La Sixième Commission examine le projet de principes de la CDI sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés
La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a repris aujourd’hui ses discussions, entamées hier, sur le premier groupe de chapitres du rapport de la Commission du droit international (CDI). Les délégations se sont principalement concentrées sur le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) et sur le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.
La question de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés est « cruciale » compte tenu de la gravité des problèmes environnementaux mondiaux, tels que les changements climatiques et la perte de biodiversité, a déclaré la représentante du Pérou. La Micronésie a abondé en ce sens, citant en exemple les nombreuses épaves datant de la Seconde Guerre mondiale qui jonchent ses eaux et menacent les milieux naturels fragiles. La plupart des représentants ont salué le travail de la CDI en la matière, le Portugal estimant qu’elle avait trouvé un « équilibre louable » entre les préoccupations militaires, humanitaires et environnementales.
Le Royaume-Uni a néanmoins rappelé que le projet de principes n’a pas vocation à modifier ou à créer de nouvelles règles du droit international humanitaire. Dans le même sens, certaines délégations, à l’instar de la République de Corée et Israël, se sont inquiétées que le projet mélange des règles de lex lata et de lex ferenda. Il convient de « ne pas flouter les frontières entre des régimes juridiques distincts », a dit la déléguée israélienne. L’Espagne a, pour sa part, constaté l’« intensité normative variable » des principes, regrettant un manque de clarté sur ce point.
Le projet constitue « un outil puissant afin de protéger des zones d’importance environnementale », a loué la déléguée suisse, rejoignant sur ce point son homologue péruvien. La Sierra Leone a pris note de l’utilisation d’instruments normatifs africains, notamment la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala). Avec l’Afrique du Sud, qui a rappelé la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, la Sierra Leone a estimé que les principes auraient dû être étendus à d’autres acteurs. Sur ce point, Chypre a noté qu’en raison de la nature transfrontalière des problèmes environnementaux, il peut être difficile de se limiter aux parties à un conflit.
La Micronésie a souligné l’importance de considérer plusieurs phases temporelles — avant, pendant et après le conflit armé. Au contraire, le Cameroun a noté que ces périodes avant et après le conflit ne sont pas régies par le droit international humanitaire, mais par le régime commun du droit international de l’environnement. Le représentant russe a, pour sa part, estimé que le projet de la CDI élargit de façon excessive le champ d’application de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. D’après lui, ces questions sont suffisamment prises en compte par le droit existant, y compris le droit international humanitaire.
Par ailleurs, certaines difficultés liées au projet de conclusions relatif aux normes impératives du droit international, déjà soulevées hier par d’autres délégations, ont refait surface aujourd’hui. C’est notamment le cas de la liste non exhaustive des normes impératives annexée au projet. Certains États s’en sont félicités, comme le Pérou, la Thaïlande ou le Portugal, qui a même estimé que « la CDI aurait pu se montrer plus ambitieuse en incluant par exemple l’obligation de protection de l’environnement ». D’autres intervenants ont en revanche fait part de positions plus contrastées. L’Irlande s’est ainsi inquiétée qu’une telle liste puisse être « interprétée à tort comme exhaustive ». Le Cameroun, le Viet Nam, l’Espagne, le Royaume-Uni ou encore la Russie ont exprimé leurs réserves quant à l’inclusion d’une telle liste dans le projet.
La Russie, le Cameroun et Israël ont en outre fait part de leurs préoccupations sur la question des obligations erga omnes. La Russie a estimé que, sur ce point, la CDI a outrepassé son mandat tandis qu’Israël a souligné une tendance à confondre les termes erga omnes et jus cogens. Le Chili a, de son côté, plaidé pour une meilleure définition de l’expression « valeurs fondamentales de la communauté internationale ».
Les aspects relatifs aux fondements des normes de jus cogens ou encore à leurs effets, notamment sur les actes des organisations internationales, ont également fait l’objet d’échanges de vues. Ainsi l’Afrique du Sud s’est-elle félicitée de l’assujettissement des résolutions du Conseil de sécurité aux normes impératives tandis que le Royaume-Uni, le Maroc et la Russie ont noté l’absence de pratique sur ce point.
Le débat de la Sixième Commission sur ce point à l’ordre du jour reprendra demain, jeudi 27 octobre, à partir de 15 heures.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-TREIZIÈME SESSION - A/77/10
Suite du débat général sur le module 1: chapitres introductifs I à III, chapitre X (Autres décisions et conclusions de la Commission), chapitre IV (Normes impératives du droit international général (jus cogens) et chapitre V Protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés)
M. SERGIO AMARAL ALVES DE CARVALHO (Portugal) s’est félicité de l’inclusion de la prévention et répression de la piraterie et du vol à main armée en mer dans le programme de travail de la CDI. Il a souligné l’immense apport des Nations Unies à la codification du droit international, avant de noter que cette codification connaît un certain déclin. Si les produits de la CDI ont différents formats, dans certains cas la CDI recommande l’adoption d’une convention sur la base d’un projet d’articles. Cependant, a regretté le délégué, la Commission ne prend pas de décision en donnant la priorité au consensus, même si seul un petit nombre d’États s’y oppose. Si le consensus doit toujours être recherché, le consensus est un objectif, non pas un dogme, a-t-il tranché. « Le consensus oblige à négocier de bonne foi mais il ne doit pas être usé comme un droit de veto. » Si cette question n’est pas traitée, a-t-il averti, l’apport de la CDI et de la Sixième Commission sera gravement affaibli, dans un contexte où le besoin de davantage de droit est nécessaire pour réguler les relations internationales.
