En cours au Siège de l'ONU

9147e séance - matin
CS/15056

Le Conseil de sécurité examine le rôle du trafic des ressources naturelles dans le financement des groupes armés et terroristes en Afrique

« Les ressources naturelles ne doivent pas être une malédiction pour les pays qui les possèdent », a déclaré ce matin le Ministre des affaires étrangères du Gabon au cours d’un débat de haut niveau du Conseil de sécurité consacré au renforcement de la lutte contre le financement des groupes armés et terroristes par le trafic illicite des ressources naturelles.  

M. Michaël Moussa Adamo a affirmé que la cartographie des groupes armés en Afrique met en évidence le lien entre leur déploiement et la mainmise sur les ressources naturelles de ce continent qui recèle 30% des réserves mondiales de minerais, soulignant qu’« il est indéniable » que les richesses naturelles nourrissent le financement des conflits tout en étant l’un des principaux enjeux.  Il a également évoqué la formation « d’économies souterraines du crime » dans certaines parties de territoires des États et des zones transfrontalières, et expliqué que les conflits « s’auto-entretiennent » par la prédation des ressources naturelles, les rentes minières permettant l’achat d’armes et le recrutement de miliciens.  

Face à cette situation, M. Adamo a souligné l’urgence pour le Conseil d’agir avec plus de détermination pour assécher les financements des bandes armées qui alimentent l’instabilité et la violence dans plusieurs régions du monde, l’appelant en outre à soutenir « sans réserve » les efforts du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine. 

Cela est d’autant plus urgent que la Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Mme Ghada Wali, a prévenu que la menace du terrorisme et la criminalité organisée « s’installe durablement en Afrique », dénombrant l’an dernier 3 500 victimes d’actes de terrorisme en Afrique subsaharienne, soit la moitié des victimes à l’échelle mondiale, le Sahel en particulier subissant les assauts de groupes terroristes parmi les plus actifs et les plus meurtriers du monde.  

Des outils comme ceux de l’ONUDC sont à disposition mais peu utilisés, a relevé, pour sa part, le Directeur Afrique de l’Est et Représentant de l’Institut d’études de sécurité (ISS) auprès de l’Union africaine, M. Paul-Simon Handy, qui a plutôt pointé « une crise de l’inaction qu’une crise des instruments existants » sous forme de résolutions des Nations Unies, de protocoles de l’Union africaine ou des traités entre pays.  L’Union européenne a invité pour sa part à lutter contre le blanchiment d’argent et en faveur d’un contrôle direct des flux financiers.  D’où la nécessité d’une stratégie à « multiples facettes », selon le Commissaire de l’Union africaine aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité, M. Bankole Adeoye.   

La Guinée équatoriale a conseillé de mettre en place un mécanisme qui oblige les multinationales qui entrent dans le commerce des ressources naturelles en Afrique ou par le biais de succursales, à s’identifier et à respecter les principes de diligence voulue, tandis que le Kenya a appelé à combler les lacunes qui permettent aux flux financiers illicites de provenir des ventes de ressources naturelles en Afrique.  La délégation kényane a également exhorté le Conseil à envisager d’autres moyens de soutenir les pays touchés afin de garantir que les espaces sous-gouvernés soient correctement contrôlés par les États.  Cela nécessitera soit de changer la nature du maintien de la paix de l’ONU, soit de fournir un financement prévisible et adéquat aux forces régionales, a-t-elle signalé. 

Appelant à davantage de données sur la corrélation entre terrorisme et exploitation illicite des ressources naturelles, la France a encouragé au renforcement des processus de traçabilité et de certification des ressources naturelles tels que le Processus de Kimberley, les partenaires dans ce processus devant notamment œuvrer à une redéfinition des « diamants de la guerre », adaptée aux nouveaux schémas conflictuels.   

La délégation française, appuyée par le Royaume-Uni, n’a par ailleurs émis aucun doute sur l’implication du groupe Wagner dans les activités régaliennes de plusieurs pays, « soi-disant pour des motifs sécuritaire », qui vise en partie à contrôler leurs mines d’or et de diamants.  Ces dires ont été relayés par la délégation des États-Unis qui a affirmé que les gains mal acquis du groupe Wagner sont utilisés pour financer la machine de guerre de Moscou en Afrique, au Moyen-Orient et en Ukraine. 

La Fédération de Russie a fustigé pour sa part le fait que les ressources naturelles de l’Afrique ont été transformées en une « grande carrière » par les exploitants européens, déplorant par ailleurs le caractère déséquilibré des régimes de sanctions, dont les embargos sur les armes, qui ne font que renforcer la position des groupes non étatiques. 

Souvent citée au cours du débat, la Républicaine centrafricaine a déploré les « effets pervers » des sanctions au titre du Processus de Kimberley qui aurait favorisé une augmentation de la fraude et des réseaux criminels, appelant en outre à la levée de l’embargo sur les armes pour lui permettre de reprendre le contrôle et réduire la capacité de nuisance des groupes armés.  À ce propos, la Chine a salué le Gouvernement centrafricain qui a réussi à étendre le contrôle de l’État et à réglementer le commerce et la gestion des diamants.  « L’ordre économique international injuste qui a piégé l’Afrique doit changer », a exigé la délégation. 

PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE

Renforcer la lutte contre le financement des groupes armés et des terroristes provenant du trafic de ressources naturelles - S/2022/728

Déclarations

Mme GHADA FATHI WALI, Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a constaté que la menace du terrorisme et la criminalité organisée s’installe durablement en Afrique.  Elle a dénombré, l’an dernier, 3 500 victimes d’actes de terrorisme en Afrique subsaharienne, soit la moitié des victimes à l’échelle mondiale, le Sahel en particulier subissant les assauts de groupes terroristes parmi les plus actifs et les plus meurtriers du monde.

Elle a jugé essentiel de mieux appréhender les liens entre criminalité organisée et terrorisme en Afrique par une collecte rigoureuse de données et de preuves, ainsi que le développement de programmes et politiques idoines.  L’exploitation illégale des minerais tels que l’or, l’argent et les diamants offre aux groupes armés, aux groupes rebelles et aux terroristes des sources de revenus importants, a-t-elle indiqué, notant que les produits de ces trafics peuvent en outre profiter aux groupes armés qui contrôlent les territoires d’extraction ou les routes de trafic.  L’accès stratégique et lucratif aux routes de trafic est également un enjeu de pouvoir entre groupes armés, a-t-elle ajouté. 

