto Alana (Brésil)
  38. Instituto Ceu Estrela Guia (Brésil)
  39. International Federation of Women Lawyers (Nigéria)
  40. International Probono Legal Services Association Limited (Chine)
  41. JKCS Edu India Foundation (Inde)
  42. Just Clean It Limited (Ouganda)
  43. Kazit Children Development Foundation (Nigéria)
  44. King Abdulaziz Center for National Dialogue (Arabie saoudite)
  45. Larsa Organization (Iraq)
  46. Law & Justice Foundation (Bangladesh)
  47. Millennium Child Support Group (Ghana)
  48. Never Again Rwanda (Rwanda)
  49. ONG Cruz Verde Ambiental (Colombie)
  50. Ordre Suprême des Ancêtres (Bénin) 
  51. Patient Access Network (Nigéria)
  52. Perkumpulan Teknologi Informasi Dan Open Source (Indonésie)
  53. Policy & Economic Alliance Caring of Earth (Chine)
  54. Raisons Africaines (République démocratique du Congo-RDC)
  55. Serendipity Healthcare Foundation (Nigéria)
  56. South Asian Women Development Forum (Népal)
  57. Sristy Human Rights Society (Bangladesh)
  58. St. Gabriel Skill Acquisition and Empowerment Foundation (Nigéria)
  59. Sudanese Environment Conservation Society (Soudan)
  60. Sufficient Power In Christ Church (Nigéria)
  61. Tanzania Peace, Legal Aid and Justice Centre (PLAJC) (Tanzanie)
  62. Tender Hearts Foundation (Nigéria)
  63. The Development Institute (Ghana)
  64. The Nigerian Workforce Strategy and Enlightenment Centre (Nigéria)
  65. Tianjin Eco-city Friend of Green Eco-Culture Promotion Association (Chine)
  66. Unification Nepal Gorkha (Népal)
  67. United Funding and Development for Underage Mothers (UFDUM), Inc (Libéria)
  68. Universal Institute of Professional Management (Indonésie)
  69. Waste Warriors Society (Inde)
  70. Women of Mercy Foundation (Nigéria)
  71. World Buddhist Association In Bangladesh (Bangladesh)
  72. World Disability Union (WDU) (Émirats arabes unis)
  73. World Silambam Association (Malaisie)
  74. Wuxi Lingshan Charity Foundation (Chine)
  75. Youth for Charity Missions International (YOFOCHM) (Ouganda)
  76. YouthBuild - Sierra Leone (Sierra Leone) 
  77. Zeleni krst (Serbie)
  78. Zhongguancun Federation of Social Organizations (Chine)
  79. Internacionalna policijska organizacija (International police organization) (Serbie)
  80. Échos De La Justice Pour Le Développement Communautaire (RDC)
  81. AID & RES (États-Unis)
  82. ALTE - Association of Language Testers in Europe (Royaume-Uni)
  83. Afrolatino (Royaume-Uni)
  84. Agency of International Cooperation for Development, Inc. (États-Unis)
  85. Asociación de Mujeres Cineastas y de Medios Audiovisuales (C.I.M.A.) (Espagne)
  86. Assist Associazione Nazionale Atlete (Italie)
  87. Association INMISUISSE (Inter Migrants Suisse) (Suisse)
  88. Association of University Radiologists (États-Unis)
  89. Human Rights at Sea (Royaume-Uni)
  90. Association pour le Droit de l’Homme et Le Développement Durable (France)
  91. Atheist Ireland (Irlande)
  92. BFWorld (République de Corée)
  93. Ban Ki-moon Centre for Global Citizens - Ban Ki-moon Zentrum für globale Bürger (Autriche)
  94. Beat Nb Cancer Foundation Inc (États-Unis)
  95. Business Council for International Understanding (États-Unis)
  96. Duroo (République de Corée)
  97. Fondation Suisse de Déminage (FSD) (Suisse)  
  98. Garifuna Indigenous People of St. Vincent and the Grenadines Inc. (États-Unis)
  99. Global Organization for Sustainable Development Goals Inc (États-Unis)
  100. Global Srilankan Forum United Kingdom (Royaume-Uni)
  101. Good Friends International (République de Corée)
  102. Haro Riksorg, Valfrihet Jämställdhet Föräld. Skap (Suède)
  103. Health Finance Institute (États-Unis)
  104. Herkes İçin Eşitlik Ve Liderlik Platformu Derneği (Türkiye)
  105. Human Rights Research League (Norvège)
  106. Human Rights at Sea (Royaume-Uni)

Examen des demandes de statut consultatif

Quelle sont les activités de Advocates Association for Social Responsibility And Awareness (Inde)? a demandé le Pakistan.  Qui sont les sponsors des récompenses distribuées par All India Council of Human Rights Liberties & Social Justice (Inde)? a questionné la Chine.  Le Pakistan a réclamé l’état financier 2021 de l’Association For Academic Quality (AFAQ) (Pakistan). 

Que compte apporter à l’ECOSOC l’ONG Bonyad Jahadi Mehr Alreza Utility (Iran)? ont interrogé les États-Unis.  Quel est le bilan financier de 2020-2021 de Crime And Corruption Control Association (Inde)? a voulu savoir le Pakistan.  La même délégation a exigé de Dr M Chandrasekhar International Foundation (Inde) des détails sur son budget. 

Dans quels pays est présent Fiji Women’s Rights Movement (Fidji)? a demandé la Chine.  Quelles sont les contributions du Gouvernement et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) aux activités de For NGO NGO Legal Research and Service Center, Shanghai (Chine)? a voulu savoir le Pakistan.  Quelles sont les contributions des organismes des Nations Unies pour Fundación Ciudadanía y Desarrollo (Équateur)? a questionné Cuba

Quels sont les efforts de Green Camel Bell (Chine) pour protéger les droits fondamentaux des minorités? ont interrogé les États-Unis.  Comment fait Grs Universe Social Welfare Trust (Inde) pour financer son projet agricole et sylvicole? a voulu savoir le PakistanGulf International Center for Legal Business Solutions (Bahreïn) est-elle une organisation nationale ou internationale? a demandé le Nicaragua

Comment Human Environmental Association for Development – HEAD (Liban) compte-t-elle contribuer aux travaux de l’ECOSOC? ont demandé les États-Unis.  Quel est le bilan des activités de Human Rights Initiative (Inde) en 2021? a questionné le Pakistan qui a posé la même question à India Tommorrow (Inde).  Quelle sont ses sources de financement? a ajouté la délégation. 

Karim Khan Afridi Welfare Foundation (Pakistan) a été priée par le Pakistan de lui fournir la liste de ses membres.  Les États-Unis ont ensuite demandé des précisions sur les dépenses de Legal Analysis and Research Public Union (Azerbaïdjan).

Le Bahreïn a demandé des détails sur les projets d’où sont tirés les fonds qui alimentent le budget de Life Maker Meeting Place Organization USA (Yémen).  À Mahila Va Apang Bal Vikas Sanstha (Inde), le Pakistan a dit attendre des états financiers actualisés des deux dernières années.  La Türkiye a pour sa part voulu savoir si Mam Humanitarian Foundation/ MHF (Iraq) fonctionne également hors d’Iraq.  Une préoccupation similaire a été soulevée par le Bahreïn qui a demandé la liste des pays où la Mediterranean Youth Foundation for Development « MYF » (Égypte) mène ses activités.

Mitraniketan (Inde) a été priée par le Pakistan d’apporter des précisions sur son état financier actualisé.  Le même pays a demandé des précisions sur des projets spécifiques menés par National Disability & Development Forum (NDF) (Pakistan).  La délégation a aussi demandé la liste des organisations membres de National Solar Energy Federation of India (Inde).  Dans la même lancée, le Pakistan a également demandé des détails sur l’état financier de PAY-W Clinic (Inde).  Ensuite, Cuba a invité Parlamento Internacional para los Derechos Humanos (PIDH) (Venezuela) à apporter des précisions sur les pays où elle se déploie. 

Le Pakistan a poursuivi en demandant les états financiers actualisés de Peace Justice Humanity and Relief Foundation (Inde).  La même délégation a voulu avoir des détails sur les partenaires de Prashanthi Balamandira Trust (Inde).  À Supportive Homeland Association for Development (SHAD) (Égypte), l’Inde a demandé des informations sur les projets entrepris avec ses partenaires, avant que le Bahreïn n’invite Wathiqun Foundation for Development (Yémen) à préciser les noms de ses organisations affiliées.  

Le Pakistan a ensuite souhaité recevoir les états financiers des deux dernières années de Working Women Welfare Trust (Pakistan).  Le même pays a demandé des informations complémentaires sur les états financiers de World Culture Forum (Inde), avant de poursuivre en appelant à plus de détails sur les activités menées en Asie du Sud-Est par Yadam Institute of Research (Inde).  Le Pakistan a également invité All Survivors Project Foundation (Liechtenstein) à apporter des précisions sur l’origine des fonds qui permettent de financer ses activités.

À AlterContact (Pays-Bas), la Chine a demandé de modifier la terminologie utilisée sur son site Internet concernant Taiwan « qui est une province de Chine ».  La même délégation a demandé des précisions sur la coordination des activités de Asociatia Geyc (Roumanie) dans toute l’Union européenne.  Pour sa part, la Türkiye a demandé qu’Associazione Nazionale Volontarie Telefono Rosa - Centro di Orientamento per i Diritti della Donna - ONLUS (Italie) apporte des précisions sur ses activités.  À Corporate Counsel Women of Color Inc (États-Unis), la Chine a demandé des précisions sur les fonds fournis par des entreprises classées parmi les 500 meilleures. L’Inde a ensuite appelé à plus de détails sur les activités menées en Inde par Dalit Solidarity, Inc. (États-Unis).

À l’endroit d’Education for Social Justice Foundation (ESJF) (États-Unis), la Chine a demandé de préciser sur son site Internet que Taiwan est une province de Chine.  L’Estonie a voulu savoir pourquoi l’organisation Fond Podderzhki Tekhnologicheskogo Predprinimatelstva Dalnevostochnogo Federalnogo Universiteta (FEFU Technology Entrepreneurship Fund) (Fédération de Russie) se dit nationale mais indique dans sa présentation qu’il est possible de créer des branches dans d’autres pays.  À l’endroit de la même ONG, les États-Unis ont demandé de préciser les résultats de certaines activités mentionnées sur son site Internet.  

Comment Global Choices.org (États-Unis) collabore-t-elle avec ses partenaires, a demandé la Fédération de Russie, avant que la Chine invite Global Organization Of People Of Indian Origin (GOPIO), Inc. (États-Unis) à préciser qui sont ses partenaires internationaux.  À Helping Hand for Relief and Development Inc (États-Unis), la Grèce a demandé d’expliquer comment elle entend contribuer aux travaux de l’ECOSOC.  

Dialogue avec les ONG

Le représentant de Human Rights at Sea (Royaume-Uni) a expliqué que son organisation œuvre à la protection des droits des travailleurs en mer, afin que ces derniers puissent bénéficier des mêmes droits que les travailleurs sur terre.  Aucune question ne lui a été posée et le Comité lui a octroyé le statut consultatif spécial.  

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: des délégations se renvoient la responsabilité de la situation humanitaire et économique de l’Afghanistan un an après la prise de pouvoir par les Taliban 

9118e séance - après-midi
CS/15009

Conseil de sécurité: des délégations se renvoient la responsabilité de la situation humanitaire et économique de l’Afghanistan un an après la prise de pouvoir par les Taliban 

Un an après la prise de Kaboul par les Taliban le 15 août 2021, le Conseil de sécurité a tenu, cet après-midi, à la demande de la Fédération de Russie, un débat sur la situation en Afghanistan marqué par des appels à dialoguer avec les autorités de facto.  Certaines délégations se sont par ailleurs renvoyé la responsabilité de la grave situation humanitaire du pays.   

Dressant un tableau de la « gravité inédite » de la situation humanitaire, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires a déclaré que 19 millions de personnes sont confrontées à des niveaux aigus d’insécurité alimentaire, dont 6 millions en danger de famine et que plus de la moitié de la population –soit 24 millions de personnes– a besoin d’une aide humanitaire.   

« La crise afghane est une crise humanitaire.  C’est une crise économique.  C’est une crise climatique.  C’est une crise de la faim.  C’est une crise financière.  Mais ce n’est pas une crise désespérée », a néanmoins noté M. Martin Griffiths, qui a précisé que les agences des Nations Unies et les ONG partenaires ont pu atteindre près de 23 millions de personnes dans le besoin en 2021, tout en prévenant que l’aide humanitaire ne pourra jamais remplacer la fourniture de services à 40 millions de personnes à travers le pays.

Rappelant que le régime actuel en Afghanistan n’est reconnu par aucun membre de la communauté internationale, le Représentant spécial adjoint du Secrétaire général chargé des affaires politiques pour l’Afghanistan a jugé essentiel de dépasser les positions endurcies pour s’orienter vers un dialogue entre les Taliban, les autres parties prenantes afghanes, la région au sens large et la communauté internationale.  Un tel dialogue doit placer les intérêts de tous les Afghans en son centre, a plaidé M. Markus Potzel, notant que la stabilité de l’Afghanistan dépend de la satisfaction des besoins de son peuple, de la promotion de ses droits et de la prise en compte de la diversité du pays dans toutes les structures de gouvernance.   

De son côté, Mme Lucy Morgan Edwards, chercheuse indépendante titulaire d’une thèse de doctorat sur l’Afghanistan, a estimé que le chaos afghan était la conséquence de la tentative occidentale d’imposer une démocratie libérale, qui a engendré un État corrompu et défaillant, et d’un climat d’impunité qui a incité les seigneurs de guerre à retourner dans leurs fiefs pour y multiplier les actions illégales.  

Après avoir cité une liste de maladresses occidentales dont les massacres de civils et l’humiliation du Roi de l’Afghanistan par un ambassadeur américain, elle a donné toute la mesure de l’échec de l’intervention occidentale en précisant que son coût se chiffrerait à 8 000 milliards de dollars depuis le 11 septembre 2001.  Notant que près de 148 milliards de dollars ont aussi été versés par les États-Unis, elle a laissé entendre que des sommes colossales ont été dépensées pour former les forces afghanes, mais aussi pour financer le matériel de l’OTAN qui a été abandonné lors de la fuite du pays. 

Si la Fédération de Russie a accusé les pays occidentaux d’avoir renforcé le terrorisme et le trafic de stupéfiants depuis leur arrivée en Afghanistan en 2001, le représentant du Royaume-Uni a imputé la déstabilisation de la société afghane au legs de l’occupation soviétique de 1979 à 1989, insistant par ailleurs sur l’urgence d’injecter des liquidités en Afghanistan pour éviter l’effondrement de son économie.   

Assurant que les États-Unis et leurs alliés, « qui sont nombreux au Conseil », continueront de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour aider le peuple afghan, la représentante américaine a relevé que la Russie n’a versé que 2 millions de dollars au plan d’aide humanitaire pour l’Afghanistan, « et encore, rien cette année », et que les contributions de la Chine « sont également décevantes ».   

« C’est vous qui devez payer pour vos erreurs en Afghanistan en commençant par restituer au peuple afghan les actifs gelés », a rétorqué le représentant russe après avoir fustigé le cynisme de l’appel américain invitant les Chinois et Russes à financer le relèvement d’une économie détruite par 20 ans d’occupation américaine et par l’OTAN.   

Si plusieurs délégations ont estimé que le gel de 7 milliards de dollars d’avoirs afghans par les États-Unis était une atteinte à la souveraineté de l’Afghanistan, la représentante des États-Unis a souligné qu’il était hors de question de verser aux Taliban des milliards d’actifs en l’absence de tout système de contrôle indépendant qui permette de vérifier la bonne utilisation de ces fonds.  « Ce qui n’a pu être imposé par la force ne pourra l’être par des sanctions », a estimé pour sa part le Pakistan pour qui maintenir isolé le Gouvernement intérimaire afghan « n’est ni dans l’intérêt des afghans ni dans celui de la communauté internationale ».

« Seul un système fonctionnel et représentatif pourra sauver l’Afghanistan et sortir le pays du cycle de la guerre », a souligné le représentant de l’Afghanistan qui a exhorté l’ONU à engager un dialogue intra-afghan pour dégager un chemin vers la paix et la prospérité et les Taliban à respecter les droits fondamentaux.

LA SITUATION EN AFGHANISTAN

Déclarations liminaires

Dressant un tableau de la « gravité inédite » de la situation humanitaire de l’Afghanistan M. MARTIN GRIFFITHS, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a déclaré que 19 millions de personnes sont confrontées à des niveaux aigus d’insécurité alimentaire, dont 6 millions de personnes en danger de famine, et que plus de la moitié de la population –soit 24 millions de personnes– a besoin d’une aide humanitaire.  Il a ajouté que 3 millions d’enfants souffrent de malnutrition aiguë dont 1 million qui pourraient mourir sans aide spécialisée.  Il a indiqué que 25 millions de personnes vivent aujourd’hui dans la pauvreté et que le chômage pourrait atteindre 40%.  Il a aussi rappelé qu’un tremblement de terre de magnitude 5,9 a touché 362 000 personnes alors que de fortes pluies ont provoqué des crues soudaines et massives à travers le pays depuis juillet, tuant et blessant des centaines de personnes et détruisant des milliers de maisons et des hectares de cultures.  En outre, 5,8 millions de personnes restent en situation de déplacement interne.

Le Chef de l’OCHA a prévenu du risque de voir les prix des denrées alimentaires et du carburant monter en flèche avec l’approche de l’hiver.  L’Afghanistan était déjà confronté à de graves niveaux d’insécurité alimentaire et de malnutrition bien avant la prise de contrôle par les Taliban, mais que ces niveaux se sont détériorés depuis l’arrêt de l’aide au développement.  Les maigres gains que le pays a réalisés pour protéger les droits des femmes ont été rapidement renversés et cela fait plus d’un an que les filles afghanes n’ont plus mis les pieds dans une salle de classe.   

« La crise afghane est une crise humanitaire.  C’est une crise économique.  C’est une crise climatique.  C’est une crise de la faim.  C’est une crise financière.  Mais ce n’est pas une crise désespérée », a déclaré M. Griffiths.  Il a signalé que les agences des Nations Unies et les ONG partenaires ont monté une réponse sans précédent au cours de l’année écoulée, atteignant près de 23 millions de personnes dans le besoin dans les 401 districts des 34 provinces afghanes.  Cela a été possible en raison d’une réduction des conflits, l’introduction des envois d’espèces et l’adoption de la résolution 2615 (2021) du Conseil de sécurité, a précisé le Chef de l’OCHA avant de prévenir que l’aide humanitaire ne pourra jamais remplacer la fourniture de services à 40 millions de personnes à travers le pays. 

Selon lui, assurer la fourniture de services de base parallèlement à l’aide humanitaire reste le seul moyen d’empêcher une catastrophe encore plus grande que celle des derniers mois.  Il a appelé à sensibiliser les institutions financières et à continuer à travailler pour s’assurer que les filles et les femmes sont éduquées et employées.  « Les conséquences de l’inaction tant sur le front humanitaire que sur le front du développement seront catastrophiques et difficiles à inverser », a prévenu M. Griffiths avant d’indiquer que le plan de réponse humanitaire pour l’Afghanistan accuse un déficit de 3,14 milliards de dollars, dont 614 millions de dollars nécessaires de toute urgence pour soutenir les activités prioritaires de préparation à l’hiver.  « Les autorités de facto de l’Afghanistan doivent également faire leur part », a-t-il ajouté, avant de regretter les ingérences bureaucratiques des Taliban et les procédures qui ralentissent l’aide humanitaire au moment où elle est le plus nécessaire.  Il a également demandé que les travailleuses humanitaires soient autorisées à travailler sans entrave et en toute sécurité.  Après avoir salué l’incroyable résilience dont ont fait preuve les Afghans au fil des décennies, M. Griffiths a fait état d’une obligation morale de se tenir à leur côté.

M. MARKUS POTZEL, Représentant spécial adjoint du Secrétaire général chargé des affaires politiques pour l’Afghanistan, a constaté que depuis la prise de pouvoir par les Taliban il y a un an, les Nations Unies sont restées exceptionnellement concentrées sur la réponse humanitaire.  Il a aussi relevé que le régime actuel en Afghanistan n’a été reconnu par aucun membre de la communauté internationale qui, a-t-il souligné, a des normes concernant les droits humains, en particulier ceux des femmes et des filles; la gouvernance représentative; et la sécurité collective internationale.  Les Taliban doivent respecter leurs obligations internationales, mais au lieu de cela, ils demandent une reconnaissance basée sur le fait qu’ils ont obtenu le contrôle territorial, a-t-il regretté.

M. Potzel a estimé qu’il ne fait aucun doute que les sanctions contre les Taliban ont affecté l’économie afghane et a appelé à prendre des mesures pour permettre à l’économie afghane de respirer, notamment en facilitant l’accès aux actifs de la Banque centrale afghane et en renforçant l’aide internationale de manière à répondre aux besoins humains fondamentaux.  Cependant, l’aide humanitaire n’est pas une solution à long terme, a tranché le Représentant spécial pour qui la réduction de la pauvreté et la fourniture de biens et services de base doivent pouvoir s’appuyer sur une croissance économique soutenue.  Les donateurs ont déclaré à plusieurs reprises que la reprise de la coopération économique dépend principalement de l’action des Taliban pour inverser les politiques régressives, a-t-il ajouté. 

Poursuivant, le Représentant spécial adjoint a indiqué que contrairement aux rumeurs sur leurs différences internes, les Taliban continuent de se présenter comme une entité dirigeante unifiée et cohésive.  Le cabinet basé à Kaboul se réunit régulièrement et le résultat des réunions est rendus public.  Cependant, la relation entre le cabinet à Kaboul et le chef taliban basé à Kandahar, M. Haibatullah, reste floue.  En outre, les pratiques consistant à gouverner par décret et conformément aux « traditions islamiques et afghanes », ont restreint encore davantage les droits humains et les libertés fondamentales, en particulier pour les femmes et les filles, comme l’annonce le 23 mars 2022 du maintien de la fermeture de l’enseignement secondaire pour les filles.  Aujourd’hui, l’Afghanistan est le seul pays au monde qui refuse aux filles le plein droit à l’éducation, s’est indigné M. Potzel. 

Préoccupé du fait que les trois dernières semaines ont vu le plus grand nombre de victimes civiles sur une période d’un mois depuis le 15 août 2021, suite à une série d’attaques revendiquées par l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan (EIIL-K), M. Potzel s’est dit encouragé d’apprendre que les autorités de facto étudient ce qui peut être fait pour assurer une plus grande sécurité aux communautés ethniques et religieuses qu’elles visaient.  Il a fait savoir que la MANUA est particulièrement préoccupée par les mesures prises par des responsables de facto des départements de « promotion de la vertu et de la prévention du vice » qui se traduisent par des harcèlements verbaux, des mauvais traitements et des arrestations arbitraires.  Les attaques contre les défenseurs des droits humains, les journalistes et le personnel des médias, combinées à l’impact des mesures politiques plus larges prises par les autorités de facto, ont eu un effet dissuasif sur la liberté des médias et l’activisme civique.  Il a toutefois espéré que la commission sur la violation des médias, qui s’est réunie la semaine dernière pour la première fois, pourra effectivement empêcher de nouvelles restrictions de l’espace médiatique libre. 

Passant à la réponse régionale à la situation actuelle, M. Potzel a notamment salué la tenue, le mois dernier à Tachkent, d’une conférence internationale sur l’Afghanistan, avec la participation d’une délégation talibane de haut niveau.  Les discussions ont porté sur l’importance des efforts de lutte contre le terrorisme et les stupéfiants, le développement économique et les infrastructures, la gouvernance inclusive et le respect des droits humains et civiques, en particulier les droits des femmes et l’éducation des filles.  Il est particulièrement important pour les Taliban de comprendre que leurs voisins, les partenaires régionaux et le monde islamique au sens large veulent qu’ils fassent partie de la communauté internationale, a-t-il fait valoir.  L’Afghanistan est un pays enclavé qui dépend de ses voisins pour l’accès aux routes commerciales, mais c’est aussi un pays avec d’énormes ressources potentielles qui, si elles sont correctement exploitées, pourraient profiter à l’Afghanistan et à sa région ainsi qu’au reste du monde. 

M. Potzel a ensuite souligné que l’Afghanistan ne s’est pas remis des graves chocs géopolitiques et des interventions de puissances étrangères.  Aucune d’entre elles n’a atteint ses objectifs et elles ont toutes modifié l’Afghanistan d’une manière inattendue et peut-être inutile.  Et malgré les immenses ressources dépensées au cours des dernières décennies, l’Afghanistan reste nettement sous-développé et vulnérable.  Le Représentant spécial adjoint a par ailleurs jugé essentiel de dépasser les positions durcies pour s’orienter vers un dialogue entre les Taliban, les autres parties prenantes afghanes, la région au sens large et la communauté internationale.  Un tel dialogue doit placer les intérêts de tous les Afghans en son centre, a-t-il plaidé, notant que la stabilité de l’Afghanistan dépend de la satisfaction des besoins de son peuple, de la promotion de ses droits et de la prise en compte de la diversité du pays dans toutes les structures de gouvernance. 

Mme LUCY MORGAN EDWARDS, chercheuse indépendante et autrice, a estimé qu’avec la montée de l’extrémisme, la fragmentation de l’ordre social est devenue évidente en Afghanistan.  Elle a indiqué à cet égard qu’un membre du Gouvernement afghan ayant fait défection et quitté Kaboul lui a confirmé que le pays est revenu à l’époque des années 80 et que la population civile souffre le plus.  Dès 2001, il était évident que nous terminerions là où nous sommes aujourd’hui, a-t-elle souligné, reprochant aux Occidentaux d’avoir alors fait croire que la solution était toute trouvée.  Or, en août de l’an dernier, tout le monde s’est étonné que les Taliban reprennent le pouvoir aussi vite.  Depuis, les droits ont systématiquement reculé, tandis que les arrestations arbitraires et les exécutions sommaires se sont multipliées et ce, avec la complicité de puissances occidentales, a constaté la chercheuse, évoquant « un échec catastrophique ».  À ses yeux, les effets de l’intervention de l’Occident sont d’abord marqués par l’impunité.  En effet, a-t-elle noté, le retour des seigneurs de guerre a eu un fort impact sécuritaire, miné l’état de droit et diminué les droits des citoyens.  Dans ce contexte, les alliés de l’Occident ont bénéficié de la plus grande impunité dès 2002, au nom de la renaissance de la démocratie afghane, avec des images de femmes autorisées à voter.  À cette occasion, a poursuivi Mme Morgan Edwards, l’Ambassadeur des États-Unis a humilié l’ancien Roi pourtant aimé par la population, alors que les groupes armés, les alliances internes ont été favorisés.  Selon elle, la question de l’impunité a eu un impact important sur l’état de droit et sur la légitimité du futur État afghan.  L’Occident a ainsi tenté d’imposer sa version de la démocratie dite libérale, ce qui a engendré un État particulièrement corrompu et défaillant, a-t-elle déploré, ajoutant que la Cour pénale internationale (CPI) n’a toujours pas réussi à traîner en justice les auteurs supposés de violations.

Insistant sur les violations des droits humains commises en Afghanistan, la chercheuse a rappelé que des promesses ont été faites à cet égard aux femmes et aux minorités.  Elle a relevé que la Commission des droits humains récemment fondée a été accompagnée par les puissances occidentales sans que ses travaux aient le moindre résultat.  D’après elle, ce climat d’impunité a incité les seigneurs de guerre à retourner dans leurs fiefs pour y multiplier les actions illégales, notamment les mesures d’intimidation et le trafic de drogue.  Parallèlement, la multiplication des opérations militaires a eu pour effet des morts civiles, a rappelé Mme Morgan Edwards, faisant état d’exécutions sommaires de détenus perpétrées par les forces spéciales britanniques en 2011 et de bombardements de l’opération alliée Enduring Freedom sur des manifestations religieuses, notamment des mariages.  Elle a également reproché aux Occidentaux de ne pas avoir suffisamment inclus les chefs locaux et tribaux en les écartant notamment du processus ayant conduit à l’Accord de Bonn en 2001.  Les attentats du 11 septembre 2001 ont ensuite changé la donne, donnant lieu à une intervention militaire d’ampleur et à la création de camps d’entraînement.  

Pour Mme Morgan Edwards, l’extorsion des contribuables européens et américains a contribué à la catastrophe.  Selon elle, les coûts financiers des interventions occidentales n’ont cessé d’être étayés par des chercheurs qui ont parlé de 8 000 milliards de dollars depuis le 11 septembre 2001, avec à la clef des bombardements aveugles de citoyens innocents.  Notant que près de 148 milliards de dollars ont aussi été dépensés par les États-Unis, soi-disant pour reconstruire l’Afghanistan, elle a laissé entendre que cet argent aurait aussi servi à payer des sous-traitants.  Des sommes colossales ont ainsi été dépensées pour former les forces afghanes, mais aussi pour financer le matériel de l’OTAN qui a été abandonné lors de la fuite du pays.  Enfin, la chercheuse a dénoncé l’échec des Occidentaux s’agissant de l’agriculture afghane, secteur dont dépend 90% de la population.  Aujourd’hui, a-t-elle constaté, le pays accuse un retard de 50 ans par rapport à la situation passée et de nombreux Afghans n’ont pas assez d’aliments à mettre sur la table.  Elle s’est également déclarée choquée que le PAM n’ait pas plus de 2 membres de son personnel sur place, contre 100 auparavant, avant de faire état d’un marché du blé très perturbé en Afghanistan, résultat de l’occupation de 20 ans.  Dans ces conditions, l’échec est complet puisque, depuis le retrait des forces alliées du pays, on assiste à la montée de Daech et de l’insécurité.

Déclarations

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a rappelé que demain, le 30 août, il y aura exactement un an que les États-Unis et l’OTAN ont quitté l’Afghanistan après 20 années d’un conflit dévastateur qui a coûté la vie à des centaines de milliers de soldats afghans et américains, et deux trillions de dollars, en vain.  Malgré l’intention des États-Unis de combattre le terrorisme, leur arrivée dans le pays n’a fait que renforcer le statut de l’Afghanistan comme foyer du terrorisme et centre de production et de distribution de drogue, ce qui a favorisé l’expansion de Daech et Al-Qaida.  Contrairement à l’occupation soviétique, qui a mené à la création de 140 entreprises en Afghanistan, l’occupation du pays par l’OTAN n’a entraîné aucun développement économique, a-t-il relevé.  En conséquence, « le pays est devenu un parasite international sans perspectives de développement indépendant », selon le représentant.  Il a qualifié les activités militaires « irresponsables » des États-Unis et de l’OTAN, notamment les frappes aériennes aveugles et les meurtres extrajudiciaires de civils, de « crimes de guerre odieux ».  Les enquêtes ouvertes sur ces crimes, notamment par la Cour pénale internationale (CPI), ont été brutalement réprimées par les États-Unis, comme ils l’avaient fait en Iraq.  La crise humanitaire et économique qui en découle, qui pourrait causer plus de morts que 20 ans de guerre, est exacerbée par les sanctions économiques, a prévenu le représentant.  M. Nebenzia a accusé les États-Unis de recourir à des ultimatums pour manipuler l’aide humanitaire et la situation politique, au mépris des droits humains.  La restauration et le développement d’un Afghanistan indépendant sont de la plus haute importance pour la Fédération de Russie, qui accorde une attention particulière à l’inclusion politique et au respect des droits de l’homme, a-t-il noté.  De fait, a-t-il conclu, elle apporte une aide humanitaire au peuple afghan et est engagée en faveur de la mise en place d’un dialogue constructif entre la communauté internationale et les Taliban.

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a constaté que l’aggravation de la situation humanitaire et économique de l’Afghanistan a affecté de manière disproportionnée les femmes et les filles.  Elle a dénoncé la décision d’interdire l’accès des filles à l’éducation secondaire, entre autres, et a exhorté les Taliban à lever rapidement les restrictions imposées aux femmes et aux filles.  Les restrictions imposées à l’autonomie, l’emploi et le mouvement des femmes entravent à la fois leur capacité à fournir et recevoir une aide vitale ou à créer un revenu avec lequel obtenir des vivres ou des services de base.  Les répercussions sur la population dans son ensemble sont dramatiques, a-t-elle observé, s’inquiétant en outre de la persistance de la corruption et de l’interférence dans la délivrance de l’aide humanitaire.  La représentante a également souligné que le territoire afghan ne doit pas être utilisé pour menacer ou attaquer un pays tiers, ni accueillir ou former des terroristes.  Pour faire face à la crise économique, a-t-elle ajouté, il importe par ailleurs de continuer à rencontrer les autorités de facto et à les obliger à honorer leurs engagements.

Mme ALLEGRA PAMELA R. BONGO (Gabon) s’est dite préoccupée par la situation en Afghanistan et par son impact sur la paix et la sécurité dans toute la région et au-delà.  Un an après la prise de pouvoir par les Taliban, elle s’est déclarée inquiète de l’absence d’inclusivité politique, les minorités –et en particulier les femmes- étant tenues à l’écart de tout processus.  La représentante s’est aussi alarmée des violations des libertés fondamentales, de l’intensification des attaques de groupes armés opposés aux Taliban, de la multiplication des activités terroristes et de l’expansion du trafic d’opiacés.  Condamnant la série d’explosions qui a fait 250 morts et blessés, ce mois-ci, et l’attaque survenue le 17 août contre la mosquée Abu Bakar, à Kaboul, elle a appelé les autorités de facto à intensifier leurs efforts dans la lutte contre le terrorisme et la protection des populations.  Elle a ensuite constaté que la crise humanitaire s’est accentuée depuis un an en Afghanistan en raison, principalement, de la paralysie des institutions bancaires, du poids des sanctions internationales, de la pandémie de COVID-19 et des effets des changements climatiques.  Dans ce contexte de triple crise économique, environnementale et humanitaire, dont les femmes et les enfants sont les premières victimes, elle a invité les bailleurs de fonds à rester mobilisés sur le plan humanitaire, et ce, malgré la posture rigide du régime taliban qui préfère imposer de plus en plus de restrictions plutôt que de respecter les engagements donnés à la communauté internationale. 

M. ENRIQUE JAVIER OCHOA MARTÍNEZ (Mexique) a jugé impératif de garantir un accès humanitaire sans entrave aux Afghans dans le besoin, demandant d’éviter toute ingérence dans la distribution de l’aide.  Il a ensuite regretté de constater, en ce qui concerne la situation des femmes et des filles, un recul, contrairement aux promesses des Taliban, qui ont publié plus de 20 édits limitant leurs droits.  « Ces restrictions réduisent les possibilités de générer des revenus et alimentent le cercle vicieux de la pauvreté, de la faim et de la discrimination », a dénoncé le représentant.  Tout aussi regrettable, a-t-il dit, est la décision d’interrompre l’enseignement secondaire pour les filles.  Le représentant a en outre déploré les incidents d’exécutions extrajudiciaires, les violations de la liberté d’expression, d’association et d’autres droits humains fondamentaux.  Il a appelé en conclusion la communauté internationale, en particulier les pays donateurs, à continuer à contribuer financièrement à l’aide ou à fournir une protection humanitaire aux ressortissants afghans, comme le Mexique l’a fait pour plus de 600 d’entre eux.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a rappelé qu’aujourd’hui, plus de 24 millions d’Afghans ont besoin d’une aide humanitaire et près de 20 millions connaissent une insécurité alimentaire aiguë.  La stabilité économique et la fourniture de services de base sont essentielles pour mettre fin au cycle de la souffrance en Afghanistan, a-t-il tranché, en notant qu’il est vital d’injecter des liquidités dans le pays pour éviter son effondrement économique.  Bien que le personnel britannique ait quitté l’Afghanistan, l’engagement du Royaume-Uni envers le peuple afghan reste résolu, a assuré son représentant, en annonçant qu’entre avril 2022 et mars 2023, le Royaume-Uni compte engager 676 millions de dollars pour aider l’Afghanistan.  Son ministre des affaires étrangères a coorganisé la conférence des donateurs humanitaires des Nations Unies plus tôt cette année, qui a permis de mobiliser 2,4 milliards de dollars, a-t-il rappelé.  En revanche, la Russie, qui a demandé cette réunion, n’a pas contribué au plan de réponse humanitaire des Nations Unies, et la Chine n’a promis que 2 millions de dollars, a fait observer le représentant.

Constatant qu’outre la crise humanitaire en Afghanistan, la situation des droits humains est dramatique, le délégué britannique a parlé d’exécutions extrajudiciaires, de détentions et de disparitions, mais également de l’imposition de restrictions aux droits et libertés des femmes et des filles, notamment en termes d’accès à l’éducation, aux emplois et aux services, de liberté de mouvement et de tenue vestimentaire.  Il est clair pour tous, sauf pour les Taliban, que la participation pleine, égale et significative des femmes à la société est une condition préalable à un Afghanistan stable et prospère, s’est-il impatienté.  Il a aussi reproché aux Taliban d’avoir répété d’autres erreurs du passé, notamment en hébergeant le chef d’Al-Qaida, Ayman Al-Zawahiri, en plein centre-ville de Kaboul, en violation de leurs engagements internationaux.

Le Royaume-Uni appelle à nouveau les Taliban à respecter leurs engagements, à savoir garantir un accès humanitaire sans entrave dans tout le pays; défendre les droits humains fondamentaux, en particulier pour les femmes et les filles; et garantir que l’Afghanistan ne sera plus jamais un environnement permissif pour des groupes terroristes.  Le représentant a également souhaité un leadership fort et cohérent de l’ONU pour assurer une réponse bien coordonnée et hiérarchisée.

M. FERGAL TOMAS MYTHEN (Irlande) a constaté que, un an après leur prise du pouvoir en Afghanistan, les Taliban ont prouvé qu’ils ne s’étaient pas réformés.  Ils montrent le même comportement injuste et cruel que par le passé et restreignent drastiquement les libertés fondamentales, aux dépens notamment des opposants, des défenseurs des droits humains, des militants et des journalistes, a observé le représentant, avant de souligner le « cauchemar » que vivent les Afghanes, « systématiquement écartées de la vie publique ».  Dans ce contexte, le vide laissé par la Commission afghane indépendante des droits humains, dissoute par les Taliban en mai, rend toute surveillance internationale plus importante, a-t-il relevé, réitérant son appui à l’action de la MANUA et du Rapporteur spécial sur l’Afghanistan.  Sur le plan humanitaire, le délégué a averti que l’Afghanistan compte désormais le plus grand nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire dans le monde et que son système de santé est au bord de l’effondrement.  Notant que les énormes besoins humanitaires ont été aggravés par des diverses catastrophes, plus récemment par des inondations dévastatrices dans le centre et l’est du pays, il a salué le travail des agences des Nations Unies et des organisations sur le terrain qui ont empêché une famine généralisée.  À ce propos, il a rappelé que son pays a soutenu l’adoption de la résolution 2615 (2021) qui prévoit une exemption humanitaire aux sanctions imposées au régime taliban en vertu de la résolution 1988 (2011).  Il a également soutenu l’introduction de licences pour faciliter les livraisons.  

Le délégué a toutefois averti que la reprise économique restera impossible tant que la moitié de la main-d’œuvre afghane sera confinée chez elle, privée d’opportunités économiques.  Toute croissance économique est impossible si les filles sont écartées des études secondaires, a-t-il insisté, avant de rappeler qu’en dépit de leurs engagements en faveur du respect des droits des femmes, les Taliban les ont exclues de force et systématiquement de la vie publique.  De même, a-t-il poursuivi, alors que les Taliban avaient promis de combattre le terrorisme, des preuves ont montré qu’Al-Qaïda continuait d’opérer dans le pays, en pleine connaissance du régime.  Face à un tel mépris du droit international, la communauté internationale et le Conseil ne peuvent rester les bras croisés, a martelé le représentant, estimant qu’il importe d’obliger les Taliban à rendre des comptes.  Selon lui, la « boîte à outils » à la disposition du Conseil comprend le réexamen des privilèges étendus qui ont été accordés aux Taliban dans le but de rechercher la paix et la sécurité.  

M. JOAO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a constaté qu’un an après le retrait des forces étrangères, certaines des pires attentes quant à l’avenir du pays ont été confirmées, évoquant notamment le fléau du terrorisme ainsi que les restrictions imposées aux femmes et aux filles en matière d’emploi et d’éducation.  Rien ne porte à croire que les Taliban envisagent de revenir sur leur position et les attentes en ce qui concerne un gouvernement inclusif avec la participation des femmes et des minorités demeurent un objectif lointain, a-t-il déploré.