Le délégué a salué le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens). Il s’est félicité que le jus cogens régional ait été omis de ce projet. S’il a salué la liste non exhaustive de telles normes, il a déclaré que « la CDI aurait pu se montrer plus ambitieuse en incluant par exemple l’obligation de protection de l’environnement. » Il a salué le travail accompli et espéré que l’Assemblée sera prête à prendre note de ce projet de conclusions et de son annexe.
Le délégué a ensuite évoqué le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Il s’est dit en faveur d’un droit humain à l’environnement, lequel est lié à la jouissance d’autres droits humains. Le Portugal reconnaît qu’une protection absolue de l’environnement n’est pas possible, a dit le délégué, en insistant sur la nécessité d’une protection conditionnelle pour trouver un équilibre entre préoccupations militaires, humanitaires et environnementales. « Nous pensons qu’un équilibre louable a été atteint. » En conclusion, le délégué a espéré que l’Assemblée prendra note dudit projet et le recommandera à l’attention des États et des organisations internationales.
M. MIK (Pologne) a estimé que les normes impératives du droit international général (jus cogens) sont d’une importance fondamentale pour l’ordre juridique international. « Parce que nous avons été les témoins directs de violations graves et continues en Europe de l’Est depuis 2014 d’une obligation découlant des normes impératives du droit international général, nous étions et sommes toujours d’avis que des normes plus détaillées à cet égard doivent être élaborées. » Le délégué a regretté que les conclusions de la CDI se contentent de reproduire les dispositions pertinentes des articles de la CDI de 2001 sur la responsabilité des États, sans autre précision. Malheureusement, a-t-il également estimé, la Commission a manqué l’occasion d’expliquer comment l’obligation d’un État devrait être mise en œuvre, notamment en ce qui concerne son comportement au sein des organisations internationales. Le délégué a ajouté que les règles coutumières contenues dans le projet de conclusion 19 (Conséquences particulières des violations graves des normes impératives du droit international général) sont encore très larges. Malgré cela, il est clair que le fait de fournir des armes à un État qui viole l’interdiction d’agression contrevient à l’obligation internationale coutumière décrite dans cette conclusion, a-t-il déclaré, saluant la mention dans le commentaire des pratiques actuelles des États, y compris l’agression russe en Ukraine.
Par ailleurs, concernant les méthodes de travail de la Commission, le délégué a jugé nécessaire de donner des indications plus claires sur les progrès réalisés. Une analyse attentive des travaux de la Commission indique qu’une règle ou une norme peut passer par plusieurs phases quasi-législatives qui ne sont pas toujours clairement discernables, a-t-il fait remarquer, notant que pour un même sujet, il est courant que différentes dispositions se trouvent à des stades différents du processus. Ainsi a-t-il proposé d’insérer dans le rapport un tableau pour chaque sujet, donnant une image globale de leur état d’avancement.
M. SMYTH (Irlande), saluant le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), a relevé que peu de modifications ont été apportées au projet depuis son adoption préliminaire. Il n’est pas clair pour sa délégation si le terme « la communauté internationale des États dans son ensemble » qui apparaît dans la conclusion 2 et le terme « la communauté internationale » dans la conclusion 3 sont synonymes. Si oui, pourquoi ne pas homogénéiser la terminologie, et si non, quelle est la différence? Plus important encore, a-t-il continué, nous avons du mal à comprendre le concept de modification d’une norme impérative lorsque cette norme est une norme à laquelle, par définition, aucune dérogation n’est possible. Il est difficile de voir comment une norme impérative peut être modifiée étant donné qu’une telle modification entraînerait nécessairement une dérogation à la norme originale, a-t-il estimé. En outre, il s’est également demandé si, comme indiqué dans la conclusion 6 (Acceptation et reconnaissance), les traités et principes généraux du droit servent effectivement de base aux normes impératives. Pour la délégation, un traité doit avoir codifié le droit coutumier préexistant qui est la base authentique des normes impératives. Par ailleurs, le délégué s’est félicité de la clarté avec laquelle les conclusions exposent, dans la conclusion 19, les conséquences particulières des violations graves du jus cogens. Il a ensuite rappelé ses réserves à l’égard de la liste non exhaustive, qui risque d’être « interprétée à tort comme exhaustive ».
Sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, le délégué a jugé que les projets de principes et les commentaires constituent une contribution précieuse à la compréhension de la manière dont le droit international humanitaire et d’autres domaines du droit international s’appliquent dans ce contexte. Au sujet des projets de principes applicables en dehors des situations de conflit armé et d’occupation, exprimés en tant que règles contraignantes du droit international, il a estimé que les commentaires sur les projets de principes 7 (Opérations de paix) et 26 (Restes de guerre) ne démontrent pas de manière adéquate les bases juridiques de ces textes en tant que règles contraignantes. La délégation a également exprimé des réserves sur le projet de principe 5 (Protection de l’environnement des peuples autochtones) indiquant qu’elle examinerait plus amplement les autres projets de principe à caractère de recommandation.
