En cours au Siège de l'ONU

Le Conseil de sécurité est informé de l’expansion considérable du trafic de migrants en Méditerranée et du danger qu’il représente pour la vie humaine

9428e séance - après-midi
CS/15427

Le Conseil de sécurité est informé de l’expansion considérable du trafic de migrants en Méditerranée et du danger qu’il représente pour la vie humaine

Alors que le Conseil de sécurité doit se prononcer prochainement sur la reconduction des autorisations accordées dans sa résolution 2240 (2015) visant, dans le cadre de la lutte contre le trafic de migrants, à l’inspection des bateaux naviguant en haute mer au large des côtes libyennes, la Directrice du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à New York, Mme Ruven Menikdiwela et son homologue de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), M. Pär Liljert, sont venus, cet après-midi, à la demande de la Fédération de Russie, dresser devant les membres du Conseil de sécurité, un tableau alarmant des migrations irrégulières au nord de l’Afrique. 

Rien qu’entre janvier et août 2023, ont-ils rapporté, plus de 102 000 migrants en provenance de Tunisie et 45 000 en provenance de la Libye ont tenté de traverser la mer Méditerranée, soit une augmentation de 260% par rapport à l’année dernière.  Les départs depuis l’Algérie ont, eux, augmenté de 18% par rapport à 2022.  Plus de 2 500 personnes sont décédées ou portées disparues, soit, 66% de plus.  Depuis le 16 septembre, 10 992 migrants ont été interceptés en mer.   

Devant cette hausse considérable des chiffres, les deux responsables ont fait des recommandations au Conseil de sécurité, notamment la mise en place d’un mécanisme de désembarquement régional et de redistribution des migrants, afin d’aider les pays en première ligne.  Au-delà, a dit Mme Menikdiwela, il faudrait avoir une vision panoramique des défis posés par les flux migratoires illégaux et qui dépasse le simple contrôle des arrivées aux frontières.  S’il faut coopérer dans la gestion des frontières, la recherche et le sauvetage en mer, la traduction en justice des passeurs et trafiquants de migrants, il faut aussi investir dans le développement, préconisent le HCR et l’OIM. 

Ces chiffres montrent en tous cas, a déploré le représentant russe, que non seulement le mécanisme mis en place par la résolution 2240 (2015) et ses versions ultérieures ne fonctionne pas, mais que l’Union européenne n’est pas en mesure de remplir les missions qu’elle s’est assignées.  Ses États membres ne font pas du sauvetage une priorité, certains criminalisent même le secours de migrants en détresse en haute mer, a-t-il accusé. Affirmant que ces migrations sont la conséquence directe de l’ingérence des pays occidentaux dans les affaires intérieures de pays souverains, il a en outre regretté que « l’Union européenne ne s’occupe des questions migratoires que pour les Ukrainiens ». 

L’Union européenne et l’ensemble de ses États membres contribuent à hauteur de près de 1,5 milliard d’euros au budget du HCR, a rétorqué la France.  Cela représente « 750 fois le montant de la contribution russe, car la Russie, elle, est absente dès qu’il s’agit de répondre aux crises humanitaires », a tancé le représentant français. 

Les membres du Conseil ont, pour partie, soutenu les recommandations des intervenants, beaucoup reconnaissant que des efforts collectifs internationaux et régionaux sont nécessaires pour résoudre ce problème.  Le flux de 170 000 personnes qui a débarqué en Europe entre septembre 2022 et juillet 2023 provenant de la Libye et de la Tunisie ne devrait pas être considéré comme un fait spécifiquement nord-africain, mais comme un problème collectif, exigeant des efforts et réponses collectives, a résumé le Japon. 

Dans ce contexte, il a été suggéré de renforcer la coopération entre les pays de départ, de transit et de destination car la solution qui consiste seulement à intercepter les migrants ne suffit pas.  Pour Malte, la Chine et les Émirats arabes unis, il faut venir en aide aux pays africains pour qu’ils puissent relever durablement le défi de la migration, notamment par le financement du développement et des projets de relèvement et de reconstruction précoces. 

Il faut également intensifier la coopération internationale afin que les trafiquants d’êtres humains et passeurs de migrants rendent des comptes devant la justice, a proposé l’Équateur.  Le renouvellement des autorisations de la résolution 2240 (2015) devrait permettre de poursuivre le combat contre ces réseaux de trafiquants et de passeurs, a souhaité Malte. 

À l’instar d’autres délégations, les États-Unis ont estimé que pour répondre aux défis posés par les flux migratoires illégaux, il faut aussi s’attaquer à leurs causes premières au rang desquels l’insécurité et les violations des droits de l’homme lors des conflits.  La présence de la Russie et du groupe Wagner au Sahel contribue à l’instabilité de la région, nourrit le terrorisme et conduit aux déplacements de population, a ainsi dénoncé la France. 

Autre piste évoquée, notamment par les A3 (Gabon, Ghana, Mozambique), le renouvellement des engagements en faveur d’instruments mondiaux, tels que le Pacte mondial sur les migrations et le Pacte mondial sur les réfugiés ou le Cadre de politique migratoire pour l’Afrique émanant de l’Union africaine.  Le Forum mondial sur les réfugiés, qui se tiendra à Genève en décembre, constituera une excellente opportunité pour annoncer de nouveaux engagements, a prédit la Suisse. 

La résolution 2240 (2015) autorise les États Membres, engagés dans la lutte contre le trafic de migrants et la traite d’êtres humains, agissant individuellement ou dans le cadre d’organismes régionaux, à inspecter les bateaux naviguant en haute mer au large des côtes libyennes s’ils ont des motifs raisonnables de soupçonner qu’ils sont utilisés pour le trafic de migrants ou la traite d’êtres humains en provenance de Libye.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclarations

Mme RUVEN MENIKDIWELA, Directrice du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à New York, a fourni les derniers chiffres concernant les migrations irrégulières du nord de l’Afrique.  Entre janvier et août 2023, plus de 102 000 migrants en provenance de Tunisie et 45 000 en provenance de la Libye ont tenté de traverser la mer Méditerranée, ce qui représente une augmentation de 260% par rapport à l’année dernière.  Les départs depuis l’Algérie sont aussi en augmentation de 18% par rapport à 2022. Environ 31 000 et 10 600 migrants, qui ont été rescapés ou interceptés, ont été débarqués en Tunisie et en Libye respectivement.  Au total, a poursuivi la Directrice, 186 000 migrants ont atteint le sud de l’Europe, principalement l’Italie, ce qui représente une augmentation de 83% par rapport à l’année précédente.  Plus de 2 500 personnes sont décédées ou portées disparues, une augmentation d’environ 66% par rapport à la même période en 2022.  En outre, elle a attiré l’attention sur les routes dangereuses qui mènent aux points d’embarcation sur les côtes, causant la mort de nombreux migrants. 

Mme Menikdiwela a ensuite identifié les causes des départs en Tunisie, qui résultent principalement de l’insécurité dans les communautés de réfugiés, des attaques et des discours de haine, avec en toile de fond la détérioration de la sécurité dans les pays voisins qui entraîne des mouvements migratoires secondaires.  En Libye, a-t-elle expliqué, le HCR n’a pas l’autorisation d’accéder à certains points de désembarquement, ce qui entrave sa capacité à aider les migrants emmenés dans les centres de détention où les conditions restent préoccupantes.  Le HCR sollicite l’appui de la Libye pour avoir accès à ces points de désembarquement.  Elle a ensuite précisé qu’une gestion efficace des frontières n’était pas incompatible avec le respect des droits humains, en référence aux migrants expulsés de la Libye vers les pays voisins sans aucune précaution.  Le HCR, a assuré sa Directrice à New York, s’engage à aider les autorités tunisiennes et libyennes à gérer et à encadrer juridiquement les mouvements migratoires aériens et terrestres. 

Le HCR est également présent à Lampedusa pour assister les autorités dans le décongestionnement de l’île où de nombreux migrants arrivent simultanément.  L’Italie ne pouvant faire face seule aux besoins des migrants, le HCR prône régulièrement un mécanisme de désembarquement régional et de redistribution dans un esprit de solidarité et de responsabilité partagée avec les États de première ligne.  Selon Mme Menikdiwela, « les défis des mouvements migratoires requièrent une vue panoramique qui dépasse le simple contrôle des arrivées aux frontières et s’attarde sur les causes de ces flux migratoires », telles que les changements climatiques, le sous-développement et le manque de gouvernance.  Les États ne devraient pas empêcher les individus de chercher une protection, comme le prévoit le droit international des droits de l’homme et des réfugiés, a-t-elle rappelé. 

Mme Menikdiwela a ensuite formulé quatre recommandations pour ce Conseil.  Premièrement, toute coopération avec les autorités libyennes et tunisiennes qui concerne la gestion des frontières devrait s’assurer du respect des droits des réfugiés et des migrants.  Deuxièmement, les pays méditerranéens devraient mettre en œuvre des mécanismes de désembarquement efficaces et augmenter les efforts de recherche et de sauvetage en mer Méditerranée.  Troisièmement, les États devraient coopérer pour enquêter sur les trafics d’êtres humains et traduire en justice les passeurs.  Quatrièmement, le HCR encourage vivement les États à renforcer les investissements visant au développement, à faciliter le regroupement familial et à étendre les quotas d’intégration pour les réfugiés en Libye et dans les pays d’Afrique du Nord.  En conclusion, l’intervenante a appelé les États à trouver des solutions à ces recommandations lors du second Forum mondial sur les réfugiés, qui se tiendra en décembre prochain à Genève.

M. PÄR LILJERT, Directeur du Bureau de new-yorkais de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a insisté sur les conditions difficiles auxquelles font face les migrants et les réfugiés.  La Méditerranée est au cœur des mouvements migratoires de milliers de personnes en quête d’asile ou de nouvelles opportunités.  Nombre de ces individus, en l’absence d’autres options, ont bien souvent recours à des méthodes risquées et dangereuses pour rejoindre leur destination, a dit le Directeur, selon qui les migrations vers l’Europe sont les plus visibles. L’OIM est consciente du nombre important des disparitions des migrants à l’échelle mondiale.  Entre janvier et septembre 2023, plus de 187 000 ont traversé la Méditerranée en quête d’un avenir meilleur et de sécurité.  Au cours de cette même période, l’OIM a enregistré 2 778 décès dont 2 093 en Méditerranée centrale.  La traversée du Sahara et la route de la Méditerranée centrale demeurent les plus dangereuses.  Le nombre d’arrivées en Grèce a augmenté de 300% tandis que les arrivées en Espagne, par exemple, sont demeurées stables. 

Poursuivant, le Directeur a ajouté qu’en 2023, l’OIM a relevé une hausse considérable du nombre d’arrivées maritimes en Europe, comparée à 2022.  Plus de 130 000 individus sont arrivés cette année contre 70 000 en 2022.  Ces dernières années, les répercussions des récents bouleversements au Soudan se sont manifestées par des déplacements plus visibles et la modification de la composition démographique des migrants arrivant en Europe.  En août, 1 294 Soudanais sont arrivés après avoir traversé la Tunisie.  La discrimination, les attaques xénophobes et les récits négatifs à l’encontre des migrants et réfugiés se multiplient en Méditerranée, s’est inquiété M. Liljert, qui a exhorté les États à assurer la sécurité et la dignité des personnes à l’intérieur de leurs frontières.  L’OIM plaide pour une approche fondée sur les droits humains qui sauve des vies et qui garantisse un débarquement prévisible, jugeant important de partager les responsabilités.  Le Directeur est aussi préoccupé par les interceptions des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile en mer et qui sont ensuite renvoyés vers des lieux qui ne sont pas sûrs.  Depuis le 16 septembre, 10 992 migrants ont été interceptés en mer. 

Le responsable a attiré l’attention sur l’impact des changements climatiques et de l’insécurité alimentaire dans les pays d’origine et de transit sur les déplacements et la migration irrégulière.  Selon un rapport de la Banque mondiale de 2021, 216 millions pourraient être forcés de se déplacer à l’intérieur de leur pays dans les six régions d’ici à 2050.  Face à ces défis, a‑t‑il dit, l’OIM encourage la migration sûre et régulière et la lutte contre l’utilisation de canaux irréguliers pour empêcher les pertes en vies humaines.  Le Directeur a rappelé notamment les programmes de mobilité de la main-d’œuvre et des activités de renforcement des capacités entre les pays de l’OIM avant de formuler des recommandations notamment l’importance pour la communauté internationale d’identifier des solutions pour favoriser la migration régulière et la lutte contre la traite des migrants le long des routes migratoires.  Il faut appliquer les lois et soutenir les agences nationales de lutte contre la traite et fournir une aide directe centrée sur les victimes.  Le Directeur a souligné la nécessité de la coordination transfrontalière pour une assistance globale aux victimes. 

Entre autres recommandations, M. Liljert a aussi préconisé des mesures de régularisation pour les migrants et le respect des droits de ceux qui se trouvent en situation irrégulière.  Les solutions à la migration irrégulière reposent à la fois sur la prévention et sur la lutte contre les différents facteurs migratoires dans les pays d’origine, de transit et de destination.  Le Directeur a insisté sur l’importance d’accroître les opérations de recherche, de sauvetage et la coopération aux frontières et en mer.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Russie) a déploré le nombre de personnes disparues en mer, en dépit de la protection prévue par le droit international.  Selon lui, le mécanisme de la résolution 2240 (2015) du Conseil de sécurité et ses versions ultérieures ne fonctionne pas.  « Pourquoi avons-nous besoin de cette résolution si l’Union européenne n’est pas à même de s’acquitter des fonctions qu’elle a elle-même demandées »?  Si une assistance rapide était fournie, a-t-il tranché, ces tragédies en mer n’arriveraient pas.  Le représentant a déploré que l’Union européenne (UE) ne fasse pas du sauvetage des embarcations une priorité, voire interdise de secourir les migrants en détresse sous la menace de poursuites pénales pour trafic d’êtres humains.  En outre, certains États membres de l’UE repoussent délibérément les embarcations hors de leur juridiction, a-t-il reproché.  À cet égard, il a demandé si l’UE serait prête à partager ses informations avec les membres du Conseil sur les cas de non-assistance aux migrants en détresse. 

Le représentant a ensuite constaté que les structures européennes n’apportent pas de résultats tangibles sur la répression des activités illégales des passeurs qui échappent aux arrestations grâce, notamment, à la corruption.  Il a également déploré le manque d’informations substantives sur les opérations de secours non européennes aux migrants.  Le nouveau plan d’opérations maritimes en Méditerranée, déjà qualifié de « blocus naval » par les défenseurs des droits de l’homme, semble s’apparenter à une « guerre non déclarée contre les migrants », a-t-il mis en garde.  Le représentant s’est également indigné du manque d’itinéraires alternatifs et, en dépit du droit international, des traitements inhumains infligés aux migrants.  Affirmant que ces migrations sont la conséquence directe de l’ingérence des pays occidentaux dans les affaires intérieures de pays souverains, il a regretté que « l’UE ne s’occupe des questions migratoires que pour les Ukrainiens ».  Il est temps que l’UE assume ses responsabilités, a-t-il conclu.

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), s’exprimant au nom des A3 (Gabon, Ghana, Mozambique), a fait le constat que le flux de migrants vers l’Europe à travers la Libye avait conduit à la création de réseaux de passeurs et de trafiquants.  Rappelant les violations du droit international qui résultent de cette situation, le délégué a souligné, devant les membres du Conseil, la nécessité de renouveler les engagements en faveur d’instruments mondiaux, tels que le Pacte mondial sur les migrations et le Pacte mondial sur les réfugiés.  Il est tout aussi important selon lui de renforcer la coopération autour d’initiatives régionales, dont le Cadre de politique migratoire pour l’Afrique émanant de l’Union africaine. 

Exhortant les autorités libyennes à améliorer le sort des migrants et des réfugiés en Libye, le délégué a fermement condamné la détention massive en Libye de demandeurs d’asile et de réfugiés dans des conditions « inhumaines ».  Appelant les autorités nationales libyennes à veiller à ce que les migrants soient protégés contre toute violation des droits de l’homme, y compris la traite, la torture, les violences sexuelles et l’extorsion, le délégué des A3 s’est rangé derrière l’appel du Secrétaire général en faveur de solutions alternatives à la détention pour gérer les migrations, conformément au droit international.

M. DAI BING (Chine) a observé que si certains pays sont toujours prompts à insister sur la protection de droits humains dans le monde, dès qu’il s’agit des migrants et de leurs droits, ils deviennent soudainement moins actifs.  Il a également fait remarquer que les causes des migrations sont complexes et nombreuses. Selon lui, la seule solution qui consiste à intercepter les migrants ne suffit pas, il faut en amont aider les pays d’origine par le moyen du développement.  Enfin, afin de combattre ce phénomène et notamment lutter contre les réseaux de passeurs et trafiquants de migrants, le représentant a appelé à aider la Libye à restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble de son territoire.

Pour Mme SHINO MITSUKO (Japon), si la plupart des quelque 170 000 personnes arrivées en Europe entre septembre 2022 et juillet 2023 proviennent de Libye et de Tunisie, ce flux ne devrait pas être considéré comme un fait spécifiquement nord-africain.  Au contraire: des efforts collectifs internationaux et régionaux sont nécessaires pour résoudre ce problème.  Saluant les efforts continus des États Membres pour secourir les migrants et prévenir la traite des êtres humains au large des côtes libyennes, la déléguée japonaise s’est faite l’écho de l’appel du Secrétaire général pour adopter une approche holistique qui prenne en compte les causes profondes des migrations irrégulières.  Alors que le Groupe d’experts du Comité du Conseil de sécurité établi par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye a identifié huit itinéraires de traite des êtres humains et de trafic de migrants en Libye, la communauté internationale, a jugé l’oratrice, doit faire preuve de solidarité pour s’attaquer aux problèmes qui se posent dans les pays d’origine de ces migrants.  Enfin, préoccupée par la lecture de rapports faisant état de violences, y compris sexuelles, et d’abus à l’encontre des réfugiés et des migrants détenus, ainsi que de détentions arbitraires, la déléguée a appelé les acteurs libyens à respecter pleinement les droits de l’homme.

M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a déclaré que les crimes commis à l’encontre des migrants et réfugiés, de même que les expulsions forcées dont ils sont victimes, doivent cesser.  Pour ce faire, il y a lieu d’intensifier la coopération internationale afin que les trafiquants d’êtres humains et passeurs de migrants rendent des comptes devant la justice.  Il incombe en outre aux États de remplir leurs responsabilités au regard du droit international qui sont les leurs, notamment en traitant avec dignité et humanité les migrants et demandeurs d’asile.  Il importe aussi de mettre en place des normes et pratiques efficaces en matière de secours, de recherche maritime et de débarquement par le biais d’une coopération entre les États d’origine, de transit et d’accueil.  S’agissant de la recherche des causes profondes de la migration, l’ensemble du système des Nations Unies doit s’y pencher, a plaidé le représentant. 

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a estimé qu’il faut venir en aide aux pays africains pour qu’ils puissent relever durablement le défi de la migration et éviter de tirer un avantage politique de cette situation difficile.  Préoccupée par la poursuite des déplacements et des souffrances des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants, elle a dénoncé le rôle des trafiquants d’êtres humains et des passeurs.  La résolution 2240 (2015) montre la détermination du Conseil à lutter contre le trafic illicite de migrants et la traite des personnes au large des côtes libyennes, a-t-elle rappelé.  Son renouvellement devrait permettre de poursuivre le combat contre ces réseaux de trafiquants et de passeurs, a souhaité la déléguée.  Elle a mis en avant la contribution de la force navale de l’Union européenne (UE) dans le cadre de l’opération IRINI en Méditerranée pour la surveillance desdits réseaux. 

Malte, comme l’UE et ses États membres, restent déterminés à sauver des vies et à répondre aux crises, a assuré la déléguée, en offrant une protection internationale aux personnes qui fuient la guerre, les conflits et les persécutions ayant lieu dans d’autres parties du monde.  Par ailleurs, a-t-elle souligné, il faut s’attaquer aux causes profondes de la migration irrégulière et des déplacements forcés.  Cette lutte doit impliquer les pays d’origine, de transit et de destination et englober la résolution et la prévention des conflits, l’aide humanitaire, la coopération au développement, l’action pour le climat et les solutions durables à long terme.  Les États devraient lutter contre la traite des êtres humains et le trafic illicite de migrants dans le plein respect des droits de l’homme, a encore recommandé la déléguée, qui a appelé à aider les pays placés en première ligne.

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a indiqué que son pays œuvre à la protection et à l’intégration durable des réfugiés, des personnes déplacées et des migrants dans les régions de premier accueil et le long des routes migratoires.  Le délégué a prévenu que lorsque les réfugiés et les migrants ne trouvaient pas suffisamment de soutien dans les pays de premier accueil, une dynamique dangereuse s’enclenchait, faite de violations ou encore de recours à des services de passeurs: il a jugé impératif d’y mettre un terme.  Enjoignant de s’attaquer aux causes profondes des déplacements forcés, le délégué a encouragé le Conseil à renforcer son engagement pour la prévention des crises et pour la protection des populations civiles affectées par les conflits armés.  Ceci inclut un engagement soutenu du Conseil pour le strict respect du droit international humanitaire, du droit international des réfugiés et des droits humains. 

Afin de répondre efficacement à ces questions, des partenariats solides sont nécessaires: c’est pourquoi la Suisse coopère avec d’autres États, notamment dans le cadre du Processus de Rabat, ou dans le cadre d’autres partenariats tels que l’Alliance mondiale pour les personnes disparues, établie en collaboration avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui vise à améliorer la prévention et la résolution des cas de séparation et de disparition.  Dans le cadre de ces efforts, la Suisse s’engage à améliorer la recherche des personnes disparues et à rétablir les liens familiaux.  Le représentant a enfin rappelé que le Forum mondial sur les réfugiés, qui se tiendra à Genève en décembre, constituera une excellente opportunité pour annoncer de nouveaux engagements multipartites et inspirer davantage de partage des charges et des responsabilités. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France)a indiqué que son pays accueillait aujourd’hui près de 700 000 réfugiés et demandeurs d’asile -soit le troisième pays d’accueil de l’Union européenne (UE)- et contribuait à hauteur de 93 millions d’euros au budget du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), tandis que l’UE et l’ensemble de ses États membres y contribuent à hauteur de près de 1,5 milliard d’euros.  « Cela représente respectivement 50 fois et 750 fois le montant de la contribution russe car la Russie, elle, est absente dès qu’il s’agit de répondre aux crises humanitaires », a-t-il fait remarquer. 

Puisque l’insécurité et les violations des droits de l’homme lors des conflits comptent parmi les premières causes des déplacements, l’ensemble des membres du Conseil de sécurité doivent prendre leurs responsabilités, a fait valoir le représentant.  « On ne peut pas bloquer l’action du Conseil sur l’assistance humanitaire à la Syrie et déplorer les conséquences de la crise humanitaire dans ce même pays. »  La présence de la Russie et du groupe Wagner au Sahel contribue de fait à l’instabilité de la région, nourrissant le terrorisme et conduisant à des déplacements de population, a poursuivi le représentant.  Pour prévenir les migrations massives, il faut selon lui investir dans tous les domaines du développement durable: éducation, droits des femmes, climat, protection de la biodiversité, santé.  C’est le sens du partenariat entre l’UE et l’Union africaine: au moins 8 milliards d’euros y seront consacrés pour la période 2021-2027.  La France joue sa part, a conclu le représentant, en soulignant qu’elle est devenue le quatrième bailleur mondial d’aide publique au développement (APD) en 2022, avec un montant total de 15,1 milliards d’euros. 

M. THOMAS PATRICK PHIPPS (Royaume-Uni), reconnaissant que la Libye est un « théâtre d’opération complexe », a néanmoins déclaré que tous les réfugiés et migrants doivent être traités avec l’humanité et la dignité qu’ils méritent.  Il a appelé les autorités libyennes à fermer tous les centres de détention, et, de façon générale, à adopter une approche plus globale pour la gestion des moteurs des flux migratoires en Afrique du Nord, en Afrique de l’Ouest, et le long des routes migratoires de la Méditerranée.  Le délégué a demandé à la Libye de mettre en place un système migratoire fonctionnel qui respecte les droits fondamentaux des réfugiés et des migrants.  Il a attribué la persistance de ces difficultés à la situation politique en Libye et assuré le Représentant spécial pour ce pays de tout l’appui du Royaume-Uni pour parvenir à un accord politique.  Enfin, il a voulu espérer que la délégation russe se focalisera sur les droits humains et humanitaires lorsque le Conseil débattra du mandat de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL)le mois prochain. 

Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes unis) a estimé que lutter contre le phénomène migratoire passe par une coopération internationale accrue, y compris dans les domaines du développement, de la sécurité et de la stabilité.  Et la communauté internationale doit travailler de concert et aider les pays d’origine à lutter contre les causes multiples des migrations illégales, en finançant notamment des projets de développement dans les pays d’origine et en assurant le retour volontaire, digne et ordonné des réfugiés.  Cela passe notamment par le financement de projets de relèvement et de reconstruction précoces qui permettront aux migrants de disposer de moyens de subsistance à leur retour.  À ce titre, les Émirats arabes unis ont annoncé lors de la Conférence internationale sur la migration et le développement d’allouer 100 millions de dollars à de tels projets dans les pays frappés par la migration, a indiqué sa représentante. 

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) s’est dit préoccupé par la traite des êtres humains en Libye et dans le reste du monde.  Il a assuré que les États-Unis partagent la responsabilité de l’encadrement des migrations irrégulières dans le but d’assurer des migrations régulières. Déplorant l’utilisation de certaines embarcations par les trafiquants d’êtres humains, le représentant a remercié l’Union européenne pour ses efforts afin de porter secours aux migrants.  Les individus fuient souvent la violence dans leur pays, a-t-il constaté, pour ensuite être exploités par des trafiquants. S’ils ne perdent pas la vie lors de leur traversée de la mer Méditerranée, ils se voient expulsés vers les pays voisins ou voient leurs droits bafoués dès qu’ils retournent en Libye, a-t-il regretté.  Selon lui, la communauté internationale pourrait faire davantage d’efforts pour relever ce défi, qui n’est pas seulement opérationnel, en examinant les causes de ces migrations.  Le représentant a demandé la poursuite et la reconduction des mécanismes prévus par la résolution 2240 (2015).  Félicitant la France et les autres pays qui ont œuvré pour l’intégration des droits humains dans ladite résolution, il a émis le souhait que le Conseil de sécurité en appuie le renouvellement dans les jours à venir. 

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a rappelé que les mesures draconiennes de la résolution 2240 (2015) ont été jugées nécessaires pour lutter contre le trafic illicite de migrants et la traite d’êtres humains dans la Méditerranée, mais qu’elles ne doivent pas être utilisées pour justifier des violations du droit international des migrants interceptés dans cette mer.  Le représentant a repris les recommandations formulées par le Secrétaire général dans son rapport sur la mise en œuvre de la résolution 2652 (2022) qui a autorisé l’interception des navires au large des côtes libyennes.  La question de la migration ne doit pas être politisée, a-t-il ajouté.  Le délégué a souhaité que les gouvernements respectent le principe de non-refoulement et le droit de demander l’asile, ainsi que leurs obligations en matière de recherche et de sauvetage en mer en vertu du droit maritime international. 

Le délégué a déploré le fait que la situation soit pire aujourd’hui qu’au moment de l’adoption de la résolution 2240, il y a huit ans.  Or, a-t-il mis en garde, en l’absence de paix et de développement durable, les flux migratoires continueront d’augmenter. Il a donc recommandé une approche globale pour s’attaquer aux causes profondes de la migration irrégulière et notamment la mise en œuvre du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.  Il a également misé sur le deuxième Forum mondial sur les réfugiés pour contribuer à améliorer la situation de ceux qui fuient les persécutions, a prié le délégué. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a regretté le phénomène de migration illégale qui met en péril des vies humaines.  Il a encouragé à trouver des solutions efficaces aux flux migratoires qui causent des tragédies en mer.  Des mesures préventives sont essentielles pour entraver les activités des réseaux de trafiquants, a-t-il recommandé.  Dans ce contexte, le délégué a salué l’opération IRINI et appuyé la mise en œuvre de la résolution 2292 (2016).  En outre, le représentant a invité à renforcer la collaboration entre pays dans plusieurs domaines liés à cette problématique: la lutte contre la traite des personnes, la coopération aux frontières, la promotion de la migration régulière, la création d’emplois dans les pays d’origine ou encore le développement durable.  Il a aussi souligné la nécessité de chercher des solutions à long terme aux flux migratoires régionaux.  Enfin, le représentant a réaffirmé l’engagement de son pays à lutter contre la pauvreté, les conflits et le terrorisme, ces fléaux constituant, selon lui, les principales causes de la migration. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Quatrième Commission inaugure sa session 2023 par l’adoption de son programme de travail

1re séance plénière - matin
CPSD/774

La Quatrième Commission inaugure sa session 2023 par l’adoption de son programme de travail

Ce matin, la Quatrième Commission, chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation, a approuvé son calendrier et son programme de travail pour la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale, qui prévoit la tenue de 27 séances réparties entre le 28 septembre et le 9 novembre 2023, soit une de plus que l’an dernier. 

« Je suis convaincue que nos délibérations seront guidées par un esprit de consensus et de compréhension », a déclaré la Présidente de la Commission, Mme Mathu Joyini, de l’Afrique du Sud, en inaugurant sa session 2023.  

La Commission entreprendra l’examen des questions de fond dont elle est saisie le lundi 2 octobre prochain, date de l’ouverture de son débat général sur la décolonisation, dont les renseignements relatifs aux territoires non autonomes et l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux.  La Présidente a précisé que deux réunions supplémentaires ont été ajoutées au programme de travail adopté l’an dernier afin de poursuivre, si nécessaire, l’examen des points relatifs à la décolonisation.

Au cours des prochaines semaines, les délégations se pencheront également sur des sujets aussi variés que les missions politiques spéciales et les opérations de maintien de la paix, mais aussi l’assistance à la lutte antimines ou encore la coopération internationale touchant les utilisations pacifiques de l’espace.  S’agissant des méthodes de travail, Mme Joyini a indiqué que des dialogues interactifs sur certaines questions continueraient de se tenir. 

Les Îles Vierges britanniques, la Polynésie française, Guam et la Nouvelle-Calédonie ont exprimé le souhait d’intervenir au titre de l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux.  L’intervention de Gibraltar a été reportée en l’attente de la tenue des élections dans ce territoire, prévues le 12 octobre prochain. 

La Commission a en outre reçu environ 215 demandes d’audition de pétitionnaires des Îles Vierges britanniques, de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie, des Îles Vierges américaines et du Sahara occidental.

Cette année, le bureau de la Quatrième Commission sera formé, outre Mme Joyini, des Vice-Présidents M. Patryk Jakub Woszczek (Pologne), M. Joaquín Alberto Pérez Ayestarán (Venezuela) et Mme Sara Rendtorff-Smith (Danemark). Mme Mariska Dwianti Dhanutirto, de l’Indonésie, assumera les fonctions de Rapporteuse. 

Comme le veut la pratique établie, le Président du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, M. Omran Sharaf, des Émirats arabes unis, présidera aussi le Groupe de travail plénier sur la Coopération internationale touchant les utilisations pacifiques de l’espace. 

Conformément au plan de rotation des présidences des grandes commissions de l’Assemblée générale, la présidence de la Quatrième Commission pour la soixante-dix-neuvième session sera assumée par un candidat issu du Groupe des États d’Europe orientale.

Cette année encore, la Section des communiqués de presse du Département de la communication globale (DCG) publiera quotidiennement sur son site, en français et en anglais, des communiqués résumant les délibérations de la Commission.  Les séances publiques seront retransmises en direct sur UN Web TV

La Commission entamera son débat général le lundi 2 octobre 2023, à compter de 15 heures.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: la Cheffe de la MONUSCO salue l’acceptation par le Gouvernement de la RDC du plan de transition révisé de la Mission

9427e séance – matin
CS/15426

Conseil de sécurité: la Cheffe de la MONUSCO salue l’acceptation par le Gouvernement de la RDC du plan de transition révisé de la Mission

Le Conseil de sécurité a procédé ce matin à son examen trimestriel de la situation en République démocratique du Congo (RDC) sur la base du dernier rapport en date du Secrétaire général.  Les questions de sécurité ont encore dominé la séance du jour, mais les intervenants se sont aussi exprimés sur le devenir de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) après la publication, le 2 août, du rapport sur les possibilités d’adapter la configuration de la Mission et la configuration future de la présence onusienne, que le Conseil avait demandé dans sa résolution 2666 (2022).  La France a annoncé le dépôt d’un projet de déclaration présidentielle afin de préparer les prochaines échéances.

Le rapport sur le devenir de la présence onusienne avait été demandé dans la perspective de la révision du plan de transition de la MONUSCO, exigée par la RDC à l’automne dernier.  En principe, le rapport aurait dû suivre la signature du plan de transition révisé mais les discussions étaient encore en cours au moment de sa publication.  L’approbation, le 15 septembre, par les autorités de Kinshasa, du plan de transition révisé, a été qualifiée ce matin d’« étape importante vers l’accélération du départ de la Mission » par Mme Bintou Keita, Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la MONUSCO. 

Mme Keita a appelé à ce que le processus de retrait se déroule de manière « progressive et responsable » et s’est engagée à travailler conjointement avec les autorités congolaises pour mettre en œuvre le plan tout en permettant à la Mission de continuer à remplir le mandat que lui a confié le Conseil. 

À cet égard, plusieurs membres du Conseil, dont le Royaume-Uni, ont demandé que les conséquences du retrait pour les civils soient attentivement examinées alors qu’à l’heure actuelle, ont constaté les États-Unis, ni les forces régionales, ni les forces armées congolaises ne sont capables de les protéger.  Le retrait de la Mission ne doit pas venir exacerber une crise humanitaire déjà préoccupante ou occasionner des pertes en vies supplémentaires, ont-ils insisté, exprimant un préoccupation partagée notamment par la Suisse ou l’Équateur. 

La France a pour sa part jugé que les orientations contenues dans le rapport du Secrétaire général sur les options de retrait vont dans le bon sens.  Estimant en outre que les demandes des autorités congolaises sont exprimées en des termes « clairs, concrets et réalistes », le représentant français a appelé le Conseil de sécurité à prendre pleinement en compte ces demandes et annoncé le dépôt d’un projet de déclaration présidentielle en exprimant l’espoir qu’il « puisse être rapidement adopté dans un esprit constructif ». 

Les A3, la Fédération de Russie, le Brésil ou les Émirats arabes unis ont mis en avant la nécessité de prendre en compte l’avis du Gouvernement congolais ainsi que la situation sur le terrain, dans l’est du pays plus particulièrement.  De même, la Chine a invité le Conseil à promouvoir des « discussions responsables » entre le Gouvernement congolais, le Secrétariat, la Mission et les pays fournisseurs de contingents. 

