En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-neuvième session,
18e et 19e séances plénières – matin et après-midi
AG/SHC/4413

Troisième Commission: coup de projecteur sur un éventail de violations des droits humains, dont celles, croissantes, visant les défenseurs de ces droits

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Au lendemain de son dialogue avec le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, la Troisième Commission, chargée des affaires sociales, humanitaires et culturelles, a entamé aujourd’hui son examen des violations qui entravent la jouissance de ces droits, des formes contemporaines d’esclavage à la traite des personnes, en passant par les déplacements forcés et les atteintes à la liberté d’opinion et d’expression.  Au cours des échanges, un accent particulier a été mis sur la situation des défenseurs des droits humains, soumis de manière croissante à des intimidations et à des représailles. 

En présentant, en début de séance, 16 rapports du Secrétaire général et du Haut-Commissaire en lien avec l’ordre du jour, la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme a précisé que l’un d’eux porte sur la coopération avec l’ONU, ses représentants et ses mécanismes dans le domaine des droits humains.  Ce rapport comprend des cas provenant de 32 États Membres mais tous les cas documentés n’y ont pas été inclus « en raison de graves problèmes de protection et de la crainte des victimes de nouvelles représailles », a expliqué Mme Ilze Brands Kehris. 

Il ressort du rapport que des défenseurs des droits humains ont été victimes d’enlèvements, de disparitions forcées, d’arrestations et détentions arbitraires, d’actes de torture, de mauvais traitements et même de meurtres en raison de leur coopération avec l’Organisation et que les femmes et les peuples autochtones sont confrontés à des risques plus élevés. 

Ce même rapport met en évidence des tendances alarmantes telles que l’autocensure, avec un nombre plus élevé de nouveaux cas anonymisés, la surveillance en ligne et physique signalée dans un tiers des États Membres mentionnés et l’application de lois et réglementations sur la lutte contre le terrorisme et la sécurité nationale.  Conformément au Pacte pour l’avenir récemment adopté, Mme Brands Kehris a invité les États Membres à renouveler leur engagement à prévenir et combattre les représailles. 

La vulnérabilité des défenseurs des droits humains

En écho à cet appel, la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains, a regretté que ses communications sur des cas de persécution suscitent souvent des réponses présentant la personne concernée comme « un criminel, un subversif ou un terroriste ».  Mme Mary Lawlor a constaté que nombre d’États assimilent systématiquement les défenseurs des droits humains à des personnes politiquement motivées, voire à des « agents de l’Occident ».  Il arrive même que des États soutiennent le travail des défenseurs des droits humains à l’étranger tout en réprimant ces mêmes défenseurs dans leur pays.  Elle a donc exhorté les États à regarder au-delà des « étiquettes » et à s’engager de bonne foi dans la « substance » des droits humains. 

Dans cet esprit, Mme Lawlor a centré son rapport sur la manière dont les défenseurs des droits humains font partie intégrante des efforts pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD).  Elle a pris l’exemple de militantes soudanaises qui ont créé des cuisines locales pour assurer la sécurité alimentaire de plus de 250 000 familles à Khartoum, contribuant ainsi à la réalisation de l’ODD 2 et du droit à l’alimentation.  Autre exemple: les collectifs locaux qui se sont formés en Caroline du Nord, aux États-Unis, pour alerter sur les rejets de produits chimiques dangereux dans le fleuve Cape Fear et qui ont obtenu cette année la publication de la toute première norme nationale légalement applicable sur l’eau potable pour protéger les communautés des substances per- et polyfluoroalkylées, participant ainsi à l’ODD 6. 

Évoquant d’autre part le cas d’une spécialiste des énergies renouvelables emprisonnée au Viet Nam alors qu’elle fournissait une expertise indépendante sur la politique énergétique, conformément à l’ODD 7, Mme Lawlor a exhorté les États à faire abstraction du « bruit » entourant les activités de ces personnes.  « Posez-vous la question de savoir si leur action contribue au développement durable », leur a-t-elle demandé.  Et si la réponse est oui, « proposez un partenariat et, surtout, respectez-les ». 

Le rôle des organisations de travailleurs

Dans le même ordre d’idées, le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, a attiré l’attention sur le rôle des organisations de travailleurs dans la prévention de ce fléau.  M. Tomoya Obokata a rappelé que les organisations de travailleurs soutiennent les personnes touchées par la discrimination structurelle, en particulier les travailleurs migrants qui rencontrent des difficultés pour négocier des conditions de travail équitables en raison d’obstacles juridiques ou linguistiques.  D’autres promeuvent l’éradication du travail des enfants et l’inclusion sociale et professionnelle des personnes handicapées, des peuples autochtones et des minorités, a-t-il ajouté.