M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone) a estimé que les travaux de la Commission constituent une évolution majeure pour le droit international. Il a salué l’adoption du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), un « développement important » mené à bien, a-t-il souligné, sous l’égide d’un juriste africain. Le délégué a notamment apprécié le compromis atteint sur la conclusion 2 (Nature des normes impératives du droit international général). Lesdites normes, a-t-il reconnu, reflètent et protègent les valeurs fondamentales de la communauté internationale; elles sont universellement applicables et supérieures aux autres règles du droit international.
Sur la question de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, il a pris note de l’utilisation d’instruments normatifs africains, notamment la Convention de l’Union africaine de 2009 pour la protection et l’assistance des personnes déplacées en Afrique (la Convention de Kampala). À propos du projet de principe 9 (Responsabilité des États), le représentant a estimé qu’il aurait été utile que la CDI se prononce sur les règles relatives à la responsabilité des groupes armés non étatiques, au vu de leur importance. À propos du projet de principe 13 (Protection générale de l’environnement pendant un conflit armé), il a dit que ne pas ajouter des principes traitant de l’environnement dans les conflits armés hypothéquerait l’interdiction existante.
Le représentant a évoqué la question d’une représentation géographique équitable dans les travaux de la CDI pour relever que seul un membre africain était rapporteur spécial, et un autre coprésident d’un groupe d’étude. Il a appelé la Commission à envisager une approche équilibrée. Il a également regretté que le sujet de la juridiction pénale universelle reste dans le programme à long terme de la Commission malgré le large soutien exprimé par les États Membres pour qu’il soit ajouté au programme actuel. Il en est de même pour le sujet de la juridiction extraterritoriale.
M. ANDRÉS NAPURÍ PITA (Pérou) a plaidé pour un renforcement des liens entre la Sixième Commission et la CDI en vue d’une codification accrue du droit international. Il a salué le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens). Il a souligné la prééminence de ces normes sur les autres règles du droit international comme le rappelle la conclusion 2 (Nature des normes impératives du droit international général). Il n’est pas nécessaire que ces normes soient reconnues par l’ensemble des États, mais par une majorité large et représentative des États, a déclaré le délégué, en commentant la conclusion 7 (Communauté internationale des États dans son ensemble). Il a salué l’inclusion en annexe d’une liste non exhaustive des normes.
Le délégué a salué le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. « Cette question est cruciale compte tenu de la gravité des problèmes environnementaux mondiaux, tels que les changements climatiques et la perte de biodiversité, et du fait que les conflits armés peuvent exacerber ces problèmes. » Il a notamment souligné l’importance des principes 13 et 18 relatifs à la protection générale de l’environnement pendant un conflit armé et aux zones protégées, en considérant à l’intérieur de celles-ci les zones d’importance environnementale désignées par accord et les zones d’importance culturelle. En conclusion, il a redit combien il est nécessaire de préserver le multilinguisme dans les travaux de la CDI.
Mme RATHE (Suisse) s’est réjouie de l’adoption du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général, en particulier le projet de conclusion 23 et la liste non exhaustive de normes de jus cogens dans l’annexe. La Suisse a développé dans sa pratique une compréhension plus large de ce qui constitue le noyau dur du jus cogens que celle ressortant de la liste indicative, a-t-elle précisé. Elle a donc salué le fait que cette liste est « sans préjudice de l’existence ou de l’émergence ultérieure d’autres normes de jus cogens ». Cependant, la représentante a regretté l’incohérence qui subsiste entre la version française qui évoque « les règles fondamentales du droit international humanitaire » et la version anglaise qui utilise l’expression « the basic rules of international humanitarian law », préférant la formulation « the fundamental rules ».
La représentante s’est dite certaine que le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés et les commentaires y relatifs seront d’une grande utilité pour tous les acteurs concernés. En particulier, « la Suisse souligne l’importance de mieux protéger l’environnement dans les conflits armés contemporains ». La représentante s’est félicitée de la clarification apportée au sujet du champ d’application temporel et elle a salué le projet de principe sur les zones protégées, lesquelles peuvent constituer « un outil puissant afin de protéger des zones d’importance environnementale ». Pour conclure, elle a noté avec satisfaction l’inscription au programme de travail du sujet intitulé « Les accords internationaux juridiquement non contraignants ». Elle a estimé que la discussion sur la manière de traiter ces instruments de droit souple est importante, tant du point de vue de l’état de droit que de la démocratie.
