En cours au Siège de l'ONU

L’Instance permanente poursuit son débat sur ses six domaines d’action et entend la Présidente du Fonds de contributions volontaires pour les peuples autochtones

Vingt et unième session,
9e séance plénière, après-midi
DH/5471

L’Instance permanente poursuit son débat sur ses six domaines d’action et entend la Présidente du Fonds de contributions volontaires pour les peuples autochtones

L’Instance permanente sur les questions autochtones a poursuivi, cet après-midi, son débat sur ses six domaines d’action (développement économique et social, culture, environnement, éducation, santé et droits humains), avant d’entendre un bilan du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les peuples autochtones, présenté par sa présidente, Mme Marjolaine Etienne.

Après avoir précisé que le Fonds a, depuis sa création, permis à 3 000 représentants autochtones de participer aux travaux des Nations Unies, notamment sur les changements climatiques et les droits humains, Mme Etienne a regretté qu’aucune subvention n’ait pu être allouée en 2021 en raison de la pandémie de COVID-19.  La Présidente du Fonds s’est néanmoins félicitée que 20 représentants autochtones issus des sept régions autochtones du monde ont pu bénéficier de l’appui du Fonds pour participer aux travaux 2022 de l’Instance, avant de remercier les délégations de l’Australie, du Canada, du Chili, de la Finlande, de l’Estonie, de l’Allemagne, du Mexique, de la Norvège, des Philippines et du Pérou dont les contributions, depuis trois ans, ont garanti la durabilité de l’intervention du Fonds. 

Dans le contexte de la Décennie internationale des langues autochtones (2022-2032), de nombreux intervenants ont expliqué que la reconnaissance des langues autochtones était un pilier de la mise en œuvre de la Déclaration des droits des peuples autochtones. 

Affirmant sa volonté de préserver la diversité linguistique, le Maroc a indiqué que l’article 5 de sa constitution reconnaissait la langue amazighe depuis 2011 et que deux lois promulguées en 2019 et 2020 consacrent des initiatives concrètes pour appuyer l’intégration de la langue amazighe dans différents domaines de la vie publique.  De plus, un fonds spécial pour la promotion de la langue amazighe, qui doit atteindre un milliard de dirhams d’ici à 2025, a été créé en janvier 2022.    

Présentant lui aussi ses dernières initiatives en faveur des droits des peuples autochtones, le Nicaragua a cité la mise en place d’un service de santé communautaire qui a permis de vacciner plus de 50% de la population autochtone.  

Après avoir souligné que le succès de la Décennie internationale des langues autochtones nécessite l’engagement des agences de l’ONU, des États Membres et des organisations autochtones, le représentant des jeunes diplomates du Canada a appelé à la création d’un conseil consultatif des jeunes autochtones et à la publication d’un rapport annuel sur la situation de ces derniers.

La communauté Inuit du Nunavut a souhaité que cette décennie soit l’occasion de s’attaquer à la discrimination de la langue inuktitut.  Rappelant que le Nunavut est la seule province du Canada où la majorité des résidents ont une langue maternelle autochtone, elle a fustigé une législation « linguicide » qui ne tolère que deux langues officielles, le français et l’anglais.  Elle a indiqué qu’une démarche judiciaire visant à la reconnaissance de la langue inuktitut est en cours, avant de regretter que 70% des écoliers inuit sont discriminés, car ils ne peuvent pas suivre un enseignement dans leur langue maternelle.   

Le représentant d’une communauté autochtone de 50 000 personnes de l’arctique russe a cité la mise sur pied de 34 programmes qui prévoient 58 types de soutien aux peuples autochtones et notamment aux populations nomades.  Il a aussi cité la création de média en langues autochtones et d’un système scolaire adapté aux enfants des communautés nomades.    

De son côté, l’Espagne a dit vouloir appuyer le redressement postpandémie des communautés autochtones sur la base du respect des droits humains et de l’environnement, en garantissant notamment l’accès à la santé, à l’eau et l’assainissement et à la justice.   

Les Philippines ont vanté la mise en place dans son pays d’un cadre juridique favorable à la protection des autochtones qui représentent 15% de la population nationale.  Des programmes d’éducation inclusifs tenant compte des réalités linguistiques et culturelles ont été mis sur pied ainsi que des programmes valorisant les connaissances traditionnelles pour renforcer la résilience face aux catastrophes naturelles.    

Si le Paraguay s’est vanté d’être devenu le deuxième pays d’Amérique latine à avoir mis en place un plan national pour les populations autochtones, un membre d’une association des droits humains de la Colombie a regretté l’insuffisance de volonté des gouvernements pour respecter le principe du consentement libre et éclairé dans leurs activités économiques.  Les deux délégations ont reconnu que beaucoup restait à faire pour mettre en œuvre, à l’échelle du système des Nations Unies, le plan d’action visant à garantir l’unité des efforts déployés pour réaliser les objectifs définis dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.     

Si le Panama a cité la création d’un Conseil national de développement des peuples autochtones, le Fonds de développement pour les peuples autochtones d’Amérique latine et des Caraïbes a souligné les initiatives de son organisation pour sauvegarder les langues autochtones.  À ce sujet, l’Association des femmes peules autochtones du Tchad a appelé à promouvoir les langues, cultures, savoirs et connaissances traditionnels autochtones dans l’intérêt de l’adaptation aux changements climatiques.  La représentante des Jummas du Bangladesh a appelé l’Instance à aider à mettre fin à l’assimilation des militants des droits des Jummas à des terroristes.  

De son côté, la représentante de REIPON, qui fédère 40 petits peuples autochtones de la Fédération de Russie, s’est inquiétée que des personnes n’ayant aucun mandat s’expriment dans les instances au nom des peuples autochtones russes, avant de regretter une politisation contreproductive des débats concernant les autochtones.  Réagissant à cette intervention, un représentant autochtone a demandé que le statut consultatif de REIPON auprès du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) soit supprimé, affirmant que cette organisation soutient l’agression russe contre l’Ukraine.    

L’Instance permanente reprendra ses travaux mardi 3 mai, à partir de 9 heures.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Commission de la population et du développement adopte par consensus une résolution avec pour objectif une croissance économique soutenue et inclusive

Cinquante-cinquième session,
6e séance plénière – matin
POP/1104

La Commission de la population et du développement adopte par consensus une résolution avec pour objectif une croissance économique soutenue et inclusive

La Commission de la population et du développement a conclu, ce matin, sa cinquante-cinquième session sur une note consensuelle en adoptant sans vote une résolution portant sur le thème central de cette semaine de travaux : « Population et développement durable, en particulier une croissance économique soutenue et inclusive ».  Un texte qualifié de « jalon crucial » par Mme Natalia Kanem, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour les activités en matière de population (FNUAP), à deux ans de l’examen global de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) de 1994.

Ce n’est que la deuxième fois depuis 2016 que la Commission parvient à adopter une résolution de fond sur son thème prioritaire.  Excepté 2020, où elle n’avait pu achever ses travaux en raison de la pandémie de COVID-19, la Commission est « parvenue à bon port trois années de suite », ce qui n’était pas le cas par le passé, a relevé M. John Wilmoth, Directeur de la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales (DESA).

Alors que le monde fait face à plusieurs crises, la Commission a démontré qu’il est « possible de concilier des positions divergentes pour parvenir à des objectifs communs », a pour sa part salué M. Enrique A. Manalo, Président de cette session.  Il s’est félicité que l’instance, organe subsidiaire du Conseil économique et social (ECOSOC), ait, pour la première fois en 28 ans, entrepris un examen complet des liens cruciaux existant entre la population et le développement durable, avec un accent particulier sur la croissance économique soutenue et inclusive.

Dans sa résolution de 10 pages comprenant un dispositif de 29 paragraphes, pour l’heure seulement disponible dans une version provisoire en anglais*, la Commission réaffirme le « droit souverain » de chaque pays d’appliquer les recommandations du Programme d’action de la CIPD « de manière compatible » avec ses lois nationales et ses priorités, « en respectant pleinement les diverses religions, les valeurs morales et les origines culturelles de son peuple ».

La Commission reconnaît également qu’une croissance économique durable, inclusive, soutenue et équitable, est essentielle pour éradiquer la pauvreté et la faim, en particulier dans les pays en développement, et pour lutter contre les inégalités au sein et entre les pays.  Elle souligne que les efforts nationaux à cet égard doivent être complétés par un « environnement international favorable » et en garantissant une plus grande cohérence entre les politiques macroéconomiques et sociales à tous les niveaux.

Pour la Commission, le plein emploi productif et un travail décent pour tous constituent des éléments clefs du développement durable et devraient être une priorité des politiques nationales et de la coopération internationale.  Dans cet esprit, les États Membres devraient permettre les conditions d’une croissance économique soutenue, inclusive et durable « sans discrimination de quelque nature que ce soit », y compris un salaire égal pour un travail de valeur égale, et en promouvant le dialogue social.

Encourageant les investissements dans le secteur social, en particulier dans une éducation inclusive et de qualité et dans une couverture santé universelle, la Commission prend note de l’initiative du Secrétaire général de convoquer un sommet sur la « transformation de l’éducation », en septembre prochain, rappelant au passage que le thème spécial de sa prochaine session sera « Population, éducation et développement durable ».

Elle exhorte par ailleurs les États à redoubler d’efforts pour accélérer la transition des femmes de l’emploi informel à l’emploi formel et à s’attaquer au taux élevé de chômage des jeunes, tout en réaffirmant les contributions positives des migrants à une croissance inclusive et à un développement durable dans leurs pays d’origine, de transit et de destination.

Si les délégations ont unanimement salué l’adoption consensuelle de cette résolution, l’Union européenne, par la voix de la France, et la Nouvelle-Zélande, au nom de l’Australie et du Canada, ont rappelé qu’elle intervient alors que le monde tente de se relever de la pandémie de COVID-19, lutte contre les effets des changements climatiques et fait désormais face aux retombées de la guerre « non provoquée » contre l’Ukraine.  À l’instar du Royaume-Uni et du Mexique, les deux groupes de pays ont d’autre part regretté que les formes croisées de discrimination, la nécessité d’autonomiser les femmes et les filles et l’éducation complète à la sexualité ne figurent pas dans le texte, bien qu’acceptées dans d’autres forums des Nations Unies.  Israël aurait souhaité un libellé « plus ambitieux » sur ce dernier point.

Comme les années précédentes, un grand nombre de pays se sont désolidarisés des références aux soins de santé sexuelle et reproductive.  S’exprimant au nom d’un groupe de pays arabes, l’Arabie saoudite en a appelé au « respect des cultures et des lois », rejointe par l’Iraq, le Yémen et l’Égypte, celle-ci affirmant se fonder sur les « valeurs » de sa société.  De son côté, la République islamique d’Iran a dit se référer sur ces questions aux Programmes d’actions du Caire et de Beijing, tandis que le Guatemala et le Nicaragua faisaient valoir l’absence de consensus sur la notion de droit sexuel, dénonçant en outre toute promotion de l’avortement.  Une position partagée par le Saint-Siège, qui, aux côtés de la Fédération de Russie, a aussi regretté que le texte ne présente pas la famille comme « l’unité de base » de toute société.

À l’opposé de la Hongrie, qui a rappelé son opposition de principe au Pacte mondial pour les migrations, l’Indonésie s’est réjouie que le texte juge essentiel de protéger les travailleurs migrants, qui sont des « moteurs de la croissance économique ».  Le Liban a insisté sur l’importance de l’égalité femmes-hommes, les États-Unis avertissant, quant à eux, que les libellés relatifs au commerce et aux transferts de technologie ne les engagent en aucune manière.

Outre cette résolution, la Commission a adopté deux décisions portant sur le « cycle d’examen et d’évaluation de la mise en œuvre du Programme d’action de la CIPD » et le « thème spécial de la cinquante-septième session », en 2024, ainsi que l’ordre du jour provisoire de sa cinquante-sixième session.  Après avoir entériné le projet de rapport présenté par le Rapporteur, M. Andrei Nikolenco (Moldova), elle a brièvement ouvert sa cinquante-sixième session, l’occasion d’élire son Président, M. Gheorghe Leucă (Moldova), et de nommer M. Edgar Sisa (Botswana) et Mme Sarah Linton (Australie) aux postes de Vice-Présidents.

* La résolution sera publiée ultérieurement sous la cote E/CN.9/2022/L.6.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Syrie: le Conseil de sécurité face au manque de progrès sur le dossier des armes chimiques, 25 ans après l’entrée en vigueur de la CIAC

9026e séance – matin
CS/14877

Syrie: le Conseil de sécurité face au manque de progrès sur le dossier des armes chimiques, 25 ans après l’entrée en vigueur de la CIAC

Le Conseil de sécurité a tenu aujourd’hui sa séance mensuelle qu’il consacre à la question des armes chimiques en Syrie, le jour même où était célébré le 25e anniversaire de l’entrée en vigueur sur la Convention sur les armes chimiques (CIAC).  Alors que la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, Mme Izumi Nakamitsu, constatait une fois encore l’absence de progrès sur le dossier syrien, la Fédération de Russie a dénoncé une « tendance dangereuse à politiser le travail de l’OIAC », l’organisation chargée de surveiller l’application de la Convention. 

Mme Nakamitsu, qui présentait au Conseil le cent deuxième rapport mensuel du Directeur général de l’OIAC au titre de la résolution 2118 (2013), a expliqué que le Secrétariat de l’organisation n’avait pas encore reçu la déclaration demandée à Damas sur tous les types et quantités non déclarés d’agents neurotoxiques produits ou utilisés à des fins militaires dans une ancienne installation de fabrication d’armes chimiques, ni de réponse à sa demande d’informations sur le déplacement non autorisé des restes de deux cylindres détruits lors d’un incident survenu à Douma le 7 avril 2018.  En outre, le déploiement de l’Équipe d’évaluation des déclarations reste retardé par le refus persistant de la Syrie de délivrer un visa d’entrée à un de ses experts.  Tant que ces questions en suspens ne seront pas réglées, la communauté internationale ne pourra pas être pleinement convaincue que le programme d’armes chimiques de Damas a été éliminé, a insisté la Haute-Représentante. 

La présentation du rapport a amené le Mexique à regretter qu’à chaque discussion mensuelle sur ce dossier, « nous soyons confrontés à des progrès limités ».  L’Albanie a déploré le manque délibéré de coopération de la Syrie avec l’OIAC, de même que la Norvège, qui a jugé particulièrement regrettable que le déploiement de l’Équipe d’évaluation des déclarations en Syrie n’ait pu avoir lieu.  La France a invité fermement la Syrie à faire la lumière sur ses stocks, à répondre aux questions posées et à se conformer à ses obligations internationales, conditions nécessaires pour que soient rétablis ses droits et privilèges suspendus il y a un an lors de la Conférence des États parties à la CIAC.  Les Émirats arabes unis et l’Inde ont appelé l’OIAC et la Syrie à travailler ensemble et à envisager toutes les alternatives disponibles pour faciliter la visite de l’équipe d’experts à Damas.  De son côté, la Chine a rappelé que les enquêtes de l’OIAC devaient respecter les principes d’indépendance, d’impartialité et d’objectivité de la CIAC et a redit son opposition à la création de l’Équipe d’enquête et d’identification, en souhaitant qu’à l’avenir, le Directeur général en revienne à la « tradition » de l’adoption de décisions par consensus. 

La France a aussi rappelé que, depuis 2013, les enquêteurs de l’OIAC et des Nations Unies avaient démontré de manière irréfutable l’emploi d’armes chimiques à huit reprises par le « régime syrien », un chiffre que les États-Unis ont jugé sous-estimé, parlant d’un recours à l’armes chimique à « au moins 50 reprises » par le « régime Assad » depuis le début du conflit.   

La Fédération de Russie a regretté que le nouveau rapport du Directeur général de l’OIAC reprenne les précédents et a dénoncé la « présomption de culpabilité » imposée à la Syrie qui, a-t-elle affirmé, a fidèlement satisfait à ses obligations au titre de la CIAC, comme cela a été reconnu dès 2016.  Pour la Fédération de Russie, l’accusation de « non-coopération » de la partie syrienne repose sur un argument unique: la non-délivrance du visa à un membre de l’équipe d’experts. 

À ce sujet, la République arabe syrienne a indiqué qu’elle est prête à recevoir l’Équipe d’évaluation des déclarations, à l’exception d’un membre dont elle a critiqué le manque d’engagement envers l’objectivité et le professionnalisme.  Il est bien connu que l’OIAC dispose de centaines d’experts capables de mener à bien cette tâche, à moins que la question ne vise à créer un problème ou à donner de fausses impressions sur la coopération syrienne, a ironisé la délégation qui a par ailleurs déploré le fait que la mission d’établissement des faits se limite à mener des enquêtes à distance et à recevoir des échantillons qu’elle n’a pas collectés directement.

De même, la Fédération de Russie a dénoncé des « enquêtes biaisées » de l’OIAC servant de prétexte à des pressions politiques.  Si cette situation n’est pas corrigée, l’OIAC perdra complètement son autorité déjà ternie et deviendra un outil de mise en œuvre des tâches géopolitiques d’un petit groupe d’États, a-t-elle averti.  Pour les États-Unis au contraire, la Russie, « qui n’a même plus un semblant de crédibilité lorsqu’il s’agit de la paix et de la sécurité internationales », continue de saper l’OIAC en évitant à la Syrie de devoir rendre des comptes pour ses atrocités, quitte pour cela à utiliser à plusieurs reprises son droit de veto au Conseil de sécurité. 

À la suite de la France, qui appelait à faire cesser les campagnes de désinformation à l’encontre du Secrétariat technique de la Convention, le Royaume-Uni a déclaré qu’en Syrie, l’utilisation d’armes chimiques avait été à la fois précédée et suivie de désinformation.  Inquiet de voir se mettre en place un schéma similaire en Ukraine, le Royaume-Uni a averti que l’utilisation d’armes chimiques dans ce pays constituerait une escalade impitoyable pour laquelle il faudrait rendre des comptes.  

En ce jour anniversaire de l’entrée en vigueur de la CIAC, alors que Mme Nakamitsu jugeait regrettable que les réalisations historiques de la CIAC aient été éclipsées par les nombreux cas documentés d’utilisation d’armes chimiques en Syrie, le Royaume-Uni a appelé la communauté internationale à se réengager collectivement en sa faveur.  La Fédération de Russie, qui a rappelé être à l’origine de la CIAC, a précisé que, malgré un contexte difficile, elle soutiendrait la Déclaration que la présidence du Conseil de sécurité devait faire à la presse à cette occasion. 

La fin de la séance –la dernière du mois- n’en a pas moins été marquée par une nouvelle passe d’armes entre la Fédération de Russie et le Royaume-Uni, la première accusant le second d’avoir, pendant son mois de présidence, réussi à « réduire à néant » les règles écrites et non écrites sur lesquelles repose la confiance au sein du Conseil; le second répliquant qu’il continuerait de faire respecter la Charte des Nations Unies et le règlement intérieur du Conseil dans le cadre de cette présidence et des présidences futures.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT S/2022/281

Déclarations

Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a jugé regrettable qu’aujourd’hui, de nombreuses réalisations historiques de la Convention sur les armes chimiques, qui fête les 25 ans de son entrée en vigueur, aient été éclipsées par les nombreux cas documentés d’utilisation d’armes chimiques en République arabe syrienne.  Si l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a confirmé la destruction complète de toutes les armes chimiques déclarées par la Syrie le 4 janvier 2016, elle continue de documenter des cas d’utilisation de ce type d’armes dans ce pays, malgré l’adhésion de Damas à cet instrument. 

La haute fonctionnaire a regretté qu’il y a eu peu ou pas de changement au cours du mois écoulé sur les questions liées à ce dossier.  Les efforts déployés par l’Équipe d’évaluation des déclarations de l’OIAC pour clarifier toutes les questions en suspens concernant la déclaration initiale et les déclarations ultérieures de la Syrie demeurent inchangés.  Et le Secrétariat de l’OIAC n’a pas encore reçu la déclaration demandée à Damas sur tous les types et quantités non déclarés d’agents neurotoxiques produits et/ou utilisés à des fins militaires dans une ancienne installation de fabrication d’armes chimiques qui a été déclarée par la Syrie comme n’ayant jamais été utilisé pour produire et/ou militariser des agents de guerre chimique. 

Le Secrétariat technique de l’OIAC attend également des informations et des documents supplémentaires de la part de la Syrie concernant les dommages causés lors de l’attaque du 8 juin 2021 contre un site militaire abritant une ancienne installation de fabrication d’armes chimiques déclarée.  « J’ai également été informée qu’il n’a pas encore reçu de réponse à la demande d’informations concernant le mouvement non autorisé des restes de deux cylindres détruits liés à l’incident qui s’est produit à Douma le 7 avril 2018 », a ajouté la Haute-Représentante, appelant la Syrie à répondre de toute urgence aux demandes de clarification du Secrétariat. 

Quant au déploiement de l’Équipe d’évaluation des déclarations, il a été retardé en raison du refus persistant de la Syrie de délivrer un visa d’entrée à un de ses experts.  Or, a-t-elle fait observer, le cadre juridique applicable n’autorise pas la Syrie à sélectionner les experts.  Parallèlement, le Secrétariat technique de l’OIAC a proposé une série limitée de consultations à Beyrouth, au Liban, qui permettraient d’évaluer l’état des questions en suspens, de discuter de la marche à suivre possible et de recevoir les documents demandés par le Secrétariat.  Elle a indiqué que la Syrie aurait accepté la série limitée de consultations, tout en demandant l’exclusion d’un expert de l’OIAC.  Tant que ces questions en suspens ne seront pas réglées, la communauté internationale ne pourra pas être pleinement convaincue que le programme d’armes chimiques de Damas a été éliminé, a-t-elle insisté. 

À cette fin, j’ai le regret d’informer le Conseil que la Syrie n’a pas encore fourni suffisamment d’informations ou d’explications techniques qui permettraient au Secrétariat technique de l’OIAC de clore la question liée à la détection d’un produit chimique du tableau 2 dans les installations du Centre d’études et de recherche scientifiques de Barzé en novembre 2018.  Elle a par ailleurs fait savoir que le Secrétariat technique de l’OIAC est dans l’attente d’une réponse de la Syrie concernant l’agenda de la réunion entre le Directeur général de l’OIAC et le Ministre des affaires étrangères et des expatriés de la Syrie.  Cette réunion proposée serait une occasion importante de renforcer le dialogue et la coopération entre les parties, a-t-elle estimé.

M. RICHARD M. MILLS (États-Unis) a appelé à rester collectivement vigilant pour prévenir les menaces et la normalisation de l’utilisation des armes chimiques.  Il a relevé que selon les rapports indépendants du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU et de l’Équipe d’enquête et d’identification de l’OIAC, le « régime Assad » a utilisé des armes chimiques contre son propre peuple à au moins huit reprises depuis son adhésion à la Convention sur les armes chimiques.  Malheureusement, le tableau risque d’être beaucoup plus sombre que cela, a averti le délégué, en allusion aux enquêtes en cours sur plusieurs autres incidents.  Les États-Unis, a-t-il fait savoir, estiment que le régime Assad a fait usage d’armes chimiques au moins 50 fois depuis le début du conflit en Syrie.  M. Mills a en outre déploré que les déclarations de la Syrie ne peuvent toujours pas être considérées comme complètes et exactes.

Face aux preuves irréfutables, documentées par le travail méticuleux de l’OIAC, que la Syrie ne respecte pas ses obligations au titre de la Convention sur les armes chimiques, le régime Assad lance des accusations grotesques de partialité à l’encontre des experts indépendants et professionnels de l’OIAC, dans un effort infructueux de les attaquer et détourner l’attention de faits avérés, a-t-il dénoncé.  Il a également accusé la Russie, « qui n’a même plus un semblant de crédibilité lorsqu’il s’agit de la paix et de la sécurité internationales », de continuer de saper l’OIAC, en utilisant à plusieurs reprises son veto au Conseil de sécurité pour protéger la Syrie de la responsabilité de ses atrocités.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a regretté que le rapport du Directeur général de l’OIAC, tout comme les précédents, a été élaboré sur la base de la « présomption de culpabilité » de Damas.  Quelles que soient les mesures prises par les Syriens envers l’OIAC, ce n’est jamais assez, s’est-il offusqué, appelant ensuite à alléger le calendrier du Conseil de sécurité sur la question des armes chimiques en Syrie.  En revenant sur la « non-coopération » de la partie syrienne avec l’Équipe d’évaluation des déclarations, le délégué a noté que cette posture repose sur un argument unique: la non-délivrance du visa à un membre de l’équipe d’experts.  Est-il possible que toutes les interactions bilatérales du Secrétariat technique avec les Syriens soient liées à un seul et unique expert? s’est-il étonné, faisant observer que des experts russes qui devaient participer à des événements au Siège de l’ONU ont constamment fait face au refus de délivrance de visa du pays hôte, sans que cela ne fasse des vagues.  Il a rappelé que les autorités syriennes étaient prêtes à accepter la venue d’experts européens l’été dernier, mais que le Directeur général de l’OIAC avait « publiquement refusé d’envoyer une mission à Damas en raison du climat qui n’était pas favorable pour son personnel ». 

Émettant des doutes sur la volonté de l’OIAC de vouloir évoluer avec le dossier de la déclaration initiale de la Syrie, le délégué a demandé à Mme Wakamatsu d’informer le Conseil sur la pratique d’un chef de l’OIAC qui n’aurait jamais visité le pays qui est au centre de son travail, et qui s’informe donc de la situation sur le terrain exclusivement à partir de rapports subordonnés.  La Fédération de Russie est à l’origine de la Convention sur les armes chimiques et considère que l’engagement pour sa mise en œuvre n’est pas juste une formalité, a-t-il souligné. 

Le représentant russe a déploré la tendance dangereuse à politiser le travail de l’OIAC, utilisée comme un outil pour punir ceux qui ne conviennent pas aux pays occidentaux.  Ainsi, des « enquêtes » biaisées sont menées et servent de prétexte pour exercer des pressions politiques.  Il a rappelé l’exemple du « célèbre » rapport de la mission d’enquête sur l’incident de Douma en 2018, dont la version finale avait été radicalement éditée pour accentuer son côté « anti-syrien », sous la pression de certaines délégations.  De même, les rapports sont préparés sur la base d’informations collectées à distance auprès de sources biaisées, principalement les « tristement célèbres » Casques blancs, a poursuivi le délégué.  Si la situation n’est pas corrigée, l’OIAC perdra complètement son autorité déjà ternie, et deviendra un outil de mise en œuvre des tâches géopolitiques d’un petit groupe d’États, a-t-il prévenu.