Reste que ces organisations sont confrontées à des menaces, du harcèlement et de la violence de la part des autorités de l’État et d’acteurs privés tels que les employeurs.  Selon la Confédération syndicale internationale, des syndicalistes ont été tués dans huit pays en 2023 et des travailleurs ont été victimes d’arrestations et de détentions arbitraires dans 46% des 149 pays couverts par ses recherches.  Face à ces violations, M. Obokata a souligné que les formes contemporaines d’esclavage ne pourront être évitées que lorsque tous les travailleurs auront le droit de s’exprimer d’une voix collective sans discrimination, et lorsque leurs droits de former et d’adhérer à des organisations de travailleurs seront pleinement réalisés. 

L’impact du conflit à Gaza sur les libertés d’expression et de réunion pacifique

Sur le sujet connexe de la liberté de réunion pacifique et d’association, la Rapporteuse spéciale traitant de ces droits a dénoncé une rhétorique, « souvent diffusée par l’État et amplifiée par les médias », visant à vilipender, criminaliser et réprimer en toute impunité les militants pacifiques, les défenseurs des droits humains et les citoyens en général simplement parce qu’ils exercent leurs droits légitimes de manifester pacifiquement ou de fonder des associations. Mme Gina Romero a exhorté les États à respecter ces droits sans faire de « deux poids, deux mesures », comme c’est le cas avec les manifestations de solidarité avec l’État de Palestine. 

Son homologue en charge de la promotion et de la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression a, elle aussi, évoqué le conflit à Gaza et ses effets dans le monde. « Il a rarement été vu des États et des acteurs privés imposer des restrictions aussi étendues, illégales, discriminatoires et disproportionnées à la liberté d’expression », a observé Mme Irene Khan, pour qui les cinq principales menaces constatées dans le cadre de ce conflit sont les attaques contre les médias dans le Territoire palestinien occupé, le « deux poids, deux mesures » qui limite l’expression en faveur des droits des Palestiniens et répriment les manifestations contre le carnage à Gaza, la réduction au silence et la mise à l’écart des voix dissidentes dans le milieu universitaire et dans les arts, les plateformes de médias sociaux qui amplifient la désinformation et les discours de haine, et la déformation des normes juridiques internationales qui aboutit à « confondre la critique des politiques israéliennes et du sionisme avec l’antisémitisme ». 

Les personnes déplacées

S’agissant des droits humains des personnes déplacées, la Rapporteuse spéciale chargée de cette question a constaté une prolifération sans précédent des conflits caractérisés par un « mépris total des lois de la guerre et du respect des droits humains ».  Notant que 90% des 76 millions de déplacés internes recensés début 2024 ont dû migrer en raison de conflits ou de violences, Mme Paula Gaviria Betancur a exprimé son inquiétude face à la façon dont certains États et groupes armés non étatiques ciblent les civils et les infrastructures civiles sans distinction.  « Résoudre la crise du déplacement et parvenir à une paix durable sont donc des objectifs inextricablement liés », a-t-elle résumé, ajoutant que la perspective unique qu’ont les personnes déplacées sur un conflit rend essentielle leur participation à son règlement.

Des progrès limités pour combattre la traite

La Commission a également entendu la Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, plaider pour une transformation des relations de pouvoir et d’inégalité fondées sur le genre.  Le rapport de Mme Siobhán Mullally contient à cet égard une analyse des progrès limités réalisés en matière de lutte contre la traite dans le cadre du programme pour les femmes et la paix et la sécurité. 

Un examen des plans d’action nationaux adopté à ce jour révèle que peu d’attention a été accordée à la traite des êtres humains dans les mesures de prévention des conflits, de protection ou de responsabilisation, a-t-elle indiqué.  En outre, la traite des êtres humains à des fins de travail forcé a un impact significatif sur le genre, mais ne reçoit qu’une attention limitée dans les programmes et plans d’action sur les femmes et la paix et la sécurité. 

Venue présenter le cinquième rapport du Secrétaire général sur l’intégration du handicap dans les activités des Nations Unies, la Directrice de l’Unité de développement durable au Cabinet exécutif du Secrétaire général, Mme Michelle Gyles-McDonnough, a fait état de progrès dans la Stratégie des Nations Unies pour l’inclusion du handicap lancée en 2019, tout en reconnaissant des lenteurs dans le domaine de l’accessibilité physique et numérique. 

La séance a par ailleurs été émaillée de motions d’ordre émanant de la Fédération de Russie et de la République islamique d’Iran.  Les deux délégations se sont plaintes à plusieurs reprises du temps contraint accordé aux États Membres dans le cadre des dialogues interactifs, jugeant cette pratique contraire au règlement intérieur.  En réponse, le Secrétariat de la Commission a assuré que les temps de parole étaient conformes à la pratique et aux méthodes de travail en vigueur. 

La Troisième Commission reprendra ses travaux demain, vendredi 18 octobre, à partir de 10 heures. 

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