Première Commission: le débat général reste émaillé de vives accusations contre Israël et la Russie, et marqué par le fléau des armes légères et de petit calibre
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Au septième jour de son débat général, la Première Commission (désarmement et sécurité internationale) a de nouveau entendu de nombreuses et vives accusations contre Israël et ses opérations militaires à Gaza et au Liban, d’autant plus qu’elle entendait notamment l’État de Palestine. Pour sa part, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) est venue justifier son programme nucléaire par l’agressivité des États-Unis à son égard tandis que l’Azerbaïdjan dénonçait les manquements de l’Arménie au régime international de désarmement. Plusieurs pays d’Afrique et d’Amérique latine ont une fois encore souligné le problème du trafic des armes légères et de petit calibre (ALPC), tandis que d’autres rappelaient les ravages causés par les mines antipersonnel.
L’État de Palestine a condamné l’usage par Israël d’armes explosives à Gaza, jugeant illégal leur emploi sur l’une des zones les plus densément peuplées au monde. Les États qui fournissent des armes ou des accords de licence d’armes à Israël se rendent coupables de complicité dans une guerre de génocide, a déclaré le représentant palestinien. Invoquant le droit international, la Charte des Nations Unies et le Traité sur le commerce des armes –plus spécifiquement ses articles 6 et 7– il a lancé un appel pour que cessent les exportations d’armes et de munitions à Israël. Selon lui, cette exigence repose également sur l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice, laquelle a considéré comme illégale l’occupation de la Palestine par Israël et exigé que les États ne lui fournissent aucune aide susceptible de prolonger cette occupation.
Poursuivant, le délégué palestinien a estimé que l’impunité dont bénéficie Israël explique comment ce pays peut perpétuer ses exactions depuis plus d’un an, sous le regard du monde entier. « Israël trône au-dessus du droit », s’est-il insurgé. Dénonçant une trahison du principe de l’égalité de tous devant la loi, au bénéfice de considérations politiques, il a averti des menaces que ce deux poids, deux mesures fait planer sur le système international, sa crédibilité et son efficacité.
La Bolivie s’est faite l’écho de cette analyse en dénonçant elle aussi l’impunité d’Israël, lançant un appel à la révision des mécanismes de sécurité internationaux pour garantir la justice et la sécurité, lesquels doivent l’emporter sur les intérêts politiques et économiques. « Nous ne pouvons permettre que des crimes atroces soient commis sans conséquences », a déclaré son délégué. Dans la même veine, les Comores, évoquant la situation humanitaire à Gaza, ont demandé qu’Israël rende des comptes, faute de quoi serait créé un dangereux précédent.
L’Algérie a, pour sa part, estimé que l’agression israélienne « inhumaine », dans les territoires palestiniens occupés comme au Liban, exige les réactions les plus fortes de la communauté internationale, y compris de la part de la Première Commission. Appelant de ses vœux le succès de la cinquième session de la Conférence sur la création au Moyen-Orient d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive, qui aura lieu le mois prochain sous la présidence de la Mauritanie, le représentant algérien a souligné l’absence annoncée d’Israël, seul pays de la région à n’avoir pas adhéré au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), alors qu’il est le seul à y posséder des armes nucléaires.
Sur ce dernier point, la Türkiye a jugé qu’il est désormais impossible d’ignorer, dans les enceintes internationales, le caractère foncièrement anormal de la situation d’Israël –un État qui nie sa détention d’armes nucléaires, tout en menaçant d’utiliser le feu nucléaire et en se situant en dehors des cadres juridiques du TNP et de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). La communauté internationale doit obtenir d’Israël la reconnaissance de son statut d’État doté, a insisté le représentant. Au vu de la situation critique au Moyen-Orient, il a jugé plus que jamais essentiel d’y créer la zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive en discussion, et rappelé que c’est un objectif poursuivi par plusieurs pays arabes depuis 1995.
