Abyei: sur fond d’amélioration des relations entre le Soudan et le Soudan du Sud, le Conseil de sécurité entend des appels à sortir de l’impasse politique

9170e séance - matin
CS/15083

Abyei: sur fond d’amélioration des relations entre le Soudan et le Soudan du Sud, le Conseil de sécurité entend des appels à sortir de l’impasse politique

Le Conseil de sécurité a examiné, ce matin, la situation à Abyei en entendant la Sous-Secrétaire générale Martha Ama Akyaa Pobee saluer un « engagement renouvelé dans le processus politique », concernant le statut final d’Abyei et les questions frontalières.  Elle a fait part d’avancées considérables en matière de dialogue, sur fond d’amélioration des relations entre le Soudan et le Soudan du Sud.  Elle s’est également dite encouragée par l’accord signé le 24 octobre à Khartoum entre les responsables des deux pays pour resserrer leur collaboration sur des questions ayant trait à Abyei et par leur volonté de reprendre les réunions du Comité mixte de contrôle d’Abyei qui ne s’est pas réuni depuis 2017.

L’Envoyée spéciale du Secrétaire général pour la Corne de l’Afrique, Mme Hanna Serwaa Tetteh, a confirmé que les deux pays ont continué à bénéficier d’une amélioration de leurs relations et réalisé quelques progrès grâce à des réunions bilatérales régulières.  Outre le rétablissement du Comité mixte, ces réunions ont notamment permis d’activer le transport fluvial et d’ouvrir immédiatement les postes frontaliers tout en contrôlant et en surveillant les mouvements des citoyens aux frontières.  Le Soudan et le Soudan du Sud se sont aussi engagés à retirer leurs forces de la zone démilitarisée, a-t-elle précisé.

La région d’Abyei doit être exempte d’armes, a confirmé le Soudan en réaffirmant son engagement à mettre en place des mécanismes de sécurité temporaires et à délimiter les frontières.  Le Soudan du Sud s’est lui aussi félicité de l’esprit de coopération et de dialogue qui règne entre les dirigeants soudanais et sud-soudanais pour régler la question du statut final d’Abyei.  Mme Tetteh a observé en outre que cette amélioration des relations a des effets positifs et stabilisateurs dans la Corne de l’Afrique.  Des progrès significatifs dans les négociations lui semblent toutefois peu probables en l’absence d’un accord préalable sur la restauration d’un gouvernement de transition dirigé par des civils à Khartoum.

Les membres du Conseil ont été nombreux à appeler à tirer parti du réchauffement des relations pour surmonter l’impasse qui dure depuis 11 ans, afin d’arriver à un règlement pacifique durable concernant notamment le statut final d’Abyei.  Le Royaume-Uni a fait porter ses espoirs sur la reprise des réunions du Comité mixte de contrôle d’Abyei, tandis que les États-Unis ont encouragé les deux pays à mettre en place des institutions conjointes et la France a demandé des progrès vers la formation d’un gouvernement civil crédible.

Soucieux pour la population, les États-Unis ont appuyé les initiatives visant à favoriser le dialogue intercommunautaire et l’amélioration des relations entre les communautés afin de promouvoir la stabilité et la sécurité, en mettant l’accent sur la participation des femmes à ces processus.  Les délégations se sont en effet inquiétées de la violence intercommunautaire en cours dans tout Abyei, notamment l’augmentation inquiétante des tensions entre les Ngok Dinka et les Twic Dinka, ce que la France a vu comme un « changement de nature des violences intercommunautaires ».  Ces violences vont de pair avec une recrudescence des attaques contre les Casques bleus, qui sont inacceptables, a dénoncé la délégation française.

Le Soudan du Sud a regretté les récentes violences intercommunautaires qui, à son avis, met en évidence le besoin de déployer complètement la force multinationale de maintien de la paix des Nations Unies qui ferait la transition après la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA), dont le mandat a été prorogé le 12 mai dernier jusqu’au 15 novembre 2022.  La délégation sud-soudanaise a d’ailleurs souhaité la reconfiguration de la FISNUA afin de lui donner les capacités d’adaptation à toutes circonstances.  À l’instar des États-Unis, les A3 (Gabon, Kenya et Ghana) ont accueilli favorablement la proposition du Secrétaire général de renouveler pour 12 mois le mandat de la FISNUA, au lieu des 6 mois actuels, arguant que cela facilitera la planification et les opérations.  La Sous-secrétaire générale a, pour sa part, fait le point sur la planification de la reconfiguration de la FISNUA en mission multinationale de maintien de la paix, qui devrait être achevée dans les prochains mois.

En attendant, le Royaume-Uni a appelé les gouvernements des deux pays à lever les obstacles qui continuent de limiter la pleine mise en œuvre du mandat de la FISNUA, se disant inquiet des restrictions à la liberté de mouvement du personnel et des attaques contre celui-ci.  L’Irlande, parmi d’autres délégations, a appelé le Soudan et le Soudan du Sud à régler les questions opérationnelles telles que la délivrance de visas et l’accès à la piste d’atterrissage d’Athony.  La FISNUA ne dispose que de 50 policiers, soit une fraction des 640 que le Conseil de sécurité a autorisés, a relevé la délégation pendant que d’autres membres ont plaidé pour le déploiement d’un conseiller en matière de sécurité pour permettre de rétablir la sécurité.  La France s’est prononcée pour la nomination d’un chef adjoint civil de la FISNUA et le déploiement des unités de police des Nations Unies.

L’Envoyée spéciale Hanna Tetteh a été saluée pour ses efforts tendant à la revitalisation du processus politique, ainsi que sa collaboration avec le Conseil de paix et sécurité de l’Union africaine (UA) et avec le Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’UA.  La France a réitéré son soutien à l’Envoyée spéciale et s’est dite favorable à un renforcement des moyens de son équipe.  De manière générale, le leadership de l’UA a été salué, en soulignant son engagement à soutenir les parties et les communautés sur le terrain pour trouver une solution durable.

S’agissant du travail du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière, le Soudan a demandé que des pressions supplémentaires soient exercées sur le Soudan du Sud, qui selon lui entrave ce contrôle.  Les A3 ont exhorté les deux pays à coordonner conjointement les protocoles des accords de coopération de septembre 2012, en particulier la démarcation de la zone frontalière démilitarisée et sécurisée (SDBZ) pour permettre au Mécanisme conjoint de s’acquitter efficacement de son mandat.

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD - S/2022/760

Déclarations

Mme MARTHA AMA AKYAA POBEE, Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique, Départements des affaires politiques et de consolidation de la paix et des opérations de paix, a déclaré que la présente séance du Conseil de sécurité intervient dans un contexte d’engagements renouvelés pour résoudre la question du statut final d’Abyei.  Des avancées considérables ont été réalisées en matière de dialogue, a-t-elle salué.  À ce titre, elle s’est dite satisfaite de l’accord passé, cette semaine, entre les dirigeants du Soudan et du Soudan du Sud en vue de parvenir à une solution sur le statut final d’Abyei et de leur volonté de reprendre les réunions du Comité mixte de contrôle qui ne s’était pas réuni depuis 2017.  Par ailleurs, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) reste saisi de la question et a demandé à la Commission de l’Union africaine de nommer un facilitateur pour le Comité mixte.  Des efforts ont également été déployés par le Groupe de mise en œuvre de haut niveau présidé par l’ancien Président Thabo Mbeki, visant à mener un dialogue avec les communautés locales, sans compter les initiatives de l’Envoyée spéciale du Secrétaire général pour la Corne de l’Afrique.

S’agissant de la situation sécuritaire, elle a dit qu’elle reste généralement stable, avec un changement de dynamiques.  En dépit de la méfiance persistante entre Ngok Dinka et Misseriya, les violences ont connu un faible déclin en 2022, a-t-elle indiqué.  La Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA) s’est attelée à favoriser un dialogue communautaire, notamment en organisant une Conférence de paix des chefs traditionnels, qui s’est tenue en mai de cette année, à Entebbe (Ouganda).  La Conférence a produit un communiqué conjoint dans lequel les chefs s’engagent à un dialogue et à la promotion de la paix.  D’autres conférences de ce type sont prévues, a annoncé la Sous-secrétaire générale.  En revanche, l’année 2022 a également connu un regain de tensions avec des violences communautaires entre Ngock Dinka et Twic Dinka dans le sud d’Abyei, en février, fin septembre et en octobre.  Ces violences peuvent être le signe précurseur d’une reprise des combats une fois la saison des pluies passée, a mis en garde la Sous-Secrétaire générale, évoquant aussi les violences à l’encontre des personnels de la FISNUA.  Si ces attaques contre le personnel international se poursuivent, elles pourraient être considérées comme des crimes au titre du droit international, a-t-elle aussi prévenu.

La Sous-Secrétaire générale a aussi indiqué que la reconfiguration de la FISNUA en mission multinationale de maintien de la paix s’est poursuivie et est presque terminée.  Actuellement, 2 567 soldats sont déjà déployés sur les 3 250 autorisés.  Le processus de reconfiguration devrait être achevé, dans les prochains mois, avec l’arrivée des derniers militaires et matériels, lors de la saison sèche, a-t-elle annoncé.  Un défi de la mission est le faible taux de femmes, qui ne sont représentées qu’à 7%, a-t-elle reconnu, avant de plaider pour que la nouvelle force soit correctement équipée, notamment en termes d’hélicoptères et pour aider le Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière à accomplir son mandat dans le contexte où peu d’avancées ont été enregistrées dans ce domaine.  Elle a conclu en appelant au soutien du Conseil de sécurité. 

Mme HANNA SERWAA TETTEH, Envoyée spéciale du Secrétaire général pour la Corne de l’Afrique, a informé le Conseil de sécurité des progrès dans la mise en œuvre de la résolution 2046 (2012).  Elle a indiqué que le Soudan et le Soudan du Sud ont continué à bénéficier d’une amélioration de leurs relations et réalisé quelques progrès grâce à des réunions bilatérales régulières.  Ils ont également tenu une réunion du Mécanisme conjoint pour les questions politiques et la sécurité à Khartoum, en mai.

Toutefois, même s’ils ont continué à négocier lors de ces visites de haut niveau, chaque pays accorde la priorité à ses questions intérieures.  Au Soudan, les parties doivent encore s’entendre sur la marche à suivre pour rétablir une transition démocratique après le coup d’État du 25 octobre 2021.  Dans les États du Kordofan méridional et du Nil-Bleu, l’impasse dans laquelle se trouvent les pourparlers entre le Gouvernement soudanais et le Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord (MPLS-N) persiste, a observé Mme Serwaa Tetteh.  Au Soudan du Sud, a-t-elle ajouté, quelques progrès ont été enregistrés dans le processus de paix, puisque la remise de diplômes aux Forces armées a finalement eu lieu le 30 août, près de trois ans après la fin de leur formation.

Les engagements de haut niveau entre le Soudan et le Soudan du Sud sont une caractéristique régulière de leurs relations bilatérales, a fait savoir l’Envoyée spéciale.  Le Soudan a exprimé son intérêt pour la formation des Forces sud-soudanaises en matière de sécurité et de défense, d’état de droit et de maintien de l’ordre.  Les deux pays se rencontrent aussi périodiquement pour aborder les questions en suspens.  Le 24 mai, le Ministre soudanais de la défense et son homologue du Soudan du Sud ont présidé une réunion du Mécanisme conjoint pour les questions politiques et la sécurité au cours de laquelle ils ont convenu de rétablir le Comité mixte de contrôle d’Abyei, d’activer le transport fluvial et d’ouvrir immédiatement les postes frontaliers tout en contrôlant et en surveillant les mouvements des citoyens aux frontières.  Ils se sont aussi engagés à retirer leurs forces de la zone démilitarisée, a encore indiqué la haute fonctionnaire.

Mme Serwaa Tetteh a indiqué avoir tenu, depuis le mois de mai, des consultations séparées avec les communautés Ngok Dinka et Misseriya et d’autres parties prenantes, ainsi qu’avec l’ancien Président sud-africain Thabo Mbeki, Président du Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’Union africaine, afin de trouver une issue à l’impasse dans laquelle se trouve le règlement du statut final.  Au cours de sa visite à Djouba les 19 et 20 octobre, le Président Kiir a confirmé sa détermination à travailler en coopération avec le Soudan pour résoudre rapidement la question du statut final d’Abyei.  Il a également souligné que les conflits sont mieux réglés par des moyens pacifiques afin de permettre aux communautés et aux pays d’entretenir des relations plus saines.

Pour conclure, Mme Serwaa Tetteh a observé que l’amélioration des relations entre le Soudan et le Soudan du Sud a des effets positifs et stabilisateurs dans la Corne de l’Afrique.  Des progrès significatifs dans les négociations semblent toutefois peu probables en l’absence d’un accord préalable sur la restauration d’un gouvernement de transition dirigé par des civils à Khartoum.

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a réitéré son appui au renouvellement pour un an du mandat de la FISNUA.  Il a encouragé le Soudan et le Soudan du Sud à soutenir la Mission notamment le Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière.  Il a dit être préoccupé par les pertes de vies civiles et des milliers de déplacés à la suite de la destruction de logements.  Le représentant a condamné les violences qui ont conduit à cette situation.  Il a demandé aux deux gouvernements à travailler ensemble pour mettre un terme à cette violence et éviter les affrontements entre les communautés locales.  Sans une police, les populations risquent de subir la criminalité et les affrontements, a-t-il craint, en misant sur l’octroi de visas à la police des Nations Unies et le déploiement d’un conseiller en matière de sécurité pour permettre de rétablir la sécurité.  Cela permettra de continuer à utiliser la piste d’atterrissage et de décollage d’Athony, a-t-il espéré.

Le représentant a plaidé pour surmonter l’impasse qui dure depuis 11 ans.  Il a exhorté les parties à travailler ensemble pour arriver à un règlement pacifique durable concernant notamment le statut final.  Elles doivent participer à tous les comités concernant la zone d’Abyei, a-t-il recommandé.  Il a encouragé les deux pays à mettre en place des institutions conjointes et exhorté l’Union africaine (UA) à intensifier ses engagements pour trouver une solution à Abyei.  Les États-Unis appuient les initiatives visant à favoriser le dialogue intercommunautaire et l’amélioration des relations entre les communautés afin de promouvoir la stabilité et la sécurité, a encore déclaré le représentant, qui a plaidé pour une plus importante participation des femmes à ces processus.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), qui s’exprimait au nom du A3 (Gabon, Kenya et Ghana), a demandé instamment au Soudan et au Soudan du Sud de rechercher un règlement pacifique sur le statut final d’Abyei, comme le prévoit l’Accord de paix global de 2005.  Il a découragé toute action unilatérale, invitant les parties à rechercher un accord mutuel sur le référendum à Abyei.  Toutefois, le représentant a regretté qu’aucun progrès n’ait été réalisé dans la mise en œuvre de l’Accord de 2011 concernant les arrangements provisoires pour l’administration et la sécurité de la zone d’Abyei, ni dans la facilitation des demandes de longue date de la FISNUA qui ont un impact sur la performance de la mission, y compris l’utilisation de la piste d’atterrissage d’Athony, la délivrance de visas pour les unités de police constituées, la nomination du chef de mission adjoint civil de la FISNUA, ou le redéploiement du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière (MCSFV).

Le délégué a exhorté les deux pays à accélérer la mise en œuvre de toutes les recommandations des réunions du Mécanisme conjoint pour les questions politiques et la sécurité (JPSM) et du Comité mixte de contrôle d’Abyei (AJOC).  En outre, elles devraient coordonner conjointement les protocoles des accords de coopération de septembre 2012, en particulier la démarcation de la zone frontalière démilitarisée et sécurisée (SDBZ) pour permettre au Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière (MCSF) de s’acquitter efficacement de son mandat.  Le représentant a salué le communiqué du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, publié le 29 septembre 2022, et a réitéré son soutien total au travail du Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’Union africaine (AUHIP).

Passant à la situation sécuritaire à Abyei, le représentant a condamné les attaques intercommunautaires, se disant profondément préoccupé par l’aggravation de la situation humanitaire, dont le déplacement de populations et le manque d’accès aux services sociaux essentiels.  Il s’est félicité de l’achèvement du document sur le programme conjoint Abyei des équipes de pays des Nations Unies du Soudan et du Sud-Soudan.  À l’approche de la saison sèche, il a exhorté la FISNUA à mettre en œuvre des interventions précoces, notamment en facilitant les dialogues intercommunautaires sur la transhumance.  En outre, il a condamné les attaques signalées contre le personnel et les installations de la FISNUA, la réalisation du statut final d’Abyei étant la clef de toute décision future sur son retrait, en tenant compte de la sûreté et de la sécurité des résidents d’Abyei.  Le représentant a souligné la nécessité de maintenir la présence de la FISNUA et accueilli favorablement la proposition du Secrétaire général d’un renouvellement d’un cycle de mandat de 12 mois au lieu des 6 mois actuels, ce qui facilitera la planification et les opérations, a-t-il estimé.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a déclaré appuyer fermement les efforts déployés par le personnel de la FISNUA opérant dans la zone d’Abyei pour assurer la protection des civils et promouvoir le dialogue entre les deux gouvernements.  Pour cette raison, la délégation juge inacceptables les attaques perpétrées contre le personnel de la Force FISNUA et les restrictions de mouvement qui lui sont imposées.  Elle a appelé toutes les parties prenantes à faciliter la liberté de mouvement de ses personnels et le Soudan à faciliter la délivrance des visas nécessaires.

La représentante s’est ensuite dite encouragée par l’élan récent, notamment l’accord conclu entre les deux gouvernements pour renforcer la coopération sur Abyei.  La tenue de la réunion du Mécanisme conjoint pour les questions politiques et la sécurité (JPSM), en mai, a été une étape positive, mais toutes les parties doivent participer davantage et tenir la réunion du Comité mixte de contrôle d’Abyei (AJOC).  Ces pourparlers restent cruciaux, selon elle, pour résoudre la question des couloirs de passage des frontières, l’opérationnalisation de la piste d’atterrissage d’Athony et la mise en place du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière de la frontière (JBVMM).

M. DAI BING (Chine) a observé que les relations entre le Soudan et le Soudan du Sud se sont améliorées, se félicitant de la réunion du Mécanisme conjoint pour les questions politiques et la sécurité en mai, qui a permis d’ouvrir de nouveaux couloirs pour l’assistance humanitaire.  Les affrontements à Abyei sont inquiétants mais, grâce à la réponse de la FISNUA, du Soudan et du Soudan du Sud, la situation reste sous contrôle, a-t-il estimé.  Le représentant a encouragé toutes les communautés à participer aux réunions organisées par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et la FISNUA afin de trouver un accord pour la prochaine transhumance.  Il a souligné que la FISNUA joue un rôle fondamental dans le règlement du statut final d’Abyei et encouragé les deux parties à travailler en coopération avec la FISNUA.  En tant que pays fournisseur de contingents à cette mission, la Chine a indiqué qu’elle avait envoyé des hélicoptères et mené à bien des opérations aériennes.

M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) a appelé les Gouvernements du Soudan et du Soudan du Sud à lever les obstacles qui continuent de limiter la pleine mise en œuvre du mandat de la FISNUA.  Il a dit être préoccupé par les restrictions à la liberté de mouvement de la Mission et par les attaques contre le personnel de la FISNUA.  Il a exhorté le Gouvernement du Soudan du Sud à rendre à nouveau opérationnel le siège du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière à Gok Machar.  S’agissant de la situation à Abyei, les populations continuent de souffrir en raison de l’absence de services de base et de l’état de droit limité, a constaté le représentant, préoccupé par la violence intercommunautaire en cours dans tout Abyei, notamment l’augmentation inquiétante des tensions entre les Ngok Dinka et les Twic Dinka.  Il a encouragé toutes les parties à respecter pleinement le droit international humanitaire et à protéger et permettre au personnel, aux biens et aux opérations humanitaires d’apporter de l’aide à ceux qui en ont besoin à Abyei.  Également préoccupé par l’absence de progrès dans la recherche d’une solution politique pour Abyei, le représentant a appelé les deux gouvernements à saisir cet élan et à apporter des changements positifs concret au peuple d’Abyei.  Les deux pays doivent organiser une nouvelle réunion du Comité mixte de contrôle d’Abyei en signe de leur réengagement à parvenir à un accord sur Abyei, a-t-il suggéré.

Mme ISIS MARIE DORIANE JARAUD-DARNAULT (France) a fait part de sa préoccupation concernant le changement de nature des violences intercommunautaires, avec des affrontements entre Ngok et Twic Dinka.  Ces violences vont de pair avec une recrudescence des attaques contre les Casques bleus, qui sont inacceptables, a-t-elle déclaré.  Elle a appelé le Soudan et le Soudan du Sud à faire baisser ces tensions.  Les deux pays sont liés par l’accord sur le statut des forces, a-t-elle rappelé, en espérant qu’ils permettent à la FISNUA de remplir son mandat en toute sécurité dans l’ensemble de ses zones de déploiement.  La représentante a appelé Khartoum et Djouba à tirer parti du réchauffement de leurs relations pour parvenir à un règlement du statut final d’Abyei.  A minima, il doit être possible de répondre aux besoins de base des populations et de réduire les tensions intercommunautaires, a-t-elle déclaré, tout en saluant l’accord signé le 24 octobre à Khartoum et appelant à sa mise en œuvre.  La FISNUA peut accompagner une dynamique positive par son action en matière de consolidation de la paix et son soutien aux comités de protection des communautés, selon la déléguée, pour qui la montée en puissance de cette approche nécessite de débloquer la nomination d’un chef adjoint civil de la FISNUA et le déploiement des unités de police des Nations Unies.

La déléguée a estimé que la situation à Abyei est le reflet des fragilités d’une région où les crises se multiplient et durent.  Un an s’est écoulé depuis le coup d’État du 25 octobre 2021 au Soudan, a-t-elle rappelé, en s’inquiétant que cette crise continue d’handicaper le processus de paix au Darfour comme le règlement du statut d’Abyei.  Elle a réitéré son appel à l’ensemble des parties pour identifier une voie de sortie à la crise politique et progresser vers la formation d’un gouvernement civil crédible.  Elle a réitéré son soutien à l’Envoyée spéciale, Mme Hanna Tetteh, et s’est dite favorable à un renforcement des moyens de son équipe.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) s’est inquiété de la recrudescence de la violence à Abyei et de la persistance des tensions entre les communautés locales, ce qui rend la fourniture de l’assistance humanitaire encore plus dangereuse dans les zones reculées.  De la même façon, la poursuite du conflit armé menace les moyens de subsistance des civils, d’ores et déjà, confrontés à de sérieux défis socioéconomiques, a-t-il constaté, se faisant l’écho de l’inquiétude du Secrétaire général face aux difficultés des habitants d’Abyei.  Aux yeux du Brésil, la situation précaire sur le terrain rend le travail de la FISNUA encore plus vitale.  À cet égard, il a déploré les attaques contre les Casques bleus et les restrictions imposées à la liberté de circulation de la mission.  Rendant hommage aux efforts des dirigeants et du personnel de la FISNUA et de l’Envoyée spéciale, il a estimé que, dans la perspective du renouvellement du mandat de la mission, il importe de veiller à lui fournir les moyens de s’acquitter de ses fonctions, notamment en termes de protection des civils et des Casques bleus.  Partant, il a mis l’accent sur l’importance des communications stratégiques d’appui à la FISNUA aux fins de soutenir ses activités, de contrer la désinformation, de renforcer la confiance entre les parties prenantes et de protéger les Casques bleus, au vu notamment des récentes attaques contre le personnel des Nations Unies.

Concernant le statut d’Abyei, le représentant a réitéré que le Soudan et le Soudan du Sud ne pourront trouver un terrain d’entente que par le biais de négociations justes et crédibles.  Il a appuyé l’amélioration des relations entre les deux gouvernements, ces dernières années, et encouragé à un dialogue suivi en vue d’un règlement politique à long terme sur le statut d’Abyei.

Mme MONA JUUL (Norvège) a vivement salué l’Envoyée spéciale pour ses efforts tendant à la revitalisation du processus politique, ainsi que sa collaboration avec le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine et avec le Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’Union africaine.  Elle s’est alarmée que le rapport mentionne des attaques coordonnées contre les communautés Ngok Dinka par Twic Dinka et Misseriya, ajoutant que les cycles répétés de violence entre communautés rendent tout développement impossible, sans compter leurs effets dévastateurs sur les civils, y compris sur les enfants.  Elle a interpellé les Misseriya, Ngok Dinka, et tous les groupes avoisinants à faire preuve de retenue, et à amorcer des efforts de réduction des tensions à l’approche de la prochaine saison sèche.  S’inquiétant ensuite de la poursuite des attaques ciblant les Casques bleus de la FISNUA, elle a conseillé que la mission reste opérationnelle et prête à exercer son mandat au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies relatif à la protection des civils menacés de violence physique.

Elle a appelé à centrer les progrès futurs sur le sujet le plus contesté: faut-il qu’Abyei appartienne au Soudan ou au Soudan du Sud?  À cet égard, elle a jugé essentiel de garantir la stabilité et fournir des services à la population, par une mise en œuvre des mécanismes conjoints, comme stipulé dans l’Accord de juin 2011.  Elle a appelé au renforcement de la coopération, à l’établissement de la confiance entre les communautés sur le terrain et à l’appui aux efforts de dialogue intercommunautaires.  Elle a aussi salué les rencontres de haut niveau entre le Soudan et le Soudan du Sud, en début de semaine, et exhorté les parties à convenir de réunions régulières au sein du Comité mixte de contrôle d’Abyei, et à régler la question d’octroi des visas pour faciliter le recrutement et le remplacement du personnel militaire et de police.

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a déclaré que la violence dans le Kordofan occidental et le Nil-Bleu est fondamentalement d’ordre intercommunautaire, résultant de facteurs complexes, en particulier des conflits fonciers.  Ces affrontements ont aussi leurs raisons historiques, les communautés tribales ayant accès aux armes.  S’il peut s’agir d’un sujet de grave préoccupation, il reflète également la réalité complexe sur le terrain et doit être traité avec tact.  Il est, à cet égard, important de saluer les mesures prises par les autorités soudanaises pour atténuer les tensions et initier un engagement entre les communautés pour renforcer la confiance, a estimé la délégation.

M. ENRIQUE JAVIER OCHOA MARTÍNEZ (Mexique) a encouragé le Soudan et le Soudan du Sud à saisir l’occasion de l’amélioration de leurs relations, ainsi que la stabilité relative en matière de sécurité, pour trouver une solution au statut d’Abyei sur la base, entre autres, de la Commission mixte de suivi et d’évaluation pour rapprocher leurs positions sur le processus et le calendrier en vue d’un accord politique.  Il a pris note des échanges, en particulier ceux qui ont eu lieu en mai à Entebbe entre la FISNUA, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et l’Union africaine (UA), y compris le Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’UA, axé sur l’amélioration du dialogue entre communautés.  En effet, selon le délégué, le dialogue reste fondamental pour éviter les affrontements intercommunautaires qui se soldent par des déplacements massifs aux ramifications multiples en termes de sécurité et d’assistance humanitaire.  Il a jugé tout aussi fondamental que les deux pays progressent dans l’établissement d’institutions d’état de droit et de justice, ainsi que dans la prestation de services de base à Abyei.  Le représentant du Mexique a également reconnu les efforts déployés par l’ONU pour lancer des programmes conjoints dans la région d’Abyei en soutien à la population dans la gestion des ressources hydriques, d’une part, et dans le domaine de la santé, d’autre part.  Notant ensuite l’impact négatif des inondations sur la sécurité alimentaire et l’accès humanitaire, il a déploré que les prestations humanitaires aient été rendues difficiles dans certaines zones par la présence des groupes armés.  Il a en outre déploré la suspension par le Soudan de l’octroi de visas pour le service de police d’Abyei, regrettant aussi que la feuille de route pour l’établissement de ce service ne soit pas appliquée.  Il a souligné dans ce contexte que les comités de protection de la population locale, avec une large participation des femmes, sont certes bienvenus mais ne sauraient se substituer à la fonction du service de police d’Abyei.

M. SAOD ALMAZROUEI (Émirats arabes unis) a prié la FISNUA de se rapprocher des communautés de la région d’Abyei afin de faire baisser les tensions actuelles.  À cet égard, il s’est dit encouragé par les récentes initiatives régionales, notamment la Conférence sur la paix par le dialogue qui s’est tenue en mai et a permis de rassembler les chefs traditionnels, ainsi que des représentants des femmes et des jeunes.  Il a estimé que ce type d’échanges inclusifs doit se poursuivre afin de faire le point sur les progrès enregistrés dans la mise en œuvre des principes convenus à l’issue de la Conférence.  M. AlMazrouei a salué les efforts des comités de protection de la population locale et du comité mixte de protection pour leur soutien à la FISNUA dans la réponse aux incidents, notamment aux attaques armées et à la violence intercommunautaire.  Les Émirats arabes unis s’en inquiètent, car elle complique davantage la situation humanitaire difficile dans la région d’Abyei.  Le représentant a souligné que seul le dialogue permettrait de parvenir à un accord sur le statut final d’Abyei.

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) s’est réjouie de ce que la situation à Abyei est restée globalement stable ces derniers mois et les relations entre le Soudan et le Soudan du Sud ont continué de s’améliorer.  Saluant la volonté des deux États de relancer les travaux du Comité mixte de contrôle, la représentante a souhaité que ce dialogue débouche sur un accord sur la statut final d’Abyei.  En revanche, elle a dit être préoccupée par l’impasse du dialogue intercommunautaire et des violences entre Twik Dinka et Ngok Dinka en violation de l’Accord signé en avril de cette année.  Ces accords ont été signés pour mettre fin aux hostilités, a rappelé la déléguée, qui a encouragé les parties à davantage d’effort en vue du statut final d’Abyei.  Le statut de la région contestée doit être déterminé sur une base juridique internationale et fondé sur des accords entre les deux États, a-t-elle insisté.  Elle a rappelé que la FISNUA, qui joue un rôle important dans la stabilité régionale, doit aider le Soudan et le Soudan du Sud dans leur quête d’une solution mutuellement acceptable au différend frontalier.  La Fédération de Russie, a annoncé la représentante, est par ailleurs favorable à la prolongation du mandat de la Force.  Elle a exhorté les responsables de la FISNUA à œuvrer avec Khartoum et Djouba à résoudre les problèmes restants dans les activités des Casques bleus et du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière.

M. MARTIN GALLAGHER (Irlande) a déploré que la situation humanitaire à Abyei soit aggravée par de fréquentes flambées de violences, notamment sexuelles et sexistes.  Les conditions sont encore exacerbées par l’impact du réchauffement climatique, ainsi que par la crise alimentaire mondiale.  Ces circonstances rendent d’autant plus urgent pour le Soudan et le Soudan du Sud de redoubler d’efforts pour trouver une solution acceptable pour Abyei, a-t-il remarqué, en plaidant pour que les habitants d’Abyei aient accès aux services publics, car ils méritent la justice, la sécurité et la possibilité d’un développement économique.  Le représentant a loué le leadership de l’UA et son engagement à soutenir les parties et les communautés sur le terrain pour trouver une solution durable.  Il s’est dit impressionné par les plans de l’UA visant à faire dialoguer les communautés locales pour s’attaquer aux causes profondes du conflit et à nommer un facilitateur pour le Comité mixte de contrôle d’Abyei.

Saluant les efforts de la mission et des autorités sud-soudanaises pour forger la paix entre les Ngok Dinka et les Twic Dinka, M. Gallagher s’est félicité des progrès accomplis dans la reconfiguration de la FISNUA en une force multinationale.  Le délégué a appelé, une fois de plus, le Soudan et le Soudan du Sud à régler les questions opérationnelles en suspens, telles que la délivrance de visas et l’accès à la piste d’atterrissage d’Athony.  Le Soudan, par exemple, n’a pas été en mesure de faciliter le déploiement du personnel, pourtant fondamental de la mission.  De plus, la FISNUA ne dispose que de 50 policiers, soit une fraction des 640 que le Conseil de sécurité a autorisés, a-t-il souligné.  Il a condamné toutes les attaques contre les Casques bleus et a salué la bravoure et les sacrifices des troupes de la FISNUA en demandant leur protection.  L’Irlande reste préoccupée par le fait que le Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière n’ait pas accès à toutes les zones relevant de son mandat.  Le représentant s’est réjoui de participer au prochain renouvellement du mandat qui devrait laisser suffisamment de temps pour consolider les progrès déjà réalisés.

M. AKUEI BONA MALWAL (Soudan du Sud) a regretté les récentes violences intercommunautaires, qui soulignent le besoin de déployer complètement la force multinationale.  Il a ensuite estimé que cette dernière doit être reconfigurée afin de lui donner les capacités d’adaptation à toutes circonstances.  Il est nécessaire de mettre en place un mécanisme d’alerte rapide, afin que la force puisse répondre aux urgences, dans un contexte où la saison des pluies qui arrivent rend les routes impraticables, a dit le représentant.  Il a également dit être conscient de l’avis rendu par de la Cour permanente d’arbitrage octroyant au Soudan le contrôle des champs pétroliers situés à Abyei.  Mais pour l’heure, il se félicite de l’esprit de coopération et de dialogue qui prévaut entre les deux dirigeants soudanais et sud-soudanais pour régler la question du statut final d’Abyei.  Compte tenu de ce nouveau climat, la communauté internationale, le Conseil de sécurité et l’UA doivent encourager et soutenir cet esprit pour parvenir au règlement sur le statut final d’Abyei, a conclu le représentant.

M. AL-HARITH IDRISS AL-HARITH MOHAMED (Soudan) a rappelé qu’il existe des termes de référence juridiques et politiques qui régissent la situation à Abyei, et requièrent la mise en œuvre d’arrangements et de mesures politiques et sécuritaires jusqu’à ce que les deux parties conviennent d’une solution réaliste et acceptable pour toutes les composantes sociales sur le statut final de la région d’Abyei.  Le Gouvernement du Soudan réaffirme son engagement à mettre en place des mécanismes de sécurité temporaires et à délimiter les frontières, a indiqué le délégué.  Préoccupé par les incidents dans la région, comme celui qui a abouti au retrait du Mécanisme conjoint pour le contrôle des frontières, il a appelé à la désescalade des tensions.  Selon le Soudan, la région d’Abyei doit être exempte d’armes.  La nature de la mission des Nations Unies à Abyei étant intérimaire, le représentant a appelé à concentrer les efforts sur les mécanismes conjoints, tout en consolidant la coexistence pacifique entre les composantes sociales de la région.

Le statut final reste tributaire de l’accord conclu entre les deux parties, a-t-il insisté.  S’agissant de l’activité du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière, le délégué a demandé que des pressions supplémentaires soient exercées sur le Soudan du Sud, qui entrave ce contrôle.  Durant la réunion entre les deux parties le 24 octobre, il a été convenu de mettre en place des mécanismes de coopération conjointe au sujet d’Abyei et de coopérer en vue de créer un environnement sain et propice pour les communautés des deux pays, a-t-il fait observer.  Il a réaffirmé l’engagement du Soudan à promouvoir la coopération avec le Gouvernement du Soudan du Sud et appelé la communauté régionale et internationale à les soutenir dans leurs efforts.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité se réunit en raison d’une plainte de la Russie alléguant des programmes d’armes biologiques en Ukraine

9171e séance - après-midi
CS/15084

Le Conseil de sécurité se réunit en raison d’une plainte de la Russie alléguant des programmes d’armes biologiques en Ukraine

Le Conseil de sécurité s’est réuni, cet après-midi, après la plainte déposée par la Fédération de Russie au titre de la Convention sur les armes biologiques, arguant de programmes d’armes biologiques en Ukraine.  Pourtant, l’ONU n’a pas connaissance de programme de ce type, selon le Directeur du Bureau de désarmement des Nations Unies, M. Adedeji Ebo.  Inquiètes et repoussant de telles allégations, les délégations ont appelé à la désescalade, au dialogue et à la cessation des hostilités en Ukraine.

Le représentant de la Russie a assuré disposer d’importantes preuves de la violation par l’Ukraine et les États-Unis de leurs obligations découlant de la Convention.  Selon lui, l’Ukraine mène des activités biologiques militaires avec l’aide et la participation directes du Département américain de la défense dans des laboratoires situés sur le territoire des anciennes Républiques soviétiques.  Il a également annoncé qu’il présentera un projet de résolution au Conseil de sécurité qui viserait à établir et envoyer une commission d’enquête sur les allégations que la Russie a présentées dans sa plainte.

Les Nations Unies n’ont ni le mandat ni la capacité opérationnelle ou technique d’enquêter à ce sujet, a fait observer M. Ebo.  En outre, une réunion consultative formelle au titre de la Convention a déjà été organisée le mois dernier à Genève, à la demande de la Russie, et aucun des éléments qu’elle a fournis n’a pu démontrer que la coopération entre l’Ukraine et les États-Unis n’est pas menée à des fins exclusivement pacifiques, comme les deux pays l’ont affirmé.

La majorité des délégations ont rejeté en bloc les allégations de la Russie.  Perte de temps, allégations infondées, désinformation, propagande, absence de preuves tangibles…  Nombre d’entre elles ont vivement critiqué la demande de la Russie, dénonçant une prise en otage du Conseil de sécurité et une menace à sa réputation.  La Russie utilise la Convention et le Conseil de sécurité comme plateformes pour sa désinformation, dans une tentative de justifier l’injustifiable et illégale invasion de l’Ukraine, s’est hérissée l’Irlande.  Elle fait une « énième tentative de nous faire oublier qu’elle viole la Charte des Nations Unies », a renchéri la France.  Les États-Unis ont réitéré ne soutenir aucun laboratoire ukrainien d’armes biologiques, accusant en retour la Russie de maintenir depuis longtemps un programme d’armes biologiques en violation du droit international et d’avoir utilisé des armes chimiques en Syrie.

Invitée à s’exprimer en tant que pays concerné au premier chef, l’Ukraine a assuré n’avoir jamais produit ou stocké d’armes biologiques ou chimiques.  Elle n’en a tout simplement pas la capacité.  Se disant prête à recevoir un groupe d’experts indépendants pour visiter ses laboratoires lorsque la Russie cessera sa guerre à outrance et retirera ses forces, elle s’est surtout inquiétée que la Russie, en répandant de tels mensonges, ne prépare la voie à de nouvelles provocations en Ukraine.

« Même si les arguments de la Fédération de Russie ne vous plaisent pas, vous n’avez pas le droit de les ignorer en appliquant votre propre logique politique », a averti le représentant de la Russie, rappelant que son pays se fonde sur le droit international et réitérant son droit à demander une enquête.

En ce sens, le Gabon et la Chine ont plaidé pour une enquête impartiale et indépendante sur les allégations de la Russie.  Plusieurs délégations ont par ailleurs appelé à renforcer le régime de la Convention sur les armes biologiques ou à toxines, notamment lors de la neuvième Conférence d’examen prévue en novembre.  Pour la Chine, l’Inde et le Ghana, la communauté internationale doit évoluer sur la question d’un mécanisme international de vérification, notamment par le biais d’un protocole à la Convention.

Plus nuancé, le Brésil a demandé aux parties directement impliquées dans cette question de tirer profit de ces échanges d’informations pour garder ouvert les canaux de dialogue et éviter des malentendus qui pourraient être perçus comme des menaces. 

MENACE CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ ITNERNATIONALES

Déclarations

M. ADEDEJI EBO, Directeur du Bureau des affaires de désarmement et Haut-Représentant adjoint pour les affaires de désarmement, a indiqué que la Fédération de Russie a déposé une plainte officielle en application des dispositions de l’article VI de la Convention sur les armes biologiques au sujet d’allégations de programmes d’armes biologiques en Ukraine.  Comme le Haut-Représentant en a informé le Conseil, en mars et en mai de cette année, les Nations Unies n’ont pas connaissance de tels programmes jusqu’à ce jour.  En outre, a fait observer M. Ebo, les Nations Unies n’ont ni le mandat ni la capacité opérationnelle ou technique d’enquêter à ce sujet.  L’instrument de droit international pertinent en la matière est la Convention sur les armes biologiques de 1972, qui interdit la mise au point, la fabrication, l’acquisition, le transfert, le stockage et l’utilisation d’armes biologiques ou à toxines.  La Russie et l’Ukraine sont États parties à cette Convention, a-t-il rappelé.

M. Ebo a expliqué que, le 29 juin 2022, la Russie a soumis une demande de convocation d’une réunion consultative formelle au titre de l’article V de la Convention et des déclarations finales des deuxième et troisième Conférences d’examen de la Convention.  Cette réunion a commencé, le 26 août 2022, par une séance de procédure et a repris le 5 septembre, sur une période de quatre jours, sous la présidence de M. György Molnár, de la Hongrie.  La Russie y a présenté un exposé sur sa demande de consultation au titre de l’article V concernant ses questions en souffrance posées aux États-Unis et à l’Ukraine au sujet du respect de leurs obligations respectives au titre de la Convention dans le contexte de l’exploitation de laboratoires biologiques en Ukraine.  La réunion a entendu la réponse des délégations de l’Ukraine et des États-Unis, ainsi que celles de 42 États parties et d’un État signataire.  À l’issue de cette réunion, les États parties ont adopté un rapport convenant qu’« aucun consensus n’avait été atteint au cours de la réunion consultative formelle » et qui a marqué la fin du processus de consultation formelle.

