Troisième Commission: inquiétudes face à la régression des droits des enfants dans le monde
Le « monde n’est toujours pas digne de tous les enfants ». C’est l’amer constat dressé aujourd’hui devant la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, par le Directeur des Programmes de l’UNICEF, rejoint dans son analyse par quatre autres experts de la question des droits des enfants avec qui les États Membres ont dialogué.
La pandémie de COVID-19, les conflits et autres crises humanitaires et les changements climatiques ont terni plus encore la situation, a diagnostiqué M. Sanjay Wijesekera, craignant que nombre d’enfants marginalisés et vulnérables risquent d’être laissés pour compte ou privés de leur droit.
Face à cette situation, la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question de la violence contre les enfants, Mme Najat Maalla M’Jid, a appelé à « donner un coup de fouet à nos efforts collectifs ». Mais là où le bât blesse, c’est qu’il n’y a pas de cadre qui regroupe tous ces trains de mesures, a tempéré la Représentante spéciale pour la question des enfants et des conflits armés, qui a défendu le lancement d’une stratégie globale permettant de regrouper tous les cadres existants.
Mais, a insisté Mme Virginia Gamba, il s’agit d’abord de recueillir davantage de données pour contribuer aux mesures de réinsertion des enfants après les conflits armés et les aider à dépasser leurs traumatismes. Elle a notamment alerté que, près de 24 000 enfants ont subi des formes de violations graves en 2021, s’inquiétant en outre d’une augmentation de 40% des enlèvements de filles depuis son dernier rapport.
Les mots « protection et prévention » sont revenus souvent dans la bouche des intervenants, qui ont plaidé pour mettre en place un environnement sain pour les plus vulnérables, notamment dans les zones en conflit, que ce soit en Ukraine, en Afghanistan, au Yémen ou dans d’autres pays en Afrique.
De fait, a reconnu la Rapporteuse spéciale sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants, y compris la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et autres contenus montrant des violences sexuelles sur enfant, certains groupes d’enfants risquent davantage d’être victimes de la vente, de l’exploitation et des abus sexuels. Mme Mama Fatima Singhateh s’est aussi inquiétée des risques que pose l’espace numérique, suggérant de renforcer son cadre juridique et politique.
Préoccupée par les effets qu’ont les changements climatiques sur la hausse des violences à l’égard des enfants, la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question de la violence contre les enfants a par ailleurs alerté que, plus de 10 millions d’enfants ont été déplacés en raison de phénomènes climatiques, accentuant leur précarité. Il faut écouter et impliquer les enfants dans les processus décisionnels afin de garantir que les politiques climatiques soient adaptées à eux, a plaidé Mme M’Jid.
À ce sujet, la Présidente du Comité des droits de l’enfant, Mme Mikiko Otani, a fait savoir que 13 enfants défenseurs des droits humains conseillent actuellement le Comité sur son projet d’observation générale sur les droits de l’enfant et l’environnement, avec un accent particulier sur les changements climatiques, confiant trouver une source d’inspiration dans les appels à l’action venant des enfants.
Dans une même veine, le Liechtenstein a fait état de l’augmentation du nombre de cas portés par les jeunes devant la justice nationale et internationale. Cela montre à quel point les jeunes font entendre leur voix en faveur d’une justice intergénérationnelle dans le combat contre les changements climatiques, s’est-il félicité.
L’importance de l’éducation a également été soulignée à plusieurs reprises au cours de cette journée de débats, notamment par République démocratique du Congo qui, au nom de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), l’a assimilé à l’un des piliers stratégiques de l’égalité des sexes et de l’autonomisation économique des femmes. Plaidant pour un système d’éducation fondé sur l’égalité des chances, l’Union européenne a appelé pour sa part à appuyer le développement et l’accès à une éducation numérique de qualité, abordable, et sensible au contexte.
La Troisième Commission reprendra ses travaux lundi 10 octobre à partir de 10 heures.
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’ENFANT
Déclarations liminaires suivies de dialogues interactifs
Mme VIRGINIA GAMBA, Représentante spéciale du Secrétaire général pour la question des enfants et des conflits armés, a informé les États Membres des travaux menés dans le cadre de son mandat, ainsi que des défis auxquels est confronté le plaidoyer pour la protection des enfants touchés par les conflits armés. En 2021, a-t-elle relevé, les Nations Unies ont confirmé près de 24 000 violations graves commises contre des enfants. Parmi celles-ci, les cas de recrutement et d’utilisation d’enfants et de meurtre ou d’atteinte à l’intégrité́ physique sont restés les plus nombreux, suivis de près par les refus d’accès humanitaire et les enlèvements, a précisé Mme Gamba, dont le rapport couvrait la période allant d’août 2021 à juillet 2022. Les enlèvements de filles ont connu une augmentation frappante de 40% par rapport à la période précédente, s’est-elle alarmée, avant de noter que les données recueillies par le mécanisme de surveillance et de communication de l’information continuent de montrer que les garçons et les filles sont touchés différemment par les violations graves. « Nos données recueillies pour le premier semestre de cette année montrent que ces tendances se poursuivent », a-t-elle ajouté.
Mme Gamba a indiqué qu’à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire du mandat, une étude sur son évolution, publiée en janvier, a mis en évidence les succès obtenus tout en soumettant des recommandations concrètes pour combler les lacunes existantes à l’avenir, à commencer par l’amélioration de l’analyse des données. Sur cette base, a-t-elle expliqué, son bureau a élaboré des études sur l’impact des violations graves sur les enfants handicapés dans les conflits armés, les liens entre l’insécurité climatique, la traite des enfants et les six violations graves, ainsi qu’une note d’orientation sur le refus d’accès humanitaire et les conflits armés. Une étude a également été menée sur les dimensions sexospécifiques des violations graves à l’encontre des enfants afin d’examiner dans quelle mesure le genre « façonne » le type de violations que différents enfants subissent, et donc d’identifier les besoins distincts en matière de protection et de prévention.
En collaboration avec Save the Children International, War Child, le Royaume-Uni et la Norvège, la Représentante spéciale a par ailleurs réuni en avril dernier, des partenaires de l’ONU, des États Membres et de la société civile pour discuter des moyens de faire avancer le programme sur les enfants et les conflits armés. De cette concertation ont émergé de nouvelles idées, notamment les thèmes de la prévention et de la réintégration, ce qui, selon Mme Gamba, a conduit au projet de rassembler tous les outils et initiatives élaborés à différents niveaux pour protéger les enfants dans les conflits armés dans un cadre international global au niveau de l’Assemblée générale. « Aujourd'hui comme hier, la meilleure solution pour protéger les enfants reste la prévention des violations et le maintien de la paix, notamment par une meilleure réintégration des enfants », a-t-elle fait valoir.
S’agissant de la réintégration, les efforts se sont concentrés cette année sur les recherches et les recommandations de la Coalition mondiale pour la réintégration des enfants soldats, a-t-elle indiqué, ajoutant que son bureau collabore avec la Banque mondiale pour organiser un forum d’innovation financière afin de rechercher des modalités de financement pour ces programmes. Parmi les autres initiatives, la Représentante spéciale a annoncé la tenue prochaine d’un Symposium international à Nairobi rassemblant toutes les parties prenantes impliquées dans les programmes de réintégration.
Avec le suivi de 25 situations à l’ordre du jour, « nous avons du pain sur la planche », a reconnu la responsable onusienne, qui s’est réjouie qu’en 2021, grâce aux dialogues établis avec les parties au conflit, plus de 12 200 enfants aient été libérés. De surcroît, au moins 40 nouveaux engagements ont été pris par les parties belligérantes pour mieux protéger les enfants. Mme Gamba a fait état de la signature de plans d’action par la Plateforme au Mali en août 2021 et, plus récemment, par les houthistes au Yémen en mai 2022 pour mettre fin et prévenir les violations graves contre les enfants. Au Soudan du Sud, où elle a participé en juin à une conférence nationale sur les enfants et les conflits armés, la Représentante spéciale a obtenu un engagement concret du Gouvernement à mettre en place un point focal pour la protection de l’enfance au sein du Ministère de la justice. De même, au cours de sa visite au Caire, elle a exploré avec les représentants de la Ligue des États arabes, les moyens de renforcer les initiatives régionales de prévention, d’intégrer la protection des enfants dans les processus de médiation et de protéger les écoles contre les attaques.
Mme Gamba s’est aussi rendue cette année à Bruxelles, Doha et Andorre, ainsi qu’au Royaume-Uni et en France, décrochant des accords concrets de coopération, comme la signature d’un accord avec le Fonds qatari pour le développement pour soutenir les ressources de son bureau. À Paris, à l'occasion de la Journée internationale de la protection de l’éducation contre les attaques, elle a signé un protocole d’accord avec l’UNESCO pour renforcer la coopération. Cependant, a-t-elle précisé, son travail quotidien consiste à rencontrer des États Membres « dont le soutien reste impératif » pour que la question des enfants et des conflits armés figure en bonne place dans l’agenda politique. Ce soutien se manifeste par la création de groupes d’amis des enfants dans les conflits armés, qui sont des plateformes essentielles pour le partage d’informations et le plaidoyer, a souligné la Représentante spéciale. À ses yeux, les enfants touchés par les conflits « ne méritent rien de moins que notre plus grand engagement et nos actions collectives ».
