Cinquième Commission: le Secrétaire général présente un budget de 3,6 milliards de dollars pour 2025 « avec un sentiment d’urgence »
(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)
Le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a présenté ce matin à la Cinquième Commission, chargée des questions administratives et budgétaires, son projet de budget-programme pour 2025 d’un montant de 3,6 milliards de dollars « avec un sentiment d’urgence », dans un monde aux défis complexes.
Le projet de budget, a-t-il expliqué, reflète les derniers accords historiques que sont le Pacte pour l’avenir, le Pacte mondial pour le numérique et la Déclaration sur les générations futures. Une nouvelle fois, le Secrétaire général a insisté sur la suspension de la règle financière qui veut que l’ONU restitue aux États les ressources inutilisées qui sont, cette année, d’un montant de 114 millions de dollars. Il s’agit d’éviter une spirale négative en 2025, a martelé M. Guterres.
Il a assuré que tous les chefs de département et d’unité sont tenus de penser minutieusement à chaque dollar dépensé ou à dépenser. Ils sont tenus de revoir et d’ajuster les activités programmatiques pour atteindre les résultats prévus.
Explications du budget
Si l’on exclut les missions politiques spéciales, le budget de 3,6 milliards de dollars couvre un total de 10 494 postes, ce qui représente une augmentation nette de 115 postes nécessaires pour exécuter de nouveaux mandats ou des mandats révisés. Le budget proposé comprend également 711 millions de dollars pour les 36 missions politiques spéciales.
M. Guterres a ensuite mis l’accent sur les cinq éléments spécifiques de son projet de budget-programme, et d’abord les investissements dans le développement durable. Il a plaidé pour le financement par le budget ordinaire du système des coordonnateurs résidents dont le manque de ressources l’a conduit à suspendre le recrutement pour 78 postes dans 52 pays.
Le Secrétaire général s’est d’ailleurs enorgueilli de la répartition géographique de ce système: 57% des coordonnateurs résidents sont originaires des pays du Sud et la parité des genres aux niveaux supérieurs est maintenue. Elle devrait être atteinte avant 2028 dans toute l’Organisation, a-t-il assuré.
Venant au pilier « droits humains », le Secrétaire général a dit proposer, entre autres, une enveloppe supplémentaire de 8,3 millions de dollars pour soutenir les travaux de l’Institution indépendante chargée de la question des personnes disparues en République arabe syrienne. Contrairement à la Suisse et au Liechtenstein, la Syrie et la Fédération de Russie ont dénoncé le financement de cette Institution, arguant que le Gouvernement syrien n’a jamais demandé ce type d'assistance. C’est un gaspillage du contribuable, a tranché la Fédération de Russie. Des ressources en augmentation sont également demandées pour le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et le Conseil des droits de l’homme.
Quant à l’aide humanitaire, une enveloppe de 3,5 millions de dollars est demandée pour répondre aux défis humanitaires à Gaza dont une augmentation de 2,5 millions de dollars pour l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), qui devraient s’ajouter aux 30 millions de dollars supplémentaires approuvés pour 2024. L’UNRWA, a souligné le Secrétaire général, est une bouée de sauvetage pour les réfugiés palestiniens et un facteur crucial pour la stabilité régionale.
Concernant le pilier paix et sécurité, le Secrétaire général a demandé 1 million de dollars de plus pour le Bureau du Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient. L’année prochaine, a-t-il poursuivi, le nouveau mécanisme de financement du Fonds de consolidation de la paix devrait recevoir ses premiers 50 millions de dollars.
En présentant son budget de 3,6 milliards de dollars pour 2025, M. Guterres a rappelé qu’au début de cette année, l’ONU n’avait que 67 millions de dollars, contre 700 millions l’année dernière. Sans la reconstitution totale des réserves d’ici à la fin de l’année, les mesures d’austérité ne manqueront pas de limiter l’exécution du budget 2025.
La crise de trésorerie, a dit le Secrétaire général, ne résulte pas des dépenses qui seraient incontrôlées. Elle vient du non-paiement des contributions. En 2023, les arriérés étaient de 859 millions de dollars dont 290 millions n’ont toujours pas été versés. Des millions de dollars ne seront peut-être jamais payés, a-t-il dit craindre. Aujourd’hui, l’ONU attend toujours le versement de plus d’un milliard de dollars avant la fin de l’année, sur un budget total de 3,2 milliards pour 2024.
On n’a pas besoin d’une boule de cristal pour connaître les problèmes auxquels l’Organisation sera confrontée d’ici à la fin de l’année, a dit M. Guterres. Il a prévenu que l’année 2025 risque de commencer par une situation extrêmement difficile qui exigera une orthodoxie, dont le gel de la restitution des sommes non utilisées aux États, d’autant plus que ceux qui ont fait des paiements partiels y ont aussi droit.
Commentaires des délégations
L’ONU ne peut pas tenir ses promesses si elle est aux prises avec des contraintes financières, a dit l’Égypte, au nom du Groupe des États d’Afrique. Elle a réclamé de tous les États Membres le paiement à temps et sans conditions de l’intégralité de leurs contributions. Bon payeur, le Viet Nam a fait observer que sa quote-part augmentera de plus de 70%, dans les trois prochaines années, soit la plus forte augmentation de l’histoire de l’ONU.
Toutefois, la Fédération de Russie a rejeté la faute des problèmes de liquidités sur le cycle budgétaire annuel qui n’a pas donné les avantages escomptés, bien au contraire. Ce cycle a augmenté la charge de travail des délégations, du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) et du Comité du programme et de la coordination (CPC) ainsi que du Secrétariat désormais privé d’évaluer les contributions avec deux années d’avance.
Après que la Fédération a demandé le retour au cycle biennal, le Royaume-Uni a rappelé que l’année 2025 marquera le quatre-vingtième anniversaire de la création des Nations Unies. Cet anniversaire doit être le moment d’établir une procédure budgétaire qui veille à ce que cette grande Organisation puisse continuer à agir efficacement dans la poursuite de la paix, des droits humains, du développement et de l’état de droit.
En attendant, la proposition budgétaire pour 2025 révèle une augmentation de 120 millions par rapport à 2024 qu’il faudra décortiquer pour en comprendre les raisons, ont commenté les États-Unis. Le Japon et la Chine ont également sursauté face à cette hausse. L’Ouganda, au nom du Groupe des 77 et la Chine, le Royaume-Uni, l’Égypte, au nom du Groupe des États d’Afrique et l’Union européenne ont regretté que le Comité du programme et de la coordination (CPC) n’ait trouvé un consensus que sur 16 programmes sur 28, dans ce qui est « un échec » du système multilatéral qui exerce une pression indue sur la Cinquième Commission.
Cette Commission, a plaidé l’Union européenne, doit être celle des succès permettant de relever les énormes défis auxquels l’ONU est confrontée. Les négociations doivent donc se focaliser sur le caractère « technique » du budget. Le Costa Rica n’a pas dit autre chose quand il a fustigé des négociations souvent « sectaires », opposant les trois piliers « développement, droits humains et paix et sécurité ». Il a demandé aux États Membres de s’abstenir de recourir aux tactiques de division et d’embrasser une perspective qui reconnaisse l’interdépendance entre ces trois piliers.
La Cinquième Commission examinera jeudi, à partir de 10 heures, le budget de la rénovation du bâtiment nord de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes à Santiago.