En cours au Siège de l'ONU

Sommet de l’avenir: le premier dialogue interactif entend des appels à transformer la gouvernance mondiale, dont le cadre commun de remboursement de la dette

Soixante-dix-neuvième session,
Sommet de l’avenir, Dialogue 1 – matin
AG/12628

Sommet de l’avenir: le premier dialogue interactif entend des appels à transformer la gouvernance mondiale, dont le cadre commun de remboursement de la dette

Les asymétries « structurelles » et « morales » de la gouvernance mondiale ont donné ce matin de la matière au premier dialogue interactif du Sommet de l’avenir, qui a confirmé les attentes quant à la transformation de cette gouvernance et à l’accélération de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Ces « défaillances » de l’ordre international en vigueur exigent notamment d’améliorer le cadre commun de remboursement de la dette, ont martelé de nombreux responsables gouvernementaux et d’institutions multilatérales, inquiets de voir un « monde de dette élevée sans croissance ».

« Sans la croissance économique issue du commerce international des 30 dernières années, jamais nous n’aurions pu sortir 1,5 milliard de personnes de la pauvreté extrême », a tout d’abord observé la Directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).  Pour pouvoir poursuivre sur cette lancée, il nous faut un « meilleur commerce », plus inclusif, a-t-elle préconisé en soulignant le besoin d’avoir un système commercial ouvert.  Cette « remondialisation », attendue par plusieurs, implique selon la responsable une réforme des subventions « inéquitables » qui entravent le commerce, notamment les subventions agricoles. 

Si elle a reconnu la résilience « remarquable » de l’économie mondiale face aux bouleversements des dernières années, la Directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) a rappelé que la croissance économique mondiale, qui devrait s’établir à 3% au cours des prochaines années, est à son niveau le plus bas depuis des décennies, ce qui signifie « moins d’emplois et des revenus plus bas ». Une réalité qui touche particulièrement les pays à faible revenu, dont la croissance se situe à 7,5% en deçà des projections, a noté la Directrice, avant de mettre en garde contre le « piège » d’un « monde de dette élevée sans croissance », exacerbé par un environnement politique complexe, une hausse des inégalités et des risques de fragmentation.  Pour éviter un tel scénario, elle a prôné une refonte de l’économie fondée sur la transformation technologique et l’innovation verte, avec le potentiel d’ajouter jusqu’à 0,8% à la croissance mondiale. 

Appels pressants à revoir les critères d’octroi des prêts

Parmi les défis multiples auxquels se heurtent les États dans leur quête de développement, les modalités d’octroi des prêts et du remboursement de la dette souveraine ont retenu l’attention de nombreuses délégations.  Consciente du problème, la Banque mondiale a établi un programme destiné à favoriser l’accès du secteur privé aux marchés émergents, a indiqué son Président, en mentionnant la publication de données concernant les défauts de paiement.  Il a en même temps mis en garde contre la « tyrannie des petites choses » qui entrave les réformes et les flux financiers. 

Cette perception de risques élevés empêche en effet les pays en développement d’utiliser les marchés internationaux à leur avantage, entraînant des coûts d’emprunt élevés, a constaté le Ministre des affaires étrangères de la Zambie, pour qui il est essentiel d’améliorer les mécanismes de réduction des risques. À ce sujet, la firme Morningstar a souligné l’inadéquation des données financières, celles relatives aux ODD s’adressant au premier chef aux gouvernements, et non aux investisseurs qui s’intéressent de près aux informations portant sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). 

« Le fossé entre pays développés et pays en développement s’est élargi », a poursuivi la Première Ministre de l’Ouganda, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, avec l’aval du Ministre de l’enseignement préuniversitaire et de l’alphabétisation de la Guinée qui a fait remarquer que « ces derniers disposent de peu de recours du fait des asymétries structurelles de la gouvernance mondiale ».  Comme le Malawi, elle a expliqué que les prêts consentis au taux du marché aux pays en développement sont en réalité comme un « flux de capitaux inversé » de ces pays vers les pays développés. 

Le Ministre des affaires étrangères du Malawi a ainsi appelé à se « libérer des chaînes » que constituent les conditions « punitives » exigées par les institutions financières mondiales, le monopole technologique des pays développés et les mécanismes « faibles » censés assurer la mise en œuvre des engagements en matière de changements climatiques et de réparations de la part des États qui en sont responsables.  De même, il a prôné l’inclusion d’évaluations selon les critères « paix et sécurité » parmi les critères de prêts afin d’éviter de financer les pays qui entament des guerres aux détriment de ceux qui choisissent la paix.

Combler les lacunes des institutions financières internationales

Ces défaillances structurelles, mais aussi « morales », de l’ordre international en vigueur, selon les mots du Ministre des affaires étrangères de Cuba, impliquent la renégociation de la dette souveraine des États, laquelle doit être orientée vers le développement et assortie d’une recapitalisation des banques multilatérales de développement afin d’améliorer les conditions de prêts.  Le « droit au développement » implique en effet l’expansion des politiques d’allégement de la dette à l’aide de programmes à long terme, a plaidé Sri Lanka, afin de combler les lacunes systémiques des institutions financières internationales et d’atténuer les pressions auxquelles sont confrontées les nations émergentes.

Or, à cinq ans de l’échéance du Programme 2030, les Tuvalu ont jugé nécessaire de « réévaluer la position commune par rapport à l’engagement de ne laisser personne de côté ».  À l’heure actuelle, l’archipel est confronté à la menace d’être « soit noyé dans la dette, soit noyé dans la mer », chaque nouvelle catastrophe l’obligeant à s’endetter pour assurer les secours.  Cette situation enferme le pays dans un cycle catastrophe-dette-sous-investissement qui entrave son développement. 

La quatrième conférence des petits États insulaires en développement (PEID) a d’ailleurs souligné que l’architecture financière internationale doit jouer son rôle pour répondre aux circonstances de développement uniques de ces pays, a rappelé le Ministre chargé des finances, du plan national et du commerce des Seychelles, pays où 36% des recettes publiques risquent d’être englouties dans le remboursement de la dette cette année.  À cet égard, l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle constitue un outil crucial, a insisté le Ministre. 

Donner la place qui leur est due aux pays en développement dans la gouvernance mondiale

Fort de ces constats, le Ministre du plan et de la coordination du développement des Îles Salomon a proposé d’améliorer le cadre commun de remboursement de la dette. Il a incité la Banque mondiale et le Fonds monétaire international à promouvoir les investissements liés aux ODD en créant des mécanismes de réduction des risques, en renforçant la voix des pays émergents au sein des institutions financières internationales et en intensifiant le dialogue entre l’ONU et ces institutions.  « Il faut que les pays africains en développement occupent la place qui leur est due dans la gouvernance mondiale », a rebondi la Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de l’Afrique du Sud. 

Pour le Ministre des affaires étrangères, de la migration et des Tunisiens à l’étranger, néanmoins, l’ONU a failli dans sa « mission première » d’assurer un filet sécuritaire aux États dans le besoin, au nom d’une « logique de profits qui vient enrichir des États déjà riches ».  Il a en effet accusé cette logique de livrer des pays vulnérables au « joug » du FMI ou encore de les contraindre à emprunter sur les marchés privés, à des taux plus élevés que ceux accordés aux pays développés. 

Le système financier international doit s’adapter pour donner de meilleurs résultats

Bien qu’il ait assuré stabilité et croissance pendant des décennies, le système financier mondial doit maintenant s’adapter au monde d’aujourd’hui et être plus réactif aux besoins des pays en développement, a observé le Royaume-Uni, en assurant une meilleure représentation de ceux-ci aux prises de décisions ainsi qu’un système de règlement des différends efficace.  Si une « série de crises a porté une série de coups à nos efforts collectifs en vue de réaliser les ODD », la Commissaire chargée des partenariats internationaux de l’Union européenne, principal fournisseur d’aide au développement à l’échelle mondiale, a reconnu que le système financier mondial doit produire davantage de résultats. 

Évoquant le risque d’une « crise du développement » qui se profile à l’horizon, le Président du Kenya a estimé pour sa part que la tenue prochaine de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement pourrait constituer une dernière chance d’apporter les « changements radicaux » nécessaires pour réaliser les ODD.  Dans cette veine, la Confédération des ONG de l’Inde rurale a fait valoir que la création de zones économiques coopératives, englobant les secteurs public et privé, ont le potentiel de créer une chaîne de valeurs « robustes ». 

Mais, pour tenir la promesse de ne laisser personne de côté, la réforme des structures de gouvernance du développement doit aller au-delà de la question du financement, a conclu le Directeur exécutif du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS).  Il a prié de s’attaquer également au déficit de mise en œuvre des projets et d’assistance technique, afin d’éviter de prévenir la fragmentation et l’incohérence.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le deuxième dialogue interactif du Sommet de l’avenir prône la réforme du Conseil de sécurité et une meilleure inclusion des femmes pour renforcer le multilatéralisme

Soixante-dix-neuvième session,
Sommet de l’avenir, Dialogue 2 – après-midi
AG/12629

Le deuxième dialogue interactif du Sommet de l’avenir prône la réforme du Conseil de sécurité et une meilleure inclusion des femmes pour renforcer le multilatéralisme

Le deuxième dialogue interactif du Sommet de l’avenir, qui s’est tenu cet après-midi, s’est concentré sur le thème « Renforcer le multilatéralisme pour la paix et la sécurité internationales ».  Alors que le monde fait face à des menaces géopolitiques, économiques, climatiques et technologiques croissantes, les outils traditionnels du multilatéralisme conçus « par quelques heureux élus à une tout autre époque », a rappelé l’Inde, sont aujourd’hui « obsolètes ». Les défis auxquels la communauté internationale est confrontée étant trop importants pour qu’une poignée de nations, même les plus puissantes, puissent les relever seules, le multilatéralisme apparaît comme le seul moyen viable d’instaurer une paix durable.

Un système multilatéral en crise 

Pour y parvenir, la voie diplomatique, portée par la Charte des Nations Unies et le droit international, doit être la priorité, ont affirmé la plupart des intervenants.  Ces dernières années, l’émergence des guerres en Ukraine, à Gaza ou au Soudan —pour ne citer que les plus brûlantes— a fragilisé un système multilatéral déjà en crise, affaibli par le manque de confiance dans les institutions internationales, à commencer par le Conseil de sécurité.  La réforme de cet organe, attendue depuis longtemps, a ainsi été au cœur du dialogue interactif.  « Celui-ci doit être plus représentatif, plus équitable et transparent s’il souhaite conserver sa légitimité et son efficacité », a plaidé M. Julius Maada Bio, le Président de la Sierra Leone, qui Coprésidait par ailleurs la réunion. Plusieurs nations africaines, à l’image de l’Angola, de l’Éthiopie ou encore du Libéria, ont insisté sur la nécessité d’inclure au moins deux pays de leur continent parmi les membres permanents et de réformer le droit de veto qui paralyse aujourd’hui le Conseil. 

Le Liechtenstein, auteur d’une initiative remarquée sur le veto, entend pour sa part « faire en sorte que le veto ne soit plus le dernier mot et que l’Assemblée générale puisse prendre des décisions lorsque le Conseil n’est pas en mesure de le faire ».  L’instance la plus représentative de l’ONU en sortirait ainsi revigorée, et avec elle l’espoir d’un renouveau du système de règlement des conflits. 

Le rôle des organisations régionales dans les opérations de paix

Une autre piste à l’étude est de renforcer la Commission de consolidation de la paix en rendant les liens avec le Conseil de sécurité plus étroits — proposition faite notamment par M. Simon Harris, le Taoiseach d’Irlande, autre Coprésident de la réunion.  En outre, davantage de partenariats avec des organisations régionales contribueraient à l’amélioration de l’architecture sécuritaire mondiale.  Le représentant de l’Union africaine s’est ainsi réjoui du vote de la résolution 2719 (2023) en faveur d’un financement prévisible et durable des opérations de soutien à la paix menés par cette organisation, estimant qu’il s’agit là d’un modèle à suivre. 

De son côté, Mme Comfort Ero, Présidente-Directrice de l’International Crisis Group s’est félicitée qu’« un examen opportun des forces et des faiblesses des opérations de paix de l’ONU » figure dans le Pacte pour l’avenir, adopté par acclamation dans la matinée.  Même s’il ne s’agit « pour l’instant que de mots sur le papier », elle a voulu y voir une authentique volonté de revitaliser l’ONU.  Elle a toutefois regretté « la décision de dernière minute » de supprimer du Pacte « une section sur la manière dont les changements climatiques modifient les risques de conflit ».  Le Danemark a abondé dans ce sens et prévenu qu’il reviendrait à la charge pour que soit reconnu cet aspect essentiel de la géopolitique actuelle.

Autre réalité choquante qui concerne une personne sur 70 dans le monde, le déplacement forcé des populations a été évoqué par le représentant du Haut- Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), venu tirer la sonnette d’alarme sur la situation financière préoccupante d’un système humanitaire « à son point de rupture ».  Se demandant comment sortir de cette ornière, il en a appelé à une « galvanisation de la volonté politique ». 