Dialogue interactif
À la suite de l’exposé de la Représentante spéciale, l’Union européenne a souhaité savoir comment faire en sorte que plus aucun enfant ukrainien ne soit victime de la guerre d'agression de la Fédération de Russie. C’est d’autant plus urgent que des rapports choquants émanent de ce pays en guerre, s’est alarmée l’Allemagne. De son côté, l’Ukraine s’est déclarée déterminée à coopérer avec le bureau de la Représentante spéciale pour stopper et prévenir les violences contre les enfants en raison de l’invasion russe. Au nom des pays baltes, la Lettonie, s’est interrogée sur le principe de responsabilité, tandis que la France réclamait une évaluation de la situation des enfants en Ukraine. À leur tour, les États-Unis se sont dit préoccupés par le nombre de violation des droits de l’enfant en Ukraine, citant des données de l’UNICEF selon lesquelles près de 1 000 enfants ont été tués ou blessés en Ukraine depuis l’attaque préméditée et non justifiée de la Fédération de Russie contre ce pays.
Par ailleurs, de nombreux États Membres, à l’instar de la Pologne, du Luxembourg et de la Suisse, ont souhaité connaître les moyens d’améliorer la surveillance et la collecte d’informations, notamment concernant les enfants identifiés comme LGBTI. Une démarche soutenue par la Belgique, qui a appuyé l’approche basée sur le genre. Le Liechtenstein s’est quant à lui inquiété des violences sexuelles à l’égard des enfants dans les conflits armés, insistant sur le fait que ces violences contre les garçons restent sous-signalées. Comment alors mieux protéger les enfants dans les conflits armés, notamment dans les situations où il y a des inégalités de genre, a demandé la Slovénie.
La Norvège s’est plus spécifiquement intéressée au programme de réinsertion dans la société, insistant pour que ces enfants soient traités comme victimes. De son côté, la Géorgie a attiré l’attention sur la « « terrible » situation humanitaire et des droits de l'homme dans les régions géorgiennes d’Abkhazie et de Tskhinvali occupées par la Russie. Comment comptez-vous continuer à aborder l'impact sexospécifique des conflits armés sur le mécanisme de surveillance et de communication de l’information sur les enfants, a voulu savoir Malte.
La Fédération de Russie est revenue sur les efforts déployés par les Gouvernements syrien et irakien pour libérer et rapatrier dans leur pays d’origine les enfants de terroristes étrangers et a accusé les États-Unis d’agression et de pillage en territoire syrien. Sur cette même ligne, la République arabe syrienne a attiré l’attention sur la situation de 500 enfants détenus dans une prison du nord-est de son pays, avant de regretter que le rapport de Mme Gamba manque d’objectivité. La Türkiye a, elle, dénoncé les crimes commis en Syrie par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), les Unités de protection du peuple et leurs affiliés. Évoquant pour sa part, les recrutements d’enfants par les houthistes au Yémen, l’Arabie saoudite a souhaité savoir si ces derniers respectaient leurs engagements signés en avril dernier, tandis que la Palestine rappelait que le conflit dans la région était particulièrement meurtrier pour les enfants palestiniens.
Le Mexique a, lui, invité le bureau de la Représentante à accorder une plus grande importance à la question des mines dans les conflits armés, souhaitant que cette question figure dans le prochain rapport. Pour finir, Qatar s’est engagé à continuer d’appuyer le mandat de la Représentante spéciale par le biais d’une donation de 2 millions de dollars pour la période 2022-2023.
En réponse aux questions et remarques des délégations, la Représentante spéciale pour la question des enfants et des conflits armés a insisté sur la nécessité de recueillir davantage de données pour contribuer aux mesures de réinsertion des enfants après les conflits et les aider à dépasser leurs traumatismes. Soulignant l’importance des ressources et du savoir-faire, elle a dit avoir lancé la Coalition globale pour la réinsertion afin de mieux comprendre quelles sont les besoins, avant de faire état de ses travaux en matière de santé mentale pour tous les groupes d’âges, sur la base de données ventilées par sexe. À cet égard, elle a exhorté à redoubler d’efforts, annonçant avoir signé récemment un mémorandum d’entente avec l’UNESCO et son bureau régional basé à Doha pour mener des projets conjoints en vue de l’amélioration des programmes scolaires au profit des enfants qui reviennent des conflits. Cela pourra également être également utile à l’Ukraine en temps voulu, a-t-elle estimé.
Selon Mme Gamba, les initiatives engagées et les conventions en vigueur offrent les normes et les politiques nécessaires à la protection des enfants. Mais là où le bât blesse, c’est qu’il n’y a pas de cadre qui regroupe toutes ces trains de mesures. C’est pourquoi elle a appelé de ses vœux le lancement d’une stratégie globale. Il suffit selon elle, d’une décision de l’Assemblée générale pour mettre en œuvre cette idée au service des priorités que sont la protection, la prévention, la réinsertion et la consolidation de la paix. Il ne s’agit pas de « réinventer la roue » mais juste rendre ces cadres plus contraignants, a-t-elle souligné.
À la question de savoir comment traiter les enfants comme des victimes et les réinsérer même s’ils ont été associés avec des groupes armés avant l’âge de 18 ans, la Représentante spéciale a répondu qu’il convient d’abord de définir l’âge d’un enfant de 0 à 18 ans. Ces enfants sont dotés de droits « particuliers » qu’il faut respecter, a-t-elle fait valoir, exhortant à rendre contraignant pour tous les États Membres l’obligation de fournir un acte de naissance à tout enfant né sur leur territoire. Une « meilleure évaluation » sera dès lors possible, a-t-elle expliqué. Pour ce qui est d’assurer le suivi et les signalements, Mme Gamba a appelé les États Membres à faire figurer les libellés sur la protection de l’enfant dans toutes leurs actions. Il est inexplicable, à ses yeux, que dans la plupart des résolutions de l’ONU le terme « enfant » fasse défaut. « C’est à vous de placer les enfants au cœur des actions que vous appelez de vos vœux », a-t-elle lancé à l’assistance. S’agissant enfin de l’Ukraine, elle a dit « tout mettre tout en œuvre » pour échanger avec tous les acteurs, y compris les belligérants. Nous continuerons à dialoguer avec eux pour mieux protéger les enfants, a-t-elle assuré.
Mme NAJAT MAALLA M’JID, Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question de la violence contre les enfants, a estimé que l’urgence de mettre fin à la violence à l’encontre des enfants exige de donner « un coup de fouet à nos efforts collectifs ». Énumérant ses visites dans plusieurs pays, dont le Niger et la Roumanie, elle a indiqué avoir pu recenser des enfants déplacés de force, en Ukraine mais aussi dans d’autres pays, qui risquent d’être victimes de trafic, d’enlèvement et de disparition.
Précisant que son rapport se concentre sur les effets qu’ont les changements climatiques sur la hausse des violences à l’égard des enfants, elle a rappelé que les enfants sont parmi les plus touchés par cette crise, alors même qu’ils sont les moins responsables du dérèglement du climat. Plus de 10 millions d’enfants ont été déplacés en raison de phénomènes climatiques, a alerté la Représentante spéciale. Cela accentue la précarité des enfants, a-t-elle mis en garde, avant de relever que les plus vulnérables sont les filles, les enfants qui vivent dans les zones rurales ou encore ceux qui dépendent d’une relation étroite avec la nature et ses ressources, comme les enfants autochtones.
De fait, l’action ne peut pas attendre, a martelé la Représentante spéciale. Indiquant des institutions et du secteur privé, elle a déploré que leur protection et leurs droits ne soient pas assez pris en compte. Et ce, malgré les divers engagements pris et les politiques menées, a-t-elle souligné. La reconnaissance du droit à un environnement propre, sain et durable par la résolution 76/300 de l’Assemblée générale ne devrait pas être mise en veilleuse mais utilisée activement, a-t-elle également insisté. Enfin, la Représentante spéciale a appelé à écouter et impliquer les enfants dans les processus décisionnels afin de garantir que les politiques climatiques soient adaptées aux enfants.
Dialogue interactif
Évoquant la question des enfants privés de liberté, notamment ceux emprisonnés pour des raisons migratoires, le Maroc s’est interrogé sur les projets permettant de mettre un terme à ce type de détention. Quelles sont les priorités de votre mandat pour la région Amérique latine et Caraïbes afin de mettre fin aux violences à l’égard des enfants, s’est enquise de son côté la République dominicaine.
Le Luxembourg a voulu savoir comment encourager la participation réelle des enfants à la prise de décision, à la fois au niveau national et à l’échelon des Nations Unies. Le Mexique, s’alarmant des problèmes de violence en ligne, s’est demandé comment mettre un terme à la contribution des entreprises dans le domaine technologique et des TIC pour accentuer la prévention, tout en protégeant la vie privée des enfants. L’Espagne a signalé avoir adopté une législation sur la protection des enfants face à tout type de violence.
Le Portugal, soulignant l’impact de la violence pour la santé mentale des enfants, s’est demandé comment intégrer la protection des enfants dans les stratégies en matière de santé psychologique, tandis que l’Irlande s’interrogeait sur les mesures-clefs à prendre pour intégrer les enfants dans la protection et la prévention de la violence. À cet égard, Chypre a souhaité connaître les lacunes identifiées sur le plan législatif dans la mise en œuvre des politiques liés à l’enfance. De son côté, la Malaisie a voulu savoir quelle était la vision de la Représentante spéciale sur la coordination nécessaire entre les différentes instances et institutions concernant la protection des droits de l’enfance.
