En cours au Siège de l'ONU

Conseil de sécurité: « le dialogue et la coopération » pour une sécurité commune à l’épreuve de la menace nucléaire

9112e séance - matin
CS/15001

Conseil de sécurité: « le dialogue et la coopération » pour une sécurité commune à l’épreuve de la menace nucléaire

La menace nucléaire s’est, ce matin, invitée au Conseil de sécurité, lors d’une séance que la Chine avait présentée au début du mois comme l’un des temps forts de sa présidence: la promotion de la sécurité commune par le dialogue et la coopération, en présence du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, et du Président de la dixième Conférence des Parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), M. Gustavo Zlauvinen, qui ont tous deux lancé des appels à la désescalade.

Tout juste de retour d’Ukraine, M. Guterres s’est félicité du coup d’envoi de l’Initiative céréalière de la mer Noire, coparrainée par l’ONU, et de l’accord visant à faciliter l’arrivée sans entrave sur les marchés mondiaux des aliments et des engrais en provenance de la Fédération de Russie.  Il s’agit d’un exemple concret de la façon dont le dialogue et la coopération peuvent susciter de l’espoir, y compris en plein conflit, a estimé le haut fonctionnaire, en soulignant qu’un engagement similaire est nécessaire face à la situation critique que connaît la centrale nucléaire de Zaporijia.  

Pour M. Guterres, l’ONU dispose en Ukraine des capacités logistiques et sécuritaires nécessaires pour soutenir une mission de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur le site de cette centrale occupée par les forces russes.  Mais il a déploré de façon générale les divergences persistantes entre grandes puissances, qui continuent de faire barrage à une action concertée.  Aussi a-t-il défendu l’idée de forger à nouveau un consensus mondial en vue d’assurer la sécurité collective, tel que reflété par le document Notre Programme commun. 

Ce programme, a poursuivi le Secrétaire général, envisage des efforts conjoints pour réduire les risques découlant de la cyberguerre et des armes létales autonomes et hâter l’élimination de la menace nucléaire.  Il a donc demandé aux pays possédant l’arme nucléaire de s’engager à ne pas y recourir en premier, alors que la dixième Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération (TNP) est sur le point de se conclure cette semaine.  Tous les États parties au Traité doivent garantir à ceux qui ne sont pas dotés de l’arme nucléaire qu’ils ne l’utiliseront pas ou ne menaceront pas d’en faire usage, a plaidé le Secrétaire général.

Mais à la suite des bouleversements géopolitiques actuels, le TNP fait face à une multitude de défis, a reconnu M. Zlauvinen.  Si la priorité est la prévention, la seule façon d’éliminer complètement le risque est d’éliminer complètement les arsenaux, a-t-il résumé.  Les États parties, a-t-il affirmé, exigent une action immédiate sur des actions irréversibles et un désarmement nucléaire vérifiable.  Pour lui, la Conférence d’examen est une occasion unique d’inscrire un instrument de sécurité collective dans le cadre d’un forum de dialogue et de coopération, le TNP lui-même constituant « un terrain d’entente ».

Pour le Brésil, le désarmement n’est pas à envisager comme une « concession » des États dotés d’armes nucléaires, mais comme le résultat d’un engagement « sans équivoque » et d’une obligation contraignante en vertu de l’article VI du TNP.  Les mesures de réduction des risques ne sont pas une panacée, et encore moins un substitut au désarmement, a fait valoir le représentant.  La France a de son côté souligné l’importance de préserver le TNP dans un contexte marqué par la guerre d’« agression » russe en Ukraine, en violation des garanties de sécurité existantes, et par la persistance des crises de prolifération.  Aujourd’hui, la situation à la centrale de Zaporijia menace toute l’Europe, s’est alarmée la délégation, suivie sur ce point par l’Albanie ou le Mexique, qui a demandé une démilitarisation du site et le déploiement de la mission d’inspection de l’AIEA.  

Les États-Unis ont souhaité que la dixième Conférence d’examen du TNP reconnaisse la façon dont la guerre russe et le comportement « irresponsable » de Moscou en Ukraine fragilisent cet instrument juridique, avant d’annoncer être prêts à œuvrer avec tous les pays aux efforts de réduction et de stabilité stratégiques.  La représentante américaine a par ailleurs assuré que Washington continuerait d’appuyer l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE).  

Accusant la Fédération de Russie d’avoir « déchiré » la Charte des Nations Unies, le Royaume-Uni a exigé d’elle des comptes pour sa transgression de normes universellement acceptées.  Pour la délégation britannique, le TNP reste la seule voie vers l’objectif commun de désarmement nucléaire complet et la déclaration conjointe de la Chine, des États-Unis, de la France, du Royaume-Uni, et de la Fédération de Russie pour prévenir la guerre nucléaire et éviter les courses aux armements, rendue publique en début d’année, a été un signal fort de la volonté des grandes puissances de réduire les risques et de restaurer la confiance.

Si la Fédération de Russie a concédé qu’il est quasiment impossible de se satisfaire de la situation sécuritaire internationale actuelle, elle a rejeté les accusations portées par les membres occidentaux du Conseil, considérant pour sa part que Moscou avait été trompée par de fausses promesses de ne pas étendre l’OTAN à l’Est.  Elle a également fustigé ces pays et leurs alliés pour avoir aidé Kiev dans ses tentatives de « chantage » nucléaire, ignorant le bombardement de la centrale de Zaporojie par les forces armées ukrainiennes.  

Pour la Chine, c’est aux pays possédant les plus grands nombres d’ogives nucléaires de réduire de manière irréversible leurs arsenaux.  Cela permettra à d’autres États détenteurs de leur emboîter le pas, a-t-elle estimé.  Invoquant elle aussi la déclaration conjointe des cinq États dotés d’armes nucléaires ou « P5 », la délégation a rappelé que Beijing est le seul des cinq signataires à s’être engagé à ne pas utiliser d’armes nucléaires en premier ou à menacer d’en faire usage.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Promouvoir la sécurité commune par le dialogue et la coopération - S/2022/617

Déclarations liminaires

Pour M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, la voie vers la paix passe par le dialogue et la coopération.  Durant sa récente visite en Ukraine, en Türkiye et en République de Moldova, il a pu voir à l’œuvre l’Initiative céréalière de la mer Noire, de même que le résultat d’un accord visant à faciliter l’accès sans entrave aux marchés mondiaux des aliments et des engrais en provenance de la Fédération de Russie.  Des initiatives cruciales pour les populations les plus vulnérables du monde, qui comptent désespérément sur ces approvisionnements alimentaires, a déclaré le haut fonctionnaire, pour qui il s’agit d’un exemple concret de la façon dont le dialogue et la coopération peuvent générer de l’espoir, même en plein conflit.

Un engagement similaire en faveur du dialogue et de résultats est nécessaire face à la situation critique que connaît la centrale nucléaire de Zaporijia, a demandé M. Guterres, en affirmant que l’ONU dispose en Ukraine des capacités logistiques et sécuritaires nécessaires pour soutenir une mission de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) de Kiev à Zaporijia.  Ce Conseil représente un élément essentiel du processus de paix et de prévention, par le biais de résolutions visant à apaiser les conflits, à soutenir la réconciliation et à fournir une aide humanitaire et un soutien à des millions de nécessiteux, a-t-il ensuite relevé.  Le Secrétaire général a déploré que le système de sécurité collective d’aujourd’hui soit mis à l’épreuve comme jamais auparavant.  « Les divergences persistantes entre les grandes puissances du monde, y compris au Conseil, continuent de limiter notre capacité de réagir collectivement », a-t-il constaté, évoquant un déficit de confiance.  Il faut donc, selon lui, forger à nouveau un consensus mondial autour de la coopération nécessaire pour assurer la sécurité collective, tel que reflété par Notre Programme commun.

Ce programme, a-t-il expliqué, permet d’explorer la boîte à outils diplomatique que constitue la Charte des Nations Unies pour mettre fin aux conflits, en particulier les dispositions de son Chapitre VI, relatif à la négociation, à l’enquête, à la médiation, à la conciliation, à l’arbitrage et au règlement judiciaire.  Il s’agit notamment de renforcer la vigilance à l’égard des menaces futures et d’anticiper les points chauds et les conditions de longue date qui pourraient dégénérer en violences, et d’explorer le rôle des acteurs et des groupes régionaux à mesure qu’apparaissent des menaces transfrontalières à la paix et à la sécurité.  Il s’agit aussi de donner la priorité aux droits humains, à la protection sociale et à l’éducation, ainsi qu’aux programmes visant à mettre fin à la violence et à la discrimination et à accroître la participation des femmes dans la vie civique et politique.  

Il a ajouté que Notre Programme commun propose des efforts conjoints pour rassembler les pays autour de la nécessité de réduire les risques découlant de la cyberguerre et des armes létales autonomes, y compris l’accélération des efforts en vue d’éliminer la menace nucléaire, une fois pour toutes.  Et les pays dotés d’armes nucléaires doivent s’engager à ne pas utiliser ces armes en premier.  La dixième Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, qui se déroule en ce moment même, doit démontrer que des progrès sont possibles.  « Je renouvelle mon appel à tous les États parties pour qu’ils fassent preuve de souplesse et de volonté de compromis dans toutes les négociations.  Ils doivent également assurer aux États qui ne possèdent pas d’armes nucléaires qu’ils n’utiliseront pas ou menaceront d’utiliser des armes nucléaires contre eux, et être transparents tout au long du processus », a plaidé le Secrétaire général.  

En cette période de risque maximal, il est donc temps de renouveler notre engagement envers la Charte des Nations Unies et sa promesse de « préserver les générations futures du fléau de la guerre », en remplaçant la division par le dialogue et la diplomatie.  Alors que nous élaborons notre Nouvel Agenda pour la paix, à nous de prouver que nous avons tiré les leçons du passé, a conclu M. Guterres.

M. GUSTAVO ZLAUVINEN, Président de la dixième Conférence des Parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires(TNP), tout en étant conscient que certains membres du Conseil de sécurité ne sont pas parties à cet instrument juridique, a néanmoins espéré qu’ils pourront tous apprécier sa contribution majeure à l’amélioration de l’environnement sécuritaire international.  Depuis son entrée en vigueur en 1970, le TNP s’est avéré être un rempart pour la paix et la sécurité internationales et un facilitateur essentiel des avantages de l’énergie nucléaire, a-t-il fait valoir, en ajoutant que l’engagement actuel des États parties dans les discussions en dit long sur le statut de la Conférence en tant que forum multilatéral de négociation de facto sur les aspects liés aux armes nucléaires.  À la suite des bouleversements géopolitiques qui secouent notre monde, le TNP fait face à une multitude de défis, a-t-il concédé.  Il n’en reste pas moins que ces trois dernières semaines ont prouvé que les États parties sont résolus à renforcer le régime mondial qui couvre les trois piliers du Traité - désarmement, non-prolifération et utilisation pacifique de l’énergie nucléaire.

En ce qui concerne les priorités, la mise en œuvre des dispositions du Traité est au premier plan pour beaucoup, a précisé M. Zlauvinen.  En effet, garantir le respect des principaux engagements et obligations du Traité est considéré comme essentiel à son succès durable.  Il y a peu de questions plus vitales pour notre sécurité collective que la prévention de toute utilisation d’armes nucléaires, a-t-il martelé, et, comme beaucoup persistent à croire, la seule façon d’éliminer complètement ce risque est d’éliminer complètement les armes nucléaires.  Pour le Président de la Conférence, les progrès dans la mise en œuvre des trois piliers du TNP dépendent d’un accord sur plusieurs domaines clefs, à commencer par une action urgente au titre du Pilier I du Traité, le désarmement nucléaire, surtout à la lumière de la situation actuelle dans le monde.  Il faut des mesures pour inverser les tendances dangereuses, accroître la confiance et veiller à ce que les erreurs de calcul ne conduisent pas à une escalade et à une catastrophe nucléaire, a prévenu l’intervenant.  En outre, l’environnement de sécurité mondial actuel a ravivé le récit que les armes nucléaires offrent la garantie ultime de sécurité, a noté M. Zlauvinen, pour lequel c’est un argument dangereux pour la non-prolifération, surtout lorsqu’il est couplé avec d’autres défis, comme l’émergence de nouvelles technologies susceptible de réduire les obstacles à l’acquisition et la livraison d’armes nucléaires. 

En deuxième lieu, les États parties souhaitent des mesures à court terme pour réduire le risque de guerre nucléaire, ce qui a remis au premier plan les questions de renforcement des garanties de sécurité, une préoccupation de longue date des États non dotés d’armes nucléaires.  Beaucoup d’États parties ont cependant fait valoir que la réduction des risques est insuffisante, a précisé le Président.  Ils sont d’avis que les circonstances exigent une action immédiate sur des actions irréversibles et un désarmement nucléaire vérifiable, a-t-il précisé.  Cela comprendra probablement des appels à un langage fort sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires ainsi qu’à de nouveaux accords pour réduire le nombre mondial d’armes nucléaires, a-t-il anticipé.

La troisième priorité porte sur la manière de soutenir le règlement de crises de prolifération régionale, en particulier en Asie et au Moyen-Orient.  Les États parties ne sont que trop conscients du fait que ne pas répondre aux cas d’introduction d’armes nucléaires dans des conflits régionaux ne fait que fragiliser l’ensemble du régime de non-prolifération.  En quatrièmement lieu, M. Zlauvinen a parlé de la question de l’élargissement de l’accès aux avantages des utilisations pacifiques des sciences et technologies nucléaires.  Le lien entre développement et sécurité ajoute une nouvelle dimension au Traité qui reflète sa centralité dans le système international.  Alors que le rôle de la technologie nucléaire devient de plus en plus important dans des domaines allant de l’agriculture à la médecine, il faut garantir l’accès le plus large possible à ces avantages pour tous, a fait valoir le Président de la Conférence, en y voyant un catalyseur pour la réalisation des objectifs de développement durable.  Il a conclu par la question de la sûreté et de la sécurité des centrales nucléaires dans les zones de conflit.  Les événements récents ont attiré l’attention sur ces problèmes auxquels le monde a été contraint de faire face, a-t-il noté en remarquant que, pour la première fois, un tel défi s’est posé. 

À ses yeux, la Conférence d’examen est une occasion unique de renforcer un instrument de sécurité commune dans un forum de dialogue et de coopération.  Il ne faut pas rater cette occasion, a-t-il insisté, parce que « lorsque nous parlons de la nécessité de trouver un terrain d’entente, les gens oublient que le TNP est un terrain d’entente ».  Le protéger et veiller à ce qu’il puisse continuer à jouer son rôle devrait être une priorité pour tous, a insisté M. Zlauvinen, en rappelant que depuis plus de 50 ans, le TNP s’est révélé être un instrument essentiel et flexible pour la sécurité individuelle de chaque État.

Déclarations

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a estimé qu’on ne peut envisager d’abandonner, par révisionnisme ou par repli, la vision audacieuse d’un ordre mondial ouvert, coopératif et inclusif, qui est justifiée par l’ampleur des défis mondiaux.  Elle a plutôt appelé à un moment de renouveau pour le système international et plaidé pour une coopération nécessaire pour faire face aux menaces mondiales les plus urgentes.  Alors que nous devenons de plus en plus dépendants les uns des autres, a-t-elle relevé, notre première et seule véritable organisation multilatérale mondiale est toujours notre dernier meilleur espoir.  Cependant, elle ne peut pas rester figée dans le temps, a-t-elle fait remarquer.  La représentante a donc appelé à l’adapter à un monde qui compte plus de pays et un ensemble de plus en plus diversifié d’acteurs influents.  Il faut aussi l’adapter à l’équilibre des pouvoirs et au rôle accru des institutions régionales, ainsi qu’au risque croissant de tensions entre les grandes puissances, a ajouté la déléguée.

La représentante a noté que pendant longtemps, le système multilatéral a été divisé entre ce qu’on appelle les faiseurs et les receveurs des normes.  Elle a appelé à façonner un système d’établissement de normes et de prise de décisions qui soit plus inclusif, le but étant de permettre aux points de vue de tous de façonner notre avenir inextricablement lié.  Ce faisant, nous devons être pragmatiques, progressifs et axés sur les résultats, a-t-elle recommandé.  Pour elle, élargir la responsabilité signifie également habiliter systématiquement les organisations régionales pour résoudre les problèmes régionaux, ces organisations étant souvent mieux placées pour trouver des solutions durables.  « Nous avons besoin d’un leadership capable de surmonter l’approche binaire de la formation de coalitions », a-t-elle observé en conclusion.

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a réfuté d’emblée le « faux narratif » selon lequel les armes nucléaires rendraient le monde plus sûr.  Alors que la dixième Conférence d’examen du TNP entre dans sa dernière semaine, rappelons que le désarmement n’est pas une concession de la part des États dotés d’armes nucléaires, a-t-il tranché, en arguant qu’il s’agit d’un engagement sans équivoque et d’une obligation contraignante en vertu de l’article VI du TNP.  Si les mesures de réduction des risques nucléaires sont importantes et nécessaires, elles ne sont en aucun cas une panacée, et encore moins un substitut au désarmement nucléaire, a fait valoir le représentant en invitant à garder à l’esprit le fragile équilibre entre les trois piliers qui ont permis l’adoption du TNP, car il y va, selon lui, de la pertinence du Traité.  « Mieux vaut prévenir que guérir », a insisté M. Costa Filho, en encourageant la communauté internationale à recourir plus souvent à la diplomatie préventive et la médiation et à condamner le recours « abusif » à l’Article 51 de la Charte des Nations Unies.

Le représentant a ensuite insisté sur l’impératif de respecter le droit international, « la langue que nous devons parler lorsque des différences surgissent entre nous ».  Il a appelé à reconnaître la force de la relation entre paix et développement économique et social, en estimant que le succès d’un nouvel Agenda pour la paix passe par la réalisation des objectifs de développement durable.  Par conséquent, M. Costa Filho a appelé à renforcer la coopération internationale et les investissements dans les capacités productives.  De plus, a-t-il relevé, il ne faut pas oublier que les pays en développement sont sous-représentés dans les décisions de paix et de sécurité.  Avant de conclure, le délégué a souligné le rôle crucial que peut jouer la Commission de consolidation de la paix.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon), rappelant que le monde se trouve à un point d’inflexion historique, a dit que l’avenir se dessine politiquement et idéologiquement, plus diversifié.  Il a estimé que l’ordre international, qui fait place à la diversité idéologique, nécessite un dialogue permanent en vue d’un consensus global dans l’approche des questions antagonistes au sein du Conseil de sécurité et au-delà.  Face aux rivalités entre puissances et à d’autres défis, il a jugé « dangereusement naïf » de miser sur les rapports de force ou les postures unilatérales.  À son avis, l’efficacité de l’action internationale est difficilement garantie dans une configuration d’affrontements de blocs sur le modèle de la guerre froide.  Il a remarqué en outre que les querelles de grandes puissances sur la hiérarchie et l’idéologie et leurs intérêts stratégiques constituent un terrain fertile pour des antagonismes majeurs, avec des guerres de choix, des guerres par procuration et des guerres de prédation de ressources qui déstabilisent les États fragiles, notamment en Afrique.

Le représentant n’a pas jugé très crédible les alternatives au dialogue permanent et au multilatéralisme, dans la configuration actuelle de l’ordre international.  Plaidant pour le dialogue entre Nations et vantant ses vertus, le délégué a rappelé que la coopération suppose naturellement d’agir ensemble, de se concerter régulièrement, en temps de paix comme en temps de guerre, et d’aplanir les divergences.  Elle implique de considérer ou de prendre en compte les attentes des uns et des autres et d’atténuer les tensions, dans la perspective de rechercher le règlement pacifique des différends, a-t-il ajouté.  Il a assuré que l’essence de la volonté du Gabon est d’apporter des « solutions africaines aux problèmes africains », demandant d’être lucide sur la nécessité de trouver des solutions collectives aux crises mondiales actuelles du fait que leurs conséquences ont bien souvent un impact direct ou indirect sur la destinée de chacun des pays et menacent les valeurs partagées par tous et défendues au sein des Nations Unies.  

Mme SHERAZ GASRI (France) a souligné l’importance de préserver la centralité et la primauté du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires qui constitue la pierre angulaire de l’architecture internationale de non-prolifération et de la stabilité stratégique.  Notant que ce traité fait face à un contexte international inédit, marqué par l’agression russe de l’Ukraine en violation de ses garanties de sécurité et par la persistance des crises de prolifération, elle a reproché à certains États de privilégier ouvertement des postures belliqueuses, en citant notamment la Russie.  Aujourd’hui, la situation à la centrale de Zaporijia menace toute l’Europe, s’est-elle alarmée, en indiquant que la France soutient le dialogue en cours entre les parties et l’AIEA pour permettre l’envoi d’une mission d’inspection « essentielle », dans le plein respect de la souveraineté ukrainienne.  À cet égard, la déléguée a salué les efforts menés par le Secrétaire général de l’ONU, qui ont permis d’ouvrir une perspective positive.  

Constatant ensuite qu’à la guerre ouverte entre deux États s’ajoute la persistance de conflits internes et du fléau du terrorisme, la représentante a remarqué que ces crises sont intensifiées par les changements climatiques et par leurs conséquences sur la sécurité, en particulier au Sahel.  Elle a également souligné le fait que le cyberespace et l’espace extra-atmosphérique deviennent des champs de rivalité stratégique, voire de conflit armé.  Par ailleurs, la manipulation de l’information, « qui trompe nos citoyens et sape nos démocraties », est amplifiée par l’hyper-connectivité, a-t-elle remarqué.  Plusieurs États cherchent ainsi à déstabiliser les systèmes politiques et accroître leur influence quand d’autres verrouillent l’information pour éviter toute contestation, a-t-elle constaté en appelant à réfléchir aux contours d’un dialogue renouvelé pour affiner la compréhension commune de ces nouveaux champs, renforcer leur gouvernance internationale et y définir des règles de comportement responsable, en associant de manière très étroite de nouveaux acteurs, en particulier la société civile et les entreprises.  La France continuera de s’y engager pleinement pour assurer que ces espaces resteront ouverts, sûrs, stables et pacifiques, a assuré la déléguée.

M. MARTIN KIMANI (Kenya) a averti que la Charte des Nations Unies pourrait connaître le même sort que la Société des Nations qui a échoué.  À moins que le dialogue ne soit engagé pour arrêter la guerre en Ukraine, la poursuite de la logique qui l’a déclenchée conduira à la ruine pour tous, a-t-il prédit.  Il s’est demandé si les puissances mondiales allaient choisir d’adopter la vision directrice de l’ONU ou alors transformer celle-ci en une arène de plus dans leur conflit en sapant sa volonté et ses moyens de protéger la paix et la sécurité internationales.  Selon lui, le reste du monde, et l’Afrique en particulier, ne doit pas attendre passivement d’être balayé au centre des tempêtes créées par cette confrontation historique.  Le monde a besoin d’une Afrique prospère, sûre et unie pour naviguer avec succès à travers les grands défis d’aujourd’hui tels que l’insécurité mondiale, la crise climatique et les pandémies, a-t-il lancé en suggérant que l’Agenda 2063 de l’Afrique soit la pierre angulaire d’un pilier d’équilibre pour la paix et la sécurité internationales.  « Nous proposons aujourd’hui à nos amis et partenaires de contribuer à cette ambition, ou, au minimum, de ne pas l’entraver », a dit le représentant en précisant que c’est dans leur intérêt fondamental.

De nombreux efforts sont nécessaires, a-t-il souligné en appelant à renouveler l’ambition d’entreprendre des réformes aux Nations Unies, en particulier celle du Conseil de sécurité.  L’ambition de donner des sièges à l’Afrique, dans la lignée du consensus d’Ezulwini et de la Déclaration de Syrte, offre le plus grand espoir pour un Conseil équilibré, selon le délégué qui a également souhaité que l’ONU assume une plus grande responsabilité dans toutes les opérations de paix contre les menaces à la paix et la sécurité internationales.  En particulier, il a jugé nécessaire de fournir un financement adéquat et prévisible, notamment par des quotes-parts du budget ordinaire, aux opérations de paix mandatées par le Conseil de sécurité et dirigées par l’Union africaine.  Il a également plaidé pour un financement prévisible et durable des efforts de consolidation de la paix.  En outre, selon M. Kimani, la sécurité commune n’est pas réalisable sans développement.  Il a aussi parlé des engagements en matière d’adaptation et d’atténuation aux changements climatiques qui requièrent un regain d’énergie de la part des pays industrialisés pour atteindre et dépasser leurs objectifs dans ce domaine.  Enfin, le délégué a appelé le Conseil à redoubler d’efforts pour utiliser de manière prévisible et cohérente sa gamme complète d’outils pour lutter contre toutes les entités terroristes et leurs collaborateurs.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a rappelé l’importance de l’ONU pour promouvoir les droits humains, protéger les civils innocents, apporter une aide humanitaire, sauver des vies, et renforcer l’égalité souveraine des États.  Pour contrer les menaces à la sécurité et œuvrer à un monde plus juste, il ne suffit pas de citer la Charte des Nations Unies.  Encore faut-il en respecter les principes, dont la pratique exige des États Membres qu’ils rendent des comptes de façon systématique en cas de violation de la Charte.  Malheureusement, a observé la représentante, l’une des plus graves menaces pesant sur nos efforts est l’invasion de la Russie contre l’Ukraine.  

Cette invasion a des retombées sur nous, exacerbant l’insécurité alimentaire mondiale, provoquant une nouvelle crise des réfugiés et des dizaines de milliers d’Ukrainiens et de Russes, a déploré la représentante, en invoquant le respect des droits humains.  Selon elle, il faut utiliser les institutions ou les mécanismes créés par la Charte des Nations Unies et l’Assemblée générale pour faire face à ces défis pour la paix et la sécurité.  Tel est le message adressé par le Président Joseph Biden et le Secrétaire d’État Antony Blinken au début de la dixième Conférence d’examen du TNP, les États-Unis ayant l’intention de parvenir à un document final consensuel à même de préserver l’intégrité de cet instrument essentiel.  Cette conférence d’examen devra aussi reconnaître la façon dont la guerre russe et le comportement irresponsable de Moscou en Ukraine sapent les objectifs fondamentaux du TNP.  

La représentante a également estimé que la reprise de l’inspection en vertu du nouveau Traité de réduction des armements stratégiques fait partie intégrante d’une coopération qui doit se poursuivre.  Les États-Unis sont prêts à négocier, dans les plus brefs délais, un cadre pour le remplacer et parvenir à de nouveaux traités de réduction stratégique des armes nucléaires avec la Russie.  Les États-Unis sont prêts à travailler avec tous les pays sur ces efforts de réduction et de stabilité stratégique et continueront d’appuyer l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), a assuré sa représentante.  Nous voulons également commencer à travailler avec les partenaires pour réentamer les négociations cette année sur le traité sur l’interdiction des matières fissiles qui ont été reportées à plusieurs reprises, a-t-elle ajouté.

Tout en reconnaissant l’importance du dialogue et de la coopération, M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a estimé qu’ils ne peuvent à eux seuls garantir la sécurité collective.  La Charte des Nations Unies est le garant de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États, a-t-il précisé, en regrettant qu’aujourd’hui, personne ne conteste la menace la plus grave qui pèse sur le système de sécurité commune consacré par l’ONU.  « La Russie, membre permanent de ce Conseil, a déchiré la Charte et bafoué les règles qui sous-tendent la paix et la sécurité internationales », a dénoncé le représentant, pour qui « cela sape tout le système que nous sommes tous ici pour défendre ».  Pour assurer notre sécurité -et le système sur lequel nous comptons tous- nous devons demander des comptes aux États qui transgressent les normes universellement acceptées, a-t-il lancé, en invoquant notamment leur souveraineté et leur intégrité territoriale.  Si nous acceptons qu’un grand pays puisse simplement envahir son petit voisin, nous revenons aux jours sombres de la souffrance humaine ainsi qu’à l’instabilité et aux conflits internationaux plus larges, a mis en garde le représentant avant d’appeler « encore une fois » la Fédération de Russie à mettre fin à son invasion illégale de l’Ukraine et à en retirer ses forces.

Face à cette menace, le représentant du Royaume-Uni a appelé à tout faire pour éviter l’escalade nucléaire.  Le TNP reste une pierre angulaire de l’architecture sécuritaire mondiale, a souligné le représentant, et la seule voie vers notre objectif commun de désarmement nucléaire complet.  La déclaration faite par le P5 concernant des garanties de sécurité pour les États non dotés d’armes nucléaires au début de cette année a été un signal important de notre volonté de réduire les risques et de renforcer la confiance, a déclaré le représentant, en invitant à continuer à créer et à préserver un espace et des canaux de dialogue pour instaurer la confiance et réduire les risques d’erreur de calcul.  Il a réitéré que le Royaume-Uni reste résolument attaché aux objectifs du TNP et à la coopération avec d’autres États pour assurer sa mise en œuvre ainsi que celle d’autres traités.

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a estimé que la communauté internationale doit jouer un rôle plus actif dans la prévention des crises et dans la recherche des moyens visant à faciliter les réponses précoces.  Afin de réaliser une paix durable, elle a affirmé que nous devons parler à tous les acteurs impliqués dans tout conflit.  L’inclusion pleine et significative des femmes est cruciale à cet égard, a-t-elle ajouté.  La représentante a relevé que la rivalité entre grandes puissances met la pression sur l’architecture multilatérale du désarmement.  De nouveaux systèmes d’armes sont en effet en cours de développement et déployés, et les défis de la prolifération se multiplient, a souligné la déléguée.  Pourtant, le TNP a contribué à préserver la sécurité mondiale depuis plus d’un demi-siècle, a-t-elle observé.  C’est la pierre angulaire de nos efforts pour débarrasser le monde des armes nucléaires, a-t-elle affirmé, en demandant que la communauté internationale saisisse l’occasion de la Conférence d’examen en cours pour réaffirmer son engagement envers le Traité.  Elle a également fortement préconisé l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.  Les défis auxquels nous sommes confrontés exigent une réponse holistique et inclusive, a—t-elle conclu, ajoutant que nos efforts doivent être coordonnés entre les trois piliers de l’ONU: paix et sécurité, droits de l’homme et développement.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a constaté que sept décennies après l’adoption de la Charte des Nations Unies, les pays recommencent à envisager la menace et l’emploi de la force sur la scène internationale.  Pour promouvoir la sécurité commune par le dialogue et la coopération, le représentant a fait cinq recommandations, en premier le renforcement du multilatéralisme pour qu’il réponde aux besoins de tous et non aux souhaits de quelques pays puissants ou influents.  Dans les circonstances actuelles, il est nécessaire d’engager un processus consensuel pour que les États Membres renouvellent leur engagement à l’égard des buts et principes de la Charte des Nations Unies, a exigé le représentant.

Reconnaissant que les États les plus puissants peuvent avoir des préoccupations en matière sécuritaire, le délégué a dit qu’elles ne peuvent en aucun cas prévaloir sur celles d’autres États.  Il faut en outre œuvrer assidûment à la réalisation d’un monde exempt d’armes nucléaires.  Cette exigence demande de renforcer le dialogue et la coopération afin que des succès tels que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), puissent être mis à profit.  S’agissant des confits dans certaines parties du continent africain, les armes légères et de petit calibre entre les mains de groupes terroristes et extrémistes violents ont en fait été utilisées comme armes de destruction massive, a dénoncé le représentant.  Ces menaces à la sécurité ne peuvent être laissées aux seuls acteurs régionaux et nationaux.  Le fardeau doit être réparti équitablement et des efforts et des investissements renouvelés doivent être consentis pour accélérer les progrès vers la réalisation des objectifs de développement durable, a-t-il déclaré.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a concédé que presque personne ne peut être satisfait de la situation internationale, faisant référence à la crise profonde de sécurité actuelle.  Presque toutes les institutions sur lesquelles elle s’appuyait se sont dégradées, le niveau de confiance entre les principaux acteurs internationaux a chuté à un niveau critique, a-t-il noté en estimant que, plus que jamais, il est important de comprendre pourquoi.  Regrettant que les pays occidentaux expliquent de tels problèmes depuis au moins 200 ans en blâmant la Russie pour tout, il a fait un bilan des faits depuis la fin des années 80, quand la communauté internationale avait de bonnes raisons d’espérer que la guerre « froide » avec course aux armements et menace d’un affrontement à grande échelle entre superpuissances étaient derrière nous.  Rappelant que cela a été possible avant tout grâce à l’URSS, puis la Russie, qui ont radicalement changé de cap en réagissant aux promesses et assurances des pays occidentaux, le représentant s’est rappelé qu’on avait dit à la Russie que l’OTAN ne tirerait aucun avantage unilatéral du changement de situation en Europe.  On avait promis à son pays un partenariat égal basé sur la confiance, la transparence et la prise en compte mutuelle des préoccupations de sécurité, qui incluait la promesse de ne pas étendre l’OTAN vers l’Est, a-t-il ajouté.  

Pour le représentant, il est devenu clair que la Russie a été trompée de manière triviale et sans vergogne, et que ni les États-Unis ni leurs alliés n’ont tenu leurs promesses.  Il a regretté qu’il ne soit plus question d’un partenariat égal et que les pays occidentaux aient même profité des problèmes économiques et politiques de son pays pendant la période de transition, en déclarant que la Russie était le perdant de la guerre froide, et que le perdant « ne peut rien réclamer ».  Les membres de l’OTAN ont presque immédiatement oublié leurs promesses de ne pas accroître leur présence militaire en Europe et de ne pas déplacer les infrastructures militaires aux frontières de la Russie, a-t-il encore regretté en affirmant que depuis 30 ans, la Russie a patiemment essayé de se mettre d’accord avec l’OTAN sur les principes d’une sécurité égale et indivisible dans la zone euro-atlantique.  Cependant, en réponse à ses propositions, elle n’a reçu que « des mensonges cyniques et des tentatives de pression et de chantage », a-t-il déploré, alors que l’OTAN poursuivait son expansion constante, rapprochant son infrastructure militaire des frontières russes, notamment en déployant des systèmes de défense antimissiles et des armes offensives.  Tout cela a créé une menace réelle pour la sécurité nationale de notre pays, a soutenu le représentant en rappelant que dès 2007, à la Conférence de Munich sur la sécurité, le Président russe avait appelé l’OTAN à abandonner cette voie dangereuse de la confrontation.  Ces avertissements n’ont pas été entendus et acceptés en Occident, a constaté le délégué.

Il a rappelé que dès 2001, Washington avait annoncé son retrait unilatéral du Traité sur les systèmes antimissiles balistiques sous le prétexte farfelu qu’il était « dépassé » et ne répondait plus aux réalités modernes; que les États-Unis se sont aussi retirés unilatéralement du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire; qu’ils continuent de refuser de ratifier le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires et qu’en 2020, les États-Unis se sont retirés unilatéralement du Traité « Ciel ouvert ».  Le représentant a affirmé que le démantèlement de chacun des outils de contrôle des armements mentionnés est le fruit d’actions délibérées des États-Unis.  

En décembre de l’année dernière, a-t-il poursuivi, nous avons fait une dernière tentative pour sauver le système de sécurité européen.  Il a fait référence à la série de propositions que la Russie a faite aux États-Unis et à l’OTAN sur les mesures de confiance et de sécurité dans la région euro-atlantique, notamment pour que les États-Unis concluent un accord sur des garanties de sécurité mutuellement contraignantes qui tiendrait compte des préoccupations des deux parties dans ce domaine et ramènerait les relations entre l’OTAN et la Russie à celles de 1997, lorsque l’Acte fondateur sur les relations, la coopération et la sécurité mutuelles entre l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et la Fédération de Russie avait été signé.  Un accord similaire a été envoyé à l’OTAN, a-t-il précisé en expliquant que ces propositions étaient fondées sur le principe de la sécurité commune et indivisible.  « C’est le principe fondamental des relations internationales civilisées », un principe consacré dans un certain nombre de documents fondamentaux de l’OSCE, « mais nos collègues américains n’ont pas voulu le confirmer », a-t-il dit.  Il a regretté que les États-Unis et les alliés aient simplement refusé d’en discuter et préféré l’escalade au règlement diplomatique, faisant ainsi éclater une crise dans l’espace européen avec des conséquences historiques.  Selon le représentant, la raison pour laquelle l’Occident a délibérément détruit le système de la sécurité européenne pendant toutes ces années est que le système des « freins et contrepoids », l’équilibre des intérêts, a cessé de répondre à leurs aspirations hégémoniques de forcer le monde entier à travailler et adopter les modes de vie des pays occidentaux.  La sécurité collective est incompatible avec la coercition et l’hégémonie, a tranché le délégué.  

S’agissant du conflit en Ukraine, il a reproché aux pays occidentaux d’avoir cyniquement fermé les yeux sur la propagation de l’idéologie néonazie, les massacres d’habitants du Donbass et les violations du droit international humanitaire par les forces armées ukrainiennes et les bataillons nationaux.  Il a affirmé que ces dernières semaines, « les patrons occidentaux de l’Ukraine » ont aidé Kiev dans ses tentatives de « chantage nucléaire », ignorant le bombardement de la centrale nucléaire de Zaporojie par les forces armées ukrainiennes.  Il a remarqué que lors de la réunion du Conseil de sécurité convoquée par la Russie la semaine dernière sur ce sujet, pas une seule délégation occidentale n’était déterminée à appeler un chat un chat et à appeler Kiev à arrêter ces actions dangereuses qui pourraient conduire à une catastrophe radioactive sur le continent européen.  Il a indiqué avoir d’ailleurs demandé une autre réunion urgente en rapport avec les provocations en cours des forces armées ukrainiennes contre cette centrale.

Évoquant ensuite « l’aventure américaine vis-à-vis de Taïwan », il l’a considérée comme une provocation soigneusement planifiée et comme une démonstration effrontée d’un manque de respect pour la souveraineté des autres pays et des obligations internationales, arguant que la région Asie-Pacifique est devenue partie intégrante d’une stratégie américaine délibérée de déstabilisation de la situation dans les régions du monde où se trouvent des États poursuivant une ligne politique indépendante.  Il a aussi accusé les pays occidentaux de politisation à la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération, les accusant de placer leurs intérêts géopolitiques visant à « punir » la Russie au-dessus des besoins collectifs pour renforcer la sécurité mondiale.  

Pour sa part, la Russie reste en principe ouverte à la coopération pour réduire les tensions, arrêter la course aux armements et minimiser les risques stratégiques, a-t-il fait savoir.  Cependant, cela nécessite que « nos collègues occidentaux s’y intéressent également et, jusqu’à présent, nous ne voyons pas un tel intérêt de leur part ».  Réduire les tensions dans le monde, surmonter les menaces et les risques dans la sphère militaro-politique n’est possible qu’en renforçant le système multipolaire fondé sur le droit international, les principes de la Charte des Nations Unies et l’égalité souveraine des États, a martelé le représentant y voyant la seule alternative réelle et efficace à l’hégémonie et au « droit du plus fort ».  Nous sommes prêts à participer activement à un travail commun pour construire un monde véritablement démocratique dans lequel les droits de toutes les nations seront garantis, ainsi que leurs intérêts en matière de sécurité et la diversité culturelle et civilisationnelle, a-t-il déclaré en estimant qu’il est important de le faire malgré l’opposition farouche des États-Unis et de leurs alliés.

Mme CÁIT MORAN (Irlande) a constaté à regret une instabilité mondiale et régionale croissante, exacerbée, cette année, par l’agression militaire « injustifiée et illégale » de la Russie contre l’Ukraine.  Aucun pays –même le plus puissant– ne peut espérer s’attaquer seul aux causes profondes des conflits et aux défis mondiaux complexes, a-t-elle rappelé.  Pour relever collectivement les défis complexes et interconnectés auxquels nous faisons face, nous devons donc avoir une réponse holistique et inclusive, axée sur les trois piliers de l’ONU - paix et sécurité, droits de l’homme et développement, a estimé la représentante.  Elle a ensuite identifié trois domaines dans lesquels des possibilités de coopération se profilent afin de soutenir la paix.  Premièrement, il faut s’éloigner de la position « par défaut » consistant à réagir après qu’une crise a éclaté et se montrer plus proactifs en matière de prévention.  Deuxièmement, a poursuivi Mme Moran, il faut reconnaître que le désarmement et le contrôle efficace des armes sont plus vitaux que jamais.  Dans ce contexte, il est de notre responsabilité collective de prioriser le désarmement nucléaire, a souligné la déléguée.  Troisièmement, il faut veiller à ce que notre approche de la paix et de la sécurité soit fondée sur les droits humains et soit inclusive, en particulier des plus vulnérables, a-t-elle encore fait valoir, affirmant que le soutien aux artisans de la paix locaux, en particulier les femmes et les jeunes, est essentiel pour trouver des solutions locales et durables aux conflits.  

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a constaté qu’au vu des défis auxquels le monde est confronté aujourd’hui, il est impossible d’y répondre au moyen de systèmes et structures de gouvernance obsolètes.  Selon elle, la sécurité commune n’est possible que lorsque les pays respectent leur souveraineté et leur intégrité territoriale.  La sécurité commune n’est également possible que lorsque tous les pays agissent ensemble contre des menaces communes telles que le terrorisme, et ne privilégient pas le « deux poids, deux mesures » tout en prêchant autre chose.  La sécurité commune est également possible uniquement si les pays respectent les accords signés avec d’autres États, sur un plan bilatéral ou multilatéral, et ne prennent pas de mesures unilatérales pour annuler ces arrangements auxquels ils étaient parties.

Pour la représentante, la réunion d’aujourd’hui est un moment opportun pour engager une discussion sur l’appel de l’Inde à un multilatéralisme réformé, au cœur duquel réside la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU.  Un organe fondé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et qui continue de refléter, 77 ans plus tard, la prémisse fondamentalement erronée selon laquelle le « butin appartient aux vainqueurs ».  Comment pouvons-nous aspirer à la sécurité commune, alors que le Grand Sud continue de se voir refuser une représentation à sa mesure dans le cadre de son processus de prise de décisions? a-t-elle demandé.  Comment expliquer le fait que les Africains n’ont pas de représentation permanente au sein du Conseil de sécurité, bien que la majorité des questions traitées par cet organe concernent leur continent? a-t-elle encore lancé.  Un Conseil de sécurité véritablement représentatif est une priorité, a-t-elle souligné.  Sinon, il y a un réel danger que l’ONU soit supplantée par d’autres regroupements plurilatéraux et multilatéraux davantage représentatifs, transparents et démocratiques, et donc plus efficaces, a-t-elle mis en garde.  Dans mon pays, qui représente aujourd’hui plus du sixième de l’humanité, nous croyons que tant que nous n’aurons pas « réformé, exécuté et transformé » les structures de gouvernance multilatérale, il y aura toujours des problèmes, a-t-elle conclu.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a dit être préoccupé par les menaces à la paix et la sécurité internationales et à l’érosion des normes fondamentales établies avec la création de l’ONU.  L’invasion russe de l’Ukraine est une violation flagrante de cette obligation, a-t-il fait observer en soulignant que cette guerre de choix pose des questions urgentes pour tous: « Les règles sont-elles importantes?  La souveraineté a-t-elle un sens?  Voulons-nous un ordre international fondé sur des règles ou le chaos?  Que reste-t-il du dialogue et de la coopération face à une invasion non provoquée? »  Pour le représentant, la réponse à ces questions définira l’avenir du multilatéralisme avec l’ONU en son cœur.  Notre réponse commune déterminera si nous respectons le droit international ou si nous cédons aux grandes puissances et à leurs appétits impériaux sur leurs voisins, si nous restons les bras croisés et acceptons que la puissance dicte le droit, a-t-il analysé.  Il a prévenu que les erreurs commises dans le passé ne donnent à personne, et à aucun État, un crédit à utiliser pour faire de même.  Selon lui, ce qui se passe en Ukraine ne concerne pas seulement ce pays et ses citoyens: il concerne l’ensemble du continent européen, et tout le monde.  

Réitérant que le Traité sur la non-prolifération reste la fondation du régime de désarmement nucléaire, le délégué a déclaré que les actions de la Russie, y compris sa décision de placer ses forces de dissuasion nucléaire en état d’alerte maximale et « le cliquetis continu de la menace nucléaire » vont à l’encontre de la coopération, sapent la confiance et menacent la paix.  L’occupation et la militarisation de la centrale nucléaire de Zaporijia constituent une menace imminente, défiant toutes les garanties et protocoles de sûreté de l’AIEA, a-t-il dénoncé.  Le représentant a appelé la Russie à retirer ses forces militaires et à mettre en place un périmètre de sécurité immédiat autour de la centrale nucléaire.  Pour ce qui est de la pandémie et des changements climatiques, il a dit soutenir le Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général qui met l’accent sur le renforcement des droits humains et des libertés, ainsi que sur le droit international, avec une approche globale et intégrée de la paix et de la sécurité, y compris en s’attaquant aux défis des changements climatiques.  Il faut faire mieux et faire plus en investissant dans la prévention plutôt que dans la lutte contre les symptômes, a-t-il prescrit en recommandant avant tout le dialogue et la coopération.  

Pour M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique), la dixième Conférence d’examen du TNP, qui se tient actuellement, pourrait être l’occasion d’avancer vers l’objectif d’un monde exempt d’armes nucléaires.  Cependant, la lenteur des progrès et le manque de volonté politique, en particulier de la part des États dotés d’armes nucléaires de parvenir à des accords permettant d’atteindre cet objectif sont une source de préoccupation.  Nous avons encore le temps d’inverser cette tendance, a estimé le représentant, en rappelant l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice de 1996 sur l’article VI du TNP, qui stipulait qu’« il existe une obligation des États possédant des armes nucléaires de poursuivre de bonne foi et mener à bien les négociations en vue du désarmement nucléaire sous tous ses aspects sous un contrôle international strict et efficace ».  

Les pays d’Amérique latine et des Caraïbes ont été les premiers à établir une zone exempte d’armes nucléaires par le biais du Traité de Tlatelolco.  C’est ce même esprit de coopération que le Mexique souhaite voir se manifester dans les pourparlers sur le Plan d’action global commun relatif au programme nucléaire iranien.  La sécurité de la péninsule coréenne est également un sujet de grande préoccupation à ses yeux, le représentant dénonçant la paralysie du Conseil sur cette question à cause d’un double veto.  Il a appelé les États qui ont la plus grande responsabilité à ne ménager aucun effort pour reprendre le chemin du dialogue et de la coopération.  Le délégué a également réitéré l’appel sans équivoque du Mexique pour mettre fin à la guerre en Ukraine, en soulignant que la population civile a payé le coût énorme de cette intervention militaire.  Il faut également mettre fin aux activités militaires autour de la centrale nucléaire de Zaporijia et parvenir à un accord qui permette la démilitarisation de la zone, afin que les inspecteurs de l’AIEA puissent y effectuer les inspections techniques qui s’imposent, a souhaité le représentant.

Avant de conclure, il a fait valoir que la paralysie du Conseil sur certaines questions mine la légitimité des mécanismes de sécurité collective et accroît le déficit de confiance –qui existe déjà dans l’opinion publique– par rapport à la pertinence et à l’efficacité du multilatéralisme.  Cette perception ne changera pas si nous ne démontrons pas par des actions concrètes que la communauté internationale, et en particulier ce Conseil, est capable de trouver des solutions à des problèmes communs, a conclu le délégué.

M. ZHANG JUN (Chine) a appelé à donner un plus grand rôle au Conseil de sécurité, rappelant que la Charte prévoyait de préserver l’humanité du fléau de la guerre, ce qui n’a pas été fait.  Il a indiqué qu’aucun pays ne peut renforcer sa sécurité au détriment de celle des autres.  La sécurité est donc indivisible, et si on ne respecte pas ce principe fondamental, alors on ne parviendra pas à la paix, a-t-il conclu.  Il a appelé à trouver le moyen de régler les différends par le dialogue, en lieu et place d’un retour à la mentalité de la guerre froide; aux jeux à somme nulle et à la logique des blocs.  Le délégué a évoqué les problèmes relatifs à l’élargissement de l’OTAN vers l’Est.  Il a rappelé que le Président chinois a lancé une initiative de paix commune, grâce à des mesures concrètes pour contribuer à préserver les générations futures de la guerre.  Partisan du principe du respect de la souveraineté et l’intégrité territoriale des États, le représentant a estimé qu’il faut également rejeter le « deux poids, deux mesures » ou revenir sur les promesses faites dans le but de préserver ses propres intérêts, a-t-il analysé.  Il a invoqué à l’appui de ses propos les échecs « des expériences de l’Afghanistan, de l’Iran et de la Syrie », de même que l’ingérence dans les affaires d’États tiers sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme.  