Dans un récapitulatif du travail de l’ONUDC, elle a mentionné l’appui offert aux États Membres dans la prévention et la réponse aux crimes menaçant l’environnement, notamment la faune, les forêts et la pêche, l’exploitation illégale des minerais et le trafic des métaux précieux et des déchets.  Elle a fait état d’une étude que son bureau a conduit entre 2019 et 2021 sur le trafic illégal des minéraux dans les zones frontalières entre le Gabon, le Cameroun et le Congo, dite zone TRIDOM, le Tchad et la République centrafricaine.  Il résulte de cette recherche que l’or et autres métaux précieux illégalement exploités se retrouvent sur le marché légal, avec un énorme bénéfice pour les trafiquants.  D’autre part, l’ONUDC et INTERPOL ont coordonné une opération de saisie d’armes à feu, confisquant 40 000 bâtons de dynamite et cordes de détonation destinés à l’extraction aurifère illégale par des groupes terroristes au Sahel. 

La Directrice exécutive de l’ONUDC a aussi évoqué le commerce illégal de l’ivoire qui génère, à lui seul, 400 millions de dollars de revenu par an.  Notant qu’environ 500 millions d’Africains vivaient dans une pauvreté extrême l’an dernier, elle a signalé que cette exploitation criminelle de ressources usurpe aux Africains une source de revenu importante, et vole à des millions de personnes qui dépendent des ressources naturelles leurs moyens de subsistance.  Cela alimente les conflits et exacerbe l’instabilité, a-t-elle alerté.  Par ailleurs, le trafic illicite des ressources naturelles entrave la réalisation des ODD et fait gravement obstacle à l’Agenda 2063. 

Mme Wali a ensuite indiqué que le travail de l’ONUDC s’étend bien au-delà des saisies aux frontières puisqu’il est aussi le gardien de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et aide les pays à mieux s’attaquer aux menaces terroristes grâce à la mise en place de politiques, de législations et de réponses opérationnelles.  Ainsi, pour la seule année 2021, 25 projets antiterroristes ont été mis en place en Afrique subsaharienne, ce qui a permis de former 2 500 personnes. 

Dans le cadre de l’initiative de financement antiterroriste en Afrique de l’Ouest, l’Office a appuyé les pays dans la mise sur pied de mécanismes nationaux de gel des avoirs, ce qui, a-t-elle précisé, a déjà conduit à une première désignation sur une liste nationale de sanctions.  Mme Wali a également fait part de partenariats avec le secteur privé, notamment les entreprises impliquées dans l’approvisionnement en minerais, le secteur public et la société civile.  Des ateliers de formation sont également organisés pour apprendre au personnel judiciaire comment détecter et lutter contre le trafic et le blanchiment d’argent.  Elle a aussi expliqué que l’ONUDC met en œuvre des programmes de lutte contre le trafic des espèces sauvages et du bois qui mettent l’accent sur le vol transfrontières de ces ressources.

Mme Wali a souligné par ailleurs que les zones de conflits sont fortement affectées par l’extraction minière illégale et le trafic des métaux précieux, ce qui fait que les canaux d’approvisionnement sont souvent liés à l’exploitation des enfants, la traite des personnes, le travail forcé et autres violations des droits humains.  Rappelant que 60% de la population africaine a moins de 25 ans, elle a estimé que les jeunes sont à la fois l’avenir mais aussi les citoyens les plus vulnérables du continent.  Elle s’est enorgueillie, dans ce contexte, du projet de consolidation de la paix de l’ONUDC mené par les jeunes en partenariat avec l’UNESCO pour autonomiser les jeunes et en faire « des tisseurs de paix » dans les régions transfrontalières du Gabon, du Cameroun et du Tchad.

M. BANKOLE ADEOYE, Commissaire de l’Union africaine aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité, a déclaré que le succès des terroristes et des extrémistes dans l’exécution de leurs activités dépend, « largement » de leur capacité à financer de manière adéquate et durable la préparation, la planification et l’exécution des attentats.  L’argent reste donc le principal catalyseur des terroristes.  Selon le Commissaire, en Afrique, divers moyens de financement et d’équipement du terrorisme existent, notamment les crimes liés aux ressources naturelles, comme l’exploitation minière illégale, en particulier l’or, le braconnage, le commerce illicite de trophées d’animaux sauvages comme l’ivoire et le pillage des ressources de la flore comme le bois qui sont soutenus par des réseaux criminels transnationaux organisés. 

En outre, il existe de plus en plus de preuves que les terroristes se tournent vers ces réseaux criminels pour générer des financements et acquérir un soutien logistique, leur fournissant un trésor de guerre à la fois financier et logistique.  Des sommes aussi importantes ont le potentiel de saper les économies nationales, de corrompre les fonctionnaires de l’État et de ronger les fondements mêmes des sociétés.

Dans ce contexte, la prévention du financement du terrorisme exige une stratégie à « multiples facettes », a souligné M. Adeoye.  Il a appelé à coopérer au niveau régional et international pour utiliser les renseignements recueillis dans les enquêtes financières afin de détecter et démanteler les réseaux terroristes.  De même, il a jugé nécessaire de consolider davantage la coopération en termes de renforcement des capacités et de transfert de connaissances en faveur des pays en situation de postconflit, notamment en matière de maîtrise des ressources naturelles et la constitution de bases de données nationales.  Les capacités des cellules nationales de renseignement financier méritent aussi être renforcées, a-t-il ajouté.

Les régimes de sanctions doivent par ailleurs être renforcés et cibler les parties apportant leur soutien aux groupes armés et terroristes pour l’exploitation illégale des ressources naturelles.  Il faut en outre renforcer les systèmes de contrôle et de surveillance financiers existants, et réglementer la collecte publique de fonds afin de veiller à ce que les recettes ne soient pas utilisées pour financer le terrorisme, a plaidé M. Adeoye qui a aussi appelé à améliorer le partage d’informations et la coordination en matière de lutte antiterroriste et à établir des cadres politiques et institutionnels solides.  Il est certain, a-t-il souligné, que la coopération entre les organismes compétents aux niveaux national, régional et international contribue à contrecarrer le financement du terrorisme. 