Les dispositions de l’article VI de la Convention n’ont jamais été invoquées depuis son entrée en vigueur, a signalé M. Ebo.  Celles-ci stipulent que « chaque État partie à la présente Convention qui constate qu’une autre partie agit en violation des obligations découlant des dispositions de la Convention peut déposer une plainte auprès du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies.  Cette plainte doit fournir toutes les preuves possibles de son bien-fondé […] ».  La Convention ne fournit pas d’orientation sur le type d’enquête que le Conseil peut mener mais, s’il décide d’en lancer une, le Bureau des affaires de désarmement est prêt à le soutenir, a fait savoir M. Ebo.  Il a par ailleurs suggéré aux États parties de saisir l’occasion de la neuvième Conférence d’examen de la Convention, qui aura lieu en novembre et décembre, pour renforcer la Convention.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dit regretter que le Secrétariat de l’ONU déclare toujours qu’il ne dispose d’aucune information concernant d’éventuelles violations sur le territoire de l’Ukraine de la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction.  Il a ajouté avoir d’importantes preuves de la violation par l’Ukraine et les États-Unis de ladite Convention et réitéré sa préoccupation face aux activités biologiques militaires menées avec l’aide et la participation directes du Département américain de la défense dans des laboratoires situés sur le territoire des anciennes Républiques soviétiques, loin du continent nord-américain et à proximité de la Russie.  Il s’agit d’une menace directe pour la sécurité biologique de la Russie, a-t-il dénoncé.  En présentant sa plainte, la Russie a respecté ses obligations en vertu de la Convention, a expliqué le représentant.

Selon M. Nebenzia, la délégation russe a pris toutes les mesures nécessaires au niveau bilatéral et multilatéral pour résoudre la situation en envoyant aux États-Unis et à l’Ukraine des notes énumérant des questions spécifiques concernant leur mise en œuvre des dispositions des articles I et IV de la Convention, en demandant des réponses, en vain.  Ces deux pays n’ont pas fourni les explications nécessaires et n’ont pas pris de mesures immédiates pour corriger la situation, s’est-il plaint.  Il a ainsi justifié pourquoi, mise devant cette situation inadmissible, la délégation russe a saisi les dépositaires de la Convention pour convoquer une réunion consultative conformément à l’article V de celle-ci.  La tenue des discussions dans son cadre confirme la pertinence du problème qui concerne non seulement la Russie, mais aussi l’ensemble de la communauté mondiale, a-t-il fait remarquer.  Le représentant a formulé le vœu que Washington et Kiev prennent des mesures pour corriger la situation actuelle avant de donner des détails sur sa plainte.  Il a insisté que tout État partie à la Convention peut déposer une plainte auprès du Conseil de sécurité contre un autre État partie.  En outre, chaque État partie est tenu de coopérer à toute enquête que le Conseil de sécurité pourrait décider.  La Russie a donc saisi le Conseil d’une plainte faisant état des actions des États-Unis et de l’Ukraine en violation des obligations découlant des dispositions de la Convention, a rappelé le représentant.

M. Nebenzia a également annoncé avoir présenté un projet de résolution du Conseil de sécurité qui viserait à établir et à envoyer une commission d’enquête sur les allégations présentées dans la plainte de la Fédération de Russie contre les États-Unis et l’Ukraine concernant le respect des obligations au titre de la Convention sur les armes biologiques sur le territoire ukrainien.  Une telle commission devrait alors clarifier rapidement toutes les circonstances d’un éventuel non-respect par ces deux pays de leurs obligations découlant de la Convention en Ukraine afin de les encourager à remédier à cette situation inacceptable, a espéré le représentant.  Il a ajouté que, selon le projet de résolution précité, cette commission devrait soumettre un rapport et des recommandations au Conseil de sécurité au plus tard le 30 novembre de cette année.  Il a aussi fait valoir que ladite commission pourrait informer les États parties à la Convention des résultats de l’enquête lors de sa neuvième Conférence d’examen, prévue à Genève du 28 novembre au 16 décembre de cette année.

Mme MONA JUUL (Norvège) a déploré la désinformation russe dont le seul but est de servir d’écran de fumée, semer la confusion et détourner l’attention de sa guerre non provoquée, illégale et brutale en Ukraine.  Elle a dit avoir évalué les documents fournis par la Russie et les échanges lors des consultations formelles sans rien avoir entendu, ni rien lu qui puisse corroborer les allégations avancées.  Les consultations n’ont pas démontré qu’il y avait lieu de s’inquiéter des violations de la Convention par les États-Unis et l’Ukraine, a martelé la représentante.  Elle a estimé que la coopération entre les États-Unis et l’Ukraine a un objectif légitime et pacifique, dénonçant le fait que la Russie utilise les mécanismes de la Convention sur les armes biologiques pour critiquer l’aide internationale, qui est une pierre angulaire de la Convention.

La coopération transfrontalière est essentielle pour renforcer notre résilience collective face aux menaces biologiques, a plaidé la représentante qui a exhorté à s’opposer avec force et conviction aux tentatives visant à présenter à tort les activités de coopération et d’assistance pacifiques comme une forme de non-respect.  Au cours des derniers mois, a poursuivi la représentante, la Russie a fait de nombreuses allégations selon lesquelles l’Ukraine prévoyait des opérations militaires impliquant des matières chimiques, biologiques ou radioactives.  Mardi, la Russie a affirmé que l’Ukraine construisait et se préparait à utiliser une bombe sale contenant des substances radioactives, ce qui, selon elle, est un autre exemple des tentatives russes de semer la confusion.  La Russie devrait cesser de gaspiller le temps et les ressources de ce Conseil sur des accusations sans signification, a demandé la représentante qui a condamné la guerre de la Russie contre l’Ukraine en demandant qu’elle cesse.

Mme AMEIRAH ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a appelé le Conseil de sécurité à être unifié pour envoyer un message clair selon lequel toute utilisation d’armes biologiques, chimiques ou d’autres armes de destruction massive, quelles que soient les circonstances, est inacceptable et constitutive d’attaque contre notre humanité commune.  Dans le même temps, la déléguée a encouragé tous les États parties à la Convention à résoudre leurs désaccords par un dialogue constructif, arguant que c’est le seul moyen durable pour éviter la voie dangereuse sur laquelle nous nous trouvons actuellement.  La représentante a, à nouveau, appelé à la désescalade, à la cessation des hostilités dans toute l’Ukraine et à la recherche d’une solution diplomatique à ce conflit.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) s’est insurgée contre la Fédération de Russie pour avoir propagé la désinformation depuis le début de la guerre en alléguant de l’emploi de bombes sales ou d’armes chimiques à visée offensive.  Combien de temps allons-nous devoir encore entendre de telles allégations infondées? a lancé Mme Woodward, pour qui la Russie doit cesser de diaboliser la coopération technique, scientifique et pacifique légitime que tous les États parties à la Convention sur les armes biologiques ont le droit d’instaurer.  Les allégations de la Russie ont été entendues, examinées et rejetées, a-t-elle rappelé, estimant que rien ne permet d’enquêter plus avant.  La représentante a souligné que le Conseil de sécurité est un organe sérieux et regretté que les actes de la Russie menacent sa réputation.  La Russie déverse sur le programme du Conseil quantité de théories du complot, a-t-elle dénoncé, lui conseillant plutôt de se concentrer sur ses propres obligations au titre de la Charte des Nations Unies et de mettre un terme à la guerre.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a déclaré qu’alors que sa délégation prend très au sérieux toutes les questions impliquant des armes de destruction massive, tous les arguments présentés au Conseil aujourd’hui ne sont pas, selon elle, convaincants.  Il a regretté la triste réalité de voir le Conseil tenu en otage, paralysé et utilisé de manière abusive.  « N’en avons-nous pas assez de ces écrans de fumée qui visent à détourner notre attention des vrais problèmes de cette débâcle sur le terrain et dont le but est d’alimenter l’opinion internationale de paroles et paroles tout au long de l’année »? a demandé le représentant.  Les allégations de la Russie sont non vérifiées et sans aucun fondement, a-t-il tranché, en invitant, pour les vérifier, d’utiliser les mécanismes prévus par la Convention sur les armes biologiques notamment l’article V qui donne aux États parties des mécanismes de dialogue et de concertation.  Il a rappelé que ces mécanismes ont déjà été utilisés, en août dernier, mais sans aucun résultat.  Il a demandé d’éviter les pièges de la propagande simplement parce que la Russie a décidé de s’écouter parler et d’utiliser de manière abusive le Conseil pour présenter sa réalité biaisée.

Le délégué a insisté sur le fait que les documents présentés par la Russie ne contiennent aucune preuve tangible: ils ne démontrent nullement une éventuelle violation de la Convention en Ukraine.  Les travaux de recherche scientifique et les projets qui sont mentionnés entrent dans l’article X de la Convention, a-t-il expliqué, en concluant que les allégations et les conclusions tirées par la Russie ne sont pas crédibles et n’établissent pas la preuve de violations par les États-Unis ou l’Ukraine de leurs obligations.  Il a dénoncé les accusations de la Russie portant sur des agents pathogènes et des moustiques mortels tout en demandant « comment un moustique peut-il faire la distinction entre les Ukrainiens et les Russes ».  C’est la guerre russe qui est mortelle, qui fait des victimes, a conclu le délégué, en déclarant que cette guerre doit cesser.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a estimé que la réunion de cet après-midi est « franchement, une perte de temps pour tout le monde ».  La Russie, a-t-elle dit, nous a appelés ici, une fois de plus, dans le seul but de répandre la désinformation.  « Nous savons tous que ces affirmations sont de pures inventions, présentées sans la moindre preuve. »  La déléguée a affirmé que l’Ukraine n’a pas de programme d’armes biologiques et a rappelé les propos de M. Ebo qui a déclaré que l’ONU n’est pas au courant de tels programmes.  Les États-Unis non plus n’ont pas de programme d’armes biologiques, a-t-elle assuré, ajoutant qu’il n’y a pas de laboratoires ukrainiens d’armes biologiques soutenus par les États-Unis.  L’Ukraine possède et exploite une infrastructure de laboratoire de santé publique, tout comme de nombreux pays qui cherchent à se protéger des maladies infectieuses, a observé la représentante, en expliquant que ces installations permettent de détecter et de diagnostiquer des maladies, à des fins de santé publique.

Or, a-t-elle poursuivi, on ne peut pas en dire autant de la Russie.  C’est Moscou, selon elle, qui maintient depuis longtemps un programme d’armes biologiques en violation du droit international.  Et, c’est Moscou qui a une histoire bien documentée d’utilisation d’armes chimiques et de protection du « régime Assad », celui-ci ayant utilisé à plusieurs reprises des armes chimiques.  Mme Thomas-Greenfield a ainsi expliqué pourquoi elle estime qu’il devrait y avoir une enquête pour savoir si la Russie s’est procurée illégalement des véhicules aériens sans pilote iraniens.  Concluant son propos, la représentante a dit que peu importe le nombre de réunions que la Russie tente d’organiser sur ce sujet et peu importe à quel point elle accélère sa machine de propagande, « nous ne devons pas détourner les ressources de l’ONU vers une enquête sans fondement ».  Elle a aussi demandé de ne pas permettre aux tactiques de la Russie de nous distraire de sa brutale guerre d’agression.  Agir ainsi reviendrait à céder au mensonge et à saper la crédibilité et la dignité de ce Conseil, a conclu Mme Thomas-Greenfield. 

Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a déclaré que seules les enquêtes internationales, indépendantes et impartiales, mandatées par les instances internationales en cette capacité peuvent faire la lumière sur des programmes ou des allégations d’utilisation d’armes biologiques.  Il faudrait donc que la communauté internationale parvienne à un consensus pour se doter de mécanismes de vérification renforcés, dans un contexte évolutif au plan international, a-t-elle déduit.  La représentante a également appelé les parties à éviter tout acte de provocation susceptible d’aggraver les tensions.  Les armes biologiques ne connaissent pas de frontières et personne ne sera à l’abri en cas d’utilisation, a mis en garde l’oratrice.

Mme TRACY WANJIRU MBABU (Kenya) a dit que la nature aveugle de ces armes ne peut amener que des dégâts à long terme pour les personnes et l’environnement.  En tant qu’État partie à la Convention sur les armes biologiques, le Kenya estime qu’il faut la respecter, notamment son article qui interdit la mise au point, la fabrication et l’utilisation d’armes biologiques ou à toxines, a dit la représentante.  Elle a appelé à continuer à rechercher une solution pacifique à ce confit conformément à la Charte des Nations Unies.

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a pris note des déclarations de la Fédération de Russie sur les activités biologiques militaires présumées en Ukraine.  Il a rappelé que, si le Conseil de sécurité a traité de cette situation en mars et mai 2022, ce n’est qu’en septembre que les consultations prévues à l’article V de la Convention sur les armes biologiques ont eu lieu à Genève.  Ces consultations n’ont pas conclu à l’existence d’une quelconque violation de la Convention, a déclaré le représentant, citant le Bureau des affaires de désarmement qui a déclaré qu’il n’avait aucune preuve d’activités contraires à la Convention en Ukraine.  Le Bureau l’avait déjà portée à l’attention de ce Conseil en mai dernier, a-t-il ajouté.

Selon le représentant, la question qui se pose est de savoir si une enquête du Conseil de sécurité doit être déclenchée, comme le prévoit le paragraphe 2 de l’article VI de la Convention.  L’exigence incontournable pour pouvoir activer l’examen de la question par ce Conseil et envisager une enquête, à cet égard, est d’avoir des preuves irréfutables de la violation présumée des obligations découlant de la Convention.  Étant donné que le Bureau des affaires de désarmement a déclaré à deux reprises, et de nouveau cet après-midi, qu’il ne disposait pas de telles preuves, il convient que la question soit portée à l’attention de la neuvième Conférence d’examen de la Convention sur les armes biologiques qui se réunira le mois prochain à Genève, a suggéré le représentant.  Ce sera l’occasion de voir si nous parvenons à engager des négociations pour établir un véritable mécanisme de vérification, qui manque à la Convention, a-t-il conclu.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a dit condamner l’énième tentative de la Fédération de Russie de faire oublier qu’elle viole la Charte des Nations Unies.  À nouveau, la Russie utilise le Conseil de sécurité comme une plateforme de propagande, alors que les Nations Unies ont clairement indiqué, à plusieurs reprises, et encore aujourd’hui, qu’elles ne possèdent aucune information sur l’existence des programmes biologiques offensifs en Ukraine, a constaté le délégué.  Selon lui, la Russie sème une nouvelle fois la confusion.  Elle cherche à distraire l’attention de la communauté internationale, et de sa propre population, de la réalité catastrophique de sa guerre sur le terrain, a-t-il analysé, ajoutant que chacun sait que c’est la Russie, et non l’Ukraine, qui a utilisé des armes chimiques ces dernières années et a couvert, pendant des années, le « régime syrien ».  Pour M. de Rivière, les allégations russes selon lesquelles l’Ukraine se préparerait à utiliser une bombe sale sont à l’évidence fausses.  La France les rejette, a-t-il insisté, en estimant que personne ne serait dupe d’une tentative d’utiliser cette allégation comme prétexte à une escalade.  « Que cela soit clair: nous rejetons tout prétexte d’escalade, quel qu’il soit, de la part de la Russie. »  Le représentant a affirmé que le discours russe est dangereux, et d’autant plus irresponsable qu’il émane d’un État dépositaire de la Convention sur l’interdiction des armes biologiques.

M. GENG SHUANG (Chine) a déclaré qu’en tant qu’État ayant beaucoup souffert de l’utilisation d’armes biologiques durant la Seconde Guerre mondiale, la Chine estime que les questions posées par la Fédération de Russie méritent des réponses appropriées.  Il est regrettable que les parties n’y répondent pas, a dit le représentant, pour qui il est donc logique d’invoquer l’article VI de la Convention sur les armes biologiques.  Il a estimé par ailleurs que la communauté internationale doit évoluer sur la question d’un mécanisme international de vérification.  Cette Convention ne doit pas faire exception aux autres régimes, a argumenté le délégué, avant de rappeler la position de son pays à propos de la guerre en Ukraine: les parties doivent s’abstenir de toute escalade et en venir au dialogue pour mettre fin à ce conflit.  Cette guerre ne sert les intérêts de personne, a-t-il lancé en guise de conclusion.

Pour M. FERGAL TOMAS MYTHEN (Irlande), l’utilisation d’agents biologiques ou de toxines comme armes de guerre est odieuse et rigoureusement interdite par le droit international.  Le représentant a déploré les nouvelles demandes de la Russie contre l’Ukraine qu’il a jugé infondées puisqu’aucune preuve sérieuse ou crédible de ses allégations n’a été présentée, ni aujourd’hui ni lors de la réunion consultative formelle le mois dernier.  Les réponses de fond apportées par l’Ukraine et les États-Unis démontrent clairement que leurs activités conventionnelles, ainsi que celles menées dans le cadre du programme coopératif de réduction de la menace sont de l’ordre d’une coopération et d’une recherche pacifiques et légitimes, a analysé le délégué.  Profondément préoccupé par la plainte déposée au titre de l’article VI de la Convention, il a estimé que la Russie utilise la Convention et le Conseil de sécurité comme plateformes pour sa désinformation, dans une tentative de justifier l’invasion injustifiable et illégale de l’Ukraine.  Une telle attitude cynique nuit au Conseil et à son rôle de maintien de la paix et de la sécurité internationales, a déploré le délégué, en considérant que la Russie ferait mieux de mettre immédiatement et sans condition un terme à ses hostilités, en se retirant de la totalité du territoire de l’Ukraine.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a pris note des commentaires des délégations après la demande de la Russie et des arguments présentés par celle-ci.  S’agissant du projet de résolution russe présenté au Conseil de sécurité, il a dit qu’au titre de l’article VI de la Convention sur les armes biologiques, d’autres procédures peuvent être utilisées à l’avenir dans des cas semblables.  En outre, si le Conseil décidait de mener une telle enquête, il doit avoir des preuves solides et de fonds pour agir, a fait valoir le représentant, qui a demandé aux parties directement impliquées de tirer profit de ces échanges d’informations pour garder ouvert les canaux de dialogue: il faut en effet éviter des malentendus qui pourraient être perçus comme des menaces.  Il a saisi cette occasion pour appeler à la reprise de négociations visant à l’adoption et la ratification d’un protocole juridiquement contraignant renforçant la mise en œuvre de la Convention sur les armes biologiques.  La situation dont est saisi le Conseil, aujourd’hui, ne fait que renforcer l’urgence d’établir de tels mécanismes, a-t-il insisté.  La prochaine Conférence d’examen de la Convention représente, à son avis, une occasion de reprendre ces discussions sans attendre.

Selon M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde), la situation actuelle reflète la nécessité de négocier un protocole global juridiquement contraignant, prévoyant un mécanisme de vérification efficace, universel et non discriminatoire, afin de renforcer la mise en œuvre de la Convention par les États parties.  Profondément préoccupée par la dégradation de la situation en Ukraine, l’Inde n’a cessé d’appeler à la cessation des hostilités et de suivre la voie de la diplomatie et du dialogue pour faire face à la situation, a rappelé son représentant, pour qui le fait même de discuter de cette question au Conseil témoigne de la situation précaire dans laquelle se trouve le monde aujourd’hui.  L’escalade des hostilités et de la violence n’est dans l’intérêt de personne, a prévenu le représentant, avant d’exhorter les deux parties à revenir sur la voie de la diplomatie et du dialogue.  Soutenant tous les efforts diplomatiques pour mettre fin au conflit, le délégué a espéré une reprise rapide des pourparlers de paix afin de parvenir à un cessez-le-feu immédiat et à un règlement rapide du conflit.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a dit observer avec gravité le durcissement des positions et la radicalisation inquiétante de la rhétorique en lien avec la guerre en Ukraine, une rhétorique qui suggère des menaces d’utilisation d’armes de destruction massive.  Les allégations concernant l’existence de programmes de fabrication d’armes biologiques en Ukraine sont très graves et l’utilisation d’agents biologiques, d’agent pathogènes, de germes ou de champignons visant à répandre des maladies à des fins de guerre est un anachronisme, en plus de l’interdiction de ces armes depuis une cinquantaine d’années, a dit le représentant.  Il a donc appelé à renforcer le régime de la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction.  De même, sa délégation appelle à une enquête impartiale et indépendante sur ces allégations, a conclu M. Biang.

M. VASSILY NEBENZIA (Fédération de Russie) a dit ne pas être surpris par la réaction des délégations des États occidentaux, dont certaines, selon lui, confondent armes chimiques et armes biologiques.  Il a estimé que cela montre leur méconnaissance du sujet.  Ces délégations ne répondent même pas aux questions élémentaires posées par la Fédération de Russie, notamment sur la raison pour laquelle c’est le Pentagone qui s’occupe de la coopération avec l’Ukraine, a regretté le délégué.  « Personne n’est naïf ici au point de penser que le Pentagone partagerait ses secrets avec les Nations Unies. »  S’adressant directement aux délégations occidentales, M. Nebenzia a dit que « même si les arguments de la Fédération de Russie ne vous plaisent pas, vous n’avez pas le droit de les ignorer en appliquant votre propre logique politique ».  Il a rappelé que son pays se base sur le droit international.  Pour le délégué, cette tentative de faire passer les questions de la Russie comme étant de la propagande ne trompe personne.  « Restons dans le domaine du droit et laissons les considérations politiques pour d’autres réunions », a-t-il dit, réitérant le fait que sa délégation a le droit de proposer un projet de résolution et de demander une enquête.

Mme KHRYSTYNA HAYOVYSHYN (Ukraine) s’est étonnée qu’en cette semaine mondiale de l’information et de l’éducation aux médias à l’ONU, la Russie ait convoqué trois réunions du Conseil de sécurité pour diffuser sa propagande et ses fausses informations.  En faisant cela, elle sape le travail du Conseil et la crédibilité et l’intégrité de la Convention sur les armes biologiques, a dénoncé la représentante.  Elle a ensuite assuré que l’Ukraine n’a jamais produit ni stocké d’armes biologiques ou chimiques, affirmant en outre qu’elle n’en a pas la capacité.  Elle a attiré l’attention du Conseil sur les résultats de la réunion des États parties à la Convention, qui a eu lieu à Genève, en septembre, à la demande de la Russie, pour dire que des informations détaillées et très complètes ont été transmises par l’Ukraine et les États-Unis à cette occasion et que l’écrasante majorité des États parties ont estimé qu’elles étaient convaincantes.  Toutes les allégations de la Russie à ce sujet ont été rejetées, a-t-elle fait valoir.  La représentante a indiqué que l’Ukraine sera prête à recevoir un groupe d’experts indépendants pour visiter ses laboratoires lorsque la Russie cessera sa guerre à outrance et retirera ses forces.  En conclusion, elle a déclaré qu’en répandant de tels mensonges, la Russie prépare la voie à de nouvelles provocations en Ukraine.  Les allégations concernant des agents de guerre biologiques doivent être prises au sérieux, a recommandé la représentante.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Face aux menaces de congestion satellitaire et de course aux armements, les Première et Quatrième Commissions veulent actualiser le droit de l’espace

Soixante-dix-septième session,
15e séance, Réunion conjointe - matin
CPSD/761-AG/DSI/3699

Face aux menaces de congestion satellitaire et de course aux armements, les Première et Quatrième Commissions veulent actualiser le droit de l’espace

L’humanité semble devenue dépendante de l’espace extra-atmosphérique de manière irréversible.  Dans un contexte de révolutions technologiques, de privatisation de l’accès à l’espace -plus de 5 000 satellites, principalement à usage commercial, flottent aujourd’hui en orbite autour de la Terre- l’ONU estime urgent d’actualiser les régimes de gouvernance et de réglementation de l’espace extra-atmosphérique.  Depuis le dernier Traité de l’espace, ratifié en 1967, les acteurs se sont multipliés, y compris le secteur privé, et la cyberpiraterie s’est développée.  « Contrairement au XXe siècle, l’espace s’est aujourd’hui démocratisé et privatisé.  Il faut adapter la gouvernance de l’espace à nos réalités »: cette formule du Costa Rica résume parfaitement les enjeux de cette table ronde commune des Première et Quatrième Commissions consacrée aux risques éventuels pour la sécurité et la viabilité des activités spatiales.  Cette séance, qui a lieu tous les deux ans depuis 2015, a été suivie d’une table ronde autour de l’actualisation du droit de l’espace.

L’espace extra-atmosphérique semble désormais à la croisée de problématiques transversales et infiniment complexes, ont observé plusieurs délégations: sécurité, développement durable, contrôle des armements, cyberespace, entre autres.  C’est une zone de frontières et une zone de risques.  C’est aussi un bien commun où toute destruction, accidentelle ou intentionnelle, aurait des incidences graves pour tous les pays.  L’objectif du jour, selon le Président de la Première Commission Mohan Pieris, est donc de développer davantage de règles contraignantes pour réduire les menaces et privilégier le développement commercial de l’espace par opposition au militaire.  Car les « bruits de bottes entendus sur Terre » semblent avoir atteint l’espace de l’avis d’Adedeji Ebo, Directeur du Bureau des affaires de désarmement et Haut-Représentant adjoint pour les affaires de désarmement.  Il a fait état en parallèle de la multiplication des conflits dans le monde, « d’hostilité active » dans l’espace extra-atmosphérique, pointant que « jamais le risque n’avait été aussi grand ».

L’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques est garantie de paix, de prospérité et de développement durable, a insisté Niklas Hedman, Directeur par intérim du Bureau des affaires spatiales de l’Organisation des Nations Unies (UNOOSA), pour qui « une planète durable va de pair avec un espace durable ».  Mais la gouvernance et les dispositions relatives à l’espace extra-atmosphérique, y compris la Commission sur l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS), ont été mises en place à une époque où ces activités relevaient uniquement des États.

Toutes les délégations ont défendu l’utilisation pacifique de l’espace, « patrimoine commun de l’humanité », selon les mots du Président de la Quatrième Commission Mohamed Al Hassan.  Mais plusieurs pays comme la République islamique d’Iran ou le Royaume-Uni en ont accusé d’autres -parfois sans les nommer- de saper les efforts d’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant.  Pour la délégation britannique, des normes de comportements responsables pourraient réduire les risques de malentendus et l’escalade de la violence.  Insuffisant, a déclaré l’Iran, en appelant à des normes contraignantes, sans quoi certains États les outrepasseraient pour asseoir leurs « velléités de domination » et leurs « ambitions hégémoniques ». 

Pour éviter une course à l’armement, la Fédération de Russie a promu « le projet russo-chinois », « idéal pour prévenir la force, et les menaces du recours à la force ».  Transformer l’espace en « champ de bataille » serait pour la Chine le plus sûr moyen pour que personne ne l’utilise comme « outil de développement ».

L’Autriche a remarqué qu’avaient été mis sur orbite autant de satellites en 2021 que dans toute l’histoire spatiale - des satellites appartenant surtout au secteur privé.  Cette hausse exponentielle a inquiété l’Argentine, qui a évoqué des dangers de collisions et d’interférences, rendant d’autant plus urgente l’évolution du droit: les États ne sont plus les seuls à développer des technologies vectrices de menaces.  Dans ce contexte, l’Autriche, les Pays-Bas, la Suisse ont insisté sur l’enregistrement en bonne et due forme des objets spatiaux, en conformité avec le droit international, comme crucial dans le futur.  Niklas Hedman, le Directeur d’UNOOSA, a expliqué que l’agence était chargée depuis plus de quatre décennies de tenir le registre central de l’ONU sur les objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique, conformément à la Convention sur l’immatriculation de 1975.  Ce registre, mécanisme central de la transparence et de l’instauration de la confiance, sera essentiel pour soutenir les nouvelles missions spatiales, telles que « les méga-constellations », « l’élimination active des débris » et « le transfert de propriété en orbite ».

L’Argentine, le Pakistan, le Costa Rica ont insisté sur l’accès équitable à l’espace extra-atmosphérique pour la réalisation des objectifs de développement durable de tous les pays.  Le Costa Rica a insisté sur l’aspect environnemental à incorporer au droit de l’espace, qui « compte de la même manière que notre planète et doit être exempt de déchets et de débris », et pour qui il n’existe pas de différence entre les déchets sur Terre et dans l’espace.  Les Émirats arabes unis et le Pakistan ont réclamé un accès à l’espace pour les pays émergents: les menaces sécuritaires sont parfois une excuse trop facile pour les exclure, a abondé la Chine.

La Russie, partisane d’un COPUOS renforcé, a mis en garde contre les « recettes toutes faites » proposées par les pays occidentaux, « à rebours du droit international ».  Du point de vue russe, les États-Unis affirment ouvertement que leur objectif est « la suprématie militaire de l’espace », et l’OTAN ne cache pas que des infrastructures spatiales civiles peuvent être utilisées comme infrastructures militaires, à des fins de renseignements notamment.  « Une majorité écrasante d’États Membres n’ont aucun moyen de s’y opposer », a déploré la Russie, reprochant à l’OTAN un « sentiment d’impunité absolue ».  La Russie a enfin regretté la création du Groupe de travail à composition non limitée, créant un doublon avec le COPUOS et la Conférence du désarmement.  Entre la Première et la Quatrième Commission, le COPUOS, la Conférence du désarmement, « on se marche un peu sur les pieds, si je puis me permettre », a lancé la Chine, pointant un problème de chevauchement des mandats.

L’Iran, la Syrie, Cuba ont aussi déploré une « distribution géographique inéquitable » des panélistes de la réunion du jour.  Le Président de la Première Commission a rétorqué que le Bureau avait au contraire fait preuve d’une grande souplesse et que malgré ses appels à candidatures, ces dernières avaient cruellement fait défaut.  Il a ajouté qu’il ne fallait pas s’imaginer un quelconque complot à ce sujet.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Colombie: Le Conseil de sécurité proroge jusqu’au 31 octobre 2023 le mandat de la Mission de vérification

9169e séance - matin
CS/15082

Colombie: Le Conseil de sécurité proroge jusqu’au 31 octobre 2023 le mandat de la Mission de vérification

Le Conseil de sécurité a décidé ce matin à l’unanimité, en adoptant la résolution 2655 (2022), de reconduire pour un an, jusqu’au 31 octobre 2023, le mandat de la Mission de vérification en Colombie.

Le Conseil, qui réaffirme son « attachement sans réserve » au processus de paix en République de Colombie et salue les progrès accomplis par le pays sur la voie de la paix, prend acte d’une demande formulée le 17 octobre conjointement par le Gouvernement colombien et le parti des anciennes FARC-EP -les signataires de l’Accord final de paix- qui le prient d’envisager de charger la Mission de contrôler la mise en application de deux points précis de l’accord de paix, portant sur la réforme rurale intégrale et les questions ethniques.

Le Conseil prie le Secrétaire général de lui présenter des recommandations détaillées sur la façon dont ces tâches supplémentaires seraient exécutées et de lui faire savoir dans un délai de 45 jours si celles-ci auraient une quelconque incidence sur la configuration de la Mission.  Le Conseil ajoute qu’il « entend examiner rapidement ces recommandations ».  Le préambule de la résolution rappelle que le Conseil, dans sa résolution 2574 (2021), a élargi une première fois le mandat de la Mission de vérification pour y ajouter la vérification du respect et de l’application des peines qui seront prononcées par la Juridiction spéciale pour la paix.

Après le vote, le Royaume-Uni, coauteur du projet de résolution, s’est félicité de ce nouvel élan en faveur de la paix en Colombie.  Le Mexique, nouveau coauteur, a salué l’adoption à l’unanimité, estimant, en outre, qu’à la lumière de son expérience, la participation des membres élus du Conseil à l’élaboration des résolutions était quelque chose d’extrêmement positif et une pratique intéressante à maintenir.

Sur le fond, le Mexique s’est félicité des dispositions du texte qui permettent de vérifier que la feuille de route du processus de paix est respectée, notamment le chapitre ethnique.  Ce point a été également abordé par le Kenya, qui a dénoncé les effets disproportionnés des violences et de la marginalisation sur les populations autochtones et afro-colombiennes, avant de remercier le coauteur du texte d’avoir accepté le libellé proposé par les membres africains du Conseil pour reconnaître le rôle des organismes onusiens dans la vérification de cet aspect de l’Accord de paix.  Il a aussi noté avec satisfaction que la Colombie a désormais pris à bras-le-corps cette question.

Les États-Unis ont dit apprécier la volonté manifestée par les nouvelles autorités colombiennes de parvenir à la paix, ajoutant qu’ils appuieraient leurs efforts.  Rappelant que la tâche du Conseil en Colombie est de répondre aux besoins exprimés par le Gouvernement de ce pays, le Brésil s’est félicité que cette volonté soit parfaitement respectée dans la résolution adoptée.

LETTRES IDENTIQUES DATÉES DU 19 JANVIER 2016, ADRESSÉES AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LA REPRÉSENTANTE PERMANENTE DE LA COLOMBIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2016/53) - S/2022/715

Texte du projet de résolution S/2022/804

Le Conseil de sécurité,

Réaffirmant son attachement sans réserve au processus de paix en République de Colombie,

Rappelant toutes ses résolutions et toutes les déclarations de sa présidence et ses déclarations à la presse concernant le processus de paix en Colombie,

Saluant les progrès accomplis sur la voie de la paix en Colombie depuis l’adoption de l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable (l’Accord final), exhortant les parties, avec le soutien des institutions publiques et des forces de sécurité compétentes ainsi que de la société civile, à unir leurs efforts afin de continuer de faire fond sur les progrès accomplis et de résoudre les problèmes actuels, notamment la poursuite des violences dans les zones touchées par le conflit, en mettant en œuvre intégralement l’Accord final, notamment la réforme rurale, la participation politique inclusive, ses dispositions relatives aux questions ethniques et aux questions de genre, ainsi que la lutte contre les drogues illicites, y compris au moyen de programmes de substitution de cultures, et rappelant les répercussions disproportionnées du conflit sur les femmes et ses effets sur les personnes appartenant à des communautés autochtones et afro-colombiennes,

Prenant note de la concertation de la Commission de consolidation de la paix avec le Gouvernement colombien et appelant de ses vœux la poursuite de la coopération, notamment avec les organismes compétents des Nations Unies, afin de veiller à ce que l’Accord final soit intégralement mis en œuvre selon une approche intégrée et cohérente,

Rappelant en particulier sa résolution 2366 (2017), par laquelle il a mis en place la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie (la Mission de vérification) chargée de contrôler la mise en application, par le Gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC-EP), des clauses 3.2 et 3.4 de l’Accord final, comme le prévoit la clause 6.3.3 de celui-ci, et rappelant le rôle constructif joué par la Mission de vérification à cet égard,

Rappelant également sa résolution 2574 (2021), par laquelle il a élargi le mandat de la Mission de vérification pour y inclure la tâche supplémentaire de vérifier le respect et l’application des peines qui seront prononcées par la Juridiction spéciale pour la paix, et se félicitant des préparatifs en cours effectués par la Mission de vérification, en collaboration avec la Juridiction spéciale pour la paix, à cet égard,

Notant que, selon l’Accord final, les peines prononcées par la Juridiction spéciale pour la paix auront pour objectif global de faire respecter les droits des victimes et de consolider la paix, et devront avoir la plus grande fonction de restauration et de réparation au regard du préjudice causé,

Conscient de la contribution que la Mission de vérification pourrait apporter pour renforcer la confiance dans le Système intégré pour la vérité, la justice, la réparation et la non-répétition établi en vertu de l’Accord final, indispensable à l’aboutissement du processus de paix et à la réalisation des droits des victimes du conflit,

Prenant acte de la lettre en date du 17 octobre (S/2022/787), par laquelle le Ministre colombien des affaires étrangères a demandé une reconduction du mandat de la Mission de vérification et a prié le Conseil d’envisager de charger la Mission de contrôler la mise en application de la clause 1, sur la réforme rurale intégrale, et de la clause 6.2, sur le chapitre consacré aux questions ethniques, de l’Accord final, demande commune faite par le Gouvernement colombien et le parti des anciennes FARC-EP,

1.    Décide de reconduire jusqu’au 31 octobre 2023 le mandat de la Mission de vérification ;

2.    Prie le Secrétaire général de lui présenter des recommandations détaillées sur la façon dont les tâches supplémentaires concernant le contrôle de la mise application de la clause 1 et de la clause 6.2 de l’Accord final, demandée dans la lettre du 17 octobre adressée par le Ministre colombien des affaires étrangères seraient exécutées et de lui faire savoir si celles-ci auraient une quelconque incidence sur la configuration de la Mission, dans un délai de 45 jours à compter de l’adoption de la présente résolution, et entend examiner rapidement ces recommandations ;

3.    Se déclare disposé à coopérer avec le Gouvernement colombien en vue de la nouvelle reconduction du mandat de la Mission de vérification par voie d’accord entre les parties.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Sixième Commission examine le projet de principes de la CDI sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés

Soixante-dix-septième session,
23e & 24e séances plénières, Matin & après-midi
AG/J/3670

La Sixième Commission examine le projet de principes de la CDI sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés

La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a repris aujourd’hui ses discussions, entamées hier, sur le premier groupe de chapitres du rapport de la Commission du droit international (CDI).  Les délégations se sont principalement concentrées sur le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) et sur le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.

La question de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés est « cruciale » compte tenu de la gravité des problèmes environnementaux mondiaux, tels que les changements climatiques et la perte de biodiversité, a déclaré la représentante du Pérou.  La Micronésie a abondé en ce sens, citant en exemple les nombreuses épaves datant de la Seconde Guerre mondiale qui jonchent ses eaux et menacent les milieux naturels fragiles.  La plupart des représentants ont salué le travail de la CDI en la matière, le Portugal estimant qu’elle avait trouvé un « équilibre louable » entre les préoccupations militaires, humanitaires et environnementales. 

Le Royaume-Uni a néanmoins rappelé que le projet de principes n’a pas vocation à modifier ou à créer de nouvelles règles du droit international humanitaire.  Dans le même sens, certaines délégations, à l’instar de la République de Corée et Israël, se sont inquiétées que le projet mélange des règles de lex lata et de lex ferenda.  Il convient de « ne pas flouter les frontières entre des régimes juridiques distincts », a dit la déléguée israélienne.  L’Espagne a, pour sa part, constaté l’« intensité normative variable » des principes, regrettant un manque de clarté sur ce point.

Le projet constitue « un outil puissant afin de protéger des zones d’importance environnementale », a loué la déléguée suisse, rejoignant sur ce point son homologue péruvien.  La Sierra Leone a pris note de l’utilisation d’instruments normatifs africains, notamment la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala).  Avec l’Afrique du Sud, qui a rappelé la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, la Sierra Leone a estimé que les principes auraient dû être étendus à d’autres acteurs.  Sur ce point, Chypre a noté qu’en raison de la nature transfrontalière des problèmes environnementaux, il peut être difficile de se limiter aux parties à un conflit.

La Micronésie a souligné l’importance de considérer plusieurs phases temporelles — avant, pendant et après le conflit armé.  Au contraire, le Cameroun a noté que ces périodes avant et après le conflit ne sont pas régies par le droit international humanitaire, mais par le régime commun du droit international de l’environnement.  Le représentant russe a, pour sa part, estimé que le projet de la CDI élargit de façon excessive le champ d’application de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.  D’après lui, ces questions sont suffisamment prises en compte par le droit existant, y compris le droit international humanitaire. 

Par ailleurs, certaines difficultés liées au projet de conclusions relatif aux normes impératives du droit international, déjà soulevées hier par d’autres délégations, ont refait surface aujourd’hui.  C’est notamment le cas de la liste non exhaustive des normes impératives annexée au projet.  Certains États s’en sont félicités, comme le Pérou, la Thaïlande ou le Portugal, qui a même estimé que « la CDI aurait pu se montrer plus ambitieuse en incluant par exemple l’obligation de protection de l’environnement ».  D’autres intervenants ont en revanche fait part de positions plus contrastées.  L’Irlande s’est ainsi inquiétée qu’une telle liste puisse être « interprétée à tort comme exhaustive ».  Le Cameroun, le Viet Nam, l’Espagne, le Royaume-Uni ou encore la Russie ont exprimé leurs réserves quant à l’inclusion d’une telle liste dans le projet.

La Russie, le Cameroun et Israël ont en outre fait part de leurs préoccupations sur la question des obligations erga omnes.  La Russie a estimé que, sur ce point, la CDI a outrepassé son mandat tandis qu’Israël a souligné une tendance à confondre les termes erga omnes et jus cogens.  Le Chili a, de son côté, plaidé pour une meilleure définition de l’expression « valeurs fondamentales de la communauté internationale ». 

Les aspects relatifs aux fondements des normes de jus cogens ou encore à leurs effets, notamment sur les actes des organisations internationales, ont également fait l’objet d’échanges de vues.  Ainsi l’Afrique du Sud s’est-elle félicitée de l’assujettissement des résolutions du Conseil de sécurité aux normes impératives tandis que le Royaume-Uni, le Maroc et la Russie ont noté l’absence de pratique sur ce point.

Le débat de la Sixième Commission sur ce point à l’ordre du jour reprendra demain, jeudi 27 octobre, à partir de 15 heures. 

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-TREIZIÈME SESSION - A/77/10

Suite du débat général sur le module 1: chapitres introductifs I à III, chapitre X (Autres décisions et conclusions de la Commission), chapitre IV (Normes impératives du droit international général (jus cogens) et chapitre V Protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés)

M. SERGIO AMARAL ALVES DE CARVALHO (Portugal) s’est félicité de l’inclusion de la prévention et répression de la piraterie et du vol à main armée en mer dans le programme de travail de la CDI.  Il a souligné l’immense apport des Nations Unies à la codification du droit international, avant de noter que cette codification connaît un certain déclin.  Si les produits de la CDI ont différents formats, dans certains cas la CDI recommande l’adoption d’une convention sur la base d’un projet d’articles.  Cependant, a regretté le délégué, la Commission ne prend pas de décision en donnant la priorité au consensus, même si seul un petit nombre d’États s’y oppose.  Si le consensus doit toujours être recherché, le consensus est un objectif, non pas un dogme, a-t-il tranché.  « Le consensus oblige à négocier de bonne foi mais il ne doit pas être usé comme un droit de veto. »  Si cette question n’est pas traitée, a-t-il averti, l’apport de la CDI et de la Sixième Commission sera gravement affaibli, dans un contexte où le besoin de davantage de droit est nécessaire pour réguler les relations internationales.