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a profité de l’anniversaire de la Convention sur les armes chimiques pour réaffirmer le soutien indéfectible de son pays à l’OIAC, à son Directeur général et au personnel du Secrétariat technique.  La représentante a toutefois déploré la récente augmentation de l’utilisation des armes chimiques, qui représente une grave menace pour la paix et la sécurité internationales.  Elle a noté que des milliers de civils syriens ont subi les effets dévastateurs des armes chimiques utilisées par l’armée syrienne et par Daech, comme en témoignent les rapports de l’ONU et de l’OIAC.  Dans le même temps, elle a dit constater des efforts constants, de la part de la Syrie et de la Fédération de Russie, de saper et de politiser le travail de l’OIAC, afin selon elle de détourner l’attention de la culpabilité de la Syrie.  La représentante a invité les membres du Conseil de sécurité à être clairs dans leur soutien total au travail de l’OIAC en Syrie et à rejeter les efforts visant à saper sa crédibilité.  Le Secrétariat technique de l’OIAC et la Conférence des États parties à la Convention ayant précisé les actions concrètes nécessaires pour résoudre les questions en suspens concernant les déclarations de la Syrie, c’est désormais à cette dernière de mettre en œuvre ces actions et d’apporter la clarté nécessaire sur toutes les questions en suspens, a-t-elle conclu.

Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a regretté qu’à chaque discussion mensuelle sur le dossier des armes chimiques utilisées en Syrie, « nous soyons confrontés à des progrès limités ».  Les divergences sur 20 points en suspens de la déclaration initiale n’ont toujours pas été résolues et il n’a pas été possible de mener un nouveau cycle de consultations en raison du refus persistant de Damas d’accorder un visa à l’un des membres de l’équipe d’évaluation des déclarations, a-t-elle constaté.  La représentante a aussi observé que si la Syrie a accepté de tenir un cycle limité de consultations au Liban, elle a imposé ses conditions.  Elle a réaffirmé que l’un des objectifs de l’Équipe d’évaluation est d’aider la Syrie à clarifier les divergences dans sa déclaration initiale afin de se conformer pleinement aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention sur les armes chimiques.  Elle a en outre demandé instamment à la Syrie d’expliquer le transfert non autorisé des deux cylindres de chlore liés à l’incident de Douma remontant à avril 2018.  En outre, l’accord tripartite entre l’OIAC, l’UNOPS et la Syrie expire le 30 juin, a fait observer la déléguée, qui a exhorté les parties à conclure un accord qui prévoie au-delà de cette date les conditions adéquates pour faciliter le mandat du Secrétariat. 

Mme SHERAZ GASRI (France) a rappelé que depuis 2013, les enquêteurs de l’OIAC et des Nations Unies ont démontré de manière irréfutable l’emploi de ces armes à huit reprises par le régime syrien.  Elle a fustigé le fait que le régime continue de faire obstruction au travail de l’OIAC et a appelé fermement la Syrie à faire la lumière sur ses stocks, à répondre aux questions posées et à se conformer à ses obligations internationales.  C’est à cette condition que les droits et privilèges suspendus il y a un an lors de la Conférence des États parties pourront être rétablis, a-t-elle souligné.  La représentante a également appelé à faire cesser les campagnes de désinformation à l’encontre du Secrétariat technique.  Il est essentiel que les auteurs d’attaques à l’arme chimique soient identifiés et rendent des comptes, a-t-elle ajouté.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a regretté le manque délibéré de coopération de la Syrie avec l’OIAC.  Il n’y a pas de progrès dans les discussions entre l’OIAC et le Gouvernement syrien, a-t-il constaté, appelant la Syrie à démontrer concrètement et sans détours sa volonté de coopération avec l’OIAC sur toutes les demandes exigées dans le cent deuxième rapport mensuel de l’OIAC, en conformité avec la Résolution 2118 (2013).  L’Albanie continue de soutenir pleinement le travail professionnel, indépendant et impartial de l’OIAC et de son secrétariat technique, a indiqué le délégué en rappelant aussi que le Conseil de sécurité et ses membres ont la responsabilité de protéger le régime international de non-prolifération qui implique et sous-tend la sécurité collective.  Il ne peut et ne doit y avoir d’impunité pour l’utilisation d’armes chimiques, ni en Syrie ni ailleurs, a-t-il tranché.  Pour le représentant, toute tentative de politiser le travail de l’OIAC ne servirait qu’à retarder la mise en œuvre de la résolution 2118 (2013) par la Syrie, ce qui nuirait aussi à la réputation du Conseil de sécurité.  Il a conclu en disant rejeter fermement toute tentative de discréditer l’OIAC afin de dissimuler les crimes horribles commis par le régime syrien et d’échapper à la responsabilité.

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a estimé particulièrement regrettable que le déploiement de l’Équipe d’évaluation des déclarations en Syrie, qui avait été proposé plus tôt en avril, n’ait pas eu lieu.  De même, la déléguée a pris note des plans pour un cycle limité de consultations au Liban, demandant instamment que des progrès positifs soient réalisés sur la voie à suivre.  Elle a tenu, également, à souligner que la résolution 2118 (2013) mentionne explicitement les obligations de la Syrie, à savoir, accepter le personnel désigné par l’OIAC, fournir à ce personnel un accès immédiat et sans entrave ainsi que son droit d’inspecter tous les sites.  Il est essentiel de revenir à des déploiements réguliers de l’Équipe d’évaluation des déclarations, avec des visas d’entrée délivrés à tous les experts, a réclamé la déléguée.  À cet égard, elle a exhorté la Syrie à coopérer pleinement avec l’OIAC, et à fournir des informations et des explications techniques suffisantes pour clore les 20 questions en suspens.  Enfin, Mme Heimerback a jugé essentiel que la Syrie prenne les mesures nécessaires pour que soit levée la suspension de ses droits et privilèges en tant qu’État partie à la Convention sur les armes chimiques.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) s’est exprimé au nom des trois pays africains membres du Conseil de sécurité, les A3 (Gabon, Ghana et Kenya).  Il a dit que ces pays restent attachés à la norme établie contre l’utilisation d’armes chimiques et a réitéré leur soutien à la résolution 2118 (2013) du Conseil qui définit le cadre de la destruction rapide et vérifiable des armes chimiques de la Syrie.  Le délégué a salué les efforts continus du Secrétariat technique de l’OIAC pour remplir son mandat, ainsi que sa disponibilité à se déployer en Syrie sous réserve de l’assouplissement des restrictions de voyage et des difficultés imposées par la COVID-19.  Les lacunes non comblées, les incohérences et les problèmes en suspens dans les déclarations initiales et ultérieures de la Syrie doivent être traitées, a-t-il dit.  Il a ensuite encouragé la République arabe syrienne à accorder des visas d’entrée à tous les membres de l’équipe d’experts, dans le respect de ses obligations découlant de la Convention sur l’élimination des armes chimiques.  Pour le représentant, des échanges entre le Ministre des affaires étrangères et des expatriés de la Syrie et le Directeur général de l’OIAC seraient utiles pour renforcer la confiance et donner l’impulsion nécessaire à leur coopération.

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a estimé que faire des progrès tangibles sur le dossier des armes chimiques lié à la crise syrienne nécessite de s’attaquer aux lacunes existantes.  Il a encouragé à un dialogue constructif et significatif entre l’OIAC et la République arabe syrienne.  À cet égard, il a exhorté les deux parties à travailler ensemble pour progresser et à envisager toutes les alternatives disponibles pour faciliter la visite de l’équipe d’experts à Damas.  Malgré les progrès accomplis vers l’élimination complète des armes chimiques, les menaces qu’elles représentent sont encore bien réelles, en particulier lorsqu’elles sont acquises par des groupes terroristes tels que Daech, a relevé le représentant.  Il a insisté sur l’importance de poursuivre la lutte contre Daech en Syrie et ailleurs et de l’empêcher de réorganiser ses rangs ou d’acquérir des armes chimiques.

M. PRATIK MATHUR (Inde) a encouragé la poursuite de l’engagement entre la Syrie et le Secrétariat technique de l’OIAC pour résoudre les questions en suspens, espérant la tenue, au plus tôt, du vingt-cinquième cycle de consultations entre l’Équipe d’évaluation des déclarations et l’autorité nationale syrienne.  De même, il a souhaité que la prochaine série d’inspections des installations de Barzé et de Jamraya du Centre d’études et de recherches (CERS) aura lieu dans les meilleurs délais. 

L’Inde attache une grande importance à la Convention sur les armes chimiques et est favorable à sa mise en œuvre complète, efficace et non discriminatoire.  L’Inde est opposée à l’utilisation d’armes chimiques par quiconque, où que ce soit, à tout moment et en toutes circonstances, a ajouté le délégué.  Son pays a également mis en garde à plusieurs reprises contre la possibilité que des entités et des individus terroristes aient accès à des armes chimiques, y compris dans la région.  Poursuivant, le délégué est revenu sur les rapports de l’UNITAD faisant état de déploiements répétés d’armes chimiques par des groupes terroristes contre des populations civiles entre 2014 et 2016.  Pour lui, la lutte collective de la communauté internationale contre le terrorisme sera renforcée si l’on garantit la recherche de responsabilités pour les actes de terreur graves et inhumains commis par les terroristes et les groupes terroristes.  À cette fin, a conclu le représentant, l’Inde a versé une contribution de 200 000 dollars pour soutenir les enquêtes de l’UNITAD.

M. XING JISHENG (Chine) s’est félicité du 25e anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention sur les armes chimiques, avant de saluer les préparatifs en cours de la réunion entre le Ministre des affaires étrangères de la Syrie et le Directeur général de l’OIAC.  Le représentant a indiqué que les enquêtes menées par cette organisation doivent respecter les principes d’indépendance, d’impartialité et d’objectivité de la Convention sur les armes chimiques.  Rappelant son opposition à la création de l’Équipe d’enquête et d’identification de l’OIAC, il a souhaité qu’à l’avenir, le Directeur général facilite les efforts des parties pour les aider à surmonter les différences et revenir à la « tradition » de l’adoption de décisions « par consensus ».

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a salué le succès de l’OIAC dans la supervision de la Convention sur les armes chimiques et la vérification de la destruction de 99% des stocks déclarés.  Elle a accusé le régime syrien de continuer de bafouer les termes de la résolution 2118 (2013) du Conseil de sécurité et d’ignorer ses obligations de coopérer pleinement avec l’OIAC pour progresser sur les questions en suspens concernant sa déclaration initiale.  Ce mois-ci marque les anniversaires des attaques à l’arme chimique à Khan Cheïkhoun en 2017 et Douma en 2018, a-t-elle rappelé, avant de dire l’engagement du Royaume-Uni à tenir le régime d’Assad responsable de l’utilisation répétée d’armes chimiques contre sa propre population. 

En Syrie, l’utilisation d’armes chimiques a été à la fois précédée et suivie de désinformation, a constaté la représentante.  Elle s’est inquiétée de l’émergence d’un schéma similaire dans la désinformation russe sur les armes chimiques en Ukraine.  L’utilisation d’armes chimiques en Ukraine serait une escalade impitoyable, a-t-elle averti, affirmant que le Royaume-Uni demandera des comptes à tout État qui utilise des armes de destruction massive.  La déléguée a appelé la communauté internationale à se réengager collectivement envers la Convention à l’occasion de son 25e anniversaire. 

M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a souhaité que la réunion de haut niveau entre le Ministre des affaires étrangères et des expatriés de la Syrie et le Directeur général de l’OIAC se tienne dans les meilleurs délais selon un ordre du jour défini et complet permettant de réaliser des progrès tangibles.  Il a indiqué que la Syrie est prête à recevoir l’Équipe d’évaluation des déclarations, à l’exception d’un membre auquel elle avait précédemment opposé une objection en raison de son manque d’engagement envers l’objectivité et le professionnalisme.  Il est bien connu que l’OIAC dispose de centaines d’experts capables de mener à bien cette tâche, à moins que la question ne vise à créer un problème ou à donner de fausses impressions sur la coopération syrienne, a ironisé le représentant qui a souligné que la Syrie a le droit souverain de déterminer qui entre sur son territoire.

Il a indiqué que la Syrie a fourni à la mission d’établissement des faits les facilités nécessaires pour mener à bien son travail.  Mais, a-t-il déploré, cette mission n’a pas adhéré aux termes de référence convenus, n’a pas respecté les dispositions de la Convention et s’est écartée du professionnalisme et de l’indépendance requis dans l’exécution de son travail.  De fait, a-t-il critiqué, la mission a limité sa capacité à mener des enquêtes à distance et à recevoir des échantillons d’autres personnes qu’elle n’a pas collectés directement.  Elle s’est également appuyée sur des séquences et des vidéos provenant de sources fabriquées par des groupes terroristes, ainsi que sur des témoignages de personnes provenant de lieux où se trouvent des groupes terroristes.  

Il s’est inquiété des retards et des atermoiements de la mission d’établissement des faits dans l’achèvement des rapports réclamés par la Syrie concernant l’utilisation d’armes chimiques par des groupes terroristes.  Certains incidents signalés par la Syrie il y a plus de cinq ans, n’ont pas encore fait l’objet d’un rapport de la part de la mission, a-t-il déploré.  Le représentant a ensuite appelé à dépolitiser l’OIAC, à préserver la nature technique de son travail et à s’attaquer aux pratiques répréhensibles de ses différentes équipes.

M. ÖNCÜ KEÇELI (Turquie) a indiqué que le cent deuxième rapport de l’OIAC démontre que les questions en suspens au sujet du programme d’armes chimiques en Syrie continuent de rester sans réponse.  Il a dit prendre acte du rapport de l’Équipe d’enquête et d’identification, et attendre avec impatience les résultats des autres enquêtes menées par cette même équipe.  La Turquie, a dit son délégué, condamne vivement l’emploi documenté d’armes chimiques contre son propre peuple.  Les membres du Conseil doivent agir pour lutter contre l’impunité et exhorter à l’unisson la Syrie à se conformer à ses obligations en vertu de la Convention sur les armes chimiques, a-t-il ajouté.

Mme ZAHRA ERSHADI (République islamique d’Iran) a dit qu’en tant que grande victime des armes chimiques, l’Iran condamne fermement l’utilisation de ces armes, n’importe où, par n’importe qui et en toutes circonstances.  En ce 25e anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention, elle a estimé que politiser la mise en œuvre de celle-ci, et l’exploitation de l’OIAC à des fins politiquement motivées met en danger la crédibilité ainsi que l’autorité de l’OIAC.  Pour la déléguée, toute enquête sur l’utilisation d’armes chimiques doit être impartiale, professionnelle, crédible et objective, afin d’établir les faits et parvenir à des conclusions fondées sur des preuves.

La représentante a estimé que la Syrie a fait de véritables efforts pour remplir ses obligations en rapport avec la Convention, et démontré sa volonté de collaborer avec le Secrétariat technique de l’OIAC.  Cependant, il est décevant que certains États parties aient politisé la question des armes chimiques syriennes, a—t-elle regretté.  Elle a appuyé l’approche adoptée par l’OIAC et la Syrie en matière de dialogue de haut niveau et a espéré que cette initiative produira des résultats positifs.  Afin d’améliorer le fonctionnement du Conseil de sécurité, et créer un environnement positif propice à un dialogue constructif entre la Syrie et l’OIAC, les délibérations du Conseil sur les armes chimiques en Syrie doivent être moins répétitives et moins fréquentes, a-t-elle plaidé.

Reprenant la parole, le représentant de la Fédération de Russie a indiqué être satisfait de voir le mois toucher à sa fin, en raison d’une présidence britannique qui sera selon lui étudiée dans les manuels de diplomatie comme un contre-exemple.  Selon lui, le Royaume-Uni a réussi à « réduire à néant » les règles écrites et non écrites sur lesquelles repose la confiance au sein du Conseil de sécurité.

La représentante du Royaume-Uni a ensuite souligné que son pays continuera de respecter la Charte des Nations Unies et le règlement intérieur du Conseil de sécurité dans le cadre de cette présidence et des présidences futures.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Libye: le Conseil de sécurité décide une nouvelle prorogation technique de trois mois du mandat de la MANUL, qui sera dirigée par un représentant spécial

9025e séance – matin 
CS/14875

Libye: le Conseil de sécurité décide une nouvelle prorogation technique de trois mois du mandat de la MANUL, qui sera dirigée par un représentant spécial

Le Conseil de sécurité a décidé aujourd’hui, à l’unanimité, de proroger jusqu’au 31 juillet 2022 et dans les mêmes termes le mandat de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), tout en la priant d’appliquer les recommandations issues de l’examen stratégique indépendant de la Mission réalisé durant l’été 2021.  La résolution 2629 (2022) est la quatrième prorogation technique de la Mission depuis septembre 2021, après celles du 15 septembre -résolution 2595 (2021)-, du 30 septembre -résolution 2599 (2021)– et du 31 janvier 2022 -résolution 2619 (2022).  Lors des explications de vote, la grande majorité des membres du Conseil ont regretté qu’il ait été une fois encore impossible de s’accorder sur une prorogation plus longue et sur un mandat de fond pour la MANUL et ont mis en cause la Fédération de Russie, accusée par les États-Unis de « prendre le mandat de la Mission en otage ».

Le Conseil a en outre décidé que la Mission devra être dirigée par un représentant spécial du Secrétaire général basé à Tripoli, épaulé par deux représentants spéciaux adjoints.  C’est le Secrétaire général qui devra nommer, « rapidement », le représentant spécial. 

Après le départ en février 2020 du dernier Représentant spécial, M. Ghasan Salamé, la nomination d’un nouveau chef pour la Mission avait pris plusieurs mois, durant lesquels l’intérim avait été assuré par la Représentante spéciale adjointe Stephanie Williams.  Nommé en janvier 2021, M. Jan Kubiš avait rang d’Envoyé spécial et était basé à Genève.  Il a démissionné en novembre 2021 dans la perspective des élections et d’un changement de mandat de la Mission, en expliquant notamment qu’il était favorable au retour à la tête de la Mission d’un représentant spécial basé à Tripoli.  Le Secrétaire général a par ailleurs fait de Mme Williams sa Conseillère spéciale pour la Libye en décembre 2021. 

Dans leurs explications de vote, les différents représentants ont tous souhaité que la nomination du nouveau représentant spécial intervienne rapidement.  Le Brésil a estimé que cette nomination confirmerait aux forces politiques libyennes « que ce Conseil est sérieux quant à son engagement à soutenir le processus de réconciliation nationale ».  La France l’a jugée nécessaire pour donner une direction politique efficace à la Mission et l’Irlande, pour sortir le pays de l’impasse actuelle, y compris en accompagnant les autorités libyennes dans la tenue des élections présidentielle et législatives initialement prévues fin décembre 2021 et reportées au tout dernier moment.

Dans le préambule de la résolution, le Conseil réaffirme en effet son ferme attachement à un processus politique dirigé et contrôlé par la Libye et facilité par les Nations Unies, « qui doit ouvrir la voie à la tenue, dès que possible, d’élections présidentielle et législatives nationales libres, régulières et inclusives » dans le pays.  La résolution demande à cette fin à toutes les parties de s’abstenir de tout acte susceptible de compromettre le processus politique ou l’accord de cessez-le-feu du 23 octobre 2020, celui-ci devant être appliqué dans son intégralité.  Le Conseil y rappelle que les sanctions prévues dans les résolutions 1970 (2011) et suivantes s’appliqueront aussi à quiconque commettrait ou appuierait des actes mettant en danger la paix, la stabilité ou la sécurité en Libye ou qui entraveraient ou compromettraient la réussite de sa transition politique, « ce qui comprend le fait d’entraver ou de compromettre la tenue des élections ».  Le Secrétaire général devra rendre compte tous les 30 jours de l’application de la résolution au Conseil de sécurité jusqu’au 31 juillet 2022.

Mise en cause par les autres membres du Conseil pour son refus d’accepter un mandat plus long et plus substantiel pour la Mission, la Fédération de Russie a expliqué sa position en se disant convaincue que la configuration actuelle de la Mission était inacceptable et en soulignant que la résolution envoie un message clair sur la nécessité de prendre immédiatement une décision sur la désignation de son nouveau chef.  Depuis six mois, en l’absence d’un représentant spécial, la MANUL ne peut accompagner efficacement le processus de réconciliation en Libye, a affirmé le représentant qui a, en outre, mis en doute l’impartialité de la MANUL.  En cas de nouveau « retard délibéré » concernant la désignation, la Fédération de Russie a menacé d’en « tirer toutes les conséquences concernant l’avenir de la MANUL ».

La Fédération de Russie a également accusé « certains membres du Conseil » de ne pas accepter que la MANUL soit dirigée par un représentant spécial africain et y a vu un signe de « néocolonialisme ».  Les trois membres africains du Conseil, notamment le Gabon, ont demandé à cet égard une plus grande implication des pays africains dans les questions africaines.  La Chine a signifié qu’elle soutenait la nomination à la tête de la Mission d’un candidat issu de l’Afrique. 

La majorité des membres du Conseil ont surtout reproché à la Fédération de Russie de s’être opposée à une prorogation plus longue de la Mission et à l’adoption d’un mandat plus substantiel.  Si les Émirats arabes unis, le Brésil, l’Albanie ou l’Irlande se sont félicités que la résolution demande la mise en œuvre des recommandations de l’examen stratégique indépendant de l’été 2021, et si la France a voulu voir dans l’adoption de la résolution une « première étape essentielle pour donner à la MANUL tous les moyens nécessaires à sa mission », la plupart de ces mêmes pays, et d’autres, ont regretté que le mandat reste essentiellement celui décidé par la résolution 2542 (2020).  L’Irlande a ainsi déclaré qu’une prorogation plus longue permettrait de donner plus de visibilité à la Mission en lui conférant des mandats relatifs aux droits humains, au rôle des femmes ou encore à la situation humanitaire.  Le Mexique a lui aussi estimé que trois mois étaient trop courts pour permettre à la MANUL de lutter contre les flux illicites d’armes ou de contribuer au processus de réconciliation nationale. 

Plusieurs des membres du Conseil ont donc jugé, à l’image de la Norvège, que le vote de ce jour représente un échec du Conseil de sécurité et qu’il envoie un signal « regrettable » au peuple libyen et à l’ensemble de la région et ce, en dépit des « efforts de bonne foi de 14 membres du Conseil ».  Les États-Unis ont même estimé qu’un mandat aussi bref rendrait plus difficile encore le recrutement d’un chef pour la Mission.  Le Conseil de sécurité n’a « pas abandonné le peuple libyen », ont tenu à préciser les États-Unis en insistant sur le fait que « 14 membres du Conseil ont appuyé un mandat de fond d’un an pour renforcer la MANUL ».  Les États-Unis ont appelé à « ne pas permettre à l’avenir à un seul membre du Conseil de prendre le mandat de la MANUL en otage ».  Comme plusieurs autres délégations qui avaient elles aussi mentionné l’opposition « d’un seul » membre du Conseil, le Royaume-Uni a constaté que, « une fois de plus, la Russie s’est isolée » et l’a appelé à assumer ses responsabilités en tant que membre du Conseil et à se prononcer sur un mandat de fond pour la Mission.

Par ailleurs, en début de séance, la représentante du Royaume-Uni, pays qui assume la présidence du Conseil en avril, a, à titre national, rappelé que des missiles ont été tirés hier sur la ville de Kiev alors que le Secrétaire général s’y trouvait.  Elle a annoncé que M. António Guterres aura la possibilité d’évoquer ces événements dans le cadre de la discussion sur l’Ukraine prévue la semaine prochaine, alors que les États-Unis auront pris, le 1er mai, la présidence tournante du Conseil de sécurité.

Texte du projet de résolution (S/2022/356)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant sa résolution 1970 (2011) et toutes ses résolutions ultérieures sur la Libye, notamment les résolutions 2259 (2015), 2510 (2020), 2542 (2020) et 2570 (2021),

Réaffirmant son ferme attachement à un processus politique dirigé et contrôlé par les Libyens et facilité par les Nations Unies, qui doit ouvrir la voie à la tenue dès que possible d’élections présidentielle et législatives nationales libres, régulières et inclusives en Libye, exprimant à cet égard son soutien aux efforts actuellement déployés pour faciliter les concertations interlibyennes visant à créer des conditions et des circonstances favorables à l’organisation d’élections reposant sur des bases constitutionnelles et légales, rappelant le calendrier fixé dans la feuille de route du Forum de dialogue politique interlibyen, et rappelant que toutes les institutions compétentes ont un rôle à jouer dans la conduite des élections,

Rappelant qu’il a constaté, dans sa résolution 2213 (2015), que la situation en Libye continuait de menacer la paix et la sécurité internationales,

1.    Décide de proroger jusqu’au 31 juillet 2022 le mandat de la MANUL, mission politique spéciale intégrée, pour lui permettre de mener à bien le mandat qui lui a été confié dans la résolution 2542 (2020) et au paragraphe 16 de la résolution 2570 (2021);

2.    Prend note de l’examen stratégique indépendant de la MANUL (S/2021/716), prie la Mission d’en appliquer les recommandations, décide que la MANUL devrait être dirigée par un représentant spécial du Secrétaire général basé à Tripoli, épaulé par deux représentants spéciaux adjoints du Secrétaire général, et demande au Secrétaire général de nommer un représentant spécial rapidement;

3.    Demande que, dans le cadre de l’application des recommandations issues de l’examen stratégique, la MANUL envisage l’ensemble des moyens pouvant lui permettre d’accroître son efficience et de redéployer les ressources existantes, notamment par la définition des priorités et la reconfiguration des tâches et des ressources, en fonction des besoins et des possibilités;

4.    Demande à toutes les parties de s’abstenir de tout acte susceptible de compromettre le processus politique ou l’accord de cessez-le-feu en Libye adopté le 23 octobre 2020, lequel devrait être appliqué dans son intégralité, et rappelle que les mesures énoncées dans sa résolution 1970 (2011), telles que modifiées par des résolutions ultérieures, s’appliqueront également aux personnes et entités dont le Comité des sanctions de l’Organisation des Nations Unies a déterminé qu’elles se livraient ou qu’elles apportaient un appui à des actes qui mettent en danger la paix, la stabilité ou la sécurité en Libye, ou qui entravent ou compromettent la réussite de sa transition politique, ce qui comprend le fait d’entraver ou de compromettre la tenue des élections;

5.    Souligne qu’il ne saurait y avoir de solution militaire en Libye et exige que tous les États Membres respectent pleinement l’embargo sur les armes qu’il a imposé à la Libye par sa résolution 1970 (2011), telle que modifiée par des résolutions ultérieures;

6.    Prie le Secrétaire général de lui rendre compte tous les 30 jours de l’application de la présente résolution jusqu’au 31 juillet 2022;

7.    Décide de rester activement saisi de la question.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Instance permanente: les représentants des peuples autochtones dénoncent l’impact désastreux des activités extractives

Vingt et unième session,
6e & 7e séances plénières, matin & après midi
DH/5470

Instance permanente: les représentants des peuples autochtones dénoncent l’impact désastreux des activités extractives

Une vingtaine de délégations et représentants des peuples autochtones ont pointé ce matin, au quatrième jour des travaux de l’Instance permanente sur les questions autochtones, l’impact désastreux des activités extractives, de la déforestation et de la monoculture intensive et de la militarisation sur le bien-être et les droits humains des populations autochtones.