Toujours sur les tensions au Moyen-Orient, l’Italie a condamné dans les termes les plus fermes les tirs de missiles iraniens contre Israël le 1er octobre, ainsi que les récentes attaques contre les soldats de la paix de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) par Israël, dont le rôle demeure crucial dans la stabilisation du sud du Liban. Son délégué a appelé les parties à la plus grande retenue et réaffirmé le soutien indéfectible de son pays à la FINUL, à laquelle il fournit le contingent européen le plus important.
Seul pays détenteur de l’arme nucléaire à s’exprimer aujourd’hui, la RPDC a vu la main hégémonique des États-Unis derrière la situation à Gaza, mais aussi derrière la guerre en Ukraine. Selon son représentant, les faits montrent que les États-Unis sont une entité agressive, laquelle « détruit et piétine systématiquement la paix et la sécurité mondiales ainsi que le régime international de désarmement, en se livrant aujourd’hui à un véritable chantage avec des nations et États souverains, dont le nôtre ».
Le représentant nord-coréen a accusé les États-Unis d’avoir « mis la péninsule coréenne dans une situation critique sans précédent » en menant, cette année, des exercices militaires de simulation de guerre nucléaire contre son pays avec le Japon et la République de Corée. Ces deux derniers pays sont de faux amis de la paix, a-t-il accusé. Face à ces « menaces existentielles », il a déclaré que son pays se voit dans l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir et renforcer encore davantage sa puissance militaire. Pour que le monde puisse un jour être débarrassé des armes nucléaires, les États-Unis doivent renoncer à leur politique agressive et à leurs manœuvres menaçantes dans la péninsule coréenne, a-t-il conclu.
Pour sa part, l’Azerbaïdjan a accusé l’Arménie de refuser d’assumer ses responsabilités en matière d’agression, d’occupation et de non-respect du régime de désarmements. Dans ce cadre, il a évoqué l’utilisation par l’Arménie, dans les années 90, de territoires azerbaïdjanais comme de zones grises, où elle soustrayait ses activités militaires au regard des mécanismes internationaux de vérification des armements. Ce déni démontre l’ampleur de la menace sécuritaire que représentent en Azerbaïdjan les forces militaires arméniennes et ses groupes mercenaires ou terroristes, a estimé le représentant. Accusant sans les nommer certains pays d’avoir fermé les yeux et accepté tacitement les violations arméniennes du droit international, il les a accusés d’avoir fourni des armes offensives à l’Arménie après que l’Azerbaïdjan eut recouvré son intégrité territoriale. Des initiatives qui ruinent les mesures de confiance dans la région, a-t-il estimé.
Le délégué de l’Azerbaïdjan a aussi rappelé que son pays est l’un des plus pollués au monde par les mines antipersonnel, dont il a estimé le nombre à 1,5 million. Pendant le conflit avec l’Arménie, a-t-il poursuivi, 459 citoyens azerbaïdjanais auraient été victimes de mines, dont 359 enfants; après le conflit, 380 personnes auraient perdu la vie. L’ampleur de la menace requiert le soutien de la communauté internationale pour assurer le déminage, mais aussi pour que l’Arménie rende des comptes à ce propos, a-t-il poursuivi. Il a accusé cette dernière de refuser de divulguer la localisation des mines.
Toujours à propos des mines antipersonnel, le Lesotho a dénoncé les pays qui continuent de stocker et de produire ces armes, soulignant le prix inacceptable qu’elles font payer aux populations. Il a lancé un appel à la réduction de ces armes qui causent un effet indiscriminé sur les civils, estimant que ce critère doit rester la priorité des Nations Unies.
Autre type d’armement qui touche plus particulièrement les populations civiles, les armes légères et de petit calibre (ALPC) circulent librement en Haïti, s’est alarmée sa représentante, évoquant leur utilisation par des gangs qui plongent le pays dans une crise sécuritaire persistante, et entravent sa capacité de développement. Les enfants, les filles et les femmes, tout particulièrement, se trouvent piégés dans un cycle d’insécurité et de désespoir, a-t-elle souligné.