M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a suggéré que les 23 projets de conclusions et l’annexe deviennent un guide méthodologique pour identifier l’émergence de normes impératives du droit international général et leurs conséquences juridiques. Il a exprimé ses réserves sur le principe d’une liste non exhaustive des normes de jus cogens. Il a également attiré l’attention sur la relation entre les normes erga omnes et les normes de jus cogens, appelant sur ce point à faire preuve de prudence. Il a soutenu le projet de conclusion 16 sur l’absence d’effet contraignant d’un acte d’une organisation internationale contraire au jus cogens afin que ces actes puissent « demeurer en phase avec les normes qui protègent l’humanité ». Le représentant a également jugé « douteuse » la mise en œuvre de l’obligation de coopérer du projet de conclusion 19. Il s’est également interrogé sur la cohérence entre les conclusions 5 et 19, notant qu’il n’est pas possible d’invoquer un conflit entre la coutume et le jus cogens si le premier est le fondement du second.
Le représentant a relevé que les conflits armés sont source de catastrophes majeures pour l’environnement et a salué le travail de la CDI en la matière. Il s’est dit perplexe face à l’extension du projet de principes avant et après le conflit armé, là où s’applique le régime commun du droit de l’environnement. Une précision s’impose quant au calendrier des mesures à prendre, a-t-il également indiqué, appelant à « tenir compte des contingences qu’impose la guerre ». Il a plaidé pour renforcer la protection de la relation particulière entre les peuples autochtones et leur environnement, reconnue et protégée par différents instruments internationaux. Il a en outre proposé de refondre en un seul principe les principes 6 et 7 et de joindre les principes 10 et 16. Le délégué a exprimé sa réserve quant à l’adjonction de la clause Martens au principe 12, craignant la généralité et le caractère globalisant de cet énoncé.
Le représentant a abordé le régime juridique des accords internationaux juridiquement non contraignants, préférant la qualification « actes juridiques internationaux concertés non conventionnels ». Il a noté l’abondance de la pratique contemporaine et appelé à une vision globale de leurs effets juridiques. « Le fondement du caractère obligatoire de ces accords réside à l’instar de tout autre engagement, quelle que soit sa forme, sur la bona fides », a-t-il estimé. Il a, en ce sens, proposé des critères permettant d’identifier la volonté normatrice de l’État.
M. MINHVU NGUYEN (Viet Nam) a réitéré ses préoccupations quant à l’annexe au projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), qui contient une liste non exhaustive des normes impératives. Il a estimé que la CDI a pour mandat d’élaborer des critères permettant d’identifier de telles normes et non d’en dresser la liste. Les principes codifiés par la Charte des Nations Unies et la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies devraient du reste être inclus dans la liste, a-t-il estimé. Le délégué a indiqué que le projet de conclusion 2 (Nature des normes impératives du droit international général) ne doit pas avoir pour effet d’ajouter des critères en sus des critères du projet de conclusion 4 (Critères pour la détermination d’une norme impérative du droit international général). Il a en outre souhaité que le concept « dans son ensemble » constitue une « majorité large et représentative ». Si le point de vue des acteurs non étatiques peut contribuer à la détermination de l’acceptation et de la reconnaissance des normes impératives, le représentant a rappelé que c’est bien « la reconnaissance et l’acceptation des États qui devraient être considérées comme pertinentes ».
Par ailleurs, le délégué s’est dit conscient des conséquences à long terme de conflits sur l’environnement, soulignant que ce sujet constitue « une question centrale ». Toute entité responsable de dégâts environnementaux doit garantir les réparations, retirer les restes de guerre, fournir une assistance et dédommager les victimes, a-t-il estimé.
Mme MATHU JOYINI (Afrique du Sud) a exprimé le soutien de l’Afrique du Sud au projet de conclusions dans le cadre du chapitre IV. La description de la nature distincte des normes sera selon elle un outil utile pour mieux comprendre les normes impératives du droit international général, ce que font les tribunaux sud-africains. En revanche, elle a estimé que le paragraphe 2 du projet de conclusion 5 sur les dispositions conventionnelles était ambigu. Au sujet du projet de conclusion 16 (Obligations créées par des résolutions, décisions ou autres actes d’organisations internationales en conflit avec une norme impérative du droit international général), elle a salué la position de la CDI confirmant que les résolutions, décisions et autres actes du Conseil de sécurité adoptés au titre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies soient sujets à des normes impératives du droit international.
En venant au chapitre V du rapport, Mme Joyini a voulu rappeler la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement adoptée en 1992, qui reconnaît les conséquences de la guerre sur l’environnement et appelle les États à respecter le droit international en protégeant l’environnement dans un conflit armé. Elle s’est félicitée que la CDI élabore un cadre juridique visant à élargir cette protection durant et après les conflits armés. Elle aurait souhaité que les principes ne s’appliquent pas seulement aux États, mais à toutes les parties aux conflits. Elle s’est également félicitée que sa proposition d’inclure l’impact des flux de réfugiés et des déplacements de population sur l’environnement ait été traitée dans le projet de principe 8 (Déplacements de population). À cet égard, la Convention de l’Union africaine de 2009 pour la protection et l’assistance des personnes déplacées en Afrique est un instrument pertinent. Par ailleurs, la déléguée s’est félicitée que la CDI ait nommé pour la première fois deux membres africains comme rapporteurs spéciaux, ce qui est un pas vers une représentation équitable.