Représenté par son Vice-Premier Ministre, M. Lutundula Apala Pen’apala, la RDC a estimé qu’un consensus se dégage pour un retrait « accéléré et échelonné mais non précipité », de la MONUSCO.  Le dignitaire a donc demandé « avec insistance » au Conseil de s’inscrire dans cette logique à « sortir de sa torpeur » pour assumer ses responsabilités et veiller à ce que le retrait de la Mission puisse démarrer « au plus tard à la fin de 2023 ».

Pour la RDC, le retrait de la Mission participe plutôt de « la facilitation et des efforts de déblocage d’un processus de paix très laborieux et fort complexe délibérément bloqué par le Rwanda et ses supplétifs du M23 », que le Vice-Premier Ministre a accusés tous deux d’avoir transformé le Nord-Kivu en une poudrière qui n’attend qu’une étincelle pour embraser de nouveau cette province martyr. Le représentant du Rwanda a rejeté ces accusations, reprochant une nouvelle fois en retour aux Forces armées de la RDC (FARDC) d’appuyer les forces qui ont perpétré le génocide au Rwanda.

Les questions de sécurité ont en effet été encore très présentes lors de la séance.  Mme Keita a présenté l’évolution récente de la situation en décrivant les atrocités commises et leurs conséquences humanitaires dramatiques dans les provinces orientales, rappelant que plus de six millions de personnes sont encore déplacées en Ituri et dans les Kivu .  Elle a exhorté les États à continuer d’épauler le Plan de réponse humanitaire, toujours sous-financé. 

Comme la Représentante spéciale, plusieurs intervenants ont rappelé que la solution dans l’est du pays exige aussi des « solutions politiques et régionales concertées ».  Les développements des différents processus de paix régionaux au fil des derniers mois ont été présentés.  Mme Keita a notamment rappelé que le mandat de la Force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est a été prorogé de trois mois et que la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADEC) avait confirmé son projet de déploiement d’une mission de paix dans l’est de la RDC.  Les États-Unis ont toutefois estimé que le Conseil de sécurité ne devrait pas avaliser l’appui de la MONUSCO aux différentes forces régionales sans avoir obtenu des informations complémentaires concernant le respect des droits de l’homme par ces troupes. 

Les questions relatives à la tenue des élections générales ont été également évoquées.  La date du 20 décembre a été confirmée par le Vice-Premier Ministre.  Tout en reconnaissant les efforts déployés par les autorités congolaises pour tenir ce calendrier, Mme Keita a exprimé son inquiétude face au rejet des propositions des forces politiques d’opposition et de la société civile pour résorber la crise de confiance.  Une représentante de la société civile a exhorté le Gouvernement congolais à garantir des élections libres, démocratiques et transparentes, dans le respect de la liberté d’expression, ce qu’a assuré le Vice-Premier Ministre. 

LA SITUATION CONCERNANT LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO (S/2023/691)

Déclarations

Mme BINTOU KEITA, Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), a indiqué que la situation demeure instable dans l’est de la RDC et requiert toujours des efforts continus de protection des civils.  Elle a souligné que la crise du Mouvement du 23 mars (M23) continue de nourrir la frustration et la colère de la population et d’alimenter des tensions entre la RDC et le Rwanda. 

Au Nord-Kivu, la MONUSCO a continué à dissuader les attaques des ADF (Forces démocratiques alliées) tandis que, plus au sud, le cessez-le-feu entre les forces congolaises (FARDC) et le M23 a été globalement respecté mais les combats entre le M23 et les groupes armés ralliés au Gouvernement se sont intensifiés.  La Représentante spéciale a appelé le M23 à déposer les armes et à se retirer sans délais des territoires occupés.  Elle a en outre appelé les signataires de la feuille de route de Luanda à pleinement appuyer ce processus. 

Tous les défis sécuritaires, notamment en Ituri et dans le Nord-Kivu, continuent d’alimenter une situation humanitaire dramatique dans les provinces orientales de la République démocratique du Congo, a déclaré Mme Keita, qui a rappelé que plus de six millions de personnes sont encore déplacées en Ituri et dans les Kivu. Elle a exhorté les donateurs à continuer d’épauler le Plan de réponse humanitaire, toujours sous-financé. Mme Keita a fait mention de la crise due aux violences sexistes et sexuelles,  appelant au maintien et à l’intensification de la protection des femmes et des filles des abus engendrés par le conflit. 

Les conflits dans l’est du pays exigent également des solutions « politiques et régionales concertées », a déclaré la Représentante spéciale, qui a rappelé la poursuite des différents processus de paix au fil des derniers mois, bien qu’à un rythme réduit.  La MONUSCO est prête à appuyer les processus politiques régionaux qui offrent les seules solutions crédibles aux conflits en cours, a rappelé Mme Keita.  À cet égard, elle s’est dite encouragée par la visite à Goma, début juillet, du Président du Kenya, facilitateur du processus de Nairobi, qui a souligné la nécessité de saisir l’occasion qu’offre le cessez-le-feu entre les FARDC et le M23 pour faire en sorte que les mesures de mise en confiance visant à faire progresser la feuille de route de Luanda soient opérationnalisées, et les recommandations des consultations politiques Nairobi III mises en œuvre. 

Mme Keita a par ailleurs rappelé que le mandat de la Force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est a été prorogé de trois mois et que la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADEC) avait confirmé son projet de déploiement d’une mission de paix dans l’est de la RDC. 

La Représentante spéciale a toutefois estimé que les efforts régionaux ne pourront atteindre leurs objectifs que si, en parallèle, des réformes essentielles du secteur de la sécurité congolais sont « adoptées, financées et mises en œuvre ».  Pour elle, la mise en œuvre du Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation constitue une condition essentielle de la stabilisation.  Elle a relevé que trois plans opérationnels ont été adoptés dans ce contexte pour l’Ituri, le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. 

Abordant la question des élections générales de décembre prochain, la Cheffe de la MONUSCO a noté les efforts déployés par les autorités congolaises et la Commission électorale nationale indépendante (CENI) pour tenir son calendrier dans les « délais constitutionnels ».  Elle a néanmoins exprimé son inquiétude face au rejet des propositions des forces politiques d’opposition et de la société civile pour résorber la crise de confiance. Elle a en particulier encouragé les autorités nationales à opérationnaliser, d’urgence, les cadres institutionnels qui, selon elle, permettront une gestion efficace et responsable de l’ordre public pendant la période pré-électorale. 

Regrettant que la MONUSCO soit la cible de désinformation, de menaces et d’attaques, sa Cheffe a déploré que des civils aient été tués, le 30 août à Goma, par les forces de sécurité nationales, souhaitant que la lumière soit faite sur les circonstances de cet événement tragique, notamment à l’occasion des procès en cours. 

Rappelant enfin que le Président Tshisekedi a demandé, devant l’Assemblée générale, que la MONUSCO accélère son retrait à partir de décembre 2023, Mme Keita a indiqué que le 15 septembre, les autorités congolaises ont approuvé le plan de transition révisé de la MISSION pour un retrait graduel et responsable.  Elle y a vu une « étape importante vers l’accélération du départ de la Mission, tout en veillant à ce que le processus se déroule de manière progressive et responsable ».  Elle s’est engagée à travailler conjointement avec les autorités congolaises pour mettre en œuvre ce plan tout en permettant à la MONUSCO de continuer à remplir le mandat que lui a confié le Conseil de sécurité.

M. MICHEL XAVIER BIANG, Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1533 (2004) concernant la République démocratique du Congo, a indiqué que, depuis son dernier exposé, le Comité a tenu deux consultations au cours du restant de l’année 2022, ainsi que cinq consultations depuis le début de l’année 2023.  Lors de la réunion du 22 décembre 2022, le Comité a examiné le rapport de son Président sur le déplacement qu’il a effectué en RDC, au Rwanda et en Ouganda du 7 au 18 novembre.  Le 2 novembre 2022, les délégations ont reçu des informations du Secrétariat en prévision de la visite du Président en RDC, au Rwanda et en Ouganda.  Les 4 novembre et 7 décembre 2022, les membres du Comité ont rencontré le haut responsable du mécanisme de suivi de la République démocratique du Congo, M. Robert Petit, qu’ils ont de nouveau rencontré à trois reprises depuis le début de l’année, les 17 avril, 27 juin et 14 septembre. M. Biang a rappelé que le Comité continue d’appuyer le mécanisme, qui prête son concours aux autorités du Gouvernement congolais dans le cadre des enquêtes menées sur le meurtre dont ont été victimes, en mars 2017, deux anciens membres du Groupe d’experts, Mme Zaida Catalán et M. Michael Sharp, et les quatre Congolais qui les accompagnaient.

Enfin, M. Biang a dit quelques mots des consultations qui se sont tenues en 2023. Il a notamment expliqué que, lors de la réunion du 16 février avec les États de la région et d’autres États intéressés, la Coordonnatrice du Groupe d’experts a présenté les principales conclusions et recommandations figurant dans le rapport à mi-parcours, à la suite de quoi des membres du Comité et des représentants d’États de la région ont fait part des observations que leur inspirait le rapport.  Lors de la réunion du 9 mai, le Comité a entendu un exposé des représentants de la MONUSCO, en l’occurrence des membres du Centre d’analyse conjointe de la Mission, de la Cellule embargo sur les armes et du Service de la lutte antimines ainsi que du Conseiller principal pour les ressources naturelles, a-t-il ajouté.

Mme ANNY TENGAMENDITE MODI, Directrice exécutive de AFIA MAM, a, en tant que représentante de la société civile, rappelé que la grave crise humanitaire que traverse le pays était due à trois décennies de conflits armés internes, d’agressions de groupes armés soutenus par des pays voisins et de catastrophes naturelles.  De plus, les actes de violence, d’abus et d’exploitation sexuels sont commis non seulement dans le contexte du déplacement des populations, en particulier en Ituri, dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, mais aussi ailleurs dans le pays, partout où les besoins humanitaires sont importants.  Citant le chiffre de 35 000 cas de violences sexuelles commises de janvier à juin 2023, Mme Tengamedite Modi a témoigné de leur impact considérable en termes de protection et de santé.  Elle a dénoncé l’impunité dont bénéficient les auteurs de ces violences du fait de la difficulté du droit d’accès à la justice des victimes et survivantes. 

Notant que la RDC avait pris des dispositions pour assurer l’accès à la justice et la responsabilisation pour les violences sexuelles liées aux conflits, notamment par l’adoption d’une loi et la création du Fonds national de réparation des victimes, Mme Tengamedite Modi a appelé de ses vœux la mise en place d’infrastructures de prise en charge juridique et judiciaire de ces survivantes et victimes, et « l’affectation de magistrats dans les zones reculées pour rapprocher la justice des justiciables ». 

S’agissant de la participation des femmes dans les efforts de consolidation de la paix, l’intervenante a appelé à l’application de la résolution 1325 (2000), par laquelle le Conseil de sécurité s’engage à respecter la parité de genre dans le cadre de ses missions.  Elle a recommandé aux agences des Nations Unies d’apporter une assistance technique aux organisations féminines, d’appuyer les programmes de sensibilisation sur la masculinité positive, de faciliter l’accès à l’eau, à l’hygiène et à l’assainissement ou encore de renforcer les initiatives des femmes dans la participation aux processus de paix de Nairobi et de Luanda. 

L’intervenante a par ailleurs appelé les bailleurs de fonds à financer des programmes de prévention et des approches programmatiques telles que l’accès à la justice ou le droit à la santé sexuelle et reproductive, et invité le Conseil à s’assurer de la mise en œuvre de la résolution 1820 (2008) qui vise à imposer des sanctions disciplinaires et à faire observer le principe de responsabilité du supérieur hiérarchique pour poursuivre les auteurs d’actes de violences sexuelles.  Elle a enfin demandé au Gouvernement de la RDC de renforcer, entre autres, la gestion et la sécurité des camps des déplacés, de promouvoir la participation et le leadership des femmes dans les initiatives de stabilisation communautaires ou encore d’engager des poursuites contre les auteurs présumés des violences sexuelles en conflits.  En conclusion, Mme Tengamedite Modi a appelé le Gouvernement à garantir des élections libres, démocratiques et transparentes, dans le respect de la liberté d’expression. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a estimé que le Conseil doit se montrer à la hauteur de l’enjeu du retrait de la MONUSCO demandé par les autorités congolaises. Dans ce contexte, il a salué les orientations contenues dans le rapport du Secrétaire général sur les options de retrait de la MONUSCO, qui selon lui vont dans le bon sens.  Alors que les demandes des autorités congolaises sont exprimées en des termes clairs, concrets et réalistes, le Conseil de sécurité doit prendre pleinement en compte ces demandes, a plaidé le représentant, avant d’annoncer que sa délégation proposera un projet de déclaration présidentielle afin de préparer les prochaines échéances.  Il a dit espérer que ce texte puisse être rapidement adopté dans un esprit constructif. 

Par ailleurs, M. de Rivière s’est dit préoccupé par l’accroissement des tensions dans l’est de la RDC, par le maintien du M23 sur les positions qu’il a conquises dans cette région, par le soutien militaire du Rwanda au M23, la présence persistante de soldats rwandais sur le territoire congolais, mais aussi par le soutien, attesté, par certains membres des forces armées congolaises (FARDC) à des groupes armés tels que les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).  Tout cela doit prendre fin, a dit le représentant, avant d’indiquer qu’avec les États-Unis et le Royaume-Uni, son pays avait proposé, hier, la désignation, dans le cadre du régime de sanctions de la RDC, de deux responsables militaires du M23 et des FDLR. 

Concluant sur la tenue prochaine des élections générales en RDC, le représentant a encouragé un processus électoral fondé sur le dialogue.  La Commission électorale nationale indépendante et les acteurs politiques et de la société civile doivent redoubler d’efforts pour permettre le bon déroulement de ces élections dans un esprit de consensus, a-t-il dit. 

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a lancé un appel à tous les groupes armés pour qu’ils déposent les armes et à tous ceux qui soutiennent les groupes armés illégaux à s’abstenir de le faire.  Tout en appuyant le cessez-le-feu entre le Gouvernement de la RDC et le M23, il a néanmoins exprimé sa préoccupation face aux hostilités en cours entre les groupes armés dans le Nord-Kivu et l’Ituri.  Le délégué a également été d’avis que le retrait futur de la MONUSCO et la transition doivent prendre en compte la situation complexe sur le terrain, la priorité majeure devant être accordée à la protection des civils, qui incombera au premier chef au Gouvernement congolais après le départ de la Mission.  Il a jugé que les forces régionales comme celle de la Communauté d’Afrique de l’Est devraient également jouer un rôle prioritaire. 

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a remercié le Gouvernement de la RDC de s’être engagé à tenir le calendrier des élections cette année et s’est félicitée de la publication de la liste des candidats.  Elle appelé la MONUSCO à poursuivre son soutien à ce processus et expliqué qu’à l’avenir, la MONUSCO devait s’assurer de la participation pleine et entière des femmes pour garantir son efficacité.  Citant le rapport du Secrétaire général, elle a noté que certains ateliers avaient contribué à augmenter le nombre de candidates à des postes politiques.  Elle a espéré que la Mission pourra continuer à soutenir de tels progrès et se concentrer sur la promotion de la tolérance et de la coexistence pacifique et sur la lutte contre les discours de haine. 

Préoccupée par l’augmentation de la violence dans l’est de la RDC, la représentante a appelé le M23 et les autres groupes armés à cesser les hostilités « de façon définitive et sans condition ».  Mais une stratégie plus globale est nécessaire, a-t-elle noté, s’agissant de la protection des femmes et des filles et plus généralement des civils.  Elle a aussi insisté sur le fait que le règlement des différents et la désescalade dans la région passaient par un processus de paix et un dialogue « entre Africains », au niveau régional notamment, en coordination avec le Gouvernement de la RDC.  S’agissant de la demande du Gouvernement visant à accélérer le retrait de la MONUSCO, la représentante a souligné l’importance de « tenir compte de la position de l’État hôte » et de garantir le dialogue entre le Gouvernement congolais et la Mission.  Enfin, elle a exhorté les institutions spécialisées des Nations Unies à continuer à travailler avec le Gouvernement pour remédier à la situation humanitaire sur le terrain, en s’attachant notamment au sort des enfants qui souffrent de malnutrition, de la fermeture des écoles et des conséquences de leur déplacement.  Il faut protéger la génération future, a-t-elle conclu. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a noté que la situation dans l’est de la RDC reste extrêmement difficile.  Le représentant a condamné les activités des groupes armés illégaux opérant sur le territoire congolais et les a appelés à déposer les armes.  Il s’est dit extrêmement préoccupé par la dégradation continue de la situation humanitaire, avant de noter le rôle important des Nations Unies dans la réponse apportée. 

Le représentant a salué les efforts déployés par les dirigeants régionaux dans le cadre des processus de Nairobi et de Luanda.  Pour la Fédération de Russie, la tâche prioritaire consiste à parvenir à une cessation des hostilités et à créer les conditions d’un dialogue global et inclusif.  Son représentant a jugé impossible de parvenir à une normalisation à long terme uniquement par des moyens militaires.

Le représentant a appelé à surmonter les tensions entre Kinshasa et Kigali, avant de se dire convaincu que la présence de la MONUSCO dans la zone de conflit reste un facteur de stabilisation.  Il a souligné l’importance d’une coordination accrue entre les forces congolaises et la MONUSCO, avant de dire son inquiétude devant les manifestations contre la présence des Casques bleus.  Enfin, s’agissant du mandat de la Mission, il a jugé essentiel de prendre en compte l’avis du Gouvernement congolais ainsi que la situation sur le terrain.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a dit partager l’objectif d’un retrait fructueux, responsable, organisé et ordonné de la MONUSCO, tel que demandé par les autorités congolaises.  Mais elle attend dans le même temps, et avec beaucoup d’intérêt, les propositions de la MONUSCO et des autorités congolaises pour garantir la protection des civils avant, pendant et après le retrait de la Mission, dans un contexte où ni les forces régionales, ni les forces armées congolaises ne sont pour l’heure capables de protéger les civils.  Le retrait de la Mission ne doit pas venir exacerber une crise humanitaire déjà préoccupante ou occasionner des pertes en vies supplémentaires, a plaidé la représentante. 

Mme Thomas-Greenfield a également estimé que le Conseil de sécurité ne devrait pas avaliser l’appui de la MONUSCO aux forces régionales sans un complément d’informations concernant le respect des droits de l’homme par ces troupes et sans avoir reçu des réponses aux préoccupations relatives au commandement de ladite force.  Par ailleurs, les États-Unis demandent à la RDC de cesser tout soutien aux FDLR, tout comme ils demandent au Rwanda de cesser son appui au M23 et de se retirer du territoire de la RDC. 

S’agissant des élections, la représentante s’est dite préoccupée par les restrictions imposées à l’espace politique et à la société civile et par les poursuites judiciaires entamées contre deux candidats à l’élection présidentielle.  Tous les Congolais devraient avoir le droit de choisir pour qui ils veulent voter, a‑t‑elle conclu. 

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), s’exprimant au nom des A3, a avoué sa profonde préoccupation face à la situation sécuritaire dans le pays à quelques mois des élections générales.  Il a demandé aux autorités de veiller à garantir la transparence et la liberté d’expression tout au long du processus électoral.  Il a dénoncé, par ailleurs, les exactions qui perdurent contre les populations civiles et les pillages des ressources naturelles du pays, avant d’exhorter la communauté internationale à épauler les efforts de stabilisation et de protection de la population civile.  Il s’est aussi inquiété du sentiment anti-MONUSCO et invité le Gouvernement congolais à prendre les mesures nécessaires pour que justice soit faite pour les attaques récentes. 

Les A3 recommandent un retrait graduel et responsable de la MONUSCO, et encouragent à appuyer les processus de Nairobi et de Luanda en vue du retrait immédiat des groupes armés des zones occupées, mais également de tous les groupes armés étrangers. Malgré tous les appels depuis 25 ans, la sécurité et la situation humanitaire continuent à se détériorer et des générations entières sont sacrifiées ce qui constitue une menace pour la stabilité régionale et la paix et la sécurité internationales, a souligné le représentant. 

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) s’est dit extrêmement préoccupé par la fragilité de la situation dans l’est de la RDC, avant de saluer l’engagement du Gouvernement congolais en faveur d’un retrait de la MONUSCO « progressif et responsable ».  Mon pays est prêt à considérer une réduction des troupes lors de l’examen du renouvellement de la Mission en décembre, conformément à la demande du Gouvernement d’accélérer le retrait de cette dernière, a indiqué le délégué.  Il a demandé que les conséquences de ce retrait pour les civils soient attentivement examinées, tant un retrait précipité pourrait avoir de graves incidences.  Il a en effet rappelé que la Mission protège des milliers de civils dans l’est du pays. Si l’ONU et les partenaires internationaux peuvent jouer un rôle d’appui, le Gouvernement doit être désireux et capable d’assumer ses responsabilités s’agissant de la protection des civils, a conclu le délégué.

M. DAI BING (Chine) a rappelé que, face aux hostilités dans l’est de la RDC, son pays réitérait son appel au M23 et aux autres groupes armés à mettre en œuvre les décisions des processus de Nairobi et de Luanda, à faire cesser la violence et à se retirer des zones qu’ils occupent.  Le représentant a rappelé que le maintien de la stabilité dans cette région était essentiellement dépendant du renforcement des capacités de sécurité du pays, et noté que le plan de réforme de l’armée continuait de se heurter à des problèmes de financement, auxquels la Chine est prête à remédier en fournissant l’aide technique et financière nécessaire. 

Le représentant a ensuite souligné que la situation sécuritaire en RDC avait un impact dans toute la sous-région des Grands Lacs et noté que les dirigeants de cette sous-région avaient récemment encore appelé à des efforts supplémentaires. La Chine estime que la coordination devait y être soutenue de manière renforcée, notamment via le dialogue avec la MONUSCO. 

S’agissant des élections de décembre, le représentant a noté le regain de tensions politiques en RDC et invité toutes les parties à prendre en compte les intérêts de la population pour garantir le déroulement stable du processus électoral. Ces élections relèvent des affaires intérieures du pays, a-t-il rappelé, en demandant à la communauté internationale d’éviter « toute pression et ingérence extérieure » dans ce processus. 

Appelant la MONUSCO à « renforcer sa communication » avec le Gouvernement de la RDC et la population pour éviter tout incident, le représentant a évoqué l’allocution du Président Tshisekedi devant l’Assemblée générale, souligné que la position de la RDC devait être prise en compte et invité le Conseil à promouvoir des « discussions responsables » entre le Secrétariat, la MONUSCO, les pays fournisseurs de contingents et le Gouvernement congolais.

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a dit prendre au sérieux la demande du Gouvernement congolais d’accélérer le retrait progressif de la MONUSCO.  Il sera nécessaire de garantir un retrait responsable, échelonné et durable, car, a-t-il averti, tout départ précipité pourrait entraîner des conséquences néfastes pour les milliers de personnes déplacées internes, notamment dans les régions où les bases de la MONUSCO constituent le seul rempart, aussi faible qu’il soit, contre les violations du droit international.  Sur cette base, le représentant a encouragé la RDC à intensifier sa coopération avec la Mission pour renforcer les capacités des forces armées et de la police nationale. 

Le représentant a ensuite jugé central le rôle de la région dans la recherche de solutions pacifiques, notamment pour garantir un espace politique permettant d’apaiser les tensions régionales.  Pour preuve, le soutien de la Communauté d’Afrique de l’Est a contribué à dissuader certaines opérations des groupes armés, tel que le M23.  C’est pourquoi il a appelé tous les acteurs, notamment la RDC et le Rwanda, à honorer leurs engagements, à établir un dialogue sincère et à cesser leur soutien aux groupes armés.  S’agissant enfin du processus électoral, il a prié les autorités congolaises de redoubler d’efforts pour garantir un espace civique ouvert et pluraliste.  Il s’agit d’assurer des résultats crédibles et un processus inclusif et transparent, a-t-il conclu. 

Mme SHINO MITSUKO (Japon) a déclaré que les conditions agréées pour le retrait de la MONUSCO doivent être basées sur des efforts collectifs concertés pour la reconfiguration de la Mission, à travers une appropriation effective par les autorités nationales.  La prorogation récente du mandat de la Force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est est une bonne nouvelle, s’est-elle félicitée, en appelant par ailleurs à cesser tout appui aux groupes armés.  Le Japon soutient les efforts du Gouvernement de la RDC, mais il importe que celui-ci veille au respect de l’état de droit.  La déléguée a aussi expliqué que son pays a fourni des cliniques mobiles dans la région du Nord-Kivu et a observé les élections locales.  Réduire l’espace civique et entraver la campagne politique légitime ne conduira à rien, a‑t‑elle en outre estimé, en encourageant à la transparence. 

M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a déclaré que la violence ne fait qu’aggraver la crise humanitaire en RDC.  Le soutien de la communauté internationale est essentiel pour répondre aux besoins des 26,4 millions de personnes connaissant une situation d’insécurité alimentaire aiguë, a plaidé le délégué, en indiquant que la sécurité du personnel humanitaire doit être garantie à tout moment.  Tout en respectant la décision du Gouvernement de la RDC concernant le départ anticipé de la MONUSCO, le délégué a appelé au maintien d’une collaboration étroite entre le Gouvernement et les Nations Unies afin de permettre une transition progressive et responsable, dans le respect des droits humains, « avant, pendant et après la transition ».  Enfin, il a espéré que toutes les parties intéressées participeront de manière constructive au quatrième cycle de consultations du processus de Nairobi, avant de souligner les efforts du Gouvernement s’agissant des préparatifs des élections de décembre prochain.

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a fait part de sa préoccupation face à la situation humanitaire en RDC, notant que la réponse restait sous-financée par rapport aux besoins.  Le processus électoral en RDC, a‑t‑elle insisté, doit incarner les principes de liberté, d’équité, de transparence et d’inclusivité, afin que les progrès réalisés puissent inspirer confiance dans les institutions.  Elle s’est inquiétée des intimidations et de la violence dirigées contre des personnalités politiques de l’opposition et des représentants de la société civile et a fait écho à l’appel du Secrétaire général pour une adoption rapide du projet de loi du Gouvernement contre le tribalisme, le racisme et la xénophobie. 

S’agissant du renouvellement du mandat de la MONUSCO, la déléguée a soutenu la transition vers un transfert des responsabilités de la Mission aux autorités congolaises, ainsi que la proposition du Secrétaire général de retirer des unités du Sud-Kivu.  Elle a jugé impératif d’établir un calendrier bien défini pour ce processus et mis en exergue le mandat de la Mission pour soutenir la formation et le renforcement des capacités des forces de sécurité de la RDC.  Elle a par ailleurs rappelé le soutien de Malte aux négociations engagées au niveau régional.  Condamnant les atrocités commises par tous les groupes armés, la déléguée a exhorté toutes les parties à respecter les décisions et accords des processus de Nairobi et de Luanda et indiqué que le renforcement du système judiciaire congolais devait rester au cœur des efforts multilatéraux et gouvernementaux pour lutter contre l’impunité.  Elle s’est à ce titre félicitée de l’engagement du Gouvernement à demander des comptes aux responsables des violences du 30 août dernier. 

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a déclaré partager les mêmes préoccupations quant à l’instabilité et l’insécurité dans l’est de la RDC, tant les groupes armés qui y opèrent, dont le M23 et la CODECO, continuent de faire régner une terreur constante pour les civils.  De plus, la multiplication des affrontements entre le M23 et les groupes armés et les relations instables entre la RDC et le Rwanda pourraient perturber l’architecture géopolitique de la région.  Pour éviter cela, la représentante a jugé important que toutes les parties s’engagent véritablement dans les processus de paix régionaux, notamment en mettant en œuvre les processus de Nairobi et de Luanda.  Le Rwanda et la RDC ont la responsabilité de donner à la paix une chance de se renforcer en mettant fin au soutien et à la coopération avec les groupes armés locaux, a-t-elle plaidé.

En ce qui concerne la transition de la MONUSCO, la représentante a dit avoir pris note de la demande de la RDC pour un retrait accéléré de la Mission.  Sa délégation soutient les efforts des Nations Unies pour finaliser -en coopération et conformément aux aspirations de la RDC- le plan de transition commun révisé.  Compte tenu des élections de décembre et de la fragilité sécuritaire dans l’est, sa finalisation devrait garantir à la fois un retrait ordonné et une extension de l’autorité de l’État et de sa capacité à protéger les civils, a-t-elle suggéré. 

M. CHRISTOPHE LUTUNDULA APALA PEN’APALA, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères et de la Francophonie de la République démocratique du Congo, a d’abord souhaité être le dernier intervenant à cette session.  Il s’est ensuite lancé dans un « bref rappel » de l’approche actuelle de son pays sur la crise sécuritaire grave qui sévit depuis un quart de siècle dans sa partie orientale, et plus précisément dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu.  Il a décrit ces provinces comme victimes des activités criminelles des groupes armés terroristes, dont le Mouvement dit du 23 mars, M23, « soutenu en matériels de guerre et en hommes des troupes par le Rwanda, agresseur de notre pays connu des Nations Unies ».  Il a en outre confirmé le contenu de la lettre adressée le 1er septembre au Président du Conseil, invitant cet organe à s’y pencher en profondeur, avec la plus grande lucidité et objectivité, dans un esprit constructif.

Le Vice-Premier Ministre a aussi rappelé qu’en décembre dernier, il avait alerté sur le fait que de multiples exactions perpétrées par les groupes armés terroristes continuaient et s’amplifiaient dans l’est du pays, en dépit de la présence au Congo d’environ 16 000 hommes des troupes de l’ONU pendant 25 ans et des milliards de dollars dépensés pour y restaurer la sécurité et la paix. 

M. Lutundula Apala Pen’apala a rappelé qu’il avait également alerté sur les vives tensions qui envenimaient les relations entre la MONUSCO et les populations congolaises, en particulier celles des territoires ravagés par ces groupes armés, qui ne cessent jusqu’à ce jour de reprocher à la Mission « sa passivité et son incapacité avérées » à les protéger et à aider à mettre fin à l’insécurité quasi permanente dont elles sont victimes. 

Il est temps que l’ONU « tire les leçons de ses interventions en Afrique et change de paradigme quant à ses missions de paix dans notre continent », a poursuivi le Vice-Premier Ministre, en demandant « avec insistance » au Conseil de s’inscrire dans la logique de l’accélération, et non de la précipitation, du retrait de la MONUSCO, qu’il a suggéré de démarrer « au plus tard à la fin de 2023 ».  Il a noté que cette accélération a été préconisée par le Secrétaire général de l’ONU dans son dernier rapport, avant de souhaiter que le Secrétariat engage en urgence des discussions avec le Gouvernement de la RDC dans le cadre du Comité conjoint institué par la résolution 2409 (2018). 

Le rapport dudit comité devrait être déposé à la fin du mois d’octobre au plus tard, a averti le Vice-Premier Ministre, qui a dit attendre du Conseil de sécurité qu’il tire toutes les conséquences de la nouvelle approche du retrait de la MONUSCO dans la résolution qu’il adoptera en décembre.

Estimant qu’un consensus se dégage quant au fond sur le retrait accéléré et échelonné de la MONUSCO, M. Lutundula Apala Pen’apala a affirmé que le retrait de la Mission n’est ni une fin en soi ni une panacée à l’insécurité et aux violences récurrentes à l’est de la RDC et dans la Région des Grands Lacs.  Pour lui, ce retrait participe plutôt « à la facilitation et aux efforts de déblocage d’un processus de paix très laborieux et fort complexe délibérément bloqué par le Rwanda » et ses supplétifs du M23.  Il a accusé tant le Rwanda que le M23 d’avoir transformé le Nord-Kivu en une poudrière qui n’attend qu’une étincelle pour embraser de nouveau cette province martyr, et appelé le Conseil à « sortir de sa torpeur » pour assumer ses responsabilités. 

Le Vice-Premier Ministre a en outre jugé inadmissible et injuste que plusieurs rapports des groupes d’experts mandatés par l’ONU pour enquêter sur la situation sécuritaire en RDC, dûment déposés au Conseil, « moisissent dans ses tiroirs depuis plusieurs années » sans être examinés.  C’est pourquoi, a-t-il expliqué, la RDC a déposé, le 19 septembre, auprès du Comité des sanctions pertinent, les noms des personnes et entités citées dans les rapports en vue de les faire inscrire sur la liste des sanctions.  Il a souhaité que le Conseil « daigne s’y pencher » et suive les « bons exemples » des États-Unis, qui ont sanctionné le Rwanda pour son soutien aux terroristes du M23, et de la France, qui vient également de sanctionner deux dirigeants du même groupe et des criminels des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). 

« Agissez, agissez avant qu’il ne soit trop tard », a lancé le Vice-Premier Ministre, qui a appelé le Conseil à hausser le ton en sommant sans équivoque aussi bien le M23 de déposer les armes et de se rendre dans les cantonnements prévus, et le Rwanda de retirer sans condition ses troupes du pays et cesser son soutien au M23.

M. CLAVER GATETE (Rwanda) a déclaré que le cessez-le-feu est un pas dans le règlement du conflit, lequel dépend de la volonté des parties.  Il a rejeté les accusations contre son pays et indiqué que des forces qui ont perpétré le génocide au Rwanda sont appuyées par la RDC. Le Conseil doit exhorter la RDC à s’acquitter de ses responsabilités, a dit le délégué, en fustigeant les discours de haine en RDC.  « Le Conseil doit sortir de son silence. »  Enfin, il a indiqué que son pays n’a rien à gagner en RDC, avant d’appuyer le processus de Nairobi et de demander le rapatriement des réfugiés. 

Réagissant après l’intervention du Rwanda, le Vice-Premier Ministre de la République démocratique du Congo a ironisé:  « Cette chanson, on la connaît », a-t-il commenté, avant de répéter que chaque gouvernement avec des groupes armés en RDC doit négocier avec eux pour qu’ils rentrent dans leur pays.  C’est le processus de Nairobi.  Il a souligné que le M23 se trouvait à Nairobi mais s’est retiré du processus à l’injonction du Rwanda.  Rien ne justifie l’atterrissage, hier, de militaires rwandais sur le territoires de la RDC, a-t-il conclu. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Commission économique et financière (Deuxième Commission) entame sa session en approuvant son ordre du jour, axé sur le relèvement durable

Soixante-dix-huitième session,
1re séance plénière - matin
AG/EF/3582

La Commission économique et financière (Deuxième Commission) entame sa session en approuvant son ordre du jour, axé sur le relèvement durable

La Commission économique et financière (Deuxième Commission) de l’Assemblée générale a entamé, ce matin, sa soixante-dix-huitième session en approuvant son ordre du jour et l’organisation de ses travaux.