Pour le représentant, le régime de non-prolifération est confronté à ses plus grandes difficultés depuis son entrée en vigueur.  Dans ce contexte, les pays possédant les plus grands nombres d’ogives nucléaires doivent réduire de manière irréversible leurs arsenaux, ce qui permettra à d’autres États détenteurs de leur emboîter le pas.  En janvier dernier, cinq États dotés ont rendu publique une déclaration conjointe pour dire qu’une guerre nucléaire ne doit pas être menée, a-t-il rappelé.  La Chine a toujours plaidé pour l’élimination des armes nucléaires et s’est engagée à ne pas les utiliser en premier ou à menacer d’en faire usage.  Il s’agit du seul parmi ces cinq États à avoir pris un tel engagement, a insisté le délégué, en invitant les autres à suivre son exemple.  Enfin, il a souligné la nécessité de renforcer la confiance envers les organes onusiens et de préserver l’efficacité du Conseil de sécurité.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Biodiversité en haute mer: les facilitateurs des discussions font état de progrès mesurés à une semaine de la clôture de la Conférence « BBNJ »

Cinquième session,
58e séance plénière – après-midi
MER/2160

Biodiversité en haute mer: les facilitateurs des discussions font état de progrès mesurés à une semaine de la clôture de la Conférence « BBNJ »

Une semaine avant la clôture attendue de la cinquième Conférence intergouvernementale, dite « BBNJ » pour « Biodiversity beyond national jurisdiction », les facilitateurs des discussions informelles relatives aux principaux éléments du projet d’accord révisé ont fait, en cette fin d’après-midi, un nouveau point d’étape sur l’avancement de leurs travaux destinés à conclure l’élaboration d’un « instrument juridiquement contraignant sur la préservation de la biodiversité marine des zones ne relevant pas des juridictions nationales ».  Sur la base de ces négociations en groupes restreints et des propositions formulées par les délégations, la Présidente de la Conférence, Mme Rena Lee (Singapour), a annoncé son intention de produire ce week-end un « texte rafraîchi » faisant apparaître les changements apportés, le but étant de parvenir à un consensus à la date convenue.  Les délégations qui se sont exprimées en fin de séance ont témoigné de leur productivité au sein de petits groupes et ont débattu des méthodes de travail que certains ont invité à ajuster.

Présentant son rapport sur les « questions concernant les ressources génétiques marines, y compris celles liées au partage des avantages », la représentante du Belize, facilitatrice sur cette partie II du « nouvel avant-projet d’accord révisé »*, a exprimé le souhait des délégations de parvenir à une meilleure définition du champ d’application défini à l’article 8.  Aux paragraphes 1 et 2, elle a fait état d’une proposition commune de libellé visant à remplacer le terme « ressources génétiques marines qui proviennent de zones ne relevant pas de la juridiction nationale » par « ressources génétiques marines de zones ne relevant pas de la juridiction nationale », voire à fusionner les deux paragraphes.  Les avis ont par ailleurs divergé sur les deux options du paragraphe 3 quant à l’application de l’accord aux poissons et aux autres ressources biologiques en tant que produits de base, a-t-elle indiqué. 

En ce qui concerne l’article 12 (Droits de propriété intellectuelle), a-t-elle poursuivi, les délégations ont exprimé des points de vue différents sur l’opportunité de l’inclure dans l’accord.  Pour l’article 7 (Objectifs), la facilitatrice a demandé à l’Union européenne de coordonner un petit groupe pour discuter plus avant de l’orientation du texte.  La facilitatrice a également précisé qu’un petit groupe examine le paragraphe 2 de l’article 9, consacré aux activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, en lien avec le paragraphe 6 de l’article 10 qui envisage des conséquences de ces activités sur les ressources génétiques marines se trouvant dans des zones situées de part et d’autre des limites de la juridiction nationale.  Elle a d’autre part indiqué que le groupe chargé de l’examen de l’article 10 bis, consacré à l’accès aux connaissances traditionnelles des peuples autochtones et des communautés locales relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, s’est prononcé pour une reformulation. 

S’agissant des « outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées », la représentante du Canada a annoncé que son groupe avait achevé intégralement sa discussion sur la partie III du projet d’accord révisé dédiée à ces questions.  Pour ce qui est de l’article 17 sur les propositions relatives aux outils de gestion par zone, la facilitatrice a assuré que les délégations avaient généralement approuvé son contenu, tout en avançant des suggestions d’amélioration.  Il a ainsi été question d’une ouverture des crochets dans l’article 17 (2) relatif à la collaboration des parties avec les parties prenantes concernées et de l’ajout d’options à l’article 17 (5) concernant les autres éléments que l’Organe scientifique et technique peut décider d’inclure dans les propositions à des fins d’examen et d’adoption par la Conférence des Parties. 

À propos de l’article 17 bis (Identification des aires), la représentante a noté que les avis ont continué à diverger sur la manière d’appliquer la précaution requise par le paragraphe 1 (a) pour la prise en compte des informations scientifiques et des connaissances traditionnelles, même si des propositions ont été faites pour trouver un terrain d’entente.  Les délégations ont d’autre part exprimé des préférences pour les deux options du paragraphe 3, relatif à l’application des critères indicatifs pour l’identification des aires à protéger, certaines se prononçant en outre pour une alternative aux options A et B.  Quant à l’annexe I qui dresse la liste de ces critères indicatifs, elle a expliqué que des demandes d’ajouts mais aussi de suppressions ont été faites. 

Évoquant ensuite l’article 18 (Consultations et évaluation des propositions), la facilitatrice a indiqué que les délégations ont unanimement souhaité que les dispositions relatives à l’examen préliminaire par l’Organe scientifique et technique prévu à l’article 18 (2) soient déplacées soit à la fin de l’article 17, soit dans un nouvel article 17 ter.  Elle a aussi noté qu’un accord s’était fait jour sur la nécessité formulée à l’article 18 (5) d’une période de consultation limitée dans le temps.  Au paragraphe 7, a-t-elle ajouté, plusieurs délégations se sont dites favorables à la suppression des crochets entourant l’obligation de prendre en compte la situation particulière des petits États insulaires en développement (PEID). 

Concernant l’article 19 (Prise de décisions), les délégations ont généralement préféré l’option 1, ou une combinaison de l’option 1 avec des éléments de l’option 2, a rapporté la représentante.  D’après elle, certaines délégations estiment que seuls les organes compétents existants devraient pouvoir utiliser les outils de gestion par zone.  De plus, elle a relevé qu’une majorité de délégations avaient souligné la nécessité de prendre des décisions sur la base du consensus.  Toutefois, plusieurs ont estimé qu’une option devait être prévue en cas d’impasse.  Dans ce cas, une mise aux voix devrait, selon elles, être possible ainsi qu’une clause de non-participation.  Enfin, la facilitatrice a indiqué qu’un accord avait été trouvé sur les questions relatives à la mise en œuvre (article 20) ainsi qu’à la surveillance et à l’examen (article 21), les délégations insistant sur l’importance de la coopération et de la transparence dans la transmission des informations au public. 

À sa suite, le représentant des Pays-Bas a fait part des discussions informelles des derniers jours sur toute la partie IV relative aux « études d’impact sur l’environnement », se disant satisfait des progrès réalisés.  Il a cependant reconnu que des divergences subsistent sur l’article 24 dédié aux « seuils » qui déclencheraient ces études d’impact, un grand nombre de délégations étant favorables à l’inclusion dans l’article d’une liste non exhaustive de critères ou de facteurs à prendre en compte.  De même, il a indiqué que l’article 25 (Impacts cumulés et impacts transfrontières) pourrait être supprimé, à condition que son contenu soit repris dans d’autres articles.  S’agissant de la procédure relative aux études d’impact sur l’environnement (article 30), il a précisé que le Canada s’était chargé d’élaborer une version simplifiée, en consultation notamment avec l’Union européenne. 

Si les discussions sur les articles 34 et 35, consacrés respectivement aux notifications et consultations publiques et aux rapports d’études d’impact sur l’environnement, ont été « productives », les délégations sont restées divisées sur l’article 38 relatif au processus de prise de décisions.  Selon lui, une solution pourrait être de créer un mécanisme d’adhésion dans un système dirigé par les États et donnant un rôle à la Conférence des Parties.  Concernant les articles 39 (Surveillance) et 40 (Rapports), le facilitateur a fait état d’un soutien général au principe selon lequel les rapports ne devraient être soumis qu’au centre d’échange.  Cependant, a-t-il nuancé, un autre examen par l’Organe scientifique et technique pourrait être acceptable aux fins de développer des orientations.

Sur l’article 41 (Examen des activités autorisées et de leur impact), le facilitateur a constaté des divergences, notamment quant aux rôles respectifs de la Conférence des Parties et de l’Organe scientifique et technique à cet égard.  De même, sur l’article 41 ter (Évaluations stratégiques environnementales), il existe des points de vue différents sur ce qu’implique une évaluation environnementale et sur son caractère obligatoire.  Le facilitateur a demandé au Royaume-Uni de consulter les délégations intéressées à ce sujet, y compris sur la définition de l’évaluation stratégique environnementale précisée à l’article 1 (16). 

Lui emboîtant le pas, le représentant de l’Afrique du Sud, facilitateur des éléments liés au « dispositif institutionnel » (partie VI), a indiqué que les paragraphes 1 et 2 de l’article 48 (Conférence des Parties) ont été maintenus dans leur état par les délégations.  En revanche, au paragraphe 3, ces dernières n’ont pu s’accorder sur la question de savoir si le règlement intérieur de la Conférence des Parties doit être adopté par consensus, a-t-il dit, précisant avoir invité les petits États insulaires du Pacifique et de la Nouvelle-Zélande à diriger un groupe restreint sur le sujet.  Différentes préférences ayant été exprimées concernant les options du paragraphe 4 sur les modalités de prise de décisions de la Conférence des Parties, la même demande a été faite à l’Union européenne. 

En ce qui concerne l’article 49 (Organe scientifique et technique), plusieurs propositions ont été faites pour adapter le paragraphe 2 sur la composition de l’Organe, a précisé le facilitateur.  Sur l’article 50 (Secrétariat), plusieurs délégations ont exprimé le souhait que la Division des affaires maritimes et du droit de la mer remplisse les fonctions de secrétariat par intérim.  L’article 51 (Centre d’échange) a, lui, recueilli un large assentiment, même si des suggestions de rationalisation ont été soumises pour les paragraphes 3 et 4, relatifs respectivement aux fonctions du centre et à sa gestion par le secrétariat.  Le représentant a par ailleurs indiqué que la proposition de suppression du paragraphe 5, qui prévoit un partage des informations du centre avec les PEID, a donné lieu à des réserves.  Il a aussi mentionné que des suggestions ont été faites pour clarifier les informations protégées en vertu de l’obligation de confidentialité prévue au paragraphe 6. 

Réagissant à cette présentation, la représentante de la Fédération de Russie a souhaité tempérer le relatif optimisme du facilitateur sud-africain.  « Nous venons d’entendre qu’un accord avait été trouvé mais il reste des dissensions sur des questions de principe », a-t-elle fait valoir, regrettant que sa délégation n’ait pas reçu de réponse aux questions qu’elle avait posées.  « Il serait donc prématuré d’affirmer que nous avons abouti à un accord ou à un consensus », a-t-elle insisté. 

À son tour, la Présidente de la Conférence, facilitatrice de la partie V sur le « renforcement des capacités et le transfert de techniques marines », a fait part des travaux informels sur ces points.  Concernant les paragraphes 4 et 5 de l’article 44 portant sur les modalités de ce renforcement, elle a dit avoir invité le Core Latinamerican Group (CLAM) et la Communauté des Caraïbes (CARICOM) à se consulter sur la question de l’auto-évaluation des besoins, avant de saluer le soutien général exprimé pour le calendrier prévu au paragraphe 5.  S’agissant de l’article 45 (Modalités supplémentaires de transfert de techniques marines), elle a noté un besoin de flexibilité sur la nature de l’obligation, tout en observant que la référence aux modalités et conditions convenues d’un commun accord devrait pouvoir être conservée. 

Faisant état de discussions en petits groupes sur les questions en suspens, y compris sur le paragraphe 3 de l’article 43 (Coopération dans le domaine du renforcement des capacités et du transfert de techniques marines), qui détaille les catégories d’États concernés, la Présidente a aussi pris note des appels à la rationalisation de l’article 42 (Objectifs).  Mme Lee s’est engagée à le réviser sur la base de propositions.  Elle a d’autre part relevé que les propositions concernant l’article 46 (1), portant sur les différents types de renforcement des capacités, n’ont pas soulevé de controverses, ajoutant avoir demandé à l’Australie de travailler avec toutes les délégations intéressées sur l’opportunité d’inclure une autre liste indicative et non exhaustive de ces types.  Enfin, a-t-elle conclu, pour ce qui est de l’emploi des termes (article premier), un accord général s’est dessiné pour supprimer la définition de « transfert de techniques marines », tandis que certaines propositions ont été faites sur la définition même de la « technique marine ».

Déclarations

Dans la foulée de ces présentations, plusieurs délégations ont pris la parole pour faire rapport sur leurs « devoirs » accomplis.  Au nom des PEID du Pacifique, la représentante de Nauru a fait remarquer que, si certaines délégations approuvent le texte du paragraphe 3 de l’article 48 (Conférence des Parties), de nombreuses autres se sont prononcées pour une alternative dans le cas où l’adoption par consensus du règlement intérieur ne serait pas possible.  L’utilisation des règles de l’Assemblée générale pourrait être une voie à suivre, a-t-elle avancé, précisant que ce point est lié à d’autres questions de prise de décisions en cours de discussion dans d’autres petits groupes.  Concernant l’article 64 (Relation avec d’autres accords), elle a indiqué que son groupe et le CLAM étaient « flexibles » quant à son maintien ou sa suppression. 

La représentante de l’Union européenne a, entre autres questions, abordé l’article 22 (Obligation de procéder à des études d’impact sur l’environnement), observant que, de l’avis général, il n’était pas nécessaire de répéter les références aux articles 204 et 206 de la Convention aux paragraphes 1 et 2, dès lors que la référence à la Convention restait inscrite dans l’article 21 bis (Objectifs).  S’agissant des modalités de prise de décisions de la Conférence des Parties, le petit groupe a convenu du consensus comme règle générale, a-t-elle ajouté.

Sur les mesures prises à titre provisoire ou d’urgence (article 48), la représentante de la Nouvelle-Zélande a indiqué que la discussion en petit groupe avait aidé à clarifier l’objectif de la disposition, laquelle avait été initialement soumise à la quatrième session de la Conférence intergouvernementale et visait à garantir que le futur accord soit réactif et dynamique face à des événements inattendus.  Évoquant des échanges sur les procédures des mesures d’urgence, leur meilleur placement dans le texte et leur portée, elle a fait état de progrès sur toutes ces questions, ce qui a conduit sa délégation à présenter aujourd’hui un texte révisé. 

La représentante de l’Australie a ensuite annoncé la tenue d’une réunion en petit groupe, le 22 août, pour discuter de la possibilité de réinsérer l’annexe 2 avec une liste indicative et non exhaustive des types d’activités de renforcement des capacités.

Le représentant de Singapour, faisant le point sur les ressources génétiques marines, a pour sa part relevé des avancées sur les articles 9 (2) et 10 (6).  S’il est généralement admis que ces articles se concentrent sur l’accès et la collecte des ressources génétiques marines, la question est maintenant de savoir comment considérer les droits et les intérêts des États qui pourraient être affectés par de telles activités.  Il a par ailleurs indiqué que sa délégation a dirigé un petit groupe sur les articles 1 (1) et 1 (12) relatifs aux définitions des outils de gestion par zone et des aires marines protégées.  Selon lui, un accord a presque été atteint sur les aires marines protégées, mais la définition doit prévoir la possibilité d’une utilisation durable dans les aires marines protégées, tout en reconnaissant que l’objectif principal continue d’être la conservation.  « Nous n’en sommes pas encore là », a-t-il admis.

Pour ce qui est des évaluations d’impact environnemental, le représentant a indiqué que Singapour coordonne les différentes parties de l’article 23 et que des progrès ont été enregistrés sur les questions non résolues.  Cet article s’intitule « Relation entre le présent Accord et les procédures relatives aux études d’impact sur l’environnement prévues par les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents ».  Concernant les articles 23 (3) et 23 (4), il a soulevé la question de savoir si des normes peuvent être élaborées aux fins d’évaluations d’impact sur l’environnement dans le cadre des instruments, cadres et organes pertinents.

L’observateur permanent de l’État de Palestine s’est exprimé sur le paragraphe 4 de l’article 45 (Modalités supplémentaires de transfert de techniques marines).  Il a indiqué que certains libellés sont envisagés, qui présentent le transfert de techniques marines comme « approprié » et « pertinent ».  Il a toutefois noté que des préoccupations ont été exprimées concernant le terme « dans la mesure du possible ».  Parlant au nom du Groupe CLAM, la représentante d’El Salvador a, de son côté, expliqué les discussions en cours sur le paragraphe 1 de l’article 44 (Modalités de renforcement des capacités et de transfert de techniques marines): la question est de savoir si les obligations relatives au renforcement des capacités et au transfert de techniques marines devraient être considérées ensemble ou séparément. 

La représentante des États-Unis a fait le point sur les discussions concernant une option de non-participation pour la prise de décisions sur les outils de gestion par zone, le but étant d’atteindre les objectifs de conservation dans le cadre de l’accord, tout en garantissant une large adhésion.  Les délégations ont également examiné le texte de non-participation proposé par l’Union européenne pour l’article 19 (Prise de décisions), auquel les États-Unis ont apporté des modifications, a dit la déléguée avant de saluer les contributions des PEID du Pacifique, de la CARICOM, du Canada, de l’Islande, des Maldives et de la Nouvelle-Zélande. 

Plusieurs délégations ont abordé la question des groupes de travail.  Le représentant de la Sierra Leone, s’exprimant au nom du Groupe des États d’Afrique, a estimé que le mandat du petit groupe de travail consacré aux articles 9 (2) et 10 (6) n’était pas clairement défini.  Il a donc appelé à des discussions inclusives sur la question de savoir si ce format devait être maintenu.  Dans une deuxième intervention, il a mis en garde contre la prolifération des petits groupes, jugeant qu’elle risquait de détourner l’attention des négociations et d’exclure par inadvertance des délégations et des groupes aux ressources limitées.  Il a également souhaité que le rapport des groupes auxquels des « devoirs » ont été assignés soit le reflet factuel des discussions et non une réitération des positions de leurs animateurs.  Enfin, il a recommandé que les petits groupes ne se réunissent pas lors des réunions plénières formelles de la Conférence intergouvernementale.

Au nom du Groupe des 77 et la Chine, le représentant du Pakistan a confirmé que le but des discussions en petits groupes était de progresser afin que toutes les délégations puissent prendre des décisions éclairées.  Cependant, la prolifération des petits groupes pourrait nuire à cet objectif si les délégations ne sont pas en mesure de suivre le rythme et de rester bien informées, a-t-il averti.

Le représentant de la Chine a fait écho aux préoccupations concernant les méthodes de travail les plus appropriées, s’opposant à ce que des groupes de travail informels soient convoqués lors des séances plénières, ce qui, selon lui, conduit à des « chevauchements ».  Alors que toutes les délégations s’inquiètent de savoir quand un nouveau traité sera adopté, la question la plus importante est de définir le type de texte qu’elles sont prêtes à adopter, a-t-il souligné.  Exhortant les délégations à « réfléchir à certains éléments fondamentaux », il a également jugé qu’il était trop tôt pour envisager la formation d’un « comité de nettoyage juridique ».

Le représentant du Kenya a, lui, reconnu la nécessité du travail en petits groupes pour ne pas perturber les négociations plus larges de la Conférence.  Il a toutefois regretté que les discussions en petits groupes ne soient pas toujours représentatives de l’ensemble des travaux.  Certains participants, a-t-il ajouté, ont constaté que tout accord conclu au sein d’un petit groupe de travail est soumis à un débat plus approfondi au sein du groupe plus large.  Considérant que cette configuration peut « opposer les délégations les unes aux autres », il a aussi constaté que certaines délégations « bloquent » ce qui avait été convenu en petit groupe de travail.

La représentante de la Barbade, s’exprimant au nom de la CARICOM, a reconnu que la quantité de travail à accomplir nécessite la convocation de petits groupes.  À cette aune, elle a encouragé l’amélioration des méthodes de travail.

Sur une note plus positive, le représentant du Mexique a estimé que les délégations seraient en mesure de conclure les négociations la semaine prochaine.  Dans cette optique, il a souligné l’importance de conserver une « bonne marge de flexibilité » dans l’organisation du travail des prochains jours, observant que les groupes de travail restreints ont permis d’avancer rapidement.  Appelant à l’inclusivité et à la transparence, il a aussi demandé de tenir compte des limites auxquelles sont confrontées les délégations des pays en développement.  Enfin, il a suggéré que le groupe de « nettoyage juridique » commence à travailler en parallèle sur « les articles qui sont prêts ».

Avant de lever la séance, la Présidente s’est déclarée confiante dans la possibilité de conclure un accord général d’ici à vendredi prochain, tout en reconnaissant que beaucoup reste à accomplir dans l’intervalle.  Elle a informé les délégations qu’elle diffuserait dès samedi le programme de travail pour lundi et mardi, et que le « texte rafraîchi » ne serait pas disponible avant dimanche. 

La prochaine séance plénière de la Conférence se tiendra mardi 23 août à partir de 17 h 30.

*A/CONF.232/2022/5

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Biodiversité en haute mer: la Conférence intergouvernementale « BBNJ » fait le point des négociations après ses deux premiers jours de travaux

Cinquième session,
57e séance plénière – matin
MER/2159

Biodiversité en haute mer: la Conférence intergouvernementale « BBNJ » fait le point des négociations après ses deux premiers jours de travaux

Après deux jours de travaux en séances informelles, les participants à la cinquième session de la conférence dite « BBNJ » ont tenu une séance plénière, ce matin, pour faire le point sur l’état d’avancement des négociations qui visent l’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant sur la préservation de la biodiversité marine des zones ne relevant pas des juridictions nationales.  La Présidente de la Conférence, Mme Rena Lee, a rappelé qu’il reste du pain sur la planche pour achever avec succès, le 26 août prochain, les travaux entamés en septembre 2018 pour parvenir à un traité.

Elle a de ce fait invité les délégations à se focaliser sur les points sur lesquels elles sont d’accord, tout en avançant sur ceux offrant des perspectives communes, plutôt que de se concentrer sur les divergences.  Pour arriver à bon port, il est nécessaire de trouver un équilibre entre certitudes et souplesse, a-t-elle dit en prélude à la présentation des rapports des facilitateurs sur les principales questions retenues pour l’élaboration du futur instrument.  Les discussions sont basées sur un « nouvel avant-projet d’accord révisé » publié le 1er juin 2022.

Sur les « questions concernant les ressources génétiques marines, y compris celles liées au partage des avantages », la représentante du Belize, facilitatrice des négociations sur ce chapitre, a, de manière générale, salué l’engagement actif des négociateurs et leur volonté d’identifier des solutions mutuellement acceptables.  C’est ainsi que plusieurs propositions ont été faites pour rationaliser et restructurer la partie II du document utilisé pour les négociations, en réorganisant des éléments des projets d’articles 10, 11, 11 bis et 13 concernant les modalités de notification et de partage des avantages, a-t-elle expliqué.  Elle a signalé que différentes propositions ont été faites pour l’article 10 bis et que l’article 11 est examiné avec un esprit d’ouverture face aux deux options.  En ce qui concerne l’article 11 bis, de nombreuses délégations ont exprimé leur soutien à la mise en place d’un mécanisme d’accès et de partage des avantages, alors que d’autres ont noté que les mandats pertinents pourraient être confiés à d’autres institutions existantes.

La Présidente a ensuite donné la parole à la représentante du Canada, qui est la facilitatrice sur le sujet des « mesures telles que les outils de gestion par zone, dont les aires marines protégées ».  De l’avis général, a dit la déléguée, les membres de ce groupe de travail ont arrêté que les aires marines protégées doivent être considérées comme un sous-ensemble des outils de gestion par zone.  De même, un consensus s’est dégagé pour considérer que les aires marines protégées ont pour principale vocation de contribuer à la conservation de la biodiversité marine, a-t-elle indiqué avant de faire part du ferme soutien exprimé en faveur d’une proposition faite par un groupe d’États pour un nouvel objectif dédié au renforcement des capacités.

Le facilitateur des travaux sur les « études d’impact sur l’environnement », le représentant des Pays-Bas, a, à son tour, présenté l’état des négociations sur ce sujet.  Il a dit avoir constaté un désir des délégations d’inclure le concept d’« évaluations environnementales stratégiques » dans le futur accord, même si les avis divergent sur la question de savoir si ces évaluations devraient être volontaires ou obligatoires.  Des propositions pour deux nouveaux objectifs ont été également enregistrées, a-t-il ajouté.  Le facilitateur a aussi indiqué que certaines délégations font preuve de souplesse quant à l’option 1 ou 2 du paragraphe 5 du projet d’article 23 , tandis que certains sont favorables à l’option 3. 

La Présidente de la Conférence, représentante de Singapour, a ensuite présenté, en sa qualité de facilitatrice, l’état des discussions relatives au « renforcement des capacités ainsi que le transfert de techniques marines ».  Il semble y avoir un accord des délégations, a-t-elle dit, sur les quatre éléments communs que sont: l’examen des besoins et des priorités; l’examen du soutien financier; la mesure de la performance; et la question d’un processus tourné vers l’avenir.  Elle a constaté une certaine convergence des délégations pour travailler sur des paragraphes particuliers.  Elle a aussi parlé des discussions qui se sont tenues sur la question de savoir si un organe subsidiaire devrait être établi par le futur instrument ou si le suivi de l’application de celui-ci devrait être effectué par la Conférence des États parties. 

Les discussions des deux derniers jours ont également porté sur les « questions transversales », a poursuivi Mme Lee.  Elle a expliqué que les négociations sur les dispositions finales, notamment les articles 58, 59, 69 et 70, pourraient être considérées comme généralement acceptables, sous réserve de la finalisation des dates mentionnées à l’article 58 pour l’ouverture du futur traité à la signature et des questions concernant l’inclusion de la « confirmation formelle » à l’article 59 intitulé « Ratification, approbation, acceptation, adhésion et confirmation formelle ».  Il y a eu également un large accord sur l’article 61 relatif à l’entrée en vigueur, a-t-elle signalé, les délégations ayant soutenu l’équilibre entre la nécessité d’une participation universelle et l’urgence de l’action.  Un nombre entre 30 et 60 États adhérant au traité serait le souhait de la majorité des délégations pour déterminer le moment de l’entrée en vigueur.  De plus, a-t-elle ajouté, de nombreuses délégations ont appuyé l’article 62 (Application à titre provisoire), quoique certaines s’interrogent sur sa nécessité, ainsi que les articles 63 (Réserves et exceptions) et 63 bis (Déclarations).  Les avis sont partagés sur la nécessité de garder ou non l’article 64 (Relation avec d’autres accords), tandis que l’article 65 (Amendements) est appuyé par la majorité des délégations avec quelques propositions rédactionnelles au paragraphe 5.

Mme Lee a aussi signalé que les discussions ont avancé sur les articles de la Partie I (Dispositions générales), notamment en ce qui concerne l’applicabilité du futur accord aux zones ne relevant pas de la juridiction nationale.  Elle a expliqué que les facilitateurs, ayant constaté une polarisation des positions sur certaines questions précises, ont mandé certaines délégations pour qu’elles mènent des négociations en petits comités sur ces aspects particuliers.  Il s’agit notamment des délégations du Royaume-Uni, de Singapour, de l’Union européenne, du Honduras et de l’Australie qui ont, chacune, invité les participants à se joindre à leur session restreinte.

Plusieurs délégations ont pris la parole après ces présentations.  Au nom du Groupe des 77 et de la Chine (G77), le représentant du Pakistan a mis l’accent sur les questions transversales.  Il a souhaité que la Division des affaires maritimes et du droit de la mer (DOALOS) fasse un exposé sur le sujet et réponde aux interrogations des délégations au cours de la session.  S’exprimant au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), la représentante d’Antigua-et-Barbuda a souligné l’importance du principe de prise en compte des « circonstances particulières des petits États insulaires en développement (PEID) », appelant à ce qu’il trouve sa place dans le projet de texte.  « Si ce terme n’est pas repris, a averti la déléguée, nous ne pourrons adopter l’instrument. »  Au nom des PEID du Pacifique, le représentant des Samoa a appuyé cet appel en faisant valoir que la demande n’est pas nouvelle et que la reconnaissance des circonstances particulières des PEID est déjà consacrée dans de nombreux instruments ayant trait aux océans ainsi que dans l’Accord de Paris sur les changements climatiques.

Pour sa part, le représentant de la Fédération de Russie a souhaité apporter une « touche de réalisme » aux discussions, jugeant que les souhaits exprimés d’«accélérer le nettoyage » du texte pourraient conduire les délégations à l’erreur.  Il a en effet relevé que les différentes parties mises entre crochets dans le projet de texte actuel correspondent à différentes options qui, parfois, s’excluent mutuellement.  Il a mis en garde que dans certains cas, en plus des options A et B, il y aura peut-être une variante C qui ne figure pas encore dans le texte et qui risque donc d’être réduite à néant si on ne prend pas le temps qu’il faut.  Le délégué a donc invité chacun à mobiliser ses forces et son temps pour atteindre un consensus, se disant prêt à coopérer avec tous les partenaires pour parvenir à un résultat

La prochaine séance plénière de la Conférence aura lieu vendredi 19 août, à 17 h 30. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Biodiversité en haute mer: la Conférence intergouvernementale « BBNJ » entame sa cinquième session en vue d’amener le projet d’accord révisé « à bon port »

Cinquième session,
56e séance – matin
MER/2158

Biodiversité en haute mer: la Conférence intergouvernementale « BBNJ » entame sa cinquième session en vue d’amener le projet d’accord révisé « à bon port »

« La lumière est en vue », mais des efforts supplémentaires devront être consentis ces deux prochaines semaines pour amener « à bon port » le projet d’accord révisé relatif à un instrument juridiquement contraignant sur la préservation de la biodiversité marine des zones ne relevant pas des juridictions nationales.  En ouvrant, ce matin, la cinquième -et a priori dernière- session de la Conférence intergouvernementale, dite « BBNJ » pour « Biodiversity beyond national jurisdiction », la Présidente, Mme Rena Lee, n’a pas caché son souhait de voir ces négociations au long cours se conclure « dans les temps ». 

« Pour y parvenir, nous devons être prêts à nous engager véritablement dans ce processus et à trouver des solutions qui recevraient le consensus général », a plaidé l’Ambassadrice pour les océans et le droit de la mer et Envoyée spéciale du Ministre des affaires étrangères de Singapour, invitant les délégations à faire preuve de la plus grande souplesse dans les négociations afin d’atteindre un accord à la fois « juste, équilibré et réalisable ». 

Avant de détailler le programme de travail des deux semaines à venir, Mme Lee a indiqué que l’Assemblée générale a autorisé la tenue de cette cinquième session, en plus des quatre sessions initialement mandatées dans la résolution 72/249 du 24 décembre 2017, dans le but de finaliser l’accord dès que possible.  Il s’agit, a-t-elle souligné, d’ajouter cet important cadre juridique aux efforts mondiaux destinés à garantir que nos océans soient sains, résilients et productifs pour les générations à venir.

La Présidente a rappelé que les négociations portent sur les quatre principaux volets retenus en 2011 pour le périmètre du futur instrument: les questions concernant les ressources génétiques marines, y compris celles liées au partage des avantages; des mesures telles que les outils de gestion par zone, dont les aires marines protégées; les études d’impact sur l’environnement; et le renforcement des capacités ainsi que le transfert de techniques marines.  Les discussions, a-t-elle ajouté, ont également trait à des « questions transversales », telles que les institutions nécessaires ou encore le mode de règlement des différends, le tout étant réuni dans un nouveau projet de texte d’accord révisé, préparé par ses soins avec le concours de la Division des affaires maritimes et du droit de la mer du Bureau des affaires juridiques. 

Saluant les progrès accomplis lors de la quatrième session tenue en mars sur les quatre groupes thématiques et sur des questions transversales, Mme Lee s’est aussi déclarée encouragée par le « formidable élan » qui s’est fait jour cette année pour remédier à « l’état désastreux de nos océans ».  En écho, le Secrétaire général de la Conférence, M. Miguel de Serpa Soares, a fait valoir les nombreux appels lancés à Lisbonne, à l’occasion de la récente Conférence des Nations Unies sur les océans de 2022, en faveur d’une conclusion rapide des travaux sur l’instrument « BBNJ ».  « L’état désastreux des océans signifie qu’il est temps d’agir », a-t-il martelé, appelant de ses vœux la finalisation d’un accord solide qui assure la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine dans les grands espaces océaniques. 

À ce stade des négociations, a poursuivi M. de Serpa Soares, qui est le Conseiller juridique des Nations Unies avec le titre de Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques, l’accent doit être mis sur la recherche d’un compromis qui permette un accord mutuellement bénéfique.  J’espère, a-t-il dit en conclusion, que, plus tard cette année, lors du quarantième anniversaire de l’adoption et de l’ouverture à la signature de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, nous pourrons également célébrer le fait qu’un pas de plus a été fait en vue de la conclusion d’un nouvel accord sur le droit de la mer. 

L’adoption du programme de travail provisoire a ensuite donné lieu à une série d’interventions d’États Membres, la plupart visant à condamner la guerre d’agression menée en Ukraine par la Fédération de Russie.  À l’instar de l’Union européenne, le Royaume-Uni, les États-Unis et le Japon ont dénoncé une violation du droit international et de la Charte des Nations Unies, rejoints par l’Islande, la Suisse et la Nouvelle-Zélande, laquelle s’est exprimée au nom du Groupe CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande).  La délégation russe s’est, pour sa part, indignée de cette « politique russophobe » de certains États et de la « politisation » du travail des Nations Unies, relevant que cette question n’a aucun lien avec la cinquième session de la Conférence « BBNJ ».  Un avis partagé par la République islamique d’Iran, qui a fait observer que le dossier ukrainien est traité par des organes spécialisés de l’ONU.  « Il n’est donc pas question d’en discuter au cours d’une session spéciale comme celle de la BBNJ », a martelé le représentant iranien.

La suite de cette séance s’est tenue de manière informelle afin d’examiner les questions visées aux paragraphes 1 et 2 de la résolution 72/249, à savoir la convocation de cette nouvelle conférence intergouvernementale aux fins de parvenir à l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant « dans les plus brefs délais » et l’organisation de négociations sur l’ensemble des questions retenues par la Conférence en 2011.  Également informelles, les discussions de l’après-midi devaient porter sur les ressources génétiques marines, y compris celles liées au partage des avantages, et sur les questions transversales. 

La prochaine séance plénière de la Conférence aura lieu mercredi 17 août, de 10 heures à 10 h 30.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Yémen: briefing de l’Envoyé spécial au Conseil de sécurité sur la nouvelle prorogation de la trêve, qui laisse espérer un accord de trêve élargi

9110e séance - matin
CS/15000

Yémen: briefing de l’Envoyé spécial au Conseil de sécurité sur la nouvelle prorogation de la trêve, qui laisse espérer un accord de trêve élargi

Une nouvelle prorogation de deux mois de la trêve conclue en avril entre le Gouvernement yéménite et les rebelles houthistes constitue un espoir de mettre fin au conflit qui dure depuis plus de sept années, a déclaré ce matin l’Envoyé spécial pour le Yémen.  Encouragé par cette trêve aux mêmes conditions que la précédente, M. Hans Grundberg a invité les parties à utiliser les deux prochains mois pour poursuivre les négociations afin de parvenir à une trêve « élargie » d’ici au 2 octobre.  

La trêve n’étant qu’une mesure provisoire visant à mettre fin aux hostilités et à répondre aux besoins urgents, l’Envoyé spécial a dit attendre des parties qu’elles s’appuient dessus pour parvenir à un éventail plus large de priorités, tant économiques que sécuritaires, et pour progresser vers des solutions plus durables aux questions politiques.  Il a dit avoir insisté, au cours des dernières semaines, sur l’importance de négocier un accord pour une trêve élargie.  Concrètement, sa proposition comprend un accord sur un mécanisme de décaissement transparent et efficace pour le paiement régulier des salaires des fonctionnaires et des pensions civiles; l’ouverture de routes supplémentaires à Taëz et dans d’autres provinces; des destinations supplémentaires vers et depuis l’aéroport international de Sanaa; et des flux réguliers de carburant vers les ports de Hodeïda.   

M. Grundberg a fait le bilan des quatre mois et demi écoulés depuis le début de la trêve initiale, qui ont marqué une réelle accalmie.  Il a cité la reprise de certains vols commerciaux entre Sanaa, Le Caire et Amman; l’acheminement de 720 000 tonnes de pétrole jusqu’aux ports de Hodeïda et une baisse du nombre de victimes civiles, même si les décès et blessures imputables aux mines terrestres sont en hausse.  Toutefois, sur la question du « siège de Taëz par les milices houthistes », comme l’a décrit le représentant du Yémen, M. Grundberg a concédé n’avoir pas réussi à obtenir la réouverture des axes routiers, alors même que c’est crucial du point de vue humanitaire.  Il a appelé les parties au conflit à faire preuve de flexibilité pour parvenir à cette trêve élargie car, comme l’a souligné le Royaume-Uni, c’est « dans l’intérêt de toutes les parties et de la population yéménite ». 

Le contexte de grave crise humanitaire a d’ailleurs inquiété les membres du Conseil, sachant que 17,8 millions de Yéménites vivent toujours dans l’insécurité alimentaire.  Ils ont, dans l’ensemble, appelé les parties à s’engager dans un processus politique inclusif, incluant en particulier les femmes et la société civile.  Ils ont conseillé de miser sur l’application et la consolidation de la trêve, d’une part, et sur la recherche de solutions plus durables pour répondre aux besoins humanitaires, économiques et sécuritaires, d’autre part.  

La Directrice par intérim de la Division des opérations et du plaidoyer au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a, pour sa part, appelé à rester lucide, identifiant trois dimensions à cette crise: l’économie, l’environnement opérationnel pour les agences humanitaires et les financements.  Sur le plan économique, Mme Ghada Mudawi s’est inquiétée d’un taux de change pire qu’au début de la trêve alors que les denrées alimentaires et les articles essentiels doivent presque tous être importés, dans un contexte de chute des importations commerciales pour le quatrième mois consécutif.  Elle a pourtant rappelé que le Conseil de sécurité s’est engagé à faciliter de telles importations via les points d’entrée.  Mais, a-t-elle constaté, le Mécanisme de vérification et d’inspection des Nations Unies pour faciliter ces flux d’importations va probablement devoir cesser ses activités dans quelques semaines à cause de son sous-financement.  Dès le mois d’octobre, il lui manquera en effet 3,5 millions de dollars, ont noté les États-Unis.

Mme Mudawi a aussi dénoncé les entraves à l’aide humanitaire, signalant trois tentatives de détournement de véhicules humanitaires ces deux dernières semaines.  Une autre entrave est liée au fait que les autorités houthistes détiennent toujours deux fonctionnaires de l’ONU.  Sur une note positive, elle a annoncé que le mois dernier, les États-Unis, « de loin le principal bailleur de fonds humanitaires », ont alloué 431 millions de dollars supplémentaires à l’appui du plan de riposte pour le Yémen.  Ce plan est désormais financé à hauteur de 41%, a noté l’intervenante avant d’exhorter les autres donateurs à revoir leurs contributions à la hausse car, comme l’a souligné l’Inde, la trêve actuelle n’a pas vraiment permis d’apporter l’aide humanitaire attendue à cause d’un manque de fonds et de l’inflation mondiale des prix des denrées de base.  

Le représentant du Yémen a assuré que son gouvernement fait de son mieux pour que la trêve humanitaire mène à un cessez-le-feu durable afin de mettre fin au conflit.  Il a toutefois accusé les milices houthistes de ne pas vouloir sérieusement la paix et de ne faire aucun effort pour atteindre cet objectif.  Ces milices reviennent sur leurs engagements et continuent de perpétrer des attaques et des violations, leur a-t-il reproché en faisant référence à plus de 50 violations quotidiennes de la trêve et au siège de Taëz.  Elles utilisent le conflit militaire comme moyen de chantage, n’a pas hésité à dire le représentant en priant le Conseil de sécurité et la communauté internationale de revoir leur attitude par rapport à ces milices et à exercer une pression réelle pour qu’elles participent sérieusement aux efforts de paix et de désescalade.  

Enfin, les membres du Conseil ont été nombreux à souligner l’urgence d’éviter une nouvelle catastrophe écologique et humanitaire à cause du pétrolier SAFER, alors que l’ONU est à pied d’œuvre pour lever les fonds nécessaires au financement du projet de transfert du pétrole se trouvant dans ce cargo.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. HANS GRUNDBERG, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, a expliqué qu’il y a deux semaines, les parties ont convenu de prolonger de deux mois la trêve au Yémen selon les mêmes conditions, soit jusqu’au 2 octobre.  Il a félicité les parties d’avoir pris cette mesure, qui permet la plus longue pause dans les combats depuis le début de la guerre.  Cela permet également aux mesures humanitaires et économiques de l’accord de trêve de porter leurs fruits, s’est-il réjouit avant de saluer aussi, parallèlement à la prolongation de la trêve, l’engagement des parties à utiliser les deux prochains mois pour poursuivre les négociations afin de parvenir à un accord de trêve élargi d’ici au 2 octobre.  Un accord élargi comprendrait des éléments supplémentaires susceptibles d’améliorer encore plus la vie quotidienne des hommes et des femmes yéménites, a souligné l’Envoyé spécial, qui y a vu également une chance de prendre de nouvelles mesures pour mettre fin au conflit.  Alors qu’il travaille avec les parties pour atteindre cet objectif, il a rappelé à tous que l’absence d’un accord de prolongation de la trêve conduirait à de nouveaux cycles d’escalade et de violence, avec des conséquences prévisibles et dévastatrices pour la population yéménite.  Le Yémen doit de toute urgence éviter ce scénario, a-t-il prié en appelant les parties à faire le choix d’édifier la confiance nécessaire pour éviter un retour à la guerre et commencer à ériger une paix pérenne.

Avant d’entrer dans les détails de la proposition de trêve élargie et d’expliquer les effets tangibles que cela aurait pour les Yéménites, M. Grundberg a fait le point sur la mise en œuvre de la trêve actuelle: quatre mois et demi après son instauration, la trêve continue d’être largement respectée sur le plan militaire, aucune opération militaire majeure ou modification des lignes de front n’a eu lieu et il n’y a eu ni frappes aériennes confirmées à l’intérieur du Yémen ni attaques transfrontalières.  Par conséquent, le nombre de victimes civiles a fortement baissé, a-t-il dit en précisant que la plupart des victimes civiles sont tuées par des restes explosifs de guerre, y compris des mines terrestres et des munitions non explosées.  M. Grundberg s’est d’ailleurs inquiété de voir une augmentation des enfants parmi les victimes de restes d’explosifs de guerre, qui représentent aujourd’hui environ 40% des victimes civiles signalées.  Il a encouragé les parties à coopérer avec la Commission militaire de coordination pour faire le suivi de ces incidents, cet organe étant un résultat important de la trêve qui permet de maintenir un canal ouvert.  La quatrième réunion de la Commission devrait avoir lieu au cours de la dernière semaine d’août à Amman, a-t-il annoncé, sachant que les parties ont convenu de se rencontrer également dans le cadre d’un groupe de travail technique pour établir une salle de coordination conjointe, qui soutiendrait la Commission en gérant les incidents.  Le Président de la Commission, le Conseiller militaire principal de M. Grundberg, vient de terminer une visite de deux semaines à Aden, Sanaa et Taëz.

Les ouvertures de routes à Taëz et dans d’autres provinces continuent d’être au premier plan de ses efforts, a expliqué l’Envoyé spécial dont le Bureau a récemment passé du temps des deux côtés de la ligne de front à Taëz en travaillant avec les autorités locales, les médiateurs locaux et les organisations de la société civile.  Plusieurs propositions avec différents ensembles de routes et options de séquencement ont été présentées aux parties, mais, a regretté M. Grundberg, il n’y a pas eu plus de progrès sur la réouverture des principaux axes routiers autour et vers Taëz.  Il a toutefois souligné l’urgence de cette question qui est avant tout humanitaire.  Il a aussi noté que le flux d’importations de carburant vers le port de Hodeïda se poursuit avec la prolongation de la trêve, qui a permis l’accès de 33 navires à ce port.  À cet égard, l’Envoyé spécial a exprimé son appréciation pour le rôle central joué par le Mécanisme de vérification et d’inspection des Nations Unies pour faciliter ces flux d’importations de produits pétroliers, tout en réitérant sa crainte que le manque de financement ne pousse à fermer ce mécanisme.

Il a également évoqué l’ouverture de l’aéroport de Sanaa aux vols commerciaux où il a dénombré 31 vols aller-retour, transportant plus de 15 000 passagers.  Le Bureau de l’Envoyé spécial continue de travailler avec les autorités égyptiennes pour faciliter les vols réguliers vers et depuis Le Caire et, grâce à la coopération du Royaume hachémite de Jordanie, il y a désormais trois vols par semaine entre Sanaa et Amman, a encore précisé M. Grundberg.  

Rappelant que, dès le début, il avait précisé que la trêve était une mesure provisoire visant à mettre fin aux hostilités et à répondre aux besoins humanitaires et économiques urgents, l’Envoyé spécial a expliqué qu’il insiste, dans ses discussions avec les parties, sur la nécessité de s’appuyer sur la trêve existante pour parvenir à un éventail plus large de priorités économiques et de sécurité et progresser vers des solutions plus durables aux problèmes ayant des implications politiques.  Pour cette raison, M. Grundberg a insisté sur l’importance de négocier un accord de trêve élargi au cours des dernières semaines.  Sa proposition à cet égard comprend un accord sur un mécanisme de décaissement transparent et efficace pour le paiement régulier des salaires des fonctionnaires et des pensions civiles; l’ouverture de routes supplémentaires à Taëz et dans d’autres provinces; des destinations supplémentaires vers et depuis l’aéroport international de Sanaa; et des flux réguliers de carburant vers les ports de Hodeïda.

Une extension de l’accord porterait sur un accord à plusieurs voies pour aborder les problèmes humanitaires et économiques supplémentaires et créer un environnement plus propice aux discussions sur un cessez-le-feu durable et la reprise d’un processus politique dirigé par les Yéménites sous les auspices de l’ONU, a fait valoir l’Envoyé spécial.  Il a dit avoir reçu des commentaires substantiels sur sa proposition des deux parties.  Pour lui, il y a aujourd’hui une potentielle zone d’entente, mais il faut plus de temps aux parties pour en discuter les détails.  Il a misé sur la dernière prolongation de la trêve pour continuer à travailler rapidement vers cet accord.  Pour sa part, l’Envoyé spécial a dit vouloir intensifier ses efforts pour soutenir les parties dans le règlement des questions en suspens.  Compte tenu de la complexité des problèmes abordés et des contraintes de temps, il les a appelées à faire preuve de flexibilité et à répondre positivement s’il leur demande de se réunir pour parvenir à un accord.