Le délégué a salué le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens).  Il s’est félicité que le jus cogens régional ait été omis de ce projet.  S’il a salué la liste non exhaustive de telles normes, il a déclaré que « la CDI aurait pu se montrer plus ambitieuse en incluant par exemple l’obligation de protection de l’environnement. »  Il a salué le travail accompli et espéré que l’Assemblée sera prête à prendre note de ce projet de conclusions et de son annexe.

Le délégué a ensuite évoqué le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.  Il s’est dit en faveur d’un droit humain à l’environnement, lequel est lié à la jouissance d’autres droits humains.  Le Portugal reconnaît qu’une protection absolue de l’environnement n’est pas possible, a dit le délégué, en insistant sur la nécessité d’une protection conditionnelle pour trouver un équilibre entre préoccupations militaires, humanitaires et environnementales.  « Nous pensons qu’un équilibre louable a été atteint. »  En conclusion, le délégué a espéré que l’Assemblée prendra note dudit projet et le recommandera à l’attention des États et des organisations internationales.

M. MIK (Pologne) a estimé que les normes impératives du droit international général (jus cogens) sont d’une importance fondamentale pour l’ordre juridique international.  « Parce que nous avons été les témoins directs de violations graves et continues en Europe de l’Est depuis 2014 d’une obligation découlant des normes impératives du droit international général, nous étions et sommes toujours d’avis que des normes plus détaillées à cet égard doivent être élaborées. » Le délégué a regretté que les conclusions de la CDI se contentent de reproduire les dispositions pertinentes des articles de la CDI de 2001 sur la responsabilité des États, sans autre précision.  Malheureusement, a-t-il également estimé, la Commission a manqué l’occasion d’expliquer comment l’obligation d’un État devrait être mise en œuvre, notamment en ce qui concerne son comportement au sein des organisations internationales.  Le délégué a ajouté que les règles coutumières contenues dans le projet de conclusion 19 (Conséquences particulières des violations graves des normes impératives du droit international général) sont encore très larges.  Malgré cela, il est clair que le fait de fournir des armes à un État qui viole l’interdiction d’agression contrevient à l’obligation internationale coutumière décrite dans cette conclusion, a-t-il déclaré, saluant la mention dans le commentaire des pratiques actuelles des États, y compris l’agression russe en Ukraine. 

Par ailleurs, concernant les méthodes de travail de la Commission, le délégué a jugé nécessaire de donner des indications plus claires sur les progrès réalisés.  Une analyse attentive des travaux de la Commission indique qu’une règle ou une norme peut passer par plusieurs phases quasi-législatives qui ne sont pas toujours clairement discernables, a-t-il fait remarquer, notant que pour un même sujet, il est courant que différentes dispositions se trouvent à des stades différents du processus.  Ainsi a-t-il proposé d’insérer dans le rapport un tableau pour chaque sujet, donnant une image globale de leur état d’avancement. 

M. SMYTH (Irlande), saluant le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), a relevé que peu de modifications ont été apportées au projet depuis son adoption préliminaire.  Il n’est pas clair pour sa délégation si le terme « la communauté internationale des États dans son ensemble » qui apparaît dans la conclusion 2 et le terme « la communauté internationale » dans la conclusion 3 sont synonymes.  Si oui, pourquoi ne pas homogénéiser la terminologie, et si non, quelle est la différence?  Plus important encore, a-t-il continué, nous avons du mal à comprendre le concept de modification d’une norme impérative lorsque cette norme est une norme à laquelle, par définition, aucune dérogation n’est possible.  Il est difficile de voir comment une norme impérative peut être modifiée étant donné qu’une telle modification entraînerait nécessairement une dérogation à la norme originale, a-t-il estimé.  En outre, il s’est également demandé si, comme indiqué dans la conclusion 6 (Acceptation et reconnaissance), les traités et principes généraux du droit servent effectivement de base aux normes impératives.  Pour la délégation, un traité doit avoir codifié le droit coutumier préexistant qui est la base authentique des normes impératives.  Par ailleurs, le délégué s’est félicité de la clarté avec laquelle les conclusions exposent, dans la conclusion 19, les conséquences particulières des violations graves du jus cogens.  Il a ensuite rappelé ses réserves à l’égard de la liste non exhaustive, qui risque d’être « interprétée à tort comme exhaustive ». 

Sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, le délégué a jugé que les projets de principes et les commentaires constituent une contribution précieuse à la compréhension de la manière dont le droit international humanitaire et d’autres domaines du droit international s’appliquent dans ce contexte.  Au sujet des projets de principes applicables en dehors des situations de conflit armé et d’occupation, exprimés en tant que règles contraignantes du droit international, il a estimé que les commentaires sur les projets de principes 7 (Opérations de paix) et 26 (Restes de guerre) ne démontrent pas de manière adéquate les bases juridiques de ces textes en tant que règles contraignantes.  La délégation a également exprimé des réserves sur le projet de principe 5 (Protection de l’environnement des peuples autochtones) indiquant qu’elle examinerait plus amplement les autres projets de principe à caractère de recommandation. 

M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone) a estimé que les travaux de la Commission constituent une évolution majeure pour le droit international.  Il a salué l’adoption du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), un « développement important » mené à bien, a-t-il souligné, sous l’égide d’un juriste africain.  Le délégué a notamment apprécié le compromis atteint sur la conclusion 2 (Nature des normes impératives du droit international général).  Lesdites normes, a-t-il reconnu, reflètent et protègent les valeurs fondamentales de la communauté internationale; elles sont universellement applicables et supérieures aux autres règles du droit international. 

Sur la question de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, il a pris note de l’utilisation d’instruments normatifs africains, notamment la Convention de l’Union africaine de 2009 pour la protection et l’assistance des personnes déplacées en Afrique (la Convention de Kampala).  À propos du projet de principe 9 (Responsabilité des États), le représentant a estimé qu’il aurait été utile que la CDI se prononce sur les règles relatives à la responsabilité des groupes armés non étatiques, au vu de leur importance.  À propos du projet de principe 13 (Protection générale de l’environnement pendant un conflit armé), il a dit que ne pas ajouter des principes traitant de l’environnement dans les conflits armés hypothéquerait l’interdiction existante.

Le représentant a évoqué la question d’une représentation géographique équitable dans les travaux de la CDI pour relever que seul un membre africain était rapporteur spécial, et un autre coprésident d’un groupe d’étude.  Il a appelé la Commission à envisager une approche équilibrée.  Il a également regretté que le sujet de la juridiction pénale universelle reste dans le programme à long terme de la Commission malgré le large soutien exprimé par les États Membres pour qu’il soit ajouté au programme actuel.  Il en est de même pour le sujet de la juridiction extraterritoriale.

M. ANDRÉS NAPURÍ PITA (Pérou) a plaidé pour un renforcement des liens entre la Sixième Commission et la CDI en vue d’une codification accrue du droit international.  Il a salué le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens).  Il a souligné la prééminence de ces normes sur les autres règles du droit international comme le rappelle la conclusion 2 (Nature des normes impératives du droit international général).  Il n’est pas nécessaire que ces normes soient reconnues par l’ensemble des États, mais par une majorité large et représentative des États, a déclaré le délégué, en commentant la conclusion 7 (Communauté internationale des États dans son ensemble).  Il a salué l’inclusion en annexe d’une liste non exhaustive des normes.

Le délégué a salué le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.  « Cette question est cruciale compte tenu de la gravité des problèmes environnementaux mondiaux, tels que les changements climatiques et la perte de biodiversité, et du fait que les conflits armés peuvent exacerber ces problèmes. »  Il a notamment souligné l’importance des principes 13 et 18 relatifs à la protection générale de l’environnement pendant un conflit armé et aux zones protégées, en considérant à l’intérieur de celles-ci les zones d’importance environnementale désignées par accord et les zones d’importance culturelle.  En conclusion, il a redit combien il est nécessaire de préserver le multilinguisme dans les travaux de la CDI.

Mme RATHE (Suisse) s’est réjouie de l’adoption du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général, en particulier le projet de conclusion 23 et la liste non exhaustive de normes de jus cogens dans l’annexe.  La Suisse a développé dans sa pratique une compréhension plus large de ce qui constitue le noyau dur du jus cogens que celle ressortant de la liste indicative, a-t-elle précisé.  Elle a donc salué le fait que cette liste est « sans préjudice de l’existence ou de l’émergence ultérieure d’autres normes de jus cogens ».  Cependant, la représentante a regretté l’incohérence qui subsiste entre la version française qui évoque « les règles fondamentales du droit international humanitaire » et la version anglaise qui utilise l’expression « the basic rules of international humanitarian law », préférant la formulation « the fundamental rules ». 

La représentante s’est dite certaine que le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés et les commentaires y relatifs seront d’une grande utilité pour tous les acteurs concernés.  En particulier, « la Suisse souligne l’importance de mieux protéger l’environnement dans les conflits armés contemporains ».  La représentante s’est félicitée de la clarification apportée au sujet du champ d’application temporel et elle a salué le projet de principe sur les zones protégées, lesquelles peuvent constituer « un outil puissant afin de protéger des zones d’importance environnementale ».  Pour conclure, elle a noté avec satisfaction l’inscription au programme de travail du sujet intitulé « Les accords internationaux juridiquement non contraignants ».  Elle a estimé que la discussion sur la manière de traiter ces instruments de droit souple est importante, tant du point de vue de l’état de droit que de la démocratie. 

M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a suggéré que les 23 projets de conclusions et l’annexe deviennent un guide méthodologique pour identifier l’émergence de normes impératives du droit international général et leurs conséquences juridiques.  Il a exprimé ses réserves sur le principe d’une liste non exhaustive des normes de jus cogens.  Il a également attiré l’attention sur la relation entre les normes erga omnes et les normes de jus cogens, appelant sur ce point à faire preuve de prudence.  Il a soutenu le projet de conclusion 16 sur l’absence d’effet contraignant d’un acte d’une organisation internationale contraire au jus cogens afin que ces actes puissent « demeurer en phase avec les normes qui protègent l’humanité  ».  Le représentant a également jugé « douteuse » la mise en œuvre de l’obligation de coopérer du projet de conclusion 19.  Il s’est également interrogé sur la cohérence entre les conclusions 5 et 19, notant qu’il n’est pas possible d’invoquer un conflit entre la coutume et le jus cogens si le premier est le fondement du second.

Le représentant a relevé que les conflits armés sont source de catastrophes majeures pour l’environnement et a salué le travail de la CDI en la matière.  Il s’est dit perplexe face à l’extension du projet de principes avant et après le conflit armé, là où s’applique le régime commun du droit de l’environnement.  Une précision s’impose quant au calendrier des mesures à prendre, a-t-il également indiqué, appelant à « tenir compte des contingences qu’impose la guerre ».  Il a plaidé pour renforcer la protection de la relation particulière entre les peuples autochtones et leur environnement, reconnue et protégée par différents instruments internationaux.  Il a en outre proposé de refondre en un seul principe les principes 6 et 7 et de joindre les principes 10 et 16.  Le délégué a exprimé sa réserve quant à l’adjonction de la clause Martens au principe 12, craignant la généralité et le caractère globalisant de cet énoncé.

Le représentant a abordé le régime juridique des accords internationaux juridiquement non contraignants, préférant la qualification « actes juridiques internationaux concertés non conventionnels ».  Il a noté l’abondance de la pratique contemporaine et appelé à une vision globale de leurs effets juridiques.  « Le fondement du caractère obligatoire de ces accords réside à l’instar de tout autre engagement, quelle que soit sa forme, sur la bona fides », a-t-il estimé.  Il a, en ce sens, proposé des critères permettant d’identifier la volonté normatrice de l’État.

M. MINHVU NGUYEN (Viet Nam) a réitéré ses préoccupations quant à l’annexe au projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), qui contient une liste non exhaustive des normes impératives.  Il a estimé que la CDI a pour mandat d’élaborer des critères permettant d’identifier de telles normes et non d’en dresser la liste.  Les principes codifiés par la Charte des Nations Unies et la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies devraient du reste être inclus dans la liste, a-t-il estimé.  Le délégué a indiqué que le projet de conclusion 2 (Nature des normes impératives du droit international général) ne doit pas avoir pour effet d’ajouter des critères en sus des critères du projet de conclusion 4 (Critères pour la détermination d’une norme impérative du droit international général).  Il a en outre souhaité que le concept « dans son ensemble » constitue une « majorité large et représentative ».  Si le point de vue des acteurs non étatiques peut contribuer à la détermination de l’acceptation et de la reconnaissance des normes impératives, le représentant a rappelé que c’est bien « la reconnaissance et l’acceptation des États qui devraient être considérées comme pertinentes ».

Par ailleurs, le délégué s’est dit conscient des conséquences à long terme de conflits sur l’environnement, soulignant que ce sujet constitue « une question centrale ».  Toute entité responsable de dégâts environnementaux doit garantir les réparations, retirer les restes de guerre, fournir une assistance et dédommager les victimes, a-t-il estimé.

Mme MATHU JOYINI (Afrique du Sud) a exprimé le soutien de l’Afrique du Sud au projet de conclusions dans le cadre du chapitre IV.  La description de la nature distincte des normes sera selon elle un outil utile pour mieux comprendre les normes impératives du droit international général, ce que font les tribunaux sud-africains.  En revanche, elle a estimé que le paragraphe 2 du projet de conclusion 5 sur les dispositions conventionnelles était ambigu.  Au sujet du projet de conclusion 16 (Obligations créées par des résolutions, décisions ou autres actes d’organisations internationales en conflit avec une norme impérative du droit international général), elle a salué la position de la CDI confirmant que les résolutions, décisions et autres actes du Conseil de sécurité adoptés au titre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies soient sujets à des normes impératives du droit international.

En venant au chapitre V du rapport, Mme Joyini a voulu rappeler la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement adoptée en 1992, qui reconnaît les conséquences de la guerre sur l’environnement et appelle les États à respecter le droit international en protégeant l’environnement dans un conflit armé.  Elle s’est félicitée que la CDI élabore un cadre juridique visant à élargir cette protection durant et après les conflits armés.  Elle aurait souhaité que les principes ne s’appliquent pas seulement aux États, mais à toutes les parties aux conflits.  Elle s’est également félicitée que sa proposition d’inclure l’impact des flux de réfugiés et des déplacements de population sur l’environnement ait été traitée dans le projet de principe 8 (Déplacements de population).  À cet égard, la Convention de l’Union africaine de 2009 pour la protection et l’assistance des personnes déplacées en Afrique est un instrument pertinent.  Par ailleurs, la déléguée s’est félicitée que la CDI ait nommé pour la première fois deux membres africains comme rapporteurs spéciaux, ce qui est un pas vers une représentation équitable.

Mme LANGRISH (Royaume-Uni) a estimé que le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) et l’annexe devraient être d’une certaine utilité pour permettre aux États et aux tribunaux de faire preuve de rigueur lorsqu’ils sont confrontés à des questions de jus cogens.  « Mais ils ne reflètent pas à tous les égards le droit ou la pratique actuels. »  La déléguée a jugé essentiel que le projet de conclusions soit pris en compte parallèlement aux points de vue des États et que les tribunaux en soient clairement informés lorsqu’ils examinent le statut juridique du projet de conclusions.  En outre, l’objection persistante de certains États à une règle de droit international coutumier, alors que cette règle est en cours de formation, est pertinente pour savoir s’il est possible de conclure qu’elle a été acceptée et reconnue par la communauté internationale comme ayant un caractère impératif.  Nous continuons aussi de douter qu’il existe une pratique étatique suffisante pour étayer la proposition du paragraphe 3 du projet de conclusion no 14 (Règles de droit international coutumier en conflit avec une norme impérative du droit international général) selon laquelle la règle de l’objecteur persistant ne s’applique pas aux normes impératives du droit international général, a poursuivi la déléguée.  Sur le projet de conclusion no 21, elle a jugé que la pratique est insuffisante pour étayer la position selon laquelle un État peut refuser de se conformer à une résolution contraignante du Conseil de sécurité des Nations Unies au motif qu’elle est contraire à une norme de jus cogens.  La déléguée a réitéré qu’il serait préférable de ne pas inclure une « liste non exhaustive » de normes ayant le statut de normes impératives.  Le Royaume-Uni est particulièrement préoccupé par le fait que la CDI n’a pas appliqué la méthodologie exposée dans son propre projet de conclusions pour l’identification de telles normes.  « Nous avons déjà indiqué que nous ne considérons pas que toutes les normes énumérées remplissent clairement les critères pertinents. »

Ensuite, sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, la déléguée a noté que le champ d’application du projet de principes et leurs commentaires est très large.  Elle a dit comprendre qu’ils ne modifient pas -et ne doivent pas être considérés comme modifiant de quelque manière que ce soit– le droit international humanitaire (DIH), ni n’affectent les limitations et réserves se rapportant au DIH.  À cet égard, a-t-elle apprécié, lorsque la terminologie des projets de principes ne s’aligne pas sur le DIH, comme l’utilisation du terme « environnement » plutôt que « environnement naturel », l’intention n’est pas de modifier la portée du DIH. 

M. EVGENY A. SKACHKOV (Fédération de Russie) s’est félicité de l’inclusion de la prévention et répression de la piraterie et du vol à main armée en mer dans le programme de travail de la CDI.  Il a commenté le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens).  « Les commentaires de nombreuses délégations n’ont pas été prises en compte », a déploré le délégué.  Il a émis des doutes quant à l’expression « communauté internationale des États dans son ensemble ».  Le délégué a en outre exprimé le désaccord de son pays sur la conclusion relative aux résolutions du Conseil de sécurité, en estimant que celle-ci ne reflète pas la pratique des États.  Il a estimé que la CDI a outrepassé son mandat sur un « sujet brûlant » en évoquant la conclusion 17 relative aux normes impératives en tant qu’obligations dues à la communauté internationale dans son ensemble (obligations erga omnes).  Commentant la conclusion 19 sur les conséquences particulières des violations graves des normes impératives, il a dénoncé « ces pays qui ont décidé de poursuivre leur campagne contre la Russie ».  L’inclusion en annexe d’une liste non exhaustive de normes impératives n’est pas appropriée, a déclaré le délégué, en s’interrogeant sur la méthodologie suivie par la CDI.  Il a estimé que cette liste pourrait « saper » la valeur de ses travaux sur le sujet.

Le délégué a ensuite évoqué le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.  Il a estimé que les questions relatives à la protection de l’environnement sont suffisamment prises en compte par le droit existant, y compris par le droit international humanitaire.  Malgré certains changements majeurs, ce projet élargit de façon excessive le champ d’application de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés a indiqué le délégué, en renvoyant aux commentaires faits par son pays en 2019.

Mme MARÍA CECILIA CÁCERES (Chili) a considéré, au sujet de la nature des normes impératives du droit international général, qu’il est nécessaire de définir ce que l’on entend par « valeurs fondamentales de la communauté internationale » afin d’être plus clair sur ce point et de pouvoir distinguer ces normes des autres.  Quant aux critères d’identification d’une norme de jus cogens, la déléguée a estimé qu’un tel caractère ne peut être déterminé que sur la base de son acceptation et de sa reconnaissance par les États, de manière généralisée et transversale dans les différentes régions.  Le processus d’identification doit permettre d’identifier des normes vraiment universelles, autrement dit il doit être représentatif de tous les systèmes juridiques, a-t-elle insisté.  Les systèmes régionaux, des droits de l’homme par exemple, peuvent servir d’outil important pour identifier ce type de normes.  Plus généralement, Mme Cáceres a estimé que la liste de normes proposées par la CDI, en annexe du projet de conclusion 23, aurait dû faire l’objet d’une analyse plus approfondie.

M. SONGCHAI CHAIPATIYUT (Thaïlande), prenant note de la liste non exhaustive des normes impératives du droit international général, a souligné que la liste pourrait être utilisée comme point de référence lorsqu’il s’agit de déterminer si une certaine norme est universellement acceptée et reconnue.  Il s’est réjoui du paragraphe 1 du projet de conclusion 14 selon lequel « une règle de droit international coutumier ne prend pas naissance si elle entre en conflit avec une norme impérative existante du droit international général (jus cogens) », tout en reconnaissant également la possibilité qu’une norme de jus cogens actuelle soit modifiée par une norme de jus cogens ultérieure. 

S’agissant de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, le représentant a reconnu le rôle crucial que les acteurs concernés, y compris les organisations internationales, peuvent jouer en matière d’évaluation environnementale après un conflit armé.  Étant donné leur expérience et leur expertise, la coopération avec ces organisations internationales permet de mieux comprendre comment identifier et traiter les conséquences environnementales des conflits armés, a-t-il estimé.  Par ailleurs, « il incombe à l’humanité de protéger l’environnement, tant en temps de conflit qu’en temps de paix », a-t-il rappelé. 

Le représentant a ensuite pris note de la décision de la CDI d’inclure de nouveaux sujets dans son programme de travail.  Il serait très utile d’un point de vue pratique que la Commission entame ses travaux sur des sujets qui apporteront une plus grande clarté sur les principes de droit international utilisés dans les accords d’investissement internationaux, en particulier le principe du traitement juste et équitable.  Pour le délégué, ces travaux importants apporteront une sécurité juridique et empêcheront la fragmentation du droit international de l’investissement.  Enfin, il a souhaité que les travaux de la CDI reflètent et prennent en compte toutes les voix, tous les besoins et toutes les préoccupations des États Membres. 

M. LEFEBER (Pays-Bas) a recommandé de limiter le nombre de sujets à l’ordre du jour de la CDI afin de faciliter leur étude détaillée par les États Membres de l’ONU.  Il s’est félicité de l’adoption du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens).  Il a pris note de la reconnaissance, dans un commentaire, du fait que les traités et principes généraux de droit ne peuvent servir de base au jus cogens que de manière limitée.  Il a indiqué que les Pays-Bas appuieraient une résolution de l’Assemblée générale prenant note du projet de conclusions, sans inscrire ce point à l’ordre du jour de l’Assemblée. 

Le représentant a également salué l’adoption du projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.  Il a toutefois noté que le texte n’a repris qu’une partie des commentaires et observations écrites soumis par son pays.  Ainsi la délégation estime-t-elle que le principe 7 (Opérations de paix) ne reflète pas le droit international coutumier.  Là encore, les Pays-Bas appuieraient une résolution de l’Assemblée générale prenant note du projet de principes, sans inscrire ce point à l’ordre du jour de l’Assemblée.  Par ailleurs, le représentant a plaidé pour que soient discutées les implications en droit international de l’incapacité de renoncer à une seconde nationalité.  Estimant que la CDI serait la mieux équipée pour examiner cette question, y compris la portée du droit à la nationalité, il a proposé d’inclure ce sujet à son programme de travail

M. ZHA HYOUNG RHEE (République de Corée) a souligné que le jus cogens existe, aujourd’hui, au sein de la communauté internationale et de tous les systèmes juridiques nationaux.  Partant, il a estimé que la portée de ce sujet devrait être étendue pour couvrir non seulement le droit des traités mais aussi la responsabilité étatique, le lien entre les sources du droit international et d’autres domaines du droit international.  Par ailleurs, il a attiré l’attention sur quelques parties du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général qu’il a jugées trop vagues pour une mise en œuvre et sujettes à interprétation, comme le terme « violation grave » dans le projet de conclusion no 19 (Conséquences particulières des violations graves des normes impératives du droit international général).

Passant au projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, le délégué a noté que les commentaires reçus des organisations internationales et de groupes civiques ont gagné en importance dans la révision, alors que les avis des gouvernements ne sont pas toujours convergents.  Relevant que le terme « naturel » a été supprimé après « environnement », il a maintenu sa position selon laquelle le terme « environnement naturel » est plus pertinent par rapport au droit international humanitaire existant.  En supprimant le terme « naturel », le délégué s’est dit convaincu que les principes de lex lata sont devenus lex ferenda.

M. SARVARIAN (Arménie) a souligné l’utilité du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens).  Il a estimé qu’il n’y a rien d’anormal à ce que la CDI prenne son temps pour étudier un sujet aussi complexe et sensible que les normes impératives.  Il a déclaré que les conclusions 6, 7 et 8 et leurs commentaires fournissent peu d’explications sur la manière dont une norme impérative est censée être acceptée et reconnue par la communauté internationale des États.  Il a aussi pointé les difficultés méthodologiques posées par la liste non exhaustive desdites normes.  Le droit à l’autodétermination a été inclus dans cette liste alors qu’un petit nombre d’États conteste son rang de normes impératives.

Le délégué a ensuite évoqué le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.  Il a jugé nécessaire que la CDI poursuive son travail sur ce projet afin d’en modifier le format, a-t-il poursuivi.  Il a souligné la nécessité qu’il soit fait usage de ce projet comme d’une plateforme en vue de l’élaboration de propositions concrètes aux fins de codification.  Le délégué a aussi estimé que les principes 9 et 12 sur, respectivement, la responsabilité de l’État et la clause de Martens, sont redondants par rapport à des règles bien établies en droit international.  Il a invité la CDI à préciser la définition de l’obligation de protéger l’environnement contre les « dommages étendus, durables et graves » visés par les principes 13 et 19.  Enfin, le délégué a salué l’inclusion du règlement des différends internationaux auxquels des organisations internationales sont parties dans le programme de travail de la CDI, un sujet qui revêt une grande importance pratique.

M. SANTIAGO RIPOL CARULLA (Espagne) a estimé, malgré les doutes exprimés par quelques États, que les travaux de la CDI sont une preuve définitive de la reconnaissance de l’existence en droit international de normes qui « reflètent et protègent les valeurs fondamentales de la communauté internationale » et sont « universellement applicables et hiérarchiquement supérieures aux autres règles du droit international ».  À propos de la conclusion 21 (Procédure recommandée) du projet de conclusions, l’Espagne comprend qu’il est recommandé de porter un différend devant la Cour internationale de Justice (CIJ), mais, comme la CIJ l’a elle-même rappelé, la violation d’une norme impérative ne constitue pas en soi une base pour établir sa compétence.  Le délégué a par ailleurs réitéré ses réserves sur la valeur ajoutée de la liste non exhaustive de normes impératives figurant en annexe. 

Abordant le chapitre V du rapport, M. Ripol Carulla a souligné que le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés constitue un apport décisif à la codification et au développement progressif du droit international.  « L’un des principaux mérites de ce projet est de vouloir intégrer les normes du droit des conflits armés et les normes du droit international existant dans d’autres secteurs, comme le droit international des droits de l’homme et le droit international de l’environnement. »  Selon le délégué, les principes présentent « une intensité normative variable », puisque certains relèvent clairement du domaine des normes obligatoires, tandis que d’autres se rapprochent plutôt de la catégorie des normes recommandées, ou « soft law ».  À cet égard, il a regretté que le texte et le commentaire des principes manquent de clarté sur le point de savoir quand un principe a un caractère obligatoire ou constitue une recommandation non contraignante.

M. JEEM S. LIPPWE (États fédérés de Micronésie) a déclaré que les espaces terrestre et maritime de son pays ont été « transformés en instruments de guerre par des puissances étrangères » et qu’ils ont subi des dommages considérables et parfois durables.  Le délégué a mentionné les nombreuses épaves de navires et d’aéronefs datant de de la Seconde Guerre mondiale qui jonchent les eaux et menacent les milieux naturels fragiles.  De plus, il n’a pas écarté « la possibilité d’un autre conflit majeur dans cette partie du Pacifique ».  Il s’est donc réjoui de l’adoption du projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.  Il a dit l’importance de considérer plusieurs phases temporelles − avant, pendant et après un conflit armé.  Il a également salué la reconnaissance spécifique de l’obligation des États de prendre des mesures pour corriger les effets négatifs des conflits armés sur les terres et territoires que les peuples autochtones habitent ou utilisent traditionnellement.  Il est important d’incorporer des dispositions sur la protection de l’environnement dans les accords relatifs à la présence de forces militaires, a-t-il encore recommandé, rappelant la récente adoption par l’Assemblée générale de la résolution 76/300 qui consacre « le droit humain à un environnement propre, sain et durable ».  Il s’est également félicité des projets de principes 26 (Restes de guerre) et 27 (Restes de guerre immergés en mer) qu’il a jugés conformes à la reconnaissance par la CDI que l’obligation d’interdire la « pollution massive » des mers est une norme impérative du droit international général.  Estimant que le projet de principes et leurs commentaires constituent une contribution majeure au droit international, il a appelé les parties concernées, y compris les États ayant une histoire de conflit armé dans le Pacifique, à les mettre en œuvre dans leur intégralité. 

Enfin, le délégué a pris note de la décision de la CDI d’inscrire le sujet des « accords internationaux non juridiquement contraignants » à son programme de travail à long terme.  Il a appuyé la recommandation selon laquelle la Commission ne devrait pas aborder la question de l’effet des dispositions non contraignantes des traités.  Il s’est également dit favorable à ce que la Commission examine l’effet ou la nature juridique des décisions et autres actes adoptés par les conférences des États parties aux traités. 

Mme YARDEN RUBINSHTEIN (Israël) a regretté que la Commission n’ait pas répondu de manière adéquate aux inquiétudes d’Israël concernant le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), notamment en intégrant des propositions de développement progressif.  Elle a regretté que le rapporteur spécial se soit appuyé sur la théorie et la doctrine plutôt que sur la pratique étatique, qui aurait dû être l’objectif principal.  Le seuil élevé pour l’identification des normes de jus cogens conformément à l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités n’est pas convenablement inclus dans le projet de conclusions, a-t-elle estimé.  La représentante a par ailleurs douté de l’existence de conséquences supplémentaires en plus de celles prévues par la Convention de Vienne en cas de violation des normes de jus cogens, notamment l’obligation de coopérer et l’interdiction de la reconnaissance ou de l’assistance dans une situation créée en violation d’une norme impérative.  La représentante a également souligné une tendance à confondre les termes erga omnes et jus cogens.  Elle s’est aussi inquiétée de l’inclusion d’une liste non exhaustive des normes impératives, citant des problèmes liés aux modalités de son élaboration.

Ensuite, Mme Rubinshtein a regretté certains choix méthodologiques relatifs au projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.  Elle a notamment évoqué des confusions entre règles d’origine différentes, appelant à « ne pas flouter les frontières entre des régimes juridiques distincts ».  L’abandon de la distinction entre conflit international et non international n’est pas suffisamment étayé, a-t-elle ajouté.  Elle a également souligné des confusions entre les obligations juridiques, les suggestions de mise en œuvre, le développement progressif et les normes non contraignantes.  En conséquence, la représentante a déclaré que ce projet de principes ne saurait servir de base à un traité et qu’il devrait uniquement constituer des lignes directrices.

M. HARIS CHRYSOSTOMOU (Chypre) a pris note de l’adoption du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens).  Il a notamment approuvé le projet de conclusion 19, commentaire 5, selon lequel le principe d’autodétermination est une norme de jus cogens.  Le principe d’autodétermination est devenu un principe de droit international au cours du mouvement de décolonisation, et il a toujours été appliqué aux situations de domination coloniale ou d’occupation étrangère, a-t-il rappelé, mentionnant notamment l’Acte final d’Helsinki.  L’intégrité de toutes les frontières a été renforcée par l’élaboration de la règle selon laquelle elles ne peuvent être modifiées par la force.  Sur le projet de conclusion 14, paragraphe 3 sur la non-applicabilité du principe dit de l’objecteur persistant au jus cogens, le délégué s’est dit d’accord avec le commentaire qui stipule qu’un tel principe ne s’applique pas aux normes impératives du droit international général.  Lorsqu’il s’agit de normes de jus cogens, qui sont considérées comme hiérarchiquement supérieures aux autres règles du droit international, l’argument selon lequel le concept d’objecteur persistant ne devrait pas s’appliquer à elles est encore plus convaincant, a-t-il insisté.

S’agissant de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, et en particulier des principes applicables pendant les conflits armés, le délégué a noté que le langage actuel fait référence au patrimoine culturel matériel et immatériel et il a suggéré d’inclure également le patrimoine naturel.  Sur les principes applicables dans les situations d’occupation, il a proposé la formulation supplémentaire suivante : « la puissance occupante ne doit pas s’engager dans une activité d’exploration ou d’extraction des zones terrestres et maritimes occupées ».  En outre, le délégué a souligné que l’expression « droit international applicable » fait référence au droit des conflits armés mais aussi au droit international de l’environnement et au droit international des droits humains.  En ce qui concerne l’application du droit international de l’environnement, il a invité à se référer à l’avis consultatif de 1996 de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur la licéité de l’emploi ou de la menace d’emploi d’armes nucléaires.  Dans la mesure où les accords multilatéraux sur l’environnement traitent de problèmes environnementaux qui ont une nature transfrontalière ou une portée mondiale, et où les traités ont été largement ratifiés, il peut être difficile de se limiter aux parties à un conflit.  Enfin, sur les principes applicables après la conclusion d’un conflit armé, en particulier le principe 25, le délégué a encouragé la CDI à élaborer des lignes directrices plus claires pour promouvoir le principe de secours et d’assistance.  Il a recommandé de prendre en compte les dommages environnementaux causés par une occupation continue et de faire des mesures de réparation, dont le partage des informations et des ressources naturelles, une obligation de la puissance occupante. 

M. LASRI (Maroc) a indiqué que le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) devrait recueillir davantage d’observations en vue de son amélioration.  Il a dit s’aligner sur la définition contenue à l’article 53 (Traités en conflit avec une norme impérative du droit international général) de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969.  Il a également soutenu le principe de l’unanimité relatif à l’acceptation d’une norme de jus cogens.  À ce titre, il a estimé que la « large majorité » reconnue dans la conclusion 7 (Communauté internationale des États dans son ensemble) est trop large, altère l’esprit authentique de l’article 53 de la Convention de Vienne et contredit d’autres principes du projet.  Le délégué a souligné le poids et la fonction de la détermination par la Cour internationale de Justice (CIJ) des normes et s’est opposé au rôle des comités d’experts autres que la CDI sur ce point.  Il s’est en outre interrogé sur le bien-fondé de la hiérarchisation dans le cadre du projet de conclusion 9 (Moyens auxiliaires de détermination des normes du droit international général) qui place les experts en première position.  L’inclusion des travaux des organes d’experts dans l’identification des normes de jus cogens risque de confier à ces derniers un rôle qui dépasse leur mandat, a-t-il mis en garde.  Le délégué a également noté l’absence de précédent sur l’incompatibilité d’une résolution du Conseil de sécurité avec une norme impérative.  Quant à la liste non exhaustive annexée au projet, il s’est interrogé sur sa pertinence ainsi que sur les critères retenus pour l’élaborer.  Selon lui, certaines normes contenues dans cette liste suscitent des observations et des incertitudes quant à leur caractère de norme impérative.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Troisième Commission: vives dénonciations des procédures spéciales lors de l’examen des droits humains au Myanmar, en RPDC, en Afghanistan, au Bélarus, en Iran et en Syrie

Soixante-dix-septième session
33e & 34e séances plénières – matin & après-midi
AG/SHC/4359

Troisième Commission: vives dénonciations des procédures spéciales lors de l’examen des droits humains au Myanmar, en RPDC, en Afghanistan, au Bélarus, en Iran et en Syrie

La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a été aujourd’hui le théâtre de débats houleux à l’entame de l’examen de la situation des droits humains dans six pays, un large groupe de délégations, appuyé par le Mouvement des pays non alignés, rappelant leur position de principe sur ces mandats, jugés politisés, sélectifs, et irrespectueux de la souveraineté des États, estimant que ces questions devraient être traitées au Conseil des droits de l’homme, dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU). 

Ces contestations ont visé les cinq Rapporteurs spéciaux sur la situation des droits humains au Myanmar, en République populaire démocratique de Corée (RPDC), en Afghanistan, au Bélarus, en République Islamique d’Iran ainsi que le Président de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne.  Les exposés de ces six titulaires de mandat, souvent confrontés au refus d’accès dans le pays, ont néanmoins permis de constater l’étendue du chemin restant à parcourir. 

« L’Afghanistan reste très certainement le pire pays au monde où être une femme ou une fille », s’est alarmé le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans ce pays qui a indiqué que les femmes, dont les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels sont bafoués, ont été effacées de la vie publique.  M. Richard Bennett, a également rappelé que les écoles secondaires de filles étaient fermées depuis 401 jours.  La réouverture des écoles secondaires pour filles est le premier test du respect par les autorités de facto de leurs obligations internationales en matière de droits humains, a-t-il dit. 

Les violations du droit fondamental des femmes ont également été largement débattues lors du dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits humains en République islamique d’Iran qui a appelé à la mise en place d’un mécanisme d’enquête indépendant sur les violations des droits humains qui ont précédé et suivi la mort en détention de Mahsa Amini, trois jours après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour avoir porté son hijab de manière inappropriée.  Évoquant les manifestations qui se sont produites depuis dans tout le pays, M. Javaid Rehman a estimé que la barrière de la peur avait été franchie, les conditions ayant conduit à la mort de Mahsa Amini et la violation du droit fondamental des femmes à parler et à s’habiller librement ne pouvant plus être tolérées.  De manière prévisible, les autorités ont répondu à ces revendications par une répression brutale des manifestants pacifiques et une coupure des connexions Internet dans le but d’étouffer la liberté d’expression et d’association de la population iranienne, a-t-il déploré. 

Sur le registre de la reddition de comptes, le bilan est lourd, ont également constaté les titulaires de mandat, à l’instar du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar qui a affirmé que « les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre sont le fonds de commerce de la junte militaire », évoquant la mort d’au moins 50 spectateurs assistant à un concert dans une frappe aérienne de la junte dans l’État kachin.  Dans ce contexte, le peuple du Myanmar attend depuis 18 mois une action que les Nations Unies ont prise en seulement quatre jours s’agissant de l’Ukraine, a fait observer M. Thomas Andrews, qui a relevé que les Rohingya, eux, « attendent depuis plus longtemps encore ». 

Outre la détention de 1 300 prisonniers politiques au Bélarus, la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans ce pays a indiqué que des centaines de milliers de personnes ont été forcées de s’exiler en raison de violations des droits humains, citant en premier lieu l’intimidation et la violation des droits sur le lieu de travail, notamment la privation de licence pour les avocats, d’accréditation pour les journalistes et d’enregistrement pour les organisations de la société civile.  De plus, au moins 600 organisations ont été contraintes de se dissoudre ou d’interrompre leurs activités, dont la quasi-totalité des groupes de défense des droits humains du pays.  Mme Anaïs Marin s’est également inquiétée du durcissement de la législation contre l’extrémisme et le terrorisme, qui est instrumentalisée pour étouffer et punir toute forme de dissidence dans le pays.  Tout aussi préoccupants, deux projets de loi en cours d’examen envisagent de priver de la citoyenneté ceux qui participent à des « activités extrémistes », en plus de restrictions à la sortie du pays pour des raisons de « sécurité nationale ». 

De son côté, la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC) a signalé que ce pays est plus isolé que jamais en raison des restrictions qu’il s’est imposées en janvier 2020 en raison de la pandémie.  Elle s’est particulièrement préoccupée de l’accès limité de la population à la nourriture et de l’accès insuffisant aux soins de santé compte tenu de la fragilité du système sanitaire du pays.  Cette situation souligne l’importance de rouvrir le pays à l’aide humanitaire, a estimé Mme Elizabeth Salmón qui ambitionne de garantir la vérité et la justice pour les victimes, notamment en recourant à la juridiction universelle et aux tribunaux nationaux. 

Sur le front syrien où une grave épidémie de choléra s’est déclarée dans 14 provinces du pays, le Président de la Commission d’enquête s’est préoccupé du sort inconnu des dizaines de milliers de personnes disparues, « l’une des plus grandes tragédies de la guerre syrienne », ainsi que de la situation des 58 000 personnes, dont 37 000 enfants, qui restent illégalement privées de liberté dans les camps de Hol et de Raouj.  Dans ces conditions, la nécessité des rapatriements est plus urgente que jamais, a souligné M. Sergio Pinheiro. 

À l’exception du Bélarus et de la RPDC qui n’ont pas pris la parole lors de la présentation des rapports les concernant, les représentants du Myanmar et de l’Afghanistan auprès de l’ONU, ont, eux, soutenu les titulaires de mandat tandis leurs homologues de la Syrie et de l’Iran ont vigoureusement dénoncé le rapport qui les visait. 

La Troisième Commission reprendra ses travaux demain, jeudi 27 octobre, à partir de 10 heures.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS

Déclaration liminaire

Au nom du Mouvement des pays non alignés, la représentante de l’Azerbaïdjan a exprimé sa profonde inquiétude face à la poursuite et à la prolifération de la pratique d’adoption sélective de résolutions spécifiques à un pays en Troisième Commission, ainsi qu’au Conseil des droits de l’homme (CDH), dénonçant un outil qui exploite les droits humains à des fins politiques.  Elle a également réaffirmé la nécessité de promouvoir une plus grande cohérence et complémentarité entre les travaux de la Troisième Commission et du CDH et d’éviter les doubles emplois et les chevauchements inutiles dans leurs activités. 

La représentante a par ailleurs fait valoir que l’Examen périodique universel (EPU) est le principal mécanisme intergouvernemental de coopération pour examiner les questions relatives aux droits de l’homme au niveau national dans tous les pays sans distinction, avec la pleine participation du pays concerné et en tenant compte de ses besoins en matière de renforcement des capacités.  À cette aune, a-t-elle ajouté, le Mouvement des pays non alignés rejette la pratique actuelle du Conseil de sécurité consistant à traiter les questions relatives aux droits de l’homme en fonction des objectifs politiques de certains États. 