Après avoir énoncé les règles guidant la Commission, notamment les différents temps de parole, son Président M. Carlos Amorín (Uruguay) a annoncé que celle-ci commencera ses travaux lundi 2 octobre, par un débat général de deux jours, sur le thème « Œuvrer à un relèvement durable pour toutes et tous ».  Comme par le passé, ce débat sera précédé d’un discours liminaire, prononcé cette année par Mme Jayati Ghosh, professeure au Département d’économie de la University of Massachusetts.  Les travaux de la Commission prendront fin le mercredi 22 novembre, a indiqué le Président, se disant convaincu qu’ils seront productifs cette année, grâce à la sagesse collective.

Le débat commun avec le Conseil économique et social (ECOSOC) aura lieu mardi 10 octobre sur le thème « Tirer parti des produits de base pour un développement économique durable ».  En outre, le Bureau a proposé qu’un événement parallèle sur le thème « Nouvelles perspectives de développement au XXIe siècle » soit organisé le 12 octobre.  Quant au dialogue annuel avec les secrétaires exécutifs des commissions régionales, il se tiendra le matin du lundi 16 octobre.

Comme il est désormais de coutume, les décisions sur les projets de résolution seront programmées au cours de la seconde moitié des travaux de la Commission, en novembre.  Les délégations ont été priées par le Président de faire tout leur possible pour conclure les négociations dans les délais prévus, afin de permettre de se prononcer sur les projets de texte aux dates indiquées sur le programme de travail.

Afin d’améliorer les méthodes de travail de la Commission, en ligne avec les recommandations de l’Assemblée générale sur ce sujet, M. Amorín a encouragé les délégations à rendre des résolutions rationalisées, concises, ciblées et orientées vers l’action; à préciser clairement dans leurs titres leur lien avec le Programme de développement durable à l’horizon 2030; et à envisager d’y inclure des dispositions visant à accélérer la mise en œuvre dudit programme.

En ce qui concerne la documentation officielle à la disposition des délégations de la Deuxième Commission, le Président a noté que presque tous les rapports sont disponibles, mais que deux rapports établis par la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement) seront ultérieurement soumis aux États Membres.  Comme ils ne sont pas traduits dans les six langues officielles des Nations Unies, la Commission a décidé d’inviter des représentants de la CNUCED à en présenter les passages les plus pertinents lors de l’examen du point « Questions de politique macroéconomique », en complément de la présentation des rapports du Secrétaire général, le 5 octobre.

En outre, le Président a fait savoir que, lors de la dernière session, la Commission n’avait pas été en mesure d’examiner un rapport du Secrétaire général, soumis en retard et intitulé « Assurer la mise en œuvre efficace des fonctions du Bureau du Haut-Représentant pour les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement ».  Il a donc proposé que, à titre exceptionnel, la Commission examine ce rapport lors de cette soixante-dix-huitième session.

Outre le Président de la Commission, M. Carlos Amorín (Uruguay), le Bureau se compose du Rapporteur, M. Ivaylo Gatev (Bulgarie), et de trois Vice-Présidents, M. Jeswuni Abudu-Birresborn (Ghana), M. Diego Cimino (Italie), et Mme Nichamon May Hsieh (Thaïlande), tous élus à la séance du 1er juin.

Enfin, le Président a rappelé aux délégations que, comme c’est le cas depuis la soixante-septième session, toutes les séances publiques de la Commission seront diffusées sur le Web.  Un lien vers la couverture en direct et les vidéos archivées des réunions est disponible sur le site Internet de la Deuxième Commission.  En outre, des communiqués de presse, en anglais et en français, sur les réunions publiques de la Commission sont préparés par le Département de la communication globale (DGC) et sont mis à disposition le jour même sur le site Web de l’ONU.

La prochaine réunion de la Deuxième Commission aura lieu lundi 2 octobre, à partir de 10 heures.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Syrie: les membres du Conseil de sécurité se félicitent de la réouverture du point de passage de Bab el-Haoua et appellent à la reprise du processus politique

9426e séance -
après-midi
CS/15425

Syrie: les membres du Conseil de sécurité se félicitent de la réouverture du point de passage de Bab el-Haoua et appellent à la reprise du processus politique

Réunis cet après-midi pour examiner la situation politique et humanitaire en Syrie, tous les membres du Conseil de sécurité se sont réjouis de la reprise, le 19 septembre dernier, des livraisons humanitaires depuis la Türkiye vers le nord-ouest de la Syrie via le point de passage frontalier de Bab el-Haoua, principale voie pour acheminer l’aide nécessaire à plus de quatre millions d’habitants, dont 80% de femmes et d’enfants.

De nombreux membres du Conseil se sont également prononcés en faveur de la reprise des travaux de la Commission constitutionnelle syrienne qui se réunit à Genève et dont les travaux sont dans l’impasse depuis près d’un an.

Sur le plan humanitaire, alors que les besoins ont atteint un paroxysme, avec 90% de la population syrienne plongée dans la pauvreté, 12 millions souffrant d’insécurité alimentaire et plus de 15 millions ayant besoin d’aide humanitaire, dont 600 000 enfants en carence de croissance, le principal point nouveau était la réouverture du point de passage de Bab el-Haoua, à la frontière turque.  Seul point d’accès restant ouvert au titre du mécanisme transfrontalier établi initialement en 2014 et dont le renouvellement était soumis régulièrement à l’approbation du Conseil de sécurité, le point de passage avait dû fermer le 11 juillet dernier, les membres du Conseil ne s’étant pas entendus sur les modalités d’une nouvelle reconduction de l’autorisation.  C’est à la suite d’un accord conclu en août entre le Gouvernement syrien et l’ONU que cette réouverture a été rendue possible, et effective le 19 septembre.

Au 22 septembre, 49 camions remplis d’aide essentielle de l’UNICEF, du Programme alimentaire mondial, (PAM), de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) sont passés avec succès par ledit passage.  Et avec la prolongation pour trois mois des postes-frontières de Bab el-Salam et de Raaï, ce sont désormais trois passages que les Nations Unies peuvent emprunter et atteindre chaque mois 2,7  millions de nécessiteux, se sont félicités le Brésil et la Suisse, porte-plumes du dossier humanitaire syrien.

Comme eux, l’ensemble des membres du Conseil, mais aussi l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. Geir Pedersen, la Directrice des opérations et de la communication à l’Office de coordination des affaires humanitaires, Mme Edem Wosornu, et la responsable régionale d’International Rescue Committee (IRC), Mme Su’ad Jarbawi, s’en sont félicités.

La réouverture dudit passage étant le fruit d’un accord avec le Gouvernement syrien, il est essentiel que toutes les modalités soient utilisées pour garantir que l’aide humanitaire continue d’être délivrée, y compris par l’atténuation des effets négatifs des sanctions et la pleine mise en œuvre les exemptions humanitaires existantes, a insisté M. Pedersen.

Pour sa part, le représentant de la Syrie a rappelé que son pays avait ouvert cinq points de passage en dépit des violations de son intégrité territoriale et du soutien des États-Unis aux milices séparatistes.  Il a noté qu’un seul convoi était passé par Bab el-Haoua depuis le 19 septembre, en rendant responsable l’activité des groupes terroristes dans la région.  Dans ce contexte, il a appelé à exercer des pressions sur lesdits groupes et réclamé la levée des sanctions imposées à son pays par les États-Unis et l’Union européenne.

Interpellés, les États-Unis ont mis en garde contre le risque que le Gouvernement syrien impose des conditions à l’ONU lorsque l’hiver aura aggravé les conditions humanitaires.  Mais avec un plan humanitaire financé à moins de 30%, il est évident que la Syrie est victime d’une « discrimination brutale » des donateurs occidentaux, trop préoccupés à soutenir les transferts d’armes vers l’Ukraine, a ironisé la Fédération de Russie. 

Sur le plan politique, les délégations ont souhaité que la Commission constitutionnelle, qui ne s’est pas réunie depuis près d’un an, reprenne ses travaux.  Toutefois les conditions de la reprise ont divisé les membres du Conseil.

Pour l’Envoyé du Secrétaire général, la situation de ruine dans laquelle se trouve la Syrie et le désespoir de son peuple imposent que les acteurs politiques syriens parviennent à un compromis pour aplanir leurs divergences substantielles et la profonde méfiance entre eux.  Même si les résultats déjà obtenus ne constituent pas encore la solution politique dont les Syriens ont besoin et qu’ils méritent, leur mise en œuvre constituerait un premier pas vers la résolution des principales préoccupations des Syriens.

Pour la Suisse, qui a accueilli à Genève les travaux de la Commission, une réunion « substantielle et dans les meilleurs délais » de celle-ci sous l’égide de l’Envoyé spécial constituerait une étape importante pour une relance du processus politique sur la base de la résolution 2254 (2015).

Mais pour la Chine et la Fédération de Russie, un des garants du processus d’Astana, avec l’Iran et la Türkiye, les décisions fondamentales sur les modalités des travaux futurs de la Commission constitutionnelle et le lieu de la prochaine série de consultations, doivent être prises par les Syriens eux-mêmes, sans ingérence extérieure.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT (S/2023/621)

Déclarations

M. GEIR OTTO PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a rappelé ce qu’avait déclaré le Secrétaire général devant l’Assemblée générale, à savoir que la Syrie est en ruine et la paix lointaine.  Une solution globale au conflit syrien reste dans ce contexte hors de portée, en raison des écarts de volonté politique, de la distance entre les positions substantielles des parties, de la profonde méfiance et du climat international difficile.  Tout cela joue un rôle dans cette impasse.  Mais, alors que les souffrances et le sentiment de désespoir des Syriens s’aggravent, nous ne pouvons pas simplement accepter le statu quo, car la situation va empirer et pourrait bien s’effondrer, en entraînant de nouveaux défis, a ajouté l’Envoyé spécial.  C’est pourquoi il a plaidé pour que le processus politique commence à porter ses fruits sur le terrain et à susciter l’espoir.

S’agissant de la situation humanitaire, M. Pedersen a affirmé que la moitié de la population souffre d’insécurité alimentaire et que plus de 600 000 enfants de moins de 5 ans souffrent d’un retard de croissance.  Les médecins et infirmières gagnent moins de 20 dollars américains par mois, ce qui est insuffisant pour couvrir ne serait-ce que les frais de transport.  De nombreux professionnels de santé essentiels quittent le pays.  Des secteurs entiers risquent d’être vidés.  De plus, des civils continuent d’être tués et blessés dans les violences et des dizaines de milliers de personnes ont été déplacées le mois dernier, notamment en raison des conflits entre tribus arabes et les Forces démocratiques syriennes (FDS) à Deïr el-Zor ou en raison des frappes aériennes turques.

Dans ce contexte, l’Envoyé spécial a dit prendre note de la reprise des livraisons humanitaires des Nations Unies depuis la Turquie vers le nord-ouest de la Syrie via le passage de Bab el-Haoua.  Toutes les modalités doivent être utilisées, y compris à travers les lignes de front, a-t-il ajouté.  Il a aussi appelé à ce que tout effet négatif des sanctions sur les Syriens ordinaires soit évité et atténué, notamment par le plein usage des exemptions humanitaires existantes et par les efforts déployés par les États pour lutter contre leur respect excessif.

L’Envoyé spécial est à nouveau revenu sur la nécessité d’un engagement des parties et pour la recherche d’un compromis politique, via un processus de dialogue politique dirigé et pris en charge par les Syriens et facilité par les Nations Unies, travaillant sérieusement au sein du Comité constitutionnel.  Les résultats déjà obtenus ne constituent pas encore la solution politique dont les Syriens ont besoin et qu’ils méritent.  Mais leur mise en œuvre constituerait un premier pas vers la résolution des principales préoccupations des Syriens d’aujourd’hui et ferait avancer sur la voie de la résolution 2254 (2015).  Il existe une voie à suivre et j’appelle tous à s’y engager, a conclu M. Pedersen. 

Mme EDEM WOSORNU, Directrice des opérations et de la communication à l’OCHA, s’est réjouie de la reprise, depuis la semaine dernière, des livraisons humanitaires transfrontalières depuis la Turquie vers le nord-ouest de la Syrie, ainsi que du retour du personnel de l’ONU sur place.  Les livraisons, qui s’étaient arrêtées le 10 juillet après l’expiration de l’autorisation accordée par le Conseil de sécurité, devraient se poursuivre, a-t-elle ajouté.  Entre temps, le personnel humanitaire comptait sur les réserves et les livraisons via d’autres passages frontaliers pour assurer la continuité des programmes, a-t-elle expliqué.

Mme Wosornu a toutefois rappelé que le passage de Bab el-Haoua reste la principale voie pour acheminer l’aide nécessaire à plus de quatre millions d’habitants, dont 80% de femmes et d’enfants.  La réouverture de Bab el-Haoua, qui est le résultat d’un accord avec le Gouvernement de la Syrie et de consultations avec différents États membres et partenaires, permet également un meilleur fonctionnement des écoles et des installations sanitaires, ainsi qu’un accès aux ressources vitales, a-t-elle expliqué, ajoutant que l’OCHA restait déterminée à apporter l’aide humanitaire nécessaire.

L’aide humanitaire est cruciale, a rappelé Mme Wosornu, mentionnant les dizaines de milliers de personnes déplacées à la suite de la récente escalade des hostilités dans le nord de la Syrie.  Les victimes civiles sont nombreuses et les écoles ont dû cesser leurs activités pour servir d’abris, a-t-elle déploré.  Elle a regretté que les combats dans le nord-est fassent également de nombreux blessés et réfugiés, ce qui aggrave les pénuries de médicaments et de denrées alimentaires.  Pendant que les travailleurs humanitaires se concentrent sur l’obtention de vivres et de logements, les organisations locales tentent de distribuer l’aide équitablement, a-telle poursuivi.  Elle a exhorté les parties prenantes aux hostilités à éviter que les civils ne pâtissent de la situation en vertu du droit international humanitaire.

La crise économique risque d’aggraver encore l’insécurité alimentaire, la livre syrienne ayant perdu la moitié de sa valeur depuis janvier alors que le prix des denrées alimentaires a doublé, a fait observer Mme Wosornu.  Elle a rappelé que la moitié de la population syrienne, soit 12 millions de personnes, souffre actuellement d’insécurité alimentaire, avant de déplorer le sous-financement du plan d’aide humanitaire pour la Syrie, qui n’atteint même pas 30% à l’heure actuelle.

Mme Wosornu a ensuite énuméré les conséquences de ce manque de ressources.  Les agences humanitaires, comme le Programme alimentaire mondial, sont obligées de couper l’aide ou de réduire les rations alimentaires.  Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a dû diminuer les programmes d’aide essentielle, notamment en fermant les centres de protection pour les femmes victimes de violence, ce qui aura des conséquences désastreuses sur les survivantes.  Les femmes peinent à accéder aux soins de santé, y compris les soins reproductifs, en raison de la surpopulation et des dégâts dans les installations sanitaires, ou encore du manque de documents d’identité.  L’UNICEF et l’OMS ont également averti l’OCHA que l’accès à l’éducation, à l’eau potable, et aux soins de santé est fortement compromis par le manque de financements, mettant ainsi en péril la santé publique.  Si la reprise de l’acheminement de l’aide est une bonne nouvelle, les problèmes humanitaires persistent dans le pays, a conclu la Directrice des opérations et de la communication de l’OCHA.

Mme SU’AD JARBAWI, Vice-Présidente régionale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à l’International Rescue Committee (IRC), a relevé que jamais son organisation n’avait dirigé des opérations aussi complexes en 12 ans de présence en Syrie.  La situation humanitaire continue de se dégrader, a-t-elle déploré, évoquant l’épidémie de choléra qui a frappé le pays l’année dernière, des taux de malnutrition inédits, des étés caniculaires et une météorologie hivernale imprévisible.  « Il faut donc que le sujet reste à l’ordre du jour du Conseil de sécurité », a-t-elle insisté. 

Plus de 15 millions de personnes en Syrie auraient besoin d’aide humanitaire, a souligné l’intervenante, soitplus qu’à n’importe quel autre moment du conflit.  Selon elle, 90% des Syriens auraient plongé dans la pauvreté.  Pour que ces chiffres ne continuent pas d’augmenter, elle a plaidé en faveur d’une action concertée, regrettant qu’en juillet dernier, le Conseil de sécurité n’ait pas réautorisé l’aide transfrontalière de l’ONU vers le nord-ouest de la Syrie.  La situation qui en a résulté a mis en exergue le rôle essentiel du Conseil dans la promotion de l’accès à l’aide humanitaire pour les populations à l’intérieur du pays.  Les partenaires syriens de l’IRC ont fait part de leur frustration et de leur crainte à la suite de la non-reconduction de la résolution, a-t-elle témoigné.  Mme Jarbawia plaidé en faveur d’une inclusion des voix syriennes et de la société civile dans la prise de décision.

Dans le nord du pays, où travaille l’IRC, les civils continuent de souffrir d’un conflit sans fin, a rapportéla Vice-Présidente régionale, ajoutant que « certains bénéficiaires de l’IRC disent avoir été déplacés plus de 20 fois ».  Le mois dernier, a-t-elle rappelé, une escalade des hostilités dans le nord-esta entraîné la mort d’au moins 54 civils, endommagé des infrastructures essentielles, dont des hôpitaux et des installations de traitement de l’eau, et provoqué de nouveaux déplacements dans une région déjà fragilisée par les séismes de février dernier.  En parallèle, les prix de l’alimentation continueraient d’augmenter.  Certains doivent choisir entre soins médicaux essentiels et nourriture pour leur famille, a-t-elle dénoncé.  Cet été, une étude de l’IRC a montré que près de la moitié des ménages n’inscrivent pas leurs enfants à l’école – souvent pour survenir aux besoins de leur famille, dans le cas des garçons, ou à cause de mariages précoces, dans le cas des filles.

Comme les populations civiles, « les agences humanitaires font face à des décisions impossibles concernant les services auxquels donner la priorité », a relevé Mme Jarbawi.  Malgré l’augmentation des besoins, le plan de réponse humanitaire de l’IRC n’est financé qu’à environ un quart.  De plus, nombre de donateurs auraient prévu une réduction de 20 à 40% de leur budget l’année prochaine, s’est-elle alarmée.  « Face à des efforts humanitaires au point mort, il est à craindre que la Syrie ne devienne une crise oubliée. » 

Dans ce contexte, l’intervenante a rappelé la position de l’IRC et de la communauté des ONG dans son ensemble, qui ont insisté pour que le Conseil autorise l’assistance transfrontière pour une période de 12 mois.  Relevant que des progrès ont été réalisés récemment, depuis que l’aide de l’ONU transite à nouveau par Bab el-Haoua, elle a fait part de sa préoccupation quant au fait que les accords actuels, à court terme, n’offrent pas la stabilité nécessaire pour assurer une réponse durable. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a affirmé qu’il n’existe pas d’alternative à un règlement dirigé et mis en œuvre par les Syriens eux-mêmes, avec le concours de l’ONU, dans le strict respect de la résolution 2254 (2015) et sans ingérence extérieure. 

Le 22 septembre, les Ministres des affaires étrangères de la Russie, de l’Iran et de la Türkiye –les pays « garants d’Astana »- se sont rencontrés à nouveau, a rappelé le représentant.  Ils ont échangé au sujet d’un processus global en Syrie sur la base d’un engagement strict en faveur des principes de respect des droits de l’homme et de la démocratie en Syrie.  Ils ont aussi évoqué la nécessité pour la Syrie de mobiliser l’aide extérieure, y compris pour sa reconstruction postconflit, a-t-il expliqué.  Quant aux décisions fondamentales sur les modalités des travaux futurs de la Commission constitutionnelle et le lieu de la prochaine série de consultations, elles devraient être prises par les Syriens eux-mêmes, a-t-il ajouté.

Sur le terrain, la situation demeure tendue dans un certain nombre de régions échappant au contrôle de Damas, a jugé le représentant, qui a attribué cet état de fait principalement au « maintien de la présence militaire illégale continue » des États-Unis dans plusieurs localités.  Il a aussi imputé « l’escalade des tensions » dans le sud du pays à une « ingérence extérieure de Washington et de ses alliés » visant à déstabiliser davantage la situation et à créer une zone tampon à la frontière.  Le représentant a accusé les pays occidentaux d’avoir « cessé de combattre les terroristes depuis longtemps » et d’utiliser et contrôler Daech et les milices kurdes à leurs propres fins.  Outre les provocations des États occidentaux, les autorités israéliennes apportent également une contribution destructrice en multipliant les attaques aériennes en territoire syrien, a-t-il ajouté.  Pour sa part, la Russie considère que ce n’est qu’en rétablissant la souveraineté et l’intégrité territoriale totale de l’État syrien que la paix adviendra en Syrie.

Enfin, le représentant a fait remarquer que le Plan humanitaire de l’ONU pour la Syrie était financé à moins de 30% pour l’année en cours.  Il est évident selon lui que la Syrie, tout comme un certain nombre d’autres États dans le besoin, est victime d’une discrimination brutale de la part des donateurs occidentaux, trop préoccupés à soutenir les transferts d’armes vers l’Ukraine. 

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil), s’exprimant également au nom de la Suisse, l’autre délégation porte-plume du dossier humanitaire syrien, s’est félicité de la reprise, depuis le 19 septembre, des livraisons humanitaires de l’ONU vers le nord-ouest de la Syrie via le passage de Bab el-Haoua.  Au 22 septembre, 49 camions remplis d’aide essentielle de l’UNICEF, du Programme alimentaire mondial, (PAM), de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) sont passés avec succès par ledit passage.  La reprise des livraisons est prometteuse et nous espérons sa pérennité, a souligné le représentant.  Avec la prolongation pour trois mois des postes-frontières de Bab el-Salam et de Raaï, l’action de l’ONU s’étend désormais sur trois postes-frontières, aidant chaque mois 2,7 millions de nécessiteux, s’est-il aussi réjoui, avant de souligner la nécessité de dispositions prévisibles pour répondre aux besoins humanitaires toujours croissants sur le terrain.

S’exprimant ensuite à titre national sur les aspects politiques du conflit syrien, le représentant brésilien a jugé préoccupante l’escalade de la violence en Syrie et exhorté dans ce contexte toutes les parties à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et à faire preuve de la plus grande retenue pour éviter une nouvelle escalade.  Selon lui, la résolution 2254 (2015) fournit des éléments qui pourraient conduire à une fin pacifique du conflit, garantissant la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale du pays.  Une approche holistique collective est donc nécessaire, tenant toujours compte des besoins de protection des réfugiés conformément au droit international.  Une solution militaire à la crise syrienne est non seulement illusoire, mais aussi préjudiciable à l’avenir du pays, a conclu le représentant, appelant à une volonté politique renouvelée pour relancer un processus politique intrasyrien crédible, via la reprise de la Commission constitutionnelle. 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) s’est réjouie de la reprise des livraisons humanitaires par le passage de Bab el-Haoua.  La représentante a maintenu l’espoir que les négociations récentes permettront de maintenir ce passage ouvert.  Cependant, elle a regretté les nombreuses manipulations politiques du Gouvernement syrien, qui risque d’imposer des conditions à l’ONU lorsque l’hiver aura aggravé les conditions humanitaires.

Le Conseil de sécurité doit apporter aux Nations Unies le soutien nécessaire pour résister à la pression du Gouvernement syrien et maintenir un accès à l’aide humanitaire pour les Syriens aussi longtemps que nécessaire, a exhorté la représentante.  Étant un des principaux donateurs, les États-Unis appuient toutes les modalités d’aide, a-t-elle assuré, avant de réaffirmer que le Conseil devait continuer de recevoir des rapports sur l’évolution de la situation politique et humanitaire.

Les États-Unis appuient les manifestations politiques des Syriens, ainsi que leur exercice du droit de liberté d’expression et de rassemblement, a déclaré Mme Thomas-Greenfield.  Selon la représentante, la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) reste la seule solution pour mettre fin au conflit.  Elle a encouragé le régime syrien à participer au processus politique via la Commission constitutionnelle, regrettant que celle-ci ne se soit pas réunie depuis près d’un an.  Alors que les efforts de paix sont dans l’impasse et les besoins humanitaires plus importants que jamais, le Conseil doit envoyer un message clair aux Syriens: on ne vous oublie pas, a conclu la représentante.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni),notant que les besoins humanitaires en Syrie ont atteint leur paroxysme, a estimé qu’il était du devoir du Conseil de sécurité d’entendre les faits.  Elle s’est néanmoins félicitée que l’aide humanitaire transite à nouveau dans le nord-ouest du pays, 70 jours après que la Russie a opposé son veto à l’acheminement de l’aide transfrontalière.  Une fois de plus, a‑t‑elle déploré, l’ONU doit mettre en place des plans pour le moment où cette permission arrivera à échéance, dans 45 jours.  Selon la déléguée, des accords à court terme ne constituent pas une solution durable pour les habitants et distraient les efforts des organisations humanitaires, qui doivent échafauder des solutions d’urgence plutôt que de consacrer leurs ressources aux personnes dans le besoin.

À propos des derniers développements politiques, la déléguée a partagé sa déception face au refus syrien de respecter les décisions du Conseil malgré sa récente réadmission dans la Ligue arabe.  En outre, le trafic de captagon continuerait dans la région, a‑t‑elle dénoncé, rappelant que ce mois-ci aurait vu les plus importantes saisies jamais enregistrées.  En conclusion, elle a appelé le Gouvernement syrien à participer sérieusement au processus politique, comme prévu par la résolution 2254 (2015).

M. GENG SHUANG (Chine) a notifié que le Président chinois Xi avait rencontré la semaine dernière son homologue syrien lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux asiatiques.  M. Xi a rappelé à cette occasion qu’il appuyait la Syrie dans son refus de l’ingérence étrangère, ainsi que ses efforts pour préserver son intégrité territoriale, lutter contre le terrorisme, et rechercher des solutions syriennes aux problèmes syriens.  Le délégué chinois s’est aussi réjoui que la Syrie ait rejoint la Ligue arabe, et de sa volonté d’organiser, d’ici à un an, une nouvelle série de réunions de la Commission constitutionnelle.  La Chine, a‑t‑il ajouté, est opposée aux ingérences étrangères en Syrie ainsi qu’à l’exploitation illégale de ses ressources naturelles par des forces étrangères.

Observant des progrès dans l’acheminement de l’aide humanitaire en Syrie, le représentant a souhaité que toutes les parties conservent cet élan et renforcent les convois dès que possible.  Les donateurs devraient honorer leurs engagements pour que l’accès soit fourni sans discrimination et en quantité suffisante, a‑t‑il indiqué.  Il a enfin souligné les effets négatifs des sanctions sur l’acheminement de l’aide humanitaire.

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a souligné l’importance de la poursuite du dialogue politique intersyrien dans le but de sortir le pays de la crise.  C’est la seule voie possible, a‑t‑ildéclaré, avant de juger essentiel de soutenir les efforts déployés par les pays arabes et le groupe de contact de la Ligue arabe en ce sens, en complément de ceux de l’ONU.  Pour cette raison, il a appuyé les propositions de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie visant à la reprise, d’ici à la fin de l’année, des travaux de la Commission constitutionnelle qui se trouvent dans l’impasse.

Le délégué s’est ensuite félicité de la reprise de l’acheminement humanitaire par le passage de Bab el-Haoua.  Cela témoigne selon luide la coopération entre le Gouvernement syrien et l’ONU.  Il faut en outre appuyer la Syrie pour sa reconstruction et les activités de déminage, afin de permettre un retour sûr et volontaire des réfugiés.  « Tenir le dossier syrien en otage dans le contexte des tensions géopolitiques ne profitera à personne et ne fera que renforcer l’instabilité dans la région. »  Le Conseil de sécurité, en tant qu’organe chargé du maintien de la paix doit jouer son plein rôle, a conclu le délégué.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), au nom des A3 (Gabon, Ghana, Mozambique), a réitéré son opposition à l’utilisation d’armes chimiques par qui que ce soit, où que ce soit et dans n’importe quelle circonstance, ainsi que son soutien à tout effort visant à mettre fin à leur production, leur stockage ou leur utilisation.  La résolution 2118 (2013), a-t-il rappelé, fournit le cadre pour la destruction rapide et vérifiable des armes chimiques de la Syrie.  C’est pourquoi le délégué a regretté les divergences persistantes entre l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et les autorités syriennes.

Le délégué a fait observer que l’élan qui a initialement galvanisé la communauté internationale, y compris ce Conseil, à agir sur cette question, « se dissipe progressivement ».  Pour les A3, il faut garder à l’esprit que dans le cas où l’OIAC n’achèverait pas définitivement son travail, le danger persistant de la production et de l’utilisation éventuelle d’armes chimiques en Syrie -ou ailleurs- ne pourrait être totalement écarté.  Une coopération constructive entre la Syrie et le secrétariat de l’OIAC facilitera la résolution de toutes les questions en suspens, a estimé le délégué.  C’est pourquoi les A3 encouragent la tenue rapide d’une réunion de haut niveau entre le Ministre des affaires étrangères syrien, des expatriés syriens et le Secrétaire général de l’OIAC, afin de relancer les efforts et de résoudre les problèmes pour de bon.

M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a relevé qu’il était important de regagner la confiance des différentes parties afin de créer un environnement favorable à la mise en œuvre des stratégies de résolution, dont les réunions du Comité constitutionnel à Genève et le plan de négociation « étape par étape ».  L’action politique, a-t-il poursuivi, doit viser à instaurer la stabilité et la gouvernance via les stratégies nationales, régionales et mondiales, à réactiver l’économie pour réduire la dépendance à l’aide humanitaire, à mettre en place des mécanismes de responsabilisation et de justice transitionnelle, et à reconstituer le tissu social en intégrant les acteurs sociopolitiques -y compris les femmes et les jeunes- à toutes les étapes de négociation.  Le délégué a également appelé au maintien de l’ouverture sans condition des points de passage transfrontaliers dans le nord-est de la Syrie afin de garantir la liberté de mouvement des personnels de l’ONU.  Devant une crise humanitaire qui risque de s’aggraver avec l’arrivée de l’hiver et la crise financière qui menace de réduire les livraisons des articles de première nécessité, il a encouragé les membres de la communauté internationale à maintenir leurs engagements envers le Plan de réponse humanitaire, ainsi qu’à œuvrer à la réconciliation et à la coopération pour le développement.

Mme FRANCESCA MARIA GATT(Malte) a souligné qu’au cours des mois d’été, les vagues de chaleur et les pénuries d’eau ont aggravé les souffrances de la population dans toute la Syrie, en particulier des personnes déplacées et vivant dans des camps dans le nord-est et le nord-ouest du pays.  Les perspectives pour le reste de l’année 2023 sont sombres, car les fortes augmentations des prix du panier alimentaire, le non-renouvellement de l’Initiative de la mer Noire et la dépréciation de la devise nationale poussent de plus en plus de Syriens dans la détresse économique.

Dans ce contexte, la déléguée s’est réjouie que le point de passage transfrontière de Bab el-Haoua continue d’être empruntépar les opérations humanitaires.  Espérant que l’accord entre l’ONU et Damas concernant les trois points de passage sera respecté et prolongé aussi longtemps que les besoins persisteront, elle a également appelé toutes les parties prenantes à respecter leurs obligations afin de faciliter le passage sans entrave de l’aide vers toutes les régions du nord-ouest par Bab el-Haoua.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a constaté que la guerre en Syrie entraînait des répercussions sur l’ensemble de la région, qui accueille plusieurs millions de Syriens et subit les contrecoups du trafic de captagon orchestré par le régime syrien.  L’instabilité qui règne en Syrie alimente également le terrorisme, a‑t‑il ajouté.  À ses yeux, il n’y aura de perspective d’une solution juste et durable que le jour où un processus politique crédible et inclusif sera engagé sur la base des dispositions de la résolution 2254 (2015).  La voix de ceux qui manifestent à Soueïda et dans tout le reste de la Syrie pour un changement politique démocratique ne dit pas autre chose, a‑t‑ilaffirmé.  La communauté internationale attend des « gestes concrets et vérifiables de la part du régime », y compris en matière de lutte contre le trafic de captagon, a insisté le représentant.

Le représentant s’est félicité de la reprise de l’acheminement de l’aide humanitaire à travers le point de passage de Bab el-Haoua, une bonne nouvelle pour les plus de 4,5 millions de Syriens qui en dépendent dans le nord-ouest du pays.  S’il a salué les efforts de Martin Griffiths et du Bureau de la coordination des affaires humanitaires qui ont permis ce résultat, il a souligné que le veto de la Russie à un renouvellement du mécanisme transfrontière, en juillet dernier, suscite l’inquiétude légitime des acteurs humanitaires sur la poursuite de l’aide.  « C’est inacceptable dans un contexte extrêmement détérioré depuis les séismes du 6 février dernier. »  La France juge essentiel que le Conseil reste saisi de ce dossier et que le Secrétariat rende compte par écrit au Conseil de la réponse humanitaire en Syrie.  Dans ce cadre de la lutte contre l’impunité, le représentant a salué l’action du Mécanisme international, impartial et indépendant, et soutenu le processus de mise en place de l’institution indépendante humanitaire sur les personnes disparues.

Mme SHINO MITSUKO (Japon) a jugé que la Syrie montrait peu d’entrain en vue de poursuivre le processus politique, malgré l’accélération des efforts diplomatiques régionaux comme le retour du pays au sein de la Ligue des États arabes.  La représentante a appelé toutes les parties, en particulier les autorités syriennes, à un engagement plus sérieux auprès de l’Envoyé spécial et les a exhortées à mettre en œuvre la résolution 2254 (2015) du Conseil.  En outre, elle a déploré que les conditions ne soient pas réunies pour un retour sûr des réfugiés, notant que, dans le même temps, les pays d’accueil comme la Jordanie et le Liban ont atteint la limite de leur capacité d’accueil.  « La situation humanitaire reste désastreuse », s’est-elle alarmée, relevant l’absence de perspective d’une solution politique.

La représentante s’est réjouie de la reprise des opérations transfrontalières pour acheminer l’aide humanitaire via le poste-frontière de Bab el-Haoua, grâce aux efforts de l’ONU, ainsi que du passage de 4 000 camions transportant de l’aide cette année dans le nord-ouest du pays.  Cependant, a-t-elle averti, il est essentiel que les livraisons soient contrôlées pour garantir leur nature humanitaire.  Appelant à un effort collectif pour répondre aux appels du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, elle a fait part de ses craintes de voir diminuer l’attention de la communauté internationale à mesure que la crise se prolonge.

La représentante a en outre demandé que soit éclairci le sort de toutes les personnes disparues, estimant qu’il s’agit d’une condition indispensable à une paix durable.  À ce titre, elle a déclaré attendre les informations du Secrétaire général et du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, à la suite de la décision de l’Assemblée générale d’établir une institution indépendante sur les personnes disparues en Syrie.