Mme GHADA MUDAWI, Directrice par intérim de la Division des opérations et du plaidoyer au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) de l’ONU, s’est félicitée de la trêve, tout en affirmant qu’il faut rester lucide alors que se poursuivent les violences et une crise humanitaire très grave.  Selon elle, cette crise a trois dimensions: l’économie, l’environnement opérationnel pour les agences humanitaires et les financements.  Sur le plan économique, les conditions demeurent inquiétantes, avec un taux de change pire qu’au début de la trêve, a relevé l’intervenante.  En outre, très peu de gens peuvent se permettre d’acheter des denrées alimentaires et d’autres articles essentiels qui doivent presque tous être importés, dans un contexte de chute des importations commerciales pour le quatrième mois consécutif.  Le Conseil de sécurité, a rappelé Mme Mudawi, a souvent déclaré son engagement à vouloir faciliter de telles importations via les points d’entrée, tout récemment dans sa résolution 2624 (2022), mais le mécanisme en place va devoir cesser ses activités dans quelques semaines à cause de son sous-financement.

En outre, les personnels humanitaires continuent d’apporter une aide aux populations à travers tout le pays, mais font souvent face à des obstacles de taille dans leurs opérations, a-t-elle poursuivi.  Elle a salué les efforts du Gouvernement yéménite pour s’attaquer aux problèmes d’insécurité et constaté, ces dernières semaines, une diminution relative des incitations à la haine contre les agences humanitaires sur les réseaux sociaux et dans les zones sous contrôle des houthistes.  Si le nombre d’entraves à l’aide humanitaire au deuxième trimestre cette année constitue une amélioration par rapport au premier trimestre, elles sont encore trop nombreuses, a cependant estimé la Directrice.  Les agences humanitaires ont été victimes d’au moins trois tentatives de détournement de véhicules ces deux dernières semaines et les autorités houthistes détiennent encore deux fonctionnaires de l’ONU, alors qu’elles avaient promis de les remettre en liberté au mois de novembre dernier.  En outre, cinq travailleurs de l’ONU sont encore portés disparus depuis février, a constaté à regret la Directrice.

S’agissant enfin du financement des opérations humanitaires, Mme Mudawi a fait état de bonnes nouvelles.  Le mois dernier, les États-Unis, « de loin le principal bailleur de fonds humanitaires », ont alloué 431 millions de dollars supplémentaires à l’appui du plan de riposte pour le Yémen, qui est désormais financé à hauteur de 41%.  « Nous exhortons les autres bailleurs de fonds à revoir à la hausse leurs contributions jusqu’à la fin de l’année. »  De son côté, l’ONU est toujours à pied d’œuvre pour lever des fonds afin de financer le projet lié au pétrolier SAFER, pour que débute le transfert du pétrole qui se trouve à l’intérieur de ce cargo le plus tôt possible, a assuré la haute fonctionnaire.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a applaudi le rôle de l’Envoyé spécial qui a obtenu la prolongation de la trêve.  C’est une grande réussite de la part de l’ONU et des parties yéménites pour la population du Yémen qui jouit de deux mois supplémentaires d’une paix relative et voit la possibilité de poursuivre les mesures de confiance et d’en tirer des fruits.  Le représentant a également apprécié que les prix du carburant aient diminué grâce à l’acheminement de 720 000 tonnes de pétrole jusqu’au port de Hodeïda ces quatre derniers mois.  Les Yéménites bénéficient aussi d’une plus grande liberté de mouvement, a encore salué le représentant en notant qu’il y avait eu 27 vols aller-retour à partir et à destination de Sanaa.  Il a exhorté les parties à respecter les engagements pris pour l’élargissement de la trêve dans l’intérêt de toutes les parties et de la population yéménite.  La paix est la seule garantie qui permettra de venir à bout de la crise humanitaire très grave, a-t-il rappelé.  Notant le manque de financement humanitaire, le représentant a rappelé que sa délégation a aussi souligné le danger que représente le pétrolier SAFER.  À cet égard, le Royaume-Uni a contribué le mois dernier à hauteur de deux millions de livres afin de gérer immédiatement le danger avant qu’il ne soit trop tard, a signalé le délégué.  

Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a salué le renouvellement de la trêve au Yémen et la détermination des parties à vouloir poursuivre les négociations d’une trêve élargie.  Elle les a invitées à donner une chance aux propositions de l’Envoyé spécial qui pourraient déboucher sur un cessez-le-feu durable et ouvrir la voie vers une paix pérenne.  Après avoir salué le travail de l’Envoyé spécial et de son équipe, la représentante a appelé à l’inclusion des femmes dans les négociations de paix.  Revenant à la trêve actuelle, elle en a constaté les bénéfices comme l’arrivée de carburant dans le port de Hodeïda, la reprise de certains vols commerciaux de l’aéroport de Sanaa sans oublier la baisse significative du nombre de victimes civiles.  Notant que la population de Taëz ne peut toutefois pas encore profiter des fruits de la trêve à cause de la fermeture des axes routiers, la représentante a appelé à la réouverture des routes.  Alors que la situation humanitaire reste grave, avec plus de 17,8 millions de Yéménites souffrant d’insécurité alimentaire, elle a appelé les donateurs internationaux à soutenir la réponse humanitaire de l’ONU pour le Yémen dans un contexte marqué par la hausse des prix des denrées alimentaires.  S’agissant du pétrolier SAFER, elle a également appelé à soutenir la levée de fonds des Nations Unies pour éviter une catastrophe écologique « avant qu’il ne soit trop tard ».

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) s’est félicitée de la prorogation de la trêve humanitaire pour deux mois supplémentaires, conformément à l’accord initial et à l’initiative de l’Arabie saoudite de 2021.  Bien que les milices houthistes continuent de dresser des obstacles à cette trêve, la détermination du Conseil présidentiel à faire de l’intérêt national la priorité et la forte volonté régionale et internationale de préserver la trêve et ses acquis ont effectivement contribué à réduire la violence et à atténuer les souffrances humaines, a estimé la représentante.  Avec la prolongation de la trêve, les houthistes ont encore la possibilité de s’impliquer dans les efforts internationaux pour trouver une solution durable à la crise, notamment en mettant fin aux violations quotidiennes de la trêve dans plusieurs provinces, dont celles de Hodeïda et de Taëz.  Le siège de Taëz doit cesser, a martelé la représentante, avant de fustiger un comportement qui témoigne du mépris évident des houthistes pour les souffrances du peuple yéménite et d’un manque de sincérité dans le processus de paix.

M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) s’est réjoui de ce que la trêve apporte un certain répit à des millions de Yéménites.  Il a demandé aux parties de mettre en œuvre les engagements pris, en particulier l’ouverture de routes à Taëz.  Il a mis en garde contre la tentation de profiter de la trêve pour reconfigurer ou renforcer les positions militaires, en prévision des prochaines négociations.  Le représentant a condamné l’attentat de Taëz du 24 juillet dernier et s’est dit préoccupé par les informations faisant état de combats dans la province de Saada.  Il a appelé les parties à faire preuve de la plus grande retenue pour éviter toute nouvelle escalade.  Il a aussi estimé que la trêve ne suffira pas à elle seule à régler la crise humanitaire, aggravée dernièrement par de graves inondations.  Plaidant pour un accès élargi à l’aide humanitaire, il a exigé la fin des actes d’intimidation à l’encontre du personnel humanitaire.  Préoccupé également par l’état du pétrolier SAFER, il a exhorté la communauté internationale à redoubler d’efforts pour lancer les opérations de sauvetage le plus tôt possible.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a salué la décision des autorités officielles du Yémen et du mouvement Ansar Allah de prolonger de deux mois supplémentaires la trêve et ce, aux mêmes conditions.  Cette étape, a-t-il dit, ouvre de réelles possibilités de stabilisation et il faut aussi espérer qu’elle facilite la transition vers des négociations directes, y compris sur la sécurité et l’économie.  Le représentant a salué les efforts de M. Grundberg, de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et d’Oman, qui ont joué un rôle clef dans le rétablissement de contacts entre les parties yéménites afin de prolonger la trêve.  Pour sa part, a-t-il poursuivi, la Fédération de Russie maintient ses contacts avec toutes les forces politiques du pays et les exhorte à une approche constructive et à des compromis.  Nous ne voyons, a-t-il souligné, aucune alternative au processus politique dans le cadre d’un dialogue interyéménite élargi à toutes les parties impliquées dans le conflit. 

Pour l’heure, le représentant a prôné une interaction constructive des protagonistes yéménites avec l’ONU afin de mettre en œuvre les dispositions de la trêve et obtenir éventuellement une autre prorogation.  Il a aussi appelé les parties à rechercher des solutions mutuellement acceptables pour rouvrir les routes de Taëz.  Il a salué le travail du Comité de coordination militaire, avant de plaider pour une aide humanitaire non discriminatoire.  Toute restriction et tout obstacle au travail des travailleurs humanitaires sont tout simplement inacceptables, a tranché le représentant qui a « une fois de plus » attiré l’attention sur la résolution 598 (1987) du Conseil de sécurité et sur d’autres initiatives visant la stabilisation régionale, y compris le concept russe actualisé de sécurité collective.

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) s’est félicitée du renouvellement de la trêve, dont l’avantage le plus tangible est la diminution importante de la perte de vies humaines innocentes en raison d’une réduction globale de la violence.  Cela étant, ces derniers mois ont été marqués par certaines violations de l’accord de trêve, notamment l’attaque en date du 24 juillet perpétrée à Taëz, qui a fait des morts et des blessés parmi des enfants, a déploré la représentante.  Elle s’est dite également préoccupée par les progrès limités dans l’ouverture des routes à Taëz et dans d’autres provinces, une mise en œuvre « inégale » de la trêve qui n’est pas de bon augure selon elle pour la viabilité de celle-ci.  La déléguée a également jugé regrettable que la trêve actuelle n’ait pas permis d’apporter l’aide humanitaire attendue à de nombreux Yéménites, en raison d’un manque de fonds pour les opérations et de l’inflation mondiale des prix des denrées de base.  L’Inde, quant à elle, apporte depuis longtemps une aide humanitaire au Yémen en fournissant des médicaments et des denrées alimentaires, a assuré la déléguée, en soulignant que les hôpitaux de son pays ont accueilli des milliers de Yéménites, même pendant la pandémie de COVID-19.  L’Inde a également exporté plus de 250 000 tonnes de blé au Yémen, depuis avril de cette année, afin d’atténuer les conséquences négatives sur le Yémen des variations de l’offre sur les marchés mondiaux des prix des denrées de base.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a estimé qu’avec la prorogation de la trêve, l’espoir est permis.  Cette trêve, a-t-elle estimé, offre l’occasion d’une transition vers un accord plus global et plus solide et celle d’une solution pérenne au conflit.  La représentante a appelé toutes les parties à hâter les négociations pour élargir l’accord, en se basant sur la proposition de l’Envoyé spécial relative à un cessez-le-feu global.  Ce processus politique doit inclure les femmes, la société civile et les membres des communautés marginalisées.  La première étape pour arriver à un accord élargi est d’agir sur l’urgence humanitaire, d’ouvrir les routes de Taëz et de payer les salaires des fonctionnaires, a souligné la représentante qui a aussi plaidé pour la libération sans condition de tous ceux qui sont détenus arbitrairement.  Mon pays, a-t-elle prévenu, suit de près la situation à Saada et exhorte les Yéménites à transcender leurs divergences, en se basant sur les propositions des Nations Unies.

La représentante a rappelé que son gouvernement a fourni cette année plus d’un milliard de dollars pour l’aide humanitaire au Yémen, et cinq milliards de dollars depuis 2014.  Elle a exhorté les donateurs régionaux à s’attaquer à la pire crise humanitaire au monde, à contribuer à la stabilisation de l’économie yéménite et à la fourniture des services sociaux de base et à financer le projet lié au sauvetage du pétrolier SAFER.  Le Mécanisme de vérification et d’inspection des Nations Unies aura besoin de 3,5 millions de dollars, au mois d’octobre, a-t-elle insisté.  La trêve, a-t-elle conclu, a permis de réduire la violence, de sauver des vies, d’améliorer la liberté de mouvement et de créer un élan vers la paix.  Il faut maintenant passer à l’étape suivante, a-t-elle encouragé. 

M. PEDRO MEIRELLES REIS SOTERO DE MENEZES (Brésil) a salué la deuxième prolongation de la trêve nationale et remercié l’Envoyé spécial et son bureau pour leurs efforts soutenus à cet égard.  Il a demandé que les conditions convenues en avril soient pleinement mises en œuvre, y compris la réouverture des routes à Taëz.  Rappelant que l’Envoyé spécial a présenté un certain nombre de propositions sur cette question, et que ce Conseil a demandé à plusieurs reprises à Ansar Allah de faire preuve de souplesse, il a espéré que ces appels seront entendus.  La trêve doit également être étendue, a-t-il relevé en rappelant qu’il existe un certain nombre de questions qui ne sont pas couvertes par les dispositions actuelles de la trêve et qui sont essentielles pour assurer la stabilité à court terme.  Il a notamment parlé du paiement régulier des salaires par le Gouvernement.  La proposition d’extension de la trêve présentée par l’Envoyé spécial vise à résoudre ce problème ainsi que d’autres, a-t-il souligné.  Une trêve élargie est également une étape nécessaire vers l’objectif ultime de parvenir à un règlement politique global et durable, a-t-il observé en insistant sur la participation significative de tous les groupes de la société du Yémen, y compris les personnes handicapées, les jeunes et les femmes.  Commentant l’exposé de Mme Mudawi sur la situation humanitaire « qui est toujours désespérée », le représentant s’est cependant dit encouragé d’apprendre qu’après des mois de difficultés financières, de nouvelles et importantes contributions ont été annoncées.  Le Brésil s’est efforcé de faire sa part, notamment par des versements réguliers lors des annonces de contributions au cours des dernières années, a-t-il rappelé avant d’espérer que de nouvelles contributions seront faites sur d’autres questions urgentes, telles que le financement du Mécanisme de vérification et d’inspection des Nations Unies et du plan de réponse à la situation du pétrolier SAFER.  Après sept ans de conflit, la trêve est la plus grande chance qu’il soit pour parvenir à une paix durable au Yémen, a-t-il conclu.

M. FERIT HOXHA (Albanie) s’est félicité que le Gouvernement du Yémen ait décidé d’aller de l’avant avec la réouverture du port de Hodeïda et de l’aéroport international de Sanaa.  Il l’a ensuite appelé à adopter avec le Bureau de l’Envoyé spécial une approche « réaliste et responsable » s’agissant de la fin du blocus à Taëz et de l’échange de prisonniers.  Le représentant a regretté l’attaque en date du 24 juillet qui a eu lieu dans une zone résidentielle à Taëz.  Il s’est ensuite félicité de la réunion de la Commission militaire de coordination pour faciliter le dialogue et poursuivre les discussions sur la désescalade, avant d’exhorter les parties à continuer le processus permettant la remise en liberté de tous les détenus, conformément à ce qui a été arrêté en mars 2022.  Le délégué a par ailleurs condamné l’incarcération de personnels actuels et passés de l’ambassade américaine et demandé la remise en liberté de tous les personnels des organisations internationales et ONG locales.

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a salué le renouvellement de la trêve offrant un soulagement temporaire aux Yéménites.  Une trêve plus longue aurait été une meilleure option, a estimé le représentant, en appelant à la levée du blocus de Taëz.  Exhortant les parties à respecter la trêve afin que l’on puisse avancer vers le dialogue sur une paix permanente, le délégué a prié les acteurs régionaux de s’impliquer.  Il a condamné l’attaque dans le quartier résidentiel de Zaid Al-Moshki à Taëz et passant à la crise économique, il a salué la dernière contribution des États-Unis au Plan de réponse humanitaire pour 2022.  Le représentant a conclu en se disant préoccupé par les violations de l’embargo sur les armes.  Il a aussi appelé au financement du Mécanisme de vérification et d’inspection et à l’accélération des efforts pour régler la question du pétrolier SAFER.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a misé sur la reconduction de la trêve au Yémen pour donner au peuple yéménite « un rare répit dans une guerre qui n’en finit pas ».  Il a espéré que cela permettra aux parties d’effectivement intensifier les négociations pour parvenir sans délais à une trêve prolongée, afin de consolider l’opportunité d’ouvrir la voie à des négociations visant une paix durable.  Notant d’ores et déjà la réduction significative du nombre de victimes civiles, la réouverture de l’aéroport de Sanaa aux vols civils et l’atténuation de la crise du carburant, le représentant a toutefois rappelé que les acquis liés au renouvellement de la trêve restent mitigés.  Il a en effet évoqué les violations sporadiques du cessez-le-feu et les combats dans la province de Chaboua entre les factions d’un même camp, le Conseil présidentiel.  En outre, la situation humanitaire au Yémen demeure préoccupante, a-t-il relevé avant de relever également que les perspectives économiques restent sombres: le taux de change est inférieur aux niveaux d’avant la trêve, le pouvoir d’achat des ménages est extrêmement faible et les prix de l’énergie et des denrées alimentaires ont augmenté, faisant ainsi le lit de l’insécurité alimentaire.  La question du financement du plan de réponse humanitaire du Yémen est, à ses yeux, un autre sujet de préoccupation même si ledit plan est désormais financé à près de 40%, à la suite d’un récent engagement de financement supplémentaire des États-Unis de 431 millions de dollars.  Le représentant a encouragé les autres contributeurs à leur emboîter le pas.  L’extension et la consolidation de la trêve au Yémen constituent un enjeu majeur dans le règlement de la crise, a conclu le représentant en regrettant le rejet par l’une des parties de plusieurs propositions de l’ONU visant à rouvrir les routes à Taëz et dans d’autres provinces ainsi que l’impasse des pourparlers.  Il a donc appelé les parties à faire preuve de flexibilité et insisté sur l’urgence de relancer un processus politique basé sur un cadre multidimensionnel traitant des questions politiques, sécuritaires et économiques.  Le but est de parvenir à un règlement global négocié du conflit, dans le cadre d’un dialogue inclusif impliquant les femmes.

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a salué le renouvellement de la trêve au Yémen, le 2 août dernier, pour une période de deux mois, espérant qu’elle soit mise au service d’un engagement de l’ensemble des parties vers la paix.  La représentante a ensuite réitéré son appel à un cessez-le-feu durable à l’échelle nationale et appelé les parties à tenir des discussions approfondies, sous les auspices de l’ONU, en vue d’un accord politique.  C’est le seul moyen de mettre fin au conflit, selon la déléguée.  Relevant par ailleurs que la situation sécuritaire et humanitaire est toujours très préoccupante dans certaines zones, elle a souligné l’importance de garantir un accès humanitaire à l’ensemble des populations dans le besoin et de remettre en liberté, sans préconditions, le personnel de l’ONU et les personnels humanitaires retenus par les houthistes, en particulier à Taëz.  Très préoccupée également par les récents incidents qui se sont déroulés dans la province de Chaboua, la représentante a appelé à l’apaisement et à la coexistence pacifique dans l’intérêt du peuple yéménite.  S’agissant de la situation du pétrolier SAFER, elle a souligné l’urgence d’éviter une nouvelle catastrophe écologique et humanitaire.  Elle a lancé un nouvel appel à contribuer financièrement aux États et au secteur privé du Yémen afin de permettre le démarrage de l’opération de sauvetage, dans la continuité des efforts déployés avec d’autres bailleurs, sous la coordination des Pays-Bas, a ajouté Mme Broadhurst Estival.

Mme CÀIT MORAN (Irlande) s’est réjouie de la prolongation de la trêve mais a jugé regrettable que les houthistes n’aient pas encore accepté les diverses propositions de l’Envoyé spécial sur la réouverture des routes à Taëz.  Elle a appelé à une trêve élargie qui conduirait à un cessez-le-feu durable à l’échelle nationale et à une solution politique inclusive trouvée par Yéménites eux-mêmes et placée sous l’égide de l’ONU.  Pour la déléguée, l’exclusion des femmes des pourparlers de paix a un impact significatif sur les perspectives de paix.  Mme Moran a en outre exhorté les houthistes à appliquer leur plan d’action sur la fin des graves violations des droits de l’enfant.  Elle a encouragé le Gouvernement à redoubler d’efforts pour stabiliser l’économie.  Plaidant également pour la libération immédiate de tous les personnels de l’ONU et des ONG, elle a conclu en implorant tous les acteurs de veiller à ce que l’établissement des responsabilités pour les crimes commis soit un élément central des futures discussions de paix.  Sans cela, la paix ne saurait devenir durable, a-t-elle prévenu.

M. ODD INGE KVALHEIM (Norvège) a salué la prolongation de la trêve et a encouragé les parties à parvenir à un accord sur une trêve élargie.  En attendant, il faut rouvrir les routes à Taëz et trouver une réponse aux autres questions pressantes, a-t-il estimé.  Il s’est dit inquiet des derniers affrontements à Taëz et à Chaboua et exhorté les deux parties à la désescalade, au respect de la trêve, à l’adoption de mesures de confiance et à la mise en place d’une vraie coopération, tout en veillant et à inclure les femmes dans tout le processus de paix.  Le représentant s’est en effet dit déçu de ne voir aucune femme parmi les nouveaux ministres nommés.  Il a aussi appelé les parties à respecter leurs engagements contre l’enrôlement des enfants.  Chagriné par les nombreuses victimes des dernières inondations, il a souligné que ces dernières ont aussi déplacé les mines antipersonnel.  Il a donc demandé que l’on redouble les efforts de déminage pour protéger la population civile.  Soucieuse d’éviter une catastrophe écologique, la Norvège, a conclu son représentant, encourage la communauté internationale et les parties à appuyer le plan de l’ONU sur le pétrolier SAFER.

M. ZHANG JUN (Chine) s’est félicité de cette nouvelle prolongation de la trêve, qui a entraîné des changements très positifs dans le pays.  Pour le représentant, la situation au Yémen se trouve à la croisée des chemins et toutes les parties prenantes doivent garder l’œil sur le cap, celui d’un règlement politique.  De son côté, a poursuivi le représentant, la communauté internationale doit jouer un rôle actif pour avancer vers une trêve élargie et réunir les conditions d’une paix et d’une stabilité pérennes dans le pays.  Mais tout d’abord, a-t-il dit, l’accord actuel doit être pleinement mis en œuvre et la situation humanitaire, améliorée.  Or, a-t-il constaté, les opérations au Yémen sont menacées par un manque de financement depuis le début de l’été, sans compter que de nombreuses zones ont été récemment touchées par les inondations.  Rappelant l’attachement de la Chine au respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de tous les pays et aux principes de la Charte des Nations Unies, M. Zhang a déclaré que son pays souhaite continuer de travailler avec les Etats du Golfe et avec la communauté internationale pour contribuer plus largement au processus de paix au Yémen.

M. ABDULLAH ALI FADHEL AL-SAADI (Yémen) a réitéré que son gouvernement reste engagé à œuvrer dans le cadre de l’Initiative du Golfe et son mécanisme de mise en œuvre, et dans la mise en œuvre des résultats du dialogue national et des résolutions du Conseil de sécurité, notamment la 2216 (2015).  Le Gouvernement, a-t-il assuré, continue de faire en sorte que la trêve humanitaire soit couronnée de succès et mène à un cessez-le-feu durable afin de mettre fin au conflit, soulager des souffrances humaines et faciliter la vie quotidienne de la population du Yémen.  Le représentant a toutefois accusé les milices houtistes de ne pas vouloir sérieusement la paix et de ne faire aucun effort pour atteindre cet objectif.  Les milices reviennent sur leurs engagements par rapport à la trêve et continuent de perpétrer des attaques et des violations, a-t-il illustré en dénombrant plus de 50 violations quotidiennes de la trêve qui ont causé la mort de 187 personnes et blessé plus de 910 personnes.  Il a aussi estimé que les milices houthistes sapent les efforts de désescalade et de paix en organisant le siège de Taëz, les accusant d’utiliser le conflit militaire comme moyen de chantage.  

Selon le représentant, le dialogue est la meilleure façon de mettre fin à ce conflit et les houthistes doivent saisir de cette opportunité de paix en entamant un dialogue.  « Il ne faut pas saper la paix et tomber dans l’escalade de la violence. »  Il a ensuite accusé les milices de commettre des crimes contre l’humanité lorsqu’elles attaquent les populations civiles.  Le représentant a ensuite salué les bénéfices de la trêve, notamment le retour des vols internationaux malgré les entraves placées par les houthistes, qu’il a également accusé de détourner les recettes des impôts qui auraient dû servir à payer les salaires des fonctionnaires et les pensions de retraite dans les zones contrôlées par les milices.  « Ils se servent de cet argent pour financer leur guerre contre la population yéménite et pour prolonger le conflit. » 

Le représentant du Yémen a informé que son gouvernement s’attèle à une série de réformes administratives, notamment pour mieux gérer les ressources et accélérer l’appui fourni par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.  Des projets sont mis en œuvre pour améliorer la qualité des services aux citoyens et pour soulager les souffrances humanitaires causées par la guerre, a-t-il ajouté.  Il a dit attendre un appui accru de la communauté internationale pour ces différents projets et programmes afin d’assurer la stabilité et la reprise économique.  Les interventions humanitaires doivent tenir compte des priorités nationales en matière de développement, a-t-il rappelé.

Enfin, le délégué a prié le Conseil de sécurité et la communauté internationale à revoir leur attitude par rapport aux milices et à exercer une pression réelle pour qu’elles participent aux efforts de paix et de désescalade de façon sincère.  Il a terminé en mettant en garde contre le danger que représente le pétrolier SAFER, tant pour le Yémen que pour l’environnement, la région et le monde entier.  La communauté internationale et le Conseil de sécurité doivent combler les lacunes de financement de la réponse et renforcer les plans pour éviter une catastrophe majeure, a-t-il prié.  

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité : Fédération de Russie et Ukraine se rejettent la responsabilité des attaques ayant touché la centrale nucléaire de Zaporijia

9109e séance - après-midi
CS/14996

Conseil de sécurité : Fédération de Russie et Ukraine se rejettent la responsabilité des attaques ayant touché la centrale nucléaire de Zaporijia

À la demande de la Fédération de Russie, le Conseil de sécurité s’est, cet après-midi, réuni pour entendre un exposé du Directeur général de l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA), qui a demandé la coopération des deux parties au conflit en Ukraine pour qu’y soit dépêchée, « dans les plus brefs délais », une mission d’expertise à la centrale nucléaire de Zaporijia, « la plus grande d’Europe ».

M. Rafael Mariano Grossi a en effet expliqué que, « sans présence physique sur place », l’Agence ne peut corroborer « certains faits extrêmement importants » relatifs à la sécurité du site, qui a été touché par des bombardements les 5 et 6 août, obligeant à déconnecter un réacteur du réseau électrique.  Cette centrale se trouvant en territoire occupé par la Fédération de Russie, il n’est par conséquent pas possible d’y accéder uniquement en passant par le territoire sous contrôle de l’Ukraine, a-t-il expliqué.

Les deux belligérants se sont rejeté la responsabilité des attaques, qui limitent considérablement la mobilité des personnels du site, dont l’un a été blessé le 6 août.  Les membres du Conseil se sont tous alarmés des risques de catastrophe nucléaire que font peser sur l’Europe et le reste du monde des attaques visant une installation comme celle de Zaporijia, au moment même où se déroule au Siège de l’ONU la dixième Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, dans un contexte de polarisation extrême.

« Nous avons averti à plusieurs reprises nos collègues occidentaux que s’ils ne ramènent pas le régime de Kiev à la raison, celui-ci prendra les mesures les plus monstrueuses, dont les conséquences se retourneront contre lui bien au-delà des frontières de l’Ukraine », a tonné le représentant russe, en affirmant que ces attaques « criminelles » poussent le monde au bord d’une catastrophe nucléaire d’une ampleur comparable à celle de Tchernobyl.

« Les Russes sont bien connus pour couvrir leurs plans, y compris en demandant la tenue de la présente séance du Conseil », a rétorqué l’Ukraine, qui a rappelé que la centrale est occupée depuis le 4 mars dernier et que son personnel travaille « avec un pistolet sur la tempe ».  Selon la délégation, les 500 militaires russes présents à Zaporijia se sont mis à l’abri avant l’attaque de leur camp le 6 août, livrant le personnel ukrainien à son sort.

Jusqu’à ce conflit, « aucune centrale nucléaire n’avait été attaquée, prise d’assaut et militarisée par une armée d’invasion », a rappelé l’Albanie, accusant les forces russes de mener leur « guerre sale » et « de choix » avec « imprudence et brutalité », quitte à provoquer un grave accident nucléaire et à exposer la population civile à des rayonnements ionisants.  Pour les États-Unis, ainsi que la France, la solution à cette crise est très simple: la Russie doit se retirer immédiatement du territoire de l’Ukraine et rétablir les garanties respectées depuis des décennies à la centrale de Zaporijia.  

La Russie, a renchéri l’Irlande, a réclamé la tenue de cette réunion pour se défausser de ses responsabilités et détourner l’attention de ses agissements.  Elle l’a donc invitée à cesser d’utiliser le Conseil de sécurité à des fins de désinformation et à retirer ses troupes des lieux, afin que les autorités ukrainiennes puissent y assumer leurs responsabilités, ainsi que l’a préconisé le Conseil des gouverneurs de l’AIEA dans une résolution adoptée en mars dernier.

Rejetant catégoriquement ces accusations, la Fédération de Russie a assuré que c’est l’armée ukrainienne qui a bombardé la centrale de Zaporijia, dénonçant quant à elle la « guerre de mensonges » menée par les nations occidentales, qui se concertent pour lui imputer tout ce qui se passe dans les zones de combat.  Elle a évoqué le dernier rapport en date d’Amnesty International, une organisation qui ne peut être considérée comme « pro-russe », selon lequel l’armée ukrainienne et les « bataillons nationalistes » se servent de la population civile comme boucliers humains et stockent du matériel militaire dans les écoles, les maternités et les hôpitaux.

Au-delà du cas particulier de la centrale de Zaporijia, le Directeur général de l’AIEA a rappelé que les sept piliers de sûreté et de sécurité nucléaires, au nombre desquels figurent l’intégrité physique des installations et l’approvisionnement en électricité hors site, ont tous été « compromis, voire violés, à un moment ou un autre depuis le début du conflit » en février dernier.

M. Grossi a cependant constaté que, malgré leurs divergences, les membres du Conseil étaient tombés d’accord sur le fait que la mission d’inspection de l’AIEA en Ukraine doit avoir lieu.  « Maintenant la question est de savoir quand », s’est-il demandé, en s’engageant à consulter la Fédération de Russie, l’Ukraine et l’ONU sur les modalités de son déploiement le plus vite possible.

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclarations

M. RAFAEL MARIANO GROSSI, Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), a déclaré que l’Agence s’efforce d’évaluer la situation dans la centrale nucléaire de Zaporijia et que, depuis le 24 février, neuf missions de garanties ont été menées en Ukraine, dans plusieurs installations nucléaires.  Ces missions sont menées dans le cadre de l’accord sur les garanties conclu par l’AIEA avec l’Ukraine, a-t-il précisé en mentionnant par exemple deux équipes qui se sont rendues à Tchernobyl.  Il a précisé que le mandat de l’AIEA se concentre sur des questions exclusivement techniques en lien avec la sûreté et la sécurité.  Le haut fonctionnaire a rappelé qu’il y a une semaine, à l’ouverture de la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, il avait eu l’occasion d’évoquer sept aspects fondamentaux relatifs à la sécurité nucléaire, dont l’intégrité physique des installations et l’approvisionnement en électricité hors site.  Revenant à l’Ukraine, il a constaté à regret que « ces sept piliers ont été compromis, voire violés, à un moment ou un autre depuis le début du conflit ».  D’un point de vue juridique, il a rappelé que la communauté internationale a déjà pris position contre ce type d’attaques, citant les Protocoles I et II aux Conventions de Genève de 1949 qui interdisent toute attaque contre des installations nucléaires en cas de conflit armé.  M. Grossi a appelé à respecter ce cadre.

M. Grossi a relaté les faits en indiquant d’abord que le 5 août, à la suite d’un bombardement frappant la centrale de Zaporijia, qui a entraîné plusieurs explosions à l’intérieur du site et des coupures de transformateurs, un réacteur a dû être fermé et déconnecté du réseau électrique.  Il y a vu « un lien direct entre ces attaques externes et la situation actuelle ».  Or, l’unité en question n’est toujours pas reconnectée au réseau, a-t-il précisé.  Il a ensuite indiqué que, le 6 août, un personnel de la centrale a été blessé dans le cadre d’un nouveau pilonnage qui a aussi entraîné des dégâts aux installations.  Le Directeur général a souligné que le personnel a une capacité limitée à se déplacer à l’intérieur des lieux. 

Toute attaque militaire menaçant la sécurité nucléaire doit cesser, a insisté M. Grossi, qui a rappelé qu’une catastrophe de cet ordre serait « inacceptable ».  Il a donc demandé aux deux parties de coopérer avec l’AIEA pour permettre le déploiement d’une mission d’expertise à Zaporijia dans les plus brefs délais, une mission qu’il dirigerait.  Cette centrale se trouvant en territoire occupé par la Fédération de Russie, par conséquent, il n’est pas possible d’y accéder uniquement en passant par le territoire sous contrôle de l’Ukraine, a-t-il expliqué.  Or, « sans présence physique sur le site, l’Agence ne peut corroborer certains faits extrêmement importants », a-t-il insisté, en rappelant qu’elle est prête à partir sur le terrain depuis juin, mais que cela n’a pas été possible pour des raisons « politiques », entre autres.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a estimé que les « attaques criminelles de Kiev contre les installations nucléaires » poussent le monde au bord d’une catastrophe nucléaire comparable à celle de Tchernobyl.  Il a affirmé que ces derniers jours, les forces armées ukrainiennes ont tiré à plusieurs reprises avec de l’artillerie lourde et des systèmes de lance-roquettes multiples, estimant que cela a créé un incendie dans la plus grande centrale nucléaire d’Europe à Zaporijia.  Le 5 août, a-t-il relaté, un feu d’hydrogène s’est déclaré au niveau de l’unité de distribution et la ligne électrique à haute tension a été désactivée.  Il a souligné que les tirs ont eu lieu au moment où se déroulait la rotation du personnel, ce qui laisse croire que Kiev essaye d’intimider les employés de la station, leurs propres citoyens, afin de les empêcher d’aller travailler et porter ainsi atteinte au bon fonctionnement de la station.  Poursuivant, le délégué a déclaré que le 6 août, les forces armées ukrainiennes ont frappé de nouveau la station avec des armes à sous-munitions, notamment la zone de stockage à sec pour les combustibles nucléaires usés, faisant un blessé au sein du personnel.  Après d’autres bombardements le 7 août, le personnel de la centrale a été contraint d’arrêter l’un des trois réacteurs, tandis que les deux autres ont vu leur capacité réduite de moitié, a-t-il encore avancé.  Le représentant a assuré que les bâtiments de Zaporijia tiennent pour le moment, mais il a prévenu que cela ne sera pas le cas si les bombardements continuent.  

M. Nebenzia a aussi accusé l’Ukraine d’avoir mené « plusieurs provocations » entre avril et juillet contre la centrale par le biais de drones, y compris de drones kamikazes chargés de bombes explosant à proximité des infrastructures critiques.  Rappelant que les forces russes contrôlent la centrale de Zaporijia, il a avancé qu’il n’y a aucune raison pour que les militaires russes bombardent la station ou la ville, ni eux-mêmes.  En ce qui concerne les actions de la partie ukrainienne, il a demandé aux membres du Conseil s’ils appelleraient Kiev à arrêter les bombardements.  Le délégué a rappelé que le 4 mars dernier, le Royaume-Uni, la France et la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques, Mme DiCarlo, avaient souligné que les sites nucléaires ne doivent pas faire l’objet d’attaques militaires.

« Nous avons soutenu les efforts de l’AIEA depuis le tout début pour assurer la sûreté nucléaire et physique des centrales nucléaires d’Ukraine », a observé M. Nebenzia.  Il a relevé que le « régime de Kiev » avait refusé d’agréer aux sept principes du Directeur général de l’AIEA, alors que son pays adhère strictement aux sept principes, a-t-il assuré, promettant que la Russie ferait de son mieux pour que les représentants de l’AIEA puissent vérifier cela de leurs propres yeux.  À preuve, dès le 3 juin, la partie russe et la direction du Secrétariat de l’AIEA ont convenu de l’itinéraire et du calendrier de la mission internationale de l’Agence à Zaporijia, a-t-il témoigné, regrettant qu’au dernier moment le « feu rouge » se soit allumé.  En effet, a-t-il rappelé, le Département de la sécurité du Secrétariat de l’ONU a émis des doutes sur la sécurité d’une telle entreprise. 

Le représentant a dit que les autorités de Kiev en ont profité pour renforcer leurs provocations et bombarder la centrale nucléaire.  « Nous sommes convaincus que l’annulation de la mission internationale a fait le jeu du régime de Kiev et des Occidentaux qui, au départ, étaient opposés à ce voyage », a-t-il expliqué.  Il a assuré que la Fédération de Russie souhaiterait que les représentants de l’AIEA arrivent à Zaporijia dès que possible, peut-être même avant la fin du mois d’août.  Cependant, tout ne dépend pas de nous, a-t-il tempéré, pointant du doigt les attaques ukrainiennes contre la centrale.  Il a appelé les États soutenant le « régime de Kiev » à le forcer à stopper immédiatement et pour toujours les attaques contre les habitants de la centrale et d’Energodar et d’assurer de bonnes conditions de sécurité pour le travail de la mission de l’AIEA.  « Nous appelons les dirigeants de l’ONU et de l’AIEA à montrer leur leadership et leur responsabilité, et très clairement, sans formules diplomatiques, en indiquant la source réelle de la menace pour la sûreté nucléaire de Zaporijia », a-t-il lancé.

Mme CAROLYN OPPONG-NTIRI (Ghana) a condamné la militarisation des installations de la centrale nucléaire de Zaporijia ainsi que les attaques délibérées sur les lignes électriques et les unités sensibles de la centrale.  Ces attentats semblent avoir lieu sans que l’on tienne compte de leurs potentielles conséquences meurtrières, notamment du risque d’émissions accidentelles de matières radioactives, s’est-elle indignée avant d’appeler à l’évacuation de tout le personnel militaire et au retrait du matériel militaire, sans condition.  Elle a aussi exigé le retour du personnel accrédité à la centrale.  Elle a soutenu la demande de M. Grossi d’accorder un accès immédiat à la centrale aux inspecteurs internationaux de l’AIEA, pour permettre une évaluation indépendante des normes de sûreté nucléaire et des garanties de l’installation.  En aucun cas, les installations nucléaires destinées à des fins pacifiques ne doivent faire l’objet de telles attaques, a interpelé la déléguée en appelant au respect immédiat et intégral de la Convention sur la protection physique des matières nucléaires et de son amendement de 2005, par toutes les parties armées.  

Le monde ne peut pas se permettre une autre catastrophe nucléaire, a-t-elle tranché en rappelant les horreurs de l’accident de Tchernobyl en 1986 et la catastrophe nucléaire qui en a résulté.  Les avertissements de l’AIEA doivent donc être pris au sérieux et entendus par ce Conseil et devraient nous inciter à déployer rapidement tous les efforts possibles, de manière unifiée, pour aider l’AIEA à atténuer et supprimer tout risque d’émissions accidentelles à l’installation nucléaire de Zaporijia, a-t-elle insisté.  Enfin, elle a dit rester convaincue que seule la cessation des hostilités militaires, basée sur un retrait complet et inconditionnel des troupes de la Fédération de Russie des frontières internationalement reconnues de l’Ukraine, représente une voie acceptable pour le rétablissement de la paix et de la sécurité en Ukraine.  Elle a donc appelé de ses vœux une solution pacifique à ce conflit.

Mme BONNIE JENKINS, Sous-Secrétaire d’État chargée du contrôle des armements et des affaires de sécurité internationale des États-Unis, a déclaré suivre de très près la situation dans la centrale nucléaire de Zaporijia, en Ukraine, de déclarant préoccupée par le risque d’incident radiologique, qui menacerait les populations du pays et de toute la région.  Cette situation est la conséquence de la décision de la Russie d’envahir son voisin souverain, a-t-elle dénoncé.  En plus de faire planer le risque d’un accident nucléaire, cette invasion, qui constitue une violation de la Charte des Nations Unies et des principes du droit international, a aussi contribué à l’explosion de l’insécurité alimentaire dans le monde et gravement perturbé le marché de l’énergie, a regretté la représentante.  Elle a fait remarquer que les actions de la Russie interviennent de surcroît pendant la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, en cours au Siège de l’ONU à New York, ce qui ne peut que saper les intérêts des États parties au Traité.  Pour la déléguée, la solution à cette situation est très simple: la Russie doit se retirer immédiatement du territoire de l’Ukraine et rétablir les garanties respectées depuis des décennies à la centrale de Zaporijia.  Or la Russie continue de désinformer et de détourner l’attention de la réalité sur le terrain, a-t-elle déploré.  En l’absence de retrait des forces russes, des mesures doivent, selon elle, être prises de toute urgence pour limiter les risques.  La déléguée a recommandé tout d’abord de faciliter une visite sur place du personnel de l’AIEA, tout en respectant la souveraineté de l’Ukraine.  Il faut également cesser toute activité militaire autour de la centrale et restituer le contrôle de cette installation à l’Ukraine, a-t-elle plaidé, avant de demander la création d’une zone démilitarisée à proximité de la centrale.  Dans l’immédiat, elle a exigé des mesures urgentes pour écarter tout risque nucléaire, ce qui passe par une intervention de l’AIEA et la restitution du contrôle de la centrale à l’Ukraine.  

Mme EDWIGE KOUMBY MISSAMBO (Gabon) a fait part de sa préoccupation face à l’intensification des combats et à la pérennisation de la guerre en Ukraine où depuis samedi dernier, à la suite d’attaques visant la centrale nucléaire de Zaporijia, les risques de catastrophe nucléaire sont visiblement devenus considérables considérant la non-conformité́ à cinq des sept principes garantissant la sécurité des sites nucléaires.  La concentration d’une activité militaire autour du site nucléaire doit absolument cesser, a-t-elle sommé en soulignant que les parties ont la responsabilité de mettre fin à toute activité susceptible de faire courir au monde le risque d’une catastrophe nucléaire.  Elle a jugé inacceptable toute militarisation de sites nucléaires, estimant que l’ampleur des risques encourus doit interpeller tous les belligérants et l’ensemble de la communauté internationale. 

Les parties doivent coopérer avec l’AIEA pour sécuriser les sites potentiellement dangereux en vue de prévenir les risques de catastrophe, a souhaité la représentante selon laquelle il est urgent que les 174 conteneurs de combustibles nucléaires usés soient mis à l’abri des activités militaires de toute sorte.  Elle s’est prononcée en faveur de l’envoi d’une mission technique de l’AIEA.  Elle a aussi vu comme un signe d’espoir la signature d’un accord, il y a quelques semaines, en vue de l’exportation des céréales retenues dans les ports ukrainiens.  Cet élan devrait être mis à profit pour envisager des négociations pour un cessez-le-feu en vue de la fin des hostilités, a-t-elle espéré. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a déclaré que, lorsqu’il s’agit de questions nucléaires, tous les aspects de la sécurité collective sont véritablement imbriqués.  Une erreur de calcul, une faute, un acte irréfléchi pourraient entraîner une catastrophe humanitaire et environnementale qui affecterait des millions de vies, a-t-il relevé.  Dans le contexte décrit par le Directeur général de l’AIEA, il a jugé crucial que l’Agence ait un accès complet et sans entrave au site de Zaporijia.   Non seulement il s’agit d’infrastructures civiles essentielles, mais il existe également des risques immenses pour les vies humaines lorsque les installations nucléaires deviennent vulnérables en raison d’un conflit, a-t-il observé.  Le représentant été d’avis qu’il est de la plus haute importance de garantir la sécurité des installations nucléaires.  Pour sa délégation, les développements alarmants à Zaporijia soulignent l’urgence de trouver une fin diplomatique à ce conflit, qui continue de provoquer une crise humanitaire stupéfiante en Ukraine. 

M. ODD INGE KVALHEIM (Norvège) a souligné que la Fédération de Russie a violé plusieurs des sept éléments indispensables des piliers de la sûreté et de la sécurité nucléaires.  Il a appelé la Fédération de Russie à rendre le contrôle total de toutes les installations nucléaires ukrainiennes à leurs opérateurs ukrainiens.  Il a relevé que le personnel qui exploite les installations nucléaires est soumis à un stress psychologique et physique.  Cela n’est pas propice à l’exploitation sûre des centrales nucléaires, a-t-il fait remarquer.  Il a indiqué que la Norvège entretient une coopération de longue date avec l’Ukraine sur la sûreté et la sécurité nucléaires, avant d’appeler de nouveau la Fédération de Russie à retirer immédiatement ses forces de l’Ukraine.  Cela rétablirait la capacité de l’Ukraine à assurer la sécurité des opérations dans les installations nucléaires, a-t-il conclu.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a insisté sur le fait que toutes les parties concernées ont la responsabilité d’assurer le respect des instruments applicables en matière de sûreté et de sécurité nucléaires, y compris la Convention sur la sûreté nucléaire, la Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs et la Convention sur la protection physique des matières nucléaires et son amendement.  Même si l’évaluation de l’AIEA selon laquelle « il n’y a pas de menace immédiate pour la sûreté nucléaire à la suite de l’incident de samedi dernier » nous soulage, a dit le représentant, nous ne pouvons pas perdre de vue le fait que les événements récents ont violé les sept piliers définis par le Directeur général de l’AIEA plus tôt cette année.  Il a souligné que l’absence de menace immédiate ne signifie pas l’absence de menace.  « Cela veut simplement dire que les parties ont encore une chance d’éviter une catastrophe. »  Ce qui rend la situation aussi alarmante, c’est précisément le fait que nous sommes pleinement conscients des conséquences catastrophiques et durables pour la santé humaine et l’environnement que tout dommage à la centrale électrique de Zaporijia entraînerait, a-t-il martelé en exhortant les parties à s’abstenir de toute mesure pouvant compromettre la sûreté et la sécurité de la centrale nucléaire.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a observé que cette réunion n’aurait pas lieu d’être sans l’invasion de l’Ukraine par la Russie.  Cette « guerre de choix » a des conséquences catastrophiques sur tous les aspects de l’activité humaine, en particulier sur le fonctionnement de la centrale nucléaire de Zaporijia, a-t-il constaté, qualifiant cette situation de « paradoxale » alors que se tient actuellement la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.  Il a fait remarquer que les agissements des forces russes dans et autour de cette installation menacent non seulement l’Ukraine mais aussi les pays voisins et l’ensemble du continent européen.  Jusqu’à ce conflit, aucune centrale nucléaire n’avait été attaquée, prise d’assaut et militarisée par une armée d’invasion, a fait valoir le représentant, accusant les forces russes de mener leur « guerre sale » de manière imprudente et brutale, quitte à provoquer un grave accident nucléaire et à exposer la population civile à des radiations ionisantes.  Dans ce contexte, une mission de l’AIEA sur place est indispensable, a-t-il plaidé, avant de réitérer son plein appui à l’Agence et de réclamer un accès sans entrave de son personnel à la centrale.  À cet égard, le délégué a condamné tout acte de violence commis à l’intérieur de l’installation, jugeant que le personnel ukrainien doit pouvoir travailler sans menace ni restriction.  Avant de conclure, il a noté que les sept piliers de sûreté et de sécurité nucléaires définis par l’AIEA ont tous été mis à mal à Zaporijia.  Il a donc appelé à des mesures concrètes pour appliquer les protocoles de sûreté de l’AIEA, arguant que l’inaction serait inadmissible. 

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a demandé de faire en sorte que l’AIEA puisse s’acquitter de son mandat de garanties et de surveillance, conformément à son statut, d’une manière efficace, non discriminatoire et efficiente.  Elle a pris note des dernières informations concernant les centrales nucléaires en Ukraine, y compris les mises à jour publiées les 9 et 10 août par l’AIEA, s’inquiétant de celles faisant état de bombardements près de l’installation de stockage de combustible usé de la centrale nucléaire de Zaporijia.  La représentante a appelé à la retenue afin de ne pas mettre en danger la sûreté et la sécurité des installations nucléaires.

