Deuxième Commission: cris d’alarme sur les conséquences économiques et sociales catastrophiques de la guerre pour les Palestiniens
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Rien ne saurait justifier le châtiment collectif qui s’abat sur les Palestiniens. C’est ce qui ressort du rapport du Secrétaire général sur les « répercussions économiques et sociales de l’occupation israélienne sur les conditions de vie du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de la population arabe dans le Golan syrien occupé », présenté cet après-midi à la Deuxième Commission (économique et financière).
« Le nombre de morts et l’étendue des dégâts dans la bande de Gaza en raison de la guerre sont catastrophiques, sans précédent, et font froid dans le dos », a décrit M. Tarik Alami, Directeur de la Division des questions émergentes et liées aux conflits de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO), qui a présenté ce rapport, rédigé en pleine guerre et couvrant les faits survenus du 1er avril 2023 au 31 mars 2024.
La destruction des infrastructures civiles a entraîné un effondrement des services essentiels, non seulement dans la santé et l’éducation, mais aussi pour l’accès à l’eau potable, à l’assainissement et à l’énergie, a ajouté M. Alami. En outre, la malnutrition sévère a doublé depuis janvier et les enfants en âge d’aller à l’école ne sont pas en mesure d’acquérir les compétences qui assureront leurs moyens de subsistance à l’avenir. « La malnutrition aura des répercussions durables sur l’état de santé général des populations touchées tout au long de leur vie » et le manque de vaccination accroît les risques d’épidémie, relève le rapport.
« Depuis un an, des crimes contre l’humanité sont commis sous le prétexte de la légitime défense. La défense, contre quoi? Les enfants, les terres agricoles? » a lancé le délégué de l’État de Palestine. Il a souligné qu’il est impossible d’engager des discussions sur le développement durable « alors que plus de 43 000 de nos concitoyens ont été tués au cours de l’année écoulée, la grande majorité étant des femmes et des enfants ». Il a martelé que l’impunité et le génocide doivent cesser, que l’occupation doit être démantelée et que la justice doit prévaloir.
« Israël s’est enhardi et s’attaque désormais à la Syrie et au Liban », a fait observer à son tour la République arabe syrienne. Dans le Golan syrien occupé, « Israël continue de faire fi du droit international à cause de l’impunité dont il jouit au sein du Conseil de sécurité », a accusé le représentant.
Le délégué d’Israël a rétorqué que les autorités palestiniennes détournent la situation, après avoir « fait le lit du terrorisme pendant 18 ans ». Quant au « régime syrien brutal », il a toutes les raisons de détourner l’attention des délégations, de même que le « régime iranien », qui ne défend pas la liberté d’expression, a poursuivi le délégué.
Des perspectives économiques alarmantes
Il s’agit d’une « guerre barbare », a dénoncé le Conseil de coopération du Golfe, par la voix du Qatar, s’inquiétant notamment de la situation des enfants souffrant de faim et de malnutrition. « Israël utilise la faim comme une arme de guerre dans la bande de Gaza », s’est insurgée la Mauritanie, au nom du Groupe des États arabes. Les ressources de la Palestine appartiennent aux Palestiniens, ont renchéri la Malaisie et la Namibie, avant de dénoncer l’illégalité et l’injustice de l’exploitation permanente et des démolitions par la Puissance occupante.
Effaré par la « catastrophe humanitaire sans précédent » dans la bande de Gaza décrite dans le rapport, le Groupe des 77 et la Chine (G77) ont estimé que le développement durable sera entravé à Gaza tant qu’Israël ne stoppera pas ses restrictions.
Compte tenu de la portée et de l’ampleur des dégâts et des destructions à Gaza, « les perspectives de l’économie palestinienne sont alarmantes », constate en effet le rapport du Secrétaire général. Il précise que « la quantité d’articles essentiels, y compris l’aide humanitaire, autorisée à entrer dans la bande de Gaza est totalement inadéquate pour répondre à l’immensité des besoins de la population ».
La population palestinienne de Gaza est victime d’un génocide, s’est insurgée la Colombie, qui a salué la procédure lancée par le Gouvernement de l’Afrique du Sud auprès de la Cour internationale de Justice (CIJ) visant à poursuivre Israël pour ses violations de la Convention contre le génocide de 1948, à laquelle elle s’associe, comme sept autres pays à ce jour.
L’UNRWA dans la tourmente
La protection des civils doit être la priorité absolue et l’accès à l’aide humanitaire doit être garanti, a martelé M. Alami. L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) est « la principale bouée de sauvetage de millions de réfugiés palestiniens, dont la majorité de la population de Gaza », rappelle le rapport du Secrétaire général.
Gaza n’a plus d’économie à proprement parler et pratiquement pas de moyens de production, pas d’autosuffisance, pas d’emplois et pas de capacité commerciale. Le territoire dépend donc de l’aide internationale à une échelle jamais vue depuis 1948 et de l’accès aux marchandises acheminées via Israël, constate encore le rapport.