Pour répondre aux besoins des enfants touchés par les conflits, un système d’éducation adapté est nécessaire, a plaidé Malte, avant de demander comment faire participer les enfants aux travaux sur ce thème. De son côté, le Costa Rica a invité la Représentante spéciale à venir dans le pays et à se pencher sur les questions pressantes, notamment la réforme de l’éducation. Comment le système de l’ONU peut-il contribuer à un changement de paradigme, s’est demandée la délégation.
Revenant au conflit qui fait rage sur son territoire, la délégation de l’Ukraine a voulu savoir comment les Nations Unies et la communauté internationale pourraient répondre à la déportation forcée d’enfants ukrainiens vers la Russie. Rappelant le chiffre de 500 000 enfants déplacés vers la Russie, elle a indiqué que, si plus de 7 000 ont été identifiés, seulement 59 ont pu revenir dans leurs familles. La Roumanie a quant à elle, rappelé son engagement dans la protection des enfants ukrainiens.
L’Afghanistan a pour sa part, voulu connaître les mesures prises par la Représentante spéciale en termes de protection des droits de l’enfance dans son pays, tandis que le Niger, évoquant la visite de Mme Maalla M’Jid, s’est enquis de ses recommandations pour améliorer les conditions des enfants vivant dans les camps de réfugiés du pays. Le Liban a, lui, profité de ce dialogue pour remercier la Représentante spéciale de sa visite et annoncer la tenue d’un forum politique de haut niveau pour appeler à l’action en faveur des enfants libanais. Le Royaume-Uni a également pris la parole pour dénoncer les mariages précoces et forcés et appeler à des mesures de prévention.
La délégation de l’Union européenne a demandé à Mme Maalla M’Jid d’identifier trois mesures pour réduire l’exposition des enfants à la vulnérabilité dans le contexte des changements climatiques. Comment les gouvernements peuvent-ils accroître les capacités des enfants, notamment les plus pauvres, et leur permettre de participer aux politiques climatiques, se sont interrogées les Philippines et la Belgique. La Slovénie a ensuite demandé à la Représentante spéciale de livrer sa réflexion sur le lien entre droit à un environnement propre et protection de l’enfance, la République arabe syrienne souhaitant pour sa part en savoir plus sur les législations climatiques à développer en prenant en compte la question des enfants. La Fédération de Russie s’est dite « perplexe » sur les idées avancées par la Représentante spéciale à ce sujet, relevant que les stratégies d’actions climatiques sont nécessairement axées sur les enfants. Cette problématique concerne l’ensemble de l’humanité, a-t-elle appuyé, jugeant « superflue » l’étude des questions écologiques avec le prisme de l’enfance.
Dans sa réponse aux délégations, la Représentante spéciale chargée de la question de la violence contre les enfants, est revenue sur la question de la protection des enfants et de leur intégration dans les différentes politiques. Il ne s’agit pas seulement de la politique climatique, a-t-elle indiqué, car cela touche tous les domaines de l’action publique. Souhaitant répondre à la Fédération de Russie, elle a affirmé qu’il fallait adopter une approche systémique touchant également les personnes qui prennent en charge les enfants.
Évoquant l’intégration des enfants les plus vulnérables, elle a signalé que, dans nombre de pays, les plus vulnérables sont les plus invisibles. Ce n’est pas seulement un problème de données mais un problème de détection précoce et de recensement, a-t-elle estimé, appelant à agir en amont. Elle a ensuite indiqué qu’au niveau des États, la protection de l’enfance repose sur l’action de plusieurs ministères et touche de nombreux secteurs. Quand on parle de coordination, il importe selon elle, de préciser les rôles et responsabilités.
Par ailleurs, Mme Maalla M’Jid a souligné que la protection de l’enfance doit se faire en parallèle des stratégies de développement, en intégrant les changements climatiques. Il faut cesser de se reposer sur des initiatives appuyées par les bailleurs de fond qui souvent ne sont pas adaptées à la situation, a-t-elle estimé. Y compris au sein des Nations Unies, il convient de ne pas fragmenter nos mandats et de « regrouper toutes les pièces du puzzle », a-t-elle poursuivi. Abordant ensuite le problème de la santé mentale, elle a mis en garde contre le nombre de cas d’automutilation. Il faut autonomiser les populations et renforcer les systèmes locaux et régionaux pour agir sur ce front, a-t-elle recommandé.
Enfin, s’intéressant à la participation et à l’implication des enfants, elle a rappelé que ces derniers « agissent sans nous et utilisent les réseaux sociaux ». La participation des enfants ne veut pas dire qu’on doit les pousser à devenir des militants parfaits, a-t-elle fait valoir, soulignant en conclusion que « le présent, c’est eux », et qu’il n’y a « pas d’autre choix que de les impliquer ».
M. SANJAY WIJESEKERA, Directeur de la Division des programmes de l’UNICEF, a indiqué que 20 ans après l’adoption par 190 pays de la déclaration et du plan d’action intitulés « Un monde digne des enfants », et malgré des progrès significatifs réalisés depuis, le monde n’est toujours pas digne de tous les enfants. Il a indiqué que les enfants marginalisés et vulnérables risquent d’être laissés de côté et que la pandémie de COVID-19, les changements climatiques, les conflits et autres crises humanitaires ont terni plus encore la situation.
Pour y faire face, l’expert a identifié trois principaux domaines d’action. Le premier est de s’assurer que les dépenses publiques et les systèmes fiscaux bénéficient directement aux communautés et aux enfants. Il a ensuite appelé à préserver et renforcer mesures de protection sociale introduites pendant la pandémie de COVID-19. Troisième volet: renforcer les investissements dans les soins de santé primaires, l’éducation et la protection sociale universelle. Il a également exhorté à une action critique en matière de santé mentale, surtout chez les adolescents, qui a été trop longtemps négligée, entraînant un coût considérable pour les sociétés.
L’intervenant a également indiqué que la pandémie de COVID-19 a eu un impact délétère sur le risque et la prévalence du mariage des enfants, du mariage précoce et du mariage forcé, citant notamment les conséquences de la fermeture des écoles et des mesures de confinement. Pour s’attaquer à ces défis, il a appelé au renforcement de la protection sociale et des mesures de réduction de la pauvreté, telles que les programmes de microcrédit et les plans d’épargne, les transferts d’espèces et la garantie que les filles possèdent les compétences nécessaires à l’emploi. Il s’agit également de promouvoir l’accès à l'éducation et aux possibilités d’apprentissage, de renforcer la protection juridique et les services de soutien, et d’adopter une législation et des politiques globales. Il faut aussi améliorer la qualité et l’actualité des données dans ce domaine et identifier des stratégies visant à mettre fin au mariage des enfants.
Dialogue interactif
Suite à cet exposé, l’Union européenne a voulu en savoir plus sur les principaux défis liés à l'intégration des droits de l’enfant au sein du système des Nations Unies, y compris sur le terrain. Existe-t-il des enseignements encourageants au sujet de l’inclusion des filles? Que faire pour renforcer la participation des enfants? La Malaisie s’est intéressée aux pratiques optimales de collecte de données sur les enfants handicapés.
Le représentant de la Syrie a relevé qu’un rapport de l’UNICEF indique que dans le Nord-Ouest de la Syrie, les filles ont exprimé leur peur d’être victimes d’agressions sexuelles. Il a souligné que cette région n’est pas sous le contrôle de Damas, mais celui de groupes que l’ONU considère comme terroristes, tel Daech. Les mariages forcés dans cette zone résultent non seulement de conditions économiques défavorables, mais sont aussi la conséquence des mesures coercitives imposées par les milices indépendantistes dans les camps qui sont sous leur contrôle, a-t-il indiqué, ajoutant vouloir en savoir plus sur l’influence de ces mesures sur les mariages précoces et forcés.
Répondant aux questions des délégations, le Directeur de la Division des programmes de l’UNICEF a noté qu’un des principaux obstacles à la réalisation des droits des enfants était la mauvaise coordination des actions, notamment celles des différents ministères chargés d’aider les enfants à exercer leurs pleins droits. Nos initiatives doivent tous les associer, a-t-il estimé.
Après avoir rappelé que le domaine numérique peut favoriser l’épanouissement des enfants en leur donnant un accès à l’apprentissage, tout en étant jonché de menaces potentielles, il a indiqué que l’UNICEF a élaboré une politique d’inclusion des enfants handicapés, laquelle s’appuie sur l’accès à des données ventilées. Un récent rapport a par ailleurs, répertorié les différents problèmes rencontrés par l’UNICEF sur le terrain. Rappelant que le monde compte 240 millions d’enfants handicapés, il a déploré que leurs droits sont souvent violés, alertant que les fillettes sont les plus vulnérables au risque de violence. Veillons donc à ce que les enfants et les filles en premier chef ne pâtissent pas des violences sexuelles, a-t-il dit.