Depuis le début du conflit en Ukraine, l’Inde n’a cessé de demander une cessation immédiate des hostilités et la fin de la violence, a rappelé la représentante avant d’appeler les deux parties à revenir sur la voie de la diplomatie et du dialogue.  Elle a appuyé les efforts diplomatiques visant à mettre fin au conflit.  S’agissant de l’impact du conflit sur les pays en développement, en particulier sur l’approvisionnement en céréales, en engrais et en carburant, elle a mis l’accent sur l’équité et l’accessibilité.  Elle a salué à cet égard les efforts du Secrétaire général pour permettre les exportations de céréales d’Ukraine par l’intermédiaire de l’Initiative céréalière de la mer Noire et la facilitation des exportations de engrais russes.

Mme JAYNE JEPKORIR TOROITICH (Kenya) a souligné que cette séance a lieu au moment où se déroule la dixième Conférence d’examen des parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires au Siège de l’ONU.  À cet égard, elle s’est déclarée profondément préoccupée par les informations faisant état de tirs d’obus sur la centrale nucléaire de Zaporijia en Ukraine.  Notant « avec soulagement » qu’aucun dommage n’a été causé aux réacteurs eux-mêmes, la représentante a demandé instamment aux parties de s’abstenir de toute action militaire pouvant mettre en péril la sûreté et la sécurité nucléaires en Ukraine.  Elle a également jugé essentiel que l’AIEA soit autorisée à déployer une mission d’experts sur le site dès que possible afin d’y mener des activités de vérification des garanties.  

Au-delà des dangers posés par une centrale nucléaire non sécurisée, Mme Toroitich s’est déclarée gravement préoccupée par les frappes et les bombardements incessants dans diverses parties du pays.  « Sans cessez-le-feu significatif en vue, cette guerre continue de causer d’indicibles souffrances au peuple ukrainien et menace d’ouvrir une nouvelle ère de guerres mondiales majeures », s’est-elle alarmée, en réitérant la nécessité de se concentrer sur un arrêt immédiat des hostilités et la négociation d’un règlement de paix durable qui garantisse la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine tout en tenant compte des préoccupations sécuritaires de la Fédération de Russie.

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a exprimé sa préoccupation devant la menace grave qui pèse sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires ukrainiennes.  Elle a rappelé que la centrale de Zaporijia, la plus grande d’Europe, a été saisie de force par la Fédération de Russie en mars dans le cadre de son « agression injustifiée et injustifiable contre l’Ukraine ».  Selon elle, la présence et les actions des forces armées russes à proximité de la centrale augmentent significativement le risque d’un accident aux conséquences potentiellement dévastatrices.  Pour la déléguée, la Fédération de Russie porte la responsabilité de cette situation et elle doit rendre à l’Ukraine le plein contrôle de la centrale nucléaire de Zaporijia, ainsi que de toutes les installations nucléaires d’Ukraine.  De même, elle a demandé que soit rétablie la capacité de l’AIEA à contrôler les activités nucléaires pacifiques de l’Ukraine pour assurer le respect des garanties, également compromise par les actions de la Fédération de Russie.  C’est pourquoi la représentante a souligné l’importance de faciliter une mission d’experts de l’AIEA à la centrale de Zaporijia, ainsi qu’à l’ensemble des installations nucléaires de l’Ukraine.

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a réaffirmé sans ambiguïté que toute attaque contre des installations nucléaires est inacceptable, conformément à ce qui a été établi par la Conférence générale de l’AIEA de 2009: toute attaque ou menace contre des installations nucléaires à vocation pacifique constitue une violation des principes de la Charte des Nations Unies, du droit international et du Statut de l’Agence.  Ces attaques violent aussi le droit international humanitaire, a renchéri le représentant.  Notant que la situation de la centrale de Zaporijia ces derniers jours s’inscrit dans une série d’attaques « déplorables » contre des infrastructures civiles, il a instamment demandé que l’obligation de ne pas attaquer des cibles civiles soit respectée.  Il a insisté en rappelant que le droit international, le droit international humanitaire et les conventions sur la sécurité physique nucléaire doivent être respectés, sans exception.  Faisant écho à la demande du Secrétaire général pour qu’une inspection de la centrale de Zaporijia par l’AIEA soit autorisée dès que possible, le représentant a demandé qu’on n’y mette pas d’obstacles ou de conditions.  Cette mission pourra nous fournir des informations objectives, véridiques et indépendantes sur les conditions actuelles de la centrale, a-t-il fait valoir.

Mme CAÍT MORAN (Irlande) s’est déclarée profondément préoccupée par le fort risque d’incident radiologique découlant de l’activité militaire sur le site de la centrale nucléaire de Zaporijia.  Elle a fait valoir que cette situation alarmante découle de la guerre injuste et non provoquée menée par la Russie contre l’Ukraine, avant de fustiger le mépris total des forces russes pour la sûreté et la sécurité nucléaires, comme l’atteste leur saisie et leur occupation violentes et illégales de cette installation civile ukrainienne.  Enjoignant à la Russie de respecter les sept piliers de la sûreté et de la sécurité nucléaires, tels que définis par le Directeur général de l’AIEA, y compris dans les situations de conflit armé, la représentante a rappelé qu’en parallèle de cette réunion se tient la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, qui constitue la pierre angulaire du désarmement nucléaire international et de l’architecture de non-prolifération.  « Nous exhortons la Fédération de Russie à ne pas violer ou saper les trois piliers de cet important traité, dont dépend notre sécurité collective », a-t-elle déclaré.  À ses yeux, la Russie a réclamé la tenue de cette réunion pour se défausser de ses responsabilités et détourner l’attention de ses agissements.  La déléguée a donc invité la partie russe à cesser d’utiliser le Conseil de sécurité à des fins de désinformation et à prendre au sérieux la sécurité de la centrale de Zaporijia en mettant fin à son occupation illégale du site et en retirant ses troupes et ses munitions, afin que les autorités ukrainiennes puissent y assumer leurs responsabilités, ainsi que l’a préconisé le Conseil des gouverneurs de l’AIEA dans une résolution adoptée en mars dernier.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) s’est avoué préoccupé par l’impact de l’invasion illégale russe sur la sûreté nucléaire.  Il a rappelé que le 3 mars dernier, le Conseil des gouverneurs de l’AIEA a adopté une résolution appelant la Fédération de Russie à cesser toutes les opérations contre les installations nucléaires de l’Ukraine afin que cette dernière puisse en reprendre le contrôle total.  La résolution demande aussi la reprise des missions de vérification de l’AIEA.  Or, plus de cinq mois plus tard, la Fédération de Russie contrôle toujours la centrale nucléaire de Zaporijia et l’AIEA ne peut toujours pas s’acquitter de ses tâches essentielles.  Les actions russes, a poursuivi le représentant, ont violé la quasi-totalité des sept piliers de la sûreté et de la sécurité nucléaires, mettant en danger la vie de millions de personnes.  L’invasion russe, a-t-il martelé, menace la centrale nucléaire, la population locale, la région et toute la communauté internationale.  Il est temps que les inspecteurs de l’AIEA puissent faire leur travail, que la Fédération de Russie retire immédiatement ses forces de toute l’Ukraine et que cette dernière reprenne le contrôle total de toutes ses installations nucléaires, s’est impatienté le représentant.

M. ZHANG JUN (Chine) s’est déclaré soulagé d’apprendre que l’attaque perpétrée contre la centrale nucléaire de Zaporijia n’avait pas provoqué de catastrophe, avant de souligner que son intégrité ne peut être compromise, sous peine de « conséquences pires que celles de Fukushima ».  Aussi a-t-il demandé aux deux parties de tout mettre en œuvre pour minimiser la possibilité d’un incident.  Le Directeur général de l’AIEA et ses équipes sont prêts à se rendre sur place, a-t-il rappelé.  Le représentant a espéré que les obstacles actuels seront levés dans les plus brefs délais, de sorte que la mission que le Directeur général de l’Agence se propose de mener puisse avoir lieu sans plus tarder.  Les risques sécuritaires gagnent en importance, a ajouté le délégué, et ce n’est qu’en rétablissant la paix que nous réduirons les risques nucléaires.  Aussi a-t-il demandé à toutes les parties de reprendre le dialogue pour parvenir à un dispositif sécuritaire durable qui tienne compte des préoccupations de chacun.  

Reprenant la parole, M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a constaté qu’une fois encore, aucun représentant occidental n’a appelé un chat un chat.  C’est l’armée ukrainienne, a-t-il martelé, qui a bombardé la centrale de Zaporijia.  Nous n’avons pas créé le moindre risque, a-t-il dit.  Jugeant absurde d’affirmer que les tirs de l’armée ukrainienne seraient une réponse à un risque somme toute inexistant, le représentant a dénoncé la « guerre des mensonges » menée par les pays occidentaux, lesquels se coordonnent pour rejeter sur la Fédération de Russie la responsabilité de tout ce qu’il se passe dans les zones de combat.  Pourquoi, s’est-il interrogé, ne parle-t-on plus des événements de Kramatorsk, où plus de 50 personnes ont été tuées par des tirs de missiles ukrainiens?  Le représentant a aussi évoqué le dernier rapport d’Amnesty International, une organisation qui ne peut être considérée comme pro-russe, selon lequel l’armée ukrainienne et les bataillons nationalistes utilisent la population civile comme bouclier humain et placent du matériel militaire dans les écoles et les hôpitaux.  

De fait, a renchéri le représentant, Kiev a « carte blanche » pour commettre n’importe quel crime, dans ce qui constitue « un deux poids, deux mesures criant ».  Ce faisant, a-t-il interpellé, vous montrez que vous êtes incapables de répondre aux problèmes mondiaux quand ils ne vont pas dans le sens de vos intérêts.  Il a fustigé l’irresponsabilité des responsables politiques européens qui soutiennent l’Ukraine sans protéger leur propre population.  Il est indispensable, a-t-il prévenu, de faire pression sur le régime de Kiev afin qu’il cesse ses bombardements sur Zaporijia.  La Fédération de Russie, a affirmé le représentant, n’utilise pas les infrastructures civiles à des fins militaires.  Ça, c’est la tactique de l’armée ukrainienne.  Il a averti ceux qui réclament le retrait des troupes russes de Zaporijia que ce site peut être utilisé par Kiev, avec des conséquences imprévisibles.  

Mme JENKINS (États-Unis) a repris la parole pour demander à la Fédération de Russie de mettre un terme à son contrôle de la centrale nucléaire de Zaporijia.  Elle lui a aussi demandé de la restituer au Gouvernement ukrainien.

Dans sa reprise de parole, M. KARIUKI (Royaume-Uni) a rappelé qu’il n’y aurait pas de risque pour la sûreté nucléaire s’il n’y avait pas une invasion illégale de l’Ukraine par la Fédération de Russie.  Une invasion qui a provoqué la mort d’innombrables civils et causé un incident dans une centrale nucléaire, a-t-il ajouté.

M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a estimé que « les Russes sont bien connus pour couvrir leurs plans », y compris en demandant la tenue de la présente séance du Conseil de sécurité alors que ce même pays a mis en danger les installations de Zaporijia.  Il a rappelé que la centrale de Zaporijia est occupée depuis le 4 mars et que son personnel travaille avec un « pistolet sur la tempe ».  Le représentant a assuré que les autorités ukrainiennes collaborent avec l’AIEA et qu’elles ont insisté sur l’envoi d’une mission de l’Agence sur le site.  Le délégué a regretté qu’une telle mission n’ait pas eu lieu du fait de la partie russe qui, l’a-t-il accusée, a pilonné la centrale et la ville attenante afin d’empêcher cette visite.  L’Ukraine est prête à apporter tout le soutien nécessaire à la mission, a assuré le délégué en ajoutant qu’elle doit aussi bénéficier de l’expertise de l’ONU. 

Le représentant a invité la Fédération de Russie à respecter les lois de la guerre, y compris en ce qui concerne la protection des sites nucléaires.  Il a expliqué que les 500 militaires russes présents à Zaporijia se sont mis à l’abri avant l’attaque russe du 6 août contre la centrale nucléaire, délaissant le personnel ukrainien.  Le 7 août, la Fédération de Russie a de nouveau pilonné la centrale et endommagé une ligne à haute tension, a-t-il poursuivi en accusant aussi l’armée russe d’utiliser la couverture de la centrale pour bombarder l’armée ukrainienne.  Le représentant ukrainien a ensuite fait remarquer que les actions russes à Zaporijia violent les sept piliers de la sécurité nucléaire tels qu’exposés par le Directeur de l’AIEA à la réunion des gouverneurs du 3 mars dernier.  Il a appelé la communauté internationale à maintenir sa pression sur l’agresseur et exigé la fin de l’occupation de Zaporijia.  S’adressant au Représentant permanent de la Fédération de Russie, il lui a demandé de déclarer solennellement que son pays permet l’envoi d’une mission à Zaporijia.  Il lui a aussi enjoint de démilitariser la centrale nucléaire et de la déminer.

Dans une nouvelle prise de parole, M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dit qu’il refusait de répondre à son homologue ukrainien, « le seul aujourd’hui, à l’exception même des parrains de Kiev, à affirmer que l’armée russe a pilonné la centrale nucléaire de Zaporijia, alors que c’est l’Ukraine elle-même qui la contrôle », a-t-il précisé. 

Dans ses remarques de conclusion, le Directeur général de l’AIEA, M. GROSSI, a constaté, malgré les différences d’ordre politique au sein du Conseil de sécurité, un dénominateur commun qui a marqué cette séance: tous les membres du Conseil sont d’accord sur le fait que la sûreté et la sécurité nucléaires doivent être protégées.  De plus, il a relevé que chacun d’entre eux a défendu l’idée que la mission de l’AIEA en Ukraine doit avoir lieu.  Maintenant la question est de savoir quand, a dit M.   Grossi qui s’est engagé à consulter sans tarder la Fédération de Russie, l’Ukraine et les Nations Unies pour faire en sorte que cette mission d’inspection ait lieu le plus rapidement possible.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Les exigences de la lutte contre le terrorisme examinées par les membres du Conseil de sécurité, à la lumière notamment des évolutions de Daech

9108e séance – matin
CS/14995

Les exigences de la lutte contre le terrorisme examinées par les membres du Conseil de sécurité, à la lumière notamment des évolutions de Daech

Le Chef du Bureau de lutte contre le terrorisme des Nations Unies a affirmé ce matin devant le Conseil de sécurité que, malgré sa défaite territoriale et les pertes subies par son leadership, Daech continue de représenter une menace pour la paix et la sécurité internationales, une menace qui n’a cessé de croître depuis le début de la pandémie de COVID-19.  Le Secrétaire général adjoint Vladimir Voronkov présentait le quinzième rapport du Secrétaire général sur la menace terroriste et sur l’action menée par l’ONU pour aider les États Membres à la contrer. 

Pour affiner cette lutte, le haut fonctionnaire a tout d’abord recommandé d’acquérir une meilleure compréhension et de faire un suivi continu de Daech, ce qui exige un renforcement de la coopération internationale et régionale, notamment par le partage d’informations.  Une autre manière de lutter contre ce terrorisme, a-t-il ajouté, est de résoudre les conflits dans lesquels Daech et Al-Qaida prospèrent.  De même, pour se débarrasser de ce fléau sur le long terme, il a appelé à s’attaquer aux vulnérabilités, griefs sociétaux et inégalités exploités par le groupe, sans oublier la protection des droits humains et le respect de l’état de droit. 

Selon son compte rendu, Daech et ses affiliés continuent d’exploiter les restrictions liées à la pandémie et de se servir des espaces numériques pour intensifier le recrutement et attirer des ressources.  M. Voronkov a chiffré à « entre 25 et 50 millions de dollars » les actifs que les dirigeants de Daech parviennent à mobiliser.  L’an dernier, a-t-il poursuivi, le groupe a augmenté de manière significative l’utilisation de systèmes aériens sans pilote, notamment dans le nord de l’Iraq.  Sur le plan territorial, il a expliqué que Daech se déploie non seulement en Iraq et en Syrie, à travers des « bureaux », mais aussi en Afghanistan, en Somalie et dans le bassin du lac Tchad, avec des cellules très actives.  L’Afrique, en particulier, a suscité son inquiétude et celle des membres du Conseil, car la situation s’y est encore détériorée depuis le dernier rapport du Secrétaire général.

Un autre exposé est venu éclairer le Conseil sur le risque couru par le continent africain, celui de M. Martin Ewi, chercheur à l’Institut d’études de sécurité, pour qui l’Afrique pourrait devenir « un califat ».  Il a dénombré au moins 20 pays africains ayant subi directement une activité de Daech et plus de 20 autres utilisés comme base logistique ou de collecte de fonds.  À ce jour, aucune des cinq régions géopolitiques africaines n’est épargnée, a-t-il constaté.  Si, comme il l’a précisé, le terrorisme en Afrique est plus ou moins une lutte pour les ressources naturelles, le fléau se propage aussi du fait de la frustration des populations, en particulier des jeunes, face aux injustices mondiales.  M. Ewi a aussi fustigé la « politique de l’autruche » des dirigeants africains qui n’ont jamais actionné les mécanismes d’alerte précoce.  Le chercheur a également imputé le phénomène à la pratique du « deux poids, deux mesures » de la communauté internationale.  Si celle-ci a formé la Coalition internationale contre Daech en Syrie et en Iraq, elle n’a rien fait quand le terrorisme s’est propagé en Afrique, a-t-il pointé. 

Ce même sentiment a été partagé par des membres du Conseil, à l’instar de la Chine qui a accusé certains pays de « fermer les yeux sur certaines organisations terroristes » ou de les « utiliser à des fins géopolitiques ».  Ce qui a fait dire au Ghana qu’« il n’y a pas de bons et de mauvais terroristes », avant que le Kenya n’appelle le Conseil de sécurité à rester uni et impartial en déployant sa lutte antiterroriste, y compris au sujet des régimes de sanctions imposées aux groupes terroristes.  Dans cette même lancée, l’Inde a marqué sa surprise de voir que le rapport du Secrétaire général ait choisi de ne pas tenir compte des activités de plusieurs groupes interdits dans sa région, en particulier ceux qui ont ciblé son pays à plusieurs reprises.  Faisant le même constat, la Fédération de Russie a prévenu que la coopération multilatérale et bilatérale de son pays ne se poursuivra qu’avec ceux qui ont vraiment l’intention de combattre les terroristes, et en aucun cas avec ceux qui veulent « les recycler et les parrainer ». 

« Le terrorisme n’existe pas dans le vide », a rappelé pour sa part le Directeur exécutif par intérim de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT), qui a vu dans la série actuelle de défis mondiaux un risque d’aggravation de la menace et une complication pour les réponses antiterroristes.  M. Weixiong Chen a d’ailleurs repris le constat de M. António Guterres qui voit la crise alimentaire mondiale comme un catalyseur supplémentaire à la propagation du terrorisme et de l’extrémisme violent.  M. Voronkov a, lui aussi, réitéré les appels du Secrétaire général aux États pour qu’ils rapatrient leurs ressortissants détenus dans les prisons syriennes, notamment les ex-combattants de Daech et les membres de leur famille.  Sans cela, « la radicalisation et le recrutement en milieu carcéral continueront d’alimenter les réseaux de la terreur », a prévenu le Brésil.

« C’est une crise des droits humains », a tranché la délégation des États-Unis en se disant prête à aider les États souhaitant rapatrier leurs ressortissants.  Sur le plan judiciaire, la France a estimé que tous les terroristes doivent être jugés aussi près que possible du lieu où leurs crimes ont été commis, là où les preuves de leurs actes peuvent être trouvées et où les victimes pourront recevoir réparation.  De son côté, le Mexique a salué le fait que le rapport du Secrétaire général aborde, pour la première fois, la question de la masculinité dans le phénomène terroriste.  Pour sa part, l’Irlande a encouragé le Chef de l’ONU, qui prépare un rapport sur les moyens de renforcer les droits humains et l’égalité des sexes dans les efforts du système des Nations Unies contre le terrorisme, à promouvoir une large consultation avec les États Membres, les entités du Pacte mondial des Nations Unies et la société civile.  Le système des Nations Unies a d’ailleurs été invité, par les Émirats arabes unis, à ne plus utiliser l’expression « État islamique » dans leur référence à Daech, et à empêcher l’exploitation de la religion par d’autres groupes terroristes. 

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES RÉSULTANT D’ACTES DE TERRORISME (S/2022/576)

Déclarations liminaires

M. VLADIMIR VORONKOV, Secrétaire général adjoint chargé du Bureau de lutte contre le terrorisme des Nations Unies, a présenté le quinzième rapport du Secrétaire général de l’ONU sur les menaces que représente Daech pour la paix et la sécurité internationales et sur l’action menée par l’ONU pour aider les États Membres à contrer cette menace.  Il a relevé que malgré sa défaite territoriale et les pertes subies par son leadership, Daech continue de représenter une menace pour la paix et la sécurité internationales, une menace qui n’a cessé de croître depuis le début de la pandémie de COVID-19.  En effet, a-t-il noté, Daech et ses affiliés continuent d’exploiter les restrictions liées à la pandémie et de se servir des espaces numériques pour intensifier les efforts de recrutement de sympathisants et attirer des ressources.  Le groupe a également augmenté de manière significative l’utilisation de systèmes aériens sans pilote au cours de l’année dernière, y compris dans le nord de l’Iraq.  Daech a réussi à le faire en partie en recourant à une structure interne largement décentralisée, a-t-il précisé, évoquant des « bureaux » fonctionnant non seulement en Iraq et en Syrie, mais aussi en dehors de la zone centrale du conflit, avec des cellules parmi les plus actives en Afghanistan, en Somalie et dans le bassin du lac Tchad.  Une meilleure compréhension et un suivi continu de cette structure sont indispensables pour contrer et prévenir la menace posée par Daech, a-t-il recommandé, soulignant combien est crucial à cet égard le renforcement de la coopération internationale et régionale, y compris par le biais de mécanismes de partage d’informations.

M. Voronkov a affirmé que la menace posée par Daech et ses affiliés demeure plus élevée dans les sociétés touchées par un conflit.  Ainsi, la frontière entre l’Iraq et la Syrie reste très vulnérable avec, selon les estimations, jusqu’à 10 000 combattants opérant dans la région.  À partir de là, le groupe a lancé en avril une campagne opérationnelle renforcée pour venger les hauts dirigeants tués dans des opérations antiterroristes.  Venant à l’Afghanistan, M. Voronkov a signalé que le nombre d’attentats revendiqués ou attribués à la filiale locale de Daech a diminué.  Cependant, depuis que les Taliban ont pris le contrôle du pouvoir l’an dernier, la présence du groupe s’est étendue au nord-est et à l’est du pays.

En Afrique, la situation s’est encore détériorée depuis le dernier rapport du Secrétaire général, avec l’expansion de Daech dans le centre, le sud et l’ouest du continent, a poursuivi le Secrétaire général adjoint.  Il a indiqué à cet égard qu’une filiale de Daech en Ouganda a élargi sa zone d’opérations en République démocratique du Congo (RDC), tandis qu’un autre groupe affilié, après avoir été affaibli par une action militaire l’année dernière, a intensifié ses attaques à petite échelle dans la province du Cabo Delgado, au Mozambique.  Cette expansion touche également des pays qui avaient jusqu’à récemment été largement épargnés par des attaques, tels que des pays riverains du golfe de Guinée, a-t-il précisé.  Selon le Secrétaire général adjoint, l’impact potentiel des défis liés au climat et l’insécurité alimentaire mondiale constituent une préoccupation particulière en Afrique de l’Ouest, notamment au Sahel où ces facteurs peuvent exacerber les fragilités et alimenter davantage les conflits locaux, ce qui pourrait catalyser la propagation du terrorisme et de l’extrémisme violent.  Bien que leur présence et leur activité soient observées principalement dans les sociétés touchées par les conflits, Daech et ses affiliés cherchent également à inspirer ou attaquer directement des zones non conflictuelles pour susciter la peur, a dit le haut fonctionnaire.

En Europe, Daech a appelé ses sympathisants à porter des attaques en exploitant l’assouplissement des restrictions liées à la pandémie et au conflit en Ukraine. Malgré la persistance de la menace, les efforts conjoints des États Membres continuent d’obtenir des résultats positifs, a dit M. Voronkov. Ainsi, Daech et ses affiliés continuent de souffrir d’importantes pertes de ses dirigeants, y compris la perte du chef de Daech en février. Côté financement, alors que les dirigeants de Daech parviennent toujours à mobiliser entre 25 et 50 millions de dollars d’actifs, ce montant est beaucoup moins important que les estimations d’il y a trois ans, a encore rapporté le haut fonctionnaire.

M. Voronkov a également salué le rapatriement par le Gouvernement d’Iraq de plus de 2 500 Iraquiens bloqués dans des camps et autres installations dans le nord-est de la Syrie, ainsi que les rapatriements menés par le Tadjikistan et la France le mois dernier de respectivement 146 et 51 femmes et enfants. Il s’est néanmoins dit profondément préoccupé par le peu de progrès réalisés jusqu’à présent dans le rapatriement des combattants terroristes étrangers et les membres de leur famille. Il a rappelé que des dizaines de milliers de personnes, dont plus de 27 000 enfants d’Iraq et d’une soixantaine de pays, restent soumis à d’énormes contraintes de sécurité et des difficultés humanitaires. Il a averti que ces enfants, qui n’ont pas choisi d’être là, sont privés des droits fondamentaux et courent un risque réel de radicalisation et de recrutement. Il a jugé impératif que les États Membres réalisent les conséquences sur le long terme de l’absence de mesures pour remédier à cette situation dangereuse. Enfin, M. Voronkov a affirmé que la persistance de la menace posée par Daech ainsi l’ampleur des défis qu’elle pose soulignent l’importance des mesures non militaires pour contrer le terrorisme et faire face à ses conséquences. De même, résoudre les conflits dans lesquels Daech et Al-Qaida prospèrent est nécessaire pour créer les conditions de leur défaite. Mais si nous devons nous débarrasser de ce fléau, il faut aussi s’attaquer aux vulnérabilités, griefs sociétaux et inégalités exploités par le groupe en premier lieu, ainsi que promouvoir et protéger les droits humains et l’état de droit, a-t-il conclu.

M. WEIXIONG CHEN, Directeur exécutif par intérim de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT), a rappelé que la menace posée par Daech et ses affiliés reste mondiale et toujours en évolution.  Il a prévenu que, malgré ses récentes pertes au niveau du leadership, Daech continue de profiter des conditions propices à la propagation du terrorisme pour recruter ainsi que pour organiser et exécuter des attaques complexes.  La stratégie de Daech, a-t-il précisé, se base sur l’exploitation des fragilités liées aux conflits, notamment en Iraq, en République arabe syrienne et sur tout le continent africain.  Il s’est d’ailleurs inquiété pour la situation en Afrique, notamment en Afrique de l’Ouest et du Centre et au Mozambique.  « Le terrorisme n’existe pas dans le vide », a observé le Directeur en expliquant que la série actuelle de défis mondiaux risque de compliquer les réponses antiterroristes et d’aggraver la menace posée par Daech et d’autres groupes terroristes.  Il a cité le Secrétaire général qui voit la crise alimentaire mondiale comme un catalyseur supplémentaire à la propagation du terrorisme et de l’extrémisme violent propice au terrorisme.

La DECT a continué à mettre en œuvre son mandat en soutenant les États Membres dans leur mise en œuvre des résolutions pertinentes du Conseil, a poursuivi le Directeur en se félicitant qu’elle ait pu cette année reprendre ses visites d’évaluation sur place au nom du Comité contre le terrorisme (CCT), après deux ans de formats virtuels et hybrides.  « Nous avons également continué d’analyser les questions émergentes, les tendances et les développements et avons publié plusieurs produits d’analyse et de recherche à cet égard. »  Le Directeur a ainsi cité le rapport synthétisant les consultations approfondies de la DECT avec les organisations de la société civile africaine sur les tendances et les développements clefs en rapport avec Daech en Afrique, une étude sur l’interdépendance entre les cadres antiterroristes et le droit international humanitaire, un rapport conjoint avec l’International Peace Institute (IPI) sur la relation entre les masculinités et l’extrémisme violent propice au terrorisme, et plus récemment, une étude des liens entre l’exploitation, le commerce et le trafic des ressources naturelles et le financement du terrorisme.  Le DECT, a-t-il ajouté, a également travaillé en étroite coordination et coopération avec le Bureau de lutte contre le terrorisme et d’autres partenaires clefs pour soutenir une série d’activités de renforcement des capacités, sur la base des recommandations du CCT.

Le Directeur a prévenu que le seul moyen de contrer une menace terroriste mondiale comme Daech est de renforcer le multilatéralisme, la coopération internationale et la solidarité mondiale.  Il a prôné une approche globale, coordonnée et « pan-onusienne » pour élaborer et mettre en œuvre des mesures antiterroristes efficaces, avec des stratégies et mesures « adaptées, sensibles à l’âge et au genre et conformes aux droits humains ».  La DECT, a-t-il assuré, reste déterminée à aider le Conseil, le Comité et les États Membres dans ces efforts tout en accélérant la coopération et la collaboration avec les parties prenantes.  Il a conclu son intervention en annonçant la prochaine réunion spéciale du CCT sur l’utilisation des technologies émergentes à des fins terroristes et antiterroristes, qui se tiendra du 28 au 30 octobre 2022 à New Delhi et à Mumbai, en Inde.

M. MARTIN EWI, chercheur à l’Institut d’études de sécurité (Institute for Security Studies - ISS), a expliqué pourquoi la menace posée par Daech en Afrique s’accroît de jour en jour et pourquoi le continent n’est pas seulement une plaque tournante mais pourrait devenir un califat.  La notion de califat, a-t-il dit, était traditionnellement définie en termes de contrôle d’un territoire où les partisans trouvaient une sorte de patrie.  Aujourd’hui, elle se définit de plus en plus en termes virtuels, comme l’endroit d’où les affiliés opèrent.  La présence de Daech en Afrique est préoccupante.  Au moins 20 pays africains ont subi directement une activité ou une autre de Daech et plus de 20 autres sont utilisés comme base logistique et base de collecte de fonds et autres ressources.  L’on voit, a poursuivi le chercheur, des hubs régionaux qui deviennent des couloirs d’instabilité.  Le bassin du lac Tchad est toujours la plus grande zone d’opération de Daech, le Sahel, en particulier la région du Liptako Gourma, est ingouvernable, et la Somalie reste le point chaud de la Corne de l’Afrique.  Plus au sud, l’ADF reste une menace et les affiliés de Daech ont fait de certaines régions de la République démocratique du Congo (RDC) et du Mozambique des « abattoirs humains ».  À ce jour, aucune des cinq régions géopolitiques africaines n’est épargnée, compte tenu du succès des filiales locales de Daech.

En Afrique, a encore expliqué le chercheur, le terrorisme est plus ou moins une lutte pour les ressources naturelles.  Les groupes peuvent ainsi s’autofinancer et vendre le produit de leur exploitation illicite.  Mais il ne faut pas oublier que la propagation du terrorisme est, a prévenu M. Ewi, l’illustration de la frustration des populations, en particulier des jeunes, face aux injustices mondiales.  Cette propagation résulte également de la pauvreté et du chômage mais aussi de la capacité de Daech de travailler avec d’autres groupes terroristes et criminels, en particulier Al-Qaida.

Le chercheur a également imputé le phénomène aux doubles standards de la communauté internationale.  Si elle a formé une Coalition internationale contre Daech en Syrie et en Iraq, cette même communauté internationale n’a rien fait quand le terrorisme s’est propagé en Afrique.  M. Ewi a aussi fustigé la « politique de l’autruche » des dirigeants africains qui n’ont jamais actionné les mécanismes d’alerte précoce.  Il n’a pas manqué de dénoncer, dans ce cadre, le recours aux stratégies militaristes sous-équipées et sous-financées, sans résultats concrets, à part des souffrances humaines indicibles et des violations des droits de l’homme.  En dernier lieu, M. Ewi a mis en garde contre le manque de collaboration entre les services chargés des luttes contre la criminalité organisée et contre le terrorisme, alors que les liens entre ces deux phénomènes sont établis.

Que doit faire le Conseil de sécurité?  Adopter une stratégie globale contre Daech, Al-Qaida mais aussi les groupes criminels, mobiliser des équipements et des fonds pour les nombreuses opérations de soutien à la paix en Afrique et marquer sa présence sur le terrain car c’est son absence qui encourage la non-application de ses résolutions et sanctions.  D’ailleurs, la plupart des terroristes ne savent même pas qu’ils sont frappés de sanctions.  La solution, a conclu le chercheur, se trouve aussi au niveau communautaire, là où les terroristes manipulent les gens.  Il a appelé le Conseil de sécurité à travailler plus étroitement avec l’Union africaine et les communautés économiques régionales à la création d’un centre politique de lutte contre le terrorisme, et de faire de la société civile un pont entre lui et les populations africaines. 

Déclarations

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a déclaré que Daech et d’autres organisations terroristes continuent de tirer parti des conflits, des lacunes en matière de gouvernance, des troubles politiques, des inégalités socioéconomiques et des griefs de toute nature pour s’attirer des partisans et trouver les ressources pour commettre des attaques terroristes.  La communauté internationale doit redoubler d’efforts pour faire en sorte que les populations vulnérables rejettent ces sirènes de l’extrémisme, a-t-il mis en garde.  Le représentant s’est dit d’accord avec le Secrétaire général qui, dans son rapport, souligne que la tragédie humaine résultant du califat de l’État islamique signifie aussi que des dizaines de milliers de ressortissants étrangers, principalement des femmes et des enfants, se trouvent actuellement dans des camps de déplacés, où la situation est inacceptable.  « Il s’agit d’une crise des droits humains. »  Le représentant a dès lors plaidé en faveur du rapatriement des combattants terroristes étrangers et des membres de leurs familles, ainsi qu’en faveur de leur jugement, réinsertion et réintégration selon que de besoin comme « meilleur moyen de faire en sorte qu’ils rendront des comptes pour les crimes commis ».  Il a argué que leur rapatriement empêche aussi la poursuite de la radicalisation et de l’extrémisme violent, tout comme les mouvements incontrôlés de combattants terroristes étrangers.

Aussi le délégué a-t-il exhorté les États Membres à utiliser ou à contribuer au Cadre global pour l’appui des Nations Unies au rapatriement des nationaux de pays tiers depuis la République arabe syrienne et l’Iraq, les États-Unis se tenant prêts à aider les États Membres souhaitant rapatrier leurs ressortissants.  Il a ensuite exprimé son inquiétude face à l’intensification de la menace terroriste dans différentes régions d’Afrique du fait de l’État islamique et d’Al-Qaida.  Il a jugé essentiel que la communauté internationale poursuive la lutte pour empêcher ces derniers et leurs affiliés de trouver refuge, notamment en Afghanistan, où les Taliban ont foulé aux pieds l’accord de Doha et les assurances selon lesquelles ils ne permettraient pas que les terroristes utilisent le territoire afghan pour menacer la sécurité d’autres pays.

M. ODD INGE KVALHEIM (Norvège) a plaidé en faveur d’efforts de lutte contre le terrorisme qui s’inscrivent dans une stratégie politique plus large, faisant remarquer que les recruteurs d’organisations terroristes continuent de prospérer à partir de l’instabilité politique, des inégalités économiques et des violations des droits humains.  Il a conseillé à la communauté internationale de porter une attention particulière aux conséquences de l’environnement géopolitique sur les leviers sous-jacents à la radicalisation.  Il a noté à ce propos que la guerre en Ukraine et la pandémie de COVID-19 ont des effets déstabilisateurs sur l’économie et la sécurité alimentaire mondiales, ce qui offre un terrain fertile à la propagation des discours haineux d’entités telles que l’État islamique.  Enfin, il a estimé que, pour être efficaces, les efforts de lutte contre le terrorisme des États Membres doivent être guidés par une approche préventive, une approche sensible aux causes profondes des conflits et au genre et respectueuse des droits humains. 

Mme SHERAZ GASRI (France) a déclaré que si la France reste déterminée à mener le combat contre Daech sur tous les fronts, cela « aux côtés de nos partenaires régionaux et internationaux, au sein de la Coalition contre Daech ou dans le cadre de la coalition internationale pour le Sahel », la réponse de la communauté internationale ne peut pas être uniquement sécuritaire.  Il faut, a-t-elle dit, traiter les causes profondes de l’extrémisme et du terrorisme.  En Syrie, cela passe selon elle par une solution politique crédible, viable et inclusive, conforme aux termes de la résolution 2254 (2015), et en Iraq par la stabilisation et la reconstruction.  La représentante a ensuite déploré qu’en Afghanistan, les Taliban continuent d’offrir refuge et soutien aux groupes terroristes, en particulier à Al-Qaida, trahissant ainsi les engagements qu’ils ont pris devant la communauté internationale et que ce Conseil a rappelés dans la résolution 2593 (2021), il y a presque un an.  Pour ce qui est de l’Afrique, elle a en particulier encouragé le Bureau de lutte contre le terrorisme à poursuivre ses efforts d’assistance pour renforcer les capacités des États, notamment dans la région des Grands Lacs. 

La représentante a par ailleurs rappelé les trois priorités de l’action antiterroriste menée par la France, qui sont la lutte contre le financement du terrorisme, la lutte contre l’utilisation abusive d’Internet par lequel les groupes terroristes diffusent leur propagande et le combat contre l’impunité pour les atrocités commises par Daech.  Sur le plan judiciaire, elle a plaidé pour que tous les terroristes soient jugés aussi près que possible du lieu où leurs crimes ont été commis, là où les preuves de leurs actes peuvent être trouvées et où les victimes pourront se voir accorder une réparation pour le préjudice subi.  Elle a dit que la France soutient à ce titre l’action du Fonds pour les survivants de violences sexuelles, créé par le docteur Mukwege et Mme Nadia Murad. 

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a relevé que si les groupes terroristes ont perdu du terrain dans d’autres parties du monde, ils ont en revanche fait cause commune avec des groupes locaux en Afrique, tirant profit de l’insécurité causée par les changements climatiques, y compris le déplacement de communautés entières, les tensions religieuses ou encore l’État absent dans de vastes zones.  « Leurs gains ont ainsi augmenté, leurs ambitions aussi. »  Et comme leurs réseaux sont devenus plus agiles, connectés à l’échelle mondiale, avec des leaderships et des structures opérationnelles disparates, il est devenu de plus en plus difficile de contrer ces organisations terroristes, a déploré le représentant qui a donc estimé urgent de repenser la manière dont le Conseil de sécurité perçoit la menace que fait peser le terrorisme sur la paix et la sécurité internationales.  Les opérations de maintien de l’ordre à elles seules ne sont plus efficaces, a-t-il mis en garde en évoquant, à titre illustratif, les situations en Somalie, dans le nord du Mozambique, au Sahel, dans le nord-est du Nigéria et dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).  Il a souhaité que le Conseil agisse de manière unifiée face aux organisations terroristes, sans discrimination.  « Il n’y a pas de bons et de mauvais terroristes », a-t-il argué, appelant à condamner le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations.

M. Agyeman a ensuite appelé le Conseil à étendre son soutien aux efforts de partage de renseignements intrarégionaux et interrégionaux pour contrecarrer la collaboration transfrontalière des groupes terroristes.  Il a aussi invité à soutenir les efforts régionaux comme l’Initiative d’Accra, et les efforts en cours pour déployer des forces anti-insurrectionnelles régionales contre les groupes extrémistes.  Un tel soutien devrait être basé sur l’assistance technique permettant de renforcer les capacités nationales des pays en développement, y compris dans le domaine des technologies émergentes, a-t-il plaidé.  Dans le cadre du renforcement de la lutte contre le financement du terrorisme, le délégué a appelé à de véritables partenariats avec les institutions telles que le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA).  Il a dit attendre avec impatience le rapport du Secrétaire général en octobre 2022, espérant qu’il aidera à identifier les moyens par lesquels la menace peut être traitée notamment dans le golfe de Guinée.  Il a enfin recommandé une approche multidimensionnelle et proactive de la prévention et de la lutte contre le terrorisme.  Il a ainsi évoqué l’autonomisation des jeunes, en renforçant l’éducation à la paix et en consacrant plus d’attention et d’investissement à la résolution des causes profondes du terrorisme, en particulier la gouvernance et le déficit de développement, ainsi que l’amélioration des conditions socioéconomiques des populations.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a déploré que depuis le dernier rapport, la menace posée par Daech et ses affiliés demeure grande.  Il a craint que ce groupe ne profite des fissures actuelles de l’ordre international pour s’enraciner davantage et étendre son influence partout où il pourrait trouver un terrain fertile, notamment dans les zones de conflit.  Le représentant s’est dit frappé par la capacité de la mouvance à rester active et à se renouveler, y compris par son aptitude à mobiliser de considérables sommes d’argent par le biais de réseaux criminels lui permettant de recruter et d’entretenir ses sombres objectifs.  La lutte contre le terrorisme international exige un ordre mondial apaisé, nourri par une solidarité internationale qui, bien qu’éprouvée, doit rester forte et pragmatique, a souhaité le délégué.  Il a constaté que face à cette menace globale, les pays ne sont pas outillés de manière égale pour y faire face, d’où la nécessité de renforcer les capacités et l’assistance technique aux États les plus vulnérables. 

Aujourd’hui encore, a-t-il observé, le lien entre développement et terrorisme se pose avec beaucoup d’acuité, en particulier dans les États fragiles.  Il a relevé que tous ces manquements créent un environnement propice à l’émergence de réseaux terroristes.  Une lutte efficace contre le terrorisme exige donc une approche holistique et un traitement approprié des défis socioéconomiques auxquels les États affectés sont confrontés, en accordant une attention toute particulière aux questions de justice sociale et à l’amélioration des conditions de vie des populations, a plaidé le représentant.  Une telle approche exige selon lui une solidarité internationale renforcée.  En outre, il a appelé à renforcer la lutte contre les trafics transnationaux qui financent le terrorisme.  Le représentant a aussi parlé de la problématique des retours et relocalisations des combattants étrangers, qui apparaissent comme un nouveau risque terroriste et un réel sujet d’inquiétude en Afrique.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a notamment estimé préoccupante, à la lumière du rapport du Secrétaire général, la situation des combattants terroristes étrangers et des membres de leur famille détenus dans des camps en République arabe syrienne.  Il a souligné que ces conditions de détention entravent les efforts de déradicalisation.  C’est pourquoi, il a jugé nécessaire, pour que les stratégies de lutte contre le terrorisme soient un succès, d’améliorer les conditions de détention des ex-combattants de l’EIIL et de leurs familles, faute de quoi la radicalisation et le recrutement en milieu carcéral continueront d’alimenter les « réseaux de la terreur ».  Les actions antiterroristes, a-t-il poursuivi, doivent s’attaquer conjointement aux problèmes sociaux, humanitaires et de sécurité.  À cet égard, il a salué le fait que la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies fournisse aux États des orientations importantes en ce sens. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a souligné la nécessité pour la Coalition mondiale contre Daech de maintenir la pression sur le groupe terroriste et d’assurer sa défaite durable, tout en invitant à rester conscient que la menace terroriste va au-delà de Daech.  Le combat contre Al-Qaida reste une priorité mondiale, a-t-il estimé en soulignant l’importance, au moment où l’organisation entre dans un vide de leadership après la mort d’Aiman Al-Zawahiri, que la communauté internationale maintienne son élan dans ce combat.  Le représentant a souligné à cet égard le potentiel de la technologie pour contribuer aux efforts de prévention et de lutte contre le terrorisme, tout en prévenant qu’elle peut être une arme à double tranchant.  Concrètement, il a appelé à prendre des mesures sérieuses pour lutter contre l’acquisition de drones et de leurs composants par des groupes terroristes, notamment Daech, les Chabab et les houthistes.  Il faut, a-t-il ajouté, identifier et combler les lacunes du cadre international pertinent tout en gardant à l’esprit le rôle essentiel que jouent les systèmes autonomes et télécommandés dans les efforts de lutte contre le terrorisme.

Le délégué a également dénoncé le fait que les groupes terroristes exploitent l’islam pour justifier leurs actes de violence et de haine, en prenant « des appellations islamiques autoproclamées ».  « Nous ne devons pas permettre à Daech et à d’autres groupes de détourner une religion de tolérance ni donner du crédit à leurs prétentions », a-t-il dit en répétant qu’« il n’y a rien d’islamique dans le terrorisme ».  Par conséquent, il a demandé aux États Membres et au système des Nations Unies de mettre fin à l’utilisation du terme « État islamique », dans leur référence à Daech, et d’empêcher l’exploitation de la religion par d’autres groupes terroristes.  Le représentant a également jugé urgent que le Conseil de sécurité se concentre sur la prévention de l’émergence de la prochaine génération de terroristes et d’extrémistes en citant l’exemple du camp de Hol, où plus de 25 000 enfants sont potentiellement à risque de radicalisation.  Il a espéré des efforts sincères pour donner à ces enfants l’espoir d’un avenir plus paisible et prospère.  En dernier lieu, le représentant a estimé essentiel que ce Conseil utilise tous les instruments à sa disposition pour combler les lacunes et surmonter les défis émergents dans l’architecture antiterroriste actuelle, ce qui passe par l’examen de mesures pratiques contre tous les individus, groupes ou entités impliqués ou associés à des activités terroristes.

Mme ALICE JACOBS (Royaume-Uni) a déclaré que les événements récents en Afghanistan ont démontré les défis sécuritaires très réels auxquels nous sommes confrontés.  Et malgré sa défaite territoriale et les récentes opérations réussies contre ses dirigeants, Daech reste une menace sérieuse en Iraq et en Syrie, son « cœur stratégique », a-t-elle dit, soulignant l’importance permanente de la Coalition internationale contre Daech.  Le Royaume-Uni, a indiqué la représentante, accueille la cellule de communication de la Coalition internationale contre Daech et soutient l’UNITAD, l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes.  Cette organisation terroriste est opportuniste et continuera à tirer parti des griefs préexistants et à cibler les personnes les plus susceptibles de rejoindre sa cause, a-t-elle prédit en énumérant les jeunes, les marginaux et les personnes privées de leurs droits.  Elle a donc demandé des efforts pour renforcer la résilience des communautés, en partenariat avec la société civile, contre la propagande, tout en veillant à protéger et à promouvoir les droits humains, les libertés fondamentales et l’état de droit en adoptant une approche sensible à la dimension de genre.

M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a constaté que Daech a montré sa capacité à s’adapter et à rester résilient malgré les campagnes militaires en cours et autres stratégies visant à affaiblir les capacités opérationnelles de son noyau, de ses affiliés et de ses réseaux mondiaux.  Il a déploré que Daech répande ainsi sa violence à travers le monde, en particulier sur le continent africain.  Au Sahel, dans certaines parties de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale, le groupe cherche à exploiter les structures de gouvernance faibles et les conflits pour étendre les territoires sous son contrôle, menaçant ainsi la sécurité de la région, a-t-il relevé.  Il a aussi parlé de la Corne de l’Afrique où le groupe terroriste des Chabab, affilié à Al-Qaida et basé en Somalie, reste dominant.  De ce fait, plusieurs pays dont le Kenya ont subi ses atrocités, a témoigné le représentant en citant notamment la récente attaque perpétrée dans le sud-est de l’Éthiopie, qui montre une volonté de répandre une dangereuse idéologie au-delà des frontières.

Pour contrer la menace posée par Daech, le représentant a suggéré de multiplier les initiatives de renforcement des capacités et de collaboration pour remédier aux conditions propices à la montée du terrorisme et de l’extrémisme violent.  La priorité à cet égard devrait être de renforcer les institutions de l’État, y compris sur la gestion des frontières et l’application de la loi, a-t-il suggéré.  Il a ensuite préconisé l’intégration des groupes vulnérables et des victimes du terrorisme dans la lutte contre ce fléau, afin d’améliorer l’efficacité des outils de réintégration.  M. Kiboino a également souligné la nécessité de renforcer les partenariats antiterroristes et la collaboration entre les bureaux régionaux de lutte contre le terrorisme.  Cette coopération, selon son avis, pourrait notamment être renforcée entre les États de la région pour déployer des stratégies visant à perturber et à combattre les trafics illicites transfrontaliers et les flux financiers, qui sont exploités par des groupes terroristes pour générer des revenus.  Enfin, le délégué a appelé le Conseil de sécurité à rester uni et impartial en déployant sa lutte antiterroriste, y compris les régimes de sanctions pour tous les groupes terroristes, en évitant le « deux poids, deux mesures ».