Tout en estimant que les perspectives pour un engagement avec Kaboul demeurent peu encourageantes, le représentant s’est déclaré convaincu de la nécessité d’établir un dialogue avec les autorités de facto.  À ce stade, des « contacts techniques » capables de profiter aux populations locales et de fournir des services devraient être envisagés.  Il a également regretté l’incapacité du Conseil à s’accorder sur le renouvellement des exceptions aux interdictions de voyage de certains des individus identifiés par le Comité 1988.  L’impossibilité pour les dirigeants taliban de se rendre à l’étranger retardera la réintégration du pays au sein de la communauté internationale, a prévenu le représentant qui a déploré une mesure qui limite les possibilités pour un engagement constructif et pragmatique.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a constaté que la dernière année a été catastrophique en Afghanistan, depuis la prise de pouvoir par les Taliban.  Il a évoqué la crise humanitaire aigüe, l’ampleur prise par des groupes terroristes et l’effondrement d’un tiers de l’économie du pays.  Il n’est donc pas surprenant de voir le trafic de drogue et autres prospérer, a-t-il noté, en exigeant des Taliban qu’ils coupent les ponts avec les organisations terroristes et condamnent leurs actions.  C’est l’un des pires endroits sur Terre où être femmes, a poursuivi le représentant, en constatant qu’elles ont été « totalement invisibilisées et effacées de la vie publique ».  Leur vie est un cauchemar en noir et blanc dans un pays qui a sombré dans la spirale de l’obscurantisme, s’est-il indigné.  Aujourd’hui plus que jamais, les Afghanes ont besoin de nous, a fait valoir M. Hoxha, en appelant les autorités de Kaboul à respecter les droits des femmes et des filles, en particulier à l’éducation, à l’emploi et à garantir leur liberté de déplacement.  La tragédie afghane est un réel défi pour la communauté internationale qui doit rester unie, a-t-il déclaré en reprochant aux autorités talibanes de n’avoir pas su répondre concrètement aux difficultés et aux épreuves que traverse leur peuple.  La situation a empiré et le pays est tombé dans la spirale de la violence, a tranché le représentant.  L’Afghanistan doit respecter le droit international, et les Taliban doivent comprendre que leurs décisions ne font qu’isoler leur pays de la communauté internationale et qu’ils seront responsables de l’effondrement de leur pays, alors que leur peuple paye un lourd tribut.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a noté que, face à la « superposition implacable de crises » évoquée par M. Griffiths dans son exposé, le mouvement taliban n’a fait qu’empirer la situation.  De fait, le peuple afghan est aujourd’hui soumis à de très nombreuses mesures de répression, toute voix dissidente étant réduite au silence.  Dans ce contexte, a-t-elle constaté, les abus contre les femmes et les filles se sont multipliés.  Soulignant le lien entre les crises économique et humanitaire, la représentante a relevé que, selon l’UNICEF, l’économie afghane gagnerait 5,4 milliards de dollars en laissant les jeunes filles reprendre leurs études secondaires.  Alors même que les femmes dirigent les ménages, elles doivent désormais rester chez elles si elles ne sont pas accompagnées par des hommes.  En outre, alors que toute la population souffre de la faim, les Taliban abritaient le chef d’Al-Qaïda en plein cœur de Kaboul, s’est indignée la représentante, avant d’accuser le régime de multiplier les entraves à l’aide humanitaire.  Ils interviennent dans la fourniture de l’aide essentielle et n’assurent même pas la sécurité du personnel humanitaire, a-t-elle renchéri, assurant toutefois que les États-Unis n’abandonneront pas le peuple afghan à son sort.  Nous passerons pour cela par les instances internationales et le Conseil de sécurité, comme nous l’avons fait en appuyant la dérogation aux sanctions pour les fournitures humanitaires et en soutenant la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA).  

Rappelant que son pays est le principal bailleur de fonds en Afghanistan, la déléguée fait état du déblocage depuis un an de plus de 775 millions de dollars.  Elle a d’autre part indiqué que, si l’un des objectifs des États-Unis est de lutter contre le terrorisme dans le pays, il est hors de question qu’ils laissent le régime taliban accéder aux milliards d’actifs gelés qui appartiennent au peuple afghan.  Ce régime a livré à son sort la banque centrale du pays et n’est pas en mesure de mener des politiques monétaires responsables, a-t-elle ajouté, imputant la relative stabilité de la monnaie afghane aux interventions des bailleurs de fonds.  Quant à la Russie, qui accuse les États-Unis de ne pas être à la hauteur de leurs engagements, la représentante lui a demandé ce qu’elle fait concrètement pour aider le peuple afghan, « à part ressasser le passé ».  De plus, la Russie n’a versé que 2 millions de dollars au plan d’aide humanitaire pour l’Afghanistan, « et encore, rien cette année », a-t-elle poursuivi, ajoutant que les contributions de la Chine « sont également décevantes ».  Les États-Unis et leurs alliés, qui sont nombreux au Conseil, continueront de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour aider le peuple afghan, a-t-elle conclu.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) s’est dit profondément préoccupé par la situation en Afghanistan, en particulier la condition des femmes, des filles et des groupes minoritaires.  Il s’est aussi dit « consterné » par les politiques des autorités visant à écarter les femmes de la vie publique afghane, y compris au sein du Gouvernement.  Aujourd’hui, plus de 14 millions de femmes et de filles afghanes ont perdu le droit d’aller au lycée ou à l’université, tandis que le droit de travailler et la liberté de mouvement ont été restreints.  Les femmes et les jeunes filles d’Afghanistan ont besoin du soutien de ce Conseil et de la communauté internationale pour préserver leurs droits et faire en sorte que les Taliban respectent leurs engagements à cet égard.  

Face aux besoins humanitaires généralisés, le délégué a appelé le Conseil à demander aux donateurs d’appuyer les organisations humanitaires afin qu’elles intensifient leurs interventions en faveur des personnes vulnérables, et aux autorités de facto d’agir de bonne foi.  Préoccupé par la détérioration de la situation sécuritaire dans le pays, il a également demandé aux autorités de facto d’intensifier leurs efforts pour stabiliser la situation et de renoncer aux arrestations arbitraires, aux tortures, aux exécutions extrajudiciaires, aux punitions collectives et au ciblage de membres de groupes ethniques, tribaux et religieux.  Dans ce contexte, il a rappelé aux autorités de facto que leurs obligations en vertu du droit international sont incompatibles avec le terrorisme.  

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a constaté que face au non-respect systématique et répété par les Taliban de leurs propres engagements, la communauté internationale n’a cessé de tendre la main pour aider la population civile et laisser la porte ouverte au dialogue afin d’améliorer la situation, notamment humanitaire.  Il a constaté que les Taliban continuent de bafouer les engagements qu’ils ont pris vis-à-vis de la communauté internationale et du peuple afghan, comme en témoigne l’interdiction pour les filles d’accéder à un enseignement secondaire.  Devant les graves violations des droits de l’homme, en particulier des femmes et des filles, qui se multiplient partout en Afghanistan, force est de constater que la communauté internationale ne peut pas se fier à ses interlocuteurs.  Le respect des droits de l’homme et en particulier des femmes ne peut pas être une variable d’ajustement dans nos discussions et dans la réponse des Nations Unies à la crise afghane, a-t-il souligné.  Et nous ne pouvons pas nous permettre d’apporter une aide au développement qui viendrait conforter les Taliban dans leur violation des droits de l’homme.

Après avoir noté que la récente neutralisation du chef d’Al-Qaida a confirmé la crainte que les Taliban continuent d’offrir refuge et soutien aux groupes terroristes, le représentant a souligné que cinq conditions devront être respectées par les Taliban afin de sortir de l’isolement: le départ sûr des Afghanes et Afghans qui le souhaitent, le libre accès de l’aide humanitaire sur tout le territoire afghan, le respect des droits fondamentaux de tous, en particulier des femmes et des filles, la constitution d’un gouvernement représentatif, et la rupture totale et concrète des liens avec les groupes terroristes.  À ce jour, aucune de ces conditions n’est pleinement remplie, a-t-il déploré.

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a rappelé que l’Afghanistan est le seul pays au monde où les filles ne peuvent pas aller au lycée.  Or, le respect des droits des femmes est une condition sine qua non pour permettre à l’Afghanistan d’emprunter la voie de la stabilité et de la paix.  Elle a souligné le rôle important de la MANUA pour garder des liens avec les Taliban.  Elle a invité ces derniers à éliminer toutes les restrictions imposées aux femmes et aux filles.  Garantir qu’elles puissent participer à tous les secteurs de la vie est une condition incontournable pour permettre l’entrée de l’Afghanistan dans le XXIe siècle, a-t-elle souligné.  Elle a ensuite exhorté les Taliban à honorer leur engagement de lutter contre les terroristes en rappelant que le territoire afghan ne peut servir de base depuis laquelle des groupes terroristes peuvent mener des attaques contre d’autres États.  Selon elle, les pays islamiques ont un rôle particulier à jouer pour promouvoir le dialogue religieux et le respect de la diversité en Afghanistan.  

À la lumière de la situation accablante en Afghanistan et de l’approche de l’hiver, M. MARTIN KIMANI (Kenya) a appelé la communauté internationale à intervenir d’urgence et à soutenir les plus de 23 millions d’Afghans dans le besoin.  Regrettant qu’un an après la prise du pouvoir par les Taliban, le peuple afghan soit moins bien loti qu’avant, le représentant a souligné que la communauté internationale et les Taliban ont la responsabilité de créer un meilleur environnement pour permettre au peuple afghan de se gouverner lui-même et de déterminer son progrès social et économique.  Le moment est venu pour la communauté internationale d’examiner les moyens possibles de travailler avec les Taliban et d’articuler une politique réalisable à court terme en vue de reconstruire l’économie et le tissu social de l’Afghanistan.  Pour M. Kimani, l’objectif final devrait être d’aligner l’aide humanitaire et d’autres formes d’aide au développement dans le but d’assurer la reprise économique et réduire la dépendance du pays à l’égard de l’aide.  Il a notamment parlé de lever le gel des avoirs de l’Afghanistan et de veiller à ce qu’ils soient dépensés de manière structurée, avec des mécanismes de suivi efficaces, pour soutenir la relève de l’économie du pays.

Pour cela, les Taliban doivent cependant répondre à certaines conditions, a poursuivi le représentant, en citant le respect des droits de tous les Afghans sans aucune discrimination de sexe, d’âge, d’origine ethnique ou de religion.  Ils doivent accorder aux femmes et aux filles des droits et des opportunités égaux à ceux de leurs homologues masculins, y compris l’accès à l’éducation; à l’emploi; aux postes de direction et aux libertés d’association et de mouvement.  M. Kimani a également exigé des Taliban qu’ils se dissocient des groupes terroristes répertoriés et veillent à ce que l’Afghanistan ne soit plus une base pour des groupes tels que l’État islamique et Al-Qaïda.  Avant de conclure, il s’est dit préoccupé de constater que les grandes puissances continuent de tirer en direction opposée et d’utiliser la situation pour promouvoir leurs propres intérêts au détriment du bien-être de millions d’Afghans.

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a assuré qu’il est dans l’intérêt direct de son pays de garantir que soient rétablies la paix et la sécurité en Afghanistan, « étant donné que nous sommes voisins et que nous nourrissons des liens historiques de longue date ».  Face aux besoins du peuple afghan, l’Inde a ainsi envoyé plusieurs lots d’aide humanitaire en Afghanistan, notamment 32 tonnes de fournitures médicales qui ont été remises à l’OMS et à l’hôpital pour enfants Indira Gandhi de Kaboul.  L’Inde a également fourni 40 000 tonnes de blé à l’Afghanistan en prenant soin de signer un accord avec le Programme alimentaire mondial (PAM) afin d’en assurer une distribution équitable, a ajouté la représentante.  Pour suivre l’acheminement de cette aide, une équipe technique a aussi été dépêchée à l’ambassade de l’Inde à Kaboul, a-t-elle précisé, réitérant son intime conviction que l’acheminement de cette assistance doit reposer sur les principes de neutralité, d’impartialité et d’indépendance.  En outre, a-t-elle souligné, les livraisons doivent se faire sans discrimination et en faveur de tous les Afghans, à commencer par les plus vulnérables.  

La déléguée a rappelé que son pays présidait le Conseil en août dernier, lorsque la résolution 2593 a été adoptée.  Ce texte, a-t-elle rappelé, appelle notamment à veiller à ce que le territoire afghan ne soit pas utilisé pour mener des attaques terroristes contre d’autres pays.  Il préconise également de former un gouvernement inclusif, de lutter contre le trafic de stupéfiants et de maintenir les droits des femmes et des minorités.  S’agissant du terrorisme, les conclusions de l’équipe de surveillance des sanctions indiquent que les autorités actuelles doivent redoubler d’efforts afin d’honorer leurs engagements, a-t-elle relevé, constatant que l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan (EIIL-K) continue de menacer d’attaques terroristes des pays de la région.  Elle a d’autre part jugé alarmante la série d’attaques menées contre des lieux de culte et des minorités en Afghanistan.  Il importe selon elle que les organisations terroristes n’aient aucun soutien venant du sol afghan.  Sur le plan politique, enfin, elle a jugé essentiel que le Gouvernement afghan fasse montre d’inclusivité et que la situation des femmes et des filles s’améliore, afin que les progrès de ces 20 dernières années ne soient pas « balayés ». 

M. ZHANG JUN (Chine) a déclaré qu’il y a un an, les 20 années d’occupation étrangère de l’Afghanistan se sont soldées par le chaos.  Cette guerre livrée au nom de la lutte contre le terrorisme n’a pas rempli ses objectifs alors que les groupes terroristes, notamment Daech, ont continué d’étendre leur emprise.  Cette guerre menée sous le prétexte de la transformation démocratique n’a amené ni la paix ni la démocratie mais à un pays brisé.  Ce fiasco a montré que l’intervention militaire et la politique du pouvoir ne sont pas la voie à suivre.  Selon lui, le retrait des forces étrangères ne signifie pas la fin de leurs responsabilités, ajoutant qu’ils auraient dû rectifier la situation plus tôt au lieu de s’enfuir.  Plutôt que d’assumer leurs responsabilités, les pays concernés ont cessé leur aide au développement, gelé les actifs du pays et l’ont isolé.  Toutefois, au cours de la dernière année, le Gouvernement provisoire a fortement amélioré la situation en matière de sécurité et favorisé le dialogue politique.  La communauté internationale doit maintenant contribuer au relèvement de l’Afghanistan, à la réconciliation et au rétablissement des services publics, a-t-il noté.  À ses yeux, il est déraisonnable d’établir un lien entre le respect des droits des femmes et des filles et les dérogations à l’interdiction de voyager de certains Taliban imposées par le Conseil de sécurité.  La situation humanitaire qui prévaut dans le pays est grave, s’est inquiété le représentant, pour qui les droits fondamentaux ne peuvent être respectés lorsque la population meurt de faim.  À cet effet, il a appelé les États-Unis à restituer à l’Afghanistan les actifs gelés dans leur intégralité.

Reprenant la parole, M. Nebenzia (Fédération de Russie) s’est étonné que les États-Unis appellent la Chine et la Fédération de Russie à procurer des financements à l’Afghanistan.  « C’est vous qui devez payer pour vos erreurs en Afghanistan en commençant par restituer au peuple afghan les actifs gelés », a insisté le représentant russe après avoir fustigé le cynisme de l’appel américain invitant les Chinois et les Russes à financer le relèvement d’une économie détruite par 20 ans d’occupation américaine et de l’OTAN.  

S’il existait une économie à détruire, elle l’a été par les Taliban, a déclaré Mme Thomas-Greenfield (États-Unis).  Nous n’avons jamais tourné le dos à l’Afghanistan et continuons de fournir une aide essentielle au peuple afghan, a-t-elle assuré.  Les États-Unis travaillent avec la communauté internationale pour permettre de décaisser les avoirs de la Banque centrale afghane, mais il est hors de question que ces fonds soient restitués aux Taliban, a indiqué la représentante.  

M. NASEER AHMAD FAIQ (Afghanistan) a présenté un bilan de la situation en Afghanistan un an après la prise du pouvoir par les Taliban et a déclaré que les perspectives pour un pays sûr, stable et prospère sont sombres et opaques.  Tout en faisant état d’une diminution du nombre de victimes civiles et de la corruption, il a déploré l’échec des autorités de facto à rouvrir les écoles pour les filles et à respecter les droits fondamentaux des femmes et des filles, de même que leur monopolisation du pouvoir.  Il a signalé que cette situation a renforcé la résistance civile et militaire aux Taliban, s’inquiétant en outre du risque que le pays ne devienne à nouveau un refuge pour le terrorisme et l’extrémisme.  Ce qui se produit aujourd’hui en Afghanistan ne demeurera pas en Afghanistan, d’où l’importance d’une coopération collective et authentique de la part de l’ensemble des parties prenantes, a souligné le représentant qui a appelé au dialogue national pour sortir de l’impasse.  Le délégué a également appelé à un engagement plus ferme de l’ONU qui aille au-delà de l’aide humanitaire, exhortant le Conseil de sécurité à appuyer et faciliter un dialogue intra-afghan et une feuille de route politique.  La création d’un mécanisme transparent de contrôle de l’aide humanitaire s’impose également, a ajouté le délégué qui a aussi plaidé pour la transparence de l’exécution budgétaire.  Il a ensuite appelé les Taliban à protéger les droits fondamentaux de l’ensemble des citoyens, sans préjugé de genre ou d’identité ethnique ou religieuse.

Mme ZAHRA ERSHADI (République islamique d’Iran) a constaté qu’un an seulement après le retrait « irresponsable » des forces étrangères et la prise du pouvoir par les Taliban, l’Afghanistan est désormais confronté à plusieurs crises interconnectées et que la situation humanitaire y est particulièrement désastreuse.  En attendant, les autorités de facto de Kaboul doivent s’acquitter de leurs obligations internationales.  Cette situation catastrophique implique une responsabilité et des obligations pour les forces étrangères qui ont illégalement envahi et occupé l’Afghanistan sous couvert de lutte contre le terrorisme et n’ont laissé que des ravages dans leur sillage, a estimé la représentante.  Elle a demandé à la communauté internationale de continuer à soutenir l’Afghanistan, en particulier en termes de fourniture d’aide humanitaire et d’aide au développement, en exigeant une fois de plus la restitution des avoirs gelés appartenant au peuple afghan.  C’est essentiel pour aider l’économie afghane et sauver des vies, a argué la déléguée en estimant que cette question ne devrait pas être politisée ou conditionnelle.  S’adressant aux Taliban, elle leur a demandé de tenir compte des appels répétés à la formation d’un gouvernement inclusif qui reflète fidèlement la société multiethnique de l’Afghanistan.  Un gouvernement inclusif est le seul moyen de garantir et de protéger les droits de tous les Afghans, y compris les femmes et les filles, ainsi que des minorités linguistiques, raciales et religieuses, a insisté Mme Ershadi, ajoutant qu’il s’agit de l’un des éléments essentiels de la reconnaissance internationale.

L’émergence de groupes terroristes pourrait constituer une grave menace pour l’Afghanistan, ses voisins, la région et au-delà, a mis en garde la représentante.  Cette tendance justifie l’exigence de la communauté internationale que les Taliban s’engagent à combattre le terrorisme et veillent à ce que l’Afghanistan ne serve plus de refuge à des organisations terroristes telles que Daech et Al-Qaïda.  L’ONU peut, selon la représentante, jouer un rôle vital, à la fois dans le règlement de la crise humanitaire en Afghanistan et dans la facilitation du processus politique intra-afghan.  Pour sa part, l’Iran poursuivra ses efforts pour aider son peuple et travailler avec les voisins de l’Afghanistan et d’autres partenaires afin d’assurer une paix et un développement durables dans le pays, a conclu Mme Ershadi.

« On peut dire de cette longue guerre, comme de toutes les guerres en Afghanistan, qu’elle ne pouvait pas être gagnée et qu’elle n’aurait jamais dû être menée », a déclaré M. MUNIR AKRAM (Pakistan).  Le retrait des forces étrangères était selon lui inévitable et une solution politique globale entre toutes les parties afghanes, et entre celles-ci et la présence étrangère, aurait été le meilleur moyen de mettre fin à ce conflit de 20 ans, a poursuivi le représentant.  Malheureusement, a-t-il déploré, malgré les efforts déployés, notamment par le Pakistan, une telle issue s’est avérée hors d’atteinte.

Indépendamment de l’idéologie et des politiques internes du Gouvernement intérimaire afghan, l’intérêt premier de la communauté internationale, des voisins de l’Afghanistan, en particulier du Pakistan, est le rétablissement d’une paix et d’une sécurité durables dans le pays, a estimé le délégué.  « Cela implique, avant tout, d’éviter une nouvelle guerre civile.  Il serait irresponsable pour quiconque, qu’il s’agisse d’un pays voisin ou non, d’encourager et de parrainer une insurrection ou un groupe terroriste en Afghanistan », a-t-il mis en garde.  Pour M. Akram, il est également vital de poursuivre l’aide humanitaire et économique à l’Afghanistan pour éviter une nouvelle guerre civile, arrêter la montée en puissance des groupes terroristes comme Daech, empêcher l’effondrement économique, une crise humanitaire et un autre afflux de réfugiés en provenance d’Afghanistan.  

L’isolement du Gouvernement intérimaire afghan n’est dans l’intérêt ni du peuple afghan ni de la communauté internationale, a conjecturé le représentant.  « Bien que nous comprenions la frustration de nombreux gouvernements face au non-respect des promesses initiales faites par les Taliban en matière d’éducation des filles et des femmes, de droits humains, d’intégration et de lutte contre le terrorisme, il est peu probable qu’isoler les dirigeants de Kaboul les persuade de changer leurs politiques, et encore moins leur idéologie », a-t-il prévenu.  Ce n’est que par un engagement soutenu que nous pourrons faire progresser les objectifs de la communauté internationale en Afghanistan, a estimé le délégué.

Malgré les difficultés, le Pakistan estime donc que le Conseil, la communauté internationale et la MANUA devraient élaborer une voie claire pour faire progresser ces objectifs.  En ce qui concerne les droits de la personne et l’éducation des filles, les pays membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) chercheront à progresser, entre autres, par le biais de dialogues entre les Taliban et les délégations d’oulémas.  Mais il est vital d’éliminer la menace que représentent l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan, Al-Qaïda et d’autres groupes terroristes.  Le Pakistan soutiendra tous les efforts sincères du Gouvernement intérimaire afghan pour neutraliser et éliminer ces groupes terroristes tout en respectant pleinement la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Afghanistan.  « Certains fauteurs de troubles qui souhaitent encourager le terrorisme contre le Pakistan à partir du sol afghan doivent être vigoureusement dissuadés », a prévenu M. Akram en conclusion.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: face à l’escalade de la violence en Syrie, l’Envoyé spécial appelle à un cessez-le-feu et à relancer le processus politique

9117e séance - matin
CS/15008

Conseil de sécurité: face à l’escalade de la violence en Syrie, l’Envoyé spécial appelle à un cessez-le-feu et à relancer le processus politique

Devant la détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire en Syrie, l’Envoyé spécial du Secrétaire général a demandé, ce matin, au Conseil de sécurité, l’appui de ses membres afin de favoriser la mise en place d’un cessez-le-feu et la relance du processus constitutionnel, tout en assurant la mise en œuvre de la résolution 2642 (2022).

S’exprimant par visioconférence depuis Genève, M. Geir Pedersen a constaté au cours des derniers mois des « signes inquiétants » d’escalade militaire en Syrie, caractérisée notamment par un accroissement des frappes militaires attribuables à différents acteurs.  Ainsi, le 11 août, en réponse à des tirs d’artillerie, des militaires turcs ont été tués sur le territoire turc par les forces de défense syriennes, entraînant une riposte le 16 août.  Et le 22 août, des bombardements aériens à Edleb ont fait des victimes civiles, tandis que les 23 et 24 août, des frappes américaines ont touché des positions iraniennes en Syrie.

La Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, Mme Joyce Cleopa Msuya Mpanju, s’est quant à elle inquiétée d’informations faisant état de préparatifs d’une éventuelle opération militaire dans le nord de la Syrie, tout en précisant qu’une mission par-delà les lignes à Ras el-Aïn avait été reportée du fait de l’intensification des hostilités.

« Nous sommes confrontés à des difficultés croissantes dans la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité », a déploré M. Pedersen, en souhaitant l’adoption d’un cessez-le-feu dans les plus brefs délais et l’intensification des mesures de rétablissement de la confiance entre les parties.  Afin d’atténuer l’impact humanitaire de cette nouvelle flambée de violence, l’Envoyé spécial a sollicité l’appui des membres du Conseil de sécurité pour mettre en œuvre la résolution 2642, qui prévoit le renouvellement pour six mois du mécanisme d’aide humanitaire transfrontalier au point de passage de Bab el-Haoua, assorti d’une prorogation supplémentaire de six mois qui nécessitera l’adoption d’une résolution distincte en janvier 2023.

Toutefois, selon la France, rejointe par de nombreuses délégations, ce renouvellement reste « largement insuffisant » face à l’ampleur des besoins.  Malgré l’achèvement, en août, de la sixième livraison transversale d’aide humanitaire, Mme Msuya Mpanju a rappelé que le financement global du plan de réponse humanitaire de la Syrie ne représentait à ce jour que 24% des fonds demandés.  

Pour de nombreux membres du Conseil, la crise humanitaire continue de s’approfondir du fait d’une transition politique paralysée par les agissements du Gouvernement syrien, qui « prend en otage l’avenir de tout un pays », selon les mots de l’Albanie, en empêchant la Commission constitutionnelle de se réunir à Genève.

Les États-Unis ont exprimé leur inquiétude face aux retards « inutiles et injustifiés » dans la poursuite des travaux de la Commission, une situation qui ne peut que nuire « au peuple syrien, qui n’en est pas responsable ».  L’absence de progrès sur le fond continue en effet d’entraver les travaux de la Commission constitutionnelle, condition nécessaire à une paix durable en Syrie, a déploré M. Pedersen, qui s’est entretenu récemment avec les Ministres des affaires étrangères de la Russie, de l’Iran et de la Türkiye afin de lever les obstacles à la tenue de la neuvième session de la Commission.  

Après avoir jugé « profondément regrettable » que la session de la Commission constitutionnelle n’ait pas eu lieu, l’Irlande a rappelé la position de l’Union européenne selon laquelle il ne saurait y avoir de normalisation avec le Gouvernement syrien tant qu’une solution politique inclusive n’aura pas été trouvée, conformément à la résolution 2254 (2015) du Conseil.  De même, les États-Unis restent opposés à la reconstruction dans les zones contrôlées par le régime en l’absence de progrès tangibles.  Cette résolution, ont-ils rappelé, ne porte pas seulement sur la Commission constitutionnelle, mais appelle également la Syrie à mettre en place un cessez-le-feu et à libérer les personnes détenues de manière arbitraire. 

L’Envoyé spécial a en outre appelé le Gouvernement syrien à ne pas rater l’opportunité de progresser sur le chemin de la paix en favorisant la mise en œuvre du décret sur l’amnistie adopté le 30 avril.  S’agissant de la question des personnes portées disparues, l’Envoyé spécial a indiqué que le Secrétaire général de l’ONU rendra publique sous peu une étude portant sur l’aide aux familles affectées.  Des avancées sur ce dossier sont essentielles afin de rompre l’impasse politique actuelle, a fait valoir la Norvège. 

Pour la Fédération de Russie, comme pour la Syrie et l’Iran, la sécurité à long terme passe par le rétablissement complet de la souveraineté, de l’unité et de l’intégrité territoriale de la Syrie, et par la fin de la présence militaire étrangère « illégale ».  Selon le représentant syrien, les organisations humanitaires continuent d’être confrontées à des circonstances difficiles dans le pays, la faute à la poursuite par les pays occidentaux d’activités qui entravent l’acheminement de l’aide humanitaire et le développement en Syrie.

Les États-Unis et leurs alliés occidentaux continuent d’imposer et d’élargir des mesures coercitives unilatérales, causant d’indicibles souffrances pour la population syrienne s’est-il indigné, alors même que le blé, le pétrole, le gaz et le coton syriens continuent d’être pillés par les forces d’occupation américaines, a fustigé la délégation syrienne.  Elle a également demandé qu’il soit mis fin à la présence illégitime de forces étrangères et de milices dans son pays, ainsi qu’aux agressions d’Israël.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT S/2022/635

Déclarations liminaires

S’exprimant par visioconférence depuis Genève, M. GEIR PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a fait état de « signes inquiétants » d’escalade militaire ces derniers mois, notamment une hausse des frappes pouvant être attribuées à divers acteurs.  Ainsi, le 11 août, des militaires turcs ont été tués sur le territoire turc par les Forces de défense syriennes en réponse à des tirs d’artillerie, entraînant une riposte turque le 16 août.  Le 22 août, des bombardements aériens à Edleb ont fait des victimes civiles, et les 23 et 24 août, des frappes américaines ont touché des positions iraniennes.  Une augmentation des incidents sécuritaires a également été observée dans le sud-ouest de la Syrie, notamment dans le cadre de combats entre les forces gouvernementales et des groupes terroristes.  Dans ce contexte, M. Pedersen s’est inquiété de la multiplication des victimes civiles et de l’impact des violences sur la paix et la sécurité internationales.  Il a pris note des efforts diplomatiques déployés pour apaiser les tensions, espérant qu’ils conduiront à la mise en place d’un cessez-le-feu prenant en compte la présence de groupes terroristes et la nécessité de protéger les civils et les infrastructures civiles.

Afin d’atténuer l’impact humanitaire de cette nouvelle flambée de violences, l’Envoyé spécial a sollicité l’appui des membres du Conseil de sécurité pour mettre en œuvre la résolution 2642.  Toutefois, a-t-il prévenu, toute sanction qui pourrait exacerber la situation difficile des Syriens doit être évitée.  Afin de lever les obstacles à la tenue de la neuvième session de la commission constitutionnelle, M. Pedersen s’est entretenu avec les Ministres des affaires étrangères de la Russie, de l’Iran et de la Türkiye.  L’absence de progrès sur le fond continue cependant d’entraver les travaux de la commission, a-t-il noté.  Des mesures de renforcement de la confiance pourraient selon lui s’avérer propices à un contexte plus pacifique, de manière coordonnée, sous l’égide des Nations Unies.  Il a appelé le Gouvernement syrien à ne pas rater l’opportunité de progresser sur le chemin de la paix en favorisant la mise en œuvre du décret sur l’amnistie adopté le 30 avril.

S’agissant de la question des personnes portées disparues, l’Envoyé spécial a indiqué que le Secrétaire général de l’ONU rendra publique sous peu une étude relative à l’aide aux familles affectées.  « Nous sommes confrontés à des difficultés croissantes dans la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité », a déploré M. Pedersen en conclusion, tout en souhaitant l’adoption d’un cessez-le-feu dans les plus brefs délais et l’intensification des mesures de rétablissement de la confiance entre les parties.

Alarmée par l’intensification des violences dans le nord de la Syrie, notamment au nord d’Alep et dans le nord-ouest du pays, Mme JOYCE CLEOPA MSUYA MPANJU, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence (OCHA), a cité une attaque à Hassaké le 18 août qui a coûté la vie à quatre femmes et filles civiles et une attaque contre un marché d’Al-Bab le 19 août qui aurait tué 13 civils, dont 4 garçons et 1 fille.  Elle s’est inquiétée d’informations faisant état de préparatifs d’une éventuelle opération militaire dans le nord de la Syrie en précisant que la mission par-delà les lignes (« crossline ») à Ras el-Aïn a été reportée en raison de l’intensification des hostilités.  Face à ce constat, elle a demandé instamment aux membres du Conseil de garantir le respect des règles de la guerre et d’établir les responsabilités pour les violations graves.

Par ailleurs, elle a dit qu’au moins 26 meurtres ont été signalés au camp de Hol en 2022, dont ceux de 20 femmes, avant de dénoncer des violences sexuelles, dont certaines perpétrées par les gardiens du camp, et une augmentation des cas d’exploitation sexuelle.  « Si les hostilités s’intensifient dans le nord de la Syrie, il y aura probablement un impact négatif sur la protection des personnes dans le camp de Hol, où la situation sécuritaire est déjà extrêmement mauvaise », a prévenu Mme Msuya Mpanju.  Elle a ajouté que les résidents du camp de Hol et les partenaires humanitaires qui travaillent pour les aider ont besoin de plus de protection, de sûreté et de sécurité. 

En outre, la représentante de l’OCHA a indiqué que 228 projets ont reçu 333 millions de dollars pour mettre en œuvre des activités de relèvement rapide et de résilience, ce qui représente 30% des fonds demandés.  Elle a précisé qu’au moins 51 de ces projets contribuent à fournir de l’électricité pour soutenir les services de base, notamment l’eau et l’assainissement, la nutrition, la santé et l’éducation.  Néanmoins elle a rappelé que le financement global du plan de réponse humanitaire de la Syrie ne représente actuellement que 24% des fonds demandés.  Alors que les besoins augmenteront à mesure que l’hiver approche, Mme Msuya Mpanju a demandé un financement humanitaire accru de la part de la communauté internationale, en particulier pour les programmes de relèvement rapide et le financement des moyens de subsistance.  Elle a ajouté que le financement des programmes de déminage est essentiel, avant de préciser que plus d’un million de mètres carrés de terres agricoles ont été déminées dans la campagne de Damas depuis décembre.  

S’agissant de l’accès humanitaire, la haute fonctionnaire a assuré que l’ONU continue de faire tout ce qui est en son pouvoir pour faire progresser l’assistance à travers les lignes dans toutes les régions de la Syrie.  Illustrant son propos, elle a dit que la sixième mission de ce type dans le nord-ouest, à Sarmada, dans la province d’Edleb, s’est achevée les 4 et 5 août.  Elle a exhorté toutes les parties concernées à étendre ces opérations en autorisant plusieurs convois à traverser les lignes chaque mois et en augmentant le nombre de camions au sein de chaque convoi.

Par ailleurs, elle a indiqué avoir visité Gaziantep et Hatay en Türkiye le mois dernier pour examiner la réponse humanitaire transfrontalière à la lumière de la résolution du Conseil de sécurité.  Elle a salué l’ampleur de l’opération et le niveau élevé de contrôle appliqué, citant des témoignages de femmes au sujet des conditions humanitaires lamentables dans le nord-ouest de la Syrie.  Elle a assuré que l’ONU fera tout son possible pour faciliter la mise en œuvre de tous les aspects de la résolution 2642 dans les prochains mois, mais que l’Organisation avait besoin du soutien de toutes les parties, de ressources significatives et d’un accès soutenu, régulier et prévisible.  Préoccupé par les dommages irréversibles causés par le sous-financement chronique, notamment en matière de déscolarisation et de malnutrition, Mme Msuya Mpanju a prévenu qu’une génération d’enfants syriens pourrait être perdue.  Elle a appelé toutes les parties à faciliter l’accès à l’aide humanitaire à l’approche de l’hiver.

Déclarations

M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a estimé que l’absence de progrès sur le plan politique et la détérioration de la situation humanitaire devraient inciter le Conseil de sécurité à s’unir pour obliger le « régime syrien » à rendre des comptes.  Hélas, a-t-il dit, un de ses membres « a mis sur un pied d’égalité ses intérêts avec ceux d’Assad ».  Se disant inquiet des retard « inutiles et injustifiés » dans la poursuite des travaux de la Commission constitutionnelle, il a appelé à leur reprise rapide car cette situation « ne fait que nuire au peuple syrien qui n’en est pas responsable ».  La Russie, a-t-il noté, a dit que le processus doit être pris en main par les Syriens eux-mêmes et nous en sommes d’accord.  « Mais la Russie a ses propres préoccupations bilatérales qui n’ont rien à voir avec la Syrie », a fait valoir le représentant, avant de rappeler que la résolution 2254 (2015) ne porte pas seulement sur la Commission constitutionnelle, mais appelle également la Syrie à mettre en place un cessez-le-feu national et à libérer les personnes détenues de manière arbitraire.  Si le « régime syrien » est sérieux quant au règlement politique, il doit engager des mesures concrètes démontrant qu’il compte déclarer l’amnistie, comme promis, et précisant la situation des personnes libérées, a-t-il souligné.  

Exhortant le « régime d’Assad » à avancer sur ces tâches importantes, le délégué s’est ensuite expliqué sur les frappes aériennes effectuées le 24 août par son pays.  Il a précisé que des frappes de précision ont visé des installations utilisées par des milices affiliées aux Gardiens de la Révolution iranienne.  Ces frappes ont été menées en riposte à une attaque visant les États-Unis, lesquels ont exercé leur droit à la légitime défense, comme consacré par la Charte des Nations Unies, a justifié le représentant, qui a rappelé que, le 15 août, l’Iran, appuyée par des milices, s’en était prise aux forces américaines en deux emplacements et que d’autres actions hostiles avaient été enregistrées cette année.  Tout ceci a mis en danger les vies de personnels des États-Unis et de la coalition, a-t-il affirmé, ajoutant que l’action militaire de son pays visait à dissuader l’Iran et ses milices afin qu’ils ne mènent plus et n’appuient plus de telles attaques.  Il a cependant assuré que les États-Unis sont favorables à la désescalade et sont préoccupés par les activités militaires et les déplacements forcés de civils.  Cela étant, ils s’emploient à garantir la défaite de Daech sur le terrain, a-t-il souligné.  

Appelant à la mise en œuvre « véritable et durable » de la résolution 2254 (2015), le représentant a invité le Conseil et le « régime d’Assad » à faciliter l’accès humanitaire, y compris par le biais du mécanisme transfrontalier prévu par la résolution 2642 (2022).  Il a rappelé à cet égard que son pays a débloqué 900 millions de dollars à cette fin cette année, son aide s’élevant à 15 milliards de dollars depuis le début de la crise.  Il a également appelé de ses vœux la poursuite des efforts de relèvement rapide afin de faciliter l’accès aux services de base, tout en précisant que les États-Unis restent opposés à la reconstruction dans les zones contrôlées par le régime en l’absence de progrès tangibles.  S’agissant du mécanisme transfrontalier, il a regretté qu’il ait été limité à six mois « en raison de l’obstruction de la Russie ».  Dans ce contexte, a-t-il averti, les familles syriennes et les organisations humanitaires craignent le pire pour le mois de janvier, les stocks préparés à l’approche de l’hiver risquant de ne pas suffire.  Il s’est cependant félicité que 14 convois d’aide aient pu traverser la frontière le 4 août et que, tous les mois, d’autres convois passent par le point de Bab el-Haoua.  Le délégué a, en revanche, dénoncé le fait que les partisans du régime continuent de bloquer l’aide qui passe par les lignes de front lorsque cela sert leurs intérêts.  Des produits de base, comme le lait pour enfant, ne passent pas, s’est-il indigné, accusant le « régime syrien » et la Russie de vouloir mettre fin au mécanisme transfrontalier « pour soumettre le peuple syrien ».  Il a donc exhorté les membres du Conseil à renforcer l’acheminement de l’aide humanitaire par les deux modalités et à appuyer le mécanisme politique décrit par la résolution 2254 (2015).

Pour M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie), la stabilité et la sécurité à long terme sur le sol syrien passent par le rétablissement complet de la souveraineté, de l’indépendance, de l’unité et de l’intégrité territoriale de la Syrie et par la fin de la présence militaire étrangère illégale.  À cet égard, il a condamné les frappes aériennes de l’armée israélienne sur diverses cibles en Syrie, en citant notamment les raids ayant visé le port syrien de Tartous au cours du mois dernier.  Il a également dénoncé l’occupation américaine d’une partie du territoire de la Syrie et les frappes américaines dont le dernier incident remonte au 15 août.  Les États-Unis l’ont ouvertement reconnu en transmettant une lettre à ce sujet au Conseil de sécurité, a noté le représentant, pour lequel « ces actions illégales et irresponsables constituent une violation flagrante des normes fondamentales du droit international et doivent cesser ».  Les terroristes ont trouvé refuge dans les zones non contrôlées par la Syrie, a-t-il affirmé et par conséquent il faut poursuivre sur la voie du dialogue politique en vue d’un règlement de la crise syrienne sur la base des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et des décisions adoptées lors du Congrès du dialogue national syrien en 2018, a réitéré le représentant.  Il a noté à cet égard que la Commission constitutionnelle doit pouvoir travailler de manière régulière, dans des conditions favorables et sans ingérence extérieure.  Dans ce contexte, il a réaffirmé l’importance du processus d’Astana, qui continue à faire ses preuves en tant que mécanisme international efficace pour aider à parvenir à une normalisation à long terme de la situation en Syrie.  La Russie prévoit d’ailleurs de tenir la prochaine réunion du processus à Nour-Soultan avant la fin de l’année, a annoncé M. Nebenzia à cet égard.