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a rappelé que la situation dans le pays restait préoccupante, notamment dans le nord, où l’état de la sécurité impacte fortement la population civile, souvent victime d’attaques directes ou sans discrimination.  La représentante a appelé toutes les parties au respect du droit international humanitaire ainsi des principes de distinction, de proportionnalité et de précaution dans la conduite des hostilités.  Elle a jugé plus nécessaire et urgent que jamais d’instaurer un cessez-le-feu national, comme prévu dans la résolution 2254, seul moyen de rendre possible une sortie de la profonde crise humanitaire, sociale et économique dans laquelle le pays est plongé.

La représentante s’est félicitée des contacts récents de l’Envoyé spécial dans la région, y compris à Damas, et a émis l’espoir qu’ils permettront de faire avancer son approche « pas après pas », mise en avant par les acteurs régionaux par les déclarations d’Amman, du Caire et de Djedda.  Pour la Suisse, une réunion « substantielle et dans les meilleurs délais » du Comité constitutionnel sous l’égide de l’Envoyé spécial constituerait une étape importante pour une relance du processus politique sur la base de la résolution 2254.  La représentante a également appelé le Conseil à jouer un rôle dans la lutte contre l’impunité, autre condition sine qua non d’une paix durable en Syrie.

Mme Baeriswyl a apporté son soutien à la collaboration entre le Bureau de l’Envoyé spécial, la Chambre de soutien à la société civile (CSSR).  Pour la représentante, les aspirations, les griefs et attentes de la société civile, en particulier des femmes syriennes, doivent être inclus dans les efforts en vue d’aboutir à une solution politique durable.  Présentant les organisations de la société civile comme « d’importantes courroies de transmission entre la réalité du terrain en Syrie et les instances internationales », la représentante leur a réitéré son soutien.  Enfin, elle a jugé essentielle, pour ouvrir la voie à la réconciliation, la mise en place de mesures de confiance, y compris la libération des détenus et la clarification du sort des personnes disparues.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a reproché aux dirigeants syriens, aidés par leurs alliés, de saper systématiquement le processus politique de la résolution 2254 (2015).  S’il a salué la reprise des livraisons humanitaires depuis le 19 septembre, il a néanmoins estimé qu’une action du Conseil était nécessaire pour les assurer de manière prévisible et durable.

Le délégué a dit rester profondément préoccupé par la poursuite des arrestations arbitraires par les forces gouvernementales syriennes, par l’usage de la torture et de mauvais traitements, ainsi que par le sort de plus de 130 000 Syriens portés disparus.  Malgré « la propagande du régime », la population syrienne est malheureuse et reste sans perspective, a-t-il observé, constatant « un fossé énorme » entre la rhétorique du régime et les gens ordinaires vivant dans la peur, tout en essayant de survivre dans un abîme économique.  Les manifestations dans le sud de la Syrie, a conclu le délégué, sont un appel à la prise de conscience du besoin urgent d’un changement politique.

M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a déploré les sanctions économiques « inhumaines et illégales » qui ne font que s’ajouter auxproblèmes du terrorisme et de l’ingérence étrangère.  Les attaques et la présence illégale de forces armées sur le territoire syrien représentent des violations flagrantes des principes du droit international, s’est-il indigné.  Dénonçant la pratique du deux poids, deux mesures des États qui disent protéger le droit international humanitaire, le délégué acondamné les attaques répétées des forces israéliennes sur les infrastructures civiles.  En outre, certains membres permanents du Conseil de sécurité commettent des infractions flagrantes à l’encontre de la Syrie, a-t-il poursuivi.  En violant l’intégrité territoriale et en soutenant les milices séparatistes, les États-Unis aggravent la crise humanitaire et causent d’énormes pertes économiques, a-t-il accusé, appelant à des compensations.  En outre, ce matin, les États-Unis ont réitéré leur attachement à la souveraineté israélienne sur le Golan syrien occupé, une position que le délégué a dénoncée comme étant une violation des résolutions du Conseil.

Remarquant qu’un seul convoi humanitaire a franchi le passage Bab el-Haoua depuis sa réouverture, le délégué a considéré que la pression devrait être exercée sur les groupes terroristes qui détournent l’aide humanitaire, ce qui requiert un financement approprié des programmes des Nations Unies.  « La Syrie a autorisé l’accès à cinq passages pour les colis humanitaires, au lieu des deux passages demandés, mais le Conseil de sécurité ne semble pas s’en souvenir », a-t-il ironisé.  Le délégué a ensuite appelé les pays occidentaux à permettre des conditions appropriées pour le retour des réfugiés syriens sur leur terre en finançant, plutôt qu’en politisant, les efforts de réhabilitation des villes.  Réclamant des solutions durables, il a exhorté les États-Unis et l’Union européenne à lever leurs sanctions.  Il a conclu en remerciant les États qui ont œuvré contre l’interférence étrangère dans les affaires syriennes et appelé les autres États à s’atteler à trouver des solutions au lieu de nuire aux acquis.

M. AMIR SAEID IRAVANI (République islamique d’Iran) a mis l’accent sur la situation humanitaire dramatique en Syrie, jugeant crucial que l’assistance humanitaire, de même que les efforts de la Syrie sur ce volet, ne soient pas instrumentalisés.  Le représentant a en outre recommandé la transparence dans l’octroi et l’acheminement de l’aide.  La première solution à la crise syrienne est d’ordre politique, d’où l’importance de la reprise des réunions de la Commission constitutionnelle, a-t-il encore déclaré, soulignant que le rôle de l’ONU devrait se limiter à une facilitation, la responsabilité de la prise de décisions relevant des Syriens eux-mêmes.

Par ailleurs, la lutte contre le terrorisme ne saurait servir de prétexte pour violer la sécurité et la stabilité de la Syrie, comme on le voit avec les attaques perpétrées par le « régime israélien », a déclaré le représentant.  Quant au retour des réfugiés et des personnes déplacées, il faudrait qu’il se fasse dans la sécurité et avec un soutien financier pour l’infrastructure nécessaire à cet effet.

Le représentant a rappelé qu’en marge du débat général de la soixante-dix-huitièmesession de l’Assemblée générale, l’Iran et les deux autres pays garants du processus d’Astana -Russie et Turquie-, ont organisé une réunion ministérielle axée sur les problèmes rencontrés par la Syrie.  Il s’est félicité, en conclusion, des nouveaux faits politiques enregistrés sur le front diplomatique.

M. SEDAT ÖNAL (Türkiye) a déploré que le conflit syrien n’ait pas figuré en priorité dans les nombreux discours prononcés par les dirigeants à l’Assemblée générale la semaine dernière.  « Il ne s’agit pas d’un conflit gelé et il faut éviter de le traiter comme tel », a-t-il averti, soulignant que les conflits continuent de faire rage et que la population endure des privations considérables.  Le représentant a partagé son inquiétude quant à la menace que les organisations terroristes, dont le PKK, font planer sur l’intégrité territoriale du pays.  Le conflit constitue une menace constante pour la Syrie et les pays de la région dont la Turquie, a-t-il insisté.  Il a encouragé les parties syriennes à se séparer des entités séparatistes qui n’ont pas d’avenir en Syrie.

Selon le représentant, les manifestations antirégime dans le sud, les affrontements armés dans le nord-est et les trafics divers témoignent de l’urgence à régler le conflit.  À ce titre, il a plaidé pour une relance du processus politique, conformément à la résolution 2254 (2015), ainsi que pour des conditions pour un retour digne et consenti des réfugiés syriens.  « Sans réconciliation nationale, le conflit s’éternisera », a-t-il averti.  L’opposition syrienne doit être incluse dans la recherche d’une solution politique, a-t-il ajouté, relevant que la Commission constitutionnelle représentait l’enceinte la plus efficace pour regrouper les parties syriennes.  Il a fait part de la détermination de la Türkiye à relancer la Commission et du soutien de son pays aux efforts de l’Envoyé spécial.

Pendant 10 ans, les mécanismes d’aide transfrontières de l’ONU ont joué un rôle majeur pour acheminer l’aide aux populations, a rappelé le représentant, insistant pour leur reconduction.  Les parties syriennes bénéficieront du maintien des éléments de signalement pour garantir la surveillance et la neutralité des opérations, a-t-il assuré.  Se félicitant que les convois traversent à nouveau Bab el-Haoua, il a souligné la responsabilité à laquelle feraient face les parties en cas de blocage.  Le représentant a conclu en rappelant le droit de son pays à prendre des mesures appropriées contre les menaces directes contre sa sécurité.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: l’expansion des colonies israéliennes et la violence perdurent au quotidien dans le Territoire palestinien occupé

9425e séance - matin
CS/15424

Conseil de sécurité: l’expansion des colonies israéliennes et la violence perdurent au quotidien dans le Territoire palestinien occupé

Au Conseil de sécurité, ce matin, l’expansion continue des colonies de peuplement et la détérioration de la situation économique et humanitaire dans les territoires palestiniens occupés, l’escalade de la violence, l’utilisation d’armes létales contre des civils ou encore la rhétorique incendiaire de certains responsables politiques, ont été au cœur des préoccupations du Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient.

M. Tor Wennesland présentait, pour la période allant du 15 juin au 19 septembre, un nouveau rapport sur la mise en œuvre de la résolution 2334 (2016) par laquelle le Conseil exige d’Israël « qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et respecte pleinement toutes les obligations juridiques qui lui incombent à cet égard ».

Or, les autorités israéliennes, a-t-il informé concrètement, ont continué le plan de construction de 6 300 unités dans la zone C, y compris la légalisation rétroactive de trois avant-postes à proximité de la colonie d’Eli; tandis qu’à Jérusalem-Est la construction de 3 850 unités de logement progresse.  Le 11 septembre, un projet de 3 500 logements a été présenté sur une terre appartenant à l’église orthodoxe grecque.  Parallèlement, les démolitions et saisies de propriétés palestiniennes continuent, et des enfants en particulier sont chassés de leurs lieux de vie.

Le Coordonnateur spécial a en outre répertorié 1 042 arrestations de Palestiniens et 1 264 détentions administratives, soit le chiffre le plus élevé en une décennie.  De plus, de nombreux Palestiniens sont victimes d’armes chaque fois plus sophistiquées.

Il a également dénoncé le fait que plusieurs hauts responsables, aussi bien israéliens que palestiniens, aient proféré des propos incendiaires, comme des messages du Fatah et du Hamas appelant à des attaques contre les civils israéliens.

Les États-Unis, a martelé leur représentante, s’opposent fermement à l’avancée des colonies. Elle a condamné les propos « antisémites » du Président Mahmoud Abbas qui, selon elle, ne font qu’aggraver les tensions et minent la possibilité d’un État palestinien.  S’agissant de la situation humanitaire, elle a annoncé 73 millions de dollars de contributions supplémentaires au budget de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), qui manque cruellement de financement selon M. Wennesland.

Le Japon est un donateur historique de l’UNRWA avec plus d’un milliard de dollars en 70 ans, a rappelé son représentant.  Cette année, le Japon a versé plus de 40 millions de dollars, dont 1 million à l’aide d’urgence au camp de réfugiés de Jénine.

La France a déclaré, à son tour, qu’elle ne reconnaîtra jamais l’annexion illégale de territoires, ni la légalisation de colonies sauvages.  « L’immobilisme n’est pas une solution », a-t-elle insisté, appelant à « restaurer d’urgence un horizon politique ».  Le Brésil a exhorté le Conseil à aider à la reprise de négociations directes, car, a-t-il abondé, demeurer les bras croisés devant une telle situation est dangereux.

Trente ans après les Accords d’Oslo, n’a pu que constater la Chine, « la base des accords internationaux s’effrite et la fenêtre de la paix est en train de se fermer ».  Elle a encouragé le Conseil de sécurité à organiser, le plus vite possible, une visite en Israël et en Palestine, et préconisé, à l’instar du Président de l’Autorité palestinienne, l’organisation d’une grande conférence internationale de paix.

Plusieurs pays ont ainsi appelé à prendre des mesures plus décisives pour mettre en œuvre la solution des deux États, sur la base notamment de l’initiative arabe pour la paix et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  Les Émirats arabes unis ont loué les récents efforts diplomatiques observés en marge du débat général de l’Assemblée, notamment la réunion organisée par l’Arabie saoudite, la Ligue arabe et l’Union européenne pour maintenir la solution des deux États.

Le Royaume-Uni a encouragé davantage de pays à normaliser leurs relations avec Israël, saluant le succès des Accords d’Abraham qui marquent, cette année, leur troisième anniversaire.  Il s’est dit déterminé à faire en sorte que la normalisation apporte des avantages concrets au peuple palestinien.  Dans cet esprit, le Ghana a encouragé le Conseil à soutenir le rétablissement de mécanismes facilitant des contacts plus réguliers et plus soutenus entre les deux parties pour résoudre les questions clefs.

Pour sa part, la Fédération de Russie a accusé les États-Unis de prôner une normalisation « sans inclure les initiatives de paix arabes », ce qui éloigne, selon elle, la perspective de relancer les pourparlers pour une solution à deux États dans les frontières reconnues internationalement.

« Rien ne peut remplacer un processus politique légitime qui résoudra les problèmes fondamentaux à l’origine du conflit, » a conclu M. Wennesland.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE

Déclarations

M. TOR WENNESLAND, Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, a présenté les grandes lignes du vingt-septième rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre de la résolution 2334 (2016) portant sur la période allant du 15 juin au 19 septembre 2023.  En dépit des termes de la résolution exigeant d’Israël qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et respecte pleinement toutes les obligations juridiques qui lui incombent à cet égard, les activités de peuplement se poursuivent, a informé M. Wennesland.

Ainsi, a-t-il précisé, les autorités israéliennes ont continué le plan de construction de 6 300 unités dans la zone C, y compris la légalisation rétroactive de trois points de passage à proximité de la colonie d’Eli; tandis qu’à Jérusalem-Est, la construction de 3 850 unités de logement progresse.  Le 11 septembre, un projet de 3 500 logements a été présenté sur une terre appartenant à l’église orthodoxe grecque qui a souligné qu’ils serviront à loger des chrétiens.

Le Coordonnateur spécial a également évoqué des décisions prises par les autorités israéliennes révoquant la nécessité d’une approbation ministérielle au cours des différentes étapes de la planification des colonies, délégant cette autorité au Ministère de la défense, ce qui, d’après lui, accélère l’expansion des colonies.  En outre, le 2 août, la Cour suprême israélienne a rejeté la demande de démanteler un avant-poste dans l’ancienne colonie de Homesh, en Cisjordanie occupée, qui avait été évacué en 2005 en vertu de la loi de désengagement.

M. Wennesland a indiqué que les démolitions et saisies de propriétés palestiniennes continuent.  Il a donné une série d’exemples de destruction, ayant notamment obligé des enfants à quitter leurs lieux de vie.  Il a souligné que les Palestiniens ne peuvent disposer de permis de construction et que 268 structures/logements ont été démolis ou saisis, provoquant le déplacement de 180 personnes, dont 46 femmes et 91 enfants.  Trente-deux structures étaient financées par des bailleurs de fonds, a-t-il ajouté.

Durant la période à l’examen, a poursuivi le Coordonnateur spécial, les forces de sécurité ont mené 1 042 arrestations tandis que 1 264 Palestiniens sont en détention administrative, soit le chiffre le plus élevé en une décennie.  D’autre part, de nombreux Palestiniens sont victimes d’armes chaque fois plus sophistiquées.

La résolution 2334 (2016) prévoit aussi de s’abstenir d’inciter à la violence, a rappelé M. Wennesland, soulignant toutefois que plusieurs hauts responsables, aussi bien israéliens que palestiniens, ont proféré des propos incendiaires, comme des messages appelant à des attaques contre les civils israéliens du Fatah et du Hamas.  Le 9 juillet, le Gouvernement israélien a voté pour prévenir l’effondrement de l’Autorité palestinienne, a-t-il relevé, soulignant que le 10 août, le Président Mahmoud Abbas a réuni les différentes parties palestiniennes en Égypte.

Face à la détérioration de la situation économique et humanitaire, le Coordonnateur spécial a déclaré que l’appel humanitaire en faveur des Palestiniens n’est financé qu’à hauteur de 33%, et que l’ Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) avait un manque à gagner de 75 millions de dollars.

La résolution 2334 (2016) appelle toutes les parties à faire leur possible pour le lancement de négociations crédibles.  À cet égard, le Coordonnateur spécial a énuméré une série de rencontres, notamment la réunion ministérielle censée relancer le processus de paix au Moyen-Orient.

Profondément préoccupé par l’expansion continue des colonies avec 10 000 nouvelles unités en Cisjordanie, M. Wennesland a réitéré que ces colonies n’ont aucune validité et sont illégales, priant Israël à les démanteler.  Également alarmé par l’utilisation d’armes létales contre des civils, il a appelé à ce que leurs auteurs, quels qu’ils soient, rendent des comptes.  Israël doit notamment cesser la violence et tout acte ciblant ou mettant en danger la vie des enfants, a-t-il demandé, appelant également le pays au respect de ses obligations internationales, en particulier dans l’usage de la force.

Préoccupé par la situation à Gaza, le diplomate a recommandé une levée des restrictions imposées par Israël, pour faire revivre l’espoir.  Il a prié toutes les parties de rejeter toute rhétorique « dangereuse ou raciste » de la part de certains responsables.  Enfin, il a encouragé l’Autorité palestinienne à entreprendre des réformes, et toutes les parties prenantes à veiller à l’amélioration de la situation économique dans les territoires occupés.  « Rien ne peut remplacer un processus politique légitime qui résoudra les problèmes fondamentaux à l’origine du conflit. »

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a déclaré que son pays continue de plaider pour la solution des deux États, vivant côte-à-côte et dans la sécurité.  Pour cette raison, elle a appelé les deux parties à éviter toute mesure de nature à envenimer la situation, notamment la poursuite des activités de peuplement, la violence des colons, mais aussi les actes de terrorisme et le soutien au terrorisme par le paiement de sommes d’argent aux familles de terroristes.  Les États-Unis, a martelé la représentante, s’opposent fermement à l’avancée des colonies.  Elle a appelé Israël à cesser sa politique d’expansion des colonies avant de condamner les propos « antisémites » du Président Mahmoud Abbas qui, selon elle, ne font qu’aggraver les tensions et minent la possibilité d’un État palestinien.

La représentante a également dit appuyer le statu quo sur les lieux saints ainsi que les discussions intervenues entre Israël, l’État de Palestine et les partenaires régionaux visant à organiser une réunion importante.  S’agissant de la situation humanitaire, elle a annoncé 73 millions de contributions supplémentaires au budget de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).  Enfin, elle a accusé l’Iran et le Hezbollah de menacer la paix et la sécurité dans la région.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a assuré que la France ne reconnaîtra jamais l’annexion illégale de territoires, ni la légalisation de colonies sauvages, et a appelé Israël à y mettre un terme.  Cette politique de colonisation mène à une impasse pour le règlement du conflit et pour la solution des deux États conformément aux paramètres internationalement agréés, a ajouté le représentant.  Par ailleurs, le Conseil doit faire respecter ses propres résolutions, notamment la résolution 2334 (2016).

M. de Rivière a souligné que « l’immobilisme n’est pas une solution » et qu’il faut « restaurer d’urgence un horizon politique ».  La France encourage les Nations Unies à se mobiliser en faveur d’une reprise de négociations de paix dans les meilleurs délais.  Dans cette perspective, elle exprime son plein soutien à l’initiative portée par l’Union européenne, l’Arabie saoudite et la Ligue arabe pour préparer un ensemble de mesures qui bénéficieront aux Palestiniens et aux Israéliens, une fois un accord de paix signé.

Mme VANESSA FRAZIER (Malte), après avoir exprimé sa profonde inquiétude face à une situation « de plus en plus intenable » entre les Palestiniens et les Israéliens, a condamné les colonies construites en violation du droit international dans les territoires palestiniens occupés.  La création de nouvelles colonies et les transferts forcés de communautés palestiniennes sont particulièrement préoccupants, et minent la solution de deux États, a estimé la représentante.  Elle a également déploré la violence persistante contre les civils, qu’il s’agisse d’attaques terroristes contre des Israéliens ou de violences de colons contre des Palestiniens.  Elle a exigé que les coupables soient traduits en justice et a souligné l’importance du respect du droit international humanitaire pour protéger les civils.

Des négociations crédibles sur toutes les questions relatives au statut final doivent être organisées, a déclaré la représentante.  Accueillant favorablement l’initiative « Peace Day Effort », elle a encouragé une réconciliation sincère entre les factions palestiniennes.  Elle a en outre appelé à la tenue d’élections, reportées par l’Autorité palestinienne, et à une attention accrue aux besoins humanitaires des Palestiniens, notamment à Gaza.  Enfin, elle a réitéré le soutien de Malte à un règlement du conflit basé sur une solution de deux États, tout en appelant à un réengagement de toutes les parties dans le processus de paix pour assurer une stabilité

M. GENG SHUANG (Chinea appelé à un règlement durable et juste de la question, basé sur la coexistence de deux États, Israël et la Palestine, ainsi que sur le développement commun de deux peuples, les Arabes et les Juifs, un vœu reflété lors de la réunion de haut niveau sur l’UNRWA organisée en marge du débat de l’Assemblée générale.  Toutefois, à la lumière de l’évolution de la situation sur le terrain, force est de constater que 30 ans après les Accords d’Oslo, « la base des accords internationaux s’effrite et la fenêtre de la paix est en train de se fermer ». 

Le représentant a appelé à prendre des mesures plus décisives pour mettre en œuvre la solution des deux États sur la base notamment de l’initiative arabe pour la paix et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  Il s’est fait l’écho du récent appel du Président de l’Autorité palestinienne, devant l’Assemblée générale de l’ONU, réitérant la nécessité de l’organisation d’une conférence internationale de paix.  « Nous soutenons une conférence de grande envergure » afin de créer les conditions propices à la reprise des pourparlers de paix, a-t-il dit.  Pour finir, le délégué a encouragé le Conseil de sécurité à organiser, le plus vite possible, une visite en Israël et en Palestine.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a encouragé davantage de pays à normaliser leurs relations avec Israël, saluant le succès des Accords d’Abraham qui marquent cette année leur troisième anniversaire.  La représentante s’est dite déterminée à faire en sorte que la normalisation apporte des avantages concrets au peuple palestinien. Elle a rappelé, à cet égard, la visite du 11 au 13 septembre du Ministre britannique des affaires étrangères, en Israël et dans les territoires palestiniens occupés.  Lors de ses entretiens avec les dirigeants israéliens et palestiniens, le Ministre a appelé à une désescalade des tensions et indiqué l’engagement du Royaume-Uni en faveur de la solution des deux États.

Évoquant la crise de financement à laquelle l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) est confronté, la représentante a annoncé une aide supplémentaire du Royaume-Uni de l’ordre de 10 millions de livres.  D’autres États ont également promis davantage de fonds à l’UNRWA, s’est-elle félicitée, insistant pour que ces aides soient rapidement disponibles.  L’objectif pour la représentante est d’assurer à l’agence une base financière plus durable. Pour finir, elle a fait part de sa préoccupation face au transfert forcé depuis 2022 de 1105 Palestiniens de leurs communautés et à la violence croissante des colons dans les territoires occupés.  Elle a appelé le Gouvernement israélien à faire face à cette menace, rappelant le tragique bilan des victimes en 2023, quelque 193 Palestiniens ayant été tués par les forces de sécurité israéliennes en Cisjordanie et 31 Israéliens par des terroristes.

Mme ALLEGRA PAMELA R.  BONGO (Gabon) a déclaré que la fragilité de la situation sécuritaire et humanitaire sur le terrain exige un engagement plus accru de la communauté internationale dans la résolution du conflit israélo-palestinien, qui perdure depuis plus de 70 ans.  Les pays de la région doivent s’impliquer davantage en faveur de la reprise du dialogue et des négociations entre les deux parties, a ajouté le représentant.  Les violations du droit international doivent cesser et le statu quo des lieux saints doit être respecté.  Pour le Gabon, une paix durable ne peut être envisageable dans un contexte d’expansion de colonies, de démolitions, d’expulsions -notamment en Cisjordanie occupée y compris Jérusalem-Est- et de provocations dans les lieux saints, à l’image de celles survenues encore dimanche dernier, à la mosquée Al-Aqsa.

Le représentant a par ailleurs salué la tenue, en marge du débat général de la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale, de la réunion de haut niveau sur l’UNRWA, agence qui, a-t-il rappelé, fournit des services essentiels en matière d’éducation, de soins de santé, de protection et autres, à près de six millions de réfugiés palestiniens en Jordanie, au Liban, en Syrie, dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est.

Le représentant a vu un signe d’encouragement dans l’arrivée hier, à Jéricho en Cisjordanie occupée, d’une délégation saoudienne en visite officielle, la première depuis la signature des accords d’Oslo en 1993.  Enfin, il a réitéré son attachement à la solution de deux États, avant d’appeler les parties au respect des résolutions du Conseil, notamment la résolution 2334 (2016), et à mettre en œuvre les engagements pris à Aqaba et à Charm el-Cheikh. 

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) a jugé tendue, violente et déplorable la situation actuelle dans le territoire palestinien occupé, ajoutant qu’elle laisse peu de place pour un règlement négocié du conflit.  Le représentant a alors appelé les parties à suivre la voie d’un dialogue constructif et productif visant à garantir une paix et une justice durables pour la Palestine et Israël.  Israël doit respecter le droit international et s’abstenir de toute activité illégale dans les territoires occupés, y compris en Cisjordanie. 

Le représentant a aussi estimé que les leçons tirées des processus de paix en Afrique australe démontrent que la paix est toujours possible si les parties en conflit sont véritablement disposées à suivre la voie de la justice et de la tolérance.  Pour cette raison, il a dit encourager les initiatives de dialogue qui pourraient garantir que cette crise, qui dure depuis plus de 70 ans, soit enfin résolue. 

M. VASSILY A.  NEBENZIA (Fédération de Russie) a souligné que la situation dangereuse actuelle est la conséquence directe des actes non proportionnés et agressifs d’Israël dans les territoires palestiniens occupés et de l’expansion sans précédent des colonies.  En outre, Israël a décidé de simplifier les procédures bureaucratiques nécessaires pour les permis de construire en Cisjordanie, en violation des résolutions du Conseil de sécurité, et des radicaux israéliens font des visites de provocation chaque jour dans la mosquée Al-Aqsa, a dénoncé M. Nebenzia. Il s’est également inquiété de l’augmentation de la violence contre les mineurs palestiniens et de la destruction d’établissements scolaires. 

La dégradation de la situation et l’absence de toute chance de processus de paix ne peuvent que susciter l’inquiétude, a poursuivi le représentant.  Il a accusé les États-Unis de prôner une normalisation « sans inclure les initiatives de paix arabes », ce qui éloigne la perspective de relancer les pourparlers pour une solution à deux États dans les frontières reconnues internationalement, que la Russie soutient. Selon lui, il est important d’attirer davantage l’attention de la communauté internationale face aux événements sur le terrain.  M. Nebenzia a apporté son appui à toutes les initiatives, notamment la visite du Secrétaire général dans la région, ainsi qu’aux efforts des Palestiniens pour avoir droit à leur propre État et être membres à part entière des Nations Unies.

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a souligné l’urgence d’intensifier les efforts diplomatiques pour réduire l’escalade et instaurer la confiance entre Israéliens et Palestiniens. Il a loué les récents efforts diplomatiques observés en marge du débat général de l’Assemblée, notamment la réunion organisée par l’Arabie saoudite, la Ligue arabe et l’Union européenne pour maintenir la solution des deux États.  Le représentant a insisté sur la nécessité de mettre fin à toutes les pratiques illégales dans les territoires palestiniens occupés, y compris les attaques répétées contre les villes palestiniennes.  Il a également exprimé sa préoccupation quant aux conditions humanitaires alarmantes, notant que deux millions de personnes nécessitent une aide humanitaire.  « Cette situation exige le maintien du soutien international, y compris le financement de l’UNRWA », a-t-il déclaré.

Dans le contexte des discussions actuelles, le délégué a manifesté son inquiétude face aux activités de colonisation israéliennes qui violent le droit international et les résolutions de l’ONU.  Il a réclamé l’arrêt et que soit dissuadée la violence des colons, qui a atteint des niveaux sans précédent et menace d’alimenter davantage les tensions. Il a réaffirmé l’engagement des Émirats arabes unis en faveur d’une solution à deux États basée sur les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale de l’État palestinien, et a renouvelé son soutien à tous les efforts régionaux et internationaux entrepris pour atteindre cet objectif.

M. FELIX AKOM NYARKU (Ghanaa exhorté à la relance de négociations politiques sérieuses, soutenues par la communauté internationale, pour résoudre les principales questions territoriales et de sécurité, y compris celles liées aux colonies et à la violence des colons.  À cet égard, il a encouragé le Conseil à soutenir le rétablissement de mécanismes facilitant des contacts plus réguliers et plus soutenus entre les deux parties pour résoudre les questions clefs.

Le représentant a pressé la communauté internationale de permettre des investissements à court terme afin d’aider l’Autorité palestinienne à rétablir l’accès aux services de base en matière d’éducation, de santé et de services sociaux.  Il s’agit, a-t-il précisé, de créer des opportunités d’emploi pour les jeunes et les femmes, de réparer les infrastructures de base et de renforcer la stabilité budgétaire de l’Autorité palestinienne.  Pour finir, il a engagé Israël à mettre fin à la démolition de biens et d’infrastructures palestiniennes, à prévenir d’éventuels déplacements et expulsions de Palestiniens et à s’abstenir d’établir de nouvelles colonies de peuplement en Cisjordanie conformément à ses obligations en vertu du droit international humanitaire et des droits humains. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a regretté les nombreux incidents survenus depuis le début de l’année, qui n’ont fait qu’exacerber les tensions entre Israël et les Palestiniens.  Or, le manque de progrès politiques met en péril la paix et la sécurité dans la région et exige que toutes les parties concernées prennent des mesures concrètes pour assurer la désescalade.  Israël et la Palestine ont besoin de faire preuve d’un maximum de retenue et s’abstenir de toute réaction inflammatoire en paroles et en actes, a ajouté le représentant.

Le représentant a ensuite réitéré sa condamnation de l’expansion des colonies en Cisjordanie, appelant Israël à les cesser immédiatement.  Il a aussi exprimé sa préoccupation quant aux capacités de gouvernance de l’Autorité palestinienne qui, selon lui, sont en baisse.  Il a indiqué que son pays avait récemment lancé des efforts conjoints avec l’Égypte et la Jordanie en guise de soutien à l’État de Palestine. 

Le Japon est un donateur historique de l’UNRWA avec plus d’un milliard de dollars en 70 ans, a rappelé le représentant.  Cette année, le Japon a versé plus de 40 millions de dollars, dont un million à l’aide d’urgence au camp de réfugiés de Jénine, a-t-il ajouté. 

M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a lancé un appel à l’action, afin que l’engagement pour la paix ne se limite pas à des paroles prononcées une fois par an lors de l’Assemblée générale, mais qu’il se manifeste dans la rhétorique quotidienne et, surtout, qu’il se traduise dans les décisions et les actions en Israël, en Cisjordanie et à Gaza.  Des actions concrètes sont indispensables pour réduire les tensions, augmenter la confiance et retrouver un horizon politique qui conduise à de réelles négociations, a précisé le représentant, qui a réitéré le soutien de l’Équateur à toute mesure ou initiative permettant aux parties de reprendre ces négociations et d’éviter que les violences ne s’aggravent encore.

Il est de notre devoir de chercher des voies vers la paix dans ce conflit comme dans tous les autres, a rappelé le représentant.  Ce faisant, il est également nécessaire que les peuples d’Israël et de Palestine aient des conditions de vie dignes, que leur intégrité et leur sécurité soient protégées, que les droits humains soient respectés, de même que les normes du droit international et du droit international humanitaire.  À cet égard, M. Montalvo Sosa a mis l’accent sur les graves violations des droits des enfants et a lancé un appel aux parties afin qu’elles prennent des mesures pour mettre un terme aux meurtres, au recrutement et aux détentions arbitraires de mineurs.  Enfin, il a appelé la communauté internationale à contribuer à l’UNRWA et au Programme alimentaire mondial.

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suissea souligné les obstacles croissants sur la voie d’une solution à deux États et a vivement critiqué l’expansion des colonies de peuplement, rappelant leur illégalité en vertu du droit international et leur contradiction avec les résolutions du Conseil de sécurité, notamment la résolution 2334 (2016).  Le représentant a condamné les déplacements forcés de Palestiniens et a mis en garde contre leur absence de protection face aux colons.  Il a souligné le devoir d’Israël, en tant que Puissance occupante, de ne pas effectuer de changements permanents dans les territoires palestiniens.  En ce qui concerne Gaza, il a noté le risque accru de violence et a appelé à la levée du blocus.

Le représentant a imploré toutes les parties à respecter leurs obligations en vertu du droit international, et à l’approche de la fête de Souccot.  Il a en particulier appelé à minimiser les tensions autour des lieux saints et à respecter le statu quo sur le Haram el-Sharif/mont du Temple et le rôle de gardien exercé par la Jordanie.  Il a enfin salué les efforts récents pour relancer le processus de paix, comme le « Peace Day Effort » la semaine passée à New York.  Seule une solution à deux États, négociée par les deux parties, peut conduire à une paix durable, a-t-il insisté, réaffirmant la volonté de la Suisse de soutenir toute initiative en ce sens.

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a réitéré le soutien indéfectible de son pays à l’avènement d’une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient et à la solution des deux États dans des frontières sûres et internationalement reconnues.  Ce soutien est d’autant plus important que cette solution est mise en danger, a prévenu le représentant.  C’est pourquoi, il a vu dans la relance du processus politique le seul moyen d’enrayer ce cycle de violence, faisant référence au récent rapport « alarmant » de l’OCHA, qui décrit l’année 2023 comme la plus meurtrière depuis 2005 dans les territoires palestiniens occupés, tant du côté des Palestiniens que des Israéliens.

Dès lors, la simple administration du conflit n’est pas une option viable, a insisté le représentant.  Il a exhorté le Conseil à aider à la reprise de négociations directes, car, a-t-il averti, demeurer les bras croisés devant une telle situation est dangereux.

En attendant, le représentant a appelé à s’attaquer aux problèmes fondamentaux qui sont à l’origine des tensions actuelles, citant en premier lieu l’expansion des colonies israéliennes.  Enfin, il a fermement condamné, une fois de plus, toute violence contre les civils, qu’ils soient Palestiniens ou Israéliens, et rejeté le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a rappelé le soutien global de la communauté internationale à la solution des deux États en tant que seule garantie pour la paix et la sécurité dans la région.  Les parties devraient prendre appui sur ce soutien et s’abstenir de tout acte de nature à envenimer la situation, a estimé le représentant.  Il a également affirmé son soutien à Israël et à sa sécurité, condamnant ainsi les actes de terrorisme, lequel est injustifiable et ne saurait être utilisé pour défendre quelque cause que ce soit.