Mme LANGRISH (Royaume-Uni) a estimé que le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) et l’annexe devraient être d’une certaine utilité pour permettre aux États et aux tribunaux de faire preuve de rigueur lorsqu’ils sont confrontés à des questions de jus cogens. « Mais ils ne reflètent pas à tous les égards le droit ou la pratique actuels. » La déléguée a jugé essentiel que le projet de conclusions soit pris en compte parallèlement aux points de vue des États et que les tribunaux en soient clairement informés lorsqu’ils examinent le statut juridique du projet de conclusions. En outre, l’objection persistante de certains États à une règle de droit international coutumier, alors que cette règle est en cours de formation, est pertinente pour savoir s’il est possible de conclure qu’elle a été acceptée et reconnue par la communauté internationale comme ayant un caractère impératif. Nous continuons aussi de douter qu’il existe une pratique étatique suffisante pour étayer la proposition du paragraphe 3 du projet de conclusion no 14 (Règles de droit international coutumier en conflit avec une norme impérative du droit international général) selon laquelle la règle de l’objecteur persistant ne s’applique pas aux normes impératives du droit international général, a poursuivi la déléguée. Sur le projet de conclusion no 21, elle a jugé que la pratique est insuffisante pour étayer la position selon laquelle un État peut refuser de se conformer à une résolution contraignante du Conseil de sécurité des Nations Unies au motif qu’elle est contraire à une norme de jus cogens. La déléguée a réitéré qu’il serait préférable de ne pas inclure une « liste non exhaustive » de normes ayant le statut de normes impératives. Le Royaume-Uni est particulièrement préoccupé par le fait que la CDI n’a pas appliqué la méthodologie exposée dans son propre projet de conclusions pour l’identification de telles normes. « Nous avons déjà indiqué que nous ne considérons pas que toutes les normes énumérées remplissent clairement les critères pertinents. »
Ensuite, sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, la déléguée a noté que le champ d’application du projet de principes et leurs commentaires est très large. Elle a dit comprendre qu’ils ne modifient pas -et ne doivent pas être considérés comme modifiant de quelque manière que ce soit– le droit international humanitaire (DIH), ni n’affectent les limitations et réserves se rapportant au DIH. À cet égard, a-t-elle apprécié, lorsque la terminologie des projets de principes ne s’aligne pas sur le DIH, comme l’utilisation du terme « environnement » plutôt que « environnement naturel », l’intention n’est pas de modifier la portée du DIH.
M. EVGENY A. SKACHKOV (Fédération de Russie) s’est félicité de l’inclusion de la prévention et répression de la piraterie et du vol à main armée en mer dans le programme de travail de la CDI. Il a commenté le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens). « Les commentaires de nombreuses délégations n’ont pas été prises en compte », a déploré le délégué. Il a émis des doutes quant à l’expression « communauté internationale des États dans son ensemble ». Le délégué a en outre exprimé le désaccord de son pays sur la conclusion relative aux résolutions du Conseil de sécurité, en estimant que celle-ci ne reflète pas la pratique des États. Il a estimé que la CDI a outrepassé son mandat sur un « sujet brûlant » en évoquant la conclusion 17 relative aux normes impératives en tant qu’obligations dues à la communauté internationale dans son ensemble (obligations erga omnes). Commentant la conclusion 19 sur les conséquences particulières des violations graves des normes impératives, il a dénoncé « ces pays qui ont décidé de poursuivre leur campagne contre la Russie ». L’inclusion en annexe d’une liste non exhaustive de normes impératives n’est pas appropriée, a déclaré le délégué, en s’interrogeant sur la méthodologie suivie par la CDI. Il a estimé que cette liste pourrait « saper » la valeur de ses travaux sur le sujet.
Le délégué a ensuite évoqué le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Il a estimé que les questions relatives à la protection de l’environnement sont suffisamment prises en compte par le droit existant, y compris par le droit international humanitaire. Malgré certains changements majeurs, ce projet élargit de façon excessive le champ d’application de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés a indiqué le délégué, en renvoyant aux commentaires faits par son pays en 2019.
Mme MARÍA CECILIA CÁCERES (Chili) a considéré, au sujet de la nature des normes impératives du droit international général, qu’il est nécessaire de définir ce que l’on entend par « valeurs fondamentales de la communauté internationale » afin d’être plus clair sur ce point et de pouvoir distinguer ces normes des autres. Quant aux critères d’identification d’une norme de jus cogens, la déléguée a estimé qu’un tel caractère ne peut être déterminé que sur la base de son acceptation et de sa reconnaissance par les États, de manière généralisée et transversale dans les différentes régions. Le processus d’identification doit permettre d’identifier des normes vraiment universelles, autrement dit il doit être représentatif de tous les systèmes juridiques, a-t-elle insisté. Les systèmes régionaux, des droits de l’homme par exemple, peuvent servir d’outil important pour identifier ce type de normes. Plus généralement, Mme Cáceres a estimé que la liste de normes proposées par la CDI, en annexe du projet de conclusion 23, aurait dû faire l’objet d’une analyse plus approfondie.