Enfin, a conclu la déléguée, le Mouvement des pays non alignés réaffirme l’importance d’assurer la mise en œuvre de l’EPU en tant que mécanisme coopératif orienté vers l’action, fondé sur des informations objectives et fiables et sur un dialogue interactif avec la pleine participation des pays à l’examen, et mené de manière impartiale, transparente, non sélective, constructive, non conflictuelle et non politisée.

Déclarations suivies de dialogues interactifs

Exposé

M. THOMAS H. ANDREWS, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, a présenté un exposé comprenant trois parties, « le meilleur, le pire et l’incompréhensible ».  D’emblée, il a déclaré que si la junte militaire au pouvoir pensait que ses crimes contre l’humanité et ses crimes de guerre paralyseraient les défenseurs des droits humains au Myanmar, elle a fait une « grave erreur de calcul ».  Le « meilleur », a-t-il expliqué, ce sont les défenseurs des droits humains et les journalistes qui risquent leur vie pour documenter les atrocités, les avocats qui risquent leur vie et leur carrière pour représenter des prisonniers politiques, les médecins qui lancent des cliniques mobiles et les enseignants qui mettent en place des systèmes éducatifs alternatifs.  À ses yeux, ces « héros » représentent « le meilleur du Myanmar et le meilleur de l’humanité ».  Ils ont besoin et méritent « votre attention, votre respect et, surtout, votre soutien », a-t-il lancé aux États Membres. 

Pour illustrer le « pire », M. Andrews a rappelé que, quelques jours avant la présentation de son rapport devant le Conseil des droits de l’homme, un hélicoptère de combat de l’armée du Myanmar s’est abattu sur une école dans la région de Sagaing et les soldats ont ouvert le feu.  Treize personnes, dont de jeunes enfants, ont été tuées, a-t-il précisé.  Plus récemment, au moins 50 spectateurs assistant à un concert ont trouvé la mort dans une frappe aérienne de la junte dans l’État kachin.  « Les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre sont le fonds de commerce de la junte militaire », a dénoncé le Rapporteur spécial. 

Citant ensuite les propos d’adolescents qu’il a interrogés sur leur vie depuis le coup d’État de février 2021 et sur leurs attentes, M. Andrews a dit qu’une jeune fille de 14 ans lui avait confié que son plus grand espoir était d’avoir enfin « une bonne nuit de sommeil ».  Elle a lui décrit comment elle et sa famille étaient régulièrement réveillées par le bruit des tirs et des bombardements.  Chaque nuit, elle était terrifiée, a-t-il rapporté, avant d’évoquer « l’incompréhensible », le fait que le peuple du Myanmar soit déçu et troublé par l’incapacité des États Membres à contribuer à résoudre cette crise de manière juste, responsable et humaine.  Les gens du Myanmar comprennent que l’attention se porte ailleurs, notamment sur l’Ukraine.  Ceux avec qui il a parlé soutiennent le peuple ukrainien et ont de l’empathie pour lui, a-t-il affirmé, établissant un lien entre les armes utilisées pour attaquer ces deux peuples.  Elles proviennent de la même source: la Russie, a-t-il constaté. 

Dans ce contexte, le peuple du Myanmar attend depuis 18 mois une action que les Nations Unies ont prise en seulement quatre jours s’agissant de l’Ukraine, a fait observer le Rapporteur spécial, qui a relevé que les Rohingya, eux, « attendent depuis plus longtemps encore ».  En bref, le peuple du Myanmar a besoin d’aide, a-t-il résumé, regrettant à cet égard que certains États aggravent la situation en continuant de fournir à la junte des armes pour attaquer les civils.  Pire, des États ont même fait part de leur volonté d’aider et d’encourager la junte à organiser des élections fictives l’an prochain, pendant que d’autres, voisins du Myanmar, détiennent ou repoussent les personnes fuyant les violences de la junte dans les zones de conflit.  M. Andrews a pointé du doigt la Malaisie, qui, au cours des dernières semaines, a expulsé plus de 100 ressortissants du Myanmar, dont des déserteurs de l’armée qui seront probablement torturés et risquent la peine de mort. 
Il s’agit là d’une violation flagrante du droit international, a-t-il condamné. 

Le Rapporteur spécial a rappelé qu’au cours de l’année écoulée, il a recommandé qu’une coalition de nations lance une initiative coordonnée visant à priver la junte des armes, des finances et de la légitimité dont elle a besoin pour poursuivre ses attaques, tout en augmentant l’aide humanitaire au peuple du Myanmar.  Pour M. Andrews, l’approche non coordonnée et non stratégique qui est actuellement employée est inadéquate et coûte un nombre incalculable de vies.  Or, a-t-il déploré, aucun changement dans l’approche du statu quo n’est en cours ni même envisagé. 

Avant de conclure, le Rapporteur spécial a interpellé les États Membres en demandant combien d’entre eux reconnaissent que la réponse internationale à cette crise est « grossièrement inadéquate » et soutiennent une « correction immédiate de la trajectoire ».  Y a-t-il des membres du Conseil de sécurité prêts à présenter une résolution audacieuse et à insister pour qu’elle soit transmise à l’Assemblée générale en cas de veto?  Et combien sont prêts à augmenter l’aide humanitaire à la population du Myanmar?  Appelant les États Membres à adopter une nouvelle approche coordonnée et stratégique « qui ait une chance de réussir », il s’est dit convaincu que le modèle d’une action efficace existe.  « Ce qu’il faut, maintenant, c’est la volonté politique de l’engager ». 

Dialogue interactif

À l’issue de cette présentation, le Myanmar a estimé que le rapport reflète clairement la situation des droits humains dans le pays.  En écho à une recommandation du Rapporteur spécial, il a demandé au Conseil de sécurité d’adopter une résolution prévoyant un embargo sur les armes.  Il a également demandé la convocation d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité pour lancer une initiative coordonnée privant la junte militaire d’armes, de financement et de légitimité.  Depuis le coup militaire de février 2021, la situation se dégrade chaque jour, a averti la délégation, rappelant que près de 16 000 personnes sont détenues de façon arbitraire par la junte au pouvoir.  Plus d’un million de personnes ont été déplacées et plus de 14 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire, a-t-elle ajouté, voyant dans ces faits la preuve que la junte viole les droits fondamentaux du peuple du Myanmar.  Le Mécanisme indépendant d’enquête des Nations Unies a fait état de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, a rappelé la délégation, selon laquelle la junte a, en outre, exécuté quatre prisonniers politiques, un fait sans précédent au Myanmar depuis trois décennies. 

Le régime a massacré des innocents dans tout le pays, lancé des attaques aériennes et utilisé des armes lourdes dans des zones civiles, a encore dénoncé la délégation du Myanmar, avant de mentionner, entre autres exemples des atrocités commises par les militaires, le raid aérien mené en septembre contre une école, qui a fait 13 morts, en majorité des enfants, et plus récemment, l’attaque aérienne qui a tué une centaine de civils réunis dans le cadre d’un concert dans l’État kachin.  Malgré ces violences, a-t-elle prévenu, le peuple du Myanmar ne se soumettra pas et est plus déterminé que jamais à faire face au régime illégal des militaires.  Pour finir, elle a indiqué que le Gouvernement d’unité nationale, à la tête de la résistance, a accepté la juridiction de la Cour pénale internationale (CPI) et compte coopérer avec elle pour rompre ce cycle de violence.

Prenant à son tour la parole, l’Indonésie, qui assurera prochainement la présidence de l’ASEAN, a réaffirmé son engagement à mettre en œuvre le Consensus en cinq points agrées par tous les membres de l’Association, y compris le Myanmar, qui reste, selon elle, la seule feuille de route susceptible de faire progresser la situation.  À sa suite, l’Australie a enjoint le régime à dialoguer constructivement avec l’ASEAN, lui demandant également de libérer les détenus, notamment un professeur australien. 

En tant que voisins du Myanmar, la Thaïlande, le Japon et la République de Corée ont, eux aussi, appelé à la mise en œuvre du Consensus en cinq points de l’ASEAN, voyant dans ce dispositif le meilleur moyen d’obtenir un règlement pacifique négocié.  Se présentant comme « voisine et amie » du Myanmar, la Chine a prôné un dialogue constructif et s’est déclarée opposé aux « deux poids, deux mesures » et aux solutions qui ont pour conséquence les affrontements.

Pour leur part, la Fédération de Russie et le Bélarus ont réaffirmé leur position de principe concernant l’inacceptabilité de la pratique de l’adoption de résolutions sélectives et unilatérales sur des situations spécifiques de pays.  La délégation russe, qui a recommandé au Rapporteur spécial de ne s’occuper que du Myanmar et non de l’Ukraine, l’a en outre jugé « trop émotif », l’invitant à revoir la fiabilité de ses sources.  Les États-Unis ont quant à eux salué le Rapporteur spécial pour son professionnalisme, avant de lui demander ce que peut faire la communauté internationale pour accroître la pression sur l’armée en vue d’un arrêt des violences.  Comment peut-on agir collectivement pour faire pression sur les États qui fournissent des armes à la junte, a enchaîné le Royaume Uni, selon lequel un projet de résolution sur le Myanmar circule actuellement au sein du Conseil de sécurité.

L’Union européenne s’est, elle, enquise de la coopération du Rapporteur spécial avec le Mécanisme indépendant d’enquête pour le Myanmar, tandis que la République tchèque se demandait jusqu’où est prête à aller la junte dans ses actions criminelles.  Quels sont les instruments les plus efficaces dont dispose la communauté internationale pour faire en sorte que ceux qui ont commis des atrocités à l’encontre des enfants et des autres personnes les plus vulnérables au Myanmar soient tenus pour responsables, a voulu savoir la Finlande.  Il faut que la CPI ait accès au Myanmar, a plaidé le Canada.  En attendant, la Norvège a souhaité savoir comment protéger le mieux possible les enfants en ces temps de crise.  Et comment améliorer la participation de la société civile à la fourniture de l’aide humanitaire et à la préparation d’un avenir libre et démocratique pour le Myanmar, se sont interrogés le Luxembourg et la Suisse, rejoints par le Liechtenstein.

Devant le refus du Myanmar d’ouvrir ses portes au Rapporteur spécial, le Bangladesh a souhaité savoir si des solutions existent pour permettre à l’ONU et à d’autres organisations d’avoir accès aux camps de réfugiés.  La Malaisie, qui accueille également des milliers de réfugiés du Myanmar, a reconnu ne pas disposer des moyens nécessaires pour en abriter davantage.  De son côté, l’Arabie saoudite a rappelé que, pour venir en aide aux réfugiés rohingya, elle a débloqué une enveloppe de 25 millions de dollars, avec l’aide d’organisations internationales telles que les Nations Unies, l’UNICEF, l’Organisation de la coopération islamique (OCI) et la Banque islamique pour le développement. 

En réponse aux questions et observations des délégations, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar a tout d’abord invité les États Membres à consulter ses précédents rapports relatifs notamment aux sources d’armes arrivant au Myanmar et à l’impact de ce conflit sur la vie des enfants.  Il a dit vouloir poursuivre son dialogue avec le peuple du Myanmar, la société civile et de nombreuses autres entités pour transmettre la vérité sur ce pays.  M. Andrews a ajouté qu’il continuera également à interagir avec le Gouvernement d’unité nationale ainsi qu’avec des organisations de résistance ethniques et autres qui sont sur le front de cette crise.  Il s’est en outre dit prêt à parler avec les activistes et défenseurs des droits humains, où qu’ils se trouvent dans le monde, pour que « nous puissions faire ce qui est juste ».

Quant à savoir ce que peut faire la communauté internationale, le Rapporteur spécial a identifié sept mesures, exhortant d’abord, le Conseil de sécurité à exercer ses pouvoirs en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies pour faire voter une résolution imposant un embargo sur les armes et des sanctions économiques ciblées, tout en renvoyant la situation du Myanmar devant la Cour pénale internationale (CPI).  Anticipant un « inévitable » veto au sein du Conseil de sécurité, il a recommandé de passer par l’Assemblée générale.  Il faut instituer un débat ouvert afin d’aboutir à une coalition qui mette en œuvre une stratégie coordonnée privant la junte d’armes, de financement et de légitimité, a plaidé M. Andrews. 

Le Rapporteur spécial a d’autre part appelé les États Membres et les donateurs à augmenter considérablement l’assistance humanitaire au Myanmar, pressant aussi les États voisins à veiller à ce que le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) ait accès aux réfugiés et œuvre à leur réinstallation.  Il a cependant insisté sur le fait que les réfugiés ne doivent pas être obligés à retourner au Myanmar.  Il a également exhorté la communauté internationale à appuyer les pays, à commencer par le Bangladesh, qui accueillent les populations fuyant le Myanmar, en particulier les Rohingya.  Il a enfin réclamé que la responsabilité de la junte soit établie, suggérant à cet égard que, si le Conseil de sécurité ne renvoyait pas le Myanmar devant la CPI, les États Membres puissent s’appuyer sur les cadres de juridiction universelle existants. 

Exposé

Mme Elizabeth SALMÓN, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC), qui présentait son premier rapport en tant que nouvelle titulaire du mandat, a indiqué s’être fixée trois objectifs: obtenir la coopération de la RPDC, renforcer les possibilités de reddition des comptes, et sensibiliser à la gravité de la situation, notamment en permettant à de nouveaux acteurs de se joindre à ces efforts.  Elle a indiqué que la coopération limitée du Gouvernement de la RPDC avec les précédents titulaires de mandat depuis 2004 a rendu plus difficile l’évaluation précise de la situation des droits humains dans le pays.  De même, il est difficile d’identifier quelles réformes permettraient de répondre à la gravité de la situation des droits de la personne.

Détaillant les objectifs qu’elle s’est fixée, la Rapporteuse a expliqué qu’elle compte examiner par quels moyens engager la RPDC à faire progresser la mise en œuvre des recommandations formulées par les organes des Nations Unies chargés des droits humains, et ouvrir des canaux de dialogue avec Pyongyang, notamment au sujet de groupes spécifiques, comme celui des femmes et des filles.  Le second volet ambitionne de développer de nouveaux moyens de garantir la vérité et la justice pour les victimes dans un contexte marqué par l’absence de reddition de comptes, notamment en recourant à la juridiction universelle et aux tribunaux nationaux.  Elle a également indiqué qu’elle plaidera pour le renvoi, par le Conseil de sécurité, de la situation des droits humains en RPDC à la Cour pénale internationale, ainsi que pour l’établissement par l’Assemblée générale d’un tribunal ad hoc ou autre mécanisme comparable.

En troisièmement lieu, elle a expliqué qu’elle compte élargir la sensibilisation à la situation actuelle des droits humains dans ce pays, que la COVID-19 a encore plus détériorée.  La RPDC est plus isolée que jamais depuis que le pays s’est imposé des restrictions liées à la pandémie en janvier 2020, aussi, il est actuellement impossible de vérifier le nombre de décès causés par ou liés à la COVID-19, s’est alarmée la Rapporteuse.  Elle s’est particulièrement préoccupée de l’accès limité de la population à la nourriture en raison des restrictions liées à la COVID-19 et de l’accès insuffisant aux soins de santé compte tenu de la fragilité du système sanitaire du pays.  Cette situation souligne l’importance de rouvrir le pays à l’aide humanitaire, a-t-elle estimé, appelant aussi à une feuille de route claire pour le retour du personnel des Nations Unies. 

Dialogue interactif

Réagissant à cet exposé, le Pérou a rappelé à la RPDC ses obligations internationales en termes de droits humains.  Les États-Unis se sont inquiétés de l’aggravation des violations des droits humains dans le contexte de la pandémie et ont appelé à prendre des mesures immédiates pour laisser les instances de surveillance des droits humains entrer sur le territoire. 

Cuba a déploré les effets des mesures coercitives unilatérales sur la population du nord de la péninsule et, à l’instar du Venezuela et du Nicaragua, a critiqué le rôle de tout mandat qui n’aurait pas été approuvé par le pays concerné et qui viole, selon ces délégations, les principes de non-sélectivité et de non-ingérence.  La Guinée équatoriale a elle aussi appelé à respecter le principe de non-sélectivité, estimant en outre que, seul un dialogue constructif avec la RPDC permettra de trouver un terrain d’entente. 

À ce sujet, l’Union Européenne a voulu savoir comment les États Membres et les pays de la région peuvent aider à instaurer un dialogue avec le gouvernement de la RPDC. 

Le Japon a jugé regrettable que la RPDC développe son programme nucléaire aux dépens du bien-être de sa population., tandis que la République de Corée a déploré les incidents survenus en mer Jaune en 2020 contre des ressortissants sud-coréens non-armés et a exhorté la communauté internationale à ne pas oublier les citoyens sud-coréens détenus en RPDC.  Il ne faut ménager aucun effort pour concrétiser la dénucléarisation de la RPDC, a-t-elle par ailleurs insisté. 

La Suisse a demandé à la Rapporteuse spéciale comment elle compte traiter la situation du droit des femmes et filles en l’absence de toute information claire à ce sujet, la Norvège a voulu savoir comment la communauté internationale peut collaborer avec la RPDC pour améliorer la situation des droits humains de la population, tandis que la République tchèque s’est intéressée aux mesures qui permettraient d’instaurer des approches créatives et novatrices capables de désamorcer la crise actuelle. 

Le Viet Nam a appelé à un dialogue constructif prenant en compte les conditions particulières de chaque pays, insistant sur l’importance du principe de non-sélectivité.  Le Bélarus s’est dressé contre l’instrumentalisation des droits humains, déplorant la présentation de rapports qui reprennent les même clichés chaque année.  Le chemin sera long avant que la Rapporteuse ne gagne la confiance du peuple de la RPDC, a prévenu la Fédération de Russie, l’exhortant à ne pas baser ses rapports sur des informations fournies par des ONG occidentales, de « pures inventions relayées par l’Occident depuis 1950 ».  La RPDC peut se targuer de réalisations que pourraient jalouser les pays occidentaux, telles une alphabétisation totale ou l’éradication du chômage, a ajouté la délégation russe.

Le Nigéria s’est opposé à la politisation contre-productive des droits humains et a souligné que l’Examen périodique universel est le seul mécanisme universel à même d’aborder la question des droits humains de chaque pays de façon constructive, un point de vue partagé par la République islamique d’Iran et l’Érythrée

À son tour, l’Australie a voulu savoir comment la Rapporteuse comptait remédier au fait que la RPDC lui refuse l’accès à son territoire, tandis que l’Allemagne a exhorté la RPDC à autoriser l’acheminement de l’aide, demandant en outre à la Rapporteuse comment elle appréhende la lutte contre l’insécurité alimentaire dans le pays. 

La Chine a exhorté les pays concernés à lever toutes les mesures coercitives unilatérales pesant sur la population du nord de la péninsule.  Les pays occidentaux sont obsédés par les rapports sur les droits humains, mais ne ciblent que des pays en développement, a par ailleurs déploré la délégation.  Pourquoi ne créez-vous pas de mécanismes pour vos propres pays?  Le dialogue devrait être l’étape préliminaire à tout travail avec la RPDC, a estimé la République arabe syrienne, un vœu formulé aussi par la République populaire démocratique lao.  Enfin, le Royaume-Uni a demandé ce qui pouvait être entrepris pour que les réfugiés nord-coréens ne soient pas rapatriés et jetés en prison quand ils franchissent les frontières nord-coréennes dans l’espoir de fuir leur pays. 

Répondant à ces observations, la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique a argumenté sa volonté d’axer son mandat sur la situation des femmes et des enfants, invoquant une base juridique suffisamment solide pour avancer sur ce dossier.  La RDPC, a-t-expliqué, a adhéré à cinq instruments des droits humains en vertu desquels elle a présenté plusieurs rapports, et parmi 162 recommandations formulées notamment dans le cadre de l’EPU, la RPDC en a accepté 132, dont une grande proportion porte sur les femmes et les enfants. 

Cet effort devra inclure de nouveaux acteurs pour discuter des questions qui touchent les femmes, a ajouté la Rapporteuse, notant qu’outre la discrimination, la marginalisation sur le marché du travail et des violences en tout genre, les femmes qui essaient de quitter la RPDC sont exposées à la traite des êtres humains.  Ces femmes appellent à la solidarité internationale, nous nous devons d’y répondre, s’est émue la Rapporteuse.  Parmi les mesures qui devraient être prises, elle a estimé que le Secrétaire général pourrait instaurer de nouveaux contacts avec les autorités, et que le Conseil de sécurité gagnerait à rouvrir un débat public à ce sujet. 

Répondant ensuite aux multiples accusations de politisation, la Rapporteuse a assuré de l’indépendance de son mandat.  Elle a reconnu que si la RPDC n’a certes apporté son concours à aucun de ses prédécesseurs, certaines avancées dans le pays ces dernière années, permettent de présager une plus grande collaboration avec Pyongyang.  On en sait davantage sur ce qui se passe aujourd’hui, qu’il y a 18 ans, a-t-elle noté. 

Exposé

M. RICHARD BENNETT, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan, a expliqué avoir mis à jour son rapport initial, rédigé sur la base d’une visite du pays en mai, grâce aux informations recueillies lors de sa visite en Afghanistan la semaine dernière.  Il a indiqué que les autorités de facto talibanes avaient jugé le rapport initial trop critique et affirmé avoir fait des progrès depuis, avançant notamment que le taux de suicide et d’assassinat extrajudiciaire de femmes, d’enlèvement et de torture dans les prisons serait tombé à zéro.  Si quelques évolutions prometteuses sont à noter, on est encore loin de la réalité, a commenté le Rapporteur, notant toutefois que les autorités de facto continuent de souhaiter un engagement. 

M. Bennett a estimé que la situation des droits humains n’avait pas sensiblement changé depuis sa première visite en mai, et que les quelques signes de changement positif étaient contrebalancés par des régressions dans d’autres domaines.  Les femmes ont été effacées de la vie publique et leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels ont été bafoués, a-t-il dénoncé, expliquant que les femmes et les filles qu’il avait rencontrées avaient exprimé leur colère, leur angoisse, leur peur et leur désespoir.  Il a rappelé que les écoles secondaires de filles étaient fermées depuis 401 jours, insistant sur le fait qu’il n’y avait aucune justification religieuse à cela.  La réouverture des écoles secondaires pour filles est le premier test du respect par les autorités de facto de leurs obligations internationales en matière de droits humains, a-t-il dit.  Une autre priorité exprimée par les femmes est le rétablissement de leurs moyens de subsistance, a-t-il ajouté, appelant la communauté internationale à soutenir dans un premier temps les initiatives en cours des propriétaires d’entreprises et des marchés féminins.

Le Rapporteur spécial a alerté que la situation des minorités ethniques et religieuses restait « profondément préoccupante », s’inquiétant notamment des attaques violentes contre les minorités religieuses hazara, chiite, sikh et soufie.  Il a évoqué l’attaque du 30 septembre contre le centre éducatif de Kaaj qui a tué 54 personnes dont 51 jeunes femmes hazaras.  Il a constaté que ces attaques, qui durent depuis des années, semblaient systématiques, portaient la marque de crimes internationaux graves et devaient faire l’objet d’une enquête approfondie.  Il a appelé les Taliban à prendre toutes les mesures possibles pour protéger ces communautés et traduire en justice les auteurs et les instigateurs de ces attaques. 

Rappelant que les affrontements se poursuivaient entre les forces de sécurité talibanes et les groupes d’opposition armés au Panjchir et dans d’autres provinces du nord - Baghlan, Kapisa, Takhar et Badakhshan, M. Bennet a par ailleurs fait état « d’informations crédibles » sur de nombreuses exécutions extrajudiciaires de combattants capturés.  Les civils considérés par les Taliban comme étant associés au Front national de résistance font l’objet de fouilles, de détentions arbitraires, d’exécutions extrajudiciaires, de tortures et de déplacements, ce qui pourrait s’apparenter à une punition collective, a-t-il ajouté, appelant la encore à une enquête indépendante complète.  Il a également dit être très préoccupé par les assassinats ciblés d’anciens membres des forces sécurité afghanes par les Taliban, en contradiction avec l’amnistie déclarée en 2021, appelant à la mise en place d’un processus complet de justice transitionnelle. 

M. Bennett a déploré que la liberté de la presse se soit détériorée depuis sa dernière visite indiquant qu’il n’y avait pas d’espace pour la critique des autorités et que les reportages d’investigation ou la couverture des zones touchées par le conflit étaient strictement interdits.  L’espace de la société civile s’est lui aussi réduit.  Les femmes ont disparu de l’espace public, les représailles visant les opposants se multiplient, la répression des libertés d’expression et de réunion se sont intensifiées, et l’accès à la justice est en déroute, a-t-il détaillé, ajoutant que les ONG internationales et les journalistes internationaux subissaient de plus en plus de pressions pour se conformer à des ordres qui compromettent leurs principes. 

Le Rapporteur spécial a également indiqué que l’isolement de la Banque centrale d’Afghanistan du système bancaire international, qui la prive d’accès aux réserves en devises étrangères du pays, et la réduction du soutien international, avaient sérieusement affecté l’économie afghane.  La fourniture des services sociaux de base, notamment de santé, s’en est trouvée considérablement affectée, a-t-il expliqué.  Il a rappelé que près de la moitié de la population était en situation d’insécurité alimentaire, dont 6,6 millions de personnes en situation d’urgence, le nombre le plus élevé au monde parmi les pays menacés de famine.  Constatant que l’impasse actuelle entre les autorités de facto et la communauté internationale nuisait d’abord aux Afghans, il a estimé important de se placer dans une perspective à long terme et d’identifier les domaines qui pourraient constituer des points d’entrée pour un changement positif. 

M. Bennett a aussi évoqué quelques « poches d’espoir », notant que des sites du patrimoine culturel et religieux, dont des sites bouddhistes, avaient été restaurés, que plusieurs ministères avaient pris des initiatives institutionnelles en vue de protéger les droits humains et qu’un décret interdisant le mariage forcé avait été publié en décembre 2021.  Cependant, l’Afghanistan reste presque certainement le pire pays au monde pour être une femme ou une fille, a-t-il déploré. 

Dialogue interactif

Prenant la parole, l’Afghanistan, qui a estimé que le mandat du Rapporteur spécial était indispensable, a voulu savoir s’il avait rencontré le Chef suprême des Taliban et si une date avait été fixée pour rouvrir les écoles secondaires aux filles.  Il lui a aussi demandé s’il avait recueilli des informations qui permettraient d’ouvrir une enquête pour un possible génocide contre les Hazaras.  Le représentant afghan a également voulu savoir si le Rapporteur avait pu se rendre sur les lieux d’un possible crime de guerre au Panjchir, où des prisonniers avaient été exécutés sommairement par les Taliban.  Comment un mécanisme d’enquête international indépendant pourrait contribuer à la reddition de comptes en Afghanistan, a demandé la Suisse, tandis que le Portugal s’est intéressé à la possibilité de mettre en place des mécanismes d’enquête internationaux.  Le Luxembourg a pour sa part demandé comment la communauté internationale pouvait soutenir les défenseurs et défenseuses des droits de l’homme dans le pays. 

Le Pakistan s’est inquiété de l’effondrement économique du pays et a encouragé un engagement non politisé pour éviter une plus grande catastrophe.  Après les États-Unis et l’Indonésie qui ont appelé les Taliban à rouvrir les écoles pour toutes les filles, l’Union européenne a appelé à aider les défenseurs des droits humains ainsi que les femmes en Afghanistan, tandis que le Canada, appuyé par les Pays-Bas, la Pologne, le Royaume-Uni et l’Australie, a insisté sur l’importance de la reddition de comptes pour les violations des droits humains, en particulier des femmes et des filles, question qui a notamment préoccupé l’Autriche et le Chili.  Le Qatar a demandé à la communauté internationale de poursuivre son aide en direction du peuple afghan, suivi de la Malaisie qui s’est demandé comment s’assurer que l’aide humanitaire arrive à bonne destination alors que la moitié de la population était en insécurité alimentaire. 

L’Iran s’est inquiété des violations contre les minorités ethniques et religieuses, estimant par ailleurs que le gel des avoirs afghans ne devait pas être politisé.  L’Irlande a demandé comment l’ONU pouvait protéger les personnes LGBTQI en Afghanistan.  Le Lichtenstein a demandé comment les ONG et les défenseurs des droits humains pouvaient faire leur travail alors que l’économie s’était effondrée.  Que faire pour protéger les femmes notamment lorsqu’elles manifestent pour défendre leurs droits, a ajouté l’Albanie, tandis que la Norvège a suggéré que les États Membres puisse discuter directement avec les autorités de facto sur les questions liées aux droits humains. 

La Fédération de Russie a regretté que le rapport taise les crimes commis par les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie dans le pays.  La France a salué le courage des Afghanes qui se battaient pour leur liberté et exhorté, de même que la Finlande, les Taliban à respecter leurs engagements en la matière.  Le Mexique a voulu savoir où en était le projet de réouverture du Ministère des affaires féminines annoncés par les Taliban en janvier 2022 à Oslo.  La Chine a estimé qu’il fallait fournir une assistance pour soulager le pays et enjoint les États-Unis à rendre les avoirs gelés de la banque centrale afghane. 

Suite à ces questions et commentaires, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan a indiqué, en réponse à la question du représentant de l’Afghanistan, qu’il ne s’était pas entretenu avec le Chef suprême mais avec le Vice Premier Ministre et le Ministre des affaires étrangères.  Répondant au Mexique, il a affirmé que rien ne laissait présager que le Ministère des affaires féminines allait rouvrir, notant cependant qu’un département spécialisé avait été ouvert au sein du Ministère des affaires étrangères et qu’un comité interministériel dédié avait été mis en place. 

Répondant aux questions récurrentes de la possibilité d’ouvrir des enquêtes et de la reddition de comptes, il a estimé qu’il fallait d’abord faire le bilan des mécanismes existants et voir s’il convenait d’en créer d’autres.  Si oui, il a estimé que le Conseil des droits de l’homme pourrait alors déterminer le modus operandi d’éventuels nouveaux mécanismes.  Il a également fait savoir que la Cour pénale internationale avait annoncé qu’elle ouvrirait une enquête sur la situation en Afghanistan. 

Exposé

Mme ANAÏS MARIN, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Bélarus, a présenté son rapport centré cette année sur les ressortissants du Bélarus contraints à l’exil en raison de la situation des droits de l’homme dans leur pays.  Si des chiffres différents et difficiles à recouper circulent à leur propos, il n’en demeure pas moins, selon elle, que des centaines de milliers de personnes ont été forcées de s’exiler en raison de violations des droits humains.  Pour son rapport, Mme Marin a dit avoir rencontré des dizaines de victimes qui ont fui le pays, le plus souvent dans la hâte et la peur.  Les informations de première main qu’elles ont fournies sont au cœur de ce document, a-t-elle souligné, précisant toutefois que, compte tenu du risque de représailles, il a été décidé de préserver leur anonymat.  La Rapporteuse spéciale a également rappelé que, si les élections au Bélarus ont été des moments critiques par le passé, la dernière élection présidentielle, organisée en 2020 et contestée, n’a pas dérogé à la règle: elle a déclenché une nouvelle vague de protestations pacifiques, accueillies par une répression plus brutale que jamais, qui a entraîné un exil de masse. 

Leur décision résulte d’une combinaison complexe de raisons, a analysé Mme Marin, citant en premier lieu l’intimidation et la violation des droits sur le lieu de travail, notamment la privation de licence pour les avocats, d’accréditation pour les journalistes et d’enregistrement pour les organisations de la société civile.  Le licenciement et la résiliation des contrats de travail pour les artistes, les travailleurs culturels et d’autres professionnels tels que les médecins, les enseignants, les universitaires et les athlètes ont représenté d’autres moyens de pression, a-t-elle détaillé.  Le choix du pays de relocalisation dépend également de nombreux facteurs, dont les moyens financiers, les réseaux personnels, les exigences en matière de visa et les possibilités de régulariser leur statut, a expliqué la Rapporteuse spéciale, rappelant que l’Ukraine était la première destination de nombreux Bélarusses après 2020.  À la suite de l’invasion de ce pays par la Fédération de Russie, la plupart d’entre eux ont dû se réinstaller à nouveau.  Depuis, a-t-elle ajouté, des informations font état d’une nouvelle vague d’émigration du Bélarus en raison de l’étouffement des expressions antiguerre, ou par crainte d’être appelé à combattre dans ce conflit. 

Mme Marin a constaté que la répression de la société civile, des médias et de l’opposition politique se poursuit pour la troisième année consécutive au Bélarus.  Le nombre de personnes détenues pour des motifs politiques s’élève désormais à plus de 1 300 et au moins 600 organisations ont été contraintes de se dissoudre ou d’interrompre leurs activités, dont la quasi-totalité des groupes de défense des droits humains du pays.  Le mouvement syndical indépendant a lui aussi été démantelé récemment, a-t-elle précisé, avant de signaler une intensification des intimidations à l’encontre des personnes ayant participé à des marches et des manifestations pacifiques en 2020.  Selon la Rapporteuse spéciale, la période à l’examen dans son rapport a été marquée par un durcissement de la législation contre l’extrémisme et le terrorisme, qui est instrumentalisée pour étouffer et punir toute forme de dissidence dans le pays.  Les perquisitions de domiciles et de bureaux privés, les arrestations et les poursuites arbitraires pour des motifs politiques étant devenues systématiques, de nombreuses personnes ont conclu qu’elles ne pouvaient plus être en sécurité au Bélarus.  Et même après s’être réinstallées à l’étranger, beaucoup avouent vivre dans l’insécurité et la peur, a-t-elle souligné. 

De son point de vue, l’utilisation délibérée de la législation, des politiques et des institutions nationales pour forcer les ressortissants bélarusses à s’exiler est particulièrement préoccupante.  Outre le KGB, des institutions publiques telles que le ministère de l’intérieur, la police fiscale et les organes chargés de lutter contre le crime organisé sont utilisées de manière concertée pour éradiquer toute dissidence dans le pays, a relevé Mme Marin. 

Ceux qui ont courageusement décidé de rester au Bélarus et de lutter pour leurs droits sont maintenant derrière les barreaux, a-t-elle déploré, estimant que les longues peines de prison prononcées pour des motifs politiques et la détention provisoire sans inculpation sont « emblématiques de l’utilisation abusive du système judiciaire et de l’impunité avec laquelle les autorités agissent ».  La Rapporteuse spéciale a cité le cas de M. Ales Bialiatski, colauréat du prix Nobel de la paix 2022, qui n’est qu’un des nombreux défenseurs des droits humains visés par la répression.  Bientôt, a-t-elle averti, les ressortissants en exil pourraient être jugés par contumace, la législation pénale ayant été modifiée en juillet dernier afin de permettre la tenue de tels procès contre des émigrés soupçonnés d’être impliqués dans des actes de terrorisme, de trahison, de sabotage, d’extrémisme ou d’appel à des sanctions vaguement définis. 

Tout aussi préoccupants, deux projets de loi en cours d’examen envisagent de priver de la citoyenneté ceux qui participent à des « activités extrémistes », en plus de restrictions à la sortie du pays pour des raisons de « sécurité nationale ».  L’absence de système judiciaire indépendant et d’institutions chargées de faire respecter la loi implique que la possibilité d’un retour en toute sécurité reste hors de portée pour de nombreux Bélarusses, a poursuivi Mme Marin.  En dehors de leur pays, les Bélarusses sont toujours confrontés à des difficultés et peuvent se retrouver en situation de vulnérabilité, et donc avoir besoin de la protection du cadre international des droits humains, a-t-elle alerté, regrettant que, malgré ses efforts destinés à dialoguer de façon constructive avec le Gouvernement du Bélarus, celui-ci ait maintenu sa politique de non-reconnaissance et de non-coopération avec son mandat.  Elle a aussi dénoncé la politique de la « chaise vide » appliquée par le Bélarus dans les dialogues interactifs, une pratique qui, selon elle, devient la nouvelle norme. 

Le Gouvernement du Bélarus, a-t-elle noté, semble aussi vouloir fermer une voie cruciale pour faire respecter le droit à la considération internationale et éventuellement à la réparation des violations des droits humains, à savoir le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  Mme Marin a donc demandé instamment aux autorités bélarusses de reconsidérer la signature du projet de loi sur la dénonciation de ce protocole.  Enfin, elle a réitéré son appel à la communauté internationale pour qu’elle redouble d’efforts afin que les auteurs de violations des droits humains au Bélarus répondent de leurs actes. 

Dialogue interactif

Réagissant à l’exposé de Mme Marin, les États-Unis ont condamné l’usage de la peine de mort utilisée par le Bélarus « pour éliminer des opposants politiques ».  La délégation américaine a également appelé à la libération des quelque 1 300 prisonniers politiques détenus dans ce pays, avant de s’interroger, à l’instar de l’Australie, sur ce que peut faire la communauté internationale pour que le Bélarus réponde de ses actes quand il viole les droits humains.  À son tour, la Suisse a condamné les violations des droits humains commises par le Bélarus et exigé la libération des prisonniers politiques, imitée par l’ensemble des autres délégations européennes.  La délégation suisse a aussi demandé à la Rapporteuse spéciale comment elle collabore avec les autres institutions des droits humains actives au Bélarus, tels que le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme, et si des progrès ont été observés en la matière.

L’Union européenne (UE)a ensuite dénoncé le soutien logistique et politique apporté par le Bélarus à l’invasion russe de l’Ukraine, mettant en garde le régime de M. Loukachenko contre toute participation « plus aboutie » à cette guerre.  L’UE a ensuite demandé comment mieux soutenir les représentants de la société civile et les journalistes bélarusses en exil malgré la répression qui les menace, une question également posée par l’Autriche, puis par la Croatie.  La Pologne s’est quant à elle émue du sort des minorités catholiques du Bélarus et des attaques dont les communautés d’origine polonaise font l’objet.  Elle a par ailleurs demandé à la Rapporteuse spéciale des détails sur les mécanismes internationaux permettant aux Bélarusses qui ne peuvent pas rentrer chez eux de bénéficier d’un statut juridique.  Comment peut-on aider les Bélarusses contraints à l’exil et les activistes qui sont restés au Bélarus, a voulu savoir la Lituanie, qui s’exprimait au nom des pays nordiques et des pays baltes

Le Liechtenstein a, pour sa part, demandé des détails sur l’impact de la guerre en Ukraine sur les droits humains au Bélarus, tandis que la République tchèque s’interrogeait sur la situation des médias indépendants au Bélarus.  Assurant de son côté que le peuple du Bélarus n’a aucun désir de participer à la « guerre illégale de la Russie » en Ukraine, le Royaume-Uni a souhaité savoir quelles mesures la communauté internationale pourrait entreprendre pour permettre aux activistes en exil de poursuivre leurs activités.  L’Allemagne a, elle, demandé comment améliorer la situation des droits humains au Bélarus. 

En réponse à ces questions et observations, la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Bélarus a tout d’abord réaffirmé qu’aucune évolution positive ne s’est faite jour depuis 2020 au Bélarus sur le front des droits humains.  Au contraire, elle a déploré la multiplication des décisions de justice arbitraires, telles que des peines de détention allant jusqu’à 25 ans.  Aucun remède miracle ne peut rendre le Gouvernement bélarusse responsable de ses actes, a ensuite estimé la Rapporteuse spéciale, qui a cependant appelé à appuyer tout mécanisme international permettant une reddition des comptes.  Elle a cité à ce sujet un projet lancé en mars 2021, qui vise à donner mandat au Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme d’identifier les auteurs de crimes. 

Il convient aussi, a poursuivi Mme Marin, de collaborer avec tous les tribunaux nationaux qui ont reconnu le principe de responsabilité universelle pour les crimes les plus graves.  En outre, a-t-elle fait valoir, les gouvernements nationaux peuvent aussi appuyer les recherches de victimes de violations des droits humains ou aider leurs tribunaux à rechercher et poursuivre les auteurs de crimes dans d’autres pays que le Bélarus.

La Rapporteuse spéciale a d’autre part exhorté les États à répondre aux besoins immédiats des exilés bélarusses, en leur octroyant par exemple des visas humanitaires.  Toutefois, comme ces visas arrivent à échéance au bout d’un an, il faudrait aussi octroyer des visas de résidence permanents quand c’est possible afin que les personnes concernées puissent reconstruire leur vie, a-t-elle plaidé.  Mme Marin a signalé à cet égard que les exilés bélarusses dont le passeport est périmé craignent de se rendre dans les consulats bélarusses de leur pays de résidence, où ils courent le risque de se voir déchoir de leur nationalité.

Il importe aussi d’encourager la transmission culturelle de la langue bélarusse aux communautés exilées et de récompenser tous les journalistes qui cherchent à susciter une prise de conscience au sujet de la situation au Bélarus, en octroyant des bourses et autres prix, a exhorté la Rapporteuse spéciale.  Si la société civile du Bélarus a été décapitée, quelques activistes survivent dans la clandestinité, a-t-elle noté en conclusion, appelant la communauté internationale à les soutenir. 

Exposé

M. JAVAID REHMAN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, a regretté que depuis son précédent rapport à l’Assemblée générale sur l’application de la peine de mort, aucune mesure n’ait été prise: ni pour modifier le Code pénal afin de réduire le recours à cette peine, ni pour modifier des processus judiciaires profondément dysfonctionnels.  Il a déploré une forte augmentation du nombre d’exécutions en 2022, notant que plus de 400 avaient été recensées entre janvier et septembre, soit le nombre le plus important en cinq ans.  Il a ajouté que 40% des exécutions étaient liées à la drogue en 2021 et que les minorités ethniques étaient touchées de manière disproportionnée par les exécutions. 