M. PAUL-SIMON HANDY, Directeur Afrique de l’Est et Représentant de l’Institut d’études de sécurité (ISS) auprès de l’Union africaine, a noté que du Sahel à l’est de la République démocratique du Congo et de la (RDC) jusqu’aux confins de la Somalie, les groupes armés non étatiques et terroristes ont des structures, des modes opératoires et des compositions variés.  Il faut donc éviter toute généralisation dans les types de réponses pour renforcer la lutte contre les activités génératrices de revenus pour les groupes armés, a-t-il souligné.  Il a également estimé que c’est l’existence de trafics en général qui doit être combattue, les ressources naturelles n’étant qu’une dimension de ces trafics qui s’étendent aux êtres humains, aux objets culturels et financiers, ainsi qu’aux drogues.  De nombreux exemples au Sahel illustrent combien que les groupes extrémistes violents exploitent les réseaux de criminalité transfrontalière et les conflits locaux pour s’implanter.  En République centrafricaine, certains groupes réussissent à taxer de millions de dollars par an par la seule taxation des routes de migration ou de pastoralisme, a-t-il indiqué. 

M. Handy a souligné que des outils, comme ceux de l’ONUDC sont à disposition mais peu utilisés.  Mais pour être opératoires, ces outils ont besoin d’une capacité accrue des appareils étatiques, ainsi que de la coopération nationale, surtout étant donné le caractère transnational de ces activités.  Ce à quoi nous faisons face, c’est plus une crise de l’inaction qu’une crise des instruments qui existent, a-t-il souligné, précisant que ces instruments existent sous forme de résolutions des Nations Unies, de protocoles de l’Union africaine ou des traités entre pays. 

Énumérant plusieurs pistes pour lutter contre les trafics, M. Handy a appelé à moderniser les régimes de sanctions, notant par exemple la capacité de certains acteurs à contourner le gel des avoirs, et à démanteler les réseaux criminels qui sont constitués à l’intérieur même des administrations et des forces armés des pays.  Il a aussi souligné la nécessité d’améliorer les processus du devoir de diligence.  Ces processus, tels que ceux de l’OCDE ou aussi du Processus de Kimberley, se sont transformés, a-t-il noté.  Par exemple, au lieu de mettre des pays tout entiers sous embargo, privant ainsi les États des recettes fiscales, on a compris qu’ils doivent s’appliquer de manière sélective. 

M. Handy a aussi affirmé qu’un des indicateurs essentiels de vérification des mesures prises est leur effet sur les ressources fiscales des pays.  Si la mise en œuvre des mesures ne débouche pas sur une augmentation des recettes dans une zone donnée, c’est bien que quelque chose de fonctionne pas convenablement, a-t-il estimé. 

M. MICHAEL MOUSSA ADAMO, Ministre des affaires étrangères du Gabon, a indiqué que la cartographie des groupes armés met en évidence le lien entre leur déploiement et la mainmise sur les ressources naturelles.  L’exploitation illicite des ressources naturelles est, au côté du trafic des êtres humains, des enlèvements contre rançon et du trafic de drogues, une source majeure de financement des groupes armés et terroristes.  Pour M. Adamo, « il est indéniable » que les richesses naturelles nourrissent le financement des conflits tout en étant l’un des principaux enjeux.  Le continent africain regorge d’innombrables ressources naturelles qui, si bien elles font la fierté du continent, sont malheureusement au cœur d’un trafic bien organisé qui contribue à semer la terreur au sein de nos villes et villages, au centre desquels les populations, de manière indiscriminée, subissent les atrocités, a-t-il expliqué. 

Le Ministre a fait état d’un nouveau commerce triangulaire, illégal, reliant l’Afrique exportatrice de matières premières, aux pays exportateurs d’armes et de mercenaires, à travers des pays offrant des montages financiers parallèles.  Il a aussi expliqué que les groupes armés et terroristes ont, pour mieux se financer, progressivement mis en place des circuits d’approvisionnements en ressources multiformes, ce qui a donné lieu à la formation « d’économies souterraines du crime » dans certaines parties de territoires des États et des zones transfrontalières.  Il a souligné d’autre part que les conflits « s’auto-entretiennent » par la prédation des ressources naturelles: les rentes minières permettent l’achat d’armes et le recrutement de miliciens.  De la même façon, une économie militaire et criminelle s’organise autour du trafic d’espèces sauvages de faune et de flore, des filières du coltan, de l’or et de l’étain, et autour du travail des enfants. 

Le Ministre a tenu à souligner que cette « économie parallèle » est dirigée par des militaires ou sociétés de sécurité, acheteurs et courtiers, exportateurs clandestins, avec des ramifications régionales et internationales.  Il a exhorté le Conseil à se saisir de cette situation alarmante dont sont victimes plusieurs régions du continent africain, et à y trouver des « solutions urgentes à la mesure de la saignée et de la détresse qui découlent du financement des groupes armés et terroristes ».  Pour ce faire, et étant donné l’ampleur de la tâche, M. Adamo a incité à une riposte multidimensionnelle alliant sécurité et développement tant il est fondamental de circonscrire les zones grises de l’économie criminelle et ses liens avec l’économie officielle.  Il a qualifié « d’exigence » l’identification des filières des entreprises, des armées, des transporteurs, des vendeurs et des trafiquants d’armes, des banques, des circuits financiers illégaux et des intermédiaires de toutes sortes, y compris ceux ayant la respectabilité d’entreprises à double face.

À cet égard, le Chef de la diplomatie gabonaise a réaffirmé le soutien de son pays au processus de Kimberley, se félicitant également des mesures prises par les États africains et les organisations internationales visant à réguler la chaîne d’approvisionnement en minéraux afin de promouvoir la transparence et de mettre en place un système de certification qui garantisse que les ressources minérales ne servent pas à financer les groupes armés.  À ce propos, il a estimé qu’il est indispensable que ces systèmes de certification soient inclusifs, intégrant aussi bien les producteurs que les acheteurs. 