M. SONGCHAI CHAIPATIYUT (Thaïlande), prenant note de la liste non exhaustive des normes impératives du droit international général, a souligné que la liste pourrait être utilisée comme point de référence lorsqu’il s’agit de déterminer si une certaine norme est universellement acceptée et reconnue. Il s’est réjoui du paragraphe 1 du projet de conclusion 14 selon lequel « une règle de droit international coutumier ne prend pas naissance si elle entre en conflit avec une norme impérative existante du droit international général (jus cogens) », tout en reconnaissant également la possibilité qu’une norme de jus cogens actuelle soit modifiée par une norme de jus cogens ultérieure.
S’agissant de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, le représentant a reconnu le rôle crucial que les acteurs concernés, y compris les organisations internationales, peuvent jouer en matière d’évaluation environnementale après un conflit armé. Étant donné leur expérience et leur expertise, la coopération avec ces organisations internationales permet de mieux comprendre comment identifier et traiter les conséquences environnementales des conflits armés, a-t-il estimé. Par ailleurs, « il incombe à l’humanité de protéger l’environnement, tant en temps de conflit qu’en temps de paix », a-t-il rappelé.
Le représentant a ensuite pris note de la décision de la CDI d’inclure de nouveaux sujets dans son programme de travail. Il serait très utile d’un point de vue pratique que la Commission entame ses travaux sur des sujets qui apporteront une plus grande clarté sur les principes de droit international utilisés dans les accords d’investissement internationaux, en particulier le principe du traitement juste et équitable. Pour le délégué, ces travaux importants apporteront une sécurité juridique et empêcheront la fragmentation du droit international de l’investissement. Enfin, il a souhaité que les travaux de la CDI reflètent et prennent en compte toutes les voix, tous les besoins et toutes les préoccupations des États Membres.
M. LEFEBER (Pays-Bas) a recommandé de limiter le nombre de sujets à l’ordre du jour de la CDI afin de faciliter leur étude détaillée par les États Membres de l’ONU. Il s’est félicité de l’adoption du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens). Il a pris note de la reconnaissance, dans un commentaire, du fait que les traités et principes généraux de droit ne peuvent servir de base au jus cogens que de manière limitée. Il a indiqué que les Pays-Bas appuieraient une résolution de l’Assemblée générale prenant note du projet de conclusions, sans inscrire ce point à l’ordre du jour de l’Assemblée.
Le représentant a également salué l’adoption du projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Il a toutefois noté que le texte n’a repris qu’une partie des commentaires et observations écrites soumis par son pays. Ainsi la délégation estime-t-elle que le principe 7 (Opérations de paix) ne reflète pas le droit international coutumier. Là encore, les Pays-Bas appuieraient une résolution de l’Assemblée générale prenant note du projet de principes, sans inscrire ce point à l’ordre du jour de l’Assemblée. Par ailleurs, le représentant a plaidé pour que soient discutées les implications en droit international de l’incapacité de renoncer à une seconde nationalité. Estimant que la CDI serait la mieux équipée pour examiner cette question, y compris la portée du droit à la nationalité, il a proposé d’inclure ce sujet à son programme de travail
M. ZHA HYOUNG RHEE (République de Corée) a souligné que le jus cogens existe, aujourd’hui, au sein de la communauté internationale et de tous les systèmes juridiques nationaux. Partant, il a estimé que la portée de ce sujet devrait être étendue pour couvrir non seulement le droit des traités mais aussi la responsabilité étatique, le lien entre les sources du droit international et d’autres domaines du droit international. Par ailleurs, il a attiré l’attention sur quelques parties du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général qu’il a jugées trop vagues pour une mise en œuvre et sujettes à interprétation, comme le terme « violation grave » dans le projet de conclusion no 19 (Conséquences particulières des violations graves des normes impératives du droit international général).
Passant au projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, le délégué a noté que les commentaires reçus des organisations internationales et de groupes civiques ont gagné en importance dans la révision, alors que les avis des gouvernements ne sont pas toujours convergents. Relevant que le terme « naturel » a été supprimé après « environnement », il a maintenu sa position selon laquelle le terme « environnement naturel » est plus pertinent par rapport au droit international humanitaire existant. En supprimant le terme « naturel », le délégué s’est dit convaincu que les principes de lex lata sont devenus lex ferenda.
M. SARVARIAN (Arménie) a souligné l’utilité du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens). Il a estimé qu’il n’y a rien d’anormal à ce que la CDI prenne son temps pour étudier un sujet aussi complexe et sensible que les normes impératives. Il a déclaré que les conclusions 6, 7 et 8 et leurs commentaires fournissent peu d’explications sur la manière dont une norme impérative est censée être acceptée et reconnue par la communauté internationale des États. Il a aussi pointé les difficultés méthodologiques posées par la liste non exhaustive desdites normes. Le droit à l’autodétermination a été inclus dans cette liste alors qu’un petit nombre d’États conteste son rang de normes impératives.