À l’inverse, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a cité comme modèle de multilatéralisme les travaux qui ont abouti au projet de Convention des Nations Unies contre la cybercriminalité.  Bien qu’au départ, « les positions des pays étaient très divergentes, la menace de la cybercriminalité a permis de les rapprocher pour approuver un texte par consensus », s’est réjoui le délégué.  « Se concentrer sur des faits mondiaux en repérant des mesures très concrètes pour répondre à ces menaces mondiales peut réunir les États », a-t-il encouragé.  La Lettonie a pour sa part fait un lien entre l’intégrité territoriale et la résilience face à la désinformation, proposant son « retour d’expérience ».

Le numérique, aussi bien en ce qui concerne ses opportunités que ses risques, est un des enjeux majeurs des années à venir, où la coopération multilatérale sera vitale, a insisté le représentant de l’Inde, se réjouissant de la finalisation du Pacte numérique mondial et appelant à une régulation internationale de l’intelligence artificielle.  Le Comité international de la Croix-Rouge s’est, lui, demandé comment faire en sorte que ces nouvelles technologies, à commencer par l’intelligence artificielle, respectent le principe de « ne pas nuire ».  Parmi ses recommandations, citons la mise en place de systèmes de détection d’informations nuisibles sur les réseaux sociaux lors de conflits armés, ainsi que la stricte séparation par les États des données militaires et des infrastructures civiles.

Donner du pouvoir aux femmes et aux jeunes 

Enfin, pratiquement tous les intervenants ont insisté sur les liens entre inclusivité et multilatéralisme.  « Donner du pouvoir aux femmes est crucial pour la prévention des conflits et le maintien de la paix », a ainsi affirmé le Ministre des affaires étrangères et européennes et du commerce de Malte.  Citant l’exemple des négociations entre le Gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), qui lui ont d’ailleurs valu le prix Nobel de la Paix en 2016, l’ancien Président de la Colombie, M. Juan Manuel Santos, a rappelé comment il était parvenu à désenliser le processus de paix, alors que celui-ci en était « au point mort ».  « J’ai envoyé un groupe de femmes victimes pour qu’elles confrontent les deux parties, pour qu’elles exigent des progrès.  L’effet produit a été incroyable! », s’est-il exclamé.

La participation des jeunes « à la gouvernance, à la consolidation de la paix et au développement économique » est également un pilier du Pacte pour l’avenir, a souligné le Président de la Sierra Leone.  En tant qu’agents du changement, ces derniers ont « les idées, l’inspiration et l’espoir pour diriger l’avenir », a-t-il défendu. « Les femmes et les enfants, au Soudan, en Ukraine, à Gaza ou ailleurs n’ont pas la possibilité de penser à notre Sommet de l’avenir », s’est pour sa part émue Ellen Johnson Sirleaf, ancienne Présidente du Libéria et elle aussi prix Nobel de la paix en 2011. « Mais nous devons, pour eux, nous efforcer d’élaborer un nouveau monde enfin débarrassé du fléau de la guerre », a-t-elle poursuivi, avant de citer Nelson Mandela: « Tout a toujours l’air impossible.  Jusqu’à ce qu’on le fasse. »

Comme l’a rappelé dans sa conclusion Mme Rosemary DiCarlo, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, « l’ONU est née d’une volonté commune de préserver les générations futures du fléau de la guerre.  Vous avez peut-être remarqué les mots clefs: engagement commun.  L’ONU est fondamentalement façonnée par la volonté -c’est-à-dire l’engagement- de ses États Membres à coopérer ».  Comme l’a déclaré le Secrétaire général dans le Nouvel Agenda pour la paix, « si la guerre est un choix, la paix peut l’être aussi. » 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Après les attaques inédites au Liban attribuées à Israël, et face au risque de guerre régionale, le Conseil de sécurité appelle à la désescalade

9730e séance – après-midi
CS/15828

Après les attaques inédites au Liban attribuées à Israël, et face au risque de guerre régionale, le Conseil de sécurité appelle à la désescalade

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, 
la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

À la demande du Liban, l’Algérie, membre du Conseil de sécurité, a convoqué une réunion d’urgence du Conseil cet après-midi, pour évoquer la situation au Liban, marquée ces derniers jours par une série d’attaques inédites contre le Hezbollah.  Les 17 et 18 septembre derniers, une vague d’explosions simultanées de bipeurs et de talkies-walkies a fait une trentaine de morts et plusieurs milliers de blessés, y compris au sein de la population civile. 

Alors que se poursuivent les affrontements entre le mouvement islamiste et Israël, la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo et le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, M. Volker Türk ont pris part à cette réunion. 

À quelques exceptions près, toutes les délégations ont exprimé des inquiétudes face à ces attaques « inédites dans l’histoire », qui risquent de plonger la région dans la guerre, et appelé à un cessez-le-feu et au respect des résolutions du Conseil de sécurité.  Personne ne souhaite un nouveau conflit à grande échelle entre Israël et le Hezbollah, et les civils paient toujours le prix le plus élevé lorsqu’une telle situation survient, a expliqué le Japon, pour qui le fait que ces incidents se soient produits dans de nombreux endroits, y compris dans des zones densément peuplées, et aient fait des victimes civiles est « effroyable ». 

Les délégations ont fustigé un « acte barbare », une « provocation monstrueuse ».  Ces « attaques aveugles », qui n’ont épargné personne dans des lieux publics, apportent une nouvelle dimension technologique ciblant à distance des milliers de personnes, sans que l’on sache précisément qui possédait ces appareils, ni dans quel environnement ils se trouvaient au moment de l’attaque, épiceries, hôpitaux ou lors de funérailles.  « Nous pénétrons dans une terra incognita dangereuse », se sont ainsi alarmées la Fédération de Russie, la République de Corée et la Slovénie, insistant comme d’autres sur les sérieuses inquiétudes soulevées quant au respect des principes fondamentaux du droit international humanitaire, notamment la distinction, proportionnalité et précaution. 

Mme Rosemary DiCarlo a pour sa part rappelé le contexte dans lequel se déroulent ces « développements alarmants ».  Depuis près d’un an, le quotidien à travers la Ligne bleue séparant Israël du Liban est fait de frappes et d’échanges de tirs entre les Forces de défense israéliennes, le Hezbollah et d’autres groupes armés non étatiques. 

Ces frappes et tirs ont même pris de l’ampleur et de l’intensité et, dans certains cas, ont atteint des zones beaucoup plus profondes à l’intérieur des territoires libanais et israélien, faisant de nombreuses victimes, y compris parmi les civils, en plus de causer des dégâts importants aux habitations.  Plus de 100 000 personnes ont été déplacées du sud du Liban et au moins 60 000 ont été déplacées du nord d’Israël.

Un tournant a été franchi avec les attaques perpétrées au Liban et en Syrie les 17 et 18 septembre, et qui ont vu des outils de communication être transformés en armes frappant simultanément sur les marchés, au coin des rues et dans les maisons, semant la peur et la panique. 

Or « la guerre a des règles ».  La distinction entre les civils et les cibles militaires est fondamentale et toutes les précautions doivent être prises pour épargner les civils, a martelé le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, pour qui viser simultanément des milliers d’individus, qu’ils soient des civils ou des membres de groupes armés, constitue une violation du droit international des droits de l’homme et, le cas échéant, du droit international humanitaire.  Selon lui, « les actes de violence visant à semer la terreur parmi les civils constituent un crime de guerre ». 

Dans ce contexte, il a appelé à « une enquête indépendante, rigoureuse et transparente » sur les circonstances de ces explosions, estimant que ceux qui ont ordonné et mené ces attaques doivent rendre des comptes.  Les auteurs de ces attaques sont connus de tous, a estimé l’Algérie, désignant Israël, Puissance occupante, qui tire toute la région vers une guerre totale.  « Si ces pratiques étaient imitées par des groupes terroristes, qu’arriverait-il? » 

Le représentant des États-Unis a, pour sa part, insisté sur le fait que son pays n’avait joué aucun rôle dans les événements, ajoutant que leur contexte ne peut être mis de côté: ce sont les attaques du Hamas du 7 octobre qui ont mis fin à la stabilité qui régnait jusque-là le long de la Ligne bleue.  Avec le Royaume-Uni, il a accusé le Hezbollah d’avoir bénéficié de formations et d’envoi de matériel en masse de l’Iran et d’appuyer quotidiennement la campagne de destruction menée par le Hamas contre Israël. Israël a le droit de se défendre contre les attaques du Hezbollah et aucun membre de ce Conseil ne tolérerait de la sorte des attaques quotidiennes à la roquette et les déplacements de milliers de leurs civils, a-t-il fait valoir, appelant les membres du Conseil de sécurité à faire pression sur la République islamique d’Iran pour qu’elle arrête de déstabiliser la région. 

Israël a pour sa part déploré « l’obsession onusienne de condamner » son pays, affirmant qu’il n’a pas demandé cette guerre.  Chaque jour des roquettes ciblent des civils et essaient de forcer des communautés entières à fuir.  Le Hezbollah mène des attaques sans arrêt.  Où est la communauté internationale? a-t-il lancé, affirmant aussi que son pays n’acceptera pas une telle situation.  Si le Hezbollah ne se retire pas, Israël n’aura pas d’autre solution que d’utiliser tous les moyens à sa disposition, dans le respect du droit, pour défendre sa population, a-t-il mis en garde, appelant le Conseil à condamner le Hezbollah et la République islamique d’Iran. 

Pour M. Abdallah Bouhabib, Ministre des affaires étrangères et des émigrés de la République libanaise, au contraire, « l’aventurisme » d’Israël le mènera là où il l’a mené auparavant, à la défaite, lorsqu’après l’avoir envahi, Israël s’est retiré laissant derrière lui tout son matériel militaire. 

Montrant une photo représentant une victime ensanglantée, chair et os apparents, le Ministre a expliqué que plus personne n’est en sécurité depuis ces attaques effroyables qui blessent des femmes et des enfants.  Qui pourra désormais empêcher les groupes terroristes de recourir à cette pratique, a demandé le représentant, ajoutant que la responsabilité du Conseil n’est pas seulement de protéger les Libanais, mais la communauté internationale tout entière.  « Si vous ne nommez pas l’auteur de ces attaques, si vous ne le condamnez pas, non seulement le droit international est menacé, mais on ouvre la boîte de Pandore. »

Le Liban vous demande de condamner Israël et de lui demander de cesser ses activités, a martelé le Ministre.  « C’est l’heure de vérité. »  Nous ne cherchons pas une nouvelle résolution, qui de toute façon restera lettre morte comme les autres, a-t-il dit.  Soit le Conseil appelle Israël à respecter les résolutions 1701 (2006) et 1735 (2006), soit nous verrons poindre le spectre de la guerre, a-t-il prévenu.  Le Conseil doit être en mesure de faire respecter ses résolutions, a soutenu la Sierra Leone. 

La République islamique d’Iran a pour sa part accusé Israël de « terrorisme », ces attaques ciblant des civils constituant à ses yeux, des crimes contre l’humanité, puisque Israël entendait tuer au moins 5 000 civils, certains appareils n’ayant pas explosé.  Malgré cela, le Conseil est resté silencieux contre « les attaques et les activités maléfiques du régime israélien », a déploré le délégué. 

Devant ce tableau, plusieurs délégations ont mis en garde contre un risque effectif d’escalade militaire.  Ce n’est pas la solution, a par exemple plaidé la Suisse, appelant comme d’autres à un cessez-le feu immédiat, la libération de tous les otages, et un accès humanitaire rapide et sans entrave.  Pour la France aussi, alors que le risque d’une guerre ouverte aux conséquences dramatiques s’accroît chaque jour, il est urgent de travailler à la désescalade, tel que demandé par la résolution 2749 (2024).  Israël doit dès lors faire preuve de la plus grande retenue après ses récentes déclarations sur ses opérations militaires au Liban. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE

Exposés

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a présenté au Conseil de sécurité les développements « alarmants » les plus récents au Liban, marqués par des frappes et des échanges de tirs quotidiens entre les Forces de défense israéliennes, le Hezbollah et d’autres groupes armés non étatiques à travers la Ligne bleue et ce, depuis près d’un an.  Les frappes et les échanges de tirs ont pris de l’ampleur et de l’intensité et, dans certains cas, ont atteint des zones beaucoup plus profondes à l’intérieur des territoires libanais et israélien. 

Plus de 100 000 personnes ont été déplacées du sud du Liban et au moins 60 000 ont été déplacées du nord d’Israël.  Les échanges de tirs ont fait de nombreuses victimes, y compris parmi les civils, en plus de causer des dégâts importants aux habitations, aux infrastructures civiles et aux terres agricoles des deux côtés de la Ligne bleue. Le risque d’une nouvelle expansion de ce cycle de violence est extrêmement grave et constitue une grave menace pour la stabilité du Liban, d’Israël et de toute la région, a mis en garde Mme DiCarlo. 

La Secrétaire générale adjointe a aussi rappelé le contexte régional actuel « fragile » et la poursuite de la « guerre dévastatrice » à Gaza où le nombre de morts continue d’augmenter.  Plus de 41 000 Palestiniens ont été tués selon le Ministre de la santé à Gaza, dont beaucoup d’enfants.  Dans le même temps, les tirs aveugles de roquettes par le Hamas et d’autres groupes armés vers des centres de population en Israël se poursuivent, a-t-elle déploré, avant de faire, une fois de plus, écho aux paroles du Secrétaire général.  Elle a alors insisté sur le besoin d’un cessez-le-feu immédiat, de la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages restants et d’une intensification massive de l’aide humanitaire à Gaza. 