Achevant le dialogue entamé la veille avec le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones et le Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, ils ont appelé ces derniers à assurer le respect du principe de « consentement préalable, libre et éclairé », y voyant le meilleur moyen de garantir la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.  Les délégations ont ensuite débattu des travaux futurs de l’Instance permanente, notamment sur les questions intéressant le Conseil économique et social (ECOSOC) et sur les nouveaux problèmes.  Les travaux se sont poursuivis dans l’après-midi avec un débat sur les six domaines d’action (économique et social, culture, environnement, éducation, santé et les droits humains) de l’Instance permanente en relation avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

En écho à ces interventions, le Rapporteur spécial a estimé que la clef de tous ces défis était le droit à l’autodétermination, notamment sur les terres et les ressources, avant de prévenir qu’il ne suffit pas de reconnaître ces droits, mais d’assurer leur mise en œuvre en promulguant des lois appropriées.  Il a aussi indiqué vouloir mener une étude sur les zones protégées qui font état de nombreuses violations des droits humains.

Les mesures d’adaptation et d’atténuation aux changements climatiques, dont la construction de digues et barrages, ne doivent plus être prises sans le consentement éclairé des populations autochtones concernées, a exigé Indigenous Peoples Rights International pour qui la lutte contre les changements climatiques ne doit pas servir de prétexte pour violer leurs droits collectifs.

Le Danemark, au nom des pays nordiques, s’est alarmé du fait que les militants des droits autochtones souffrent de représailles, d’attaques, d’enlèvement et de meurtres partout dans le monde.  Dans ce contexte, la délégation a jugé indispensable de respecter le principe du « consentement préalable, libre et éclairé », dans le cadre des activités économiques qui affectent les vies des autochtones.

Reconnaissant les conséquences psychologiques tragiques des mauvais traitements infligés aux enfants autochtones dans les pensionnats, le Canada a dit sa volonté d’établir une « vérité salvatrice », tandis que l’Australie a appelé à s’assurer que la coopération internationale et les négociations multilatérales soient profitables aux droits économiques des populations autochtones.

Deux représentants des peuples autochtones du Brésil ont ensuite dénoncé l’impact de la déforestation et de la monoculture sur les modes de vie de 300 peuples autochtones du Brésil.  Si la première s’est particulièrement inquiétée des répercussions du recours massif à des produits chimiques, dont les pesticides et autres intrants chimiques, sur la qualité de vie des autochtones, le second a fustigé les politiques du Président Bolsonaro qui démantèlent des décennies d’acquis en matière de droits des autochtones brésiliens.  Réagissant à cette intervention, le Brésil s’est vanté d’une délimitation des terres autochtones qui garantit les droits d’un million d’autochtones parlant 200 langues sur 12% du territoire national.

« Qu’en est-il de nos droits à un accès à une eau potable ? a demandé le Groupe des jeunes autochtones avant de préciser que l’armée américaine continue de polluer impunément des réserves d’eau potable des terres autochtones.  Une représentante des Mi’kmaq a mis l’accent sur la valeur ajoutée des connaissances des femmes autochtones pour limiter l’impact des activités extractives sur la durabilité des territoires autochtones, avant d’appeler à examiner les répercussions de la militarisation des territoires sur les femmes autochtones.

Le principal problème des droits autochtones est l’hypocrisie de la politisation et du deux poids, deux mesures, a déclaré la représentante de l’Iran, avant de fustiger le mépris des droits autochtones par le Canada et les États-Unis.  « Nos croyances et nos sites sacrés doivent être protégés, afin que notre vision du monde soit préservée », a dit une représentante des Mayas.  Sur le même ton, la représentante de l’Association des femmes peules et peuples autochtones du Tchad (AFPAT) a appelé à la valorisation des connaissances autochtones en matière de santé.

Après le Mexique qui a appelé à tenir compte des recommandations de l’Instance, le Fonds de développement pour les peuples autochtones a jugé indispensable la création d’un mécanisme de suivi à cette fin.  Déplorant pour sa part la persistance de lois obsolètes qui marginalisent les peuples autochtones, le Conseil circumpolaire inuit a souhaité que les peuples autochtones soient consultés en marge de tous les accords et instances multilatérales les concernant.  Il a également indiqué avoir publié, en 2020, un rapport montrant comment les États ont sapé les droits des populations inuites.

L’Équateur a fait part de ses efforts pour adapter ses services de santé aux principes et valeurs du système sanitaire autochtones et développer un système d’éducation bilingue prenant en compte les valeurs autochtones, ainsi que pour disposer d’une administration de la justice capable d’assurer la compatibilité entre le droit national et le droit coutumier.

À son tour, le Centre de ressources des Tatars de Crimée a demandé une étude sur la situation des autochtones lors des conflits entre États, expliquant que depuis 2014, des milliers de jeunes autochtones ont été incorporés de force dans l’armée russe et sont aujourd’hui obligés de se battre contre leur propre pays.

Le Fédération de Russie a indiqué qu’elle reconnaît 47 petits peuples autochtones et avait mis en place un système Internet mobile permettant aux peuples nomades et semi-nomades, notamment les éleveurs de rennes, de pouvoir communiquer entre eux.  De son côté, l’Inde a souhaité que la notion de peuple autochtone ne soit pas utilisée pour créer des distinctions artificielles et porter atteinte à l’intégrité territoriale d’un État.  Enfin, plusieurs groupes autochtones ont estimé que la création d’écoles en immersion dans les langues autochtones était le meilleur moyen de préserver les droits de ces peuples.   

Au cours du débat sur les six domaines d’action de l’Instance permanente (développement économique et social, culture, environnement, éducation, santé et droits humains), M. Phoolman Chaudhary, membre de l’Instance (Népal), a jugé urgent de comprendre la vision particulière des peuples autochtones, notant que les défis auxquels ils font face ont une origine complexe liée à la colonisation, l’accaparement des terres et des années de marginalisation et d’isolement.  Il a appelé à mettre en œuvre les recommandations de la Convention 169 de l’OIT « qui a la capacité de transformer leur vie », notant en outre que leurs coutumes, systèmes de gouvernance et sagesse peuvent s’avérer utiles pour résoudre des problèmes complexes comme les changements climatiques.

Il a invité à trouver le moyen de mieux mesurer les progrès réalisés par les États Membres dans l’application de la Convention 169 et d’autres instruments.  Nous devons établir une liste de performances des États, a suggéré le membre de l’Instance permanente ajoutant que cette liste pourrait être élaborée chaque année ou tous les deux ans afin de mieux connaître les réalités que connaissent les peuples autochtones et attirer l’attention de la communauté internationale.  

Pour sa part, Mme Irma Pineda Santiago, membre de l’Instance (Mexique), a présenté un rapport consacré à la propriété intellectuelle collective et l’appropriation des idées et des créations des peuples autochtones qui recommande que les États Membres élaborent des lois et des politiques publiques pour accorder aux communautés autochtones le contrôle absolu sur leurs créations, connaissances, découvertes, œuvres et autres éléments qui sont le fruit de leur génie, de leur imagination et de leur créativité́.  

Notant que les peuples autochtones n’ont pas l’argent pour payer les frais des procédures juridiques et judiciaires encourus pour protéger leurs droits, M. Simón Freddy Condo Riveros, membre de l’Instance (Bolivie), a engagé l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) à assumer ses responsabilités « parce les propriétés intellectuelles des autochtones ne sont pas des marchandises ».  

L’OMPI a indiqué que des négociations sont en cours en vue de finaliser un accord sur un ou plusieurs instruments juridiques internationaux relatifs à la propriété intellectuelle qui assureront une protection équilibrée et efficace des ressources génétiques, des savoirs traditionnels et des expressions culturelles traditionnelles.  Elle a également suggéré que les peuples autochtones établissent des accords de collaboration avec des instituts de recherche ou l’industrie afin de développer conjointement des inventions brevetables dérivées de savoirs traditionnels, sur la base du consentement libre, préalable et éclairé.

L’OMPI ne comprend pas la question quand elle nous demande de travailler avec les entreprises privées afin de développer conjointement des brevets, a réagi M. Simón Freddy Condo Riveros, membre de l’Instance (Bolivie).  Les tissus et les habits des femmes autochtones font partie intégrante de leur identité et de leur culture donc ne sont pas des marchandises, s’est indigné le Mouvement national des tisserandes maya du Guatemala qui a dit être préoccupé par les tentatives des industries textiles et de la mode d’accaparer la propriété intellectuelle autochtone sur leurs tissus.  La représentante a également demandé de respecter l’arrêt de la Cour constitutionnelle du Guatemala sur une affaire concernant le vol de la propriété culturelle autochtone sur leur tissu traditionnel.  Il faut un instrument juridique contraignant pour le respect du principe de consentement libre, préalable et éclairé sur cette question spécifique, a-t-elle insisté.  

Partisan d’une modification radicale des systèmes alimentaires, M. Geoffrey Roth, membre de l’Instance (États-Unis), a relevé que les connaissances traditionnelles et les bonnes pratiques autochtones ont des capacités transformatrices, notant que la coalition mondiale sur les systèmes alimentaires autochtones qui sera dirigée par les peuples autochtones, constituera un espace de travail collectif pour ces communautés, les États Membres et les institutions des Nations Unies afin qu’ils œuvrent ensemble sur nos systèmes alimentaires.  Le Fonds international de développement agricole (FIDA) a annoncé que cette année, ses travaux se focalisent notamment sur la protection des systèmes alimentaires durables des peuples autochtones.  Nous devons œuvrer ensemble pour faire en sorte que les connaissances sur les systèmes alimentaires des autochtones influencent la COP27, a renchéri l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO).

De son côté, la Rapporteuse spéciale sur la violence à l’égard des femmes, ses causes et ses conséquences a insisté sur les risques très particuliers auxquels sont confrontées les femmes et les filles autochtones qui souffrent d’un réseau complexe des formes structurelles de violence qui sont consciemment commises contre elles par des acteurs étatiques comme non étatiques.  Cette torture met à mal leur vie spirituelle et culturelle et frappe le cœur même de la structure sociale de leur communauté et de leur nation, s’est inquiété Mme Reem Alsalem, qui a dénoncé la persistance de l’impunité pour ces crimes ainsi que le manque de données sur la violence sexiste.

Dans la discussion qui a suivi, la Communauté des Caraïbes (CARICOM) a exhorté à agir rapidement pour sauver les peuples autochtones des conséquences graves des changements climatiques en faisant le suivi des mesures prises au niveau mondial pour contrer les changements climatiques et en leur octroyant les ressources dont ils ont besoin.    

La représentante des Zapata de Colombie s’est opposée à l’embrigadement des enfants autochtones pour qu’ils prennent les armes y compris par les groupes armés.  La Colombie a alors assuré que son gouvernement est engagé à respecter l’accord de paix signé avec les FARC.  Le Guyana a déclaré que la protection des droits fonciers autochtones est une priorité du Gouvernement qui a lancé un projet d’accès à Internet pour 200 communautés autochtones.  Le Honduras qui n’avait pas de politique nationale pour les peuples autochtones, a fait part de son intention de créer des institutions pour les affaires autochtones et d’élaborer un programme chargé d’apporter un conseil juridique aux peuples autochtones.

La Fédération des Premières Nations de Saskatchewan a déclaré que la loi canadienne empêche les Amérindiens de recourir aux tribunaux alors que leurs ressources sont accaparées par les provinces qui les excluent de force de l’économie.  Nous sommes réduits à la survie, a dénoncé le représentant qui a appelé à corriger les lois et les politiques injustes.  Il a de surcroît demandé au pape François d’annuler la bulle Romanus Pontifex de 1455 qui a conduit à la colonisation des peuples autochtones dans le monde.

Le Conseil circumpolaire inuit, qui s’exprimait également au nom du Conseil sami, a alerté pour sa part que la guerre en Ukraine menace la stabilité et la coopération en Arctique.  L’Arctique doit rester une zone de paix comme l’a voulu le Président Mikhail Gorbatchev, a rappelé le représentant qui a suggéré une pause temporaire de la présidence russe du Conseil circumpolaire jusqu’en 2023.  Préoccupés par le sort des peuples autochtones en Ukraine et en Russie, les deux Conseils ont également voulu en savoir plus sur le sort du peuple tchoukotka en Russie.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

À l’issue de quatre jours de débats, le forum de l’ECOSOC sur le suivi du financement du développement adopte des recommandations par consensus

Session de 2022,
Forum sur le suivi du financement du développement, 7e et 8e séances, matin et après-midi
ECOSOC/7081

À l’issue de quatre jours de débats, le forum de l’ECOSOC sur le suivi du financement du développement adopte des recommandations par consensus

Le forum du Conseil économique et social (ECOSOC) consacré au suivi du financement du développement s’est achevé, ce jeudi, avec l’adoption d’un document final détaillant les obstacles à surmonter et les moyens d’atteindre les objectifs de développement durable dans les années à venir par un financement approprié, dans un contexte marqué de multiples crises grevant les budgets des États et compromettant gravement la réalisation du Programme 2030.  Un texte qui invite aussi l’Assemblée générale à déterminer s’il y a lieu de convoquer une quatrième Conférence internationale sur le financement du développement.

Ces « conclusions et recommandations arrêtées sur le plan intergouvernemental » ont été adoptées par consensus malgré des réserves sur le libellé final.  Elles furent émises par le Groupe des 77 et la Chine, entre autres, qui auraient notamment souhaité voir mentionner l’accélération pour une transition sociale à l’heure de la COVID-19, ainsi qu’Antigua-et-Barbuda, pour qui ce texte de compromis pêche par manque d’ambition pour les pays les plus vulnérables.  Il est vrai que durant le débat général qui s’est poursuivi aujourd’hui, de nombreux États Membres ont plaidé pour des mesures d’ampleur pour soulager ces pays du fardeau de la dette et leur garantir un financement pour la transition climatique, ainsi qu’une collaboration renforcée concernant la lutte contre les flux financiers illicites et le recouvrement des avoirs, qui grèvent un espace fiscal déjà mis à mal par la crise sanitaire, les tensions géopolitiques et les tendances inflationnistes.

À la clôture de ces quatre journées, le Président de l’ECOSOC, M. Collen Vixen Kelapile, a relevé que de nombreux pays en développement demeurent dépendants des flux financiers extérieurs.  Dans ce contexte difficile, les pays donateurs doivent s’efforcer de respecter leurs engagements respectifs en matière d’aide publique au développement (APD), en particulier pour les pays les plus vulnérables.  Les engagements pris en faveur du respect des engagements en matière d’APD à hauteur de 0,7% du revenu national brut (RNB) et les appels par le forum pour une augmentation de celle-ci, l’ont particulièrement réjoui.  Il a aussi souligné que, dans un contexte actuel d’espaces budgétaires extrêmement limités, les subventions et les financements hautement concessionnels devront jouer un rôle plus important.

Il n’en reste pas moins que les pays en développement vont avoir beaucoup de mal à mettre en œuvre cette transition, a mis en garde le Président du Costa Rica, M. Carlos Alvarado Quesada, lors d’une table ronde consacrée aux moyens d’une transition juste et durable.  Des risques de récession se profilent et dans un tel contexte, le Président a réclamé un accès à des ressources financières à des conditions favorables.  Sur la même ligne, M. Saulos Klaus Chilima, Vice-Président du Malawi, a aussi plaidé pour une plus grande coopération pour faciliter l’accès aux énergies renouvelables et aux technologies vertes, afin d’opérer la transition énergétique.  Il a recommandé de faire porter les efforts sur des solutions décentralisées à faible coût, notamment les panneaux solaires et les systèmes de stockage. 

Du côté du secteur privé, un effort doit être fait pour sensibiliser les entreprises aux questions de transition, selon le Secrétaire général de l’Organisation internationale des employeurs.  C’est encore trop rarement le cas, surtout dans les pays en développement, où elles ne disposent « ni de politique, ni de recommandation claire, ni d’analyse détaillée pour un secteur particulier ».  Un représentant de la Banque centrale européenne (BCE) a quant à lui assuré que si les banques centrales et les superviseurs ne sont pas forcément en première ligne face à la crise, comparativement aux gouvernements, les risques financiers induits par la crise replacent ces acteurs « au centre du jeu » car ils influencent la conduite du secteur financier.

Les opportunités de la transition numérique en cours ont été mises en avant par la Vice-Ministre de la bonne gouvernance de la Bulgarie, pour qui les technologies numériques soutiennent la recherche et l’innovation, et constituent la base pour atteindre une croissance dynamique et durable.  Elle en a aussi relevé les côtés les plus inquiétants: fuites de données, cyberespionnage, désinformation.  Un autre expert a fait remarquer que les risques sont incarnés par l’essor spectaculaire des cryptodevises.  Leur structure et leur chevauchement avec le système financier actuel pourraient constituer une menace pour la stabilité financière, a-t-il prévenu.  De nombreuses fraudes sont commises en les utilisant et elles pourraient même devenir un canal supplémentaire de fuite de capitaux, selon l’expert qui a réclamé davantage de régulation pour les bitcoins et d’autres types de cybermonnaies. 

Le forum a clos ses travaux en adoptant son projet de rapport, qui sera soumis à l’ECOSOC.

En début d’après-midi, l’ECOSOC a tenu une brève séance plénière, indépendante du forum, pour adopter deux décisions afin de fixer les thèmes et dates de réunions qui se tiendront prochainement à New York.  La première (E/2022/L.6) a donné au débat consacré aux affaires humanitaires de sa session de 2022, qui se tiendra du 17 au 19 mai, le thème suivant: « Renforcer l’aide humanitaire: bonnes pratiques et mobilisation de l’action au regard de l’application du droit international humanitaire et du relèvement après la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) et en réponse à la crise climatique ».  La deuxième (E/2022/L.7) a fixé un thème et une date pour la réunion sur la question du passage de la phase des secours aux activités de développement: elle portera sur les « crises récurrentes et solutions durables: renforcer la résilience et faire face à l’insécurité alimentaire croissante et aux déplacements » et se tiendra le 20 juin 2022.

FORUM DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL SUR LE SUIVI DU FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT

Table ronde 6: Question de la transition juste et durable

Dans un discours liminaire, M. CARLOS ALVARADO QUESADA, Président du Costa Rica, a pointé du doigt l’inégalité, selon les régions du monde, dans les capacités de résilience face à la pandémie de COVID-19, l’Amérique latine étant la région comptant le plus de décès par habitant.  Beaucoup de ces pays sont endettés et en grande difficulté pour opérer une transition durable, a-t-il prévenu.  Après avoir fait part de l’engagement costaricain en matière de politique publique, il a réclamé à la communauté internationale des facilités de financement, en raison de la conflagration des crises - inflation et problèmes de chaînes d’approvisionnement notamment.  Prédisant aussi une augmentation du coût du financement à cause de la hausse des taux d’intérêts, il a fait remarquer que l’inflation n’est pas du fait des pays en développement.  Cette hausse est donc injuste selon lui, car elle va grever le financement pour une transition juste et durable.

Les pays en développement vont avoir beaucoup de mal à mettre en œuvre cette transition, voire même être dans l’impossibilité, a-t-il mis en garde.  Comme dans les années 1980, des risques de récession se profilent, a-t-il dit, y voyant un risque de reculs quant à la réalisation des ODD du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Dans ce contexte, le Président a réclamé un accès à des ressources financières à des conditions favorables pour lutter contre toutes ces crises.  Le FMI, la Banque mondiale, les banques multilatérales doivent réagir, a-t-il lancé en assurant que le monde dispose des ressources nécessaires. 

Le Président du Costa Rica a ensuite détaillé sa politique publique consacrée à la production d’hydrogène vert, produit « à 99,5% à partir de ressources propres ».  Il a aussi parlé d’un « réseau électrique vert » permettant de produire de l’hydrogène, qui, ce faisant, « nettoie le monde » et « crée des milliers d’emplois ».  « Le seul déchet que vous produisez avec l’hydrogène, c’est de l’eau », a assuré le Président.  Il a de nouveau réclamé, en conclusion, un accès pour les pays en développement à des ressources financières dans de bonnes conditions afin d’éviter la récession, la pauvreté, et pour garantir la cohésion sociale et permettre la réalisation des ODD. 

M. SAULOS KLAUS CHILIMA, Vice-Président du Malawi, s’est livré à un plaidoyer en faveur d’une utilisation accrue et équitablement partagée des énergies renouvelables d’ici à 2030.  C’est une priorité essentielle des PMA, a-t-il rappelé en citant le Programme d’action de Doha récemment adopté.  La pandémie de COVID-19 a mis en évidence l’importance de l’énergie abordable et renouvelable et de l’accès aux technologies de l’information et des communications (TIC), a-t-il fait remarquer.  Il a noté la nécessité d’aider les pays qui en ont le plus besoin à surmonter les difficultés qui entravent le financement des grands projets d’aménagement de leurs territoires et de transition écologique structurelle.  Selon lui, il faut atteindre cet objectif puisqu’actuellement, ce sont seulement 30% des populations des PMA qui bénéficient d’un accès quotidien aux énergies renouvelables. 

Le Vice-Président a souligné que la voie vers zéro émission nette exige des augmentations substantielles de la part des énergies renouvelables et plus propres.  Il a regretté toutefois que les flux vers les PMA pour financer leurs secteurs énergétiques ont baissé en 2019 pour la deuxième année consécutive.  Il a donné des chiffres sur la participation à ces efforts du secteur privé, qui a fourni 86% des investissements dans les nouveaux projets d’énergie renouvelable entre 2013 et 2019, tout en regrettant que seulement 6% des financements publics et privés soient investis dans les PMA.  Il a donc plaidé pour une plus grande coopération internationale pour faciliter l’accès aux énergies renouvelables et aux technologies, afin de permettre la mise en œuvre des transitions énergétiques.  Il a recommandé de faire porter les efforts sur des solutions décentralisées à faible coût, notamment les panneaux solaires et les systèmes de stockage.  Plus de 500 millions de personnes n’ont pas accès à l’énergie dans les PMA, a-t-il alerté, demandant de veiller à résoudre ce problème pour atteindre les personnes isolées et réaliser les ODD.

Le modérateur du débat, M. GUY RYDER, Directeur général de l’Organisation internationale du Travail (OIT), a présenté les différents panélistes, dont ROBERTO SUÁREZ SANTOS, Secrétaire général de l’Organisation internationale des employeurs, qui représente les entreprises partout dans le monde.  Ce dernier a appelé à davantage d’ambition chez les entrepreneurs, ce qui passe par davantage de travail de « sensibilisation » à leur égard.  Les entreprises doivent se « sentir concernées » pour qu’elles appliquent des mesures concrètes, a-t-il précisé.  Or beaucoup d’entreprises, surtout dans les pays en développement, ne se sentent « pas concernées » ou ne disposent « ni de politique, ni de recommandation claire, ni d’analyse détaillée pour un secteur particulier », a noté M. Suárez.  Il a également réclamé un « transfert des technologies des pays développés vers les pays en développement », point crucial selon lui.  M. Suárez a cité en exemple le développement des énergies renouvelables en Afrique.  La difficulté d’accès à l’emploi et à la formation est également un point de blocage, notamment dans des les secteurs de l’agriculture, des transports et des déchets, entre autres.  Enfin, l’environnement doit être davantage propice aux entreprises afin que celles-ci s’impliquent davantage, a recommandé l’orateur. 

M. FRANK ELDERSON, Vice-Président du Comité de supervision de la Banque centrale européenne (BCE), a évoqué un réseau de 114 banques centrales.  Ce réseau, inclusif, est composé de banques de pays en développement et de pays développés sur les cinq continents.  Depuis son lancement en 2017, le réseau a développé des outils et acquis des connaissances pour « mieux gérer les risques environnementaux et climatiques », a-t-il informé en mentionnant aussi les « guides pratiques de supervision » ainsi que des scénarios types que le réseau a publiés.  Les banques centrales et les superviseurs ne sont certes pas forcément en première ligne face à la crise, comparativement aux gouvernements, a-t-il noté tout en expliquant que les risques financiers induits par la crise les placent « au centre du jeu ».  C’est pourquoi les banques centrales sont engagées à agir dans ce domaine, a-t-il assuré en faisant valoir que banques centrales et superviseurs peuvent avoir une véritable action sur le secteur financier et donc, par ricochet, une influence sur les populations.

« Les populations ont besoin de sécurité », a enchaîné Mme SHARAN BURROW, Secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale, qui a demandé de donner la priorité à la création d’emplois « décents, respectueux du climat », dans les secteurs des transports durables et de l’agriculture durable, entre autres.  Alors que des millions et des millions de réfugiés climatiques sont jetés sur les routes à chaque degré de réchauffement, elle a appelé à impérativement investir dans la préparation et la résilience.  L’objectif est de construire des « communautés robustes pour l’avenir », a-t-elle résumé.  Elle a d’ailleurs trouvé « scandaleux » que les pays riches n’aient pas levé les fonds promis pour aider les pays en développement à réaliser la transition.  Mme Burrow a aussi exigé davantage de « transparence » de la part des gouvernements et des industries vis-à-vis des populations.

Le débat interactif qui a suivi a donné la parole à un représentant de la société civile, qui a plaidé pour des « solutions fondées sur les écosystèmes » pour protéger les peuples autochtones, lesquels sont les plus menacés par un péril climatique qui, d’après le GIEC, pourrait avoir raison de la vie sur Terre d’ici trois ans.  Cessons, comme le suggère le GIEC, de parler de croissance à tout crin dans un tel contexte d’urgence! a-t-il lancé, appelant à trouver des solutions nouvelles sur la fiscalité, sur les brevets et pour le bien-être de tous les membres de l’ONU.  Ainsi a-t-elle plaidé pour la tenue d’une conférence internationale sur le développement « où le multilatéralisme serait au centre de discussions constructives ».

La représentante de l’Espagne a souhaité que les appels de la société soient entendus.  La transition économique exige un changement systématique prenant en compte le caractère progressif de celle-ci, a-t-elle ajouté avant d’appeler à la création d’emplois respectueux de l’environnement et de demander aux gouvernements d’envoyer des messages clairs en matière de neutralité climatique, « conformément à ce que préconise le GIEC ».  Nous devons miser sur les objectifs d’atténuation et de progrès social au lieu de ne nous concentrer sur les programmes rentables, a-t-elle encore dit.

Chacun doit faire en sorte que soient prises rapidement des mesures de développement durable pour les générations futures, a rappelé le représentant des Philippines en soulignant l’urgence de l’amélioration des conditions sociales et du quotidien des communautés les plus touchées par la crise climatique.  Il a plaidé à son tour pour une transition plus juste en vue de parvenir à un monde durable.  Le représentant a demandé aux partenaires de son pays de l’aider techniquement pour développer les énergies renouvelables, lesquelles « bénéficient à tous ».  Il a également souhaité la constitution d’alliances et de partenaires forts pour réduire les émissions de carbone. 