Le délégué a ensuite évoqué le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Il a jugé nécessaire que la CDI poursuive son travail sur ce projet afin d’en modifier le format, a-t-il poursuivi. Il a souligné la nécessité qu’il soit fait usage de ce projet comme d’une plateforme en vue de l’élaboration de propositions concrètes aux fins de codification. Le délégué a aussi estimé que les principes 9 et 12 sur, respectivement, la responsabilité de l’État et la clause de Martens, sont redondants par rapport à des règles bien établies en droit international. Il a invité la CDI à préciser la définition de l’obligation de protéger l’environnement contre les « dommages étendus, durables et graves » visés par les principes 13 et 19. Enfin, le délégué a salué l’inclusion du règlement des différends internationaux auxquels des organisations internationales sont parties dans le programme de travail de la CDI, un sujet qui revêt une grande importance pratique.
M. SANTIAGO RIPOL CARULLA (Espagne) a estimé, malgré les doutes exprimés par quelques États, que les travaux de la CDI sont une preuve définitive de la reconnaissance de l’existence en droit international de normes qui « reflètent et protègent les valeurs fondamentales de la communauté internationale » et sont « universellement applicables et hiérarchiquement supérieures aux autres règles du droit international ». À propos de la conclusion 21 (Procédure recommandée) du projet de conclusions, l’Espagne comprend qu’il est recommandé de porter un différend devant la Cour internationale de Justice (CIJ), mais, comme la CIJ l’a elle-même rappelé, la violation d’une norme impérative ne constitue pas en soi une base pour établir sa compétence. Le délégué a par ailleurs réitéré ses réserves sur la valeur ajoutée de la liste non exhaustive de normes impératives figurant en annexe.
Abordant le chapitre V du rapport, M. Ripol Carulla a souligné que le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés constitue un apport décisif à la codification et au développement progressif du droit international. « L’un des principaux mérites de ce projet est de vouloir intégrer les normes du droit des conflits armés et les normes du droit international existant dans d’autres secteurs, comme le droit international des droits de l’homme et le droit international de l’environnement. » Selon le délégué, les principes présentent « une intensité normative variable », puisque certains relèvent clairement du domaine des normes obligatoires, tandis que d’autres se rapprochent plutôt de la catégorie des normes recommandées, ou « soft law ». À cet égard, il a regretté que le texte et le commentaire des principes manquent de clarté sur le point de savoir quand un principe a un caractère obligatoire ou constitue une recommandation non contraignante.
M. JEEM S. LIPPWE (États fédérés de Micronésie) a déclaré que les espaces terrestre et maritime de son pays ont été « transformés en instruments de guerre par des puissances étrangères » et qu’ils ont subi des dommages considérables et parfois durables. Le délégué a mentionné les nombreuses épaves de navires et d’aéronefs datant de de la Seconde Guerre mondiale qui jonchent les eaux et menacent les milieux naturels fragiles. De plus, il n’a pas écarté « la possibilité d’un autre conflit majeur dans cette partie du Pacifique ». Il s’est donc réjoui de l’adoption du projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Il a dit l’importance de considérer plusieurs phases temporelles − avant, pendant et après un conflit armé. Il a également salué la reconnaissance spécifique de l’obligation des États de prendre des mesures pour corriger les effets négatifs des conflits armés sur les terres et territoires que les peuples autochtones habitent ou utilisent traditionnellement. Il est important d’incorporer des dispositions sur la protection de l’environnement dans les accords relatifs à la présence de forces militaires, a-t-il encore recommandé, rappelant la récente adoption par l’Assemblée générale de la résolution 76/300 qui consacre « le droit humain à un environnement propre, sain et durable ». Il s’est également félicité des projets de principes 26 (Restes de guerre) et 27 (Restes de guerre immergés en mer) qu’il a jugés conformes à la reconnaissance par la CDI que l’obligation d’interdire la « pollution massive » des mers est une norme impérative du droit international général. Estimant que le projet de principes et leurs commentaires constituent une contribution majeure au droit international, il a appelé les parties concernées, y compris les États ayant une histoire de conflit armé dans le Pacifique, à les mettre en œuvre dans leur intégralité.
Enfin, le délégué a pris note de la décision de la CDI d’inscrire le sujet des « accords internationaux non juridiquement contraignants » à son programme de travail à long terme. Il a appuyé la recommandation selon laquelle la Commission ne devrait pas aborder la question de l’effet des dispositions non contraignantes des traités. Il s’est également dit favorable à ce que la Commission examine l’effet ou la nature juridique des décisions et autres actes adoptés par les conférences des États parties aux traités.
Mme YARDEN RUBINSHTEIN (Israël) a regretté que la Commission n’ait pas répondu de manière adéquate aux inquiétudes d’Israël concernant le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), notamment en intégrant des propositions de développement progressif. Elle a regretté que le rapporteur spécial se soit appuyé sur la théorie et la doctrine plutôt que sur la pratique étatique, qui aurait dû être l’objectif principal. Le seuil élevé pour l’identification des normes de jus cogens conformément à l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités n’est pas convenablement inclus dans le projet de conclusions, a-t-elle estimé. La représentante a par ailleurs douté de l’existence de conséquences supplémentaires en plus de celles prévues par la Convention de Vienne en cas de violation des normes de jus cogens, notamment l’obligation de coopérer et l’interdiction de la reconnaissance ou de l’assistance dans une situation créée en violation d’une norme impérative. La représentante a également souligné une tendance à confondre les termes erga omnes et jus cogens. Elle s’est aussi inquiétée de l’inclusion d’une liste non exhaustive des normes impératives, citant des problèmes liés aux modalités de son élaboration.