Mme DiCarlo a ensuite souligné que le risque pour la sécurité et la stabilité, non seulement au Liban mais aussi dans la région, ne pourrait être plus clair ni plus grave.  Faisant à nouveau écho aux inquiétudes et sentiments du Secrétaire général, elle a vivement exhorté tous les acteurs à faire preuve de la plus grande retenue pour éviter toute nouvelle escalade.  Ils doivent respecter leurs obligations en vertu du droit international concernant la protection des civils, a-t-elle dit.  Elle a aussi exhorté les États Membres qui ont de l’influence sur les parties à en tirer parti dès maintenant.  Trop de vies humaines ont été perdues, trop de personnes ont été déplacées et trop de moyens de subsistance ont été détruits. 

« Si les choses continuent comme elles sont, nous risquons d’assister à une conflagration qui pourrait éclipser même la dévastation et les souffrances observées jusqu’à présent », a encore averti la Secrétaire générale adjointe.  « Il n’est pas trop tard pour éviter une telle folie. »  Il y a encore de la place pour la diplomatie, qui doit être utilisée sans délai, a-t-elle conclu, avant d’appeler instamment les parties à s’engager à nouveau à mettre pleinement en œuvre la résolution 1701 (2006) et à revenir immédiatement à un cessez-le-feu. 

M. VOLKER TÜRK, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a vu un tournant dans les attaques perpétrées au Liban et en Syrie les 17 et 18 septembre, puisque les outils de communication deviennent des armes, qui frappent simultanément sur les marchés, au coin des rues et dans les maisons, semant la peur et la panique.  « La guerre a des règles », a martelé le Haut-Commissaire, rappelant que la distinction entre les civils et les cibles militaires est fondamentale et que toutes les précautions doivent être prises pour épargner les civils.  Le droit international des droits de l’homme existe précisément pour protéger l’égalité et la dignité de tous les êtres humains, même en temps de guerre, a rappelé M. Türk.  Or viser simultanément des milliers d’individus, qu’ils soient des civils ou des membres de groupes armés, constitue une violation du droit international des droits de l’homme et, le cas échéant, du droit international humanitaire. 

Le droit international humanitaire interdit l’utilisation d’appareils piégés sous la forme d’objets portables apparemment inoffensifs, a tenu à ajouter M. Türk, ajoutant que « les actes de violence visant à semer la terreur parmi les civils constituent un crime de guerre ».  Il a par conséquent réitéré son appel à ouvrir une enquête indépendante, rigoureuse et transparente sur les circonstances de ces explosions, estimant que ceux qui ont ordonné et mené ces attaques doivent rendre des comptes. 

Par ailleurs, cette situation ne peut être dissociée de ce qui se passe dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, a continué le Haut-Commissaire, se disant choqué par l’ampleur des souffrances humaines.  Mettre un terme à la guerre à Gaza et éviter un conflit à l’échelle régionale relèvent d’une urgence absolue, a-t-il insisté, appelant à un cessez-le-feu immédiat et à un accès humanitaire total dans la bande de Gaza.  M. Türk a également demandé la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages à Gaza, ainsi que la fin des détentions arbitraires de milliers de Palestiniens par Israël.

Le manque de respect du droit international est une question de paix et de sécurité internationale, dont les répercussions vont au-delà de ces pays et de cette région, a fait remarquer M. Türk aux membres du Conseil de sécurité, leur rappelant que tous les États, et en particulier ceux qui ont de l’influence, doivent faire tout leur possible pour veiller au plein respect du droit international.  Il a exhorté Israël et le Hezbollah à cesser immédiatement les hostilités.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Inquiétudes au Conseil de sécurité face aux conséquences d’un embrasement régional sur le conflit syrien, sur fond de détérioration de la situation humanitaire

9729e séance – matin
CS/15827

Inquiétudes au Conseil de sécurité face aux conséquences d’un embrasement régional sur le conflit syrien, sur fond de détérioration de la situation humanitaire

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Dans une rare unanimité, les membres du Conseil de sécurité réunis ce matin à l’occasion de l’examen mensuel de la situation politique et humanitaire en Syrie, ont exprimé leur vive préoccupation face aux risques de débordement et d’escalade des tensions régionales dans le pays, notamment du fait de la guerre à Gaza et des affrontements de part et d’autre de la frontière entre Israël et le Liban, lesquels pourraient entraîner la Syrie dans un conflit plus grave encore. 

« Il existe un risque manifeste et immédiat d’une guerre régionale plus large qui entraînerait le peuple syrien dans sa ligne de mire », s’est alarmé l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, cela alors que le degré de violence du conflit syrien demeure « très élevé ».  M. Geir Otto Pedersen a ainsi constaté, cette semaine, une intensification majeure des tensions régionales.  Il a exprimé sa profonde inquiétude face aux explosions d’un grand nombre d’appareils de communication au Liban et en Syrie, les 17 et 18 septembre derniers, ainsi qu’aux frappes aériennes menées par Israël sur le Liban et aux tirs de roquettes du Hezbollah sur Israël qui ont suivi. 

Ce matin encore, un véhicule a été attaqué à l’aéroport international de Damas, a indiqué l’Envoyé spécial.  Il a ensuite évoqué des bombardements utilisant des drones, les tirs d’artillerie et de roquettes ainsi que les escarmouches sur les lignes de front.  Pendant ce temps, le nord-est et le sud-ouest de la Syrie continuent de connaître de graves tensions.  Quant à la menace présentée par Daech, elle ne cesse de croître, ce groupe augmentant le nombre et la gravité de ses attaques, y compris sa première décapitation médiatisée depuis plusieurs années.  M. Pedersen a donc renouvelé l’appel « vigoureux » du Secrétaire général à la plus grande retenue en ce moment « extrêmement dangereux » pour l’ensemble du Moyen-Orient.  « La désescalade est aujourd’hui une nécessité absolue dans toute la région, y compris un cessez-le-feu à Gaza », a-t-il plaidé, avant d’appeler à la mise en place d’un cessez-le-feu national, comme le prévoit la résolution 2254 (2015) du Conseil. 

Comme l’Iran, la délégation syrienne a tenu Israël pour responsable du risque d’escalade dans la région, accusant ce pays d’avoir mis le feu aux poudres en menant une attaque meurtrière sur Hama le 8 septembre dernier.  « Israël ne pourrait continuer de mener ces “attaques barbares” contre les États de la région s’il ne bénéficiait pas de l’immunité, de l’impunité et du soutien inconditionnel de la part des États-Unis et d’autres pays occidentaux », a-t-elle argué. 

Selon la Syrie, l’attaque menée il y a deux jours à Edleb à l’aide de drones montre que l’Ukraine transfère des armes et des drones à des groupes terroristes syriens, avec l’aval des États-Unis, en échange de l’envoi de terroristes vers l’Ukraine pour combattre et orchestrer des attaques contre la Fédération de Russie, une accusation qualifiée « d’absurde » par la délégation américaine. 

L’accusation syrienne ne faisait toutefois que reprendre celle proférée par le représentant de la Fédération de Russie.  Ce dernier a en outre accusé les États-Unis et leurs alliés de jeter de l’huile sur le feu en utilisant les zones de Syrie dans lesquelles ils sont présents militairement de façon illégitime afin de déstabiliser encore la situation politique et socioéconomique du pays.  L’escalade des hostilités dans la zone du conflit israélo-palestinien vient encore compliquer une situation déjà difficile en Syrie, a fait valoir le représentant russe, qui a accusé Israël de profiter de la situation pour frapper la Syrie via l’espace aérien libanais. 

Les États-Unis ont justifié leur présence en Syrie par la seule nécessité d’y combattre Daech, organisation qui menace la paix et la sécurité dans toute la région. Ils ont exhorté le « régime syrien » et la Russie à permettre l’acheminement de l’aide humanitaire partout en Syrie, y compris, au travers des frontières comme des lignes de front. 

Dans cette agitation régionale croissante, la situation en Syrie continue de se détériorer sous nos yeux, s’est alarmée la Slovénie, qui a appelé à une solution politique viable au conflit au moyen d’un processus « dirigé et contrôlé par les Syriens », sous les auspices de l’ONU.  Pour la Suisse, « les hostilités militaires en cours en Syrie et la solution politique sont intimement liées ». 

Le Directeur de la Division de la coordination du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), M. Ramesh Rajasingham, a quant à lui mis l’accent sur l’impact dévastateur de cette guerre sur les enfants, lesquels représentent près de la moitié des 16 millions de personnes dans le besoin.  Plus du tiers des enfants en âge d’être scolarisés n’iront pas à l’école cette année, a encore relevé M. Rajasingham, évoquant une « crise générationnelle » qui s’explique par l’aggravation de la crise économique et l’insuffisance du financement de l’aide humanitaire.  Une situation qui pousse les familles à adopter des « stratégies d’adaptation négatives », comme le fait de faire travailler de jeunes enfants, en particulier des garçons, en encore en incitant, ou en forçant, des mineures à se marier. 

À cet égard, l’Envoyé spécial a jugé « alarmante » la situation des réfugiés et des déplacés, les retours volontaires demeurant limités tandis que des Syriens continuent au contraire de quitter le pays.  En plus de la violence, de l’oppression, des abus des droits humains et d’une crise économique et humanitaire « désespérée », les 14 millions de Syriens contraints de quitter leur foyer doivent encore faire face à une rhétorique antiréfugiés croissante, a déploré la Slovénie, tout en reconnaissant que les conditions d’un retour sûr, volontaire et digne n’étant toujours pas réunies. 

Si l’ONU et ses partenaires font ce qu’ils peuvent pour apporter une aide vitale aux populations dans le besoin, soit 4,4 millions de personnes sur les 10,8 millions ciblés, le manque de financement fait en sorte que l’aide ne parvient chaque mois qu’à 2 millions de personnes de moins que l’année dernière, a expliqué M. Rajasingham.  Avec lui, plusieurs délégations ont déploré qu’à trois mois de la fin de l’année, l’appel humanitaire pour 2024 soit financé à moins de 26%.  Le haut responsable humanitaire a jugé essentielles aussi bien les opérations humanitaires transfrontalières que celles qui ont lieu à travers les lignes de front.  À cet égard, il a annoncé que l’ONU avait récemment pu mener une première mission d’évaluation transversale dans le sous-district de Kissoué, où plus de 85% de la population a besoin d’une aide humanitaire. 

« Sans un processus crédible de solution politique, la spirale descendante des tendances en Syrie se poursuivra probablement », a constaté M. Pedersen.  Selon lui, il existe actuellement dans le pays au moins quatre zones divisées par des lignes de front actives, tout un éventail d’acteurs armés syriens, des groupes terroristes répertoriés par le Conseil et six armées étrangères impliquées dans un conflit actif, certaines à l’invitation du Gouvernement.  Tout cela alors que les causes premières du conflit persistent, avec des visions contrastées de la Syrie postconflit.  « Soyons honnêtes: ces divisions ne sont pas seulement militaires et territoriales, mais aussi sociétales », a-t-il ajouté. 

M. Pedersen a défendu la Commission constitutionnelle, fruit de négociations laborieuses, qui bénéficie selon lui du soutien des principaux acteurs internationaux et pourrait mener à un véritable processus politique.  Il a toutefois déploré que « plus de deux ans » aient été perdus sur « ce qui devrait être une question secondaire, soit le lieu de réunion », à Genève.  « Nous devons sortir de cette impasse », a-t-il insisté. 

Sur cette question, la Syrie a réitéré son attachement à un processus politique par et pour les Syriens, mené sans aucune ingérence étrangère.  Son représentant a dit vouloir coopérer avec l’Envoyé spécial, évoquant notamment l’organisation de la neuvième série de réunions de la Commission constitutionnelle, en Iraq.  En dépit de la situation complexe qui prévaut dans la région, les autorités syriennes s’efforcent par tous les moyens d’améliorer les conditions humanitaires et de fournir des services essentiels aux Syriens, a-t-il assuré, afin de mettre en place des conditions propices au retour des réfugiés et déplacés syriens.  Toutefois, ont renchéri la Fédération de Russie et la Chine, la décision quant au lieu de la tenue de la Commission constitutionnelle doit être déterminée par les Syriens eux-mêmes, afin de réunir les conditions nécessaires au processus politique. 

La délégation syrienne a également estimé que les mesures coercitives unilatérales « illégitimes » imposées par les États-Unis et l’Union européenne entravent l’aide humanitaire, et constituent une forme de « châtiment collectif » de la population syrienne.  La France s’est dite prête à lever les sanctions et à envisager de financer la reconstruction de la Syrie, à la condition de progrès tangibles et vérifiables dans le cadre d’un véritable processus politique. 