Quant à la dimension humanitaire de la crise, le délégué a remarqué que l’ONU commence à reconnaître les effets dévastateurs des sanctions occidentales illégales sur le développement de l’économie syrienne, en notant la détérioration rapide de la sécurité alimentaire dans le pays et les difficultés d’approvisionnement en électricité de la Syrie et de ses infrastructures essentielles.  Il a argué que la poursuite des sanctions sape les efforts de l’ONU pour remplir son mandat humanitaire, « ce qui n’est dans l’intérêt de personne ».  Par conséquent la Russie demande une décision radicale et la levée des sanctions contre Damas, a insisté M. Nebenzia, en dénonçant au passage les secours humanitaires assurés uniquement dans les zones non contrôlées par Damas et le pillage américain continu des ressources pétrolières et agricoles syriennes.  En ce qui concerne l’acheminement de l’aide humanitaire à travers les lignes de front, il a partagé le point de vue du Secrétaire général sur l’importance de renforcer ces efforts dans le contexte d’Edleb.  Avec la bonne volonté des parties, l’approvisionnement de toutes les régions de la Syrie le long des routes intra-syriennes est possible, a-t-il estimé, ce qui est devenu tout à fait évident après la fermeture du poste de contrôle de Yaaroubiyé.

Le représentant a ensuite réfuté les allégations portant sur les conséquences soi-disant tragiques d’une telle étape.  « L’expérience prouve le contraire et nous attendons encore des progrès tangibles dans les six mois à venir », a tranché M. Nebenzia.  Fondant de grands espoirs sur le premier tour du dialogue interactif informel qui se tiendra en septembre, le représentant a dit attendre avec impatience une discussion franche et non politisée, ainsi qu’une contribution substantielle de l’ONU.  Il a noté avec intérêt que par rapport à la période précédente, le nombre de projets de relèvement rapide financés par des donateurs est passé de 133 à 288, et a indiqué que la Russie voudrait discuter de cette question en détail en septembre.  En outre, elle voudrait que la question des réfugiés syriens soit abordée, a-t-il ajouté, arguant qu’ils sont devenus un lourd fardeau pour les pays d’accueil contraints de subir la présence sur leur territoire d’anciens « casques blancs », reconnus même en Occident comme des « éléments radicaux ».

S’exprimant au nom de la Norvège et de l’Irlande en tant que délégations porte-plumes du dossier humanitaire sur la Syrie, M. FERGAL TOMAS MYTHEN (Irlande) a estimé que les besoins sont à leur plus haut niveau en raison de la poursuite de la violence qui a fait 87 morts parmi les civils entre le 1er juin et le 25 juillet.  Il est « profondément troublant » que les attaques ayant entraîné ces décès semblaient viser des civils, a-t-il jugé, tout en appelant les parties à respecter le droit international humanitaire.  Il s’est toutefois félicité de l’achèvement de la sixième livraison transversale d’aide humanitaire, en août, appelant les parties à soutenir les livraisons transfrontalières, tout en fournissant des garanties sécuritaires.

La flambée des prix des denrées, amplifiée par une inflation mondiale à la hausse, a exacerbé l’insécurité alimentaire, a déploré le délégué, en appelant à augmenter le financement de l’aide humanitaire.  Il a invité les membres du Conseil de sécurité à confirmer dans les plus brefs délais le renouvellement, au-delà de six mois, du mécanisme d’aide humanitaire transfrontalier, qui demeure un instrument vital pour des millions de syriens.  Devant l’escalade du conflit dans le nord de la Syrie, le délégué a condamné les frappes délibérées contre les civils, notamment les attaques indiscriminées et disproportionnées.  M. Mythen a jugé « profondément regrettable » que la neuvième session de la Commission constitutionnelle, prévue le mois dernier, n’ait pas eu lieu à la suite du refus du Gouvernement syrien d’y participer.  Il a rappelé en terminant la position de l’Union européenne selon laquelle il ne saurait y avoir de normalisation avec le Gouvernement syrien tant qu’une solution politique inclusive n’aura pas été trouvée, conformément à la résolution 2254 du Conseil.

Intervenant au nom des A3 (Ghana, Kenya et Gabon), M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) s’est inquiété de l’aggravation de l’insécurité notamment dans le nord-ouest de la Syrie, notant que les civils continuent d’en payer le prix le plus élevé.  Il a averti que l’escalade de la violence sape les efforts de paix, notant en outre que le conflit syrien a un impact disproportionné sur les femmes et les filles.  Il a particulièrement dénoncé la persistance de violences sexuelles dans le camp de Hol, où 77% des 26 personnes assassinées en 2022 sont des femmes.   

Le représentant s’est également inquiété de la gravité de la situation humanitaire en Syrie où plus de la moitié de la population a besoin d’une aide humanitaire.  Il a estimé que l’acheminement de cette aide nécessite encore le recours au mécanisme d’aide humanitaire transfrontalier et a espéré que la résolution 2246 (2022) sera renouvelée après janvier 2023.  Les opérations transfrontalières en cours restent une bouée de sauvetage cruciale pour l’aide humanitaire, a-t-il insisté.  Soulignant qu’il n’y a pas de solution militaire au problème syrien, le représentant des A3 a appelé à trouver des solutions durables par le biais d’un dialogue franc impliquant toutes les composantes de la société, y compris les femmes.

Mme SHERAZ GASRI (France) a constaté que la Fédération de Russie continue de paralyser le processus politique en offrant un prétexte au « régime syrien » pour ne pas participer à la Commission constitutionnelle, en raison de « considérations baroques » sur le lieu de la réunion.  Rappelant qu’en vertu des termes de référence, c’est à Genève que doivent se tenir les réunions de la Commission, elle déploré qu’après 11 ans de conflit, aucune solution politique conforme aux dispositions de la résolution 2254 (2015), pourtant adoptée à l’unanimité, ne se dessine.  Dans ces conditions, elle a fait savoir que les positions françaises comme européennes sur la levée des sanctions, la normalisation et la reconstruction « demeureront inchangées ».  La représentante a d’autre part jugé que le renouvellement du mécanisme humanitaire transfrontalier pour six mois, avec un seul point de passage, reste « largement insuffisant » face à l’ampleur des besoins.  Affirmant que la France sera « extrêmement engagée », en janvier prochain, pour que ce mécanisme vital soit renouvelé pour un an, elle s’est aussi prononcée pour la poursuite des progrès en matière d’accès « crossline », non sans relever que ces livraisons à travers les lignes de front ne peuvent se substituer aux opérations transfrontalières, qui ont permis d’acheminer 1 200 camions d’aide en juin et en juillet derniers. 

La déléguée a ensuite assuré que la France continuera son combat sans relâche contre l’impunité en Syrie.  Dans ce cadre, a-t-elle indiqué, le Ministère français de l’Europe et des affaires étrangères a été destinataire d’une importante documentation relative à de possibles crimes commis par les forces du régime syrien lors du massacre de Tadamon, en 2013.  Selon elle, les faits allégués, qui sont susceptibles d’être constitutifs de crimes internationaux parmi les plus graves, ont été signalés au parquet national antiterroriste au titre de la compétence des juridictions françaises en matière de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre.  Saluant le courage des défenseurs des droits humains dont le travail a permis la collecte de ces documents, elle a précisé que ces éléments s’ajoutent à la documentation déjà fournie concernant les violences subies par les Syriens, notamment le rapport César et les rapports de l’ONU faisant état du recours systématique aux violences sexuelles par le régime. 

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) s’est dite déçue de voir que l’organe restreint de la Commission constitutionnelle ne se soit pas réuni ce mois-ci.  L’Inde avait espéré que les trois parties s’engageraient de manière constructive et résolue, dans un esprit de compromis, pour réaliser des progrès crédibles or, a-t-elle regretté, des facteurs externes se sont avérés préjudiciables au processus politique global.  Jusqu’à présent, l’engagement n’a pas été en mesure de combler le déficit de confiance entre les principales parties prenantes.  Comme les négociations de juillet pour le renouvellement du mécanisme transfrontalier pour l’aide humanitaire l’ont montré au monde, l’adoption de positions tranchées par les principales parties prenantes peut être contreproductive à long terme et préjudiciable aux intérêts de millions de Syriens.  La représentante a donc réaffirmé qu’il appartient aux Syriens de décider ce qui est le mieux pour la Syrie et leur propre avenir.  Appelant à soutenir les efforts de l’Envoyé spécial, en particulier son approche par étapes vers un règlement politique, elle a salué sa récente visite à Moscou et sa rencontre avec le Ministre russe des affaires étrangères.  La représentante a espéré que M. Pedersen pourra bientôt se rendre à Damas et s’y entretenir avec le Gouvernement syrien, en arguant que le succès de ses efforts dépendra notamment du soulagement réel apporté au peuple syrien par l’assouplissement des mesures affectant sa vie quotidienne.  

Poursuivant, la déléguée a salué la normalisation progressive des relations de la Syrie avec ses voisins arabes, en mettant en garde contre le fait que tout acte compromettant la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie aurait un impact négatif sur le processus politique.  Sur le front de la sécurité, elle a insisté sur l’urgence de parvenir à un cessez-le-feu national global en Syrie et sur le retrait de toutes les forces étrangères pour parvenir à cet objectif.  Mettant en garde contre la menace imminente que représente la résurgence de groupes terroristes en Syrie et en Iraq comme Daech et Hay’at Tahrir el-Cham (HTS), elle a estimé que la lutte mondiale contre le terrorisme ne peut pas et ne doit pas être compromise pour des gains politiques étroits, en insistant sur la reddition de comptes.  

Sur le plan humanitaire, la prolongation du mandat de l’aide humanitaire transfrontalière en juillet 2022 a été une évolution bienvenue à ses yeux, tout comme le fait que le Conseil ait pu adopter une résolution sur la Syrie.  La représentante a fait valoir que bien que les opérations transfrontalières soient prévisibles et importantes, elles ne peuvent pas exister à perpétuité.  Des mesures concrètes doivent être prises pour surmonter les obstacles qui entravent le fonctionnement des opérations à travers les lignes de front.  L’aide humanitaire ne peut être une question d’opportunisme politique, a-t-elle tranché en estimant qu’associer l’aide humanitaire et au développement aux progrès du processus politique ne fera qu’exacerber les souffrances humanitaires.  Elle a ensuite appelé la communauté internationale à envisager de manière constructive la promotion de projets qui apporteront des emplois et des opportunités économiques indispensables au peuple syrien.

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a dénoncé les attentats des 18 et 19 août et a exhorté toutes les parties à faire preuve de retenue, à respecter leurs obligations de protéger les civils et à contribuer à faire baisser les tensions.  Il est donc particulièrement décevant que la neuvième session de la Commission constitutionnelle syrienne n’ait pas eu lieu, a-t-elle regretté.  Elle a promis que la Norvège allait continuer à soutenir les travaux engagés par l’Envoyé spécial, la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) et d’un processus politique mené et dirigé par les Syriens.  La représentante a indiqué que la question des détenus et des personnes disparues en Syrie était d’importance majeure, notant que de nombreux Syriens et leurs familles sont personnellement touchés par ce problème et ne savent pas ce qu’il est advenu de leurs proches.  Les avancées sur ce dossier est essentiel pour rompre avec l’impasse politique actuelle, a-t-elle estimé.

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a regretté l’annulation de la neuvième série de réunions de la Commission constitutionnelle pour des raisons externes.  Elle a appelé la communauté internationale à cesser de lier le dossier syrien à d’autres dossiers politiques, l’engageant en outre à apporter son soutien aux efforts de médiation de l’Envoyé spécial visant à instaurer la confiance entre les parties.  Elle s’est opposée à une intervention étrangère en Syrie pour préserver son unité, sa souveraineté et son intégrité territoriale.  

La représentante s’est dite préoccupée face à la détérioration de la situation humanitaire en Syrie.  Les femmes et les enfants supportent le plus lourd fardeau et des millions de personnes continuent de souffrir d’une pénurie d’eau propre et d’un environnement insalubre, s’est-elle inquiétée.  De même, fournir de l’électricité aux Syriens reste également un besoin urgent.  Elle a estimé que le retard persistant dans le traitement de la situation politique aggrave les difficultés existantes, notamment le vide sécuritaire déjà exploité par des groupes terroristes dans le pays, tels que Daech.  Elle a averti que ces groupes constituent une grave menace, non seulement pour la sécurité et stabilité de la Syrie, mais pour toute la région.

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) s’est tout d’abord concentré sur l’acheminement de l’aide humanitaire à la Syrie, rappelant que le mécanisme transfrontalier autorisé par la résolution 2642 (2022) n’est qu’un arrangement temporaire dont la validité expirera dans cinq mois.  Le Conseil doit, selon lui, profiter de cette période pour sérieusement mesurer et documenter les résultats du mécanisme, tout en effectuant une véritable évaluation de ce qui freine les livraisons à travers les lignes de front.  À ses yeux, l’aide humanitaire transfrontalière n’est pas une solution à long terme.  À terme, a-t-il estimé, elle devra être supprimée progressivement dans le contexte d’une solution permettant à la République arabe syrienne d’assumer l’entière responsabilité de l’acheminement de l’aide à sa population.  Dans l’immédiat, il a encouragé les efforts visant à augmenter les livraisons à travers les lignes de front, arguant qu’elles peuvent atteindre d’autres parties du territoire syrien.  

Pour ce qui est du processus politique en Syrie, le représentant s’est alarmé de la quasi-absence de progrès, ces dernières années, du dialogue facilité par l’ONU sous les auspices de la Commission constitutionnelle.  Assurant qu’il continue de croire en l’importance de l’ONU pour faciliter ce processus, il a plaidé pour davantage de flexibilité dans les efforts de facilitation, notamment en ce qui concerne les lieux des pourparlers, et fait valoir que ces efforts doivent rester conformes aux principes énoncés par la résolution 2258 (2015).  Enfin, le délégué a constaté qu’en dépit des dérogations humanitaires, les sanctions prononcées contre le Gouvernement syrien continuent d’avoir un impact négatif sur l’assistance et le rétablissement des infrastructures et services de base, y compris dans les projets de relance dont la résolution 2642 (2022) a souligné l’importance.  Il a donc réitéré sa demande d’évaluation approfondie des conséquences délétères potentielles des sanctions pour la population civile syrienne.

Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a pris note du communiqué conjoint à la suite du sommet de Téhéran qui a eu lieu en juillet dernier.  Elle a regretté que la neuvième réunion de l’organe restreint de la Commission constitutionnelle n’ait pu avoir lieu, alors que c’est indispensable pour mettre un terme à la crise politique profonde qui a marqué ces 11 années de conflit en Syrie.  Parallèlement à ce processus constitutionnel, elle a demandé la prise en compte de la situation des personnes disparues et détenues en demandant que les organisations humanitaires puissent avoir accès aux centres de détention en Syrie.  Consternée par l’escalade des hostilités, notamment dans le nord d’Alep, la représentante a mis en exergue le prix élevé payé par la population civile et encouragé les parties à parvenir sans tarder à un accord de cessez-le-feu.  Passant au problème de sécurité alimentaire, elle a demandé que les différentes modalités d’accès à l’assistance alimentaire restent ouvertes, qu’elles soient transfrontières ou au travers des lignes de front.  Selon la déléguée, compte tenu de la situation, il faudra renouveler le mécanisme transfrontière en janvier 2023 tout en renforçant le mécanisme à travers les lignes de front.  Avant de conclure, elle a tenu à rappeler que pour le Mexique, invoquer la légitime défense pour faire usage de la force contre des acteurs non étatiques dans un État tiers est contraire à la Charte des Nations Unies et au droit coutumier.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a déploré le fait qu’après 11 années de brutalités, de déplacements forcés, de meurtres de civils, de destruction d’infrastructures civiles et d’atrocités de toute nature, « nous ne voyons toujours pas le bout » de la guerre en Syrie.  Alors que 87 personnes ont été tuées et 100 autres blessées au cours des deux derniers mois, les violations des droits fondamentaux des civils continuent d’être commises en toute impunité.  Les besoins humanitaires « colossaux » en Syrie ne font qu’augmenter, a-t-il noté, démontrant l’importance « vitale » du mécanisme transfrontière qui doit être renouvelé en janvier 2023.  La crise humanitaire continue en outre de s’approfondir du fait de la paralysie que connaît la transition politique en raison des agissements du « régime » syrien, qui empêche que se réunisse la Commission constitutionnelle, prenant en otage l’avenir de tout un pays.  Alors que plus de 130 000 personnes ont été arbitrairement arrêtées ou ont « disparu » de force, le représentant a préconisé la création d’un mécanisme indépendant doté d’un mandat international vigoureux pour faire la lumière sur cette « montagne d’atrocités ».  À ses yeux, l’établissement des responsabilités, le respect du droit international humanitaire et du droit international sont essentiels pour parvenir à une paix pérenne.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a déploré que le « régime » syrien continue de bloquer les discussions sur les questions politiques et la réforme constitutionnelle.  Nous sommes en outre déçus que la Fédération de Russie ait utilisé les retombées de sa propre agression en Ukraine comme prétexte pour saper le progrès politique en Syrie, en affirmant que Genève ne devrait plus être le lieu des pourparlers de la Commission constitutionnelle menés et dirigés par les Syriens, a poursuivi le délégué.  Alors que le régime syrien continue de manquer à sa responsabilité de respecter les principes fondamentaux des droits des Syriens de subvenir à leurs besoins ou de s’engager dans le processus politique, la situation humanitaire continue de se détériorer, a constaté le délégué.  Il a dit que le Royaume-Uni reconnaît qu’un relèvement rapide est nécessaire pour répondre aux besoins humanitaires.  Et cela se reflète dans le soutien et le financement octroyés par le Royaume-Uni pour aider à la réhabilitation des réseaux d’alimentation en eau, à fournir une formation agricole et des intrants pour le bétail et la production de légumes, ou encore des formations et des subventions destinées aux petites entreprises.  Pour le représentant, l’aide humanitaire, et notamment transfrontalière, reste une bouée de sauvetage pour des millions de gens en Syrie.  En restreignant le mandat du mécanisme transfrontalier de l’ONU de 12 à six mois, la résolution 2642 (2022) a semé l’incertitude pour l’ONU et ses partenaires, a-t-il affirmé.  Le représentant britannique a donc appelé tous les membres du Conseil à œuvrer ensemble à un accord renouvelé de 12 mois en janvier, afin de répondre aux besoins critiques du peuple syrien. 

M. ZHANG JUN (Chine) a tout d’abord appelé à la fin des violations de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie.  Ces principes importants inscrits dans la Charte des Nations Unies ne sont pas facultatifs et ne doivent pas donner lieu à de mauvaises interprétations, a-t-il martelé, estimant que les récentes opérations militaires des États-Unis dans l’est de la Syrie n’ont rien à voir avec l’Article 51 de la Charte ou la légitime défense.  Observant ensuite que Daech, Hay’at Tahrir el-Cham et le Mouvement islamique du Turkestan oriental continuent d’être implantés en Syrie et constituent une menace pour la paix et la sécurité, le représentant a déploré que certaines organisations terroristes inscrites sur les listes du Conseil aient toujours accès à des financements sous diverses formes.  « C’est du terrorisme, point final! » a-t-il tranché, estimant que toute utilisation politiquement motivée des forces terroristes « ne peut que conduire à davantage de chaos ».  

Le délégué a également plaidé pour que le processus politique soit dirigé et pris en mains par les Syriens eux-mêmes, en l’absence de toute ingérence extérieure.  Saluant les efforts déployés dans ce sens par l’Envoyé spécial, il s’est également félicité des « signaux importants » du processus d’Astana en appui de ce processus politique et de l’annonce par Damas de la tenue, en septembre, d’élections locales.  Il a par ailleurs estimé que la transition de l’aide transfrontalière vers les acheminements d’aide par-delà les lignes de front « doit continuer ».  Se disant « déçu » par le mécanisme transfrontalier qui, depuis l’adoption de la résolution 2258 (2015), n’a donné lieu qu’à une seule opération dans l’est de la Syrie, il a rappelé que ce dispositif ne devait être qu’exceptionnel.  Il a appelé à accélérer la transition vers l’aide à travers les lignes de front et à établir un calendrier clair afin que l’aide transfrontalière prenne fin.  Il a enfin appelé la communauté internationale à promouvoir les projets de relèvement rapide et à mettre en œuvre davantage de projets pour aider la Syrie à se développer économiquement.  Constatant à cet égard que 83% de la production pétrolière de la Syrie est vendue illégalement et que des convois de contrebande pétrolière sont nombreux aux frontières, il a demandé au Conseil de condamner ces agissements.  Les sanctions et le pillage des ressources de la Syrie doivent cesser, a-t-il insisté, assurant que le relèvement et le développement économique sont pour ce pays les seuls moyens de se remettre de cette crise humanitaire.  

M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a insisté sur le fait que le Gouvernement syrien déploie d’importants efforts pour promouvoir la réconciliation nationale et offrir des conditions de vie dignes aux Syriens.  Il s’efforce de rétablir les infrastructures et les services de base, de reconstruire le pays et d’offrir des conditions de retour sûres et dignes aux réfugiés syriens.  Conformément à la résolution 2642 du Conseil de sécurité, il a été possible d’acheminer une aide humanitaire supplémentaires à ceux qui en avaient besoin et d’étendre les projets de relèvement rapide, notamment dans le domaine de l’électricité.  Aujourd’hui, deux mois après l’adoption de ce texte par le Conseil de sécurité, il a souhaité que le Conseil garantisse sa pleine mise en œuvre et fasse la lumière sur les défaillances dans sa mise en œuvre en tenant pour responsables les États qui en sont à l’origine.

Les organisations humanitaires continuent d’être confrontées à des circonstances difficiles en Syrie, a concédé le représentant, en expliquant cela par la poursuite par les pays occidentaux d’activités qui entravent l’acheminement de l’aide humanitaire et le développement en Syrie.  Certains États nient les principes reconnus par tous, notamment ceux liés aux projets de relèvement rapide, et, a souligné le représentant, seule une petite partie des financements promis dans le cadre de la résolution 2642 a été débloquée à ce jour.  Les États-Unis et leurs alliés occidentaux continuent d’imposer et d’élargir les mesures coercitives unilatérales qui visent la Syrie, causant d’indicibles souffrances pour la population syrienne s’est-il indigné, alors même que le blé, le pétrole, le gaz et le coton syriens continuent d’être pillés par les forces d’occupation américaines.  Ces derniers jours plus de 500 camions remplis de pétrole syrien ont quitté le territoire syrien vers des bases militaires américaines en Iraq, a-t-il affirmé.  Le Gouvernement syrien souhaite que l’aide humanitaire parvienne à tous ceux qui en ont besoin, a-t-il poursuivi, mais les organisations terroristes du nord-ouest de la Syrie, et leurs parrains occidentaux, continuent d’entraver les efforts visant à élargir le mécanisme d’acheminement par-delà les lignes de front.

Le représentant a également demandé à l’ONU de mettre en place un plan de déminage ambitieux assorti d’un échéancier.  Lors du Sommet de Téhéran du 19 juillet 2022, la Russie et l’Iran se sont engagés à rétablir l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Syrie, condamnant de nouveau l’agression israélienne qui se poursuit, a rappelé le représentant.  Au cours de ce sommet, des engagements ont également été pris pour lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes et il a été réaffirmé que seul un processus politique dirigé et pris en main par les Syriens eux-mêmes et facilité par l’ONU pourra conduire à une véritable solution en Syrie.  Le représentant a demandé qu’il soit mis fin à la présence illégitime de forces étrangères et de milices en Syrie, ainsi qu’aux agressions israéliennes et aux politiques de punition collective visant le pays.  C’est, à ses yeux, la seule façon d’éliminer toute présence terroriste sur le territoire syrien et de mettre fin aux changements démographiques et à l’exode pour que les Syriens puissent reprendre en main leur pays, notamment sur le plan économique.  À cet égard, le représentant a exigé que les milices qui pillent les ressources syriennes aient à verser des compensations au peuple syrien.

Répondant à l’intervention du représentant américain et sa justification des attaques menées par son pays dans la province de Deïr el-Zor, il lui a rappelé que les forces armées américaines se trouvent de manière illégale sur le territoire syrien et que cette présence illégitime constitue une violation flagrante de la Charte des Nations Unies et du droit international.  Le fait que le représentant des États-Unis ait invoqué la Charte pour justifier ces agissements est honteux, aux yeux du représentant syrien, et confirme un dicton arabe selon lequel « l’excuse est parfois plus hideuse que l’acte lui-même ».

Mme ZAHRA ERSHADI (Iran) a déclaré que les circonstances politiques actuelles ne devraient pas empêcher l’aide humanitaire d’atteindre les nécessiteux, à condition que les actions en ce sens soient menées dans le plein respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale de la Syrie.  Elle s’est félicitée à cet égard de l’adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 2642 (2022), estimant qu’il s’agissait là d’une étape importante pour répondre aux besoins les plus urgents.  Les projets de relèvement rapide tels que ceux concernant l’électricité sont indispensables pour rétablir l’accès aux services essentiels et ne doivent pas être affectés par les sanctions unilatérales, a-t-elle prévenu.  Selon elle, les sanctions unilatérales imposées à la Syrie doivent être levées afin de permettre la mise en œuvre de résolution.  

S’agissant du processus politique, la représentante a réaffirmé que la crise syrienne doit être résolue de manière pacifique et conformément au droit international, en mettant fin à l’occupation et en rétablissant la pleine souveraineté de la Syrie.  Elle a souligné le rôle crucial joué par la Commission constitutionnelle, ainsi que le sommet tripartite d’Astana qui s’est tenu à Téhéran en juillet dernier.  Elle a condamné fermement la poursuite des attaques militaires israéliennes en Syrie, notamment celle menée contre l’aéroport de Damas le 10 juin, estimant qu’elles ont pour effet de déstabiliser le pays et d’exacerber les tensions dans la région.  Enfin, la représentante a rejeté « catégoriquement » les accusations portées par le représentant des États-Unis, estimant que la présence de ce pays dans le nord-est de la Syrie constitue une violation claire de la Charte des Nations Unies, du droit international, ainsi que de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie.

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Türkiye) a dit que seule une solution politique conforme à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité sera de nature à mettre fin au conflit syrien.  Il a dit l’urgence de parvenir à une unité du peuple syrien pour ramener la stabilité dans un pays qui partage 911 kilomètres de frontières communes avec la Türkiye.  Le représentant s’est particulièrement inquiété de la menace que font peser les groupes terroristes dans la région en rappelant que les Forces démocratiques syriennes comprennent le Parti des travailleurs du Kurdistan et les Unités de protection du peuple kurde, qualifiés de groupes terroristes, qui ont mené des attaques qui ont coûté la vie à deux soldats turcs le 16 août dernier.  La lutte contre Daech ne peut être menée que par des acteurs légitimes, a insisté le représentant de la Türkiye avant de juger « fausse » l’idée selon laquelle un groupe terroriste peut lutter contre un autre groupe terroriste.  Il a exhorté les parties à renouveler le mandat du mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière le 10 janvier prochain, prévenant que la suspension de cette aide en plein hiver serait dramatique.  Il a fustigé l’attitude négative du régime syrien qui empêche la livraison d’aide à travers les lignes de front à Roukban.  Enfin, le représentant a salué l’approche constructive de l’opposition lors des huit premières sessions de la Commission constitutionnelle.  

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Conférence « BBNJ » suspend les travaux de sa cinquième session pour finaliser ultérieurement le texte d’un traité crucial pour l’océan et l’humanité

Cinquième session,
60e séance plénière – après-midi
MER/2163

La Conférence « BBNJ » suspend les travaux de sa cinquième session pour finaliser ultérieurement le texte d’un traité crucial pour l’océan et l’humanité

Parvenue au terme des deux semaines allouées initialement à sa cinquième session, la Conférence intergouvernementale dite « BBNJ » a décidé, ce soir, de suspendre les travaux d’une session qui devait se conclure par un accord sur un « instrument juridiquement contraignant sur la préservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale ».  Après des négociations sans relâche, qui se sont poursuivies dans la soirée, la Présidente de la Conférence, Mme Rena Lee (Singapour), a indiqué qu’elle s’adressera à l’Assemblée générale pour demander au Secrétaire général une reprise de cette session prévue pour être la dernière.  Si les délégations ont salué les progrès importants accomplis au cours des négociations et assuré rester engagées dans ce processus, une grande déception a transparu dans les déclarations des petits pays insulaires qui misent beaucoup sur la protection des océans et le partage des avantages qu’offrent les ressources marines de la haute mer. 

En ouvrant la séance en début d’après-midi, la Présidente avait précisé que les ultimes discussions portaient sur des éléments de la nouvelle version du « texte d’accord rafraîchi », distribuée dans la matinée aux délégations.  Cette dernière ébauche d’avant-projet d’accord, censée refléter « les progrès apparus durant les négociations officieuses et dans les petits groupes de travail », montre « à quel point nous sommes proches de la ligne d’arrivée », avait-elle assuré, ajoutant toutefois que des « négociations dures » seraient nécessaires pour parvenir à conclure.

« Nous n’avons jamais été aussi proches de la ligne d’arrivée dans ce processus », a-t-elle assuré en rouvrant la séance dans la soirée, après d’ultimes négociations.  Mme Lee a alors pris note des rapports des facilitateurs et expliqué que le manque de temps imposait de suspendre la session.  Elle a néanmoins parlé d’« excellents progrès », ce que les délégations qui ont ensuite pris la parole ont reconnu.

« La lumière est à la fin du tunnel », ont confirmé certains orateurs lors de cet échange de vues général.  Dans leurs déclarations, les délégations ont exprimé leur gratitude à la Présidente pour avoir mené des travaux importants et complexes, en remerciant également les membres du bureau et les facilitateurs pour leur dur labeur lors des négociations.  Le Secrétariat de l’ONU a aussi été salué pour son soutien au processus. 

Cette session a été vue comme « un tournant » dans les négociations, par le délégué de l’Islande: « la Conférence a réalisé plus de progrès en deux semaines qu’il n’en a été fait pendant la décennie passée ».  « Nous sommes dans une bien meilleure posture », a appuyé le représentant du Chili en demandant à toutes les délégations d’être bien préparées pour la prochaine étape. 

Plusieurs ont apprécié la transparence maintenue dans les travaux, un élément jugé crucial, de même que l’inclusivité, comme l’a souligné notamment la représentante des Philippines.  Son homologue de la République islamique d’Iran, de même que celui du Venezuela, ont néanmoins estimé que la « prolifération » de groupes de négociations est un problème car elle exclut certains États qui n’ont pas pu participer à toutes les réunions.  Même remarque du délégué des Maldives qui a souhaité des réunions plus structurées la prochaine fois, dans le souci de la participation de tous.  Son homologue du Nicaragua a lancé un appel aux facilitateurs en ce sens: « ne convoquez plus de réunions en petits groupes, car cela réduit les chances de participer pour les petites délégations ».  Le représentant de la Chine est allé plus loin en demandant que les propositions émanant des petits groupes ne soient pas incluses dans le projet de texte, à cause du manque de participation.

Un élément permettant d’assurer l’inclusivité est d’ailleurs le fonds d’affectation spéciale volontaire, qui a facilité la participation de représentants d’États Membres à la Conférence, et que beaucoup ont salué en appelant à y contribuer davantage.  Le délégué de l’Inde a, lui, dit apprécier le nouveau format adopté à la cinquième session, qui a permis non seulement un travail constructif mais aussi de forger de nouvelles amitiés.

Lors de la reprise de session, il faudra utiliser les leçons apprises des négociations, a recommandé le représentant du Pakistan, parlant au nom du Groupe des 77 et de la Chine, avant de demander que le futur instrument inclue les sujets identifiés dans le « paquet de 2011 » en se basant sur l’héritage commun de l’humanité.  Il a misé sur ce processus pour qu’il mène à un régime équitable sur la biodiversité marine en termes de sécurité alimentaire.  S’il a souligné les « progrès incroyables » atteints au cours des deux semaines de session, comme la plupart des intervenants, les petits États insulaires ont quant à eux manifesté leur grande déception de ne pas voir la Conférence terminer aujourd’hui sa mission, alors qu’ils ont fait de grands efforts dans ce but.

La plus émue fut sans doute la représentante des Samoa qui a expliqué l’importance vitale de ce processus pour les petits États insulaires en développement du Pacifique, au nom desquels elle parlait.  Ils sont venus avec toute leur bonne foi et de loin, en dépensant 260 000 dollars pour faire venir 24 personnes, a-t-elle déclaré.  C’est un investissement important, a-t-elle dit en faisant valoir que cette somme n’a pas été dépensée en routes, en médicaments ou en écoles chez eux, mais en frais de voyage pour venir « ici ».  Cela montre notre engagement, a-t-elle affirmé avant de remercier les partenaires régionaux, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, et de reconnaître les progrès réalisés.  Elle a aussi parlé des compromis difficiles qui ont été faits par ces pays en appelant à préserver les choix faits et à « finir ce que nous avons commencé ». 

Espérant elle aussi que les travaux accomplis au cours de la cinquième session seront préservés, la représentante de la Barbade, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a souhaité que le futur accord donne la possibilité à tous les États Membres d’utiliser effectivement la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.  Sa déception a été partagée par la déléguée d’Antigua-et-Barbuda qui, au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), a exhorté les États Membres à soutenir ce processus.  Elle a plaidé pour un texte ambitieux et promis de travailler activement avant la reprise de session.

Il faudra des travaux « intersessions » structurés, a recommandé le représentant de la Namibie, au nom du Groupe des États d’Afrique, souhaitant la présence d’experts venant des capitales au vu de la complexité des questions.  Il a appelé à ne surtout pas « jeter le bébé avec l’eau du bain », arguant que « nous avons travaillé pour que le traité soit équitable et universel ».

« Rien n’est agréé tant que tout ne l’est pas », a rappelé la représentante de l’Union européenne (UE), qui a salué les « discussions très importantes » tenues au cours des deux semaines écoulées.  Elle a mis en évidence quelques avancées, notamment sur les dispositions relatives aux ressources génétiques pour lesquelles l’UE a fait des propositions sur le partage des avantages financiers.  Mettant en avant les accords déjà atteints sur des parties du texte, le délégué du Canada a recommandé aux facilitateurs de mettre leurs rapports, qui contiendront les articles et paragraphes agréés, sur le Web pour que les délégations sachent où reprendre la prochaine fois.

Analysant les tendances dans les négociations des deux dernières semaines, le représentant du Mexique, au nom du groupe CLAM (Core Latinamerican Group), a remarqué des mouvements dynamiques sur certains sujets qui contrastent avec la stagnation sur d’autres.  « Nous avons été proactifs dans la discussion, notamment en menant des petits groupes », a-t-il dit en évoquant des concessions faites sur des sujets importants.  Le groupe CLAM s’est ainsi écarté de sa position sur un système rigide de brevets pour l’accès aux ressources génétiques marines.  Mais ce niveau de souplesse n’a pas été partagé par tous, a-t-il noté, regrettant que cela ait réduit les chances de trouver des solutions, un constat fait également par le représentant de la République-Unie de Tanzanie.  Celui-ci a observé en particulier un manque d’ouverture dans le chapitre des ressources génétiques marines, surtout pour le partage des bénéfices financiers.  Il a recommandé d’identifier les points sur lesquels il faut trouver un accord politique.

Il nous manque un régime international pour gérer la biodiversité marine, a rappelé le représentant du Népal, au nom des pays en développement sans littoral, en se basant sur le principe de partage d’un « héritage commun de l’humanité », une notion au cœur de nombreux discours entendus aujourd’hui, comme celui de la Thaïlande.  Pour le représentant d’Haïti, la question du partage ne doit pas se poser, il faut simplement en définir les modalités.

Ce régime international doit résulter d’un consensus, a ajouté le représentant de l’Indonésie, le plus grand pays archipélagique.  Il a invité à suivre le précédent du droit de la mer et notamment de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, qui fut adoptée par consensus.  Même demande de la part de la Chine, dont le délégué a exigé une adoption par consensus sur les quatre sujets inclus dans le projet.  Le représentant de la Türkiye a saisi cette occasion pour rappeler que ce processus est ouvert à tous les États Membres, quel que soit leur statut par rapport à la Convention.  Il a plaidé pour que soit conservé le paragraphe 3 de l’article 4 du « texte rafraîchi » relatif à ce point.

Le besoin d’avoir enfin un traité a été rappelé dans les déclarations avec un sentiment d’urgence, comme l’a exprimé notamment la représentante de la République de Corée, plaidant elle aussi pour plus de souplesse.  « Il faut agir avant qu’il ne soit trop tard », a lancé la représentante de Greenpeace, qui a rappelé que les océans ont perdu 70% des requins en 50 ans et que plus d’une centaine d’espèces marines sont gravement en danger.  « Cet accord est en discussion depuis 20 ans », s’est-elle impatientée. 

À l’instar des trois autres représentants d’organisations non gouvernementales qui ont pris la parole en fin de séance (Union internationale pour la conservation de la nature, High Seas Alliance et Deep Sea Conservation Coalition), elle a appelé à achever le processus BBNJ en arrêtant un texte d’ici à la fin de 2022.  Il en va de notre responsabilité mondiale envers l’océan, a argué la représentante du Costa Rica.  Cette année verra aussi se tenir la COP27, a indiqué le représentant de l’Égypte, pays qui accueillera et présidera cette conférence des États parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. 

Il faut s’appuyer sur la dynamique acquise au cours de la cinquième session, a recommandé le représentant de Monaco, attaché en particulier au chapitre « Outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées », tandis que la déléguée du Royaume-Uni a assuré rester engagée à atteindre un ambitieux accord pour garantir la santé des océans.  L’Équateur aussi est engagé en ce sens, a fait valoir son délégué en citant sa réserve marine dans les Galapagos et son couloir maritime établi avec la Colombie, le Panama et le Costa Rica.  L’engagement démontré par les délégations est à la hauteur de l’objectif ambitieux, car, comme l’a rappelé la représentante des États-Unis, ce processus doit nous conduire à protéger 30% de la biodiversité marine d’ici à 2030 et « l’échec n’est pas une option ».

« Ce n’est pas qu’un accord historique, c’est un engagement transcendantal au bénéfice des générations présentes et futures », a décrété la représentante de la République dominicaine en avertissant qu’on ne peut pas continuer à ignorer la biodiversité marine.  « Le monde entier nous regarde », a conclu le représentant des États fédérés de Micronésie

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La dixième Conférence d’examen du TNP s’est achevée sans adopter de document final substantiel, faute de consensus

Dixième Conférence d’examen du TNP,
13e séance – après-midi
CD/3850

La dixième Conférence d’examen du TNP s’est achevée sans adopter de document final substantiel, faute de consensus

Après quatre semaines de travaux, la dixième Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) s’est achevée vendredi soir sans parvenir à s’accorder sur des conclusions et recommandations de fond, du fait de l’opposition de la Russie à un document de synthèse présenté par la présidence, dont l’adoption requérait un consensus.  C’est la deuxième conférence d’examen de suite, après celle de 2015, qui ne parvient pas à produire un document final substantiel et de nombreuses délégations ont déploré cet échec, tout en affirmant qu’il ne remettait pas en cause le contenu du traité lui-même, ni les acquis des précédentes conférences d’examen.  La prochaine conférence d’examen se tiendra en 2026.

Entamée tardivement après plusieurs reports et une suspension, la séance de clôture a été marquée par l’opposition de la Fédération de Russie au projet de rapport final* présenté par le Président de la Conférence, M. Gustavo Zlauvinel (Argentine).  Le texte, a expliqué ce dernier, représentait « le meilleur effort que j’ai pu accomplir pour répondre aux divergences entre États parties qui m’ont été communiquées, notamment lors des consultations, au cours de cette conférence d’examen », avant d’ajouter: « Malheureusement, je n’ai été informé que des objections spécifiques d’un État partie aujourd’hui à la mi-journée.  Par conséquent, à ce stade avancé de la procédure, elles n’ont pas pu être prises en compte dans le cadre de ce projet ». 