Par ailleurs, il est indispensable que les avoirs des groupes armés et les « nébuleuses terroristes qui écument l’Afrique » soient traqués avec la même rigueur que les groupes terroristes internationaux avec l’éventail des mécanismes applicables à la lutte contre le financement du terrorisme et ce, aussi bien au niveau des chaînes d’approvisionnement, qu’envers les acheteurs finaux. 

M. Adamo a également recommandé le renforcement de la coopération sécuritaire transfrontalière par des opérations régionales conjointes, l’échange d’informations financières entre pays, la lutte contre la criminalité environnementale, le gel des avoirs, la coopération extrajudiciaire, la lutte contre la circulation illicite des armes légères et de petit calibre (ALPC), la lutte contre le blanchiment des capitaux, aux niveaux régional et global.  Parmi d’autres mesures, il a estimé qu’il était fondamental de nourrir la compréhension générale des liens complexes entre ressources naturelles et conflits violents par une coordination des programmes d’action, et des différents acteurs de la construction de la paix tout en enclenchant une dynamique positive et surmonter les clivages politiques, les « conflits d’intérêts ou les agendas cachés » afin de bâtir un consensus autour des normes et d’actions communes en matière de prévention des conflits et de construction de la paix.

Il a enfin plaidé pour que le Conseil de sécurité renforce ses mécanismes de répression des réseaux de financement des groupes armés en Afrique par le pillage des ressources naturelles et soutienne, « sans réserve », les efforts ainsi que le plaidoyer du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine, dans ce moment critique où le continent est en proie à la prolifération des groupes armés, aux assauts des groupes terroristes et d’autres menaces asymétriques à la paix et à la stabilité.  M. Adamo a aussi souligné l’urgence pour le Conseil d’agir avec plus de détermination pour assécher les financements des bandes armées qui alimentent l’instabilité et la violence dans plusieurs régions du monde.  « Les ressources naturelles ne doivent pas être une malédiction pour les pays qui les possèdent », a-t-il ajouté en conclusion.

M. ALBERT KAN-DAPAAH, Ministre de la sécurité nationale du Ghana, a déclaré que le contrôle des ressources naturelles a été l’un des « principaux moteurs » de nombreuses guerres civiles qui ont éclaté sur le continent africain, en particulier au cours des dernières décennies du XXe siècle, parmi lesquelles les guerres civiles de la Sierra Leone et du Libéria.  La menace existentielle que représente ce modèle de financement du terrorisme pour de nombreux États souligne donc la nécessité d’une action concertée urgente de la part du Conseil de sécurité, de l’ensemble des membres de l’ONU et d’autres parties prenantes clefs.

Or, le trafic illicite de ressources naturelles à des fins de financement du terrorisme en Afrique est soutenu par la facilité des mouvements transfrontaliers de ces mêmes ressources en raison des défis liés à sécurisation des frontières.  Un soutien au renforcement des capacités techniques, technologiques et humaines visant à renforcer la sécurité aux frontières en vue de réduire les exportations et les mouvements illicites de ressources naturelles est donc « impératif », a estimé le représentant.

Nous demandons donc, « instamment », le soutien continu de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme du Conseil de sécurité (DECT), de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) d’autres partenaires multilatéraux et bilatéraux dans la lutte plus large contre le terrorisme, y compris le soutien au renforcement de la sécurité aux frontières.  Les États, et les cadres régionaux, doivent donc être soutenus pour poursuivre énergiquement l’élaboration de politiques solides en matière de ressources naturelles et la mise en œuvre de mesures qui éliminent les possibilités de financement du terrorisme par l’exploitation des ressources naturelles, a plaidé le Ministre. 

Il a aussi indiqué que, l’Initiative d’Accra, qui est un mécanisme de sécurité coopératif et collaboratif entre sept pays d’Afrique de l’Ouest, a, jusqu’à présent, réussi à démanteler les cellules terroristes et les plaques tournantes des groupes criminels transnationaux opérant le long des frontières communes des États membres.  Avec le soutien de la communauté internationale, l’Initiative d’Accra peut servir de puissante initiative sous-régionale de lutte contre le terrorisme qui promeut la collaboration entre plusieurs pays pour prévenir le financement du terrorisme via l’exploitation des ressources naturelles, a assuré M. Kan-Dapaah. 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a appelé à agir face aux activités des groupes liés à Al-Qaida et à Daech en Afrique et a redoublé d’efforts contre ceux qui financent le terrorisme, afin de tarir ces flux financiers.  Elle a dénoncé la stratégie du groupe Wagner, « soutenu par le Kremlin », d’exploiter les ressources naturelles de la République centrafricaine, du Mali et du Soudan, ainsi que d’autres pays, affirmant que ces gains mal acquis sont utilisés pour financer la machine de guerre de Moscou en Afrique, au Moyen-Orient et en Ukraine.  Et plutôt que d’être un partenaire transparent et d’améliorer la sécurité, Wagner exploite ses États clients qui paient pour ces services de sécurité en or, en diamant ou en bois.  Cela fait partie du modèle commercial du groupe Wagner, a-t-elle dit, déplorant le lourd tribut payé par les populations de toute l’Afrique.  La représentante a ensuite estimé que le Comité créé en vertu de la résolution 1267 (2000), le Comité contre le terrorisme, et la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT) ont un rôle important à jouer.  Les sanctions font aussi partie intégrante de la lutte contre le trafic illicite des ressources naturelles, a-t-elle ajouté. 

M. V. MURALEEDHARAN, Ministre d’État chargé des affaires étrangères de l’Inde, a pointé d’emblée l’exploitation ces dernières années par les groupes armés et terroristes des lacunes sécuritaires et de la fragilité des institutions de la gouvernance sur le continent, en particulier dans la Corne de l’Afrique, le Sahel et l’Afrique centrale et orientale, régions qui demeurent vulnérables au blanchiment d’argent pour le financement terroriste.  Les groupes terroristes ont également financé leurs activités grâce à une exploitation de l’évolution rapide des technologies de l’information et de la communication, ainsi que d’autres technologies liées aux transactions financières, au cryptage et à plusieurs moyens de transport et de livraison, a-t-il observé, avant de mettre l’accent sur la prévention dans ces domaines.  Le Ministre indien a néanmoins indiqué que bien que des États ne disposent pas du cadre juridique antiterroriste nécessaire, il n’empêche que d’autres sont « clairement coupables » ou impliqués dans l’assistance et l’appui aux groupes terroristes, en leur offrant notamment des havres sûrs.