La représentante de la Fédération de Russie a estimé elle aussi que la transition énergétique doit être juste et équilibrée.  Elle a évoqué des projets verts russes destinés à améliorer l’efficacité énergétique des centrales hydroélectriques et nucléaires et à atteindre les objectifs correspondants de neutralité carbone.  Définir des normes communes de tarification pour maintenir une concurrence saine en matière de décarbonisation au plan international est nécessaire, a-t-elle ajouté. 

Le représentant de l’Indonésie a plaidé pour une modernisation accrue des infrastructures, ce qui passe par un recours plus massif aux énergies renouvelables, tandis que son homologue de l’Azerbaïdjan a fait valoir que son pays diversifie ses sources d’approvisionnement en faveur de l’Union européenne « pour moderniser son économie et opérer une transition volontaire vers des modèles verts et circulaires ».

Table ronde 7: Transition digitale: opportunités et risques

Investir dans la numérisation est désormais considéré comme la prochaine opportunité d’investissement durable, a posé d’emblée Mme KALINA KONSTANTINOVA, Vice-Ministre de la bonne gouvernance de la Bulgarie, en donnant le « bon exemple » de l’Union européenne (UE) qui a pris un certain nombre d’initiatives financières pour soutenir les investissements dans l’infrastructure numérique.  Le plan de relance de l’UE est une occasion pour la Bulgarie de devenir à la fois compétitive et durable, a-t-elle ajouté.  La Vice-Ministre a indiqué que les efforts de réforme de la Bulgarie dans ce domaine visent à développer un écosystème de recherche et d’innovation à part entière.  Les investissements visent à transformer l’économie et la société, ainsi qu’à relever les défis de la transition numérique et écologique.  Les technologies numériques soutiennent la recherche et l’innovation, et constituent la base pour atteindre une croissance économique dynamique et durable, a-t-elle expliqué.  Cela dit, Mme Konstantinova a rappelé que si la transition numérique offre de nombreuses opportunités, elle comporte aussi de sérieux risques liés à la cybersécurité, aux fuites de données, à la confidentialité des données et à la désinformation: il est donc essentiel d’adopter des mesures adéquates pour en atténuer les effets négatifs.  Il est aussi crucial d’investir dans des programmes de compétences numériques, ainsi que de renforcer la protection et la confidentialité des données, a-t-elle ajouté.

La numérisation permet de donner davantage de possibilités au public, a rebondi M. JONATHAN TITUS-WILLIAMS, Vice-Ministre de la planification et du développement économique de la Sierra Leone, tout en notant que seule une petite partie de la population mondiale est connectée à Internet: le reste de la population, sans accès à Internet, est concentré en Afrique, en Asie-Pacifique et au Moyen-Orient.  Près de 450 milliards de dollars sont nécessaires pour combler ce fossé, a-t-il prévenu.

M. SOPNENDU MOHANTY, Chef de la Fintech à l’Autorité financière de Singapour, a estimé que pour qu’un pays réussisse, il faut qu’un pays s’attache, de manière non négociable à adopter une plateforme d’identité numérique, pour établir la confiance pour toutes les transactions effectuées.  En second lieu, il faut gagner la confiance du public dans les services numériques et pour la gestion de leurs données.  Tertio, pour faciliter la circulation des fonds, les moyens de paiement doivent être interopérables.  Il faut faciliter les paiements entre acteurs nationaux mais aussi vers l’international, et monter des systèmes interopérables transfrontaliers, a ajouté M. Mohanty qui a aussi recommandé que les prestataires se mettent au service des individus.  Voilà les piliers pour mettre en place une économie numérique responsable, selon lui.

M. COSTAS STEPHANOU, Chef de l’analyse de la stabilité financière au Conseil de stabilité financière, a axé son intervention sur les cryptodevises qui sont selon lui devenues une priorité dans la mesure où elles pourraient devenir une menace en raison de leur ampleur, de leur structure et de leur chevauchement avec le système financier actuel.  Il n’est pas clair que les cryptodevises profitent à tous, ce sont les plus jeunes et les plus connectés qui en profitent, pas la population générale, a-t-il prévenu.  Elles sont de plus utilisées en dehors des cadres réglementaires et de nombreuses fraudes sont commises en les utilisant.  Elles pourraient devenir un canal supplémentaire de fuite de capitaux, c’est pourquoi une régulation est nécessaire pour les bitcoins et d’autres types de monnaies.  Il ne s’agit pas cependant de faire obstacle aux innovations, mais de réguler pour le bien commun, a précisé l’expert. 

Intervenant justement sur ce sujet, M. DAVID ROOS, Vice-Président du secteur programme du GIZ, a rappelé que 1,7 milliard de Terriens n’ont pas accès au marché numérique pour pouvoir opérer des transactions de base. 

La représentante de l’Indonésie a déclaré que son pays faisait de la transformation numérique une priorité de son développement dans le cadre de sa vision 2045.  L’Indonésie continue d’avancer rapidement pour inclure ceux parmi sa population ne disposant pas d’un compte en banque, a-t-elle notamment illustré. 

Le sujet des cryptomonnaies a également été abordé par la représentante de la Thaïlande qui a souligné le rôle inattendu de stabilisation qu’elles ont joué dans un secteur jusque-là très flou.  Elles accompagnent désormais l’évolution rapide des activités numériques, ce qui entraîne le développement d’emplois nouveaux souvent en prise avec le monde de l’environnement, a-t-elle ajouté.  La représentante a toutefois relevé les risques inhérents à ces monnaies, comme les pertes de capitaux, la cybersécurité, la fuite de données personnelles ou encore des formes inédites de blanchiment d’argent.  C’est pourquoi, a-t-elle dit, la Banque centrale thaïlandaise a pris les devants en proposant sa propre devise numérique, cela pour éviter tout monopole privé en la matière et limiter les risques afférents. 

La société civile a fait entendre sa voix en appelant à la réduction de la facture numérique dans les pays en développement.  Des solutions novatrices sont requises pour accélérer l’inclusion numérique, cette dernière étant une responsabilité des gouvernements qui se sont engagés dans la réalisation des ODD d’ici à 2030, a-t-il encore été dit.  Pour les représentants de la société civile, il faut lutter activement contre les pratiques malveillantes telles que le cyberharcèlement des filles et des jeunes femmes et la corruption numérique.  Il convient de répondre aux besoins numériques des groupes vulnérables et qui se heurtent à des obstacles persistants sur la voie de la connaissance et de l’accès aux nouveaux emplois propres, éthiques et responsables, ont dit les intervenants. 

Fin du débat général

Mme TITTA MAJA, Directrice générale du Département de la politique de développement du Ministère des affaires étrangères de la Finlande, a rappelé l’engagement de son pays d’être neutre sur le plan climatique d’ici à 2030, et le renforcement, dans ce cadre, de son soutien financier aux pays en développement « dans le contexte de conjonction des crises ».  Notant que le principal obstacle sont les lacunes financières importantes, elle a appelé à miser sur des financements du développement mixtes privé-public.

M. GEORGE YAW GYAN-BAFFOUR, Conseiller principal du Ministre de la finance et Président de la Commission nationale de planification du développement du Ghana, a appelé à réformer de toute urgence le système financier mondial, exhortant les pays développés à mettre en œuvre l’acheminement volontaire des droits de tirage spéciaux vers les pays dans le besoin, par le biais du Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance du FMI.  Les agences de notation de crédit doivent de leur côté s’assurer que leurs notations sont objectives, indépendantes et fondées sur des informations exactes.  Il a appelé à appuyer les efforts déployés dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine pour pousser à la consolidation des marchés.  Il incombe en outre aux pays en développement de stimuler les investissements à long terme dans les domaines les plus essentiels pour le développement durable.

M. ANDRY VELOMIADANA BEARISON RAMANAMPANOHARANA, Secrétaire général au Ministère de l’économie et des finances de Madagascar, a souligné l’importance de faciliter l’accès aux financements concessionnels et climatiques et d’alléger la dette, les créanciers devant apporter des solutions adéquates dans le contexte actuel d’urgence mondiale.  Il a également appelé à un retour des avoirs par le biais d’une coopération fiscale internationale renforcée, et rappelé la primauté du principe dit de traitement spécial pour les pays en développement dans le cadre de mise en œuvre des ODD. 

M. OLOF SKOOG, de l’Union européenne (UE), notant que 43% de l’APD mondiale est fournie par l’UE, a appelé à renforcer d’autres sources de financement du développement, notamment en élargissant l’assiette fiscale nationale.  Il faut aussi lutter contre la corruption et les flux financiers illicites, tout en captant les financements privés. 

Il a plaidé pour une transition verte comme stratégie de lutte contre les changements climatiques.  Il a indiqué que l’UE soutient les mesures d’allégement de la dette des pays en développement, dans le cadre des mesures prônées par le G20.  L’UE est également prête à prendre part aux discussions sur l’organisation d’une quatrième conférence internationale sur le financement du développement, a-t-il ajouté. 

M. BRIAN WALLACE (Jamaïque), au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a notamment indiqué que nombre de pays en développement ne disposent toujours pas des capacités fiscales et administratives suffisantes pour relever seuls les défis du financement du développement.  Il a déploré que les emprunts pour lutter contre la pandémie aient été accordés à des taux divergents selon le niveau de richesse des pays.  Pour le représentant, la situation est telle aujourd’hui que des choix rapides s’imposent pour rendre soutenable la dette des pays en développement les plus pauvres et leur redonner les moyens de reprendre la voie de la réalisation des ODD.  À cet égard, la CARICOM prône l’échange de dette par le biais de fonds, qui, pour être utiles, doivent être abondés à la hauteur des enjeux, a-t-il dit. 

Mme AMAL MUDALLALI (Liban) a appelé la communauté internationale à prendre des mesures contre l’insécurité alimentaire.  Elle a aussi appelé à renforcer l’architecture financière internationale, afin de renforcer le rôle et la place des pays vulnérables.  Il faut également alléger le fardeau de leur dette et établir une approche globale pour évaluer leur vulnérabilité multidimensionnelle.  Selon la déléguée, il est tout aussi urgent d’agir contre les changements climatiques. 

Pour M. DIEGO PARY RODRIGUEZ (Bolivie), la relance économique ne sera pas possible sans faire face à la dette structurelle des pays en développement et si les financements promis par les pays développés ne sont pas versés.  En parallèle, les pays en développement doivent progresser et travailler pour lutter contre l’évasion fiscale, qui ne fait qu’approfondir les inégalités dans le monde.  La responsabilité historique des États les plus riches et les plus émetteurs ne doit pas être éludée, a-t-il martelé. 

M. MAGZHAN ILYASSOV (Kazakhstan) a appelé à restructurer le système financier international.  Face aux changements climatiques, la réduction des risques de catastrophes doit absolument doit être prise en compte dans le choix des stratégies de financement futures, a-t-il insisté. 

Mme YOKA BRANDT (Pays-Bas) a misé sur la fiscalité comme une source majeure de financement du développement.  Cette source doit être complétée par les fonds issus du secteur privé, a-t-elle cependant reconnu.  Elle a appelé la communauté internationale à renforcer les efforts pour parvenir à « nos objectifs communs concernant les ODD ».

M. SOVANN KE (Cambodge) a appelé à un financement adéquat pour assurer le respect des objectifs fixés en matière de développement international.  Il faut donc renforcer les efforts de mobilisation des fonds pour assurer le financement approprié des ODD dont la mise en œuvre bénéficiera à tous.  Le délégué a également plaidé pour l’allégement de la dette afin que les pays vulnérables aient des marges de manœuvre pour sortir de la crise inhérente à la COVID-19.

M. MAJID TAKHT RAVANCHI (République islamique d’Iran) a expliqué comment son pays devait, en plus des défis liés à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, faire face à « des sanctions unilatérales iniques perpétrées par un pays qui se dit pourtant champion des droits humains ».  Cela met en danger tous les priorités de l’Iran en matière de transfert des technologies et de renforcement des capacités, a-t-il dénoncé. 

M. JÚLIO MORAIS (Cabo Verde) a mis en garde contre l’escalade des budgets militaires liée au contexte géostratégique mondial, escalade qui pourrait compromettre encore davantage le financement du développement.  Il a également appelé à passer du mondial au local en adaptant des réponses sur mesure apportées au cas par cas, le système de développement de l’ONU pouvant, dans ce cadre, contribuer à l’élaboration de stratégies financières correspondant aux besoins réels et conjoncturels de réalisation des ODD. 

M. SEYDOU SINKA (Burkina Faso) a expliqué que son pays, faisant partie des PMA, avait pour ambition de progresser dans la transition vers une croissance durable, mais qu’il était durement éprouvé par la crise sanitaire et un environnement sécuritaire défaillant.  Cette dernière crise, qui s’étend, entraîne une vulnérabilité accrue et a conduit plus de 20% de la population à être déplacée, dont plus de la moitié sont des femmes.  L’accroissement des besoins est patent dans tous les domaines, y compris pour l’accès à l’eau et l’assainissement, et entrave la réalisation des ODD, a-t-il décrit.  Le représentant a alerté sur l’urgence, pour un pays tel que le sien, qui a besoin du soutien de ses partenaires pour lutter efficacement contre le terrorisme. 

Mme RABAB FATIMA (Bangladesh) a appelé à œuvrer par le biais des cadres communs de l’OCDE et du G20 pour alléger la dette des pays en développement, cela en impliquant les créditeurs privés qui « doivent faire partie de la solution ».  Sans « inclusion », il ne sera pas possible de satisfaire à la vision consistant à ne laisser personne sur le bas-côté, a-t-elle souligné. 

M. HOANG GIANG DANG (Viet Nam) a plaidé pour le renforcement des politiques et stratégies participant à la croissance verte.  Il a appelé à ce sujet la communauté internationale à se concentrer sur le développement des ressources humaines formées aux enjeux de la transition écologique.  À son tour, il a estimé que la coopération privé-public est indispensable pour accroître le volume des financements du développement durable. 

Mme MATHU JOYINI (Afrique du Sud) a constaté un redressement inégal selon la catégorie des pays, ainsi que des problèmes systémiques dans le financement climatique et dans la réalisation des ODD.  Alors que les pays en développement paient bien plus que les autres en remboursement et en taux d’intérêt, et malgré la suspension de la dette, la représentante a estimé que des efforts supplémentaires doivent être déployés, sans quoi la crise de la dette ne sera pas réglée à long terme.  Elle a enfin mis l’accent sur la lutte contre les flux financiers illicites: l’Afrique perd plus de 80 milliards de dollars par an dans ce secteur, a-t-elle déploré.

Pour M. JASSER JIMÉNEZ (Nicaragua), le financement du développement est d’autant plus nécessaire qu’il faut relever les défis posés par la COVID-19.  Le Nicaragua a besoin, hormis de l’aide officielle au développement durable, d’un financement d’urgence et de liquidités immédiates, a-t-il alerté.  Il a demandé de cesser les mesures unilatérales de coercition qui sont illégales, dans un premier temps, et d’alléger le fardeau de la dette souveraine en second lieu. 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a constaté que les perspectives économiques actuelles constituent un énorme défi pour les pays en développement, et même une « tempête parfaite » si l’on considère la convergence des risques pour l’économie mondiale avec la hausse massive des prix énergétiques et alimentaires.  Il a donc plaidé pour une action coordonnée pour éviter une aggravation de la crise, avant d’appeler, entre autres mesures, à diversifier la base productive du monde et à inclure les pays en développement dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.  Pour sa part, a-t-il indiqué, le Brésil va accroître sa production agricole pour répondre à l’augmentation de la demande mondiale, provoquée par la guerre en Ukraine.  Le délégué a également souligné l’importance de la transition énergétique, précisant que son pays a investi durant des décennies dans les énergies durables et dispose aujourd’hui d’un bouquet énergétique dont 45% proviennent de sources renouvelables.  Enfin, il a souhaité que, face au défi planétaire posé par les changements climatiques, les pays développés redoublent d’efforts pour aider le monde en développement en matière d’atténuation et d’adaptation. 

M. YOSEPH KASSAVE (Éthiopie) a indiqué que, pour les pays en développement, les lacunes financières engendrées par la pandémie sont sources d’immenses défis pour mettre en œuvre les ODD.  L’hémisphère Sud doit en outre faire face à l’explosion géopolitique qui fait grimper les prix de l’énergie et des denrées alimentaires, a-t-il souligné.  Malgré ce contexte difficile, l’Éthiopie a mis en œuvre son plan de développement décennal et a engrangé des résultats positifs, notamment grâce à un effort de mobilisation des ressources internes.  Il a précisé que son pays met à exécution un plan de privatisation pour permettre au secteur privé d’investir dans des infrastructures publiques.  Toutefois, a concédé le délégué, le pays se heurte à des obstacles majeurs, à commencer par la soutenabilité de la dette.  Bien que des mesures d’urgence aient permis de fournir un soutien temporaire aux pays concernés, le fardeau de la dette ne fera que s’alourdir face au durcissement des marchés, a-t-il averti, avant de souligner l’importance d’une coopération efficace telle qu’énoncée par le Programme d’action d’Addis-Abeba. 

Mme HYUNJOO OH (République de Corée) a estimé urgent de lutter contre la fracture numérique grandissante, laquelle éloigne la main d’œuvre des pays en développement des emplois verts.  Elle a également souligné l’importance pour les pays de partager les bonnes pratiques et d’orienter l’APD vers le financement de la transition numérique des économies du Sud.  Les principes d’efficacité de la coopération en la matière doivent guider les efforts de la communauté internationale, a encore dit la déléguée. 

M. SARHAD FATAH (Iraq) a préconisé de réduire la dépendance aux emprunts des pays les plus endettés et de diversifier les économies pour que les pays n’aient plus à compter uniquement sur les exportations d’un même produit.  Après avoir demandé aux pays développés d’honorer leurs engagements au titre de l’APD, le représentant a jugé nécessaire de mener une réforme du système financier international afin d’optimiser l’application des dispositifs de lutte contre les flux financiers illicites et de retour des avoirs. 

Mme MYRIAM OEHRI (Liechtenstein) a assuré qu’un financement durable permet davantage de stabilité et de résilience.  Elle a prôné une prise en compte plus cohérente des facteurs environnementaux et sociaux, notamment en matière de droits humains.  La représentante a pris pour exemple la traite des êtres humains consécutive au conflit en Ukraine.  Son pays a mis en place une initiative dans ce domaine, surnommée « initiative FAST ».  Elle a aussi appelé à lutter contre la corruption sous toutes ses formes, à l’aide d’institutions plus robustes et transparentes. 

M. GEORGE EDOKPA (Nigéria) a appelé à un développement plus inclusif, à soulager la dette insoutenable de nombreux pays, qui s’est aggravée après le choc pandémique, ainsi qu’à suivre de plus près la mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba.  Il a aussi recommandé de combattre la fuite de capitaux, de lutter contre les flux financiers illicites, ainsi qu’à aider le Nigéria dans sa lutte pour le recouvrement des avoirs. 

Mme JOANNA SKOCZEK (Pologne) a constaté que la guerre en Ukraine pose une menace pour l’alimentation mondiale.  Dans ce contexte de bouleversements, la mise en œuvre du Programme 2030 et du Programme d’action d’Addis-Abeba passe par la mobilisation des ressources publiques et privées, a estimé la représentante, appelant à « un développement en commun » et à des normes qui mesurent les investissements durables.  Dans le cadre de la décennie d’action pour les ODD, il convient, selon elle, de promouvoir les financements novateurs comme moteurs d’une transition juste et verte.  Soulignant à cet égard les diverses initiatives de l’Union européenne, elle a précisé que la Pologne et ses partenaires ont déployé d’importants efforts en Europe centrale afin de développer des infrastructures entre les mers Baltique, Adriatique et du Nord. 

M. KARL LEGATI (Belgique) a observé que la pandémie et l’agression russe en Ukraine ont plongé la communauté internationale dans une crise du financement.  Alors que les perspectives sanitaires pour 2022 restent incertaines, il a plaidé pour un accès égalitaire à la vaccination contre la COVID-19 et pour une accélération des financements du Mécanisme COVAX et d’autres outils de diffusion des vaccins dans le monde.  Il a également appelé à un renforcement des systèmes de protection sociale, jugeant que l’égalité sociale et entre les sexes sont des moteurs du développement économique.  Dans le contexte actuel de flambée des prix alimentaires, a-t-il ajouté, nous devons mobiliser le système financier international pour aider les pays en difficulté à trouver l’espace fiscal nécessaire à leurs dépenses, ce qui passe par un mécanisme pour la restructuration de la dette. 

M. OMAR KADIRI (Maroc) a plaidé en faveur de l’égalité vaccinale, condition selon lui d’une une reprise inclusive dans le contexte de l’après-pandémie.  Notant que les stratégies novatrices de financement fonctionnent, il a estimé qu’il est temps de leur faire confiance en multipliant la conclusion de partenariats privés-publics, au plan régional notamment.  Le représentant a également insisté sur l’importance que les pays en développement aient accès à différentes sources de financement tenant compte de leur vulnérabilité à la conjonction des crises. 

M. R RAVINDRA (Inde) a appelé à la création d’un environnement économique mondial basé sur des réformes intégrant les sources de financement novatrices afin de reprendre la marche dans la réalisation des ODD.  Il convient selon lui de respecter les principes de la responsabilité financière et de mettre sur pied, dans cet état d’esprit, des projets qui n’alourdissent pas le fardeau de la dette.  Enfin, il a souhaité l’élaboration de nouvelles normes et définitions dans le domaine du financement de la lutte contre les changements climatiques. 

Pour Mme MONTSERRAT GONZALEZ (Chili), il sera nécessaire de tirer les enseignements de ces années de pandémie pour renforcer les capacités globales de réaction aux crises futures.  Pour progresser dans la production et la distribution de vaccins, il serait nécessaire de renforcer l’initiative COVAX, a-t-elle ajouté.  Elle a fait observer que les pays à revenus intermédiaires comme le Chili se trouvent dans une situation délicate.  Leur réalité n’est pas fidèlement reflétée par les indicateurs économiques actuels, a-t-elle argumenté en jugeant ces critères « inadaptés ». 

M. MUHAMMED ENES USLU (Turquie) s’est enorgueilli que son pays ait dépassé ses promesses de dons dans le cadre de l’APD en y consacrant plus de 0,95% de son RNB.  Concernant les recouvrements d’avoirs liés aux flux financiers illicites, il a indiqué que la Turquie a mis en place un « conseil d’enquête des crimes financiers » afin de prévenir le blanchiment des fonds provenant de la criminalité organisée.  Enfin, la Turquie s’est fixée un objectif « zéro émission » de carbone d’ici à 2053, a-t-il ajouté.

M. MOHAMED LATOUS (Algérie) a exhorté la communauté internationale, à commencer par la communauté des donateurs, à accompagner les efforts des pays en développement pour réaliser les ODD, conformément aux engagements pris dans le cadre du Programme d’action d’Addis-Abeba.  Il a réitéré le soutien de l’Algérie aux efforts du Secrétaire général et de la grande famille des Nations Unies afin de parvenir à une économie mondiale durable, inclusive et résiliente. 

M. ROBERT MURPHY, Observateur permanent adjoint du Saint-Siège, a souhaité l’annulation de la dette des pays les plus entravés par ce fardeau qui sape leurs capacités à répondre aux situations d’urgence telle que la pandémie de COVID-19.  Une telle annulation au cas par cas apporterait une preuve éclatante de ce que peut réaliser la solidarité internationale, a-t-il ajouté, jugeant également important d’apporter une réponse mondiale au problème des flux financiers illicites. 

M. LARRY D. JOHNSON, de l’Académie internationale de lutte contre la corruption, a averti que les flux financiers illicites et la criminalité transnationale détournent les ressources nécessaires au développement durable.  Ces flux représentent un double vol puisque les générations futures sont aussi privées de fonds, a-t-il relevé.  Avec la pandémie, la communauté internationale a vu que la corruption s’épanouit durant les crises, a poursuivi le représentant, selon lequel 3 millions de dollars sont versés en pots de vin chaque jour dans le monde, une situation encore aggravée par la présence de 7 000 milliards de dollars dans des havres fiscaux.  À ses yeux, le Programmes 2030 ne pourra être réalisé sans une lutte efficace contre ce phénomène. 

M. MAXIMO TORERO, Économiste en chef de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a rappelé que l’agriculture représente un tiers du PIB mondial et que le secteur agroalimentaire fournit des moyens de subsistance à 40% de la population mondiale.  Des systèmes agroalimentaires efficaces peuvent permettre de répondre aux différents défis, a-t-il assuré.  Pour cela, ils doivent devenir résilients.  Or, pour l’heure, ces systèmes génèrent 12 000 milliards de dollars de coûts cachés chaque année.  Les moderniser coûtera des milliards de dollars mais c’est une nécessité, a insisté l’économiste.  Il a ensuite déploré que la majorité des petits exploitants agricoles n’aient pas accès aux financements, seulement 1,7% d’entre eux bénéficiant des fonds climatiques.  De plus, il importe selon lui que les subventions agricoles promeuvent des pratiques de production qui soutiennent des régimes sains.  Enfin, après avoir averti que la hausse des prix alimentaires va continuer de croître à mesure que se déroule la guerre en Ukraine, il a estimé qu’une réorientation des fonds publics vers des systèmes agroalimentaires plus verts et plus inclusifs permettrait de soutenir le petits exploitants en situation de vulnérabilité. 

Mme POOJA RANGAPRASAD, une représentante de la société civile, parlant au nom du groupe des ONG sur le financement du développement durable, a jugé inacceptable de continuer de remplir des documents finaux de belles paroles mais sans actes.  Quid d’un cadre multilatéral pour lutter contre un fardeau de la dette insoutenable?  Quid d’un moratoire pour le règlement des différends entre États?  D’un mandat pour surveiller les partenariats public-privé? a-t-elle demandé.  Pour ces raisons, elle a appelé à la préparation d’une conférence et à trouver un consensus pour une quatrième convention sur le financement du développement où les pays débiteurs auraient voix au chapitre, et pas seulement les pays puissants.

M. LIU ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a témoigné de perspectives de croissance mondiale à court terme fragiles, du fait du conflit en Ukraine et des effets toujours prégnants de la pandémie.  Les problèmes d’endettement, d’inflation et les tensions géopolitiques exacerbent la situation, a-t-il relevé.  Pour la transition vers des économies plus vertes et l’adaptation à un climat en pleine mutation, M. Liu a réitéré son appel à une contribution de 100 milliards de dollars par an des pays développés en direction des pays en développement. 