L’Envoyé spécial a vu une autre porte de sortie possible dans la mise en place de mesures susceptibles de renforcer la confiance et de traiter des questions visées par la résolution 2254.  « Le fait est qu’aucun acteur ou groupe d’acteurs existant ne peut déterminer l’issue du conflit », a-t-il martelé, tout en constatant le manque de progrès de la « diplomatie fragmentaire » actuelle. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Exposés

M. GEIR OTTO PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a rappelé ses mises en garde répétées contre les risques de débordement et d’escalade régionaux qui pourraient entraîner la Syrie dans un conflit plus grave encore.  Or, a-t-il constaté, cette semaine, les tensions régionales se sont intensifiées de manière majeure.  Il a exprimé sa profonde inquiétude face aux informations faisant état de l’explosion d’un grand nombre d’appareils de communication au Liban ainsi qu’en Syrie les 17 et 18 septembre derniers, ainsi que des frappes aériennes israéliennes sur le Liban et les tirs de roquettes du Hezbollah sur Israël qui ont suivi.  Ce matin encore, un véhicule a été attaqué à l’aéroport international de Damas, a-t-il ajouté.  M. Pedersen a donc renouvelé l’appel « vigoureux » du Secrétaire général à la plus grande retenue en ce moment « extrêmement dangereux » pour l’ensemble de la région. 

Cette escalade fait suite à une attaque d’envergure contre un site militaire en Syrie, attaque que n’a pas reconnue Israël mais qui lui est « largement attribuée », a poursuivi M. Pedersen.  « Il existe un risque manifeste et immédiat d’une guerre régionale plus large qui entraînerait le peuple syrien dans sa ligne de mire », s’est alarmé l’Envoyé spécial, alors même que le degré de violence du conflit syrien reste « très élevé ».  Il a notamment évoqué des bombardements par des drones, les tirs d’artillerie et de roquettes et les escarmouches sur les lignes de front. Pendant ce temps, le nord-est et le sud-ouest du pays continuent de connaître de graves tensions, tandis que la menace de Daech en Syrie ne cesse de croître, ce groupe augmentant le nombre et la gravité de ses attaques, y compris leur première décapitation médiatisée depuis plusieurs années. 

« La désescalade est aujourd’hui une nécessité absolue dans toute la région, y compris un cessez-le-feu à Gaza », a affirmé M. Pedersen.  En Syrie, il a appelé à la désescalade et à la mise en place d’un cessez-le-feu national, comme le prévoit la résolution 2254 (2015) du Conseil. 

Rappelant que les besoins humanitaires continuent de croître dans l’ensemble du pays, l’Envoyé spécial a aussi dénoncé les arrestations arbitraires, les disparitions forcées et les actes de torture en détention.  Dans ce contexte, il a estimé que la situation des réfugiés et des déplacés reste alarmante.  « Les Syriens doivent être protégés où qu’ils se trouvent », a-t-il ajouté, tout en appelant à mettre un terme aux discours et actions antiréfugiés.  Il a noté que les retours volontaires restent limités alors que des Syriens continuent au contraire de quitter le pays.  « Sans un processus crédible de solution politique, la spirale descendante des tendances en Syrie se poursuivra probablement », a-t-il constaté. 

M. Pedersen a encore rappelé qu’il existe actuellement dans le pays au moins quatre zones divisées par des lignes de front actives, tout un éventail d’acteurs armés syriens, des groupes terroristes répertoriés par le Conseil et six armées étrangères impliquées dans un conflit actif, certaines à l’invitation du Gouvernement, sans oublier une crise régionale qui risque constamment de s’écraser sur la Syrie.  Tout cela alors que les causes premières du conflit persistent, avec des visions contrastées de la Syrie postconflit.  « Soyons honnêtes: ces divisions ne sont pas seulement militaires et territoriales, mais aussi sociétales », a ajouté M. Pedersen. 

M. Pedersen a défendu la Commission constitutionnelle, fruit de négociations laborieuses, qui bénéficie selon lui du soutien des principaux acteurs internationaux et pourrait mener à un véritable processus politique.  Il a déploré que « plus de deux ans » aient été perdus sur « ce qui devrait être une question secondaire, soit le lieu de réunion », à Genève.  « Nous devons sortir de cette impasse », a-t-il insisté.  Il a vu une autre porte de sortie possible dans la mise en place de véritables mesures destinées à renforcer la confiance et à traiter des questions visées par la résolution 2254.  « Le fait est qu’aucun acteur ou groupe d’acteurs existant ne peut déterminer l’issue du conflit –ni le Gouvernement, ni l’opposition, ni aucun autre acteur syrien, ni aucun État de la région ou d’ailleurs », a-t-il martelé, tout en constatant le manque de progrès de la « diplomatie fragmentaire » actuelle. 

M. RAMESH RAJASINGHAM, Directeur de la Division de la coordination du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), s’est alarmé de l’impact dévastateur de ce conflit de plus de 13 ans sur les enfants, qui représentent près de la moitié des 16 millions de personnes dans le besoin en Syrie.  Ce mois-ci, alors que l’année scolaire reprend, plus d’un tiers des enfants en âge d’être scolarisés -environ 2,5 millions– n’iront pas à l’école, a-t-il annoncé.  En outre, 1,6 million d’enfants risquent fort d’abandonner l’école au cours de l’année. 

Le responsable humanitaire a expliqué cette tendance par l’aggravation de la crise économique et la hausse des prix après des années de conflit, ainsi que par l’insuffisance du financement de l’aide humanitaire et du développement. 

Il a décrit les stratégies d’adaptation négatives auxquelles ces pressions poussent les familles, comme le fait d’envoyer les jeunes enfants -en particulier les garçons- travailler et de pousser davantage d’adolescentes et de mineures à se marier ou à être mariées de force.  Il a aussi jugé inquiétant le niveau de malnutrition maternelle et infantile aiguë, qui a été multiplié par trois au cours des cinq dernières années. 

M. Rajasingham s’est inquiété des conséquences de la guerre, y compris les restes explosifs de guerre, qui continuent de faire des ravages parmi les enfants.  Ainsi, depuis juin, près d’un tiers des 105 décès de civils vérifiés par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme concernent des enfants.  En outre, des milliers d’écoles ont été endommagées pendant le conflit et une école sur trois ne peut être utilisée à des fins éducatives. 

Quelque 2,5 millions d’enfants sont toujours déplacés dans le pays, dont près d’un million vivent dans des camps, a aussi rappelé M. Rajasingham. Les enfants sont ainsi exposés à un risque accru de violences sexuelles et d’autres formes d’abus, en particulier ceux qui sont séparés de leur famille.  En outre, des dizaines de milliers d’enfants soupçonnés d’avoir des liens familiaux avec des combattants de Daech sont toujours détenus dans le camp de Hol et dans d’autres camps du nord-est.  Et « n’oublions pas que la moitié des 6 millions de réfugiés syriens encore accueillis par les pays voisins sont des enfants! », a-t-il ajouté. 

Les Nations Unies et leurs partenaires continuent de faire ce qu’ils peuvent pour apporter aux populations l’aide vitale dont elles ont besoin, atteignant chaque mois 4,4 millions de personnes dans toute la Syrie, sur les 10,8 millions ciblés, a ensuite expliqué le responsable humanitaire. Mais, « du fait du manque de financement, l’aide parvient chaque mois à 2 millions de personnes de moins que l’année dernière, alors même que les besoins augmentent », a-t-il déploré.  À trois mois de la fin de l’année, l’appel humanitaire est financé à moins de 26%, a-t-il précisé. 

Compte tenu de l’ampleur des besoins et de la rareté des fonds, il est essentiel d’utiliser toutes les modalités disponibles pour fournir une aide humanitaire, a insisté M. Rajasingham.  Pour lui, l’acheminement de l’aide transfrontière menée par la Türkiye reste essentielle pour apporter une assistance à plus de 2,5 millions de personnes dans le besoin dans le nord-ouest de la Syrie, dont la moitié sont des enfants. 

M. Rajasingham a également jugé essentielles les opérations humanitaires à travers les lignes de front, pour atteindre les zones mal desservies dans d’autres parties du pays.  À cet égard, il a annoncé que, pour la première fois, les Nations Unies ont pu mener une mission d’évaluation transversale dans le sous-district de Kissoué, sur la rive orientale de l’Euphrate à Deïr el-Zor, un lieu où plus de 85% de la population a besoin d’une aide humanitaire. 

Parlant d’une crise générationnelle, dans laquelle de nombreux enfants ont été privés de l’innocence de leur jeunesse, M. Rajasingham a conclu en exigeant au minimum le respect du droit international humanitaire, et l’urgence d’investir dans les efforts de relèvement rapide. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Cisjordanie occupée: au lendemain de l’adoption d’une résolution « historique » à l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité est sommé de lui emboîter le pas

9728e séance – matin
CS/15826

Cisjordanie occupée: au lendemain de l’adoption d’une résolution « historique » à l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité est sommé de lui emboîter le pas

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Au lendemain de la série d’explosions meurtrières ayant ciblé les militants du Hezbollah au Liban, le risque d’escalade régionale du conflit israélo-palestinien est plus que jamais élevé, a mis ce matin en garde le Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, M. Tor Wennesland.  Devant le Conseil de sécurité, qui a été largement critiqué pour son inaction, M. Wennesland a vu dans le non-respect de la résolution 2334 (2016), qui demande à Israël de « cesser immédiatement et complètement toute activité de colonisation dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », comme l’un des facteurs aggravants de la crise. 

Venu présenter le rapport trimestriel du Secrétaire général sur la mise en œuvre de cette résolution, le haut fonctionnaire a signalé qu’au cours de la période à l’examen, les activités de colonisation se sont poursuivies, avec la construction ou l’approbation de la construction de pas moins de 6 370 logements en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est.  Il a fait état d’une décision d’Israël modifiant l’application des Accords d’Oslo, afin de placer sous autorité militaire la construction dans certains secteurs de la zone, sur fond de démolitions de logement et d’expulsions de Palestiniens, et de violences perpétrées par des colons, mais aussi par le Hamas et le Jihad islamique palestinien. 

L’autre fait marquant des trois derniers mois, a relevé le Coordonnateur spécial, est l’avis consultatif rendu le 19 juillet dernier par la Cour internationale de Justice (CIJ), qui exhorte Israël à mettre fin à sa présence illégale au regard du droit international dans le Territoire palestinien occupé.  Une demande reprise à leur compte par le Royaume-Uni et l’Observateur permanent de l’État de Palestine, M. Riyad H. Mansour, lequel a accusé Israël d’une lecture unique du droit international qui légalise les crimes de génocide, d’apartheid et de nettoyage ethnique perpétrés par lui. 

À cette instrumentalisation, M. Mansour a opposé l’avis « historique » de la CIJ, qui déclare que l’occupation du territoire palestinien doit cesser le plus rapidement possible.  Une décision renforcée par l’adoption, hier, « à une écrasante majorité » d’une résolution de l’Assemblée générale, « la toute première jamais présentée par l’État de Palestine », qui exige qu’Israël mette fin à sa présence illicite dans le Territoire palestinien occupé, « au plus tard 12 mois après l’adoption du texte ». 

Alors, si la CIJ et l’Assemblée générale sont capables de relever le tragique défi qui nous est posé, quand donc le Conseil de sécurité, l’organe chargé de la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, se montrera-t-il à la hauteur de son mandat et assurera-t-il la survie de l’ordre international fondé sur le droit? s’est demandé l’Observateur permanent.  Cet organe restera-t-il sourd aux appels de la CIJ? a renchéri l’Algérie, qui s’est interrogée sur ce qu’il restera de ce Conseil s’il ne donne pas suite aux ordonnances de l’une des instances juridiques onusiennes les plus importantes. 

Mme Helen Clark, membre des Sages (The Elders), a également estimé que le Conseil de sécurité doit emboîter le pas à la CIJ et à l’Assemblée générale, ayant la responsabilité de faire respecter ses résolutions et de s’attaquer aux causes profondes du conflit israélo-palestinien.  La Vice-Première Ministre et Ministre des affaires étrangères et européennes de la République de Slovénie, Mme Tanja Fajon, dont le pays préside le Conseil ce mois-ci, n’a pas dit autre chose, encourageant le Conseil à agir.  Au même titre que la Chine, elle a appelé à la convocation rapide d’une conférence de paix internationale, comme convenu à Madrid, pour faire progresser la solution des deux États. 

Souscrivant lui aussi au rejet des colonies de peuplement israéliennes, le Japon s’est en outre inquiété du risque d’embrasement régional du conflit après les incidents meurtriers qui se sont produits les jours derniers au Liban. « Personne ne souhaite une guerre à grande échelle entre Israël et le Hezbollah, et nous devons tous faire tout ce qui est en notre pouvoir pour l’éviter », a insisté le représentant japonais.  Tout en condamnant l’expansion illégale des colonies de peuplement par Israël, les États-Unis ont aussi exhorté le Hamas à accepter les accords de cessez-le-feu. 

Mais les Américains ne comptent sur le Conseil de sécurité que pour faire pression sur le Hamas, alors que les accords de cessez-le-feu ont été bloqués par Israël à plusieurs reprises, s’est insurgé le représentant de la Fédération de Russie.  Souhaitant que le Conseil vote une résolution sur un cessez-le-feu et la fasse respecter, il a lancé un appel à faire pression sur les États-Unis, davantage que sur le Hamas.  Pour la Fédération de Russie, l’approche américaine a non seulement échoué à mettre fin au conflit, mais elle l’a prolongé. 