Mais, en dépit de son rôle vital, l’UNRWA pâtit d’un sous-financement chronique, et le Secrétaire général appelle les États Membres à lui apporter un soutien politique et financier fort pour lui permettre de trouver des solutions. Ce n’est pas l’avis d’Israël, qui a accusé l’UNRWA d’avoir « endoctriné les enfants dans la haine d’Israël », assurant en détenir les preuves. Il faut lutter contre toutes les tentatives de délégitimer l’UNRWA, a rétorqué l’Indonésie.
Par ailleurs, la campagne de diffamation d’Israël à l’endroit du Secrétaire général, António Guterres, est « inadmissible », a dit la Jordanie, qui lui a exprimé tout son soutien. Le délégué jordanien a vu le « châtiment collectif » visant à réduire à néant l’aide humanitaire à Gaza comme le « pire des crimes d’Israël », appelant à « mettre fin à la machine de guerre israélienne ».
La majorité des délégations qui se sont exprimées ont défendu le droit inaliénable des Palestiniens à l’autodétermination, à l’indépendance et à la souveraineté, ainsi que la pleine application des résolutions pertinentes des Nations Unies. Les appels au cessez-le-feu et à éviter l’extension du conflit au niveau régional se sont multipliés. La communauté internationale doit agir et mettre fin à l’occupation israélienne, a martelé le G77.
Pour des villes durables et résilientes
Au cours de la séance du matin, la Deuxième Commission s’est concentrée sur l’application du Nouveau Programme pour les villes et le renforcement du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) et sur les partenariats mondiaux. En effet, plus de la moitié de la population mondiale vit aujourd’hui dans des zones urbaines. Offrir un logement sûr et abordable à tous, tout en protégeant l’environnement, est donc l’un des grands défis de notre siècle sur lequel s’est penchée la Commission.
Comme l’ont relevé les Maldives, « l’urbanisation rapide implique une reconfiguration de nos sociétés ». En outre, face aux effets des changements climatiques, l’inadéquation de certains logements, voire de l’urbanisation, implique des politiques nationales solides, des partenariats et une approche holistique, avec l’appui d’ONU-Habitat. Comme l’a résumé l’Inde, les villes doivent devenir des centres de croissance tout en préservant l’environnement.
Par exemple, le Kenya travaille activement à éliminer les logements informels, où vivent la moitié des habitants des villes kényanes. D’autres pays ont fait part de leurs efforts nationaux pour atteindre l’objectif de développement durable no 11, qui vise à « faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables ». Dans sa politique nationale en la matière, le Cameroun mise notamment sur l’accès au crédit immobilier pour les femmes et les jeunes. En Indonésie, une nouvelle capitale va sortir de terre, conçue autour de la notion de ville verte et intelligente, tandis que les Maldives s’efforcent de développer la première écoville du pays.
Des partenariats inclusifs et renforcés
Toutefois, les pays en développement manquent souvent de capacités techniques et financières suffisantes pour construire des villes durables et résilientes. De l’avis de l’Indonésie, des partenariats renforcés doivent être au cœur des efforts. Quant à l’Inde, qui soutient des partenariats dans le monde entier, elle a cité en exemple les partenariats pour des infrastructures urbaines résilientes dans les petits États insulaires en développement (PEID). « Le Nord et le Sud doivent coopérer pour construire un partenariat mondial équilibré et inclusif pour un avenir collectif », a résumé la Chine.
En effet, dans un monde en mutation rapide, nous avons plus que jamais besoin d’un multilatéralisme plus interconnecté, plus inclusif et plus efficace, fondé sur des partenariats qui exploitent pleinement la valeur et les capacités uniques de tous les secteurs, afin d’atteindre les objectifs de développement durable (ODD), a souligné Mme Sanda Ojiambo, Directrice générale du Bureau du Pacte mondial des Nations Unies, en présentant un rapport sur le renforcement de la coopération entre les Nations Unies et tous les partenaires concernés, en particulier le secteur privé.
Face aux défis uniques auxquels les pays les moins avancés (PMA), les petits États insulaires en développement (PIED) et les pays en développement sans littoral (PDSL) sont confrontés, il faut redoubler d’efforts pour construire des partenariats public-privé efficaces qui débloquent de nouveaux capitaux et investissements dans des domaines clefs tels que les infrastructures, a poursuivi Mme Ojiambo.
Pour les Maldives, les partenariats multipartites et public-privé « ne sont pas qu’une suite d’alliances, mais un microcosme de notre ambition collective ». Le Koweït a insisté sur l’importance des partenariats et indiqué avoir fourni une aide humanitaire aux pays touchés par les guerres, et contribué au relèvement d’infrastructures, notamment en Palestine et au Liban.
La Deuxième Commission poursuivra ses travaux demain, jeudi 17 octobre, à partir de 10 heures.