Défendant son texte, M. Zlauvinel a expliqué qu’il s’était « efforcé de concilier les positions exprimées de manière équitable et équilibrée, afin d’aboutir à un résultat qui, selon moi, devrait faire consensus ».  Il a reconnu qu’il ne « s’agit pas d’un document parfait, ou qui contient tout ce que souhaitaient toutes les délégations », mais s’est justifié par le fait que « nous nous trouvons à un moment de l’histoire où notre monde est de plus en plus déchiré par des conflits et, plus alarmant encore, par la perspective toujours plus grande de l’impensable - la guerre nucléaire.  Dans un tel moment, il est impératif que nous cherchions à amplifier ce qui nous unit, et non ce qui nous divise.  Nous voulons tous parvenir à un monde sans armes, éviter les conflits régionaux dangereux et voir la réalisation des objectifs de développement durable.  J’espère sincèrement que le projet de document et, ce qui est peut-être plus important, la mise en œuvre complète et rapide des engagements qu’il contient, pourront nous aider à nous rapprocher de tous les objectifs que je viens de mentionner ».

Le représentant de la Fédération de Russie a alors demandé la parole pour expliquer qu’il n’y avait « pas de consensus » et que son pays avait des « objections sur des points clefs qui ont une dimension politique et sont connus de tous ».  Il a expliqué que ces objections portaient sur « cinq paragraphes » d’un texte qui en contenait plus de 140 et proposé « non de les supprimer, mais de les amender ».  Le représentant n’a pas cité les paragraphes.  Sans citer la Fédération de Russie, cinq des paragraphes du projet de document faisaient mention de la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijia.

S’il a été le seul à se prononcer ouvertement contre le projet de document final, empêchant ainsi son adoption, le représentant de la Fédération de Russie, dans sa déclaration finale, a insisté à plusieurs reprises sur le fait que son pays n’était pas le seul à critiquer le texte.  « Personne n’est satisfait de la teneur du document », a-t-il affirmé, le jugeant « faible sur le fond ».  Il n’aurait pas été réaliste de s’attendre à un document ambitieux et tournée vers l’avenir, a poursuivi le représentant, mais le texte « aurait pu, a minima, refléter la réaction des États parties face aux facteurs et événements survenus lors du cycle d’examen et qui ont eu une incidence importante sur les trois piliers du TNP.  Or, a ajouté le représentant, « ces sept dernières années, il y a eu beaucoup d’événements de ce type, qui auront de incidences lors du prochain cycle d’examen ».  Il a notamment cité « la coopération plus étroite sur les plans militaire et technique entre des pays non dotés et leurs partenaires stratégiques dotés de l’arme nucléaire », le fait que « des pays non dotés participent à des missions nucléaires conjointes », ainsi que « le fait que les membres de l’OTAN soient d’accord pour utiliser l’arme nucléaire » et que des armes nucléaires soient aujourd’hui déployées dans des pays non dotés de l’Alliance.  

Pour la Fédération de Russie, le rapport ne pouvait être adopté en raison de « divergences irréconciliables » entre les positions des différents États.  Le consensus n’est pas une fin en soi, a affirmé le représentant, pour qui un « document qui ne satisfait aucun des États parties » était « susceptible d’avoir des effets encore plus négatifs » que l’absence de tout document.  Le représentant a dénoncé par ailleurs une « prise en otage » de la Conférence « par l’Ukraine et ses parrains », qu’il a accusés d’avoir multiplié tout au long de la Conférence les « déclarations anti-russes, politisées, engagées, injustifiées et mensongères sur la situation en Ukraine » et qu’il a rendus « entièrement responsables de l’absence de résultats positifs ». 

De fait, parmi la trentaine de délégations qui ont pris la parole pour des déclarations de clôture, certaines s’en sont vivement pris à la Fédération de Russie pour son invasion de l’Ukraine.  Dans une déclaration conjointe lue par le représentant de la France, une quarantaine de pays, dont ceux de l’Union européenne, le Royaume-Uni, la Norvège, les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, la République de Corée, l’Ukraine et la Türkiye, ont de nouveau condamné « la guerre d’agression injustifiable et ne faisant suite à aucune provocation ». 

Ces pays, qui rappellent « leur attachement au TNP », déplorent « la rhétorique nucléaire dangereuse de la Fédération de Russie, ses actions ainsi que ses déclarations provocatrices sur le relèvement de ses niveaux d’alerte nucléaire », jugées « incompatibles » avec la Déclaration conjointe des chefs d’État et de gouvernement des cinq États dotés au sens du TNP publiée début janvier.  Ils condamnent les actions de la Russie « menées au mépris total de ses obligations et de ses engagements internationaux et en violation des garanties de sécurité qu’elle a accordées à l’Ukraine au titre du Mémorandum de Budapest de 1994, dans le contexte de l’adhésion de l’Ukraine au TNP en tant qu’État non doté ».  Ils se disent en outre vivement préoccupés par la menace grave qui pèse sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires ukrainiennes « du fait de leur saisie ou d’autres actions menées par les forces armées russes, qui augmentent de manière significative le risque d’accident ou d’incident nucléaire » et « exigent de la Russie qu’elle retire immédiatement ses forces armées de l’Ukraine et rende le contrôle total de la centrale nucléaire de Zaporijia et de toutes les installations nucléaires situées à l’intérieur des frontières internationalement reconnues de l’Ukraine aux autorité ukrainiennes.

Individuellement, plusieurs de ces même pays ont insisté sur le fait qu’« un seul État, la Russie », s’est opposé au consensus.  La représentante de l’Ukraine y a vu la démonstration de « l’isolement » de la Fédération de Russie, ajoutant: « Nous ne sommes pas seuls dans notre combat pour la survie. » 

La Fédération de Russie avait insisté sur le désaccord d’autres pays à l’encontre du projet de document final.  Dans leurs déclarations finales, plusieurs pays ou groupes se sont effectivement montrés critiques. 

Le représentant de Cuba a ainsi déploré un manque de volonté politique pour progresser dans différents domaines, notamment celui du désarmement nucléaire, comme le demandaient l’ensemble des États membres du Mouvement des pays non alignés qui sont parties au TNP.  Dénonçant la faiblesse de contenu du projet de document final relative à ce pilier du Traité, il a estimé que son adoption n’aurait pas permis de réduire la menace des armes nucléaires.  

La même critique a été formulée par le représentant du Saint-Siège, qui a appelé à « ne pas surestimer ce qu’aurait donné un consensus » sur le projet de document final.  À ses yeux, celui -ci comportait de « graves faiblesses », ne contenait pas d’engagements significatifs en faveur du désarmement nucléaire, « rien d’ambitieux ou de nouveau pour réduire la dépendance à la dissuasion nucléaire », ni rien d’ambitieux non plus pour traiter les conséquences humanitaires et environnementales d’une détonation nucléaire.

Au nom des sept États membres de la Coalition pour un nouvel ordre du jour (NAC), le représentant de l’Égypte a expliqué que le groupe se serait joint au consensus « quoiqu’avec réticence », en reprochant, comme d’autres, au projet de document final de ne pas rétablir l’équilibre prévu à l’article VI du Traité, qualifié de « grand compromis entre désarmement nucléaire et obligations de non-prolifération ».  Le NAC rappelle que l’article VI du TNP prévoit une obligation positive de poursuivre, quelles que soient les circonstances, les négociations de désarmement nucléaire, ce dernier étant « une obligation juridique en plus d’un impératif moral ».  

De manière générale, et tout en prenant en compte un « environnement sécuritaire marqué par une méfiance très profonde entre puissances nucléaires », les États non dotés ont été nombreux à reprocher aux États dotés un manque de volonté pour progresser vers le désarmement, y compris pour offrir aux États non dotés des garanties de non-utilisation, que les seconds voudraient voir inscrites dans un traité juridiquement contraignant.  « Nous allons continuer à vivre dans la peur de l’utilisation des armes nucléaires », a ainsi dénoncé le représentant de la Sierra Leone, qui a constaté que ces armes restaient partie de la politique et stratégie de défense des État nucléaires.  « Mais pourquoi en ont-ils besoin?  Pourquoi? » s’est interrogée la représentante de l’Afrique du Sud, reprenant une formule de Nelson Mandela.

De nombreux intervenants se sont aussi interrogés sur les conséquences de ce nouvel échec des États parties au TNP à adopter un document final substantiel, sept ans après la première déconvenue de 2015.  Peu de délégations ont toutefois utilisé le terme d’« échec » et celles qui l’ont fait –Fédération de Russie, Suisse, Afrique du Sud– l’ont fait pour rejeter le mot ou en amoindrir la portée. 

Ainsi, le représentant russe a dit ne pas partager l’avis de ceux pour qui l’absence de document final représenterait un échec de l’ensemble du cycle d’examen, avec potentiellement des effets sur la viabilité du Traité.  Le rapport n’a pas été adopté mais tout le monde a discuté, a-t-il fait valoir, rappelant que les délégations avaient « discuté en profondeur de toute une gamme de questions » sur lesquelles des compromis sont aujourd’hui nécessaires, comme la création de la zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient ou le renforcement de la coopération nucléaire pacifique.  Cet ensemble de discussion forme, pour la Russie, un « travail extrêmement précieux qui constitue une base solide pour continuer de travailler après la Conférence ». 

L’opposition de la seule Russie, « qui tente de blâmer tout le monde sauf elle-même » pour l’absence de document final, ne réduit pas à rien les quatre semaines écoulées, a commenté le représentant du Royaume-Uni, pour qui il « reste plus d’unité que de division » même si « beaucoup de désaccords existants ont été exacerbés par la guerre illégale de la Russie ».  Document final ou pas, le TNP restera la « pierre angulaire » du système international de désarmement et de non-prolifération nucléaires, a-t-il ajouté.  

Les États-Unis, qui « entendent appliquer pleinement leurs obligations au titre de l’article VI », ont fait le même constat: « Nous avons plus de points d’accord que de zones de désaccord ».  Ils ont incité à travailler dans d’autres domaines, comme la condamnation des essais nucléaires de la RPDC, la garantie d’accès aux installations nucléaires civiles et le soutien au travail de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).  « Nous avons tous besoins du TNP », a conclu le représentant américain. 

L’Union européenne s’est elle aussi voulu rassurante, rappelant que les mesures contraignantes contenues dans le TNP ou adoptées lors des conférences d’examen successives restent valables, « y compris le système de garanties généralisées de l’AIEA, qui continuera d’être un élément fondamental du régime de non-prolifération ».  L’Union européenne s’est engagée à « ne pas lésiner sur les moyens pour continuer de promouvoir l’application du TNP et d’œuvrer à son universalisation ». 

Le représentant du Saint-Siège a rappelé que, sans document nouveau, le régime international de désarmement nucléaire et de non-prolifération n’était « pourtant pas sans direction », citant la déclaration du P5 de janvier par laquelle les dirigeants des cinq États dotés répétaient qu’une guerre nucléaire « ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée ».  Il a toutefois jugé qu’il « était temps de prendre des mesures en ce sens ».  À l’origine de plusieurs initiatives de désarmement nucléaire, la Suède a jugé « plus important que jamais » de protéger l’intégrité du traité dans un environnement jugé « difficile ».

Quant à la Chine, qui a « profondément regretté » l’absence d’accord, elle a estimé que la Conférence d’examen avait permis de « mieux comprendre les changements survenus dans la situation internationale depuis sept ans » et y a vu un « exercice très utile du multilatéralisme ».  Constatant le début d’un nouveau cycle, le représentant a appelé à travailler pour défendre le régime de non-prolifération avec le TNP comme pierre angulaire.

Le Président de la Conférence d’examen a résumé ces propos dans sa déclaration finale.  Parlant de « l’impact très négatif du contexte international », M. Zlauvinel a néanmoins mis en avant la « volonté politique de négocier dans un esprit de bonne foi ».  S’il a dit son « profond regret de ne pas être parvenu à un consensus », il a estimé que, « malgré les grandes différences de position qui étaient évidentes », les délégations avaient, durant quatre semaines, « réitéré l’importance du TNP et la nécessité de conserver sa crédibilité ».  Mais, a-t-il toutefois averti, pour conserver cette crédibilité, les États parties doivent respecter les obligations du Traité et les engagements pris lors des conférences d’examen antérieures.

Les États parties au TNP se sont entendus pour que la prochaine conférence d’examen se tienne en 2026, après trois sessions du Comité préparatoire, respectivement en 2023 à Vienne, en 2024 à Genève et en 2025 à New York.  Les conférences d’examen se tiennent en principe tous les cinq ans.  En raison de la pandémie de COVID-19, la dixième Conférence, initialement prévue au printemps 2020, avait dû être reportée à plusieurs reprises.  La tenue dans quatre ans de la onzième Conférence d’examen permettra de compenser en partie le retard de calendrier accusé lors de la dixième Conférence.  Comme l’a fait remarquer le Président de la Conférence, Il n’y aura donc pas de césure entre la fin de cycle actuel et le début du prochain. 

Les États parties sont également convenus de mettre en place un groupe de travail sur le renforcement du processus d’examen, ouvert à tous les États parties, qui sera chargé « d’examiner et de faire des recommandations au Comité préparatoire de la onzième Conférence d’examen sur les mesures qui amélioreraient l’efficacité, l’efficience, la transparence, la responsabilité, la coordination et la continuité du processus d’examen du Traité »

* NPT/CONF.2020/CRP.1/Revision.2, en anglais seulement

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Moyen-Orient: le Commissaire général de l’UNRWA prévient le Conseil de sécurité de l’affaiblissement de cette agence sous-financée

9116e séance – matin    
CS/15006

Moyen-Orient: le Commissaire général de l’UNRWA prévient le Conseil de sécurité de l’affaiblissement de cette agence sous-financée

Depuis mai 2021, la situation des réfugiés palestiniens s’est détériorée, a affirmé le Commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), ce matin, au Conseil de sécurité.  Lors de la séance mensuelle sur le Moyen-Orient, M. Philippe Lazzarini a en même temps prévenu de l’affaiblissement de l’agence et du risque de voir son démantèlement complet si son financement continue à se réduire.  Il a même parlé de « menace existentielle ».  Le Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient a lui aussi tiré la sonnette d’alarme: si le financement nécessaire au Programme alimentaire mondial (PAM) n’est pas reçu, le soutien aux familles palestiniennes cessera en octobre.

Plus de 80% des réfugiés palestiniens au Liban, en Syrie et à Gaza vivent sous le seuil de pauvreté, a expliqué au préalable M. Lazzarini en précisant que près de la moitié des élèves de l’UNRWA souffrent de traumatismes et ont besoin d’une assistance spéciale pour faire face aux cycles répétés de violence et aux difficultés économiques.  En Cisjordanie, les conditions politiques, économiques et sécuritaires se détériorent à mesure que les réfugiés palestiniens subissent des dépossessions, des violences et une insécurité croissante.  Au Liban, la pression exercée sur l’UNRWA devient insupportable, a-t-il poursuivi, ce qui oblige même parfois le personnel de l’Office à fermer ses locaux. 

Dans ce contexte, le Commissaire général a réaffirmé que l’UNRWA reste la bouée de sauvetage pour ces communautés défavorisées et désespérées de la région.  Aller à l’école, se faire soigner ou recevoir un colis alimentaire sont leurs seules sources de normalité.  M. Lazzarini a retracé ce qu’apporte l’UNRWA depuis plus de 70 ans, avec l’appui des États Membres, une agence qui contribue ainsi à « l’une des histoires de développement humain les plus réussies de la région ».  « Nous avons tous de quoi être fiers », a-t-il lancé.  Il a aussi rappelé que, pendant les conflits armés, l’UNRWA a fourni abris et protection, en aidant à reconstruire des quartiers détruits.  L’UNRWA a fait des investissements sans précédent pour promouvoir les valeurs et normes de l’ONU et de l’UNESCO dans ses programmes et à travers l’attitude de son personnel, a encore plaidé le Commissaire général. 

Mais aujourd’hui, a relativisé M. Lazzarini, nos réalisations collectives sont menacées à cause du sous-financement chronique.  Il a dénoncé les campagnes coordonnées visant à délégitimer l’UNRWA et le soutien variable des États Membres en fonction des changements de politique interne.  En conséquence, le financement a stagné au cours de la dernière décennie obligeant l’agence à fonctionner avec un déficit budgétaire d’environ 100 millions de dollars année après année.  La réserve financière est épuisée et l’UNRWA fait face à une menace existentielle, a-t-il asséné. 

Craignant un démantèlement complet, il a été suivi par le Coordonnateur spécial Tor Wennesland qui s’est à son tour inquiété de cette situation.  De même, a dit le Coordonnateur spécial, le PAM a un besoin immédiat de 26,5 millions de dollars pour soutenir les ménages vulnérables à Gaza et en Cisjordanie.

Face à ces inquiétudes, les États-Unis, qui se sont enorgueillis d’être le principal bailleur de fonds de l’UNRWA, ont demandé à tous les États Membres de ne pas se contenter d’un soutien rhétorique à l’agence mais de s’atteler à lui fournir un financement solide et fiable.  Même son de cloche du côté de la Chine qui a exhorté les États à revoir à la hausse leur aide à l’Office tandis que l’Inde a affirmé avoir contribué à hauteur de 20 millions de dollars depuis 2018 à l’organisme.  Nous contribuons au budget de l’UNRWA depuis 2008, a renchéri le Mexique.  Le Kenya a tout simplement demandé aux bailleurs de respecter leurs promesses de financement et a appelé à identifier les domaines de coopération entre l’Office et d’autres organisations de consolidation de la paix et de développement, pour un impact durable sur le terrain.

Outre le soutien humanitaire, la séance a permis d’évoquer le maintien du cessez-le-feu du 7 août entre Israël et le Jihad islamique palestinien.  Le Coordonnateur spécial a toutefois rappelé que l’arrangement se limite à mettre fin aux hostilités immédiates, sans résoudre les causes du conflit, à savoir la poursuite de l’occupation et de la colonisation israélienne et les défis budgétaires et politiques de l’Autorité palestinienne.  M. Wennesland a encouragé les mesures d’assouplissement prises par Israël à Gaza depuis mai 2021, qui ont amélioré la vie et les moyens de subsistance de nombreux Palestiniens.  Les parties doivent maintenant consolider le cessez-le-feu et permettre la poursuite du développement économique, a-t-il recommandé. 

La gestion du conflit ne remplace pas un véritable processus politique, a avisé le haut fonctionnaire suggérant de tourner l’attention vers une stratégie plus large visant à mettre fin à l’occupation et à parvenir à la solution des deux États.  Une telle stratégie devra inclure le renforcement de l’Autorité palestinienne et sa capacité à s’engager avec Israël sur les fronts politique, économique et sécuritaire, ainsi qu’à œuvrer au retour du Gouvernement palestinien légitime à Gaza.  À ce sujet, la Norvège a annoncé la tenue d’une réunion ministérielle du Comité spécial de liaison pour la coordination de l’assistance internationale aux Palestiniens, en marge de l’Assemblée générale le 22 septembre, pour débattre du renforcement institutionnel et financier de l’Autorité palestinienne.

Seule la solution des deux États permettra de parvenir à une paix juste et durable, a plaidé la France, et d’autres membres du Conseil qui ont exhorté à relancer les négociations en vue de la résolution de la crise israélo-palestinienne.  La normalisation des relations entre Israël et les pays arabes doit contribuer au processus de paix au Moyen-Orient et répondre ainsi aux besoins et aspirations légitimes des peuples, a aussi déclaré le Gabon. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE

Déclarations liminaires

M. TOR WENNESLAND, Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, s’est réjoui du maintien du cessez-le-feu à Gaza.  Toutefois, le cessez-le-feu se limite à mettre fin aux hostilités immédiates sans résoudre les causes du conflit, a-t-il tempéré.  Il a noté que la colonisation israélienne se poursuit, de même que les démolitions et expulsions.  Les défis budgétaires et politiques menacent l’efficacité de l’Autorité palestinienne dans la fourniture de services publics essentiels, a-t-il ajouté en constatant que la Cisjordanie et Gaza restent politiquement divisées.  Il a encore parlé du défi que posent les restrictions économiques et de mouvement à cause du blocus israélien, de la nature du régime du Hamas et de la menace toujours présente de violences.  Si ces questions fondamentales ne sont pas abordées, le cycle de crise aiguë suivi de solutions à court terme persistera, a-t-il prévenu.  Le Coordonnateur spécial a donc recommandé des efforts concertés pour rétablir un horizon politique et reprendre des négociations.

Dans l’ensemble, les Forces de défense israéliennes ont mené 147 frappes aériennes contre des cibles militantes à Gaza, a-t-il recensé, avant de citer également les 1 100 roquettes tirées sur Israël par les militants palestiniens depuis des zones densément peuplées de la bande de Gaza.  Il en a fait le bilan en termes de victimes: chez les Palestiniens, 49 tués, dont 26 civils, 4 femmes et 17 enfants, et 360 blessés lors de l’escalade; chez les Israéliens, 70 blessés, dont 9 enfants.  En ce qui concerne les dégâts matériels, il a compté à Gaza 10 maisons complètement détruites et 48 gravement endommagées.  À ce bilan s’ajoute une attaque le 5 août, dans laquelle les Forces de défense israéliennes ont tué un haut dirigeant du Jihad islamique palestinien, ainsi qu’une fillette de 5 ans, une femme et deux hommes.

Préoccupé par les morts et les blessés civils causés par les frappes aériennes israéliennes dans les zones densément peuplées, M. Wennesland a demandé à Israël de respecter ses obligations découlant du droit international humanitaire (DIH), y compris l’obligation d’utilisation proportionnelle de la force et de précautions pour épargner les civils et les biens à caractère civil.  Il a aussi condamné les tirs de roquettes par des groupes armés palestiniens depuis des quartiers très peuplés de Gaza, qui visent des centres de population civile en Israël en violation du DIH.  Les enfants ne doivent jamais être la cible de violences ou mis en danger, a-t-il rappelé.  

Le Coordonnateur spécial a aussi rapporté que la violence quotidienne s’est poursuivie à des niveaux élevés dans toute la Cisjordanie occupée en en faisant là aussi le bilan: 12 Palestiniens, dont 4 enfants, ont été tués par les forces de sécurité israéliennes et 289 Palestiniens blessés.  Des colons israéliens ou d’autres civils ont perpétré 39 attaques contre des Palestiniens, faisant 8 blessés.  Au total, 28 civils israéliens ont été blessés par des Palestiniens lors d’affrontements, de tirs, de coups de couteau et d’attaques à la voiture bélier, de jets de pierres et de cocktails Molotov, et d’autres incidents.  En tout, les Palestiniens ont perpétré 75 attaques contre des civils israéliens.  La violence des colons a également causé la mort d’un adolescent palestinien de 15 ans lors d’un affrontement près de Ramallah.  Dans trois incidents distincts, des civils israéliens ont attaqué des agriculteurs palestiniens alors qu’ils travaillaient sur leurs terres, blessant cinq d’entre eux.  Les auteurs de tous les actes de violence doivent être tenus pour responsables et traduits en justice, a martelé le Coordonnateur spécial.

S’agissant des plans de colonisation, il a indiqué que le 27 juillet, la Cour suprême d’Israël est revenue sur sa décision qui avait ordonné l’évacuation des colons de l’avant-poste illégal de Mitzpeh Kramim, près de Ramallah.  M. Wennesland a réaffirmé à cette occasion que toutes les colonies sont illégales au regard du droit international et qu’elles demeurent un obstacle important à la paix.  Il a ensuite dit être préoccupé par l’annonce récente du Ministère israélien de l’éducation de mettre fin à l’octroi de licences permanentes à six écoles palestiniennes de Jérusalem-Est occupée, ce qui risque de priver d’écoles 2 000 étudiants.  En ce qui concerne la société civile, il a indiqué que le 17 août, le Ministre israélien de la défense a annoncé la désignation de trois ONG comme organisations terroristes.  En outre, le 18 août, les forces de sécurité israéliennes ont ordonné la fermeture des bureaux de sept organisations, dont les six ONG désignées comme organisations terroristes.  M. Wennesland a fait part de l’inquiétude du Secrétaire général quant au rétrécissement de l’espace de la société civile en Israël et dans les territoires occupés.  

Revenant au cas de Gaza, le Coordonnateur spécial a dit que certaines mesures positives ont été prises au cours de la période considérée, dont la délivrance de plus de 14 000 permis pour besoins économiques et plus de 11 000 permis aux travailleurs de Gaza pour entrer en Israël ainsi que 3 000 permis pour les commerçants et les hommes d’affaires.  Il s’est dit ravi qu’Israël ait étendu les droits sociaux aux travailleurs de la bande de Gaza.  Des progrès ont aussi été accomplis pour rétablir l’assouplissement progressif des restrictions d’accès de l’année écoulée, a-t-il rapporté, non sans regretter les retards dans l’importation de biens et d’équipements essentiels.  

À Gaza, 15 millions de dollars supplémentaires sont nécessaires pour fournir un soutien psychosocial, un abri, des moyens de subsistance, une aide en espèces, des médicaments essentiels et des fournitures médicales, a-t-il annoncé.  Il a expliqué que la réponse humanitaire dans l’ensemble du Territoire palestinien occupé se heurte à des déficits de financement chroniques avec à la mi-2022, seulement 25% du Plan d’intervention humanitaire qui a été satisfait.  Le Programme alimentaire mondial (PAM) a un besoin immédiat de 26,5 millions de dollars pour soutenir les ménages vulnérables à Gaza et en Cisjordanie, a-t-il ajouté en prévenant que si le financement n’est pas reçu, le soutien à ces familles cessera en octobre.  

En ce qui concerne le Golan, a poursuivi M. Wennesland, le cessez-le-feu entre Israël et la Syrie a été généralement maintenu malgré plusieurs violations de l’Accord de 1974 sur le désengagement des forces.  Au Liban, l’absence de progrès dans les réformes, l’impasse dans laquelle se trouve la formation du gouvernement et la pression croissante sur les institutions, y compris les forces armées et de sécurité libanaises, continuent de peser lourdement sur l’autorité de l’État, a-t-il dit.  Il a noté que les tensions augmentent au Sud-Liban, dans la zone d’opérations de la Force intérimaire des Nations Unies (FINUL).  « Le nombre croissant d’incidents affectant la liberté de circulation de la FINUL est inacceptable. »  De même, il a jugé très préoccupantes les violations régulières et continues de l’espace aérien libanais par Israël, rappelant qu’elles violent la résolution 1701 (2006).  

M. Wennesland a déclaré être encouragé par les mesures prises par Israël pour assouplir les conditions à Gaza depuis l’escalade de mai 2021 qui ont amélioré la vie et les moyens de subsistance de nombreux Palestiniens.  Il a dit continuer de collaborer avec les parties pour élargir les progrès réalisés au cours de l’année écoulée dans le but de consolider le cessez-le-feu et de permettre la poursuite du développement économique.  Mais la gestion du conflit ne remplace pas un véritable processus politique, a-t-il fait remarquer, suggérant de tourner l’attention vers une stratégie plus large visant à mettre fin à l’occupation et à parvenir à la solution des deux États.  Une telle stratégie devra inclure le renforcement de l’Autorité palestinienne et notamment de sa capacité à s’engager avec Israël sur les fronts politique, économique et sécuritaire, ainsi qu’à œuvrer au retour du Gouvernement palestinien légitime à Gaza.  En conclusion, il a exhorté les dirigeants israéliens et palestiniens, les pays de la région et la communauté internationale à prendre des mesures fermes pour permettre la reprise de négociations significatives.  

Depuis sa dernière intervention au Conseil en mai 2021, la situation des réfugiés palestiniens s’est encore détériorée, a affirmé M. PHILIPPE LAZZARINI, Commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Plus de 80% des réfugiés palestiniens au Liban, en Syrie et à Gaza vivent sous le seuil de pauvreté.  À Gaza, l’escalade de la violence au début du mois a été un rappel brutal que la guerre et la violence peuvent éclater à tout moment en l’absence d’un effort véritable et global pour résoudre le conflit israélo-palestinien.  Soixante familles de réfugiés palestiniens ont perdu leur maison, 17 enfants ont été tués et près de la moitié des élèves de l’UNRWA souffrent de traumatismes et ont besoin d’une assistance spéciale pour faire face aux cycles répétés de violence et aux difficultés économiques dans lesquelles vivent leurs familles, a dit M. Lazzarini.  Il a précisé qu’en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, les conditions politiques, économiques et sécuritaires se détériorent à mesure que les réfugiés palestiniens connaissent des niveaux élevés de dépossession, de violence et d’insécurité.  Passant à la Syrie, il a noté qu’après 11 ans de conflit, les familles les plus démunies retournent vivre dans les décombres de leurs maisons détruites car elles ne peuvent plus payer de loyer.  Au Liban, la pression exercée sur l’Office pour qu’il aide davantage à faire face à l’impact de la crise économique et financière sur la communauté des réfugiés palestiniens devient insupportable, a-t-il poursuivi en signalant que les protestations et les actes de violence dirigés contre l’UNRWA obligent parfois même le personnel de l’Office à fermer les locaux.  Quant à la Jordanie, il a expliqué que la pandémie a laissé de profondes cicatrices sur le marché du travail: le chômage monte en flèche, en particulier pour les femmes et les jeunes, et le travail des enfants et les mariages précoces sont en augmentation. 

Après avoir brossé ce tableau, M. Lazzarini a fait valoir que malgré ces environnements opérationnels difficiles, l’UNRWA reste la bouée de sauvetage pour l’une des communautés les plus défavorisées et les plus désespérées de la région.  Aller à l’école, accéder à des services de santé ou recevoir un colis alimentaire sont, pour de nombreux réfugiés palestiniens, les seules sources de normalité, et ils se tournent vers l’UNRWA pour obtenir cette normalité, a-t-il expliqué.  Il a rappelé que, depuis plus de 70 ans, l’UNRWA est une source d’opportunités et d’espoir pour des générations de réfugiés palestiniens.  « Avec l’appui des États Membres, l’Office a contribué à l’une des histoires de développement humain les plus réussies de la région. »  De l’éducation de plus de deux millions de filles et de garçons réfugiés palestiniens à la vaccination infantile universelle et à la réduction de la mortalité maternelle qui dépasse les normes mondiales, nous avons tous de quoi être fiers, s’est-il enorgueilli.  Pendant les conflits armés, ce soutien a permis à l’UNRWA de fournir des abris et une protection et aidé à reconstruire des quartiers et des communautés détruits, tandis que la qualité de l’éducation que reçoivent les élèves de l’UNRWA est saluée par des validateurs réputés tels que le British Council, le HCR et la Banque mondiale.  Conscient de l’importance du numérique, l’Office s’est engagé à donner cette capacité aux réfugiés palestiniens, a indiqué le Commissaire général en parlant de son centre de technologie de l’information à Gaza qui dessert l’ensemble du système des Nations Unies et fournit des emplois à plus de 120 jeunes dans les 700 écoles de l’Office dans la région.  Il a tenu à préciser que, compte tenu de l’environnement politiquement chargé dans lequel il opère, l’UNRWA a fait des investissements sans précédent pour promouvoir les valeurs et normes de l’ONU et de l’UNESCO dans ses programmes et à travers l’attitude de son personnel.

Mais aujourd’hui, nos réalisations collectives sont menacées, a affirmé sans ambages M. Lazzarini en soulignant le sous-financement chronique du budget-programme de l’Office.  Il a relevé que le conflit israélo-palestinien n’est plus une priorité, à cause de l’évolution des priorités géopolitiques et de la dynamique régionale ainsi que l’émergence de nouvelles crises humanitaires.  Dans le même temps, a-t-il fait remarquer, il y a de plus en plus de campagnes coordonnées visant à délégitimer l’UNRWA en vue d’éroder les droits des réfugiés palestiniens.  L’Office a également constaté plus d’une fois comment un changement de politique interne peut mettre en cause le soutien d’un État Membre à l’UNRWA, du jour au lendemain.  Par conséquent, et malgré d’immenses efforts de sensibilisation, le financement de l’Office a stagné au cours de la dernière décennie, l’obligeant à fonctionner avec un déficit budgétaire d’environ 100 millions de dollars année après année, a expliqué son chef.  Il a indiqué que, jusqu’à l’année dernière, ce déficit était géré par le contrôle des coûts, l’austérité et le report d’un passif important d’une année sur l’autre.  Mais aujourd’hui, nous n’avons plus aucune réserve financière, a concédé M. Lazzarini affirmant avoir atteint la limite des mesures d’austérité et de contrôle des coûts.  « Aujourd’hui, l’UNRWA fait face à une menace existentielle. »

Concrètement, c’est l’éducation de qualité qui est en jeu, pour plus d’un demi-million de filles et de garçons, ainsi que l’accès aux soins de santé pour environ deux millions de réfugiés palestiniens et à un filet de sécurité sociale pour environ 400 000 des plus pauvres parmi eux.  C’est aussi le soutien psychosocial qui pourrait manquer à des centaines de milliers d’enfants, des opportunités d’emploi aux jeunes à Gaza et ailleurs, une aide alimentaire et en espèces d’urgence à plus de deux millions de réfugiés palestiniens dans la région.  C’est tout simplement un sentiment de normalité et d’espoir qui risque de manquer, puisque c’est ce qu’offrent les services de l’Office aux réfugiés palestiniens.  Il a également mis en avant le rôle de l’UNRWA dans la stabilité régionale qui découle précisément de la prévisibilité de ses services de haute qualité, en expliquant que pour les réfugiés palestiniens, l’UNRWA reste le dernier pilier de l’engagement de la communauté internationale envers leur droit à une vie digne et à une solution juste et durable.  « Quand ils nous voient retarder le paiement des salaires, diminuer la qualité des services et nous retrouver incapables de répondre à des besoins croissants, ils comprennent que le soutien de la communauté internationale s’estompe et le sentiment d’abandon et de désespoir grandit dans les camps de réfugiés. »  Le Commissaire général y a vu une menace pour la paix et la stabilité, craignant aussi l’affaiblissement de l’UNRWA et, avec le temps, son démantèlement complet.

Soulignant que la capacité de l’Office à remplir le mandat que lui a conféré l’Assemblée générale repose sur les États Membres des Nations Unies et sur leur volonté politique de financer intégralement son budget ordinaire, le Commissaire général a exhorté ceux qui ont réduit leur financement à reconsidérer l’impact de leur décision sur la stabilité de la région.  Il a appelé les États Membres qui ont changé leur politique étrangère dans la région à continuer de faire partie des réussites de l’éducation de l’UNRWA.  Rappelant que dans quelques semaines, la prolongation du mandat de l’UNRWA sera soumise à l’approbation de l’Assemblée générale, le Commissaire général a insisté pour que tous les États Membres se mobilisent politiquement et financièrement pour soutenir l’Office et continuent d’œuvrer à une solution politique qui profitera à la région et à ses peuples.

M. DANIEL LEVY, Président de « the U.S./Middle East Project (USMEP) », a constaté que mois après mois, le Conseil de sécurité se réunit pour réitérer ses habituelles condamnations, formules et slogans, alors que le déni permanent des droits les plus élémentaires et libertés du peuple palestinien ne permettra pas de parvenir à la sécurité.  De même, le blocus illégal de Gaza et l’occupation illégale des territoires palestiniens représentent des formes de violence structurelle et de punition collective que nous ne pouvons ignorer, a-t-il dit, soulignant l’urgence de respecter le droit international.  L’intervenant a relevé le besoin de renouveau politique palestinien, de réconciliation et de dépassement des divisions internes ainsi que d’un engagement international auprès de tous les acteurs concernés sans appliquer de conditions préalables irréalistes et sélectives.  Pour M. Levy, toute tentative de reprendre des négociations entre les parties sans aborder les asymétries de pouvoir est un exercice creux et redondant, et « le déséquilibre structurel de pouvoir entre un État occupant et un État occupé doit être reconnu ».  Il a appelé à fournir à l’UNRWA des ressources prévisibles, arguant que cela est non seulement une nécessité sécuritaire mais aussi un engagement politique.

En outre, il a dénoncé à la fois le déficit de légitimité dans la politique palestinienne et le déficit de responsabilité dans la politique d’Israël.  Ce sont les actions d’Israël en tant que Puissance occupante qui déterminent de manière prédominante la direction que prend ce conflit, a-t-il soutenu.  L’orateur a ensuite fustigé l’agression visant celles et ceux qui documentent les abus et défendent les droits humains, ainsi que les prestataires de services au niveau communautaire, de même que les actions d’Israël à l’encontre de six éminentes organisations palestiniennes désignées comme organisations terroristes.  M. Levy s’est inquiété que les Israéliens en viennent à considérer, grâce à la normalisation des relations avec les pays arabes entraînée par les Accords d’Abraham, que les Palestiniens puissent être ignorés et marginalisés.  Il a fustigé la sélectivité à l’œuvre dans le respect du droit international, pourtant censé être universel, selon qui sont les alliés et les agresseurs.  Enfin, M. Levy a souligné l’urgence de trouver une façon juste pour les deux peuples de coexister.  Il y a 75 ans, l’ONU proposait la partition comme paradigme politique de la Terre sainte, a-t-il rappelé.  Aujourd’hui, elle est de facto sous une domination unique.  Et en l’absence d’action d’ampleur sans précédent pour que la partition fonctionne, alors « vos successeurs dans cette Assemblée viendront débattre du défi de réaliser l’égalité dans une réalité de non-partition », a-t-il lancé en conclusion.

Déclarations

M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) s’est félicité à son tour du maintien du cessez-le-feu du 7 août à Gaza et de la reprise des fournitures de carburant dans la bande pour permettre aux hôpitaux et aux services publics de continuer à fonctionner.  Il a également adressé ses remerciements à l’Égypte, à la Jordanie, au Qatar et à l’ONU pour leur coopération étroite avec les parties en vue d’éviter une escalade.  Il a cependant déploré les morts et demandé une enquête approfondie sur les signalements de victimes palestiniennes.  Le représentant a d’autre part exigé que les organisations terroristes palestiniennes cessent leurs attaques contre Israël, lesquelles frappent aveuglément la population civile.  À cet égard, il a assuré que les États-Unis accordent une grande importance au rôle joué par les organisations indépendantes pour suivre les violations des droits humains.  Il s’est dit convaincu que ces organisations doivent poursuivre ce travail essentiel.  

Le délégué s’est ensuite déclaré préoccupé par l’escalade des tensions, y compris en Cisjordanie, et a exhorté Palestiniens et Israéliens à s’abstenir d’actions unilatérales susceptibles d’aboutir à la reprise de la violence.  Il a rappelé que, lors de sa visite en Israël et en Cisjordanie, le mois dernier, le Président Joe Biden a estimé que le peuple palestinien « mérite son propre État indépendant, souverain, viable et d’un seul tenant ».  Le Président américain, a-t-il ajouté, s’est prononcé pour « deux États pour deux peuples », dont les deux ont d’anciennes racines sur ces terres et qui vivraient côte à côte dans la liberté.  M. Biden a également jugé qu’il « n’y a pas de raccourci pour parvenir à cet État », toutes les parties prenantes devant aider à parvenir aux conditions nécessaires à un horizon politique permettant des négociations directes entre les deux parties.  

Sur le plan humanitaire, le représentant a réaffirmé l’engagement de son pays à être un important partenaire de l’UNRWA.  Les États-Unis sont fiers d’être le principal bailleur de fonds de l’agence, a-t-il dit, regrettant à cet égard que de nombreux pays apportent un « soutien rhétorique » à l’agence mais pas financier « à la hauteur de leur parole ».  Il a donc appelé les États à fournir un financement solide et fiable à l’UNRWA pour permettre sa viabilité à long terme.  Plus largement, il a exhorté toutes les parties prenantes, au Conseil et de par le monde, à appuyer les efforts qui aident à répondre aux besoins économiques, politiques et humanitaires des Palestiniens comme des Israéliens.  

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie), qui a salué le maintien du cessez-le-feu, a appelé les parties à faire preuve de retenue, à éviter les mesures unilatérales et les provocations, à respecter le droit international humanitaire et à empêcher une nouvelle escalade des hostilités.  Il a dit craindre la reprise à grande échelle des affrontements militaires et la détérioration de la situation dans la bande de Gaza, redoutant aussi qu’une provocation conduise à une nouvelle confrontation régionale à grande échelle.  Le représentant a aussi dénoncé les mesures unilatérales d’Israël, notamment la poursuite de la colonisation dans les territoires occupés, l’expulsion des Palestiniens, la destruction de leurs maisons, l’expropriation de leurs biens et les arrestations arbitraires.  Il a protesté contre la « carte blanche » donnée à l’armée israélienne pour recourir à la force et contre les violations systématiques du statu quo des Lieux saints.  