Israël a pour sa part blâmé la République islamique d’Iran, accusée de vouloir remodeler le Moyen-Orient à son image à l’aide de ses « chiens d’attaque » que sont le Hamas, les houthistes du Yémen ou encore le Hezbollah, avec lesquels collabore l’Autorité palestinienne.  Pour le délégué israélien, aucun doute, « l’objectif de Téhéran est de transformer la Judée-Samarie en une nouvelle bande de Gaza  », avec l’arrivée d’armements de pointe grâce à l’emprise iranienne sur la Syrie et le Liban. 

«  Agissons contre la maladie elle-même et non plus ses symptômes.  Cette maladie, c’est le régime iranien! », s’est exclamé le représentant israélien, pour qui des « mesures prophylactiques » sont nécessaires.  « Que feriez-vous si vous aviez vent d’une attaque terroriste planifiée contre votre capitale?  Vous n’auriez aucun doute quant à la nécessité d’agir, nous n’en avons pas non plus.   Mais lorsque Israël déjoue des attaques terroristes contre ses civils, nous sommes condamnés », s’est indigné le représentant en dénonçant ce « deux poids, deux mesures ». 

Afin de rétablir une paix pérenne, les Sages proposent des principes directeurs basés sur l’autodétermination, la souveraineté et la sécurité mutuelle des deux peuples, a expliqué Mme Clark.  Tout d’abord, faire de la Palestine un État Membre de l’ONU à part entière, sans attendre les réformes en matière de gouvernance.  Ensuite, normaliser les relations entre Israël et les États arabes, mais à la condition que l’occupation israélienne des territoires palestiniens prenne fin.  Enfin, la sécurité des Palestiniens et des Israéliens doit être assurée de manière égalitaire, sans contrôle sécuritaire continu de la part d’Israël sur le peuple palestinien et il faudrait réaliser l’objectif d’un gouvernement palestinien unifié pour superviser Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est.  La France a dit souscrire à ces deux dernières recommandations. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE

Exposés

M. TOR WENNESLAND, Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, qui présentait le trente et unième rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre de la résolution 2334 (2016), lequel couvre les événements survenus entre le 11 juin et le 11 septembre, a dit sa préoccupation face au risque d’une escalade du conflit, mentionnant également en ce sens la récente série d’explosions au Liban et les tirs de roquettes sur Israël. 

Malgré la résolution, qui appelle Israël à « cesser immédiatement et complètement toute activité de colonisation dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », les activités de colonisation se poursuivent, a déploré M. Wennesland, qui a fait état d’un total de 6 370 logements avancés ou approuvés en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est.  Il a rappelé que le Gouvernement israélien avait signé un ordre militaire modifiant la mise en œuvre des Accords d’Oslo, afin de conférer au commandant militaire l’autorité sur la construction dans certaines parties du Territoire palestinien occupé.  Enfin, rapportant de nombreuses expulsions et démolitions, il a fait remarquer que ces dernières étaient motivées par une absence de permis de construire délivré par Israël, lesquels sont « presque impossibles à obtenir pour les Palestiniens ».  Le Coordonnateur spécial a également dénoncé les violences des colons en Cisjordanie, mentionnant notamment l’attaque menée contre le village de Jit dans la province de Qalqilya, mais aussi les exactions émanant du côté palestinien. 

M. Wennesland a évoqué l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ), rendu le 19 juillet 2024, par lequel la Cour considère comme une violation du droit international les colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie et leur régime associé.  Cet avis exhorte Israël à mettre fin à sa présence dans le Territoire palestinien occupé. Il appelle aussi les autres pays à ne pas reconnaître comme légale la situation résultant de la présence israélienne, a souligné le Coordonnateur. 

Citant les chiffres du Ministère de la santé de Gaza, M. Wennesland a fait remarquer que plus de 41 084 Palestiniens auraient perdu la vie dans le conflit à Gaza, dont une majorité de femmes et d’enfants.  Dans le même temps, selon des sources israéliennes, 101 otages kidnappés le 7 octobre 2023 sont encore retenus captifs, sur un total de 251. Évoquant le bilan des opérations létales des forces israéliennes à Gaza pendant la période couverte par le rapport, il a notamment fait remarquer qu’elles ont entraîné la mort de 27 employés des Nations Unies, portant à 224 le nombre de ces derniers tués depuis le début du conflit. 

Rappelant que la résolution 2334 (2016) appelle les parties à s’abstenir de provocations, le Coordonnateur spécial a dénoncé les menaces du Hamas et du Jihad islamique palestinien de reprise des attentats suicides, tandis qu’un élu israélien appelait au meurtre de tous les prisonniers palestiniens et que deux ministres revendiquaient la souveraineté israélienne sur des Lieux saints de Jérusalem. 

M. Wennesland a lancé un appel à la libération des otages et à l’arrêt des tirs de roquettes sur Israël, dénonçant en outre une punition collective injustifiable contre les civils gazaouites.  Il a rappelé le devoir d’Israël d’ouvrir des couloirs humanitaires à la mesure des souffrances éprouvées par la population de Gaza, estimant qu’elles avaient atteint un niveau inédit.  Appelant à un cessez-le-feu et à l’arrêt de toutes les violences contre les populations civiles, y compris les actes de terreur, il a exhorté les forces de sécurité israéliennes à faire preuve de retenue et Israël à se conformer au droit international, rappelant à cet État son devoir d’assurer la sécurité des civils en tant que Puissance occupante.  Se disant inquiet des rapports faisant état de torture exercée sur des prisonniers palestiniens, il a condamné les violences des colons israéliens et demandé qu’ils soient tenus responsables de leurs actes, appelant en outre à la fin de l’expansion des colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. 

M. Wennesland a rappelé la nécessité d’établir un cadre politique et sécuritaire à même de répondre à la catastrophe humanitaire, de reconstruire Gaza et d’établir les fondations d’un processus politique visant à établir la solution des deux États.  Ce cadre doit favoriser un gouvernement palestinien légitime qui puisse réunir Gaza et la Cisjordanie sur les plans politiques, économiques et administratifs, a-t-il fait valoir.  De tels progrès sont suspendus à l’occupation israélienne, mais doivent également répondre aux préoccupations sécuritaires légitimes d’Israël, a-t-il conclu. 

Mme HELEN CLARK, Représentante des Sages, a regretté que la résolution 2334 (2016) bien que pertinente, ne soit pas mise en œuvre telle qu’elle devrait l’être.  Condamnant à la fois l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 et la réponse disproportionnée d’Israël, elle a rappelé que le Conseil de sécurité a la responsabilité de faire respecter ses résolutions et de s’attaquer aux causes profondes du conflit.  Rappelant qu’un cessez-le-feu complet, immédiat et complet à Gaza est une étape indispensable à cette fin, elle a jugé profondément inquiétant que la résolution 2735 (2024) adoptée en ce sens ne soit toujours pas mise en œuvre. 

Constatant que la gestion actuelle du conflit a échoué, Mme Clark a prôné une nouvelle approche, par laquelle les membres du Conseil qui utilisent leur veto à des fins politiques cesseraient de saper l’autorité du Conseil. Elle a également rappelé que les États Membres se doivent de respecter les décisions de la (CIJ), y compris son récent avis consultatif sur la présence illégale d’Israël dans les Territoires palestiniens occupés. 

Bien que non contraignant, cet avis consultatif fait autorité, a-t-elle rappelé, estimant que l’Assemblée générale et le Conseil devraient adopter des résolutions afin de l’appuyer, telles que celle adoptée hier à l’Assemblée générale. 

Mme Clark a appelé les États Membres à cesser toute forme de coopération avec les colonies illégales et à appliquer des sanctions contre les entités et individus qui contribuent à leur expansion. Ces sanctions devraient également cibler les flux financiers illicites qui contribuent à l’expansion de ces implantations.  De même, le Conseil doit respecter le processus de reddition des comptes devant la Cour pénale internationale (CPI).  Pour Mme Clark, les États Membres qui sapent l’autorité de cette dernière ou qui utilisent leur veto pour protéger un allié ou s’opposer à un rival géopolitique, érodent l’autorité du Conseil et nuisent à leur propre réputation comme à leurs intérêts sur le long terme. 

Afin de rétablir une paix pérenne, les Sages proposent des principes directeurs basés sur l’autodétermination, la souveraineté et la sécurité mutuelle pour les deux peuples, a déclaré Mme Clark.  Premièrement, tous les membres du Conseil de sécurité devraient soutenir la reconnaissance de l’État de Palestine comme Membre de l’ONU à part entière, sans attendre les réformes en matière de gouvernance.  Deuxièmement, si la normalisation des relations entre Israël et les États arabes est essentielle à la paix dans la région, elle devrait être conditionnée à la fin de l’occupation israélienne des territoires palestiniens et au soutien de ce pays à la solution des deux États. Troisièmement, la sécurité des Palestiniens et des Israéliens doit être assurée de manière égalitaire, sans contrôle sécuritaire continu de la part d’Israël sur le peuple palestinien. Quatrièmement, l’objectif d’un seul gouvernement unifié qui supervise Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est doit être appuyé par toutes les parties palestiniennes, y compris le Hamas, ainsi que par tous les membres de la communauté internationale.  La réconciliation, une volonté politique et l’arrêt des transferts d’armes sont autant d’éléments nécessaires afin de mettre fin à l’impunité et de mettre en œuvre les obligations juridiques qui permettront une paix durable, a conclu Mme Clark. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale adopte une résolution historique qui exige d’Israël de mettre fin à sa présence illicite dans le Territoire palestinien occupé au plus tard dans 12 mois

Dixième session extraordinaire d’urgence (reprise),
55e et 56e séances plénières – matin & après-midi
AG/12626

L’Assemblée générale adopte une résolution historique qui exige d’Israël de mettre fin à sa présence illicite dans le Territoire palestinien occupé au plus tard dans 12 mois

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Au second jour de la reprise de la dixième session extraordinaire d’urgence sur les mesures illégales prises par les autorités israéliennes à Jérusalem-Est occupée ainsi que dans le reste du Territoire palestinien occupé, l’Assemblée générale a adopté, par 124 voix pour, 14 contre et 43 abstentions, une résolution qui exige d’Israël qu’il mette fin sans délai à sa présence illicite dans le Territoire palestinien occupé, laquelle constitue un fait illicite à caractère continu engageant sa responsabilité internationale, et qu’il le fasse au plus tard 12 mois après l’adoption du texte.

En rappel, c’est le 30 décembre 2022 que l’Assemblée générale avait adopté la résolution 77/247 dans laquelle elle a décidé de demander à la Cour internationale de Justice (CIJ) de donner un avis consultatif sur certaines questions en rapport avec le conflit israélo-palestinien.  Cet avis, rendu le 19 juillet 2024, stipule, entre autres, que la présence continue d’Israël dans le Territoire palestinien occupé est illicite, et qu’Israël est dans l’obligation d’y mettre fin dans les plus brefs délais. 

Fort de cet avis, outre la cessation immédiate de toute nouvelle activité de colonisation, l’Assemblée générale demande à Israël de restituer les terres et autres biens immobiliers, ainsi que l’ensemble des avoirs confisqués à toute personne physique ou morale depuis le début de l’occupation en 1967.  À cet égard, elle considère qu’il faut établir un mécanisme international aux fins de la réparation de l’ensemble des dommages, des pertes ou du préjudice résultant des faits internationalement illicites commis par Israël dans le Territoire palestinien occupé.

En outre, l’Assemblée générale demande la convocation dans un délai de six mois d’une conférence des Hautes Parties contractantes à la quatrième Convention de Genève, relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, pour que celles-ci examinent les mesures à prendre pour faire appliquer la Convention dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.

En présentant le texte hier, l’Observateur permanent de l’État de Palestine, qui se prêtait pour la première fois à cet exercice, avait demandé à tous de respecter le droit international et de ne pas le sacrifier sur l’autel de calculs politiques froids et irresponsables.  Pour sa part, Israël avait objecté en évoquant un texte semblable à du « terrorisme diplomatique », avançant que chaque vote pour ce « cirque » ne contribuera qu’à alimenter la violence. 

Parmi les 14 opposants* à ce texte, la Tchéquie a estimé que la résolution ne traite pas de la situation sécuritaire à laquelle se heurte Israël à la suite de l’attaque du Hamas.  En raison de la formulation unilatérale posée par la question, la CIJ ne pouvait en aucune manière faire cas du droit à la légitime défense d’Israël, a estimé la délégation selon qui l’avis consultatif a été interprété de façon biaisée.  L’Argentine a mis en avant le « détournement » du mécanisme juridique de la CIJ qu’est l’avis consultatif.  Pour sa part, la Hongrie a déploré le fait que la résolution ne jette pas les bases de la mise en œuvre de l’avis de la CIJ en l’interprétant de manière sélective et en fixant des délais irréalistes.

Avant la procédure de mise aux voix, la Papouasie-Nouvelle-Guinée avait pointé le niveau d’opinions divergentes des juges de la CIJ sur cet avis consultatif et sur sa portée.  Pour la délégation cela affecte la crédibilité de l’avis consultatif, et c’est la raison pour laquelle elle a décidé de ne pas soutenir la résolution.

A contrario, Saint-Vincent-et-les Grenadines, qui a également pris la parole avant le vote, a estimé que l’avis consultatif émis est conforme aux nombreuses résolutions adoptées par l’Assemblée générale.  C’est pour cette raison notamment que la délégation a choisi de soutenir le texte proposé par la Palestine.  Une posture également soutenue par les Îles Marshall qui ont mis en avant leur attachement au droit international.