Si Haïti reconnaît l’importance du Traité sur le commerce des armes dans la lutte contre la prolifération des armes classiques qui alimentent la violence partout, « principalement dans notre région », la représentante a toutefois exprimé sa préoccupation quant au respect des normes et des principes du Traité.
Dans la même région, la Jamaïque a appelé les pays producteurs d’armes à mettre en place des procédures de contrôle rigoureuses pour s’assurer que les ALPC ne bénéficient pas aux entités et individus non autorisés. Quant au Guyana, il s’est engagé à appliquer toutes les dispositions du programme d’action contre les ALPC et de l’Instrument international de traçage, relevant néanmoins le besoin d’accroître la coopération internationale pour permettre aux pays en développement de mieux identifier et tracer ces armes.
Le rôle des ALPC a également été dénoncé par des États africains. Le Mali a relevé que ces armes alimentent non seulement les violences communautaires, mais aussi les activités des groupes armés terroristes. Les données montrent que l’augmentation significative de la violence au Sahel est directement liée à la disponibilité de ces armements, a affirmé le représentant. Il a rappelé que, pour faire face à ce fléau, son pays, le Burkina Faso et le Niger ont créé, le 16 septembre 2023, la Charte du Liptako-Gourma de l’Alliance des États du Sahel (AES), devenue depuis la Confédération des États du Sahel. Cette organisation vise à fédérer leurs actions dans trois domaines majeurs, à savoir la défense et la sécurité, le développement et la diplomatie, a-t-il précisé.
Outre le fait d’avoir déclenché la guerre en Ukraine, la Russie a été accusée d’autres méfaits par plusieurs délégations. La Géorgie a estimé que la situation dans les régions « géorgiennes » d’Abkhazie et de Tskhinvali, illégalement occupées par la Russie, représente un défi important dans le contexte de la non-prolifération. Selon le représentant, son pays aurait en effet identifié une activité de contrebande de matières radioactives à travers ces régions. Il a noté que, si les forces de l’ordre géorgiennes ont mis fin à ces activités illégales, l’absence de présence internationale dans les « régions occupées de Géorgie » rend impossible la conduite pérenne de mesures de vérification sur le terrain.
Le représentant géorgien, qui a fait observer que son pays avait été le premier à subir une cyberattaque de grande envergure dès 2008, a expliqué qu’il s’était attaché depuis au développement d’un système de cybersécurité efficace. La Géorgie soutient la mise en place d’un programme d’action visant à promouvoir un comportement responsable des États dans l’utilisation des technologies de l’information et des communications, a-t-il assuré.
Quant à la République de Moldova, elle a exigé le retrait complet et immédiat des troupes russes, de leurs armes et munitions de son « territoire souverain ».
Le représentant de l’Italie a, lui, tenu à dresser le catalogue des initiatives russes qui déstabilisent le régime international du désarmement. Dans le cadre de la guerre en Ukraine, il a évoqué la saisie de la centrale de Zaporizhzhia et une large utilisation des mines et armes à sous-munitions. La Russie, a-t-il poursuivi, a empêché le consensus à la dixième Conférence d’examen du TNP et sur le rapport final du Groupe de travail sur l’espace, suspendu le Nouveau Traité START, retiré sa ratification du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), annoncé le déploiement d’armes nucléaires au Bélarus, bloqué la participation de 15 pays de l’Union européenne à la Conférence du désarmement, recouru plusieurs fois à la menace de l’emploi de l’arme nucléaire et demandé une réunion au titre de l’article 5 de la Convention sur les armes biologiques sur la base d’allégations montées de toutes pièces.
Qualifiant cette longue liste de non exhaustive, le représentant italien a estimé que ces actions, plutôt que de dissuader les États Membres, devraient les encourager à réaffirmer leur attachement à la Charte des Nations Unies, au mécanisme multilatéral de désarmement et à tous les traités pertinents.
La Première Commission se réunira jeudi 17 octobre, à 11 heures, pour achever son débat général.