M. Rehman a aussi déploré que la privation arbitraire de la vie résultant d’un usage excessif de la force ait continué de représenter la réponse des autorités à l’exercice du droit de réunion pacifique, ajoutant qu’elle s’étendait aussi aux lieux de détention, notamment en raison du refus d’accès à un traitement médical urgent et du recours généralisé à la torture contre les détenus.  Il regretté qu’aucune mesure n’ait été prise pour renforcer le cadre de la reddition de comptes, et qu’a contrario, les informations disponibles évoquaient des pratiques de dissimulation intentionnelle.  Les victimes de violations des droits humains et leurs proches, notamment ceux des personnes tuées lors des manifestations de novembre 2019, ont fait face à une augmentation des menaces, des arrestations et des condamnations, a-t-il constaté. 

Le Rapporteur spécial a regretté la réduction de l’espace de la société civile évoquant le cas emblématique de la condamnation d’un groupe d’avocats et de défenseurs des droits humains en juin 2022 pour avoir simplement planifié un procès contre les autorités pour mauvaise gestion de la pandémie de COVID-19.  Il a souligné que les autorités continuaient d’abuser de la législation sur la sécurité nationale, qui a une portée excessive.  En mai 2022, la Société de secours des étudiants populaires de l’Imam Al, la plus grande ONG du pays, a été dissoute, à la suite d’une procédure engagée contre elle par le Ministère de l’intérieur, a-t-il rappelé.  Il a aussi dénoncé la répression des manifestations des mouvements des enseignants, des syndicats et des défenseurs des droits humains au cours de l’année dernière, soulignant que les autorités empêchaient l’accès à l’information en perturbant Internet.  Il s’est aussi inquiété de la persécution des minorités religieuses, en particulier de la foi baha’i. 

Abordant les événements ayant suivi la mort de Mahsa Amini, M. Rehman a rappelé qu’elle avait perdu la vie en détention le 16 septembre, trois jours après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour avoir porté son hijab de manière inappropriée.  Évoquant les manifestations dans tout le pays et toutes les couches sociales, il a estimé que la barrière de la peur avait été franchie, les conditions ayant conduit à la mort de Mahsa Amini et la violation du droit fondamental des femmes à parler et à s’habiller librement ne pouvant plus être tolérées.  De manière prévisible, les autorités ont répondu à ces revendications par une répression brutale des manifestants pacifiques et une coupure des connexions internet dans le but d’étouffer la liberté d’expression et d’association de la population iranienne, a-t-il indiqué.  

M. Rehman a rappelé que le 22 septembre, avec sept titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, il exhorté les autorités iraniennes à cesser immédiatement de recourir à la force meurtrière pour maintenir l’ordre lors de rassemblements pacifiques, à mener rapidement une enquête indépendante sur la mort de Mahsa Amini, à rendre publiques les conclusions de cette enquête et à demander des comptes à tous les responsables.  Il a noté que des appels similaires avaient été lancés dans le monde entier mais qu’ils étaient restés lettre morte et que les plus hautes autorités de l’État avaient clairement ordonné aux forces de sécurité de réprimer les manifestants.  Il a précisé que la réponse des forces de sécurité, en particulier des gardiens de la révolution et des forces paramilitaires Basij, avait déjà entraîné la mort d’au moins 215 personnes, y compris des dizaines d’enfants dont certains avaient été tués par balles ou battus à mort.  Comme l’a récemment rapporté le Comité des droits de l’enfant, de nombreuses familles ont subi des pressions pour disculper les forces de sécurité en déclarant que leurs enfants s’étaient suicidés, a-t-il décrié. 

Au cours des cinq dernières semaines, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ont été arrêtés et emprisonnés, parmi lesquels des dizaines de défenseurs des droits humains, 170 étudiants, 16 avocats, 590 militants de la société civile et au moins 38 journalistes, dont celui qui a publié l’un des premiers reportages sur la mort de Mahsa Amini, a-t-il continué.  Et le 11 octobre, le Ministre de l’éducation a confirmé qu’un nombre non spécifié d’enfants avaient été envoyés dans des « centres psychologiques » après avoir été arrêtés prétendument pour avoir participé à des « manifestations contre l’État ».  Il a ensuite appelé à la mise en place rapide d’un mécanisme d’enquête indépendant sur les violations des droits humains qui ont précédé et suivi la mort de Mahsa Amini.

Dialogue interactif

Prenant la parole, l’Iran a regretté que la Troisième Commission soit instrumentalisée pour cibler certains États Membres et a réfuté les allégations fallacieuses figurant dans le rapport.  Il a estimé que le Rapporteur refusait de reconnaitre les efforts consentis par le pays, qu’il dénigrait ses traditions et appuyait son rapport sur de fausses informations, parfois obtenues auprès de groupes terroristes.  La délégation s’est aussi insurgée contre le fait que le rapport n’ait pas pris en compte les répercussions des sanction unilatérales des États-Unis, ni les attentats terroristes commis par des groupes accueillis dans l’Union européenne.  Le Canada a réfuté les attaques lancées contre le Rapporteur spécial, tandis que Cuba a estimé que les rapports sur des pays spécifiques servaient l’hégémonie de certains États et constituaient des mesures punitives.  Le Venezuela a rejeté la création de tout outil sans l’assentiment de l’État concerné, considérant une telle démarche comme politisée, le Nicaragua rejetant pour sa part l’instrumentalisation des droits humains pour s’ingérer dans les affaires internes d’un État souverain. 

Israël a dénoncé l’oppression des femmes iraniennes et demandé ce que faisait l’Iran à la Commission de la condition de la femme alors qu’il violait leurs droits.  Le Lichtenstein a demandé au Rapporteur s’il avait observé un lien entre les manifestations récentes et une augmentation du nombre des exécutions.  L’Australie s’est préoccupée du sort des personnes LGBTQI+ en Iran, demandant comment la communauté internationale pouvait soutenir les femmes et les enfants iraniens soumis à une oppression systémique, une situation qui a également préoccupé le Japon

La République populaire et démocratique de Corée (RPDC) a rejeté les mandats spécifiques et s’est inquiétée des effets des sanctions unilatérales sur les droits humains des Iraniens.  Les États-Unis ont demandé ce que pouvait faire la communauté internationale pour la reddition de comptes concernant la mort de Mahsa Amini en l’absence d’autorités crédibles et indépendantes en Iran.  Les Pays-Bas ont appelé à une enquête transparente sur la mort de Mahsa Amini et des manifestants.  Le Luxembourg, appuyé par la Tchéquie et l’Islande, a demandé quels mécanismes pouvaient être mis en œuvre pour assurer la reddition de compte en Iran, tandis que le Sri Lanka a appelé toutes les parties à respecter les principes de non-sélectivité et d’impartialité dans la promotion des droits humains. 

L’Espagne s’est opposée à la condamnation iranienne des travaux du Rapporteur spécial.  L’Union européenne a estimé que la loi sur les jeunes avait fait reculer l’égalité entre les hommes et les femmes et demandé au Rapporteur comment empêcher d’autres reculs du même type.  Elle a aussi demandé ce que la communauté internationale devrait faire pour limiter l’usage de la peine capitale pour des condamnations ne constituant pas des crimes sérieux, concernant les affaires de drogue et contre des personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses ou des personnes LGBTIQ+.  Le Pakistan a estimé que le Conseil des droits de l’homme était instrumentalisé par certains pays qui politisaient les droits humains, relevant que malgré les sanctions, l’Iran se montrait ouvert au dialogue.  S’exprimant au nom des 33 membres de la coalition « liberté en ligne », la Norvège a appelé l’Iran à lever toutes les restrictions d’accès à Internet, le Royaume-Uni l’exhortant pour sa part à tendre l’oreille, à cesser la répression et à condamner les tirs à balles réelles. 

Après la Syrie qui a réitéré son opposition aux rapports sur des pays spécifiques, l’Albanie s’est intéressé aux moyens d’améliorer les systèmes de signalement et de suivi des personnes victimes de détentions arbitraires, notamment les femmes et les défenseurs et défenseuses des droits humains.  Le problème principal n’était pas le respect des droits humains par l’Iran mais les sanctions imposées par les États-Unis, a estimé la Fédération de Russie, suivie au Bélarus qui a dénoncé le rapport. 

Estimant que les manifestations étaient une conséquence de la violation des droits humains par l’Iran, l’Allemagne a demandé comment faire pour assurer la reddition de comptes.  La Suisse a plaidé en faveur d’une enquête indépendante sur la mort de Mahsa Amini et l’incendie à la prison d’Evin.  La Chine s’est opposée à l’imposition d’un mécanisme spécifique en l’absence d’accord du pays concerné, condamnant dans la foulée les sanctions unilatérales étatsuniennes.  L’Érythrée s’est opposée au mandat du Rapporteur sur l’Iran et souligné que ce type de mandat visaient souvent les pays en développement, dénonçant leur sélectivité.  À son tour, la France a appelé l’Iran à cesser toute exécution, notamment concernant des mineurs et à respecter ses engagements internationaux en matière de libertés d’expression, de réunion, de religion et de conviction. 

Reprenant la parole, l’Iran a affirmé que le Royaume-Uni, l’Union européenne, les États-Unis et le Canada persistaient dans leurs fausses accusations, qu’ils s’ingéraient dans les affaires internes de l’Iran alors que les discriminations persistaient sur leurs propres territoires.  Il a aussi souligné que le « régime de l’apartheid » dans la région parlait des droits humains alors qu’une journaliste avait été tuée suite à l’occupation qu’il menait. 

Répondant aux accusations de certaines délégations, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran a notamment encouragé l’Iran à dialoguer sur le fond du rapport et sur ses recommandations et a demandé l’accès au pays.  Il a affirmé que son rapport tenait compte des sanctions et de leurs effets sur le système de santé notamment, soulignant toutefois que leur existence ne devait servir d’excuse pour justifier des violations des droits humains.  Il a réaffirmé sa préoccupation quant à l’augmentation du nombre d’exécutions, et a demandé la libération immédiate de toutes les personnes détenues de manière arbitraire, la fin des violations de la liberté d’expression et des entraves au travail des journalistes.  Il a insisté sur l’importance de défendre les droits des femmes et filles souffrant depuis des décennies de la loi sur le hijab qui insulte leur liberté de choix et leur dignité.  Il a demandé à l’Iran de rejoindre la Convention contre la torture et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, appelant ensuite la communauté internationale à mettre place un mécanisme d’enquête sur la violation des droits humains en Iran. 

Exposé

M. PAULO SERGIO PINHEIRO, Président de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, a dressé le bilan d’une Syrie ravagée par 12 ans de guerre, où 90% de la population vit dans la pauvreté.  En outre, 14,6 millions de Syriens dépendent désormais de l’aide humanitaire, alors que celle-ci demeure terriblement insuffisante et politisée, a-t-il déploré, signalant en outre une grave épidémie de choléra dans 14 provinces du pays.  Cette crise humanitaire, sanitaire et économique est aggravée par l’intensification des combats, et ceux-ci sont le fait tant des forces pro-gouvernementales que rebelles, ou menées par les Forces démocratiques syriennes (FDS), a expliqué M. Pinheiro. 

Dans tout ce chaos, les voix qui appellent au retour des réfugiés syriens se font de plus en plus entendre, a indiqué le Président de la Commission d’enquête, selon lequel les pays voisins qui ont accueilli des millions de Syriens affirment aujourd’hui qu’ils vont commencer à les renvoyer chez eux.  Il a cependant insisté sur le fait que tout retour doit se faire volontairement, en toute sécurité et dans la dignité.  Notant à cet égard que le nombre de réfugiés retournant volontairement en Syrie est « minuscule » et inférieur au nombre de ceux qui fuient, il a estimé que la tragédie des plus de 70 réfugiés syriens noyés dans le naufrage de leur embarcation de fortune est une leçon à retenir. 

Par ailleurs, la confiscation par les parties au conflit des biens des personnes déplacées et des réfugiés continue d’empêcher des retours dignes dans tout le pays, a dénoncé M. Pinheiro.  Il a cité l’exemple des femmes dont le mari a disparu ou est porté disparu et qui sont confrontées à des difficultés supplémentaires lorsqu’elles tentent d’obtenir la propriété de leur maison. 

Évoquant le sujet de la torture, le Président de la Commission d’enquête a indiqué que cette pratique, qui comprend les violences sexuelles, est également perpétrée par des groupes armés.  Il a par ailleurs mentionné l’attaque de la prison d’al-Sina, dans la ville d’Hassaké, dans le nord-est de la Syrie, le 20 janvier, y voyant un rappel brutal de la menace que représente toujours Daech dans la région et de la vulnérabilité des civils qui y vivent.  Cette attaque a mis en lumière le sort de centaines de garçons en pleine adolescence, détenus dans des conditions insupportables depuis près de quatre ans, a-t-il alerté.  Il a également évoqué la situation de leurs mères et jeunes frères et sœurs qui font partie des quelque 58 000 personnes, dont 37 000 enfants, qui restent illégalement privées de liberté dans les camps de Hol et de Raouj.  Dans ces conditions, la nécessité des rapatriements est plus urgente que jamais, a souligné M. Pinheiro en notant que l’élan en ce sens se renforce enfin.  Saluant les pays qui ont déjà rapatrié leurs ressortissants, il a cependant averti qu’au rythme actuel, « il faudrait peut-être des décennies pour vider les camps ». 

Le Président de la Commission d’enquête s’est ensuite attardé sur le sort inconnu des dizaines de milliers de personnes disparues ou forcées à disparaître, selon lui « l’une des plus grandes tragédies de la guerre syrienne ».  Tout en se félicitant de la recommandation du Secrétaire général en faveur de la création d’un mécanisme international chargé de clarifier leur sort et de soutenir les familles, il a estimé que les discussions ne devraient plus porter sur la nécessité ou non de créer un tel mécanisme.  M. Pinheiro a indiqué que la Commission d’enquête est prête à partager la masse considérable d’informations collectées pendant 11 ans, exhortant les États Membres à agir de même.  Enfin, a-t-il rappelé, « nous ne devons pas oublier les premiers responsables de cette situation, lesquels peuvent agir rapidement pour la résoudre ».  Il a ainsi appelé les autorités syriennes et les autres parties au conflit à commencer à autoriser l’accès immédiat d’observateurs indépendants tels que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à tous les lieux de détention. 

Dialogue interactif

À la suite de l’exposé M. Pinheiro, la République arabe syrienne a dénoncé d’emblée le fait que la Commission d’enquête ait été créée sans vote et sans l’assentiment du pays concerné.  Après avoir qualifié le travail de cette instance de « campagne de désinformation » contre son pays, elle a condamné les frappes opérées par Israël sur Damas le 10 juin dernier, regrettant que l’identité des criminels n’ait pas été assez clairement précisée par la Commission d’enquête.  Celle-ci accuse en outre sans fondement les autorités syriennes de crimes de guerre, de torture et autres traitements inhumains, alors qu’elle utilise le conditionnel au sujet des exactions qui « auraient » été commises par le groupe État islamique et d’autres entités rebelles.  La délégation a ensuite dénoncé l’ingérence militaire de la Türkiye, laquelle, a-t-elle rappelé, n’est autorisée à intervenir en Syrie par aucun document des Nations Unies.  Elle a par ailleurs démenti des accusations de torture commises par des représentants de l’État syrien sur des enfants, et a regretté que la Commission d’enquête omette de présenter l’occupation du territoire syrien par des forces étrangères comme la principale cause empêchant les réfugiés syriens de revenir dans leur pays. 

La France a, pour sa part, exprimé son soutien à la Commission d’enquête, avant de déplorer la plus grave crise humanitaire depuis le début du conflit syrien.  À l’instar des Pays-Bas, la délégation française a appelé Damas à se conformer à la résolution 2254 (2015) du Conseil de Sécurité « sans laquelle la paix ne peut advenir ».  Elle a enfin demandé si la Commission d’enquête a des éléments d’information concernant les violences dont font l’objet les réfugiés lors de leur retour en Syrie.  Comment le régime syrien peut-il être tenu pour responsable de la sécurité de ceux qui souhaitent rentrer chez eux, s’est interrogée à son tour l’Union Européenne, notant que le rapport de la Commission d’enquête fait état de multiples cas d’arrestation et de détention parmi les Syriens déplacés rentrés dans leur pays.  Comment la Commission d’enquête peut-elle s’assurer que des comptes seront rendus au sujet des atrocités commises dans le Nord-Est de la Syrie, a voulu savoir l’Australie.

Réaffirmant son soutien au Mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie, l’Allemagne a souhaité savoir comment toutes les parties prenantes peuvent s’acquitter de leur tâche dans ce cadre.  Sur la même ligne, le Luxembourg a demandé ce qui pourrait être entrepris pour faciliter la création d’un mécanisme international chargé du suivi des personnes disparues, tant au niveau des États Membres qu’au niveau de l’ONU.  Toujours à ce sujet, la Suisse a voulu savoir comment la Commission d’enquête envisage de collaborer avec un éventuel mécanisme chargé de rechercher et d’identifier de manière efficace et effective les personnes disparues.

De son côté, l’Ordre Souverain de Malte est revenu sur l’aide qu’il apporte à des milliers de réfugiés syriens, notant le poids qui repose sur le Liban et appelant la communauté internationale à épauler les pays faisant face à l’afflux de populations syriennes.  À sa suite, le Royaume-Uni s’est enquis des recommandations de la Commission d’enquête en matière de soutien aux familles des personnes disparues, tandis que le Liechtenstein s’interrogeait sur la collaboration de la Commission d’enquête avec d’autres mécanismes des Nations Unies sur le dossier syrien.

La Fédération de Russie a quant à elle dénoncé les sanctions unilatérales des pays occidentaux à l’encontre du peuple syrien ainsi que l’occupation de larges pans du territoire syrien par des puissances étrangères, notamment les Etats-Unis.  Cuba a, elle, estimé que la « politisation » de la Commission d’enquête accroît la méfiance et la logique d’affrontement.  La communauté internationale doit respecter la souveraineté territoriale de la Syrie et encourager une coopération avec les autorités du pays, a réclamé la délégation cubaine, selon laquelle prôner les droits humains en Syrie est incompatible avec l’application de mesures coercitives unilatérales.  Une position partagée par le Nicaragua, qui a formulé des accusations similaires envers la Commission d’enquête, tandis que le Venezuela condamnait tout instrument, rapport ou résolution ciblant un pays spécifique sans son consentement.  La République populaire démocratique de Corée (RPDC) s’est, elle aussi, dressée contre l’ensemble des mandats et mécanismes « politisés », soutenant les efforts du Gouvernement syrien pour lutter contre l’occupation étrangère. 

L’Érythrée s’est jointe aux États dénonçant une approche politisée qui ne vise que des pays en développement, le Bélarus estimant quant à lui qu’en dix ans, la Commission d’enquête n’a obtenu aucun résultat tangible en Syrie, alors que l’Examen périodique universel (EPU) assure efficacement la promotion des droits humains dans le monde.  La Chine a, elle, jugé que le cas syrien prouve que les mesures coercitives unilatérales et autres interférences ou pressions extérieures ne portent jamais leurs fruits.  La République islamique d’Iran a également dénoncé les mesures coercitives unilatérales, ainsi que les violations du droit international commises par Israël en Syrie.  Enfin, la Turquie a estimé que l’intégrité territoriale de la Syrie est violée par des organisations terroristes telles que le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). 

Répondant aux questions et remarques des délégations, M. HANNY MEGALLY, membre de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, s’est tout d’abord adressé à la République arabe syrienne, à laquelle il a rappelé qu’il n’avait pas eu souvent de réponses détaillées à ses rapports, malgré les demandes répétées.  Évoquant les accusations de politisation de son mandat, il a appelé à plutôt se concentrer sur la situation en Syrie et sur ce qui peut être fait pour améliorer le sort de la population.  Douze millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire, il faut donc se concentrer sur cet aspect en priorité, a-t-il dit.  Il s’est d’autre part prononcé pour un cessez-le- feu général, avant de se dire très préoccupé par le fait que toutes les parties au conflit ont du sang sur les mains, comme l’atteste l’examen de leur conduite. 

Il s’est ensuite penché sur la question du retour des réfugiés, exprimant ses craintes quant au retour de ces personnes compte tenu des risques encourus.  Il a aussi attiré l’attention sur les personnes qui n’ont pas de documents officiels, une question qui, a-t-il indiqué, fera l’objet de futurs rapports.  Par ailleurs, il a alerté sur les conditions de détention en Syrie, rappelant ses recommandations en faveur de la libération des femmes, des enfants, des personnes âgées et des malades.  Concluant son propos sur la question des personnes disparues, il a souhaité que l’Assemblée générale et la Troisième Commission s’inspirent des recommandations du Secrétaire général et adoptent une résolution mettant en place un mécanisme pour le suivi des personnes disparues et le soutien de leurs familles. 

Reprenant la parole, le représentant de la République arabe syrienne s’est déclaré « attristé » par les déclarations de M. Megally et par le rapport de la Commission d’enquête auquel, a-t-elle répété, son pays ne souscrit pas. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité se réunit après la demande faite par certains membres au Secrétariat d’enquêter sur le transfert présumé de drones iraniens à la Russie

9167e séance - après-midi
CS/15079

Le Conseil de sécurité se réunit après la demande faite par certains membres au Secrétariat d’enquêter sur le transfert présumé de drones iraniens à la Russie

Le Conseil de sécurité s’est réuni, cet après-midi, à la demande de la Fédération de Russie, au motif que certains États Membres s’emploieraient à « donner des instructions » au Secrétariat de l’ONU en violation de l’Article 100 de la Charte des Nations Unies, comme en témoigne selon cette délégation une lettre* adressée par l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni à l’Organisation le 21 octobre 2022.  Des accusations catégoriquement rejetées par les pays concernés et plusieurs autres membres du Conseil, qui ont taxé la Fédération de Russie de « cynisme ».

Dans la lettre incriminée par le représentant russe, les délégations allemande, britannique et française se disent « profondément préoccupées » par l’acheminement depuis la République islamique d’Iran de drones aériens en Russie, en violation de la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité.  Moscou y est accusée d’utiliser ces engins dans sa « guerre d’agression » contre l’Ukraine pour attaquer des infrastructures civiles et des villes dans tout le pays.  Dès lors, « il serait bon » que l’équipe du Secrétariat de l’ONU chargée de surveiller l’application de ladite résolution diligente une « enquête technique impartiale », explique la lettre.

Le 19 octobre, lors de consultations au Conseil, relate le représentant russe dans sa propre lettre**, la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo, s’est, « à notre grand regret », « ostensiblement rangée » du côté de plusieurs délégations occidentales.  Or, d’après la position russe, il apparaît clairement que le Secrétariat de l’ONU n’est « habilité en rien » à mener, ou à entreprendre sous quelque forme que ce soit, une quelconque « enquête » sur des allégations de « présumés manquements » à la résolution 2231.

Pour le délégué russe, les actions des Occidentaux pourraient créer un précédent « exceptionnellement dangereux » pour l’ONU, puisqu’elles visent à étendre « artificiellement » les compétences du Secrétariat en lui confiant des fonctions inhabituelles qui empiètent, selon lui, sur les prérogatives du Conseil de sécurité.  Si des questions de fond et politiques relèvent de la seule responsabilité du Secrétariat, sur « ordre » d’États Membres individuels, alors à quoi servent des organes collégiaux comme le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale? s’est-il interrogé.

Sollicité pour donner son avis sur la question, le Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques, M. Miguel de Serpa Soares a estimé « naturel », pour les États Membres, de souhaiter exercer, « autant que possible », une influence sur les activités de l’Organisation, y compris le Secrétariat.  Ainsi, il est courant qu’ils prennent contact avec le Secrétaire général et autres hauts fonctionnaires, dont lui, pour les informer de la position de leurs gouvernements respectifs et chercher à les convaincre de leur bien fondé, a noté le Conseiller juridique de l’ONU.

Tout État Membre peut s’adresser au Secrétaire général, y compris la Fédération de Russie, qui par le passé lui a demandé d’enquêter sur des meurtres présumés commis dans une prison dans l’est de l’Ukraine, demande en réponse à laquelle une mission d’établissement des faits a été créée, ont observé les États-Unis.  Cette délégation a constaté que ces demandes sont en effet courantes et ne constituent en rien des violations de l’Article 100 de la Charte.  Le Royaume-Uni a quant à lui rappelé que le Secrétariat contribue à la mise en œuvre de la résolution 2231 et qu’il a déjà mené de nombreuses enquêtes de ce type, plus récemment en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, ce qu’a confirmé cette dernière délégation, en indiquant que l’investigation en question portait sur des débris d’armes à la suite d’un attentat terroriste perpétré dans le pays.

Pour la France, comme pour la Norvège ou l’Irlande, c’est à une inversion des termes que l’on assiste, puisque c’est bien la Russie qui n’a cessé de violer la Charte et de « fouler aux pieds » ses principes en envahissant son voisin.  Et c’est bien la Russie qui a voté, « dans l’isolement le plus complet », contre une résolution de l’Assemblée générale soutenue par 143 pays et intitulée « défendre les principes de la Charte des Nations Unies », a rappelé la délégation française.  « Si la Russie n’a rien à cacher et respecte le droit international, alors il serait dans l’intérêt de la vérité qu’elle facilite une enquête plutôt que de menacer le Secrétariat », a suggéré de son côté l’Albanie.

Les faits, susceptibles de constituer des crimes de guerre, sont très clairs et « solidement documentés », a tranché le représentant français: « L’Iran a fourni des drones à la Russie, qui les a mis au service de sa guerre d’agression dans le cadre de bombardements aveugles contre des cibles civiles. »  Outre une cessation immédiate de toute forme de soutien de la part de l’Iran à la guerre d’agression russe, la France a souhaité que le Secrétariat de l’ONU enquête sur ces violations de la mise en œuvre de la résolution 2231, comme il l’a déjà fait à plusieurs reprises par le passé.

Le Kenya, pour qui les États les plus puissants, y compris certains membres de ce Conseil, jouent un rôle disproportionné dans la « tendance malheureuse » du Secrétariat à la partialité, a fait trois propositions pour renforcer son action à l’avenir.  Tout d’abord, redéfinir son impartialité et protéger son indépendance: « Si l’Article 100 de la Charte protège le Secrétaire général et le personnel de toute influence ou instruction extérieure, ce n’est pas seulement pour servir d’arbitre neutre.  C’est pour leur permettre de dire la vérité aux pouvoirs en défendant la lettre et l’esprit de la Charte. »

Il incombe ensuite au Secrétaire général, qui doit être totalement partisan de la Charte, d’appliquer l’Article 99 sans se soucier de l’avis d’un État, peu importe son influence.  Cet article permet au Chef de l’ONU d’attirer l’attention du Conseil sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Ensuite, les capacités du Secrétaire général doivent être utilisées pour établir les faits dans l’esprit de la résolution 46/59 (1991), raison pour laquelle la déléguée kényane a mis au défi les parties en conflit d’accepter l’établissement des faits et leur vérification par l’ONU, plutôt que d’argumenter ici au Conseil, où « la plupart des membres n’ont aucun moyen indépendant de s’assurer de leur véracité ».

*S/2022/781
**S/2022/783 

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclarations

M. MIGUEL DE SERPA SOARES, Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques et Conseiller juridique de l’ONU, a apporté des éclaircissements au sujet de l’Article 100 de la Charte des Nations Unies et traité du contexte dans lequel la demande d’explication a été soumise, en clarifiant la nature du travail du Secrétaire général et du Secrétariat au titre de la résolution 2231 (2015).  Il a expliqué que l’Article mentionné a été souvent décrit comme le fondement même de l’idée que le Secrétariat était un service civil international, à savoir que, dans l’accomplissement de leurs devoirs, le Secrétaire général et le personnel ne doivent solliciter ni accepter d’instructions d’aucun gouvernement ni d’aucune autorité extérieure à l’Organisation.  « Ils s’abstiendront de tout acte incompatible avec leur situation de fonctionnaires internationaux et ne sont responsables qu’envers l’Organisation », dispose l’alinéa 1.  Dans le souci de respecter le caractère international et l’indépendance du Secrétariat, l’Assemblée générale a énoncé des normes de conduite détaillées pour les membres du personnel, et ce, sur la base directe de l’alinéa 1 de l’Article 100 de la Charte, a-t-il précisé.

M. de Serpa Soares a également mentionné le Règlement provisoire des fonctionnaires de l’ONU, adopté en 1951 par l’Assemblée générale, qui repose sur quatre idées principales: les membres du Secrétariat sont des fonctionnaires internationaux; leurs responsabilités ne sont pas nationales mais exclusivement internationales; ils doivent exercer leurs fonctions et régler leur conduite en ayant à l’esprit les seuls intérêts des Nations Unies; et ils ne doivent pas requérir ou accepter d’instructions concernant leur travail d’aucun gouvernement ou autre source extérieure à l’Organisation.

Le Conseiller juridique a poursuivi son explication en citant l’alinéa 2 de l’Article 100 qui établit deux obligations correspondantes pour les États Membres: « Chaque État Membre de l’Organisation s’engage à respecter le caractère exclusivement international des fonctions du Secrétaire général et du personnel et à ne pas chercher à les influencer dans l’exécution de leur tâche. »  M. de Serpa Soares a néanmoins souligné que l’Assemblée générale n’a adopté aucune décision particulière afférente à cet alinéa, à même de faciliter son interprétation, et ne l’a mentionné que dans des appels à tous les États Membres en vue du respect des privilèges et immunités des fonctionnaires de l’ONU et pour permettre au Secrétaire général d’exercer le droit de l’Organisation à la protection de membres du personnel arrêtés ou en détention.  L’Assemblée générale n’a donc fourni aucune orientation particulière quant à l’application de cet alinéa.

Poursuivant, le Secrétaire général adjoint a estimé naturel, pour les États Membres, de souhaiter exercer, autant que possible, une influence sur les activités de l’Organisation, y compris le Secrétariat.  Ainsi, il est courant que les Représentants permanents prennent contact avec le Secrétaire général et autres hauts fonctionnaires pour les informer de la position de leur gouvernement et cherchent à les convaincre de leur bien fondé, a-t-il noté, ajoutant qu’il avait, lui-même, reçu des visites d’ambassadeurs qui ont cherché à le convaincre de la justesse de leur opinion juridique sur un point particulier ou à faire cesser une action ou une autre du Secrétariat.  Il a confié qu’au cours de son mandat, il avait eu des échanges de ce genre avec tous les ambassadeurs des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, ce à quoi il fallait s’attendre, a-t-il commenté.  M. de Serpa Soares a reconnu qu’il ne pensait pas que quiconque soutiendrait que de telles activités sont contraires à l’alinéa 2 de l’Article 100 de la Charte.  Il a rappelé, en paraphrasant un de ses prédécesseurs, que le Secrétaire général est pleinement conscient que son efficacité, dans la plupart des situations, dépend largement de la coopération des gouvernements, et que celle-ci, et son degré, dépend de la manière dont ses vues coïncident avec les positions de ces gouvernements.  Toutefois, a-t-il ajouté, le Secrétaire général doit insister sur son devoir, en vertu de la Charte, qui exige qu’il établisse une limite entre coopération et pression.

Au sujet du travail effectué par le Secrétaire général et le Secrétariat au titre de la résolution 2231, il a souligné que ce dernier, sans dévier des normes énoncées dans l’Article 100, prend note de toutes les informations portées à son attention par les États Membres en vue d’évaluer leur pertinence par rapport au mandat assigné par la résolution.  C’est dans cet esprit, et en aucun autre, a-t-il insisté, que Mme Rosemary DiCarlo a noté, dans ses remarques au cours des consultations officieuses du 19 octobre, que le Secrétariat était prêt à fournir des informations à la demande des États Membres.  Cela fut également le cas du porte-parole du Secrétaire général dans ses remarques du 20 octobre, a assuré M. de Serpa Soares.

Le Secrétaire général adjoint a ensuite expliqué qu’à l’issue de l’adoption de la résolution 2231, le Président du Conseil de sécurité avait émis une Note datée du 16 janvier 2016 (S/2016/44) relative aux modalités et procédures pratiques pour la mise en œuvre de ce texte, et plus particulièrement s’agissant des dispositions figurant aux paragraphes 2 et 7 de l’Annexe B.  Dans les paragraphes 6 et 7 de la Note, il est demandé au Secrétaire général de nommer la Division des affaires du Conseil de sécurité -aujourd’hui Département des affaires politiques et de consolidation de la paix- d’agir comme point de contact et d’appui des travaux du Conseil et comme son facilitateur, et, comme envisagé dans l’Annexe B, de préparer tous les six mois un rapport incluant les conclusions et recommandations, en demandant aussi que le Conseil de sécurité se réunisse de façon informelle avant la publication du rapport.  Le Secrétaire général s’est exécuté et a préparé des rapports (S/2016/589 et suivants), le plus récent et le treizième ayant été publié le 23 juin 2022 (S/2022/490).

M. de Serpa Soares a déclaré que la structure et les sujets abordés dans ces rapports sont bien connus du Conseil.  Le Secrétariat a fait rapport, de manière suivie, sur la mise en œuvre des mesures restrictives énoncées dans l’Annexe B en vigueur durant la période du rapport, y compris les informations dont il a été saisi par les États Membres et de façon volontaire par écrit, ou lors de réunions au Siège ou dans les capitales.  Y sont également reflétées les positions des États Membres intéressés par ces informations.  Le Secrétaire général est en mesure d’exprimer ses points de vue sur les événements pertinents durant la période du rapport et d’attirer l’attention sur des sujets de préoccupation, a conclu le Secrétaire général adjoint, ajoutant que le Secrétaire général n’avait reçu aucune demande relative au paragraphe 6 (g) de la Note.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a expliqué que, compte tenu de la volonté des « confrères occidentaux de parler de fausses nouvelles concernant des drones que l’Iran aurait fournis à la Russie », sa délégation a convoqué cette réunion pour discuter de la mise en œuvre de la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité.  Il a expliqué que cette question concerne les risques posés par les actions des membres individuels du Conseil à l’intégrité de la Charte des Nations Unies et la capacité du Conseil de sécurité à s’acquitter de sa fonction essentielle de maintien de la paix et la sécurité internationales.  Il a évoqué des tentatives avérées des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France et de l’Allemagne qui ont envoyé une lettre au Secrétariat des Nations Unies pour donner une instruction directe individuelle, en violation de l’Article 100 de la Charte des Nations Unies.  En effet, a-t-il indiqué, dans une lettre (S/2022/781) diffusée au Conseil de sécurité de l’ONU le 21 octobre, les représentants de ces pays ont déclaré qu’ils souhaiteraient que l’équipe du Secrétariat de l’ONU chargée de surveiller l’application de la résolution 2231 (2015) diligente une enquête, se disant prêts à aider le travail du Secrétariat dans cette enquête technique et indépendante.  Les États-Unis ont, eux aussi, exigé que le Secrétariat de l’ONU mène une telle enquête dans la lettre S/2022/782.

Ce n’est pas de la « propagande russe », comme aiment le dire les collègues occidentaux, mais bien des faits, a-t-il souligné, affirmant que ces lettres sont des preuves documentaires que les délégations susmentionnées violent le paragraphe 2 de l’Article 100 de la Charte des Nations Unies.  Le délégué a expliqué que les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne ont en fait encouragé le Secrétariat à commettre une double violation: premièrement, la violation du paragraphe 1 de l’Article 100 de la Charte des Nations Unies, selon lequel le Secrétariat ne doit recevoir d’instructions d’aucun gouvernement.  Deuxièmement, cette lettre viole également le mandat du Secrétariat dans le contexte de la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité.

Le représentant a noté que des délégations occidentales estiment que le Secrétariat aurait pour mandat de surveiller la mise en œuvre de la résolution 2231 (2015).  Ces déclarations ne correspondent pas à la réalité, a-t-il argué, expliquant que la note du Président du Conseil de sécurité S/2016/44 stipule expressément que le contrôle de la mise en œuvre de la résolution se fait après que le Conseil de sécurité a reçu des informations au cours de réunions informelles au niveau des experts.  De ce fait, il est évident que toute information provenant des États Membres devrait être examinée par les membres du Conseil de sécurité en réunion informelle.  Il a également souligné que cette note ne contient pas une seule mention du rôle du Secrétariat dans ce processus.

En outre, a-t-il ajouté, conformément au paragraphe 5 de ladite note, le Conseil de sécurité doit s’efforcer de prendre des décisions concernant l’exercice de ses fonctions dans le cadre de la résolution 2231 (2015) par consensus.  De même, a-t-il poursuivi, sur le point 6 de la note du Président qui donne une liste exhaustive des fonctions du Secrétariat de l’ONU en rapport avec la résolution 2231 (2015), il est dit que ce dernier « assiste le coordonnateur dans la conduite de réunions informelles du Conseil », entre autres.  La liste des prérogatives du Secrétariat ne contient pas un mot sur la possibilité de mener d’éventuelles enquêtes, a souligné le représentant, pour qui les actions des délégations occidentales appelant le Secrétariat à mener une enquête sur la question des drones pourrait créer un précédent exceptionnellement dangereux pour le travail de l'ONU.

D’un point de vue juridique, ils recherchent une expansion artificielle des compétences du Secrétariat en lui confiant des fonctions inhabituelles, en permettant des intrusions dans les prérogatives du Conseil de sécurité, a-t-il expliqué.  Il a relevé que cette approche ne respecte pas les principes de base du fonctionnement de l’Organisation, y compris la division des compétences entre ses organes principaux.  De même, cette approche contredit la logique élémentaire, puisque si des questions de fond et politiques relèvent de la seule responsabilité du Secrétariat, sur « ordre » des États Membres individuels, pourquoi alors avons-nous au sein de l’ONU des organes collégiaux comme le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale? a-t-il demandé.

Dans le contexte de la résolution 2231 (2015), le Secrétariat est uniquement le point de contact, a résumé le délégué.  Par conséquent, il a estimé que la seule chose qu’il peut faire, ayant reçu des lettres de ces États, est de les remettre au coordonnateur de la résolution 2231 pour distribution aux membres du Conseil de sécurité.  Le représentant a accusé ces délégations occidentales de pratiquer la politique des deux poids, deux mesures en prétextant défendre la Charte, alors même qu’eux-mêmes sont prêts à la violer ouvertement et à encourager le Secrétariat de l’ONU à faire de même.  Il a également rappelé que les États-Unis violent la résolution 2231 (2015) depuis quatre ans, puisque le pays s’est retiré unilatéralement du Plan d’action global commun en 2018.

Nous avons entendu, a-t-il poursuivi, des déclarations de représentants officiels du Secrétaire général de l’ONU sur l’analyse de toute information reçue des États Membres à leur demande.  Ces propos vont à l’encontre de la lettre et de l’esprit de l’Article 100 de la Charte des Nations Unies, a-t-il affirmé, avertissant que tout cela pose de graves risques pour l’intégrité de la Charte des Nations Unies, l’efficacité des travaux du Conseil de sécurité et de l’Organisation dans son ensemble.  Enfin, le représentant a demandé au Conseiller juridique de préciser si la requête présentée par les États en question viole bien l’Article 100 de la Charte, notant que la mise en œuvre de leur demande de la part du Secrétariat de l’ONU serait également une infraction.

M. ROBERT WOOD (États-Unis) a dénoncé la tentative de la Fédération de Russie de vouloir empêcher le Secrétariat de mener une enquête sur la violation de la résolution 2231 (2015), soulignant que la demande des États-Unis et d’autres Membres n’était pas des instructions.  Elle s’ajoute à celles faites par de nombreux États Membres au Secrétaire général, y compris la Russie qui a demandé au Secrétaire général de mener une enquête sur des meurtres dans une prison dans l’est de l’Ukraine, suite à quoi le Secrétaire général a décidé de mettre sur pied une mission d’établissement des faits.  De telles demandes d’enquêtes sont courantes, appropriées et nullement contraires à l’Article 100 de la Charte des Nations Unies, a-t-il souligné, évoquant le libellé unique de la résolution 2231 (2015).

Dans le cas qui nous préoccupe, l’Iran et la Russie ont fait équipe pour violer la résolution 2331 (2015), a poursuivi le représentant, accusant l’Iran d’avoir fourni des drones à la Russie et ce pays de se les être procurés.

Notant que le Conseil de sécurité a, lui-même, demandé au Secrétaire général de jouer un rôle primordial dans les signalements des violations de la résolution 2231, il a jugé qu’il est donc de la prérogative de ce dernier de mener une enquête sur les violations par l’Iran et la Russie de la résolution 2231, assortie d’un rapport tous les six mois sur l’application de ladite résolution.  Ces dernières années, le Secrétaire général a présenté au Conseil de sécurité 13 rapports résumant des enquêtes et leurs conclusions sur le non-respect, a informé le représentant, citant entre autres exemples, un rapport sur une enquête sur les allégations que des missiles balistiques iraniens auraient été utilisés par des houtistes dans des attaques contre l’Arabie saoudite.  Dans tous ces cas, le Secrétariat a lancé ses propres enquêtes pour évaluer ces allégations afin de pouvoir rendre compte de la mesure dans laquelle les violations alléguées ont eu un impact sur la mise en œuvre de la résolution 2231 (2015).

Le représentant a ensuite souligné que la requête des États-Unis et d’autres que le Secrétaire général enquête sur les dernières violations commises par la Russie et l’Iran est appropriée et urgente.  Céder aux menaces de la Russie donnerait à tous les pays un blanc-seing pour violer les résolutions du Conseil de sécurité, a-t-il averti.