Partant, il a conseillé de mettre l’accent sur la redevabilité de ces États.  La lutte mondiale contre le terrorisme ne saurait réussir sans des efforts coordonnés contre le financement du terrorisme.  Le Ministre a appelé à reconnaître que tant que le terrorisme et les conflits armés s’étendront en Afrique, et que des groupes comme les groupes affiliés à Al-Qaida et Daech se sont renforcés au cours des dernières années, en s’adonnant à l’exploitation minière illégale de l’or, de minerais rares, de pierres précieuses, de l’uranium, du charbon et du bois notamment.  De leur côté, les Chabab ont mis en place des réseaux sophistiqués pour financer leurs activités terroristes.  Tous ces groupes sont également présents dans des conflits nationaux et tentent de contrôler le programme politique des pays concernés.  Le Ministre a estimé, dans ce contexte, qu’engager ces groupes dans le processus de réconciliation nationale ne fera qu’octroyer une légitimité aux terroristes et à donner à ces groupes un accès aux moyens et ressources dont ils ont besoin. 

Le Ministre a jugé nécessaire que la communauté internationale renforce son assistance aux pays africains dans le combat contre l’exploitation illégale de leurs ressources naturelles ainsi que de leur commerce.  Il a aussi souligné qu’une Afrique exempte de violence devra également se libérer du joug des forces extérieures qui dirigent l’exploitation de ses ressources naturelles.  Il a rappelé que son pays a invité à favoriser l’appropriation africaine et qu’il avait contribué aux programmes de l’ONUDC à hauteur de 550 000 dollars au profit de programmes de renforcement des capacités de nations d’Afrique de l’Est et australe.  L’Inde, qui préside cette année le Comité antiterroriste, organisera les 28 et 29 octobre prochains une réunion spéciale à Mumbai et à New Delhi, dans l’espoir de créer une architecture mondiale susceptible de répondre efficacement aux nouvelles technologies déployées par les terroristes et leurs soutiens contre des sociétés ouvertes, diverses et pluralistes. 

M. SHAKHBOUT BIN NAHYAN BIN MUBARAK AL NAHYAN, Ministre d’État des Émirats arabes unis, a rappelé que, selon l’ONU, l’exploitation illicite des ressources naturelles a alimenté au moins 18 conflits en Afrique depuis 1990.  Cette activité est devenue une « artère vitale » pour les groupes terroristes et les réseaux criminels organisés qui financent ainsi leurs activités et étendent leur influence.  Or, l’exploitation des ressources naturelles entraîne également des conséquences sur l’environnement et les changements climatiques.  Il y a un lien « indéniable » entre exploitation illicite des ressources naturelles, changements climatiques et terrorisme, comme on le voit en Afrique: ce sont les pays qui subissent le plus les effets des changements climatiques qui connaissent aussi le terrorisme, a-t-il affirmé. 

Or, les outils dont dispose la communauté internationale sont insuffisants.  Lutter contre l’exploitation illicite des ressources naturelles en Afrique n’est pas seulement une obligation morale, mais un investissement.  Les Émirats arabes unis, qui ont présidé le Processus de Kimberley en 2016, estiment qu’il faut continuer de renforcer la coopération entre États, mais aussi d’élaborer une architecture internationale plus « robuste » pour lutter contre le phénomène du financement du terrorisme par l’exploitation illicite des ressources naturelles.  Pour ce faire, il faut impliquer tous les acteurs pertinents, notamment les États qui connaissent le mieux la question ainsi que le secteur privé.  Le Conseil doit également élargir et appliquer son régime de sanctions de manière stricte, a préconisé le Ministre.  Il faut par ailleurs renforcer les capacités des États concernés et intéressés, à leur demande, a-t-il encore suggéré. 

M. DAI BING (Chine) a constaté que l’exploitation illicite des ressources naturelles, y compris les espèces sauvages, est par trop présente en Afrique, et que ce sont les groupes armés et terroristes qui en profitent.  Les ressources naturelles ne doivent pas devenir une malédiction pour la paix et le développement des pays africains, a-t-il déclaré, notant qu’une gouvernance améliorée peut réduire l’espace dont disposent les groupes qui se livrent au trafic.  Ainsi, le Gouvernement de la République centrafricaine a étendu le contrôle de l’État et a réglementé le commerce et la gestion des diamants.  

Le représentant a par ailleurs relevé que les groupes armés et les forces terroristes prennent leur essor dans des régions sous-développées, une situation aggravée par le caractère inadéquat de l’aide internationale à l’Afrique.  Il a appelé les pays développés à respecter leurs engagements afin de renforcer la sécurité en Afrique.   Nous devons créer un système de valeur de ressources mondiales plus durable, a-t-il souhaité, notant que certains États disposent d’importantes ressources minérales tout en étant très contraints financièrement.  L’ordre économiques international injuste qui a piégé l’Afrique doit changer, a-t-il dit.   

M. VASSILI A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a souligné que les ressources naturelles sont le facteur le plus important d’un développement durable.  Leur protection et exploitation relèvent de la prérogative des peuples des pays qui en disposent, et les pays africains ne se sont pas encore remis du fait que leurs ressources naturelles ont été transformées en une « grande carrière » par les exploitants européens.  Il a salué les efforts des gouvernements nationaux dans la lutte contre les groupes terroristes, ajoutant que le rôle premier en revient « aux Africains eux-mêmes ».  Il a énuméré plusieurs mesures comme l’échange d’informations, l’approfondissement de la coopération entre les forces de l’ordre, la pénalisation systématique de l’appartenance à des organisations terroristes et armés organisés, susceptibles de conduire à une élimination de la présence de tels groupes sur le continent.   