ADOPTION DES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS ARRÊTÉES SUR LE PLAN INTERGOUVERNEMENTAL (E/FFDF/2022/L.1)

Déclarations avant l’adoption

Mme KEISHA MCGUIRE (Grenade), parlant aussi au nom de l’Islande, en tant que délégations qui ont assumé le rôle de cofacilitateurs, a présenté un document orienté vers l’action et l’avenir, mais qui reste assez concis.  Les consultations ont commencé dès que possible pour rassembler des idées, a-t-elle rappelé en soulignant que le document promeut les engagements du Programme d’action d’Addis-Abeba.  « Nous sommes fiers de pouvoir avancer concernant des questions importantes pour les pays les plus vulnérables, comme la question du traitement de la dette et celle de l’indice de vulnérabilité multidimensionnel pour les petits États insulaires en développement. »

Au nom du Groupe des 77 et la Chine, le représentant du Pakistan a dit avoir participé aux négociations pour parvenir à un document final de consensus.  Il a ajouté que le Groupe a adhéré aux recommandations du forum de l’ECOSOC sur le financement du développement.  Il a cependant émis des réserves sur le projet de texte, regrettant notamment qu’au paragraphe 7 il ne soit pas précisé que les modifications apportées à la protection sociale doivent se faire en vertu des législations nationales.  De même, le Groupe aurait souhaité que soit mentionnée l’accélération pour une transition sociale qu’a suscitée la Conférence sur le financement à l’heure de la COVID-19.  Le délégué a également déploré qu’au paragraphe 10, les préoccupations du Groupe ne soient pas incorporées s’agissant de la protection de la biodiversité.  Il a également noté que sa proposition de contribution sur les défis rencontrés par les pays à revenu intermédiaire n’ait pas été incluse au paragraphe 44. 

Le représentant d’Antigua-et-Barbuda s’est dit préoccupé par l’affaiblissement du libellé sur les changements climatiques au paragraphe 9 du texte, ce qui est, selon lui, regrettable dans le contexte de la mobilisation des financements climatiques.  Se disant par ailleurs déçu par certaines omissions, notamment la reconnaissance du travail effectué par l’équipe spéciale interagences pour le financement du développement, il a également déploré que ne soit pas mentionné le taux de dette insoutenable de certains pays pauvres en raison des crises successives qu’ils doivent affronter.  À ses yeux, ce texte de compromis empêche d’être ambitieux pour les pays les plus vulnérables. 

Le représentant d’El Salvador a appuyé les propos du Pakistan au nom du Groupe des 77 et la Chine, ajoutant que le document final reflète des terrains d’entente sur certaines des priorités nationales les plus urgentes.  Il a toutefois estimé que l’importance de la numérisation de l’économie et de l’inclusion du secteur informel dans l’économie formelle auraient dû figurer en meilleure place dans les textes de conclusion. 

Déclarations après l’adoption

Le représentant de l’Union européenne a salué un document équilibré, appelant à unir les forces de la communauté internationale dans un contexte où la réalisation du développement durable est menacée par les conséquences de l’agression russe en Ukraine.  Il ne peut y avoir de prospérité et de santé sans état de droit, a-t-il ajouté.  Il a par ailleurs salué la pertinence d’un indice de vulnérabilité et souscrit aux recommandations sur l’octroi de financement à des conditions favorables.  Enfin, il s’est réjoui des mentions relatives aux groupes les plus vulnérables comme les personnes en situation de handicap. 

La Colombie, au nom d’un groupe de pays de même esprit et en soutien aux pays à revenu intermédiaire, a loué l’équilibre du document, sa prise en compte des catégories de pays en situation particulière et sa reconnaissance du problème de la dette.  Elle aurait cependant aimé, entre autres, qu’il soit fait mention d’une approche « systémique » pour venir en soutien aux pays à revenu intermédiaire et que soit relevé le niveau d’ambition à leur égard.  De plus, l’indice de vulnérabilité aurait dû être davantage présent, a-t-elle dit avant de regretter que le message ne soit pas assez clair sur l’importance de dynamiser les économies de ces pays.

Le Canada, s’exprimant au nom du groupe CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), a estimé que l’autonomisation des femmes et des filles devrait être au cœur des principes sous-tendant le document, ainsi que le respect des peuples autochtones, des personnes handicapées et des réfugiés.  Il a appelé à davantage aider les pays les plus exposés à faire face aux chocs.

Le représentant de la Chine a noté que les pays en développement font face au double impact de la pandémie et de la situation géopolitique, ce qui met en danger le redressement économique des plus fragiles.  Le soutien de la communauté internationale est donc nécessaire et les engagements pris en matière d’aide au développement doivent être honorés, a-t-il affirmé.  Pour sa part, la Chine a décaissé 100 milliards de dollars pour prêter assistance à des pays en développement travaillant à leur relèvement post-COVID-19, a indiqué le représentant.  Elle a aussi aidé les pays pauvres sous la forme de remises de dette et au travers de l’Initiative de suspension du service de le dette prise par le G20.  La Chine se tient prête à participer aux efforts visant à assurer une meilleure répartition du fardeau, a-t-il encore assuré, avant d’inviter les créanciers à participer eux aussi à ces actions. 

Le représentant de la Fédération de Russie s’est félicité de l’adoption par consensus du document final, espérant qu’il permettra de jeter les bases d’un processus de négociation dans le cadre de l’ECOSOC et de l’Assemblée générale.  Avec ce texte, la communauté internationale confirme sa volonté de contribuer à un relèvement mondial robuste sur la base du Programme d’action d’Addis-Abeba, a-t-il salué.  Il a également applaudi le fait que le Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement soit appelé à travailler sur une industrialisation accélérée.  Le représentant a toutefois déploré le refus de certains États de confirmer le caractère progressif du document adopté à la conférence de la CNUCED.  De plus, le renforcement des initiatives pour le climat doit, selon lui, prendre en compte les spécificités nationales.  Il a enfin assuré que son pays a l’intention de s’acquitter de ses responsabilités sur le marché des denrées alimentaires.  La Russie est préoccupée par les conséquences de la crise actuelle et reconnaît l’importance de l’approvisionnement alimentaire pour les pays d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient, a-t-il souligné, ajoutant que la levée des mesures coercitives unilatérales permettrait de réduire les tensions en matière de transport et de logistique.

Le représentant de la République islamique d’Iran a indiqué que son pays avait adhéré au consensus dans une esprit de souplesse.  Toutefois, a-t-il nuancé, le document final aurait dû faire référence au Programme 2030 en rappelant les conséquences de l’application de sanctions unilatérales sur le développement de pays en développement.

La représentante de la Hongrie a indiqué que son pays continue de penser que les causes profondes des migrations économiques devraient être reflétées dans les documents et conclusions de l’ONU.  C’est pourquoi, elle s’est dissociée du paragraphe 7 du document final. 

La représentante des Philippines s’est félicitée du texte final, particulièrement ses mentions sur les priorités de développement recalibrées, et pour sa reconnaissance des difficultés spécifiques des pays en situation particulière, notamment les pays à revenu intermédiaire.  Elle a cependant regretté que le paragraphe 44 ne fasse pas mention de la nécessité d’aider ce groupe au sujet des problèmes de chaînes d’approvisionnement.

Le représentant du Japon a loué le document et sa référence faite au nouvel indicateur, au paragraphe 39, mais a regretté que la description du soutien au développement durable n’ait pas été mise à jour depuis l’an dernier en incluant ce progrès.

Le représentant des États-Unis a réaffirmé l’engagement de son pays dans la pleine mise en œuvre des principaux instruments relatifs au financement du développement.  Il a ajouté qu’au cours de la pandémie, la Banque mondiale et le FMI ont aidé à surmonter des défis inédits, l’APD, dont les États-Unis sont les premiers contributeurs, atteignant même des niveaux records.  Mais la guerre en Ukraine a des répercussions profondes et particulièrement dommageables, a-t-il dit, comme l’inflation des denrées alimentaires et la rupture dans les chaînes d’approvisionnement.  Le représentant a conclu en expliquant que sa délégation avait adhéré au consensus, conscients de l’importance de maintenir le cap vers l’atteinte des ODD. 

M. COLEEN KELAPILE, Président de l’ECOSOC, après avoir repris les points forts du document final, a conclu la session en déclarant que les défis identifiés au cours du forum « ont renforcé notre détermination, comme en témoigne le document final et nos conclusions, particulièrement ambitieuses ». 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le Procureur de la CPI présente son plan d’action « renouvelé » pour accélérer la justice pour les crimes graves commis en Libye

CS/14874

Conseil de sécurité: le Procureur de la CPI présente son plan d’action « renouvelé » pour accélérer la justice pour les crimes graves commis en Libye

Au Conseil de sécurité cet après-midi, le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), M. Karim Khan, a présenté les principes fondamentaux de son « plan d’action renouvelé » afin d’accélérer les progrès vers l’établissement des responsabilités en Libye, où la justice n’a que trop tardé selon lui.  Une situation qui ne saurait se transformer en « histoire sans fin », sous peine d’un déni de justice pour les survivants et les familles des victimes. 

Le premier de ces principes est la hiérarchisation des priorités et l’allocation de ressources supplémentaires, notamment sur les questions financières et les crimes sexuels et sexistes.  À cet égard, le déploiement d’outils d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique pour soutenir la transcription et la traduction de fichiers documentaires, vidéo et audio en langue arabe aura un impact profond sur la capacité des enquêteurs à trier et à rechercher les preuves, a expliqué M. Khan. 

Le deuxième principe qui sous-tend cette stratégie renouvelée est l’engagement à donner aux témoins et aux survivants les moyens de participer au travail de son Bureau, a poursuivi le Procureur.  Pour y parvenir, il a préconisé de se rapprocher davantage des communautés touchées, grâce à une présence accrue sur le terrain.  Le troisième pilier consiste en un engagement renouvelé auprès des autorités libyennes, dans le respect du principe de complémentarité:  « Lorsque les autorités nationales sont prêtes et désireuses de faire avancer de véritables procédures, nous devons être là pour les soutenir », a rappelé M. Khan.  Inversement, lorsque les autorités libyennes semblent incapables de mener des enquêtes ou d’engager des poursuites pour des crimes relevant de la compétence de la Cour, son Bureau continuera à mettre en œuvre son travail tel que mandaté par le Conseil. 

Enfin, le quatrième pilier consiste à renforcer la coopération avec les États tiers et les organisations internationales et régionales en vue de faire avancer les procédures liées à la situation en Libye, notamment en ce qui concerne les crimes contre les migrants.  « Plutôt que d’être un sommet lointain du mouvement de la justice pénale internationale, nous nous intégrerons comme une plaque tournante et un partenaire pour l’ensemble des acteurs », a plaidé le juriste. 

Cette feuille de route a été globalement bien accueillie par les membres du Conseil.  Ainsi, la Norvège a salué l’accent mis sur le rapprochement avec les témoins et les survivants.  Encore faut-il qu’ils bénéficient de la protection nécessaire, ce qui pose pour la France la question de donner aux équipes du Procureur les moyens de ses ambitions, notamment pour bénéficier d’un accès sûr et sans entrave à l’ensemble du territoire libyen. 

Dans ce contexte, nombreux ont été les délégations à se préoccuper de l’impasse politique et la crise sécuritaire dans laquelle se trouve plongée la Libye, comme les Émirats arabes unis, qui ont dénoncé la compétition pour le pouvoir et la mobilisation des milices, et se sont inquiétés de la fragilité de l’accord de cessez-le-feu permanent d’octobre 2020, qui suppose le retrait progressif, graduel et équilibré des forces et combattants étrangers ainsi que des mercenaires du sol libyen. 

Le représentant de la Libye a tenu à réaffirmer la détermination de son peuple et de son gouvernement à jeter les bases d’une société moderne démocratique et à exiger que les responsabilités soient établies pour tous les crimes commis, « ce qui ne pourra se faire qu’au travers d’un processus complet de réconciliation nationale ».  Lequel passe, à ses yeux, par la justice, la vérité, les réparations et les garanties de non-répétition.  Il a toutefois réitéré la souveraineté et la compétence des institutions judiciaires nationales, tout à fait aptes selon lui à rendre justice en toute intégrité et à tenir des procès équitables pour tous les suspects recherchés, conformément à la législation nationale. 

Il a, en outre, confirmé « notre coopération » avec la CPI sur la base de son mandat et du mémorandum d’entente signé par le bureau du Procureur général libyen et la Cour, insistant sur le fait que cette juridiction ne saurait se substituer au système judiciaire libyen, nonobstant son concours précieux.  Réagissant à la stratégie détaillée par M. Khan, le représentant libyen lui a demandé d’y inclure des enquêtes complètes pour identifier et poursuivre les « criminels internationaux » que sont les trafiquants d’êtres humains. 

Pour la Fédération de Russie, si les mots « justice » et « impartialité » avaient vraiment un sens pour la CPI, celle-ci ne se concentrerait pas uniquement sur les enquêtes contre les partisans de l’ex-dirigeant libyen Gaddafi, mais cibleraient également des crimes de guerre commis par l’OTAN et l’opposition libyenne.  Qui est responsable de l’effondrement de l’État libyen et des années de souffrance de sa population?  Pourquoi la CPI n’a-t-elle pas de questions sur l’exécution extrajudiciaire de Gaddafi?  Doit-on considérer cela comme une approbation par la Cour de politiques visant à renverser les gouvernements « indésirables » et à assassiner les dirigeants d’États souverains? a demandé le représentant. 

À la question de savoir qui est « à blâmer pour cette agonie sans fin sur cette terre agitée » qu’est la Libye, M. Khan, reprenant la parole, a déclaré que la question restait ouverte. 

LA SITUATION EN LIBYE

Déclarations

M. KARIM KHAN, Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), a rappelé que, lors du dernier exposé qu’il avait présenté sur la situation en Libye, il avait confirmé son intention de procéder à un examen complet des enquêtes menées par son Bureau jusqu’à présent et de présenter, au cours de cette session, un plan d’action renouvelé afin d’accélérer les progrès vers l’établissement des responsabilités.  Cette situation, en effet, ne saurait être une « histoire sans fin ».  Si une justice retardée n’est pas toujours un déni de justice, les survivants et les familles des victimes ont le droit légitime de nous voir agir rapidement et efficacement et demander des comptes en cas de résultats insuffisants, a ajouté le Procureur. 

Le bilan que nous avons dressé a fait apparaître des défis persistants qui exigent des solutions nouvelles et innovantes, a affirmé M. Khan.  La stratégie d’enquête renouvelée vise à fournir un cadre pour une action fondée sur quatre principes clefs qui sous-tendent sa vision globale du travail de son Bureau.  Le premier est la hiérarchisation des priorités et l’allocation de ressources supplémentaires, a-t-il détaillé, en annonçant avoir l’intention de consacrer des ressources supplémentaires à l’enquête, en se concentrant en particulier sur l’amélioration des enquêtes financières et des enquêtes sur les crimes sexuels et sexistes.  Le déploiement d’outils d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique pour soutenir la transcription et la traduction de fichiers documentaires, vidéo et audio en langue arabe aura, en particulier, un impact profond sur la capacité des enquêteurs à trier et à rechercher les preuves, ce qui nous permettra de concentrer le travail d’analyse sur les preuves les plus précieuses, a expliqué M. Khan. 

Le deuxième principe qui sous-tend cette stratégie renouvelée est l’engagement à donner aux témoins et aux survivants les moyens de participer à notre travail, a poursuivi le Procureur.  Pour y parvenir, il a préconisé de faire beaucoup plus pour se rapprocher des communautés touchées.  Pour y remédier, mon Bureau, a indiqué le Procureur, s’efforcera d’établir une présence accrue sur le terrain, notamment en renforçant les installations existantes pour mobiliser les témoins dans la région. 

Le troisième pilier consiste en un engagement renouvelé auprès des autorités libyennes.  M. Khan a dit vouloir s’attacher à soutenir les efforts de reddition de comptes au niveau national chaque fois que possible, conformément au principe de complémentarité.  « Dans le cadre de notre travail dans toutes les situations, j’ai déclaré à plusieurs reprises que lorsque les autorités nationales sont prêtes et désireuses de faire avancer de véritables procédures, nous devons être là pour les soutenir », a rappelé M. Khan.  Inversement, lorsque les autorités libyennes semblent incapables de mener des enquêtes ou d’engager des poursuites pour des crimes relevant de la compétence de la Cour, son Bureau continuera à mettre en œuvre son travail tel que mandaté par le Conseil. 

Le quatrième pilier consiste à renforcer la coopération avec les États tiers et les organisations internationales et régionales.  En effet, a dit le Procureur, nous devons explorer toutes les voies possibles pour servir de partenaire aux acteurs nationaux du monde entier qui souhaitent faire avancer les procédures liées à cette situation.  Cet accent renouvelé sur la coopération et la complémentarité s’appuiera sur les succès significatifs obtenus par la coopération avec les autorités nationales et les organisations régionales, y compris Europol, en ce qui concerne les crimes contre les migrants.  En nous appuyant sur l’expérience des mandats d’arrêt émis aux Pays-Bas grâce au soutien du Bureau pour des crimes contre les migrants, nous élargirons l’éventail des juridictions nationales engagées dans le cadre de la situation en Libye et étudierons également le potentiel d’une stratégie d’enquête commune à tous les acteurs concernés, conformément à la résolution 1970 (2011), a exposé le Procureur.  L’amélioration prévue de l’infrastructure technologique du Bureau augmentera notamment de manière significative sa capacité à fournir des preuves et des informations présentant un avantage tangible pour les procédures nationales.  « Plutôt que d’être un sommet lointain du mouvement de la justice pénale internationale, nous nous intégrerons comme une plaque tournante et un partenaire pour tous les acteurs », a-t-il ajouté. 

En conclusion, M. Khan a émis l’espoir qu’aujourd’hui marquera le renouvellement d’un partenariat élargi et le début d’une nouvelle phase de progrès pour répondre aux attentes légitimes de ceux qui, en Libye, attendent déjà depuis trop longtemps que justice soit faite. 

M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a fait part de sa préoccupation face aux crimes commis contre les migrants et les réfugiés, qui peuvent constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, ainsi que par la situation dans les centres de détention, dont certains fonctionnent de manière clandestine.  « Nous soulignons ces deux aspects car ils concernent des personnes qui se trouvent dans de graves conditions de vulnérabilité », a insisté le représentant.  À cet égard, il a encouragé la coopération avec les autorités nationales et Europol pour soutenir les enquêtes sur les crimes contre les migrants, sans oublier la nécessité de fournir un soutien psychologique aux témoins et aux survivants d’atrocités qui pourraient constituer des crimes internationaux. 

Le représentant, a, par ailleurs, reconnu que la situation politique actuelle impose de grands défis en matière de sécurité, ce qui a un impact sur le travail d’enquête sur le terrain.  C’est pourquoi, il a réitéré son appel aux autorités libyennes et à tous les acteurs concernés pour qu’ils coopèrent et facilitent le travail du personnel du Bureau du Procureur, en particulier pour la collecte de preuves, qui nécessite des conditions de mobilité libres et sûres.  De même, a-t-il conclu, il est impératif que les mandats d’arrêt émis par la CPI soient respectés. 

M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a estimé que le fait que le Procureur de la CPI ait présenté une feuille de route décrivant la vision des travaux de ses services sur le dossier libyen, repensant ainsi les approches de l’ancienne Procureure, Mme Fatou Bensouda, était déjà un pas dans la bonne direction. 

Le représentant a précisé que le dossier libyen, transféré par le Conseil de sécurité à la CPI, ne présente pas les événements comme ils se sont déroulés, mais leur présentation informative par les médias occidentaux et les ONG.  De même, fabriquée à la hâte par le Procureur de la CPI de l’époque, Luis Moreno Ocampo, l’affaire contre Gaddafi a été construite sur des contrefaçons et

avait commencé à s’effondrer avant même le meurtre du dirigeant libyen.  Selon le représentant, le « cas Gaddafi » à la CPI est un dossier qui avait été utilisé pour justifier des interventions militaires non provoquées de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) contre l’État libyen.  Jusqu’à nos jours, la Libye continue de souffrir des conséquences des actions de l’OTAN en 2011, a-t-il dit. 

M. Kuzmin a souligné que tout ce qui s’est fait contre Mouammar Gaddafi l’a été en connivence et avec l’entière approbation des autorités américaines.  Selon lui, si les mots « justice » et « impartialité » signifiaient vraiment quelque chose pour la CPI, la Cour ne se concentrerait pas uniquement sur les enquêtes contre les partisans du dirigeant Gaddafi, mais elles cibleraient également des crimes de guerre de l’OTAN et des représentants de l’opposition libyenne.  Il s’avère que, selon le Bureau du Procureur, à l’exception de Gaddafi, brutalement assassiné, personne d’autre n’est responsable de la catastrophe en Libye? a constaté le représentant, en relevant que le Bureau du Procureur semblait faire croire que les enquêtes sont presque bouclées. 

Pour M. Kuzmin, c’est là une approche qui frappe par sa partialité.  Qui est responsable de l’effondrement de l’État libyen et les années de souffrance de sa population?  Pourquoi la CPI n’a-t-elle pas de questions sur l’exécution extrajudiciaire de Gaddafi?  Doit-on considérer cela comme une approbation par la Cour de politiques visant à renverser les gouvernements « indésirables » et à assassiner les dirigeants d’États souverains? a demandé le représentant.  Nous appelons toutes les parties de ne pas s’immiscer dans les processus électoraux qui se déroulent dans un pays dont la population, qui souffre depuis longtemps, mérite la stabilité, a-t-il conclu. 

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a déclaré qu’à la suite des atrocités perpétrées au quotidien en Ukraine, il est plus que jamais nécessaire de soutenir les mécanismes de justice internationale y compris s’agissant de la Libye. Apportant son soutien au Bureau du procureur au moment où il lance sa stratégie renouvelée, le représentant a indiqué qu’il était temps de satisfaire les attentes des victimes qui ont attendu si longtemps la justice.  Cela suppose notamment de dialoguer avec les autorités libyennes sur la reddition de comptes au niveau national, conformément aux principes fondamentaux de la CPI, le but étant de parvenir à des résultats tangibles.  Il s’est ensuite félicité du rapport récent de la mission d’établissement des faits indépendante sur la Libye.  Le représentant a aussi soutenu les efforts en cours pour renforcer les capacités nationales et encouragé un appui à la réforme judiciaire en Libye qui est essentielle pour le succès de toute poursuite. 

Mme DIARRA DIME LABILLE (France) a commencé par exprimer sa préoccupation face à la non-exécution des mandats d’arrêt émis par la Cour, en faisant valoir que le décès des auteurs présumés des crimes les plus graves ne « saurait valoir justice » pour les victimes. 

Prenant note avec intérêt de la feuille de route esquissée par le Procureur dans son rapport, la représentante a dit partager l’attention accordée aux crimes récents relevant du Statut de Rome, y compris ceux commis contre des migrants et dans les centres de détention.  « Nous soutenons ses efforts pour faciliter la collecte, le traitement et l’analyse des éléments de preuve », a-t-elle insisté, en relevant que les rapports du Secrétaire général et de la Mission indépendante d’établissement des faits étaient « accablants ».  elle a également jugé préoccupante la répression accrue contre la société civile et les défenseurs des droits de l’homme dans le cadre de la transition politique.  Elle a jugé essentiel de préserver un espace démocratique dans lequel prendraient toute leur part les femmes et la jeunesse. 

Pour la France, le Bureau du Procureur doit disposer des moyens nécessaires à la réalisation du mandat que lui a conféré ce Conseil.  En particulier, les équipes du Procureur doivent bénéficier d’un accès sûr et sans entrave à l’ensemble du territoire libyen et les témoins et survivants doivent pourvoir bénéficier de toute la protection nécessaire.

Mme Dime Labille s’est félicitée de l’intensification des échanges qu’entretient le Bureau du Procureur avec les juridictions et services libyens compétents, soulignant que la visite annoncée du Procureur au cours des prochains mois sera l’occasion de consolider cette coopération. 

En attendant, la France restera mobilisée en faveur de la transition politique en Libye avec tous les partenaires internationaux. 

Mme CATHERINE NYABOKE NYAKOE (Kenya) a relevé que la Libye conserve la responsabilité première d’assurer l’obligation de reddition de compte ainsi que l’administration de la justice à l’intérieur de ses frontières.  Elle a souligné la nécessité d’une coopération judiciaire, dans le respect des paramètres du principe de complémentarité.  Elle a également appelé à accorder un soutien accru à la Libye pour renforcer ses capacités d’enquêtes et de poursuites judiciaires. 

La représentante a par ailleurs constaté que des milliers de migrants, demandeurs d’asile et réfugiés continueraient de subir des traitements inhumains entre les mains des autorités et des réseaux criminels, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de la Libye.  Elle a appelé l’Union européenne (UE) et les autres parties intéressées à s’attaquer sérieusement aux facteurs qui incitent à cette migration. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a constaté que la situation en Libye reste incertaine en raison de la compétition pour le pouvoir, de la mobilisation des milices et du manque de clarté concernant la voie politique.  Pour éviter l’escalade et de nouvelles divisions en Libye, il est important que la Commission militaire mixte 5+5 maintienne son impartialité et prenne ses distances par rapport aux tensions politiques actuelles, a-t-il dit.  Le représentant a également souligné l’importance du maintien de l’accord de cessez-le-feu permanent, y compris le retrait progressif, graduel et équilibré des forces et combattants étrangers ainsi que des mercenaires de la Libye. 

La réalisation de la justice, qui est une prérogative nationale souveraine, exige l’établissement d’une paix durable sur le territoire libyen en renforçant les capacités des institutions nationales, a rappelé le représentant.  Il faut également que la communauté internationale soutienne les initiatives et les efforts de la Libye, de l’ONU et de tous les autres pays visant à faciliter un processus de réconciliation nationale pour parvenir à une stabilité à long terme.  À cet égard, M. Abushahab s’est félicité de l’engagement actuel et des réunions entre la CPI et les autorités compétentes en Libye, ainsi que de la coopération existante entre la Libye et la Cour, fondée sur le protocole d’accord signé entre le Bureau du procureur général de la Libye et le Bureau du Procureur de la CPI. 

M. MADHU SUDAN RAVINDRAN (Inde) a d’abord rappelé que l’Inde n’est pas partie au Statut de Rome et qu’elle avait exprimé des doutes lorsque la Cour pénale internationale avait été saisie de la question libyenne en 2011 par le Conseil de sécurité, doutes que les événements ultérieurs « ont, malheureusement, confirmés ».  Pour le représentant, il ressort clairement du présent rapport comme des rapports précédents que la saisine de la CPI « n’a eu aucun effet sur la cessation des violences ou le rétablissement de la stabilité » dans le pays.  Cette situation conforte l’Inde dans l’idée que, lorsque des affaires sont renvoyées à la Cour principalement pour des raisons politiques, le mécanisme de la CPI n’est pas le mieux adapté pour servir les objectifs de la justice. 

Le représentant s’est dit préoccupé par l’évolution récente en Libye et les désaccords politiques.  Il a souhaité que toutes les questions politiques en suspens pourront être résolues pacifiquement en gardant à l’esprit les intérêts généraux du peuple libyen. Il a également souhaité que le cessez-le-feu d’octobre 2020 continue de tenir bon.  Le délégué a insisté sur l’impératif de tenir les élections présidentielle et parlementaires dans les meilleurs délais, afin de poursuivre l’élan généré par la signature de l’accord de cessez-le-feu.  Il s’est félicité des consultations en cours en Libye pour trouver la base constitutionnelle des élections, qui devront être libres, équitables, inclusives et crédibles. 