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a prévenu que la coopération multilatérale et bilatérale de son pays ne se poursuivra qu’avec ceux qui ont vraiment l’intention de combattre les terroristes, et en aucun cas avec ceux qui veulent les recycler et les parrainer.  Le temps est venu, a-t-il estimé, d’éliminer les foyers du terrorisme en Syrie par le retrait des troupes d’occupation américaines.  Le représentant a aussi prévenu qu’en Ukraine, des groupes terroristes s’approvisionnent en armes fournies par les pays occidentaux.  Il a également conseillé de réfléchir à la question des « loups solitaires » en Europe, après ce que l’on a vu en Syrie, en Iraq, en Libye et en Afghanistan.  Dans ces pays, a-t-il accusé, les États-Unis et leurs alliés ont aidé des forces d’opposition qui se sont rapidement transformées en groupes terroristes ou ont commencé à nouer des liens avec les terroristes. 

Le représentant s’est ensuite attardé sur le bataillon Azov, empêché en 2015 et en 2018 de recevoir une formation financée par le budget américain.  Or, après l’opération militaire spéciale en Ukraine, ce bataillon a été soudainement présenté comme « les héros de Marioupol », ce qui prouve, une nouvelle fois, que le Gouvernement américain ne perd jamais de vue ses objectifs et ses intérêts géopolitiques, même dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent.  Pour nous, a dit le représentant, le bataillon Azov est un groupe terroriste que l’Ukraine n’a pas hésité à sauver, en bombardant la prison d’Olevnika où certains des membres du groupe étaient détenus.

S’attardant aussi sur le succès américain que serait l’élimination du chef d’Al-Qaida, Aiman Al-Zawahiri, « si elle est confirmée », le représentant a estimé que l’on peut dès lors douter de l’Administration américaine qui affirmait, il y a un an, que son armée avait quitté l’Afghanistan, après être venue à bout du terrorisme.  L’on voit bien aujourd’hui que la situation humanitaire, après 20 ans de présence des États-Unis et de l’ONU, reste catastrophique et que les attaques terroristes de Daech se multiplient, a conclu le représentant. 

Pour Mme CAÍT MORAN (Irlande), l’une des clefs de la lutte contre la menace terroriste consiste à s’attaquer à ses moteurs complexes, variés et spécifiques, comme l’insécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest, en particulier au Sahel.  Il faut donc des approches globales et sociétales qui traitent des griefs contribuant à la radicalisation.  En la matière, le respect des droits de l’homme et de l’état de droit sont des éléments essentiels.  Or trop souvent, les mesures antiterroristes servent à réprimer les droits et les libertés, alors que l’établissement des responsabilités pour les crimes terroristes tarde à venir.  La représentante a salué la Conférence de Malaga, première conférence internationale consacrée à la société civile et aux droits de l’homme dans la lutte contre le terrorisme.  Elle a dit attendre la mise en pratique des nombreuses propositions faites, dont celles de la société civile.  Elle a encouragé le Secrétaire général, qui prépare un rapport sur les moyens de renforcer les droits de l’homme et l’égalité des sexes dans les efforts du système des Nations Unies contre le terrorisme, à promouvoir une large consultation avec les États Membres, les entités du Pacte mondial des Nations Unies et la société civile.  Nous voulons, a conclu la représentante, des preuves plus cohérentes et plus complètes sur la façon dont les aspects des droits de l’homme et du genre sont intégrés dans le travail de l’ONU contre le terrorisme.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a noté que la menace que représentent Daech et ses affiliés continue de s’accentuer, notamment en Afrique, en Afghanistan, en Iraq et en Syrie, où ils demeurent capables d’organiser des attaques complexes.  Face au risque de radicalisation dans les prisons, les camps et les centres de détention, a-t-elle encore noté, nous devons nous inspirer les uns des autres pour échanger les pratiques optimales afin de gérer le rapatriement de ces ressortissants de manière efficace.  C’est dans cet esprit que l’Allemagne et des pays des Balkans occidentaux ont abordé ce problème, l’Albanie ayant déjà rapatrié des milliers de femmes et d’enfants en provenance de Syrie et d’Iraq, a précisé la représentante.  Elle a ensuite encouragé à œuvrer davantage à la prévention du terrorisme, pour empêcher Daech et ses affiliés de continuer à exploiter les conflits, les problèmes de gouvernance, les troubles politiques et les inégalités socioéconomiques pour renforcer ses rangs. 

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) s’est dite désagréablement surprise que le rapport du Secrétaire général ait choisi de ne pas tenir compte des activités de plusieurs groupes interdits dans sa région, en particulier ceux qui ont ciblé son pays à plusieurs reprises.  Elle a espéré que les futurs rapports recueilleront les contributions de tous les États Membres, lesquels, a-t-elle insisté, doivent être traités sur un pied d’égalité.  Elle a ensuite évoqué les priorités de son pays en matière de lutte contre le terrorisme, notant en particulier qu’en tant que présidente du Comité contre le terrorisme, l’Inde tiendra au mois d’octobre, à Mumbai et New Delhi, un séminaire de haut niveau sur les défis posés aux États par l’utilisation croissante d’Internet et des réseaux sociaux pour y diffuser une propagande terroriste et extrémiste violente.  Après avoir souligné qu’il faut à tout prix éviter de justifier les agissements d’organisations terroristes, la représentante a estimé que la politisation accrue du Conseil de sécurité empêche l’inscription d’autres individus et organisations terroristes notoires sur les listes des sanctions.  En matière de lutte collective contre le terrorisme international, le Conseil de sécurité doit parler d’une seule voix, en se basant sur les preuves incontestables dont il dispose.  Enfin, la représentante a réitéré les appels de son pays à un financement adéquat du Bureau de lutte contre le terrorisme, par le budget ordinaire de l’ONU. 

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a rappelé que selon l’édition 2022 de l’Indice mondial du terrorisme, le nombre des victimes au Sahel a décuplé depuis 2007, la région étant devenue le nouvel épicentre de ce fléau.  En 2021, l’Afrique subsaharienne a enregistré 48% du nombre total des victimes du terrorisme et ces chiffres extrêmement préoccupants mettent en lumière la nécessité urgente de prendre des mesures cohérentes fondées sur le droit international, en particulier le droit international humanitaire, pour venir à bout de ce phénomène.  Le représentant a dénoncé les abus comme l’invocation de l’Article 51 de la Charte des Nations Unies sur le droit de légitime défense dans la lutte contre les terroristes.  Il a aussi mis en garde contre le risque que l’Afghanistan ne devienne une plateforme ou un « refuge » pour les groupes terroristes.  Il a prôné une approche préventive qui mette l’accent sur la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Il a aussi salué le fait que le rapport du Secrétaire général aborde, pour la première fois, la question de la masculinité dans le phénomène terroriste.

Commentant le rapport du Secrétaire général, M. ZHANG JUN (Chine) a fait quelques recommandations sur la marche à suivre et d’abord traiter des symptômes et des causes profondes du terrorisme et actionner les moyens judiciaires et politiques de manière intégrée.  Il faut aussi renforcer la coopération internationale pour empêcher les organisations terroristes et lutter contre la manipulation d’Internet et le financement du terrorisme.  Les pays, a poursuivi le représentant, doivent échanger leur expérience sur le lien entre terrorisme et criminalité transnationale organisée et renforcer la coopération judiciaire.  Ils ne doivent pas oublier de réfléchir à des solutions pour le rapatriement rapide des combattants terroristes étrangers.  De manière générale, l’éducation et l’emploi resteront déterminants pour protéger les jeunes des griffes du terrorisme et de l’extrémisme violent. 

Le représentant a plaidé pour le renforcement des capacités des pays africains, en parlant des pouvoirs judiciaires et législatifs, des forces de l’ordre et des mécanismes de prévention.  Face à Daech, ces pays africains doivent pouvoir ajuster leurs plans militaires et renforcer la communication et la coordination.  La lutte contre le terrorisme, a ajouté le représentant, doit être débarrassée des considérations géopolitiques et idéologiques.  Tous les pays sont tenus de faire respecter les sanctions que le Conseil doit imposer, sans sélectivité aucune.  Fermer les yeux sur certaines organisations terroristes ou les utiliser à des fins géopolitiques nuit gravement à l’efficacité de la coopération internationale, a insisté le représentant.  S’agissant de l’Afghanistan, qui vit les conséquences du retrait soudain des forces étrangères, la lutte contre Daech doit se poursuivre, dans le respect des principes de souveraineté et d’intégrité territoriale, a-t-il insisté.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité débat des solutions à court et à long terme pour pérenniser la paix en Afrique

9106e séance - matin & après-midi*
CS/14993

Le Conseil de sécurité débat des solutions à court et à long terme pour pérenniser la paix en Afrique

Le Conseil de sécurité s’est penché, hier et aujourd’hui, sur le renforcement des capacités pour pérenniser la paix en Afrique.  Le thème de ce débat public organisé par la Chine, qui préside les travaux du Conseil au mois d’août, a été exposé dans ses grandes lignes par des représentants de l’Union africaine (UA), du Secrétaire général de l’ONU et de la Commission de consolidation de la paix (CCP).  Les urgences de l’actualité, marquée par le conflit en Ukraine et la donne sécuritaire en Afrique, ont ensuite été au centre des échanges entre pays.  

M. Bankole Adeoye, Commissaire de l’Union africaine aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité, a ouvert la discussion en jugeant essentiel que l’UA et le Conseil de sécurité travaillent main dans la main à la mise en œuvre de deux dispositifs complémentaires de paix et de développement, « Faire taire les armes en Afrique » et l’Agenda 2063 de l’Union africaine.  Rappelant le lien entre bonne gouvernance, développement, paix et sécurité en Afrique, M. Adeoye a recommandé que l’UA et l’ONU s’attachent à renforcer la coordination de leurs capacités « au lieu d’alimenter une concurrence qui les empêche d’être pleinement efficaces sur le terrain ».  « Nos expériences communes en matière de maintien de la paix ont montré que nous sommes plus forts ensemble », a-t-il insisté.  

La question du financement du renforcement des capacités a été au cœur du débat.  Sur ce point, M. Adeoye a jugé vital que le financement des opérations de maintien de la paix en Afrique cesse d’être le parent pauvre de l’effort de paix onusien.  La Secrétaire générale adjointe et Conseillère spéciale du Secrétaire général pour l’Afrique, Mme Cristina Duarte, a, quant à elle, plaidé pour le financement durable de services publics, notamment en luttant contre les flux financiers illicites.  Selon elle, freiner ces flux provoquerait l’accroissement du volume l’aide publique au développement (APD) et des investissements étrangers directs, dont la mobilisation des revenus reste un moyen sûr de s’attaquer aux causes profondes du délitement social et de la violence qui en découle.  Pour les pays, il faut arriver à une position africaine unique sur le Fonds pour la consolidation de la paix, qu’ils se sont engagés à abonder.  À cet égard, l’Union européenne (UE) a rappelé que ses États membres le financent à hauteur de 60%.  

M. Muhammad Abdul Muhith, Président de la CCP, a évoqué les actions de la Commission dans les pays à son ordre du jour.  « En République centrafricaine, la Commission a mobilisé des ressources pour y améliorer le fonctionnement de la Cour pénale spéciale du pays et de la Commission vérité, justice, réconciliation et réparation. »  Au Libéria, a-t-il ajouté, le Président de la formation relative à ce pays s’est récemment rendu sur place, où il a relevé les efforts déployés au sein des partis politiques pour y assurer une représentation accrue des femmes et une participation plus importante de celles-ci aux élections.  Concernant le Burundi, M. Muhith a indiqué que la Banque d’investissement pour la jeunesse finance l’activité de près de 2 000 jeunes entrepreneurs et coopératives.  

L’actualité n’a pas manqué de s’inviter dans les interventions de la quarantaine de pays ayant pris la parole après avoir entendu les exposés.  La Chine et la Fédération de Russie ont ainsi défendu leurs doctrines en matière d’aide à la paix, tandis que la France et les États-Unis ont averti des conséquences néfastes pour l’Afrique tout entière des agissements du groupe Wagner et de la crise en Ukraine.

Attachée aux principes de souveraineté, la Chine a souligné l’importance de respecter les voies de développement choisies par les peuples et les gouvernements africains, ce qui signifie que l’aide au développement doit y parvenir sans conditions et en aidant les gouvernements à jouer un rôle de chef de file « sans ingérences dans les affaires intérieures ».  La Russie n’a pas dit autre chose, son représentant appuyant en outre les propos de son homologue chinois demandant la levée d’embargos sur les armes imposés par le Conseil au Soudan, au Soudan du Sud et à la République démocratique du Congo: ces sanctions, a dit M. Vassily A.  Nebenzia, empêchent les forces de sécurité nationale de ces pays de stabiliser efficacement leur propre État.  

Le représentant russe a par ailleurs répondu à la France, qui, dans sa déclaration, s’était engagée à continuer d’appuyer des forces de sécurité « exemplaires, capables d’assurer la sécurité sur leur territoire, respectueuses de l’ordre constitutionnel et des droits de l’homme », cela « pour éviter que les pays les plus vulnérables soient à la merci de mercenaires, comme le groupe Wagner, qui multiplient les exactions et pillent leurs ressources ».  « La Russie contribue au renforcement des capacités de paix et de sécurité en Afrique sans rien n’imposer ni donner de leçon à personne! » a martelé M. Nebenzia, qui a affirmé que les États africains ont le droit de choisir leurs partenaires.  

De leur côté, les États-Unis ont attiré l’attention sur un péril particulier qui menace la sécurité alimentaire du continent: « l’agression » de la Russie contre l’Ukraine.  Mme Linda Thomas-Greenfield a en effet déclaré que ce conflit « ne fait qu’aggraver une période déjà tumultueuse marquée par les flambées des prix de l’énergie, la crise climatique et les conflits, et qui aboutit à une augmentation spectaculaire de l’insécurité alimentaire menaçant plus 200 millions d’Africains ».  Elle a assuré que son pays, en partenariat avec les gouvernements et les organisations régionales, fait tout pour résoudre cette crise tout en renforçant les capacités à long terme de l’Afrique de répondre aux défis mondiaux.  

Sur cette même question, la Norvège a jugé que si l’Initiative céréalière de la mer Noire pourrait garantir à court terme que céréales, engrais et autres produits alimentaires soient disponibles à des prix raisonnables, la solution à long terme réside dans la hausse de la production alimentaire durable, cela « parce que l’Afrique a le potentiel pour devenir le grenier à blé du monde ».  L’Ukraine est intervenue pour assurer le Conseil qu’elle demeure déterminée à contribuer à la résolution de la crise alimentaire en faisant son possible pour que l’Initiative soit un succès.  À ce stade, et en dépit du bombardement du port d’Odessa le lendemain de la signature de l’Initiative à Istanbul, 10 navires ont déjà quitté les ports ukrainiens, a ainsi indiqué le représentant ukrainien.  Il a ajouté qu’il incombe désormais aux partenaires internationaux de veiller au respect, par la Russie, de ses obligations au titre du maintien et de la sécurisation du « corridor céréalier ».

* La 9106e réunion a été commencée, puis suspendue, le 8 août, avant de reprendre et de se terminer le 9 août.

PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE

Renforcer les capacités pour pérenniser la paix (S/2022/592)

Déclarations liminaires

M. BANKOLE ADEOYE, Commissaire de l’Union africaine aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité, a souligné le rôle essentiel du renforcement des capacités de développement dans la construction de sociétés sortant d’un conflit et les relations entre une gouvernance efficace, la paix, la sécurité et le développement.  Il a également assuré que l’Union africaine (UA) s’efforce de tirer les leçons des situations de conflit dans lesquelles certains de ses États membres ont sombré en raison de l’absence d’état de droit et de faibles perspectives socioéconomiques.  Sur ce dernier point, il a relevé que les jeunes désœuvrés en particulier sont tentés par l’extrémisme violent et font le choix du séparatisme, alimentant ainsi la fragilité du tissu social et les conflits.  M. Adeoye a ensuite jugé important, en vue d’améliorer les liens entre l’application de l’architecture africaine de gouvernance et celle de la gouvernance et du maintien de la paix de l’ONU, de renforcer les partenariats entre cette dernière et l’UA.  À cet égard, il a jugé important que les deux organisations travaillent main dans la main à la mise en œuvre de deux dispositifs clefs et complémentaires, le programme « Faire taire les armes en Afrique » et l’Agenda 2063 de l’UA. 

Revenant aux efforts de l’UA en matière de paix et de sécurité, il a indiqué que les États membres de l’Union travaillent à la poursuite de l’opérationnalisation de la Force africaine prépositionnée et tâchent de renforcer l’appui aux capacités de prévention et de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent dans les régions confrontées à ces fléaux, comme la Corne de l’Afrique, le Sahel ou le bassin du lac Tchad.  Le représentant a également indiqué que son organisation améliore ses politiques de reconstruction et de développement après un conflit en veillant à ce qu’elles soient adaptées à l’environnement sécuritaire changeant du continent.  Pour ce qui est du lien entre la gouvernance, le développement, la paix et le déficit de sécurité, M. Adeoye a recommandé que l’UA et l’ONU renforcent la coordination de leurs capacités au lieu d’alimenter une concurrence qui les empêche d’être pleinement efficaces sur le terrain.  Nos expériences communes en matière de maintien de la paix ont montré que nous sommes plus forts ensemble, a-t-il ainsi dit, ajoutant qu’il est vital que le financement des opérations de maintien de la paix en Afrique cesse d’être le parent pauvre de l’effort de paix onusien.  Enfin, aux membres du Conseil, il a demandé que le partenariat conjoint ONU-UA ne soit plus l’objet de tensions politiques qui entravent également son efficacité.  Développer des systèmes structurés pour tirer parti des capacités et renforcer notre complémentarité est essentiel tant en termes de paix et de sécurité que de gouvernance et de développement, a conclu M. Adeoye. 

La Secrétaire générale adjointe et Conseillère spéciale du Secrétaire général pour l’Afrique, Mme CRISTINA DUARTE, a relevé que le renforcement des capacités a un impact direct et fondamental sur la réalisation d’une paix durable.  Selon elle, cette réunion offre l’occasion d’évaluer comment les facteurs internes d’insécurité en Afrique, tels que la gouvernance et la maîtrise des flux économiques, la pauvreté endémique, les inégalités, la marginalisation et le respect des droits humains, interagissent avec des facteurs externes tels que la concurrence pour les ressources naturelles, la criminalité transnationale et la prolifération des armes illicites.  De ce point de vue, même si les facteurs internes ne sont pas au centre de l’attention du Conseil, il est important, a-t-elle argué, de les prendre en compte lors de l’évaluation de la manière de prévenir et d’atténuer les facteurs externes.  Elle a évoqué une étude menée par son bureau, laquelle a permis d’établir le rapport 2021 du Secrétaire général sur la promotion d’une paix durable et du développement durable en Afrique.  Le rapport identifie quatre façons dont la prestation de services publics peut devenir un déclencheur de conflits et d’instabilité.  Dans ce contexte, elle a relevé que l’exclusion peut agir comme déclencheur, même si le service n’est pas directement fourni par l’État.  Un exemple est l’accès à l’éducation en Afrique pendant la pandémie de COVID-19.  La fourniture de ce service public a donné lieu à l’exclusion de millions d’enfants par manque d’accès à l’électricité ou aux outils technologiques.  La Conseillère spéciale pour l’Afrique a expliqué que la COVID-19 a encore réduit un espace budgétaire déjà limité dans les pays africains, ce qui a parfois conduit à déprioriser certains services publics afin d’avoir la capacité budgétaire de répondre à la pandémie.  « Une décision nécessaire, mais qui peut avoir des conséquences imprévues et non souhaitées à moyen terme », a-t-elle estimé.

Ces conséquences potentielles, ces risques, a-t-elle poursuivi, sont liés au deuxième facteur: des processus de planification et de budgétisation non transparents ou non inclusifs.  Le manque de capacité des pays africains à mener des processus de planification risque de créer une exclusion indésirable ou même de fausses perceptions d’exclusion, a-t-elle affirmé.  Le troisième facteur évoqué par Mme Duarte est la corruption.  Elle a indiqué que la corruption ne se contente pas de détourner des fonds qui devraient être utilisés pour la prestation de services, c’est également un facteur de délégitimation de l’État.  Et la corruption n’est pas seulement une question éthique ou juridique, c’est globalement le résultat de l’absence de l’État et du manque de capacités, a-t-elle pointé.  À ces trois facteurs s’ajoute un quatrième qui est l’absence de l’État auquel se substituent des acteurs non étatiques, y compris des groupes criminels et terroristes, comme l’illustre le cas des Chabab en Somalie.

Pour renforcer les capacités en Afrique, la Secrétaire générale adjointe a demandé de bâtir des institutions et développer des capacités pour la prestation de services publics, en veillant à mettre à disposition un financement durable.  Et ce dernier ne peut être atteint que grâce à la mobilisation des ressources nationales solides, y compris en luttant contre les flux financiers illicites.  Elle a expliqué que les freiner générerait le même montant de revenus que l’aide publique au développement (APD) et les investissements étrangers directs réunis.  Comme solutions, Mme Duarte a dit qu’il est essentiel d’investir dans l’infrastructure institutionnelle afin de renforcer les capacités pour faire face aux causes internes de la violence.  De même, la coopération technique visant à créer des capacités politiques et institutionnelles doit être une priorité dans tous les domaines.  Elle a constaté que dans de nombreux pays, les missions de maintien de la paix atteignent des zones où l’État est absent.  Dans ce contexte, une coopération renforcée avec les autorités nationales et locales, non seulement du point de vue sécuritaire mais aussi des perspectives de renforcement des institutions, pourrait créer des opportunités pour accroître la présence de l’État et améliorer la prestation de services.  Dans ce contexte, les programmes d’alimentation scolaire sont un exemple de service public doté d’un grand potentiel pour maintenir la paix et promouvoir la stabilité à long terme.  À cet égard, le Bureau de la Conseillère spéciale pour l’Afrique a lancé l’initiative « Un stylo pour un fusil ».  Celle-ci encourage le rôle des repas scolaires dans la promotion de la cohésion sociale et de la paix sur le continent et cherche à renforcer les capacités des pays africains à assurer la paix et la sécurité par le développement.

M. MUHAMMAD ABDUL MUHITH (Bangladesh), Président de la Commission de consolidation de la paix des Nations Unies, a constaté que des pays africains sont de plus en plus intéressés à collaborer avec la Commission pour élargir et renforcer leurs capacités de consolidation de la paix et de maintien de la paix.  Il a fait part des engagements pris par la Commission de consolidation de la paix en Afrique dans le domaine du renforcement des capacités, notamment en République centrafricaine où, lors d’une réunion sur l’État de droit et les mécanismes de justice transitionnelle en avril de cette année avec le Ministre de la justice, la Commission a mobilisé des ressources et abordé l’impact des contraintes budgétaires pour la Cour pénale spéciale du pays et la Commission vérité, justice, réconciliation et réparation.  Au Libéria, le Président de la formation relative à ce pays s’est récemment rendu sur place, y notant les efforts déployés au sein des partis politiques pour assurer une représentation accrue des femmes à la tête des partis et une participation plus importante de leur part aux élections, ainsi que le rôle joué par les réfugiées dans le renforcement de la cohésion sociale au niveau communautaire. 

Au Burundi, a poursuivi M. Muhith, le Directeur général de la Banque d’investissement pour la jeunesse, créée en 2020, a informé la Commission des efforts déployés par la Banque pour financer les jeunes entrepreneurs et les coopératives appartenant à plus de 1 800 jeunes membres.  La Commission a également entendu plusieurs jeunes entrepreneurs qui ont souligné à quel point le soutien au renforcement des capacités avait été transformateur dans leur vie.  Quant au Secrétaire exécutif de la Commission du bassin du lac Tchad, il a informé la Commission de consolidation de la paix en avril des structures de coordination et de gestion nouvellement créées et de la mise en place de partenariats verticaux et horizontaux, y compris avec une plateforme de la société civile et un groupe de travail composé de partenaires chargés de la mise en œuvre. 

Sur la base de ces engagements pris par la Commission de consolidation de la paix en Afrique, M. Muhith a observé qu’il est essentiel de soutenir les efforts menés et dirigés par le pays pour mettre en place des institutions efficaces, responsables, inclusives et réactives aux niveaux national et local pour réduire la vulnérabilité, protéger et autonomiser les citoyens.  À cet égard, la Commission continuera d’encourager les partenariats avec les institutions financières internationales qui ont mobilisé des ressources, de l’expertise et des capacités pour aider à mettre en place des institutions nationales et locales dans les pays touchés par un conflit.  Deuxièmement, il importe de veiller à ce que les femmes, les jeunes et les personnes en situation de vulnérabilité soient associés aux efforts visant à renforcer les capacités aux niveaux local, national et régional.  Troisièmement, la Commission de consolidation de la paix promeut le rôle des coopérations Sud-Sud et triangulaire pour relever les défis communs à la consolidation de la paix et faire progresser les objectifs à long terme de relèvement économique et de développement durable en Afrique, a poursuivi le Président.  Et quatrièmement, le Président de la Commission a appelé à un financement adéquat, prévisible et durable de la consolidation de la paix, se disant favorable à la confluence de diverses sources de financement vers des objectifs communs. 

Déclarations

M. ZHANG JUN (Chine) a évoqué les « magnifiques civilisations africaines », les « souffrances de la traite des esclaves et du colonialisme » et les « ingérences étrangères » que ce continent a endurées.  Face à un « ordre économique mondial injuste et de nombreuses crises », les pays du continent ont toujours été victimes de dommages culturels et même de conflits en dehors de leur région alors que les acquis de développement ont été balayés et les processus de paix interrompus dans certains pays africains.  Il a donc appelé le Conseil de sécurité à se poser des questions pour aider l’Afrique à parvenir à une paix durable.  Pour aider l’Afrique à parvenir à une stabilité à long terme, il est impératif de bâtir un socle solide sur le continent pour renforcer ses capacités de développement et sa résilience aux chocs externes, a argué le représentant, et pour cela, les gouvernements et les peuples africains sont les acteurs les plus importants.  Il faut notamment aider les pays africains à renforcer leurs capacités de gouvernance.  Le succès de nombreux pays africains démontre clairement ce point, a-t-il estimé, en citant notamment le Kenya, le Burundi, l’Ouganda, le Sénégal, le Cameroun, le Rwanda et d’autres qui se sont rapidement remis de la pandémie en faisant preuve de leadership.  Il faut en outre respecter les voies de développement choisies par les peuples et les gouvernements africains, ce qui signifie que l’aide au développement doit y parvenir sans conditions et en aidant les gouvernements à jouer un rôle de chef de file sans ingérences dans les affaires intérieures.  Pour les pays en situation de postconflit, il faut aider les nouveaux gouvernements à s’imposer le plus vite possible et à progresser ensuite au lieu de formuler des critiques sans fin et faire pression par le moyen de sanctions et autres, a argué le représentant.  

Il faut en outre permettre aux pays africains de réformer leurs secteurs de la sécurité pour faire face aux menaces du terrorisme et des conflits intercommunautaires, a indiqué le représentant, tout en indiquant que les forces de sécurité externes ne peuvent se substituer à ces efforts.  La Chine est d’avis qu’il faut écouter attentivement les voix africaines, mener des examens complets des opérations de maintien de la paix, réformer leurs pratiques inadaptées à la situation sur le terrain, développer des mandats sensés axés sur l’évaluation des performances, mais aussi lever en temps voulu les embargos sur les armes imposés à certains pays comme le Soudan, le Soudan du Sud et la RDC, qui entraînent des conséquences négatives sur leurs secteurs de sécurité respectifs.  En outre, le représentant a appelé à trouver une réponse au financement des efforts de paix de l’UA.

Il faut également aider les nations africaines à améliorer leurs capacités de développement durable parce que le développement est la pierre angulaire de la paix et de la sécurité, a estimé le représentant.  Dans cet esprit, la Chine a proposé un appui financier à l’expansion des lignes de chemins de fer reliant Mombasa à Nairobi et l’Éthiopie à Djibouti, en se fondant sur l’idée selon laquelle le développement promeut la paix.  La cause sous-jacente des problèmes africains est un ordre économique mondial injuste, a tranché le représentant.  L’Afrique manque notamment de denrées alimentaires et d’énergie, a-t-il noté, et pour y faire face, il faut l’aider à s’industrialiser, à renforcer son indépendance financière et à accélérer la modernisation de ses infrastructures.  Dans ce contexte, les pays développés doivent respecter leurs engagements pour financer l’action climatique et payer leur dette historique vis-à-vis du continent.  En outre, il faut aider les pays africains à constituer davantage de talents parce que cela représente l’avenir surtout que plus de la moitié de la population africaine sont des jeunes.  Il faut donc renforcer l’aide au développement des enfants et des jeunes à travers l’éducation, la formation professionnelle et l’aide à l’entrepreneuriat des jeunes.  Il faut également soutenir les efforts de déradicalisation en Afrique, a encore souhaité le représentant.

M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a déclaré que pour que l’Afrique soit en mesure de relever les défis sécuritaires, climatiques et sanitaires auxquels elle fait face, tous les secteurs de ses États membres ont besoin de capacités renforcées.  Il a notamment considéré que sans services publics forts, ces pays ne pourraient pas réaliser l’Afrique que nous voulons à l’horizon 2063.  Parce que le Kenya est convaincu que le renforcement des capacités est la priorité, il multiplie les initiatives à ce niveau, a-t-il ajouté, mentionnant des programmes de formation à l’administration publique et d’aide à la reconstruction des institutions dans les pays sortant d’un conflit comme le Soudan du Sud, le Burundi ou la Somalie.  Sur un plan général, il a estimé important que l’implication des pays africains dans le maintien de la paix soit guidée par le principe clef de l’appropriation nationale.  Il a en outre indiqué au Conseil que ses sanctions et embargos ont pu entraver la capacité de certains États à assurer une sécurité adéquate à leurs citoyens.  Concernant le financement du maintien de la paix, M. Kiboino a souhaité que la résolution en cours d’élaboration sur ce point crucial soit adoptée par le consensus le plus large possible au cours de la prochaine session de l’Assemblée générale.  Nous continuons de penser que la Banque mondiale et l’ONU doivent œuvrer ensemble de façon plus efficace à l’amélioration et à la pérennisation de ce financement, a-t-il conclu.

Mme CÁIT MORAN (Irlande) a remarqué que les populations locales dans de nombreuses sous-régions en Afrique sont celles qui endurent le poids des crises, et que c’est au niveau local que les solutions peuvent être trouvées.  Il est donc essentiel que nous écoutions et prêtions attention aux femmes dirigeantes, aux jeunes, aux défenseurs des droits humains et à la société civile, a-t-elle estimé.  En renforçant les capacités de ces agents de la paix locaux et en facilitant leur travail, on promeut l’inclusion, une meilleure gouvernance et une paix durable, a fait valoir Mme Moran.  Elle a également insisté sur l’impératif pour tous les États de respecter leurs obligations en droit international, y compris le droit international humanitaire et celui relatif aux droits de l’homme, alors que la communauté internationale est engagée sur la voie de la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).  Elle peut aider ses partenaires africains à construire une paix durable en s’attaquant aux causes profondes et aux facteurs de conflit, a estimé la représentante en expliquant le besoin notamment d’investir dans l’éducation, en particulier celle des femmes et des filles, ainsi que dans les soins de santé et les systèmes alimentaires, pour renforcer la résilience à long terme du continent.  Cela comprend également le développement et le renforcement des cadres des droits de l’homme, le respect du droit international, le soutien à la démocratie, à la bonne gouvernance et au dialogue national, ce pour quoi la Commission de consolidation de la paix est particulièrement bien placée pour guider ces efforts collectifs, a estimé la déléguée.  Elle a aussi souligné le rôle essentiel de l’UA et des organisations sous-régionales lorsqu’elles promeuvent la bonne gouvernance et répondent au nombre alarmant de coups d’État de ces dernières années.  L’Irlande salue aussi le leadership de la CEDEAO sur cette question, a ajouté la représentante en citant notamment sa diplomatie préventive et ses efforts pour promouvoir le dialogue, la démocratie, la bonne gouvernance et la stabilité.

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a relevé que malgré des perspectives positives, la paix reste insaisissable dans certaines régions d’Afrique, notamment au Sahel, dans la Corne de l’Afrique et en Afrique centrale.  Il a regretté que des pays d’Afrique, tout comme la majorité des pays du Sud, souffrent d’un indéniable passé colonial qui les désavantage en termes de capacité institutionnelle, plaidant alors pour que le développement des ressources humaines et le renforcement des capacités soient au cœur des efforts de la communauté internationale en Afrique.  Cette même communauté doit accorder une attention particulière aux voix et à la sagesse africaines, a-t-il ajouté, arguant que personne ne peut mieux connaître l’Afrique que les Africains eux-mêmes.  Soulignant qu’un cadre démocratique fondé sur l’état de droit et des institutions crédibles sont des ingrédients essentiels pour le succès après un conflit en Afrique, le représentant a recommandé que le renforcement des capacités vise à renforcer les institutions de la base comme celles du niveau national.  Il a noté que la croissance du terrorisme en Afrique a de plus en plus exposé les lacunes dans les mandats entre le maintien de la paix et la consolidation de la paix.  Les terroristes profitent ainsi de ce fossé et déchaînent la terreur que les États déchirés par les conflits sont incapables de combattre faute de moyens, a-t-il mis en garde, comme cela est de plus en plus apparent au Sahel et dans d’autres parties de l’Afrique.  Le délégué a donc appelé à renforcer la capacité des État à lutter contre le terrorisme.  

Le représentant a ensuite expliqué que le partenariat de l’Inde avec l’Afrique repose sur la construction d’instruments d’autonomisation devant permettre à l’Afrique de trouver des solutions africaines à ses problèmes.  Les ressources humaines et le renforcement des capacités sont au cœur de cette relation, a-t-il précisé.  Pour le représentant, « toute discussion sur le renforcement des capacités pour l’Afrique n’a aucun sens si nous continuons à fermer les yeux sur la question centrale du manque de représentation africaine permanente dans ce même Conseil ».  Alors que cet organe concentre plus de la moitié de son travail exclusivement sur le continent africain, l’exclusion systématique de nos « frères et sœurs » africains dans la catégorie permanente des membres du Conseil de sécurité est une tache sur notre crédibilité collective, a-t-il lancé en conclusion.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a souligné que dans les différents crises et foyers de tensions qui persistent dans la région des Grands Lacs, dans plusieurs pays d’Afrique centrale, dans la région du Sahel et dans la Corne de l’Afrique, « il apparait fondamental de conduire une approche holistique qui apporte des réponses concrètes et multidimensionnelles à toutes les étapes du processus de paix, de la fin du conflit à la consolidation de la paix en passant par la reconstruction après un conflit, afin de pouvoir capitaliser les acquis des efforts de paix en Afrique ».  À cet égard, il a indiqué qu’à travers l’Agenda 2063, l’Union africaine s’est assignée un cadre d’action a la dimension des enjeux d’une Afrique vivant dans la paix et la sécurité, « un continent où les valeurs de bonne gouvernance, de démocratie, de respect des droits de l’homme, de justice et d’état de droit figurent au centre des stratégies de paix et de sécurité ».  Pour le représentant, la stabilité institutionnelle est une condition pour le développement et la consolidation de la paix, le rôle des institutions financières internationales étant important, notamment dans le financement des programmes de formation, de création d’emplois et dans la mise en place de projets à impact rapide, ainsi que des programmes de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR).  Il a également plaidé pour que les femmes et les jeunes soient systématiquement inclus à tous les niveaux des processus de consolidation de la paix.  Enfin, M. Biang a plaidé pour le soutien de la communauté internationale à un financement prévisible et adéquat de l’architecture africaine de paix ainsi que des opérations de maintien de la paix conduites par l’Union africaine. 

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a été d’avis que les efforts de consolidation de la paix doivent viser à répondre aux besoins de la population.  Dans les efforts de renforcement des capacités et des institutions, il a conseillé d’envisager des actions de prévention et de traiter les causes de la pauvreté et des inégalités, insistant aussi sur l’état de droit.  Pour le représentant, la consolidation du lien entre sécurité et développement est la base pour progresser vers une bonne gouvernance et une paix durable.  Rappelant que l’un des défis du continent africain est posé par les changements climatiques, il a souligné l’importance de renforcer d’urgence les capacités d’atténuation, d’adaptation, de production d’électricité et du secteur agricole.  La COP27, en Égypte, sera l’occasion combler les manques d’investissement dans ces secteurs, a-t-il espéré.  

Le représentant a aussi mis l’accent sur le renforcement des capacités des femmes dans les domaines de la médiation, de la prévention et du règlement des conflits, insistant sur l’importance du leadership des femmes.  S’agissant des trafics illicites d’armes, il a appelé à développer les capacités des autorités douanières et frontalières, ainsi que des mécanismes juridiques et des engagements internationaux pour contenir ce grave phénomène.  Le renforcement de l’état de droit et d’institutions responsables et transparentes est essentiel à la promotion d’un développement durable et inclusif, a-t-il rappelé, soulignant que cela va de pair avec des réformes du secteur de la sécurité, la mise en œuvre de programmes de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, ainsi que le renforcement des institutions pour l’administration de la justice.  Le représentant a pris note du fait que les pays africains ont revitalisé leurs initiatives d’intégration économique régionale afin d’assurer une prospérité partagée.  Il a recommandé de tirer parti de ces synergies de collaboration régionale pour promouvoir une meilleure lutte contre l’exclusion, l’injustice, les inégalités entre les sexes et la corruption.  

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a exprimé sa profonde inquiétude quant à l’ampleur des défis auxquels de nombreux pays d’Afrique sont confrontés aujourd’hui, la COVID-19 ayant mis à rude épreuve les capacités des gouvernements à consolider les acquis du développement.  En outre, les conséquences économiques mondiales de l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie ont durement touché le continent, a poursuivi le représentant.  Le Gouvernement britannique, a assuré le délégué, reste déterminé à faire sa part pour aider l’Afrique dans le cadre de sa nouvelle stratégie de développement international, qui inclut le renforcement des institutions qui œuvrent au bien-être de leurs citoyens.  Nous travaillons aussi en partenariat étroit avec l’UA, par exemple pour reconfigurer sa mission de transition en Somalie, en formant par exemple plus de 3 000 soldats de la paix africains au cours du dernier exercice financier par le biais de l’équipe britannique de soutien à la paix en Afrique, a encore fait valoir le représentant.  Et en juillet, le Royaume-Uni a accueilli le deuxième dialogue sur la sécurité avec le Ghana, au cours duquel il a été convenu de soutenir les approches régionales pour faire face aux risques croissants d’instabilité dans les États côtiers d’Afrique de l’Ouest.  Enfin, a précisé le représentant, Londres est le deuxième plus grand donateur au Fonds de l’Initiative Elsie, ayant fourni plus de six millions de dollars depuis 2019, afin d’accroître la participation des femmes en uniforme aux opérations de paix de l’ONU.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a relevé que dans l’Agenda 2063 de l’UA, les Africains « reconnaissent qu’une société prospère, une Afrique intégrée et unie, fondée sur la bonne gouvernance, la démocratie, l’inclusion sociale et le respect des droits de l’homme, la justice et l’état de droit sont des conditions préalables nécessaires pour un continent pacifique et sans conflit ».  Or, a-t-il noté, les moyens d’atteindre ces aspirations et les conditions de développement économique et social ont été refusés aux sociétés d’Afrique, comme d’ailleurs à celles de la majorité des pays en développement.  S’il a jugé importante l’aide publique au développement, qu’elle soit multilatérale ou bilatérale, qu’elle soit humanitaire ou axée sur le développement, il a rappelé qu’elle est essentiellement une solution palliative.  Il a donc appelé à une architecture mondiale qui permette aux pays aidés de réaliser leur potentiel.  Dans ce contexte, il a estimé que la Commission de consolidation de la paix occupe une position unique en tant que facilitateur pour mobiliser la communauté internationale en faveur des priorités de la consolidation de la paix, tant en termes de financement que de compétence.  Le délégué a ensuite souligné qu’une approche globale du maintien de la paix englobe tous les efforts visant à prévenir la reprise du conflit.  Par conséquent, il a conseillé de mettre fortement l’accent sur la prévention des conflits en en faisant une ligne directrice clef pour le renforcement des capacités en matière de paix et de sécurité en Afrique.  Aux fins de cette prévention des conflits, il a encouragé la poursuite de la collaboration entre l’ONU, l’UA et les organismes sous-régionaux.

M. ODD INGE KVALHEIM (Norvège) a appelé à prendre en compte la vision 2063 de l’UA, en estimant que le principal défi est de savoir comment ses partenaires peuvent plus efficacement mettre en commun leurs ressources et coordonner leurs efforts, à l’appui des aspirations de l’Afrique, dans un contexte de crises.  Alors que l’Initiative céréalière de la mer Noire, si elle est mise en œuvre, peut garantir que céréales, engrais et autres produits alimentaires soient disponibles à des prix raisonnables, la solution à long terme réside selon lui dans la hausse de la production alimentaire durable, parce que « l’Afrique a son propre potentiel pour devenir le grenier à blé du monde ».

Notant que l’ONU et l’UA ont fait de grands progrès dans la promotion d’une coopération plus structurée et stratégique, la Norvège a toutefois estimé nécessaire un plus grand soutien politique de la part des États Membres et un financement prévisible, durable et flexible, y compris pour les missions dirigées par l’UA et régionales.  À cet égard, la Norvège a soutenu l’appel du Secrétaire général en faveur d’un bureau d’appui des Nations Unies pour la Force conjointe du G5 Sahel et reste ouverte à l’utilisation des contributions statutaires pour les missions dirigées par l’UA et les organisations régionales lorsque les conditions s’y prêtent.  Le représentant a plaidé pour une interaction plus fréquente entre le Conseil de sécurité de l’ONU, le Conseil de paix et de sécurité de l’UA et la Commission de consolidation de la paix.  

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a cité « un de ses héros personnels » en disant que la paix ne peut pas attendre en Afrique et qu’elle doit être apportée par les institutions et les dirigeants africains pour les peuples de l’Afrique.  Elle a mis en exergue l’engagement de son pays en faveur du développement, de la paix, de la sécurité, des droits humains et de l’égalité.  Rappelant la stratégie de Nations Unies visant à prévenir les conflits et à promouvoir la stabilité pour les 10 prochaines années, la représentante a insisté sur le fait que le développement et la réalisation des ODD reposent sur les principes et normes en matière de droits humains.  Le développement axé sur les droits humains et la sécurité seront d’ailleurs la priorité du sommet des dirigeants africains qui aura lieu à Washington en décembre, a-t-elle annoncé.  

La représentante a assuré que les États-Unis veulent aussi renforcer les relations commerciales, le développement économique et la prospérité en Afrique.  Elle a cité le Secrétaire d’État, M. Antony Blinken, qui a lancé aujourd’hui à Pretoria la stratégie américaine pour l’Afrique subsaharienne.  C’est l’Afrique qui définira l’avenir, pas seulement l’avenir des peuples africains mais l’avenir du monde, a-t-elle prédit.  Elle a reconnu que les pays africains ont les ressources et la volonté nécessaires, rappelant les efforts africains de règlement des crises dans la région des Grands Lacs, au Mozambique et en Somalie.  Les États-Unis ont recours à la diplomatie pour appuyer ces efforts, a-t-elle ajouté en mentionnant leur soutien à la médiation africaine dans le conflit en République démocratique du Congo (RDC).  À cet égard, la déléguée a exhorté les groupes armés non étatiques à mettre un terme à leurs activités et appelé à la désescalade de la violence.  Elle a par ailleurs encouragé l’UA à financer les opérations de paix de l’Union africaine conformément à la résolution 2378 (2017) du Conseil de sécurité.  

S’agissant de l’embargo sur les armes, la représentante a expliqué que grâce aux dérogations, les gouvernements doivent pouvoir acheter ce dont ils ont besoin.  Elle a argué que l’embargo promeut la transparence dans les flux d’armes vers les zones de conflit et limite la capacité des belligérants à reprendre les hostilités.  L’embargo, qui sauve des vies, est essentiel pour l’initiative Faire taire les armes en Afrique d’ici 2030, a-t-elle ajouté.  Avant de terminer, la représentante a dénoncé l’agression de la Russie contre l’Ukraine qui a fait empirer une période déjà tumultueuse marquée par les flambées des prix de l’énergie, la crise climatique et les conflits, et qui aboutit à une augmentation spectaculaire de l’insécurité alimentaire touchant plus 200 millions de personnes.  Les États-Unis travaillent en partenariat avec les gouvernements et les dirigeants africains pour faire face à cette crise tout en liant les efforts à court terme à l’impératif à plus long terme de renforcer la capacité de l’Afrique de régler les problèmes mondiaux. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a déclaré que si les États africains ont besoin de l’aide internationale pour renforcer leurs capacités nationales de réponse aux conflits, au terrorisme, à la pauvreté et aux épidémies, « il faut éviter que, comme cela a été le cas en Libye, les ingérences extérieures aggravent encore la situation ».  Il s’est réjoui de ce que, dans ce contexte, le renforcement des institutions africaines ait permis, ces dernières années, des avancées réelles dans le domaine de la paix et de la sécurité.  La Russie est convaincue que l’aide, pour être efficace, ne peut qu’être apportée sur la base d’un dialogue mutuel et dans le strict respect de la souveraineté des pays bénéficiaires, a poursuivi le représentant.  Il a ensuite accusé certains membres du Conseil de sécurité de traiter de problèmes qui ne relèvent pas de sa compétence directe.  Réformer la gouvernance politique dans des contextes politiques tribaux complexes s’accorde mal avec l’imposition des concepts occidentaux, a-t-il par exemple estimé.  À ses yeux, certains veulent assurer « ce faisant » une domination politique par le chantage économique et en « pillant les cerveaux africains ».  

Le représentant a ensuite affirmé que la consolidation de la paix et la stabilité en Afrique nécessitent de « faire taire les armes par des efforts régionaux », lesquels sont selon lui irremplaçables car les pays concernés sont les seuls à maîtriser les spécificités sécuritaires et culturelles locales.  Il s’en est en outre pris aux embargos sur les armes qui empêchent dans plusieurs pays africains les forces de sécurité nationale de stabiliser efficacement leur propre État.  Par ailleurs, il a plaidé pour un renforcement de la souplesse du financement des opérations de paix déployées en Afrique, se disant prêt à participer à un dialogue sincère, un dialogue « qui ne soit pas détourné par l’inclusion de questions de droits de l’homme ».  Il a aussi considéré nécessaire d’arriver à une position africaine unique sur le Fonds pour la consolidation de la paix.

Enfin, le représentant russe a déclaré que son pays continue de contribuer au renforcement des capacités de paix et de sécurité en Afrique « sans rien n’imposer ni donner de leçon à personne », les États africains ayant le droit de choisir leurs partenaires, « qui plus est dans un contexte postcolonial ».  On nous accuse régulièrement ici d’exporter la faim, a-t-il encore renchéri, rejetant ces accusations infondées « du camps occidental ».  Il a déclaré que les pays occidentaux pointent du doigt la Russie pour augmenter les prix à la suite de l’épidémie de COVID-19.  Ils taisent leur rôle négatif sur le marché des denrées alimentaires, prennent des sanctions unilatérales dangereuses contre Moscou et menacent les pays africains qui collaborent avec elle, a-t-il conclu.  