Le représentant a également dénoncé les pays occidentaux qui détournent les yeux des violations systématiques des droits des Palestiniens.  Selon lui, ce sont les actions des États-Unis qui font obstacle à la réalisation d’une paix juste pour les Palestiniens.  À son avis, ce pays veut monopoliser le processus de paix et le reformater selon ses intérêts y compris par ses tentatives d’imposer la « paix économique » aux Palestiniens en échange de la satisfaction de leurs aspirations légitimes à établir leur propre État indépendant.  Il a noté à ce propos que les États-Unis ont bloqué les activités du Quatuor pour le Moyen-Orient dont la dernière réunion tenue au niveau ministériel date de 2016.  Pour sa part, la Fédération de Russie, a dit le représentant, promeut une solution juste au problème palestinien sur la base d’une formule à deux États, en prenant des mesures pour appuyer les efforts visant à instaurer la paix au Moyen-Orient.

M. JOÃO GENESIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a constaté que le cessez-le-feu annoncé le 7 août reste encore fragile et que sans mesures concrètes pour atténuer les tensions dans les territoires palestiniens et en Israël, le risque de reprise de la violence est réel.  La cessation des actes de violence et de terreur, la désescalade et le rétablissement de la confiance sont tous nécessaires et urgents, a-t-il souligné, mais ce ne sont pas des fins en soi.  À moins de progresser vers une solution politique juste et durable au conflit palestino-israélien, le danger posé par de nouveaux cycles de violence persistera.  Le respect du droit international et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité doit être la base de toute paix durable, a exigé le représentant, en faisant part de la détermination du Brésil à contribuer à trouver des solutions concrètes et des voies à suivre.  Il a également réitéré le soutien de son pays à la solution des deux États. 

Alors que le conflit se prolonge, la population civile paie un lourd tribut non seulement en termes de vies perdues et de blessés, mais aussi en termes d’attentes frustrées et de rêves écourtés, a fait valoir le délégué.  La croissance économique et le développement sont nécessaires pour donner de l’espoir au peuple palestinien et contribuer à réduire l’attractivité des idéologies violentes, a-t-il relevé, en estimant que le soutien financier à l’Autorité palestinienne fait partie intégrante des efforts de paix et de sécurité.  En outre, l’économie palestinienne dans son ensemble a besoin d’un soutien pour ses secteurs industriel et agricole.  Dans ce contexte, le représentant a salué le travail de l’UNRWA et de son Commissaire général, M. Lazzarini, qui s’efforcent de remplir leur mission malgré un sous-financement persistant.  Même si le budget de notre gouvernement est lui-même confronté à des contraintes, le Brésil a annoncé en juin une contribution financière supplémentaire à l’Office, a rappelé le représentant, avant d’ajouter que son pays soutiendra le renouvellement du mandat de l’UNRWA lors de la prochaine Assemblée générale.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a relevé que respecter le cessez-le-feu entre Israël et les militants palestiniens est essentiel pour éviter une nouvelle explosion de violence.  Cela permettrait également de sauvegarder les gains réalisés grâce aux efforts inlassables de nombreux acteurs au cours des deux dernières années.  La violence est une tragédie à l’intérieur d’une plus grande tragédie, qui est et reste le conflit israélo-palestinien non résolu, a-t-il dit.  Par conséquent, tous les efforts doivent être faits pour empêcher l’escalade, et chaque opportunité saisie pour rapprocher les parties.  Le délégué a défendu le droit d’Israël à se défendre et à répondre aux attaques terroristes, de manière proportionnée et dans les limites des lois nationales et du droit international.  Nous sommes également préoccupés par les pertes en vies humaines parmi les Palestiniens, surtout les enfants, a-t-il souligné.  Ces cas tragiques devraient faire l’objet d’enquêtes appropriées pour dissuader les cas à l’avenir, a—t-il plaidé.

Selon lui, il ne fait aucun doute que la paix restera un rêve insaisissable jusqu’à ce qu’Israéliens et Palestiniens jouissent de droits complets et égaux, conditions d’une vie digne.  M. Hoxha a dit partager le point de vue de l’Union européenne et d’autres membres du Conseil de sécurité qui ont exprimé leur inquiétude face à l’action israélienne à l’encontre de six ONG palestiniennes.  Le représentant a indiqué que les colonies de peuplement et leur expansion vont à l’encontre du droit international et constituent un obstacle à la solution des deux États, laquelle est la pierre angulaire du processus de paix.  La table des négociations est le seul lieu pour un dialogue viable et juste, et c’est là qu’une solution peut être trouvée, a-t-il conclu.

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a constaté que les développements à Gaza reflètent une situation sécuritaire fragile et un cycle de violence qui tend à se répéter.  Appelant la communauté internationale à agir en faveur de la cause palestinienne, elle a jugé essentiel que tout soit fait pour encourager les parties à reprendre des négociations en vue de mettre en œuvre la solution des deux États et créer un État palestinien viable, dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.  À ses yeux, la communauté internationale doit aussi assumer sa responsabilité en matière de paix et de sécurité en appuyant le processus politique.  Dans le même temps, a poursuivi la représentante, il importe de maintenir le cessez-le-feu conclu à Gaza.  Saluant le rôle de médiatrice joué par l’Égypte dans ce conflit, elle a averti que les cycles de violence ne mèneront qu’à davantage de destructions.  Plus de 80% des Gazaouis comptent sur l’appui de la communauté internationale, a-t-elle insisté, appelant à redoubler d’efforts au sein des Nations Unies et avec les partenaires pour aider à la reconstruction de Gaza.

Selon elle, la détérioration de la situation humanitaire dans tout le Territoire palestinien occupé requiert des efforts importants, en particulier dans les domaines des services et de la santé.  Soulignant à ce propos le rôle crucial que joue la société civile à Gaza, elle a souhaité que l’on « aide les ONG à aider le peuple palestinien ».  Elle a par ailleurs regretté les incidents qui sapent la solution des deux États, notamment les activités de peuplement et la violence des colons juifs à l’égard des Palestiniens.  Elle a aussi demandé le maintien du statu quo à Jérusalem et l’arrêt de toute mesure tendant à changer la nature de la ville.  Pour conclure, elle a estimé que la diplomatie et le dialogue pacifique sont les meilleurs moyens de parvenir à la désescalade car « la violence ne peut servir aucune partie ».

Pour Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France), la priorité immédiate est d’assurer le maintien du cessez-le-feu à Gaza.  L’ouverture continue des points de passage d’Eretz et de Kerem Shalom est essentielle pour répondre aux besoins les plus pressants de la population locale, a-t-elle estimé.  La consolidation de la trêve doit aussi permettre la reprise des travaux de reconstruction entravés par la dernière escalade, a poursuivi la représentante, en appelant les bailleurs à renforcer leur soutien financier à l’UNRWA.  Selon elle, de nouvelles violences seront toutefois inévitables sans changement de paradigme ni relance d’un véritable processus politique.  Mme Broadhurst Estival a ensuite demandé que cessent les activités de colonisation, ainsi que les démolitions et les évictions, appelant Israël à renoncer à ses projets dans la zone E1.

Elle a encouragé les parties à s’abstenir de tout discours de haine et incitation à la violence, soulignant au passage l’importance de respecter le statu quo s’agissant des Lieux saints.  Préoccupée par les raids israéliens qui ont récemment pris pour cible les locaux de plusieurs ONG palestiniennes, la déléguée a qualifié d’inacceptables ces actions.  La France, a-t-elle assuré, poursuivra sa coopération avec la société civile dans les territoires palestiniens, en l’absence d’éléments démontrant le soutien de ces ONG ou leur participation à une activité terroriste.  Seule la solution des deux États permettra de parvenir à une paix juste et durable, a ajouté en conclusion la représentante, en appelant le Conseil à œuvrer sans plus attendre à restaurer un horizon politique à cette fin.

M. MARTIN KIMANI (Kenya) a salué le fait que l’accord de cessez-le-feu continue de tenir en faisant remarquer que dans une situation économique déjà délicate, comme à Gaza, chaque escalade aggrave la situation humanitaire et exacerbe les tensions existantes.  À ce titre, il est essentiel que ce Conseil condamne fermement les attaques terroristes de groupes tels que le Hamas, le Jihad islamique palestinien et leurs affiliés contre des civils, a-t-il exigé.  Déplorant l’isolement économique dans lequel se trouve Gaza, le représentant a salué la récente décision du Gouvernement israélien d’augmenter le quota de permis de travail délivrés aux Palestiniens de Gaza et de rouvrir les points de passage d’Erez et de Kerem Shalom.  Il a réitéré que les efforts de paix qui intègrent de manière globale le développement socioéconomique de tous les secteurs de la société, sont et seront essentiels pour la stabilité et la paix de la région à court et à long terme.  

Notant que l’UNRWA joue un rôle clef en facilitant l’accès aux soins de santé, l’éducation, la protection sociale, la microfinance et d’autres services pour la population palestinienne au Moyen-Orient, il a regretté de voir que sa situation budgétaire reste désastreuse.  À cet égard, outre le respect des promesses de financement adéquat et prévisible pour l’URWA, le délégué a appelé à intensifier les efforts pour identifier les domaines de coopération et collaboration entre l’UNRWA et d’autres organisations de consolidation de la paix et entités de développement pour avoir un impact durable sur le terrain.  Cela ne saurait toutefois se substituer à la reprise du processus politique et au dialogue entre les deux parties pour parvenir à la stabilité et la paix à long terme de la région, a estimé M. Kimani.  Ma délégation souligne que l’objectif de longue date d’une région où deux États démocratiques, Israël et la Palestine, coexistent en paix, et à l’intérieur de frontières sûres et reconnues basées sur les lignes de 1967, exige un engagement significatif envers le processus de paix de la part de toutes les parties conformément au droit international; la Charte des Nations Unies; aux résolutions de ce Conseil, y compris la résolution 2334; et aux initiatives de paix régionales.

Mme ALLEGRA PAMELA R. BONGO (Gabon) a constaté que la situation sécuritaire sur le terrain demeure fragile, appelant toutes les parties à s’abstenir d’actions unilatérales pouvant entraîner la reprise des hostilités.  Préoccupée par les situations humanitaire et économique dans les territoires occupés, elle s’est alarmée des difficultés financières auxquelles sont confrontées l’Autorité palestinienne et l’UNRWA, rendant d’autant plus nécessaire l’action de la société civile sur le terrain.  Poursuivant, la représentante s’est félicitée de la décision des autorités militaires israéliennes d’augmenter le nombre de travailleurs palestiniens autorisés à entrer en Israël, ainsi que celle autorisant le lancement de vols vers l’étranger pour des Palestiniens de Cisjordanie.  Elle a réaffirmé son attachement à la solution des deux États, exhortant les parties au conflit à relancer les négociations en vue de la résolution de la crise israélo-palestinienne.  La récente visite du Président Mahmoud Abbas en Türkiye après le rétablissement, par ce pays, de ses relations diplomatiques avec Israël, est un signe encourageant, a estimé Mme Bongo.  La normalisation des relations entre Israël et les pays arabes doit contribuer au processus de paix au Moyen-Orient, et répondre ainsi aux besoins et aspirations légitimes des peuples, a-t-elle ajouté en conclusion.

Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) s’est félicitée que le cessez-le-feu qui a mis fin aux violences survenues à Gaza au début du mois se maintienne.  Appelant à une enquête exhaustive pour établir les responsabilités sur la mort de civils, elle a salué la réouverture des postes frontaliers et l’augmentation du nombre de permis de travail délivrés aux Palestiniens.  Elle a cependant constaté que la situation demeure critique dans la bande de Gaza, appelant à nouveau à la levée du blocus.  Sans horizon politique vers une paix durable, les cycles de violence se perpétueront, a estimé la représentante, avant de souligner l’importance du travail de l’UNRWA en termes d’aide humanitaire, de reconstruction et de fourniture de services de base pour environ six millions de Palestiniens.  Malheureusement, le déficit financier chronique de l’Office compromet sa capacité à répondre à de telles demandes, a-t-elle déploré, indiquant que son pays contribue annuellement au budget de l’UNRWA depuis 2008.

Évoquant ensuite les multiples incidents de ces derniers jours, la déléguée a condamné l’attaque de fidèles juifs dans la vieille ville de Jérusalem, tout en se disant préoccupée des affrontements qui ont résulté d’opérations des forces de l’ordre israéliennes en Cisjordanie.  Elle a noté qu’au cours des sept premiers mois de l’année, 45 décès ont été provoqués par des munitions létales et près de 4 300 Palestiniens ont été blessés, dont 503 mineurs.  Elle a aussi déploré la décision israélienne de construire 1 400 logements supplémentaires dans les colonies de Har Homa et Givat Hamatos.  Contraire au droit international et aux résolutions du Conseil, cette décision compromet la viabilité de la solution des deux États, a-t-elle souligné.  Elle a enfin pris note de la décision de certains pays européens de continuer à coopérer avec six organisations de la société civile en l’absence de preuves de liens avec le terrorisme, demandant qu’il soit mis fin au harcèlement contre ces structures.  Un État démocratique ne devrait pas se livrer à des actions de nature à restreindre les espaces civiques, a fait valoir la déléguée.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a salué le deuxième anniversaire des Accords d’Abraham ce mois-ci, se félicitant ensuite du cessez-le-feu à Gaza et appelant les parties à le maintenir.  Mais il s’est dit consterné par l’attentat terroriste perpétré à Jérusalem le 13 août.  S’il a réitéré l’engagement de sa délégation en faveur de la sécurité d’Israël, le représentant s’est déclaré préoccupé par le nombre alarmant de Palestiniens tués par les forces de sécurité israéliennes cette année, demandant une enquête approfondie et transparente sur chaque incident.  Faisant part de son inquiétude face à la décision du Gouvernement israélien l’an dernier de désigner six ONG palestiniennes comme organisations terroristes, le représentant a estimé que la société civile doit pouvoir opérer librement dans les territoires palestiniens occupés.  Il a également appelé les autorités israéliennes à mettre fin aux projets d’expulsions à Khan Al Ahmar et au plan de colonisation E1, dont l’avancement entraverait sérieusement la réalisation de la solution des deux États.

M. FELIX AKOM NYARKU (Ghana) a regretté que les parties se soient éloignées l’une de l’autre et que la situation sur le terrain continue d’entraver la concrétisation rapide de la solution des deux États.  Il a salué la reprise des relations amicales entre Israël et la Türkiye, en espérant que cela contribue à renforcer la stabilité régionale et à soutenir la reprise du dialogue requis en vue de la réalisation de la solution des deux États.  Tout en étant conscient des préoccupations sécuritaires d’Israël, le délégué s’est dit inquiet de la détérioration de la sécurité humaine, de la situation humanitaire désastreuse, de l’incidence des violations des droits humains, ainsi que des détentions sans inculpation ni jugement dans certaines parties du territoire palestinien occupé, en particulier en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem-Est.  Il a partagé la préoccupation de la communauté internationale face aux actions unilatérales des colons israéliens visant à forcer les communautés et les familles palestiniennes à quitter leurs terres à travers la Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est.  Il s’est inquiété notamment du pillage et de la fermeture des bureaux de six éminentes organisations de la société civile palestinienne, qui sont connues pour avoir contribué à la protection des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés, après leur désignation l’année dernière comme groupes terroristes.  Affirmant ne pas tolérer le terrorisme sous quelque forme ou manifestation que ce soit, le représentant a estimé que de telles désignations, si elles doivent être partagées par la communauté internationale, nécessiteraient une justification complète.  La paix exige des actions délibérées pour instaurer la confiance, a-t-il fait valoir en conclusion, en demandant instamment aux parties de désamorcer les tensions existantes et de générer l’élan politique nécessaire pour des négociations directes. 

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a plaidé pour que le cessez-le-feu continue d’être respecté et pour que se poursuivent les mesures économiques et l’assouplissement des restrictions d’accès et de circulation.  Elle a rappelé que toutes les parties sont tenues de protéger les civils et de respecter pleinement le droit international humanitaire, y compris ses principes de distinction, de proportionnalité et de précaution.  Elle a également condamné fermement tous les actes de terreur, notamment l’attaque contre des civils israéliens à Jérusalem le 14 août, laquelle a fait huit blessés.  Tout le monde, Israéliens et Palestiniens, méritent de vivre en sécurité, a-t-elle déclaré.

La représentante a ensuite marqué sa préoccupation face à la réduction de l’espace de la société civile, à cause notamment des récents raids israéliens contre plusieurs organisations de la société civile palestinienne de la zone A à Ramallah.  Ces organisations mènent un travail important de défense des droits humains des Palestiniens face aux actions des autorités israéliennes et palestiniennes, a-t-elle relevé en appelant à ce qu’elles soient autorisées à continuer à travailler dans un environnement sûr et propice.  La Norvège a clairement indiqué que les informations fournies par Israël n’étaient pas suffisamment justifiées pour désigner ces organisations comme « organisations terroristes », a-t-elle rappelé.  La représentante a souligné combien une société civile forte et dynamique est essentielle pour promouvoir la démocratie et les droits de l’homme en Palestine ainsi que pour soutenir la solution des deux États.  Elle a conclu en notant que la Norvège convoquera la réunion ministérielle du Comité spécial de liaison pour la coordination de l’assistance internationale aux Palestiniens (AHLC) en marge de l’Assemblée générale le 22 septembre.  Cette réunion permettra de discuter du renforcement institutionnel de l’Autorité palestinienne et de l’augmentation de ses revenus.  Mme Heimerback s’est inquiétée à ce sujet, face à l’éventualité d’une nouvelle crise de financement de l’UNRWA à l’automne.  « Nous appelons à redoubler d’efforts pour mobiliser des ressources, fournir un financement flexible et placer l’Office sur une assise financière plus stable. »

Mme CAÍT MORAN (Irlande) s’est félicitée que le cessez-le-feu conclu le 7 août entre Israël et le Jihad islamique palestinien continue de tenir.  Elle a également salué la levée des restrictions supplémentaires imposées le 2 août sur les points de passage vers la bande de Gaza.  La déléguée s’est cependant inquiétée de la fragilité du cessez-le-feu et de la possibilité d’une nouvelle escalade.  Dans ce contexte, elle a regretté que le Conseil doive à nouveau traiter du meurtre d’enfants innocents, 17 mineurs palestiniens ayant trouvé la mort dans les hostilités de la bande de Gaza ce mois-ci.  Le droit international humanitaire est pourtant clair, a-t-elle fait valoir: « toute attaque doit respecter les principes de distinction, de proportionnalité et de précautions ».  Pour protéger les civils à Gaza, il faut un cessez-le-feu et la levée du blocus, conformément à la résolution 1860 (2009), a plaidé la représentante, avant d’appeler à la poursuite de l’appui à l’UNRWA, dont l’action est essentielle pour faire face à la crise humanitaire à Gaza et venir en aide aux réfugiés palestiniens.

La déléguée s’est ensuite déclarée préoccupée par l’augmentation alarmante de morts civils palestiniens en Cisjordanie à la suite de l’utilisation de balles réelles par les forces israéliennes.  Appelant Israël à s’abstenir de recourir à une force excessive et à mener des enquêtes transparentes sur tous les incidents ayant entraîné la mort ou des blessures, elle a également condamné l’attaque à l’arme à feu perpétrée le 14 août contre un bus de fidèles juifs.  Elle s’est par ailleurs alarmée du recours massif par Israël à la détention administrative, demandant à cet État de s’abstenir de toute arrestation arbitraire.  De même, elle a dénoncé les raids israéliens contre six organisations de la société civile palestinienne, le 18 août, et a dit soutenir l’appel lancé par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme pour qu’Israël révoque la désignation de ces organisations comme entités terroristes.  Par ailleurs, réitérant la position de son pays sur l’activité de peuplement d’Israël et sa pratique des expulsions et des démolitions, la déléguée a estimé que toute avancée des colonies dans la zone E1 porterait atteinte à la viabilité d’un futur État palestinien et compromet la solution des deux États.  Enfin, réaffirmant le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, elle a jugé qu’il incombe aux parties et au Conseil, avec l’ensemble de la communauté internationale, de relancer des discussions politiques inclusives afin qu’Israéliens et Palestiniens puissent vivre en paix.

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a exhorté les parties à respecter l’accord de cessez-le-feu.  Elle a pris note des efforts d’Israël pour la reprise des mouvements de personnes en provenance de Gaza et l’entrée de biens humanitaires et de carburant, après le cessez-le-feu.  Il faut rechercher une solution politique et déraciner les causes de la situation économique et humanitaire désastreuse à Gaza, a recommandé la représentante qui s’est dite préoccupée par l’évolution de la situation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, citant des attaques violentes et des meurtres de civils au cours de la période considérée.  Les actes de destruction et de démolition se poursuivent également, a-t-elle noté en observant de nouvelles tensions autour des Lieux saints de Jérusalem.  Elle a dénoncé les actes de terreur et les incidents violents en Cisjordanie et en Israël et demandé que cessent tous les actes de violence, en particulier contre les femmes et les enfants.  Les parties doivent s’abstenir de prendre des mesures unilatérales qui détruisent les conditions nécessaires à la promotion de la paix, a-t-elle expliqué.  Elle a conseillé de se concentrer plutôt sur la réduction du déficit de confiance, priant la communauté internationale d’envoyer un signal fort contre toute mesure empêchant la possibilité d’une solution à deux États.  En réponse à la crise de financement de l’UNRWA, l’Inde, depuis 2018, a contribué à hauteur de 20 millions de dollars dont 5 millions de dollars pour cette année, a enchaîné la déléguée.  En conclusion, elle a plaidé pour la reprise immédiate des pourparlers de paix entre Israël et l’État de Palestine, se disant toujours favorable à des négociations de paix directes en vue d’une solution à deux États.  L’ONU et la communauté internationale doivent donner la priorité à la reprise de ces négociations, a-t-elle conclu.

M. ZHANG JUN (Chine) a noté que la situation délicate dans les territoires palestiniens occupés a de nouveau préoccupé le monde ce dernier mois, en citant les nombreuses victimes civiles à Gaza.  Il a salué les efforts de médiation de l’Égypte, du Qatar et de la Jordanie pour parvenir à un accord de cessez-le-feu, en appelant à promouvoir le respect de ce cessez-le-feu par toutes les parties qui doivent faire preuve de retenue alors que les efforts diplomatiques sur tous les fronts doivent se poursuivre.

Le représentant a souligné le rôle inestimable de l’UNRWA, en particulier à Gaza, en exhortant la communauté internationale à soutenir davantage l’Office et à revoir à la hausse la réponse humanitaire.  Il a ensuite demandé à Israël de lever le blocus de Gaza, condamnant l’usage excessif de la force par Israël en exigeant des enquêtes sur les incidents ayant provoqué la mort de civils, y compris sur la mort de la journaliste d’Al-Jazira.

Les mesures prises par Israël contre des organisations civiles palestiniennes sont préoccupantes, a poursuivi le représentant, en demandant à Israël de répondre aux questions de la communauté internationale à ce sujet.  Il faut s’attaquer aux causes profondes de ce conflit, a souhaité le représentant, en arguant qu’Israël et l’État de Palestine sont et resteront des voisins.  Il faut donc encourager les deux parties à trouver un terrain d’entente pour parvenir à leur sécurité commune.  En outre, le délégué a dénoncé la poursuite des activités de colonisation israéliennes qui sapent les perspectives d’un État palestinien indépendant.  Des générations de réfugiés palestiniens ont perdu leurs foyers et ont été victimes de déplacement, a souligné le délégué, avant de déclarer que ce qui manque dans la question du règlement de ce conflit, c’est une volonté de justice.  Il faut prendre d’urgence des mesures pour promouvoir la solution des deux États et la coexistence harmonieuse entre les nations arabes et Israël, a-t-il insisté en conclusion.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Au Conseil de sécurité, la Fédération de Russie face à ses détracteurs, six mois après le déclenchement de son « opération militaire spéciale » en Ukraine

9115e séance - matin
CS/15004

Au Conseil de sécurité, la Fédération de Russie face à ses détracteurs, six mois après le déclenchement de son « opération militaire spéciale » en Ukraine

Six mois, jour pour jour, après le déclenchement de son intervention militaire en Ukraine, le 24 février dernier, la Fédération de Russie a subi, ce matin, le feu nourri de ses détracteurs à l’occasion d’une séance tendue du Conseil de sécurité au cours de laquelle sont intervenus le Président ukrainien, la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix et le Secrétaire général.  M. António Guterres a profité de cette réunion pour rendre compte de sa récente visite en Ukraine, faire le point sur l’Initiative céréalière de la mer Noire et dénoncer les risques d’escalade liés aux activités militaires dans et autour de la centrale nucléaire de Zaporijia.

Convoquée à la demande de l’Albanie, de la France, de l’Irlande, de la Norvège, du Royaume-Uni et des États-Unis, cette séance d’information s’est tenue au lendemain d’une réunion consacrée à la situation de la centrale de Zaporijia, réclamée cette fois par la Fédération de Russie.  En début de séance, ce matin, la délégation russe a immédiatement donné le ton des échanges en s’opposant à l’intervention par visioconférence du Président Volodymyr Zelenskyy, au motif que, selon le Règlement intérieur provisoire de l’organe, toute participation à une séance officielle du Conseil devrait se faire en personne.  Après avoir rappelé que le Chef de l’État ukrainien avait déjà bénéficié de deux « exceptions » à cette règle, elle a refusé qu’une troisième lui soit accordée et demandé un vote de procédure.  Le Président ukrainien a finalement été autorisé à s’exprimer de manière virtuelle par 13 voix pour, la Russie votant contre et la Chine s’abstenant.  

Le Secrétaire général a ensuite pris la parole pour noter, tout d’abord, que ce jour marque un « triste et tragique jalon », celui de six mois de dévastations, qui ont vu des milliers de civils, dont des centaines d’enfants, perdre la vie et des violations des droits humains et du droit international humanitaire être commises « avec peu ou pas de responsabilité ».  Il a surtout rappelé que les conséquences de cette « guerre insensée » se font sentir bien au-delà de l’Ukraine, les pays en développement payant un lourd tribut à la hausse des prix des denrées, des engrais et des carburants induits par le conflit.  

À cet égard, évoquant sa récente visite en Ukraine, M. Guterres s’est félicité que l’Initiative céréalière de la mer Noire, fruit d’un accord ukraino-russe facilité par la Türkiye, « progresse bien », plusieurs dizaines de navires naviguant dans et hors des ports ukrainiens, chargés à ce jour de plus de 720 000 tonnes de grains et autres produits alimentaires.  Pour le Chef de l’ONU, il ne s’agit toutefois que de la « partie visible de la solution ».  L’autre partie, a-t-il dit, est l’accès sans entrave aux marchés mondiaux de la nourriture et des engrais russes, non soumis aux sanctions.  Appelant les gouvernements et le secteur privé à coopérer à cette fin, il a prévenu que, faute d’une stabilisation du marché des engrais, « il n’y aura tout simplement pas assez de nourriture (dans le monde) en 2023 ».

M. Guterres a d’autre part exprimé sa grande inquiétude quant à la situation dans et autour de la centrale nucléaire de Zaporijia, avant d’avertir que toute nouvelle escalade pourrait « conduire à l’autodestruction ».  Il a cependant assuré que l’ONU dispose des capacités logistiques et sécuritaires pour appuyer, depuis Kiev, une mission de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) dans la plus grande centrale d’Europe, « à condition que la Russie et l’Ukraine en soient d’accord ».  Il s’est enfin alarmé du sort des prisonniers de guerre, assurant que des travaux sont en cours pour déployer la mission d’établissement des faits récemment créée à Olenivka pour enquêter sur l’incident du 29 juillet.  

Exprimant les mêmes préoccupations, la Secrétaire générale adjointe aux affaires politique et à la consolidation de la paix s’est émue que la Fédération de Russie et les groupes armés qui lui sont affiliés envisagent de juger des prisonniers de guerre ukrainiens devant un soi-disant « tribunal international » à Marioupol.  Mme Mary DiCarlo a fait valoir que tout tribunal doit respecter les protections accordées aux prisonniers de guerre par le droit international.  Elle a par ailleurs indiqué que le bilan du conflit au cours des 181 derniers jours établi par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) fait état de 13 560 victimes civiles vérifiées, dont 5 614 tués et 7 946 blessés.  À cela s’ajoute, outre les violations des droits humains de part et d’autre, la destruction ou l’utilisation à des fins militaires de 249 installations médicales et de 350 établissements d’enseignement, actions susceptibles, elles aussi, de constituer des crimes de guerre.

Depuis Kiev, où était célébré le trente et unieme anniversaire de l’indépendance de l’Ukraine, le Président Zelenskyy a imputé ces violations et la crise internationale actuelle à la Fédération de Russie, qu’il a appelée à se retirer de son pays et à répondre de ses crimes d’agression.  Il a annoncé à ce propos qu’un projet de résolution serait présenté à la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale.  Il a également proposé d’organiser en Ukraine le Sommet de l’avenir de l’ONU l’an prochain, car « le futur de l’humanité est en train de se décider à la centrale nucléaire de Zaporijia, dans le Donbass, en Crimée, dans les ports ukrainiens », a-t-il lancé, appuyé par l’ensemble des promoteurs de cette réunion, qui, États-Unis et Royaume Uni en tête, ont aussi dénoncé avec force les projets d’annexion d’autres parties de l’Ukraine que fomenterait la Fédération de Russie.

Toute élection fictive ou référendum « à la Russe » ne sera « ni accepté ni reconnu », a abondé l’Albanie, tandis que l’Irlande voyait dans les desseins expansionnistes russes une « tentative insensée d’enraciner une supposée sphère d’influence ».  La France a, pour sa part, invité la Russie à faire le choix de la diplomatie pour « rebâtir la paix avec l’Ukraine », dans le respect de sa souveraineté et de son intégrité territoriale.  Elle a été rejointe par l’Union européenne et, plus discrètement, par la Chine, celle-ci demandant toutefois aux États-Unis et à l’OTAN de « ne pas jeter d’huile sur le feu ».

En réponse, la délégation russe a jugé que cette réunion ne visait qu’à manifester le soutien indéfectible des délégations occidentales à tous les agissements du « régime de Kiev », lequel serait arrivé au pouvoir en 2014 à la suite d’un coup d’État anticonstitutionnel mené avec leur appui.  L’Ukraine est devenue une « nation anti-Russie » et va vers la « faillite idéologique et politique », a-t-elle conclu, non sans estimer que « nos collègues occidentaux peuvent prolonger son agonie, mais pas empêcher son fiasco ».

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE

Vote sur la demande de participation par visioconférence du Président Volodymyr Zelenskyy

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération Russie) s’est opposé à la participation virtuelle du Président ukrainien, M. Zelenskyy, à la présente session.  « Nous ne nous opposons pas à la participation du Président ukrainien à cette séance, mais elle doit se faire en personne, c’est une question de procédure », a expliqué le représentant.  Si, pendant la pandémie, le Conseil de sécurité est passé aux séances virtuelles, ces séances étaient officieuses, avant que le Conseil ne décide de reprendre ses séances dans la salle du Conseil conformément à son Règlement intérieur provisoire.  Le représentant a encore rappelé que les deux précédentes interventions de M. Zelenskyy au Conseil se sont déjà faites par visioconférence, entraînant une lettre de la Fédération de Russie à laquelle les autres membres occidentaux du Conseil ont réagi en disant qu’il s’agissait d’une exception, et non d’un précédent.  « Là, c’est la troisième fois… ce n’est plus une exception. »  M. Nebenzia a rappelé aux membres qui ont ou vont présider le Conseil de sécurité qu’ils pourraient se heurter à nouveau à cette situation.  Cette année, lors de la présidence russe en février, d’autres membres du Conseil ont refusé de faire intervenir certains chefs d’État par visioconférence en invoquant l’article 37 du Règlement intérieur provisoire, s’est-il souvenu, se demandant pourquoi d’autres chefs d’État et ministres ont été empêchés de participer aux séances du Conseil sauf à le faire en personne, ce qui constitue selon lui deux poids, deux mesures.  Cette séance est prévue depuis la semaine dernière, ce qui donnait le temps à M. Zelenskyy de se rendre à New York, a-t-il constaté soulignant qu’il n’y a pas de restrictions de voyage et que le Secrétaire général de l’ONU a pu se rendre en Ukraine.  Une fois de plus, nous ne mettons pas en cause la participation du Président ukrainien à cette séance, mais le fait qu’il ne vienne pas en personne, a précisé le représentant russe en demandant à ce que cette question soit mise au vote dans le cadre d’un vote de procédure.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a dit être d’accord qu’en période postpandémie, la participation d’un chef d’État doit se faire en présentiel en vertu de l’article 37.  Cependant, il a fait remarquer que les mêmes raisons que les deux dernières fois peuvent être invoquées pour justifier que le Président ukrainien ne peut intervenir que virtuellement.  L’Ukraine est en guerre, a-t-il rappelé, ce qui requiert du Président ukrainien d’être dans son pays.  Il n’est donc pas raisonnable de lui demander de se rendre à New York dans de telles conditions, a argué le représentant avant d’appeler les autres membres du Conseil de sécurité à voter en faveur de la participation virtuelle à cette séance du Président Zelenskyy au titre de l’article 37 du Règlement intérieur provisoire.  

Mise aux voix, la décision d’accepter la participation par visioconférence du Président ukrainien, M. Volodymyr Zelenskyy, à la présente séance a été adoptée par le Conseil, par 13 voix pour, une voix contre (Fédération de Russie) et une abstention (Chine).

Reprenant la parole, M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a regretté que les membres du Conseil de sécurité se soient exprimés contre le respect du Règlement intérieur provisoire du Conseil, ce qui érode selon lui les pratiques et le prestige de cet organe.  Il a dit ne pas comprendre que ces membres couvrent encore les crimes de Kiev et a demandé à tous les États Membres de l’ONU de prendre note de cette situation.  Il a dit espérer que M. Zelenskyy restera présent jusqu’à la fin de la réunion, parce que « la Fédération de Russie a des choses à lui dire ».  « Nous verrons si le Président Zelenskyy pourra se rendre en personne à New York pour la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale », a lancé en conclusion le représentant russe.

Déclarations liminaires

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a noté, dès l’entame de son intervention, que ce jour marque « un triste et tragique jalon »: six mois se sont écoulés depuis l’invasion russe de l’Ukraine, le 24 février dernier.  Durant cette période dévastatrice, a-t-il constaté, des milliers de civils ont été tués et blessés, parmi lesquels des centaines d’enfants, et le monde a vu des violations des droits humains et du droit international humanitaire être commises avec peu ou pas de responsabilité.  Des millions d’Ukrainiens ont perdu leurs maisons et leurs biens, devenant des déplacés ou des réfugiés, tandis que l’arrivée de l’hiver exacerbe les besoins humanitaires, a souligné le Chef de l’ONU, avant de relever que les conséquences de cette « guerre insensée » se font sentir bien au-delà de l’Ukraine.  « Nous voyons de nouvelles vulnérabilités émerger dans un environnement mondial déjà usé par les conflits et les inégalités induites par la pandémie, les crises économiques et sanitaires, et les changements climatiques, avec un impact disproportionné sur les pays en développement », a-t-il déploré.  De fait, la hausse des prix des denrées, des engrais et du carburant a déclenché une crise mondiale qui pourrait conduire des millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté, aggravant la faim et la malnutrition, tout en menaçant d’élever la charge du travail humanitaire mondial à de nouveaux sommets et d’effacer les gains de développement durement acquis, a averti M. Guterres. 

Le Secrétaire général a ensuite fait un bref compte rendu de son récent voyage en Ukraine.  Cette visite, a-t-il indiqué, était l’occasion de suivre l’accord historique qui a apporté une « mesure d'espoir », en particulier pour les pays en développement et pour les millions de personnes vulnérables durement touchées par la crise alimentaire mondiale.  Selon M. Guterres, l’Initiative céréalière de la mer Noire, signée à Istanbul en juillet, « progresse bien », plusieurs dizaines de navires naviguant dans et hors des ports ukrainiens, chargés à ce jour de plus de 720 000 tonnes de grains et autres produits alimentaires.  Cet accord n’aurait pas été possible sans l’approche constructive de l’Ukraine et de la Russie, et sans les efforts du Gouvernement de la Türkiye, a-t-il déclaré, précisant avoir rencontré les Présidents ukrainien et turc lors de sa visite à Lviv.  « Je les ai remerciés pour leur engagement à soutenir la mise en œuvre de l’Initiative et à assurer le passage en toute sécurité des produits alimentaires ukrainiens et des engrais à ceux qui en ont besoin », a expliqué le Chef de l’ONU, qui a dit avoir été « rempli d’émotion » en visitant le port d’Odessa et le Centre conjoint de coordination à Istanbul. 

M. Guterres a dit être monté, à Odessa, à bord du vraquier « MV Kubrosli Y », chargé d’environ 10 000 tonnes de blé.  Il a signalé que le port d’Odessa, paralysé pendant des mois, « reprend vie » grâce à l’Initiative.  À Istanbul, j’ai vu le navire affrété par le Programme alimentaire mondial (PAM), le « MV Brave », qui « arborait fièrement le drapeau de l’ONU » avec sa cargaison destinée à la Corne de l’Afrique où des millions de personnes sont menacées de famine.  Il a dit avoir aussi déambulé sur la passerelle du « SSI Invincible II », dans le port de Tchornomorsk.  Ce navire, a-t-il indiqué, transportera l’une des les plus importantes cargaisons de céréales partant de l’Ukraine à ce jour, plus de 50 000 tonnes, ce qui « aurait été difficile à imaginer il y a quelques semaines à peine ».  Mais cette « puissante démonstration de ce qui peut être atteint » n’est que la « partie visible de la solution », a souligné le Secrétaire général en expliquant que l’autre partie est l’accès sans entrave aux marchés mondiaux de la nourriture et des engrais russes qui ne sont pas soumis à des sanctions.  Jugeant essentiel que tous les gouvernements et le secteur privé coopèrent à cette fin, il a dit qu’il poursuivrait ses contacts, en collaboration avec l’équipe de travail dirigée par Mme Rebeca Grynspan, pour parvenir à cet objectif.

En 2022, a poursuivi le Secrétaire général, il y a assez de nourriture dans le monde, même si la répartition est inégale.  Toutefois, « si nous ne stabilisons pas le marché des engrais, il n’y aura tout simplement pas assez de nourriture en 2023 », a-t-il prévenu, ajoutant qu’obtenir beaucoup plus de nourriture et d’engrais hors d’Ukraine et de Russie à des coûts raisonnables est « vital » pour calmer les marchés et faire baisser les prix pour les consommateurs.  M. Guterres a également renouvelé son appel en faveur d’une mise à l’échelle massive du soutien au développement des pays frappés par la crise alimentaire mondiale, arguant que l’envoi de céréales et d’autres denrées alimentaires sera vain si les pays n’ont pas les moyens d’acheter ces marchandises.  Il a donc appelé les pays riches et les institutions financières internationales à faire davantage pour s’assurer que les pays en développement peuvent tirer pleinement parti de l’Initiative céréalière de la mer Noire. 

Avant de conclure, le Chef de l’ONU a évoqué de « nouveaux domaines potentiels d’escalade dangereuse.  Il s’est ainsi déclaré gravement préoccupé par la situation dans et autour de la plus grande centrale nucléaire d’Europe, à Zaporijia, estimant que toute action susceptible de mettre en danger l’intégrité physique, la sureté ou la sécurité de la centrale serait « tout simplement inacceptable ».  Avertissant que toute nouvelle escalade de la situation peut « conduire à l’autodestruction », il a précisé que l’ONU a en Ukraine les capacités logistiques et sécuritaires pour appuyer depuis Kiev une mission de l’AIEA dans la centrale de Zaporijia, à condition que la Russie et l’Ukraine en soient d’accord.  Il a dit accepter les expressions de soutien à une telle mission et a insisté pour qu’elle arrive le plus tôt possible.  Enfin, avant de féliciter le peuple ukrainien à l’occasion du trente et unieme anniversaire de l’indépendance du pays, M. Guterres s’est déclaré troublé par les allégations de violations du droit international humanitaire (DIH) et des droits humains en lien avec le conflit armé.  Il a rappelé que, conformément au DIH, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) doit avoir accès aux prisonniers de guerre, où qu’ils soient détenus.  Il a ajouté que la mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine, ainsi que la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies dans le pays, continuent de documenter et de rapporter les faits en vue de soutenir l’enquête sur les violations alléguées.  Des travaux sont aussi en cours pour déployer la mission d’établissement des faits récemment créée à Olenivka pour enquêter sur l’incident du 29 juillet, a-t-il dit, exigeant que cette mission bénéficie d’un accès sûr, sécurisé et sans entraves à tous les lieux pertinents et à toutes les personnes concernées, sans aucune limitation ou ingérence. 