Le représentant a insisté pour que le Conseil de sécurité et la communauté internationale soutiennent le peuple libyen en envoyant un message clair, à savoir que la violence, sous quelque forme que ce soit, est condamnable et compromettrait les progrès réalisés depuis 2020.  Il faut en particulier veiller à ce que les groupes terroristes et leurs affiliés ne soient pas autorisés à opérer en Libye. Le représentant a jugé très préoccupante la présence et les activités de l’État islamique, y compris à cause du risque d’extension qu’ils pourraient avoir dans toute la région du Sahel. 

Mme ANNE-MARIE O’SULLIVAN (Irlande) a relevé que l’impunité reste un obstacle important à la transition de la Libye vers la démocratie et l’état de droit.  Elle a reconnu que l’environnement opérationnel, sécuritaire et politique dans lequel le Bureau du procureur continue d’opérer en Libye est très difficile et que les progrès sont particulièrement dépendant de la coopération avec les autorités libyennes.  Elle a exhorté la Libye à exécuter le mandat d’arrêt en cours contre Saïf Gaddafi. 

La représentante s’est félicitée de la décision d’allouer des ressources pour recruter du personnel supplémentaire doté d’une expertise en crimes sexuels et sexistes, notant que ces formes de violence sont répandues dans les centres de détention de migrants.  Relevant que les ressources demeurent un sujet de préoccupation pour la Cour, elle a estimé que tout renvoi d’une situation à la CPI doit être assorti d’un financement adéquat.  Elle a aussi appuyé les initiatives visant à assurer la sécurité de ceux qui coopèrent avec la Cour. 

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) s’est félicitée des quatre principes fondamentaux de la stratégie renouvelée présentée par le Procureur, en particulier pour habiliter les personnes touchées par les crimes présumés à participer à la procédure, ainsi que la nouvelle approche adoptée pour s’engager auprès des autorités libyennes.   Un aspect important de cette coopération consiste pour la Libye –ainsi que pour la communauté internationale– à soutenir les arrestations et les remises de suspects en temps voulu, a-t-elle indiqué.  Plus généralement, la déléguée a réitéré le soutien de son pays au processus politique mené et contrôlé par les Libyens, y compris la tenue d’élections en temps voulu et en toute sécurité.  Elle s’est dite enfin préoccupée par la lutte actuelle pour le contrôle de l’exécutif et a exhorté les parties à convenir d’une voie consensuelle, essentielle pour préserver l’unité et la stabilité du pays. 

M. JOÃO GENESIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a réaffirmé le soutien de son pays à la Cour pénale internationale.  Rappelant que le Brésil présidait ce Conseil de sécurité lorsque la résolution 1970, qui renvoyait la situation libyenne à la Cour, a été adoptée à l’unanimité, le représentant a également réitéré l’attachement de son pays à la paix et à la stabilité libyennes. 

Le Brésil soutient en particulier les efforts en cours pour retirer les forces étrangères du territoire libyen.  La présence de combattants étrangers, y compris de mercenaires, représente une menace supplémentaire pour la stabilité et l’état de droit de la Libye, a estimé le représentant.  Il a ajouté que la présentation ouverte de la stratégie d’enquête et de poursuites, y compris ses objectifs clefs et ses principes fondamentaux, tels qu’ils sont reflétés dans le présent rapport, représentent un pas dans la bonne direction. 

Saluant l’accent mis par le Procureur sur le principe de complémentarité pour soutenir et renforcer les enquêtes et les poursuites nationales, le délégué l’a encouragé à continuer de dialoguer régulièrement avec les autorités libyennes, car la complémentarité est l’une des pierres angulaires du système du Statut de Rome.  Le Brésil salue en outre la volonté du Procureur de rapprocher son Bureau des survivants, des témoins et des familles des victimes, en accord avec les autorités nationales.  Une telle présence renforcée sur le terrain peut contribuer à créer un environnement sûr, sécurisé et stable pour les témoins qui souhaitent dialoguer directement avec les enquêteurs.  En outre, les efforts de coopération peuvent fournir des opportunités pour renforcer les institutions locales, afin que l’État puisse s’acquitter de sa responsabilité première d’enquêter et de poursuivre les crimes commis sur son territoire. 

Le représentant a appelé l’ONU à fournir des ressources appropriées à la CPI pour les situations déférées par le Conseil de sécurité.  On ne saurait trop insister sur le fait que la situation actuelle, où seuls les États parties assument le coût des renvois du Conseil de sécurité, n’est ni équitable ni durable, a-t-il conclu. 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a estimé que tous crimes commis en Libye doivent faire l’objet d’enquêtes de la CPI.  Il a salué la mise en place de nouvelles stratégies d’enquêtes de la CPI en Libye, lesquelles tiennent compte des contraintes budgétaires, sans préjudice des besoins de justice, encore moins de l’exigence d’établir la responsabilité des auteurs présumés de crimes.  Bien entendu, il faut œuvrer étroitement avec les autorités libyennes, et impliquer les acteurs internationaux et régionaux, ainsi que la société civile à même de contribuer au succès de cette vaste et délicate entreprise, a relevé M. Biang.  Il a aussi salué le recours aux technologies avancées de l’information, y compris l’intelligence artificielle, dans ces enquêtes. « Nous croyons que le peuple libyen a besoin de justice et c’est la vocation du Bureau du Procureur d’administrer et faire avancer cette justice conformément au principe de complémentarité », a expliqué le délégué.  À cet égard, une coopération très étroite avec la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) s’avère essentielle.  Il a enfin souligné l’importance de créer les conditions d’une justice réparatrice des meurtrissures du peuple libyen, à savoir l’aboutissement du processus politique, la cessation des hostilités et la résolution pacifique et durable de la crise qui prévaut. 

M. SOLOMON KORBIEH (Ghana) a salué le rapport bien structuré de la CPI et son approche proactive pour faire face à la situation en Libye. Il a exigé que toutes les personnes faisant l'objet de mandats d'arrêt de la CPI pour les crimes qu’ils auraient commis en Libye - génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité - soient amenées à rendre des comptes.  Le Ghana est conscient des défis auxquels la Cour est confrontée à la lumière de la situation politique et sécuritaire complexe actuelle en Libye, a poursuivi le délégué. Il s’est félicité de l'approche adoptée par la Cour qui fait appel au principe de complémentarité, l’un des principes fondamentaux du Statut de Rome. « La Cour, en collaborant avec les autorités nationales libyennes compétentes, a franchi une étape positive dans le renforcement de la confiance qui peut produire les résultats souhaités. »  D’après le délégué, la proposition de signature du protocole d'accord, avec l'engagement de toutes les parties prenantes libyennes concernées, est également un pas dans la bonne direction. Sur la question de la protection des témoins, il a suggéré que la CPI fasse sortir les témoins de Libye si nécessaire et qu’elle sollicite la coopération des États voisins dans le cadre de l'enquête, notamment en recueillant des preuves auprès de migrants qui auraient échappé aux atrocités commises en Libye et cherché refuge dans ces États.  

M. ZHIQIANG SUN (Chine) a jugé impératif que toutes les parties en Libye fassent preuve de retenue dans leurs actions pour éviter toute complication de la situation.  Le cessez-le-feu doit être préservé et les divergences de vues entourant la légitimité du gouvernement doivent être réglées par le dialogue et la consultation.  Un consensus doit être trouvé sur la feuille de route des élections afin de créer les conditions propices pour des élections dans les plus brefs délais. 

La communauté internationale devrait défendre le principe d’un processus dirigé et piloté par les Libyens, a poursuivi le représentant.  La Chine n’étant pas partie au Statut de Rome, sa position reste inchangée, à savoir, a insisté le délégué, continuer de respecter le principe de complémentarité tel qu’indiqué dans le Statut, en respectant la souveraineté judiciaire de la Libye. 

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a réaffirmé l’attachement et le soutien de son pays à la CPI et au Statut de Rome.  Des atrocités de masse ont été commises à Tripoli, Alep, Srebrenica, Racak et au Darfour - et la triste liste se rallonge aujourd’hui avec Boutcha et Marioupol.  En l’absence de justice pour de tels crimes, les auteurs s’enhardissent et continuent d’assaillir les civils et le droit international.  La CPI et d’autres tribunaux internationaux jouent un rôle vital pour mettre fin à l’impunité et rendre justice aux victimes de crimes contre l’humanité où qu’ils soient commis, a-t-elle rappelé, notamment en Libye.  Les Libyens doivent ainsi pouvoir avancer, se réconcilier et parvenir à un avenir meilleur.  La représentante a dénoncé la violence continue contre les migrants, les rapports de torture dans les centres de détention et les crimes commis contre les femmes et les enfants, y compris les violences sexuelles, pendant les opérations militaires.  Il faut répondre à ces violations du droit international, des droits humains et du droit humanitaire et poursuivre en justice les responsables, au niveau national et international si besoin.  Si l’application du principe de responsabilité peut atténuer les souffrances des victimes et des survivants, elle est aussi un moyen de dissuasion puissant pour éviter que de tels crimes ne se répètent.  C’est dans cet esprit que l’Albanie, avec d’autres États qui croient en la justice et au mandat de la CPI, ont renvoyé la situation en Ukraine à la Cour.  Ils soutiennent pleinement l’enquête indépendante sur les crimes odieux contre l’humanité qui sont commis en Ukraine. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a relevé l’existence de « preuves crédibles » de la commission continue de crimes graves généralisés en Libye, y compris des crimes de violence sexuelle liés au conflit.  Le Royaume-Uni condamne ces actes répréhensibles et demande que leurs auteurs soient traduits en justice.  Les droits de l’homme doivent être pleinement protégés en Libye, a réitéré la déléguée, appelant à maintenir « notre engagement » envers les victimes de ces 11 dernières années. 

L’enquête de la CPI est, selon la représentante, une contribution importante à la justice transitionnelle, qui est essentielle au succès du processus politique et dans l’intérêt de tous les Libyens.  C’est pourquoi le Royaume-Uni appelle les autorités libyennes à coopérer avec l’enquête de la CPI et la Mission indépendante d’établissement des faits.  L’accès aux sites, aux preuves et aux témoins sans intimidation est nécessaire pour progresser, a ajouté la représentante 

Le Royaume-Uni soutient la stratégie renouvelée du Procureur et les principes sur lesquels il va faire avancer l’enquête.  Il se félicite, en particulier, de la priorité accordée à l’enquête en Libye et de l’annonce de ressources supplémentaires, qui, a espéré la représentante, accéléreront les progrès vers la justice pour les victimes.  Enfin, la représentante a salué le travail du Procureur pour coopérer avec les autorités nationales et son intention de développer davantage ces partenariats, y compris en aidant les poursuites au niveau national ou régional lorsque cela est approprié. 

Reprenant la parole, M. KHAN, Procureur de la CPI, a réagi aux propos de la Fédération de Russie, se demandant qui est « à blâmer pour cette agonie sans fin sur cette terre agitée », y voyant une «question qui reste ouverte».  Il a ensuite rappelé que c’est le Conseil de sécurité qui assume la responsabilité première du maintien de la paix de la sécurité internationales.  « Il est donc très important de ne pas oublier cela », alors que, comme nombre de personnes, le Procureur s’est dit frustré que l’on tolère encore un monde dans lequel tant de personnes continuent de souffrir.  La justice internationale n’est pas une baguette magique qui va corriger tous les maux de l’humanité, a-t-il poursuivi; si vous espérez cela, nous continuerons d’échouer.  La question est de savoir si, collectivement ou non, nous nous soucions vraiment des femmes, des enfants et des hommes qui veulent simplement vivre leur vie et ne pas continuer à souffrir. 

M. TAHER M. T. ELSONNI (Libye) a réaffirmé la détermination du peuple libyen à jeter les bases d’une société moderne démocratique et à exiger que les responsabilités soient établies pour tous les crimes commis, ce qui ne pourra se faire qu’au travers d’un processus complet de réconciliation nationale.  Celui-ci passe par la justice, la vérité, les réparations et les garanties de non-répétition, a déclaré le représentant, qui y a vu des étapes sur la voie qui permettra de tourner la page du passé douloureux dont le peuple libyen a souffert au cours de ces dernières années. 

Le représentant a rappelé la souveraineté et la compétence des institutions judiciaires nationales, tout à fait aptes selon lui à rendre justice en toute intégrité et à tenir des procès équitables et justes pour tous les suspects recherchés, conformément à la législation nationale.   Il a, en outre, confirmé « notre coopération » avec la CPI, selon le mandat émis et le mémorandum d’entente signé par le Bureau du Procureur général libyen et la CPI et ce, dans le cadre de l’assistance complémentaire fournie au système judiciaire libyen. 

À cet égard, il a insisté sur le fait que la CPI ne saurait se substituer au système judiciaire libyen, mais que son soutien était le bienvenu. 

Le délégué a, par ailleurs, salué la nouvelle stratégie annoncée par le Procureur, visant à accorder la priorité à la situation en Libye, en fournissant les ressources nécessaires en vue de renforcer les efforts pour la reddition des comptes.  Il a, en outre, mis en garde contre la politisation des affaires. 

Il importe de reconnaître les souffrances des victimes et de rétablir la confiance de l’État, a poursuivi le représentant, remerciant la CPI de partager le résultat de ses enquêtes après les trois visites faites en Libye.  À cet égard, il a mentionné les fosses communes de Tarhouna et d’autres villes, les qualifiant de crimes de guerre, perpétrés contre des civils innocents. 

Le représentant a, par ailleurs, assuré que les autorités libyennes veillent à la protection des migrants irréguliers contre toutes exactions ou violations des droits de l’homme auxquelles ils seraient exposés en raison de la crise actuelle, des crimes qu’il a qualifiés « d’actions personnelles », que son pays s’attèle à éradiquer.  Dans le même temps, le représentant s’est élevé contre toutes les tentatives de certains États de créer des conditions pour exporter « chez nous » leurs crises avec ce concept de « réinstallation », contraire au droit international. 

Enfin, le représentant s’est dit consterné par la position de la communauté internationale vis-à-vis de trafiquants d’êtres humains.  Rappelant que leurs réseaux sont transnationaux, il a estimé que, pour combatte ce phénomène, il fallait commencer par éliminer ces réseaux et leurs chefs, où qu’ils se trouvent.  Se tournant vers M. Khan, il lui a demandé d’inclure dans sa stratégie des enquêtes complètes pour identifier et poursuivre ces criminels internationaux. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Commission de la population et du développement examine sous l’angle des données le programme de travail du Secrétariat sur la démographie mondiale

Cinquante-cinquième session.
Reunion virtuelle, matin
POP/1103

La Commission de la population et du développement examine sous l’angle des données le programme de travail du Secrétariat sur la démographie mondiale

À la veille de la clôture de sa cinquante-cinquième session, la Commission de la population et du développement a tenu, ce matin, une quatrième et dernière table ronde centrée cette fois sur le programme de travail du Secrétariat de l’ONU dans le domaine de la population, l’occasion pour les intervenants de présenter leurs priorités nationales en termes de données et de capacités.

Modérateur de cette discussion, M. John Wilmoth, Directeur de la Division de la population au Département des affaires économiques et sociales (DESA), a souligné l’importance des propositions des experts nationaux convoqués par la Commission, lesquelles, a-t-il dit, se reflèteront dans le rapport 2022 de l’ONU sur les perspectives démographiques mondiales, qui sera publié en juin.  Il a indiqué que, dans cet esprit, la Division qu’il dirige a notamment intensifié ses travaux consacrés à l’impact de la pandémie de COVID-19 sur les niveaux et les tendances de la fécondité et de la mortalité humaines.

La Commission se réunira à nouveau vendredi 29 avril à partir de 10 heures pour se prononcer sur des projets de texte avant de conclure cette session, dont le thème principal est cette année « Population et développement durable, en particulier une croissance économique soutenue et inclusive ».  Elle tiendra ensuite la première réunion de sa cinquante-sixième session aux seules fins d’élire les membres du Bureau.

EXECUTION DU PROGRAMME ET FUTUR PROGRAMME DE TRAVAIL DU SECRETARIAT DANS LE DOMAINE DE LA POPULATION - E/CN.9/2022/5, E/CN.9/2022/6

Table ronde d’experts nationaux sur le programme de travail en matière de population

Lors de cette table ronde animée par M. JOHN WILMOTH, Directeur de la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (DESA), les experts ont, à partir des leurs expériences nationales, évoqué l’intérêt que représentent pour eux les rapports publiés par la Division, en particulier le rapport sur les perspectives de la population mondiale dont la version 2022 sort en juin, et leur collaboration avec DESA.  Cette réflexion va dans le sens de l’affermissement des examens nationaux et de l’identification d’autres besoins en matière de renforcement des capacités aux niveaux régional et national, mais aussi de la pertinence des données statistiques et des analyses faites par la Division, en lien avec le travail démographique mené dans les pays des intervenants.

Mme ELKE LOICHINGER, Cheffe du Groupe de recherche sur la Dynamique démographique mondiale et régionale auprès de l’Institut fédéral de recherche démographique (BiB) à Wiesbaden en Allemagne, a expliqué que cet institut a pour tâche d’enquêter sur les causes et conséquences de l’évolution démographique en Allemagne.  Il relève du Ministère fédéral de l’intérieur et doit fournir des conseils politiques sur la base des recherches qu’il effectue dans des domaines comme la famille, la fécondité, la migration, le travail à distance ou l’espérance de vie.  L’Institut communique ces informations au grand public, notamment à travers son portail en ligne, mais également aux décideurs politiques, y compris à travers un déjeuner annuel avec eux.

Avec les départs à la retraite des babyboomers nés dans les années 50 et 60, Mme Loichinger s’attend à des déficits dans certains domaines et certains secteurs professionnels, ce qui soulève des questions de politique familiale.  Elle a notamment mis l’accent sur le rôle des femmes qui travaillent encore souvent à temps partiel en Allemagne et le vieillissement de la population et ce que cela implique pour le marché du travail.  Quant à la collaboration avec la Division de la population du DESA, l’institut allemand attend régulièrement son rapport sur les perspectives de population mondiale.  Dans le cadre de ses recherches, il utilise régulièrement les données et analyses fournies par la Division ainsi que les outils de visualisation qu’elle met à disposition.  À titre d’exemple, Mme Loichinger a dit s’être appuyée sur les travaux du groupe d’experts du DESA sur la COVID-19 et la fécondité.  Elle a insisté sur l’importance de tenir compte de l’hétérogénéité de la population dans les études et la collecte de données.  S’adressant à ses pairs, la haute responsable a souligné l’importance des investissements dans le capital humain, que ce soit dans la santé ou l’éducation.

Lui emboitant le pas, la Directrice générale du Centre chinois de recherche sur la population et le développement, Mme HE DAN, a expliqué que le recensement de la population de 2020 a donné un aperçu de la population chinoise et ses caractéristiques et de son évolution.  « Le taux de fécondité chinois s’est effondré », a-t-elle dit.  Il se situe à 1,3 en 2021, ce qui a surpris les experts du monde entier.  La population chinoise entre dans une phase de croissance zéro, et le Gouvernement y répond par un assouplissement de sa politique familiale.  La Chine s’attend à une reprise de la croissance démographique, a précisé Mme He.  Sur les questions migratoires, l’experte a expliqué que la population migrante chinoise représente 373 millions de personnes, ce qui est en hausse, et que la taille moyenne de la famille est désormais de 2,6 personnes, soit en contraction, dans un environnement de vieillissement de la population et d’un taux de fécondité bas.  Avec 1,3 milliard de personnes, les défis en termes de ressources et de services restent cependant immenses et le Gouvernement chinois a révisé la loi de la famille pour opter pour une politique de trois enfants par famille.  Par ailleurs il a misé sur le renforcement des soins pour les enfants de 0 à 3 ans et des aides aux familles qui ont deux ou trois enfants.  La Chine s’est également dotée de politiques pour le développement humain des personnes âgées afin d’améliorer les soins dont elles bénéficient et, sur une note positive, elle a réussi à éliminer la pauvreté extrême, s’est enorgueillie l’experte.  Répondant à une question sur les conséquences de la trajectoire démographique négative de la Chine, elle a dit que la date importait peu au final puisque le taux de croissance démographique de 0,7% permet d’anticiper les grandes modifications à venir.

Le Centre chinois, qu’elle dirige, s’appuie lui aussi sur le travail de la Division de la population, et notamment son rapport World population prospects (WPP), mais aussi sur les approches de la Division pour analyser les tendances démographiques en Chine.  Pour cela, le Centre a fait fond sur la démarche et les données récoltées par le DESA.  Comme le Centre s’intéresse aussi aux autres pays de la région de l’Asie du Sud-Est, Mme He a estimé que les travaux du DESA font autorité et sont une source précieuse.  Elle a évoqué le cas concret d’un logiciel pour faciliter l’analyse des données démographiques qui a été mis en place en collaboration avec la Division.  Elle a redit l’importance du volet soutien aux pays et renforcement de leurs capacités de la Division de la population.  C’est absolument crucial selon elle, et elle se réjouit d’avoir la possibilité d’un échange de vues avec la Division sur les tendances démographiques.  Comme Mme Loichinger, elle a encouragé la Division à se pencher sur l’impact de la COVID-19 sur la démographie et en particulier sur le taux de fécondité, en notant la tendance à la baisse de ce taux.  Alors que la Chine cherche à relancer son taux de fécondité, elle a appelé la Division à lui apporter son soutien, notamment pour ce qui est de sa base de données.

Mme MARGARET EDISON, Directrice du Département de la gestion de la population et du développement, à la Commission nationale de la population du Nigéria, a expliqué que cette Commission est la plus grande structure de ce type en Afrique et qu’elle s’apprête à mener le prochain recensement de population en 2023.  Cette Commission joue un rôle de conseiller auprès du Gouvernement sur les questions démographiques.  Elle formule les politiques nationales dans ce domaine et collabore avec tous les secteurs de la société, y compris la société civile.  La Commission est aussi une plateforme régionale qui regroupe sept États Membres.

Mme Edison a, elle aussi, salué le travail et le soutien apporté par la Division de la population du DESA, notamment ses rapports, ses projections et les données utiles en mettant en avant l’accessibilité de ces données, ce qui est capital pour les pays en développement.  La Commission nigériane s’est d’ailleurs beaucoup appuyée sur les données du DESA pour étayer ses travaux, a concédé Mme Edison.  Alors que l’Afrique est sur une bonne voie pour utiliser au mieux le dividende démographique, Mme Edison a souligné que cela passe par une baisse du taux de fécondité, et les données de la Division de la population sont fort utiles à cet égard.  Elle a notamment évoqué les travaux de la Division sur les grossesses des adolescentes de 10 à 14 ans et de 15 à 19 ans, un sujet « épineux » qui sera abordé dans le prochain rapport sur les perspectives de la population mondiale à paraître en juin 2022.  Les données sur la fécondité dans ces différents groupes d’âge sont essentielles et reflètent l’efficacité du travail mené au niveau de chaque pays en termes de prévention et de contraception.  Mme Edison a encouragé la Division de la population à se pencher sur l’urbanisation atypique au Nigéria, en expliquant que dans le cas de son pays, les personnes migrent vers les villes pour des questions de sécurité.  Dès lors, il serait intéressant d’en tenir compte puisque l’on s’écarte des facteurs traditionnels sur les transhumances humaines.

M. Wilmoth, en sa qualité de Directeur de la Division, lui, a expliqué que c’est la Division de la statistique qui soutient les pays dans leur collecte de données ciblées, alors que sa division a la charge de l’analyse de ces données.  Il a toutefois retenu l’intérêt de la dimension géographique dans la ventilation des données, en reconnaissant entre autres que cela permet de documenter les inégalités au sein des sociétés.  Rebondissant sur ce sujet, Mme Edison a évoqué la discrimination dans la scolarisation des enfants en fonction de l’endroit où ils vivent.

Le représentant de la Zambie a expliqué que 45% de la population zambienne a moins de 15 ans.  Revenant sur la planification familiale, il a également salué les travaux de la Division de la population et son soutien, en particulier technique, en soulignant l’importance du renforcement des capacités de la Zambie pour pouvoir faire des projections démographiques pertinentes.

Sur ce volet du travail de la Division, M. Wilmoth a expliqué que cela dépend de la demande des pays et peut être révisé à la hausse.  Compte tenu des ressources limitées, la Division cherche à optimiser sa collaboration avec les pays, et M. Wilmoth les a donc encouragés à contacter la Division pour établir des partenariats sur mesure.

Intervenant également ce matin, la représentante du Japon est revenue sur l’impact de la pandémie de COVID-19 sur la fécondité et sur les travaux du groupe d’experts du DESA sur cette question.  Quant aux autres impacts de la pandémie, elle a souligné la baisse des morts liées à la grippe, aux pneumonies, aux accidents de la route et aux suicides en 2020, cette tendance ayant été observée quasiment dans tous les pays développés et probablement dans les pays en développement bien que les données ne soient pas disponibles.  Face à l’intérêt témoigné pour ce type d’études, M. Wilmoth a précisé qu’il existe cinq groupes de travail qui se consacrent aux répercussions de la COVID-19 sur la mortalité et la fécondité.

Malheureusement, des problèmes d’ordre technique n’ont pas permis l’interprétation de l’intervention du quatrième expert, M. EDUARDO RIOS-NETO, Président de l’Institut brésilien de statistique et de géographie, ni celle de l’Alliance Action by Churches.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Commission de la population et du développement termine son débat général en écoutant la voix de la société civile

Cinquante-cinquieme session,
Reunion virtuelle & 5e séance plénière, matin & après midi
POP/1102

La Commission de la population et du développement termine son débat général en écoutant la voix de la société civile

Cet après-midi, la Commission de la population et du développement a fini son débat général avec les interventions d’une vingtaine d’organisations de la société civile, après avoir également entendu les représentants de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et d’ONUSIDA.  Ces organisations, qui opèrent au plus près des populations, ont été nombreuses à souligner l’importance de l’accès à la santé sexuelle et reproductive en tant que facteur déterminant pour l’émancipation des femmes et leur place sur le marché du travail.

Alors que les jeunes représentent 42% de la population mondiale, Advocates for youth a fait un vibrant plaidoyer pour l’autonomisation et l’éducation des jeunes, en exigeant plus particulièrement une éducation sexuelle complète.  « Les jeunes ont droit à une éducation fondée sur des données probantes qui leur permette de devenir des acteurs économiques à part entière, ayant un pouvoir sur leur production économique, leur reproduction et leur participation à la société. »

Dans la même veine, International Sexual and Reproductive Rights Coalition (ISRRC) a rappelé que l’autonomisation des femmes et des filles, ainsi que la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation, recoupent les trois dimensions centrales du développement durable - économique, sociale et environnementale.  Dans ce contexte, la reconnaissance et la redistribution des travaux ménagers et des soins directs non rémunérés ont été jugées essentielles pour atteindre une croissance économique inclusive, propice au bien-être des femmes et de leurs familles.  Les gouvernements doivent donc favoriser l’accès des femmes à un travail décent, assurer une protection sociale universelle et collecter des données solides et ventilées sur l’activité économique nationale.