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a rappelé que c’est le contexte local qui doit guider les solutions en vue de résoudre les conflits, notamment dans le cadre africain et au Moyen-Orient.  Et si l’accent est mis sur les solutions africaines, il ne faut pas oublier que les causes des conflits sur le continent viennent parfois de l’extérieur, a fait observer le représentant.  Renforcer les capacités pour la paix en Afrique est donc un impératif moral aux retombées positives pour le monde entier, a-t-il dit.  De même, les crises multiples sur le continent pourraient exacerber les vulnérabilités existantes, a indiqué le délégué en conclusion.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a souhaité que le récit international et la compréhension de la complexité des problèmes de l’Afrique soient alignés sur les aspirations et les efforts du continent, pour plus d’efficacité des partenariats mondiaux et du soutien à des solutions africaines durables.  Il a observé que, malgré les nombreux accomplissements de l’Afrique, les défis sont toujours bien réels et ont pour causes profondes non seulement les défis structurels tels que le déséquilibre du développement mondial et de la gouvernance nationale et les déficits institutionnels, mais également les crises mondiales majeures telles que la situation en Libye depuis 2011, la pandémie de COVID-19 et les effets d’entraînement de l’agression actuelle contre l’Ukraine.  La meilleure manière de soutenir la capacité de l’Afrique à construire une paix et une sécurité durables ne réside donc pas, selon lui, dans des objectifs impulsés de l’extérieur.  Il a estimé que ce soutien doit rester axé sur les efforts d’opérationnalisation effective de l’Architecture africaine de paix et de sécurité et sur l’Architecture africaine de gouvernance.

Pour accroître la capacité de l’UA et des pays africains à assurer une paix et une sécurité durables sur le continent, M. Ageyeman a encouragé le renforcement des mécanismes de coordination entre l’UA et l’ONU, tels que le Cadre commun ONU-UA pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité et les réunions consultatives conjointes annuelles entre le Conseil de sécurité des Nations Unies et le Conseil de paix et de sécurité de l’UA.  Il a ainsi suggéré un échange d’informations plus régulier, des briefings communs par des représentants et envoyés spéciaux des deux organisations et des visites communes sur le terrain par des hauts fonctionnaires.  De telles mesures permettraient selon lui d’éviter la duplication des efforts, d’améliorer les complémentarités et de renforcer la mise en œuvre cohérente des actions pour la paix et la sécurité sur la base des priorités et des actions continentales.  Il a aussi demandé plus de soutien mondial à une architecture africaine de paix et de sécurité efficace, y compris aux mécanismes d’alerte précoce, de prévention des conflits, de médiation, d’opérations de soutien à la paix et de reconstruction postconflit.

Le représentant a ensuite appelé le Conseil de sécurité à clarifier les conditions dans lesquelles les forces régionales africaines, agissant en vertu du Chapitre VIII de la Charte, peuvent satisfaire à l’exigence d’un financement prévisible, adéquat et durable, en particulier à partir des contributions mises en recouvrement.  Il a mis en avant la responsabilité des gouvernements africains d’instaurer la confiance avec leurs populations et de mettre en place les institutions et structures nécessaires au renforcement du contrat social et à la réduction des frustrations, de l’exclusion et de l’inégalité, en demandant en particulier que les jeunes, les femmes et les filles soient pleinement intégrés dans tous les aspects de la prise de décisions et de la mise en œuvre des politiques publiques.  En dernier lieu, le délégué a demandé un véritable engagement international et un soutien pour la mise en œuvre des programmes de développement 2030 et 2063 en Afrique.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a déclaré que la prestation de services de base est essentielle à la paix et à la sécurité.  Il a dit être « préoccupé » par le fait que les biens et services publics, y compris les écoles et les établissements de santé, sont toujours la cible de conflits armés à travers le continent.  L’ampleur des violations commises contre les enfants est scandaleuse en République démocratique du Congo (RDC), en Somalie ou en République centrafricaine.  Le représentant a souligné qu’il respectait le rôle central des organisations de la société civile et des jeunes dans la consolidation de la paix, la réconciliation postconflit et les efforts de relèvement post-COVID-19 et dans la lutte contre les changements climatiques.  Un véritable engagement en faveur de l’égalité entre les sexes et de l’autonomisation des femmes contribuera à la réussite des pourparlers de paix et à la réalisation d’une paix durable.

Selon le représentant, afin de s’attaquer aux causes des conflits et d’intensifier les efforts en vue de la mise en œuvre des objectifs de l’Agenda 2063 de l’UA, le meilleur moyen est d’investir dans la bonne gouvernance, en organisant des élections libres et équitables, en mettant en place des institutions responsables devant la loi et avec des sociétés ouvertes et participatives.  Dans les pays en conflit et sortant d’un conflit, il est nécessaire d’œuvrer à des processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion plus inclusifs et plus efficaces, y compris pour la réinsertion des enfants anciennement associés aux forces armées ou aux groupes armés.  Il faut également renforcer et diversifier les relations commerciales avec l’Afrique, promouvoir les investissements publics et privés en mettant l’accent sur les économies vertes et bleues, a encore plaidé le représentant.  S’agissant du lien entre le climat, la sécurité et l’insécurité alimentaire croissante, l’absence de réponse rapide, robuste et appropriée signera notre échec collectif, a mis en garde M. Hoxha.

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a jugé que seule la montée en puissance des capacités nationales, appuyée par de solides actions de formation sur le long terme, peut permettre un résultat durable et créer les conditions d’un retrait des opérations de paix.  La France continuera à apporter son appui aux pays du Sahel qui en font la demande, avec nos partenaires européens et africains, a-t-elle indiqué.  « Nous continuerons d’appuyer la montée en puissance de forces de sécurité exemplaires, capables d’assurer la sécurité sur leur territoire, respectueuses de l’ordre constitutionnel et des droits de l’homme », a insisté la représentante, qui a jugé cela impératif « pour éviter que les pays les plus vulnérables soient à la merci de mercenaires, comme le groupe Wagner, qui multiplient les exactions et qui pillent leurs ressources ».  Elle a ensuite plaidé pour que le renforcement des capacités s’appuie sur un partenariat de confiance et une bonne gouvernance.  Parlant d’un investissement long, coûteux et qui nécessite de déployer une expertise rare, elle a ajouté qu’un tel investissement ne peut être consenti sans un engagement politique et une redevabilité de l’État qui en bénéficie.  La mise en place de forces de sécurité professionnelles et la lutte contre la corruption sont donc indispensables, a-t-elle poursuivi avant d’insister sur l’octroi de ressources suffisantes à l’ensemble des services de l’État.

Après avoir souligné que la Commission de consolidation de la paix, avec l’appui du Fonds de consolidation de la paix, peut s’engager davantage pour créer les conditions d’une paix durable, Mme Broadhurst Estival a attiré l’attention sur l’importance de la recherche de solutions innovantes.  Elle a souligné à cet égard que la COVID-19 a fait émerger des coopérations inédites entre l’Union européenne, l’UA et leurs États membres, en particulier l’Afrique du Sud et le Rwanda pour la production de vaccins à ARN messager.  Enfin, elle a réaffirmé que la France reste prête à reprendre la discussion relative au financement des opérations africaines de paix sur contributions obligatoires des Nations Unies dès que les conditions seront réunies.  Elle a invité à reconnaître plus clairement le lien entre changements climatiques et insécurité sur le continent africain, et en tirer toutes les conséquences, ajoutant qu’accroître le financement de l’adaptation aux changements climatiques contribue à prévenir les conflits et s’inscrit dans une perspective de développement durable.

M. CHEIKH NIANG (Sénégal) a rappelé que l’UA a mis en place l’Architecture africaine de paix et de sécurité et également démontré ses capacités à apporter les premières réponses aux conflits, comme ce fut le cas au Mali, en République centrafricaine et en Somalie.  De même, les résultats tangibles des opérations menées par la CEDEAO dans la résolution de plusieurs crises, avec notamment le déploiement de sa brigade de surveillance du cessez-le-feu dans de nombreux théâtres d’opérations (Libéria, Guinée-Bissau et Gambie), attestent du rôle crucial que les organisations sous-régionales africaines peuvent jouer dans la promotion de la paix sur le continent.  À cela, il faut ajouter les contributions non négligeables d’autres initiatives telles que la Force conjointe du G5 Sahel, la Force opérationnelle multinationale conjointe contre Boko Haram et l’Initiative d’Accra.  Devant les difficultés auxquelles font face ces différentes initiatives, le représentant a jugé impératif de renforcer les capacités de riposte des forces de défense et de sécurité nationales, sous-régionales et régionales qui opèrent dans un environnement de plus en plus volatile.  Et la même exigence s’impose aussi s’agissant des opérations de maintien de la paix des Nations Unies dans lesquelles les pays africains jouent un rôle majeur en tant que contributeurs de troupes et de personnels de police.  

La problématique du renforcement des capacités africaines doit également être appréhendée à travers le Cadre commun ONU-UA pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité qui a été adopté en 2017.  Il a, dans ce contexte, rappelé l’appel de l’Afrique en faveur de mécanismes de financement prévisibles, durables et flexibles des opérations de soutien à la paix de l’Union africaine autorisées par le Conseil de sécurité au titre du Chapitre VII de la Charte.  Dans cet ordre d’idées, le délégué a appelé tous les membres du Conseil à soutenir la proposition de création d’un bureau d’appui spécialisé des Nations Unies, financé au moyen de contributions onusiennes obligatoires, afin de permettre à la Force conjointe du G5 Sahel de disposer d’un financement pérenne, prévisible et fiable à la hauteur de la gravité des défis sécuritaires auxquels elle fait face.  Parallèlement, le renforcement de capacités doit contribuer à la pleine autonomisation de l’Afrique dans la gestion des conflits armés sur le continent, conformément au principe des « solutions africaines aux problèmes africains ».  

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a prôné une approche holistique avec des partenariats variés, condition selon lui indispensable pour s’attaquer aux causes profondes des conflits et construire une paix durable.  La Suisse partage son expertise en matière de paix, d’aide humanitaire et de développement, a-t-il ajouté, notant qu’elle collabore en ce sens étroitement avec les acteurs multilatéraux, régionaux et locaux en Afrique, cela en ligne avec le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’Agenda 2063 de l’Union africaine.  Le représentant a expliqué qu’au Mozambique par exemple, la Suisse soutient un meilleur accès à la terre en renforçant le dialogue entre le gouvernement local, la société civile et le secteur privé.  Nous avons également intensifié la coopération entre la justice suisse et celle de certains États africains, notamment en République centrafricaine, a-t-il aussi indiqué avant de souligner le rôle de la société civile dans la consolidation de la paix.  Pour le représentant, le Conseil de sécurité et l’ONU se doivent de soutenir les capacités des organisations régionales et sous-régionales en matière de consolidation de la paix, le Cadre commun ONU-Union africaine pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité étant, selon lui, une bonne pratique qui favorise une coopération étroite.  Concernant le financement de la consolidation de la paix, il a rappelé que la Suisse compte parmi les 10 principaux donateurs du Fonds du même nom. 

M. OSAMA MAHMOUD ABDELKHALEK MAHMOUD (Égypte) a rappelé la contribution de son pays au renforcement des capacités nationales notamment à travers le Forum d’Assouan pour la paix et le développement et le Centre africain pour la promotion de la consolidation de la paix en Afrique, qui est basé au Caire.  Au niveau international et dans le cadre de l’ONU, l’Égypte accorde une grande importance au renforcement des capacités et des institutions nationales, a assuré le représentant. Il a appelé le Conseil de sécurité à accorder la priorité aux questions africaines et s’efforcer de régler les conflits en Afrique « sans polarisation et sans prise en compte d’intérêts étroits ».  Cela nuit à la capacité du Conseil d’être à la hauteur de ses responsabilités, a-t-il mis en garde.  Il a recommandé que le Conseil de sécurité appuie les institutions des États et prenne en compte la dimension régionale de la consolidation de la paix ainsi que les dimensions transfrontières, en vue d’avoir une démarche globale et holistique notamment dans la lutte contre le terrorisme. L’Égypte encourage la communauté internationale à fournir un financement durable à la consolidation de la paix, notamment à travers les quotes-parts au budget de l’ONU, a-t-il ajouté.  Le représentant a également souligné l’importance de la coordination des efforts nationaux et régionaux et de la coopération entre l’ONU et l’UA pour apporter le soutien nécessaire aux outils de paix africains.

M. OSUGA TAKESHI (Japon) a attiré l’attention sur les travaux de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique, qui regroupe la Commission de l’Union africaine, l’ONU, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et la Banque mondiale.  Il a ainsi noté que, depuis 2003, la Conférence se penche sur la consolidation de la paix et les causes profondes des conflits en vue d’empêcher leur récurrence et de réaliser le développement durable.  Le représentant a appelé à soutenir les efforts menés par l’Afrique pour la prévention des conflits et la consolidation de la paix, estimant que le renforcement des institutions doit être une priorité pour apporter la stabilité dans les pays touchés par un conflit.  Renforcer les capacités est également nécessaire au niveau des individus, a-t-il ajouté.  Sur ce dernier point, il a expliqué qu’en 2013 le Premier Ministre de l’époque, Shinzo Abe, avait lancé, dans le cadre de la Conférence, l’Initiative africaine d’éducation commerciale pour les jeunes.  Celle-ci, grâce à des bourses et des stages, autonomise les jeunes Africains, qui, demain, contribueront au développement industriel en Afrique, a-t-il dit, précisant qu’en 2021, environ 1 500 jeunes Africains ont participé à ce programme.  Enfin, le représentant a estimé qu’en matière de financement du développement, « la transparence est la clef » ainsi que le respect des règles et normes internationales.  Pour promouvoir des partenariats efficaces, a-t-il encore déclaré, nous devons tirer pleinement parti de la Commission de consolidation de la paix.

Pour Mme MATHU JOYINI (Afrique du Sud), la pandémie de COVID-19, les tensions géopolitiques et les conflits ont aggravé les problèmes de capacités et dès lors les chances de lutter efficacement contre la pauvreté, les inégalités et le sous-développement des pays du continent africain.  À cela se sont ajoutés les problèmes en ressources humaines, en financements et dans les institutions publiques.  La représentante a estimé que la question du renforcement des capacités doit être envisagée de manière assez générale, au-delà des capacités nationales, prônant l’exploration de mesures plus pratiques pour promouvoir et avancer sur la voie du développement économique durable dans les pays touchés par les conflits, qui sortent de conflits ou qui sont en transition.  Elle a aussi souligné le rôle des partenariats pour garantir la réalisation des ODD.  

Concernant la consolidation de la paix, elle a estimé que le secteur privé devrait jouer un rôle accru, notamment sur le plan de la résilience économique.  Elle a ajouté que le renforcement des capacités va de pair avec l’appropriation nationale et l’inclusion des femmes et des jeunes.  Elle a aussi plaidé pour que soit reconnu et soutenu le rôle de l’UA et d’autres organisations régionales dans le domaine du renforcement des capacités au service de la paix.  L’UA est importante pour la promotion de la bonne gouvernance, la transformation démocratique et économique ainsi que pour l’édification d’une paix durable, de la justice, de la réconciliation et de la cohésion sociale, a estimé la représentante.  Elle a en outre conseillé de créer des synergies entre l’UA et l’ONU en matière de renforcement des capacités grâce à l’harmonisation des activités menées sur le continent.  Enfin, la représentante a demandé des financements adéquats, prévisibles et durables pour les activités de consolidation de la paix en Afrique en puisant dans le budget ordinaire de l’ONU. 

M. MOHAMED ENNADIR LARBAOUI (Algérie) a souligné les grandes avancées des pays membres de l’UA en termes de renforcement des capacités nationales, tout en notant que les défis nécessitent davantage d’appuis adéquats pour traiter les causes profondes et multidimensionnelles des conflits.  Dans ce contexte, il a appelé à mettre l’accent sur les structures économiques et celles garantissant une bonne gouvernance.  L’accompagnement de l’ONU, a-t-il recommandé, devrait se baser sur des projets et des programmes de formation, assortis de ressources nécessaires pour la réalisation du Programme 2030 et de l’Agenda 2063 de l’UA.  Le représentant a appelé à prendre en compte les défis sécuritaires en Afrique avant d’encourager un renforcement de la coopération UA-ONU tout en associant les organisations sous-régionales aux efforts de règlement des conflits.  L’Algérie, qui est convaincue de l’importance primordiale des programmes de renforcement des capacités de l’Afrique, œuvre sans relâche pour partager son expérience nationale, a indiqué le représentant, notamment dans les domaines de la médiation et de la lutte contre le terrorisme.  Par ailleurs, dans le domaine du développement économique, il a indiqué que l’Algérie n’a épargné aucun effort pour une « vision prospective continentale », notamment l’autoroute transsaharienne.  En conclusion, le représentant s’est dit convaincu que l’Afrique est en mesure de renforcer ses propres capacités et de mettre en œuvre des objectifs de développement durable, « avec le soutien requis ».

M. JOONKOK HWANG (République de Corée) a rappelé les défis auxquels est confronté le continent africain, en particulier les conséquences de la COVID-19 et l’insécurité alimentaire.  Pour les relever, le représentant a souligné l’importance du renforcement de capacités institutionnelles, le rôle de la Commission de consolidation de la paix (CCP) et du Fonds pour la consolidation de la paix, les partenariats entre les pays africains, les organismes des Nations Unies, l’Union africaine et les organisations régionales chargées du maintien de la paix.  Il a aussi mis l’accent sur la nécessité d’une approche inclusive, plaidant pour que soient entendues les voix des femmes, des jeunes et des populations marginalisées.  Le délégué a annoncé qu’en 2016, son pays avait donné 16 millions de dollars à des projets de renforcement de capacités médicales, notamment au Mali, et des articles médicaux pour l’AMISOM.  Le Gouvernement coréen qui a également fourni 16 hélicoptères, s’engage à honorer ses promesses, a insisté le délégué, qui a rappelé la tenue du sommet Corée-Afrique, en mars 2022, à Séoul, qui avait abouti à la Déclaration de Séoul et à l’adoption du Cadre d’intervention 2022-2026, lequel met l’accent sur le renforcement des capacités médicales en Afrique, la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, et à aider l’Organisation africaine de coopération policière (AFRIPOL).

M. MATEUSZ SAKOWICZ (Pologne) a d’abord tenu à appuyer le travail du Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix, lequel s’est avéré être un outil efficace pour aborder la consolidation de la paix et répondre aux défis afférents de façon holistique.  La Pologne reste pleinement attachée à soutenir politiquement et financièrement le Fonds, a insisté le représentant.  Il a par ailleurs souligné, en évoquant le contexte postcolonial persistant en Afrique, que son pays est « particulièrement sensible à toutes les forme d’assujettissement violent et d’agression militaire illégale ».  C’est pourquoi il a appelé la Russie à abandonner son programme néocolonial et de mettre fin à « sa guerre insensée en Ukraine ».  Il a également fustigé la présence de mercenaires privés sur le continent africain, présence souvent liée à des violences brutales contre des civils.  Ces actions entravent les efforts de stabilisation entrepris par l’UE et ses États membres, y compris la Pologne, dont le personnel militaire participe aux missions de formation en République centrafricaine, a expliqué le représentant polonais. 

Pour M. THOMAS PETER ZAHNEISEN (Allemagne), il n’y a pas de solution unique pour la paix et la sécurité en Afrique et il faut prendre en compte la richesse du tissu social en Afrique et l’hétérogénéité du continent, en veillant à ce que les pays africains s’approprient.  Même s’il soutient l’approche des solutions africaines aux problèmes africains, le représentant a fait valoir que la communauté internationale devrait néanmoins soutenir le continent en termes de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix et en les finançant.  Il faut être ciblé et concret dans l’approche visant à soutenir l’Afrique, a estimé le représentant, en rappelant que l’Allemagne a alloué une enveloppe de 500 millions d’euros, faisant d’elle l’un des plus grands bailleurs de fonds bilatéraux de l’UA.  Elle a également mis en place de nombreux programmes de coopération dans le cadre de l’architecture pour la paix et la sécurité de l’UA qui portent, entre autres, sur l’intégration des femmes à ces efforts.  Dans la région du lac Tchad, l’Allemagne a établi un partenariat avec le PNUD pour soutenir les efforts des acteurs locaux pour la paix, a rappelé le représentant en soulignant le rôle des communautés locales à cet égard.  Puis il a encouragé la gestion intégrée des frontières.  Pour ce qui est de l’insécurité alimentaire en Afrique, aggravée par la crise en Ukraine, il a estimé qu’il fallait venir en aide aux pays africains les plus touchés.  Partageant le point de vue du Ghana selon lequel les initiatives pour la paix en Afrique ne sont pas assez accompagnées, le représentant a encouragé l’UA à veiller à ce que les opérations de maintien de la paix des Nations Unies en Afrique soient dotées de ressources et de moyens suffisants.

M. SILVIO GONZATO, de l’Union européenne, a rappelé que l’UE et ses États membres comptent parmi les principaux contributeurs au Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix, fournissant plus de 60% du financement de ce mécanisme.  Il a néanmoins souligné la nécessité d’améliorer les résultats en matière de consolidation de la paix « avec des ressources qui restent encore limitées », l’accent devant être mis sur le renforcement de la coopération et des synergies entre les acteurs clefs de la consolidation de la paix tels que l’ONU, l’UE, les institutions financières internationales et les mécanismes régionaux de développement.  Il a dit attendre avec intérêt les prochaines négociations sur le financement de la consolidation de la paix, facilitées à l’ONU par le Kenya et la Suède et qui représentent selon lui une opportunité d’améliorer la durabilité et prévisibilité du financement de la consolidation de la paix, notamment par l’apport de mises en recouvrement.  Par ailleurs, le représentant a réitéré la position de l’UE en matière de sécurité et de développement, à savoir qu’atteindre une paix durable exige de s’attaquer aux freins à l’essor économique et social et de combattre de façon coordonnée la pauvreté, les inégalités et les effets des changements climatiques.  Pour lui, la Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’Agenda 2063 de l’Union africaine sont les cadres de choix dans lesquels renforcer les capacités des États pour pérenniser la paix en Afrique.  Abordant les conséquences dramatiques sur la sécurité alimentaire de l’« agression russe contre l’Ukraine », M. Gonzato a indiqué que l’UE, par le biais de son plan d’aide au développement, l’initiative Global Gateway, soutient plus activement que jamais un développement durable et des systèmes alimentaires résilients en Afrique, cela en investissant dans les énergies renouvelables, l’éducation et la formation.

M. ADAM KUYMIZAKIS (Malte) a dit attacher une grande importance à la participation pleine, égale et significative des femmes, ainsi que l’implication cruciale des jeunes, dans le rétablissement de la paix.  À cet égard, il a reconnu l’importance des organisations régionales et sous-régionales, qui font partie intégrante du système multilatéral et qui offrent une contribution significative, en raison de leur connaissance unique de leur région et de son histoire.  Pour le représentant, on ne peut parler de paix et de sécurité sans parler de développement.  Selon lui, les priorités de développement durable devraient viser à mettre en place des cadres politiques et des institutions fiables, solidifiés par des investissements dans la connectivité, la technologie numérique et les infrastructures.  Il a dit que Malte est fière de soutenir l’initiative Global Gateway de l’UE, qui vise à mobiliser jusqu’à 300 milliards d’euros d’investissements entre 2021 et 2027, ainsi que les engagements pris au niveau de l’UE au cours du dernier sommet UE-UA de février.  Ces efforts sont pleinement alignés sur le Programme 2030, a-t-il fait valoir.  Enfin, le délégué a estimé que tout renforcement des capacités en matière de paix et sécurité doit intégrer la nécessité d’avoir des mécanismes pour l’alerte, la réponse précoce et la prévention.

Mme ANA PAULA BAPTISTA GRADE ZACARIAS (Portugal) a dit que pour aider l’Afrique à surmonter ses défis multiples, il faut donner la priorité à la prévention des conflits, la protection des droits humains et la réalisation du Programme 2030.  Le Portugal reste un partenaire de l’Afrique en participant à trois missions de maintien de la paix et à huit missions dans le cadre de l’Union européenne, a dit la déléguée qui a aussi parlé de la coopération bilatérale de son pays par des programmes de renforcement des capacités des forces de défense et de sécurité, en particulier la sécurité maritime dans le golfe de Guinée.  Cette coopération appuie le renforcement des capacités institutionnelles conformément aux priorités nationales dans des domaines tels que la bonne gouvernance et les droits humains, a-t-elle ajouté avant de faire valoir la contribution du Portugal au Fonds pour la consolidation de la paix qui doit être financé de manière prévisible et durable. 

La représentante a également mis l’accent sur l’importance de la coopération avec l’UA et les organisations régionales qui apportent des connaissances des causes des conflits et permettent de garantir la participation des populations locales en promouvant la confiance, le dialogue et le partenariat.  Elle a encouragé le Conseil à poursuivre le débat sur les financements prévisibles, durables et souples pour les missions de maintien de la paix.  Selon elle, la clef de la pérennisation de la paix se trouve dans une approche inclusive des femmes, des jeunes et de la société civile dans tous les domaines des droits humains, de la démocratie, de l’état de droit et de la bonne gouvernance, et l’appui aux systèmes judiciaires.  Elle a demandé de lutter contre l’extrémisme violent en Afrique et de renforcer le respect des droits humains, la résilience climatique et la création d’emplois. 

M. CRISTIAN ESPINOSA CAÑIZARES (Équateur) a regretté que les contributions volontaires au Fonds pour la consolidation de la paix restent insuffisantes, ce qui rend d’autant plus louables les efforts du Secrétaire général des Nations Unies pour promouvoir la mobilisation de ressources répondant aux besoins sur le terrain.  Il a ajouté que la discussion tenue pendant ces deux jours devra compléter le dialogue spécial de haut niveau organisé le 20 juillet par les présidents de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social sur « L’Afrique que nous voulons ».  Les résultats de nos discussions doivent s’agréger et êtres mis au service de synergies intégrées, a-t-il dit.  Au Conseil, il a demandé qu’il s’exprime sur la mise en œuvre de l’Initiative céréalière de la mer Noire.

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) a déclaré que le renforcement des capacités africaines est fondamental pour la formation des États en Afrique et nécessaire pour édifier des États efficaces, capables de créer l’unité, la cohésion, la démocratie, la paix et le développement.  Il a notamment recommandé plus de coopération dans la lutte contre le terrorisme, un fléau qui érode les structures de nombreux pays africains, y compris le Mozambique.  Pour cela, il faut des approches intégrées et inclusives, un financement durable, un engagement robuste et une coordination efficace à tous les niveaux entre les acteurs nationaux, régionaux et internationaux, a estimé le représentant.  Le renforcement des capacités pour une paix durable doit viser à affirmer ou rétablir les capacités des États et leur permettre d’accomplir leurs tâches fondamentales pour la population, a ajouté M. Comissário Afonso. 

Le délégué a énuméré les priorités identifiées par le Mozambique pour réaliser la consolidation de la paix en Afrique: la promotion des investissements et du développement social et économique, l’investissement dans les ressources humaines et dans les infrastructures, la recherche de solutions africaines aux problèmes africains, le renforcement des flux d’aide publique au développement et la réponse aux besoins immédiats des États en phase postconflit pour éviter tout retour en arrière.  Le représentant a souhaité voir plus de cohérence et de coordination dans les efforts de consolidation de la paix, en particulier dans la mise en œuvre du cadre de partenariat UA-ONU de 2017, et de cadres de développement à l’horizon 2063 et 2030.  

M. RICHARD ARBEITER (Canada) a souligné que la transition pacifique du Libéria, les efforts de l’Union africaine pour améliorer l’alerte précoce et le travail inlassable des réseaux de la société civile dans tout le Sahel ne sont pas seulement des « solutions africaines aux problèmes africains ».  Ce sont des exemples qui inspirent pour mieux prévenir les conflits et maintenir la paix.  Une paix durable se construit lorsque nous reconnaissons et traitons les liens inhérents entre les droits de la personne, le développement durable, la paix et la sécurité, a-t-il expliqué.  Citant le Président de la CCP, le représentant a dit qu’il faut mettre en place des institutions efficaces, responsables et inclusives qui rendent la justice, protègent et promeuvent les droits de la personne et s’attaquent à toutes les formes de discrimination, d’exclusion et d’inégalité susceptibles de donner lieu à un conflit.  Le renforcement des capacités, a-t-il ajouté, signifie investir dans les efforts locaux et les appuyer, plutôt que d’importer puis d’exporter un savoir-faire extérieur.  Le représentant a estimé que les équipes exclusivement étrangères qui conçoivent des infrastructures ou servent de médiateurs dans des conflits prolongés en Afrique ou ailleurs sont des signes avant-coureurs de problèmes à venir. 

Saluant les exemples d’appropriation, comme au Libéria, en Sierra Leone et en Gambie, le représentant a toutefois constaté que plusieurs de ces partenariats auparavant positifs sont mis à rude épreuve, car certains gouvernements entreprennent des actions qui risquent de saper la capacité de l’ONU à soutenir leurs efforts pour maintenir la paix.  Parmi les actions urgentes à mener, il a demandé d’améliorer l’accès à un financement adéquat pour les femmes bâtisseuses de la paix, de faire entendre la voix de celles-ci et de faire face aux niveaux croissants de violence à leur encontre.  Le Canada travaille en étroite collaboration avec la Commission de l’UA à cet égard, notamment par le biais d’une subvention de 10 millions de dollars sur cinq ans qui aidera à renforcer la capacité institutionnelle de l’UA en matière d’égalité des sexes, ainsi qu’à accroître la participation des femmes aux efforts de consolidation de la paix, d’alerte rapide et de médiation.  Enfin, le représentant a souligné la nécessité de partenariats durables dans la lutte contre les changements climatiques, la COVID-19 et l’insécurité alimentaire croissante. 

M. MARTIN BILLE HERMANN (Danemark), au nom des pays nordiques, a assuré que la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Suède et son pays continueront de renforcer leur coopération avec les organisations régionales, notamment l’Union africaine (UA).  Notre soutien se concentre sur une formation adéquate, le renforcement des capacités et des équipements et l’appui logistique et financier aux opérations de paix de l’UA, a-t-il expliqué.  Il a également invité les États Membres à honorer leurs engagements au titre du « Fonds pour la paix de l’Union africaine » afin de rendre son financement prévisible et durable.  La lutte contre les violences sexuelles et basées sur le genre doit être au centre de notre travail pour assurer la paix et la sécurité internationales, a poursuivi M. Hermann.  Il a ajouté qu’il est en ce sens important d’impliquer plus activement la société civile aux efforts de paix en soutenant davantage les organisations locales de femmes. 

M. SURIYA CHINDAWONGSE (Thaïlande) a affirmé que « c’est l’Afrique qui sait le mieux » s’agissant des questions relatives à sa propre sécurité.  Ainsi, les pays du continent, en particulier ceux qui sont touchés par ces défis, sont les mieux placés pour identifier les solutions et aider à créer des voies durables de résolution des conflits.  Nous devrions donc accorder une plus grande attention aux priorités et processus pilotés par les Africains, a prôné le délégué.  Il a également relevé que les partenariats régionaux-mondiaux sont pertinents et permettent de surmonter les défis de la paix et de la sécurité.  Pour le représentant, les contributions et la coopération peuvent provenir de loin, y compris de petits pays.  En tant que membre de la CCP, la Thaïlande continuera à jouer son rôle en soutenant les efforts mondiaux et régionaux en faveur de l’Afrique, notamment en encourageant de plus grandes consultations et coordination entre le Conseil de sécurité, la CCP et le Conseil économique et social (ECOSOC), afin de mieux mobiliser les initiatives de renforcement des capacités et les ressources.  Enfin, son délégué a affirmé que le maintien de la paix ne sera viable qu’accompagnés de progrès dans le domaine du développement durable.  

M. MARCO ROMITI (Italie) est d’avis qu’investir davantage dans un dialogue stratégique entre le Conseil de sécurité et les organisations régionales et sous-régionales peut renforcer les dynamiques positives en Afrique.  Son pays, a-t-il dit, est prêt à soutenir et à investir dans les programmes et initiatives considérés comme essentiels par le Conseil de sécurité de l’ONU et l’UA pour maintenir la paix et la stabilité sur le continent.  L’Italie est favorable à l’utilisation des contributions fixées par l’ONU pour les opérations de paix sous conduite africaine, à condition que les normes appropriées soient respectées.  Le représentant a également mis l’accent sur le potentiel de la CCP pour surmonter certaines dynamiques difficiles au sein du Conseil de sécurité, dans l’intérêt de la paix et de la sécurité en Afrique.  L’Italie, a-t-il relevé, soutient les pays africains par le biais de programmes d’assistance directe et de renforcement des capacités, avec un accent sur l’égalité des sexes, la jeunesse et la création d’emplois à tous les niveaux.  Le représentant a assuré que les initiatives italiennes sont lancées en coordination avec les autorités locales, et en accordant une attention particulière à l’appropriation nationale et aux priorités identifiées par ses partenaires.

M. PHILIPPE KRIDELKA (Belgique) a constaté que l’appropriation par les pays africains et par leurs organisations régionales des efforts en matière de maintien de la paix n’a cessé de croître dernièrement.  Il est essentiel que la collaboration en matière de renforcement des capacités soit pilotée par et pour les Africains.  La Belgique, a dit le représentant, apporte son soutien à la formation de l’armée nigérienne, tout en s’efforçant de contribuer à la paix durable dans l’est de la RDC.  Il a également mis l’accent sur l’appropriation nationale des processus de réforme du secteur de la sécurité et le respect des droits humains dans le cadre des efforts de renforcement des capacités et de la lutte contre l’impunité dans le domaine de la justice transitionnelle en particulier.  Le délégué a vu dans la nomination d’une juge belge pour siéger à la Cour pénale spéciale en République centrafricaine depuis mai 2021 une illustration des priorités de son gouvernement.  Enfin, pour que la paix soit durable, elle doit inévitablement passer par l’établissement des responsabilités pour les violations des droits humains et les crimes les plus graves, un aspect crucial pour restaurer la confiance de la population dans les institutions, a précisé le représentant en conclusion.  

M. MARK ZELLENRATH (Pays-Bas) a déclaré, concernant le financement de la consolidation de la paix, que son pays soutient les négociations, facilitées par la Suède et le Kenya à la Cinquième Commission, sur une résolution à ce sujet et qui devrait être adoptée cet automne par l’Assemblée générale.  Il a également appelé les États à appuyer le Fonds pour la consolidation de la paix, un des instruments propices à la mise en œuvre d’un financement durable des activités onusiennes de consolidation de la paix et de prévention des conflits.  Le représentant a en outre estimé que renforcer les capacités pour pérenniser la paix exige l’inclusion de toutes les composantes des populations africaines concernées, en particulier celle des femmes et des jeunes aux processus de paix.  Après avoir souligné l’importance d’améliorer la coordination des efforts de l’ONU et de l’Union africaine en matière de dialogue politique et de réconciliation, le représentant a jugé essentiel d’accompagner les sociétés africaines sur la voie de la résilience, cela pour leur permettre de résister aux défis auxquels le continent est confronté, notamment la crise alimentaire provoquée par l’agression « injustifiée et brutale » de la Russie contre l’Ukraine. 

M. OMAR KADIRI (Maroc) a invité la communauté internationale à soutenir le leadership des pays africains dans le cadre du maintien de la paix en Afrique.  Il est nécessaire d’aborder une approche holistique, incluant tous les acteurs, afin de renforcer les capacités des pays africains dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité, a-t-il recommandé.  Il a insisté sur le besoin d’un financement pérenne pour renforcer le développement et la sécurité.  Il a rappelé l’appel du Secrétaire général pour une contribution de 100 millions de dollars par an au Fonds de consolidation de la paix.  Le représentant a aussi souligné l’importance de financer, avec des fonds statutaires, les opérations de maintien de la paix qui ont lieu en Afrique et qui ont reçu l’aval du Conseil de sécurité.

M. BOŠTJAN MALOVRH (Slovénie) a salué les contributions des organisations régionales africaines à une « Afrique pacifique et sûre » et souligné la nécessité de solutions africaines aux problèmes africains.  Alors que l’UA et d’autres organisations sous-régionales sont les mieux placées pour répondre aux besoins des États africains, une coopération renforcée entre l’UA et l’ONU ainsi que l’UA et l’UE pourrait permettre aux États africains de renforcer leurs capacités de prévention des conflits en mettant l’accent sur une forte composante genre, a fait valoir le représentant.  La communauté internationale doit assurer un financement prévisible et flexible qui permettra l’utilisation et le renforcement des capacités formelles et informelles de consolidation de la paix qui existent déjà sur le continent, et, a-t-il souligné, les approches sur mesure jouent ici un rôle essentiel.  

Indiquant que près de 30% de l’aide humanitaire slovène est consacrée à des activités postconflit, et que la majorité de cette somme se concentre sur la consolidation de la paix, le soutien aux femmes et aux enfants et la réhabilitation postconflit, le représentant a précisé que ces activités sont en outre complétées par le renforcement de la résilience et l’action préventive.  La Slovénie serait heureuse d’apprendre et de partager ses connaissances et expériences avec ses partenaires africains, a-t-il déclaré.  Avant de conclure, il a espéré que des débats comme celui-ci pourront renforcer la confiance entre États Membres, ainsi qu’entre les États Membres et le système des Nations Unies.  Préoccupé par l’impact des fausses nouvelles sur ces relations, il a appelé à faire davantage pour relever les défis de la désinformation.  La communauté internationale doit aussi intensifier sa lutte contre le terrorisme en Afrique, a-t-il conclu.

M. TAYE ATSKESELASSIE AMDE (Éthiopie) a déclaré que la réalisation du potentiel économique de l’Afrique est la meilleure politique sécuritaire pour le continent.  La réduction de la pauvreté et l’élargissement des possibilités pour la population du continent sont une stratégie efficace pour prévenir les conflits et maintenir la paix.  À cette fin, une coopération réelle à l’appui des priorités nationales est primordiale, a estimé le représentant, citant aussi l’importance de la coopération interafricaine dans les domaines du renforcement des institutions, de la formation des personnels et du partage du renseignement.  Les États africains doivent déterminer librement, en toute souveraineté et en toute liberté, leurs institutions politiques. 

Le représentant a récusé les efforts obligeant les pays africains à choisir un bloc pour développer leurs propres capacités.  Il a aussi demandé au Conseil de s’opposer aux mesures coercitives unilatérales qui compromettent la capacité des États à assurer la paix et la sécurité.  Il a attiré l’attention sur l’Architecture africaine de paix et de sécurité de l’UA, qui a besoin de ressources nécessaires à la mise en œuvre des décisions prises dans les domaines de la prévention des conflits, du rétablissement de la paix, des opérations d’appui à la paix, de la consolidation de la paix et de la reconstruction après les conflits.  Le Conseil doit combler le déficit de capacité de l’architecture, a plaidé le représentant éthiopien.

M. CLAVER GATETE (Rwanda) a déclaré que son pays, fort de l’expérience du relèvement post-génocide, est convaincu que la réforme du secteur de la sécurité, soutenu par la communauté internationale, est essentielle pour garantir rapidement que les institutions nationales de sécurité mais aussi de développement sont prêtes à la reconstruction.  L’inclusion de la population aux efforts de paix et de développement n’est possible que si celle-ci a confiance dans ces institutions, a-t-il ajouté.  Le représentant a également souligné l’importance d’associer la société civile et les partenaires régionaux et internationaux à la conduite des programmes de désarmement, démobilisation, réintégration et réintégration (DDRR).  Après avoir souligné à son tour la nécessité de s’attaquer aux causes profondes des conflits, y compris socioéconomiques, M. Gatete a attiré l’attention sur la pertinence et l’efficacité des solutions propres aux États eux-mêmes et adaptées aux défis et besoins qu’ils sont les seuls à pouvoir identifier.  Le Rwanda doit sa renaissance à de telles solutions, a-t-il conclu. 

Pour M. LUKÁŠ PETER PRVÝ (Slovaquie), le maintien de la paix en Afrique est un défi qui doit être relevé de manière holistique.  Depuis de nombreuses années déjà, la Slovaquie considère la réforme du secteur de la sécurité comme l’un des éléments clefs d’une prévention efficace des conflits et de la reconstruction et stabilisation après un conflit réussies.  Il a noté que l’expérience directe de nombreuses missions et opérations de paix de l’ONU et de l’UA montre clairement qu’un processus de réforme du secteur de la sécurité inclusif et mené au niveau national peut progressivement traiter les causes profondes de l’insécurité et de la fragilité et créer un environnement propice au développement durable et à la paix.  En sa qualité de Coprésidente du Groupe d’Amis pour la réforme du secteur de la sécurité, la Slovaquie est fière de rappeler la réalisation réussie de deux manifestations, en 2014 et 2018 respectivement, qui étaient axées sur le cadre politique de l’UA pour la réforme du secteur de la sécurité dans le contexte de l’ONU, a rappelé le représentant.  Sous les auspices de l’ONU, de l’UA, de l’UE et de la Slovaquie, ces manifestations ont fourni une plateforme indispensable pour encadrer la discussion sur les différents aspects des cadres politiques pour les processus de réforme du secteur de la sécurité.  En outre, la réforme du secteur de la sécurité est directement liée à la protection des civils et à l’état de droit, a relevé M. Prvý, avant de rappeler qu’il s’agit de deux tâches essentielles qui font désormais partie intégrante de presque toutes les opérations de paix.

Mme FIONA WEBSTER (Australie) a dit que les efforts internationaux de renforcement des capacités devraient contribuer à soutenir les institutions africaines, afin de produire des résultats en matière de paix et de sécurité, et pour renforcer la démocratie et l’état de droit sur le continent.  L’Australie soutient fortement les processus inclusifs de consolidation de la paix, notamment avec l’implication des jeunes et des femmes, a-t-elle assuré.  La représentante a exhorté tous les États Membres à soutenir les travaux du Fonds pour la consolidation de la paix, notamment en versant des contributions volontaires.  Selon la déléguée, il est nécessaire de fournir des services plus flexibles, transparents, durables, ainsi que des ressources prévisibles, pour faciliter le passage à la prévention des conflits, au lieu d’une réponse aux crises.

M. TAREK LADEB (Tunisie) a constaté que malgré les efforts de l’ONU, les efforts nationaux et les initiatives de l’UA, plusieurs pays africains connaissent toujours des conflits et de l’instabilité.  Plusieurs facteurs et défis structurels vont à l’encontre de la pérennisation de la paix en Afrique, a-t-regretté en appelant à réfléchir à une démarche globale qui tienne compte de ces facteurs et des causes fondamentales des conflits sur le continent, y compris l’absence d’institutions de l’État dans certaines zones et l’impact de l’ingérence extérieure.  Pour le représentant, consolider la paix passe par le renforcement des institutions de l’État et par la résilience du continent.  Il a encouragé à développer des stratégie adéquates dans les domaines du développement et des droits humains, entre autres.  Il a aussi recommandé l’implication des populations locales, en particulier des femmes et des jeunes, dans les efforts de pérennisation de la paix.  En parallèle, il faut renforcer la coopération et les partenariats entre l’ONU et l’UA, y compris à travers des nouveaux mécanismes de financement des processus de paix, a-t-il ajouté.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a déclaré que puisque les États de la région ont la responsabilité souveraine d’assurer la sécurité et les besoins sociaux de leurs peuples, ils doivent avoir la capacité nécessaire pour répondre aux multiples préoccupations de ceux-ci.  Par conséquent, il est impératif qu’ils travaillent à des solutions efficaces en matière de sécurité et de défense, d’alerte précoce et de gestion des violences intercommunautaires, ainsi que de lutte contre la pauvreté et le chômage, entre autres, arguant que ces facteurs alimentent l’extrémisme violent et l’instabilité accrue sur tout le continent africain.  L’Union africaine et les organisations sous-régionales peuvent jouer un rôle fondamental à cet égard, a estimé le représentant, parce qu’elles sont mieux placées pour soutenir et conduire la prévention et le règlement des conflits en Afrique, dans le cadre d’une coopération avec l’ONU et les organisations internationales. 

Le représentant a souligné que l’escalade des conflits existants dans plusieurs pays africains a des conséquences meurtrières causées, entre autres, par la criminalité transnationale, le terrorisme et la prolifération des armes légères et de petit calibre.  Il a expliqué que les effets de ces problèmes ont été exacerbés davantage par l’existence d’espaces anarchiques propices aux activités illégales, à la corruption et aux flux financiers illicites.  Cela facilite le financement des insurrections et des rébellions et l’acquisition libre et facile d’armes par des groupes armés ou des agents non étatiques sur des marchés parallèles, a-t-il constaté.  M. Ndong Mba a également fait part de ses réserves par rapport aux régimes de sanctions qui visent certains pays africains, dont la République centrafricaine, et qui contribuent, selon lui, à l’instabilité, étant donné l’impossibilité ou la limitation du Gouvernement démocratiquement élu, en raison des sanctions imposées, d’acquérir des armes adéquates pour combattre les groupes armés qui déstabilisent le pays, alors que ces groupes armés peuvent le faire librement sur des marchés parallèles, les plaçant en position de force par rapport aux armées nationales des États visés par les sanctions.

M. SERHII DVORNYK (Ukraine) a dit que jusqu’au 24 février 2022, l’Ukraine avait contribué à cinq missions de maintien de la paix en Afrique.  Mais l’agression de la Russie a altéré la capacité du pays à tenir son engagement, a-t-il regretté.  L’invasion russe, a-t-il poursuivi, a conduit à une crise alimentaire dans les autres parties du monde y compris en Afrique qui est ainsi prise en otage par la guerre russe contre l’Ukraine.  Il s’est désolé que cela mette en danger la vie et la santé d’environ 400 millions de personnes dépendantes des exportations céréalières ukrainiennes.  « Tant que la Russie continue de faire revivre ses pratiques coloniales contre l’Ukraine, tant que les forces russes brûlent nos champs, bombardent nos fermes et nos entrepôts de céréales, tant qu’elles volent nos matériels agricoles, la menace de famine planera et les prix des denrées alimentaires augmenteront », a prévenu le représentant. 

Il a toutefois assuré que l’Ukraine reste déterminée à résoudre la crise alimentaire mondiale, voulant poursuivre ses efforts pour assurer la mise en œuvre de l’Initiative céréalière de la mer Noire.  Il a indiqué qu’à ce jour, 10 navires ont déjà quitté les ports ukrainiens.  Il est maintenant de la responsabilité des partenaires internationaux de veiller au respect par la Russie de ses obligations en matière de fonctionnement sûr du corridor céréalier, a-t-il commenté.  Le délégué a fait remarquer que la menace de la faim serait finalement éliminée si la guerre d’agression russe s’arrêtait et si le respect des principes de la Charte des Nations Unies était pleinement rétabli.  Selon lui, c’est la guerre menée par la Russie qui est la cause de l’insécurité alimentaire et non les sanctions qui ne sont qu’une réponse à l’agresseur pour le dissuader d’attaquer l’Ukraine.  Avant de conclure, le délégué a annoncé le lancement de la première Stratégie pour le développement des relations de l’Ukraine avec les États africains et la nomination d’un envoyé spécial pour l’Afrique.  Le Ministre ukrainien des affaires étrangères a prévu de se rendre dans les États d’Afrique subsaharienne, a-t-il ajouté.  Il a terminé en citant le Président Volodymyr Zelenskyy: « Notre tâche numéro un est maintenant de nous débarrasser de la menace de famine.  C’est pourquoi les efforts de la Russie pour revenir à la politique agressive du colonialisme doivent cesser. »

Mme MARÍA DEL CARMEN SQUEFF (Argentine) a recommandé, pour atteindre et maintenir la paix et un cercle vertueux de développement, de faire des changements structurels au sein des pays afin de résoudre les problèmes tels que la pauvreté, l’exclusion et la marginalisation, de renforcer les services de santé et d’éducation, de réduire les inégalités et le manque d’opportunités, et de résoudre les problèmes de la faim, de la dégradation de l’environnement et du manque d’eau.  Une alliance entre l’Union africaine et les Nations Unies pour la mise en œuvre de l’Agenda 2063 et du Programme 2030 contribuera à l’accélération du développement et la réduction des conflits en Afrique, a-t-elle assuré.  La représentante a aussi plaidé pour que les gouvernements prennent les mesures nécessaires en vue de mettre fin aux conflits internes, et pour que la communauté internationale mette l’accent sur la coopération et la coordination, des éléments indispensables pour faire de la paix une réalité.  Elle a enfin affirmé que les opérations de maintien de la paix de l’ONU sont des instruments essentiels pour atteindre l’objectif de maintien de la paix et de la sécurité internationales.  La présence active de l’Argentine dans ces missions est une manifestation claire de son engagement envers cette approche, a-t-elle fait remarquer.