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a déploré le fait que les appels pour éviter la guerre en Ukraine entendus le 23 février 2022 soient restés vains.  Et six mois plus tard, il n’y a pas de fin en vue au conflit déclenché par l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie.  Les civils paient un lourd tribut, s’est lamentée la haute fonctionnaire, en citant le bilan détaillé du conflit au cours des 181 derniers jours établi par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), qui s’élève à 13 560 victimes civiles vérifiées, dont 5 614 tués et 7 946 blessés.  

Le HCDH a également documenté les dégâts, la destruction ou l’utilisation à des fins militaires de 249 établissements médicaux et de 350 établissements d’enseignement.  Ces actions peuvent constituer des crimes de guerre, a prévenu la Secrétaire générale adjointe.  Le HCDH a documenté 327 cas de détention arbitraire et de disparition forcée de civils par la Fédération de Russie et des groupes armés affiliés dans des territoires non contrôlés par le Gouvernement ukrainien.  Il a également enregistré 39 arrestations arbitraires dans le territoire contrôlé par le Gouvernement ukrainien et 28 autres cas pouvant être assimilés à des disparitions forcées.  Quatorze victimes de disparition forcée perpétrée par la Fédération de Russie et les groupes armés affiliés ont été retrouvées mortes ou sont mortes en détention dont 13 hommes et une femme.  Le HCDH a également corroboré les allégations de centaines de meurtres délibérés de civils alors que certaines parties des régions de Kiev, Tchernihiv et Soumy étaient sous contrôle russe en février-mars 2022, a encore précisé Mme DiCarlo.  Enfin, a-t-elle ajouté, le Haut-Commissariat a vérifié 43 cas de violences sexuelles, la majorité attribuables aux forces armées russes.  

Mme DiCarlo s’est dite aussi préoccupée par la situation des prisonniers de guerre des deux côtés.  Ainsi, la Fédération de Russie et les groupes armés qui lui sont affiliés à Donetsk envisagent de juger des prisonniers de guerre ukrainiens devant un soi-disant « tribunal international » à Marioupol, a-t-elle informé, en avertissant que tout tribunal doit respecter les protections accordées à tous les prisonniers de guerre par le droit international, y compris les garanties de procédure équitable.  Le non-respect de ces normes pourrait constituer un crime de guerre.  

La Secrétaire générale adjointe s’est également alarmée de la hausse rapide des besoins humanitaires, avec au moins 17,7 millions de personnes, soit 40% de la population ukrainienne, qui ont besoin d’aide humanitaire et de protection, dont 3,3 millions d’enfants.  Plus de 6,6 millions de personnes déplacées ont été enregistrées et quelque 6,7 millions de personnes supplémentaires ont quitté l’Ukraine pour d’autres pays d’Europe, la plupart des femmes et des enfants.  Alors que l’hiver approche, 1,7 million de personnes ont déjà besoin de chauffage.  L’appel éclair révisé de l’ONU nécessite 4,3 milliards de dollars pour soutenir 17,7 millions de personnes ayant besoin d’aide jusqu’en décembre 2022.  Des donateurs ont généreusement fourni 2,4 milliards de dollars au 19 août.  La réponse humanitaire a été étendue à 500 organisations humanitaires partenaires, atteignant plus de 11,8 millions de personnes.  

La guerre a gravement affecté le secteur agricole de l’Ukraine, a constaté la haute fonctionnaire, le Programme alimentaire mondial (PAM) estimant que 20% de la population ukrainienne ne mange pas à sa faim.  Les répercussions de la guerre se font sentir dans le monde entier, car selon le PAM, 345 millions de personnes seront en situation d’insécurité alimentaire aiguë ou exposées à un risque élevé d’insécurité alimentaire dans 82 pays ayant une présence opérationnelle du Programme.  Cela représente une hausse de 47 millions de personnes souffrant de faim aiguë en raison des répercussions de la guerre.  

En juillet, a continué Mme DiCarlo, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a estimé que jusqu’à 71 millions de personnes pourraient déjà avoir été poussées dans la pauvreté dans les trois mois ayant suivi le début de la guerre dans les Balkans, la région de la mer Caspienne et en Afrique subsaharienne, en particulier le Sahel.  Les marchés de l’énergie restent sous tension, ce qui constitue une grave préoccupation à l’approche de la saison hivernale dans l’hémisphère Nord.  La stabilisation des prix des denrées alimentaires au cours des dernières semaines ne se traduit pas une baisse du taux d’inflation qui a continué de s’accélérer en juillet 2022, battant des records de plusieurs décennies dans les pays développés.  Toutefois, ce sont les pays en développement et les PMA qui ont été plus durement touchés.  La situation budgétaire dans de nombreuses économies en développement est particulièrement préoccupante, d’autant plus que leur capacité d’emprunt a été fragilisé à cause de la pandémie de COVID-19, a observé la Secrétaire générale adjointe.

En aggravant les divisions mondiales et en exacerbant la méfiance à l’égard de nos institutions, la guerre en Ukraine affaiblit les fondements même du système international.  Les conséquences d’une rupture dans la façon dont le monde gère les questions de paix et de sécurité sont effrayantes.  Cette guerre est non seulement insensée, mais extrêmement dangereuse, et elle nous touche tous.  Elle doit cesser, a conclu la Secrétaire générale adjointe.  

Déclarations

M. VOLODYMYR ZELENSKYY, Président de l’Ukraine, a salué les membres du Conseil de sécurité depuis l’Ukraine « libre et indépendante », d’où il s’exprimait par visioconférence.  D’emblée, il a annoncé qu’au moment même où il prenait la parole, des missiles étaient tirés sur les infrastructures ferroviaires dans la région de Dniepr, blessant 50 personnes.  Ce jour de fête nationale de l’Ukraine montre à quel point le monde dépend grandement de notre indépendance, a introduit le Président.  La situation dans le monde dépend de la situation de nos frontières et de notre sécurité nationale, a-t-il renchéri.  Il a imputé la crise internationale actuelle à la Fédération de Russie, qui a placé le monde « au bord du gouffre ».  Ce pays occupe la centrale nucléaire de Zaporijia et a transformé le territoire ukrainien en zone de guerre, déployant des groupes terroristes sur le terrain.  L’Europe est maintenant confrontée à un risque d’accident radiologique similaire à celui qui s’est produit à Tchernobyl.  La mission de l’AIEA devrait prendre le contrôle de la centrale de Zaporijia, a prié le Président appelant la Russie à cesser son chantage nucléaire et à se retirer pleinement de la centrale.

La Russie a également déstabilisé les marchés alimentaires mondiaux dans de nombreuses régions du monde, a accusé M. Zelenskyy.  Pour lui, les Nations Unies n’ont pas été créées pour régler ce genre de problème qui devrait appartenir au passé.  Dans les semaines à venir, il faudra faire de notre mieux pour élargir l’Initiative céréalière et sa portée notamment sur la question de l’énergie, a-t-il exhorté.  La crise artificielle des prix de l’énergie est de la responsabilité d’un membre permanent du Conseil de sécurité qui a abusé de son droit au veto, a dénoncé le Président, en pointant du doigt le représentant de la Fédération de Russie, pays qui est, selon lui, responsable du malheur de dizaines de pays africains, asiatiques et européens.  

Le Président de l’Ukraine a estimé que si toutes les nations respectent la vie de leurs populations, ce n’est pas le cas d’un pays qui encourage les meurtres et les exécutions de milliers d’Ukrainiens.  Il a dénoncé le non-respect, par Moscou, des conventions sur le traitement des prisonniers de guerre.  Il n’y a pas de crime de guerre qui n’ait pas été commis par les occupants sur le territoire de l’Ukraine.  Si la Russie ne cesse pas cette guerre en Ukraine et si ce conflit ne se solde pas par la victoire de l’Ukraine, tous ces meurtriers russes finiront dans d’autres pays européens, d’Asie, d’Amérique latine.  Des criminels de guerre russes iront dans tous les pays.  Il faut agir ensemble et de manière décisive et le plus vite possible pour que cessent les destructions de la Russie et la menace d’une catastrophe radiologique en Europe, a insisté le Chef d’État.

La Russie doit libérer les territoires occupés en Ukraine et se retirer des villes ukrainiennes pour qu’il n’y ait plus de crise des céréales.  La Russie doit rendre des comptes des crimes d’agression contre l’Ukraine.  Un projet de résolution sera présenté à la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale à cette fin pour que la justice continue de prévaloir au niveau international, a annoncé le Président.  S’agissant du Sommet de l’avenir que le Secrétaire général compte organiser l’an prochain, M. Zelenskyy a estimé qu’il serait symbolique d’organiser ce sommet en Ukraine, parce que c’est sur le territoire de l’Ukraine que se joue l’avenir du monde.  Le futur de l’humanité est en train de se décider à la centrale nucléaire de Zaporijia, dans le Donbass, en Crimée, dans les ports ukrainiens.  « Notre indépendance, notre liberté, c’est votre sécurité, c’est la sécurité du monde entier », a insisté en conclusion le Président Zelenskyy.  

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a assuré d’emblée le soutien indéfectible des États-Unis à l’indépendance et à la souveraineté de l’Ukraine.  Cette journée marque six mois écoulés depuis l’agression injustifiée par la Fédération de Russie de l’Ukraine, « même si la Fédération de Russie essaye de justifier l’injustifiable ».  La déléguée a dénoncé six mois de mépris à l’égard de la communauté internationale, six mois d’attaques qui ont fait des victimes civiles, six mois de destruction et de frappes de missiles qui ont déchiré des familles, six mois d’atrocités sans nom, d’assassinats et de milliers de morts.  La représentante a estimé que l’objectif de la Russie est plus clair que jamais: démanteler l’Ukraine en tant qu’entité géopolitique et la gommer tout simplement de la carte du monde.  Elle a noté que les campagnes de désinformation s’efforcent de renforcer les tentatives d’annexion des régions de Donetsk, de Louhansk et de Kherson.  M. Lavrov a d’ailleurs reconnu que l’annexion de certaines régions de l’Ukraine est l’objectif de la Russie, a-t-elle relevé tout en assurant que la communauté internationale ne reconnaîtra jamais la tentative de la Russie de changer les frontières de l’Ukraine par la force.  Lorsque les dirigeants du monde entier se retrouveront le mois prochain à New York pour réaffirmer leur attachement à la Charte des Nations Unies, ils réaffirmeront aussi leur attachement à l’indépendance et à la souveraineté de l’Ukraine quel que soit le nombre de référendum factices, a affirmé Mme Thomas-Greenfield.

Elle a poursuivi en rappelant à la Fédération de Russie qu’elle est responsable d’assurer la sécurité nucléaire, alors même qu’elle a pris le contrôle par la force de la centrale de Zaporijia en Ukraine au risque de provoquer une catastrophe nucléaire.  La représentante a également exprimé ses inquiétudes quant aux opérations de filtrage de la Russie, qui consistent en la déportation par la force de milliers de civils ukrainiens vers la Russie.  Elle y a vu une tentative de détruire l’Ukraine, sa culture et son peuple.  Malgré l’accord sur les céréales de la mer Noire, la Fédération de Russie a frappé le port d’Odessa avec ses missiles, a encore dénoncé la représentante en martelant que la Russie est la seule responsable du siège que vivent toujours des millions d’Ukrainiens et de la crise alimentaire.  La Russie est le seul obstacle au règlement immédiat de cette crise, a-t-elle conclu.  Si la journée d’aujourd’hui marque les six mois depuis le début de cette guerre, elle marque aussi la date de l’indépendance ukrainienne, a rappelé la déléguée en appelant « à faire de notre mieux pour que l’année prochaine cette indépendance puisse être célébrée à nouveau ».

M. FERIT HOXHA (Albanie) a tout d’abord souhaité que l’Ukraine puisse marquer fièrement, aujourd’hui, le trente et unième anniversaire de son indépendance de l’Union soviétique « décadente ». Il a toutefois reconnu que les fêtes ne sont pas aisées quand on est attaqué par un voisin « qui prétend être votre frère ».  Il a également rappelé que ce jour marque exactement six mois depuis le début de l’invasion, 27 semaines depuis l’adoption de la résolution de l’Assemblée générale enjoignant à la Russie d’arrêter la guerre et de respecter la souveraineté de l’Ukraine, et 25 semaines depuis qu’une ordonnance juridiquement contraignante de la Cour internationale de Justice (CIJ) a été adressée à la Russie pour qu’elle cesse immédiatement ses activités militaires.  Or, a-t-il constaté, la Russie persiste, avec l’intention claire de démanteler l’Ukraine et d’assujettir son peuple, tout en produisant de graves effets déstabilisateurs mondiaux sur la sécurité, l’énergie, la sécurité alimentaire et la sûreté nucléaire. 

Après avoir félicité la Türkiye et le Secrétaire général pour leurs efforts inlassables et fructueux visant à assurer que les céréales et autres produits alimentaires sont exportés d’Ukraine et parviennent aux nécessiteux à travers le monde, le représentant a mis l’accent sur l’impact dévastateur de l’attaque russe sur les civils, en particulier sur les enfants.  « S’il y avait une seule raison de mettre un terme immédiat à cette guerre, ce serait de sauver les enfants, les générations futures du fléau de la guerre », a-t-il dit, avant d’évoquer le sort des prisonniers de guerre ukrainiens, dont 53 sont morts il y a quelques semaines dans une explosion meurtrière en territoire ukrainien sous contrôle russe.  Saluant la désignation d’une équipe d’enquête par le Secrétaire général, il a demandé instamment à l’ONU de tout faire pour garantir que les investigations soient menées de manière impartiale.  Les responsables de ces crimes ignobles doivent être tenus pour responsables, a-t-il ajouté.

Le délégué a ensuite fait état d’une armée russe « à bout de souffle » après six mois d’une guerre sanglante, ajoutant que de plus en plus de preuves montrent que le Kremlin en est réduit à recruter des détenus russes pour combattre.  « Ces nouveaux combattants remplaceront ceux qui ont retrouvé la raison, découvert la vérité et abandonné la guerre, pour ne pas continuer à être complices de ce crime », a-t-il affirmé, citant le récit de l’un de ces derniers, à présent « libre de dire ce qu’il pense ».  Il a enfin réitéré que toute annexion de territoire, tout développement incompatible avec la Constitution ukrainienne, par exemple des élections fictives ou des référendums « à la Russe », ne sera ni accepté ni reconnu.  À cet égard, le souhait des responsables pro-russes des territoires sous contrôle russe de rejoindre la Russie, selon le modèle de la Crimée, sera condamné à l’impasse, a-t-il martelé, réaffirmant que les amis de l’Ukraine sont prêts à soutenir son combat, non pas contre la Russie, mais pour la paix et la sécurité mondiales.

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a rappelé que, depuis six mois précisément, les Ukrainiens résistent avec courage à la guerre d’agression lancée par la Russie.  « Quel meilleur moment pour leur rendre hommage qu’aujourd’hui, jour de leur fête nationale, qui a marqué en 1991, l’indépendance de l’Ukraine? »  Jamais la France ne reconnaîtra l’annexion des territoires ukrainiens occupés par la Fédération de Russie, a poursuivi la représentante, accusant Moscou de contribuer à déstabiliser encore davantage un monde sur lequel pèsent déjà de graves menaces.  Elle s’est ensuite félicitée que le centre de coordination conjoint à Istanbul soit désormais opérationnel et que 33 navires aient pu quitter les ports ukrainiens depuis la signature des accords d’Istanbul.  « Mais ne nous leurrons pas, les effets négatifs de la guerre conduite par la Russie se poursuivent et se multiplient: les chaînes d’approvisionnement sont toujours perturbées; les coûts de transport demeurent très élevés; le marché de l’énergie est bouleversé », a déploré Mme Broadhurst Estival.  Après avoir dénoncé la présence de troupes russes sur le site de la centrale nucléaire de Zaporijia, elle s’est alarmée des informations faisant état d’exécutions extrajudiciaires et d’actes de torture à l’encontre des prisonniers ukrainiens, en particulier dans le village d’Olenivka.  Sa délégation appelle une nouvelle fois la Russie à faire le choix de la diplomatie pour rebâtir la paix avec l’Ukraine, dans le respect de sa souveraineté et de son intégrité territoriale dans ses frontières internationalement reconnues.

Mme CAÍT MORAN (Irlande) a commencé par rappeler que cela fait huit ans et demi que la Russie a violé pour la première fois la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine.  Il y a six mois, jour pour jour, a-t-elle ajouté, la Russie a récidivé avec l’invasion illégale et non provoquée de l’Ukraine, en violation des principes fondamentaux de l’ONU.  La représentante a cependant relevé que, ni en 2014 ni en 2022, les frontières internationalement reconnues de l’Ukraine n’ont changé.  Les mesures unilatérales de la Russie visant à intégrer des parties de l’Ukraine n’ont été reconnues que comme des violations flagrantes des principes d’indépendance souveraine et de non-intervention, et comme une « tentative insensée d’enraciner une supposée sphère d’influence », a-t-elle renchéri, avant de condamner la rhétorique nucléaire inacceptable de Moscou pendant le conflit.  Pendant 183 jours, a poursuivi la déléguée, l’Irlande a demandé qu’il soit mis fin à la guerre injustifiable menée contre l’Ukraine et dont les civils continuent de payer le prix le plus élevé.  La Russie peut mettre fin à son agression si elle le souhaite, mais si elle choisit de poursuivre sa guerre illégale, elle doit se conformer à ses obligations au regard du droit international, a-t-elle maintenu.  Comme la veille, elle s’est également déclarée extrêmement préoccupée par la situation à la centrale nucléaire de Zaporijia, réaffirmant qu’un incident radiologique découlant de l’activité militaire sur le site pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour l’Ukraine et la région.  Saluant les informations selon lesquelles une visite de l’AIEA pourrait avoir lieu prochainement, elle a soutenu l’appel du Secrétaire général pour que la centrale reste connectée au réseau électrique ukrainien, tout en enjoignant à la Russie de mettre fin à son occupation illégale du site, de retirer ses troupes et ses munitions et de veiller à ce que les autorités ukrainiennes puissent assumer leurs responsabilités en matière de sûreté et de sécurité nucléaire. 

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a réitéré le soutien indéfectible de son pays à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues.  Aujourd’hui, nous marquons la déclaration d’indépendance de l’Ukraine en 1991.  Et nous voici, 31 ans plus tard, parce que l’État successeur soviétique, la Russie, a envahi l’Ukraine.  C’est vraiment tragique, a-t-elle déploré.  La Norvège condamne l’agression militaire russe dans les termes les plus fermes possibles, a déclaré la représentante en dénonçant notamment les attaques en cours contre les civils et les infrastructures civiles, y compris les centrales nucléaires, qui ont un impact dévastateur et inacceptable.  Des milliers de civils ont déjà été tués, des millions ont fui leurs maisons, d’autres sont piégés dans des zones de guerre, a-t-elle déploré, avant de réitérer l’importance de respecter le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme.  La Russie doit arrêter la guerre et retirer complètement, immédiatement et sans condition ses forces et équipements militaires d’Ukraine. 

Le Secrétaire général a parlé d’une lueur d’espoir due à la reprise des exportations de céréales ukrainiennes, a noté la déléguée, qui s’est dite encouragée de voir qu’une ligne de transport essentielle d’un des greniers mondiaux puisse être restaurée.  C’est indispensable, tant pour les Ukrainiens que pour les personnes et les pays les plus vulnérables du monde, a-t-elle fait valoir.  Il est essentiel que le Programme alimentaire mondial (PAM) et d’autres acteurs humanitaires puissent à nouveau acheter des céréales à l’Ukraine pour pouvoir assurer l’aide alimentaire.  Dès lors, il est vital que l’Initiative pour les céréales de la mer Noire soit pleinement mise en œuvre, a conclu la représentante, en soulignant la responsabilité conjointe des membres du Conseil à parvenir à un règlement de la crise ukrainienne.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a rappelé à son tour qu’il y a six mois, alors que le Conseil de sécurité se réunissait tard dans la nuit pour tenter d’éviter une catastrophe, la Russie lançait une invasion non provoquée et illégale de l’Ukraine en violation de la Charte des Nations Unies.  Dans les mois qui ont suivi, l’Ukraine a subi « toutes les horreurs de la guerre », a-t-il déploré, avant de constater que son peuple n’est pas la seule victime de ce conflit.  Au-delà des frontières de l’Ukraine, les « décisions de Putin » ont eu un impact dévastateur sur les pays les plus vulnérables, plusieurs millions de personnes à travers le monde étant touchées par la hausse des prix des denrées alimentaires et du carburant.  Maintenant, a ajouté le représentant, dans ce qui constituerait une autre violation de la Charte des Nations Unies, des informations font état de projets russes de « faux référendums » pour annexer illégalement d’autres territoires de l’Ukraine.  Pour le délégué, une telle tentative ne tromperait personne: la Russie n’a, en effet, cessé d’utiliser la désinformation pour créer des prétextes fallacieux, saper la souveraineté de l’Ukraine, occulter la vérité et dissimuler les crimes de guerre, a-t-il accusé.  À ses yeux, cela démontrerait davantage le mépris de la Russie pour les principes de souveraineté et d’intégrité territoriale, que les États Membres de l’ONU se sont tous engagés à respecter.  Saluant ensuite le trente et unième anniversaire de l’indépendance ukrainienne, célébré aujourd’hui même, il a rendu hommage au courage et à l’ingéniosité du peuple ukrainien qui se bat pour défendre sa nation.  Aujourd’hui, a-t-il conclu, « nous nous tenons aux côtés de la nation de l’Ukraine et de son peuple héroïque qui continuent de résister aux tentatives de la Russie de redéfinir des frontières internationales par la force ».

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a regretté que six mois après le début des hostilités, aucune solution ne se profile pour résoudre le conflit en Ukraine, tandis que la situation est aujourd’hui exacerbée par le risque de catastrophe nucléaire.  Les parties doivent s’abstenir de commettre des attaques qui pourraient saper la sécurité des installations nucléaires à Zaporijia.  Le représentant a ensuite appelé les deux parties à faciliter l’accès d’une mission de l’AIEA afin d’évaluer l’état du site.  Il s’est aussi lamenté que très peu de progrès aient été accomplis en vue d’une solution politique, à l’exception de l’Initiative céréalière de la mer Noire et de l’accord visant à faciliter l’exportation de denrées alimentaires et d’engrais russes.  

L’histoire démontre que lorsque l’on ferme la porte au dialogue, l’on ne peut pas régler des conflits, et cela s’applique également à l’Ukraine, a philosophé le délégué, en estimant que tout agissement prolongeant les hostilités ne donnera lieu qu’à davantage de souffrances humaines.  Cela ne permettra pas de résoudre les causes de ce conflit.  Il a de nouveau appelé à appliquer l’accord d’Istanbul.  La communauté internationale doit préserver ce jalon, qui démontre qu’il est possible de s’acheminer vers des négociations plus larges.  Le délégué a exhorté les parties à poursuivre le dialogue.  Il leur a également rappelé les obligations de préserver les populations civiles et d’éviter les atteintes aux droits humains, les attaques contre des zones résidentielles, des hôpitaux, des écoles et des églises.  Des actes inacceptables qui alimentent une logique des représailles qu’il faut éviter à tout prix, a mis en garde le représentant.  

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a dénoncé les bombardements visant des installations nucléaires dont la centrale nucléaire de Zaporijia.  Il est urgent que cesse l’activité militaire autour des sites nucléaires et que les belligérants s’abstiennent de toute action susceptible de faire courir au monde le risque d’une catastrophe nucléaire dont les conséquences seraient irréparables, a-t-il insisté en réitérant son appel aux parties à se conformer aux règles de sécurité nucléaires en vigueur et à coopérer avec l’AIEA pour sécuriser les sites potentiellement dangereux.  Nous saluons les récentes annonces indiquant la volonté des parties de permettre une mission des experts de l’AIEA à la centrale de Zaporijia pour éviter tout embrasement, a déclaré M. Biang.  Il a réitéré l’opposition du Gabon à la guerre et son indignation face aux attaques visant des civils, en rappelant que selon le Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme, il y aurait 13 477 victimes civiles dont 5 587 tués et 7 890 blessés.  Il a mis en garde contre le fait que tant que les combats se poursuivront, la situation humanitaire en Ukraine et dans les pays environnants, ne cessera de se détériorer.  

Depuis sept mois, ce Conseil est en proie à une fragmentation sans précédent et vit au rythme des invectives d’un camp contre l’autre pendant que villes et villages sont ravagés, pendant que des femmes, hommes et enfants sont meurtris par une guerre sanglante, s’est indigné le représentant.  Notre mandat est d’arrêter les guerres à défaut de les prévenir et non de nous quereller, a-t-il rappelé à ses collègues.  Face à la logique sans issue de l’affrontement et de l’antagonisme, il a assuré que le Gabon continuera de choisir le camp de la négociation et du dialogue.  M. Biang a conclu en appelant à activer les voies du dialogue et en saluant le récent accord conclu pour permettre l’exportation des céréales des ports ukrainiens.

Pour M. MARTIN KIMANI (Kenya), le multilatéralisme tel qu’il s’exprime aux Nations Unies, y compris au Conseil de sécurité, avec tous ses défauts, est notre dernier espoir contre une nouvelle guerre mondiale.  À moins que la guerre en Ukraine ne prenne fin grâce au dialogue et à la négociation, il pourrait s’agir du premier d’une série de conflits que les futurs historiens pourraient appeler la Troisième Guerre mondiale, a mis en garde le représentant.  L’Afrique, et le reste du monde, seraient projetés dans le miroir de la guerre froide qui a brisé nos démocraties, renversé et tué nos chefs, et nous a dépouillés de décennies de progrès économique, s’est inquiété M. Kimani.

Tout n’est pas perdu, a-t-il cependant estimé, en remarquant qu’il y a encore une chance de s’appuyer sur le mince mais important succès de l’Initiative céréalière de la mer Noire et l’accord sur l’exportation de produits alimentaires et d’engrais de la Russie.  Il est temps pour tout le monde de faire preuve d’un leadership « intuitif et audacieux », et que tous les pays qui exercent une influence ou disposent d’un levier de négociation poussent au dialogue plutôt qu’à l’affrontement, a exigé le représentant, pour lequel l’objectif immédiat devrait être: la cessation des hostilités en Ukraine; l’ouverture de couloirs humanitaires sûrs, un accès humanitaire sans entrave; et la sécurité de toutes les installations nucléaires, en particulier de la centrale de Zaporijia.  Cela devrait s’inscrire dans le cadre d’une feuille de route élargie pour parvenir à un accord global qui garantirait la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine.  Compte tenu de l’escalade entre grandes puissances, cette feuille de route devrait être liée à une négociation plus large d’un ordre sécuritaire européen stable, a fait valoir M. Kimani.

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a énuméré les conséquences des six mois de conflit en Ukraine, notamment l’augmentation des prix de produits de base et de l’insécurité alimentaire.  Elle a remercié le Secrétaire général et la Türkiye qui ont facilité l’exportation de céréales.  La Charte des Nations Unies est une boîte à outils qui nous permet de régler les différends de manière pacifique, a-t-elle rappelé tout en observant que cela requiert une volonté politique d’appliquer ces outils.  La guerre ne pourra cesser que si elle est négociée, a-t-elle insisté, « comme cela s’est fait dans toute l’histoire de l’humanité ».  Pour la représentante, nous ne pouvons pas changer le passé, mais nous pouvons changer l’avenir.  Elle a soutenu les initiatives visant à renforcer la confiance, comme l’envoi d’une mission de l’AIEA à Zaporijia, invitant à les transformer en processus politique viable, en se basant sur la Charte des Nations Unies et le droit international.  Ce conflit doit cesser, chaque vie est trop précieuse, a-t-elle conclu.

Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a soutenu les bons offices du Secrétaire général en vue d’apporter une paix durable au peuple ukrainien.  L’Initiative céréalière de la mer Noire et l’accord sur la promotion de l’accès des produits alimentaires et des engrais russes aux marchés mondiaux ont prouvé qu’avec une diplomatie persistante, une solution politique acceptable pourrait être trouvée en dépit des hostilités militaires en cours.  Il faut tirer parti de l’élan positif généré par ces deux résultats et intensifier les efforts pour trouver d’autres moyens de désamorcer les tensions, a encouragé la représentante.  Elle a exhorté les membres du Conseil à surmonter leurs divisions et à travailler de manière constructive à de telles initiatives de paix.

La déléguée a demandé la démilitarisation de toutes les zones autour des installations nucléaires de l’Ukraine et l’accès des inspecteurs internationaux.  Elle a prévenu des risques d’aboutir à un conflit plus étendu en Europe, avec des dommages irréparables à long terme à l’architecture mondiale de paix et de sécurité.  Les parties doivent rechercher un règlement pacifique à ce conflit, a encore insisté la représentante, en soulignant la nécessité de préserver la vie et la sécurité des civils, en particulier des femmes et des enfants.  Elle a prié la Fédération de Russie de retirer toutes ses troupes de l’Ukraine et de poursuivre la diplomatie et le dialogue pour résoudre ses préoccupations sécuritaires.

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a indiqué que son pays vient de répondre à la demande d’assistance humanitaire de l’Ukraine.  Ces six derniers mois, a-t-elle précisé, l’Inde a envoyé environ 97,5 tonnes d’aide humanitaire à l’Ukraine et aux pays voisins, lesquels avaient appuyé l’évacuation de quelque 22 500 ressortissants indiens, aux mois de février et de mars derniers.  Réclamant la cessation immédiate des hostilités et de la violence, la représentante a préconisé un dialogue entre l’Ukraine et la Fédération de Russie.  Elle a aussi estimé qu’il faut, à ce stade, donner la priorité à l’aide humanitaire d’urgence, laquelle doit toujours s’appuyer sur les principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance, sans politisation aucune. 

La représentante a promis que son pays travaillera avec la communauté internationale pour atténuer les conséquences économiques du conflit.  La sécurité alimentaire étant une source de graves préoccupations, l’Inde, a-t-elle indiqué, a été priée par plusieurs pays d’élargir l’accès à son blé et à son sucre.  Ces trois derniers mois, a-t-elle dit, nous avons exporté plus de 1,8 million de tonnes de blé vers l’Afghanistan, le Myanmar, le Soudan ou encore le Yémen et nous essayons d’accroître la production d’engrais.  Il faut aussi, a poursuivi la représentante, faire en sorte qu’en matière de pétrole, l’offre corresponde à la demande.  Le libre-échange ne saurait servir d’argument pour perpétuer le manque d’équité et la discrimination. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a rappelé qu’hier, le Conseil de sécurité s’est réuni pour examiner une menace spécifique à la paix et à la sécurité internationales, à savoir les bombardements de Kiev contre la centrale de Zaporojie, qui précipite l’Europe au bord de la catastrophe nucléaire.  La réunion d’aujourd’hui, cependant, n’est pas officiellement liée à l’évolution de la situation car elle ne vise qu’à manifester le soutien indéfectible des délégations occidentales à tous les agissements du « régime de Kiev ».  Personne, a concédé le représentant, ne prétend que les Ukrainiens ne traversent pas une période difficile mais la responsabilité en incombe au « régime de Kiev », arrivé au pouvoir en 2014 à la suite d’un coup d’État anticonstitutionnel mené avec l’aide de plusieurs États occidentaux.   

Dès les premiers jours, les nouvelles autorités de Maïdan ont commencé à conduire l’Ukraine au désastre, épousant la russophobie et la glorification des criminels nazis.  Aujourd’hui, plus de 60% de la population ukrainienne est privée de son identité russophone, ce sur quoi les conservateurs occidentaux, aveuglés par leur objectif géopolitique d’affaiblir la Russie, ont fermé les yeux.  Le « régime de Kiev » a montré sa nature criminelle lorsqu’il a brûlé vifs des dissidents dans la maison des syndicats d’Odessa et largué des bombes et des obus sur la population civile du Donbass.  Dans cette croisade insensée contre elle-même, l’Ukraine a perdu la Crimée et provoqué une résistance des habitants de Donetsk et de Lougansk, qui ont pris les armes au nom de la liberté et de l’avenir de leurs enfants.  

Cette guerre, qui a coûté la vie à des civils pendant huit ans, aurait pu prendre fin si Kiev avait respecté les Accords de Minsk, a fait valoir M. Nebenzia.  Mais ni les autorités ukrainiennes ni leurs patrons étrangers n’ont opté pour cette voie.  Dans ces conditions, nous n’avions d’autre choix que de lancer une opération spéciale de dénazification et de démilitarisation en Ukraine, a affirmé le représentant avant de s’attarder sur la dévastation que l’Ukraine elle-même répand dans le Donbass.  Au lieu de la condamner, les Occidentaux continuent de lui fournir toujours plus d’armes, se faisant complices des crimes contre la population civile, à coup de mines papillons, preuve vivante du sadisme et de la sauvagerie du « régime de Kiev ».  Les Russes, a aussi affirmé M. Nebenzia, sont accueillis dans le Donbass en libérateurs contrairement à ce que veulent faire croire Kiev et ses parrains occidentaux.  

Passant au succès de l’Initiative céréalière de la mer Noire, le représentant s’est tout de même inquiété de ce qu’en quatre semaines, un seul navire sur 34 navires soit parti pour l’Afrique qui souffre comme les autres des erreurs de calcul des pays occidentaux et des conséquences des sanctions imposées à la Fédération de Russie.  Vous ne pouvez pas convaincre de la nature soi-disant ciblée de vos mesures unilatérales, s’est emporté M. Nebenzia.

Huit ans après le lancement du « projet Maïdan », a-t-il estimé, il est devenu évident que la principale et en fait la seule menace à l’indépendance de l’Ukraine, c’est le « régime de Kiev » lui-même car à tous les niveaux du Gouvernement et dans tous les principaux départements, des conseillers occidentaux opèrent et sans leur consentement, aucune décision sérieuse n’est prise.  Le Président américain Joe Biden ne s’est-il pas vanté d’avoir obtenu la tête du Procureur général de l’Ukraine?  « Si c’est ça l’indépendance, alors qu’est-ce que la dépendance? » a ironisé le représentant.  L’Ukraine est devenue une nation « anti-Russie » impitoyable qui se dirige d’un pas décidé vers sa faillite idéologique et politique et « nos collègues occidentaux peuvent prolonger son agonie, mais pas empêcher son fiasco », a conclu le représentant, sans oublier de souhaiter au « peuple frère de l’Ukraine » d’arracher sa liberté et son droit de bâtir une société en paix avec ses voisins.  

M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a dit avoir suivi avec intérêt les déplacements du Secrétaire général en Ukraine et en Türkiye, et ses efforts pour réduire l’incidence de la crise alimentaire.  Il s’est félicité que l’Initiative céréalière de la mer Noire continue de fonctionner et que ce qui permet d’alimenter les marchés mondiaux, notamment par le biais du Programme alimentaire mondial.  Il a apprécié ces avancées, y voyant une réalisation importante en temps de guerre.  Il a aussi salué le travail très important de facilitation de la Türkiye, qui a permis la signature de cet accord.  Malgré ces avancées, il a regretté que le Conseil de sécurité n’ait pu prévenir ni mettre un terme à cette guerre.  L’invasion d’un pays souverain, l’Ukraine, par la Russie, constitue une violation flagrante de l’Article 2.4 de la Charte des Nations Unies, a-t-il rappelé, cet article prévoyant que toute acquisition territoriale obtenue par l’utilisation illégale de la force est nulle et n’a aucune valeur.  Il a donc jugé qu’il est temps de mettre un terme à la guerre, après six mois de bombardements, de violations des méthodes de conduite des hostilités, de violences sexuelles, d’utilisation d’armes indiscriminées, entre autres.  Il a exhorté les parties à mettre un terme à ces attaques, en particulier celles qui visent les civils, et à respecter les principes de différenciation, de proportionnalité et de prudence.  Il a soutenu les travaux d’enquête du Procureur de la CPI et s’est dit en faveur de la création d’une mission d’établissement des faits sur les crimes de guerre présumés à Olenivka.  Le représentant a aussi appelé à tout faire pour éviter que les armes ne tombent dans de mauvaises mains.  Il a réitéré son appel de toute urgence à la négociation de la cessation des hostilités et à la recherche d’une solution du conflit par la voie du dialogue.

M. ZHANG JUN (Chine) a demandé si le Conseil de sécurité a pris la bonne voie pour résoudre la crise en Ukraine.  Est-ce que le Conseil s’est véritablement attelé à apaiser la situation?  Selon lui, il est important que le droit international humanitaire dicte les comportements des parties au conflit.  Les civils et les infrastructures civiles ne peuvent être ciblées par des frappes militaires.  Le représentant a dit être préoccupé par les attaques contre une centrale nucléaire faisant planer le spectre d’une guerre nucléaire.  Il a appelé les parties à la retenue et à s’abstenir de toute action qui pourrait compromettre la sécurité et la sûreté de ce site.  Les experts de l’AIEA doivent pouvoir se rendre sur place, évaluer la situation pour pouvoir prendre des mesures de suivi afin d’éviter une catastrophe nucléaire.

M. Zhang a demandé des mesures pour atténuer les souffrances humaines, aider les réfugiés et les déplacés ukrainiens.  Il faut aussi réduire les effets du conflit sur les prix des denrées alimentaires et de l’énergie et la crise financière.  Saluant le Secrétaire général ainsi que les autres parties compétentes pour avoir facilité l’accord sur l’exportation de céréales par la mer Noire, le représentant a plaidé pour une réduction des effets délétères des sanctions imposées par certains pays.  La Russie et l’Ukraine doivent poursuivre le dialogue et revenir à des négociations diplomatiques le plus rapidement possible et ainsi réunir les conditions propices à un cessez-le-feu, a ajouté le délégué.

Invitant les États-Unis et l’OTAN à ne pas jeter de l’huile sur le feu, le représentant de la Chine a appelé à la vigilance face aux tentatives d’aggraver les divisions et de plonger le monde dans une nouvelle guerre mondiale.  La mentalité de la guerre froide et de l’opposition entre blocs doit être rejetée.  Selon lui, l’élargissement de l’OTAN vers l’Est n’aboutira pas à une Europe plus sûre, la sécurité d’un pays ne devant pas être garantie au détriment de la sécurité d’un autre ni d’une région.  Il ne faut pas non plus isoler certains pays ou prendre parti ou encore choisir son camp, a exhorté le représentant, dans la mesure où les économies des différents pays sont profondément intégrées les unes aux autres.

M. SILVIO GONZATO, de l’Union européenne, a commencé par féliciter l’Ukraine pour le trente et unième anniversaire de son indépendance et le courage extrême dont elle fait preuve aujourd’hui pour protéger cet acquis.  Condamnant fermement la violation de la Charte, de la décision de la Cour internationale de Justice (CIJ) et du droit international par la Fédération de Russie, le représentant s’est ensuite attardé sur le risque d’une catastrophe nucléaire qui plane désormais sur le monde.  Il a exhorté la Fédération de Russie à retirer immédiatement ses troupes de la centrale de Zaporijia pour que les autorités ukrainiennes puissent y assumer leurs responsabilités, sans ingérence extérieure, menace ou conditions de travail inacceptables.  Il a plaidé pour le déploiement d’une mission de l’AIEA, dans le strict respect de la souveraineté de l’Ukraine. 

Nous connaissons tous, a-t-il poursuivi, les conséquences mondiales de l’agression russe, dont l’envolée des prix des denrées alimentaires et de l’énergie.  Le représentant a salué les progrès de l’Initiative céréalière de la mer Noire et s’est réjoui que les « corridors de solidarité » de l’Union européenne aient réussi à faire passer les exportations ukrainiennes de 1,3 million de tonnes au mois d’avril à 2,8 millions au mois de juillet.  L’Union européenne appuie aussi la production agricole et la résilience des pays affectés par a crise. 