Pour sa part, C-Fam, Inc, une coalition internationale de plus de 200 organisations qui se consacrent à la protection de la famille, a constaté que le lien entre politiques démographiques et croissance économique soutenue et inclusive est largement « ignoré par l’establishment international de la population ».  La faible fécondité et le vieillissement posent des défis sans précédent, auxquels le monde n’est pas préparé, a fait remarquer son représentant, or « sans croissance démographique, il ne peut y avoir de croissance économique soutenue ».  Le thème choisi cette année permet enfin de dépasser les vieux débats controversés sur les mœurs sexuelles ou la santé sexuelle et reproductive, dans lesquels cette commission s’est, selon lui, trop souvent « enlisée » ces dernières années.

Le Comité international catholique des Infirmières et Assistantes Médico-Sociales (CICIAMS) a également évoqué la problématique du vieillissement de la population mondiale.  Les pays développés à revenu élevé affichent une croissance démographique faible à négative, alors que les populations des pays en développement à faible revenu sont en expansion.  En tant que porte-parole du secteur des soins formels, la représentante de CICIAMS a aussi mis l’accent sur la « pénurie mondiale de 5,9 millions d’infirmiers ».  Elle a recommandé des investissements dans la formation, les emplois et le leadership en soins infirmiers axés sur la promotion de la santé et la prévention des maladies, y voyant la clef de la sécurité sanitaire pour éviter les infirmités, les décès inutiles, le gaspillage de ressources vitales et l’augmentation des coûts de gestion des maladies.

En effet, comme l’a signalé l’International Federation of Medical Students Association (IFMSA), dans un monde de presque 8 milliards de personnes, il ne faut pas perdre de vue que le développement durable requiert des populations en bonne santé.  « La santé doit donc rester au cœur de toutes les politiques et de tous les agendas, en particulier démographiques. »

Abondant en ce sens, la fondation FEMM qui dédie son action à l’éducation sanitaire, à la recherche médicale et à l’amélioration des programmes de santé reproductive pour faire progresser la santé des femmes et des filles, a martelé que le développement durable passe par des soins qui s’adressent à leurs besoins spécifiques, surtout en milieu rural.  Les femmes se sont résignées au fait que les saignements irréguliers, les règles, les crampes, les migraines, la dépression, les sautes d’humeur, l’acné et la prise de poids sont les « luttes » normales d’une femme, a regretté leur représentante.  On ne leur dit pas assez souvent que cela peut être lié à des déséquilibres hormonaux qui peuvent affecter leur santé globale à long terme, parfois de manière irréversible.  « Cette réalité ne devrait pas être la norme », s’est-elle impatientée.

Lors de la troisième table ronde organisée ce matin sur la population et le développement durable, en particulier une croissance économique soutenue et inclusive, les panélistes ont discuté des liens entre dynamique démographique et croissance économique, en analysant les dernières tendances et ce qu’elles impliquent pour la planification du développement.

La Commission reprendra ses travaux jeudi 28 avril, à partir de 10 heures.

 

 

MESURES POUR LA POURSUITE DE LA MISE EN ŒUVRE DU PROGRAMME D’ACTION DE LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LA POPULATION ET LE DÉVELOPPEMENT AUX NIVEAUX MONDIAL, RÉGIONAL ET NATIONAL - POINT 3 A) - E/CN.9/2022/4

LA POPULATION ET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE, EN PARTICULIER LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE SOUTENUE ET INCLUSIVE - POINT 3 B) - E/CN.9/2022/2, E/CN.9/2022/3

Table ronde multipartite sur la population et le développement durable, en particulier une croissance économique soutenue et inclusive. 

S’il existe des signes de convergence de la fécondité et de la mortalité entre des groupes de pays à différents niveaux de développement, une grande hétérogénéité persiste entre les pays et en leur sein, ce qui entraîne une diversité dans les structures par âge des populations, a observé Mme SARA OFFERMANS(Pays-Bas), Vice-Présidente de la Commission, qui animait cet échange.  Cela étant posé, les panélistes ont discuté des liens entre dynamique démographique et croissance économique, en analysant les dernières tendances et ce qu’elles impliquent pour la planification du développement.

Se tournant tout d’abord vers M. MANSOUR NDIAYE, responsable mondial de la croissance inclusive au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Mme Offermans lui a demandé de définir les principaux défis pour parvenir à une croissance économique soutenue et inclusive.  Malgré d’immenses efforts mondiaux et nationaux, la protection sociale reste à la fois insuffisante et inadéquate, a répondu M. Ndiaye.  Insuffisante, car la moitié de la population mondiale est exclue des programmes.  Inadéquate parce que la plupart des politiques de protection sociale ont mis l’accent sur les transferts de liquidités temporaires à court terme plutôt que de garantir un accès durable aux services, aux actifs et aux capacités.  Outre la protection des personnes, « beaucoup reste à faire pour donner aux gens les moyens de passer de la pauvreté à la prospérité », a-t-il ajouté, jugeant à cet égard que l’augmentation du chômage représente un défi majeur.  Selon les estimations de l’Organisation mondiale du Travail (OIT) pour 2022, le chômage affecte 207 millions de personnes dans le monde, contre 186 millions en 2019, et il devrait rester au-dessus des niveaux pré-COVID-19 dans les années à venir.

Mettre fin à la pauvreté nécessite, selon lui, une transformation radicale de notre modèle de développement vers des économies plus vertes et des sociétés plus diversifiées et inclusives.  Le changement démographique est, bien sûr, un facteur clef pour les trajectoires de développement des pays, étant donné que la population mondiale devrait croître d’environ 2 milliards d’individus ces 30 prochaines années pour atteindre 9,7 milliards d’ici à 2050 et 11 milliards d’ici à la fin du siècle.  Pour l’expert, il est essentiel que les pays qui souhaitent exploiter leur dividende démographique utilisent les capacités de travail des femmes, en mettant en place des politiques de réduction des écarts entre les sexes sur le marché du travail, lesquels représentent plus de 90 milliards de dollars de pertes annuelles de PIB en Afrique.  D’autre part, de nombreux pays, en particulier les plus riches, ont des populations qui diminuent et vieillissent.  D’ici à 2050, toutes les régions du monde, à l’exception de l’Afrique, auront plus de 25% de leur population âgée de 60 ans ou plus.  De nombreux pays auront donc besoin de politiques innovantes pour renforcer leurs systèmes de protection sociale et de retraite tout en garantissant la viabilité budgétaire.  Ces politiques devraient être sensibles au genre, car les problèmes de vieillissement sont souvent liés au genre, a-t-il précisé.

Pour accélérer les progrès vers une croissance économique soutenue et inclusive dans l’ère post-COVID-19, M. Ndiaye a préconisé une combinaison de choix politiques et d’investissements dans quatre domaines : la protection sociale et l’aide aux travailleurs du secteur informel, l’économie verte via une transition juste et créatrice d’emplois bien rémunérés, la numérisation pour faciliter les transferts monétaires vitaux et la gouvernance, au travers d’un contrat social renouvelé.

La modératrice a ensuite demandé à Mme AGNIESZKA CHLON-DOMINCZAK, Directrice de l’Institut de statistique et de démographie à l’École d’économie de Varsovie, de préciser les problèmes politiques qui doivent être résolus pour recueillir les dividendes démographiques.  L’intervenante a indiqué que, dans la petite enfance, la protection sociale permet de combler les écarts d’inégalité grâce à l’accès à des programmes liés à la nutrition, à la santé, à l’éducation et aux soins.  Pendant l’enfance et l’adolescence, elle soutient le capital humain par l’accès à l’éducation et le développement des compétences.  Au cours de la phase active, l’un des principaux défis, en particulier dans les pays à faible revenu, est l’informalité persistante, conduisant de nombreux travailleurs à des emplois à faible productivité.  Il faut donc des programmes universels de protection sociale, a-t-elle affirmé, relevant cependant que les situations varient en fonction de l’évolution démographique, des régions comme l’Asie de l’Est étant confrontées au vieillissement de leur population, tandis que d’autres n’en sont qu’à la fin du premier dividende démographique.

Sur le plan des solutions, Mme Chlon-Dominczak a souligné l’importance des investissements destinés à renforcer la résilience à des stades ultérieurs, ce qui comprend le soutien aux familles et aux enfants, l’accès aux soins de santé et la bonne distribution des programmes.  Plus globalement, elle a plaidé pour une couverture sociale plus universelle qui soutienne les travailleurs quel que soit leur statut formel, une meilleure adaptation aux chocs, qu’il s’agisse du climat, de la pandémie ou des conséquences de la guerre en Ukraine, et des financements durables.

Interrogée sur le rôle des femmes dans la sphère économique et la reconnaissance de leur travail non rémunéré, Mme MERCEDES D’ALESSANDRO, Directrice en charge de l’économie, de l’équité et du genre au Ministère des finances de l’Argentine, a pour sa part constaté que le faible emploi des femmes et leur précarité sur le marché du travail génère une féminisation de la pauvreté et des obstacles à l’accès à la retraite à la fin de leur cycle productif.  Interrogée sur le rôle des femmes dans la sphère économique et la reconnaissance de leur travail non rémunéré, Mme MERCEDES D’ALESSANDRO, Directrice en charge de l’économie, de l’équité et du genre au Ministère des finances de l’Argentine, a pour sa part constaté que le faible emploi des femmes et leur précarité sur le marché du travail génèrent une féminisation de la pauvreté et des obstacles à l’accès à la retraite à la fin de leur cycle productif.  Pour répondre à ces défis, elle a prôné des politiques sexospécifiques pour renforcer le tissu social, améliorer les opportunités d’emploi, augmenter les revenus et réduire les inégalités.  Pour ce qui est de reconnaître les contributions marchandes et non marchandes des femmes, y compris les soins non rémunérés et le travail domestique, la responsable a jugé que l’amélioration de l’emploi des femmes est une nécessité, ce qui implique de renforcer les systèmes de soins, d’améliorer les infrastructures comme les jardins d’enfants et les écoles, de mieux protéger socialement la petite enfance et de garantir la sécurité alimentaire des femmes en charge d’enfants et d’adolescents.  Parallèlement, il est impératif de revaloriser le travail de soins pour les travailleurs domestiques et de promouvoir l’emploi des femmes dans les secteurs productifs tels que l’industrie, la technologie ou l’énergie.

À la question de savoir comment protéger les enfants et les adolescents dans les pays ayant une population jeune, notamment en Afrique subsaharienne, Mme LUCIE CLUVER, professeure en science de la famille et de l’enfance à l’Université d’Oxford, a fait valoir que la protection sociale est un accélérateur clef de la croissance inclusive.  Elle a relevé, à ce sujet, que les transferts monétaires peuvent apporter de multiples avantages aux adolescents, notamment en termes de santé, d’éducation et de réduction de la violence.  Citant des exemples de tels transferts au Pakistan et en Afrique du Sud, elle a assuré que ces politiques en direction des jeunes ont des retours sur l’investissement.  Une étude de la Banque mondiale a ainsi démontré qu’aider les filles à terminer 12 années d’études pourrait générer plus de 15 000 milliards de dollars grâce à une productivité et des revenus accrus.  Mettre fin à la violence contre les enfants pourrait également augmenter le PIB de 8% dans les pays à revenu faible et intermédiaire.  Comment, dans ces conditions, assurer une protection sociale inclusive à tous les groupes générationnels, à mesure que les populations vieillissent ?  Pour Mme Cluver, de simples combinaisons d’argent et de soins peuvent donner d’excellents résultats.  Les gouvernements, même ceux de pays à faible revenu, peuvent y recourir à grande échelle, a-t-elle soutenu, estimant que les nouvelles technologies, notamment l’argent mobile, sont essentielles pour y parvenir.

S’agissant des interactions entre les dynamiques démographiques et les changements climatiques, M. ROMAN HOFFMANS, chercheur à l’Institut international d’analyse appliquée des systèmes à Vienne, a expliqué, sur la base de ses propres recherches, qu’un stress thermique accru affecte la morbidité et la mortalité, frappant particulièrement les groupes de population vulnérables, notamment les pauvres, les personnes âgées et celles qui ont des problèmes de santé préexistants.  Dans de nombreuses régions du monde, a-t-il ajouté, les changements climatiques sont aussi liés aux dynamiques migratoires, de nombreuses personnes se déplaçant vers les zones urbaines voire vers l’étranger.  De plus, ces changements peuvent conduire à des conflits, ce qui exacerbe encore les pressions migratoires.  Interrogé sur les moyens d’exploiter les tendances démographiques pour évoluer vers des modes de consommation et de production durables, le chercheur a estimé qu’à leur niveau, les individus peuvent changer leurs habitudes alimentaires et adopter des modes de vie moins énergivores.  Les responsables politiques doivent, eux, montrer la voie sur le plan législatif et réglementaire, tandis que les entreprises peuvent apporter des solutions innovantes.  « Ensemble, nous devons avancer vers une transition climatique durable et juste, ce qui suppose de réduire les inégalités pour mieux accompagner les groupes vulnérables, singulièrement dans les pays du Sud qui sont les plus durement touchés. » 

Lors du débat interactif qui a suivi, la Fédération de Russie a souhaité en savoir plus sur les ajustements diététiques prônés par M. Hoffmans pour lutter contre les effets des changements climatiques en tenant compte des tendances démographiques.  Le Paraguay s’est interrogé sur les moyens d’assurer l’intégration effective des femmes dans le marché du travail et de les faire sortir du secteur informel.  La Suède a, quant à elle, demandé des précisions sur les combinaisons « argent plus » préconisées par Mme Cluver pour les adolescents.  Comment lutter contre le chômage tout en exploitant au mieux le dividende démographique, s’est enquis le Japon.  La voix des populations marginalisées est-elle prise en compte dans la planification, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des décisions politiques, a demandé la représentante d’Action by Churches Together-ACT Alliance.

En réponse à ces questions, M. Hoffmans a dit avoir évoqué les besoins diététiques dans une optique de consommation durable.  Dans certains pays occidentaux, la consommation représente 25% des émissions carbonées, il y a donc des possibilités de réduction, a-t-il dit, avant de plaider pour une modification des modes de consommation alimentaire, viande en tête.  Pour ce qui est de l’intégration économique des femmes, Mme Chlon-Dominczak en a appelé à une répartition équitable des tâches au sein des foyers, faute de quoi il ne sera pas possible d’assurer la participation des femmes au marché du travail.  Pour les adolescents, Mme Cluver a souligné que les aide couplées « argent plus » permettent dans de nombreux pays de faire reculer les grossesses non désirées et la contamination au VIH/sida en favorisant l’accès à l’éducation et à l’emploi des femmes.  Quant aux populations les plus vulnérables, M. Ndiaye a jugé essentiel de ne pas les considérer seulement comme des bénéficiaires mais comme des acteurs du changement.  C’est ce que s’efforce de faire le PNUD au travers de son laboratoire d’accélération. 

Débat général (suite)

Mme LETICIA ADELAIDE APPIAH, Directrice exécutive du Conseil national de la population du Ghana, a expliqué que le recensement sur la population et l’habitat de 2021 au Ghana a révélé une nouvelle baisse de la fécondité et de la mortalité, une dépendance à l’âge et une population vieillissante.  Le taux de grossesse chez les adolescentes est resté inchangé.  Selon la déléguée, il faut continuer à donner la priorité à l’exploitation du dividende démographique en investissant dans la jeunesse ghanéenne.  L’accent est mis sur quatre secteurs clefs, à savoir l’économie, la santé, l’éducation et la gouvernance.  L’objectif du Gouvernement, a-t-elle expliqué, est de veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte dans ces secteurs.  Elle a mentionné le programme de soutien aux entreprises déployé dans le cadre de la lutte contre la COVID-19 à hauteur de 600 millions de GHS: il fournit des fonds de secours d’urgence et une assistance technique aux moyennes, petites et micro-entreprises afin d’atténuer l’impact de la pandémie.  Le Ghana a aussi finalisé le registre national des ménages pour renforcer la protection des personnes vulnérables en cas d’urgence.  Il a mis en place un programme de mentorat pour l’autonomisation des filles, et élaboré des « boîtes à outils » sur l’intégration de la dimension de genre et le travail de soins non rémunérés.  En outre, un projet de loi sur l’action positive –pour l’égalité des sexes- a été approuvé par le Cabinet, en attendant l’approbation du Parlement.

M. JAIME HERMIDA CASTILLO (Nicaragua) a estimé que la croissance soutenue et durable est indispensable pour la réalisation du Programme 2030.  Il s’agit toutefois d’un grand défi pour le Nicaragua, qui se remet de la pandémie et fait face aux effets de la crise climatique, a-t-il souligné, avant de dénoncer les mesures unilatérales qui attentent à la souveraineté de son pays.  Il faut qu’elles cessent pour que nous puissions assurer la croissance de notre économie et le bien-être de notre peuple, a plaidé le représentant.  Dans ce contexte, le Gouvernement nicaraguayen mène une politique sociale en direction des femmes, des jeunes et des travailleurs, notamment en milieu rural.  Il met aussi l’accent sur l’élimination de la pauvreté sur la base de l’égalité entre les sexes.  Pour le représentant, la pauvreté et la marginalisation ne pourront être éliminées que dans le cadre du principe de dignité de l’être humain et « lorsque les pays développés honoreront leurs engagements vis-à-vis pour les pays en développement ».  Le Nicaragua, a-t-il dit, continuera à mettre en œuvre le Programme 2030 en s’appuyant sur son modèle chrétien solidaire et son plan national de lutte contre la pauvreté et pour le développement humain 2020-2026, lequel prévoit des services de santé et d’éducation gratuites, ainsi que des vaccins pour tous contre la COVID-19.  En conclusion, il a invité la Commission à travailler sur « un nouveau contrat social postpandémie basé sur l’égalité respectueuse entre les États ».  

M. DIEGO PARY RODRÍGUEZ (Bolivie) a estimé que l’élimination de la pauvreté reste le principal défi aux efforts de développement, car la pauvreté s’accompagne souvent du chômage, de la malnutrition, des inégalités, de risques environnementaux et d’un manque d’accès aux services sociaux et de santé, y compris les services de santé sexuelle et productive.  Il est évident que la pandémie de COVID-19 a creusé les écarts existants entre nos pays, mais qu’elle a également eu un fort impact sur la récession de nos économies, a dit le délégué.  À l’avenir, il a proposé de penser en termes d’approches multiples, en favorisant le renforcement des capacités productives, la dynamique du commerce intérieur et les exportations.  « De nombreux pays en développement sont confrontés à un dilemme : donner la priorité à la mise en œuvre du Programme 2030 ou assurer le service de la dette », a poursuivi le délégué.  Il est pour lui essentiel de convenir d’un mécanisme de renégociation et de restructuration de la dette qui favorisera un développement durable, inclusif et équitable.  Il faut également mettre en œuvre des mesures urgentes pour atténuer les changements climatiques et apprendre à s’y adapter, dans le cadre du principe des responsabilités communes mais différenciées.  Sachant que le développement durable repose sur la collecte de données précises, la Bolivie a décidé de réaliser un recensement de la population et de l’habitat en novembre prochain qui permettra de concevoir des politiques économiques et sociales pour la prochaine décennie.

Mme SARAG CRAGGS, représentante de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a souligné que les migrants internationaux ne représentent qu’un peu plus de 3,6% de la population mondiale, mais qu’ils génèrent environ 9% du produit intérieur brut (PIB) mondial.  « C’est dire l’impact économique global de la migration et la contribution des migrants à la croissance économique. »

Or, a-t-elle déploré, les migrants sont plus susceptibles de souffrir de diverses formes d’inégalités, en termes de revenu, de genre, de race, des dimensions rurales et urbaines, de l’accès au numérique ou de la capacité à mener une vie décente dans un environnement sain.  Pourtant, a fait valoir la représentante, « la mobilité humaine unit les sociétés, les économies et les marchés d’une manière qui s’est avérée résiliente malgré les perturbations de la COVID-19 ».  Selon l’OIM, il faut exploiter le potentiel de travail et le capital humain des migrants par le biais du développement des compétences, des partenariats de mobilité et des voies de migration légale pour répondre aux pénuries de main-d’œuvre.  La représentante a cité à titre d’exemple un projet mis en œuvre avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qui soutient les efforts des gouvernements tunisien et suisse pour tirer parti des partenariats de mobilité des compétences.  De même, a-t-elle témoigné, le Canada et l’Allemagne excellent dans le recrutement de ressortissants de pays tiers pour combler les pénuries de main-d’œuvre.

Elle a aussi évoqué le cas des migrants sans papiers travaillant dans les secteurs informels qui ont été les plus touchés pendant la pandémie.  Pour y remédier, au Brésil, l’OIM, l’UNICEF et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) se sont associés pour faciliter l’accès en ligne aux informations sur les services de base et les possibilités d’apprentissage pour les migrants.  En Asie centrale, l’OIM a travaillé avec les institutions financières et les femmes bénéficiaires de transferts de fonds afin de promouvoir l’utilisation d’outils numériques.

M. CESAR NUNEZ, représentant du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), a appelé à créer des emplois pour tous, y compris les personnes ayant contracté le VIH, pour que la croissance soit véritablement inclusive.  Il a souligné qu’avec un traitement, ces personnes peuvent travailler, mais qu’elles restent trop souvent encore stigmatisées.  Il faut impérativement propager le traitement antirétroviral le plus largement possible pour lutter contre la discrimination sur le lieu de travail notamment, a argué le représentant pour lequel « discrimination et stigmatisation sont toujours des obstacles majeurs au développement durable ».  Malheureusement, les femmes et les filles sont touchées par le VIH/sida en grande partie parce qu’elles sont victimes de la violence et mal informées pour se protéger, a-t-il regretté.  Tant qu’il y aura de telles inégalités, l’on ne pourra pas mettre fin au VIH/sida.

M. JOSE A. VASQUEZ, représentant de l’International Federation for Family Development (IFFD), a expliqué qu’il s’agit d’une organisation présente dans 70 pays sur tous les continents dont l’activité principale au niveau local est centrée sur l’éducation parentale avec le renforcement des compétences par des programmes pour aider les sociétés à faire face aux changements qui ont affecté les familles à bien des égards.  Une alliance d’organisations non gouvernementales travaille sur une déclaration de la société civile, a-t-il fait savoir, pour intégrer les besoins familiaux dans les différentes mégatendances proposées par les Nations Unies, dont l’urbanisation.  La Fédération recommande notamment de placer les familles urbaines au centre des politiques publiques pour une croissance économique inclusive.  Pour cela, il faut mettre en œuvre des politiques actives de l’emploi, y compris un salaire minimum adéquat; concevoir des politiques familiales au niveau national, mais mises en œuvre au niveau régional; définir un ensemble de mesures visant à modifier la façon dont la population change; former les familles à être de bons éducateurs et offrir des possibilités d’éducation pour les chômeurs, notamment les femmes.

Mme EVI VAN DEN DUNGEN VAN DEN DUNGEN, représentante du centre international d’expertise Rutgers sur les droits en matière de santé sexuelle et reproductive, basé aux Pays-Bas, « où les taux de grossesse chez les adolescentes sont les plus bas du monde », a vanté l’impact de l’éducation sexuelle sur le bien-être et la santé des jeunes.  Une éducation complète est dispensée dans la plupart des écoles, avec l’implication des parents et du planning familial.  En investissant dans ce domaine, les pays peuvent contribuer à leur capital humain, a-t-il affirmé.  De plus, les femmes qui ont été scolarisées sont plus susceptibles de se marier plus tard, d’utiliser le planning familial et de pouvoir accéder aux soins de santé.  Chaque année supplémentaire de scolarité des filles améliore leur employabilité.  En revanche, le mariage d’enfants et les grossesses d’adolescentes interrompent la fréquentation scolaire et nuisent à la mobilité sociale et économique à long terme des jeunes femmes.  L’éducation complète à la sexualité permet également de prévenir la violence sexiste, le mariage des enfants et les grossesses chez les adolescentes, a poursuivi le représentant.  Elle promeut les droits humains et l’égalité des sexes, et combat les stéréotypes sexistes nuisibles.  En donnant aux jeunes les moyens d’agir, une telle éducation devrait faire partie des politiques lorsque l’objectif est une croissance économique soutenue et inclusive.

M. STEFANO GENNARINI, représentant de C-Fam, Inc, une coalition internationale de plus de 200 organisations qui se consacrent à la protection de la famille, s’est félicité du thème choisi cette année qui permet de dépasser les vieux débats controversés sur les mœurs sexuelles ou la santé sexuelle et reproductive, dans lesquels cette commission s’est, selon lui, trop souvent « enlisée » ces dernières années.  Le lien entre les politiques démographiques et une croissance économique soutenue et inclusive est largement « ignoré par l’establishment international de la population », a regretté l’intervenant.  La faible fécondité et le vieillissement posent des défis sans précédent, auxquels le monde n’est pas préparé, or « sans croissance démographique, il ne peut y avoir de croissance économique soutenue ».  Pendant des décennies, a dit le représentant, les experts mondiaux en matière de population se sont concentrés sur la réduction de la fécondité dans les pays en développement en encourageant la contraception, l’avortement et la norme de la famille restreinte.  De nombreux pays en développement ont salué ces efforts et investi leurs propres ressources limitées pour ralentir la croissance de la population dans l’espoir de récolter un « dividende démographique ».  Malheureusement, ces pays, dont certains ont parmi les taux de fécondité les plus faibles au monde, n’ont pas encore vu ce dividende se matérialiser, ou n’ont vu qu’une réalisation partielle de cette théorie.  « De nombreux pays vont vieillir avant d’avoir une réelle chance de se développer », a averti C-Fam.  Les systèmes fiscaux et de protection sociale, qui vacillent déjà, seront au bord du gouffre.  La protection de la famille, conformément aux obligations des États Membres en vertu du droit international des droits de l’homme, est une composante nécessaire des politiques démographiques requises pour parvenir à une croissance économique soutenue et inclusive, a insisté le représentant.  Convaincu que « la plus grande menace démographique qui pèse sur l’humanité ne vient pas de la surpopulation », il a appelé le système des Nations Unies à sensibiliser sur ces politiques démographiques négligées.  « Le temps est venu de changer de cap et de construire un monde où toute vie est célébrée et protégée, de la conception à la mort naturelle. »

La représentante d’International Sexual and Reproductive Rights Coalition (ISRRC) a mis en exergue les liens étroits qui existent entre les paradigmes des « droits » et du « développement », notamment en ce qui concerne la santé, l’éducation, l’égalité des sexes, la dynamique démographique, l’urbanisation, la migration et les programmes de recherche et de développement technologiques.  Ces liens essentiels contribuent, selon l’intervenante, à faire en sorte que nous puissions atteindre les objectifs de développement durable de manière inclusive.  L’autonomisation des femmes et des filles, ainsi que la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation recoupent les trois dimensions centrales du développement durable - économique, sociale et environnementale.  Dans ce contexte, elle a jugé essentielles la reconnaissance et la redistribution des travaux ménagers et des soins directs non rémunérés pour les ambitions de croissance économique inclusive, y compris le bien-être des femmes et de leurs familles. 