Discussion générale
Mme THISVI EKMEKTZOGLOU-NEWSON, de l’Union européenne, a insisté sur l’importance du droit des enfants d’accéder et de bénéficier d’une éducation de qualité sur la base de l’égalité des chances. Notant que pandémie de COVID-19 a eu un impact délétère dans ce domaine, elle a appelé à appuyer le développement et l’accès à une éducation numérique de qualité, abordable, fiable et sensible au contexte. Elle a également insisté sur l’importance de promouvoir l’éducation des filles qui ont été désavantagées par l’apprentissage à distance en raison de la limite de leur accès à Internet et à la technologie mobile. Il faut cependant veiller à la protection, au respect et à l’autonomisation des enfants en ligne en leur fournissant les compétences nécessaires pour leur permettre de faire des choix avisés, a estimé la représentante qui a aussi appelé à lutter contre la violence à l'égard des enfants en ligne, l’exploitation, la cyberintimidation et l’exposition à des contenus préjudiciables.
Mme VICTORIA LIOLOCHA (République démocratique du Congo), au nom de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), a souligné que l’éducation est un droit humain fondamental et un instrument efficace pour promouvoir le développement durable et briser la pauvreté intergénérationnelle, de même que l’un des piliers stratégiques de l’égalité des sexes et de l’autonomisation économique des femmes. Elle a indiqué que plus de 125 millions de femmes africaines se marient avant l’âge de 18 ans, avec des conséquences dévastatrices sur leurs perspectives éducatives, économiques et sociales. Elle a appelé à un investissement encore plus grand dans ce domaine où les progrès réalisés ont été érodés par la pandémie de COVID-19 et les effets des changements climatiques. Néanmoins, certains États membres de la SADC ont enregistré des progrès significatifs dans l’interdiction des mariages d’enfants en inscrivant à l’école, après leur accouchement, des filles qui tombent enceintes, s’est-elle félicitée.
La représentante a indiqué que les États membres de la SADC ont adopté des politiques axées sur la famille pour protéger les enfants contre toutes les formes d’exploitation et d’abus telles que la traite des êtres humains, le travail des enfants, les abus sexuels et émotionnels. Elle a ensuite expliqué que la SADC reste saisie des effets dévastateurs de la pandémie de VIH et de Sida, avec les adolescents et les jeunes parmi les principales victimes. La déléguée a par ailleurs signalé que, les États membres de la SADC sont confrontés à des difficultés liées à l’insuffisance des ressources humaines et financières, aux lacunes administratives et aux infrastructures matérielles pour promouvoir et protéger les droits des enfants. À cet égard, nous lançons un appel à l’aide pour relever ces défis de mise en œuvre, a-t-elle dit.
Prenant la parole au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), M. MOHAMMAD KURNIADI KOBA (Indonésie) a appelé à la mise en place d’un « nouveau paradigme » pour venir en aide aux enfants, rappelant qu’il y avant 200 millions d’enfants sur le territoire de l’ASEAN. Il a insisté sur l’importance de l’éducation et a exposé la note politique publiée par l’ASEAN en 2021, mettant l’accent sur la continuité de l’apprentissage en temps de COVID-19. Il a aussi relevé le besoin de protéger les enfants de la violence en ligne et annoncé que l’ASEAN avait publié deux documents à ce sujet. Le délégué a aussi expliqué que le programme pour la santé de l’ASEAN comptait la santé des enfants parmi ses piliers. La protection des enfants est également un élément central de la préparation au risque de catastrophe.
Prenant la parole au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), M. STAN ODUMA SMITH (Bahamas) a souligné que, cette époque était difficile pour les enfants en raison de la pandémie de COVID-19, des changements climatiques et des conflits. Il a affirmé que la CARICOM avait mis l’accent sur l’éducation avec notamment des programmes pour l’élargissement de l’accès de la petite enfance à l’éducation, de meilleures infrastructures et une meilleure formation pour les enseignants. Il a évoqué un article publié récemment dans un journal d’un des États membres de la CARICOM, détaillant l’histoire d’un enfant qui avait émigré, été abusé par son tuteur, puis placé en hôpital psychiatrique, avant de déployer des efforts héroïques pour être libéré et acquérir une éducation de qualité. Le délégué a noté que cette personne avait souligné qu’il lui avait fallu l’appui de « tout un village », toute une communauté, pour se sortir d’une trajectoire de vie mal engagée.
Prenant la parole au nom du Groupe des États d’Afrique, M. GEORGE EHIDIAMEN EDOKPA (Nigéria) s’est dit préoccupé par le fait que le nombre d’enfants vivant dans la pauvreté, qui s’élevait déjà à un milliard avant la pandémie avait augmenté de 10% depuis. Il s’est félicité des mesures prises par les pays du Groupe visant à augmenter l’âge minimum du mariage et à lutter contre les mutilations génitales féminines (MGF). Il a souligné que la clef de la protection des enfants reposait sur le droit à l’éducation, et qu’il fallait permettre aux enfants de continuer à s’instruire même dans le courant des conflits. Il s’est félicité des mesures prises par les pays pour éviter le recrutement d’enfants soldats, soulignant par ailleurs qu’il était essentiel de travailler en commun afin d’obtenir de meilleurs résultats et d’atteindre les objectifs de développement durable.
M. NOAH OEHRI (Liechtenstein), évoquant la crise de l’éducation mondiale et les impacts de la pandémie, s’est inquiété du risque pour les femmes et les filles à être exclues du système éducatif comme c’est le cas en Afghanistan. Se réjouissant de la convocation du Sommet sur la transformation de l’éducation, il a fait remarquer que l’éducation est une « ligne de vie » pour les enfants vivant dans un contexte de conflits. Mais l’année écoulée, a-t-il déploré, l’utilisation des établissements à des fins militaires a augmenté. Le représentant a cité les attaques au Myanmar contre des établissements scolaires et en Ukraine, où selon l’UNICEF, un établissement sur 10 a été endommagé ou détruit. Nous devons agir ensemble pour protéger l’éducation contre ces attaques et faire en sorte que les responsables rendent des comptes, a-t-il lancé.
En ce qui concerne l’impact négatif des changements climatiques sur les enfants, le délégué a signalé l’augmentation du nombre de cas portés par les jeunes devant la justice national et internationale. Cela montre à quel point les jeunes font entendre leur voix en faveur d’une justice intergénérationnelle dans le combat contre les changements climatiques, s’est-il félicité. Nous devons non seulement réduire nos émissions mais aussi accorder une attention particulière aux impacts délétères des changements climatiques sur le droit des enfants, a-t-il recommandé.
M. STEPAN Y. KUZMENKOV (Fédération de Russie) a appelé à ne pas sous-estimer le fait que la Convention relative aux droits de l’enfant consacre la famille comme le milieu garantissant le développement plein et harmonieux de l’enfant. Déplorant « grandement » qu’un État n’ait pas adhéré à cette convention, il a regretté que ce traité ne puisse ainsi pas être universel. Cette ignorance de la part d’un État des normes cruciales du droit international est assez offensante, a-t-il fait remarquer, confiant être tout aussi déçu par les tentatives de manipuler certaines dispositions de la Convention. Ce faisant, le rôle crucial des parents et représentants légaux est délibérément omis ou tu, a-t-il jugé, réitérant son rejet devant une telle approche. Les enfants, sans attention de leurs proches, risquent d’être manipulés par d’autres personnes, a-t-il mis en garde.
Le représentant a estimé impératif de garantir le principe du caractère sacré de la vie de famille. Rappelant que la Russie respectait scrupuleusement les obligations internationales, il a indiqué que le document final de la vingt-septième session extraordinaire de l’Assemblée générale constituait un pilier pour la Russie. Les dispositions de ce document sont toujours prises en compte lors de l’élaboration de stratégies sur l’enfance, a-t-il assuré, citant des mesures telles que l’allocation d’une aide mensuelle pour les familles à faible revenu ayant des enfants de 8 à 16 ans.
M. JONATHAN DAVID PASSMOOR (Afrique du Sud) a dénoncé la violence à l’encontre des enfants. Il a expliqué que ce fléau s’était tellement aggravé dans son pays lors de la COVID-19, qu’il y a été qualifié de deuxième pandémie. La promotion et la protection des enfants et de leurs droits est au centre de l’agenda sud-africain, au niveau national, mais aussi international, a assuré le délégué. Il a rappelé la tenue à Durban, en mai 2022, de la Cinquième Conférence mondiale de l’OIT sur l’élimination du travail des enfants, et a exhorté les gouvernements à appuyer l’Appel à l’action de Durban qui les engage à unir leurs efforts pour accélérer les progrès sur l’élimination du travail des enfants sous toutes ses formes.
M. ANDREW ODHIAMBO BUOP (Kenya) a indiqué que la Constitution de son pays prévoit la protection des enfants contre les abus, la violence, les pratiques culturelles néfastes et l’exploitation.
Il a fait savoir que la principale législation kenyane sur les droits des enfants a été récemment révisée et prévoit l’atténuation des abus en ligne, du trafic d’enfants et de la radicalisation. Cette loi a également permis de mettre sur pied un fonds pour le financement de programmes de protection de l’enfance et d’augmenter des allocations budgétaires pour les programmes de transfert d’argent pour les orphelins et les enfants vulnérables. Des dispositions sont également prévues pour les enfants handicapés, y compris la gratuité des traitements médicaux, des soins spéciaux, de l’éducation et de la formation.