Dans le même temps, le représentant a dit condamner les actes de violence des colons et la destruction de maisons palestiniennes, d’écoles et autres infrastructures financées par la communauté internationale.  Il a aussi condamné les propos niant l’Holocauste et les tentatives de comparer les mémoires et les souffrances, qui ne peuvent que créer une guerre des mémoires ainsi que des tensions.  Les parties devraient se saisir des initiatives en cours pour parvenir à la paix, a conclu le représentant.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Malgré les tensions internationales, la grande majorité des États Membres renouvellent leurs appels au désarmement et à la non-prolifération nucléaires

Soixante-dix-huitième session,
Réunion de haut niveau sur la Journée internationale pour l’élimination totale des armes nucléaires
AG/12540

Malgré les tensions internationales, la grande majorité des États Membres renouvellent leurs appels au désarmement et à la non-prolifération nucléaires

« Le nombre d’armes nucléaires pourrait augmenter pour la première fois depuis des décennies », s’est alarmé aujourd’hui le Secrétaire général de l’ONU à l’ouverture de la réunion de haut niveau tenue chaque année à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination totale des armes nucléaires, à laquelle ont participé quelque 80 délégations, dont une douzaine était représentée au niveau ministériel. 

M. António Guterres a dressé un tableau particulièrement sombre de la situation actuelle: les normes pour prévenir l’utilisation, la dissémination et l’expérimentation des armes nucléaires sont mises à mal, s’est-il inquiété, et l’architecture mondiale du désarmement et de la non-prolifération serait en plein délitement.  L’utilisation des armes nucléaires –quels que soient le lieu, le moment ou les circonstances– déclencherait une catastrophe humanitaire d’une ampleur colossale et « ce n’est pas une hyperbole », a-t-il averti. 

Le Secrétaire général a exhorté les États dotés d’armes nucléaires à montrer la voie en respectant leurs obligations et à renforcer le régime de désarmement et de non-prolifération nucléaire à travers les traités majeurs que sont le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) et le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE).  Il a également appelé au redéploiement des « outils intemporels » que sont le dialogue, la diplomatie et la négociation, faisant observer que le désarmement était au cœur de son Nouvel Agenda pour la paix.

Le risque d’annihilation mondiale par les armes nucléaires n’est pas un chapitre relégué au passé, a souligné le Président de l’Assemblée générale, M. Dennis Francis.  Dans un monde qui connaît de plus en plus de violences, de conflits interétatiques et d’affrontements, on sous-entend à nouveau la menace de la force nucléaire, a-t-il remarqué, parlant d’une « réalité terrifiante » et mettant en avant les possibles effets dominos d’un conflit, alors que les peuples et les nations sont en proie à des tensions grandissantes.  « Nous devons plus que jamais faire en sorte de trouver une solution pour éviter une Apocalypse, et la seule solution, c’est l’élimination totale des armes nucléaires », a-t-il martelé. 

M. Francis a appelé à rejeter le fatalisme selon lequel le désarmement nucléaire serait un rêve inatteignable.  « C’est la dernière étape de notre cheminement pour le bien-être de l’humanité », a-t-il appuyé.  Affirmant que les intérêts stratégiques ne sauraient occulter les aspirations de tout un chacun à vivre dans la paix, il a préconisé d’œuvrer au renforcement de la prise de conscience, notamment auprès des jeunes, et a lancé un appel clair à la dénucléarisation totale, relevant qu’il fallait réserver la technologie nucléaire à des fins pratiques pour protéger notre planète.

Plusieurs des intervenants ont relevé le danger des synergies potentielles entre armes nucléaires et nouvelles technologies, tout particulièrement l’intelligence artificielle.  Pour le Secrétaire général, les êtres humains, et non les machines, doivent garder le contrôle et la pleine responsabilité de toute décision d’utiliser des armes nucléaires.  Le Costa Rica a estimé que la menace n’avait jamais été aussi grande, notamment dans le contexte du développement des nouvelles technologies, dont l’intelligence artificielle.  Un risque également souligné par la Trinité-et-Tobago.

Seul État doté d’armes nucléaires à s’exprimer, la Chine a déploré que certains pays poursuivent une tentative d’hégémonie nucléaire au détriment des équilibres géopolitiques.  Dans ce contexte, elle a demandé que l’on redonne sa chance au multilatéralisme et à l’idéal de sécurité globale, appelant les États dotés des plus importants stocks d’armes nucléaires à s’efforcer de réduire la taille de leurs arsenaux pour réunir les conditions propices au désarmement général et complet prévu à l’Article VI du TNP, qui dispose que les pays s’engagent de bonne foi à la cessation de la course aux armements nucléaires et sur un traité de désarmement général et complet.  La Chine a assuré avoir toujours eu recours à une politique défensive, s’engageant à ne jamais utiliser ou menacer d’utiliser d’arme nucléaire contre un État non doté et citant comme preuve de son engagement le placement à un niveau minimal d’alerte de son arsenal. 

Deux autres États devenus des puissances nucléaires ont pris la parole. Rappelant, comme bien d’autres intervenants, que l’utilisation des armes nucléaires aurait des conséquences dévastatrices pour l’humanité, l’Inde s’est présentée comme « un État nucléaire responsable », réaffirmant elle aussi sa doctrine de non-utilisation de l’arme nucléaire contre un État non doté.  L’Inde s’est également dite attachée à un désarmement nucléaire universel et non discriminatoire, ajoutant que la Conférence du désarmement devait aboutir à un instrument contraignant et universel en ce sens.  Quant au Pakistan, il a rappelé qu’« un État avait introduit des capacités nucléaires en Asie du Sud en 1974 », le contraignant à faire de même pour restaurer l’équilibre régional et prévenir toute attaque à son encontre.  Depuis, a-t-il rappelé, le Pakistan a proposé la création d’un régime de retenue stratégique en Asie du Sud, fondé sur trois éléments: règlement des conflits, retenue en matière de missiles et d’armes nucléaires et équilibre stratégique.  Il faut éviter une course aux armements potentiellement néfaste dans la région, a-t-il insisté.

Les États et organisations régionales d’Amérique latine et des Caraïbes se sont quant à elles largement exprimés.  Au nom des 33 pays de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), tous parties au TNP et tous signataires du TIAN, Saint-Vincent-et-les Grenadines a rappelé l’engagement des pays de la région à ne jamais se doter de l’arme nucléaire et demandé aux États dotés de s’engager clairement à ne pas utiliser ces armes.  La CELAC demande l’adoption d’un instrument contraignant en ce sens dans les plus brefs délais.  Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), c’est la Jamaïque qui a rejeté la pertinence des doctrines de dissuasion, prônant l’élimination totale des armes nucléaires.  Ces armes n’ont pas leur place dans le futur que nous souhaitons, a-t-elle déclaré.  Le Costa Rica a pour sa part regretté l’échec des dernières conférences d’examen du TNP alors que « les États dotés continuent de renforcer leurs arsenaux ». 

C’est cette même doctrine de dissuasion nucléaire des États dotés qu’a rejetée l’Iran, et en particulier celle des États membres de l’OTAN, affirmant que cette doctrine les empêche d’honorer leurs engagements en matière d’élimination de leurs arsenaux, notamment l’Article VI du TNP, tout en maintenant une pression intolérable sur les États non dotés.  L’Iran a par ailleurs déploré que les États-Unis continuent de s’opposer à l’instauration d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, en défendant à l’égard de son pays des positions inacceptables tout en protégeant Israël, seul État de la région à n’avoir adhéré ni au TNP ni au régime de contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) alors qu’il dispose d’un vaste arsenal d’armes de destruction massive. 

Le Mexique est venu rappeler que de nombreux pays avaient souscrit des obligations supplémentaires à celles du TNP en matière de désarmement nucléaire en adhérant à des zones exemptes d’armes nucléaires.  Plusieurs pays d’Amérique latine et des Caraïbes, comme l’Uruguay, le Chili ou encore le Guatemala, ont rappelé le rôle précurseur de leur région avec l’adoption du Traité de Tlatelolco et ont dit leur fierté d’appartenir à la première région du globe à s’être ainsi déclarée exempte de ces armes nucléaires.  S’exprimant au nom des 33 pays de l’Organisme pour l’interdiction des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes (OPANAL), issu du Traité de Tlatelolco, le Brésil a vu dans l’échec de la dixième conférence d’examen du TNP le signe que le régime de ce Traité est en crise.  Le désarmement n’est pas seulement dans une impasse, il accuse un retard, et les arsenaux ne cessent de croître, s’est-il alarmé. 

L’OPANAL a toutefois estimé que le nombre de signataires du TIAN illustrait un consensus sur l’interdiction des armes nucléaires.  Le Mexique a rappelé à cet égard la tenue fin novembre à New York de la deuxième conférence des États parties au Traité et a invité les États qui ne l’ont pas encore ratifié à y assister en tant qu’observateurs. 

Le TIAN a été qualifié de « progrès historique » sur la voie de l’élimination totale des armes nucléaires par le Ministre des affaires étrangères de l’Indonésie, qui s’exprimait au nom des 10 pays membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).  Son homologue du Bangladesh a ajouté que ce traité devrait être reconnu par les États dotés, sa dimension humanitaire le rendant complémentaire au TNP. Les deux pays ont également rappelé l’importance que les États dotés facilitent l’exercice du droit de tous les pays à l’utilisation pacifique de l’énergie atomique, au bénéfice notamment de la santé et du développement pour tous. 

La Tunisie, au nom des 54 États membres du Groupe des États d’Afrique, a relevé que le désarmement nucléaire et l’élimination des arsenaux demeurent les priorités absolues de l’ONU.  Le Groupe estime que les responsabilités incombent surtout aux États dotés en vertu du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, notamment son article VI. Il a en outre exhorté ces mêmes pays à participer à la quatrième session de la Conférence sur la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient, qui se tiendra au Siège de l’ONU en novembre.  Un appel également lancé par la Ligue des États arabes et, à titre national, par plusieurs États arabes, dont le Liban, qui a présidé la troisième session de la Conférence l’an dernier. 

Parlant au nom du Groupe des États arabes, l’Égypte a appelé à garantir la non-utilisation des armes nucléaires et un désarmement irréversible.  Elle a aussi réitéré son engagement en faveur d’un instrument contraignant et appelé les États dotés d’armes nucléaires à se débarrasser de leurs arsenaux.  Le Groupe des États arabes appelle en outre les pays dotés de programmes nucléaires non déclarés à adhérer au plus tôt au TNP et à se soumettre aux contrôles de l’AIEA.  Il estime qu’en dépit des tensions dans la région du Moyen-Orient, les pays arabes ont montré l’exemple, et dénonce le refus persistant d’Israël d’ouvrir ses arsenaux aux inspections. 

L’Azerbaïdjan, actuel Président du Mouvement des pays non alignés, a plaidé la sensibilisation des populations à la nécessité d’un monde sans armes nucléaires, un thème repris par divers pays comme le Timor-Leste.  Le désarmement nucléaire reste la priorité du Mouvement des pays non alignés en matière de désarmement multilatéral.  Le Mouvement appelle à la tenue, sous l’égide de l’ONU, d’une nouvelle session extraordinaire sur les enjeux du désarmement nucléaire, notamment en raison des conséquences humanitaires de toute détonation nucléaire. 

Ce thème humanitaire a été repris notamment par le Japon, seul État à avoir connu des bombardements nucléaires, ainsi que par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), la représentante de la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires -qui a enjoint les dirigeants des États dotés des armes nucléaires à écouter les leçons des survivants de la bombe atomique– et un militant de Marshallese Education Initiative, qui a rappelé les conséquences sanitaires des essais nucléaires sur les habitants des Îles Marshall et déploré que les responsables de ces essais continuent de se concentrer sur le maintien de leurs arsenaux nucléaires. 

Très peu de pays occidentaux ont participé à la réunion.  En plus de la Nouvelle-Zélande, seuls trois États européens sont intervenus: Malte, l’Autriche et l’Irlande.  Avec quelques rares autres, ces pays ont évoqué les répercussions de la guerre en Ukraine sur le désarmement et la non-prolifération des armes nucléaires.  L’Autriche a déploré les « menaces implicites, mais immanquables » de la Fédération de Russie à propos de l’utilisation d’armes nucléaires dans le conflit et l’Irlande lui a demandé de s’abstenir de toute rhétorique de ce type.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: un an après le sabotage des gazoducs Nord Stream, la Russie accuse les États-Unis et annonce le dépôt d’un nouveau projet de résolution

9424e séance – matin
CS/15422

Conseil de sécurité: un an après le sabotage des gazoducs Nord Stream, la Russie accuse les États-Unis et annonce le dépôt d’un nouveau projet de résolution

Un an après le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2, le Conseil de sécurité s’est, cet après-midi, réuni à la demande de la Fédération de Russie, qui a annoncé son intention de présenter un projet de résolution, une initiative critiquée par certaines délégations, qui ont notamment invoqué l’absence de nouveaux éléments concluants dans le cadre des trois enquêtes nationales en cours. 

Pour justifier cette réunion, la quatrième à ce jour sur le sujet, la Russie a fait état de preuves accusant « Washington » d’avoir mené « cet acte criminel scandaleux », dans le but de « consolider sa domination sur l’Europe », dépendante des ressources énergétiques russes. Une hypothèse soutenue par deux intervenants invités à livrer leurs analyses, M. Dirk Pohlmann, un journaliste et documentariste allemand, et M. Jimmy Dore, un commentateur politique américain.  

Rejetant le « complot sans fondement » et les « théories absurdes et ridicules » « soutenues par l’Occident », qui ont fait surface après le sabotage des gazoducs, selon lesquelles la Russie serait coupable de cet acte de sabotage, les deux hommes ont assuré que de nouvelles preuves démontrent qu’il ne pouvait avoir été perpétré sans équipements militaires.  Impossible en outre d’ignorer, a souligné M. Dore, que le Président des États-Unis, M. Joe Biden, a clairement laissé entendre, le 9 février 2022, qu’il attaquerait le gazoduc Nord Stream  2 si la Russie envahissait l’Ukraine. 

Une telle opération a nécessité des plongeurs professionnels ou militaires, une chambre de décompression, ainsi qu’une forte quantité d’explosifs de type TNT, a développé M. Dore.  La station sismologique norvégienne NORSAR a indiqué qu’une magnitude de 2,1 à 2,3 avait été enregistrée lors de l’explosion, correspondant à une détonation de 650 à 900 kilogrammes de TNT, a-t-il rappelé.  Et alors qu’il est techniquement impossible de réaliser une telle opération depuis un petit voilier, a encore indiqué le journaliste, les navires américains USS Kearsarge et USS Gunstone Hall étaient tous deux capables de transporter un sous-marin de poche, qui aurait pu servir à l’installation d’explosifs à une telle profondeur. 

Compte tenu de la gravité des faits, le Conseil doit prendre acte de ces preuves « impartiales et objectives », la Fédération de Russie annonçant son intention de déposer un nouveau projet de résolution à ce sujet.

Sans se prononcer directement, quelques délégations, dont le Gabon, le Brésil, ou l’Équateur, ont en effet jugé nécessaire de progresser dans la détermination des circonstances, dont l’opacité donne libre cours à toutes sortes de suspicions et de spéculations.  Or les enquêtes actuelles menées au niveau national par l’Allemagne, le Danemark et la Suède ne sont pour l’heure parvenues à aucune conclusion, a-t-il été relevé par plusieurs membres du Conseil. 

Dans un contexte d’exacerbation des tensions géopolitiques, le Ghana, le Japon, les Émirats arabes unis, le Mozambique et la Chine ont exhorté les parties prenantes à fournir régulièrement au Conseil de sécurité des informations transparentes sur l’état d’avancement des enquêtes en cours. 

Mais pour le Royaume-Uni, l’Albanie, Malte ou la France, ces enquêtes sont complexes et il n’y a aucune raison de douter de leur sérieux et de leur impartialité.  Et le Conseil de sécurité ferait une bien mauvaise utilisation de son temps s’il commençait « à préjuger des résultats de ces enquêtes, à dicter la manière dont elles seront menées ou à les affaiblir d’une autre manière », a estimé le Royaume-Uni 

Au lieu de spéculer, la Russie devrait permettre à ces pays de mener à bien leurs investigations, ont recommandé les États-Unis, tandis que Malte mettait en garde contre les risques que comporterait l’ouverture de nouvelles enquêtes.  Le 27 mars dernier, la Fédération de Russie avait demandé la création d’une commission internationale indépendante pour faire la lumière sur le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2 et en identifier les « auteurs, commanditaires, organisateurs et complices ».  Texte qui avait été rejeté, après n’avoir recueilli que 3 voix pour et 12 abstentions.

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclarations

M. DIRK POHLMANN, journaliste, s’est présenté comme un journaliste d’investigation et documentariste actif depuis 37 ans.  « Indépendant et à la solde de personne », il a dit avoir écrit et réalisé plus de 20 documentaires, principalement sur les opérations de renseignement durant la guerre froide, diffusés dans une trentaine de pays. Dans le cadre de son travail sur le sabotage de Nord Stream, il a indiqué avoir contacté et interviewé de nombreux chercheurs.  M. Pohlmann a déclaré qu’un an après ce « grave acte de terrorisme », on en sait toujours « étonnamment peu » sur ce qui s’est passé.  Nous ne savons pas qui est responsable, a-t-il ajouté, avant de rejeter la théorie du « complot sans fondement, soutenue par l’Occident », selon laquelle la Russie est le coupable dudit sabotage.  Il est juste de dire que les autorités allemandes, danoises, suédoises et d’autres pays occidentaux en savent assez pour ne pas vouloir en savoir plus.  La vérité ouvrirait une boîte de Pandore pour l’OTAN, a estimé l’intervenant.

Selon M. Pohlmann, il existe en réalité de nouvelles preuves, notamment techniques, liées à la profondeur du gazoduc –environ 80 mètres–, à la taille et aux matériaux de ses composants, acier et béton.  Une telle opération de sabotage aurait nécessité des plongeurs professionnels ou militaires, une chambre de décompression, ainsi qu’une forte quantité d’explosif de type TNT.  La station sismologique norvégienne NORSAR a indiqué qu’une magnitude de 2,1 à 2,3 avait été enregistrée lors de l’explosion, correspondant à la détonation de 650 à 900 kilogrammes de TNT.  Cette opération serait impossible à réaliser depuis un petit voilier, a encore indiqué le journaliste.  Les navires américains comme le USS Kearsarge et l’USS Gunstone Hall étaient tous deux capables de transporter un sous-marin de poche, ce qui aurait pu être utile pour le déploiement d’explosifs à une telle profondeur. 

M. Pohlmann a également cité un « éminent physicien » qui aurait déclaré que les rapports officiels sont non seulement contradictoires, mais remettent en cause des données physiques fondamentales, invalidant ainsi l’hypothèse de l’utilisation d’un explosif conventionnel.  En revanche, plusieurs éléments de preuve géophysiques solides, à savoir les formes d’ondes sismiques, le placement d’explosifs, les nuages d’aérosols post-explosion, les courants sous-marins, l’augmentation de la température au fond de l’océan avec une production réduite de biomasse concomitante et la détection de rayons gamma en Pologne suggèrent l’utilisation d’un explosif mille fois plus puissant. 

Or, a-t-il poursuivi, une charge explosive beaucoup plus petite aurait suffi à détruire le pipeline, ce qui soulève des doutes considérables quant à la nature de la charge explosive utilisée.  Les observations sont plutôt cohérentes avec une charge explosive de 1 à 4 kilotonnes équivalentes à de la TNT.  Compte tenu de la gravité de l’affaire, il est important que des preuves indépendantes et objectives soient collectées, sous l’autorité du Conseil de sécurité de l’ONU, a préconisé le journaliste. 

M. JIMMY DORE, commentateur politique, a rejeté les « théories absurdes et ridicules » qui ont émergé après le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2, le 26 septembre 2022.  Pourtant, a-t-il poursuivi, il est impossible d’ignorer que le Président des États-Unis, M. Joe Biden, avait clairement laissé entendre, le 9 février 2022, qu’il attaquerait le gazoduc Nord Stream 2 si la Russie envahissait l’Ukraine.  Pour preuve, il a cité Seymour Hersch, un journaliste d’investigation « génial », selon qui des plongeurs de la Marine des États-Unis, « sous couverture d’un exercice de l’OTAN », avaient placé les explosifs qui ont, trois mois plus tard, détruit trois des quatre gazoducs Nord Stream.

Quoi qu’il en soit, a poursuivi M. Dore, il s’agit d’une « guerre économique entre l’Ouest et la Russie visant à remplir les poches de capitalistes rapaces qui tirent en réalité les ficelles du Gouvernement des États-Unis et dictent sa politique étrangère ».  Et, tout cela sous le couvert de la défense de l’Ukraine contre une invasion russe « non provoquée ».  En réalité, a voulu M. Dore, l’histoire de la guerre en Ukraine a commencé bien avant le 24 février 2022, et ce sont les États-Unis et l’OTAN qui en sont responsables.  Les médias occidentaux ferment les yeux ou livrent une « fausse version » de la cause du conflit, a-t-il dénoncé.  Ces médias se gardent bien d’évoquer le coup d’État de 2014 contre le Gouvernement démocratiquement élu en Ukraine et orchestré par la CIA en lien avec les nazis ukrainiens, ou l’opinion de la population russophone du Donbass, dans l’est de l’Ukraine. 

M. Dore a précisé qu’il s’exprimait devant le Conseil pour libérer les citoyens des États-Unis et de l’Europe de leur « amnésie » et pour leur rappeler la véritable cause non seulement de l’explosion des gazoducs, mais aussi de la guerre en Ukraine et de la déstabilisation au Moyen-Orient, notamment enLibye, en Iraq, en Afghanistan et en Syrie.  Dénonçant la « soif impérialiste » des Américains, pour qui la véritable menace est de nature économique, en particulier si la technologie et le capital allemands étaient associés aux ressources naturelles russes, il les a accusés de mener des guerres par procuration, en continuant à armer l’Ukraine « jusqu’aux dents » afin de prolonger la guerre et d’éviter la paix.  Même si c’est l’Ukraine qui est responsable du sabotage des gazoducs Nord Stream, a-t-il conclu.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a exprimé de profondes préoccupations sur la qualité des enquêtes menées au niveau national par l’Allemagne, le Danemark et la Suède, aucun résultat n’ayant été obtenu jusqu’à présent.  Dans le même temps, a‑t‑il affirmé, de plus en plus de preuves émergent au sein de la communauté des experts selon lesquelles le sabotage des gazoducs était « l’œuvre de Washington », motivée par le désir de consolider sa domination sur l’Europe, qui a un besoin urgent des ressources énergétiques de la Fédération de Russie.  En novembre dernier, a rappelé le délégué, la Russie a adressé aux autorités compétentes allemandes, danoises et suédoises des demandes d’assistance juridique et de formation d’équipes d’enquête conjointes.  Elle n’a reçu en retour que des « notes » formelles. Devant cette situation inacceptable, la Russie a soumis au Conseil un projet de résolution pour créer une commission d’enquête internationale indépendante, qui n’a pas été adopté malgré son caractère apolitique et la souplesse de ses éléments de langage.  Le principal argument de ses opposants était leur « prétendue confiance absolue » dans les enquêtes nationales, qui n’ont pourtant rien donné, alors que la Russie, la Chine et le Brésil s’en étaient justement inquiétés.  Tout ceci ressemble fort, selon le représentant, à une tentative de dénier aux membres du Conseil l’accès à des informations pourtant cruciales pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales. 

Il ne s’agit pas d’un « petit délit de voyou » mais d’un attentat terroriste ayant eu de graves conséquences économiques et environnementales pour de nombreux pays, s’est indigné le délégué russe, selon qui tout indique une entreprise de dissimulation de l’identité des auteurs. Par exemple, les médias occidentaux mènent une campagne de plus en plus coordonnée pour promouvoir des versions « ridicules » des faits, comme si la Russie avait elle‑même fait sauter un gazoduc qui fonctionnait dans son intérêt.  Selon une autre version, le sabotage aurait été commis par quelques touristes sur un bateau, sans soutien de l’État; à en croire une autre, sur les ordres du commandant en chef des forces armées de l’Ukraine, mais à l’insu de son supérieur immédiat - le Président Zelenskyy.  Toutes ces versions, qui ont en commun de nier l’implication de Washington, ont « poussé comme des champignons après la pluie » après la publication, en début d’année, d’une enquête menée par le journaliste américain Seymour Hersh, dont la thèse, reprise par l’orateur, est que des explosifs auraient été placés par des plongeurs américains pendant l’été 2022 après des préparatifs de plusieurs mois et une rencontre entre les Chefs d’État américain et allemand.

Appelant à traduire en justice les responsables, le délégué a annoncé son intention de soumettre au Conseil un projet de résolution à ce sujet.  Le Conseil, a‑t‑il insisté, devrait prendre position et souligner la nécessité d’une enquête objective, sans quoi n’importe quel pays pourra être victime d’un tel attentat, commis par « un État enivré par le sentiment de sa propre impunité ». 

M. YUKIYA HAMAMOTO (Japon) a dénoncé les actes mettant en danger les infrastructures critiques, notamment énergétiques, qui constituent la « pierre angulaire de la vie moderne ».  À cette aune, il s’est dit extrêmement alarmé par l’incident concernant le gazoduc Nord Stream ainsi que par ses conséquences environnementales à long terme.  Le représentant s’est dit convaincu que les enquêtes ouvertes à ce sujet par les Gouvernements allemand, suédois et danois seront menées avec la plus grande équité et transparence.  Il a souhaité que leurs résultats soient rendus publics de manière transparente et communiqués dans les meilleurs délais au Conseil de sécurité.  Toutefois, afin d’assumer les responsabilités qui lui incombent pour le traitement des questions affectant la paix et la sécurité internationales, celui-ci doit disposer de faits, a-t-il noté en conclusion. 

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a rappelé que les explosions des gazoducs Nord Stream 1 et 2 ont causé d’énormes pertes économiques et aggravé les tensions internationales.  Alertant sur l’incertitude géopolitique qui règne dans la région, le représentant a déploré l’attention insuffisante accordée aux impacts environnementaux de ces explosions.  Après avoir souligné l’urgence d’en déterminer les causes, le représentant a réitéré sa confiance dans les enquêtes menées par les autorités nationales du Danemark, de l’Allemagne et de la Suède.  Après avoir appelé à rendre publiques les conclusions préliminaires des enquêtes, le délégué a affirmé que le manque d’information fiables y compris concernant la guerre en Ukraine, alimente la spéculation et les accusations. 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a estimé qu’un an après les faits, le manque d’avancée sur ce dossier contribuait à « alimenter toutes sortes des suspicions et spéculations » de nature à remettre en cause la volonté des parties à faire aboutir les investigations.  Il a donc appelé l’ensemble des parties à s’engager dans « une dynamique inclusive, transparente et sans politisation ».  Il va de soi que toute entrave ou opacité sur le déroulement des investigations serait préjudiciable à sa crédibilité et à la confiance dans le contexte actuel, a-t-il ajouté, tout en jugeant important que la coopération et l’échange de données puisse prévaloir sur toute autre considération, en vue de privilégier la manifestation de la vérité.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur)a condamné le sabotage des gazoducs sous-marins Nord Stream 1 et 2, et affirmé que rien ne justifie des attaques contre des infrastructures civiles essentielles, y compris énergétiques.  Regrettant que de tels actes aient mis en péril la navigation maritime et aérienne, il a craint un impact écologique aux conséquences incalculables en termes de contamination de la vie marine avec l’émanation de centaines de millions de mètres cubes de gaz dans l’atmosphère.  Le délégué a estimé que les informations fournies par l’Allemagne, le Danemark et la Suède, il y a un peu plus de deux mois, montrent le caractère complexe des enquêtes nationales qui comportent des aspects techniques, scientifiques et logistiques.  Il a souhaité que ces enquêtes se poursuivent conformément aux principes fondamentaux de l’état de droit. 

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a réitéré ses préoccupations concernant les actes de sabotage présumés contre les gazoducs Nord Stream 1 et 2. Il a rappelé que son pays condamne tout acte de sabotage commis contre des infrastructures critiques.  Le Représentant a ensuite salué les informations fournies dans la lettre conjointe du Danemark, de l’Allemagne et de la Suède en date du 10 juillet dernier, et indiqué attendre les autres conclusions. 

M. GENG SHUANG (Chine) a rappelé que depuis le sabotage des gazoducs, son pays n’avait eu de cesse de demander l’ouverture d’enquêtes internationales, sans succès à ce jour.  Bien que des enquêtes nationales soient actuellement menées, il ne faudrait pas trop perdre de temps au risque de voir les éléments de preuves disparaitre, a‑t‑il averti.  Les États qui mènent ces enquêtes devraient les conclure rapidement, de manière indépendante et impartiale, sans politisation, a demandé le représentant. Il a également estimé que la Fédération de Russie, en tant que partie, ne devrait pas être écartée des processus. « Les pays devraient au contraire coopérer avec elle. » 

M. DARREN CAMILLERI (Malte) s’est inquiété de la menace grave pesant sur les infrastructures et l’approvisionnement énergétiques, ainsi que sur l’environnement.  Les tensions sur les marchés de l’énergie qui ont suivi le sabotage des gazoducs ont mis en évidence la vulnérabilité en matière de fourniture en énergie, en particulier pour les pays en développement.  Rappelant la complexité des enquêtes, le délégué a fait savoir que Malte n’a pas de raison de croire qu’elles ne sont pas menées de manière impartiale, crédible et exempte de toute ingérence politique.  Ouvrir de nouvelles enquêtes comporterait des risques, a conclu le représentant. 

M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) a dit prendre très au sérieux les attaques menées contre les infrastructures civiles.  La communauté internationale reste, à juste titre, préoccupée par le sabotage des gazoducs Nord Stream, a-t-il noté, avant d’exprimer son appui aux enquêtes engagées en Allemagne, au Danemark et en Suède pour déterminer les responsabilités. L’actualisation des progrès de ces enquêtes, présentées en juin par ces trois pays, a mis en exergue le caractère sans précédent du sabotage et la complexité des investigations, a-t-il relevé, tout en exprimant sa pleine confiance dans leur impartialité.  Dans ce contexte, le représentant a estimé que le Conseil de sécurité ferait une mauvaise utilisation de son temps s’il commençait « à préjuger des résultats de ces enquêtes, à dicter la manière dont elles seront menées ou à les affaiblir d’une autre manière ». 

Le délégué a invité les membres du Conseil à prendre acte du fait que c’est la Fédération de Russie qui a convoqué cette réunion, et ce, en se disant préoccupée par la destruction d’infrastructures civiles.  « Pourtant, presque chaque jour de l’année marque l’anniversaire d’une attaque délibérée de la Russie contre des civils et des infrastructures civiles en Ukraine », a fait observer le représentant.  Il a ainsi rappelé le bombardement systématique des infrastructures énergétiques et portuaires ukrainiennes, qui a entraîné la destruction de plus de 280 000 tonnes de céréales, ainsi que les quelques 480 attaques perpétrées contre des écoles et des hôpitaux.  « Devrions-nous nous réunir tous les jours de l’année au Conseil à l’occasion de l’anniversaire de ces événements? » s’est-il interrogé. Il a en outre rappelé le « mépris total » dont a fait preuve la Russie à l’égard des infrastructures civiles en Syrie.  « L’hypocrisie de la Russie aujourd’hui n’a rien de nouveau », a conclu le représentant, pour qui ce pays ne pourra être pris au sérieux tant qu’il n’aura pas cessé ces attaques. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a rappelé plusieurs résolutions du Conseil de sécurité sur les enquêtes concernant les infrastructures civiles, et encouragé l’Allemagne, le Danemark et la Suède à transmettre les informations le plus rapidement possible en veillant à la plus grande transparence. Il s’est félicité des avantages liés à la coopération dans le partage des informations entre les différentes parties prenantes, ainsi que de la fiabilité des informations communiquées au Conseil.

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), a déploré qu’en dépit du consensus selon lequel le sabotage des gazoducs Nord Stream est un acte menaçant la paix et la sécurité internationales, l’on ne soit toujours pas parvenus à faire la lumière sur ces attaques.  Dans ce contexte, il a souligné l’urgence de tirer ces faits au clair, de manière judiciaire, afin de ne pas éroder les principes fondés dans la Charte, dont l’application du principe de responsabilité et la coopération.  Il est donc important que le Conseil de sécurité soit informé des conclusions des enquêtes nationales en cours, a estimé le représentant. 

M. JOHN KELLEY (États-Unis) a regretté la convocation de ce type de réunion du Conseil de sécurité.  Il a réitéré le soutien de la délégation américaine aux enquêtes approfondies et impartiales menées par l’Allemagne, le Danemark et la Suède pour élucider les faits. La Russie devrait s’abstenir de spéculer et permettre à ces pays de conclure leurs travaux, a ajouté le délégué.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a rappelé que son pays avait clairement exprimé sa préoccupation lorsque, voilà un an, des explosions sous-marines avaient touché les gazoducs Nord Stream.  Prenant au sérieux les informations indiquant que ces explosions sont le résultat d’un acte délibéré de sabotage, il a rappelé qu’il s’agissait de faits graves appelant des enquêtes approfondies.  Cependant, le délégué a mis en doute les motivations de la Russie lorsque celle-ci demande, pour la quatrième fois, une réunion du Conseil de sécurité sur ce sujet.  Depuis la dernière en juillet, a-t-il souligné, aucun élément nouveau, crédible et sérieux n’est apparu de nature à justifier un nouveau débat sur cette question. 

Par ailleurs, si la Russie montre tant de préoccupations au sujet des atteintes portées à une infrastructure européenne, elle-même continue d’infliger des « destructions quotidiennes massives » aux infrastructures civiles ukrainiennes.  De son point de vue, la réunion du jour a pour but de détourner l’attention du Conseil et d’alimenter des spéculations quant aux responsabilités dans le sabotage. Ne doutant ni du sérieux et de l’impartialité des enquêtes diligentées par les autorités compétentes allemandes, danoises et suédoises, le représentant français a déclaré comprendre qu’elles demandent du temps et des vérifications approfondies, « hors de toute interférence politique ». 