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a souligné que, dans le contexte actuel, le paragraphe 7 de la note 44 de 2016 du Président du Conseil demande clairement au Secrétaire général de faire rapport au Conseil de sécurité, tous les six mois, sur la mise en œuvre de la résolution 2231 (2015).  Il a espéré que le Secrétariat continuerait à fonctionner de façon objective sur ces questions, et à agir conformément au mandat fourni par le Conseil.  Le respect des dispositions de la Charte des Nations Unies est une nécessité absolue, a-t-il insisté.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a déclaré qu’impartialité ne veut pas dire détachement à la réalité et indifférence, avant de saluer le travail du Secrétariat.  Il a appelé que les États Membres doivent s’acquitter de leurs obligations en vertu de la résolution 2231 (2015), sous peine de créer un précédent dangereux.  Selon lui, le nœud du problème est le déni de la Russie s’agissant de l’utilisation de drones iraniens en Ukraine.  Si la Russie n’a rien à cacher et respecte le droit international, alors il serait dans l’intérêt de la vérité qu’elle facilite une enquête pour établir la vérité plutôt que de menacer le Secrétariat, a-t-il estimé.  Le délégué a indiqué qu’il existe des éléments de preuve attestant de l’usage de drones iraniens pour cibler des civils en Ukraine.  Enfin, il a invité le Secrétariat à faire son travail, son mandat étant des plus clairs avec la conduite de visites de site et la rédaction de rapports.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a profondément regretté le cynisme dont fait preuve la Russie en convoquant une réunion sur l’intégrité de la Charte des Nations Unies, car, a-t-il affirmé, c’est bien la Russie qui n’a cessé de violer la Charte et de fouler aux pieds ses principes en envahissant son voisin.

Il a souligné que la fourniture de drones par l’Iran à la Russie, sans approbation préalable du Conseil, représente une violation du paragraphe 4 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015) qui avait été adoptée à l’unanimité.  Il a souhaité que le Secrétariat enquête et informe les membres du Conseil afin que le Secrétaire général puisse rendre compte fidèlement de la mise en œuvre de ladite résolution.  Il a également reproché à la Russie le non-respect de l’Article 100 de la Charte des Nations Unies et de l’indépendance du Secrétariat.  C’est la Russie qui exerce un chantage en menaçant de rompre les liens avec les Nations Unies si le Secrétariat ne se plie pas à sa volonté, a-t-il accusé.

Mme CAÍT MORAN (Irlande), dans une courte déclaration, a affirmé que c’est la Fédération de Russie qui, malheureusement, tente d’influencer le Secrétariat et ses fonctionnaires en violation de l’Article 100 de la Charte.  Il a dit espérer que la délégation russe change d’attitude et accepte cette enquête.

Mme KHALILAH HACKMAN (Ghana) a dit appuyer pleinement les objectifs de la résolution 2231, en demandant instamment que ses dispositions soient pleinement respectées.  Elle a appuyé les enquêtes sur toute violation de ce texte, par les voies appropriées.  Elle a voulu ensuite recentrer le débat sur l’agression continue de la Russie contre l’Ukraine, s’inquiétant des attaques ciblées contre des civils et la destruction délibérée d’infrastructures civiles.  La représentante a réitéré son appel à la Fédération de Russie pour qu’elle retire immédiatement et sans condition ses troupes des frontières internationalement reconnues de l’Ukraine et mette fin à la guerre qui a non seulement touché l’Ukraine et son peuple, mais a également précipité des défis socioéconomiques, en particulier pour les pays en développement comme le Ghana.  La déléguée s’est aussi dite préoccupée par les combats intenses et une rhétorique accrue concernant l’emploi ou la menace de l’emploi de diverses formes d’armes de destruction massive.  « Nous sommes également préoccupés par le fait que les exigences en matière de sûreté et de sécurité nucléaires à Zaporijia n’ont pas encore été mises en œuvre. »  La déléguée a appelé à la retenue et la prudence contre l’utilisation d’une telle rhétorique pour justifier toute utilisation tactique d’armes nucléaires.  Elle a conclu en soulignant l’urgence d’intensifier les efforts diplomatiques pour mettre fin aux hostilités et aider davantage les parties sur la voie d’un règlement pacifique du conflit par le dialogue.

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a déclaré qu’en vertu du paragraphe 7 de la Note 44 de 2016, le Secrétaire général est tenu de procéder à un rapport devant le Conseil de sécurité, tous les six mois, relatif à la mise en œuvre de la résolution 2231.  Toute autre mesure doit être débattue par le Conseil de sécurité, y compris pour répondre aux informations concernant des allégations d’agissements incompatibles avec la résolution, a-t-il analysé.  Il a néanmoins cité des cas où, par le passé, le Secrétaire général a voyagé, suite à l’invitation d’un État Membre concerné, afin d’examiner et requérir des informations nécessaires à l’établissement des rapports réguliers, comme décrit dans le rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre de la résolution 2231.  Le Brésil espère que le Secrétariat continuera de s’acquitter de son mandat dans le strict respect de la Note 44 et de l’Article 100 de la Charte, en respectant son caractère exclusivement international, a dit le délégué.  Il a rappelé par ailleurs que le Plan d’action global commun prévoit un dialogue entre les parties concernées.  Le Brésil compte sur l’engagement des participants initiaux à ce plan pour qu’ils respectent leurs obligations à ce titre, conformément à la résolution 2231, vis à vis du Conseil de sécurité.

Mme MONA JUUL (Norvège) a jugé très préoccupant le transfert de drones de l’Iran à la Russie, en rappelant que ces engins sont utilisés pour cibler des civils et des infrastructures civiles.  Un tel usage contrevient au DIH et pourrait constituer un crime de guerre, a-t-elle prévenu.  De notre point de vue, il n’y a rien dans la conduite du Secrétariat en lien avec la requête contenue dans la lettre de l’Ukraine qui soit de nature à corroborer les allégations d’inconduite avancées par la Russie, a tranché la déléguée.  Elle a rappelé que l’Article 100 de la Charte exige de chaque État Membre de respecter l’impartialité du Secrétariat et de son personnel.  La représentante a regretté que la Russie, en accusant d’autres de violer ce principe, foule en réalité aux pieds l’esprit dudit article, y voyant « une tentative désespérée » visant à détourner l’attention de la guerre illégale de la Russie.

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a souligné la distinction établie par le droit international humanitaire entre combattants et civils.  C’est à ce titre que nous avons condamné les attaques par drones contre des civils en Ukraine, a déclaré le délégué mexicain, en ajoutant que de telles attaques sont injustifiables.  Il a estimé que la requête de l’Ukraine est conforme à la résolution 2231 (2015) et ne contrevient pas à l’Article 100 de la Charte.  Le délégué a invité le Conseil à trouver une solution diplomatique et à établir des mécanismes de médiation en appui aux efforts du Secrétariat en vue de mettre un terme à la guerre en Ukraine et de protéger les civils.

M. GENG SHUANG (Chine), relisant les dispositions de l’Article 100 de la Charte, imposant au Secrétariat et à ses fonctionnaires de ne pas recevoir d’ordre de quelque gouvernement que ce soit, a jugé important de respecter la Charte.  Compte tenu des divergences existant sur ce sujet, les membres du Conseil de sécurité devraient poursuivre les discussions afin de parvenir à une solution, a suggéré le représentant.

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a évoqué la préservation de l’Article 100 de la Charte qui affirme l’indépendance du Secrétariat.  Le corollaire de cet Article est d’ailleurs dans l’intérêt commun des États Membres, a-t-elle fait remarquer, arguant que l’égalité entre eux ne peut exister sans cette disposition.  Sans cet Article, les petits États subiraient une injustice, selon elle, et ils sont conscients du risque qu’ils courraient si chacun pouvait donner des instructions au Secrétariat.  Le non-respect de la résolution 2231 est problématique, a tranché la déléguée.  Elle a informé qu’une équipe du Secrétariat a été accueillie aux Émirats arabes unis pour analyser des restes d’armes, y compris récemment, suite à un attentat terroriste dans le pays.  La discussion d’aujourd’hui rappelle à quel point la clarté des textes adoptés est indispensable, a déclaré la représentante.  « En tant que membres du Conseil, nous nous efforçons de donner des mandats clairs dans les résolutions que nous négocions », a-t-elle rappelé, en reconnaissant que tout texte entraînant différentes interprétations ou une ambiguïté peut rendre la mise en œuvre des mandats plus difficile.  La clarté est la pierre angulaire du système multilatéral, a-t-elle conclu.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a apporté son appui à une enquête impartiale des experts du Secrétariat conformément au mandat relevant de la résolution 2231 (2015) pour tirer cette affaire au clair et pour établir les faits.  Il a ajouté que le Secrétariat contribue à la mise en œuvre de ladite résolution et a déjà mené de nombreuses enquêtes de ce type plus récemment en Arabie saoudite et dans les Émirats arabes unis.  Ce genre d’enquête correspond à la pratique établie, selon le représentant qui a par ailleurs démenti les allégations de la Russie accusant les autres membres d’influencer le Secrétariat, les jugeant « hypocrites et absurdes ».  Selon lui, c’est la Russie qui appuie une campagne de désinformation et qui est la première à attaquer le Secrétaire général.  « Aujourd’hui, elle s’attaque à l’ensemble du Secrétariat qui ne fait que son travail. »  Le délégué a ajouté que c’est la Russie qui a menacé de cesser toute coopération avec l’ONU si le Secrétariat ne fait pas ce qu’elle veut.  Ce n’est pas le comportement d’un pays qui n’a rien à cacher, en a déduit le représentant, y voyant plutôt le comportement d’un tyran.

Selon lui, aujourd’hui, la Russie essaye de bloquer la mise en œuvre de la résolution et, ce faisant, de bloquer le Conseil de sécurité.  Le représentant a indiqué que l’Iran a l’intention de transférer d’autres drones et peut-être même des missiles balistiques à la Russie.  Tout transfert de ce type pourrait constituer de nouvelles violations de la résolution 2231 et causer une escalade significative, a-t-il prévenu.  En utilisant des drones iraniens pour attaquer des civils dans le cadre de sa guerre contre l’Ukraine, la Russie viole la Charte des Nations Unies ainsi que les résolutions du Conseil de sécurité, a tranché le représentant.  Il l’a aussi accusée de commettre probablement des crimes de guerre.  Ces tentatives désespérées pour détourner l’attention et pour saper le système international doivent nous amener à agir, a exhorté le représentant.

Mme CATHERINE NYABOKE NYAKOE (Kenya) a dit, concernant la guerre en Ukraine à l’origine de la réunion d’aujourd’hui, que les bons offices du Secrétaire général ont été déterminants pour la réalisation de l’importante Initiative céréalière de la mer Noire, mais n’ont pas été engagés dans les négociations pour mettre fin à la guerre.  L’une des raisons, selon elle, est l’impact d’années de remise en question de l’impartialité du Secrétariat par les États Membres et l’érosion de son indépendance.  Les États les plus puissants, y compris certains membres de ce Conseil, ont joué un rôle disproportionné dans cette « tendance malheureuse », a-t-elle estimé.  Les exemples les plus marquants de cette impartialité compromise remontent, selon elle, au moment où le Secrétariat a produit un rapport sur le désarmement, la prolifération et les armes interdites en Syrie.  Il semble, selon elle, qu’il existe désormais une opinion bien ancrée selon laquelle l’impartialité du Secrétariat équivaut à « se tenir à mi-chemin entre les parties en conflit ».  Or, ce n’est pas ce que la Charte entend par impartialité.  La seule loyauté du Secrétariat de l’ONU est de « faire respecter et de défendre la Charte », a-t-elle insisté.

La déléguée kényane a émis trois propositions pour renforcer l’action du Secrétariat.  D’abord, redéfinir son impartialité et protéger son indépendance: « si l’Article 100 protège le Secrétaire général et le personnel de toute influence ou instruction extérieure, ce n’est pas seulement pour servir d’arbitre neutre.  C’est pour leur permettre de dire la vérité aux pouvoirs en défendant la lettre et l’esprit de la Charte », a-t-elle formulé.  Le Secrétaire général doit être totalement partisan de la Charte.  Il lui incombe d’appliquer l’Article 99 sans se soucier de l’avis de quelconque État, peu importe son influence dans le monde, a-t-elle précisé, en commentant les dispositions qui permettent au Chef de l’ONU d’attirer l’attention du Conseil sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Deuxièmement, elle a conseillé d’utiliser les capacités du Secrétaire général à établir les faits dans l’esprit de la résolution 46/59 (1991), qui reconnaît la nécessité pour le Conseil d’avoir connaissance de tout fait pertinent, et reconnaît également les capacités du Secrétaire général à établir les faits.

Concernant l’Ukraine, plutôt que d’argumenter sur les faits sur le terrain ici au Conseil, où « la plupart des membres n’ont aucun moyen indépendant de s’assurer de leur véracité », la déléguée a mis au défi les parties en conflit d’accepter l’établissement des faits et leur vérification par l’ONU.  Dernier point, Mme Nyakoe a insisté sur la nécessité de renforcer sans relâche les bureaux régionaux, dont le rôle est de plus en plus crucial dans la prévention de l’escalade des conflits.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a estimé que les explications du Conseilleur juridique de l’ONU sont assez détaillées et drapées du manteau de l’impartialité du Secrétariat.  Il a insisté sur l’importance de la Charte qui est le socle des indispensables négociations par lesquelles on doit mettre fin à la guerre en Ukraine.

M. NEBENZIA (Fédération de Russie), reprenant la parole pour une seconde intervention, a dit sa surprise de voir les États-Unis demander une enquête sur la base de la résolution 2231 (2015) alors que ce sont eux qui violent ladite résolution.  Le Secrétariat et le Secrétaire général n’ont pas un tel mandat, a redit le représentant, indiquant que son pays s’est toujours opposé à cette pratique.  Pour lui, la question qui se pose n’est pas de savoir si la Fédération de Russie a quelque chose à cacher ou non, mais plutôt celle de la légitimité d’une telle démarche, dans le contexte où elle n’est pas permise par la Charte.  Il est déplorable que les collègues occidentaux aient une telle méconnaissance de la Charte ou fassent preuve d’un nihilisme juridique, a déclaré M. Nebenzia.  S’adressant ensuite directement à M. de Serpa Soares, il lui a demandé de dire clairement si la Charte autorise le Secrétaire général à mener une enquête lorsque seuls quelques membres le lui demandent et non le Conseil de sécurité dans son ensemble.

Reprenant la parole en fin de séance, M. DE SERPA SOARES, Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques et Conseiller juridique de l’ONU, a déclaré ne pas avoir de commentaires aux remarques des intervenants.  Il a expliqué à la Fédération de Russie qu’il n’a rien à ajouter à son intervention initiale.  Quant à la dernière question de ce pays, il a estimé que celle-ci étant « hypothétique », il n’avait pas à y répondre.

Mme KHRYSTYNA HAYOVYSHYN (Ukraine) a dit que cette réunion est une nouvelle tentative de la Russie visant à détourner l’attention des crimes de guerre qu’elle commet en Ukraine.  Elle a qualifié de cyniques les appels de la Russie à faire respecter la Charte.  L’utilisation à mauvais escient des articles de la Charte en vue d’entraver une enquête revient à faire pression sur le Secrétariat et à l’empêcher de s’acquitter de ses responsabilités, a-t-elle analysé.  Elle a dit que son pays a informé le Conseil de l’utilisation de drones iraniens, en violation de la résolution 2231 (2015).  Les drones iraniens sont fabriqués par des entreprises soumises à sanction, a-t-elle fait remarquer.  En utilisant ces drones iraniens pour cibler les civils et les infrastructures civiles, la Russie viole le droit international humanitaire, a tranché la déléguée.  Enfin, elle a souligné la nécessité que la communauté internationale soit informée des résultats de l’enquête onusienne sur les débris de drones iraniens.  « Cette enquête devrait commencer immédiatement. »

M. AMIR SAEID JALIL IRAVANI (République islamique d’Iran) a d’abord annoncé que son pays avait été ciblé par une « attaque terroriste » à Shiraz ayant fait 15 morts.  Il a dit s’attendre à ce que le Conseil de sécurité condamne ce crime odieux dans les termes les plus forts.  Passant à la résolution 2231, qui concerne directement son pays, il s’est fermement défendu face aux allégations proférées accusant l’Iran de la violer.  Les États-Unis essaient, selon lui, « dans un effort désespéré », de « maintenir un lien artificiel » entre la résolution 2231 et l’utilisation de drones en Ukraine.  Il a jugé ces informations « infondées », « fallacieuses ».  L’orateur a appelé à ne pas interpréter de façon fallacieuse la résolution 2231.

D’autre part, comme indiqué dans des lettres au Conseil de sécurité en octobre, le délégué a assuré que l’Iran n’a jamais fabriqué ni fourni d’armes nucléaires et n’a pas l’intention de le faire.  Pour lui, la résolution n’a aucune base juridique applicable à une enquête du Secrétariat à ce sujet.  Le délégué a invoqué le paragraphe 7 de la Note 44 de 2016 pour déclarer que le mandat du Secrétariat est seulement un soutien administratif.  Depuis le début du conflit en Ukraine, l’Iran a souligné que tous les États Membres devaient respecter les buts et principes de la Charte ainsi que le droit international, y compris la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale des États Membres, a rappelé le représentant en conclusion.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Première Commission: les délégations cherchent les meilleurs moyens de préserver l’espace extra-atmosphérique de toute course aux armements

Soixante-dix-septième session,
22e séance plénière – après-midi
AG/DSI/3698

Première Commission: les délégations cherchent les meilleurs moyens de préserver l’espace extra-atmosphérique de toute course aux armements

La Première Commission (désarmement et sécurité internationale) a entendu, cet après-midi, les délégations avancer leurs propositions pour empêcher la militarisation de l’espace extra-atmosphérique afin d’en réserver l’exploitation des ressources à des fins pacifiques. 

Pour la trentaine de délégations ayant pris la parole sur la question, des mesures doivent être prises pour éviter que des conflits armés ne s’y étendent ou n’y surviennent, ce qui aurait de graves conséquences pour la sécurité internationale ainsi que pour l’exploration et l’utilisation de l’espace à des fins pacifiques.  À cet égard, l’adoption de doctrines militaires considérant l’espace comme un lieu d’affrontements militaires a suscité l’inquiétude de pays appelant à la retenue et à la poursuite des efforts onusiens sur la pacification de l’espace. 

C’est ainsi de manière unanime que les pays ont apporté leur soutien aux travaux du Groupe à composition non limitée sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace créé par l’Assemblée générale.  Ce dispositif a été présenté comme un moyen d’ouvrir la voie à la négociation dès que possible, au sein d’une Conférence du désarmement revitalisée, d’un traité juridiquement contraignant couvrant tous les aspects de cette question. 

Les États-Unis d’un côté, la Fédération de Russie et la Chine de l’autre ont expliqué les mesures qu’ils voudraient voir adopter par l’Assemblée générale.  Pour les États-Unis, la plus urgente des menaces spatiales à supprimer est celle de la destruction de satellites depuis la Terre et vers l’espace, qui dégrade l’environnement spatial et réduit les bienfaits qu’on peut tirer de l’espace.  Les États-Unis ont confirmé leur engagement de ne pas mener de destruction de satellites à partir de la Terre et leur représentant a précisé que sa délégation présentera un projet de résolution dont le but est de ne pas engendrer de nouveaux débris spatiaux. 

La Fédération de Russie et la Chine ont, elles, dénoncé le comportement des États-Unis dans l’espace.  Pour le délégué russe, les États-Unis font une utilisation provocatrice des satellites civils, y compris en Ukraine, tandis que la Chine a condamné leurs velléités de domination militaire spatiale.  Le représentant russe a souligné que son pays continue de proposer de ne pas utiliser d’objets spatiaux comme armes contre des cibles sur Terre, dans les airs ou dans l’espace extra-atmosphérique, et de ne pas construire, tester, déployer ou utiliser des armes spatiales pour la défense antimissile.  Il a également annoncé que, cette année encore, sa délégation présentera un projet de résolution sur le non-déploiement en premier d’armes dans l’espace.  Commentant ce texte dont elle est coauteur, la Chine l’a qualifié de texte « très ambitieux, au contraire d’autres beaucoup plus étroits, qui demande notamment aux pays de s’engager à ne pas utiliser la force contre des objets spatiaux ». 

Plusieurs délégations ont toutefois fait observer que, si le projet de traité russo-chinois présenté à la Conférence du désarmement peut constituer une bonne base de discussion en vue d’un traité contraignant, les blocages actuels au sein de ladite conférence, qui durent depuis des années, rendaient utile le projet plus limité d’établissement de normes de comportements responsables présenté par les pays occidentaux.  Comme l’a dit notamment l’Algérie, des mesures globales de transparence et de confiance peuvent représenter d’importantes mesures complémentaires dans les activités spatiales dès lors qu’elles ne se substituent pas à l’objectif final d’un traité juridiquement contraignant sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace.

En toute fin de séance, la Première Commission a commencé d’examiner le volet du débat thématique consacré au mécanisme de désarmement.  Les trois interventions de groupes régionaux faites, consacrées notamment à la nécessité pour la Conférence du désarmement de reprendre ses travaux de fond bloqués depuis deux décennies, seront, par souci de cohérence, rattachées au reste du débat sur le sujet, qui aura lieu demain, jeudi 27 octobre, à partir de 15 heures. 

DÉBAT THÉMATIQUE SUR DES QUESTIONS PRÉCISES ET PRÉSENTATION ET EXAMEN DE TOUS LES PROJETS DE RÉSOLUTION ET DE DÉCISION PRÉSENTÉS AU TITRE DES POINTS DE L’ORDRE DU JOUR

Espace extra-atmosphérique (aspects du désarmement) (suite)

M. BRUCE I. TURNER (États-Unis) a rappelé les différentes applications pratiques de l’espace pour les États Membres.  Pour le représentant, la plus urgente des menaces est celle de la destruction de satellites depuis la Terre et vers l’espace, qui dégrade l’environnement spatial et réduit les bienfaits qu’on peut tirer de l’espace.  Les États-Unis ont annoncé leur engagement de ne pas mener de destruction de satellites à partir de la Terre.  Le représentant a rappelé le projet de résolution A/C.1/77/L.62 proposé par son pays, dont le but est de ne pas engendrer de nouveaux débris spatiaux.  Il a émis l’espoir que tous les États se joindront à eux pour adopter le texte.  Le représentant a encouragé tous les pays à reconnaître que les essais destructifs sont inacceptables.  « Ce projet de résolution illustre notre volonté d’avoir une approche plus large pour assurer sécurité », a-t-il déclaré. 

Le représentant a rappelé qu’un socle non contraignant de mesures pouvait aboutir à un instrument contraignant plus tard.  Les États-Unis continuent de soutenir le Groupe de travail à composition non limitée sur le régime applicable à l’espace extra atmosphérique.  En revanche, ils n’appuient pas l’idée de constituer un groupe d’experts gouvernementaux car une de ses conséquences est que de nombreux États n’auraient pas voix au chapitre.  Il est temps de mettre en place des normes conjointes, a-t-il conclu. 

Mme ERIN MORRISS (Nouvelle-Zélande) a estimé que les pays ont tout intérêt à garantir une utilisation sûre, responsable et pacifique de l’espace.  Les activités qui y sont menées fournissent des services essentiels et l’accès à l’espace joue également un rôle dans la réalisation des objectifs de développement durable à l’horizon 2030.  Il est donc dans notre intérêt collectif, en tant qu’États Membres, de garantir un accès et une utilisation sûrs et sécurisés de l’espace, ainsi qu’un environnement spatial durable, pacifique et exempt de conflits, a déclaré la représentante. 

La représentante a salué le travail en cours au sein du Groupe de travail à composition non limitée sur la réduction des menaces spatiales au moyen de normes, de règles et de principes de comportement responsable, créé par la résolution 76/231.  La représentante a estimé que la création délibérée de débris spatiaux est un acte irresponsable qui met en danger à la fois l’accès à l’espace et les objets dans l’espace.  De tels essais peuvent également être perçus comme une menace susceptible d’entraîner des tensions accrues, créant ainsi un climat de méfiance, a-t-elle noté. 

C’est pourquoi la Nouvelle-Zélande a coparrainé la résolution sur les essais destructifs de missiles antisatellites à ascension directe.  En tant qu’État de lancement il est de notre intérêt de préserver l’accès à l’espace, il est également dans notre intérêt collectif, que les États aient ou non une capacité de lancement, de veiller à ce qu’un tel comportement irresponsable n’affecte pas le fonctionnement continu de l’infrastructure spatiale sur laquelle nous comptons tous, a poursuivi Mme Morriss.  La représentante a appelé tous les États à soutenir cette résolution.  Il ne s’agit pas d’une étape finale, mais plutôt d’une contribution modeste et pratique à l’élaboration d’un ensemble de règles et de normes visant à garantir la sûreté et la sécurité permanentes de l’espace, a-t-elle conclu. 

M. ROBERT IN DEN BOSCH (Pays-Bas) a jugé qu’un espace sûr, sécurisé et durable était d’une importance vitale et constituait une responsabilité pour nous tous pour permettre à tous les États de bénéficier des opportunités économiques et sociétales inhérentes au domaine spatial.  Le représentant a rappelé que la gouvernance de l’espace repose actuellement sur cinq traités des Nations Unies, dont le Traité sur l’espace extra-atmosphérique, entré en vigueur voici 55 ans et qui est devenu « le document constitutionnel pour les activités humaines dans l’espace ».  Le représentant a également salué les travaux du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique et les lignes directrices sur la durabilité à long terme.  Il a toutefois observé que la gouvernance de la sécurité spatiale « prend du retard par rapport aux développements dans d’autres domaines ».  Les Pays-Bas estiment donc qu’un bond en avant s’impose pour améliorer cette gouvernance et réduire les risques d’escalade involontaire. 

Pour les Pays-Bas, cette amélioration peut se faire par une approche progressive fondée sur un comportement responsable, en vue d’un éventuel instrument juridiquement contraignant à l’avenir.  Le représentant a estimé que, pour être viables, les accords contraignants doivent s’appuyer sur des capacités de surveillance et des mesures de vérification adéquates. 

Le représentant a déploré les conséquences néfastes de la militarisation de l’espace, qui peuvent affecter l’utilisation pacifique de celui-ci.  En outre, a-t-il fait remarquer, ces activités militaires ne sont pas viables car elles augmentent la probabilité de perdre l’accès à l’espace. 

Pour le représentant, une difficulté tient au double usage et à la double finalité inhérents aux objets spatiaux, qui peuvent, tous, être utilisés comme des armes spatiales.  Dès lors, a-t-il estimé, les approches qui se concentrent uniquement sur les capacités sont irréalisables.  C’est pourquoi les Pays-Bas prônent l’approche visant à s’attaquer aux comportements irresponsables, estimant qu’ainsi « on s’attaquera automatiquement aux capacités ».  Le représentant a donc apporté son soutien au Groupe de travail à composition non limitée sur la réduction des menaces spatiales, en tant que forum pour discuter de cette question. 

En revanche, les Pays-Bas, qui notent la décision de la Conférence du désarmement de créer un organe subsidiaire sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace, jugent « prématuré d’engager maintenant d’autres processus parallèles ». 

Une des conditions préalables à un espace extra-atmosphérique sûr, sécurisé et durable étant de minimiser la création de débris spatiaux, les Pays-Bas coparraineront le projet de résolution des États-Unis appelant les pays à ne pas procéder à des essais destructifs de missiles antisatellites à ascension directe.  Ils y voient une première étape pragmatique pour inscrire des engagements volontaires dans un futur instrument juridiquement contraignant, qui pourrait d’ailleurs aller au-delà de la question de ces essais. 

M. TANCREDI FRANCESE (Italie) a souligné que la sécurité dans l’espace n’apparaît plus comme une question purement militaire et nationale, mais plutôt comme une question multisectorielle et mondiale qui doit être traitée au niveau international avec l’engagement le plus large de tous les États Membres de l’ONU, des organisations internationales, acteurs commerciaux et représentants de la société civile.  À cet égard, le représentant a noté la nécessité d’assurer l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique et de faire mieux face aux dynamiques d’escalade potentielles et aux menaces à la sécurité qu’elles peuvent poser. 

M. Francese a par conséquent estimé que des normes, des règles et des principes de comportement responsable doivent être élaborés et mis en place afin de promouvoir la sécurité, la sûreté et la durabilité dans l’espace extra-atmosphérique et de préserver l’utilisation à long terme de l’environnement spatial à des fins pacifiques.  L’Italie soutient pleinement les activités du Groupe de travail à composition non limitée visant à parvenir à une compréhension commune de la meilleure façon d’agir pour réduire les menaces pesant sur les systèmes spatiaux et maintenir l’espace extra-atmosphérique en tant qu’environnement pacifique, sûr, stable et durable, exempt de course aux armements et de conflits, « pour le bénéfice de tous ».  L’Italie estime que le Groupe peut ouvrir la voie à une résolution constructive de ces problèmes grâce à l’adoption de normes, de règles et de principes de comportement responsable, a ajouté M. Francese. 

M. MUHAMMAD ZAYYANU BANDIYA (Nigéria) a déclaré qu’un instrument juridiquement contraignant sur la prévention de la militarisation de l’espace est une condition nécessaire à la promotion de la coopération internationale dans l’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques.  Il est donc indispensable.  Après avoir réaffirmé le soutien de sa délégation aux interdictions de placement de toute arme dans l’espace extra-atmosphérique à des fins offensives ou défensives, le représentant a en outre rappelé que tous les États, en particulier ceux qui disposent d’importantes capacités spatiales, ont la responsabilité particulière de contribuer activement à l’objectif de l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique et de la prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.  Pour le Nigéria, ces pays devraient également s’abstenir d’actions contraires à cet objectif et aux traités existants « dans l’intérêt du maintien de la paix et de la sécurité internationales et de la promotion de la coopération internationale ».  Il a appelé à la tenue de négociations de fond, à la Conférence du désarmement, sur l’instrument juridiquement contraignant que le Nigeria appelle de ses vœux. 

Pour Mme DIANE SHAYNE DELA FUENTE LIPANA (Philippines), l’espace extra-atmosphérique est non seulement un patrimoine commun, mais aussi l’héritage de l’humanité.  Chaque nation peut donc l’utiliser de manière pacifique et il doit être protégé et exempt d’armes et d’armement.  La représentante s’est dite favorable à des instruments juridiquement contraignants relatifs à la prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique, y compris la prévention du déploiement d’armes et la menace ou l’utilisation de la force contre des objets spatiaux.  Pour l’heure, l’absence de normes convenues augmente le risque et les menaces à la sécurité de l’espace extra-atmosphérique.  C’est dans ce contexte, a poursuivi la représentante, que le Président Marcos a appelé l’Assemblée générale, le mois dernier, à définir les normes d’un comportement responsable dans l’espace extra-atmosphérique.

Comme beaucoup de pays en développement, les Philippines dépendent de plus en plus d’infrastructures spatiales et voient l’accès à l’espace extra-atmosphérique comme un droit inaliénable des pays en développement.  La représentante a souligné que les discussions sur la sécurité de l’espace extra-atmosphérique doivent aller au-delà du paradigme stratégique traditionnel.  Elle s’est inquiétée des doctrines sécuritaires qui voient l’espace extra-atmosphérique comme un champ de bataille stratégique.  Elle a exhorté les États Membres à adhérer au Code de conduite de La Haye contre la prolifération des missiles balistiques.

M. ANATOLII ZLENKO (Ukraine) a déclaré que Moscou est en train de créer un nouveau système de défense antimissile avec une composante antisatellite, ajoutant que son pays est convaincu que les actions de la Fédération de Russie contredisent les valeurs internationales dans le domaine de l’exploration spatiale pacifique.  L’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique a toujours eu pour objectif de sauver la vie et la santé des personnes, a poursuivi le représentant.  Or, la stratégie et les actions de la Russie constituent une menace existentielle pour la paix et la sécurité internationales, posent des défis sans précédent et à long terme à la stabilité mondiale et nécessitent donc une réponse immédiate.  Le représentant a annoncé que sa délégation appuie la résolution portée par les États-Unis sur les essais de missiles antisatellite à ascension directe. 

M. HUGO EMMANUEL GUERRA (Argentine) a indiqué que, pour son pays, le Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, de 1967, est la pierre angulaire du régime juridique international de l’espace.  L’Argentine réaffirme le rôle fondamental que joue cet instrument dans le maintien de l’espace extra-atmosphérique utilisé à des fins pacifiques.  En ce sens, a ajouté le représentant, l’Argentine réitère son respect des principes et accords qui doivent régir les activités des États dans l’exploration et l’utilisation de l’espace, y compris celui de la non-militarisation et de son utilisation stricte pour l’amélioration de conditions de vie et de paix entre les peuples qui habitent notre planète. 

En outre, le représentant a appuyé la négociation, dans le cadre de la Conférence du désarmement, d’un traité interdisant le placement d’armes dans l’espace.  En attendant, il est impératif de continuer à renforcer la transparence et les mesures de confiance dans les activités spatiales, et nous nous félicitons de toutes les initiatives en ce sens, y compris celles reposant sur les contributions du secteur privé et du milieu académique, a conclu le représentant.

M. ADOLF BRUCKLER (Autriche) a déclaré que le potentiel hautement perturbateur des opérations spatiales malveillantes, qu’elles soient interorbitales ou sol-orbite, entraîne des répercussions importantes sur les civils sur terre, en affectant les soins de santé, les transports, les communications ou l’énergie.  Il a fait part de sa préoccupation concernant les conséquences humanitaires possibles d’un conflit dans l’espace et a souligné que le droit international humanitaire s’applique pleinement à l’espace, en particulier ses principes de distinction, de proportionnalité et de précaution. 

Le représentant a regretté que les efforts multilatéraux déployés pour prévenir une course aux armements dans l’espace, que ce soit à la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), à la Conférence sur le désarmement ou au sein des Groupes d’experts gouvernementaux sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace, n’aient pas donné de résultats substantiels.  Toutefois, il a salué la convocation de négociations conjointes avec la Quatrième Commission.  Le représentant a encouragé les nations spatiales à améliorer le partage d’informations sur les opérations et sur leurs politiques nationales, à accroître les capacités et la coopération en matière de la situation spatiale et à respecter les dispositions pertinentes du Code de conduite de La Haye. 

Le représentant a fait part de sa préoccupation concernant le développement des capacités cinétiques antisatellites.  À cet égard, il a salué l’engagement des États-Unis à déclarer un moratoire sur les essais de missiles antisatellites à ascension directe.  Soulignant qu’il est difficile d’établir les responsabilités des attaques non cinétiques et de cyberguerre sur des systèmes spatiaux, le représentant s’est dit très préoccupé par les effets réverbérants que toute destruction d’infrastructure dans l’espace pourrait avoir sur les sociétés, les économies ainsi que sur la vie humaine.  L’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique doivent se faire au profit et dans l’intérêt de tous les pays, comme le prévoit le Traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967, a-t-il conclu.

M. MOHAMMAD OMAR (Pakistan) a noté les transformations sans précédent de l’espace extra-atmosphérique ces dernières décennies et le développement de normes pour qu’il reste un bien commun pour tous les peuples.  Il a déploré les menaces, notamment la course aux armements et les risques de déploiement d’armes dans l’espace, qui sont complexes pour la stabilité stratégique à l’échelle mondiale. 

Les acteurs non-gouvernementaux eux-mêmes ne se limitent plus à l’exploitation pacifique de l’espace, a noté le représentant.  Ces risques de plus en plus grands deviendront des risques mondiaux si rien n’est fait, a-t-il poursuivi, soulignant qu’il fallait donc renforcer l’architecture juridique en la matière.  Malheureusement, la Conférence du désarmement n’a pas pu lancer de négociations à ce sujet en raison de l’opposition de quelques États qui continuent de faire obstruction, a déploré le représentant.  Les principes fondamentaux d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, de garantie de la sécurité et de comportements responsables doivent rester au cœur de nos efforts, a-t-il encore lancé.

M. KONSTANTIN VORONTSOV (Fédération de Russie) s’est inquiété d’une tendance extrêmement dangereuse qui est apparue lors des derniers développements en Ukraine, à savoir, « l’utilisation par les États-Unis et leurs alliés des éléments d’infrastructure civile, y compris commerciale, dans l’espace extra-atmosphérique lors de conflits militaires ».  Selon lui, les actions occidentales mettent inutilement en péril la pérennité des activités spatiales pacifiques, ainsi que de nombreux processus sociaux et économiques sur Terre qui affectent le bien-être des personnes, en premier lieu les populations des pays en développement. 

Le représentant a ajouté que cette utilisation provocatrice de satellites civils est discutable au regard du Traité sur l’espace extra-atmosphérique et doit être fermement condamnée par la communauté internationale.  Il a indiqué que son pays continue de proposer de ne pas utiliser d’objets spatiaux comme armes contre des cibles sur Terre, dans les airs ou dans l’espace extra-atmosphérique, et de ne pas construire, tester, déployer ou utiliser des armes spatiales pour la défense antimissile.  Le représentant a ensuite présenté les trois projets de résolution que la Russie présentera concernant respectivement le non-déploiement en premier d’armes dans l’espace, des mesures de confiance et de transparence régissant les activités spatiales et d’autres mesures pratiques pour la prévention d’une course aux armements dans l’espace. 

M. LI SONG (Chine) a notamment rejeté les velléités de domination spatiale des États-Unis, qui continuent de considérer l’espace comme un domaine d’expansion militaire.  Les États-Unis disposent de capacités antisatellites très puissantes, si bien qu’ils n’ont plus besoin de procéder à des essais en la matière, a ajouté le représentant, assurant que son pays partage les priorités du Mouvement des pays non alignés en matière de prévention d’une course aux armements dans l’espace et de maintien de son statut pacifique. 

Le représentant a en outre indiqué que, cette année encore, son pays et la Russie présenteront un projet de résolution sur le non-déploiement en premier d’armes dans l’espace, « un texte très ambitieux, au contraire d’autres beaucoup plus étroits, qui demande notamment aux pays de s’engager à ne pas utiliser la force contre des objets spatiaux ».  

M. MD RAFIQUL ALAM MOLLA (Bangladesh) a estimé que l’accès à l’espace extra-atmosphérique est un droit inaliénable de tous les États et que son utilisation devrait être exclusivement pacifique.  C’est sur ces convictions que le Bangladesh est devenu membre du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS), a déclaré le représentant.  Celui-ci a fait part de sa préoccupation concernant les conséquences catastrophiques de conflits militaires dans l’espace, qui mettraient en péril la paix et la sécurité internationales.  En tant qu’État partie au Traité sur l’espace extra-atmosphérique, le Bangladesh réaffirme l’importance vitale de prévenir la course aux armements dans l’espace. 

Le représentant a jugé urgent d’entamer des négociations de fond au sein de la Conférence du désarmement sur un instrument juridiquement contraignant et multilatéralement vérifiable sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace dans tous ses aspects.  Il a appelé à une meilleure coordination entre les travaux de la Première Commission et des autres organes pertinents des Nations Unies, notamment le COPUOS, la Conférence du désarmement et la Commission du désarmement. 

Le représentant a pris note de la première réunion du Groupe de travail à composition non limitée pour examiner les menaces qui pèsent sur l’espace et recommander des normes, des règles et des principes de comportement responsable dans l’espace, ainsi que la manière dont ils contribueraient à des instruments juridiquement contraignants dans ce domaine.  « Avec le lancement dans l’espace de notre premier satellite de communication Bangabandhu-I, notre intérêt pour un espace sécurisé et pacifique est plus grand que jamais », a-t-il rappelé.  Il a souligné que les activités dans l’espace ne doivent pas rester la chasse gardée d’un petit groupe d’États.  Il a estimé que, si les mesures de confiance peuvent être utiles pour prévenir l’armement de l’espace, on ne peut nier l’importance de conclure un instrument international juridiquement contraignant à cet effet. 

M. FLAVIO DAMICO (Brésil) a insisté sur le rôle croissant de l’espace extra-atmosphérique dans le développement, citant les satellites indispensables à presque toutes les infrastructures essentielles, ainsi qu’aux communications, au suivi des changements climatiques et à la sécurité nationale.  Cette dépendance accrue a augmenté les préoccupations quant à la menace de transformation de l’espace extra-atmosphérique en champ de bataille, en particulier en raison du développement de capacités spatiales offensives par plusieurs États. 

De l’avis du Brésil, les débats sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace s’expliquent par le fait que le régime international existant sur la sécurité spatiale est insuffisant pour faire face aux menaces et aux risques actuels et qu’il est urgent de le faire évoluer rapidement.  En ce sens, le Traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967 est un socle important de principes généraux pour la stabilité et la durabilité dans l’utilisation de l’espace.  Sur le front de la sécurité, certains progrès ont été enregistrées grâce à l’adoption de recommandations par l’Assemblée générale en 2013.  Mais la Conférence du désarmement n’a pas réussi à aboutir à la négociation d’un instrument juridiquement contraignant sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace en raison de l’érosion de la confiance entre les principales puissances spatiales, a rappelé le représentant. 

Dans ce contexte, le Brésil a décidé de soutenir une approche ascendante avec l’élaboration progressive de normes, règles et principes volontaires qui renforceront le socle d’une discussion plus approfondie sur des éléments normatifs, a expliqué le représentant.  L’une des initiatives les plus urgentes sur ce front est l’interdiction de tous les tests d’armes de destruction de satellites, qui constituent l’un des plus graves menaces à la sécurité de l’espace extra-atmosphérique, a estimé le représentant.