Saluant l’implication personnelle du Secrétaire général, le représentant a particulièrement dit apprécier l’appel à la démilitarisation de la centrale nucléaire de Zaporijia et à la création d’une mission d’établissement des faits pour enquêter sur l’incident au centre de détention d’Olenivka.  Il a conclu, en soulignant l’attachement de l’Union européenne à la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, dans ses frontières internationalement reconnues, y compris maritimes.  La Fédération de Russie peut mettre fin à cette guerre maintenant si elle retire ses troupes complètement, immédiatement et inconditionnellement.  En attendant, l’Union européenne, a promis le représentant, restera solidaire et s’efforcera d’atténuer l’impact de l’agression russe, en particulier sur les plus vulnérables. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Biodiversité en haute mer: à trois jours de la fin de la session, la Présidente de la Conférence BBNJ réclame « des compromis pour parvenir à un consensus »

Cinquième session,
59e séance plénière - après-midi
MER/2162

Biodiversité en haute mer: à trois jours de la fin de la session, la Présidente de la Conférence BBNJ réclame « des compromis pour parvenir à un consensus »

Alors que la Conférence intergouvernementale « BBNJ » (« Biodiversity beyond national jurisdiction ») destinée à rédiger un accord juridiquement contraignant achève les travaux de sa cinquième session dans trois jours, vendredi 26 août, les participants ont tenu une nouvelle séance plénière en fin de journée afin de faire le point sur les négociations visant l’élaboration d’un texte consacré à la préservation de la biodiversité marine des zones ne relevant pas des juridictions nationales. 

« C’est la dernière ligne droite », a rappelé la Présidente de la Conférence, Mme Rena Lee (Singapour), en appelant les délégations à faire des compromis pour parvenir à un consensus.  Elle leur a demandé de faire preuve d’une extrême flexibilité au cours de cette seconde semaine pour parvenir à des solutions innovantes.  Les participants à la Conférence basent leurs travaux sur un texte publié le week-end dernier, un « texte rafraîchi » faisant apparaître les changements apportés au projet d’accord révisé pendant la première semaine de travaux.  Mme Lee a, comme pour les séances précédentes, invité les facilitateurs à faire le point sur les travaux de groupe.

Sur les « questions concernant les ressources génétiques marines, y compris celles liées au partage des avantages », qui constituent la partie II du texte, la représentante du Belize, facilitatrice des négociations sur le sujet, a relevé que les délégations ont salué le projet de texte actualisé de la Présidente, y compris la restructuration des articles 10, 11 et 13.  Sur l’article 11 précisément, relatif au « partage juste et équitable des avantages », la facilitatrice a dit avoir fait une proposition de rédaction sur le paragraphe 3 pour une discussion plus approfondie sur les formes de ce partage.  Au sujet de l’article 13, relatif à la transparence, elle a noté le souhait des délégations de clarifier davantage les modalités et les rôles des arrangements institutionnels pertinents.  Elle a remercié les petits groupes de négociation qui ont terminé leurs devoirs, avant d’inviter le Groupe des États d’Afrique et la Norvège à mener des discussions en petits groupes sur les articles 10 et 11, ainsi que sur certains aspects de l’article 13 qui ont trait à l’article 11, en vue d’en rendre compte mercredi.  L’article 10 a trait à l’accès aux connaissances traditionnelles des peuples autochtones et des communautés locales relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.

La représentante du Canada, facilitatrice des discussions informelles sur les questions relatives aux « outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées, et autres mesures » (partie III), a indiqué que ce matin, son groupe a repris son examen de cette partie en mettant l’accent sur l’article 19 (Prise de décisions).  Selon elle, les délégations considèrent cet article comme important pour la mise en œuvre de cette partie du futur traité, notamment parce qu’il définit le rôle de la Conférence des Parties et sa relation avec les instruments et cadres juridiques applicables et avec les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents.  Elle a fait état d’une convergence générale sur ce que la Conférence des Parties doit faire ou ne pas faire, en particulier sur le pouvoir qu’elle a d’établir des outils de gestion par zone pour conserver et utiliser durablement les zones nécessitant une protection, sans dupliquer ou saper le travail des instruments, cadres et organes pertinents. 

La facilitatrice a précisé que certaines délégations ont proposé de modifier le libellé du projet d’accord afin d’énoncer plus clairement le mandat de la Conférence des Parties, éventuellement par le biais d’un chapeau, puis d’énumérer ce mandat dans des alinéas.  Par ailleurs, plusieurs délégations ont souhaité que la Conférence des Parties fasse des recommandations directement aux instruments, cadres et organes pertinents, ce qui diffère de l’obligation imposée aux parties en vertu de l’article 20 (4), article relatif à la mise en œuvre.

Prenant la parole à son tour, le facilitateur des travaux sur les « études d’impact sur l’environnement » (partie IV), le représentant des Pays-Bas, a salué le fait que le groupe discutant de l’article 23, dirigé par Singapour, ait conclu ses travaux après avoir bien avancé sur la révision dudit article.  Cet article 23 s’intitule « Relation entre le présent Accord et les procédures relatives aux études d’impact sur l’environnement prévues par les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents ».  De même, le groupe sur l’article 30 (Procédure relative aux études d’impact sur l’environnement) dirigé par le Canada a terminé ses travaux et rationalisé le texte, tout comme le groupe sur l’article 41 ter (Évaluations stratégiques environnementales) dirigé par le Royaume-Uni qui a conclu et présenté ses résultats. 

Ce groupe de travail a aussi examiné la question des définitions de l’article premier qui sont pertinentes pour la partie IV du futur accord, a indiqué le facilitateur en expliquant qu’il a proposé de poursuivre les négociations sans définition du terme « évaluations stratégiques environnementales ».  Sur la définition de l’étude d’impact sur l’environnement, les délégations sont divisées et n’ont pu faire un choix parmi les trois options actuellement contenues dans le projet d’accord, a-t-il noté.  Enfin, les délégués ont souhaité que la définition d’« activité sous la juridiction ou le contrôle d’un État » soit purement supprimée.  Concernant l’article 41 ter, le petit groupe dirigé par le Royaume-Uni a bien avancé sur ce paragraphe, mais la question de savoir si les évaluations environnementales stratégiques devraient être volontaires ou obligatoires doit encore être résolue.

Enfin, la représentante de la Nouvelle-Zélande a parlé des discussions portant sur les « questions transversales ».  Sur le règlement des différends et les avis consultatifs, elle a noté une large convergence pour conserver les articles 54 et 54 bis, avec une éventuelle clarification des champs d’application découlant de l’article 54.  L’article 54 ter, sur les différends touchant une nature technique, a été fortement soutenu en tant que disposition utile pour les différends de cette nature.  En ce qui concerne les procédures de règlement des différends prévues à l’article 55, la plupart des délégations ont soutenu l’option d’une procédure contraignante, même si quelques délégations n’étaient pas favorables à une procédure contraignante obligatoire.  L’article 55 bis sur les arrangements provisoires a suscité un soutien important, tandis que d’autres discussions sont nécessaires sur l’article 55 ter relatif aux avis consultatifs.

Après les rapports des facilitateurs, la représentante d’Antigua-et-Barbuda, s’exprimant au nom de l’Alliance des petits États insulaires en développement (AOSIS), s’est inquiétée du fait qu’à trois jours de la fin de la session, certains articles, comme le « 5 » (Approches et principes généraux), n’aient pas encore fait l’objet de négociations.  Se voulant rassurante, la Présidente de la Conférence a pronostiqué que cela serait fait ce mercredi 24 août.  Pour sa part, la représentante de la Barbade, parlant pour le compte de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a invité la Présidente à modifier la méthodologie suivie pour les travaux en passant à des séances plus larges.  Cela permettrait aux États de se parler directement et de parvenir à un accord d’ici à vendredi, a-t-elle argué.  Quant à la représentante du Nicaragua, elle a prévenu que du fait de l’absence de l’interprétation dans certaines séances de groupes, sa délégation pourrait revenir sur certains libellés quand la version finale du projet d’accord sera disponible en espagnol.

La prochaine séance plénière de la Conférence aura lieu jeudi 25 août, à 13 heures.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Ukraine: Face aux tensions autour de la centrale nucléaire de Zaporijia, le déploiement d’une mission d’inspection de l’AIEA est attendu par tous

9114e séance – après-midi
CS/15003

Ukraine: Face aux tensions autour de la centrale nucléaire de Zaporijia, le déploiement d’une mission d’inspection de l’AIEA est attendu par tous

Douze jours après la dernière séance en date du Conseil de sécurité à ce sujet, la Fédération de Russie et l’Ukraine ont continué, cet après-midi, à se rejeter la responsabilité des menaces qui planent sur la centrale nucléaire de Zaporijia.  Suivie par plusieurs membres du Conseil, la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix de l’ONU, Mme Rosemary DiCarlo, a repris à son compte l’appel lancé le 11 août par le Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour que soit déployée dans les meilleurs délais une mission d’expertise sur le site.

Mme DiCarlo a rappelé que le complexe est exploité par des techniciens ukrainiens placés sous le contrôle des forces militaires russes qui l’occupent depuis le début du mois de mars.  Alors que des informations inquiétantes font état d’une escalade des bombardements à proximité depuis début août, la haute fonctionnaire a appelé les deux parties à ne pas mettre en danger l’intégrité physique, la sûreté ou la sécurité de la plus grande centrale nucléaire d’Europe, sous peine de conséquences « dévastatrices ».  Le Secrétaire général de l’ONU s’est entretenu de la question le 15 août, lors d’un appel avec le Ministre russe de la défense, M. Sergueï Choïgou, puis avec le Président ukrainien, Volodymyr Zelenskyy, lors de la visite qu’il a effectuée à Lviv, le 18 août, a-t-elle rappelé. 

Reprenant à son compte l’appel lancé par M. António Guterres, Mme DiCarlo a plaidé pour une démilitarisation du site et de ses abords, demandant le retrait de tous les personnels et équipements militaires de la centrale de Zaporijia, avant de saluer les « intentions déclarées » de l’Ukraine et de la Russie d’appuyer la mission de l’AIEA.  Elle a en outre prévenu des risques humanitaires que fait courir toute déconnexion des réacteurs du réseau électrique ukrainien à l’approche de l’hiver, avant de rappeler que l’électricité produite par cette centrale « appartient à l’Ukraine ».  La Norvège a d’ailleurs accusé Moscou de « prendre en otage » une source essentielle d’approvisionnement énergétique pour Kyïv.

La tenue de cette séance avait été demandée par la Fédération de Russie, qui a accusé les forces armées ukrainiennes de continuer de bombarder « presque quotidiennement », avec l’aval de leurs « protecteurs » et « mécènes occidentaux », le site de la centrale et la ville voisine d’Energodar, créant un risque réel d’accident radiologique aux conséquences « catastrophiques » pour l’ensemble du continent européen.

Le représentant russe a également critiqué le Secrétaire général lui-même, regrettant qu’il n’ait pas appelé les autorités de Kiev à cesser leurs bombardements.  Il s’est également dit « déçu » que M. Guterres ait simplement souhaité, selon lui, que l’action militaire « contourne » la centrale de Zaporijia.  S’adressant à Mme DiCarlo, il lui a demandé s’il était possible que le Chef de l’Organisation obtienne du Président Zelenskyy qu’il arrête de faire bombarder la centrale.  La Secrétaire générale adjointe n’a pas repris la parole en fin de séance.

Le représentant de l’Ukraine a, pour sa part, vu cette séance comme une « perte de temps », affirmant que la Russie a besoin de la centrale de Zaporijia pour mener « sa guerre » et répondre aux besoins énergétiques de la Crimée et des autres territoires ukrainiens occupés illégalement.  « Personne ne peut croire que nous prendrions le risque de tirer sur notre propre centrale et de déclencher une catastrophe nucléaire sur notre propre sol », a tranché le délégué.  À l’inverse, son homologue russe a estimé que ses collègues « vivent dans une réalité parallèle, où les militaires russes frappent eux-mêmes, et avec des systèmes d’artillerie américains, une centrale placée sous leur garde ».  Contrairement aux allégations portées contre elle, la Russie ne place pas d’armes lourdes sur le territoire de la centrale et n’utilise pas celle-ci à des fins militaires, a-t-elle assuré, se disant prête à soumettre à l’AIEA des images de haute précision confirmant ces dires.

Au lieu de convoquer une réunion du Conseil sur la crise à Zaporijia, a rétorqué le Royaume-Uni, la Fédération de Russie pourrait la résoudre immédiatement en retirant ses forces de la centrale et de toute l’Ukraine, et en cessant son « agression insensée », qui contrevient aux principes de la Convention sur la sûreté nucléaire et à d’autres conventions internationales applicables.  Il a demandé à ce pays de rendre le contrôle « total » de toutes les installations nucléaires ukrainiennes à leur « propriétaire souverain légitime » afin qu’il puisse assurer leur exploitation en toute sécurité.

Saluant elle aussi l’accord de principe donné par la Fédération de Russie et l’Ukraine au principe d’une mission de l’AIEA, la Chine a considéré que « l’avenir de l’humanité » dépend de cette sûreté et de cette sécurité des installations nucléaires.  « Promouvons la science, la coopération et la communication et surmontons nos divergences et nos considérations militaires pour éviter de nouveaux Tchernobyl et Fukushima », a-t-elle recommandé.

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclaration liminaire

Gravement préoccupée par la dangereuse situation à l’intérieur et autour de la centrale nucléaire de Zaporijia, Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix des Nations Unies, a rappelé que cette centrale est exploitée par des techniciens ukrainiens placés sous le contrôle des forces militaires russes depuis début mars.  Face à des informations inquiétantes faisant état d’une escalade des bombardements autour de la centrale depuis début août, la haute fonctionnaire a appelé toutes les parties concernées à s’abstenir de toute action de nature à mettre en danger l’intégrité physique, la sûreté ou la sécurité de la plus grande centrale nucléaire d’Europe.  Elle a indiqué que le Secrétaire général s’est entretenu sur la question, le 15 août, lors d’un appel avec le Ministre russe de la défense, M. Sergueï Choïgou, puis avec le Président ukrainien Volodymyr Zelenskyy lors de sa visite à Lviv, le 18 août. 

M. Guterres, a ajouté Mme DiCarlo, a continué d’appeler à l’arrêt immédiat de toutes les activités militaires dans le voisinage immédiat du site.  Elle a demandé que tous les personnels et équipements militaires soient retirés de la centrale nucléaire de Zaporijia et que celle-ci ne soit pas utilisée dans le cadre d’une opération militaire, et qu’un accord sur un périmètre de démilitarisation soit conclu.  Mme DiCarlo s’est inquiétée d’informations quasi quotidiennes d’incidents alarmants impliquant l’usine.  Face à un réel risque de catastrophe, elle a indiqué que l’ONU continue d’appuyer pleinement le travail crucial de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et ses efforts pour assurer l’exploitation sûre de la centrale nucléaire de Zaporijia et d’autres installations nucléaires en Ukraine, à condition que l’Ukraine et la Russie soient d’accord.

Dans ce contexte, la Secrétaire générale adjointe a exhorté à nouveau les parties à fournir à la mission de l’AIEA un accès immédiat, sécurisé et sans entrave au site, avant de saluer les intentions déclarées de l’Ukraine et de la Russie d’appuyer une telle mission.  Réitérant l’urgence de parvenir à un accord, elle a prévenu que tout dégât potentiel à cette centrale, ou tout autre installation nucléaire en Ukraine, entraînerait des conséquences catastrophiques, non seulement pour le voisinage immédiat, mais pour la région et au-delà.

Par ailleurs, Mme DiCarlo s’est inquiétée des conséquences humanitaires de toute déconnexion de la centrale du réseau électrique ukrainien, surtout à l’approche de l’hiver, avant de rappeler que l’électricité produite par cette centrale appartient à l’Ukraine.  À ce stade, elle a jugé impératif d’obtenir l’engagement des parties de mettre fin à toute activité militaire autour de la centrale en vue de permettre la poursuite de ses opérations normales dans les conditions de sûreté et de sécurité demandées, avant de faire sien l’avertissement du Secrétaire général selon lequel tout dégât potentiel serait « suicidaire ».

Déclarations

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a constaté que, depuis la dernière réunion du Conseil consacrée à la centrale nucléaire de Zaporijia, il y a près de deux semaines, la situation de la sûreté nucléaire s’est encore détériorée.  Il a accusé les forces armées ukrainiennes de continuer de bombarder presque quotidiennement le site de la centrale et la ville voisine d’Energodar, créant un risque réel d’accident radiologique qui entraînerait des conséquences catastrophiques pour l’ensemble du continent européen. 

Détaillant son propos, le représentant a précisé que, selon le Ministère russe de la défense et l’administration civile de la région de Zaporijia, des unités de la 44e brigade d’artillerie des forces armées ukrainiennes ont bombardé, le 11 août, la centrale avec des obus de 152 millimètres.  À la suite de cette frappe, a-t-il indiqué, des équipements du système de refroidissement des réacteurs nucléaires ont été endommagés.  Le 14 août, a poursuivi M. Nebenzia, les forces ukrainiennes ont mené 10 attaques contre la centrale avec des obus de 155 millimètres pour obusier M777 de production américaine et deux munitions guidées.  Un bombardement de la ville d’Energodar a également fait un mort et un blessé parmi la population.  Le 15 août, ce sont 30 obus qui ont été tirés sur la zone avec des canons de 152 millimètres.  Le 17 août, 11 obus ont été tirés et un drone kamikaze sans pilote de fabrication polonaise a effectué trois frappes de munitions traînantes le long d’Energodar.  Le 18 août, a-t-il encore énuméré, sept attaques ont été enregistrées sur Energodar avec des moyens d’artillerie lourde.  Le 20 août, des obus d’artillerie de 155 millimètres et des fusées M379 de production américaine ont été tirés depuis des positions ukrainiennes, touchant des bâtiments annexes spécialisés de la centrale et endommageant l’unité hydraulique et des systèmes d’éclairage.  Le 22 août, un drone a attaqué la zone du laboratoire numéro 2 et des frappes sur Energodar ont tué un civil et blessé un autre. 

À l’appui de ses dires, le représentant a montré une photo des destructions opérées, selon lui, sur le territoire de la centrale à la suite de bombardements ukrainiens.  Il a déclaré avoir distribué dans la matinée une sélection de ces « preuves photographiques », en tant que « documents officiels » du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale des Nations Unies.  Pour M. Nebenzia, le fait est que le « régime de Kiev », en ne cessant pas ses attaques contre la centrale, est en train de commettre des actions criminelles avec l’aval de ses « mécènes occidentaux ».  Lors de la dernière réunion du Conseil, a-t-il rappelé, pas une seule délégation occidentale n’a condamné les bombardements de la centrale par les forces armées ukrainiennes et aucune n’a appelé le « régime de Kiev » à les arrêter.  En revanche, a-t-il relevé, des appels ont été lancés à la Russie pour qu’elle cesse certaines « actions récentes autour de la centrale de Zaporijia », ce qui atteste du fait que « nos collègues vivent dans une réalité parallèle, selon laquelle les militaires russes frappent eux-mêmes, et avec des systèmes d’artillerie américains, une centrale qui est sous leur garde ».  Aux yeux du délégué, « l’apothéose de cette absurdité » a été atteinte avec les déclarations récentes du député britannique Tobias Ellwood et du membre de la Chambre des représentants des États-Unis Adam Kinzinger, qui ont affirmé que le bombardement de la centrale pourrait devenir un prétexte à l’activation de l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord. 

Dans le même temps, a observé le représentant, les médias occidentaux font croire qu’il n’y a pas de danger pour la population européenne et qu’en cas d’accident consécutif à un bombardement, il n’y aurait pas de catastrophe à grande échelle, la centrale devant résister aux missiles.  Alors que, même dans le scénario le moins destructeur, la population de la région de Zaporijia serait atteinte par la radioactivité, les pays occidentaux sont apparemment prêts à accepter des « dommages collatéraux », a-t-il assené, y voyant un mépris pour les droits humains, dont ces pays se gargarisent pourtant, et une « attitude cynique » envers la population ukrainienne.  Selon lui, une catastrophe résultant du bombardement de la centrale de Zaporijia par les forces armées ukrainiennes n’a jusqu’à présent pu être évitée que grâce au travail conjoint et coordonné des travailleurs de la station, des équipes d’incendie et d’urgence et du personnel militaire russe qui leur a fourni des services d’urgence complets.  Contrairement aux fausses affirmations du « régime de Kiev » et de ses « protecteurs », la Russie ne place pas d’armes lourdes sur le territoire de la centrale et n’utilise pas celle-ci à des fins militaires, a-t-il assuré, se disant prêt à soumettre à l’AIEA des images de haute précision confirmant cette affirmation. 

Regrettant que la récente visite du Secrétaire général en Ukraine n’ait pas donné lieu à un appel aux autorités de Kiev pour qu’elles cessent de bombarder la centrale, M. Nebenzia s’est aussi dit déçu que M. António Guterres ait simplement souhaité que l’action militaire « contourne » la centrale de Zaporijia.  S’adressant à Mme DiCarlo, il lui a demandé s’il était possible que le Secrétaire général obtienne de M. Volodymyr Zelenskyy qu’il arrête de bombarder la centrale.  « Quelle justification le Secrétariat de l’ONU peut-il donner au fait que les bombardements de la centrale se poursuivent, à la lumière des profondes préoccupations de l’AIEA? »  Le représentant a assuré que son pays avait appuyé les efforts de l’AIEA et de son directeur général pour organiser une mission à la centrale.  « Nous avons fait de notre mieux pour que la visite des experts de l’Agence ait lieu le 3 juin », a-t-il dit, écartant toute responsabilité de Moscou dans l’échec de ce voyage.  « Nous espérons que la mission de l’AIEA aura néanmoins lieu dans un avenir proche et que les spécialistes de l’Agence seront en mesure de confirmer la véritable situation à la centrale », a-t-il cependant déclaré. 

Avant de conclure, M. Nebenzia a souhaité attirer l’attention des membres du Conseil sur le « drame » survenu le 20 août en banlieue de Moscou, à savoir l’explosion de la voiture dans laquelle se trouvait la journaliste, correspondante de guerre et politologue russe Daria Dugina.  Nos autorités compétentes ont ouvert une enquête, a-t-il indiqué, avant d’accuser les services spéciaux ukrainiens d’être derrière ce « crime monstrueux ».  Il a appelé le Conseil et les dirigeants de l’ONU à condamner « cet autre crime du régime de Kiev », qui s’ajoute selon lui au « chantage nucléaire » prenant la population européenne en otage.  Accusant les dirigeants ukrainiens d’avoir ouvertement appelé à tuer « le plus grand nombre de Russes », il s’est indigné de l’absence de condamnation des pays occidentaux qui, au contraire, aident les services spéciaux ukrainiens à « exterminer les indésirables ».  Pour preuve, il a cité le cas d’un citoyen ukrainien recruté sur le territoire tchèque et qui a suivi une formation de sabotage aux explosifs avant d’être envoyé sur le territoire de la « république populaire » de Donetsk pour y commettre des attentats terroristes.  Dans ce contexte, a noté le délégué, il n’est pas surprenant que les autorités tchèques aient « perdu tout sens moral » en se réjouissant ouvertement du meurtre de Daria Dugina. 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) s’est alarmé des risques d’accident nucléaire en Ukraine.  L’intensification de l’activité militaire à proximité de la centrale nucléaire de Zaporijia et les allégations d’utilisation de ce site à des fins militaires font planer le spectre d’une catastrophe nucléaire aux conséquences potentiellement incalculables.  Les parties au conflit doivent s’abstenir de toute attaque, y compris les cyberattaques, sur les sites nucléaires et de toute rhétorique tendant à utiliser le risque nucléaire comme arme de guerre, a exigé le représentant, en appelant à des enquêtes indépendantes et impartiales pour établir la responsabilité des attaques et autres attentats à la bombe visant la centrale électrique de Zaporijia. 

Les belligérants doivent respecter les règles de sécurité nucléaire en vigueur et coopérer avec l’AIEA en vue de sécuriser les sites, a demandé le délégué.  Il les a exhortés à trouver un terrain d’entente sur les modalités opérationnelles de cette mission d’experts.  Au-delà de cette situation spécifique, le représentant a encouragé toutes les initiatives visant à ramener les parties à la table des négociations en vue de mettre fin aux hostilités.  L’Initiative céréalière de la mer Noire récemment conclue est une source d’espoir quant à la possibilité de trouver un accord de cessez-le-feu pour ouvrir la voie à des négociations de bonne foi en vue d’un retour à une paix durable, a-t-il estimé.

M. HAMAD ALKAABI (Émirats arabes unis) a indiqué que les bombardements autour de l’installation nucléaire font courir le risque à l’Ukraine, la région et le monde entier d’un grave accident nucléaire.  L’exemple de Tchernobyl a été fréquemment invoqué dans cette assemblée et ailleurs et avec raison, a-t-il rappelé, affirmant que le monde ne peut pas se permettre un scénario où une autre calamité de ce genre serait une possibilité.  Il a appelé à s’abstenir de toute action qui pourrait mettre davantage en danger l’installation de Zaporijia.  Le délégué a souligné l’importance que l’AIEA ait un accès complet et sans entrave au site afin d’évaluer les dommages et de s’assurer de la sécurité de l’installation.  Alors que le conflit a déjà duré presque six mois, il a plaidé pour un dialogue constructif susceptible de mener le conflit à un règlement pacifique et durable, d’une manière qui soit conforme à la Charte des Nations Unies et au droit international. 

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a déclaré sans ambages que la guerre d’agression menée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine a mis en danger la sûreté et la sécurité nucléaires en Ukraine, en Russie, en Europe et au-delà.  Elle a dénoncé l’utilisation par la Russie du Conseil de sécurité comme plateforme de désinformation en arguant qu’il ne fait aucun doute que la sûreté et la sécurité à l’intérieur et autour de la centrale nucléaire de Zaporijia se sont détériorées en raison de la présence d’un agresseur armé.  Appelant à une retenue maximale dans la zone concernée, la représentante a insisté sur l’importance de faciliter le déploiement d’une mission de l’AIEA sur place afin d’y mener les activités essentielles de sûreté, de sécurité et de garanties, tout en respectant pleinement la souveraineté ukrainienne.  À cet égard, elle a pris note des déclarations récentes indiquant que l’Ukraine et la Russie pourraient soutenir l’envoi par l’AIEA d’une mission à Zaporijia.  Exprimant la préoccupation de la Norvège quant au fait que la Russie prend aussi en otage une source essentielle d’approvisionnement en électricité pour l’Ukraine, la représentante a appelé Moscou à rendre le contrôle total de la centrale à son opérateur ukrainien.  Elle a félicité l’Ukraine de son engagement et de son dévouement à garantir la sûreté et la sécurité nucléaires continues dans des circonstances aussi graves.

M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a déclaré que la question débattue aujourd’hui au Conseil de sécurité dépasse le débat politique abstrait puisqu’elle nous rappelle que les pays voisins de l’Ukraine vivent quotidiennement sous la menace d’une catastrophe nucléaire.  Pourquoi la centrale nucléaire de Zaporijia est-elle utilisée comme base militaire de la Fédération de Russie? a-t-il demandé.  « Nous attendons toujours des explications de la part de la délégation russe », a insisté le représentant américain avant de s’inquiéter d’un récent tweet de l’Ambassadeur russe à Vienne mentionnant « pas de pitié pour le peuple ukrainien ».  Il a estimé que la Fédération de Russie peut éliminer tous les risques de catastrophes et mettre fin à cette guerre injustifiée en retirant ses troupes d’Ukraine.  Il a aussi jugé indispensable de permettre la création d’une zone démilitarisée autour de la centrale nucléaire de Zaporijia afin de permettre notamment au personnel, retenu contre son gré dans la centrale, d’en assurer la sécurité.  Par ailleurs, le représentant a exhorté la Fédération de Russie à permettre l’envoi d’une mission de l’AIEA sur le site de la centrale avant de rappeler que l’électricité qui y est produite appartient à l’Ukraine.  À l’approche de la fête de l’indépendance de l’Ukraine et du sixième mois du début de l’invasion, le représentant a exhorté la Fédération de Russie à mettre fin à ce bain de sang. 

Mme CAÍT MORAN (Irlande) a déclaré qu’elle restait profondément préoccupée par la situation à la centrale nucléaire de Zaporijia, notamment par les graves risques d’accident ou d’incident radiologique d’origine militaire sur le site.  Appelant à l’arrêt immédiat des bombardements en cours sur et autour de la centrale, elle a dit soutenir l’appel du Secrétaire général à la démilitarisation de l’usine et de ses environs.  La représentante a également appelé la Fédération de Russie, ainsi que tous les États, à s’engager envers les sept piliers de la sûreté et de la sécurité nucléaires, tels que définis par le Directeur général de l’AIEA, concernant les installations et les matières nucléaires pacifiques en toutes circonstances, y compris dans des situations de conflit armé.  Elle a par ailleurs salué la bravoure et le professionnalisme du personnel ukrainien de la centrale, avant d’exprimer son appui à l’envoi d’une mission de l’AIEA afin d’examiner les conditions de sûreté, de sécurité et de sauvegarde de la centrale, dans le respect de la souveraineté de l’Ukraine sur l’ensemble de son territoire et de ses infrastructures.  Cette mission doit bénéficier d’un accès complet, sans aucune restriction, et doit avoir lieu dans les plus brefs délais, a-t-elle insisté.

Se disant également préoccupée par les efforts visant à déconnecter la centrale du réseau électrique ukrainien, avec les risques que cela impliquerait en termes de sécurité nucléaire et d’alimentation énergétique des populations, la représentante a souhaité que l’on « appelle un chat un chat ».  Les problèmes à Zaporijia résultent uniquement de la guerre illégale de la Russie contre l’Ukraine, a-t-elle fustigé, dénonçant le mépris total de l’armée russe pour la sûreté et la sécurité nucléaires.  Après avoir rappelé que les attaques armées contre des installations nucléaires utilisées à des fins pacifiques constituent des violations du droit international, y compris des principes de la Charte des Nations Unies, elle a enjoint la Fédération de Russie à assumer ses responsabilités et à mettre fin à son occupation illégale du site, en retirant ses troupes et ses munitions.  Elle a enfin demandé que le contrôle de la centrale soit rendu aux autorités ukrainiennes compétentes soutenues par l’AIEA. 

Mme CAROLYN OPPONG-NTIRI (Ghana) a regretté le fait qu’en dépit des appels vibrants lancés par la communauté internationale demandant que toutes les activités militaires autour de la centrale de Zaporijia cessent, les attaques et la militarisation de la centrale nucléaire et de ses abords ne se sont pas arrêtées.  Préoccupée par cette situation, la représentante a condamné ces évolutions inacceptables et rappelé que le droit international, y compris le Protocole additionnel de 1977 à la Convention de Genève de 1949, interdisent les activités militaires aux abords de sites nucléaires.  Elle a demandé de respecter également la Convention sur la protection physique des matières nucléaires.  Concrètement, la représentante a appelé à la démilitarisation de l’ensemble des installations et des abords des installations de Zaporijia.  Se disant favorable à l’envoi d’une évaluation indépendante des normes de sécurité, de sûreté et des garanties, elle a appelé la Fédération de Russie, qui contrôle la centrale, à accepter qu’une mission de l’AIEA ait immédiatement un accès plein et entier à la zone.  L’AIEA doit agir rapidement pour évaluer le danger et réagir de manière appropriée, a-t-elle mis en garde.  La représentante a conclu en rappelant qu’il ne peut y avoir de solution militaire aux hostilités en cours et qu’il faut redoubler les efforts diplomatiques et de dialogue pour gérer le problème de défiance entre les parties.  Le retrait sans condition des troupes russes qui ont envahi l’Ukraine est une condition sine qua non pour ramener la paix dans le pays, a-t-elle déclaré. 

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a rappelé que tout accident impliquant les installations nucléaires pourrait avoir des conséquences désastreuses pour la population et l’environnement.  Elle a dit appuyer les efforts déployés actuellement, notamment par l’AIEA, pour réduire les tensions et prendre des mesures afin d’assurer la sûreté et la sécurité nucléaires de l’installation.  Dans ce contexte, elle a dit espérer que la visite proposée d’une équipe de l’AIEA à la centrale nucléaire de Zaporijia et ses environs sera convenue par les deux parties, comme indiqué dans leurs récentes déclarations.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a estimé qu’au lieu de convoquer une nouvelle réunion sur la crise de Zaporijia, la Fédération de Russie pourrait la résoudre immédiatement en retirant ses forces de la centrale et de toute l’Ukraine, et en cessant son agression insensée.  En plus de causer des souffrances indicibles au peuple ukrainien, l’invasion de la Fédération de Russie et ses efforts pour s’emparer par la force des centrales nucléaires ukrainiennes ont mis en péril la sécurité de millions de personnes dans la région, qui seraient affectées par un accident nucléaire en Ukraine, s’est-il indigné.  En attendant, d’importantes activités de vérification de la sûreté nucléaire et de garanties sur le site sont plus que jamais nécessaires, a fait remarquer le délégué.  À cet égard, il a salué les progrès en faveur d’une visite technique de l’AIEA, soulignant que toute visite doit se faire dans le respect de la souveraineté de l’Ukraine sur son territoire.  Il a salué les efforts de l’administration ukrainienne et du personnel de l’AIEA pour planifier et soutenir une telle mission, avant d’appeler la Fédération de Russie à fournir des garanties de sécurité appropriées.

La guerre de la Russie est imprudente et irresponsable, a jugé le représentant, arguant qu’une catastrophe nucléaire devrait être quelque chose d’impensable, tout comme le fait qu’un membre permanent du Conseil de sécurité puisse provoquer une telle menace en cherchant à s’emparer par la force des installations nucléaires d’un autre pays.  Les actions de la Russie sont contraires aux principes de la Convention sur la sûreté nucléaire et d’autres conventions internationales sur la sûreté nucléaire, a insisté le représentant avant de demander à nouveau à la Fédération de Russie de rendre le contrôle total de toutes les installations nucléaires ukrainiennes à leur propriétaire souverain légitime afin qu’il puisse assurer leur exploitation dans des conditions sécurisées.

M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a appelé les parties au bon sens pour éviter tout risque de catastrophe.  Rappelant qu’à l’ouverture de la dixième Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération nucléaire (TNP), le Secrétaire général avait déclaré que c’est à la chance que nous devons l’absence d’une catastrophe nucléaire, le représentant a prévenu que la chance n’est pas une stratégie.  Les attaques presque quotidiennes contre la centrale nucléaire de Zaporijia risquent d’avoir des conséquences humanitaires terribles non seulement pour l’Ukraine mais aussi pour le monde entier.  Toute attaque contre des infrastructures civiles, y compris nucléaires, est une violation flagrante du droit international humanitaire, du statut de l’AIEA, des Conventions de Genève de 1948 et du Protocole additionnel de 1977, a énuméré le représentant.  Rappelant qu’il est interdit de militariser les installations civiles, le représentant a jugé indispensable de s’entendre sur la mise en place d’une zone démilitarisée autour de la centrale nucléaire de Zaporijia pour permettre à l’AIEA d’obtenir des informations fiables sur les conditions qui prévalent sur place. 

Mme NATHALIE BROADHURST (France) a dit être très préoccupée par la menace que fait peser l’agression russe de l’Ukraine sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires ukrainiennes, faisant valoir que la présence et les actions des forces armées russes à leur proximité augmentent significativement le risque d’un accident.  La Russie porte la responsabilité de cette situation, a accusé la représentante avant d’appeler ce pays à rendre à l’Ukraine le contrôle total de la centrale nucléaire de Zaporijia, ainsi que de toutes les installations nucléaires d’Ukraine: tous les personnels et tous les matériels militaires russes doivent être retirés instamment de la centrale.  Le personnel ukrainien qui exploite la centrale doit pouvoir assumer ses missions sans menace et sans pression, a-t-elle insisté.  Elle a aussi appelé à respecter les sept piliers de la sûreté et de la sécurité nucléaires définis par le Directeur de l’AIEA.

La représentante a aussi demandé que soit rétablie la capacité de l’AIEA à contrôler les activités nucléaires pacifiques de toute l’Ukraine pour assurer le respect des garanties, qui a été compromise par les actions de la Russie.  Elle a recommandé de faciliter, dans les meilleurs délais, une mission des experts de l’AIEA à la centrale de Zaporijia et de mener cette mission dans le respect de la pleine souveraineté de l’Ukraine sur son territoire et sur ses infrastructures.  La France, a-t-elle dit, se félicite de l’accord de principe donné par l’Ukraine et la Russie quant à sa tenue.  La déléguée a espéré désormais des garanties de sécurité suffisantes et un engagement de toutes les parties afin que cette mission puisse se tenir dans les tout prochains jours.  « La France continuera d’appuyer au plus haut niveau les efforts de l’AIEA à cette fin. »

Mme STEPHANIE MUIGAI (Kenya) a regretté que le Conseil de sécurité ait cette discussion pour la deuxième fois en un peu plus d’une semaine, au moment même où la dixième Conférence d’examen des États parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) touche à sa fin.  Elle a souligné que le fait de prendre pour cible, accidentellement ou délibérément, des installations nucléaires les rendrait dévastatrices.  La représentante s’est félicitée de la récente visite à Lviv du Secrétaire général de l’ONU avant de soutenir son appel au retrait du matériel et du personnel militaires du site, ainsi qu’à l’arrêt immédiat de toute activité militaire autour de ce qui est la plus grande centrale nucléaire d’Europe pour garantir sa sécurité.  Mme Muigai a également demandé que l’AIEA puisse avoir un accès immédiat et inconditionnel au site de la centrale, afin de mener les activités de vérification de la sûreté, de la sécurité et de garanties indispensables.  Elle a conclu par un appel à la retenue pour éviter toute action susceptible d’aggraver encore la situation.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) s’est inquiété du risque d’une catastrophe écologique et humanitaire si la centrale nucléaire de Zaporijia venait à être détruite.  Rappelant que l’occupation militaire d’une centrale nucléaire est une violation de la Charte de l’ONU, du droit international humanitaire et du statut de l’AIEA, le représentant a jugé urgent de permettre à l’Agence de dépêcher une mission d’experts sur place.  Il s’est en effet inquiété de la poursuite des attaques aux alentours de la centrale et a exhorté toutes les parties de s’abstenir de tout acte de nature à mettre en péril la sûreté et les opérations des installations nucléaires.

Nous sommes réunis ici à cause de la guerre insensée, injustifiée, non provoquée et illégale de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, a souligné Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie).  Le risque d’une catastrophe nucléaire est une conséquence directe des actes de la Fédération de Russie, a-t-elle tranché, en condamnant l’occupation et la militarisation des centrales nucléaires ukrainiennes et la violence à l’intérieur ou à proximité de la centrale de Zaporijia ou contre son personnel.  Ce personnel, a-t-elle plaidé, doit être en mesure de faire son travail sans restriction, sans menace ni pression.  La déléguée a réitéré son soutien total à l’AIEA qui doit pouvoir accéder immédiatement, en toute sécurité et sans aucun obstacle, à toutes les installations nucléaires en Ukraine, et parler directement et sans ingérence avec les responsables ukrainiens de ces installations.

Selon la déléguée, les sept piliers essentiels de la sûreté et de la sécurité nucléaires ont tous été compromis à la centrale nucléaire de Zaporijia.  Elle a appuyé la volonté du Directeur général de l’AIEA de mener une mission d’experts dès que possible pour aider à stabiliser la situation et mettre en œuvre des protocoles de sûreté, de sécurité et de garanties.  Elle s’est dite préoccupée par les informations selon lesquelles la raison même de la présence du personnel militaire russe est de déconnecter la centrale du réseau électrique ukrainien et de détourner son énergie vers la Fédération de Russie.  La centrale de Zaporijia est ukrainienne, son électricité est ukrainienne et les troupes russes n’y ont pas leur place, a martelé la représentante.  La Fédération de Russie, a-t-elle conclu, doit mettre fin à sa guerre et retirer immédiatement toutes ses forces de l’Ukraine, y compris des installations nucléaires. 

M. GENG SHUANG (Chine) a regretté que la centrale nucléaire de Zaporijia ait encore essuyé des tirs, ces derniers jours.  Si sa sécurité n’a pas été compromise, selon l’AIEA, cela pourrait changer à tout moment, a mis en garde le représentant qui a appelé les parties à faire preuve de la plus grande retenue, à respecter le droit international et à mettre en œuvre les sept piliers de la sûreté et de la sécurité nucléaires.  Le représentant a estimé nécessaire que l’AIEA puisse organiser une visite à la centrale de Zaporijia pour une évaluation technique, et ce de manière professionnelle.  Il a pris note de la réaction positive de l’Ukraine et de la Fédération de Russie, en espérant qu’il sera possible d’arrêter le plus rapidement possible un calendrier pour la visite de l’AIEA. 

L’avenir de l’humanité dépend, a souligné le représentant, de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires.  Promouvons la science, la coopération et la communication et surmontons nos divergences et nos considérations militaires pour éviter de nouveaux Tchernobyl et Fukushima, a plaidé le représentant.  Il a appelé la communauté internationale à la désescalade, à des solutions politiques et diplomatiques et à la promotion d’un dialogue entre les parties concernées.  Il faut tenir compte des intérêts de l’autre, bâtir une architecture sécuritaire équilibrée et solide et faire les efforts nécessaires pour résoudre la crise ukrainienne, a préconisé le représentant.