Mme KHALILAH HACKMAN (Ghana) a rappelé que les actes de sabotage comme ceux de Nord Stream relèvent d’un mépris des droits des populations concernées. À ce titre, elle a appelé les États Membres à assumer leurs responsabilités en vertu du droit international et les décisions prises par le Conseil de sécurité en matière de protection des infrastructures vitales.  La représentante les a également enjoint de maintenir leur unité face au sabotage des pipelines, en dépit de l’existence de divergences entre eux.  Saluant l’importance des enquêtes nationales menées au Danemark, en Allemagne et en Suède, elle a affirmé que leurs conclusions informeraient les futures décisions du Conseil et adresseraient un message vigoureux aux responsables.  Conformément aux dispositions de la résolution 2341 (2017) du Conseil de sécurité, l’ensemble des parties prenantes, notamment les opérateurs russes, doivent coopérer de bonne foi.  Face aux spéculations et la rhétorique qui alimentent les tensions géopolitiques, la représentante a exhorté les parties prenantes à fournir régulièrement des informations transparentes sur l’état d’avancement des enquêtes en cours. Enfin, elle a réitéré la demande d’un échéancier pour présenter leurs conclusions aux organisations internationales.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a constaté que lors de cette séance, les mêmes discours et positions ont été répétés à l’envi, sans aucun changement « sur ce que nous savons ou ne savons pas. » Elle s’est déclarée préoccupée par le caractère inacceptable des actes de sabotage des gazoducs et a réaffirmé son appui aux enquêtes diligentées par l’Allemagne, le Danemark et la Suède.  Soulignant que les processus d’enquête sont complexes et que ces trois pays disposent de structures solides à cet effet, la déléguée a conclu par une invitation à la patience.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: la Cheffe de la Mission d’assistance en Afghanistan incite à persévérer dans le dialogue avec les autorités afghanes de facto

9423e séance – matin
CS/15421

Conseil de sécurité: la Cheffe de la Mission d’assistance en Afghanistan incite à persévérer dans le dialogue avec les autorités afghanes de facto

Venue présenter au Conseil de sécurité, ce matin, le rapport trimestriel du Secrétaire général sur la situation en Afghanistan et ses conséquences pour la paix et la sécurité internationales, la Représentante spéciale pour ce pays, également Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), a plaidé pour une stratégie de modération et de dialogue avec les autorités afghanes de facto, afin de contribuer à une amélioration de la situation humanitaire et de promotion des droits des femmes et des filles, aujourd’hui strictement limités. 

Mme Roza Otunbayeva s’est toutefois montrée réaliste.  Si les Taliban se montrent « compréhensifs » quant au principe d’une gouvernance plus inclusive, il n’en reste pas moins que la poursuite du dialogue avec eux est sapée par les plus de 50 décrets qu’ils ont pris depuis un an, dont nombre ont des « conséquences dramatiques » sur les femmes et les filles, a-t-elle relevé, confirmant le gouffre qui sépare les politiques menées par les autorités talibanes du cadre normatif international.

La Représentante spéciale, qui a rappelé que, depuis le 20 juin dernier, la MANUA a publié trois rapports relatifs aux droits humains en Afghanistan, a fait observer que 46% des femmes afghanes interrogées dans le cadre de ces travaux s’opposent à une reconnaissance des Taliban, quelles que soient les circonstances.  Malgré ce sentiment de défiance d’une large part de la population, elle a estimé que la poursuite du dialogue avec les autorités de facto, en coordination avec la communauté internationale, constitue une occasion à saisir « pour le bien-être de millions de femmes qui doivent pouvoir contribuer à un Afghanistan ouvert ». 

Dans le contexte actuel, l’accès à l’éducation reste la plus grande priorité, les quatre cinquièmes des jeunes femmes et filles en âge d’étudier n’étant plus scolarisées, a souligné la Directrice exécutive d’ONU-Femmes, qui a fait valoir la collaboration de son agence avec la MANUA et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), en vue de placer les femmes afghanes au centre des processus décisionnels, conformément au programme pour les femmes et la paix et la sécurité. 

Mme Sima Sami Bahous a recommandé au Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1988 (2011) de réfléchir au rôle qu’il peut jouer dans la réponse aux violations des droits des femmes en Afghanistan.  Elle a d’autre part souhaité que l’on cesse de considérer la situation afghane comme une simple crise humanitaire, jugeant qu’il s’agit également d’une crise économique, de santé mentale, de développement « et bien plus encore ».  De même, elle a prié le Conseil de sécurité d’apporter son plein appui au processus intergouvernemental visant à codifier explicitement « l’apartheid sexiste » dans le droit international. 

Selon l’experte juridique internationale, Mme Kamira Bennoune, cette situation d’apartheid, aggravée par les dizaines de décrets qui privent les femmes de leurs droits fondamentaux, se traduit notamment par des privations arbitraires de liberté et des cas de torture, mais aussi par une augmentation alarmante du nombre de suicides féminins.  Certaines femmes évoquent une « mort progressive », a-t-elle expliqué, relayant les appels du Rapporteur spécial sur la situation des droits humains en Afghanistan et du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles en faveur d’une condamnation juridique internationale de cet état de fait.  De fait, il ne peut être question, selon elle, de reconnaître le régime taliban et encore moins de le laisser entrer à l’ONU tant que ce système d’apartheid entre les sexes persiste. 

Les membres du Conseil de sécurité se sont tour à tour émus des restrictions radicales imposées aux Afghanes, qu’ils ont unanimement condamnées.  Le Japon a cependant recommandé à la communauté internationale de se garder d’isoler les Taliban comme dans les années 90, préconisant plutôt un dialogue pragmatique.  La délégation japonaise a évoqué à ce sujet la réouverture de son ambassade à Kaboul en 2022. 

De son côté, la Chine a invité les bailleurs de fonds à se concentrer sur la survie de la population afghane en se gardant d’instrumentaliser l’assistance humanitaire pour faire pression sur le pays.  Elle s’est en outre indignée du gel par les États-Unis de 7 milliards de dollars d’actifs appartenant à la Banque centrale afghane.  Les États-Unis ont pour leur part indiqué que, depuis août 2021, ils ont fourni 2 milliards de dollars d’aide humanitaire aux pays, dont 969 millions au Programme alimentaire mondial (PAM). 

Le représentant de l’Afghanistan a, quant à lui, dressé un sombre bilan de l’action des autorités talibanes, constatant que les engagements de transparence et de collecte accrue de recettes n’ont pas abouti.  Il en va de même pour la promesse de réduction de la culture du pavot, certains chefs des Taliban s’adonnant encore à cette pratique, a-t-il dénoncé, avant de se faire l’écho des demandes de la diaspora et de groupes indépendants afghans.  Il a ainsi appelé à un dialogue de toutes les forces vives politiques du pays pour créer une feuille de route susceptible de conduire à un Afghanistan politiquement inclusif et représentatif, et empêcher qu’il ne devienne un sanctuaire du fanatisme et du terrorisme. 

Invitée par le Conseil, la République islamique d’Iran a rappelé qu’elle accueille des millions de réfugiés afghans sur son territoire.  Pointant le sous-financement du plan d’intervention humanitaire pour l’Afghanistan, elle a insisté sur l’importance d’une coopération collective pour permettre un retour sûr des réfugiés dans leur pays.  Elle s’est aussi inquiétée des conséquences de la situation afghane sur la sécurité régionale, la présence d’Al-Qaida constituant selon elle une « menace permanente ».  La délégation iranienne a enfin appelé, à l’instar de la Chine, à l’annulation des sanctions imposées à l’Afghanistan. 

Parmi les autres voisins de l’Afghanistan, l’Inde a mis l’accent sur la coopération bilatérale, tout en considérant que la paix et la stabilité du pays relèvent d’une responsabilité partagée.  Le Pakistan, qui ne reconnaît pas la légitimité du représentant de l’Afghanistan, s’est lui félicité de la « nette amélioration » de l’ordre public dans ce pays, en dépit des restrictions qui lui sont imposées. 

LA SITUATION EN AFGHANISTAN (S/2023/678)

Déclarations

Mme ROZA OTUNBAYEVA, Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan, a rappelé qu’à l’occasion de son discours d’acceptation du prix Nobel de la paix en 2001, le Secrétaire général de l’ONU, feu M. Kofi Annan, s’était interrogé sur le sort réservé aux filles qui naissent en Afghanistan.  Elle a également cité une jeune fille afghane du sud-ouest du pays, fille d’une veuve qui n’a jamais fréquenté l’école, qui a confié à la Mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) que sa principale préoccupation consiste à trouver suffisamment d’eau pour sa famille. Pour Mme Otunbayeva, ces exemples décrivent à souhait les dilemmes et complexités de l’Afghanistan actuel et montrent à quel point la réponse est malaisée.  Aujourd’hui, a-t-elle poursuivi, les communautés afghanes sont dévastées par les répercussions de deux années de sécheresse dans un pays où 80% de la population dépend de l’agriculture.  Or, les changements climatiques et l’absence d’eau ont des effets dévastateurs sur les habitants des zones affectées.  À tel point que « les familles qui ont tout sauf l’eau migrent vers là où il n’y rien que de l’eau », a-t-elle constaté, reprenant l’expression de « migration inversée » utilisée par un gouverneur provincial. 

La Représentante spéciale a ensuite indiqué que, depuis le 20 juin, date de son dernier exposé, la MANUA a publié trois rapports en lien avec les droits humains: sur l’impact des engins explosifs improvisés sur les civils; sur l’amnistie accordée par les autorités de facto à d’anciens membres du Gouvernement et à d’anciens membres des forces armées; et sur le traitement des détenus.  Ces rapports ont fait la lumière sur les violations du droit international commises par les autorités de facto, a-t-elle souligné, tout en précisant que les réponses de ces dernières sont annexées aux rapports.  « L’heure est venue d’appuyer un dialogue soutenu avec les différents représentants des autorités de facto pour respecter les normes internationales », a encouragé Mme Otunbayeva, avant de saluer la visite en Afghanistan de dignitaires religieux d’États membres de l’Organisation de la coopération islamique.  Une visite qui, selon elle, s’inscrit dans le cadre de la médiation « précieuse » du monde islamique, notamment sur les questions liées à l’éducation des filles, aux droits des femmes et à la bonne gouvernance. 

La Cheffe de la MANUA a aussi fait état de consultations entre les autorités de facto et les responsables tribaux, avec la création de conseils dans 34 provinces.  Elle a toutefois jugé prématuré de se prononcer sur ces conseils qui, à ses yeux, pourraient être « des instruments de contrôle ou des outils d’application des normes ».  Mme Otunbayeva a, d’autre part, noté que les Taliban ont nettement revu à la baisse la culture du pavot, ce qui sera évalué en octobre par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).  À cet égard, elle a précisé que la MANUA a créé un groupe chargé de porter assistance aux cultivateurs ainsi qu’aux millions de toxicomanes dans le pays. Elle s’est par ailleurs déclarée préoccupée par le déficit de l’assistance humanitaire.  Plusieurs programmes ont dû fermer leurs portes à l’approche de l’hiver et des millions d’Afghans risquent d’être plongés dans la famine, a-t-elle alerté, avant d’appeler les donateurs à renforcer leur appui, notamment en faveur des femmes, des déplacés et des rapatriés. 

La MANUA, a-t-elle expliqué, adopte une stratégie de modération avec les autorités de facto et entend faire fonctionner les projets.  Si les Taliban se montrent compréhensifs quant à une gouvernance plus inclusive, la poursuite du dialogue avec eux est sapée par la cinquantaine de décrets qu’ils ont pris, dont nombre ont des conséquences dramatiques sur les femmes, a-t-elle regretté.  Ainsi, 46% des femmes afghanes interrogées affirment-elles que les Taliban ne devraient pas être reconnus, quelles que soient les circonstances, a fait observer Mme Otunbayeva, pour qui les politiques d’exclusion des femmes sont tout à fait inacceptables.  De l’avis de la Représentante spéciale, la stratégie révisée de dialogue, adoptée par l’ONU à l’égard des autorités de facto, nécessite une coordination étroite de la communauté internationale.  Alors que la « porte reste ouverte », il faut saisir l’occasion qui se présente pour le bien-être de millions de femmes qui doivent pouvoir contribuer à un Afghanistan ouvert, a-t-elle plaidé en conclusion.

Mme SIMA SAMI BAHOUS, Directrice exécutive d’ONU-Femmes, a indiqué qu’alors que le Conseil de sécurité a adopté plusieurs résolutions condamnant la répression dirigée contre les femmes et les filles afghanes, ONU-Femmes a, pour sa part, collaboré avec la MANUA et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour consulter régulièrement les femmes afghanes et essayer de les placer au centre du processus décisionnel, comme l’exige le programme pour les femmes et la paix et la sécurité.  De ces consultations, a-t-elle précisé, il ressort que l’accès à l’éducation reste la plus grande priorité puisqu’environ les quatre cinquièmes des jeunes femmes et filles en âge d’étudier ne sont pas scolarisées. De plus, l’influence des femmes sur la prise de décisions a considérablement diminué, y compris au sein des communautés, de la famille élargie et des ménages, en raison notamment de l’augmentation de la pauvreté, de l’imposition par les Taliban de normes patriarcales et de l’isolement croissant des femmes . Mme Bahous a ainsi relevé que seulement 22% des femmes consultées ont déclaré rencontrer d’autres femmes non membres de leur famille au moins une fois par semaine. 

Selon la Directrice exécutive d’ONU-Femmes, les femmes afghanes disent aussi être confrontées à une liste toujours croissante de restrictions souvent appliquées avec plus de sévérité, en particulier par les membres masculins de la famille.  Elle a en outre constaté une baisse du taux d’emploi des femmes afghanes, estimé à 25% depuis la prise du pouvoir par les Taliban, contre 7% pour les hommes, ainsi qu’une augmentation du mariage et du travail des enfants.  De plus, 90% des jeunes femmes interrogées déclarent avoir une santé mentale mauvaise ou très mauvaise, avec des idées suicidaires omniprésentes, a-t-elle déploré, ajoutant que les femmes continuent d’exiger de la communauté internationale qu’elle leur fournisse des espaces pour discuter directement avec les autorités de facto.  Elles demandent également que les acteurs internationaux ne rencontrent pas les Taliban sans la présence de femmes dans leurs délégations, a poursuivi la responsable onusienne, selon laquelle 46% des femmes interrogées considèrent qu’il ne faut pas reconnaître les autorités de facto ou qu’elles ne devraient l’être qu’une fois qu’elles auront mis fin aux violations des droits liés à l’éducation, à l’emploi et à la participation des femmes à un gouvernement inclusif.

Mme Bahous a ensuite estimé que, par le passé, les voix des femmes afghanes n’ont que trop été ignorées.  Rappelant que les femmes ont été exclues de 80% des négociations de paix entre 2005 et 2020, elle a observé que les discussions autour de l’Accord de Doha en 2020 se sont seulement déroulées sans elles et ne faisaient aucunement référence aux droits des femmes.  « Ces échecs font partie de ce qui nous a amené là où nous en sommes aujourd’hui », a-t-elle regretté.  Pour cette raison, elle a recommandé au Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1988 (2011) de convoquer une session consacrée au rôle que le Comité peut jouer dans la réponse aux violations des droits des femmes en Afghanistan.  Elle a également souhaité que l’on cesse de considérer la situation en Afghanistan comme une simple crise humanitaire.  À ses yeux, il s’agit aussi d’une crise économique, d’une crise de santé mentale, d’une crise de développement « et bien plus encore ».  Il faut enfin que le Conseil de sécurité apporte son plein soutien au processus intergouvernemental visant à codifier explicitement « l’apartheid sexiste » dans le droit international, a-t-elle préconisé. 

Mme KARIMA BENNOUNE, experte juridique internationale, a dit coopérer avec les défenseuses afghanes des droits humains depuis près de 30 ans. Rappelant que, depuis août 2021, pas moins de 65 décrets des Taliban ont privé les femmes afghanes de la plupart de leurs droits fondamentaux, elle a indiqué que cette situation relevant de l’« apartheid » se traduit notamment par des cas de torture et a entraîné une augmentation du nombre de suicides.  Elle a ainsi rapporté les mots d’une femme ouzbèke de la province de Takhar ayant récemment tenté de mettre fin à ses jours:  « J’ai peur qu’ils interdisent aux femmes de respirer sans la permission d’un homme. »  Une manifestante de Kaboul parle, elle, de « mort progressive » due à la « situation d’apartheid entre les sexes », a-t-elle ajouté. 

L’experte a expliqué que des défenseuses afghanes des droits humains ont récemment entamé une grève de la faim pour protester contre les tentatives de normalisation des relations avec les Taliban entreprises par certains États, tout en exigeant une reconnaissance internationale de « l’apartheid des sexes » qui règne en Afghanistan.  Elle a appelé le Conseil de sécurité à agir pour tenir les autorités de facto responsables de la destruction des droits des femmes.  À cet égard, Mme Bennoune a appuyé les appels du Rapporteur spécial sur la situation des droits humains en Afghanistan et du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles à promouvoir une condamnation juridique internationale de la situation.  Appelant à reconnaître « l’apartheid sexiste » dans le droit international, elle a fait valoir que l’Afrique du Sud a non seulement adopté cette terminologie au Conseil des droits de l’homme mais a aussi appelé à une réaction internationale semblable à celle qui avait contribué à mettre fin à l’apartheid racial. 

Mme Bennoune a d’autre part rappelé qu’elle avait publié en décembre 2022 une étude intitulée « L’obligation internationale de lutter contre l’apartheid sexiste en Afghanistan ».  À ses yeux, les Taliban ne se contentent pas de ne pas respecter les droits des femmes, leur oppression est « au cœur de leur système de gouvernance ». Compte tenu du fait que l’approche ordinaire des droits humains ne peut fonctionner dans le cadre d’un apartheid, elle a plaidé pour une action menée par le Conseil, sur la base de ses 10 résolutions sur les femmes, la paix et la sécurité, et soutenue par des États de toutes les régions.  L’experte a également rappelé que le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) enquête sur la situation afghane et pourrait engager des poursuites contre certains auteurs présumés de crimes internationaux.  Elle a toutefois jugé que la responsabilité individuelle, bien qu’essentielle, n’est pas suffisante pour faire face à l’ampleur de cette crise. 

« L’approche de l’apartheid sexiste signifie qu’aucun État Membre ne peut être complice des actions illégales des Taliban ou les normaliser, et que tous les États Membres doivent prendre des mesures efficaces pour mettre fin à cette situation », a résumé Mme Bennoune.  Dès lors, il ne peut être question de reconnaître les Taliban et encore moins de les laisser entrer à l’ONU, en tout cas tant que leur système d’apartheid entre les sexes persiste.  Insistant sur le fait que l’objectif n’est pas d’isoler l’Afghanistan ou de lui couper l’aide humanitaire dont il a désespérément besoin, l’experte a estimé que la fourniture d’une aide fondée sur des principes et non discriminatoire constitue « une question de vie ou de mort ».  Elle a appelé le Conseil de sécurité et les autres organes compétents des Nations Unies à envisager d’adopter des résolutions qualifiant le traitement des femmes afghanes par les Taliban à la fois de persécution fondée sur le sexe et de cadre institutionnalisé d’apartheid fondé sur le sexe.  Selon elle, ces résolutions devraient exiger des États et de l’ONU qu’ils prennent des mesures efficaces pour mettre fin à ces graves violations du droit international. Elle a par ailleurs souhaité que le traité sur les crimes contre l’humanité, actuellement à l’étude, prenne en compte les questions de genre et fasse référence à l’apartheid sexiste. « Comme me l’a dit un jour une défenseuse afghane des droits humains, l’optimisme est la clef de la survie », a-t-elle conclu. 

M.ISHIKANE KIMIHIRO (Japon), qui s’est ému des restrictions imposées aux femmes et aux jeunes filles, a toutefois estimé que la communauté internationale ne doit pas isoler les Taliban comme dans les années 90, mais plutôt s’engager dans un dialogue avec eux.  Il a salué le maintien de la présence de la MANUA en Afghanistan, rappelant que son propre pays a rouvert son ambassade à Kaboul en 2022.  À ce titre, le délégué a rappelé la signature, fin août, par le Japon et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), d’un document de coopération pour un projet visant à améliorer la production agricole grâce à des systèmes d’irrigation pris en charge au niveau communautaire.  Il a souhaité que ce projet permette non seulement de combler les graves pénuries alimentaires qui sévissent dans le pays, mais aussi d’aider le peuple afghan à regagner son autonomie.  Le représentant a, en conclusion, indiqué que, d’ici à novembre, une évaluation indépendante de l’approche internationale vis-à-vis de l’Afghanistan serait fournie conformément, à la résolution 2679 (2023) du Conseil de sécurité.

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a présenté ses attentes concernant la prochaine évaluation de la situation en Afghanistan, qui devrait être transmise en novembre.  Il faut, en premier lieu, une feuille de route claire sur un processus politique et un dialogue avec les autorités de facto, qui devraient inclure une reconnaissance de leur contrôle du territoire sans pour autant légitimer leur pouvoir par défaut, a-t-elle estimé.  Des millions de vies dépendent de notre capacité à marcher sur cette corde raide, a reconnu la représentante, en appelant à veiller à ce que le peuple afghan ne soit pas doublement victime des politiques extrémistes et de l’inaction du Conseil de sécurité.  Pour que le processus politique se mette en place, il doit être cohérent, assorti d’un calendrier et d’objectifs concrets.  Il faut aussi une approche qui contraindra les autorités de facto à respecter les obligations des autorités de facto en vertu du droit international, à respecter les droits humains, dont ceux des femmes et des filles. 

La représentante, qui a exhorté à faire converger les différentes initiatives en cours, a voulu que les femmes y soient pleinement associées.  En outre, la déléguée a souligné l’importance de mesures de relance de l’économie afghane, en préconisant la réintégration de l’Afghanistan dans le système bancaire international.  Le secteur privé et les petites et moyennes entreprises ont besoin de capitaux, en particulier celles dirigées par les femmes, a-t-elle observé.  Concernant les problèmes sécuritaires, elle a appelé à veiller à ce que l’Afghanistan ne serve pas de base arrière aux organisations terroristes qui mènent des opérations contre d’autres États.  Elle a enfin exhorté à investir dans l’économie et la société afghanes pour leur donner les moyens de relever le défi des changements climatiques, notamment le développement des systèmes d’alerte précoce et la diversification des moyens de subsistance de la population. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a indiqué que le rapport à l’ordre du jour du Conseil établit l’absence d’amélioration des conditions de vie des femmes en Afghanistan, l’insuffisance de l’assistance humanitaire dans le pays, la multiplication du nombre de nécessiteux, ainsi que les obstacles dressés par les Taliban à l’acheminement de l’aide, autant de questions hautement préoccupantes.  Il a dénoncé ce qu’il a qualifié d’apartheid des femmes, en appelant à une réforme visant au renforcement des institutions afghanes.  Plusieurs organisations terroristes, dont Al-Qaida et l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan (EIIL-K), pourraient bénéficier d’un tel contexte, selon le délégué, qui a donc incité à resserrer la coordination dans la prévention et la lutte contre le terrorisme et le trafic d’armes.  L’Équateur a pris également note des efforts de dialogues bilatéraux et régionaux avec le régime des Taliban aux fins de promouvoir des politiques respectueuses des droits humains.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a déclaré reconnaître les acquis des Taliban en matière de lutte contre le terrorisme.  Mais les droits des femmes doivent rester une priorité de la communauté internationale, tout comme doit l’être la lutte contre la crise humanitaire dans ce pays où 40% de la population est confrontée à l’insécurité alimentaire aiguë, a-t-elle fait valoir.  Appelant les États Membres à soutenir le plan d’intervention humanitaire révisé de l’ONU pour l’Afghanistan, actuellement sous-financé, elle a souligné que, depuis 2011, le Royaume-Uni a contribué à hauteur de plus de 500 millions de dollars pour atténuer cette crise. À l’approche de l’hiver, davantage doit être fait, notamment en obtenant que l’aide humanitaire ne soit plus gérée uniquement pas des institutions dirigées par les hommes, a-t-elle ajouté. La représentante a également estimé que les Taliban doivent comprendre qu’une reconnaissance de leur autorité ne pourra pas se faire tant qu’ils excluent de la vie publique et privent de leurs droits 50% de la population afghane. 

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a pris note de la volonté de Kaboul de développer des contacts avec la MANUA et s’est réjouie du fait que l’ONU reste déterminée à maintenir une présence sur place et à fournir une assistance au peuple afghan.  Brossant le tableau des 20 dernières années, elle a rappelé que la guerre menée par les États-Unis et de leurs alliés a abouti à leur « fuite ignominieuse », amené au pouvoir ceux qu’ils combattaient et conduit le pays au bord de l’effondrement.  Selon elle, l’Afghanistan était devenu « un lieu d’expérimentation pour la stratégie régionale américaine, où l’on testait différents types d’armes et blanchissait des milliards de dollars. »  Elle a ajouté que la guerre contre le terrorisme a transformé le pays en un refuge pour les extrémistes de tous bords, dont une franchise de Daech.  Elle a en outre accusé les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN d’y avoir perpétré de nombreux crimes de guerre et d’en effacer les traces. 

« Dans ce contexte, les déclarations fracassantes de nos collègues américains sur leurs prétendues préoccupations concernant le sort des Afghans, notamment les femmes et les enfants qu’ils ont eux-mêmes trahis et abandonnés à leur sort, paraissent hypocrites », a-t-elle martelé, relevant que les Occidentaux se mobilisent moins pour la population afghane que pour « la guerre contre la Russie en Ukraine ».  Après s’être alarmée de la situation sécuritaire en Afghanistan, notamment des activités de l’État islamique d’Iraq et du Levant–Khorassan, elle a dénoncé le « soutien de services secrets étrangers » à ce groupe terroriste, faisant état de transferts d’hélicoptères de l’OTAN aux combattants de l’EIIL-K.  La déléguée s’est aussi inquiétée de la sécurité du personnel de la MANUA et des travailleurs humanitaires sur le terrain, tout en notant les efforts, « louables mais insuffisants », des autorités de facto.  Elle a d’autre part souligné le lien entre drogue et terrorisme, avant d’appeler à une aide régionale et internationale, notamment de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). 

Sur le plan humanitaire, la représentante a regretté que les efforts de l’ONU pour étendre l’assistance au-delà des besoins de base soit « bloquée par les donateurs occidentaux ».  Dénonçant la « réduction délibérée » de leur aide à l’Afghanistan « sous divers prétextes politisés », elle a établi une comparaison avec la somme de 1,83 milliard de dollars reçue cette année par les Nations Unies pour l’aide humanitaire à l’Ukraine, alors que l’Afghanistan et la plupart des autres situations de crise dans le monde souffrent d’un sous-financement chronique. 

La représentante a ensuite pris note des déclarations faites par les autorités de facto sur les droits fondamentaux des femmes et des filles à l’éducation et au travail, et a dit attendre avec impatience une résolution rapide de ces problèmes.  Elle a également appelé à la formation d’un gouvernement véritablement inclusif, avec la participation de tous les groupes ethno-politiques du pays.  La déléguée a par ailleurs appelé à une coopération régionale avec l’Afghanistan en vue d’un règlement global, indiquant à cet égard que son pays travaille à l’élaboration d’une approche commune dans le cadre du « processus de Moscou », dont une réunion est prévue le 29 septembre à Kazan.  Elle a précisé à cet égard que les Émirats arabes unis, le Qatar, l’Arabie saoudite, la Türkiye, l’Indonésie et une délégation des Taliban y sont attendus. 

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) s’est tout d’abord alarmée de l’essor du trafic de méthamphétamines en Afghanistan, ainsi que de la poursuite des incidents frontaliers avec les pays voisins.  Elle a ensuite estimé que la ségrégation et l’exclusion des femmes et des filles par les autorités de facto pourraient constituer une persécution fondée sur le sexe et un crime contre l’humanité.  La représentante a rappelé que les récentes fermetures de salons de beauté et le licenciement de femmes travaillant dans des jardins d’enfants ont privé de nombreuses travailleuses afghanes de leurs dernières sources d’emploi et d’espace leur permettant de trouver un soutien communautaire en dehors de leur foyer.  Elle a demandé aux Taliban de revenir immédiatement et inconditionnellement sur toutes les politiques et pratiques qui restreignent les libertés fondamentales des femmes et des filles. 

La déléguée s’est aussi inquiétée de la détérioration de l’économie du pays, qui accentue encore la crise humanitaire.  Elle a regretté, à cet égard, que la fourniture de l’aide internationale montre des signes de faiblesse, notamment du fait de restrictions budgétaires. Enfin, après avoir réitéré son soutien à l’action de la MANUA et appelé le régime taliban à se conformer à la résolution 2681 (2023), elle a dit attendre avec intérêt les recommandations du Coordinateur spécial de l’évaluation de la situation en Afghanistan, M. Feridun Sinirlioğlu, sur la manière dont les Nations Unies peuvent renforcer plus efficacement leurs actions dans le pays.

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), qui s’exprimait au nom de l’A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), a pris note de l’amélioration de la situation macroéconomique en Afghanistan, saluant la promotion par les autorités de facto du commerce et de la coopération régionale.  En revanche, il s’est dit préoccupé par la poursuite des violences contre les civils, en particulier les enfants, ainsi que par les exécutions extrajudiciaires et les arrestations arbitraires.  L’A3 est particulièrement préoccupé par les discriminations faites aux femmes et aux filles, et par la restriction de la liberté d’expression, a-t-il souligné.  Il a par ailleurs déploré que le Gouvernement actuel de l’Afghanistan soit entièrement composé d’hommes, parmi lesquels figurent des individus inscrits sur la liste des sanctions de l’ONU.  Le représentant a également constaté le manque de représentation de la diversité du peuple afghan et appelé les autorités de facto à revoir cette situation. Il a en outre demandé l’annulation de la mesure interdisant le travail des femmes dans le domaine humanitaire, avant de plaider pour l’égalité d’accès à l’éducation pour les garçons et les filles. 

Le représentant a ensuite exigé des réponses aux problèmes humanitaires auxquels le peuple afghan est confronté.  Il a appelé à fournir de toute urgence des vivres, de l’eau, des soins de santé et des abris, en particulier aux provinces reculées.  Il a aussi prié les donateurs d’accroître leur assistance à l’approche de l’hiver.  S’agissant de la situation sécuritaire, le délégué a constaté une baisse des incidents mais a encouragé les autorités à poursuivre la lutte contre le terrorisme et à assurer la sécurité des citoyens afghans.  Il a d’autre part demandé aux pays voisins d’intensifier leurs efforts pour stabiliser la situation en Afghanistan et à l’échelle régionale.  Avant de conclure, il a souligné que la stabilité politique du pays nécessite un processus inclusif et respectueux des droits humains et des valeurs démocratiques. 

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a évoqué trois questions urgentes aux yeux de son pays: les droits des femmes et des filles, l’accès à l’assistance humanitaire et le respect des droits humains en Afghanistan.  Fustigeant des restrictions qu’il a qualifiées d’injustifiables, il a appelé les Taliban à les lever sans délais.  Le délégué a insisté sur la participation des fonctionnaires femmes de l’ONU sur place, et jugé inacceptable toute entrave à l’acheminement de l’assistance humanitaire, soulignant que son pays avait fourni, depuis août 2021, 2 milliards de dollars d’aide humanitaire aux pays, dont 969 millions au Programme alimentaire mondial (PAM).  Alors que le rapport sur les activités de la MANUA fait état de 800 cas d’exécutions, d’exactions et de violations injustes des droits humains, le Conseil de sécurité devrait agir pour que les Taliban inversent la tendance actuelle et facilitent l’acheminement de l’aide humanitaire, a-t-il conclu. 

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a jugé « épouvantable » la situation des droits humains en Afghanistan, en particulier ceux des femmes et des filles.  Selon lui, les mesures discriminatoires, notamment l’accès à l’éducation et au travail, compromettront toute perspective de construction d’une société stable et prospère en Afghanistan.  Cela ne pourra jamais être réalisé sans l’inclusion adéquate et la participation significative des femmes à la vie publique et une éducation adéquate pour les filles.

Le représentant a ensuite estimé que les récents indicateurs économiques offrent une lueur d’espoir pour l’Afghanistan.  Il ne faut donc pas compromettre ces fondamentaux en suivant une voie politique qui aliène davantage des pans importants de la société afghane et continue d’isoler le pays, a-t-il préconisé.  Dans le cadre de ce processus, la communauté internationale doit assumer sa part.  Le retour prudent des avoirs gelés vers la Banque centrale afghane doit être un élément clef de toute stratégie visant à un engagement constructif avec les autorités de facto, a estimé le délégué, en lançant un appel aux États qui ont été ou sont encore plus impliqués dans l’histoire récente du pays.  Ils ont l’obligation politique et morale d’aider les Afghans à relever les défis politiques, économiques et humanitaires complexes auxquels ils sont confrontés. 

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a rappelé que plus des deux tiers de la population afghane ont besoin d’aide, à commencer par les femmes, qui restent systématiquement exclues de l’éducation et du travail rémunéré, ainsi que de la vie politique, économique et sociale.  La violation de leurs droits continue de peser lourdement sur les perspectives économiques et humanitaires du pays entier.  En outre, a déploré la représentante, le travail humanitaire effectué par les femmes est en grande partie suspendu.  L’exclusion des femmes met en péril l’ensemble de l’action humanitaire, décourage le financement nécessaire et encourage le détournement économique.  Pour que l’Afghanistan puisse se relever, il a besoin de femmes qui peuvent déterminer leur propre avenir et participer activement à la vie publique et politique, a estimé la déléguée, pour laquelle cela commence à l’école. 

La représentante a ensuite apporté son soutien à la collecte de données à travers le pays et l’établissement de rapports pertinents, pour élaborer des solutions durables qui nécessitent une étroite collaboration avec les organisations de la société civile.  Elle a ensuite plaidé en faveur de mesures d’atténuation des conséquences des changements climatiques.  Pour elle, les Taliban n’obtiendront l’autonomie économique que s’ils parviennent à établir une relation de confiance avec la communauté internationale, a ajouté la représentante, en paraphrasant le Secrétaire général.  Pour la Suisse, cette confiance passe par une gouvernance inclusive et le respect des droits humains du peuple afghan dans son ensemble.

M. ZHANG JUN (Chine) a salué les mesures prises par les Taliban pour stabiliser la situation sécuritaire et augmenter les recettes de l’État.  Il a néanmoins regretté que des difficultés subsistent s’agissant de la situation humanitaire, des droits des femmes et des filles, et de la réponse à la menace terroriste.  Dans ce contexte, il a exhorté les autorités de facto à garantir l’inclusion des femmes, des filles et des minorités, tout en appelant la communauté internationale à maintenir le financement de l’assistance humanitaire.  À cet égard, le représentant a demandé aux bailleurs de fonds de donner la priorité à la survie de la population afghane, plutôt que d’instrumentaliser l’assistance humanitaire pour faire pression sur le pays. 