M. FAISAL FAHAD M. BIN JADID (Arabie saoudite) a indiqué que tous les enfants dans le Royaume bénéficient du même niveau de protection et de prise en charge, énumérant les nombreuses mesures législatives et politiques adoptées à cette fin. De même, un Département des affaires familiales a été mis en place pour permettre aux familles d’éduquer leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses. Le Gouvernement veille également à la mise en place d’un espace cybernétique sûr pour les enfants et les enseignants. Le représentant a par ailleurs estimé que la protection des enfants en temps de conflits armés constitue une responsabilité commune de la communauté internationale qui nécessite des efforts concertés pour s’attaquer aux causes et conséquences de ce fléau.
Mme DIANE SHAYNE DELA FUENTE LIPANA (Philippines), a assuré de la prise en compte des droits des enfants par son pays, en mettant notamment l’accent sur la loi sur la protection des enfants en temps de conflit armés. Les enfants représentent une zone de paix, ils ne peuvent donc faire partie des guerres, a-t-elle souligné. Elle a aussi salué les avancées réalisées par son pays au cours de la période pandémique, évoquant notamment la mise en place d’un guichet de plainte en ligne pour signaler les violences commises à l’encontre des enfants. L’essor des technologies numériques étant corollaire de risques accrus d’exploitations sexuelles infantiles en ligne, les Philippines ont promulgué cette année une loi qui, tout à la fois, instaure une sécurité cybernétique, permet de traduire en justice les coupables, et assure la réinsertion des enfants victimes. Le pays s’est également doté d’une loi mettant fin aux mariages précoces.
M. TAN ZHONG MING (Singapour) a rappelé un chiffre: 1 800 milliards d’heures d’enseignement scolaire ont été perdues pendant la période pandémique, entre mars 2020 et septembre 2021. À la lumière des leçons tirées de crise, Singapour valorise l’enseignement en ligne, a-t-il indiqué, mentionnant le programme « Code for Fun », qui fait bénéficier chaque élève âgé de 10 à 12 ans de 10 heures d’informatique et de codage. Au niveau secondaire, tout élève de 13 ans se verra en outre équiper d’une tablette ou d’un ordinateur d’ici à 2024, a ajouté le représentant, selon lequel Singapour se doit de miser sur sa population en tant que « petit État sans ressources ». À cet égard, il s’est félicité que le taux de mortalité infantile de la ville-État soit un des plus bas au monde. Il a ensuite exposé plusieurs initiatives concourant à l’épanouissement des plus jeunes à Singapour, dont le programme KidSTART destiné aux enfants âgés de 6 ans et moins issus de familles à faibles revenus ou défavorisées. Ce programme, qui leur fournit un accès précoce à des services de santé, d’apprentissage et de développement, devrait venir en aide à 5 000 enfants vulnérables d’ici à 2023, a précisé le délégué.
Mme JOANNA SYLWIA SKOCZEK (Pologne) s’est dite affligée par l’effet des fermetures d’écoles durant la pandémie de COVID-19. Elle a d’autre part rappelé que son pays accueille 100 000 enfants réfugiés ukrainiens, leur garantissant un plein accès au système éducatif et de santé, avec l’appui d’ONG et de l’aide internationale. La représentante a également indiqué que la Pologne lutte aux niveaux national, régional et mondial contre la pédopornographie et qu’elle a participé activement à la campagne « Don’t Look Away » (Ne regardez pas ailleurs). Enfin, revenant au conflit en Ukraine, elle s’est inquiétée du transfert d’enfants ukrainiens sur le territoire de la Fédération de Russie et de la procédure mise en place par cette dernière pour les naturaliser, ce qui selon elle constitue une violation des conventions internationales pertinentes.
Les progrès engrangés ces dernières décennies en matière de droits de l’enfant sont aujourd’hui de plus en plus menacés, a alerté Mme MIKIKO OTANI, Présidente du Comité des droits de l’enfant. Dans toutes les régions du monde et dans les forums intergouvernementaux tels que le Conseil des droits de l’homme, le statut des enfants, en tant que détenteurs de droits, est remis en question, a-t-elle déploré, regrettant en outre que l’action des enfants et leur droit à la participation soient contestés et ignorés. Lors de l’ouverture, en septembre, de la dernière session du Comité, des défenseurs des droits de l’enfant se sont inquiétés de « l’application incorrecte des droits de l’enfant dans certains pays », ce qui a réduit au silence leur plaidoyer, s’est indignée la Présidente, avant de rappeler à tous les États que les enfants sont des détenteurs de droits humains à part entière, dont les droits et les opinions doivent être respectés.
Malgré ce contexte difficile, Mme Otani s’est déclarée déterminée à poursuivre ses efforts pour s’assurer que les droits de l’enfant restent en tête de tous les agendas politiques. Elle s’est félicitée à cet égard de la décision du Secrétaire général d’élaborer une note d’orientation à l’échelle du système des Nations Unies sur l’intégration des droits de l’enfant et s’est engagée à y jouer un rôle actif. La Présidente du Comité a, d’autre part, réaffirmé l’engagement de son insistance auprès du Conseil des droits de l’homme (CDH), annonçant son intention de contribuer à une prochaine réunion du CDH consacrée aux droits de l’enfant et l’environnement numérique. Rappelant également le long partenariat stratégique du Comité avec l’UNICEF, elle s’est réjouie que, pour la première fois, des enfants aient pu participer à la cinquième Conférence mondiale sur le travail des enfants en mai dernier en Afrique du Sud. Le Comité poursuivra les discussions visant à renforcer la participation des enfants dans le domaine du travail des enfants, a-t-elle assuré.
Poursuivant, Mme Otani a rappelé que tous les États Membres ont ratifié la Convention ou y ont adhéré, à l’exception d’un seul, les États-Unis. Déplorant en outre la lenteur dans la ratification des trois protocoles facultatifs de la Convention, elle a soutenu que cette étape est la garantie que toutes les personnes de moins de 18 ans sont traitées comme des enfants et comme des titulaires de droits à part entière, partout et à tout moment.
En ce qui concerne les rapports, elle s’est réjouie d’annoncer qu’il n’y a plus de rapports initiaux à examiner au titre de la Convention après l’examen du rapport initial du Soudan du Sud. Cependant, dans le cadre de deux protocoles facultatifs, seuls cinq rapports ont été reçus depuis l’année dernière et 89 rapports initiaux sont toujours en retard. Informant ensuite la Commission sur les activités du Comité, elle a indiqué que 22 États parties ont fait l’objet d’un examen en 2022, ce qui porte à 74 le nombre de rapports en attente d’examen.
Mme Otani s’est par ailleurs félicitée que, depuis la journée de discussion générale de 2018 sur les enfants défenseurs des droits de l’homme, la participation des enfants soit devenue une pratique courante des travaux du Comité. Actuellement, 13 enfants défenseurs des droits de l’homme conseillent le Comité sur son projet d’observation générale sur les droits de l’enfant et l’environnement, avec un accent particulier sur les changements climatiques, a-t-elle indiqué, ajoutant que plus de 7 000 enfants de 103 pays ont participé à la consultation sur ce projet. Faisant écho à la supplique d’une jeune indonésienne en faveur d’une action immédiate pour empêcher cette crise climatique, elle a confié trouver une source d’inspiration dans les appels à l’action venant des enfants. Pour finir, elle a dit compter sur le soutien actif des États Membres dans l’examen par l’Assemblée générale des besoins en ressources du système des organes de traité.
Dialogue interactif
Dans la foulée de cet exposé, la Malaisie a demandé à la Présidente du Comité comment son instance agit pour régler le problème du retard pris dans la soumission de rapport durant la crise de COVID-19 et quelles sont ses perspectives pour l’après-pandémie. Même interrogation de la part de l’Union européenne, qui a souhaité savoir dans quel sens les États Membres peuvent aider à pallier ce retard. Le droit des enfants à être écoutés est consacré par l’article 12 de la Convention relative aux droits de l’enfant, a poursuivi la délégation européenne, qui a demandé à Mme Otani comment permettre à tous les enfants, surtout les plus vulnérables, d’avoir voix au chapitre.
Comment harmoniser les priorités du Comité face aux nouveaux défis posés aux enfants dans le monde contemporain, défis qui n’apparaissent pas dans la Convention, s’est ensuite interrogé El Salvador, tandis que la République dominicaine demandait à connaître les mesures envisagées par le Comité pour répondre aux inégalités auxquelles font face les enfants en termes de violence, surtout quand celle survient dans la famille ou un cadre éducatif. Comment le Comité tient-il compte des travaux des organisations nationales dirigées par les enfants tels que les Parlements de jeunes, a voulu savoir le délégué de la jeunesse du Luxembourg, alors que le Japon s’interrogeait sur les opportunités manquées par les États Membres en matière de coopération sur le renforcement des droits de l’enfant.
Le Royaume-Uni a, lui, rappelé que le genre féminin aggrave l’exposition des enfants aux risques de violences sexuelles. Il s’est donc demandé comment garantir que les filles soient plus consultées sur les questions qui les touchent, et ce, à tous les niveaux. La Norvège a, pour sa part, plaidé pour une coopération plus étroite entre le Comité et le bureau de la Représentante spéciale pour les enfants et les conflits armés, tout en demandant ce que les États Membres peuvent faire en ce sens.