De nombreux autre États ont eux aussi expliqué les raisons de leur soutien à ce texte après son adoption.  C’est le cas de la Nouvelle-Zélande qui a fait valoir son vœu de voir la fin de ce conflit qui a un impact dans toute la région.  Pour Singapour, il aurait tout de même été important de requérir l’assentiment des États avant de demander l’avis consultatif de la CIJ. La Thaïlande a espéré que le texte insufflera un nouvel élan en faveur de la paix dans la région, tandis que le Japon et la Lettonie ont insisté sur l’importance du respect du droit international. 

« Le droit international et l’état de droit sont au cœur de la Charte des Nations Unies et un bouclier contre toute forme de violation », a renchéri la Grèce qui a appelé à protéger le travail de la CIJ même en cas de désaccord.  Idem pour la Belgique selon qui le respect du droit international « doit être notre boussole ».  Dans la même veine, l’Estonie a dit avoir voté en faveur du texte conformément à son attachement à un ordre mondial fondé sur des règles et au droit international. « Nous aurions préféré que le texte de cette résolution reprenne exactement l’avis de la CIJ que nous soutenons », a signalé la France qui a néanmoins voté en faveur du texte. Il en va de même de Monaco qui a réaffirmé son soutien au droit international et au droit international humanitaire comme socle des relations internationales, Chypre insistant pour sa part sur le rôle primordial que joue la CIJ dans un système fondé sur des règles. Évoquant un vote de solidarité avec le peuple palestinien et de soutien au droit international, la Syrie a plaidé pour un État palestinien souverain avec un statut de membre à part entière au sein de l’ONU. 

À côté des opposants et des soutiens à la résolution, un peu moins du quart des États Membres (43) ont préféré s’abstenir pour diverses raisons.  Le Royaume-Uni a par exemple dit préférer que la communauté internationale se focalise sur la promotion du droit international et encourage les négociations entre les parties.  La Bulgarie a jugé que la résolution va au-delà de l’avis consultatif, alors que le Guatemala a mis en avant sa constante opposition aux actes de terrorisme.  L’Autriche a dit plaider pour un processus politique et des négociations entre les parties, ce qui n’est pas reflété dans cette résolution.

Le Canada a dit approuver certains aspects de la résolution, mais n’admet pas une résolution dans laquelle une partie, l’État d’Israël, est tenue seule responsable du conflit.  Ce texte ne fait aucune mention de la nécessité de mettre fin au terrorisme, qui préoccupe Israël en matière de sécurité, a regretté la délégation.

La République de Corée s’est dite préoccupée par le fait que certaines actions énumérées aux paragraphes 4 et 5, ne relèvent pas de l’avis consultatif de la CIJ.  L’Australie a estimé pour sa part que la résolution dépasse le cadre de l’avis consultatif. 

Les Pays-Bas ont regretté que le texte présenté ne tienne pas compte du contexte du conflit actuel, soit les attaques du 7 octobre dernier, tandis que l’Inde a dit avoir préféré l’abstention car il n’y a pas d’alternative que le dialogue entre les parties pour parvenir à la paix.  La Suisse a aussi regretté que certains points du libellé vont au-delà de l’avis consultatif, alors que l’Allemagne a dit s’être abstenue également parce que la résolution va au-delà de l’avis consultatif et fixe un calendrier irréaliste.  Kiribati a aussi expliqué son abstention en conformité avec sa position de longue date sur le conflit israélo-palestinien. 

Notant que la CIJ n’a pas fixé de délai pour la mise en œuvre de son avis, la Suède a estimé qu’il aurait été préférable que la résolution accorde plus de temps aux parties pour discuter et identifier les modalités de suivi de l’avis consultatif.  L’Italie s’est abstenue face à une résolution qui va au-delà de l’avis consultatif de la CIJ, notamment en ce qui concerne les sanctions.  Pour la délégation, la communauté internationale et les Nations Unies ne devraient pas passer par des raccourcis pour parvenir à la solution des deux États.  Le calendrier proposé par la résolution ne fait pas partie de l’avis consultatif de la CIJ, a objecté l’Équateur en justifiant son abstention.  Même son de cloche pour le Costa Rica qui a dénoncé les mesures commerciales coercitives établies par la résolution. 

La séance a débuté et s’est achevée avec l’intervention des délégations désireuses de prononcer un discours depuis la tribune.

*Argentine, États-Unis, Fidji, Hongrie, Israël, Malawi, Micronésie, Nauru, Palaos, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Paraguay, Tchéquie, Tonga, Tuvalu

La prochaine réunion de l’Assemblée générale sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: des millions de vies sont en danger au Soudan, en particulier à El-Fasher, ont alerté deux hautes responsables de l’ONU

9727e séance – après-midi
CS/15825

Conseil de sécurité: des millions de vies sont en danger au Soudan, en particulier à El-Fasher, ont alerté deux hautes responsables de l’ONU

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Cet après-midi, deux hautes responsables de l’ONU ont alerté les membres du Conseil de sécurité que « des millions de vies sont en danger au Soudan ».  Si Mme Ama Akyaa Pobee, Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique, a pointé les effets dévastateurs de la nouvelle escalade des combats à El-Fasher, Mme Joyce Msuya, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, a présenté trois « recommandations décisives » dont la nécessité d’augmenter l’aide humanitaire.  « L’ONU reste déterminée à travailler avec toutes les parties prenantes concernées pour aider à mettre fin au conflit, en commençant par une cessation immédiate des hostilités », a assuré Mme Pobee.

Toutes les deux ont décrit une vague de violence à El-Fasher où les centaines de milliers de civils pris au piège risquent désormais de subir les conséquences de violences de masse au moment où les combats engloutissent la ville et atteignent les établissements sanitaires.  Mme Pobee a fait part de l’extrême vulnérabilité de la population, notamment les personnes déplacées vivant dans des camps très vastes, notamment près d’El-Fasher. 

En premier lieu, Mme Pobee a regretté l’échec des efforts des partenaires internationaux pour tenter d’obtenir une désescalade de la situation et éviter de nouvelles souffrances à El-Fasher, après l’adoption de la résolution 2736 (2024) qui demandait aux Forces d’appui rapide de mettre fin au siège de la ville et de cesser immédiatement les combats. 

Elle a dit craindre que la poursuite des combats ne dégénère en conflit ethnique et ne gagne l’ensemble de la région.  Mme Pobee a donc jugé essentiel de réitérer l’appel du Secrétaire général aux parties afin qu’elles désamorcent la situation et épargnent aux civils de nouvelles souffrances.  Elle s’est appesantie sur le travail de l’Envoyé personnel du Secrétaire général, M. Ramtane Lamamra, qui de concert avec les médiateurs régionaux et internationaux, continuera de coordonner les efforts de médiation internationale au Soudan afin de promouvoir le dialogue visant la fin de la guerre, la cessation des hostilités, la protection des civils et l’accès humanitaire.

Pour Mme Joyce Msuya, qui est la Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, la « guerre brutale », qui dure depuis 17 mois, n’a pas de fin en vue.  Au contraire, l’arrivée des déplacés à El-Fasher, ville d’un million d’habitants, a fait gonfler le nombre d’habitants, sachant que des centaines de milliers de personnes y cherchent refuge après avoir fui la violence ailleurs.  Mme Msuya a regretté elle aussi que les appels à l’arrêt immédiat des combats et à la désescalade à El-Fasher et dans les environs n’aient pas été entendus.  Et elle en a déploré la conséquence: la situation humanitaire ne cesse de se détériorer. 

Concrètement, elle a fait savoir que les bombardements aériens ont touché les civils, endommagé les infrastructures civiles, notamment des hôpitaux et des camps de personnes déplacées, mettant en danger des centaines de milliers de personnes, dont plus de 700 000 de personnes déplacées à El-Fasher et dans les environs. Elle s’est désolée de voir que les parties au conflit ne font aucun effort pour protéger les établissements de santé et les civils.  Ainsi, sur les trois principaux hôpitaux de la ville, un seul est en activité, tandis que le seul centre de dialyse de la ville et des installations vitales pour la chaîne du froid des vaccins ont également été attaqués. 

La situation est telle que près de 1,7 million de personnes dans le Darfour septentrional sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë, s’est alarmée la haute responsable.  Dans le camp de Zamzam, qui abrite environ un demi-million de personnes, la famine s’installe et la situation ne fait que s’aggraver selon les dernières évaluations effectuées par Médecins Sans Frontières (MSF) et le Ministère de la santé entre le 1er et le 5 septembre.  Environ 34% des enfants souffrent de malnutrition, dont 10% de malnutrition sévère. Par ailleurs, la situation est aggravée par des obstacles presque infranchissables à l’acheminement de l’aide humanitaire, ce qui limite énormément la présence des travailleurs humanitaires à El-Fasher.  Seuls les humanitaires locaux sont restés sur place pour s’occuper de leurs familles.  L’aide aux personnes nouvellement déplacées dans le camp est donc très limitée. 

Pour résoudre les problèmes d’accès, le Programme alimentaire mondial (PAM) a lancé une opération de distribution de nourriture dans le camp de Zamzam, a informé Mme Msuya.  Le PAM compte aider 179 000 personnes ce mois-ci.  Cette grave situation humanitaire exige une désescalade rapide du conflit, a insisté la haute fonctionnaire préoccupée par les signes indiquant que les combats vont s’intensifier à mesure que la saison des pluies touche à sa fin, dans les mois à venir. 

Notant que la réouverture du point de passage d’Adré depuis le Tchad a été une étape importante, elle a martelé qu’une opération humanitaire à grande échelle et sans entrave est nécessaire pour sauver des vies.  Il s’agit d’une situation « de vie ou de mort ». Pour cela, il est essentiel d’accorder un accès transfrontalier supplémentaire, notamment par les routes de Aweil et Panakuach.  Il faut également un accès immédiat et sûr à travers les lignes de front de Port-Soudan vers les États de Gazira, de Sannar, de Khartoum, du Darfour et du Kordofan. 

Trop de personnes ont déjà perdu la vie dans ce conflit insensé, a regretté Mme Msuya.  Beaucoup d’autres le seront si le Conseil et la communauté internationale dans son ensemble ne prennent pas de mesures décisives, a-t-elle mis en garde.  Elle a aussi exigé des parties qu’elles respectent leurs obligations en droit international humanitaire ainsi que les résolutions du Conseil de sécurité.  « Le Conseil doit y veiller. »  Les parties doivent s’abstenir de prendre pour cible les civils, les biens civils et les installations essentielles telles que les hôpitaux, a-t-elle supplié.  Elle a encore demandé aux parties de permettre l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire par toutes les voies transfrontalières possibles, et de faciliter le passage en toute sécurité à ceux qui fuient les violences. 

En conclusion, la Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence a prié les États Membres de faire pression sur les parties afin qu’elles acceptent une pause humanitaire permettant de sauver des vies, de donner un répit aux civils et de permettre l’acheminement de l’aide.  Elle a demandé aux donateurs de fournir les ressources nécessaires pour faire face à cette crise sans précédent.  Au 17 septembre, a-t-elle rappelé, le financement de l’appel humanitaire s’élevait à 1,3 milliard de dollars, soit moins de 50% des 2,7 milliards de dollars nécessaires. 

L’arrivée des dirigeants mondiaux, la semaine prochaine, à New York pour l’ouverture de l’Assemblée générale, devrait être l’occasion de mettre fin à ce conflit et de démontrer notre solidarité avec le peuple soudanais, a espéré la Coordonnatrice.  « Des millions de vies dépendent de nous.  Il est temps d’agir », a-t-elle lancé aux membres du Conseil, dont 12 se sont exprimés sur cette situation, ainsi que le Soudan.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: inquiétudes sur les retombées pour les femmes et les filles afghanes de la nouvelle loi du pouvoir taliban sur « la moralité »

9726e séance – matin
CS/15824

Conseil de sécurité: inquiétudes sur les retombées pour les femmes et les filles afghanes de la nouvelle loi du pouvoir taliban sur « la moralité »

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Réunis ce matin pour une séance d’information ouverte sur l’Afghanistan, plus particulièrement centrée sur la situation des femmes et des filles, les membres du Conseil de sécurité, ainsi que sept États invités, ont entendu la Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), Mme Roza Otunbayeva, et la Directrice exécutive de l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), Mme Sima Sami Bahous, exprimer leur profonde préoccupation après la promulgation, le 21 août dernier, d’une nouvelle loi sur « la moralité » par les autorités de facto. 

Après s’être déclarée encouragée par la participation, en juillet, d’une délégation de Kaboul à la troisième réunion au « format Doha », qui a permis aux États Membres et aux organisations internationales de dialoguer directement avec les autorités de facto sur un éventail de préoccupations, notamment le sort de femmes et des filles afghanes, la Représentante spéciale a regretté que l’adoption de la nouvelle loi ait « mis à mal ce processus ». 

« Quelle soit intentionnelle ou non, cette loi, qui impose à la population afghane certaines des restrictions les plus sévères que la communauté internationale a déjà condamnées, envoie un signal politique négatif concernant un véritable engagement », a déploré Mme Roza Otunbayeva, précisant que la nouvelle législation a été rédigée par un petit groupe d’érudits religieux, « sans consultation de la population », et donne des pouvoirs d’exécution étendus et discrétionnaires au Ministère de facto de la propagation de la vertu et de la prévention du vice. 