Ensuite, Mme Rubinshtein a regretté certains choix méthodologiques relatifs au projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Elle a notamment évoqué des confusions entre règles d’origine différentes, appelant à « ne pas flouter les frontières entre des régimes juridiques distincts ». L’abandon de la distinction entre conflit international et non international n’est pas suffisamment étayé, a-t-elle ajouté. Elle a également souligné des confusions entre les obligations juridiques, les suggestions de mise en œuvre, le développement progressif et les normes non contraignantes. En conséquence, la représentante a déclaré que ce projet de principes ne saurait servir de base à un traité et qu’il devrait uniquement constituer des lignes directrices.
M. HARIS CHRYSOSTOMOU (Chypre) a pris note de l’adoption du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens). Il a notamment approuvé le projet de conclusion 19, commentaire 5, selon lequel le principe d’autodétermination est une norme de jus cogens. Le principe d’autodétermination est devenu un principe de droit international au cours du mouvement de décolonisation, et il a toujours été appliqué aux situations de domination coloniale ou d’occupation étrangère, a-t-il rappelé, mentionnant notamment l’Acte final d’Helsinki. L’intégrité de toutes les frontières a été renforcée par l’élaboration de la règle selon laquelle elles ne peuvent être modifiées par la force. Sur le projet de conclusion 14, paragraphe 3 sur la non-applicabilité du principe dit de l’objecteur persistant au jus cogens, le délégué s’est dit d’accord avec le commentaire qui stipule qu’un tel principe ne s’applique pas aux normes impératives du droit international général. Lorsqu’il s’agit de normes de jus cogens, qui sont considérées comme hiérarchiquement supérieures aux autres règles du droit international, l’argument selon lequel le concept d’objecteur persistant ne devrait pas s’appliquer à elles est encore plus convaincant, a-t-il insisté.
S’agissant de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, et en particulier des principes applicables pendant les conflits armés, le délégué a noté que le langage actuel fait référence au patrimoine culturel matériel et immatériel et il a suggéré d’inclure également le patrimoine naturel. Sur les principes applicables dans les situations d’occupation, il a proposé la formulation supplémentaire suivante : « la puissance occupante ne doit pas s’engager dans une activité d’exploration ou d’extraction des zones terrestres et maritimes occupées ». En outre, le délégué a souligné que l’expression « droit international applicable » fait référence au droit des conflits armés mais aussi au droit international de l’environnement et au droit international des droits humains. En ce qui concerne l’application du droit international de l’environnement, il a invité à se référer à l’avis consultatif de 1996 de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur la licéité de l’emploi ou de la menace d’emploi d’armes nucléaires. Dans la mesure où les accords multilatéraux sur l’environnement traitent de problèmes environnementaux qui ont une nature transfrontalière ou une portée mondiale, et où les traités ont été largement ratifiés, il peut être difficile de se limiter aux parties à un conflit. Enfin, sur les principes applicables après la conclusion d’un conflit armé, en particulier le principe 25, le délégué a encouragé la CDI à élaborer des lignes directrices plus claires pour promouvoir le principe de secours et d’assistance. Il a recommandé de prendre en compte les dommages environnementaux causés par une occupation continue et de faire des mesures de réparation, dont le partage des informations et des ressources naturelles, une obligation de la puissance occupante.
M. LASRI (Maroc) a indiqué que le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) devrait recueillir davantage d’observations en vue de son amélioration. Il a dit s’aligner sur la définition contenue à l’article 53 (Traités en conflit avec une norme impérative du droit international général) de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. Il a également soutenu le principe de l’unanimité relatif à l’acceptation d’une norme de jus cogens. À ce titre, il a estimé que la « large majorité » reconnue dans la conclusion 7 (Communauté internationale des États dans son ensemble) est trop large, altère l’esprit authentique de l’article 53 de la Convention de Vienne et contredit d’autres principes du projet. Le délégué a souligné le poids et la fonction de la détermination par la Cour internationale de Justice (CIJ) des normes et s’est opposé au rôle des comités d’experts autres que la CDI sur ce point. Il s’est en outre interrogé sur le bien-fondé de la hiérarchisation dans le cadre du projet de conclusion 9 (Moyens auxiliaires de détermination des normes du droit international général) qui place les experts en première position. L’inclusion des travaux des organes d’experts dans l’identification des normes de jus cogens risque de confier à ces derniers un rôle qui dépasse leur mandat, a-t-il mis en garde. Le délégué a également noté l’absence de précédent sur l’incompatibilité d’une résolution du Conseil de sécurité avec une norme impérative. Quant à la liste non exhaustive annexée au projet, il s’est interrogé sur sa pertinence ainsi que sur les critères retenus pour l’élaborer. Selon lui, certaines normes contenues dans cette liste suscitent des observations et des incertitudes quant à leur caractère de norme impérative.