M. Nebenzia a invité à pleinement prendre en compte les attentes et les efforts des pays concernés.  La Russie est un participant « responsable » au Processus de Kimberley, a-t-il dit, avant de rappeler que celui-ci a été largement développé sous la présidence russe en 2021.  Qui achète les ressources naturelles et finance les groupes terroristes, dont des armes et des attaques?  En guise de réponse, il a déclaré: « Nous ne saurions taire le problème de fourniture d’armes et de munitions aux terroristes », et le caractère déséquilibré des régimes des sanctions, dont les embargos sur les armes, qui ne font que renforcer la position des groupes non étatiques, souvent mieux armés que les forces gouvernementales, comme c’est le cas en République centrafricaine.  Il a également noté les Chabab, en Somalie, ne font que s’enrichir grâce à la contrebande.  Cela est également vrai au Soudan, a—t-il ajouté.  Le délégué a par ailleurs répliqué à la représentante des États-Unis, qui a utilisé l’expression « État client » en parlant de l’Afrique, alors que la Russie, elle, traite avec des « partenaires ».

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a estimé que les réponses à la question du financement du terrorisme par l’exploitation illicite ne peuvent seulement être politiques ou militaires.  Comme l’ont demandé les résolutions du Conseil de sécurité, les gouvernements doivent renforcer leurs cadres juridiques pour faire en sorte que les auteurs de financement du terrorisme soient tenus responsables de leurs actes.  Dans ce contexte, la déléguée a appelé les pays des Grands Lacs à mettre en œuvre un mécanisme de certification régionale et à souscrire au Processus de Kimberley.  Selon la représentante, pour améliorer la lutte contre le financement du terrorisme par le commerce illicite des ressources naturelles, il faut accroître la traçabilité et désorganiser les flux illicites et les réseaux criminels et terroristes.

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a souligné que le point commun entre le terrorisme et l’activité des groupes armés est qu’ils prospèrent lorsque les institutions de l’État sont absentes ou incapables de remplir leurs fonctions.  Il a constaté avec inquiétude que des groupes comme les Chabab peuvent même supplanter l’autorité de l’État, en agissant comme un prestataire de services dans des communautés qui reçoivent peu de soutien de leur gouvernement.  Le représentant a appelé à lutter contre le financement du terrorisme et l’activité d’autres groupes armés sur la base de diagnostics objectifs et spécifiques, relevant notamment que les rapports des groupes d’experts du Conseil de sécurité montrent que le transfert illicite d’armes légères et de petit calibre est financé par les revenus de l’exploitation des ressources naturelles.  Il a appelé à la mise en œuvre de la résolution 2616 (2021).  Il a également souligné que la coordination régionale est indispensable, notamment sur le plan de la coopération judiciaire, l’harmonisation de la législation, ainsi que le renforcement des systèmes judiciaires et de poursuites.  Il faut également reconnaître que les solutions essentiellement militaires sont insuffisantes et peuvent conduire à la généralisation du conflit, a-t-il dit, ajoutant que la propagation de la violence au Sahel en est un exemple clair.    

Le représentant a par ailleurs appelé à une attention accrue sur les causes qui poussent les jeunes à rejoindre les rangs des organisations terroristes et des groupes armés.  Ainsi, la communauté internationale doit mobiliser un soutien plus important, via l’architecture de consolidation de la paix notamment, pour promouvoir, par exemple, la création d’opportunités économiques et de formation pour la population, en particulier les jeunes. 

M. FERGAL TOMAS MYTHEN (Irlande) a noté la corrélation entre l’exploitation des ressources naturelles et le développement durable mais souligné que, dans le bassin du lac Tchad, par exemple, le vol du bétail permet à l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) de collecter des fonds.  Ce type d’exploitation illégal est également manifeste dans d’autres régions et crée des tensions, en particulier en République démocratique du Congo.  Il a encouragé à prendre des mesures de tarissement de l’accès des groupes terroristes aux ressources et à renforcer les mécanismes de reddition de comptes.  Dans cette optique, il aussi conviendrait de renforcer les capacités institutionnelles, la coopération de toutes les parties prenantes et le système judiciaire, a-t-il ajouté.  Le représentant a appelé à mettre en œuvre les recommandations de l’atelier de Khartoum sur les ressources naturelles dans les Grands Lacs, reconnaissant également l’importance des normes du Groupe d’action financière (GAFI).  Il a en outre souhaité que les membres des comités de sanctions et groupes d’experts disposent de ressources adéquates pour s’acquitter de leurs mandats. 

Mme ISIS MARIE DORIANE JARAUD-DARNAULT (France) a jugé important de renforcer la connaissance du phénomène de financement des groupes armés et des groupes terroristes en Afrique par l’exploitation directe des ressources naturelles.  Les données manquent encore, notamment s’agissant des groupes terroristes.  Les travaux menés dans le cadre des Nations Unies ou par l’Union africaine sont à cet égard particulièrement utiles, a-t-elle estimé, appelant les opérations de paix à prendre davantage en compte ces facteurs dans la mise en œuvre de leurs mandats.  La représentante a aussi appelé à poursuivre les efforts de coopération pour mener une lutte plus efficace contre l’exploitation illégale des ressources naturelles et le financement des groupes armés qui déstabilisent le continent.  Dans ce contexte, il importe de renforcer les processus de traçabilité et de certification des ressources naturelles tels que le Processus de Kimberley et de lutter contre l’impunité à l’égard de la criminalité liée aux ressources naturelles.  Elle a encouragé à cet égard, les partenaires du Processus de Kimberley à œuvrer ensemble à une redéfinition des diamants de conflits, adaptée aux nouveaux schémas conflictuels.   

La représentante a ensuite reconnu que des avancées ont été obtenues, saluant notamment les travaux du Comité régional de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs pour la lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles, qui s’est tenue en avril 2022, à Kinshasa, et qui ont permis d’avancer vers la mise en place d’une stratégie sur l’or artisanal.  Elle a par ailleurs exhorté la communauté internationale à faire preuve de lucidité face à la stratégie « prédatrice » déployée par les mercenaires de Wagner sur le continent.  Il ne fait aucun doute que l’implication de Wagner dans les activités régaliennes de plusieurs pays, soi-disant pour des motifs sécuritaires, vise en partie à contrôler leurs mines d’or et de diamants, a accusé la représentante.