M. HEIDAR ALI BALOUJI (Iran) a appelé à la prise de mesures de confiance et de transparence, premiers pas selon lui vers l’établissement, à la Conférence du désarmement et dès que possible, d’un traité juridiquement contraignant sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace.  Les États-Unis, pour qui tout comportement responsable est une abstraction, constituent une armée spatiale, une entreprise dangereuse qui doit être empêchée par la création et l’entrée en vigueur d’un tel instrument, a-t-il en outre estimé. 

M. NADER LOUAFI (Algérie) a affirmé que l’espace extra-atmosphérique est le patrimoine commun de l’humanité et qu’il doit être exploré et à des fins pacifiques dans un esprit de coopération pour le bénéfice de toute l’humanité.  Compte tenu des conséquences désastreuses de la militarisation de l’espace extra-atmosphérique ou de l’éclatement de tout conflit militaire dans cet espace, empêcher une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique est une nécessité absolue, a déclaré le représentant.  À cet égard, il est essentiel que tous les États Membres, en particulier ceux qui disposent d’importantes capacités dans le domaine spatial, contribuent à la prévention d’une course aux armements dans l’espace, ceci pour encourager et renforcer la coopération internationale dans l’exploration et l’utilisation des espaces à des fins pacifiques. 

Le représentant a souligné que des préoccupations subsistent quant à l’incapacité du système juridique existant relatif à l’utilisation de l’espace à empêcher sa militarisation.  Il faut renforcer ce régime et cela passe par l’adoption d’un instrument international juridiquement contraignant, dont la négociation doit être prioritaire, a-t-il ajouté.  Toutefois, a-t-il reconnu, des mesures globales de transparence et de confiance peuvent constituer d’importantes mesures complémentaires dans les activités spatiales.  Mais ces mesures volontaires ne peuvent se substituer à la conclusion d’un traité juridiquement contraignant sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace.

Mme KIRRI HENDRIKSEN (Royaume-Uni) s’est inquiétée de la concurrence systématique dans l’espace extra-atmosphérique, qui pousse à développer des systèmes cinétiques et à multiplier les systèmes de brouillage.  Les États Membres reconnaissent largement que le droit international s’applique aux activités dans l’espace extra-atmosphérique ainsi qu’à l’utilisation des systèmes spatiaux, a assuré la représentante.  Elle a rappelé que, l’an dernier, 163 États Membres avaient voté pour la création du Groupe de travail à composition non limitée chargé de faire l’inventaire des cadres juridiques internationaux concernant les menaces liées aux comportements des États vis-à-vis de l’espace, lequel permettra de négocier les règles et comportements qui doivent s’appliquer dans l’espace.  Elle a jugé nécessaire une combinaison de normes juridiques contraignantes et de normes non contraignantes pour assurer la sécurité et prévenir une course aux armements dans l’espace.

M. PAHALA RALLAGE SANATHANA SUGEESHWARA GUNARATNA (Sri Lanka) a rappelé qu’il existe un ensemble substantiel de lois traitant de divers aspects de l’utilisation et de l’exploration de l’espace extra-atmosphérique.  Le Sri Lanka rejette toute doctrine visant à classer l’espace comme un « domaine de guerre » ou « le prochain champ de bataille » car, fondées sur le seul désir de dominer et d’exploiter, elles ignorent que « nous ne sommes tous que de simples créatures sur la planète Terre, un corps céleste minuscule, par rapport à la vaste étendue de l’univers ».  Le représentant a rappelé que les technologies spatiales procurent des services d’une portée et d’une fiabilité considérables utilisées bien au-delà des seuls États qui ont la capacité d’utiliser l’espace.  De ce fait, les conflits dans l’espace ne touchent pas seulement les nations spatiales, mais tout le monde, et doivent être évités, sans quoi leurs conséquences catastrophiques nous atteindrons tous. 

Le représentant a rappelé que son pays avait traditionnellement parrainé une résolution sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace, et le fera encore cette année.  Il a rappelé le désir de nombreux pays de voir adopté un instrument juridiquement contraignant sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace et souligné à nouveau la nécessité urgente d’entamer des travaux de fond sur le sujet à la Conférence du désarmement.  Il a estimé que le projet de traité présenté conjointement par la Russie et la Chine à la Conférence du désarmement en 2008 et actualisé en 2014 devait être pris en compte, de même que les discussions du Groupe d’experts gouvernementaux établi conformément à la résolution 72/250 de l’Assemblée générale.  Il a regretté que le consensus sur le projet de rapport final du Groupe d’experts gouvernementaux ait été « bloqué par un État partie ».  Pour le représentant, « une guerre dans l’espace ne peut être gagnée et ne doit pas être menée » et le seul moyen d’empêcher une course aux armements dans l’espace est d’élaborer des réglementations contraignantes globales, qui doivent faire fond sur le cadre juridique existant, qui reste applicable. 

Préoccupé par les conséquences de la poursuite du développement et du déploiement de systèmes de défense contre les missiles balistiques et par la question des débris spatiaux, le Sri Lanka considère l’élaboration de normes et principes de comportement responsable dans l’espace comme « une mesure utile » mais qui doivent aboutir à terme à la mise en place d’instruments juridiques internationaux et à l’établissement de limites contraignantes à le militarisation potentielle de l’espace.  Le Sri Lanka, qui soutient toute initiative visant à promouvoir l’utilisation pacifique et sûre de l’espace, se félicite de l’engagement récent de plusieurs États à ne pas procéder à des essais de missiles antisatellites à ascension directe, y voyant un premier pas positif dans la bonne direction. 

M. LUC JOTTERAND (Suisse) a jugé que des mesures doivent être prises pour éviter que des conflits armés ne s’étendent à l’espace ou n’y surviennent, ce qui aurait de graves conséquences pour la sécurité internationale ainsi que pour l’exploration et l’utilisation de l’espace à des fins pacifiques.  Dans ce contexte, la Suisse est particulièrement préoccupée par un certain nombre de défis liés à la sécurité affectant la stabilité de l’espace.  Le représentant a mentionné le placement d’armes dans l’espace, qui augmente le risque de faire de ce dernier un théâtre d’affrontements militaires et d’avoir un impact négatif sur son utilisation pacifique.  En outre, l’adoption de doctrines militaires considérant l’espace comme un théâtre d’affrontements militaires suscite également des inquiétudes et peut contribuer à accroître les tensions, a estimé le représentant, pour qui la retenue dans ce domaine est une nécessité. 

Le représentant s’est ensuite félicité des annonces faites par un certain nombre d’États, dont la Suisse, de ne pas effectuer d’essais destructifs de missiles antisatellites à ascension directe dans l’espace.  Nous espérons que de tels engagements contribueront à l’adoption de nouvelles mesures visant à prévenir une course aux armements dans l’espace et de normes internationales contraignantes appropriées, a-t-il dit.  Il a salué à son tour le lancement réussi des travaux du Groupe de travail à composition non limitée sur la réduction des menaces spatiales au moyen de normes, de règles et de principes de comportement responsable, notant qu’une meilleure compréhension de l’application du cadre normatif international existant en matière de sécurité spatiale est particulièrement importante et permet d’identifier les lacunes ainsi que les domaines qui doivent potentiellement être renforcés.

M. IGNACIO SANCHEZ DE LERIN (Espagne) a rappelé que l’espace est un bien commun, dont l’utilisation relève de la responsabilité de l’ensemble de l’humanité, mais a constaté qu’il est « encombré, contesté et compétitif » et que les risques et les menaces s’y multiplient.  Il faut accélérer et intensifier les efforts pour parvenir à un environnement spatial qui soit pacifique, sûr, stable et durable pour tous, a déclaré le représentant.  Des actions telles que les essais de missiles antisatellites doivent être condamnés avec la plus grande fermeté, a-t-il affirmé.  Il s’est félicité de l’engagement pris par un nombre croissant d’États de ne pas procéder à des essais destructeurs de missiles antisatellites à ascension directe.

Le représentant a salué la résolution présentée par les États-Unis et a émis l’espoir qu’elle pourra avancer grâce au soutien d’une majorité d’États, y compris ceux qui souhaitent poursuivre les discussions jusqu’à l’obtention d’un instrument juridiquement contraignant.  Il a soutenu les travaux du Groupe de travail à composition non limitée créé par la résolution 76/231 de l’Assemblée générale, sur la réduction des menaces spatiales au moyen de normes, de règles et de principes de comportement responsable.  Les travaux du groupe ont été l’occasion d’examiner le cadre juridique existant, de réfléchir à ses lacunes et à ses possibilités de développement, et de réaffirmer l’applicabilité du droit international à l’espace, notamment la Charte des Nations Unies et les principaux traités relatifs à l’espace, a rappelé le représentant.  Pour lui, le groupe offre un cadre de dialogue et de confiance dans lequel les États peuvent partager leurs préoccupations et leurs priorités dans le domaine de l’espace extra-atmosphérique, qui évolue rapidement. 

Par ailleurs, au niveau national, le représentant a annoncé la création immédiate de l’Agence spatiale espagnole, qui mettra en œuvre la politique spatiale de l’Espagne conformément à ces principes.

M. AZRIL BIN ABD AZIZ (Malaisie) a apporté le soutien de sa délégation à toutes les résolutions déposées sur la question de la prévention de la militarisation de l’espace extra-atmosphérique.  Le représentant a réitéré la nécessité de prendre des mesures de confiance accrues.  Il a appuyé les travaux du Groupe à composition non limitée, un dispositif à même d’ouvrir la voie à l’élaboration d’un traité juridiquement contraignant contre la course aux armements dans l’espace. 

Pour M. BAE JONGIN (République de Corée), si les États Membres partagent tous l’objectif de maintenir la paix dans l’espace extra-atmosphérique, il ne faut pas fermer les yeux sur la réalité qu’il existe des points de vue divergents sur la façon d’atteindre cet objectif commun et sur les priorités urgentes dans ces domaines.  Un sentiment persistant de méfiance et un manque de communication entre les États ont contribué à l’aggravation du sentiment de division, a déploré le représentant.  En outre, a-t-il fait valoir, compte tenu de la nature transversale de la technologie spatiale, il n’est pas facile pour les États d’être clairs sur leurs intentions en matière d’activités spatiales, ce qui peut entraîner une escalade des tensions et même une course aux armements.

Nation spatiale, la République de Corée s’investit dans les groupes de travail visant à trouver un consensus sur les menaces relevant du domaine spatial et à rédiger des recommandations sur un comportement responsable, a expliqué le représentant.  Pour lui, l’objectif reste de conclure un traité juridiquement contraignant et vérifiable sur la sécurité spatiale, sachant que ne pas se préoccuper du manque de normes, principes et règlements pourrait entraîner des conséquences irréversibles.  À cet égard, la République de Corée est fière d’avoir été l’un des premiers pays à s’engager à ne pas conduire des essais de missiles antisatellites à ascension directe. 

Mme ANEL BAKYTBEKKYZY (Kazakhstan) a déclaré que sa délégation souscrit pleinement au projet de traité sur la prévention du déploiement d’armes dans l’espace, présenté par la Chine et la Russie à la Conférence du désarmement en 2008 et 2014.  Cependant, les obstacles politiques et l’impasse de la Conférence du désarmement ont jusqu’à présent entravé toutes les tentatives visant à avancer sur la voie d’un accord international juridiquement contraignant, a noté la représentante.  Elle a jugé qu’en raison de ces blocages persistants, il est essentiel d’avoir de nouvelles discussions sur la question de la Prévention d’une course aux armements dans l’espace impliquant d’autres instances internationales. 

Par ailleurs, la représentante a jugé intéressante la proposition des États-Unis sur la prévention des essais de missiles antisatellites à ascension directe.  Elle a néanmoins suggéré que cette proposition pourrait bénéficier d’une discussion plus détaillée sur le plan technique avec toutes les parties prenantes intéressées.  Le Kazakhstan appuie toutes les initiatives visant à promouvoir les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique tant qu’elles ne sont pas politisées ou ne visent pas à singulariser ou à exclure un État ou un groupe d’États en particulier.

M. ICHIRO OGASAWARA (Japon) a annoncé l’engagement de son pays à ne pas effectuer d’essais de missiles antisatellites à ascension directe (ASAT).  Le représentant a ajouté que le Japon considère les travaux du Groupe de travail à composition non limitée comme un moyen pratique de faire avancer la prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.  Le Japon se tient prêt à apporter des contributions constructives au débat pour faire de l’espace extra-atmosphérique un environnement sûr, sécurisé, stable et durable.  Par ailleurs, le représentant a jugé essentiel d’avancer dans l’élaboration de mesures de confiance et de transparence pour réduire les menaces pesant sur les systèmes spatiaux.  À cet égard, il a appelé la Commission du désarmement à se pencher sur ces questions en vue de fournir des recommandations à l’Assemblée générale. 

M. CHRISTIAN PADILLA (Cuba) a affirmé que le désarment devrait être la priorité de tous.  Il a plaidé pour un document contraignant et universel, « un instrument qui interdirait les matières fissiles pour la fabrication d’armes ».  Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) est le premier instrument juridiquement contraignant portant sur ce genre d’armes, a-t-il rappelé, avant d’appeler à « progresser vers un monde exempt d’armes nucléaires », tout en déplorant que la Conférence d’examen du TNP n’ait pu aboutir à un document final, « ce qui nous éloigne de l’idéal du désarmement ».  Le représentant s’est dit fier de faire partie d’une région exempte d’armes nucléaires.  Il a en outre condamné les mesures coercitives qui entravent les enquêtes de l’AIEA et empêchent l’utilisation du nucléaire à des fins pacifiques. 

M. JOSÉ EDUARDO PEREIRA SOSA (Paraguay) s’est engagé en faveur de l’utilisation durable et pacifique de l’espace, sans tenir compte du degré de développement socioéconomique des États.  Nous avançons dans les domaines de l’ingénierie spatiale et de l’observation de la Terre en mettant l’accent sur le renforcement des capacités afin de mettre en œuvre un programme spatial autochtone et durable, a expliqué le représentant.  Le principe de l’utilisation pacifique de l’espace contenu dans le Traité de 1967 est désormais intégré dans le droit national et dans la politique spatiale nationale du Paraguay en vigueur depuis 2019, a-t-il précisé. 

Pour le Paraguay, un conflit armé dans l’espace constituerait une violation du droit international et de la Charte des Nations Unies.  Le représentant a prôné la conclusion d’un instrument juridiquement contraignant à même de garantir les aspirations des membres de la communauté internationale et de prévenir une course aux armements dans l’espace.  Le premier satellite du Paraguay, récemment lancé, est inscrit au registre des Nations Unies, a fait observer le représentant en particulier. 

M. JORGE VIDAL (Chili) a plaidé en faveur de normes, règles et principes de comportement responsable par rapport aux menaces des États contre les systèmes spatiaux, voire de la négociation d’instruments juridiquement contraignants visant à prévenir la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.  Selon le représentant, il faut prendre en considération les menaces actuelles et futures.  Il s’est dit conscient des perceptions différentes des menaces liées à la nature et au risque de dommages environnementaux de l’espace extra-atmosphérique, comme ceux qui peuvent résulter de la destruction de satellites. 

Pour le représentant, la principale menace dans l’espace est le déploiement d’armes.  Ce risque doit absolument être évité, étant donné que l’espace extra-atmosphérique ne peut se transformer en plateforme pour lancer des actes d’agression et de guerre, ou en un lieu permettant de s’assurer une supériorité, voire une suprématie.  Il a plaidé pour la négociation urgente d’un instrument international juridiquement contraignant.

M. SIARHEI MAKAREVICH (Bélarus) a considéré que la prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique est une priorité dans le domaine de la sécurité internationale.  Il a confirmé son soutien au respect « à la lettre » et à l’universalisation des instruments du droit international existants qui régissent les activités spatiales des États, en soulignant l’initiative de non-déploiement en premier d’armes dans l’espace extra-atmosphérique.  Le soutien universel à cette initiative permettrait en effet de garantir qu’il n’y aurait pas de second déploiement non plus, a-t-il noté. 

Le représentant a appelé à coordonner les travaux entre les instances existantes des Nations Unies, y compris la Première Commission, afin d’éviter les doublons et d’alléger l’ordre du jour de ses organes.  Il est à ses yeux nécessaire d’intensifier les efforts en vue d’un traité interdisant la militarisation de l’espace, notamment sur la base du projet russo-chinois de prévention du déploiement d’armes dans l’espace extra-atmosphérique. 

Mme NOHRA MARIA QUINTERO CORREA (Colombie) a estimé que l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique peut présenter des risques.  Pour que les États aient accès aux technologies spatiales, un cadre est nécessaire, a déclaré la représentante, même si les mesures de confiance sont aussi importantes.  Il faut redoubler d’efforts pour préserver l’espace pour les générations à venir, pour augmenter la confiance et l’échange d’informations entre États.  À cet égard, les mesures de confiance ainsi que les normes et principes pour des comportements responsables doivent être encouragés.  La représentante a dit accorder beaucoup d’importance aux travaux du Groupe de travail à composition non limitée.  En outre, des échanges sur le traité de 1967 et sur les accords qui ont suivi ont eu lieu au niveau multilatéral, mais il reste un vide juridique, a-t-elle estimé. 

M. CONLETH BRADY (Irlande) a fait savoir que l’Irlande est fermement attachée à la préservation d’un environnement spatial sûr et durable ainsi qu’à l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique sur une base équitable pour tous, raison pour laquelle elle participe au groupe de travail à composition non limitée sur la réduction des menaces spatiales au moyen de normes, règles et principes de comportement responsable.  L’espace est un patrimoine commun et les activités spatiales doivent être menées conformément au droit international, a insisté le représentant. 

Les systèmes spatiaux, en particulier les satellites de navigation et de communication, sont essentiels au fonctionnement des infrastructures civiles ainsi que pour lutter contre les changements climatiques et atteindre les objectifs de développement durable, a rappelé le représentant.  Des comportements irresponsables avec ces systèmes pourraient donc entraîner des conséquences humanitaires graves et menacer les acquis de développement, a-t-il souligné, avant de relever que les acteurs non étatiques sont également capables de menacer les systèmes spatiaux. 

L’Irlande reste préoccupée par la prolifération d’armes antisatellites, qui risquent de produire des débris à longue durée de vie.  À cet égard, elle condamne l’essai par la Fédération de Russie d’une arme antisatellite kinétique à ascension directe contre l’un de ses satellites, estimant que tous les États devraient s’abstenir de lancer de telles armes.  Par ailleurs, elle s’inquiète des cyberattaques, des brouillages et autres interférences électromagnétiques, qu’elle juge irresponsables et menaçant la sécurité des personnes et des biens. 

Mgr GIUSEPPE QUIRIGHETTI, Observateur permanent adjoint du Saint-Siège, a estimé que chaque État a le devoir de sauvegarder l’espace extra-atmosphérique de manière responsable en tant que gardien pour les générations présentes et futures.  Il a souligné qu’il est essentiel que l’espace extra-atmosphérique reste définitivement non militarisé et soit préservé à des fins pacifiques, au bénéfice de tous.  Le Traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967 interdit aux États de stationner dans l’espace extra-atmosphérique ou sur des corps célestes ou de placer en orbite autour de la Terre des armes nucléaires ou toute autre arme de destruction massive, a-t-il rappelé.  Néanmoins, bien que l’espace soit formellement à l’ordre du jour de la Conférence du désarmement depuis 1985, la communauté internationale n’a pas encore réussi à négocier un accord sur l’interdiction de tous les types d’armes dans l’espace, a-t-il déploré. 

L’Observateur permanent adjoint a constaté avec inquiétude que divers États ont consacré des ressources aux essais d’armes orbitales et spatiales, ce qui risque de provoquer une course aux armements dans l’espace.  Le Saint-Siège note également avec préoccupation que plusieurs États ont lancé des essais d’armes antisatellites qui ont créé des nuages de débris, mettant en danger les objets spatiaux.  Il est donc bienvenu que la Première Commission envisage l’adoption d’une résolution introduisant un moratoire sur ces essais.  L’Observateur permanent a estimé qu’un accord multilatéral pour ne pas lancer de tests d’armes des destructions par ascension directe doit être renforcé par d’autres mesures de transparence et de confiance.  L’élaboration de ces mesures de confiance jette les bases d’un accord juridiquement contraignant interdisant l’armement de l’espace et les armes qui menacent les objets spatiaux, a-t-il conclu. 

Mécanisme pour le désarmement

Afin d’assurer la cohérence des communiqués de presse, les résumés des interventions faites en fin de journée au titre de ce volet du débat thématique seront inclus dans le communiqué de presse de la Première Commission du jeudi 27 octobre après-midi.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Grands Lacs: l’Envoyé spécial du Secrétaire général sollicite un appui du Conseil de sécurité aux efforts régionaux de paix et de stabilité

9165e séance - matin
CS/15078

Grands Lacs: l’Envoyé spécial du Secrétaire général sollicite un appui du Conseil de sécurité aux efforts régionaux de paix et de stabilité

Venu présenter ce matin le rapport sur la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région (« Accord-cadre d’Addis-Abeba »), l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs a demandé le soutien du Conseil de sécurité, et de la communauté internationale dans son ensemble, aux efforts régionaux entrepris pour cette mise en œuvre, ce qui n’a pas empêché la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda de continuer, devant les membres du Conseil de sécurité, à s’accuser mutuellement de soutenir des groupes armés.

Présentant les initiatives régionales, qu’il demande au Conseil de sécurité de soutenir, l’Envoyé spécial Huang Xia a expliqué que ces efforts comprennent, outre le processus de paix de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) sur la situation dans l’est de la RDC, dit « processus de Nairobi », des efforts de médiation entre le Rwanda et la RDC conduits par le Président de l’Angola et le Président en exercice de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL).  Le mécanisme de consultation entre le processus de Luanda et le processus de Nairobi a aussi été mentionné parmi les efforts régionaux du volet politique.

Les États de la région se sont en outre lancés dans la coopération bilatérale dans les domaines sécuritaires et économiques.  La RDC a signé des accords sécuritaires avec la République du Congo voisine et avec le Burundi, permettant ainsi le déploiement de militaires burundais dans l’est de la RDC, tandis que le Rwanda et l’Ouganda ont continué à se rapprocher.  Sur le plan économique, des accords bilatéraux ont été conclus entre le Burundi, la RDC et la République-Unie de Tanzanie pour la construction d’une ligne de chemin de fer, pendant que l’Ouganda et la Tanzanie se sont mis d’accord sur la construction d’une ligne de transmission électrique de 400 kV allant de Masaka (Ouganda) au port de Mwanza (Tanzanie), comme le décrit le rapport.

Ces développements interviennent dans un contexte où, a poursuivi M. Xia, la situation humanitaire reste préoccupante, avec environ 12 millions de personnes déplacées.  Il a également fait part de son inquiétude face à l’activisme des groupes armés, le M23 et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) en tête, qui se poursuit, de même que s’intensifient les tensions entre le Rwanda et la RDC.  De fait, les deux pays ont continué, devant le Conseil de sécurité, à s’accuser mutuellement de soutenir les groupes armés actifs dans la région, en particulier les FDLR et le M23.

Pour le Rwanda, « la force génocidaire de 1994 », à savoir les FDLR, est installée avec tolérance en RDC.  Elle continue, en dépit de plusieurs résolutions appelant à son désarmement et à sa dissolution, à recruter et former des combattants pour commettre des meurtres à caractère ethnique au Rwanda, selon le délégué de ce pays.  Ce genre de relation attirera toujours l’attention et la vigilance du Rwanda, a mis en garde le représentant.

Son homologue de la RDC a quant à lui rappelé que le Rwanda, en violation de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, occupe depuis plus de quatre mois la ville de Bunangana, sous couvert du M23.  La RDC, son Président et sa population ne lâcheront aucun centimètre carré de leur sol, a-t-il prévenu, avant d’appeler le Conseil à imposer des sanctions au M23 et au pays qui menacent la paix, la sécurité et la stabilité dans la région des Grands Lacs.  Il a aussi demandé que le Conseil condamne fermement par voie de résolution le Rwanda pour son soutien au groupe armé M23.

Les membres du Conseil de sécurité ont quant à eux entendu diversement les appels lancés au Conseil, tentant de répondre à chacune des demandes.  Plusieurs délégations ont en effet soutenu l’appel de l’Envoyé spécial en faveur du nécessaire soutien aux politiques et initiatives régionales, si l’on veut parvenir à des effets concrets, comme a dit la France.  Pour autant, la paix dans la région ne sera pas atteinte sans mesures de confiance et tant que la méfiance entre la RDC et le Rwanda continuera de jeter de l’huile sur le feu, ont estimé les membres des A3 (Gabon, Ghana et Kenya).  Ce qu’il faut, c’est le retrait du M23 de toutes les localités occupées, le désarmement et la coopération pour mettre un terme à l’action inhumaine des FDLR, ont notamment proposé ces trois membres africains du Conseil, ainsi que la Norvège et la France.

Le Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation a été salué en même temps que la création d’une force régionale actée dans le cadre du Processus de Nairobi.  Alors que cette force a besoin d’un soutien politique, technique et financier pour exécuter son mandat, elle doit le faire en étroite et scrupuleuse coordination avec la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), ont notamment réclamé le Burundi, la Norvège, le Royaume-Uni, le Brésil, les États-Unis et la Fédération de Russie.

Si pour cette dernière, Kinshasa doit garder un rôle moteur, il est impératif que ces forces n’aggravent pas une situation déjà tendue, et il faut qu’elles respectent les droits humains, protègent en priorité les civils et s’abstiennent d’activités illicites, telles que l’extraction de ressources naturelles, ont également insisté les États-Unis.  La question des minerais, en particulier les problèmes d’exploitation illégale, de trafic et de commerce, a d’ailleurs été soulevée par les délégations.  De l’avis général, ces problèmes continuent à alimenter le cycle vicieux des affrontements intercommunautaires, des activités des groupes armés ainsi que leur instrumentalisation par les réseaux criminels transfrontaliers.

Il a alors été jugé important, notamment par l’Irlande, l’Inde ou la Chine, de progresser sur les questions de transparence, notamment par le biais du Mécanisme régional de certification de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) ou par la mise en œuvre des recommandations de l’atelier régional de haut niveau de Khartoum, de 2021 sur les ressources naturelles.  Pour concourir à cet effort, l’Envoyé spécial a indiqué avoir effectué une mission conjointe de plaidoyer avec le Secrétaire exécutif de la CIRGL à Paris et à Bruxelles en vue d’un soutien accru à une meilleure gouvernance des ressources naturelles.  Et d’autres visites sont prévues dans certains pays de destination de ces minerais, a-t-il annoncé. 

LA SITUATION DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS (S/2022/735)

Mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région

Déclarations

M. HUANG XIA, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, a expliqué que sept mois après son dernier passage devant le Conseil de sécurité, les inquiétudes qu’il avait exprimées sur la détérioration du contexte sécuritaire et la montée des tensions dans la région résultant de la résurgence du Mouvement du 23 mars (M23) demeurent d’actualité.  La région des Grands Lacs continue en effet d’être confrontée à l’un de ses plus grands défis: l’instabilité due à l’activisme des groupes armés.  La persistance des activités des Forces démocratiques alliées (ADF), des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), de la Résistance pour un état de droit (RED Tabara) et du M23 alimente l’insécurité dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) et ravive la méfiance et les tensions entre les pays de la région, en particulier entre la RDC et le Rwanda.  Cet activisme met en péril les acquis de ces dernières années en matière de coopération bilatérale et régionale, qu’appelle de ses vœux l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, a-t-il mis en garde.

Sur le plan humanitaire, la situation reste également préoccupante, avec, selon le Haut-Commissariat pour les réfugiés, plus de 4,9 millions de réfugiés et de demandeurs d’asile ayant fui en raison de la violence et de facteurs liés au climat.  En outre, environ 12 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays sont enregistrées au Burundi, en République centrafricaine, en RDC, au Soudan du Sud et en Ouganda.

Pour faire face à ces défis, et malgré les obstacles, les gouvernements et les peuples de la région sont restés mobilisés, s’est-il réjoui, avant de saluer le rôle du Kenya, de l’Angola, ainsi que du Burundi.  Leurs efforts ont notamment permis une médiation entre la RDC et le Rwanda afin d’établir une feuille de route visant au règlement pacifique du contentieux entre les deux pays.  Le Bureau de l’Envoyé spécial a, de son côté, facilité la première mission de reconnaissance et de contact de la cellule opérationnelle dans la province du Sud-Kivu.  Cette mission avait pour objectif d’engager les acteurs locaux afin d’identifier les opportunités de contact avec les groupes armés, faciliter leur désarmement et leur rapatriement volontaire sans conditions politiques.

À côté de cela, les initiatives bilatérales visant au renforcement de la coopération entre les États de la région dans les domaines de la sécurité, du commerce, de l’énergie ou des transports se sont multipliées: la RDC a adhéré à la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et renforcé sa coopération sécuritaire avec le Burundi.  L’Ouganda et le Rwanda ont de leur côté fait des efforts de rapprochement.  Cet engagement des acteurs régionaux pour rechercher des solutions politiques pour préserver la stabilité, la cohabitation pacifique entre États épouse les principes de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, a apprécié l’Envoyé spécial en notant qu’il atteste de la pertinence de cet instrument tout comme du Pacte de la CIRGL de 2006, comme socles de concertation et de coopération entre les États de la région, pour répondre aux défis communs.  Il a dès lors appelé les pays signataires à intensifier leurs efforts pour la mise en œuvre intégrale de l’Accord-cadre et des autres instruments régionaux.

M. Huang a également estimé que la stabilisation de la région dépend aussi de sa capacité à transformer sa dotation en ressources minérales, stratégiques en un vecteur de développement durable et inclusif, dans le contexte où l’exploitation et le commerce illicites de ces ressources continuent d’alimenter le cycle vicieux des affrontements intercommunautaires, des activités des groupes armés ainsi que leur instrumentalisation par les réseaux criminels transfrontaliers.  Pour y contribuer, son bureau a effectué une mission conjointe de plaidoyer avec le Secrétaire exécutif de la CIRGL à Paris et à Bruxelles en vue d’un soutien accru à une meilleure gouvernance des ressources naturelles.  D’autres visites sont prévues dans certains pays de destination de ces minerais, a-t-il indiqué.

Revenant aux efforts de paix, il a dit avoir entendu, au cours de ses missions dans la région, de fortes attentes pour un soutien politique, technique et financier des Nations Unies.  Pour cette raison, il a sollicité l’appui du Conseil de sécurité et de l’ensemble de la communauté internationale, afin qu’un appui multiforme plus conséquent soit apporté aux initiatives régionales, ainsi qu’au Plan d’action de la Stratégie régionale des Nations Unies pour les Grands Lacs.  La stabilisation de la région et la restauration de la confiance, qui sont un double processus long, exigent une mobilisation soutenue et significative de la communauté internationale.  Seule une action coordonnée, cohérente et harmonieuse permettra d’accompagner les Grands Lacs sur le chemin de la paix et du développement durable, a conclu M. Huang.

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a jugé impératif que les initiatives de paix pour la région produisent des résultats concrets.  Elle a appelé tous les groupes armés congolais à participer sans conditions au Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation.  Aux groupes armés étrangers, elle a demandé de déposer immédiatement les armes et de réintégrer dans leur pays d’origine.  Dans la continuité des initiatives régionales pour tenter de rétablir la paix, elle a souhaité que le dialogue soit maintenu entre les États de la région.  Elle a souhaité que les engagements pris, que ce soit dans le cadre de la feuille de route de Luanda ou lors de la réunion organisée, en septembre, à New York sous l’égide du Président de la République française, produisent des résultats concrets, appelant notamment au retrait du M23 de toutes les localités occupées et à la coopération pour mettre un terme à l’action des groupes armés, y compris des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).  De même, les consultations intra-congolaises doivent se poursuivre, a recommandé la déléguée.

Pour elle, une paix durable nécessitera de désarmer les anciens combattants, de protéger les plus vulnérables et d’assurer la justice, car les mesures militaires, seules, ne sauront rétablir la paix.  Elle a appelé à créer dans la région des mécanismes robustes pour la reddition de comptes et le rapatriement des anciens membres des groupes armés, demandant aussi d’assurer le retour durable des réfugiés et des personnes déplacées par les conflits.  Le renforcement de la coopération judiciaire doit également se poursuivre, a préconisé la déléguée en misant sur la mise en œuvre de la Déclaration de Kinshasa, adoptée en juin dernier, et en souhaitant que prévale ce même esprit de coopération entre les États de la région pour prévenir et lutter contre le terrorisme.  C’est pourquoi la France apportera, cette année, un soutien financier au Bureau de lutte contre le terrorisme des Nations Unies afin de renforcer les capacités des États de la région, a-t-elle annoncé.  Enfin, la déléguée a déclaré que la lutte contre le trafic de ressources naturelles doit aller de pair avec un développement durable au service des populations.  Le commerce des ressources doit, de ce fait, être régulé et contrôlé, a-t-elle dit, en recommandant aussi la multiplication des initiatives de développement au service des populations.  Elle a conclu en indiquant que, ce mois-ci, l’Union européenne (UE) a octroyé 25 millions d’euros à la RDC pour faire face à la crise alimentaire.

M. MADHU SUDAN RAVINDRAN (Inde) a observé des progrès dans les dialogues au niveau bilatéral et régional et pris note des consultations entre les processus de Nairobi et Luanda, ainsi que des discussions entre le Gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et les groupes armés.  Il a condamné la violence à laquelle se sont adonnés certains groupes armés, soulignant la nécessité de faire preuve de retenue et d’amorcer un dialogue fructueux.  Il s’est félicité que la RDC mette l’accent sur le renforcement des capacités opérationnelles de ses forces armées.  D’un autre côté, le succès du programme de désarmement et de démobilisation reste fondamental, pour peu qu’il s’accompagne de programmes de développement durable, a fait valoir le délégué.  L’exploitation illégale, le trafic et le commerce des ressources naturelles ont contribué à la violence dans la région, a-t-il affirmé, en invitant au renforcement des normes dans ce contexte.  Il a appuyé l’Initiative régionale sur la lutte contre l’exploitation et le commerce illicites des ressources naturelles, dont les progrès ont été examinés par le Comité régional de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL).  Enfin, il a fait remarquer que les groupes armés, comme les Forces démocratiques armées (FDA), profitent des réseaux terroristes.

M. MARTIN KIMANI (Kenya), au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), a fait part de sa profonde préoccupation face à la détérioration de la sécurité dans les provinces orientales de la République démocratique du Congo (RDC) et à ses effets sur la stabilité de la région des Grands Lacs.  Parmi les questions urgentes, il a évoqué la menace continue des groupes armés, le renforcement des capacités des dirigeants de la région et l’exploitation illégale des ressources naturelles.  Il a cité, en particulier, la prise de Bunagana dans le Nord-Kivu, et dénoncé l’escalade de la violence à Rutshuru, depuis le 20 octobre, entre les FARDC et les rebelles du M23 qui a fait au moins 10 morts et des dizaines de blessés.  Il a condamné, d’un autre côté, les activités « illégales et inhumaines » des M23, FDA, CODECO, FDLR-FOCA et Red Tabara, groupes qui ont commis des atrocités de masse, et de graves violations des droits de l’homme.  Il a noté que les FDA en particulier entretiennent des liens avec des réseaux terroristes, y compris Daech, ce qui exige une riposte régionale forte.

M. Kimani a ensuite souhaité une mise en œuvre rapide du plan d’action de la Stratégie de l’ONU pour la paix, la consolidation, la prévention et la résolution du conflit dans les Grands Lacs (2021-2023), de même que de l’Accord-cadre de coopération de paix, de sécurité et de coopération pour la RDC et la région des Grands Lacs.  Il a aussi salué la prochaine tenue, du 4 au 13 novembre, du troisième Dialogue intercongolais pour la paix, ainsi que la contribution de l’Angola, du Kenya et du Sénégal au Fonds pour la paix de la Communauté d’Afrique de l’Est, sis à Arusha, et qui appuie le processus politique.  Il a en outre encouragé le Gouvernement congolais au renforcement des capacités des FARDC dans le but de consolider l’autorité de l’État dans les zones de conflit et l’a incité à l’élaboration d’une stratégie en vue d’une réforme ambitieuse de ses forces armées et du secteur de la sécurité pour qu’ils assument pleinement leur responsabilité en matière de protection des civils, et répondent aux besoins de tous les Congolais après le départ de la MONUSCO.

Au sujet du rétablissement de la confiance, M. Kimani a relevé, non sans inquiétude, le degré élevé de méfiance entre la RDC et le Rwanda ce qui, selon lui, ne fait que jeter de l’huile sur le feu dans le contexte des tensions régionales.  Il a aussi vivement condamné le recours au discours de haine ainsi que la désinformation et la mésinformation, qui contribuent au manque de confiance, à la tension et à l’animosité, ce qui incite à plus de violence.  À cet égard, il a exhorté l’Envoyé spécial, de même que le Représentant spécial du Secrétaire général en RDC, à s’engager activement avec les médias sociaux de sorte à les encourager à une action rapide et globale concernant le discours de haine.  Sur la problématique des ressources naturelles, il a encouragé les États de la région à appliquer des règles et des mesures de responsabilisation pour une utilisation durable de celles-ci.  Il a exhorté les États à privilégier la législation et les normes en vigueur aux conflits d’intérêts.  Enfin, il a demandé aux entités mondiales important et exportant des ressources naturelles de sensibiliser sur la question des minéraux des conflits et de mettre sur pied des systèmes de suivi.

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a estimé qu’avec la présence de plusieurs groupes armés en République démocratique du Congo (RDC), il est évident qu’une coopération étroite est plus importante que jamais entre les pays de la région.  Elle a précisé que des actions militaires seules ne peuvent conduire à une normalisation sur le long terme en RDC.  Nous avons besoin de dialogue, nous avons besoin de mesures de confiance efficaces ainsi que de consolidation des États régionaux, a-t-elle argué.  La représentante a salué les décisions importantes sur la création de forces régionales prises lors des consultations dans le cadre du Processus de Nairobi.  Il est important que leur mise en œuvre soit soutenue par la communauté internationale, en étroite coordination avec la MONUSCO et avec un rôle moteur de Kinshasa, a-t-elle appelé.  Elle a confirmé la disponibilité de la Fédération de Russie à aider à la stabilisation au sein de la région des Grands Lacs, en encourageant le dialogue et la coopération entre les pays de la région.

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a déclaré que la situation humanitaire et sécuritaire dans la région des Grands Lacs demeure très préoccupante, notant que les attaques des groupes armés ont fait plus de 2 000 morts parmi les civils cette année.  Il a appelé les Forces de défense rwandaises à cesser d’appuyer le M23.  Le représentant a ensuite souligné que, la MONUSCO demeure essentielle pour instaurer la paix dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), s’inquiétant d’une augmentation des discours anti- MONUSCO et des appels à un retrait immédiat de la mission.  Il a exhorté la RDC à travailler avec la MONUSCO pour assurer un retrait progressif, responsable et conditionnel, guidé par les repères du plan de transition conjoint.

Poursuivant, le délégué a noté que les États de la région ont déployé des troupes pour faire face à l’insécurité croissante dans l’est de la RDC, jugeant impératif que celles-ci n’aggravent pas une situation déjà tendue.  À ce titre, il a appelé les dirigeants régionaux à veiller à ce que les forces bilatérales et multilatérales respectent les droits humains, accordent la priorité à la sécurité des civils et s’abstiennent d’activités illicites, telles que l’extraction de ressources naturelles.  Il est également essentiel qu’elles se coordonnent avec les forces armées de la RDC et la MONUSCO, entre autres.  De plus, les États doivent notifier formellement le Comité des sanctions 1533 de cette assistance, y compris les forces burundaises déployées bilatéralement et dans le cadre de la Force régionale la Communauté de l’Afrique de l’Est.

Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes unis) a mis en exergue les incidents sécuritaires alarmants au cours des derniers mois, en soulignant aussi l’augmentation des discours de haine dans la région des Grands Lacs.  Les efforts récents suscitent cependant des espoirs, s’est-elle félicitée, en évoquant ceux relatifs aux ressources naturelles, à l’énergie et à la lutte contre la violence.  Il faut encore renforcer le dialogue et l’appui à l’établissement de la confiance entre les pays de la région, persévérer dans le volet politique grâce au processus de Nairobi et à la feuille de route de Luanda, a-t-elle invité.  Elle a insisté sur le rôle important des organisations internationales et régionales en cette période, ajoutant qu’il convient de renforcer les capacités des pays de la région pour protéger leurs ressources naturelles, dans le respect de leurs programmes en la matière.  Les femmes jouent un rôle actif pour relever les défis actuels et jeter les bases de sociétés solides et prospères, a-t-elle observé, en encourageant à leur faire une place dans la prise de décisions et à respecter leurs droits et libertés fondamentales.

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a noté avec préoccupation la montée des tensions entre la RDC et le Rwanda, avant de demander aux deux pays de faire preuve de retenue et de rechercher une solution diplomatique à leurs différends.  La délégation a aussi salué les efforts politiques et diplomatiques déployés dans la région pour relever les défis sécuritaires et promouvoir le dialogue.  Ella a souligné l’importance de la coordination entre le processus de Nairobi, le processus de Luanda et les efforts de l’ONU.  De plus, le déploiement de la force régionale doit être étroitement coordonné avec la MONUSCO, a-t-elle ajouté, en recommandant que les rôles et les responsabilités soient clairement définis.  L’oratrice a aussi exhorté tous les groupes armés, y compris le M23 et les FDA, à déposer les armes.  Elle a, dans ce contexte, salué le déploiement du programme de démobilisation, de désarmement, de relèvement communautaire et de stabilisation.  Cependant, elle a tenu à souligner l’importance d’une compréhension commune dudit programme entre les niveaux national et provincial, ceci afin d’éviter de répéter les erreurs commises lors des précédents cycles de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR).