C’est pourquoi l’ISRRC appelle les gouvernements à favoriser l’accès des femmes à un travail décent, à assurer une protection sociale universelle, à collecter des données solides et ventilées sur l’activité économique nationale, et à adopter des lois et des politiques qui garantissent la participation des femmes et des filles à l’économie formelle.  En outre, la pandémie de COVID-19 continue d’avoir un impact dévastateur sur les groupes les plus vulnérables et marginalisés, notamment les femmes, les filles, les travailleurs informels et non qualifiés, tout en exacerbant les inégalités au sein des pays et entre eux.  Il faut donc allouer les fonds nécessaires à « la mise en œuvre d’efforts de résilience holistiques et intégrés » qui couvrent les secteurs du climat, de la santé et de l’égalité des sexes.

Mme PATRICIA SAYERS, représentante du Comité international catholique des Infirmières et Assistantes Médico-Sociales (CICIAMS), a dressé un bilan de la situation de la population mondiale consécutive à la pandémie de COVID-19, qui a causé la mort de près de trois millions de personnes en 2020.  D’après la Banque mondiale, la pandémie a plongé 97 millions de personnes dans l’extrême pauvreté, et selon les prévisions du Fonds monétaire international (FMI), les coûts de la COVID-19 atteindront 12 500 billions de dollars d’ici à 2024.  Face à une « pénurie mondiale d’infirmiers », estimée à 5,9 millions, la représentante a recommandé des investissements dans la formation, les emplois et le leadership en soins infirmiers axés sur la promotion de la santé et la prévention des maladies.  Les sciences en la matière et la prestation de soins infirmiers sont, à ses yeux, les clefs de la sécurité sanitaire pour éviter les infirmités, les décès inutiles, le gaspillage de ressources vitales et l’augmentation des coûts de gestion des maladies.  Un autre constat d’importance pour le CICIAMS est le vieillissement de la population mondiale.  Les pays développés à revenu élevé affichent une croissance démographique faible à négative, alors que les populations des pays en développement à faible revenu sont en expansion.  Les deux modèles de population entraînent des déséquilibres de production/consommation, a fait observer la représentante.  Enfin, elle a mis en garde contre la tendance des centres urbains à devenir des poches d’emplois et de services peu rémunérés et de pauvreté concentrée qui augmentent les risques de maladie et les dommages environnementaux.  En conclusion, elle a proposé une décentralisation de l’emploi pour éviter l’appauvrissement des communautés qui n’ont que peu de possibilités d’éducation de qualité et de mobilité ascendante.

Mme ANYA MANSUR, représentante de Advocates for Youth, a rappelé la jeunesse de la population mondiale qui compte 42% de personnes ayant moins de 25 ans.  Le Programme d’action de la CIPD a reconnu le droit des individus de décider du nombre, de l’espacement et du moment de la naissance de leurs enfants et leur droit d’avoir les informations et les moyens de le faire, sans discrimination, coercition ou violence.  Tout en reconnaissant les progrès réalisés, Advocates for Youth reste d’avis que beaucoup reste à faire pour les jeunes, les femmes et les filles, et d’autres groupes marginalisés.  L’organisation appelle à l’action pour l’autonomisation et l’éducation des jeunes, en particulier une éducation sexuelle complète.  « Les jeunes ont droit à une éducation fondée sur des données probantes qui leur permette de devenir des acteurs économiques à part entière ayant un pouvoir sur leur production économique, leur reproduction et leur participation à la société. »  Ces services, a argué le représentant, devraient respecter la diversité des jeunes, y compris l’orientation sexuelle, l’identité de genre, les capacités, le niveau d’éducation et l’expérience.  Advocates for Youth a appelé à travailler pour éliminer les politiques discriminatoires et les pratiques traditionnelles néfastes contre les jeunes, dont les personnes LGBTQIA.

Mme KLAUDIA SZYMUŚ, représentante de l’International Federation of Medical Students Association (IFMSA), a dit que dans un monde de presque 8 milliards de personnes, il ne faut pas oublier que le développement durable requiert des populations en bonne santé.  La santé doit donc rester au centre de toutes les politiques et de tous les agendas.  Cependant, force est de constater que sur la voie de l’autonomisation de tous les groupes de population, il manque une approche multisectorielle qui refléterait le rôle de l’ensemble des parties prenantes - gouvernements, ONG, secteur public, secteur privé, réseaux familiaux - pour garantir un monde meilleur et plus sain pour tous.  La pandémie de COVID-19 a exacerbé des inégalités existantes, a poursuivi la représentante, en plus de créer de nouvelles inégalités qui entravent la progression vers le Programme de développement durable à l’horizon 2030, y compris une croissance économique durable et inclusive.  L’IFMSA souligne le besoin urgent de dialogues inclusifs avec tous ces partenaires clefs, dont les jeunes.  Il faut réfléchir à la pandémie, aux leçons apprises et aux plans d’action potentiels pour la prévention, la préparation et la réponse, non seulement pour faire face aux futures pandémies, mais aussi pour les déterminants sociaux, économiques, environnementaux et commerciaux de la santé.  La Fédération appelle les États Membres et les acteurs non étatiques à travailler à la création de plans régionaux et nationaux de suivi des travaux de l’actuelle session. 

Mme SOFIA PIECUCH, représentante de la World Youth Alliance, une coalition de jeunes âgés de 10 à 30 ans, a dit aborder la croissance soutenue et inclusive en partant du postulat que les êtres humains constituent la plus grande ressource du monde et que la créativité humaine est un « catalyseur de développement ».  À cette aune, elle a appelé les États Membres à accorder la priorité à plusieurs principes, à commencer par la dignité humaine, qui va de pair avec un avenir durable.  La deuxième priorité doit, selon elle, concerner la promotion de familles prospères.  La famille est en effet la cellule centrale de la société, a fait valoir la représentante, en se disant inquiète du recul du taux de fécondité de plus de la moitié des pays du monde en dessous des niveaux de remplacement au cours des dernières années.  « Il faut encourager les sociétés favorables à la famille », car celles-ci forment les individus qui assureront un développement durable et une croissance économique inclusive, a-t-elle souligné, avant de préconiser des politiques prévoyant un soutien ciblé aux parents qui travaillent et aux femmes enceintes, ainsi que des systèmes de garde d’enfants et des congés maternité et paternité.  La troisième priorité est une économie au service des personnes, les décideurs politiques devant reconnaître que la personne humaine est bien plus qu’un simple consommateur.  Les gouvernements qui se concentrent uniquement sur l’économie en matière de planification sociale ignorent la liberté et évaluent les décisions individuelles en fonction de résultats financiers.  Or, selon l’Alliance, l’économie a pour vocation de servir l’épanouissement humain et non l’inverse.

Mme ANNIE FRANKLIN, représentante de Global Helping to Advance Women and Children, une organisation qui préside le Caucus des droits de la famille des Nations Unies, avec des membres dans 170 pays, a mis l’accent sur la centralité de la famille en tant que véritable point de départ de la politique de population et de développement.  En tant qu’unité de base de la société, la famille contribue énormément au développement national et à la réalisation des principaux objectifs de toute société, notamment l’élimination de la pauvreté, la protection des enfants, le droit à l’éducation et à la santé, l’autonomisation des femmes et des filles et la création de sociétés stables, pacifiques et sûres.  Les nations ont le droit fondé, voire l’obligation de placer la protection et le soutien de la famille au cœur de leurs politiques de développement, a argué la représentante.  Elle a donc encouragé les gouvernements à formuler des politiques sensibles à la famille dans les domaines du logement, du travail, de la santé, de la sécurité sociale et de l’éducation, en reconnaissant le rôle primordial des parents dans l’éducation de leurs enfants.

Mme MAUREEN MAGUIRE, Présidente de Soroptimist International, une ONG qui œuvre dans 121 pays avec les communautés pour améliorer la vie des femmes et des filles, a pointé du doigt les inégalités croissantes qui ont frappé les femmes et les filles pendant la pandémie de COVID-19.  Elle a concentré son propos sur le rôle de l’éducation et de la formation dans la construction du capital humain.  Au cours de la pandémie, les femmes ont quitté le système éducatif et le marché du travail en grand nombre, en raison de responsabilités plus lourdes ou parce qu’elles travaillaient dans des secteurs informels.

Dans les pays à faible revenu, 92% des femmes travaillent dans le secteur informel.  Dans certaines sociétés, a constaté l’intervenante, cela a entraîné une augmentation des grossesses non désirées et des mariages précoces ou forcés.  Offrir des possibilités d’éducation et de formation aux femmes et aux filles est donc l’une des actions les plus puissantes pour promouvoir des économies durables, a-t-elle insisté.  Le monde du travail évolue à un rythme tel qu’il faut qu’elles aient accès à la technologie et à des possibilités de formation tout au long de leur vie pour rester compétitives.

Mme PING HONG, de China Family Planning Association, a expliqué que l’initiative « Chine en bonne santé » du Gouvernement chinois a donné des résultats efficaces pour promouvoir un développement équilibré à long terme de la population.  Après des années d’efforts, le taux national de mortalité maternelle est passé de 30 pour 100 000 en 2010 à 16,9 pour 100 000 en 2020.  Les ONG en Chine ont joué un rôle efficace dans la promotion des droits des femmes et des enfants à la santé, a-t-elle assuré, en citant l’exemple de son association qui a mis en place divers programmes dont un projet sur trois ans consacré à la promotion de la santé sexuelle et reproductive des femmes et des adolescentes en zones montagneuse.  Elle a mentionné le mécanisme de coopération multisectorielle entre la santé, l’éducation et les départements concernés et la formation de sages-femmes et de prestataires de services de santé au niveau local.  Par ailleurs, les médias numériques et Internet sont utilisés pour accroître l’accès aux informations et aux services de santé, a-t-elle précisé.  L’Association a donc recommandé que les femmes, les enfants et les adolescents soient pris en compte dans l’élaboration du bilan social, économique et démographique national et dans les plans de développement.

Mme  ROMERO VILLALBA, représentante de l’Asociación Colectivo Mujeres al Derecho, avec ses réseaux alliés en Amérique latine et dans les Caraïbes, a affirmé que pour réaliser des progrès en matière de population et de développement durable, en particulier une croissance économique soutenue et inclusive, il faut impliquer les femmes, les filles et les communautés marginalisées et isolées du pouvoir.  La représentante a exhorté les gouvernements à aller vers les territoires les plus éloignés des centres de pouvoir, à engager un véritable dialogue, et à réfléchir à la diversité des modèles de développement existants, « ancestraux et empiriques ».  Une économie féministe et communautaire peut se développer à condition d’investir des ressources suffisantes, a-t-elle témoigné.  Elle a également souligné la nécessité de disposer de données et d’indicateurs rendant compte des réalités du monde rural, des femmes et des écosystèmes qui le composent.  D’après elle, les données doivent être produites et collectées de manière participative auprès de ces communautés et non à partir de projections d’autres données comme le font actuellement les unités statistiques du pays d’Amérique latine. Les recensements doivent également être conçus de façon à « donner un visage à ce qui n’est pas vu mais ressenti », a dit la représentante, en évoquant « le corps des femmes comme butin de guerre et de dépossession », « les mains des femmes qui travaillent », et celles qui n’ont pas été rémunérées pour leur contribution au développement durable.

Mme ANN BRASSIL, représentante de Family Planning NSW, qui s’exprimait au nom de la Fédération internationale pour la planification familiale, région Asie de l’Est et du Sud-Est et Océanie, MSI Reproductive Choices et SERAC -Bangladesh, a soutenu qu’un développement juste et durable, qui donne la priorité à une croissance économique durable et inclusive pour tous et au développement environnemental et social, ne peut être réalisé sans le respect des engagements nationaux, régionaux et mondiaux en faveur des droits liés à la santé sexuelle et reproductive contenus dans le Programme d’action de la CIPD, le Programme 2030 et celui de Nairobi.  La croissance économique durable, l’autonomisation économique des femmes ainsi que la santé et le bien-être des femmes et des filles et des groupes les plus vulnérables ne peuvent se réaliser sans l’égalité des sexes, les droits humains et un accès universel à une éducation sexuelle complète.  Les besoins non satisfaits en matière de planification familiale et une discrimination fondée sur le sexe « profondément enracinée » font que les femmes et les filles ont à assumer une grande partie de la responsabilité des soins non rémunérés, comme élever les enfants et s’occuper de la famille, ce qui limite souvent leur accès à un travail rémunéré et aux opportunités économiques.  Alors que l’utilisation de la contraception réversible à longue durée d’action augmente lentement dans la région Asie-Pacifique, de nombreuses femmes sont toujours confrontées à des difficultés d’accès en raison d’obstacles économiques, structurels, culturels et géographiques, a regretté la représentante, en appelant les États Membres à remédier à cette situation. 

Mme PIERRETTE J CAZEAU, Présidente de la Haiti Cholera Research Funding Foundation Inc, USA » (HCRFF), a préconisé une approche qui examine les différents concepts sociaux liés à l’environnement et à la durabilité dans le contexte de la mondialisation actuelle.  Des points tels que la sensibilisation du public, la cohésion sociale, l’équité et la participation sont nécessaires pour établir des liens avec la croissance économique et le développement durable, a estimé la représentante pour qui les directives PRISMA pour les revues systématiques et les méta-analyses et l’’approche analytique RCA peuvent être utilisées pour étudier la croissance de la population mondiale et le développement durable.

« Plus la population est importante, plus nous avons besoin de croissance économique et plus les dommages collatéraux à l’environnement sont importants, car la population utilise davantage de ressources environnementales », a-t-elle constaté.  HCRFF juge urgent d’introduire des politiques environnementales durables et des concepts renouvelables dans l’industrie par le biais de modèles d’économie circulaire.  La pauvreté et la faim sont toujours plus importantes dans les pays où la croissance démographique est élevée, et pour y mettre fin, HCRFF propose la mise en œuvre de plans de croissance de développement durable liés à la santé, à l’éducation, à l’alimentation, à l’emploi et aux défis environnementaux avec un développement rapide des infrastructures et une utilisation durable de l’énergie dans tous les secteurs de l’industrie.  Quant aux pays riches, ils doivent, selon la représentante, apporter l’aide financière et technique nécessaire aux pays pauvres très peuplés et les former à l’utilisation de ressources renouvelables durables qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre.

Mme ALEXANDRA JOHNS, représentante de Swasti Health Catalyst, organisation membre de l’Alliance Asie-Pacifique pour la santé et les droits sexuels et reproductifs, a félicité les États Membres pour leur engagement à atteindre le développement durable dans ses trois dimensions; économique, sociale et environnementale, et à s’attaquer aux causes structurelles et profondes de l’inégalité.  Une croissance économique juste et inclusive ne peut être atteinte qu’en s’attaquant aux formes multiples et croisées de discrimination qui ont un impact injuste sur les femmes, les filles et les autres groupes marginalisés, a-t-elle estimé.  Il faut ainsi inclure les adolescents et les jeunes, les personnes trans et de genre différent, les migrants et les réfugiés, les personnes vivant avec le VIH et les travailleurs du sexe, a précisé la représentante, en rappelant que son organisation catalyse le plaidoyer de la société civile au niveau régional.

Mme SAI JYOTHIRMAI RACHERLA, représentante de l’Asian Pacific Resource and Research Centre for Women (ARROW) et ses 28 partenaires, a souligné que les pays de la région Asie Pacifique continuent de faire face à l’impact de la pandémie de COVID-19 et se trouvent dans des situations épidémiologiques différentes.  L’augmentation des besoins en matière de soins non rémunérés a creusé les écarts entre les sexes et pour les groupes marginalisés dans la participation au marché du travail, écarts aggravés par la transition soudaine vers les technologies de la quatrième révolution industrielle.  Sur la base des données disponibles dans la région, le pourcentage de femmes qui ont été victimes de violences commises par leurs partenaires intimes au cours des 12 derniers mois en 2021, a atteint 47,6%.  En outre, environ 4,5 millions de filles risquent de ne jamais retourner à l’école et sont particulièrement menacées en raison de la détérioration de l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive, y compris une éducation sexuelle complète.  Tous ces défis, s’ils ne sont pas résolus, entraveront la croissance économique inclusive dans la région.  ARROW appelle donc les États Membres à veiller au respect de l’égalité des sexes, des droits humains, de l’état de droit et de la justice dans les politiques de population et de développement durable.  Il faut tirer parti des dividendes démographiques grâce à la restructuration, y compris une rémunération équitable pour le travail de soins et la réduction et la compensation du double fardeau du travail que portent les femmes.  Enfin, il faut améliorer les politiques de protection sociale, y compris la couverture maladie universelle.

M. ZEBADIA PAUL MMBANDO, représentant d’Action by Churches Together (ACT Alliance-Tanzanie) a détaillé les priorités de cette coalition qui œuvre à créer un changement positif et durable dans la vie des personnes pauvres et marginalisées, indépendamment de leur religion, politique, sexe, race ou nationalité.  La coalition de plus de 130 églises, présente dans quelque 120 pays, défend la justice de genre, y compris la santé et les droits sexuels et reproductifs.  En tant qu’alliance fondée sur la foi et les droits, « nous croyons que toutes les personnes sont des détenteurs de droits et nous avons une solide expérience de l’action transformatrice en matière de genre », a fait valoir le représentant.  C’est pourquoi, il a réaffirmé l’engagement de l’Alliance par rapport au mandat « intégré et holistique » du Programme d’action de la CIPD, tout comme il l’a fait lors du sommet de Nairobi.  Il faut « sa pleine mise en œuvre », a insisté M. Mmbando tout en appelant à une résolution conjointe lors de cette session.  La société civile est essentielle, à ses yeux, pour exiger des efforts de responsabilisation pour la mise en œuvre des politiques et l’amélioration de la prestation de services sur l’accès complet à l’information et aux services en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs.  Il a invité les États Membres à s’attaquer aux écarts croissants entre les cadres politiques en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs, et les réalités socioéconomiques limitées dans lesquelles ces cadres sont mis en œuvre, notamment en luttant contre les flux financiers illicites.

Mme Mme HAILA AMIN, représentante de FEMM Foundation, a expliqué que sa fondation a développé des programmes de santé pour les femmes basés sur les connaissances, et inspirés par leur droit d’être des acteurs informés de leurs propres soins de santé et de prendre des décisions volontaires.  FEMM est dédiée à l’éducation sanitaire, à la recherche médicale et à l’amélioration des programmes de santé reproductive pour faire progresser la santé des femmes.  Le développement durable exige des soins de santé qui s’adressent aux personnes mal desservies et aux besoins de santé reproductive des femmes et des filles, a-t-elle argué, notant que rares sont les femmes qui peuvent détecter des anomalies dans leurs cycles menstruels.  Pourquoi les filles n’apprennent-elles pas ces connaissances essentielles à l’école?  Combien de médecins sont formés pour suivre des schémas d’ovulation sains dans les bilans de santé?  Les femmes se sont résignées au fait que les saignements irréguliers, les règles, les crampes, les migraines, la dépression, les sautes d’humeur, l’acné et la prise de poids sont les « luttes » normales d’une femme, a déploré la représentante.  On ne leur a pas dit que cela pouvait être des signes de déséquilibres hormonaux qui peuvent affecter leur santé globale à long terme, parfois de manière irréversible, s’est-elle impatientée, en demandant que soient mis en place des systèmes calibrés pour répondre aux besoins réels des femmes.  Les chercheurs de FEMM sont à l’avant-garde du réexamen des systèmes de santé des femmes, a-t-elle expliqué.  Des médecins sont formés pour diagnostiquer et traiter les problèmes de santé reproductive avec une vision holistique du corps de la femme ».

Mme CHRISTELYN SIBUGON, représentante de Women’s Global Network for Reproductive Rights (WGNRR), a appelé à « mettre fin à la pandémie des inégalités ».  Le réseau a constaté que les pays où les dépenses de santé publique sont basses, les filets de sécurité sociale inadéquats et les droits du travail faibles sont particulièrement vulnérables aux impacts de la pandémie.  Les régimes de privatisation des soins de santé ont laissé les systèmes de santé totalement démunis face à la pandémie.  « Nous ne pouvons pas ignorer les effets de la pandémie sur les femmes et les hommes, qu’il s’agisse du manque d’accès à la santé et aux droits sexuels et reproductifs, de la charge supplémentaire que représentent les soins pour les femmes et les filles, de l’augmentation du nombre de mariages d’enfants ou de la multiplication des cas de violence sexiste », a dit la représentante.  Comment parvenir à un développement durable et à une croissance économique soutenue et inclusive quand les femmes et les filles sont confrontées quotidiennement à des problèmes de santé sexuelle et reproductive et à des barrières sociales et économiques ?  WGNRR exhorte tous les États Membres à adopter une série de mesures, dont la couverture universelle des soins de santé.  Il s’agit aussi d’assurer un salaire égal pour un travail égal ou de valeur égale et une protection contre la violence sexiste sur le lieu de travail, et d’intégrer une approche fondée sur les droits et sensible au genre. Il faut enfin reconnaître le rôle des femmes et des filles dans la sauvegarde des ressources naturelles et des écosystèmes, en plus d’assurer la justice économique, en veillant à ce que les États respectent leurs obligations en matière de droits sociaux et économiques.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L'Instance permanente sur les questions autochtones entend l’appel à la résistance d’une organisation amazonienne contre le « Gouvernement génocidaire » du Brésil

Vingt et unième session,
5e séance plénière, après-midi
DH/5469

L'Instance permanente sur les questions autochtones entend l’appel à la résistance d’une organisation amazonienne contre le « Gouvernement génocidaire » du Brésil

La troisième journée de travaux de l’Instance permanente sur les questions autochtones a été marquée par l’intervention, dans le cadre d’une discussion avec plusieurs titulaires de mandat, de la Coordination des organisations autochtones de l’Amazonie brésilienne (COIAB) qui a dénoncé l’inaction du Gouvernement brésilien face aux violations des droits des peuples autochtones par les industries extractives et accusé le Président du Brésil de « politique génocidaire » à l’égard des peuples autochtones qui ont choisi l’isolement comme mode de vie en Amazonie.  

Le Gouvernement nie l’existence même des peuples autochtones qui ont choisi l’isolement comme mode de vie.  Comme nos parents qui vivent isolés, et qui ont décidé de ne pas quitter la forêt, montrant au monde ce que signifie résister, nous continuerons à lutter contre ce gouvernement génocidaire, a clamé la représentante de la COIAB qui a indiqué que l’ONG a porté plainte pour non-respect de leurs droits. 

Ces peuples doivent pouvoir appliquer leur droit à l’autodétermination, a dit M. Francisco Cali Tzai, Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones.  De son côté, le Rapporteur spécial sur les substances toxiques et les droits de l’homme a affirmé « avoir alerté » le Gouvernement brésilien de la situation de ces peuples autochtones et des activités des entreprises extractives dans leurs aires géographiques, notamment en raison de l’importance de l’Amazonie dans le contexte climatique mondiale.  M. Marcos A. Orellana a également dénoncé le fait que plusieurs gouvernements dont celui de la Colombie, refusent les missions des rapporteurs spéciaux qui examinent les abus dont souffrent les défenseurs de l’environnement.  

Interpellé également par la représentante du peuple « taino » de Porto Rico dont les terres ancestrales sont données aux promoteurs immobiliers afin d’y construire des complexes résidentiels, le Rapporteur spécial sur les substances toxiques et les droits de l’homme a jugé important d’examiner cette situation avant de répondre à la demande du peuple inuit réclamant un traité international sur l’interdiction du plastic.  C’est une question fondamentale, a estimé M. Orellana, expliquant que l’élimination du plastic est une étape fondamentale vers l’économie circulaire vitale pour les peuples autochtones.  De son côté, le Mexique a demandé aux États de prendre des mesures réparatrices, précisant que son Président s’apprête à signer une loi de réparation en faveur des peuples autochtones du Mexique.  

Il faut lancer un nouveau mécanisme pour réaliser les droits des peuples autochtones, et un suivi des indicateurs de la réalisation de la Convention 169 de l’OIT, a suggéré l’Équateur tandis que le Fonds pour le développement des peuples autochtones des Caraïbes a jugé fondamental de conjuguer les efforts interinstitutionnels pour garantir les droits des peuples autochtones.  Pour la Bolivie, les États doivent promouvoir un mode plurinational et pluriculturel, défendre la Terre Mère et la volonté de vivre en harmonie avec la nature.   

Le Chili a annoncé que les droits des peuples autochtones, leur vision du développement, leur mode de gouvernance et leur droit à l’autodétermination seront pris en compte dans la nouvelle Constitution qui est en cours d’élaboration.   

La Suède a été interpellée par une organisation du peuple yaqui et par M. Aleksei Tsykarev, membre de l’Instance (Fédération de Russie), sur la non-exécution de l’accord de restitution et de rapatriement des objets rituels, suite à quoi la Présidente du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, Mme Megan Davis, a appelé les deux parties à appliquer l’accord en dépit de l’impasse.  

À la question de l’Union européenne de savoir comment les entreprises pourraient mieux atténuer les risques sociaux et juridiques en obtenant le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones et par quel moyen prévenir les attaques contre les peuples autochtones et d’autres défenseurs des droits humains, le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones a appelé à la signature de la Convention 169 de l’OIT.  Il faut aussi répondre aux causes des attaques contre les défenseurs des droits des peuples autochtones et traduire les auteurs d’abus en justice, a-t-il ajouté.  De son côté, le Pacte des peuples autochtones asiatiques a appelé au respect du droit des organisations autochtones de faire des recommandations aux États dans le but de contrer les persécutions dont ils sont victimes. 

L’Union des éleveurs de rennes de Yamal et la Fédération de Russie ont vanté les modes de vies des peuples autochtones et souligné l’importance de l’accès à Internet et aux technologies de communication.  Le Congrès des peuples aborigènes a demandé au Canada de réviser sa politique envers les peuples autochtones, notant que ces derniers sont plus nombreux que les trois reconnus officiellement. 

L’Estonie a condamné l’agression non justifiée de la Russie contre l’Ukraine, et s’est inquiétée de ses effets dévastateurs sur les peuples autochtones, déplorant par ailleurs le déclin du nombre de locuteurs de la langue finno-ougrienne en Russie.  La Chine a suggéré pour sa part que le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones et le Mécanisme d’experts accordent la priorité à la jouissance des droits sociaux, économiques, culturels et politiques des peuples autochtones.  

En début de séance, le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, la Présidente du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones et le Rapporteur spécial sur les substances toxiques et les droits de l’homme ont présenté leurs rapports d’activités respectives. 

L’Instance poursuivra sa vingt et unième session demain, jeudi 28 avril, à partir de 9 heures. 

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