Mme MONA JUUL (Norvège) a estimé que les conflits liés à la gestion des ressources naturelles sont liés au terrorisme, à la criminalité organisée, à la corruption, aux violations des droits de la personne, à la criminalité financière et à d’autres menaces pour la paix et la sécurité.  Dans de nombreux pays africains, le trafic illicite de ressources naturelles constitue une source de revenus importante pour les groupes armés, a-t-elle rappelé.  L’or, les minerais, le bois, le charbon de bois et les produits de la faune sauvage sont tous exploités et sortis illégalement des zones de conflit, une méthode de financement « stratégiquement importante » pour les affiliés de Daech et d’Al-Qaida sur le continent.  Par conséquent, il est nécessaire de privilégier une approche collaborative et holistique pour mettre fin à l’exploitation illégale, renforcer la gestion des ressources naturelles et remédier à la corruption économique.  La représentante a estimé qu’au niveau national, il convient de s’attaquer aux faiblesses institutionnelles en créant des mécanismes de gouvernance solides, de renforcer les institutions centrales et le contrôle démocratique.  Elle a souligné que les États-Unis et son pays ont récemment lancé « l’alliance contre les crimes contre la Nature ».  Enfin, les sanctions du Conseil de sécurité, qui constituent une contribution importante à l’arrêt des trafics illicites, pourraient être renforcées par l’adoption de nouvelles désignations d’entités et d’acteurs qui tirent parti du commerce illicite des ressources naturelles en aval de la chaîne d’approvisionnement, a-t-elle suggéré en conclusion.   

M. MARTIN KIMANI (Kenya) a cité les chiffres du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) démontrant que le continent possédait 30% des réserves mondiales de minerais, 8% de celles du gaz naturel et 12% des réserves pétrolières, de même que 40% de l’or et environ 90% du chrome et de platine.  D’autre part, les plus grandes réserves de cobalt, diamants, platine et uranium se trouvent également en Afrique, et dans la plupart des pays africains, le capital naturel oscille entre 30 et 50% de la richesse totale.  Ces immenses richesses sont au cœur de la production industrielle et de la génération de la richesse, a-t-il souligné.  Et le fait qu’elles se trouvent dans des pays aux systèmes de justice pénale limités en font une opportunité « irrésistible » pour les terroristes et les insurgés qui dominent et contrôlent le territoire en vue du commerce de ressources illégalement acquises.   

Soulignant que la protection de la paix et la sécurité en Afrique est impossible si les ressources naturelles du continent ne sont pas réappropriées par la population, il a appelé à briser le cycle des approches utilisées au cours des siècles passés durant lesquels les ressources humaines et naturelles africaines représentaient une partie significative du commerce et de la production internationales.  Pour le représentant, c’est au secteur privé que doivent être apportés les changements les plus importants.  Il a appelé toutes les entreprises qui importent et transforment des ressources naturelles africaines à l’échelle mondiale à mettre en place des systèmes de sensibilisation et de surveillance des minerais provenant des zones de conflit.  Il faut aussi combler les lacunes qui permettent aux flux financiers illicites de provenir des ventes de ressources naturelles en Afrique, ce qui nécessite une législation efficace, une évaluation sectorielle des risques et des règlements contre les conflits d’intérêts.  De même, il a appelé à renforcer la transparence des structures d’entreprise, punir la falsification des factures commerciales, et détecter les faiblesses dans les chaînes d’approvisionnement afin de déployer des contre-mesures.   

Le soutien aux actions militaires nationales et régionales doit s’accompagner de campagnes de renforcement de l’État sur la base des priorités nationales, a poursuivi le représentant.  Il a ainsi exhorté le Conseil à envisager d’autres moyens de soutenir les pays touchés afin de garantir que les espaces sous-gouvernés soient correctement contrôlés par les États.  Cela nécessitera soit de changer la nature du maintien de la paix de l’ONU, soit de fournir un financement prévisible et adéquat aux forces régionales, a-t-il signalé, ajoutant que la Commission de consolidation de la paix a également un rôle précieux à jouer.  Le Conseil de sécurité doit aussi s’engager davantage à démanteler les réseaux terroristes en Afrique. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a constaté que, de la Somalie au Soudan en passant par la République démocratique du Congo (RDC), le commerce illicite des ressources naturelles, dont le charbon de bois, le bois d’œuvre et l’or, a contribué à financer les conflits et les activités des groupes armés.  L’augmentation de la demande mondiale de minéraux essentiels risque en outre d’exacerber l’approvisionnement illégal en ressources naturelles.  Un effort coordonné pour s’attaquer aux causes profondes des conflits est donc vital, a-t-elle souligné. 

Après avoir rappelé que le Conseil de sécurité a agi en Somalie en interdisant l’exportation de charbon de bois pour couper les sources de revenus des Chabab, la représentante a appelé à renforcer les régimes de sanctions du Conseil pour lutter contre les individus et les entités qui exploitent illégalement les ressources naturelles.  En outre, les efforts visant à lutter contre le trafic illicite de ressources naturelles doivent être soutenus par des processus de certification et de vérification rigoureux.  La représentante a de plus relevé que selon de nombreux médias indépendants, les ressources aurifères au Soudan et en République centrafricaine sont exploitées par des filiales ou succursales du groupe Wagner, comme Meroe Gold.  Ces opérations de contrebande présentent des risques en matière d’écologie et de droits humains et constituent une perte considérable pour le Soudan, a-t-elle alerté. 

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a qualifié « d’élément central » le renforcement des capacités dans la lutte contre le financement des groupes terroristes, estimant que les opérations de maintien de la paix pourraient contribuer au renforcement des capacités institutionnelles locales de gestion et de régulation des ressources extractives.  Il a cité à cet égard l’autorisation donnée par le Conseil de sécurité à la MONUSCO d’appuyer la réglementation des ressources minières en République démocratique du Congo.    

Pour autant, a nuancé le représentant, le terrorisme et le crime organisé sont des phénomènes différents.  Leur lutte nécessite des approches et des recours juridiques distincts.  Assimiler les uns aux autres va à l’encontre de l’objectif de trouver une solution efficace aux différents défis qu’ils présentent, a-t-il prévenu, ajoutant que le Conseil de sécurité devrait adapter son approche au cas par cas, en tenant compte des spécificités de chaque situation.

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a estimé que ce débat a acquis un nouveau thème, à savoir: la coopération de la Russie avec les pays africains.  Elle a jugé qu’il serait utile de savoir combien d’argent la France a gagné, depuis l’indépendance, grâce à l’exploitation des ressources des pays africains qu’elle dominait.  