Comment les États Membres peuvent-ils offrir aux enfants les fruits de la transition numérique, tout en évitant les risques qu’elle induit pour les plus jeunes, a souhaité savoir l’Indonésie. Plus axé sur les écarts numériques aggravés par la pandémie, le Mexique a demandé au Comité comment réussir à garantir un droit égal pour tous à l’éducation alors que ce fossé se creuse.
La Fédération de Russie a quant à elle fustigé le positionnement « systématique » du Comité en faveur de la position occidentale concernant la guerre en Ukraine, rappelant que les experts sont tenus d’observer neutralité et impartialité. Il a reproché au Comité de n’avoir jamais fait mention des violations des droits de la personne et des enfants commis par la partie ukrainienne, et ce, alors même que des ONG, telles qu’Amnesty International, ont conclu que les forces armées ukrainiennes constituent une menace pour la vie des civils et surtout les enfants. Intervenant à son tour, la République arabe syrienne a cité le paragraphe du rapport mentionnant le droit des enfants exilés à retourner chez eux, avant d’évoquer la présence d’enfants de djihadistes, incarcérés dans le nord-est du pays. Pourquoi, en tant que défenseur des droits de la personne, n’agissez-vous pas en faveur de ces enfants, a-t-il lancé à Mme Otani, appelant à« arrêter de politiser les droits humains ».
Répondant aux questions et observations des délégations, la Présidente du Comité des droits de l’enfant a d’abord abordé la question du retard de traitement des rapports, assurant vouloir examiner tous les travaux que lui soumettent les États. Mais si l’examen est repoussé, cela signifie que les informations ne seront pas à jour et que la protection des enfants n’aura pas été assurée entre-temps, a-t-elle déploré. Mme Otani a précisé qu’en juin dernier, un nouveau calendrier d’examen des rapports a été mis en place, afin d’intégrer la question des retards dans le système. Mais malgré cela, nous ne sommes pas parvenus à complètement régler cette question, a-t-elle reconnu, exhortant les États à soutenir les conclusions approuvées par les organes conventionnels. La question du retard sera traitée aussi efficacement que possible, a-t-elle encore affirmé.
Abordant la question de l’harmonisation des efforts collectifs face aux nouveaux défis, la Présidente du Comité a insisté sur la concomitance de la protection des enfants et de la promotion des droits des femmes. C’est aussi là une manière de répondre aux retards accusés lors de la pandémie selon elle: le Comité fait en effet partie des dix organes conventionnels qui, eux-mêmes, font partie du mécanisme des Nations Unies pour les droits humains, a-t-elle expliqué avant d’exhorter les titulaires de mandat à « travailler main dans la main », puisqu’ils se recoupent souvent.
Mme Otani a ensuite concédé que, des occasions de coopérer ont été manquées. Nous pourrions coopérer sur le plan international et ne le faisons pas assez, et y compris au niveau bilatéral, a-t-elle reconnu. Le Comité, a-t-elle ajouté, aspire à travailler plus encore avec les agences spécialisées de l’ONU que sont le PNUD, l’UNICEF et le HCR. Enfin, la Présidente du Comité a engagé les États, à la suite de l’émission de leurs recommandations finales, à échanger davantage de bonnes pratiques.
Mme MAMA FATIMA SINGHATEH, Rapporteuse spéciale sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants, y compris la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et autres contenus montrant des violences sexuelles sur enfant, a signalé que certains groupes d’enfants risquent davantage d’être victimes de la vente, de l’exploitation et des abus sexuels. Elle a cité entre autres les enfants touchés par la pauvreté, vivant dans la rue, dans des communautés rurales ou marginalisées, ceux qui ceux sont touchés par un conflit ou encore les enfants dont la naissance n’a pas été enregistrée. Or, ces enfants risquent d’être laissés pour compte dans les stratégies car ils restent largement exclus des exercices de collecte de données, a-t-elle alerté.
Elle a déploré les énormes pressions exercées sur les systèmes de l’enfance par les répercussions de la pandémie, les conflits et la crise climatique. Nous en sommes maintenant à un point où nous assistons à un recul des progrès réalisés pour atteindre les ODD, a-t-elle regretté. La Rapporteuse spéciale a ensuite recommandé d’atténuer la pauvreté et les facteurs de stress financier pour les familles, d’intégrer des indicateurs quantifiables efficaces, de réaffecter des ressources ou encore d’éliminer les barrières linguistiques pour accéder aux services.
Évoquant ensuite la question de l’espace numérique, la Rapporteuse spéciale a suggéré entre autres de renforcer son cadre juridique et politique. Il est également essentiel de renforcer la collaboration transnationale entre les services répressifs et de consolider le rôle du secteur de l’information, de la communication et des technologies dans la lutte contre la vente et l’exploitation sexuelle, a-t-elle recommandé. Par ailleurs, elle a exhorté à s’attaquer à l’offre et la demande et de demander des comptes à ceux qui profitent de l’exploitation des enfants. Elle a aussi conseillé de mettre en place des normes pour décourager l’exploitation des enfants dans le contexte des voyages et du tourisme, notamment en éradiquant le bénévolat non qualifié. Il faut suivre les adolescents qui quittent les institutions où ils vivent afin de prévenir et de réduire les risques qu’ils soient victimes de la vente et de l’exploitation sexuelle, a-t-elle également encouragé. Enfin, elle a estimé « essentiel » que des réponses adéquates à la vulnérabilité des enfants soient apportés par des législations, politiques et allocation de ressources adéquates.
Dialogue interactif
Suite à cette présentation, le Mexique a demandé comment renforcer la collaboration avec le secteur privé pour combattre les violences et l’exploitation sexuelle en ligne, notamment en intégrant une perspective de genre dans les cadres juridiques et en tenant compte des dégâts causés par la masculinité toxique. Quel rôle les représentants de la société civile et du secteur du tourisme peuvent-ils jouer pour répondre à l’exploitation et aux abus sexuels sur les enfants? a voulu savoir l’Union européenne.
Israël s’est préoccupé du problème de la violence en ligne, de même que les États-Unis qui ont voulu savoir quelles mesures pouvaient être prises avec les secteurs de la communication et des technologies pour prévenir le fléau. Existe-t-il déjà des bonnes pratiques en la matière? a interrogé à son tour la République dominicaine, tandis que l’Australie a expliqué qu’elle avait responsabilisé les fournisseurs d’accès. La délégation a ensuite demandé comment les pays pouvaient mieux travailler ensemble pour prévenir l’exploitation transfrontalière des enfants.
Quels sont les défis à relever pour mieux lutter contre les violences en ligne? a voulu savoir Malte, suivi du Canada qui s’est intéressé aux meilleures pratiques pour soutenir les enfants survivants de violences sexuelles et mettre fin au mariage forcé. Après la Tanzanie qui a décliné ses mesures nationales, le Royaume-Uni a rappelé qu’il travaillait à une résolution mondiale sur la cybercriminalité et a noté que son cadre juridique national responsabilisait les entreprises du numérique. Il a aussi demandé à la Rapporteuse spéciale ce qu’elle pensait du terme « pornographie infantile ».
La Fédération de Russie a insisté sur l’importance que revêt un cadre familial stable pour le développement de l’enfant et expliqué avoir mis en place un système d’alerte et de suivi dédié aux enfants victimes de mauvais traitements au niveau national. Comment rationaliser les efforts des États Membres pour lutter contre les menaces en ligne et quelle aide pouvait apporter le système des Nations Unies dans ce sens, a demandé la Malaisie. La République arabe syrienne a demandé ce qu’entendait la Rapporteuse au point 24 du rapport par « information aux groupes vulnérables ». L’Ordre souverain de Malte a ensuite détaillé ses actions de soutien pour les enfants notamment pour les réfugiés ukrainiens en Pologne.
S’agissant des violences en ligne, la Rapporteuse spéciale a noté qu’une combinaison de mesures législatives, de prévention et d’éducation aux dangers sur Internet était nécessaire, aussi bien pour les enfants que pour les parents. Elle a indiqué que le terme de « pornographie infantile » impliquait une forme de participation volontaire des enfants ce qui était inconcevable, préférant donc le terme « images montrant des violences sexuelles sur des enfants ». Répondant à la Syrie, Mme Singhateh a indiqué que les enfants les plus vulnérables venaient de milieux marginalisés et que la barrière de la langue, notamment dans les communautés autochtones, pouvait poser un problème et devait donc être pris en compte. Elle a ensuite reconnu que la collaboration avec le secteur du tourisme est une question importante même si elle n’était pas mentionnée dans son rapport. Dans le même ordre d’idée, elle a noté que le bénévolat non régulé pouvait présenter des dangers et devait répondre à des règles comme indiqué dans son rapport. De même, elle a estimé que le secteur privé et les différentes entreprises travaillant dans le monde de l’information et de la communication devaient s’autoréguler pour protéger les enfants des abus, ajoutant que si ce n’était pas le cas, les États devaient agir avec des législations appropriées.
Discussion générale
M. WANG ZIXU (Chine) a assuré que la paix est la meilleure protection qu’on puisse offrir aux enfants. Il a dit militer pour une mise en œuvre accélérée du Programme de développement durable à l’horizon 2030 afin notamment de permettre aux enfants d’accéder à l’éducation. Évoquant le bien-être et la santé des enfants, il a appelé les pays à partager leurs connaissances. Par ailleurs, après avoir rappelé que la population chinoise compte 250 millions d’enfants, il a assuré que son pays continue à améliorer son système juridique, en amendant par exemple la loi sur la protection des mineurs et celle sur la prévention de la délinquance juvénile. En outre, il a assuré que la Chine attache une grande importance au rôle essentiel joué par les outils internationaux, tels que la Convention relative aux droits de l’enfant et ses protocoles facultatifs.