M. JOÃO GENESIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a condamné les attaques et provocations contre la MONUSCO, et lancé un appel à équiper les opérations de maintien de la paix avec les outils de communications stratégiques appropriés pour lutter contre les discours de haine, la désinformation et pour assurer la protection du personnel militaire et civil de l’ONU.  Il a salué le rôle moteur et constructif joué par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et le Mécanisme régional de surveillance du cadre de paix, de sécurité et de coopération pour la RDC, ainsi que les efforts de médiation menés par l’Angola.  Le délégué a indiqué que les processus de Luanda et Nairobi sont le reflet du type de contribution des acteurs régionaux que nous devrions espérer.  Il a jugé impératif d’accélérer la mise en œuvre des programmes de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR).  De même, il est nécessaire de veiller à ce que les anciens combattants, les femmes et les jeunes aient accès aux opportunités économiques qui leur fournissent des outils pour améliorer leurs conditions de vie en cette période post-pandémique, a-t-il recommandé.  Le représentant a enfin appelé tous les États de la région à persévérer dans la voie d’un dialogue politique inclusif.  Il a précisé qu’une solution durable ne peut être trouvée sans une participation significative de toutes les parties prenantes, y compris les femmes.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a dit être profondément inquiet de la résurgence, la semaine dernière, de la violence du M23 et a appelé le groupe à se retirer immédiatement de ses positions actuelles.  Il a appelé les pays de la région des Grands Lacs, avec l’appui de l’Envoyé spécial, à poursuivre leur étroite coordination avec le Gouvernement de la RDC et la MONUSCO en vue d’une paix durable.  Les efforts diplomatiques et politiques devraient primer sur la solution militaire pour régler les problèmes régionaux, et il en est de même pour les considérations d’ordre humanitaire, a-t-il estimé.  En conséquence, il a encouragé à la relance des processus de Nairobi et de Luanda, soulignant que l’ONU et le Bureau de l’Envoyé spécial pourraient activement épauler ces efforts et veiller à la coordination avec les efforts existants, comme le programme de démobilisation, désarmement et réinsertion en RDC.

D’autre part, a-t-il enchaîné, les activités militaires dans l’est de la RDC exigent une planification et une coordination scrupuleuse avec la MONUSCO, le respect du droit international et un plan de sortie clair.  La force de la Communauté d’Afrique de l’Est et les Forces armées de la RDC doivent, par ailleurs, s’engager de façon substantielle avec la MONUSCO aux fins d’une déconfliction de sorte à protéger les civils, a-t-il conseillé.  Qualifiant par ailleurs la situation humanitaire de préoccupante, il a souligné que la coordination entre les opérations militaires et humanitaires est vitale, appelant toutes les parties à faciliter l’accès humanitaire.

M. DAI BING (Chine) a déclaré que beaucoup reste à faire pour parvenir à la paix et au développement dans la région des Grands Lacs en dépit des efforts déployés par les pays de la région.  Le Conseil de sécurité et la communauté internationale doivent donc faire davantage pour les aider à parvenir au règlement de leurs problèmes et soutenir leurs efforts.  Il a appelé à coordonner les réponses militaires et non militaires à ces efforts, y compris un soutien financier pour les processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR).  Sur un autre plan, notamment s’agissant des minerais, la communauté internationale doit travailler sur la base de l’atelier de Khartoum de 2021 sur les minerais afin de couper les financements des réseaux criminels qui alimentent les conflits, a proposé le délégué.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) s’est inquiétée de la fragilité de la situation dans la région des Grands Lacs et a appuyé les processus de Nairobi et de Luanda, ainsi que les efforts pour assurer la bonne coordination et la complémentarité entre eux.  Dans cet ordre d’idées, elle a salué les initiatives de rapprochement, notamment entre la RDC et le Rwanda.  Elle a appelé à ne pas sous-estimer la nécessité d’une intégration régionale, en particulier pour maximiser les profits de la demande accrue de minéraux critiques, tout en poursuivant la diversification économique.  Elle s’est dite encouragée par les efforts continus pour contrer l’exploitation illégale des ressources naturelles, avant de souligner que le volet militaire du processus de Nairobi ne peut pas être la seule solution pour s’attaquer aux causes profondes des conflits.  Une piste politique beaucoup plus globale est donc nécessaire, a estimé la représentante qui a insisté sur la nécessité d’impliquer les femmes et les jeunes au dialogue en cours et aux initiatives de renforcement de la confiance.  Elle a ensuite salué les déclarations publiques des autorités nationales de la RDC, condamnant la diffusion de discours de haine, appelant par ailleurs à faire progresser la justice transitionnelle.

Mme NATALIA JIMÉNEZ ALEGRÍA (Mexique) a constaté que près de 10 ans après son adoption, l’Accord-cadre pour la paix et la sécurité en République démocratique du Congo et la région demeure un socle fondamental dans la démarche visant à surmonter les défis communs.  Elle s’est alarmée des activités croissantes des groupes armés comme le M23 dans l’est de la RDC, aussi bien pour leur impact sur la population civile que pour les tensions régionales qu’elles génèrent, et a fait part de son appui au processus de Nairobi.

Elle a également pris note de la signature récente de l’Accord sur le statut des forces entre la RDC et le Secrétaire général de la Communauté d’Afrique de l’Est, qui jette les bases du déploiement d’une force régionale.  Dans l’objectif de briser le cycle vicieux de la violence, elle a recommandé que la coopération militaire soit accompagnée de stratégies de développement économique.  Elle a aussi mis l’accent sur le caractère indispensable de la mise en œuvre de programmes de désarmement, démobilisation et réhabilitation.  Après avoir salué le rapprochement entre la RDC et le Rwanda, la représentante a appelé à lutter contre le trafic illicite d’armes et le financement illégal des groupes armés.

M. DONAL KENNEALLY (Irlande) a estimé qu’alors que les États de la région des Grands Lacs sont engagés dans un processus de paix, il existe un danger que les progrès de ces initiatives soient entravés par le type de rhétorique publique entendue ces derniers jours.  Il est important de s’abstenir de faire monter la tension dans la région, a-t-il plaidé.  S’agissant de la situation humanitaire, qui plonge 27 millions de personnes dans le besoin en RDC, il a appelé toutes les parties à assurer la sûreté et la sécurité du personnel humanitaire et donner un accès sans entrave à l’aide humanitaire.  Le représentant a également jugé important de continuer à progresser sur les questions de transparence en matière de minerais, notamment par le biais du Mécanisme régional de certification de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL).  De son avis, la mise en œuvre des recommandations de l’atelier régional de haut niveau de Khartoum, de 2021, sur les ressources naturelles peut également avoir un impact important. « Nous appelons tous les États à demander des comptes à tous ceux qui sont complices de ce commerce illicite. »

M. XOLISA MFUNDISO MABHONGO (Afrique du Sud) a encouragé les dirigeants des pays de la région des Grands Lacs à redoubler d’efforts pour faire face à la violence et aux activités des groupes armés, en les invitant également au plein respect des engagements politiques pris.  Il a espéré que tous ces efforts se complèteront, permettront un rapprochement de tous les acteurs politiques et renforceront la protection des civils.  Il s’est aussi félicité de l’établissement du Réseau des femmes entrepreneurs des Grands Lacs, et mis l’accent sur l’importance des prérogatives féminines dans cette région.  D’autre part, le déploiement de la force conjointe de l’Afrique de l’Est devrait se faire en coordination avec la MONUSCO, a-t-il souligné, en saluant, en conclusion, les bons offices de l’Envoyé spécial.

M. ROBERT KAYINAMURA (Rwanda) a commencé par réitérer la volonté de son pays d’exécuter de bonne foi ses engagements pris dans le cadre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération afin de garantir que la région évolue vers la paix et la stabilité à travers ses frontières.  Il a ensuite dénoncé l’attitude dangereuse qui classe des communautés spécifiques dans l’est de la RDC comme « étrangères » et devant « retourner d’où elles viennent ».  Une telle attitude est le germe d’un conflit sans fin, a-t-il analysé, en arguant qu’elle promeut la haine, la marginalisation et la violence.  Cette rhétorique dangereuse sape les efforts sous-régionaux pour trouver une solution durable, a-t-il mis en garde.

Le représentant s’est aussi exprimé sur un sujet « d’extrême importance » pour son pays et, qui, selon lui, n’a malheureusement pas connu de progrès: la neutralisation de la force génocidaire de 1994, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).  C’est l’un des plus anciens groupes armés de RDC, qui s’est installé dans ce pays après avoir commis le génocide de 1994 contre les Tutsis au Rwanda, a-t-il rappelé.  Malgré plusieurs résolutions et déclarations présidentielles appelant à son désarmement et à sa dissolution, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) continuent de recruter et former des combattants pour commettre de graves violations des droits humains, notamment en encourageant et en commettant des meurtres à caractère ethnique au Rwanda et en RDC, selon le représentant.  Si le Gouvernement de la RDC choisit de vaincre militairement les groupes armés, nous n’avons aucun problème avec cela, a-t-il dit, en exprimant sa principale préoccupation: le choix de se ranger du côté des FDLR.  Pour le délégué, ce genre de relation attirera toujours l’attention et la vigilance du Rwanda.

Le représentant a également déclaré qu’en dépit des résolutions et du « Plus jamais ça », le Conseil de sécurité peine toujours à trouver une solution durable aux FDLR.  Au lieu de s’attaquer à la principale cause profonde de l’insécurité dans l’est de la RDC, le Conseil de sécurité a préféré gérer cette insécurité et se concentrer sur les conséquences de la présence des FDLR dans l’est de la RDC, a-t-il relevé.  « Pourquoi le Conseil de sécurité ne peut-il pas assurer le suivi de la mise en œuvre des multiples résolutions qu’il a adoptées et tenir responsable quiconque collabore avec les FDRL?  Pourquoi ce long silence et cette tolérance envers les discours de haine et la xénophobie » ,a-t-il interrogé, affirmant que ces questions sont légitimes, non seulement d’un point de vue rwandais ou régional, mais aussi dans une perspective plus large de maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Il est regrettable que le Conseil passe encore 28 ans à s’occuper des FDLR et de leurs conséquences pour la RDC et la région.  Au-delà de la nécessité absolue de rétablir la paix et la sécurité dans notre région, cette inaction collective fragilise également davantage la mise en œuvre de l’Accord-Cadre, a-t-il mis en garde.

M. ZÉPHYRIN MANIRATANGA (Burundi) a réaffirmé la pertinence du cadre de coopération pour la paix et la sécurité en République démocratique du Congo (RDC) et dans la région des Grands Lacs comme solution aux défis de la stabilité dans la région.  Plus que jamais, la communauté internationale devrait jouer un rôle efficace en tant que garant à la recherche de la paix dans la région, a-t-il plaidé.  Il a jugé important que les membres du Conseil de sécurité dépassent le cadre de présentation des rapports faits à New York pour une visite dans la région afin de pouvoir tirer, à partir de l’est de la RDC, les conclusions qui s’imposent et non pas suivre à distance les foyers de tension qui peuvent avoir des conséquences immenses.

Quand la maison de votre voisin brûle, cela vous interpelle à poser des gestes positifs pour contenir le feu avant d’être atteint par les flammes en provenance du voisinage, a poursuivi le représentant.  Il a indiqué que faisant suite à la décision de la Communauté de l’Afrique de l’Est de déployer une force régionale pour stabiliser la situation sécuritaire dans l’est de la RDC, le Burundi soutient fermement le processus de Nairobi et a déployé un contingent militaire.  Ce déploiement a besoin d’un soutien politique mais aussi technique et financier pour que la force puisse exécuter efficacement son mandat et pouvoir ainsi répondre aux préoccupations des populations en détresse, a-t-il souligné.  Il a enfin appelé les chefs d’État et de gouvernement dont les pays sont signataires de l’Accord cadre de Nairobi et les garants, de bien vouloir participer activement au Sommet du Mécanisme régional qui aura lieu à Bujumbura, au Burundi, le 24 février 2023.

M. GEORGES NZONGOLA-NTALAJA (République démocratique du Congo (RDC) a indiqué qu’en ce moment, la ville de Bunangana est toujours agressée et occupée par le Rwanda sous couvert du M23 depuis plus de quatre mois.  Le délégué a réagi aux propos du représentant rwandais qui a affirmé que la présence des FDLR en RDC crée l’insécurité au Rwanda.  Il a rappelé que M. James Kabarebe, ancien officier rwandais, avait en charge la sécurité de toute la RDC quand le Président Laurent-Désiré Kabila avait pris le pouvoir, et qu’il avait donc le loisir de se débarrasser des FDLR à cette époque.  De plus, la même occasion s’est présentée quand le Rwanda a pris possession de territoires congolais durant cinq années de suite, a-t-il rappelé, ajoutant que le Rwanda avait reçu l’onction du Président Joseph Kabila pour entrer en RDC et régler le problème des FDLR. « Et là encore, ils ne l’ont pas fait. »  Selon le représentant congolais, le Rwanda utilise les FDLR comme prétexte pour entrer dans le pays et piller les ressources naturelles, comme cela est du reste documenté par plusieurs rapports, y compris du Gouvernement américain.

M. Nzongola-Ntalaja a ensuite rappelé que le Rwanda est un des pays signataires de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba.  Cette situation inacceptable d’agression qui sape les efforts de renforcement de la confiance et la dynamique positive qui commençait à s’installer dans la région des Grands-Lacs doit s’arrêter, a-t-il dit.  Il a appelé le Conseil à demander au Rwanda et « son M23 » de quitter sans délai cette partie du territoire congolais.  Quant aux groupes armés, la RDC poursuit ses efforts à titre individuel et aussi en conjugaison avec tous ses partenaires pour réduire le niveau de menace.  À ce titre, le processus de Nairobi va être pleinement relancé pour la prise en charge de la donne « groupe armé », a annoncé le délégué, qui a souligné que le message du Président Felix-Antoine Tsisekedi Tshilombo est très clair à ce sujet: tous ces groupes armés nationaux doivent déposer les armes et rejoindre le processus PDDDR-CS.  Quant aux groupes armés étrangers, en plus de déposer les armes, ils doivent retourner dans leur pays.

Par ailleurs, du 22 au 24 septembre 2022, la cinquième Réunion des chefs des services de sécurité et de renseignement de la région des Grands Lacs s’est tenue à Kampala, a relaté le représentant en indiquant qu’elle a décidé de déployer à Goma/RDC, à partir du 5 novembre 2022, des membres de la cellule opérationnelle du Groupe de contact et de coordination, lequel aura la charge de l’élaboration et du suivi des mesures non militaires en complément aux opérations militaires en cours.  La cellule opérationnelle va aussi accompagner les efforts ciblant les groupes armés étrangers et leur rapatriement dans leur pays d’origine.  Selon le délégué, pour la réussite de ce volet non militaire, il est crucial que l’Envoyé spécial et le Conseil de sécurité participent encore plus proactivement aux côtés de la RDC dans les efforts de plaidoyer pour un financement conséquent de ce programme qui va contribuer à changer la donne dans la région des Grands Lacs.

Le représentant a rappelé que l’Accord-cadre d’Addis-Abeba prohibe la déstabilisation d’un pays membre de la région à partir d’un autre État.  Il a informé le Conseil du fait que la RDC, son Président et sa population défendront l’intégrité de leur territoire et ne lâcheront aucun centimètre carré de leur sol.  Il a de nouveau réitéré sa demande afin que le Conseil puisse exiger un retrait immédiat et sans conditions des troupes rwandaises et du M23 de la cité de Bunangana, à l’est de la RDC, et que le Conseil condamne fermement par voie de résolution le Rwanda pour son soutien au groupe armé M23.  De même, il a invité le Conseil à imposer des sanctions appropriées et plus sévères aux acteurs du M23 et au pays qui menacent la paix, la sécurité et la stabilité dans la région des Grands Lacs, tout en renforçant les sanctions contre les réseaux maffieux internes et externes qui exploitent illégalement les ressources naturelles de la RDC.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Quatrième Commission entame son débat sur les utilisations pacifiques de l’espace par un appel à mettre la technologie spatiale au service du développement

Soixante-dix-septième session,
14e séance plénière – matin
CPSD/760

La Quatrième Commission entame son débat sur les utilisations pacifiques de l’espace par un appel à mettre la technologie spatiale au service du développement

La Quatrième Commission, chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation, a entamé ce matin son débat général sur les utilisations pacifiques de l’espace, plusieurs délégations appelant à mettre la technologie spatiale au service du développement. 

Cette année marque le soixante-cinquième anniversaire du lancement dans l’espace de Spoutnik 1, premier satellite terrestre fabriqué par l’homme, et le cinquante-cinquième anniversaire de l’entrée en vigueur du Traité sur l’espace extra-atmosphérique, a rappelé d’emblée le Président du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, M.  Omran Sharaf, en présentant le rapport de la soixante-cinquième session du Comité.  Si ces jalons permettent de mesurer le chemin parcouru, notre dépendance à l’égard des infrastructures satellitaires atteint aujourd’hui un point « critique », caractérisé par l’essor constant des activités spatiales et la diversification des acteurs spatiaux, a-t-il noté. 

Toutefois, avec l’adoption par l’Assemblée générale, en 2021, du Programme « Espace 2030 », les États disposent désormais d’une stratégie « tournée vers l’avenir » et permettant de renforcer la contribution de ces activités et outils spatiaux à la réalisation des programmes mondiaux de développement, s’est félicité le Président du Comité.  Un avis partagé par de nombreuses délégations, dont la Suisse, qui a estimé que ce programme contribuera à renforcer le recours aux technologies spatiales au service du développement durable.  De même, la Plateforme sur l’espace et la santé mondiale, basée à Genève, permettra une plus grande collaboration entre les États Membres, les entités des Nations Unies et les parties prenantes dans le domaine de la santé mondiale. 

« Afin de préserver l’utilisation future des biens spatiaux, nous devons promouvoir la sécurité des opérations spatiales et la durabilité à long terme des activités spatiales », a déclaré à l’ouverture de la séance le Président de la Commission, M. Mohamed Al Hassan.  L’espace extra-atmosphérique est en effet un « patrimoine et une province communs à toute l’humanité », quel que soit le degré de développement économique ou scientifique des États, a renchéri l’Iran.  Pour que la recherche et le développement des sciences et des technologies spatiales continuent de jouer un rôle clef dans la réalisation des objectifs de développement durable sur Terre, les États les plus avancés doivent partager leurs connaissances et contribuer au renforcement des capacités et à l’assistance technique des pays en développement, a fait valoir son représentant. 

Malgré le Traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967, qui constitue la pierre angulaire du régime juridique international de l’espace, la nature changeante de l’espace extra-atmosphérique exige que la communauté internationale trouve des solutions communes aux défis émergents, a considéré l’Argentine, afin de veiller à ce que tous les pays puissent accéder à la technologie spatiale et à l’espace de manière sûre et durable.  Un cadre réglementaire international actualisé est donc nécessaire, selon la Colombie, afin que tous les États puissent accéder aux avantages de la technologie spatiale. 

À cet égard, le Comité constitue une plateforme unique pour l’élaboration du droit international de l’espace, de normes internationales et d’autres mesures de transparence et de confiance régissant les activités spatiales, a fait valoir l’Union européenne. 

Dans le contexte de l’agression militaire de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, l’Union européenne a par ailleurs indiqué ne plus être en mesure de soutenir le processus indiqué dans la résolution 76/76 de l’Assemblée générale en vue de l’affiliation aux Nations Unies d’un nouveau centre régional de formation aux sciences et aux technologies spatiales situé en Russie.  La délégation a invité les États Membres à reconsidérer leur position sur cette question et demandé au Bureau des affaires spatiales de s’abstenir d’initier tout projet de coopération avec la Fédération de Russie jusqu’à nouvel ordre.  De son côté, son homologue russe a mis en garde contre la politisation et l’unilatéralisme dans les discussions concernant l’utilisation pacifique de l’espace. 

Demain, jeudi 27 octobre 2022, à 10 heures, la Quatrième Commission poursuivra ses travaux avec la tenue d’une table ronde conjointe avec la Première Commission sur les risques éventuels pour la sécurité et la viabilité des activités spatiales. 

COOPÉRATION INTERNATIONALE TOUCHANT LES UTILISATIONS PACIFIQUES DE L’ESPACE

Déclaration liminaire

Le Président du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, M. OMRAN SHARAF (Émirats arabes unis), venu présenter le rapport de la soixante-cinquième session du Comité, s’est félicité des activités menées par le Bureau des affaires spatiales en tant que Secrétariat du Comité et de ses organes subsidiaires, qui ont notamment permis la mise en œuvre du Programme des Nations Unies pour les applications des techniques spatiales, du Programme des Nations Unies pour l’exploitation de l’information d’origine spatiale aux fins de la gestion des catastrophes et des interventions d’urgence et du Programme « Espace 2030 ».  Cette année marque le soixante-cinquième anniversaire du lancement dans l’espace du premier satellite terrestre fabriqué par l’homme, Spoutnik 1 et le cinquante-cinquième anniversaire de l’entrée en vigueur du Traité sur l’espace extra-atmosphérique, a-t-il noté, en ajoutant que de telles commémorations mettent en avant l’importance de la coopération internationale dans les utilisations pacifiques de l’espace et la contribution des activités spatiales au programme de développement mondial. 

La dépendance de notre monde à l’égard des systèmes spatiaux devient en effet critique, alors que les activités spatiales sont en plein essor et que les acteurs spatiaux se diversifient.  Selon lui, notre dépendance aux infrastructures satellitaires, aux capacités technologiques et aux applications spatiales, mises en évidence lors de la pandémie de COVID-19, doit nous encourager à renforcer la coopération internationale et l’utilisation des technologies spatiales pour le développement socioéconomique.  Avec le Programme « Espace 2030 », adopté l’an dernier par l’Assemblée générale, les États disposent désormais d’une stratégie tournée vers l’avenir pour renforcer la contribution des activités et des outils spatiaux à la réalisation des programmes mondiaux et à la prise en compte du développement durable. 

Parmi les réalisations du Comité et de ses organes subsidiaires, le Président a cité le Groupe de travail sur la viabilité à long terme des activités spatiales du Sous-Comité scientifique et technique et le Groupe de travail sur les aspects juridiques des activités relatives aux ressources spatiales du Sous-Comité juridique, qui ont convenu et adopté leurs méthodes et leurs plans de travail.  Le Groupe de travail sur l’espace et la santé mondiale a terminé son rapport sur ses travaux et a recommandé la création d’un réseau et d’une plateforme sur l’espace et la santé mondiale, en plus d’élaborer le texte du projet de résolution présenté cette année à la Commission.  Par ailleurs, le Groupe d’experts sur la météorologie spatiale a présenté son rapport final. 

Nous devons maintenant poursuivre nos efforts pour renforcer le rôle du Comité en tant que forum multilatéral unique pour favoriser le dialogue et la coopération, a noté M. Sharaf.  De même, le renforcement des partenariats entre les États et les parties prenantes, la promotion du dialogue entre nations spatiales et nations spatiales émergentes, et la participation accrue de tous les pays aux activités spatiales constituent un travail crucial dans notre entreprise spatiale collective pour l’humanité, a conclu le Président du Comité. 

Déclarations

Au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), M. FABIÁN ODDONE (Argentine) a réclamé une utilisation universelle de l’espace extra-atmosphérique au profit et dans l’intérêt de tous les pays et de l’humanité tout entière.  L’activité spatiale ne peut se faire de manière unilatérale et nécessite la coopération internationale, a-t-il insisté, avant de dire que la coopération spatiale constitue l’un des axes de travail de la présidence pro tempore de la CELAC.  Au 18 septembre 2021, l’Accord constitutif de l’Agence spatiale latino-américaine et caribéenne, compte déjà 20 États signataires, s’est félicité le représentant.  Cet instrument entrera en vigueur une fois les 11 ratifications atteintes, a-t-il précisé.  L’Agence permettra le renforcement des capacités régionales en matière spatiale, entre autres, par la promotion et le renforcement des liens entre les États Membres, le développement des activités scientifiques et l’échange d’informations et de pratiques optimales, la promotion de la coopération en matière de transfert de technologies, l’utilisation des infrastructures spatiales et terrestres et le développement de sa propre technologie satellitaire.  Le représentant, qui a réaffirmé l’importance de l’utilisation équitable de l’espace extra-atmosphérique, a aussi souligné la nécessité de respecter le droit international dans toutes les activités spatiales.  Pour les pays en développement, il ne s’agit pas seulement d’une question de développement technologique mais d’un besoin de développement durable. 

Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), M. ARRMANATHA CHRISTIAWAN NASIR (Indonésie) s’est dit persuadé que l’espace extra-atmosphérique doit uniquement être utilisé à des fins pacifiques, pour le développement scientifique et économique, en respectant le principe de non-appropriation dudit espace.  Persuadé que l’accès aux technologies spatiales doit bénéficier à tous les pays, l’Association préconise de renforcer les capacités des États spatiaux émergents et coopère de son côté via son propre centre spatial avec tous les partenaires pertinents.  L’ASEAN a également lancé un appel pour une mise en œuvre immédiate des orientations du Comité s’agissant notamment de la problématique des débris spatiaux.  L’ASEAN accorde beaucoup d’importance à la réduction des risques de catastrophes.  À ce titre, elle a appelé à renforcer la réponse et la coordination, y compris par l’utilisation de technologies spatiales, pour développer les systèmes d’alertes précoces et sauver davantage de vies. 

M. PATRICK CHATARD MOULIN, de l’Union européenne, a condamné dans les termes les plus vifs de l’agression militaire non provoquée et injustifiée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, qui viole le droit international et sape la sécurité et la stabilité européennes et mondiales.  Dans le contexte de cette agression, l’Union européenne ne peut plus soutenir le processus indiqué dans la résolution 76/76 de l’Assemblée générale en vue de l’affiliation aux Nations Unies d’un nouveau Centre régional de formation aux sciences et aux technologies spatiales en Fédération de Russie.  Le représentant a donc invité tous les États Membres de l’ONU à reconsidérer leur position et demandé au Bureau des affaires spatiales de s’abstenir d’initier tout projet de coopération avec la Fédération de Russie dans le contexte actuel. 

Le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS) et ses sous-comités constituent des plateformes internationales uniques pour la coopération internationale dans le domaine des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, a fait valoir le représentant, notamment en ce qui concerne l’élaboration du droit international de l’espace, des normes internationales et d’autres mesures de transparence et de confiance régissant les activités spatiales.  L’Union européenne continue en outre de promouvoir un environnement spatial sûr et durable, en soulignant l’importance de la transparence et des mesures de confiance, et s’affaire à mettre en œuvre les Lignes directrices aux fins de la viabilité à long terme des activités spatiales.  Dans le cadre de son programme spatial, l’Union européenne assure un service de surveillance et de suivi de l’espace et fournit des services opérationnels à une communauté croissante d’utilisateurs, notamment des services d’évitement des collisions pour 300 satellites, a-t-il noté.  Une approche concrète pour la gestion du trafic spatial a été convenue afin d’ouvrir la voie à une éventuelle approche multilatérale de la gestion du trafic spatial dans le cadre de l’ONU. 

Selon le représentant, l’accord sur le Programme « Espace 2030 » en 2021 est une nouvelle preuve que le multilatéralisme dans le secteur spatial produit des résultats.  L’Agence de l’Union européenne pour le programme spatial (EUSPA) et le Bureau des affaires spatiales ont signé un protocole d’accord en mars de cette année en vue de faire progresser la coopération de longue date entre les parties.  Un rapport sur la manière dont les systèmes de navigation par satellite, tels que Galileo, et les technologies d’observation de la Terre peuvent soutenir activement la transition vers un monde de huit milliards d’habitants sera publié d’ici la fin de 2022, a précisé le délégué. 

M. ANTONIO MANUEL REVILLA LAGDAMEO (Philippines) a insisté sur le fait que l’espace extra-atmosphérique est un bien commun de l’humanité.  Les activités qui y sont menées ne doivent pas relever d’un petit nombre d’États mais être ouvertes à tous les pays, a affirmé le représentant, en dénonçant le principe du « premier arrivé, premier servi » dans l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique.  Aux Philippines, le Gouvernement a créé une Agence spatiale et un cadre gérant les activités spatiales qui se focalisent notamment sur la sécurité, le développement national, la gestion du climat, la recherche, l’éducation, la sensibilisation et la coopération internationale.  Le Président des Philippines a également créé le Conseil spatial national, et le pays est intéressé par la construction de satellites et la coopération régionale, notamment avec le Japon.  Le représentant a réitéré l’importance de renforcer le rôle du COPUOS dans le développement des capacités spatiales, l’échange scientifique et pour combler les lacunes entre pays.  Il a plaidé pour des mesures de renforcement de la confiance dans l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique. 

Selon Mme AL SENANI (Oman), l’espace extra-atmosphérique est riche de potentiel pour réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030, que ce soit pour le suivi des changements climatiques, la gestion et la réponse aux catastrophes, les technologies de l’information et des communications (TIC), et bien d’autres secteurs.  C’est pourquoi il faut se donner les moyens de réguler cet espace pour qu’il soit utilisé à des fins uniquement pacifiques.  Il s’agit aussi de renforcer la coopération, afin que les pays en développement puissent eux aussi réaliser les objectifs de développement durable.  Un Centre spatial a été créé à Oman pour, entre autres, permettre des simulations pour les futurs spationautes.  Oman est convaincu que l’espace extra-atmosphérique est riche en valeur ajoutée pour les économies nationales, et riche de promesses pour les générations futures, a indiqué sa représentante.  C’est pourquoi elle a réitéré que son pays était ouvert à des investissements et à des « partenariats pratiques et tangibles » dans ce domaine. 

M. VAHID GHELICH (Iran) a réaffirmé le principe universellement admis selon lequel l’espace extra-atmosphérique est un « patrimoine et une province communs à toute l’humanité », quel que soit le degré de développement économique ou scientifique des États.  Il doit donc être utilisé exclusivement à des fins pacifiques, dans l’intérêt des générations présentes et futures et conformément au droit international, et dans le plein respect du principe de non-appropriation de toute partie de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes.  Nous devons donc conserver une approche multilatérale à cet égard, en nous abstenant d’adopter des mesures coercitives unilatérales à l’encontre des pays en développement, a fait valoir le représentant, pour qui l’accès aux sciences et aux technologies spatiales et leurs applications devrait être offert à tous les États sans discrimination.  À cette fin, les États les plus avancés doivent partager leurs connaissances et contribuer au renforcement des capacités et à l’assistance technique des pays en développement.  La recherche et le développement dans les sciences et technologies spatiales jouent un rôle clef dans la réalisation du développement durable sur Terre ainsi que dans la protection de l’environnement spatial, a-t-il relevé.  M. Ghelich a exprimé son appui en faveur d’un instrument juridiquement contraignant destiné à prévenir une course aux armements, la militarisation et le placement d’armes dans l’espace.  À ses yeux, les États qui créent des débris spatiaux ont la responsabilité exclusive de leur élimination. 

M. FRANCISCO JAVIER GUTIÉRREZ PLATA (Colombie) a insisté pour que les délibérations sur les normes et principes du Traité de 1967 et des accords ultérieurs sur les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, de la Lune et des activités spatiales, dans le contexte géopolitique actuel, soient menées au niveau multilatéral et dans le cadre du Comité, qui constitue, selon lui, le forum approprié.  Afin de faire face aux risques posés par les activités du secteur privé et l’extraction des ressources spatiales naturelles, nous devons mettre en place un cadre multilatéral inclusif qui reconnaisse et prenne en compte l’intérêt de tous les États.  À cet égard, le représentant a réaffirmé la nécessité d’adopter des mesures permettant d’assurer la viabilité à long terme des activités spatiales et d’éviter une éventuelle course aux armements.  Alors que la technologie spatiale a contribué à transformer le mode de vie de l’humanité grâce à ses applications dans les domaines de la gestion de l’information, des communications, de la navigation et de la recherche scientifique, il a estimé que ces avancées technologiques pourraient affecter la sécurité nationale et mondiale.  Un cadre réglementaire international actualisé est ainsi nécessaire afin que tous les États puissent accéder aux avantages de la technologie spatiale, a estimé le délégué. 

M. SONG KIM (République populaire démocratique de Corée) a dénoncé le fait qu’au XXe siècle, les activités extra-atmosphériques restent l’apanage d’un petit nombre de pays.  Il a exhorté la communauté internationale à s’opposer à la monopolisation et la commercialisation des technologies spatiales.  Le représentant a présenté comme une menace la militarisation de l’espace extra-atmosphérique par les États-Unis, exhortant à renforcer la coopération internationale pour éviter la course aux armements dans l’espace.  LA RPDC est fière d’avoir lancé des satellites, a ajouté le délégué, qui a, à nouveau, dénoncé les États-Unis qu’il a accusés d’empêcher son pays de développer sa propre industrie spatiale en imposant des sanctions unilatérales et en restreignant la coopération internationale.  Mais cela n’arrêtera pas les avancées de la RPDC, a assuré le représentant, en brandissant le droit de son pays d’explorer et d’utiliser l’espace extra-atmosphérique. 

Selon M. NAEEM SABIR KHAN (Pakistan), l’espace extra-atmosphérique doit être utilisé à des fins pacifiques.  Le Programme spatial pakistanais permet au pays de développer son économie, de renforcer ses capacités en matière de réduction des risques et de navigation par satellite, et dans bien d’autres secteurs. 

La politique spatiale pakistanaise insiste beaucoup sur la coopération internationale, a indiqué le représentant, qui a précisé que l’Agence spatiale nationale a procédé à différentes missions de recherche spatiale.  En mars 2022, une réunion à Islamabad a ainsi rassemblé 13 organisations spatiales nationales, dont celles de l’Iran, du Bangladesh, de la Türkiye et de la Jordanie.  Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et notre programme commun reconnaissent tous deux l’importance de l’espace extra-atmosphérique pour l’action climatique entre autres, mais cet espace ne pourra devenir un vrai moteur du développement durable sans combler le fossé technologique entre les nations, a souligné le délégué.  Il faut selon lui développer davantage la coopération, le transfert des technologies et des capacités pour les pays en développement, afin de leur permettre de jouir de leurs droits.  Le représentant a enfin qualifié le principe de responsabilité relative aux débris spatiaux de « responsabilité commune mais différenciée ». 

Pour Mme ARCHINARD (Suisse), alors que la multiplication des acteurs et des activités dans l’espace permet un accès plus large aux technologies satellitaires, la coopération internationale et le dialogue multilatéral sont d’autant plus importants.  Elle s’est félicitée de l’adoption, en 2021, du Programme « Espace 2030 » par l’Assemblée générale, en estimant qu’il contribue à renforcer l’utilisation des technologies spatiales au service du développement durable.  La Suisse appuie en outre la création de la Plateforme sur l’espace et la santé mondiale, basée à Genève, en collaboration avec le Bureau des affaires spatiales et l’Organisation mondiale de la Santé.  Alors que le nombre de satellites opérationnels en orbite a plus que doublé depuis cinq ans, la déléguée a salué les travaux du Comité sur la viabilité à long terme des activités spatiales, y compris l’adoption de ses 21 lignes directrices.  Dans le contexte d’un retour prochain sur la Lune, elle a salué le travail du Comité en vue de développer une compréhension commune des aspects juridiques de l’espace, en tenant compte des aspects scientifiques et techniques ainsi que des intérêts de l’ensemble des parties prenantes, y compris le secteur privé.  Elle a toutefois partagé les inquiétudes de l’Union internationale de l’astronomie et de plusieurs États concernant l’impact des grandes constellations sur les observations astronomiques depuis la Terre. 

Mme DIYANA SHAISTA TAYOB (Afrique du Sud) a rappelé que son pays est une nation « émergente » dans le domaine de l’espace extra-atmosphérique.  Elle a ensuite insisté sur l’importance de respecter le droit international dans l’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique.  Après avoir mis en exergue la place du continent dans ce domaine, la représentante est revenue sur le Programme spatial sud-africain, notamment le lancement de satellites pour soutenir l’industrie maritime et la gestion des catastrophes et la réaction d’urgence.  Ce programme aidera à l’élaboration de données nécessaires à la prévention des catastrophes et au développement socioéconomique.  Le programme spatial se focalise aussi sur le renforcement des capacités nationales en axant le travail sur la viabilité des activités spatiales.  La représentante a exhorté à combler les lacunes entre pays développés et en développement dans le secteur spatial.  Le Gouvernement a élaboré une loi pour l’utilisation des technologies spatiales, a indiqué la représentante, en soulignant à nouveau l’importance de la gouvernance mondiale et de la coopération internationale dans le domaine de l’espace extra-atmosphérique. 

Selon Mme THARARUT HANLUMYUANG (Thaïlande) l’espace, objet de fascination et de motivation pour toute l’humanité, est un bien commun.  C’est pourquoi l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique doit se faire à des fins pacifiques, dans le respect du droit international et de la non-appropriation.  La Thaïlande a grandement bénéficié de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique pour cartographier son territoire, faire le suivi des cultures du riz pendant la saison de croissance, afin d’améliorer la sécurité alimentaire du pays.  Ce savoir-faire est partagé avec les pays voisins dans un exemple de coopération Sud-Sud, s’est enorgueilli le délégué, pour qui l’espace extra-atmosphérique est aussi utilisé pour promouvoir le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030).  En fait, la géolocalisation pourrait doper la réalisation de nombreux objectifs de développement durable, a estimé l’oratrice.  Face au très grand nombre de satellites, chacun doit faire sa part pour mieux gérer l’espace et atténuer les effets délétères des débris spatiaux, a-t-elle ajouté.  Enfin, le renforcement des capacités est essentiel pour que l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique bénéficie à tous les peuples, a insisté la représentante. 

Pour M. MAXIMILIANO JAVIER ALVAREZ (Argentine), alors que le Traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967 constitue la pierre angulaire du régime juridique international de l’espace, la nature évolutive de l’espace extra-atmosphérique exige que la communauté internationale trouve des solutions communes aux défis émergents.  À cet égard, l’Argentine travaille activement dans le domaine du droit de l’espace, en veillant à ce que tous les pays puissent accéder à la technologie spatiale et à l’espace de manière sûre et durable, a indiqué le représentant.  Afin d’éviter que l’espace ne devienne une zone de conflit armé, l’Argentine appuie la négociation, dans le cadre de la Conférence du désarmement, d’un traité juridiquement contraignant sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace, a-t-il expliqué.  Elle développe en outre un programme spatial à des fins pacifiques, qui comprend le développement local de satellites et de lanceurs de satellites.  Le délégué s’est par ailleurs félicité que le Comité ait soutenu l’inscription de la question de l’espace et de la santé mondiale à l’ordre du jour du Sous-Comité scientifique et technique à partir de 2023.  L’Argentine, par l’intermédiaire de l’Institut Mario Gulich d’études spatiales avancées, possède une vaste expérience dans les domaines de la télémédecine et de l’épidémiologie paysagère, ainsi que de la formation universitaire, a-t-il relevé.  Elle développe notamment un programme de coopération avec l’Agence spatiale européenne, appelé Tempus pro-Antarctica, qui vise à tester des équipements de télémédecine, a précisé le délégué en conclusion. 

M. YUTA KUSANO (Japon) a déclaré qu’il est essentiel que chaque pays mène les activités spatiales conformément aux normes internationales existantes.  À cet égard, les activités spatiales doivent passer par l’élaboration d’un cadre de gouvernance mondial avec pour principes le respect de l’état de droit dans l’espace et la coopération internationale spatiale pour le bien de tous, a-t-il estimé.  Le Japon a pour sa part contribué à la création de plusieurs modules de la Station spatiale internationale (ISS) et permis à de nombreux États l’accès aux technologies spatiales y compris le Programme Artemis, a rappelé le délégué.  Le Japon a aussi signé un mémorandum d’accord sur la coopération spatiale avec la NASA.  En mai 2022, les deux parties ont convenu de l’inclusion d’astronautes japonais dans une des prochaines missions de la NASA.  En 2024, le Japon prévoit le lancement d’une mission d’exploration et d’études scientifiques, a annoncé le représentant, insistant de nouveau sur le respect de l’état de droit dans l’espace atmosphérique et la réglementation. 

M. KOLESNIKOV (Fédération de Russie) s’est dit favorable au développement pacifique de l’espace extra-atmosphérique sur une base égale et non discriminatoire, ainsi qu’au renforcement du rôle du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS), dont le rôle, unique, est fondé sur la participation égale de tous ses membres aux discussions et aux décisions, sur la base du consensus.  Il a aussi jugé important d’éviter la politisation des discussions sur l’utilisation pacifique de l’espace ainsi que les tentatives, sous quelque prétexte que ce soit, « d’imposer des ambitions individuelles ou de groupe » pour résoudre les problèmes liés aux activités spatiales.  Il s’est dit opposé à l’unilatéralisme sur ces questions.  Le délégué russe a par ailleurs appelé à éviter de faire doublon avec le COPUOS sur des plateformes parallèles, ce qui serait contre-productif. 

Mme HONG NHAT NGUYEN (Viet Nam) a insisté sur l’importance des efforts multilatéraux afin de garantir la paix, la sécurité et le développement dans le cadre de l’exploration et de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique.  L’utilisation pacifique de l’espace doit également se faire conformément au droit international et aux lignes directrices concernant l’espace extra-atmosphérique, peu importe le niveau de développement des pays, a précisé la représentante.  Des applications utiles sur les plans économique et social continuent d’être développées et devraient contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable.  Elle a mis en garde contre une course aux armements et le positionnement d’armes dans l’espace.  Pour sa part, le Viet Nam a adopté l’an dernier un plan de développement de technologies spatiales d’ici à 2030 et joue un rôle actif dans ce domaine au niveau régional, a indiqué la représentante. 

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