Le délégué s’est ensuite indigné du gel illégal de 7 milliards de dollars d’actifs appartenant à la Banque centrale afghane, dont 1,3 milliard ont été versés dans un fonds établi à l’étranger, soi-disant pour soutenir l’économie du pays.  Or, deux ans se sont écoulés et aucun montant n’a bénéficié à la population afghane, alors que ledit fonds aurait amassé 128 millions de dollars en intérêts. « C’est une nouvelle forme de pillage », a-t-il dénoncé, avant d’enjoindre aux États-Unis de rendre ces actifs « dans leur totalité et sans condition ».  Il a, d’autre part, appelé à la levée des mesures coercitives unilatérales qui, selon lui, entravent l’acheminement de l’assistance humanitaire.  La résolution 2615 (2021) du Conseil de sécurité stipule très clairement que l’octroi de l’aide humanitaire à la population ne constitue en rien une violation des sanctions du Conseil, a-t-il argué, avant d’inviter la MANUA à ajuster ses effectifs pour améliorer la situation sur le terrain. 

Constatant que les Taliban poursuivent leur oppression systématique des Afghanes, Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a affirmé que son pays « n’accepterait jamais cette politique de ségrégation ». Elle a rappelé que Paris avait coorganisé, pendant le segment de haut niveau de l’Assemblée générale, une réunion ministérielle pour dénoncer les discriminations systématiques imposées aux Afghanes par les Taliban.  Rappelant que la France continue à fournir de l’aide directement à la population afghane sur la base du principe « pour les femmes, par les femmes », la représentante a indiqué que plus de 140 millions d’euros avaient été versés depuis 2021.  Cette aide, a-t-elle précisé, se poursuivra dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la sécurité alimentaire, avec une contribution supplémentaire de 1,5 million au Programme alimentaire mondial (PAM) cette année, afin de prévenir le risque de famine pour les femmes et les filles.  La déléguée a rappelé que la résolution 2593 (2021) du Conseil de sécurité fixe cinq attentes en matière de lutte contre le terrorisme, d’aide humanitaire et de respect des droits humains, que « les Taliban continuent de fouler aux pieds », comme du reste la résolution 2681 (2023), adoptée à l’unanimité il y a six mois.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a déclaré que, deux ans après la prise de pouvoir par les Taliban, la situation afghane demeure précaire, notamment en ce qui concerne les femmes et les filles.  Face aux politiques « radicales » de Kaboul, la communauté internationale s’efforce de coordonner son action, a-t-il salué, dénonçant les « règles sociales médiévales » adoptées par les autorités de facto.  Selon le représentant, les Taliban n’ont pas l’intention d’honorer leurs promesses au titre des droits humains, notamment du respect des droits fondamentaux des femmes. De plus, rien n’indique jusqu’à présent que la population, dont les deux-tiers dépend de l’assistance humanitaire, connaisse les progrès mentionnés par les Taliban.  Au contraire, ceux-ci continuent de « trahir la population afghane », ce qui est intolérable, a martelé le représentant, selon lequel un véritable « apartheid sexiste » est à l’œuvre en Afghanistan.  En conclusion, il a appelé les États Membres à faire preuve de solidarité avec le peuple afghan. 

M. NASEER AHMAD FAIQ, (Afghanistan), a constaté que, deux ans après la prise du pouvoir par les Taliban, la situation en Afghanistan n’a pas changé. Elle ne fait même que se détériorer dans les domaines humanitaire, sécuritaire et politique, a-t-il déploré, relevant qu’aujourd’hui, 90% de la population vit dans la pauvreté et que les deux tiers des Afghans luttent pour survivre.  La faim touche 20 millions de personnes, le chômage augmente et la migration se poursuit malgré les graves risques qu’elle comporte, a-t-il noté, avant de rappeler que les femmes et les filles sont confrontées à de strictes limitations en matière de mobilité, d’accès à l’éducation et de participation à la vie publique.  De plus, les expressions culturelles et artistiques sont supprimées et la population vit dans la peur constante de représailles, a ajouté le représentant. 

L’orateur a ensuite mis l’accent sur l’importance du soutien de la communauté internationale pour aider son pays à surmonter ses défis.  Il s’est félicité à cet égard des discussions organisées par l’ONU à Doha en mai dernier, de la nomination du Coordonnateur spécial pour l’amélioration de la situation en Afghanistan et de la récente réunion de haut niveau en faveur des femmes et des filles afghanes.  Ce sont des développements bienvenus, reconnus et appréciés par le peuple afghan, a-t-il dit, appelant à ce que ces efforts soient maintenus et renforcés, dans le but de « libérer l’Afghanistan des chaînes de l’apartheid sexiste, de la radicalisation et de l’extrémisme ».  Il s’agit, a-t-il souligné, de permettre aux femmes, aux filles et aux jeunes afghans de contribuer à la croissance et à la prospérité de leur pays. 

Malgré les défis, le peuple afghan reste déterminé, divers groupes travaillant sans relâche pour défendre les droits des citoyens et les valeurs nationales, a poursuivi le représentant.  Selon lui, la société civile, les femmes, les jeunes et les mouvements politiques sont mobilisés pour former un « programme national uni ». Pour preuve, a-t-il indiqué, la mission afghane auprès des Nations Unies a organisé le 16 septembre une réunion en ligne avec des représentants de l’armée afghane, des membres de la diaspora, des personnalités politiques afghanes indépendantes, des militants des droits humains ainsi que des dirigeants de partis et d’associations progressistes et démocratiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Ces acteurs demandent à la communauté internationale de maintenir la pression sur les Taliban pour qu’ils renoncent à leurs politiques anti-femmes, a-t-il souligné.  Ils demandent aussi à l’ONU de respecter sa promesse de classer le sort des femmes et des filles afghanes comme relevant d’un « apartheid sexiste ».  Ils demandent en outre que l’assistance humanitaire soit maintenue pour la population afghane et sollicitent l’attention prioritaire du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) pour la protection et la réinstallation des personnes ayant fui les persécutions des Taliban.  Enfin, a-t-il conclu, ces acteurs soutiennent les sanctions contre les autorités de facto pour violation des droits des femmes et s’opposent à la normalisation des liens avec eux jusqu’à ce qu’ils respectent les droits et la volonté des populations de l’Afghanistan. 

M. AMIR SAEID IRAVANI (République islamique d’Iran) a souligné l’urgence de déployer une aide impartiale et sans conditions en Afghanistan, où il faut lever les sanctions unilatérales pour soutenir le redressement économique. La coopération régionale pourra faciliter le retour en toute sécurité des réfugiés afghans, qui pèsent lourdement sur la sécurité et la stabilité régionales.  La présence de Daech et des affiliés d’Al-Qaida sont des menaces pour l’Afghanistan, les pays voisins et la communauté internationale, a mis en garde le délégué, en dénonçant l’attentat terroriste en date du 13 août 2023, visant des civils innocents et des pèlerins dont deux Iraniens visitant le sanctuaire Shah-e-Cheragh à Chiraz.

Le représentant a ensuite dénoncé le manque d’inclusion ethnique et politique en Afghanistan, en appelant la formation d’un gouvernement représentatif de sa diversité.  Il a brocardé les mesures prises par les autorités de facto, qui affaiblissent les liens culturels, linguistiques et historiques des Afghans avec la langue farsi. Ces mesures qui menacent la stabilité et la sécurité de l’Afghanistan et violent les droits fondamentaux de tous les habitants doivent être levées, a insisté le délégué.  Pour sa part, l’Iran poursuit sa collaboration avec les pays voisins, les partenaires internationaux et l’ONU pour promouvoir une paix, une sécurité et une stabilité durables en Afghanistan, a indiqué le délégué, en soulignant le rôle de son pays dans l’acheminement de l’aide humanitaire en Afghanistan, notamment la nouvelle route de distribution qui passe par le port de Chabahar en Iran.  Il a plaidé le maintien des engagements avec les Taliban même s’ils n’ont pas respecté les leurs, avant de soutenir le processus de Moscou dont la prochaine réunion est prévue le 29 septembre à Kazan, en Russie. 

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a souligné les liens historiques et civilisationnels qui unissent l’Inde au peuple afghan, avant de rappeler les priorités de son pays en Afghanistan et son approche collective telle que définie dans la résolution 2593 (2021) du Conseil de sécurité.  La situation humanitaire désastreuse exige de donner la priorité à l’acheminement d’une aide humanitaire à la population civile, a estimé la déléguée, en soulignant celle déjà apportée par son pays.  L’Inde a aussi établi des partenariats avec plusieurs agences des Nations Unies sur le terrain, s’est-elle enorgueillie.  En conclusion, elle a dit attendre impatiemment l’évaluation intégrée et indépendante de la situation afghane par le Secrétaire général, comme demandée par la résolution 2679 du Conseil de sécurité.

M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a noté une évolution positive de la situation en Afghanistan, saluant l’amélioration de l’ordre public, la stabilisation du Gouvernement, la poursuite de la lutte contre Daech, le recul de la corruption et la progression du commerce avec les pays voisins.  Il s’est toutefois inquiété de la situation humanitaire, qui « reste grave », les deux tiers du peuple afghan ayant besoin d’une aide d’urgence.  Si les restrictions imposées aux femmes et aux filles restent en vigueur, un « espace » a été créé pour elles, a-t-il observé, avant d’assurer que son pays ne ménage aucun effort pour parvenir à une solution durable grâce à la concertation.  Il a d’autre part déploré que l’économie afghane soit paralysée par un système bancaire dysfonctionnel, ce qui entraîne une contrebande de dollars vers l’Afghanistan aux effets catastrophiques pour le Pakistan.  Il a appelé à relancer le système bancaire afghan en débloquant les avoirs nationaux gelés à l’étranger et en reprenant le financement pour le développement.  Constatant par ailleurs que la production d’opium a été réduite de 80%, il a jugé essentiel de fournir des cultures de substitution et des financements aux agriculteurs afghans. 

Le représentant s’est ensuite déclaré préoccupé par la présence de groupes terroristes en Afghanistan, qui menacent aussi les pays voisins.  Il s’est notamment alarmé de la menace représentée par le mouvement des Taliban du Pakistan, responsables de la mort de centaines de soldats et de civils pakistanais au cours de l’année écoulée. Rappelant à cet égard que, suite à des contacts établis par l’intermédiaire de la Représentante spéciale, des mesures devaient être prises contre ce mouvement, il a souhaité qu’elles se matérialisent de manière crédible.  Il a également rappelé que plus de 4 millions de réfugiés afghans ont trouvé refuge au Pakistan, avant d’inviter la communauté internationale et les autorités afghanes à collaborer avec son gouvernement pour s’assurer qu’aucun d’eux n’est membre d’un groupe terroriste et pour rapatrier les Afghans sans papiers. 

En conclusion, le représentant a plaidé en faveur d’une approche collaborative pour trouver des solutions et a dit compter sur le « Gouvernement intérimaire » pour qu’il coopère avec tous ses voisins.  Il a aussi espéré que l’évaluation indépendante sur l’Afghanistan permettra au Conseil de sécurité d’établir une feuille de route sur la normalisation de situation dans et avec ce pays.  Il a enfin appelé la communauté internationale à prendre en compte les priorités du Gouvernement et de la population de l’Afghanistan, notamment en fournissant un appui financier adéquat, en levant les sanctions et en accordant au régime en place une reconnaissance politique et une représentation auprès de l’ONU. 

Reprenant la parole, le représentant de l’Afghanistan a dit représenter son pays et les souffrances de la population devant le Conseil de sécurité et rejeté les allégations du Pakistan, pays qui, d’un côté, prétend être victime du terrorisme, et, de l’autre, appuie et normalise les groupes terroristes en Afghanistan.

Son homologue du Pakistan a dit ne pas considérer légitime « cette personne » qui prétend représenter l’Afghanistan.  Il est anormal que le Conseil l’ait invitée à intervenir devant lui, a-t-il affirmé. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale achève un débat de haut niveau marqué cette année par les fermes mises au point des « putschistes » d’Afrique

Soixante-dix-huitième session,
14e séance - matin
AG/12539

L’Assemblée générale achève un débat de haut niveau marqué cette année par les fermes mises au point des « putschistes » d’Afrique

Dans un contexte où la communauté internationale semble incapable de s’unir pour répondre aux tensions géopolitiques et autres défis du monde, comme l’a dit le Secrétaire général, 136 chefs d’État et de gouvernement, et 40 ministres se sont succédé à la tribune de l’Assemblée générale, dès le 19 septembre, pour deviser sur le thème « Rétablir la confiance et raviver la solidarité mondiale pour accélérer la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 en faveur de la paix, de la prospérité, du progrès et de la durabilité ».  Choisissant d’abord de confirmer la méfiance, la Guinée, le Gabon, le Burkina Faso et le Mali se sont livrés à de fermes mises au point sur la prétendue « épidémie » de coups d’État qui, après celle de la COVID-19, s’abattrait désormais sur l’Afrique.  Ils ont vigoureusement dénoncé le fait que le Niger « ait été interdit d’accès à l’ONU ». 

Au dernier jour du Sommet qu’il a entamé la veille pour sauver les objectifs de développement durable (ODD), le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a dressé, devant l’Assemblée générale, le sombre bilan d’un monde où les divisions se creusent, les inégalités s’accentuent, les discours de haine se multiplient, l’autoritarisme est en marche et la démocratie est menacée.  À sa suite, les délégations ont lancé des appels à la solidarité, à la réforme du système financier international, à l’émergence d’un vrai multilatéralisme voire à un nouvel ordre mondial, s’alarmant de « la fragmentation de la gouvernance mondiale » dont l’Ukraine serait le symptôme. 

Au niveau régional, a embrayé le Président de la Guinée, M. Mamadi Doumbouya, l’Afrique souffre d’un modèle de gouvernance imposé et inefficace qui a contribué à la corruption active des élites auxquelles l’on a accordé des certificats de démocrate en fonction de leur docilité, leur aptitude à brader les ressources nationales et la facilité avec laquelle elles cèdent aux injonctions des institutions internationales au service des grandes puissances. 

Le Président guinéen s’est moqué de ceux qui condamnent la prétendue « épidémie de coups d’État en Afrique ».  Les vrais putschistes, a-t-il lancé, sont ceux qui manipulent les constitutions pour se maintenir au pouvoir.  Il a justifié les « transitions militaires » par les promesses non tenues et la mauvaise répartition des richesses.  On aurait tort, a prévenu le Premier Ministre du Gabon, de prononcer des sentences sans nuance et de faire des amalgames faciles, désaccordés des réalités de notre contexte. 

Affirmant que son peuple n’était pas prêt à accepter une nouvelle « forfaiture électorale », M. Raymond Ndong a estimé que l’armée gabonaise n’avait d’autre choix que d’interrompre un processus frauduleux et dangereux pour la cohésion nationale.  Condamner le renversement de l’ancien Président, c’est dire qu’il aurait mieux valu laisser libre cours aux affrontements et compter les victimes. 

Devant les soupçons d’une main noire derrière tous ces bouleversements, le Président de la Guinée s’est senti insulté: nous mettre sous la coupe de telle ou telle puissance relève d’un mépris voire d’un racisme vis-à-vis d’un continent de plus de 1,3 milliard de personnes, à la jeunesse nombreuse et décomplexée.  Nous ne sommes ni pro ni anti-Américains, ni pro ni anti-Chinois, ni pro ni anti-Français, ni pro ni anti-Russes, ni pro ni anti-Turcs.  Nous sommes tout simplement pro africains.  Il n’y a pas de sentiment anti-français en Afrique, a précisé le Ministre du service civil du Burkina Faso, M. Bassolma Bazié, sans pour autant oublier d’attirer l’attention sur les « manigances moyenâgeuses » pour barrer l’accès du Niger à la tribune de l’Assemblée générale.  

Son homologue du Mali et Ministre des affaires étrangères, M. Abdoulaye Diop, s’est catégoriquement opposé aux mesures coercitives de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union monétaire ouest-africaine.  Il a aussi réaffirmé l’opposition de son pays à toute intervention militaire au Niger qui constituerait une menace directe pour la région, à l’instar des conséquences désastreuses de l’intervention qu’a autorisée le Conseil de sécurité en Libye, contre l’avis des dirigeants africains. 

Ce que nous ne voulons plus, a averti le Ministre burkinabé, c’est l’arrogance, l’insolence et la suffisance.  Des indépendances factices aux guerres fratricides, de la démocratie électoraliste aux aides biaisées, des guerres de rapine au terrorisme malicieusement fabriqué, il y a une seule constante: nous dominer.  Nous décidons désormais de dire « non » à tous ces « amis qui nous veulent du bien » au point de nous menacer de guerre pour imposer leur amitié. 

Le temps où une poignée de nations définissaient les agendas, en espérant que les autres suivent, est révolu, a tranché aujourd’hui-même le Ministre indien des affaires étrangères. À l’heure où la polarisation Est-Ouest est si perceptible et le fossé entre le Nord et le Sud, si profond, écouter les autres et respecter leur point de vue n’est pas une faiblesse mais le fondement-même de la coopération et du succès, a commenté M. Subrahmanyam Jaishankar. 

C’est à l’initiative de l’Inde, a rappelé le Ministre, que l’Union africaine (UA) a été admise au G20 comme membre permanent, une avancée significative qui devrait inspirer les Nations Unies, en particulier le Conseil de sécurité.  L’ONU doit redevenir une plateforme diplomatique plutôt qu’une rampe de lancement pour campagnes hostiles contre des pays souverains, a ajouté le Vice-Ministre syrien des affaires étrangères, M. Bassam Sabbah, qui a qualifié les sanctions de « terrorisme économique ». 

Face aux défis actuels, nous devons et nous pouvons, ensemble et en tant que « nations unies », guérir nos divisions et trouver des solutions qui reflètent nos valeurs universelles et nos engagements, a encouragé le Président de la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale, M. Dennis Francis, en fermant ainsi les portes du débat général. 

L’Assemblée générale tiendra une plénière jeudi 5 octobre à partir de 10 heures pour faire le suivi des résultats des grandes conférences de l’ONU sur les questions économiques et sociales.

SUITE ET FIN DU DÉBAT GÉNÉRAL

M. SUBRAHMANYAM JAISHANKAR, Ministre des affaires étrangères de l’Inde, a appelé à faire le bilan de « nos succès » et des défis tout en gardant des aspirations et objectifs communs.  Notant que le monde est entré dans une période de trouble exceptionnel, M. Jaishankar a mentionné les inégalités structurelles et un développement inégal, aggravés par la pandémie de COVID-19 et les répercussions des conflits en cours qui exercent des pressions sur les pays du Sud.  Par conséquent, les gains socioéconomiques engrangés ces dernières années s’érodent, a-t-il déploré, citant l’accès insuffisant aux ressources.  C’est avec un sens des responsabilités exceptionnelles que l’Inde a pris la présidence du G20, déterminée à se concentrer sur les préoccupations du plus grand nombre. 

À l’heure où la polarisation Est-Ouest est si perceptible et le fossé entre le Nord et le Sud, si profond, le sommet du G20 à New Delhi a mis en avant la diplomatie et le dialogue, qui sont les seules solutions efficaces.  L’ordre international étant diversifié, il faut tenir compte de tous les points de vue.  Les jours où une poignée de nations définissaient les agendas, en espérant que les autres suivent, est révolu, a prévenu le Ministre.  Dès lors, a-t-il martelé, trouver un terrain d’entente est impératif.  « Écouter les autres, respecter leur point de vue n’est pas une faiblesse », c’est le fondement même de la coopération et du succès. 

C’est dans cet esprit que l’Inde a entamé la présidence du G20, en faisant résonner la voix des pays du Sud au sommet, soit un total de 125 nations.  Par conséquent, s’est-il enorgueilli, des questions qui méritent une attention globale ont pu être examinées et les délibérations ont pu aboutir à des résultats significatifs pour la communauté internationale.  C’est à l’initiative de l’Inde, a souligné le Ministre, que l’Union africaine (UA) a été admise en qualité de membre permanent du G20.  Cette avancée significative devrait inspirer les Nations Unies, pour rendre le Conseil de sécurité plus moderne, car une représentation élargie est la condition préalable à l’efficacité et à la crédibilité. Après avoir énuméré divers autres défis, notamment ceux posés par les nouvelles technologies, les fractures numériques, l’égalité des sexes ou encore les changements climatiques, le dignitaire a expliqué, en conclusion, que son pays est passé du non-alignement au « Vishwa Mitra » (un ami du monde). 

Mme KAMINA JOHNSON SMITH, Ministre des affaires étrangères de la Jamaïque, a indiqué que, dans sa quête de paix, et face au « monstre à deux têtes de la violence et de la criminalité », la Jamaïque a misé sur ses forces de l’ordre et leur bon équipement. Avec succès, puisque la criminalité grave a baissé de 22% depuis le début de l’année, a-t-elle dit.  Nous sommes déterminés à user de tous les moyens légaux à notre disposition pour sauver des vies et promouvoir la cohésion sociale et la dignité de chacun, a-t-elle dit, en ajoutant que ces éléments font partie de la formation des forces de sécurité du pays.  Elle a cependant ajouté que cette guerre ne pourra être gagnée de manière isolée.  Les petits pays comme les nôtres, avec des frontières poreuses, ont besoin de partenariats mondiaux pour combattre la traite des êtres humains et les trafics d’armes et de stupéfiants, a dit Mme Johnson Smith.  « Les pays consommateurs importants de drogues doivent en faire plus pour prévenir le transport de drogues et combattre la criminalité transnationale organisée, qui a des conséquences graves pour des pays comme le nôtre dans la région. » 

La Ministre a ensuite appelé à la restauration de l’ordre et de la sécurité dans la « nation sœur d’Haïti », avant d’appuyer tous les efforts visant à la recherche de solutions emmenées par les Haïtiens eux-mêmes face aux défis qu’ils doivent relever.  Il n’y pas de solution facile mais ne rien faire ne peut être une option, a-t-elle tranché.  Elle a notamment appuyé l’idée d’une mission internationale de soutien à la sécurité afin d’épauler les forces de police haïtiennes dans leur lutte contre les gangs.  La Jamaïque contribuera à un tel effort, a-t-elle promis, en ajoutant que son pays a « entendu les appels de la majorité du peuple haïtien ».  Mme Johnson Smith a donc exhorté les membres du Conseil à mettre de côté leurs divergences et à répondre auxdits appels, en souhaitant l’adoption rapide d’une résolution autorisant une telle mission.  La situation ne fera qu’empirer si nous ne faisons rien, a-t-elle insisté. 

La Ministre a souligné la nécessité de prendre en compte un indice de vulnérabilité s’agissant de l’accès aux financements concessionnels afin d’aller au-delà du seul produit intérieur brut (PIB) par tête.  Elle a exhorté les principales économies, ainsi que les économies émergentes, à revoir à la hausse leurs ambitions climatiques et à honorer leurs engagements au titre de l’Accord de Paris.  « C’est une question de survie pour tous les pays et les peuples, en particulier pour les petits États insulaires en développement. » Enfin, elle a rappelé l’immoralité de la traite et de l’esclavagisme, ainsi que leurs conséquences négatives pour le développement de pays comme le sien.  Par conséquent, la Jamaïque réaffirme sa détermination à appuyer la demande d’une justice réparatrice en tant que voie nécessaire pour la dignité et la « guérison totale" des personnes d’ascendance africaine. 

M. TANDI DORJI, Ministre des affaires étrangères et du commerce extérieur du Royaume du Bhoutan, a estimé que les initiatives présentées dans « Notre Programme Commun » du Secrétaire général offrent l’occasion de trouver de nouvelles façons de travailler ensemble pour le bien commun, sans remettre en cause les accords ou les mandats existants. Pour sa part, le Bhoutan est heureux de s’engager de manière constructive dans la préparation du Sommet de l’avenir et d’œuvrer à l’élaboration d’un pacte numérique mondial et d’un pacte mondial pour l’environnement, ainsi qu’à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), a indiqué le Ministre.  Rappelant que le Bhoutan s’est engagé sur la voie du développement avec une philosophie holistique qui est celle du « bonheur national brut », il a noté que les ODD étaient naturellement en phase avec cette philosophie.  Le Bhoutan est aujourd’hui sur la bonne voie pour atteindre ces objectifs, a poursuivi M. Dorji, et après plus de cinq décennies de développement économique planifié, il doit être reclassé et sortir de la liste des pays les moins avancés (PMA).  À cette fin, le Gouvernement a misé sur une transition en douceur, a-t-il assuré, ajoutant que le treizième plan quinquennal de développement national, qui devrait commencer en 2024, est essentiel pour garantir une progression harmonieuse, durable et irréversible.  Il a espéré pouvoir compter sur le soutien et l’assistance continus des partenaires du développement du Bhoutan. 

Le Ministre a mis en avant les efforts reconnus de gestion durable de l’environnement qui ont été engagés pour lutter contre les effets des changements climatiques.  Le Bhoutan est déterminé à rester neutre en termes d’émissions de carbone et à respecter ses engagements dans le cadre de l’Accord de Paris, a-t-il dit.  M. Dorji a salué l’accord, conclu lors de la COP27, visant à fournir un financement pour les pertes et les préjudices subis par les pays vulnérables en première ligne de la crise climatique, en espérant que la COP28 permettra de rendre opérationnels les progrès sur cette voie. 

Arguant qu’un multilatéralisme efficace doit répondre aux préoccupations des nations les moins puissantes du monde, le Ministre a regretté que l’architecture de la gouvernance mondiale n’ait pas apporté l’équité et l’inclusion nécessaires.  La fragmentation, la polarisation et l’inégalité croissantes dans le monde ne font qu’inciter à renforcer le multilatéralisme, a-t-il fait valoir, et à faire preuve d’une plus grande détermination politique, de solidarité et de compassion.  Alors que le Bhoutan a toujours soutenu la réforme du Conseil de sécurité, le Ministre a souligné que cette réforme doit aller de pair avec la réforme de l’ensemble du système des Nations Unies.  Elle doit tenir compte des intérêts et des préoccupations de tous les États Membres, en particulier de ceux qui ne sont pas représentés ou qui sont sous-représentés, a-t-il demandé.  Il est impératif, selon lui, que le Conseil de sécurité évolue pour rester pertinent et efficace face aux défis multiformes de notre époque et, à cet égard, le Bhoutan soutient l’élargissement des catégories permanentes et non permanentes du Conseil de sécurité et plaide pour l’inclusion de l’Inde et du Japon en tant que membres permanents. 

M. STANLEY KAKUBO, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la Zambie, a déploré le coût de la guerre, que ce soit dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), au cœur du Soudan ou bien entre la Russie et l’Ukraine.  La guerre a laissé des cicatrices, mutilé les âmes des nations, fragmenté l’humanité. Dès lors, a-t-il martelé, l’humanité doit « gagner la guerre contre la guerre ».  Le Ministre a appelé la communauté mondiale à s’engager pour mettre en œuvre les accords existants et à renforcer les partenariats au niveau mondial, mettre en place une bonne gouvernance, défendre la dignité et les droits humains de tous et progresser plus vite sur la voie des objectifs de développement durable (ODD). 

M. Kakubo a plaidé en faveur d’une transition juste avec davantage d’actions climatiques pour les générations présentes et futures.  Il s’agit pour lui de garantir une réponse aux besoins uniques de chaque pays et d’instaurer la confiance dans nos systèmes.  C’est d’abord se pencher sur ceux qui croulent sous le fardeau de la dette et qui doivent avoir accès à des financements à des taux meilleurs et plus équitables, a-t-il soutenu.  Il a jugé impératif que les institutions financières internationales et les banques de développement multilatérales proposent davantage de financement à des taux préférentiels aux pays les moins avancés (PMA).  Malheureusement le coût exorbitant du capital reste, à ses yeux, un problème insidieux qui touche les pays du Sud, en particulier en Afrique. S’il a regretté que ce capital soit entre les mains des premières économies mondiales qui ont en le moins besoin, il a toutefois reconnu que quelques rares partenaires de développement ont tenu leurs engagements en matière d’aide publique au développement. Ainsi, le Sommet pour un nouveau Pacte financier mondial, qui s’est tenu en juin dernier, a-t-il examiné, entre autres, une restructuration significative de la dette de son pays. 

Poursuivant, le Ministre s’est félicité de la proposition du Secrétaire général de mettre en place un cadre incitatif pour les ODD à hauteur de 500 milliards de dollars par an pour compenser les conditions de financement peu favorables rencontrées par certains pays ce qui permettra, selon lui, de changer la donne pour les PMA dans des secteurs critiques, telles que les énergies renouvelables, la protection sociale, la santé et la sécurité alimentaire ainsi que l’intelligence artificielle.  Il a ensuite abordé l’autonomisation des femmes et des filles, un élément décisif pour surmonter le problème de la pauvreté dans toute la société.  À cet égard, il a mis en avant la volonté de son pays d’éradiquer le fléau des mariages précoces, annonçant, pour finir, que la Zambie accueillera cette année, en collaboration avec l’Union africaine, une conférence à destination des leaders traditionnels et religieux d’Afrique dans l’objectif de promouvoir une culture du développement inclusif et la prévention de ce phénomène. 

M. LEJEUNE MBELLA MBELLA, Ministre des relations extérieures de la République du Cameroun, a salué le consensus international autour de sujets majeurs comme les changements climatiques, les ODD ou le financement du développement conformément au Programme d’action d’Addis-Abeba.  L’Union africaine met en œuvre l’Agenda 2063 afin de promouvoir une Afrique unie, de la bonne gouvernance, de la paix, de la prospérité et appelée à jouer un rôle majeur dans les affaires internationales, a-t-il dit, tout en concédant que les résultats attendus tardent à être visibles.  Il a déclaré que l’action n’a pas toujours suivi la parole donnée, en prenant l’exemple des promesses faites au titre de l’aide publique au développement (APD) qui n’ont pas été honorées.  Il a déploré la parcimonie et la conditionnalité des aides, en ajoutant que la volonté politique fait souvent défaut. 

Face à une telle situation, il a appelé à un « sursaut d’orgueil, au dépassement de soi » et à une conscience nouvelle mettant l’accent sur l’intérêt général et une science mise au service de l’humanité entière.  Il a également demandé une résolution des conflits par le dialogue et une architecture financière internationale « renouvelée », avant de mentionner la création d’une zone de libre-échange en Afrique.  Nous devons agir pour une réforme du Conseil de sécurité afin de donner à l’Afrique une représentation permanente et équitable, a-t-il dit, en rappelant que deux tiers des activités du Conseil ont trait à l’Afrique.  « Il faut corriger une telle injustice. »  Dans le droit fil du consensus d’Ezulwini, il a réclamé deux postes permanents et trois postes non permanents pour l’Afrique au Conseil. 

Il a détaillé la stratégie de mise en œuvre des ODD de son pays et l’objectif de faire du Cameroun un pays émergent d’ici à 2037.  Il a déclaré que la lutte contre Boko Haram se poursuit avec des résultats « observables », même si des efforts supplémentaires doivent être consentis.  Il a déclaré que la paix se restaure dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, grâce aux efforts de dialogue du Gouvernement et malgré les violences et les prises d’otages orchestrées par les séparatistes.  Il a déclaré que son gouvernement maintient sa main tendue à ceux qui ont pris les armes et les appelle à les déposer.  Dans un monde en pleine mutation, il est capital que nous prenions les mesures adéquates, a-t-il conclu. 

M. DENIS RONALDO MONCADA COLINDRES, Ministre des affaires étrangères du Nicaragua, qui lisait un message du Président du Nicaragua et de son Vice-Président, a constaté que nous vivons la fin du « modèle impérialiste, colonialiste, de pillage et de génocide ».  Il a assuré que le Nicaragua continue de mener toutes les batailles « pour une liberté authentique, pour la lumière et pour la vérité ». Il a noté qu’une partie du monde a commencéà revendiquer sa propre voix et son identité lors de cette Assemblée générale.  Le Ministre a demandé les transformations indispensables, y compris à l’ONU, dont la nature a été, selon lui, déformée pour en faire un  »organisme de servitude et de dépendance vis-à-vis des puissances ». 

Le Ministre a demandé que l’ONU fasse appliquer l’avis de la Cour internationale de Justice (CIJ), qui, en 1986, a condamné les États-Unis à reconnaître, au moins en partie, les coûts de la destruction, de l’agression permanente et de la douleur de centaines de milliers de familles, liés à la guerre « folle et revancharde » imposée au peuple du Nicaragua, dans ce qui a été appelé la « contre-révolution ».  M. Moncada Colindres s’est associé à la demande de tous les peuples et pays qui se sont exprimés depuis cette tribune pour dénoncer les mesures coercitives et unilatérales qui constituent un mode de guerre et déstabilisent, détruisent et imposent des changements de gouvernement, notamment par des coups d’État.  Il a assuré la solidarité du Nicaragua aux peuples palestinien, syrien, sahraoui, érythréen, cubain, vénézuélien, bolivien, chinois, russe et iranien, entre autres.  Le Ministre a également placé ses espoirs dans la récente réunion et l’élargissement des BRICS, qui aujourd’hui, avec le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, ainsi que l’Argentine, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Égypte, l’Éthiopie et l’Iran, représentent de nouvelles forces, pour lutter en faveur de « notre souveraineté économique et financière ». 

Face aux progrès de la science et des nouvelles technologies, y compris ceux « pompeusement » appelés intelligence artificielle, le Ministre a exigé l’inclusion de tous, à travers le droit de vivre pleinement le développement, et l’amélioration des conditions de travail, d’étude et de vie.  Il a insisté sur l’utilisation rationnelle et bénéfique des ressources de l’humanité, qui, entre les mains des « malveillants habituels », constituent des armes de destruction massive des pays, des peuples et des communautés.  Concluant sur un plaidoyer contre les sanctions unilatérales, M. Moncada Colindres a déclaré que ces sanctions « ne nous définissent pas, ne nous intimident pas, ne nous désactivent pas, et ne nous plient pas ». 

Mgr PAUL RICHARD GALLAGHER, Secrétaire pour les relations avec les États du Saint-Siège, a constaté un effritement de la confiance entre les nations au cours des dernières années, comme en témoigne l’augmentation du nombre et de la gravité des guerres.  En outre, le conflit en Ukraine a rendu encore plus évidente la crise qui affecte depuis longtemps le système multilatéral, qui doit être repensé en profondeur afin d’être en mesure de répondre aux défis de notre temps.  Ces événements ont entraîné une augmentation significative du nombre de réunions à l’ONU, avec une tendance marquée des États à imposer leurs propres idées, tendance que le pape François a appelé une « colonisation idéologique ».  Il est donc nécessaire de revenir au dialogue afin d’éviter de nouveaux conflits et d’atténuer les souffrances de l’humanité.  Selon le Secrétaire, les mots clefs d’un multilatéralisme efficace sont le dialogue, la responsabilité partagée et la coopération, dans la poursuite du bien commun. 