Anticipant le fait que cette loi aura des effets disproportionnés sur les femmes, la Représentante spéciale a indiqué que la MANUA, qu’elle dirige, a déjà reçu des informations faisant état de femmes empêchées d’aller travailler dans des stations de radio, de chauffeurs refusant de transporter les femmes non accompagnées d’un membre masculin de leur famille et d’une application plus stricte de la ségrégation et des codes vestimentaires sur le lieu de travail. 

Alors que la plupart de ses dispositions étaient déjà en place dans des décrets ou des édits antérieurs, la nouvelle loi « entraîne une nouvelle détérioration là où nous pensions ne pas pouvoir aller plus bas », s’est émue à son tour la Directrice exécutive d’ONU-Femmes.  Elle oblige en effet les femmes et les filles à couvrir tout leur corps et leur visage partout en dehors de chez elles et leur interdit de parler en public, d’utiliser seules les transports publics ou même de regarder des hommes avec lesquels elles n’ont aucun lien de sang ou d’alliance. 

De l’avis de Mme Sima Sami Bahous, la situation est d’autant plus inquiétante que de nombreuses dispositions sont formulées de manière ambiguë et, par conséquent, sujettes à une interprétation arbitraire, accordant ainsi des pouvoirs étendus de coercition à la police des mœurs.  De fait, a-t-elle souligné, « les femmes afghanes ne craignent pas seulement ces lois oppressives, elles craignent également leur application capricieuse ». 

Cette nouvelle « loi morale », qui affecte la cohésion sociale de l’Afghanistan, a déclenché une nouvelle vague de protestations en ligne, où des femmes afghanes chantent, le visage découvert et les cheveux détachés, en signe de défi à la loi, a relevé Mme Bahous, avant d’avertir que le PIB afghan risque de perdre 5% par an du fait de l’exclusion des femmes du marché du travail et même reculer de 2/3 d’ici à 2066 si la suspension de l’accès des femmes à l’enseignement supérieur reste en place. 

Plutôt que de sacrifier les droits des femmes afghanes sur l’autel de la poursuite de progrès dans la lutte contre les stupéfiants ou la prévention du terrorisme, la communauté internationale devrait, selon elle, investir dans les organisations de la société civile dirigées par des femmes et les renforcer. Pour la Directrice exécutive d’ONU-Femmes, il est impératif qu’au moins 30% de tous les financements destinés à l’Afghanistan soient consacrés à des initiatives ciblant directement l’égalité des sexes et les droits des femmes.  Les États Membres devraient en outre cesser de « normaliser les pratiques discriminatoires » et arrêter d’envoyer des délégations exclusivement masculines rencontrer les Taliban ou de cantonner les femmes à des fonctions administratives, a-t-elle préconisé, appelant à plaider pour la parité femmes-hommes dans les interactions internationales avec les autorités de facto. 

« Nous ne prétendons pas que ces actions changeront l’Afghanistan du jour au lendemain, ni qu’elles ramèneront les filles à l’école immédiatement, mais elles sont réalisables et elles sèmeront les graines du changement à l’avenir », a soutenu Mme Bahous, dont les propos ont trouvé un écho dans le témoignage d’une jeune représentante de la société civile afghane. 

Dissimulée par mesure de précaution, Mme Mina a fait état du traumatisme qu’elle a vécu lors de l’arrivée au pouvoir des Taliban, il y a trois ans.  Les nouvelles autorités de facto « m’ont pris ma liberté et ont décidé de mes vêtements, de mon comportement, des personnes avec qui je devais aller et de ma capacité à vivre ou mourir ».  Précisant qu’elle a réussi à quitter l’Afghanistan quelques mois plus tard, elle a dit avoir « survécu à ce chaos » tout en ayant conscience que d’autres continuent d’en souffrir.  « Le seul autre choix était de rester, de ne plus aller à l’école, de ne pas pouvoir travailler et de renoncer à vivre dans la dignité », a-t-elle confié, avant d’exprimer l’espoir que suscite chez elle le fait que des filles afghanes cloîtrées chez elles conservent leurs livres pour étudier et aient le courage d’exiger leurs droits. 

« Elles attendent que nous les aidions à sortir de ce cauchemar », a indiqué la jeune femme, exhortant le Conseil de sécurité à reconnaître la réalité de cette ségrégation et à tout faire pour permettre aux femmes et aux filles afghanes d’avoir droit à l’éducation et de s’autonomiser. 

La grande majorité des membres du Conseil se sont montrés sensibles à cet appel à l’aide, dénonçant avec force la régression supplémentaire que constitue pour les Afghanes la nouvelle loi sur la moralité.  D’autres ont cependant fait entendre une voix différente, jugeant préférable de maintenir un contact avec les autorités de facto plutôt que de les isoler.  La Chine a ainsi invité ces dernières à prendre des mesures pour protéger les droits fondamentaux des femmes et des filles, tout en exhortant la communauté internationale à appuyer la reconstruction et le relèvement de l’Afghanistan, « dans l’intérêt de tous les membres de sa population, y compris des femmes ».  De son côté, la Fédération de Russie a dit « suivre de près l’évolution de la situation dans le domaine des droits de tous les Afghans », avant de suggérer au pouvoir taliban de « mettre en place un système de gouvernement qui tienne compte des droits et des besoins de l’ensemble de la population du pays », sans pression extérieure. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Assemblée générale: l’État de Palestine appelle à ne pas sacrifier le droit international sur l’autel de calculs politiques froids et irresponsables

Dixième session extraordinaire d’urgence (reprise),
53e et 54e séances plénières – matin & après-midi
AG/12625

Assemblée générale: l’État de Palestine appelle à ne pas sacrifier le droit international sur l’autel de calculs politiques froids et irresponsables

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

« Je me tiens sur cette tribune pour vous dire que la justice est le seul chemin vers la paix.  Je vous demande à tous de respecter le droit international et de ne pas le sacrifier sur l’autel de calculs politiques froids et irresponsables. »

C’est en ces termes que l’Observateur permanent de l’État de Palestine a présenté pour la première fois à l’Assemblée générale un projet de résolution exigeant qu’Israël s’acquitte sans délai de toutes les obligations juridiques énoncées par la Cour internationale de Justice (CIJ).  Par ce texte, l’Assemblée générale se féliciterait notamment de l’avis consultatif rendu par la CIJ le 19 juillet 2024 en ce qui concerne les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de l’illicéité de la présence d’Israël dans ce territoire. 

« Nous ne sommes pas un peuple de trop.  Nous ne sommes pas un problème.  Nous voulons vivre dans la liberté, la souveraineté, la dignité, la paix et la sécurité sur notre terre ancestrale », a souligné l’Observateur permanent de l’État de Palestine qui a prévenu que « ce qui se passe aujourd’hui à Gaza pourrait bien être le dernier chapitre de la tragédie endurée par le peuple palestinien, ou bien le premier chapitre d’une réalité encore plus tragique pour notre région. »

Pour Israël en revanche, ce texte ne serait rien de moins que du « terrorisme diplomatique ».  Affirmant que l’époque où le sang juif pouvait couler en toute impunité est révolue, le Représentant permanent d’Israël a averti que chaque vote pour ce « cirque » ne contribuera qu’à alimenter la violence. 

« Comment pouvez-vous adopter une résolution unilatérale sans réfléchir à ce qu’a enduré le peuple israélien le 7 octobre? » a-t-il lancé, pointant le silence des dirigeants de l’Autorité palestinienne après le massacre perpétré par le Hamas. 

Pourtant, sans justice et sans état de droit, les Israéliens comme les Palestiniens n’atteindront pas ce à quoi ils aspirent le plus: la paix et la sécurité, a fait valoir le Président de la soixante-dix-neuvième session de l’Assemblée générale.  En convoquant cette reprise de la dixième session extraordinaire d’urgence sur les mesures illégales prises par les autorités israéliennes à Jérusalem-Est occupée ainsi que dans le reste du Territoire palestinien occupé, M. Philémon Yang a donné suite à une demande du Groupe des États arabes, de l’Organisation de la conférence islamique et du Mouvement des pays non alignés. 

Les États Membres ont été nombreux à partager ce point de vue et à invoquer l’impératif du respect du droit international, de la Charte des Nations Unies et des résolutions des organes onusiens, et des ordonnances de la CIJ.  Il en va du multilatéralisme et de l’ordre mondial fondé sur le droit, n’ont cessé de souligner ces délégations. 

Nous sommes attachés à la primauté du droit international et à une paix juste et durable dans notre région, a notamment affirmé l’Observateur permanent de l’État de Palestine.  Or, pour ce faire, la communauté internationale se doit de veiller à ce que les mêmes règles s’appliquent à tous.  « Pas de parti pris.  Pas de deux poids, deux mesures.  Pas d’exceptionnalisme », a tranché la délégation, prévenant qu’« une justice retardée est une justice refusée ».

Inscrivant l’adoption de ce texte uniquement dans le contexte de l’attentat du 7 octobre, le représentant d’Israël a rappelé qu’il y a 11 mois, une « armée terroriste » a envahi le sud de son pays et tué plus de 1 000 de ses concitoyens, alors que plus de 100 000 Israéliens continuent d’être déplacés en raison des attaques du Hamas au sud et du Hezbollah au nord. 

Mais du point de vue de la délégation israélienne, le projet de résolution soumis à l’Assemblée conduirait à la « distorsion » de l’avis de la CIJ, remplacerait la réalité par la fiction et manipulerait les faits ».  « Aucun autre pays ne fait l’objet de telles atteintes incessantes et obsessionnelles », a-t-il dénoncé, avant de constater que, ces 10 dernières années, 155 résolutions de l’Assemblée générale ont condamné Israël contre 88 pour tous les autres pays combinés.  « La seule démocratie du Moyen-Orient a été condamnée deux fois plus que le reste du monde », a décrié la délégation. 

« Si, d’après le représentant d’Israël, cette Assemblée est un cirque, c’est lui le clown qui tronque la réalité », a réagi le délégué libyen.  Ce dont il est question ici aujourd’hui c’est de savoir s’il faut ou non respecter le droit international et les conclusions de la CIJ, a soutenu la délégation.  « Quelle sera votre position?  De quel côté de l’histoire serez-vous si vous ne pouvez pas voter pour la paix et la justice et contre l’occupation?  Comment pourrez-vous ensuite réclamer la reddition de comptes ailleurs? »

Cette résolution ne mettra pas un terme au conflit, ne ramènera par les otages, ne facilitera pas l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza et n’aidera pas l’Autorité palestinienne à réunifier la Cisjordanie et la bande de Gaza, a prévenu pour sa part la délégation des États-Unis qui a appelé à voter contre un texte qui ne contient pas d’appel à la réforme de l’Autorité palestinienne et n’enjoint pas le Hamas, « qui continue à utiliser des boucliers humains », à mettre en œuvre la résolution 2735 (2024) du Conseil de sécurité.  « Le geste symbolique recherché par la Palestine ne permettra pas d’alléger les souffrances des civils à Gaza », a souligné la représentante selon qui le règlement de ce conflit ne pourra se faire que par le truchement de négociations entre les deux parties, et en faisant fond sur la notion de « la terre contre la paix ». 

Invoquant la primauté du droit, les délégations des pays arabes, et bien d’autres, lui ont opposé le droit à l’autodétermination du peuple palestinien, qui a été réaffirmé par la Cour dans son avis consultatif.  Ce dernier rappelle qu’Israël, en tant que Puissance occupante, a l’obligation de ne pas empêcher le peuple palestinien d’exercer ce droit qui comprend le droit à un État indépendant et souverain sur l’ensemble du Territoire palestinien occupé, a souligné la Norvège, notant que la poursuite de l’occupation et la présence illégale d’Israël dans le Territoire palestinien occupé n’est pas compatible avec une solution à deux États.  Il s’agit d’un impératif moral pour la communauté internationale que de reconnaître le statut de membre à part entière à la Palestine et son droit à l’autodétermination, a tranché l’Indonésie. 

À l’instar de la Syrie, qui parlait au nom du Groupe arabe, les délégations ont été nombreuses à relever que l’avis consultatif de la CIJ confirme l’illicéité de l’occupation israélienne du Territoire palestinien occupé.  Les crimes israéliens, y compris en Cisjordanie, doivent cesser, a exigé la délégation, tandis que le Qatar a indiqué poursuivre sa médiation pour arriver à un cessez-le-feu.  Le Brésil a souligné pour sa part que le suivi de l’avis consultatif de la CIJ impose une action décisive pour permettre un retour à la légalité dans tous les territoires palestiniens occupés. 