M. MUHAMMAD ABDUL MUHITH (Bangladesh) a souligné le rôle déterminant des missions de maintien de la paix pour le renforcement des capacités en Afrique.  Le continent africain a accueilli jusqu’à présent la plupart des opérations de maintien de la paix, soit plus de 30 missions depuis 1960, a-t-il rappelé, ajoutant qu’à l’heure actuelle, plus de 6 500 soldats de la paix du Bangladesh sont déployés dans six missions de maintien de la paix en Afrique.  Ces Casques bleus ont notamment protégé les civils, créé des conditions propices à l’acheminement de l’aide humanitaire, construit des institutions nationales, en particulier dans le secteur de la sécurité, et soutenu les processus de paix en Afrique dans le cadre du mandat des opérations de maintien de la paix, a précisé le représentant.  En outre, l’Institut bangladais de formation aux opérations de soutien à la paix (BIPSOT) propose des cours de formation tels que le cours de commandant de contingent, le cours d’observateur militaire, le cours d’officiers d’état-major, le cours d’officiers de logistique, le cours sur les femmes et la paix et la sécurité, le cours sur la réforme du secteur de la sécurité, entre autres.  

Le délégué a en outre appelé à augmenter le financement programmatique des missions de maintien de la paix pour intensifier leurs activités de consolidation de la paix.  Il a encouragé le Conseil à prendre cela en considération lors de l’établissement des mandats des missions, non seulement pendant la transition mais aussi dès le départ.  Il a également mis en avant le rôle et la contribution des ONG et d’autres acteurs de la société civile dans le renforcement des capacités des autorités nationales et locales, ainsi que pour complémenter les priorités nationales dans le domaine du maintien de la paix, en citant le cas de BRAC, une grande ONG du Bangladesh qui œuvre en Afrique.  Le délégué a ensuite mis en exergue le rôle de la CCP dans le soutien aux priorités nationales de consolidation de la paix des pays et des régions.  Le rôle de rassembleur de la Commission devrait, selon lui, être mis à profit pour amener tous les acteurs à adopter une approche coordonnée pour le maintien de la paix en Afrique.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Palestine: quelques heures après le cessez-le-feu, le Conseil de sécurité fait le point sur les développements des trois derniers jours à Gaza et en Israël

9107e séance – après-midi
CS/14994

Palestine: quelques heures après le cessez-le-feu, le Conseil de sécurité fait le point sur les développements des trois derniers jours à Gaza et en Israël

Réuni à la demande de la Chine, des Émirats arabes unis, de la France, de l’Irlande et de la Norvège pour discuter des développements récents concernant la bande de Gaza, quelques heures après l’instauration d’un cessez-le-feu, le Conseil de sécurité a entendu cet après-midi un état des lieux dressé par le Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, M. Tor Wennesland.

Ces derniers jours ont été témoins d’une « escalade profondément inquiétante » dans la bande de Gaza entre les forces armées israéliennes et des groupes armés palestiniens, principalement le Jihad islamique palestinien, a-t-il relaté.  En effet, selon les chiffres préliminaires, « qui doivent encore être confirmés », dès le 5 août, les forces de sécurité israéliennes auraient lancé 147 frappes aériennes contre des cibles à Gaza alors que des militants palestiniens auraient rétorqué par environ 1 100 tirs de roquettes et de mortiers vers Israël.  Il a donné les chiffres concernant les Palestiniens (46 tués et 360 blessés) et les Israéliens (70 blessés), en soulignant les centaines de résidences et d’infrastructures civiles palestiniennes endommagées ou détruites et en citant les dommages infligés également aux structures résidentielles et civiles israéliennes. 

Hier soir, le Jihad islamique palestinien et le Cabinet du Premier Ministre israélien ont annoncé, dans des déclarations séparées, qu’un cessez-le-feu avait été convenu et entrerait en vigueur à 23 h 30 heure locale le 7 août, a relaté M. Wennesland, ce que tous les membres du Conseil de sécurité ont salué en encourageant les parties à le respecter et à mettre un terme à cette spirale de violence.

Face à ce lourd bilan, l’Observateur permanent de l’État de Palestine a reproché à Israël de revendiquer pour son peuple le droit à la protection alors même qu’il bafoue ce même droit en toute impunité lorsqu’il s’agit des Palestiniens.  Selon lui, ce sont les prochaines élections législatives israéliennes et le souhait d’apaiser les extrémistes israéliens qui sont la raison de cette escalade des tensions.  « Quelle est la valeur d’une vie palestinienne par rapport à une vie israélienne », s’est-il indigné en constatant que ni le droit international, ni le droit humanitaire, ni la Charte des Nations Unies ne s’appliquent à Israël.  L’Observateur a exigé à nouveau que la communauté internationale veille à la protection des Palestiniens. 

Israël a retorqué que « les faits sont pourtant clairs dès lors que l’on prend la mesure de ce que le Jihad islamique palestinien a fait en moins de trois jours »: tirer 1 100 roquettes contre les villes et villages d’Israël.  Il a affirmé que 200 de ces roquettes sont retombées dans la bande de Gaza, précisant qu’elles auraient fait des victimes parmi les civils palestiniens, notamment les enfants.  « La mort tragique d’enfants est le résultat de tirs de roquettes des Palestiniens », a-t-il accusé, ajoutant se tenir à disposition des membres du Conseil qui souhaiteraient consulter le dossier de « preuves irréfutables » que détient sa délégation.  En attendant, il ne fait aucun doute pour Israël que le Jihad islamique palestinien n’a qu’un seul objectif: remplacer Israël par un État islamique, et ce, en utilisant des Gazaouis comme boucliers humains, selon le délégué israélien qui y a vu « un double crime de guerre ».  Il a assuré que, de son côté, son pays choisit la voie de la bonne volonté et pas celle de la guerre.  « Mais quand nous sommes menacés, nous nous devons de réagir. »

Compte tenu de ces récits discordants, les États-Unis, le Royaume-Uni et le Gabon, entre autres, ont demandé une enquête indépendante pour faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé ces derniers jours. 

En attendant, le cessez-le-feu reste en place, comme l’a constaté le Coordonnateur spécial qui s’est dit reconnaissant à l’Égypte pour le rôle crucial qu’elle a joué dans son obtention, aux côtés des Nations Unies et avec le soutien du Qatar, des États-Unis, de la Jordanie, de l’Autorité palestinienne et d’autres, pour désamorcer la situation.  Il a fait remarquer que tous ces efforts ont permis d’éviter « le déclenchement d’une guerre à grande échelle » et ont permis de livrer une aide humanitaire indispensable à la population de la bande de Gaza, à partir d’aujourd’hui.  Il a assuré que l’ONU reste en contact étroit avec toutes les parties pour consolider ce cessez-le-feu et veiller à ce que les progrès significatifs accomplis en termes d’assouplissement des restrictions, que l’on observe depuis la fin de l’escalade en mai dernier, soient préservés et même élargis. 

Lui faisant écho, l’Égypte a argué que la levée du siège de la bande de Gaza contribuerait à améliorer les conditions sur le terrain et à rétablir la confiance entre les deux parties.  Elle a appelé à œuvrer de toute urgence pour faciliter l’acheminement des biens et la fourniture de services à Gaza, à mobiliser le financement nécessaire à la reconstruction de la bande afin de permettre une vie décente pour les Gazaouis, et à garantir une protection internationale au peuple palestinien. 

La France a mis en garde que les tensions de ces derniers jours sont malheureusement appelées à se reproduire si un horizon politique n’est pas restauré en vue d’une paix juste et durable.  Le Coordonnateur spécial n’a pas dit autre chose en prévenant que « ces cycles de violence ne cesseront que lorsque nous parviendrons à un règlement politique du conflit », qui mette fin à l’occupation et permette la réalisation d’une solution à deux États sur la base des lignes de 1967.  La communauté internationale doit donc activement s’impliquer, notamment par le biais du Quatuor pour le Moyen-Orient, a recommandé l’Égypte.  L’Albanie a, elle aussi, plaidé pour des efforts diplomatiques en vue de la reprise de négociations constructives vers une solution viable à deux États car « Israéliens et Palestiniens ont le droit de vivre dans la paix et la dignité, à l’abri de la peur ». 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE

Déclarations

M. TOR WENNESLAND, Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, a fait le point de la situation pendant ces derniers jours, qui ont été témoins d’une « escalade profondément inquiétante » dans la bande de Gaza entre l’armée israélienne et des groupes armés palestiniens, principalement le Jihad islamique palestinien.  Selon les chiffres préliminaires, « qui doivent encore être confirmés », dès le 5 août, les forces de sécurité israéliennes auraient lancé 147 frappes aériennes contre des cibles à Gaza alors que des militants palestiniens auraient tirés environ 1 100 roquettes et mortiers vers Israël.  M. Wennesland a ajouté que 46 Palestiniens ont ainsi été tués et 360 blessés, et que des centaines de logements ont été endommagés ou détruits, ainsi que d’autres infrastructures civiles, pendant que 70 Israéliens ont été blessés, et que des dommages ont été infligés aux logements et à d’autres structures civiles israéliennes. 

Hier soir, a-t-il relaté, le Jihad islamique palestinien et le Cabinet du Premier Ministre israélien ont annoncé, dans des déclarations séparées, qu’un cessez-le-feu avait été convenu et entrerait en vigueur à 23 h 30 le 7 août.  Ce cessez-le-feu reste en place, a constaté le Coordonnateur spécial qui s’est dit reconnaissant à l’Égypte pour le rôle crucial qu’elle a joué dans son obtention, aux côtés des Nations Unies et avec le soutien du Qatar, des États-Unis, de la Jordanie, de l’Autorité palestinienne et d’autres, pour désamorcer la situation.  Ensemble, tous ces efforts ont permis d’éviter le déclenchement d’une guerre à grande échelle et de livrer une aide humanitaire indispensable à la population de Gaza, à partir d’aujourd’hui, a-t-il indiqué.  Le Coordonnateur spécial a ajouté que l’ONU reste en contact étroit avec toutes les parties pour consolider le cessez-le-feu et veiller à ce que les progrès significatifs accomplis vers l’assouplissement des restrictions, en place depuis la fin de l’escalade en mai dernier, puisse être préservés et finalement élargis. 

Cette dernière escalade a ses racines dans des tensions plus profondes, qui augmentent depuis des mois dans tout le territoire palestinien occupé, a expliqué M. Wennesland en évoquant notamment les quatre attentats terroristes qui ont eu lieu à l’intérieur d’Israël en mars et en avril.  À la suite de ces attaques, les autorités israéliennes ont intensifié leurs opérations militaires à l’intérieur de la Cisjordanie occupée, un nombre important de ces opérations se déroulant à Jenine et ciblant des groupes militaires palestiniens opérant dans la région.

Continuant son récit, M. Wennesland a indiqué que, le 1er août, les forces de sécurité israéliennes ont arrêté Bassem al-Saadi, un haut dirigeant du Jihad islamique palestinien en Cisjordanie occupée, ainsi que son gendre, opération au cours de laquelle un Palestinien de 17 ans a été tué.  Le Jihad islamique palestinien a immédiatement déclaré un « état d’alerte » et a élevé le niveau de préparation de ses militants, a-t-il dit, ce qui a déclenché une fermeture par Israël des points de passage vers la bande de Gaza le 2 août et la mise en place de mesures restreignant les mouvements de civils dans la soi-disant « enveloppe de Gaza ».  Le Coordonnateur spécial a décrit la montée des tensions qui a suivi, dans un contexte de rhétorique hautement incendiaire des groupes militants palestiniens.  L’ONU, l’Égypte et d’autres ont entamé des efforts de médiation intensifs pour éviter une escalade, a-t-il rappelé. 

Poursuivant, il a dit que, le 5 août, les forces israéliennes ont mené une série de frappes aériennes contre des cibles militaires, notamment contre un haut commandant du Jihad islamique palestinien à Gaza, qui a été tué dans l’attaque.  Quelques heures plus tard, le Jihad islamique palestinien et d’autres factions militantes ont lancé plus de 100 roquettes et d’autres projectiles depuis des quartiers civils de la bande de Gaza vers des centres de population civile en Israël, y compris Tel-Aviv, a dit le Coordonnateur spécial en condamnant ces actions.  Il a raconté qu’au cours des jours suivants, les frappes aériennes et d’artillerie israéliennes contre des cibles militantes à Gaza et les tirs de roquettes par des militants palestiniens sur Israël se sont poursuivis de manière intensive.  Cette escalade a fait des ravages parmi la population civile, s’est alarmé M. Wennesland.  Tout en reconnaissant pleinement les préoccupations légitimes d’Israël en matière de sécurité, il a réitéré que le droit international exige un recours proportionné à la force et de prendre toutes les mesures possibles pour éviter les pertes civiles.  Le Président de l’Autorité palestinienne, M. Mahmoud Abbas, a publié une déclaration condamnant les frappes israéliennes et réitéré son appel à la communauté internationale pour protéger les Palestiniens, a indiqué M. Wennesland.

Outre les morts, les blessés et la destruction de biens, le haut fonctionnaire a prévenu que la fermeture totale des points de passage d’Erez et de Kerem Shalom pendant six jours a eu de graves conséquences humanitaires pour les Palestiniens de la bande.  « Gaza était au bord de l’effondrement humanitaire hier soir lorsque le cessez-le-feu est entré en vigueur. »  La nourriture de base, les fournitures médicales et le carburant n’ont pas pu entrer et, depuis le 6 août, la seule centrale électrique de Gaza est fermée, provoquant des coupures de courant de plus de 20 heures par jour et affectant gravement la fourniture des services de base et le fonctionnement des hôpitaux et cliniques, des écoles, du dessalement et de la distribution de l’eau ainsi que le traitement des eaux usées. 

Depuis l’annonce du cessez-le-feu hier soir, les mouvements de marchandises essentielles et de personnes à l’intérieur et à l’extérieur de Gaza, y compris l’acheminement de l’aide humanitaire et du carburant pour la centrale électrique de Gaza, ont repris, a indiqué M. Wennesland en saluant la réouverture en temps voulu par les autorités israéliennes des points de passage d’Erez et de Kerem Shalom.  Son adjointe et Coordonnatrice humanitaire de l’ONU a pu se rendre à Gaza ce matin, a-t-il dit en précisant qu’elle a passé la journée à rencontrer des membres des agences onusiennes et humanitaires, des familles touchées par l’escalade et des groupes de la société civile, et à évaluer les dégâts et les besoins.  « Le coût sera lourd. »

Faisant écho au Secrétaire général qui s’est félicité hier de l’annonce du cessez-le-feu et qui a appelé toutes les parties à respecter cet accord, M. Wennesland a tenu à rappeler aux membres du Conseil que le cessez-le-feu est fragile et que toute reprise des hostilités aurait des conséquences dévastatrices pour les Palestiniens et les Israéliens, et rendrait tout progrès politique difficile.  Les facteurs sous-jacents de cette escalade et des précédentes sont toujours là, a-t-il fait remarquer en prédisant que « ces cycles de violence ne cesseront que lorsque nous parviendrons à un règlement politique du conflit » qui mettra fin à l’occupation et à la réalisation d’une solution à deux États sur la base des lignes de 1967, conformément aux résolutions de l’ONU, au droit international et aux accords antérieurs.  Le Coordonnateur spécial a conclu en réitérant son appel aux dirigeants israéliens et palestiniens, ainsi qu’à la communauté internationale, pour qu’ils renforcent les efforts diplomatiques en vue de la reprise de négociations constructives vers une solution viable à deux États.

M. RIYAD H. MANSOUR, Observateur permanent de l’État de Palestine, a salué la convocation de cette réunion d’urgence pour examiner « la flagrante violation de la Charte des Nations Unies et du droit international par Israël ».  Il a déploré qu’Israël « revendique tout ce dont il nous prive » et ne cesse d’attaquer le peuple palestinien, priant le Conseil de sécurité d’abroger « le droit à la sécurité d’Israël que ce pays utilise pour tuer les Palestiniens ».  Il a accusé Israël de réécrire partout les règles internationales à sa mesure pour saper le droit international.  « Le Conseil est-il prêt à dire à Israël que cela suffit?  Combien d’années durera le blocage de deux millions de Gazaouites, dont la moitié sont des enfants? »  La politique israélienne, c’est bombarder Gaza et poursuivre la colonisation, a-t-il affirmé.  « C’est aussi violer le statu quo historique de Jérusalem-Est. »  Selon lui, la raison de ce regain de tension, ce sont les prochaines élections législatives israéliennes et la volonté d’apaiser les extrémistes israéliens. 

« Israël tue les Palestiniens parce qu’il peut le faire », a-t-il remarqué, demandant à nouveau « quand le monde dira-t-il à Israël qu’il ne peut plus agir comme cela? »  S’interrogeant aussi sur la valeur d’une vie palestinienne par rapport à une vie israélienne, il a déploré que ni le droit international, ni le droit humanitaire, ni la Charte des Nations Unies ne s’appliquent à Israël, qui, de ce fait, « jouit d’une impunité totale pour ses crimes ».  « Nous avons besoin d’une protection.  Les Palestiniens ont besoin de protection. »  Selon M. Mansour, un enfant palestinien de 5 ans a déjà connu trois guerres.  Il a demandé aux membres du Conseil de se mettre dans la peau des parents palestiniens et de faire l’expérience d’êtres impuissants et incapables de protéger leurs enfants.  La vie d’un enfant et d’un parent palestiniens se résume à survivre à une guerre et attendre le prochain massacre, a-t-il décrit.  Il a demandé à Israël d’expliquer comment il entend répondre à ces appels à la protection. 

« Israël tue des Palestiniens car il l’a toujours fait. »  L’Observateur a martelé que ce pays tue le peuple palestinien, occupe les territoires palestiniens et assiège ses villes, en rejetant la faute sur les Palestiniens.  « Israël dit vouloir la paix mais occupe notre territoire et continue d’élargir la colonisation. »  L’Observateur a encore donné l’exemple d’un adolescent palestinien de 15 ans qui a vécu toute sa vie sous le blocus israélien et a connu six guerres.  Cette situation n’est pas tenable, a-t-il estimé en faisant remarquer qu’il est pourtant possible de changer la situation.  Il a ainsi prié la communauté internationale et le Conseil de sécurité d’appliquer les résolutions des Nations Unies pour changer les choses, rappelant que 15 enfants palestiniens ont été tués en quelques jours seulement. 

Il a cité le Président Joseph Biden, qui a dit que les Palestiniens et les Israéliens ont le même droit à la liberté et à la prospérité, et dans la même mesure.  Gaza n’a pas vocation d’aller de ruine en ruine, a-t-il décrété en expliquant que la destinée de la Palestine est de vivre dans la paix.  Il a donc appelé à sortir de l’impasse actuelle en passant des discours aux actes, sans attendre les prochaines élections israéliennes.  Il a appelé le Conseil à utiliser toutes ses prérogatives à cette fin, pour sauver la paix quel qu’en soit le prix.  « Le Conseil doit traîner les deux parties à la table des négociations sans attendre. »

M. GILAD MENASHE ERDAN (Israël) a affirmé que le débat pouvait prendre deux directions, « soit rallier le Conseil de sécurité contre les forces qui cherchent notre destruction, soit entacher son histoire ».  Selon lui, les faits sont clairs dès lors qu’on prend la mesure de ce que le Jihad islamique palestinien a fait en moins de trois jours: tirer 1 100 roquettes contre les villes et villages d’Israël.  Il a expliqué que 200 d’entre elles étaient retombées dans la bande de Gaza, faisant des victimes parmi les civils palestiniens, notamment des enfants.  La mort tragique d’enfants est le résultat de tirs de roquettes des Palestiniens, s’est-il exclamé, ajoutant se tenir à disposition des membres du Conseil qui souhaiteraient consulter le dossier de preuves irréfutables que détient sa délégation.

Le représentant a indiqué que le Jihad islamique palestinien se préparait à une attaque imminente à la frontière de Gaza avec Israël.  Vendredi, peu avant cette attaque, Israël a dû agir pour défendre son peuple et son pays contre les agissements d’une organisation armée, financée et entraînée par l’Iran, a-t-il poursuivi, notant que le dirigeant de cette organisation se trouvait au début des bombardements en Iran, « auprès de ses maîtres, les ayatollahs, pour y recevoir ses ordres ».  Le délégué a déclaré que l’opération menée par les forces israéliennes l’avait été avec une précision remarquable: « aucun théâtre de conflit ne se déroule avec autant de précautions prises en amont, la preuve étant qu’ont été enregistrés des taux de dommages collatéraux qui ne peuvent pas être plus bas ».  Il a par ailleurs martelé que le Jihad islamique palestinien n’a qu’un objectif, remplacer Israël par un État islamique, cela en utilisant des Gazaouis comme boucliers humains, « ce qui constitue un double crime de guerre ».

Comment la Norvège réagirait-elle si des bombes pleuvaient sur Oslo? a ensuite demandé le représentant, qui s’est ému du fait que si les responsables de l’ONU saluent l’élimination du chef d’Al-Qaida, ils s’inquiètent, « aux dépens des faits », de ce qui se passe à Gaza.  Le deux poids, deux mesures et les accusations mensongères ne sauraient changer la réalité des faits, a-t-il réagi.  Il a conclu son intervention en déclarant que les actes montrent qu’Israël choisit la voie de la bonne volonté et pas celle de la guerre.  « Mais quand nous sommes menacés, nous nous devons de réagir », a-t-il enfin dit. 

M. OSAMA MAHMOUD ABDELKHALEK MAHMOUD (Égypte) a rappelé que ces derniers jours, la bande de Gaza a été témoin d’une escalade soudaine de la violence entre Israël et des factions palestiniennes, ce qui a causé la mort d’environ 43 martyrs, dont des femmes et des enfants, et fait 311 blessés.  Cette dernière escalade est survenue à un moment où Gaza n’a pas encore géré les répercussions de celle, destructrices, de l’escalade de l’an dernier.  Dans le même temps, a-t-il relevé, Israël a autorisé un certain nombre de colons, sous la protection de la police, à prendre d’assaut les cours du Haram el-Charif, ce qui constituant une violation du statut historique et juridique des Lieux saints de Jérusalem-Est et une provocation contre les musulmans.  Le délégué a dit qu’une fois de plus, l’Égypte a pris l’initiative d’opérer une médiation entre Israël et les factions palestiniennes de la bande de Gaza, dans le but de faire immédiatement cesser la violence et d’assurer la protection des civils dans la bande de Gaza, ce qui a été couronné de succès avec l’instauration d’un cessez-le-feu dès la soirée du 7 août.

Le représentant a souligné que la dernière escalade est intervenue dans le contexte de la poursuite de la politique de siège israélien imposé à la bande de Gaza et la poursuite des violations israéliennes en Cisjordanie à travers la politique d’arrestations, d’expansion des colonies et de démolition de maisons et d’installations palestiniennes.  Il a appelé à la fin de toutes les pratiques israéliennes, en particulier l’expansion des colonies qui représente une violation des droits les plus importants du peuple palestinien.  De même, la levée du siège de la bande de Gaza devrait contribuer à améliorer les conditions sur le terrain et rétablir la confiance entre les deux parties.  Ensuite, le délégué a appelé à œuvrer de toute urgence à faciliter l’accès des biens et services à Gaza et à mobiliser le financement nécessaire à la reconstruction.  Il a également appelé au respect de la situation juridique et historique des Lieux saints de Jérusalem-Est qui restent sous la tutelle du Royaume hachémite de Jordanie.  Enfin, le délégué a appelé à une protection internationale du peuple palestinien, avant d’affirmer que ce cycle de violences successives prouve l’importance pour la communauté internationale d’agir, notamment par le biais du Quatuor, qui doit relancer le processus de paix au Moyen-Orient.

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a réitéré la préoccupation de son pays face aux récentes violences dans la bande de Gaza qui ont coûté la vie à des dizaines de civils, dont 15 enfants.  Il a souligné la nécessité pour toutes les parties de respecter leurs responsabilités en vertu du droit international et du droit international humanitaire, en particulier en ce qui concerne la protection des civils et des infrastructures civiles.  La détérioration de la situation humanitaire à Gaza ne peut supporter davantage de chocs, a tranché le représentant, avant de saluer l’entrée en vigueur de la trêve dimanche soir, grâce à la médiation égyptienne.

Il importe que les parties au conflit souhaitent réellement satisfaire le désir de paix des deux peuples, a estimé le représentant, en souhaitant à cet égard que les progrès réalisés vers l’ouverture progressive des points de passage de Gaza soient maintenus.  Ces mesures ont le potentiel de contribuer à la relance de l’économie locale et de répondre aux besoins humanitaires de la population, y compris le rétablissement des secteurs de la santé et des services, a-t-il fait valoir.  Il n’est pas possible de parler de paix durable dans la région sans un règlement de la question palestinienne, a tranché le délégué.  Par conséquent, il est nécessaire de reprendre les efforts internationaux pour trouver une solution juste, globale et pacifique conformément aux résolutions pertinentes de l’ONU.  De ce point de vue, il a mis en garde contre le fait que la situation restera potentiellement explosive en l’absence d’une réelle volonté politique de la part des parties de reprendre les négociations et de sortir de l’impasse du processus de paix.

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a déploré une escalade ayant fait de nombreuses victimes civiles palestiniennes, rappelant ensuite les obligations de protection des civils et de respect du droit international humanitaire incombant à toutes les parties.  Nous condamnons également les tirs de roquettes sur le territoire israélien et réitérons notre attachement indéfectible à la sécurité d’Israël, a poursuivi la représentante.  Elle a salué l’instauration du cessez-le-feu conclu hier à l’initiative de l’Égypte, tout en insistant sur la nécessité que tout soit mis en œuvre pour éviter une nouvelle escalade dont les populations civiles seraient de nouveau les premières victimes, « ce qui n’est pas acceptable ».  La France rappelle qu’il n’y aura pas de stabilité durable à Gaza sans le retour de l’Autorité palestinienne dans l’enclave et sans une levée du blocus assortie de garanties de sécurité crédibles pour Israël, a ensuite dit Mme Broadhurst Estival.  Elle a également rappelé que les Israéliens comme les Palestiniens ont le droit de vivre dans la paix, la dignité et la sécurité et que sans la restauration d’un horizon politique en vue d’une paix juste et durable, « ces tensions sont malheureusement appelées à se reproduire ».  Après avoir indiqué que la France appelle toutes les parties à respecter le cessez-le-feu entré en vigueur le 7 août et à mettre un terme à cette spirale de violence qui n’est dans l’intérêt de personne, la représentante a assuré le Conseil que son pays ne ménagera aucun effort, avec ses partenaires européens et régionaux, pour promouvoir la reprise des négociations politiques en vue d’un règlement du conflit dans le cadre du droit international.

M. ODD INGE KVALHEIM (Norvège) a salué l’annonce du cessez-le-feu entre Israël et le Jihad islamique palestinien, la réouverture des points de passage frontaliers vers Gaza et le redémarrage de la centrale électrique de Gaza.  Il a souligné la fragilité de la situation humanitaire dans la bande de Gaza qui était déjà désastreuse avant même cette dernière escalade.  Le représentant a estimé que les violences de ces derniers jours risquent de saborder les efforts de développement de la bande de Gaza, appelant la communauté internationale à tout faire pour que cela n’empire pas.  Les améliorations apportées au cours de l’année écoulée à Gaza, comme l’augmentation des permis de travail, l’élargissement des zones de pêche et l’assouplissement des restrictions commerciales doivent être préservées, a commenté le délégué.  Il a appelé Israël à juguler les facteurs du conflit découlant de l’occupation, soulignant également la nécessité d’éviter des tensions croissantes à Jérusalem.  Les éléments radicaux ne doivent pas être autorisés à aggraver la situation autour des Lieux saints, et le statu quo historique doit être maintenu, a-t-il recommandé.  Selon lui, l’incapacité à faire face aux tensions risque de mener à de nouvelles violences.  Le représentant norvégien a exhorté les parties à revenir à la négociation pour mettre fin à ce conflit.

Mme CÁIT MORAN (Irlande) a salué le cessez-le-feu annoncé dans la soirée du 7 août et appelé toutes les parties à veiller à ce qu’il reste en vigueur.  Profondément inquiète face à la violence de ces derniers jours, elle a déclaré que l’impact des frappes israéliennes sur les civils dans la bande de Gaza est inacceptable.  Elle a déploré que 45 Palestiniens aient perdu la vie, dont 14 enfants, avant de souligner la situation humanitaire qui était déjà difficile sur place.  Après avoir également condamné le lancement de roquettes depuis Gaza vers Israël, elle a martelé que la protection de tous les civils, à travers le territoire palestinien occupé (à Gaza et en Cisjordanie) et en Israël, est d’une importance capitale et une obligation en droit international.  Israël, en tant que Puissance occupante, a le devoir d’assurer un accès sans entrave à l’aide humanitaire à Gaza. »  La représentante a souligné l’urgence de l’approvisionnement en carburant, en électricité et en fournitures médicales, demandant aussi que les patients puissent quitter Gaza pour recevoir des soins médicaux.  « Il incombe à toutes les parties, y compris celles de ce Conseil, de redonner espoir à un processus de paix véritable qui réponde aux besoins de tous les Palestiniens et Israéliens, y compris ceux des femmes. »  Mme Moran a souhaité que le cessez-le-feu actuel ne soit pas seulement une pause entre deux cycles de violence.  Ce qu’il faut, ce sont de véritables efforts pour relancer un engagement politique entre les parties, a-t-elle estimé rappelant qu’il ne peut y avoir de solution militaire à un conflit politique.  Avant de conclure, la représentante a réitéré que l’Irlande est prête à soutenir tous les efforts visant à contribuer à la reprise de négociations crédibles visant à parvenir à une solution juste et durable à deux États, fondée sur le droit international, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et les paramètres convenus.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a jugé impératif que le cessez-le-feu soit pleinement mis en œuvre et respecté par toutes les parties.  Il a ajouté qu’il doit absolument s’accompagner d’un apaisement des tensions dans l’ensemble des territoires palestiniens et en Israël.  Toutes les provocations et incitations à la haine et à la violence doivent cesser, a insisté le représentant, qui a condamné toutes les attaques visant des civils.  Il a estimé que sans perspective politique ni respect du droit international, « les mêmes causes produiront les mêmes effets, les cycles de violence continueront à se succéder et la population civile continuera d’être la principale victime ».  Le représentant a rappelé au Conseil de sécurité sa « lourde responsabilité » d’être à la hauteur de son mandat et des attentes des personnes touchées par ce conflit comme les autres.  À cet égard, il a assuré que le Brésil poursuivra ses efforts pour contribuer à l’action du Conseil visant à soutenir la relance du processus politique et à répondre aux questions urgentes, comme celle des détenus.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a plaidé pour des enquêtes rapides sur les pertes en vies civiles dans le cadre du conflit israélo-palestinien, appelant à ne pas tirer de conclusions hâtives, mais à s’appuyer sur des faits.  Elle a aussi plaidé pour l’approvisionnement en carburant de Gaza alors que les températures sont au plus haut.  Israéliens et Palestiniens méritent de vivre dans la sécurité et les États-Unis y travaillent, a assuré la représentante.  Elle a réaffirmé la position américaine au sujet du droit d’Israël à défendre sa population, y compris contre des tirs de roquettes, avant de souligner que le Jihad islamique palestinien est une organisation terroriste connue comme telle par les États-Unis et d’autres pays.  Et, a-t-elle assuré, c’est un pantin de l’Iran, et ses dirigeants se trouvent d’ailleurs en ce moment même à Téhéran, alors que ceux qu’ils sont censés protéger souffrent.  La déléguée a appelé tous les pays à condamner les actes de ce groupe terroriste.

Toutes les familles, quelle que soit leur religion, doivent avoir des nouvelles de leurs proches, a relevé Mme Thomas-Greenfield, en rappelant que deux civils israéliens demeurent détenus à Gaza, tout comme les dépouilles de deux militaires israéliens n’ont pas encore été remises aux familles.  Elle a indiqué que les États-Unis restent engagés en faveur de la solution des deux États, invitant les parties à éviter des actes de provocation de nature à modifier le statu quo historique des sites religieux à Jérusalem.   

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a notamment réitéré l’attachement de son pays à la solution des deux États indépendants « comme seule et unique alternative viable au conflit ».  Cette solution répond aux préoccupations légitimes d’Israël en matière de sécurité et permet la consolidation d’un État palestinien souverain, politiquement et économiquement fiable, conformément aux résolutions pertinentes des Nations Unies, a-t-il fait valoir.  Pour le représentant, il n’est plus permis d’attendre, la seule urgence étant de mettre fin, par le biais de processus politiques, aux cycles de confrontation militaire et de destruction à Gaza et ailleurs dans le territoire palestinien occupé.  Il a affirmé que le Conseil de sécurité se trouve plus que jamais dans l’obligation de faire en sorte que les pourparlers reprennent sans délai.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a constaté que cela fait plus de 70 ans que le Conseil examine la question de Palestine et que malgré cela il n’a pas été en mesure de proposer une solution juste et équitable qui donne aux populations israélienne et palestinienne la possibilité de vivre côte à côte, dans la paix et la sécurité.  Attristé par les cycles perpétuels de violence, il a salué le cessez-le-feu en cours, prenant note des violations sporadiques et de sa restauration.  « Tant qu’Israël et la Palestine ne comprendront pas que leur discours n’est qu’un aperçu incomplet de la réalité, ce sempiternel conflit risque de persister. »  Le délégué a formé le vœu de voir converger la position des deux parties de manière pacifique, en passant par la table de négociations.  Il a rejeté l’utilisation de la force de manière préventive quelles qu’en soient les circonstances.  Tout en reconnaissant le droit d’Israël à la sécurité, il a condamné les attaques violentes qui ont entraîné la mort de plus de 40 Palestiniens et blessé de nombreux Gazaouites.  Il a aussi condamné les tirs de roquettes par le Jihad islamique palestinien vers Israël, qui ont contribué à l’escalade des tensions.  Il a dit soutenir l’appel du Secrétaire général pour le plein respect des accords concernant la cessation des activités de colonisation.

Préoccupé également par la grave situation humanitaire causée par la fermeture des points de passage en Cisjordanie et par le blocus de 15 ans imposé à Gaza et ses répercussions sur les femmes et enfants, il a appelé Israël à offrir des garanties sûres de passage et d’accès pour les convois humanitaires et les travailleurs humanitaires.  Il a dénié toute justification morale et juridique des attaques aveugles contre les civils et les non-combattants, en particulier les enfants et les femmes.  Il a demandé des enquêtes et la reddition de la justice pour ces attaques meurtrières.  Le Conseil a le devoir de ne pas fermer les yeux sur la souffrance et les difficultés que continuent de connaître les civils palestiniens à Gaza et en Cisjordanie ou sur le danger lié aux tirs de roquettes en Israël, a-t-il lancé en conclusion.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a constaté la dégradation rapide de la situation dans la bande de Gaza, qui s’est soldée par un affrontement armé et de nombreuses victimes à la suite des frappes israéliennes du 5 août, auxquelles des groupes palestiniens ont riposté par des bombardements massifs et aveugles dans le territoire israélien.  Selon les informations reçues, au moins 44 Palestiniens ont été tués, dont 15 enfants, et plus de 300 autres blessés.  Il a appelé toutes les parties concernées à faire preuve d’un maximum de retenue, à respecter le droit international humanitaire et à éviter une nouvelle escalade des hostilités.  Pour sa part, dès le début, la Fédération de Russie s’est vigoureusement engagée en vue de mettre fin aux hostilités, maintenant des contacts avec des partenaires régionaux clefs, a indiqué le représentant en saluant les efforts de médiation de l’Égypte et du Qatar, qui ont finalement permis de parvenir à un accord sur un cessez-le-feu, ainsi que de la contribution de l’ONU grâce aux efforts de son Coordonnateur spécial, M. Wennesland.  L’aggravation de la situation est causée par une combinaison de facteurs, dont le principal est l’absence d’un processus de négociation directe entre les Palestiniens et les Israéliens, a estimé le délégué.  La stagnation du processus de paix, superposée à des mesures unilatérales provocatrices, risque de « faire exploser » la situation sur le terrain à tout moment, a-t-il mis en garde.  La Fédération de Russie réaffirme son engagement de principe et constant en faveur d’un règlement global et à long terme du conflit palestino-israélien conformément au principe des deux États, a dit son représentant.  Le résultat de ce processus devrait être la réalisation des droits nationaux légitimes du peuple palestinien à établir un État indépendant à l’intérieur des frontières de 1967, a-t-il précisé en conclusion.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a condamné tous les attentats terroristes contre Israël et sa population dans les termes les plus forts, ces actes ne pouvant qu’alimenter le cycle de la violence et faire empirer la situation.  Mais Israël a l’obligation de protéger les civils quand elle se défend, a-t-il ajouté, déplorant la mort de civils innocents, notamment des enfants palestiniens.  Toutes les parties au conflit doivent respecter le cessez-le-feu instauré hier à l’initiative de l’Égypte, et s’efforcer de reprendre le dialogue sur la solution des deux États, a poursuivi le représentant, qui a demandé que les couloirs humanitaires restent ouverts dans l’intérêt premier des civils de Gaza, « où la situation en la matière est toujours désastreuse ».  Il a conclu son intervention en rappelant qu’Israéliens et Palestiniens ont le droit de vivre dans la paix et la dignité « à l’abri de la peur ».

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a dit soutenir les efforts diplomatiques de l’ONU et de la communauté internationale, notamment les pays de la région, dont l’Égypte, pour parvenir à un cessez-le-feu.  La délivrance de l’aide aux populations de la bande de Gaza doit rester une priorité, a—t-elle exigé, tout en rappelant que l’absence de pourparlers directs entre les parties ne fait qu’accentuer la méfiance.  Elle a plaidé en faveur de la solution des deux États, tout en précisant que le processus pour y parvenir doit tenir compte des légitimes préoccupations d’Israël en termes de sécurité.  Les Nations Unies et la communauté internationale doivent considérer comme prioritaire la reprise des négociations directes entre les parties, a-t-elle conclu.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a relevé que l’incident du camp des réfugiés situé au nord de Gaza, qui a fait neuf morts dont quatre enfants, est révélateur de l’intensité des hostilités.  Très attaché au règlement pacifique du conflit israélo-palestinien, il a salué l’accord de cessez-le-feu signé à Gaza entre Israël et le Jihad islamique palestinien, sous l’impulsion de l’Égypte, qui a pris effet le 7 août.  Il a salué la réouverture des points de passage entre Israël et la bande de Gaza, ce qui a permis le redémarrage de l’unique centrale électrique de l’enclave.  Il a appelé à la reddition des comptes pour les responsables des violences des deux côtés, avant de réaffirmer l’attachement du Gabon à la solution des deux États vivant côte à côte sur la base des frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale.  Ce Conseil se doit de faire respecter le droit international visant à protéger les droits du peuple palestinien, tout en garantissant la sécurité d’Israël, a conclu M. Biang en appelant les parties à relancer les négociations en vue de la résolution de la crise israélo-palestinienne pour une paix réelle et durable, fondée sur le respect des principes convenus par les parties et sur l’application des règles du droit international.  

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) s’est joint aux autres membres du Conseil pour saluer le cessez-le-feu à Gaza annoncé hier soir et exprimer ses remerciements à l’Égypte, au Qatar et au Bureau du Coordonnateur spécial des Nations Unies, M. Tor Wennesland, pour leurs efforts de médiation.  Il a exhorté les parties à faire tout leur possible pour que ce cessez-le-feu soit durable et éviter de nouvelles violences.  « Ces derniers jours, nous avons une fois de plus assisté à des scènes tragiques en Israël et dans les territoires palestiniens occupés », a-t-il déclaré en déplorant la mort de civils innocents, israéliens et palestiniens.  Il a assuré que le Royaume-Uni soutient Israël et son droit de se défendre face au terrorisme et la violence, avant de présenter ses plus sincères condoléances aux familles des civils palestiniens innocents tués au cours des trois derniers jours.  Le Royaume-Uni soutient une enquête opportune et approfondie sur ce qui s’est passé, a fait savoir le délégué en estimant que le conflit israélo-palestinien et le cycle de la violence ont coûté trop de vies.  Profondément préoccupé par la situation humanitaire à Gaza, y compris le manque de mouvement et d’accès, les dommages aux infrastructures civiles et les manques de fournitures essentielles, telles que le carburant pour permettre aux centrales de produire de l’électricité, notamment pour les hôpitaux, y compris pour les hôpitaux, il a salué l’annonce faite par Israël d’autoriser l’acheminement de l’aide humanitaire vers Gaza.  En conclusion, il a estimé que cette escalade est un nouveau rappel de la nécessité urgente de progresser vers une solution à deux États.

M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a fait part de sa profonde préoccupation face à l’escalade des actes de violence ces derniers jours à Gaza et dans ses environs.  Ces incidents tragiques qui ont entraîné la perte de vies civiles, y compris d’enfants, sont particulièrement déplorables, a-t-il commenté.  Le représentant a condamné tous les actes de violence commis par les parties, en particulier les tirs de roquettes de Gaza sur le territoire israélien par les militants du Jihad islamique palestinien et l’usage disproportionné de la force par Israël, qui a entraîné la mort de civils, y compris d’enfants, ainsi que la destruction d’infrastructures civiles.  Il a dit être préoccupé par le fait que les hostilités aggravent une situation humanitaire déjà désastreuse.  Si cette situation n’est pas maîtrisée d’urgence, elle effacera, au-delà du coût humain déjà élevé, tout progrès vers l’objectif d’une paix permanente et sûre, a-t-il craint.  Le représentant a exhorté les parties concernées à permettre d’urgence l’accès sans entrave à Gaza du personnel humanitaire et des biens essentiels.  Saluant l’annonce d’un cessez-le-feu, il a encouragé les parties à le respecter, à faire preuve de retenue et à s’abstenir de tout acte de provocation, pour empêcher ainsi toute nouvelle perte de vie ou destruction de biens.

M. ZHANG JUN (Chine) a salué la mise en place, hier, de l’accord de cessez-le-feu, cela grâce aux efforts de médiation, en particulier de l’Égypte.  Le Conseil de sécurité a l’obligation de prévenir toute escalade supplémentaire, a-t-il dit, exhortant les parties au conflit à faire preuve de retenue pour assurer sans délais un retour au calme à Gaza.  Le représentant a condamné les pertes en vies de victimes civiles israéliennes et palestiniennes, tout en rappelant que la sécurité d’Israël comme celle de la Palestine doivent être garanties de manière commune et dans le respect du droit international.  Il a appelé à son tour à la levée du blocus de Gaza et à la fin du « châtiment collectif dont est victime la population gazaouie ».  Pour éviter que le conflit à Gaza devienne un conflit d’ampleur régionale, il faut revenir aux fondements consensuels de la situation, politique et complète, des deux États, a estimé le représentant.

S’exprimant au nom du Groupe des États arabes, M. MAHMOUD DAIFALLAH HMOUD (Jordanie) a salué le cessez-le-feu entre les Israéliens et le Jihad islamique palestinien.  Le Groupe a salué le rôle de gardien des Lieux saints de Jérusalem que joue la Jordanie.  Pour le Groupe, la solution des deux États est la seule manière de mettre fin au conflit.  Le représentant a appelé la communauté internationale à protéger le peuple palestinien afin de mettre fin au « mépris du droit international manifesté par Israël ».  Il a souligné que la vie des « 44 Palestiniens tués » pendant cette escalade importe et que leur mort n’est pas la conséquence de ce que l’on appelle « faire usage de la force proportionnée ».  Le délégué a appelé à l’avènement d’un État palestinien indépendant, sur les frontières de 1967, conformément aux résolutions pertinentes des Nations Unies.  Il a condamné les violations par Israël de la mosquée Al-Aqsa, qui est exclusivement un lieu de culte.  Le Groupe des États arabes rappelle l’importance de la question palestinienne pour tous les pays arabes et insiste sur le droit des Palestiniens sur tous les territoires occupés, y compris les territoires marins, a conclu le représentant. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conférence d’examen du TNP: à la date anniversaire des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, les États parties sous le feu des critiques de la société civile

Dixième Conférence d’examen du TNP,
8e & 9e séances – matin & après-midi
CD/3849

Conférence d’examen du TNP: à la date anniversaire des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, les États parties sous le feu des critiques de la société civile

À la veille du soixante-dix-septième anniversaire du bombardement d’Hiroshima, les représentants d’une vingtaine d’organisations non gouvernementales, dont des hibakusha, qui survécurent aux bombes atomiques larguées par les États-Unis contre cette ville puis à Nagasaki le 9 août 1945, se sont livrés, cet après-midi, à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, à un réquisitoire contre les États parties au Traité sur la non-prolifération (TNP).

« Je n’avais que 1 an et 10 mois quand Nagasaki a été dévastée.  Grâce aux montagnes cernant la partie centrale de la ville de Nagasaki, j’ai survécu.  Étant moi-même trop jeune pour me souvenir de ce jour, ma mère m’a raconté leur histoire encore et encore.  Sur le chemin de la montagne, elle a vu une file de gens courir pour échapper aux incendies près de l’épicentre de l’explosion, comme des fourmis », a relaté Mme Masako Wada, de Nihon Hidankyo, la confédération des organisations de victimes des bombes A et H du Japon.  Leurs corps à peine vêtus étaient largement brûlés et leurs cheveux collés par le sang et dressés comme des cornes, a décrit l’oratrice, en expliquant qu’ils étaient très vite devenus insensibles au nombre croissant de cadavres calcinés et à leur puanteur.

« Qu’est-ce que la dignité humaine?  Les humains ne sont pas créés pour être traités de la sorte », s’est indignée Mme Wada, qui a rappelé que, bientôt, il n’y aura plus de survivants des deux bombardements atomiques.  Aussi a-t-elle lancé un appel vibrant aux États parties au TNP, y compris le Japon, pour qu’ils se réengagent à éliminer les arsenaux nucléaires, un objectif qui avait été réaffirmé sans équivoque lors de la Conférence d’examen de 2010.

« Pacta Sunt Servanda », a renchéri le représentant du Global Security Institute, pour qui ignorer les promesses du passé met en péril le tissu même de la civilisation.  « Corrompre ce principe, traiter les accords comme s’ils n’étaient que poésie inatteignable aboutit à faire du pouvoir brut une véritable devise », a-t-il mis en garde.  « Détruisez le respect de bonne foi des accords, dit Aristote, et vous détruisez les relations humaines.  À l’ère nucléaire, ce n’est pas une option. »

Des appels qui ont résonné d’autant plus fort dans un environnement sécuritaire ultrapolarisé, dont la guerre en Ukraine est la manifestation la plus évidente.  Une jeune Ukrainienne de 18 ans, Yelyzaveta Khodorovska, qui est intervenue au nom de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN) mais aussi de la jeunesse de son pays, a dénoncé l’« agression brutale » de la Fédération de Russie, qui se sert selon elle de l’argument de la dissuasion nucléaire comme d’un « bouclier » pour mener ses « atrocités ».  Des armes, en somme, qui tuent même lorsqu’elles ne sont pas utilisées, a-t-elle tranché.

Cette jeune femme a dit avoir « le sentiment que les États dotés d’armes nucléaires ont tourné le dos au TNP », les accusant « tous » d’alimenter une nouvelle course aux armements nucléaires.  Rien qu’en 2021, ils ont dépensé 82 milliards de dollars pour en acquérir de nouveaux, sans compter que la notion de « parapluie nucléaire » ne cesse de gagner du terrain, le Bélarus se disant prêt maintenant à accueillir sur son territoire des armes nucléaires de son allié russe au nom d’un accord de partage nucléaire conclu cet été entre les deux pays.