Le Saint-Siège est fermement convaincu que « le recours à l’énergie atomique à des fins militaires constitue un crime non seulement contre la dignité des êtres humains, mais contre tout avenir possible de notre maison commune ».  M. Gallagher a considéré urgent d’engager une véritable réflexion éthique sur l’intégration inclusive de l’intelligence artificielle dans notre vie quotidienne.  Alors que nous célébrons cette année le soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, il a invité les États Membres à entreprendre une réflexion approfondie sur la défense de la dignité humaine.  « N’oublions jamais que le véritable test décisif pour déterminer si les droits de l’homme sont protégés est le degré de liberté de religion ou de conviction des individus dans un pays », a fait valoir le prélat.  Le Secrétaire a exprimé sa vive préoccupation face aux attaques menées contre les communautés chrétiennes à Jérusalem, qui portent atteinte à la coexistence entre les communautés. 

M. BASSAM SABBAH, Vice-Ministre des affaires étrangères de la République arabe syrienne, a appelé à une coopération internationale renforcée pour relever les défis mondiaux.  Il a lancé un vigoureux réquisitoire contre la politique de « chaos créatif » des gouvernements américains dans sa région, les accusant de saper la sécurité et la stabilité, et d’avoir contribué à l’émergence du terrorisme.  Après avoir dénoncé la manipulation des principes de la Charte pour justifier les ingérences dans les affaires souveraines des nations, le Vice-Ministre s’est attardé sur la situation dans le Golan syrien dont la restitution à son pays est « un droit inaliénable et imprescriptible, qui ne saurait faire l’objet d’aucun compromis ni d’aucune pression ».  Il a défendu la cause palestinienne, avant de s’en prendre aux interventions des États-Unis et de la Türkiye dans son pays. 

Il a mentionné le pillage systématique des ressources nationales syriennes, en particulier dans les secteurs du pétrole et du gaz, dont les pertes sont estimées à 115 milliards de dollars.  Il a fustigé les sanctions unilatérales imposées par les États-Unis et ses alliés européens et réclamé leur levée immédiate.  Le Vice-Ministre a ensuite décrit les problèmes humanitaires exacerbés par le dernier tremblement de terre en Syrie et réitéré la volonté de son gouvernement de réintégrer tous les réfugiés syriens, malgré les recommandations « inhumaines » des pays occidentaux.  Il a argué l’engagement politique de son pays, soulignant les différentes initiatives dont sa participation au processus d’Astana ou le dernier Sommet de la Ligue arabe pour normaliser la situation. 

Enfin, le Vice-Ministre a réitéré le soutien de la Syrie à plusieurs nations, à commencer par la Russie, qui a le « droit de se défendre » contre des politiques occidentales agressives, et l’Iran, dont le retour au sein du Plan d’action global conjoint a été salué.  Il a également exprimé sa solidarité avec la Chine qui rejette toute ingérence à Hong-Kong, à Taiwan ou au Xinjiang, ainsi qu’avec Cuba, la Corée du Nord, le Venezuela, le Bélarus, le Nicaragua, le Zimbabwe et l’Érythrée, victimes comme la Syrie de mesures coercitives unilatérales de l’Occident.  Il s’agit là d’une forme de terrorisme économique qui n’est pas moins brutale que le terrorisme politique, a-t-il jugé, avant de conclure sur un plaidoyer pour que l’ONU redevienne une plateforme diplomatique plutôt qu’une tribune servant à lancer des campagnes hostiles contre des pays souverains. 

M. AHMED KHALEEL, Ministre d’État aux affaires étrangères des Maldives, a énoncé les six grandes priorités de son pays et d’abord la représentativité effective des petits États dans les organes décisionnels, raison pour laquelle les Maldives se sont portées candidates dans plusieurs conseils et comités, dont le Conseil de sécurité.  Ce dernier, a‑t‑il estimé, devrait être réformé pour garantir une représentation géographique plus équitable.  En deuxième lieu, le Ministre a attiré l’accent sur l’action environnementale son pays, appelant ensuite à réaliser les ambitions climatiques par une augmentation des financements et la mise en œuvre des dispositions juridiques contre la pollution plastique, notamment dans le milieu marin. 

Troisièmement, le Ministre s’est félicité des progrès en matière de connections numériques et matérielles établies entre les îles de l’archipel, qui ont élargi l’accès des citoyens aux soins médicaux, à l’éducation et aux services bancaires.  Il a néanmoins appelé à une révision des critères d’accès au crédit et aux subventions des institutions financières internationales pour tenir compte des spécificités des petits Etats insulaires en développement (PEID) et de la nécessité d’alléger le fardeau de la dette. 

La quatrième priorité, a‑t‑il poursuivi, est de faire des Maldives un exemple de l’égalité des sexes, en attribuant un rôle actif et équitable aux femmes dans les processus diplomatiques et décisionnels.  Cinquièmement, le Ministre a réitéré l’importance des libertés d’expression et de réunion pacifique, saluant le déroulement sans encombre du premier tour de l’élection présidentielle.  Il a réitéré l’engagement de son pays en faveur des droits de l’homme, réaffirmant son soutien au droit à l’auto-détermination du peuple palestinien et à la solution des deux États. 

Concluant sur la sixième priorité qu’est le maintien de la paix et de la sécurité internationales, le Ministre, il a néanmoins préconisé de se concentrer également sur les fléaux du terrorisme et de l’extrémisme violent, condamnant les récents autodafés dans plusieurs pays européens et appelant à une action globale et concertée pour combattre l’islamophobie et les discours de haine. Ensemble, nous avons le potentiel de réaliser la paix et d’œuvrer vers un développement durable, a‑t‑il conclu. 

M. KIM SONG (République populaire démocratique de Corée), s’est félicité des efforts de la communauté internationale pour mettre fin à la crise liée à la pandémie de COVID-19, tout en notant que le monde n’était pas encore libéré de l’instabilité qu’elle avait provoquée.  Il a fait part des privations que son pays avait endurées de ce fait, avant de souligner que la République populaire démocratique de Corée (RPDC) avait surmonté ces épreuves par des efforts dans le domaine économique, l’amélioration du niveau de vie de sa population et, s’agissant de la pandémie, une « politique scientifique et transparente » visant à contrer les futures crises sanitaires. 

Le représentant a expliqué que tous les secteurs de la construction économique de la RPDC affichaient « une nette tendance à la croissance », y compris le secteur agricole en dépit de conditions météorologiques défavorables.  Il a rappelé la politique de logement gratuit de son pays pour les travailleurs, la distribution de produits laitiers aux enfants des crèches ou encore les efforts en matière de protection et d’amélioration des terres dans le but de renforcer la résilience de ce pays. 

Tout en soulignant l’importance du multilatéralisme, le représentant a dénoncé l’attitude de certains États Membres de l’ONU dans la péninsule coréenne, notamment « l’hystérie irresponsable de la confrontation nucléaire » menée par les États-Unis et les forces qui les suivent, et qui, en 2023, ont mis la péninsule coréenne « au bord du gouffre ». Il a notamment pointé du doigt les exercices militaires conjoints organisés par les États-Unis, l’envoi fréquent de sous-marins et bombardiers nucléaires stratégiques autour de la péninsule et l’alliance militaire entre ce pays, le Japon et la République de Corée, dont l’ambition est, selon lui, de mettre en place une « version asiatique de l’OTAN ».  Il s’est insurgé contre le « gouvernement fantoche » de la République de Corée obsédé par les politiques pro-américaines, dont il a dénoncé l’ingérence.  L’attitude hégémonique de ces États, a-t-il expliqué, prouve que la RPDC doit de toute urgence renforcer ses capacités d’autodéfense.  Dans ce contexte, il a aussi réclamé que l’ONU adhère strictement aux principes d’impartialité et d’objectivité et que le Conseil de sécurité ne soit pas instrumentalisé par des forces spécifiques pour poursuivre leurs objectifs géopolitiques.  Il a rappelé que ce même Conseil avait, il y a un mois, convoqué des réunions pour débattre « du droit légitime au lancement d’un satellite » et de la question des droits de l’homme en RPDC, alors même qu’il avait gardé le silence quand le Japon a déversé de l’eau « contaminée par des armes nucléaires » dans l’océan.  Il a donc appelé à réformer la composition du Conseil et à y renforcer la représentation des pays en développement.  Le délégué a conclu son intervention en fustigeant « le génocide économique » dont Cuba fait l’objet, en appelant au retrait immédiat des mesures coercitives contre la Syrie, le Venezuela ou l’Iran et en apportant le soutien de son pays au peuple palestinien. 

M. MARC HERMANNE GNINADOOU ARABA (Bénin) a dit que les efforts déployés ont permis à son pays de passer d’un taux de croissance de 4% en 2016 à 7,6% en 2019 et, depuis 2020, d’intégrer la catégorie des pays à revenu intermédiaire. Ces résultats renforcent notre conviction que le sous-développement n’est pas une fatalité.  Inlassablement, nous poursuivons l’amélioration des conditions de vie des populations à travers la réalisation d’actions phares en matière d’urbanisation et d’assainissement urbain, d’accès à l’énergie et à l’eau potable, d’une part ainsi qu’à l’éducation et aux soins de santé, d’autre part, a-t-il déclaré. Tout ceci se passe dans un environnement politique apaisé avec l’organisation réussie, en janvier de cette année, d’élections législatives libres et transparentes qui ont renforcé la pluralité dans le paysage politique national. 

Le représentant a déclaré que le règlement des défis politique et sécuritaire en Afrique de l’Ouest exige une coopération sous-régionale et internationale, ainsi qu’un engagement continu en faveur du développement durable et de la démocratie.  Dans un monde secoué par des convulsions et fracturé par les inégalités, il a estimé que les Nations Unies doivent demeurer pour les peuples de la planète, un phare d’espérance, de solidarité et d’humanisme. Il a appelé à une refondation des Nations Unies en vue d’adapter l’Organisation aux défis de l’époque et de rééquilibrer les rapports de force, notamment au Conseil de sécurité.  À cet égard, le Bénin plaide en faveur d’une réforme effective et immédiate, visant à rendre cet organe plus représentatif et efficace, notamment par le biais d’une augmentation du nombre de ses représentants, qu’ils soient permanents ou non permanents, conformément à la position africaine telle qu’exprimée par le consensus d’Ezulwini et la Déclaration de Syrte. 

Enfin, le délégué a demandé une refondation de l’architecture financière mondiale, le système financier mondial peinant à juguler efficacement les impacts des crises mondiales sur les pays du Sud et à favoriser de façon significative le financement du développement durable.  Si nous voulons accroître nos chances d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, il s’avère impératif de garantir un environnement permettant un meilleur accès à des financements structurants et durables, a-t-il conclu. 

M. DAMIANO BELEFFI (Saint-Marin), réaffirmant son attachement au multilatéralisme, avec l’ONU en son centre, a appelé à la revitalisation de l’Organisation, « si nous voulons rechercher des solutions crédibles aux défis mondiaux ».  À cette fin, le représentant a estimé essentiel de rétablir la confiance dans le potentiel de l’ONU, son leadership et, surtout, entre ses membres et toutes les parties prenantes.  Pour être efficace, la gouvernance mondiale doit aussi devenir plus inclusive et responsable, en accordant plus d’espace à la participation de la société civile et du secteur privé, a-t-il recommandé. Rétablir la confiance passe en outre par la garantie d’un financement durable à travers une nouvelle génération d’investissements publics et privés dans les biens mondiaux, mais également en renforçant le filet de sécurité financière mondial pour aider les États Membres en temps de crise.  De fait, a-t-il résumé, les réformes doivent rester au centre de nos actions car elles sont cruciales pour la stabilité future et le maintien de la paix et de la sécurité internationales.  À cet égard, Saint-Marin suit avec un intérêt particulier la réforme du Conseil de sécurité. 

Le représentant s’est alarmé de la multiplication des discours nucléaires qui renforcent l’image d’un avenir sombre plutôt que durable.  Pour sa part, Saint-Marin réaffirme son engagement en faveur d’un monde exempt d’armes nucléaires et attache une grande importance au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, qui compte actuellement plus de 90 États signataires.  Poursuivant, il a condamné l’agression russe contre l’Ukraine et s’est dit préoccupé par la crise alimentaire et nutritionnelle sans précédent qui touche des centaines de millions de personnes.  S’agissant des défis posés par les changements climatiques, le représentant a plaidé en faveur d’approches ambitieuses pour l’atténuation et l’adaptation et la mise en œuvre du fonds pour les pertes et les préjudices.  « Si nous échouons, les effets seront dévastateurs sur la planète ainsi que sur le développement et les droits de l’homme », a-t-il averti.

M. ROBERT RAE (Canada) a reconnu que les Canadiens s’inquiètent du coût de la vie, de l’intelligence artificielle, de l’ingérence étrangère et de la désinformation.  Les Canadiens vivent aussi les crises climatiques et environnementales, a-t-il poursuivi, en rappelant que son pays a connu cet été les feux de forêt les plus destructeurs de son histoire.  Il ne s’agissait pas d’une fenêtre sur notre avenir, mais plutôt d’un témoignage de notre présent, a-t-il mis en garde, en soulignant que la réponse à ces défis ne doit pas être complaisante, divisée ou nostalgique.  Il ne s’agit pas de pointer du doigt ou de chercher des panacées, mais plutôt de prendre des mesures concrètes pour aider à relever, tant au Canada que dans le monde entier, les défis auxquels nous sommes confrontés ensemble, a martelé le représentant. 

Pour sa part, le Canada admet plus d’immigrants que jamais auparavant, a informé le représentant.  Par ailleurs, son pays a fixé un prix pour le carbone en vue de contribuer à enrayer les changements climatiques à travers la réduction des émissions, ce qui est un « devoir partagé ».  S’agissant de la nécessité de garantir l’accès aux capitaux, à plus long terme et à des taux plus favorables, pour contribuer à la transformation verte de l’économie mondiale, le délégué a annoncé que le Canada a accepté de faire don d’une plus grande partie de ses droits de tirage spéciaux au Fonds monétaire international (FMI). 

Répondant à ceux qui dénoncent l’égalité des sexes comme étant un sujet « trop conflictuel » qui doit être mis de côté au profit d’un « compromis », le représentant a exprimé son profond désaccord.  Pour lui, l’égalité entre les hommes et les femmes n’est pas une question à troquer contre d’autres perceptions du progrès.  « L’égalité des sexes est un droit inaliénable », a-t-il tranché, et elle est au cœur de notre dignité.  Elle est le fondement de la liberté, de la justice et de la paix, et il ne peut y avoir de croissance économique durable si les possibilités offertes aux femmes sont supprimées.  Le représentant a également appelé à défendre les valeurs des sociétés libres et démocratiques, et à promouvoir l’universalité de l’accès aux soins de santé pour tous, y compris la santé et les droits sexuels et génésiques.  La construction de sociétés ouvertes et inclusives, la protection des droits de l’homme pour tous et le respect de l’état de droit profitent à tout le monde, a-t-il fait valoir. 

Sur la réforme du Conseil de sécurité, le représentant a pointé du doigt le pouvoir de veto des membres permanents qui empêche cet organe de réagir aux atrocités et aux agressions.  Le Canada appuie l’autolimitation du veto et soutient les efforts visant à élargir le nombre de membres élus du Conseil afin de garantir une représentation plus équitable d’un plus grand nombre de pays en développement.  Le représentant a mis au défi tous les membres permanents d’accepter pleinement et publiquement la nécessité de devenir plus efficaces, inclusifs et transparents, un appel qui ne s’arrête pas au Conseil de sécurité, selon lui, puisque tous les processus intergouvernementaux de tous les organes de l’ONU devraient devenir plus efficaces.  Le multilatéralisme a toujours évolué, a-t-il souligné, et les institutions internationales n’ont pas pour vocation d’être statiques, y compris l’architecture financière internationale. Sur la guerre en Ukraine, le représentant a martelé que la Russie est responsable de ses actes et devra en répondre devant la justice.  C’est à elle de mettre un terme à ce conflit. 

M. ODO TEVI (Vanuatu) a constaté un manque de progrès inquiétant dans la mise en œuvre du Programme 2030, et ce, dans un contexte de crises mondiales et d’incertitude sans précédent.  Pour sa part, Vanuatu mène une approche holistique axée sur le développement économique, social et environnemental, les indicateurs nationaux de bien-être, ainsi que sur l’édification d’une société pacifique fondée sur des institutions démocratiques.  La mise en œuvre des objectifs de développement durable constitue une entreprise nationale inclusive impliquant toutes les institutions de l’État, y compris la société civile.  Cette année, le Gouvernement de Vanuatu a convoqué un sommet national du peuple afin de définir une feuille de route pour le développement.  Alors que les petits États insulaires en développement (PEID) sont les plus petits contributeurs à la crise climatique, ils se trouvent en première ligne des crises, a-t-il noté. Ainsi, lorsque les cyclones tropicaux Judy et Kevin ont touché son pays, en mars de cette année, 66% de la population a été affectée. 

À l’approche de la COP28, le représentant a souligné l’impératif absolu de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius, tout en s’alarmant de la lenteur des progrès.  Ne pas y remédier équivaudrait à une « condamnation à mort » pour les petits États comme Vanuatu qui, avec un groupe de 18 pays, a présenté à l’Assemblée générale une résolution demandant à la Cour internationale de Justice (CIJ) un avis consultatif sur les changements climatiques.  Dans l’intervalle, le représentant a appelé au renforcement de la coopération régionale et internationale, de la coordination et de la gouvernance au moyen d’une approche multisectorielle destinée à prévenir et répondre aux urgences sanitaires dans les pays en développement.  Alors que l’accès au financement du développement demeure un défi permanent, il a considéré le projet d’indice de vulnérabilité multidimensionnelle comme une évolution positive.  À cet égard, il a salué la création de la table ronde regroupant le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale en tant que cadre de discussion sur la dette souveraine.

Après avoir remercié tous ceux qui ont aidé le Maroc après le récent tremblement de terre qui a fait des milliers de victimes, M. OMAR HILALE, (Maroc) a mentionné les efforts de son pays pour assister les familles affectées par la catastrophe et accélérer la reconstruction des zones concernées, dans le respect des traditions locales. Il a expliqué que la phase de secours a fait place à la reconstruction, et qu’un programme « robuste et ambitieux » est en train d’être mis en place, prévoyant 12 milliards de dollars sur cinq ans, financés par le budget de l’État, un fonds spécial et l’aide internationale.  C’est la preuve de la solidarité robuste de la société marocaine, s’est enorgueilli le délégué. 

Liant cette catastrophe naturelle à l’aggravation des dangers environnementaux et géopolitiques, M. Hilale a estimé que la communauté internationale doit se mobiliser davantage.  Il a cité les progrès technologiques et scientifiques, y compris dans le domaine de l’intelligence artificielle, comme source d’espoir pour surmonter ces défis, à condition que les fruits qui en découlent soient partagés de façon équitable.  Prônant la coopération et la solidarité au sein de l’ONU, il a annoncé que le Maroc ne s’épargnera aucun effort pour mettre en œuvre son projet holistique en phase avec le Programme 2030.  Une attention toute particulière sera portée à la question des femmes et des familles, avec une réforme du Code du statut personnel. 

Inquiet de l’essor des discours de haine, surtout sur les réseaux sociaux, M. Hilale a attiré l’attention sur la résolution de l’Assemblée générale, proposée par le Maroc et adoptée par consensus, déplorant la violence contre les livres sacrés, et notamment les actes d’autodafé contre le Coran.  De telles violations doivent cesser, a-t-il enjoint.  Il a en outre salué la candidature conjointe, avec l’Espagne et le Portugal, pour organiser la Coupe du monde, signant la réunion de « deux civilisations, deux continents, deux rives de la Méditerranée ».  En ce qui concerne le Sahara, Rabat demeure favorable à une solution politique à ce conflit régional « fabriqué », a dit le représentant.  Il n’y a pas d’alternative à l’autonomie au sein du territoire marocain, a-t-il déclaré.  Enfin, il a affirmé son soutien aux efforts internationaux pour parvenir à un règlement politique permanent en Libye et pour une Palestine indépendante avec Jérusalem-Est comme capitale. 

M. DENNIS FRANCIS, Président de la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale de l’ONU, s’est remémoré son appel, lors de son discours d’ouverture, à l’unification des nations et à la volonté d’œuvrer ensemble, en toute solidarité.  Il a ensuite relevé le record récent d’orateurs à l’Assemblée générale qui a vu défiler 136 chefs d’État et de gouvernement, 40 ministres, ainsi que des centaines de représentants de la société civile et de parties prenantes des secteurs publics et privés, s’exprimer au cours des différentes sessions.  Il a néanmoins regretté la plus faible participation des femmes, à savoir 20 dirigeantes contre 23 l’année dernière, alors qu’il a réitéré l’importance, notamment lors de la Plateforme des femmes dirigeantes, de reconnaître la voix et les droits des femmes à tous les niveaux.  Soulignant l’importance de l’éducation pour la réalisation de cet objectif, il a insisté sur la nécessité d’œuvrer vers plus d’inclusivité afin de ne laisser personne pour compte. 

Le Président a ensuite mentionné la guerre en Ukraine parmi les thèmes récurrents de cette année, « un sujet chargé », a-t-il précisé.  Il est évident que la communauté internationale appelle au respect de l’indépendance politique, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, des principes établis par la Charte des Nations Unies, a-t-il rappelé.  Il a, par ailleurs, appelé les États Membres à redoubler d’efforts pour mettre fin à la prolifération nucléaire et pris note des appels à accorder l’attention requise aux conflits en Afrique, au Moyen-Orient et en Haïti. 

Le Président a également relevé les nombreux constats sur l’aggravation des changements climatiques.  Les effets destructeurs de la pollution et des catastrophes climatiques requièrent un plein engagement en faveur de l’action climatique afin de préserver la biodiversité et un accès équitable aux ressources vitales.  Il s’agit également, a-t-il poursuivi, d’évaluer la véritable vulnérabilité d’un État au-delà de son PIB afin d’agir au mieux pour renforcer la résilience.  Exhortant les États Membres à mettre en place, à la COP28, un plan d’action audacieux dans un esprit d’unité et de solidarité, il a rappelé la responsabilité des Nations Unies à préserver la souveraineté des États touchés par la crise climatique, un véritable défi qui ne devrait pas reposer sur leurs seules épaules. 

Ce ne sont pas simplement des appels mondiaux qui ont été lancés lors de cette Assemblée générale mais bien des appels existentiels qui se mesurent en vies perdues et en inégalités persistantes, a fait remarquer le Président.  Appelant à la mobilisation pour le Sommet de l’avenir, il a estimé qu’il est temps d’œuvrer à l’édification d’un monde plus durable et plus équitable.  Face aux défis actuels, nous devons et nous pouvons, ensemble et en tant que nations unies, guérir nos divisions et trouver des solutions qui reflètent nos valeurs universelles et nos engagements, a-t-il conclu.

Droits de réponse

Le Guyana a réagi aux allégations « excessives et mensongères » du Venezuela selon lesquelles le territoire du Guyana servirait de plateforme d’agression militaire contre d’autres États, dont le Venezuela.  Il a également rejeté la revendication « grotesque » de Caracas sur les deux tiers du Guyana.  De manière générale, la délégation a rappelé que le Guyana a toujours agi dans le plein respect du droit international à l’égard de son voisin et invité les autorités vénézuéliennes à faire de même.  À cette fin, son gouvernement exhorte le Venezuela à confirmer qu’il souscrit aux décisions de la Cour internationale de Justice (CIJ) s’agissant des revendications sur la frontière entre les deux pays.  Pour finir, le Guyana a indiqué qu’il n’acceptera aucune procédure qui contredirait les dispositions expresses de l’Accord de Genève de 1966 et contournerait la CIJ.

Le représentant du Belize a réagi à la déclaration que le Ministre des affaires étrangères du Guatemala a faite le 23 septembre dernier et dans laquelle il a affirmé que des ressortissants guatémaltèques étaient aux mains des Forces armées du Belize, « ce qui est une affirmation sans fondement et un pur mensonge », comme l’ont confirmé les rapports de vérification de l’Organisation des États américains (OAS).  Il a accusé le Guatemala de se livrer à des actes contraires au principe du bon voisinage et lui a rappelé que c’est le fleuve Sarstoon qui marque la limite entre les deux pays, selon la Convention qu’il a signée en 1958 avec le Royaume-Uni et le Guatemala.  Cette Convention stipule aussi que la libre navigation est accordée, sans harcèlement ni intimidation au Belize et au Guatemala.  Le représentant a demandé à ce dernier de participer de manière constructive aux discussions pour se mettre d’accord sur un protocole de confiance et de promotion de relations de bon voisinage dans les zones adjacentes au fleuve Sarstoon. 

Le Japon a assuré qu’il ne relâcherait jamais des eaux dangereuses dans ses eaux territoriales.  L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), a-t-il rappelé, est impliquée dans les activités de vérification et a confirmé que « la teneur radioactive de ces eaux est négligeable ».

En réponse aux « allégations totalement fausses » de l’Arménie, l’Azerbaïdjan a déclaré que les mesures qu’elle a été « contrainte » de prendre pour répondre au recours illégal à la force par l’Arménie se fondent sur la Charte des Nations Unies et le droit international.  Le fait est que c’est Bakou qui a amorcé le processus de normalisation avec Erevan, sur la base de la reconnaissance mutuelle et du respect de l’intégrité territoriale de chacun.  De même, les insinuations de l’Arménie concernant l’existence d’une crise humanitaire ou encore d’un nettoyage ethnique dans le Haut-Karabakh sont sans fondement et ont pour seul objectif d’attiser les tensions.  Depuis la fin des mesures antiterroristes, les efforts de désarmement, de démobilisation et de réintégration se sont poursuivis et le Représentant spécial du Gouvernement azerbaïdjanais a rencontré les délégués des résidents arméniens. 

La République de Corée a regretté que les délégations aient à entendre tous les ans les accusations « absurdes » de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) visant la République de Corée.  La délégation a rappelé que son pays avait le devoir de protéger sa population des menaces nucléaires de la RPDC.  C’est pourquoi nous menons des exercices routiniers conjoints, « de nature défensive », a-t-elle précisé, qui respectent le régime international de non-prolifération.  S’agissant de la question des droits humains, la RPDC finance son programme balistique et nucléaire via, par exemple, le travail forcé.  Le Conseil de sécurité a donc tout à fait le droit de se pencher sur la question des droits humains en RPDC, a conclu la délégation.

Après avoir exprimé la volonté de son pays d’apporter une aide humanitaire « totalement désintéressée » au Maroc après le séisme, le représentant de l’Algérie a réfuté les « propos déformés » de ce dernier sur la déclaration de soutien du Président Tebboune aux Sahraouis.  La question du Sahara occidental, a-t-il martelé, est une « question de décolonisation » à laquelle l’Algérie n’est pas partie prenante.  Toutefois, son pays ayant choisi la justice, la liberté, les droits humains et l’autodétermination en raison de son histoire coloniale, le représentant a exhorté la communauté internationale et les Nations Unies à mettre en œuvre la résolution 1514 sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux et à organiser un référendum d’autodétermination, tel que le mandat de la Mission au Sahara occidental le prévoit.  Selon lui, cette Mission a empêché ce référendum en promettant une « autonomie nébuleuse qui n’a convaincu personne », exhortant les États Membres à laisser les Sahraouis décider de leur avenir par le biais d’un référendum organisé par les Nations Unies.

Le représentant du Maroc a vivement réagi aux propos de son homologue de l’Algérie, regrettant « l’insulte faite aux Marocains depuis 50 ans » sur la prétendue défense d’un principe, tout en affirmant ne pas être partie prenante au conflit.  En défendant un référendum, a estimé le représentant, l’Algérie empêche le règlement conflit.  Mentionnant le transfert des populations dans les camps de Tindouf, il a accusé cette dernière de violer les principes qu’elle dit défendre.  Le représentant a brandi une copie d’une lettre de M. Abdallah Baali, datée du 22 juillet 2002, qui dit que l’Algérie demeure disposée à examiner une possible partition du territoire du Sahara entre le peuple sahraoui et le Royaume du Maroc, une idée rejetée catégoriquement par le Maroc qui ne veut pas diviser ses populations.  Le représentant a en effet accusé l’Algérie de vouloir saper l’unité du Maroc et de maintenir un agenda déstabilisateur dans la région, en armant un groupe rebelle qui a des connections avec le terrorisme international. Déplorant le refus de l’Algérie de participer aux tables rondes de l’ONU, il a vu un manque de décence et de courage chez les dirigeants algériens face au peuple marocain.  Il a conclu en opposant la stabilité des frontières et la contribution du Maroc à l’état de droit et au développement de la région, aux manquements de l’Algérie, y compris sur le respect de la liberté d’expression.

En réponse à l’Azerbaïdjan, le représentant de l’Arménie a condamné la nouvelle vague de violence dans la région du Haut-Karabakh.  Accusant Bakou d’avoir prémédité et planifié l’attaque comme en attestent les troupes azerbaïdjanaises massées à la frontière, il a critiqué Bakou pour sa campagne de désinformation, déjà utilisée en 2020 et 2022 pour présenter son agression comme une opération de lutte contre le terrorisme.  Il a dénoncé un recours à la force absurde et injustifiable, qui viole toutes les normes du droit international et humanitaire.  Il a dit craindre un nettoyage ethnique dans le Haut-Karabakh et souligné la nécessité pour la communauté internationale, à commencer par les Nations Unies, d’agir. 

La République populaire démocratique de Corée a jugé que la déclaration de la République de Corée était digne d’un « pompier pyromane ».  La délégation a dénoncé les exercices militaires agressifs des États-Unis et de la République de Corée et s’est interrogée sur la compatibilité du déploiement de moyens nucléaires stratégiques avec le Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Selon elle, le lancement par la RPDC d’un satellite de reconnaissance militaire était une « contre-mesure adaptée » face à ces menaces militaires et un exercice justifié de son droit à la légitime défense.  La délégation a dénoncé l’insécurité que produisait l’alliance entre les États-Unis et ses forces « vassales » dans la péninsule coréenne.  Elle a en outre réitéré sa dénonciation du déchargement d’eau contaminée par le Japon dans l’océan, qu’elle a qualifié de « crime contre l’humanité ». 

Réagissant aux propos du Belize, la délégation du Guatemala a rappelé que son pays est reconnu comme un chef de fil de la lutte contre le narcotrafic. De même son pays a fait l’expérience des agissements de groupes de radicaux du Belize qui essaient de déstabiliser la région du fleuve Sarstoon, en violant l’intégrité territoriale de son pays.  Malgré ses provocations, il n’y a jamais eu de preuve de violations commises par des Guatémaltèques contre le territoire voisin, a soutenu la délégation, en assurant que son gouvernement veut travailler avec le Belize pour gérer les zones frontalières et préserver la sécurité des deux nations.  Nous nous en remettons à la compétence de la CIJ pour trancher tout différend.

Nous aurions aimé, a dit le représentant de l’Algérie, qu’au lieu de parler de nous, le Maroc parle de la question du Sahara occidental, un territoire occupé depuis plus de 50 ans.  Il a réaffirmé la position longue de son pays pour le droit à l’autodétermination des peuples.  La résolution 1514 est toujours d’actualité pour le peuple du Sahara occidental, a-t-il tranché, en rappelant que ce territoire est la dernière colonie en Afrique.  En ce qui concerne la partition du Sahara occidental, le représentant a renvoyé les États Membres à l’Accord sur la délimitation des frontières, signé le 11 avril 1976 par le Maroc et la Mauritanie, et enregistré auprès des Nations Unies le 9 février 1977.  Cet Accord fait simplement le partage du Sahara occidental entre ces deux États. Pour ce qui est des accusations de terrorisme adressées au Front POLISARIO, le représentant a relevé qu’à travers l’histoire, les mouvements de libération ont toujours été accusés de terrorisme, y compris le Front de libération nationale (FLN), pour diaboliser les résistants et les militants de la liberté.  Un tel argument n’a de toute évidence pas convaincu le Secrétaire général de l’ONU puisqu’il a reçu le Secrétaire général du Front POLISARIO, il y a une dizaine de jours.  Avant de conclure, le représentant a assuré du soutien de l’Algérie au Secrétaire général et à son Envoyé spécial dans leurs efforts pour trouver une solution à la question du Sahara occidental par voie référendaire. 

L’Azerbaïdjan a rejeté catégoriquement la déclaration de l’Arménie et les accusations infondées proférées par ce pays.  Les allégations arméniennes de nettoyage ethnique sont totalement infondées, a‑t‑il dit, en soulignant les mesures prises pour répondre aux besoins de la population locale.  « Ceux qui fuient sont de nationalité arménienne et le font de leur propre volonté. »  Il a rappelé que plus de 200 000 Azerbaïdjanais ont été déplacés en raison des agissements arméniens, avant de dénoncer le séparatisme arménien qui a échoué une bonne fois pour toutes.  « Il n’y aura pas de retour en arrière. »

Après l’intervention de la RPDC, le représentant du Japon a repris la parole une nouvelle fois pour indiquer que Tokyo continuera d’expliquer à la communauté internationale les efforts qu’il déploie de façon transparente et sur la base de preuves scientifiques.

Le représentant du Maroc a repris la parole pour exhorter son homologue de l’Algérie à participer aux tables rondes sur le Sahara.  Soulignant la « méconnaissance » des textes de l’ONU, il a déploré que l’Algérie ne respecte pas les résolutions du Conseil de sécurité. La question du Sahara est un problème de paix et de sécurité, a-t-il poursuivi, et non une question de décolonisation.  L’Algérie, a souligné le représentant, n’aurait jamais accédé au Conseil de sécurité sans le principe de rotation, puisqu’il n’a même pas un seul soldat dans les opérations de maintien de la paix.  Le représentant a néanmoins précisé qu’il est à l’écoute des propositions algériennes sur la question du Sahara.

Répondant à nouveau à l’Azerbaïdjan, le représentant de l’Arménie l’a accusé de mépriser consciemment le droit international et de faire preuve d’un « parfait cynisme ».  Rappelant les pogroms de masse perpétrés contre les populations arméniennes dans le Haut-Karabakh en 1988, la destruction de leur patrimoine culturel au fil des siècles, ainsi que le racisme et les discriminations dont elles sont continuellement victimes, le représentant a reproché à l’Azerbaïdjan de ne prendre aucune mesure pour traduire les criminels en justice.  Il a nié l’existence d’un processus de réintégration des résidents arméniens en tant que citoyens égaux et a qualifié le déplacement forcé de plus de 20 000 personnes « d’étape finale du nettoyage ethnique », rendu possible par l’échec de la communauté internationale à réagir à des « signes clairement détectables ». L’Arménie continuera toutefois à appeler au respect du droit international et de la Charte des Nations Unies, a‑t‑il promis.

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