Mais quel sera le sort de l’avis de la CIJ?  Sera-t-il appliqué? s’est inquiétée la délégation libanaise qui a dénoncé le risque posé par Israël qui veut attirer le Liban dans le conflit.  Elle a également qualifié de crime de guerre l’attaque coordonnée d’aujourd’hui contre des bipeurs, ayant fait des milliers de blessés et plusieurs morts sur son territoire.  Cette attaque cybernétique a également été condamnée par l’Iran qui a précisé que son ambassadeur au Liban compte parmi les victimes. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: sans volonté et solution politiques, le cycle de la souffrance continuera à Gaza, préviennent les responsables onusiens

9725e séance – matin
CS/15821

Conseil de sécurité: sans volonté et solution politiques, le cycle de la souffrance continuera à Gaza, préviennent les responsables onusiens

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Ce matin, au Conseil de sécurité, la Coordonnatrice de haut niveau de l’action humanitaire et de la reconstruction à Gaza a présenté les travaux de l’équipe du mécanisme mis en place par la résolution 2720 (2023) sur les questions d’accès humanitaire à Gaza, ainsi que des solutions potentielles pour surmonter les obstacles politiques et opérationnels.  Malgré ces efforts, a-t-elle averti, le cycle de la souffrance continuera à Gaza s’il n’y a pas de solution politique.  La plupart des membres du Conseil ont bien entendu déploré les morts parmi les civils, les diverses entraves à l’action humanitaire à Gaza et, plus généralement, le non-respect du droit international humanitaire par les parties en conflit. 

Mme Sigrid Kaag, qui coordonne ce mécanisme dont le but est de faciliter, coordonner, surveiller et vérifier la nature humanitaire de tous les envois de secours acheminés à Gaza, a souligné que les opérations humanitaires n’atteignent pas encore leurs buts en termes de quantité et de qualité des produits.  Elle a en effet regretté les nombreux blocages qui entravent ces opérations, tels que les restrictions administratives, les infrastructures défaillantes et les conditions de travail difficiles pour les humanitaires dont plusieurs ont payé leur engagement de leur vie.  Elle a assuré travailler à corriger la situation, prévenant que tout retard conduira à davantage de pertes en vies humaines. 

La Coordonnatrice de haut niveau n’a pas manqué de condamner les incidents sécuritaires récents « inacceptables », comme les tirs visant les convois humanitaires. Près d’une année après les attaques du 7 octobre, elle a jugé urgent de libérer les 101 otages encore détenus à Gaza, évoquant également les 41 000 Palestiniens tués et les plus de 93 000 blessés dans la bande de Gaza depuis cette date. Elle a appelé toutes les parties au conflit à respecter le droit international humanitaire. 

Soulignant le succès de la campagne de vaccination contre la poliomyélite à Gaza, Mme Kaag a fait remarquer que même dans les pires circonstances, s’il y a volonté politique, l’action humanitaire reste possible.  Elle a misé de plus sur l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) qui, selon elle, représente « l’ossature des actions humanitaires à Gaza ». 

L’UNRWA met en œuvre « notre volonté collective », a confirmé le Directeur exécutif du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS).  M. Jorge Moreira da Silva a rappelé que l’UNOPS s’est engagé à soutenir la capacité opérationnelle de chaque couloir humanitaire.  Le Bureau a ainsi fourni 280 camions pour le couloir jordanien et 38 à la communauté humanitaire présente à l’intérieur de la bande de Gaza.  Il a salué le soutien généreux des États Membres qui ont appuyé ces efforts pour l’opérationnalisation du mécanisme 2720, ainsi que le travail des partenaires locaux sur le terrain.  Lui aussi a mis en avant le besoin impérieux de volonté politique, sans laquelle la livraison effective de l’aide humanitaire à l’échelle nécessaire sera tout simplement impossible. 

Ce qui manque, a rebondi la Fédération de Russie, « c’est la volonté politique des États-Unis et de leurs satellites ».  La délégation a regretté que le cessez-le-feu intégral prévu par la résolution 2720 (2023) soit resté lettre morte, arguant que la situation abominable qui règne à Gaza est le résultat de la poursuite de l’opération militaire israélienne, couverte par les États-Unis.  Pour l’Algérie également, la « douloureuse vérité » est que le mécanisme 2720 n’a pas eu le résultat escompté et que les acheminements quotidiens ont même diminué depuis l’adoption de la résolution.  La délégation a de plus déploré la mort de six membres de l’UNRWA dans des frappes aériennes, y voyant la preuve de la grave érosion des normes du droit.  Cette agence de l’ONU, dont 240 fonctionnaires ont perdu la vie à Gaza, est pourtant le « pilier de l’action humanitaire dans l’enclave », a aussi mis en avant la Chine qui a, du reste, salué le travail que l’agence continue d’effectuer sur le terrain. 

Israël s’est défendu en faisant observer que les frappes menées par les Forces de défense israéliennes le 11 septembre dernier ciblaient des terroristes opérant à l’intérieur d’un bâtiment qui avait jadis été une école, cette action ayant permis d’« éliminer » trois terroristes.  Le jour, ils travaillaient à l’UNRWA, la nuit pour le Hamas, a expliqué la délégation pour qui l’agence de l’ONU est devenue l’un des acteurs prolongeant les souffrances et la famine à Gaza.  Le représentant d’Israël a par ailleurs déploré que cette discussion sur la situation humanitaire occulte le sort des otages toujours détenus dans les pires conditions imaginables et exécutés de sang-froid par le Hamas.  D’ailleurs, a-t-il dit, Israël est allé largement au-delà de ses obligations pour améliorer le bien-être de la population civile en livrant plus d’un million de tonnes d’aide à Gaza, transportée par plus de 50 000 camions. 

Si Israël s’est engagé à inonder Gaza d’aide, cela ne s’est pas concrétisé, a pour sa part constaté le Royaume-Uni, tandis que la représentante du Japon a dit être « frustrée et profondément déçue » que son appel à la protection du personnel humanitaire et du personnel de l’ONU n’ait pas été entendu.  Le respect du droit international humanitaire est une obligation pour Israël, a-t-elle fait observer, appuyée en cela par les États-Unis qui ont jugé injustifiable les attaques contre le personnel humanitaire.  « Les forces israéliennes sont professionnelles et savent ce qu’elles font; elles doivent changer leur façon d’opérer », a lancé la déléguée américaine qui a en outre rendu hommage à sa ressortissante tuée la semaine dernière en Cisjordanie.  « Nous réclamerons des détails à Israël, ainsi que la vérité », a-t-elle lancé. 

Malgré cette litanie de reproches, plusieurs interventions ont salué la première phase de la campagne de vaccination contre la poliomyélite menée par les Nations Unies à Gaza, avec la collaboration d’Israël qui a consenti à faire des pauses tactiques dans ses opérations militaires. 

Quant à l’avenir de la bande de Gaza, la reconstruction a été sujet d’inquiétude.  « Que restera-t-il de Gaza si l’opération israélienne se poursuit à ce rythme? », a demandé la Fédération de Russie tandis que de nombreuses voix s’interrogeaient sur les perspectives à long terme.  C’est dans cette même veine que la France a appelé la communauté internationale à donner un horizon aux populations civiles de Gaza et à créer les conditions de la reconstruction, avec des projets de relèvement précoce pour rétablir les services de base. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE

Exposés

Mme SIGRID KAAG, Coordonnatrice de haut niveau de l’action humanitaire et de la reconstruction à Gaza, a relevé que près d’une année après les attaques du 7 octobre, il est urgent de libérer les 101 otages encore détenus à Gaza.  Dans le même temps, 41 000 Palestiniens ont été tués et plus de 93 000 ont été blessés dans la bande à Gaza.  Les infrastructures sanitaires y ont été endommagées et au moins 625 000 élèves ne vont pas à l’école.  Nous avons besoin d’un cessez-le-feu immédiat, la libération des otages et un accès humanitaire sans entrave, a-t-elle plaidé.  Elle a appelé toutes les parties au conflit à respecter le droit international humanitaire.  Les travailleurs humanitaires doivent bénéficier de protection pour effectuer leur travail, a-t-elle ajouté.  Des maladies comme la poliomyélite sont de retour à Gaza, mais grâce à une coordination avec l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), une campagne de vaccination a pu être lancée.  La seconde phase de celle-ci devrait commencer dans quatre semaines, a-t-elle dit.  La campagne montre que même dans les pires circonstances, avec la volonté politique, l’action humanitaire reste possible, a-t-elle argué.  Cette campagne montre aussi l’important rôle de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Moyen-Orient (UNRWA) comme ossature des actions humanitaires à Gaza. 

Dans le cadre de sa mission en rapport au mécanisme créé par la résolution 2720 (2023), Mme Kaag a assuré poursuivre son travail pour l’approvisionnement de Gaza en passant notamment par l’Égypte ou Chypre.  Les systèmes en place ne sauraient toutefois remplacer une volonté politique nécessaire pour atteindre les civils, a-t-elle estimé.  Elle a signalé que les opérations humanitaires n’atteignent pas encore ses buts en termes de quantité et de la qualité des produits délivrés à Gaza.  Elle a évoqué de nombreux blocages tels que les restrictions administratives, les infrastructures défaillantes et les conditions de travail difficiles pour les humanitaires.  Elle a affirmé travailler à corriger la situation, prévenant que tout retard conduit à la perte d’encore plus de vies.  Il faut se concentrer sur l’accès à Gaza d’une palette de biens, a-t-elle plaidé, avant de condamner les incidents sécuritaires récents, notamment les tirs sur les convois humanitaires. 

La Coordonnatrice de l’action humanitaire a rappelé que plus de 14 000 Palestiniens sont en attente d’évacuation sanitaire, et elle a appelé les États Membres à faire preuve de solidarité.  À l’approche de l’hiver, il faut un plan humanitaire pour Gaza, a-t-elle plaidé.  Selon elle, une paix complète, juste et pérenne au Moyen-Orient ne saurait être effective qu’avec la solution des deux États qui tienne compte de la sécurité d’Israël.  En attendant, il faut répondre aux besoins sanitaires et de reconstruction à Gaza où l’Autorité palestinienne doit reprendre son contrôle.  Mme Kaag a indiqué que l’équipe du mécanisme 2720 a travaillé aux questions d’accès humanitaire à Gaza et a proposé des solutions pour surmonter les obstacles politiques et opérationnels.  Malgré ces efforts, sans solution politique, le cycle de la souffrance continuera à Gaza, a-t-elle averti. 

M. JORGE MOREIRA DA SILVA, Directeur exécutif du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS), a fait le point sur l’opérationnalisation du mécanisme créé par la résolution 2720 (2023) qui a pour vocation de mettre en place une chaîne d’approvisionnement humanitaire unique et exhaustive, ainsi que le système de gestion y afférant en vue de répondre à l’imprévisibilité des différents canaux d’acheminement de l’aide avec leurs points de contrôle et de transbordement ainsi que les inspections dans le souci de rétablir plus de transparence et de confiance dans l’afflux de l’aide humanitaire vers Gaza. 

Ce mécanisme, qui fonctionne depuis mai 2024, gère une base de données intégrée sur les envois humanitaires à partir de Chypre, de la Jordanie, de la Cisjordanie et d’Israël qui permet d’aller au-delà du simple décompte de camions humanitaires entrant à Gaza, en détaillant les biens qui affluent bel et bien dans la bande, a expliqué le Directeur exécutif de l’UNOPS qui a détaillé en tonnes métriques les différents types de biens qui sont entrés à Gaza depuis la mise en place du mécanisme ainsi que les modalités d’inspections des envois humanitaires en fonction des couloirs humanitaires empruntés.  Il a indiqué que l’UNOPS se tient prêt à répondre aux défis logistiques actuels en ce qui concerne le couloir de Chypre en proposant une solution de bout en bout pour garantir la livraison coordonnée et transparente de l’aide.  L’UNOPS facilite notamment l’approbation de tous les convois et les suit jusqu’au stade de livraison, a-t-il précisé en appelant à autoriser plus de biens et d’envois à entrer à Gaza par ce couloir.

En ce qui concerne le couloir égyptien, « planche de salut vital » pour la population civile de Gaza depuis le début du conflit, le Chef de l’UNOPS a dit travailler en étroite collaboration avec les autorités égyptiennes pour intégrer pleinement ce circuit dans le mécanisme 2720 en vue de pouvoir suivre de manière exhaustive et en temps réel tous les convois humanitaires entrant à Gaza.  Son équipe est au Caire cette semaine pour finaliser le processus d’intégration. 

M. Moreira da Silva a rappelé que dans le cadre du mécanisme 2720, l’UNPOS s’est engagé à soutenir la capacité opérationnelle de chaque couloir humanitaire, en précisant avoir fourni 280 camions pour le couloir jordanien et 38 camions à la communauté humanitaire à l’intérieur de Gaza. Il a salué le soutien généreux des États Membres qui ont appuyé les efforts de l’UNOPS pour l’opérationnalisation du mécanisme 2720, en particulier l’Australie, le Danemark, l’Estonie, l’Allemagne, les Pays-Bas, les États-Unis, les Émirats arabes unis et le Canada ainsi que les partenaires locaux sur le terrain.  Toutefois, a fait valoir le Directeur exécutif de l’UNOPS, la livraison effective de l’aide humanitaire à l’échelle nécessaire sera tout simplement impossible sans la volonté politique requise, sans les garanties nécessaires en matière de sureté et de sécurité et sans un environnement propice.  Il n’en demeure pas moins, qu’à l’instar du reste de la famille de l’ONU et en particulier de l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) qui met en œuvre « notre volonté collective », l’UNOPS est déterminé à rester sur place et à apporter son aide au peuple de Gaza pour lui apporter l’aide humanitaire requise et soutenir les efforts de reconstruction immenses. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.