Reprenant la parole, Mme JARAUD-DARNAULT (France) s’est dite étonnée de cette reprise de parole et a souligné que dans son intervention, elle avait uniquement évoqué le groupe Wagner. 

M. MARIUS ARISTIDE HOJA NZESSIOUE (République centrafricaine) a déclaré que dans son pays, la captation des ressources naturelles par les groupes armés a pris une ampleur considérable, expliquant que depuis 2013, certains groupes, comme la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), ainsi que des résidus de mercenaires ont pris le contrôle des routes commerciales.  Ces groupes imposent des taxes, des droits de douane ou des obligations d’escorte pour s’enrichir, se financer et s’équiper en armes notamment sur la route de transhumance dans le nord et l’ouest ainsi que sur la route de commerce vers le nord-est du pays qui sont utilisées aussi bien pour le trafic de produits de base que pour l’or et les minerais issus de zones sous leur contrôle.  Une étude montrait en 2007 qu’une seule route de commerce pouvait générer à elle seule 2,5 millions d’euros annuels de recettes pour les groupes armés, a-t-il déploré, tout en reconnaissant la responsabilité de la République centrafricaine dans cet état de fait, due en partie à une faiblesse structurelle.  

Cependant, certaines décisions de la communauté internationale ont amplifié le problème, a estimé le représentant, pointant notamment les effets pervers des sanctions du Processus de Kimberley.  L’interdiction totale d’exportation des diamants de la République centrafricaine a entraîné une désorganisation totale du secteur et favorisé une augmentation de fraude et des réseaux criminels, a expliqué le délégué.  De même, la mise en place de l’embargo sur les armes a empêché l’État d’exercer son autorité sur l’ensemble du territoire et a favorisé l’implantation de groupes armés qui se sont mus sans aucune contrainte, malgré la présence des contrôles internationaux.  Le délégué a ensuite demandé la levée totale de l’embargo sur les armes pour permettre à son pays de pouvoir reprendre le contrôle et réduire la capacité de nuisance des groupes armés.  

Reprenant la parole, M. KIMANI (Kenya) a invité à regarder vers l’avenir et vers une appropriation effective par l’Afrique de ses ressources afin qu’elle puisse en bénéficier pleinement.  Il a également souhaité que l’Afrique ait un siège permanent au Conseil de sécurité. 

M. OSAMA MAHMOUD ABDELKHALEK MAHMOUD (Égypte) a appelé à l’intensification des efforts et des cadres juridiques nationaux et internationaux pour éviter que les ressources naturelles tombent sous le contrôle des groupes terroristes.  À cette fin, il convient de ratifier et mettre en œuvre les instruments internationaux en la matière.  Partant du principe de trouver des solutions africaines aux problèmes africains, il a souligné qu’il faut s’appuyer sur les institutions et organismes chargés de tous les aspects de production, d’exploitation, de transport et de vente des ressources naturelles.  L’Égypte a ainsi arrêté les concepts nationaux dans ce contexte, et participe, de longue date, aux opérations de maintien de la paix par la fourniture du personnel militaire et de police.  Il a souscrit à la deuxième déclaration prononcée par le Kenya. 

M. OLOF SKOOG, Chef de la délégation de l’Union européenne auprès des Nations Unies, a dit qu’il faut dès à présent savoir comment les groupes terroristes financent leurs activités et trouver les moyens d’y répondre.  L’UE, à travers ses divers partenariats et activités de coopération en Afrique, aide à lutter contre le terrorisme, par le biais de la formation ou de l’assistance, comme dans le cadre de l’opération Atalante, qui lutte contre la piraterie maritime aux larges de la Somalie, notamment le trafic de charbon de bois qui finance le terrorisme des Chabab.  M. Skoog a également affirmé que le problème de la lutte contre le financement du terrorisme n’est pas seulement technique, mais politique.  Les États doivent s’engager, dans leurs législations, à lutter contre le blanchiment d’argent et le contrôle direct des flux financiers.  L’Union est disposée à aider les pays tiers en ce domaine, notamment par l’entremise de ses cinq délégations en Afrique, a-t-il ajouté.

M. OMAR HILALE (Maroc) a constaté que le continent africain continue de subir les affres des groupes armés terroristes et séparatistes qui menacent la paix, le développent et la stabilité des États africains.  Le trafic illicite des produits halieutiques, pétroliers, gaziers, ainsi que des pierres et métaux précieux, sont des formes répandues du financement du terrorisme en Afrique.  La communauté internationale devrait se mobiliser davantage et d’urgence pour asphyxier ces groupes, a-t-il dit.  Il s’est félicité des résolutions 2195 (2014), 2462 (2019) et 2482 (2019) qui reconnaissent que l’exploitation des ressources naturelles est une source de financement du terrorisme et encourage les États Membres à poursuivre les efforts afin d’assurer la reddition de comptes.  Le représentant a souligné que le Conseil de sécurité et les groupes régionaux sont des instruments indispensables pour lutter contre ces groupes illicites.  Il a ensuite décliné quelques mesures que son pays a mises en place pour lutter contre le financement du terrorisme, notamment l’accueil en mai dernier de la coalition contre Daech -une première en Afrique- la mise en œuvre rigoureuse des sanctions du Conseil de sécurité, le renforcement du partage d’information, ainsi que l’assistance et l’échange d’expertise. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a déclaré, compte tenu des conséquences du terrorisme en Afrique, le Conseil de sécurité et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine devraient davantage coopérer sur ce sujet important pour l’Afrique.  Il a appelé à renforcer les structures de gestion et prévention des conflits et à trouver des solutions efficaces pour lutter contre le financement des groupes terroristes.  Il faut en outre mettre en place un mécanisme qui oblige les multinationales qui entrent dans le commerce des ressources naturelles en Afrique ou par le biais de succursales, à s’identifier et à respecter les principes de diligence voulue.  Si ces entreprises ne respectent pas les règles, elles devraient être inscrites sur la liste des sanctions.  Or, ce n’est pas toujours le cas, a déploré le représentant, notant que beaucoup de ces entreprises participent au financement des groupes armés ou terroristes.

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