« Que Nagasaki soit le dernier site de bombardement atomique en temps de guerre », a déclaré le maire de la seconde ville bombardée, M. Tomihisa Taue, en relayant ses craintes au sujet de l’Ukraine, comme la plupart des intervenants de l’après-midi.  Il a exprimé la détermination des 8 200 maires pour la paix, la coalition dont il est également le Vice-Président, en faveur de l’abolition des armes nucléaires.  Au cours de cette conférence d’examen, a-t-il insisté, les États parties doivent s’acquitter de l’obligation inscrite à l’article VI du TNP, qui dispose: « Chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace. »

Prenant la parole au nom de 35 ONG sur la mise en œuvre de cet article, Mme Alicia Sanders-Zakre, de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN), et M. Daryl Kimball, de l’Association pour le contrôle des armes, ont déploré qu’en dépit de leur engagement à en discuter, les cinq puissances nucléaires aux termes du TNP –Chine, États-Unis, Fédération de Russie, France et Royaume-Uni– aient « obstinément refusé » d’envisager de plafonner ou de réduire leurs arsenaux « meurtriers ».  Aujourd’hui, en raison de la menace russe de recourir à des armes nucléaires en Ukraine, le dialogue américano-russe sur la stabilité stratégique et la maîtrise des armements a été suspendu pour une durée indéterminée, a-t-il encore regretté.

Avant d’entendre les ONG, la Conférence d’examen du TNP avait achevé ce matin son débat général par l’intervention du Secrétaire exécutif du Secrétariat technique provisoire de l’Organisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (OTICE).  M. Robert Floyd a saisi l’occasion pour annoncer que 186 pays ont signé le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et 174 l’ont ratifié jusqu’à présent.  Avec la ratification de la Dominique, la région d’Amérique latine et des Caraïbes a entièrement adhéré au Traité, un « jalon historique » qui illustre l’attachement de la région au bannissement des essais nucléaires, s’est réjoui M. Floyd.  Cette région correspond aussi à la première des six zones exemptes d’armes nucléaires créées dans le monde.

Les travaux de la Conférence d’examen vont désormais se poursuivre en privé au sein de quatre comités jusqu’à la séance de clôture, publique, qui aura lieu le 26 août.

DIXIÈME CONFÉRENCE DES PARTIES CHARGÉE D’EXAMINER LE TRAITÉ SUR LA NON-PROLIFÉRATION DES ARMES NUCLÉAIRES

Suite et fin du débat général

M. ROBERT FLOYD, Secrétaire exécutif du Secrétariat technique provisoire de l’Organisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (OTICE), a réitéré la responsabilité de l’OTICE à contribuer de façon constructive à consolider notre dispositif de non-prolifération et de désarmement.  En dépit de nos efforts collectifs, la prolifération des armes nucléaires et de la menace de leur emploi continue de faire peser des risques inacceptables sur l’humanité, a ajouté M. Floyd, qui a avoué être « encouragé » par la reconnaissance de l’importance du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et de ses contributions précieuses à la paix et à la sécurité internationales.  Il a pris note des marques de soutien à l’égard de l’OTICE et de son régime de vérification, ainsi que du soutien inébranlable en faveur d’un objectif d’un monde débarrassé d’armes nucléaires. 

Le Secrétaire exécutif a rappelé que, depuis l’ouverture à la signature du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) il y a 25 ans, 186 pays ont signé le TICE, et 174 l’ont ratifié.  Les Comores, Cuba, la Dominique, l’Eswatini, la Gambie, le Myanmar, la Thaïlande, le Timor-Leste, les Tuvalu et le Zimbabwe sont venus s’ajouter à la liste des États parties depuis la dernière Conférence d’examen du Traite de non-prolifération en 2015.  Quatre d’entre eux l’ont fait cette année, dont le Timor-Leste, qui a déposé son instrument de ratification lors de la séance inaugurale de cette dixième Conférence d’examen.  Avec la ratification de la Dominique, la région d’Amérique latine et des Caraïbes a tout entière adhéré au Traité.  Il s’agit là d’un jalon historique qui illustre l’attachement de la région ainsi que son unité autour du bannissement des essais nucléaires, s’est réjoui M. Floyd. 

Le TICE est une histoire exemplaire qui a permis de renforcer la norme contre les essais nucléaires, a poursuivi M. Floyd.  Depuis son adoption en 1996, moins d’une dizaine d’essais ont été menés et un seul État en a pratiqué depuis le début du Millénaire, a indiqué le Secrétaire exécutif, alors que plus de 2 000 essais nucléaires avaient été effectués avant l’ouverture pour signature du Traité.  Selon lui, ce succès repose sur le régime de vérification, qui est quasiment complet.  Plus de 92% des installations du système de surveillance internationale sont en place.  Son efficacité opérationnelle garantit qu’aucun essai ne puisse passer inaperçu.  Un soutien indéfectible à la mise en place complète du système de vérification est essentiel et cela inclut les opérations provisoires du système de surveillance internationale pour les essais.  M. Floyd a également plaidé pour disposer de suffisamment de ressources pour entretenir ce système de surveillance internationale très précieux pour l’ensemble de l’humanité. 

M. Floyd a insisté sur l’importance des traités multilatéraux et des régimes de vérification qui sous-tendent les dispositifs de désarmement et de non-prolifération nucléaire.  Le TNP et le TICE sont des parties intégrantes de cette architecture de paix et de sécurité.  En 52 ans, nous avons pu mettre en place un cadre juridique et technique quasiment universel, qui a sensiblement réduit la prolifération nucléaire, a-t-il poursuivi.  Toutefois, a-t-il relativisé, l’aspiration d’un monde débarrassé des armes nucléaires ne peut se matérialiser tant que l’adhésion au TICE ne sera pas universelle.  C’est pourquoi M. Floyd a appelé tous les États parties au TNP à apporter leur appui et leur aide à ceux qui n’ont pas encore ratifié le TICE.  Toute nouvelle ratification du TICE permet de consolider la norme internationale d’interdiction des essais nucléaires et imprime un nouvel élan vers l’entrée en vigueur du Traité.  Il est de notre responsabilité historique de faire en sorte que le TICE entre en vigueur et de veiller à ce que l’interdiction des essais nucléaires soit juridiquement contraignante pour tous les États.  C’est la seule façon de garantir une fin permanente et vérifiable des essais nucléaires, un objectif partagé par tous les États parties au TNP, a conclu M. Floyd. 

Exposés d’organisations non gouvernementales

M. AKIRA KASAI, du Conseil japonais contre les bombes A et H (Gensuikyo), a déclaré que cette conférence d’examen se tenait alors que l’une des puissances nucléaires poursuit son agression militaire contre un autre pays et menace d’utiliser des armes nucléaires, tandis que d’autres puissances nucléaires et États dépendants du nucléaire renforcent leurs alliances militaires, construisent et modernisent leurs arsenaux nucléaires.  Le monde risque d’être frappé par la dévastation nucléaire pour la troisième fois, a estimé l’orateur qui a, au nom des survivants ou hibakusha, appelé à l’abolition de l’arme nucléaire de leur vivant.  Cette conférence doit condamner sans équivoque l’utilisation ou la menace de l’emploi d’armes nucléaires et réaffirmer les obligations au titre de l’article VI du TNP et tous les accords antérieurs sans plus tarder.  Gommer l’erreur de la « dissuasion nucléaire » est la clef, a assuré le représentant. 

M. Kasai a rappelé que 86% des victimes de la bombe atomique étaient des civils.  Il a aussi souhaité que la Conférence d’examen condamne l’utilisation et la menace de l’emploi des armes nucléaires et ouvre la voie à la réalisation d’un « monde sans armes nucléaires ».  Elle devra réaffirmer et définir l’application des obligations découlant de l’article VI et des accords antérieurs et la réalisation d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.  La Conférence devra reconnaître, comprendre et respecter le TNP en tant qu’effort pour le respect de la Charte des Nations Unies.  Selon lui, le danger d’une confrontation militaire et de l’utilisation d’armes nucléaires augmente en Asie de l’Est.  La raison et la diplomatie peuvent être une solution et il faut également sortir du cercle vicieux du renforcement et de la dépendance aux armes nucléaires.  La Constitution du Japon montre cette voie ainsi que les normes que les gouvernements et les peuples doivent observer. 

Mme MASAKO WADA, représentante de Nihon Hidankyo, la Confédération des organisations de victimes des bombes A et H du Japon, elle-même un hibakusha (survivante) de Nagasaki, est venu témoigner de son vécu et de tant d’autres.  Elle n’avait que 1 an et 10 mois quand Nagasaki a été dévastée par la bombe atomique.  Sa maison était située à 2,9 kilomètres du centre de l’explosion.  Grâce aux montagnes entourant la partie centrale de la ville de Nagasaki, elle a survécu jusqu’à ce jour.  Étant elle-même trop jeune pour se souvenir de ce jour, sa mère lui racontait leur histoire encore et encore.  Sur le chemin de la montagne, elle a vu une file de personnes s’échappant des incendies près du centre d’explosion, « comme des fourmis ».  Ils avaient tous l’air bruns, leurs corps légèrement vêtus brûlés partout et leurs cheveux emmêlés de sang et dressés comme des cornes sur leurs têtes.  Les gens sont vite devenus insensibles au nombre croissant de cadavres et à la puanteur des corps brulés, s’est souvenu la survivante, avant de demander à la salle: « Qu’est-ce que la dignité humaine? »   Les humains ne sont pas créés pour être traités de la sorte, s’est-elle indignée. 

Soixante-dix-sept ans se sont écoulés depuis la première utilisation des armes nucléaires par les États-Unis.  L’âge moyen des hibakusha a atteint 85 ans.  Chaque année, environ 9 000 hibakusha meurent.  Bientôt, il n’y aura plus de survivants de la bombe A.  Mais avant cela, avec l’utilisation de la troisième arme nucléaire, le monde pourrait rencontrer de nouveaux hibakusha, qui connaîtront les mêmes souffrances que les hibakusha de Nagasaki ont traversées, a mis en garde la survivante.  Leur douleur et leur souffrance sont profondes et continues: les décès d’êtres chers; la culpabilité du survivant; les scènes, les sons et les odeurs de cette époque gravés dans leur mémoire; les maladies aux causes inconnues; les difficultés économiques; les préjugés et la discrimination et tant de rêves abandonnés. 

L’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires en 2017 a suscité une grande joie chez les hibakusha, « qui ont senti qu’une porte lourde et rouillée sur laquelle nous martelions depuis de nombreuses années commençait à s’ouvrir et nous pouvions finalement voir un rayon de lumière », a déclaré la représentante.  Mais au-delà de la porte légèrement ouverte se trouvaient les énormes dépenses militaires et les nouvelles armes qui sont développées chaque jour.  Qu’a fait le monde au cours des 52 années écoulées depuis l’entrée en vigueur du TNP? a-t-elle demandé.  Qu’en est-il de l’obligation de mettre en œuvre ce traité?  Les États dotés d’armes nucléaires et leurs alliés devraient reconnaître le fait qu’en raison de leur manque de sincérité et de leur arrogance, la race humaine tout entière est au bord d’une guerre nucléaire, a tranché la hibakusha. 

Combien d’entre vous impliqués dans la politique ont rencontré des hibakusha et écouté leurs témoignages sur la bombe A? a encore souhaité savoir la représentante qui leur a lancé: « Nous faisons appel à la conscience et à la sagesse de chacun d’entre vous qui représentez votre pays, y compris le Japon, pour discuter sincèrement et vous réengager lors de cette conférence d’examen à la mise en œuvre de l’engagement sans équivoque d’éliminer les arsenaux nucléaires, qui a été réaffirmé en 2010. »  En guise de conclusion, il a rappelé que les armes nucléaires sont fabriquées par des humains, et utilisés par des humains.  « C’est donc aussi à nous, humains, de les abolir par notre sagesse, notre conscience publique et notre responsabilité. »

Mme YELYZAVETA KHODOROVSKA, Ukrainienne de 18 ans, qui a dit s’exprimer au nom de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN) mais aussi de la jeunesse ukrainienne, a expliqué que, comme la plupart des Ukrainiens, elle ne croyait pas possible que son pays subirait une agression brutale de la part de la Russie.  Pourtant, a-t-elle ajouté, « nous y sommes ».  Et les Ukrainiens croient maintenant que les menaces nucléaires du Gouvernement russe sont réelles.  En fait, « les armes nucléaires tuent des gens en Ukraine même lorsqu’elles ne sont pas utilisées parce que la Russie utilise la dissuasion nucléaire comme un bouclier pour protéger ses atrocités », a-t-elle lancé. 

« Cette situation est inacceptable.  En tant que parties au TNP, il vous incombe de condamner cette menace nucléaire et toutes les autres, et de veiller à ce que cela ne se reproduise jamais.  Sinon, quel est l’intérêt de cette conférence? » a accusé la jeune femme, pour qui, 52 ans après l’entrée en vigueur du traité, « nous constatons que le système de sécurité international n’a pas réussi à faire ce qu’il est censé faire, totalement paralysé par un détenteur de veto doté de l’arme nucléaire ».  Elle a reproché aux États dotés de ne pas avoir rempli leurs obligations en matière de désarmement, ajoutant que la dissuasion nucléaire avait certes fonctionné, mais « pour dissuader le respect des droits de l’homme, pour dissuader la justice, pour dissuader l’aide, pour dissuader l’espoir que ma génération devrait ressentir ». 

Mme Khodorovska a dit avoir « le sentiment que les États dotés d’armes nucléaires ont tourné le dos au TNP », les accusant tous d’alimenter une nouvelle course aux armements nucléaires.  Rien qu’en 2021, ils ont dépensé 82 milliards de dollars pour les armes nucléaires, « y compris la construction d’armes nouvelles et plus dangereuses », a-t-elle rappelé.  Elle a ajouté qu’aucun des États non dotés qui s’appuient sur la dissuasion nucléaire étendue -le « parapluie nucléaire »- n’avait pris de mesures pour réduire sa dépendance à l’égard de ces armes nucléaires et qu’au contraire, de plus en plus d’États se placent sous le « parapluie », alors que le Bélarus propose désormais d’accueillir des armes nucléaires sur son territoire.  Il n’y a donc pas que les États dotés qui soient en cause. 

Cela semble envoyer au monde le signal que la sécurité est impossible sans armes nucléaires.  « Devons-nous réellement voir les armes nucléaires utilisées à nouveau avant de faire enfin de réels efforts pour mettre fin à cette tyrannie nucléaire? » a demandé l’intervenante, pour qui « nous ne pouvons pas prendre ce risque » car « la prochaine fois pourrait être la dernière, mettant aussi fin au monde entier ».  Elle a considéré comme « une pensée dangereuse » l’idée qu’un échange nucléaire puisse être limité: « il y a trop de risques qu’il ne le soit pas.  Même si c’était le cas, comment laisser ensuite tant de personnes endurer tant de douleur pendant des générations?  Les radiations ne connaissent pas de frontières », a-t-elle rappelé et notre monde globalisé n’est pas à l’abri de la catastrophe socioéconomique d’un conflit nucléaire.  Elle a rappelé que l’impact humanitaire des armes nucléaires n’est que trop connu, à Hiroshima et Nagasaki, mais aussi là où ont eu lieu des essais nucléaires, au Kazakhstan, dans les Îles Marshall ou ailleurs. 

L’intervenante a dit avoir l’impression que les gens « ont oublié les horreurs qu’entraîne l’utilisation des armes nucléaires » comme ils ont effacé les souvenir collectifs de 1938 en Europe pour « apaiser l’agresseur en 2014 » et laisser ensuite une grande guerre se produire en Europe en 2022. 

Reportée en raison de la pandémie mondiale, la Conférence, par cette coïncidence, s’ouvre alors qu’il est démontré que les menaces nucléaires « peuvent être affrontées, doivent être condamnées et doivent être arrêtées », a encore déclaré l’oratrice.  Cette conférence offre « une occasion unique de prendre des décisions courageuses » et de nombreux pays ont montré la voie en adoptant le Traité d’interdiction des armes nucléaires, « qui rend le TNP plus fort ». 

« Pourquoi suis-je ici? » a-t-elle demandé, avant de conclure: « Je m’appelle Liza, j’ai 18 ans, je suis ukrainienne et j’espère un avenir sûr pour mon pays et le monde.  Un avenir avec moins de peur.  Un avenir sans guerre nucléaire.  Un avenir sans armes nucléaires. »

M. TOMIHISA TAUE, Vice-Président de Mayors for Peace et maire de Nagasaki, a fait remarquer qu’il parle à un moment qui est déjà le 6 août au Japon, l’anniversaire du jour où la première bombe atomique de l’histoire de l’humanité a été larguée sur Hiroshima.  Rappelant que sa propre ville avait connu le même sort trois jours plus tard, il a évoqué la chaleur intense, l’explosion puissante et les radiations qu’elle avait causées.  Les gens ont dû ensuite vivre dans les ruines et on comptait 210 000 précieuses vies perdues à la fin de 1945 dans les deux villes, a-t-il encore rappelé.  Soulignant les séquelles des survivants exposés aux rayonnements et la discrimination et les préjugés dont ils ont été victimes, il a salué leur engagement à partager, malgré tout, leurs souvenirs douloureux.  Des témoignages qui, selon lui, ont empêché un autre Hiroshima et Nagasaki de se produire au cours des 77 dernières années.  Le maire de Nagasaki a toutefois exprimé ses craintes, évoquant le risque que la Russie utilise des armes nucléaires avec la guerre en Ukraine, et lancé un message à tous les États: « Les armes nucléaires ne doivent jamais être utilisées.  Leur abolition est le seul moyen pour l’humanité d’éviter les dangers des armes nucléaires. »  Il a estimé que le TNP et le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires se renforcent mutuellement et exprimé la détermination des 8 200 maires pour la paix d’accroître l’élan vers l’abolition des armes nucléaires.  Il a conclu en émettant l’espoir de voir les États parties, au cours de cette conférence, réaffirmer les accords conclus lors de conférences précédentes, s’acquitter de l’obligation inscrite à l’article VI du TNP et proposer des stratégies concrètes pour progresser dans le désarmement nucléaire et la non-prolifération.  « Que Nagasaki soit le dernier site de bombardement atomique en temps de guerre », a-t-il lancé en guise de conclusion.

Pour M. BILL KIDD, représentant de Parlementaires pour la non-prolifération et le désarmement nucléaires (PNND), l’agression, telle que l’invasion russe de l’Ukraine, peut être combattue par des actions juridiques et politiques et par la diplomatie, combinées à la légitime défense conventionnelle en vertu de l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, et non en augmentant la mise sur le nucléaire.  Cette conférence d’examen du TNP offre à tous l’occasion de faire passer le paradigme prédominant de la sécurité d’un recours à la dissuasion nucléaire et à la menace ou à l’emploi de la force -un paradigme qui n’est pas viable et qui aggrave les véritables problèmes de sécurité humaine d’aujourd’hui- à un paradigme s’appuyant davantage sur la diplomatie, le désarmement, le règlement pacifique des conflits, la protection du climat, le développement durable et le droit. 

PNND se félicite et soutient la lettre ouverte aux États parties au TNP intitulée « Respecter le TNP: des menaces nucléaires à la sécurité humaine », qui a été présentée ici aujourd’hui par M. John Hallam.  Cette lettre ouverte a été approuvée par plus de 1 400 personnalités influentes du monde entier, y compris d’anciens ministres des affaires étrangères et de la défense, des chefs militaires et des ambassadeurs de pays dépendant du nucléaire, des lauréats du prix Nobel, des chefs religieux, des législateurs, des scientifiques, des universitaires, des dirigeants d’organisations de la société civile et d’autres, a souligné le représentant. 

Ce dernier a énuméré les quatre appels lancés aux États parties au TNP dans cette lettre ouverte: mettre fin à la course aux armements nucléaires en arrêtant la production d’armes nucléaires; éliminer progressivement le rôle des armes nucléaires dans les politiques de sécurité en commençant par les politiques de non-recours en premier; engager à l’élimination mondiale des armes nucléaires, au plus tard en 2045 (ce qui serait le soixante-quinzième anniversaire du TNP); réorienter les budgets et les investissements publics de l’industrie des armes nucléaires pour soutenir plutôt la paix, la santé publique, la stabilisation du climat et le développement durable. 

En novembre de l’année dernière, l’Union interparlementaire et le PNND -en coopération avec le Bureau des affaires de désarmement des Nations Unies et d’autres- ont publié un manuel sous le thème « Garantir notre avenir commun », qui est un guide de l’action parlementaire en faveur du désarmement pour la sécurité et le développement durable, et qui fait le lien entre les questions de désarmement, de sécurité, de changements climatiques et de développement durable, en donnant entre autres des exemples d’actions menées par les parlements et les parlementaires, a indiqué le représentant.  Il a ensuite passé en revue une série d’actions parlementaires prises depuis lors, dont la résolution du Parlement européen du 15 décembre 2021.  Ce texte appelle tous les États dotés d’armes nucléaires à réaffirmer le principe selon lequel une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée, condamne l’érosion de la maîtrise des armements et la violation des traités et des normes internationaux et soutient un certain nombre d’autres mesures, notamment le processus pour créer une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.

Mme ALICIA SANDERS-ZAKRE, de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN) et M. DARYL KIMBALL, de l’Association pour le contrôle des armes, ont déclaré que, bien que la Chine, la France et le Royaume-Uni se soient engagés dans des discussions relatives aux termes et aux doctrines nucléaires dans le cadre du processus N-5, ces États ont obstinément refusé de s’engager sérieusement dans des discussions pour plafonner ou réduire leurs arsenaux meurtriers.  Aujourd’hui, à la suite de la décision prise par le Président russe Vladimir Putin d’envahir l’Ukraine et de menacer de recourir à des armes nucléaires, le dialogue américano-russe sur la stabilité stratégique et la maîtrise des armements a été suspendu pour une durée indéterminée.  Cette détérioration de la situation est le fruit de plus d’une décennie de négligence de la diplomatie du désarmement dans les principales capitales, ont estimé les oratrices.  Seul point positif selon elles: le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, qui représente une nouvelle approche constructive contre les armes nucléaires et un soutien au TNP, et qui permet d’exercer davantage de pression pour que les États dotés prennent des mesures significatives en vue de plafonner, réduire et finalement éliminer leurs arsenaux de manière vérifiable.  Malheureusement, jusqu’à présent, ces derniers ont tous refusé d’adhérer à cet instrument. 

Les deux ONG ont donc demandé instamment aux États parties au TNP d’adopter un plan d’action qui prévoit un appel aux États-Unis et à la Fédération de Russie pour qu’ils concluent des pourparlers sur les accords de suivi du nouveau Traité de réduction des armements stratégiques et ce, afin de réaliser de nouvelles réductions de leurs stocks d’ogives et de vecteurs nucléaires au plus tard en 2025.  En attendant, ils doivent convenir de ne pas dépasser les limites centrales du nouveau Traité de réduction des armements stratégiques jusqu’à l’entrée en vigueur de nouveaux accords.  Les deux ONG attendent également des cinq États parties au TNP dotés d’armes nucléaires qu’ils s’engagent dans des discussions sur la réduction du risque nucléaire et acceptent d’arrêter d’accroître leurs arsenaux nucléaires. 

Mme JACQUELINE CABASSO, Directrice exécutive de la Western States Legal Foundation, qui s’exprimait au nom du groupe de travail Abolition 2000 sur le programme de désarmement des Nations Unies et une convention sur les armes nucléaires, a noté que, cinq ans après la fin de la guerre froide, rien n’indiquait que l’obligation de désarmement de l’article VI du TNP de 1970 était prise au sérieux.  Elle a rappelé que les ONG participant à la Conférence d’examen et de prorogation du TNP de 1995 avaient rédigé la « Déclaration sur l’abolition de 2000 », appelant tous les États, en particulier les États dotés d’armes nucléaires, officiels ou de facto, à « engager immédiatement et conclure d’ici à l’an 2000, des négociations sur une convention sur les armes nucléaires qui exige l’élimination progressive de toutes les armes nucléaires dans un délai limité, avec des dispositions pour une vérification et une application efficaces ».  Le modèle de convention décrit un cadre complet de mesures juridiques, techniques et institutionnelles pour parvenir à un monde exempt d’armes nucléaires.  Il a été distribué aux États Membres de l’ONU en 1997 par le Secrétaire général de l’ONU, mis à jour en 2007, et de nouveau diffusé en tant que document officiel de l’ONU. 

À l’approche de l’an 2000, sans convention à l’horizon, Abolition 2000 a enrôlé plus de 2 000 organisations dans quelque 90 pays et a poursuivi son plaidoyer.  En effet, la déclaration fondatrice d’Abolition 2000 et le Modèle de convention relative aux armes nucléaires ont jeté les bases du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, a affirmé la représentante.  Alors que la durée de la prolongation du TNP a désormais dépassé la durée initiale du traité, elle a regretté que les engagements de 1995, 2000 et 2010 restent largement non tenus et que le désarmement se soit inversé.  Alors que de nombreux États non dotés d’armes nucléaires ont démontré leur attachement à l’article VI du TNP en négociant et en rejoignant le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, on ne peut pas en dire autant des cinq États dotés d’armes nucléaires d’origine, s’est indignée la représentante, rappelant que les P5, dans une déclaration conjointe de 2018, avaient déclaré: « Nous réitérons notre opposition au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires... »  Les engagements de 1995, 2000 et 2010 du TNP doivent être réaffirmés et mis en œuvre de bonne foi par tous les États, a-t-elle martelé, en appelant à se recentrer sur les États dotés d’armes nucléaires.  À cet égard, un réexamen du Modèle de convention relative aux armes nucléaires s’impose, a-t-elle conclu. 

Mme ARIANA SMITH, Directrice exécutive de Lawyers Committee on Nuclear Policy, a regretté le fait que depuis la dernière Conférence d’examen, plusieurs États ont échangé des menaces d’utilisation de la force nucléaire.  Ces menaces sont illégales, a plaidé Mme Smith, citant l’avis consultatif rendu par la Cour internationale de Justice en 1996 qui estime que, si l’utilisation d’une arme ne répondait pas aux exigences du droit international humanitaire, la menace d’une telle utilisation serait contraire à cette loi.  Les armes nucléaires ne font pas la distinction entre les cibles militaires et les populations et les infrastructures civiles et ne peuvent pas éviter de graves dommages à l’environnement, a ajouté l’avocate. 

Pour Mme Smith, l’invasion de l’Ukraine, assortie de menaces nucléaires, a démontré la nécessité urgente de renforcer les garanties de sécurité négatives émises en 1995 par les cinq États dotés.  Les États dotés doivent promettre sans condition aux États non dotés de ne pas utiliser ou menacer d’utiliser des armes nucléaires.  L’autre obstacle majeur au maintien de la non-prolifération aujourd’hui est la perspective d’accords de partage nucléaire, a estimé Mme Smith faisant référence à l’accord de partage nucléaire annoncé cet été entre la Russie et le Bélarus.  Il s’agit d’une évolution potentielle alarmante qui devrait être vigoureusement condamnée par les États parties au TNP.  Ne pas condamner le partage nucléaire entre la Russie et le Bélarus comme étant incompatible avec le TNP pourrait contribuer à préparer le terrain pour d’éventuels accords de partage nucléaire ailleurs dans le monde, a-t-elle estimé. 

L’incompatibilité du partage nucléaire avec le TNP repose sur une application des articles I et II du Traité, a expliqué la juriste.  Le partage nucléaire de l’OTAN ne justifie pas l’établissement de nouveaux accords de partage nucléaire et les États parties doivent affirmer énergiquement l’incompatibilité des nouveaux accords avec le TNP.  Ils devraient exprimer fermement leur opposition à un accord de partage nucléaire entre la Russie et le Bélarus pour des raisons politiques et juridiques, a martelé la Secrétaire exécutive, appelant aussi à mettre fin à l’accord de partage nucléaire existant au sein de l’OTAN.  Elle a exhorté la communauté internationale à entamer sérieusement des négociations multilatérales sur l’élimination mondiale des armes nucléaires.  L’objectif ne sera jamais atteint si un processus pour l’atteindre ne commence concrètement, a-t-elle conclu. 

M. SERGIO DUARTE, des Conférences Pugwash sur la science et les problèmes internationaux, a souligné l’acuité de la menace nucléaire aujourd’hui, en indiquant qu’aucun signe ne laisse à penser que la guerre en Ukraine pourrait bientôt s’achever.  Le TNP, maillon essentiel du régime de non-prolifération, est menacé.  Certains pays hésitent à le rejoindre.  Le temps est venu pour la Conférence de demander des comptes aux pays qui ne respectent pas l’article VI du TNP, a déclaré le représentant.  Il a demandé la création de zones exemptes d’armes nucléaires là où elles n’existent pas.  Enfin, il a plaidé pour des synergies entre le TNP et le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires et pour une réduction de la place occupée par les armes nucléaires dans les doctrines de défense.

M. JOHN HALLAM, de People for Nuclear Disarmament Human Survival Project, a prévenu que si le danger d’une apocalypse nucléaire augmente chaque année, il atteindra un jour les 100% et la catastrophe se produira avant.  Les fusibles nucléaires brûlent, pas seulement pour l’Ukraine, mais aussi potentiellement dans le détroit de Taiwan et entre l’Inde et le Pakistan, s’est-il inquiété en misant sur la diplomatie et la réduction des risques nucléaires pour écarter la probabilité d’une catastrophe.  Il a appelé les États dotés à prendre des mesures en ce sens, un appel qui est déjà lancé par des anciens dirigeants et fonctionnaires, des législateurs, des scientifiques, des chefs religieux, des anciens chefs militaires, des universitaires, des experts, des jeunes et d’autres représentants de la société civile.  Il a cité en particulier la campagne coordonnée par NoFirstUse Global, qui mobilise 70 organisations.  Il a aussi mentionné une lettre ouverte aux États dotés d’armes nucléaires et à la Conférence d’examen du TNP, approuvée par plus de 1 400 personnes, dont le Président de la Conférence d’examen de 2010 et le Chef de la délégation des États-Unis à celle de 1995.  Cette lettre, qui a été présentée aujourd’hui, prie instamment les gouvernements d’entamer le processus visant à mettre définitivement fin à la course aux armements et à éliminer progressivement le rôle des armes nucléaires dans les doctrines de sécurité en soutenant l’adoption de politiques de non-utilisation en premier et la cessation de la fabrication d’armes nucléaires au plus tard à la onzième Conférence d’examen du TNP, en 2025.  Il leur est aussi demandé de s’engager à respecter un délai d’au plus tard 2045 pour s’acquitter de l’obligation qui incombe au titre de l’article VI (élimination mondiale des armes nucléaires). 

Mme IVANA HUGHES, de Nuclear Age Peace Foundation (NAPF), a demandé l’élimination de ces « infernales armes nucléaires » sous un contrôle international digne de confiance.  Elle a demandé que l’article VI du TNP cesse de relever de la fiction et devienne réalité, en rappelant que les États dotés de l’arme nucléaire au sens du TNP ont un intérêt au désarmement.  « En s’engageant résolument dans cette voie, ils pourraient alors mettre une véritable pression sur les quatre autres États qui possèdent l’arme nucléaire afin qu’ils désarment. »  Elle a notamment estimé que la Russie pourrait restaurer son image en procédant à un désarmement nucléaire, avant d’insister sur l’obligation morale et éthique des États-Unis de montrer la voie.  « Nous devons nous réveiller avant qu’il ne soit trop tard », a-t-elle conclu.

Mme SHARON DOLEV, de Middle East Treaty Organization (METO), a salué les efforts continus des États participants et des organisations internationales compétentes pour assurer le suivi de la déclaration de 1995 par laquelle les États parties à la Conférence d’examen du TNP avaient décidé la prolongation indéfinie du TNP et une résolution sur l’établissement d’une zone exempte d’armes de destruction massive au Moyen-Orient (ou la zone).  Israël étant le seul détenteur d’armes nucléaires dans la zone, et n’étant pas partie au TNP, cette promesse d’établir la zone a été faite de mauvaise foi, a-t-elle ajouté, avant de rappeler qu’en 2018, l’Assemblée générale des Nations unies avait pris la décision historique de charger le Secrétaire général de convoquer une conférence sur la création d’une zone exempte d’armes de destruction massive au Moyen-Orient sur la base d’arrangements librement conclus par les États de la région.  Elle s’est félicitée que la déclaration politique adoptée en 2019 lors de la première session de cette conférence ait contribué à la confiance régionale et internationale dans les processus de désarmement.  L’engagement des États participants, associé au soutien ferme de la communauté internationale, peut accélérer le processus de création de la zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, a estimé Mme Dolev. 

La représentante a appelé tous les États, à l’intérieur et à l’extérieur de la zone, à éviter de prendre des mesures susceptibles d’entraver cet important processus.  Elle a également estimé que l’établissement d’une zone vérifiable contribuera à l’universalisation de toutes les conventions et de tous les traités relatifs aux armes de destruction massive.  Mme Dolev a également appelé tous les États à soutenir les efforts visant à relancer de bonne foi le Plan d’action global commun, dénonçant la décision « irresponsable » des États-Unis sous l’administration précédente de s’en retirer. 

Mme EMILIE MCGLONE, de Solidarité des peuples pour la démocratie participative (PSPD), a indiqué que, depuis l’annonce en 2018 par la RPDC d’un moratoire sur les essais nucléaires, les États-Unis et la République de Corée n’ont pas pris de mesures réciproques appropriées pour améliorer des relations hostiles et remédier aux menaces sécuritaires ressenties par la RPDC.  C’est l’une des raisons qui expliquent le manque de progrès des négociations et c’est pourquoi la RPDC n’est pas la seule à blâmer pour la situation actuelle.  Elle a appelé à transformer la confrontation militaire actuelle en phase de dialogue et de négociation.  « Les États-Unis et la République de Corée, qui ont un considérable avantage militaire et économique sur la RPDC, doivent prendre des mesures préemptives telles que la suspension des exercices militaires communs afin de réduire les menaces militaires en vue de la création d’un dialogue ouvert », a-t-elle affirmé 

Mme McGlone a appelé à revoir l’efficacité et l’utilité des sanctions du Conseil de sécurité à l’encontre la RPDC, celles-ci ayant échoué à faire en sorte que ce pays abandonne ses armes.  Elle a estimé que la seule manière d’éviter un conflit nucléaire dans la péninsule coréenne est de remédier aux relations hostiles qui prévalent aujourd’hui.  La dénucléarisation complète de la péninsule est impossible à moins de mettre fin à ce cessez-le-feu instable, d’instaurer des relations diplomatiques et une confiance mutuelle et de régler les menaces militaires, a-t-elle affirmé.  Enfin, elle a appelé à la fin de la politique consistant pour le Japon et la République de Corée à compter sur le « parapluie nucléaire américain ».  Cela ouvrirait la voie à la création d’une zone exempte d’armes nucléaires dans le nord-est de l’Asie, a-t-elle conclu.

Pour Mme HAYOUNG BAK, de l’ONG Solidarity for Peace and Reunification of Korea (SPARK), la question clef est de savoir si l’Administration Biden est sérieuse au sujet de la dénucléarisation de la péninsule coréenne.  Si tel est le cas, l’ONG exige que les États-Unis abandonnent leur politique hostile contre la « Corée du Nord ».  Scandalisée par la position contradictoire de l’Administration Biden, la représentante a dénoncé la politique de coercition militaire des États-Unis qui, à ses yeux, fait obstacle à la dénucléarisation de la péninsule coréenne et sape le TNP.  Notant que l’Administration Biden a toujours poursuivi des politiques hostiles contre la « Corée du Nord », la représentante a argué que ces politiques révèlent l’intention de parvenir à la dénucléarisation de la péninsule coréenne en forçant la « Corée du Nord » à se rendre plutôt que par le dialogue et la négociation. 

La représentante a affirmé qu’à ce jour, le seul motif de la possession d’armes nucléaires par la « Corée du Nord » est d’obtenir des garanties de sécurité des États-Unis.  Les politiques hostiles de Washington ne feront que motiver davantage la « Corée du Nord » à poursuivre son développement et sa possession d’armes nucléaires et à saper la possibilité de dénucléariser la péninsule coréenne, a-t-elle estimé.  Concrètement, elle a dénoncé la reprise des exercices militaires conjoints entre les États-Unis et la « Corée du Sud », l’expansion de l’OTAN dans la région Asie-Pacifique et le renforcement de l’alliance entre la « Corée du Sud », les États-Unis et le Japon sous l’impulsion de l’Administration Biden, en demandant qu’il y soit mis fin sans tarder. 

La péninsule coréenne et l’Asie du Nord-Est deviennent la zone la plus tendue de la nouvelle confrontation de la guerre froide, a poursuivi la représentante en s’inquiétant de l’escalade de la crise dans le détroit de Taiwan provoquée par la récente visite à Taipei de la Présidente de la Chambre des représentants américaine, Mme Nancy Pelosi.  Elle a vu dans cette visite une preuve de la réalité précaire d’une nouvelle guerre froide.  Pour SPARK, si les États-Unis veulent vraiment dénucléariser la péninsule coréenne, ils devraient soit lever en partie les sanctions contre la « Corée du Nord », soit arrêter la reprise des exercices militaires conjoints américano-coréens et fournir des garanties de sécurité à la Corée du Nord, dans le sillage de la déclaration conjointe de Singapour de 2018.

Mme REBECCA IRBY, de PEAC Institute, a rappelé qu’en 1944, les États-Unis ont fait exploser des tonnes d’uranium sur les terres des tribus indiennes Navajo et que cet uranium avait été utilisé dans la bombe qui a été larguée sur Hiroshima il y a 77 ans.  Puis, elle a dénoncé le mensonge du racisme et l’esclavage citant, entre autres, Kiluanji Kia Henda, un artiste angolais qui a dit que « le monde moderne n’existerait pas sans l’esclavage.  La modernité s’est construite sur le dos des Noirs ».  Cette modernité a permis la création d’armes nucléaires et le colonialisme et le racisme leur ont permis de persister, a tranché l’oratrice.  Paraphrasant ensuite, Langston Hughes, elle a déclaré que le racisme était un facteur à considérer dans les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki. 

Pourquoi les bombes atomiques n’ont-elles jamais visé l’Allemagne ou l’Italie? a questionné l’oratrice.  Selon elle, ce n’est pas une coïncidence, mais par dessein, que toutes les puissances coloniales sont aussi des États dotés d’armes nucléaires ou des États qui bénéficient de parapluies nucléaires.  De l’endroit où les matières fissiles sont extraites à l’endroit où les armes nucléaires sont fabriquées et où elles sont testées et finalement déployées, ces armes ont toujours un impact sur les communautés les plus vulnérables, qui sont pauvres et non blanches de par leur conception, a-t-elle fait observer. 

Rappelant au passage que chacune des parties au Traité doit poursuivre de bonne foi les négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation rapide de la course aux armements nucléaires et au désarmement nucléaire, ainsi qu’un traité sur le désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace, la représentante a ajouté qu’il n’était pas possible de bonne foi ou de concevoir des mesures efficaces sans inclure les voix des personnes les plus touchées par nos décisions. 

Mme Irby a donc plaidé pour la participation effective et significative de toutes les personnes marginalisées, les survivants de l’utilisation, des essais et de la production d’armes nucléaires, les personnes non occidentales, non blanches et non genrées ou hétérosexuelles, les personnes défavorisées sur le plan socioéconomique, les personnes handicapées et les jeunes.  Un arbre peut vivre sans branches mais une branche ne peut pas vivre sans l’arbre.  Les armes nucléaires sont une branche de l’arbre du colonialisme.  Pour éliminer les armes nucléaires et bâtir une société mondiale équitable, plus juste, pacifique et écologiquement durable, nous devons déraciner l’arbre du colonialisme, a conclu l’oratrice.

Mme KEHKASHAN BASU, de Soka Gakkai International, a prononcé une déclaration interconfessionnelle conjointe au nom de 104 organisations, rappelant que la force du TNP dépend de sa mise en œuvre.  L’escalade des tensions et l’environnement sécuritaire mondial incertain sont les raisons mêmes pour lesquelles nous avons besoin d’une action décisive et opportune en faveur du désarmement nucléaire, et non d’investissements supplémentaires dans ces armes catastrophiques et leur modernisation, a-t-elle déclaré. 

Mme Basu a ensuite demandé aux États parties au Traité de tenir compte des voix des hibakusha et des communautés affectées et de reconnaître les armes nucléaires pour ce qu’elles sont, « à savoir des armes de destruction massive capables de tuer des millions de personnes avec des conséquences humanitaires durables et dévastatrices ».  Elle leur a également demandé de s’engager à prendre des mesures concrètes pour prévenir toute possibilité d’escalade vers une guerre nucléaire et à respecter les engagements et obligations en matière de désarmement nucléaire en vertu de l’article VI du TNP.  Enfin, Mme Basu leur a demandé de soutenir d’autres instruments internationaux qui complètent ces obligations, y compris le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires et le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.

M. YUTA TAKAHASHI, jeune représentant de Peace Boat, a déclaré parler au nom d’une génération qui n’a pas eu la chance de ne pas connaître les armes nucléaires.  Nous avons une épée de Damoclès au-dessus de la tête, a-t-il dit, en dénonçant l’expansion des arsenaux nucléaires.  « Nous sommes au bord du gouffre et nous devons agir. »  Autre jeune représentant de Peace Boat, M. BENETICK KABUA MADDISON a jugé vital de reconnaître la gravité de la menace climatique et de la menace nucléaire, en particulier lorsque celles-ci se conjuguent, au détriment par exemple des peuples du Pacifique.  Les armes nucléaires sont inextricablement liées à un système d’oppression, dont font partie le racisme et le patriarcat.  « Nous vous implorons de penser à vous; est-ce cela le monde que vous voulez laisser derrière vous? » a-t-il demandé. 

M. IRA HELFAND, Président sortant de International Physicians for the Prevention of Nuclear War (IPPNW), a relevé que pendant plus de 50 ans, la grande majorité des nations du monde ont honoré les engagements pris dans le TNP, tout en regrettant que neuf, dont cinq qui sont parties au Traité, aient choisi d’ignorer leurs obligations et aient maintenu d’énormes stocks d’armes nucléaires.  Ces nations continuent de mettre en jeu le sort de la Terre, prenant l’humanité en otage, a-t-il dénoncé.  Le docteur Helfand a fait référence à une récente déclaration commune de son organisation avec l’Association médicale mondiale et d’autres ONG pour souligner les conséquences catastrophiques prouvées de l’utilisation des armes nucléaires.  Il s’est en outre inquiété de voir ce « danger extrême » s’aggraver avec l’invasion russe de l’Ukraine, relevant les menaces proférées par la Russie d’utiliser ses armes nucléaires et la réponse de l’OTAN constituant des menaces également.  Il a rappelé que 18 prix Nobel de la paix ont fait une déclaration pour appeler la Russie et l’OTAN à promettre de ne pas utiliser l’arme nucléaire dans ce conflit.  Il a également rappelé l’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) en 2017, faisant remarquer que les États dotés de l’arme nucléaire ne soutiennent pas ce traité.  Pour le docteur Helfand, les grandes puissances doivent comprendre que leur propre sécurité et celle de toute l’humanité exigent qu’elles coopèrent pour s’attaquer aux vrais problèmes actuels.  « Les cinq États dotés de l’arme nucléaire parties au TNP devraient maintenant –ici à cette réunion– entamer des négociations en vue d’un accord vérifiable et exécutoire dans le temps pour éliminer ces armes, et inviter les quatre autres États dotés d’armes nucléaires à les rejoindre, afin qu’ils se conforment tous au TIAN et à l’article VI du TNP », a conclu le militant médecin.

M. JONATHAN GRANOFF, du Global Security Institute, a constaté que les diplomates, « qui ont travaillé dur depuis la prorogation indéfinie du Traité en 1995 », ont forgé des accords politiques conformément aux obligations légales de non-prolifération et de désarmement mais ne les ont pas respectés.  Il a pointé les décideurs dans les capitales des États dotés d’armes nucléaires, qui les ont ignorés.  Certains engagements sont devenus obsolètes, d’autres restent pertinents, a-t-il relevé.  Il a noté la modernisation et les nouvelles utilisations d’armes nucléaires, ainsi que les dépenses militaires qui, depuis 2000, ont dépassé les 30 000 milliards de dollars.  Les armes nucléaires restent un pilier important de la doctrine militaire, a-t-il relevé.  « Même s’il est reconnu qu’une guerre nucléaire ne peut être gagnée, même si la science climatique récente nous informe qu’un petit pourcentage de l’arsenal mondial, même d’une seule nation, jetterait des millions de tonnes de suie dans la stratosphère, détruisant la base agricole de la civilisation, même si de nombreuses quasi-utilisations se sont produites par ordinateur et par erreur humaine, nous n’avons pas fait de progrès appropriés pour tenir les promesses de désarmement existantes et, en fait, l’adversité basée sur les menaces nucléaires n’a fait qu’augmenter. »

Ignorer les promesses passées met en danger le tissu même de la civilisation, a poursuivi le représentant.  Pacta sunt servanda, « les promesses doivent être tenues », c’est le fondement même de la paix entre nations, a-t-il rappelé.  Corrompre ce principe, traiter les accords comme s’ils n’étaient que poésie inatteignable aboutit à faire du pouvoir brut une véritable devise, a mis en garde le représentant.  Détruisez le respect de bonne foi des accords, dit Aristote, et vous détruisez les relations de l’humanité.  À l’ère nucléaire, ce n’est pas une option, a-t-il catégoriquement affirmé.  S’il a fait valoir les nombreuses propositions de réduction des risques, de non-prolifération et de désarmement faites par les nations et la société civile au cours de la Conférence, il a souhaité que ce processus ne soit pas marginalisé par « la myopie nationaliste militaire ».  Le représentant du Global Security Institute a conclu en appelant à un nouveau réalisme face aux menaces existentielles du XXIe siècle.  Il a jugé crucial que les engagements pris dans le passé soient réaffirmés tout en gardant l’esprit ouvert pour accepter de nouvelles propositions.  « Nous ne pouvons simplement pas revenir en arrière. »

M. NOBORU SAKIYAMA, Président du Conseil de liaison japonais de survivants de deuxième génération de la bombe atomique, a témoigné avoir vu les souffrances de ses parents, des survivants de la bombe A (« hibakusha ») de Nagasaki, et être lui-même victime nucléaire parce qu’il n’y a aucune preuve scientifique pour nier clairement l’effet génétique transgénérationnel sur la santé du rayonnement de la bombe A.  En effet, a-t-il relevé, beaucoup d’hibakusha de seconde génération ainsi que leurs parents sont décédés de maladies telles que le cancer et la leucémie.  Le témoin a aussi fait part de graves préjugés sociaux et de discrimination dans divers aspects tels que le mariage et l’obtention d’un emploi, sans qu’aucune assistance publique ne soit prévue.  Il a déclaré que les expériences de ces victimes sont des conséquences des violations des droits humains les plus graves causées par les armes nucléaires, auxquelles s’ajoutent d’autres types de victimes des radiations: celles touchées par « l’expérience nucléaire » aux Îles Marshall ou les « utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire » à Tchernobyl et Fukushima, et les hibakusha de seconde génération d’autres pays comme la péninsule coréenne à la suite de la colonisation passée du Japon et de la guerre d’agression. 

« Nous appelons à la reconnaissance des droits humains des victimes des radiations, y compris les hibakusha de seconde génération et des générations futures, et à l’abolition du nucléaire afin qu’il n’y ait plus de victimes des radiations », a dit le témoin en affirmant que « le nucléaire et l’humanité ne pourront jamais coexister » comme le proclament les hibakusha.  Il a appelé les États dotés d’armes nucléaires à poursuivre fidèlement et efficacement les négociations en vue de promouvoir le désarmement nucléaire et, par ailleurs, le désarmement général et complet sur la base de l’article VI du TNP.  Il a aussi appelé tous les États dotés et ceux qui sont sous le « parapluie nucléaire » à signer et ratifier le TIAN, avant de plaider pour que chaque pays renonce aux « utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire ». 

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