M. OR SHAKED (Israël) a regretté que, malgré la ratification quasi-universelle de la Convention relative aux droits de l’enfant, des millions d’enfants dans le monde continuent d’être laissés pour compte et leurs droits bafoués. Constatant que les enfants sont affectés de manière disproportionnée par des circonstances indépendantes de leur volonté, notamment la COVID-19, les changements climatiques et l’intensification des conflits mondiaux, il a estimé que les efforts réalisés par la communauté internationale sont insuffisants. Le délégué s’est notamment inquiété des dégâts causés par la cyberintimidation chez les enfants, problématique reconnue par plusieurs organisations et organismes internationaux, dont l’UNESCO, le Comité des droits de l’enfant et l’Union internationale des télécommunications (UIT). Pour y remédier, le Bureau israélien de protection des enfants en ligne a récemment lancé un plan stratégique complet pour éradiquer les dangers qui pèsent sur les enfants en ligne en formant des volontaires de qualité et férus de technologie. Ces derniers, baptisés les « Chevaliers de la toile », sont entrés en action le mois dernier, a-t-il expliqué. Israël, a-t-il ajouté, entend aussi jouer un rôle au niveau international, comme en atteste la nouvelle résolution sur la lutte contre la cyberintimidation qu’il a initiée, aux côtés de l’Allemagne, de l’Argentine et de la Grèce, et qui a été adoptée par consensus hier par le Conseil des droits de l’homme.
Mme RAMIREZ (Mexique) a fait état d’une nette augmentation du nombre d’enfants arrivant dans son pays, dont beaucoup ne sont pas accompagnés, le Mexique étant un pays d’origine, de transit, d’accueil et de retour des migrants. Il faut répondre à leurs besoins, a-t-elle exhorté, encourageant toutes les autorités à fournir un accompagnement à ces enfants, indépendamment de leur nationalité ou statut migratoire. Évoquant ensuite les effets de la crise sanitaire et le manque d’accès aux vaccins, qui s’ajoutent aux crises humanitaires, la représentante s’est dite préoccupée par le sujet de l’éducation. Depuis le dernier débat à ce sujet à la Troisième Commission, la vie de très nombreux enfants a été bouleversée, a-t-elle rappelé, avant de mettre en garde contre les changements technologiques et les violences qu’ils génèrent, exacerbées par le harcèlement et les discours de haine. La déléguée a donc appelé à intégrer l’apprentissage numérique dans les programmes d’étude, afin de renforcer la prévention contre ces violences.
M. ASHISH SHARMA (Inde) a appelé les États Membres à adopter des cadres juridiques efficaces pour la protection et la promotion des droits de l’enfant. Rappelant l’existence de la Commission nationale pour la protection des droits de l’enfant en Inde, il a indiqué que le plan d’action national à ce sujet se concentre sur quatre domaines: la survie, la santé et la nutrition, l’éducation et le développement, la protection et la participation. Le représentant a insisté sur l’importance de l’éducation, relevant que celle-ci est gratuite et obligatoire pour les enfants jusqu’à l’âge de 14 ans, conformément à la Constitution indienne. Il a précisé que les écoles privées réservent désormais 25% des places aux enfants des sections économiquement faibles. Le délégué a également fait mention du programme « Sauver les filles, éduquer les filles » pour remédier aux inégalités.
Abordant ensuite le défi de l’espace numérique, il y a vu une source de graves problèmes et d’abus à l’égard des enfants. Nous devons prendre des mesures pour renforcer la culture et la sécurité numériques, a-t-il recommandé à cet égard. Il a par ailleurs indiqué qu’un programme lancé en mai 2021 assure une prise en charge complète des enfants ayant perdu leurs parents à cause de la pandémie de COVID-19. Enfin, le délégué a confié sa préoccupation face à l’augmentation du nombre d’enfants recrutés et impliqués dans des activités liés au terrorisme. Les fermetures d’écoles à cause de la pandémie ont fourni une occasion encore plus grande à ces groupes de cibler les enfants, a-t-il déploré, appelant les États Membres à faire preuve d’une plus grande volonté politique, notamment pour demander des comptes aux auteurs d’acte terroristes et à leurs commanditaires.
Mme EGAN (Irlande) a fait part du combat de son pays en faveur des droits des enfants, sur son territoire et au-delà de ses frontières. Elle a déploré que les fillettes se voient interdire l’accès à l’éducation, notant qu’elles sont les seules au monde à se voir interdire l’accès au secondaire. À cet égard, elle a exhorté les autorités talibanes de l’Afghanistan à mettre fin à cette interdiction. En 2015, l’Irlande a été le premier pays à publier une stratégie nationale pour la participation aux prises de décisions par des jeunes, s’est félicitée la déléguée, ajoutant que son pays disposait d’une politique permettant aux LGBTI+ de voir leur qualité de vie s’améliorer. Dans le cadre de la préparation de son rapport au Comité sur les droits de l’enfant, l’Irlande a lancé des consultations avec les enfants du pays pour qu’ils puissent fournir leurs opinions, a encore indiqué la représentante.
Estimant que les enfants ne sont pas censés être traités comme des adultes Mme NELLY BANAKEN (Cameroun) a souligné l’engagement de son pays à mettre en place un système de justice pénale pour les mineurs. Les enfants, « qu’ils soient armés comme des soldats, avec des pancartes comme les manifestants ou avec un micro devant une tribune à l’ONU », ne sont pas censés prendre part à nos combats politiques, idéologiques ou sociaux, a-t-elle martelé, avant de reconnaître qu’ils méritent cependant d’être consultés. La déléguée a d’autre part jugé que, permettre aux garçons d’être recrutés comme soldats, encourager les étudiants à quitter les salles de classe pour manifester ou encore « corrompre leur innocence » avec une éducation sexuelle complète sont autant d’aveux d’échec « retentissants ». À ses yeux, transformer les enfants en soldats de Boko Haram, des changements climatiques ou de l’égalité de genre est même un « aveu de résignation ». À cette aune, la représentante a appelé les États Membres à se recentrer sur les batailles qui sont les leurs, à savoir aider les enfants et les jeunes à mener avec succès leurs études et à acquérir les valeurs fondamentales de la fraternité et de la paix.
M. KOVACEVIC, délégué de la jeunesse de la Serbie, a estimé que les dirigeants mondiaux « parlent trop et n’écoutent pas assez ». Il a revendiqué au nom de la jeunesse le droit à la sécurité face à l’avenir et le droit d’hériter d’un monde meilleur « que celui dans lequel nous sommes nés ». Ce droit est encore plus central pour ceux qui sont plus jeunes que nous, a-t-il dit, avant de souligner l’importance de l’accès à l’éducation. Il a relevé à ce sujet que, d’après la Banque mondiale, chaque année supplémentaire passée dans l’enseignement peut permettre à un enfant de gagner 10% -voire 12% pour une femme- de revenus supplémentaires une fois adulte. Prenant à son tour la parole, Mme STOJKOVIC, autre déléguée de la jeunesse de la Serbie, a salué la protection des droits de l’enfant dans son pays, déplorant qu’au niveau international les violences physiques restent un problème majeur, les enfants de 18 ans constituant la moitié de la population des pays en guerre. La déléguée a souhaité en conclusion que les Nations Unies et la communauté internationale écouteront davantage la parole des jeunes afin de faire face aux défis auxquels nous sommes tous confrontés.
Mme FLORES (Panama) a expliqué que la loi sur la petite enfance mise en place en octobre 2020 protégeait 18% de la population du pays, et que 100 centres pour les enfants de moins de quatre ans avaient été ouverts sur tout le territoire. En 2022, une loi sur la lutte contre les violences faites aux enfants a été mise en place et le troisième protocole facultatif de la Convention relative aux droits de l’enfant a été ratifié par le pays en 2016, a-t-elle ajouté, invitant ensuite les pays concernés à suivre cet exemple.
M. CROKER (Royaume-Uni) s’est inquiété des disparités croissantes entre les enfants vivant dans les foyers les plus riches et les plus pauvres, ajoutant que son pays met tout particulièrement l’accent sur la situation des jeunes filles. Il a souligné que le récent rapport du Secrétaire général sur la question des mariages d’enfants, des mariages précoces et des mariages forcés indique que la pandémie de COVID-19 risque d’entraîner l’apparition de 10 millions d’enfants mariés supplémentaires d’ici à 2030, en particulier dans les familles pauvres et les zones rurales. Le délégué a indiqué qu’en 2021, son pays a promis un financement de 18 millions de livres pour accélérer les efforts dans le cadre du Programme mondial des Nations unies pour mettre fin au mariage des enfants.