M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a estimé que les raisons de la convocation de la présente réunion n’ont pas disparu, les tirs des forces armées ukrainiennes continuant malgré l’absence d’artillerie lourde russe dans la centrale ou de tirs russes.  Cela peut être confirmé notamment par des satellites, a-t-il assuré.  Il a dénoncé qu’on entende toujours et encore le même disque: c’est la Russie qui est responsable de tout.  Selon le représentant, les faits réels sont tus ou sont niés, pour un seul objectif: « pouvoir dédouaner et blanchir les acolytes de Kiev et les pousser à commettre les actes les plus irresponsables, car ils savent que de toutes façons ils seront couverts par leurs protecteurs ».  Il faut se mettre d’accord sur la mission de l’AIEA à Zaporijia, a demandé le représentant en rappelant avoir donné son accord déjà au mois de juin.  Il a critiqué la position de certains collègues occidentaux qui pensent que la seule solution est le retrait des troupes russes et la création d’une zone tampon autour de la centrale, « ce qui est irresponsable » selon lui car il faut avant tout créer des conditions pour le fonctionnement sécurisé de la centrale.  « Arrêtez de protéger vos acolytes de Kiev », a-t-il lancé à ses collègues.  Il les a aussi invités à cesser d’appeler ces « acolytes » à continuer les attaques contre la centrale de Zaporijia, qui risquent de provoquer une catastrophe nucléaire pour tout le continent européen.

Nous venons de perdre notre temps parce qu’un État terroriste a demandé la convocation d’une réunion sur ses propres violations, a déclaré M SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine).  Il a félicité l’ONU et l’AIEA de leurs efforts pour garantir la sûreté et la sécurité de toutes les installations nucléaires ukrainiennes, dans le contexte de l’invasion russe.  Il a appuyé la volonté de l’AIEA de dépêcher une mission à la centrale nucléaire occupée de Zaporijia et souhaité qu’elle soit menée dans le plein respect de la souveraineté de son pays qui doit avoir en main le détail de l’itinéraire que l’Agence compte emprunter.  Cette mission doit avoir lieu à notre demande exclusive et être couverte par des garanties agrées entre nous et l’AIEA, a martelé le représentant. 

Il a accusé la Fédération de Russie d’avoir contraint « les otages » de la centrale à communiquer des informations pour détourner l’attention des questions « cruciales », à savoir la démilitarisation de la centrale et la fin de la guerre.  La Russie, a-t-il dit, a besoin de cette centrale pour mener sa guerre et répondre aux besoins énergétiques de la Crimée et des autres territoires occupés illégalement.  Personne ne peut croire que l’Ukraine prendrait le risque de tirer sur sa propre centrale, au risque de déclencher une catastrophe nucléaire sur son propre sol.  Le représentant s’est dit convaincu qu’une visite de l’AIEA pourrait être un facteur déterminant pour la démilitarisation et la fin de l’occupation de la centrale.  Il a jugé inadmissible que la Russie place délibérément le monde au bord d’une catastrophe nucléaire. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Soudan: Le Procureur de la CPI insiste pour que justice soit rendue, ce qui exige plus de moyens et de coopération avec les autorités de transition

9113e séance - matin
CS/15002

Soudan: Le Procureur de la CPI insiste pour que justice soit rendue, ce qui exige plus de moyens et de coopération avec les autorités de transition

Le peuple du Darfour attend toujours que justice soit rendue et place à cet égard de grands espoirs dans la CPI et le Conseil de sécurité, a martelé le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), M. Karim Khan, en présentant ce matin au Conseil le dernier rapport de la Cour sur l’enquête au Soudan en liaison vidéo depuis Khartoum.  C’est la première fois dans l’histoire de la CPI que son procureur fait un exposé au Conseil depuis un pays dont il est chargé de la situation, a-t-il d’abord souligné avant de relater avec une certaine émotion les étapes de sa visite, dont trois camps de réfugiés au Darfour.  Dix-sept ans après l’adoption de la résolution 1593 (2005) qui a renvoyé cette situation devant la Cour, ces populations « ont toujours soif … pas d’eau, mais de vraie justice! » a-t-il lancé.  Son exposé a été ponctué d’appels à laisser le peuple concerné garder ses espoirs dans la justice internationale.  « Ils attendent que les mots se traduisent en actes », a insisté M. Khan en souhaitant une coopération renforcée entre la CPI et les autorités soudanaises.

Après s’être félicité de l’ouverture, le 5 avril 2022, du premier procès relatif à la première affaire de ce dossier renvoyé à la CPI, celui de M. Abd-Al-Rahman (« Ali Kushayb »), le Procureur a demandé qu’on lui donne les moyens d’agir.  Les ressources internes limitées de la Cour ont d’ailleurs inquiété le Brésil pour qui les dépenses encourues en raison des saisines du Conseil de sécurité devraient être à la charge non seulement des États parties au Statut de Rome, mais aussi de l’ONU.  

Si l’ouverture du premier procès a été largement saluée par les membres du Conseil et qualifiée d’étape essentielle vers la responsabilisation et la fin du cycle de l’impunité au Soudan, la Fédération de Russie n’y a pas vu un progrès notable.  « On ne peut pas considérer que le démarrage d’un procès contre un accusé 17 ans après les faits constitue une percée », a dit le représentant russe.  Il a d’ailleurs observé que les pays occidentaux, qui soutiennent financièrement la CPI, ont actuellement des priorités complètement différentes avec l’Ukraine, alors même que la Cour a d’autres dossiers à son ordre du jour depuis des années, des dossiers qui ont stagné ou qui ont été délibérément « balayés sous le tapis ».  Le délégué a regretté à cet égard que le Procureur n’ait pas fait preuve de zèle particulier dans l’enquête sur les crimes des soldats britanniques et américains en Afghanistan et en Iraq.

Concrètement, M. Khan a demandé aux autorités du Gouvernement de transition au Soudan de pouvoir ouvrir un bureau de la CPI à Khartoum, d’instaurer des réunions mensuelles avec des points focaux au sein du Gouvernement et d’accorder des visas multi-entrées pour lui, son adjointe et les membres de leur équipe.  Les semaines à venir indiqueront si la mission sur place a été un succès, a-t-il dit, tandis que les membres du Conseil ont été nombreux à soutenir l’ouverture d’un bureau à Khartoum.  Ils ont aussi partagé le souhait du Procureur de voir renforcée la coopération de son bureau avec les autorités soudanaises.  

Cette coopération exige la mise en œuvre par les autorités soudanaises de leurs obligations découlant de la résolution 1593 (2005), de l’Accord de Djouba pour la paix au Soudan et des mémorandums conclus avec le Bureau du Procureur de la CPI, a fait valoir la France.  L’Albanie et le Royaume-Uni ont regretté l’insuffisance de coopération des autorités soudanaises depuis l’intervention militaire d’octobre dernier, à l’instar de l’Irlande qui a relevé que les autorités nationales ont fait machine arrière depuis octobre 2021.  

Pourtant, l’Inde, le Kenya et le Gabon ont estimé que le Gouvernement de transition soudanais est prêt à aborder les questions relatives à la justice transitionnelle, y compris la responsabilité pour les violations des droits humains, comme en témoigne l’opérationnalisation de la Commission vérité et réconciliation et celle d’un tribunal spécial pour les crimes au Darfour.  Ils ont insisté sur le fait qu’il incombe en premier lieu aux États de protéger leurs citoyens, en jugeant que la coopération ne doit pas être subordonnée au principe de complémentarité, qui est un principe fondamental du Statut de Rome.  Ils ont donc encouragé la Cour à poursuivre sa recherche d’approches novatrices pour assurer la responsabilisation au niveau national, invitant le Gouvernement de transition à manifester son soutien à cet égard.  Pour sa part, le Procureur Khan s’est dit prêt à dialoguer avec les autorités et à réfléchir à des façons innovantes d’avancer pour régler la situation au Soudan.

À cet égard, le représentant du Soudan a rappelé que Mme Bensouda, la précédente Procureure de la CPI, avait accepté les trois options proposées par le Soudan pour les affaires liées au Darfour.  La première option est de juger les suspects devant les tribunaux soudanais, la seconde est de les renvoyer devant la CPI, tandis que la troisième est de les faire comparaître devant des tribunaux hybrides appuyés par la communauté internationale.  Pour les autorités de transition, qui insistent elles aussi sur le principe de « complémentarité judiciaire », il faut examiner les dossiers en cours afin d’établir laquelle des trois options citées s’impose pour parvenir à la justice tout en préservant la souveraineté du Soudan.  Le Gouvernement de transition tient à coopérer avec la CPI, a assuré son représentant, et il mise sur la justice transitionnelle, « l’un des éléments les plus importants pour assurer l’harmonie dans la société ».

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD

Déclaration liminaire

M. KARIM KHAN, Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), qui intervenait par visioconférence depuis Khartoum, a précisé qu’il revenait à peine, hier, du Darfour, et que la Procureure adjointe avait rencontré des membres du Gouvernement soudanais à Khartoum.  C’est la première fois dans l’histoire de la CPI que son procureur s’exprime devant le Conseil depuis un pays dont il est chargé de la situation, a-t-il fait remarquer.  M. Khan a dit avoir rencontré le Ouali, le gouverneur du Soudan du Sud, et le gouverneur de la province du Darfour central.  Il s’est également rendu dans trois camps de réfugiés au Darfour, ce qui a été « une expérience très forte ».  Fort de cette expérience, le Procureur a insisté pour qu’on accorde la priorité à la situation au Soudan qui justifie les ressources nécessaires et les activités ciblées pour pouvoir permettre à la CPI de s’acquitter de son mandat sur place, parce que « le cauchemar de milliers de Darfourais continue ».  Ces personnes attendent toujours que la justice soit rendue, a martelé M. Khan en évoquant son accueil dans les camps de réfugiés qu’il a visités.  M. Khan a souligné que leur espoir de justice ne leur est pas interdit et que ces personnes ont toujours soif « pas d’eau, mais de vraie justice »! s’est-il exclamé. 

M. Khan a rappelé la résolution 1593 (2005) par laquelle le Conseil de sécurité a renvoyé la situation du Darfour à la CPI, en regrettant que des milliers de personnes y vivent toujours dans des camps.  Il a rappelé aux membres du Conseil de sécurité que le peuple du Darfour place de grands espoirs dans la CPI et le Conseil de sécurité.  Ils attendent que les mots se traduisent en actes, a-t-il insisté.  Il a dit retenir de son déplacement la reconnaissance de la population du Darfour, qui était heureuse qu’un procureur leur ait rendu visite, ce qui leur montre « qu’ils comptent et que la justice n’est pas qu’une promesse lointaine ».  Il s’est dit ému de cette expérience en martelant que le Conseil de sécurité et la CPI ont toujours beaucoup à faire et qu’il faut trouver des moyens d’agir parce que ces personnes « comptent sur vous et sur nous ». 

M. Khan a suggéré que le moment venu, le Conseil de sécurité envisage d’organiser un déplacement au Soudan pour y rencontrer certains des rescapés « qui placent tant d’espoir en vous ».  Si nous n’arrivons pas à faire face aux épreuves de l’histoire au Soudan, le cycle de l’impunité va se poursuivre et il pourrait y avoir d’autres cycles de violence, a-t-il prévenu.  Pourquoi les personnes devraient-elles respecter le droit quand elles ne cessent de voir que d’autres personnes s’en tirent sans le faire, a-t-il demandé tout en restant convaincu qu’il y a une lueur d’espoir.  Les mots ne suffisent pas pour décrire la réalité, a expliqué M. Khan en exigeant « des actes, pas des mots; des résultats, pas des promesses ».

Il y a 51 chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité qui sont examinés par les 28 juges indépendants de la CPI, a-t-il dit en poursuivant son exposé.  Il a jugé très important que le premier procès concernant la première affaire renvoyée à la CPI ait commencé.  Cela prouve selon lui que « la justice peut être rendue », face à ceux qui prétendent que la justice pénale internationale ne peut pas l’être.  Ne perdons pas de vue ces personnes qui vivent toujours dans les camps, a-t-il demandé en appelant à agir plus rapidement et à renforcer le partenariat entre la CPI et le Conseil de sécurité.  Le Procureur a souligné qu’il y a d’autres affaires que celle de M. Abd-Al-Rahman (« Ali Kushayb »), des affaires sur lesquelles les juges de la CPI peuvent avancer.  

Le Procureur s’est dit reconnaissant au Soudan pour la courtoisie de son accueil et pour la sécurité qui a été assurée à son égard et pour son équipe, appelant à poursuivre la coopération et la mise en œuvre de l’Accord de paix de Djouba.  Il a notamment demandé l’ouverture d’un Bureau de la CPI à Khartoum et l’obtention de visas multi-entrées pour lui, son adjointe et les membres de leur équipe, ainsi que des réunions mensuelles avec des points focaux au niveau du Gouvernement.  Les semaines à venir permettront de dire si cette mission a été un succès ou non, a déclaré M. Khan qui a dit avoir été aussi transparent et clair que possible avec les membres du Gouvernement soudanais: il leur a réitéré sa volonté de travailler avec le Soudan et la population du Darfour pour que la justice soit rendue.  

Déclarations

M. PABLO ADRIÁN ARROCHA OLABUENAGA (Mexique) a salué la coopération du Soudan et des communautés locales avec la CPI dans le cadre de la préparation du rapport à l’examen.  Il s’est réjoui du début du procès, en avril dernier, dans l’affaire Abd-Al-Rahman (« Ali Kushayb »), qui est la première affaire à se concrétiser après la saisine du Conseil de sécurité de la CPI.  Elle a un impact profond sur les communautés locales et les victimes, dont beaucoup avaient perdu tout espoir de réparation après 20 ans d’attente, a fait observer le représentant.  Cet élan doit être mis à profit pour consolider la coopération entre le Soudan et la CPI, a suggéré le représentant, en demandant le renforcement de l’accord signé entre les deux parties et l’établissement d’un bureau de la CPI à Khartoum.  En outre, il est nécessaire que le Procureur dispose de points focaux efficaces sur place pour continuer à travailler, en particulier en ce qui concerne la protection des témoins.  Le représentant a appelé les autorités soudanaises à répondre aux demandes d’assistance en suspens du Procureur, avant d’estimer que les dépenses de la CPI doivent être prises en charge par l’ONU. 

Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes unis) a salué, au vu des circonstances exceptionnelles que traverse le Soudan, tous les efforts visant à soutenir le mécanisme trilatéral en facilitant un processus politique mené et dirigé par les Soudanais eux-mêmes.  À cet égard, elle a souligné l’importance pour les parties prenantes soudanaises de s’engager dans des pourparlers directs, afin d’élaborer une voie commune.  Ces pourparlers devraient être inclusifs, avec la participation pleine, égale et significative des femmes et des jeunes, a-t-elle ajouté.

Au sujet de la détérioration de la situation sécuritaire dans certaines parties du Darfour, qui a entraîné de nombreuses pertes en vies humaines, elle a noté que le Soudan avait réagi rapidement à la situation et pris plusieurs mesures importantes pour réduire les tensions.  À cet effet, elle a souligné que la pleine mise en œuvre de l’Accord de paix de Djouba reste essentielle pour assurer la sécurité et la stabilité à long terme du Darfour.  Elle a dès lors appelé la communauté internationale à intensifier ses efforts en ce sens, notamment en fournissant un appui technique et financier pour que le Soudan puisse achever la mise en œuvre de l’Accord.  Enfin, la déléguée a réitéré son ferme soutien aux efforts déployés par le Soudan pour mettre en œuvre des mécanismes de justice transitionnelle, le but étant d’aider à rendre justice aux victimes au Darfour, conformément aux termes de l’Accord de paix de Djouba.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a estimé que la coopération avec les autorités nationales figure au premier rang des défis auxquels le Bureau du Procureur de la CPI doit faire face pour enquêter et poursuivre les crimes présumés commis au Darfour.  Sans institutions nationales fortes, capables de rendre justice aux populations locales, il y aura toujours un risque plus élevé de rechute dans l’instabilité, les conflits et, par conséquent, dans la perpétration de crimes graves, a-t-il fait valoir.  Pour le représentant, la responsabilité première de rendre la justice appartient donc aux États nationaux, sans préjudice du rôle complémentaire que la CPI doit jouer lorsque les États ne peuvent ou ne veulent pas agir.  Dans ce contexte, il a salué les efforts déployés par le Bureau du Procureur et le Greffe de la CPI en vue d’établir un bureau extérieur à Khartoum.  Cela permettra de rapprocher la Cour des victimes et des témoins, tout en renforçant sa capacité à recueillir des preuves, a-t-il dit.  Cela donnera également au tribunal l’occasion de coopérer davantage avec le Gouvernement soudanais.  Évoquant par ailleurs la question des ressources internes limitées de la CPI, le délégué a réaffirmé que les dépenses encourues par la Cour en raison des saisines du Conseil de sécurité doivent être à la charge non seulement des États Parties au Statut de Rome, mais aussi de l’ONU.  Avant de conclure, il a exprimé son inquiétude quant à la situation politique, économique et sociale au Soudan.  Alors que près de 12 millions de personnes sont confrontées à la menace d’une insécurité alimentaire aiguë de juin à septembre, il a appelé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour y répondre.  Enfin, il a réitéré le soutien du Brésil à la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS), ajoutant que le dialogue et la coopération entre toutes les parties prenantes soudanaises sont nécessaires pour assurer une transition pacifique et inclusive vers la démocratie. 

M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) s’est félicité des progrès réalisés dans le procès de M. Abd-Al-Rahman, dans lequel des dizaines de témoins ont témoigné depuis avril.  Il a noté que ces personnes ont souvent fait des milliers de kilomètres pour dénoncer les pillages, les destructions et les massacres dont elles ont été témoins.  Il s’est également dit ému par le courage du peuple soudanais qui est descendu dans la rue après le coup militaire du mois d’octobre 2021 pour réclamer un avenir meilleur basé sur la démocratie.  Le représentant a appelé à la mise en place d’un gouvernement de transition dirigé par des civils pour donner corps aux promesses de la résolution de 2019.  Il a invité l’Union africaine (UA) à faciliter un dialogue sur la voie à suivre conformément à l’Accord de paix de Djouba.  Inquiet de la persistance de violences intercommunautaires, il a craint que leurs conséquences n’affectent la durabilité du processus de paix.  Enfin, le délégué a salué les mesures adoptées par les autorités soudanaises pour aider la CPI à remplir sa mission avant d’inviter à en faire davantage en ce sens, notamment en répondant aux demandes d’éléments de preuve et d’assistance de la Cour.

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a estimé que les développements de ces derniers mois reflètent les défis inhérents au processus de transition politique au Soudan.  Nous continuons de penser, a-t-il dit, que le processus politique intra-soudanais, facilité par l’ONU, doit être mené par les Soudanais et orienté par une approche constructive.  Il a salué les initiatives prises depuis le mois de mai par le mécanisme de coopération trilatérale –qui comprend l’ONU, l’Union africaine et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD)– pour lancer des pourparlers indirects au Soudan afin de mettre fin à l’impasse politique.  Pour sa délégation, le Gouvernement de transition soudanais est prêt à aborder les questions relatives à la justice transitionnelle, y compris la responsabilité des violations des droits humains, par le biais d’un processus de vérité et de réconciliation.  Les parties à l’Accord de paix de Djouba, s’est félicité le représentant, ont également convenu d’établir une commission vérité et réconciliation concernant le Darfour, ainsi qu’un tribunal spécial pour les crimes commis au Darfour, dont la compétence, qui couvrira les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre depuis 2002, « est un pas dans la bonne direction ».  Il a ajouté en conclusion que la recherche de la responsabilité et de la justice ne peut être liée à des considérations politiques et qu’elle doit promouvoir la réconciliation et parvenir à une paix à long terme.

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) s’est félicitée de l’ouverture du procès d’Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman qui est selon elle un jalon en termes de responsabilité et un signe d’espoir pour les victimes.  Elle a salué la coopération croissante d’États et institutions qui aident le Procureur à faire avancer les enquêtes.  Elle s’est dite favorable à une présence accrue de la CPI sur le terrain en appelant les autorités à faciliter la mise en œuvre de ce projet.  Le Conseil doit tout faire pour assurer le suivi et veiller à ce que justice soit rendue au Soudan, a-t-elle demandé, s’inquiétant à cet égard du refus de faire accéder le Procureur aux témoins, aux documents et aux informations.  Ce manque de coopération de la part des autorités soudanaises a entravé l’avancement des enquêtes, a déploré la représentante.  Elle a exhorté les autorités soudanaises à tenir les promesses faites et à s’acquitter de leurs obligations de coopérer activement et de manière significative avec la Cour.  

Les victimes des atrocités commises au Darfour ont droit à la justice, et leurs auteurs doivent être tenus pour responsables dès maintenant, a martelé la représentante qui s’est dite gravement préoccupée par les informations faisant état de violences intercommunautaires dans la région du Darfour.  Elle a estimé que la situation constitue une menace pour la sécurité des civils et qu’elle a des conséquences opérationnelles négatives sur la capacité de la Cour à mener ses enquêtes.  « La violence doit cesser. »  La lutte contre l’impunité est un élément central de la politique étrangère de la Norvège ainsi qu’un élément fondamental de la révolution soudanaise de 2019 et de l’Accord de paix de Djouba, a rappelé l’intervenante.  Elle a promis que le Procureur et la CPI peuvent compter sur le plein appui de la Norvège.

M. SHANE HEREWARD RYAN (Irlande) a rappelé que l’impunité sème les germes de nouvelles violences, plaidant dès lors pour que la justice soit rendue en faveur de la population du Darfour, élément essentiel pour mettre fin au cycle de violence.  Il a rappelé qu’au cours de la commémoration des 20 ans du Statut de Rome, l’Irlande, avec 11 coparrains, a organisé une réunion du Conseil de sécurité selon la formule Arria sur les relations entre la Cour et le Conseil.  Bien qu’il existe une marge considérable d’amélioration de ces relations, le renvoi de la situation au Darfour démontre ce que le Conseil peut accomplir dans le domaine de la responsabilité grâce à la coopération avec la CPI, a-t-il noté.  

Le représentant s’est félicité de la visite du Procureur au Soudan, notamment au Darfour, et du soutien apporté par les autorités soudanaises pour faciliter ce voyage.  Toutefois, la poursuite des progrès de l’enquête dépend désormais de la coopération du Soudan avec la Cour, a-t-il souligné, notant que les autorités nationales ont fait machine arrière depuis les événements d’octobre 2021.  Il a noté, avant le coup d’État militaire, un certain nombre de développements positifs, y compris la conclusion d’un nouveau protocole d’accord avec la transition dirigée par des civils.  De ce fait, il a exhorté le Soudan à reprendre la voie du progrès et à appuyer la demande du Procureur pour avoir accès sans entrave aux preuves, au territoire soudanais et à tous les témoins matériels.  Il a également appelé les autorités soudanaises à faciliter l’établissement d’une présence du Bureau du Procureur sur le terrain, à Khartoum.  Enfin, il a réitéré son appel au Soudan pour qu’il nomme des points focaux au sein des ministères concernés et qu’il assure la sécurité des témoins et soutienne leur capacité à témoigner.

Mme CATHERINE NYABOKE NYAKOE (Kenya) a salué les efforts consentis par le peuple soudanais pour rétablir la paix dans son pays, au travers notamment des questions de justice transitionnelle et de la recherche de la réconciliation nationale.  Elle a applaudi les investissements réalisés par le peuple soudanais dans ses cadres institutionnels et juridiques nationaux pour répondre aux exigences internationales en vertu de la résolution 1593 (2005), jugeant que l’établissement et l’opérationnalisation de la Commission vérité et réconciliation et d’un tribunal spécial pour les crimes au Darfour font partie de ces réponses.  Se disant consciente de l’environnement politique complexe dans lequel s’inscrivent ces efforts, surtout après les événements d’octobre dernier, la représentante a souhaité que les engagements internationaux tiennent compte de la nécessité de protéger chacune des réalisations du Soudan.  À cet égard, elle a réaffirmé que, pour le Kenya, il importe d’investir dans le renforcement de la capacité judiciaire et juridique nationale du Soudan afin qu’il soit en mesure d’assurer la justice et la responsabilité, conformément au principe de complémentarité.  À ses yeux, la CPI peut faire davantage pour soutenir le Soudan à cette fin.  Appelant la communauté internationale à apporter son soutien au Soudan, notamment par le biais d’un partage des meilleures pratiques en matière de justice transitionnelle, la déléguée s’est félicitée que le Procureur ait exprimé son intention d’accroître la coopération et le dialogue avec l’Union africaine dans le cadre d’une stratégie renouvelée.  Selon elle, des initiatives et des efforts régionaux sont nécessaires pour offrir un éventail plus large de voies pratiques pour la justice et la responsabilité, comme prévu dans la résolution 1593 (2005). 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a rappelé que le Soudan a autorisé une présence permanente du Bureau du Procureur au Soudan et signé, le 12 aout 2021, un Mémorandum d’entente avec ce Bureau.  Il a précisé que cet accord permet à la Cour de pouvoir mener ses enquêtes sur les allégations de crimes de guerre, de génocide et de crimes contre l’humanité.  Après avoir noté que le procureur de la CPI s’est rendu au Soudan près de cinq mois après l’ouverture du procès en première instance, dans l’affaire Abd-Al-Rahman devant la CPI, M. Biang l’a encouragé à poursuivre ses efforts, tout en soulignant que l’efficience des procédures en cours est avant tout tributaire de l’amélioration de la situation politique et sécuritaire dans le pays.  Il a estimé que le retour à l’ordre constitutionnel apparaît comme le cadre indiqué pour une meilleure coopération entre la Cour et les autorités soudanaises.  À cet égard, le délégué a estimé que les efforts des autorités soudanaises dans l’adaptation de la législation nationale aux normes internationales de lutte contre les atrocités constituent un pas dans la bonne direction.  « À la suite de la révision du code pénal et du code de procédure pénale soudanais, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide sont désormais réprimés par la loi », s’est félicité le représentant, avant de saluer aussi que les privilèges et immunités juridictionnels initialement reconnus aux forces de l’ordre et de sécurité ont été supprimés.  Après s’être félicité que de nombreux auteurs de crimes au Darfour ont été arrêtés, il a aussi noté que la commission pour la mise en œuvre du droit international humanitaire a été restructurée, conformément aux normes internationales.  M. Biang a demandé en conclusion que ces progrès considérables soient consolidés par le renforcement des capacités de l’appareil judiciaire soudanais.

Saluant le « sérieux » dont fait preuve la CPI face à l’impunité au Soudan, M. SOLOMON KORBIEH (Ghana) a souligné l’importance du procès qui s’est ouvert le 5 avril dans l’affaire Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman, le premier à se tenir devant la CPI sur la base d’une saisine du Conseil de sécurité.  Ce procès adresse un « signal fort » à tous les auteurs potentiels d’atrocités criminelles, a-t-il souligné, assurant que, même quand les rouages de la justice « tournent lentement », la responsabilité et la justice sont « inévitables ».  À cette aune, le représentant s’est félicité de l’approche coopérative adoptée par la Cour pour dialoguer avec les autorités soudanaises compétentes, et ce, malgré la situation politique et sécuritaire complexe.  Rappelant toutefois que son pays a toujours soutenu qu’il incombe en premier lieu aux États de protéger leurs citoyens, le délégué a estimé que la coopération ne doit pas être subordonnée au principe de complémentarité, qui est un principe fondamental du Statut de Rome.  Il a donc encouragé la Cour à poursuivre son exploration d’approches novatrices pour assurer la responsabilisation au niveau national.  Il a également invité le Gouvernement soudanais à manifester son soutien à cet égard.  

Le représentant a d’autre part applaudi les mesures mises en place par la CPI pour autonomiser les victimes, les témoins et les communautés affectées en rapprochant son travail des personnes touchées grâce à l’augmentation de la fréquence de ses missions au Darfour et au renforcement du personnel permanent de la Cour présent sur le terrain.  À cet égard, il a félicité le Procureur pour sa rencontre prévue avec des groupes de victimes et de survivants dans des camp de personnes déplacées internes du Darfour, lors de la visite qu’il effectue actuellement au Soudan.  Il a par ailleurs salué le projet de création d’un bureau extérieur à Khartoum, ainsi que la possibilité de lieux de présence de la Cour au Soudan.  Pour finir, le délégué s’est réjoui des mesures prises par la CPI dans le cadre de sa stratégie renouvelée pour accroître les possibilités de responsabilisation via une coopération avec des États tiers et des organisations internationales et régionales, notamment l’Union africaine.

M. SERGEI A. LEONIDCHENKO (Fédération de Russie) a regretté que le Procureur de la CPI présente son rapport « une fois de plus » avec un mois de retard, sans même qu’il marque un progrès majeur dans l’enquête sur la situation au Darfour.  On ne peut pas considérer que le démarrage d’un procès contre un accusé 17 ans après les faits constitue une percée, a-t-il argué.  Il a fait remarquer que les pays occidentaux, qui soutiennent financièrement la CPI, ont actuellement des priorités complètement différentes avec l’Ukraine.  Il a dit ne pas comprendre cette attention portée à l’Ukraine alors que la Cour a d’autres priorités à son ordre du jour depuis des années, des dossiers qui ont stagné ou qui ont été délibérément « balayés sous le tapis ».  Citant par exemple un reportage de la BBC qui aurait publié des preuves de la participation de l’armée britannique à des meurtres de civils en 2010 et en 2011 en Afghanistan, le représentant a mis l’accent sur la compétence de la CPI sur cette situation.  La capacité du système judiciaire britannique pour juger les auteurs de ces crimes atroces est « très loin d’être évidente », a-t-il estimé, alors que 10 ans après, il y a de nombreuses victimes civiles qui attendent la justice mais aucun coupable parmi les soldats de l’OTAN.  Le délégué a estimé que la CPI ne peut pas rester à l’écart de cette situation, même si les pays occidentaux ne vont pas lui octroyer des fonds pour traduire en justice les responsables.

Le représentant a aussi fait remarquer que le Procureur de la CPI n’a ménagé ni son temps ni ses efforts sur le dossier ukrainien, même au détriment d’autres affaires.  Il a dès lors regretté qu’il n’ait pas fait preuve de zèle particulier dans l’enquête sur les crimes des soldats britanniques et américains en Afghanistan et en Iraq.  Le nouveau Procureur de la Cour a même déclassé ces affaires, a-t-il relevé en déplorant que les enquêtes aient été stoppées.  Il en a conclu que les révélations sensationnelles de la BBC ne changeront rien.  Selon le représentant, dans toute l’histoire de la CPI, dès qu’il s’agit de la responsabilité des soldats de pays occidentaux, il devient totalement superflu et même dangereux de lutter contre l’impunité.  Le « deux poids, deux mesures » est devenu la norme de la Cour, a-t-il déclaré en doutant de sa capacité à rendre la justice et à permettre une réconciliation au Soudan ou dans un autre pays.  Il a rappelé une citation du défunt père du Procureur, que celui-ci avait lui-même cité la dernière fois: « Si tu pointes le doigt sur quelqu’un, on pointera trois doigts sur toi. »  Cette parole est également vraie pour ceux qui aiment pointer du doigt la Fédération de Russie, a-t-il prévenu, en précisant que la seule différence est que « toutes les personnes présentes dans cette salle n’ont pas assez de doigts sur les deux mains pour désigner en retour tous les torts de ces zélateurs autoproclamés de la justice ».  

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a salué l’ouverture du procès, le 5 avril, de l’affaire Abd-Al-Rahman, qui, a-t-elle espéré, servira d’exemple dans la façon de mener à bien un processus judiciaire.  Elle a exhorté le Soudan à remettre à la CPI les quatre derniers suspects, en application de la résolution 1593 (2005) et des ordonnances de la CPI.  Nous demandons instamment aux autorités soudanaises de permettre au Bureau du Procureur d’avoir un accès complet, sûr et sécurisé à toutes les régions du Soudan, y compris aux archives et aux tombes, comme l’exigent le protocole d’accord, la résolution 1593 et l’Accord de paix de Djouba, a-t-elle insisté.

La représentante a ensuite marqué sa préoccupation face à la situation sécuritaire au Soudan et la violation continue des droits humains par les autorités militaires.  L’augmentation de la violence au Darfour occidental place les femmes et les enfants devant un risque accru de déplacement de masse, a-t-elle relevé.  Selon elle, il est important que le Conseil de sécurité adresse les bons signaux en vue de promouvoir la justice et de rendre des comptes pour les atrocités passées commises au Soudan.  Dans ce contexte, la déléguée a jugé important de chercher des moyens d’améliorer la coopération entre le Procureur de la CPI et le Gouvernement de transition soudanais.

M. THIBAULT SAMSON (France) a soutenu que l’enquête ouverte par la CPI sur la situation au Darfour, à la demande du Conseil de sécurité, reste essentielle, d’autant plus dans cette période d’instabilité politique au Soudan.  Faisant valoir qu’une paix durable et inclusive dans la région ne sera pas possible sans justice, il a exhorté les autorités soudanaises à honorer leurs obligations au titre de la résolution 1593 (2005), de l’Accord de Djouba pour la paix au Soudan et des mémorandums conclus avec le Bureau du Procureur de la CPI.  Il a également demandé que toute l’assistance nécessaire soit fournie aux enquêteurs et que ces derniers bénéficient d’un accès sûr au territoire soudanais, notamment aux scènes de crimes au Darfour, aux archives et aux éléments de preuve, ainsi qu’aux témoins, y compris ceux détenus.  Il a en outre souhaité qu’en vertu des accords conclus avec le Gouvernement soudanais, un bureau local de la CPI soit rapidement établi à Khartoum.  

Dans ce contexte, le représentant s’est félicité de l’ouverture, le 5 avril dernier, du procès de M. Abd-Al-Rahman.  Il a cependant noté que, si la complémentarité demeure un principe cardinal, l’exécution des mandats d’arrêt en suspens est cruciale.  Le Soudan doit donc remettre rapidement M. Harun à la CPI, a-t-il dit, avant d’appeler une nouvelle fois M. Banda à se rendre immédiatement à la Cour, afin qu’il puisse y être jugé.  Il a par ailleurs constaté que l’impasse politique actuelle au Soudan remet en cause les nombreux acquis des deux dernières années.  Observant que l’instabilité politique affecte particulièrement la situation sécuritaire au Darfour, il a demandé que les responsables des violences répondent de leurs actes.  Enfin, il a réitéré l’appel de la France en faveur du déploiement de la force conjointe de maintien de la sécurité prévue par l’Accord de Djouba, avant de rappeler que la protection des civils ainsi que la garantie d’un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave relèvent de la responsabilité des autorités soudanaises.   

M. CHANAKA LIAM WICKREMASINGHE (Royaume-Uni) s’est félicité des progrès réalisés dans le procès de M. Abd Al-Rahman, dans lequel 28 témoins ont témoigné depuis avril.  C’est à son avis une étape essentielle vers la responsabilisation et la fin du cycle de l’impunité qui subsiste à travers le pays.  Toutefois, il a regretté l’insuffisance de coopération des autorités soudanaises depuis l’intervention militaire d’octobre dernier.  C’est pourquoi le représentant a exhorté ces autorités à immédiatement renforcer leur coopération avec la Cour en commençant par faciliter l’établissement d’un bureau extérieur à Khartoum.  Il a expliqué qu’une présence permanente est vitale pour permettre au Bureau du Procureur d’approfondir son travail avec les communautés affectées et pour renforcer sa coopération avec les autorités soudanaises.  Par ailleurs, le représentant a exhorté les autorités soudanaises à répondre rapidement aux demandes d’assistance qui sont restées en suspens, faisant remarquer que la Cour n’a eu que 2 réponses sur les 17 demandes formulées depuis six mois.  Il a également demandé aux autorités soudanaises de fournir un accès libre à la documentation et aux témoins identifiés par la Cour.  

M. DAI BING (Chine) a demandé à la communauté internationale de fournir un appui au Gouvernement soudanais afin de l’aider à faire face à la pénurie de ressources pour la mise en œuvre de l’Accord de Djouba pour la paix au Soudan et pour renforcer ses capacités.  Il a ensuite demandé au Conseil de sécurité de lever les sanctions applicables dans ce pays alors que s’approche la date butoir du 31 août, en prévoyant des indicateurs clairs et réalistes.  Le projet de résolution à l’étude ne devrait pas aller au-delà de la question de la situation au Darfour et être utilisé pour exercer une pression politique sur le Soudan.  S’agissant de la CPI, la position de la Chine reste inchangée, a dit le représentant, pour qui elle doit respecter les principes de complémentarité juridique et de souveraineté judiciaire du Soudan.  Il a espéré que les mesures prises par la Cour seront de nature à contribuer au rétablissement de la stabilité et de la sécurité à long terme dans le pays.  

M. AL-HARITH IDRISS AL-HARITH MOHAMED (Soudan) a indiqué que son gouvernement coopère avec la CPI, dont le Procureur est d’ailleurs en ce moment en visite dans le pays.  Il a rappelé que le Gouvernement de transition a amendé plusieurs lois pour mettre un terme à l’immunité des responsables.  La justice soudanaise enquête sur toutes les violations des droits humains commises au Darfour, a-t-il assuré.  Si on n’arrive pas à prévenir l’impunité, on risque d’encourager ces individus à poursuivre leurs actions, a-t-il relevé.  Il a assuré que le Gouvernement de transition insiste également sur la justice transitionnelle, qui est un des éléments les plus importants pour assurer l’harmonie dans la société.  Il a rappelé que Mme Bensouda, la précédente Procureure de la CPI, avait accepté les trois options proposées par le Soudan pour les affaires liées au Darfour.  La première option est de juger les suspects devant les tribunaux soudanais, la seconde est de les renvoyer devant la CPI, tandis que la troisième est de les faire comparaître devant des tribunaux hybrides appuyés par la communauté internationale.  Pour le représentant, qui a insisté sur le principe de « complémentarité judiciaire », il faut examiner les dossiers en cours afin d’établir laquelle des trois options citées s’impose pour parvenir à la justice tout en préservant la souveraineté du Soudan.

Le délégué a ensuite insisté sur la détermination du Gouvernement de transition à coopérer et collaborer, de manière fructueuse, avec le Bureau du Procureur de la CPI.  Il a dit espérer que cette coopération sera réciproque, afin de parvenir à la justice et d’offrir des réparations aux victimes.  Lutter contre l’impunité est un objectif noble et une priorité du Gouvernement de transition et un élément fondamental pour parvenir à la paix dans tout le Soudan, a-t-il assuré, en redisant que son gouvernement est déterminé à lutter contre l’impunité, notamment dans le cas de crimes de nature internationale perpétrés au Darfour.

Reprenant la parole, le Procureur de la CPI, M. Khan, a affirmé une fois de plus que dans le cadre du Statut de Rome, le principe de complémentarité est en effet garanti, se disant prêt à dialoguer et à réfléchir à des façons innovantes d’avancer pour régler la situation au Soudan.  Répondant à la Fédération de Russie, il a réagi à « la fausse affirmation » selon laquelle le rapport de la CPI aurait été présenté avec un mois de retard, en expliquant que c’est à la demande du Soudan lui-même que ce rapport a été reporté, parce que le Gouvernement de transition avait demandé le report de la mission du Procureur prévue le mois dernier en raison d’une fête religieuse.  

Reconnaissant que la justice internationale est imparfaite, le Procureur a cependant demandé à la délégation russe de ne pas regarder le monde exclusivement à travers le prisme de ce qui se passe en Ukraine, en estimant que le peuple du Darfour mérite qu’on se concentre quelques minutes sur ses propres souffrances, qui durent depuis 17 ans.  La lutte contre l’impunité est un élément de la stabilité durable au Darfour et tous les individus responsables de crimes graves doivent être sanctionnés, a-t-il fait valoir.  Contrairement à ce qui a été affirmé aujourd’hui devant les membres du Conseil, M. Khan a tenu à préciser que le CPI n’est pas un bureau qui s’occupe uniquement de certaines situations de façon inégale.

Invoquant à son tour le souvenir de son père, M. Khan a cité un dicton selon lequel « lorsqu’on a la jaunisse, tout semble jaune », en espérant qu’au Conseil de sécurité, au sein de son bureau comme au Soudan, ceux qui souffrent de cette maladie en guérissent au plus vite.  

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