Le représentant s’est ensuite dit préoccupé par l’impact des conflits et des crises humanitaires sur les enfants, notant que le dernier rapport du Secrétaire général sur le sujet montre que les cas de violence sexuelle et d’enlèvement ont augmenté de plus de 20%. Il a indiqué que son pays accueillera une conférence internationale de l’Initiative pour la prévention des violences sexuelles dans les conflits les 28 et 29 novembre prochains afin d’accélérer la prévention, la justice et le soutien aux survivants. Il a aussi précisé qu’en novembre 2021, le Royaume-Uni a lancé l’Appel à l’action pour garantir les droits et le bien-être des enfants nés de violences sexuelles dans les conflits.
Mme SONIA MARINA PEREIRA PORTILLA (Colombie) a rappelé l’impact positif des stratégies colombiennes ayant permis aux enfants sortis des groupes armés de bénéficier du programme de protection de l’institut colombien du bien-être familial. Cette instance a également dispensé une formation sur les droits de l’enfant aux forces armées colombiennes, a indiqué la représentante. Elle a également précisé que la stratégie de prévention du recrutement s’est appuyée sur le renforcement des institutions colombiennes qui développent des activités et politiques dans le but de garantir et protéger les droits des enfants. Elle a salué l’appui technique fourni par l’UNICEF et l’OIM.
La représentante a par ailleurs rappelé le lien entre la dégradation de l’environnement et les droits des enfants. Les enfants doivent connaître leurs droits pour pouvoir les faire respecter, a-t-elle fait remarquer, notant que les enfants colombiens commençaient à utiliser le système judiciaire pour demander une justice climatique.
Mme NKOMBO (Zambie) a fait état de l’adoption, en août 2022, d’un code des enfants pour s’assurer que toutes les législations liées aux enfants soient conformes à la Convention relative aux droits de l’enfant, entre autres. Elle a également indiqué que le Gouvernement était en train de revoir le droit du mariage afin que sa définition soit conforme aux lois statutaires. Rappelant faire partie des 12 pays qui se sont engagés à mettre fin au sida chez les enfants d’ici à 2030, la déléguée a expliqué que son pays avait recruté près de 11 000 personnels de santé pour palier au problème du manque de ressources humaines. Dans le secteur de l’éducation, ce sont 30 000 enseignants qui ont été recrutés et l’enseignement était gratuit dans le secteur public de la petite enfance jusqu’au secondaire.
Après avoir rappelé l’engagement du Gouvernement à accroître l’accompagnement des filles pour que celles-ci restent scolarisées, la déléguée a évoqué le défi du cyberharcèlement, précisant qu’une législation en matière de sécurité et criminalité avait été adoptée afin de protéger les enfants en ligne.
Mme ISABELLA REGINA RIVERA REYES (Honduras) a déploré le problème de la violence exercée envers les plus jeunes dans son pays, du fait, selon elle, des gouvernements précédents qui ont développé la militarisation de la société, pratiqué la pénalisation des manifestations et laissé croître la corruption des autorités et l’affaiblissement des institutions. Le gouvernement actuel refonde la société, notamment en procédant à une » révolution » dans l’éducation, a-t-elle indiqué. La déléguée a ensuite détaillé les mesures mises en œuvre par son gouvernement pour « rendre le sourire » aux enfants du pays et leur garantir l’accès à tous les droits élémentaires.
M. ALEJANDRO GONZÁLEZ BEHMARAS (Cuba) a cité à son tour un chiffre tiré du rapport annuel de l’UNICEF: 100 millions d’enfants sont tombés dans la pauvreté en 2021. Comme toujours, a-t-il constaté, les pays en développement paient un lourd tribut aux crises et cela compromet le bien-être de millions d’enfants dans le monde. La solution est entre les mains des pays les plus riches et dépend de leur engagement en faveur du multilatéralisme, a-t-il poursuivi. Le délégué a ensuite fustigé le blocus économique, commercial et financier imposé à Cuba par les États-Unis « depuis plus de 60 ans », ajoutant qu’il n’épargne pas un seul enfant à Cuba. Toutefois, a-t-il assuré, ce blocus n’asphyxie en rien la volonté cubaine d’obtenir de meilleurs résultats sur le front des droits de l’enfant. Ces efforts sont constatés par l’UNICEF et le pays peut se targuer d’indicateurs de santé infantile équivalent à ceux de pays développés, a fait valoir le délégué. Il a rappelé enfin que Cuba a été l’un des premiers pays à mettre en place un programme de vaccination contre la COVID-19 pour la tranche des 2- 18 ans, avec des résultats concluants.
Mme ANJANI (Indonésie) a estimé que les 77 millions d’enfants que comptent son archipel est son avenir. Elle a par ailleurs relevé que, depuis 2021, une ligne téléphonique a été mise en place pour signaler les cas de violence contre les enfants, précisant également qu’entre 2018 et 2019 143 000 enfants ont pu quitter le monde du travail grâce à une campagne nationale dédiée. Elle a ajouté qu’en 2019, l’Indonésie a amendé l’âge minimum pour le mariage des jeunes filles, qui est passé de 16 à 19 ans.
M. GUNWALD, délégué de la jeunesse de la Slovaquie, a indiqué que son pays avait organisé une campagne de communication avec la Tchéquie et l’UNICEF pour que tous les États Membres signent le protocole facultatif de la Convention relative aux droits de l’enfant.
M. SALINI (Slovaquie), s’est inquiété du sort des 16 millions d’enfants affectés par les inondations au Pakistan. Il s’est aussi dit profondément préoccupé par l’agression russe et les attaques contre les infrastructures civiles, les écoles et les hôpitaux ukrainiens, tuant et blessant des dizaines d’enfants. Il a indiqué que la Slovaquie accueillait des dizaines de milliers d’enfants réfugiés venus d’Ukraine et que des dizaines de millions d’enfants étaient affectés par la faim dans le monde en raison de l’agression russe.
M. ARBEITER (Canada), évoquant le mariage forcé des enfants, a relevé que les dernières données montrent une certaine progression dans la lutte contre ce problème. Mais ces progrès sont inégaux entre les pays et au sein même des pays et des régions, a-t-il nuancé. Il a également estimé que la pandémie peut faire connaître un véritable recul dans la réalisation de l’Objectif de développement durable afférent. Rappelant à cet égard que 10 millions de filles risquent de subir un mariage forcé, le délégué a indiqué que son pays présentera avec la Zambie un projet de résolution dédié à cette question.
M. KARIN KUNJARA NA AYUDHYA (Thaïlande) a souhaité que les pays mettent fortement l’accent sur la promotion et la protection des droits de l’enfant afin de fournir aux plus jeunes de leurs sociétés, les ressources et les conseils adéquats pour un développement adapté à leur âge. Pour sa part, a-t-il dit, la Thaïlande a adopté une approche multidisciplinaire qui implique une série d’améliorations législatives, sur la base des engagements pris en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant. Pour illustrer son propos, le délégué a indiqué que la loi sur la réglementation de l’alimentation pour les nourrissons et les jeunes enfants met en œuvre les directives pertinentes de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Il a également précisé que le programme de soutien à l’enfant a été étendu pour couvrir les familles pauvres dans tout le pays. Il s’est d’autre part déclaré convaincu que des soins prénatals et un soutien à la petite enfance établissent une trajectoire positive pour les enfants. À ce sujet, il a relevé que la Thaïlande est devenue le premier pays de la région Asie- Pacifique à avoir éliminé la transmission mère-enfant du VIH et de la syphilis.
Évoquant ensuite l’essor de la transformation numérique, il a estimé que la protection et la promotion des droits de l’enfant devraient être adaptées à ce nouvel environnement, notamment en matière de sécurité en ligne. La Thaïlande, a-t-il dit, a mis en place plusieurs plans et stratégies qui tiennent compte des préoccupations des parents et des enfants, notamment les plans d’action 2020-2022 sur la prévention et l’atténuation des impacts sur les enfants et les jeunes, du jeu en ligne, et sur le renforcement de la responsabilité sociale partagée pour les sports électroniques pour les enfants. De plus, a-t-il rappelé, le pays a coorganisé la conférence régionale de l’ASEAN sur la protection en ligne des enfants en 2020 avec les Philippines, l’UNICEF, l’UIT et l’ONUDC. Enfin, le représentant a jugé que la réalisation des droits des enfants ne peut être complète sans la garantie du droit à l’éducation. C’est pourquoi, a-t-il souligné, l’éducation de base est accessible à tous en Thaïlande, quelle que soit la nationalité des élèves. Il a ajouté que, pendant la pandémie de COVID-19, le pays a permis aux étudiants de poursuivre leurs études en fournissant, entre autres, une connexion Internet gratuite à ceux qui en avaient besoin.
M. JUAN JOSÉ RIVA GRELA (Uruguay) a déploré que les enfants soient devenus encore plus vulnérables face à une violence exacerbée par les crises multiples. Citant une statistique de l’UNICEF, il a rappelé qu’avant la pandémie de COVID-19, un milliard d’enfants vivaient dans une pauvreté multidimensionnelle, et que ce chiffre a depuis augmenté de 10%. L’éducation constitue la réponse appropriée, a estimé le délégué, déplorant que ce soit les foyers déjà les plus pauvres qui aient le plus tendance à interrompre l’éducation de leurs enfants. Le représentant a détaillé plusieurs mesures entreprises par l’Uruguay afin de préserver les droits des enfants sans aucune distinction, en insistant sur le système national d’éducation laïque et gratuite. L’éducation permet de combler certains déficits chez les enfants défavorisés par leur milieu d’origine, a-t-il relevé.