En cours au Siège de l'ONU

Financement du développement: le forum de l’ECOSOC débat de la lutte contre les flux financiers illicites et de l’investissement privé dans les efforts de réalisation des ODD

Session de 2022,
Forum sur le suivi du financement du développement, 5e et 6e séances, matin et après-midi
ECOSOC/7080

Financement du développement: le forum de l’ECOSOC débat de la lutte contre les flux financiers illicites et de l’investissement privé dans les efforts de réalisation des ODD

Le forum sur le suivi du financement du développement s’est penché, aujourd’hui, sur la construction d’une fiscalité juste et efficace, construction qui résulterait notamment d’une lutte plus efficace contre les flux financiers illicites.  Les pays en développement ont estimé que la taxation devait être au cœur des programmes nationaux d’action en faveur du développement, y compris ceux dédiés à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).  Les délégations ayant pris la parole dans le cadre d’une table ronde sur ces questions ont également jugé que la transparence des entreprises doit être le corollaire de la lutte internationale contre les flux financiers illégaux en lien avec la fiscalité.  Des représentants de la société civile, pour leur part, ont plaidé pour la création, à l’ONU, d’un organe intergouvernemental chargé de réformer le système fiscal mondial et pour la tenue d’une quatrième conférence sur le financement du développement. 

La Ministre norvégienne de la coopération internationale, qui a qualifié d’inclusifs et pertinents les dispositifs et règles communes de lutte contre les exemptions fiscales des multinationales du numérique de l’OCDE et du G20, a en outre estimé que la coopération en matière fiscale gagnerait à être renforcée en impliquant la société civile et les médias.  « Mettons en valeur nos productions de base pour qu’elles puissent augmenter nos recettes fiscales nationales », a déclaré quant à lui le représentant du Zimbabwe, qui a ajouté que le secteur informel contribuant à hauteur de « 70-80% du PIB de nos pays », il est temps de le « ramener dans le système fiscal formel ».

La société civile, dont la représentante de l’organisation « Tax Justice Network Africa », rappelant que 240 milliards de dollars de recettes générés aux entreprises sont perdus chaque année en raison de l’évitement fiscal des multinationales, a proposé qu’il soit trouvé, à l’ONU, « une solution d’ensemble applicable à toutes ces dernières ».  Les autres représentants de la société civile ont ainsi plaidé en faveur de la création d’un organe fiscal universel agissant sous l’égide des Nations Unies. 

Sur le recouvrement des avoirs criminels, la Russie a souhaité que soit renforcé le cadre de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), « qui effectue déjà un travail remarquable en ce domaine », une proposition que la modératrice a repris dans ses conclusions. 

Le forum a également débattu du renforcement des investissements privés dans le financement des objectifs de développement durable, les participants, parmi lesquels le Président du Ghana, attirant l’attention sur la nécessité d’optimiser les financements mixtes privés-publics.  À ce propos, M. Blanchard, membre d’un fonds de pension canadien, a invité les États et les institutions financières à être ambitieux « pour passer des millions aux milliards ».  Selon lui, nouer en amont de nouveaux partenariats avec les pays dans lesquels le secteur privé compte investir doit permettre l’établissement d’écosystèmes propices à des investissement massifs devant abonder durablement les domaines ciblés par les ODD. 

Soulevant la question de la bonne gouvernance, les représentants du Malawi et du Zimbabwe ont, eux, appelé les administrations publiques à se réformer en profondeur pour faciliter les investissements privés dans le secteur clef de l’industrie extractive, cette activité étant l’objet « de luttes communautaires inquiétantes ».  Toute exploitation partagée des ressources naturelles devra bénéficier aux communautés locales, a insisté le représentant zimbabwéen.  Une des façons d’attirer les investissements est que l’ONU concentre la prise de décisions fiscales et celles portant sur les investissements étrangers directs, ont estimé pour leur part des représentants de la société civile, dont « Society For International Development ». 

Enfin, les participants au forum ont recommandé de combiner de manière optimale les fonds publics et privés, les capitaux générés devant être conformes aux critères de gouvernance environnementale agréés au plan mondial en vue contribuer de façon décisive à la mise en œuvre des ODD d’ici à 2030. 

Le forum sur le suivi du financement du développement poursuivra ses travaux demain, jeudi 28 avril, à 10 heures, pour une quatrième et dernière journée de session. 

FORUM DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL SUR LE SUIVI DU FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT

Table ronde 3: Construire une fiscalité juste et efficace et lutter contre les flux financiers illicites

Mme ANNE BEATHEKRISTIANSEN TVINNERHEIM, Ministre de la coopération internationale de la Norvège, s’est demandé comment rebâtir l’économie mondiale de façon plus verte et inclusive dans le contexte de la pandémie et de la guerre en Ukraine, laquelle a perturbé brutalement les coûts de l’énergie et des produits alimentaires de première nécessité.  Selon elle, tant que les flux illicites et la corruption seront récompensés par la richesse et la tromperie, tant que politiquement l’utilisation abusive du pouvoir permettra à certains de prospérer, l’émancipation des démocraties ne sera pas possible.  Dans ce contexte, elle a appelé à l’adoption de règles communes, dans les cadres inclusifs et pertinents de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G20.  Nous devons faire fonds sur les mécanismes existants pour consacrer une approche holistique et soutenir, comme le fait la Norvège, la coopération en matière fiscale au travers de la Banque mondiale mais aussi en impliquant la société civile et les médias, a encore recommandé Mme Tvinnerheim. 

Au Nigéria, une initiative de croissance des recettes fiscales a été lancée en 2019 pour s’attaquer au faible ratio recettes/PIB, a indiqué à son tour le Prince CLEM AGBA, Ministre d’État, du budget et de la planification du Nigéria.  En parallèle d’un programme national visant une augmentation de 15% des recettes fiscales, le Gouvernement a lancé un « plan 2.0 » pour améliorer les performances de gestion en matière d’imposition.  Le Gouvernement a également mis en place une législation permettant d’améliorer l’environnement commercial et politique pour l’essor de ses petites et moyennes entreprises.  Concernant l’équité au sein de l’espace fiscal mondial et les flux financiers illicites, le Ministre nigérian a reconnu l’importance pour tous les pays de lutter contre ces flux.  Il a indiqué que le Nigeria fait partie des 12 pays africains pilotes au sein d’un projet lancé par la Conférence économique africaine (CEA), en collaboration avec la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), visant à établir des estimations statistiques des flux financiers illicites originaires Afrique.

M. PAVEL ERNESTO ISA CONTRERAS, Vice-Ministre de la planification au Ministère de l’économie, de la planification et du développement de la République dominicaine, a estimé nécessaire d’accroître la pression fiscale, voulant miser sur les ressources nationales qui permettent de fournir les biens publics indispensables au bien-être des populations.  L’expérience nous a montré que la coopération peut faire la différence dans des domaines comme l’eau et l’assainissement, a témoigné le Vice-Ministre.  Il a également fait remarquer que le secteur privé peut aider à accélérer la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD).  Il a suggéré, pour dépasser la dichotomie secteur public/secteur privé, de doter leur coopération d’une base institutionnelle robuste et transparente.  Insistant sur la transparence et la démocratie, M. Contreras a encouragé les États à être les chefs de file de ces efforts.  Il a conclu en se demandant s’il faut imposer les plus riches ou taxer les plus pauvres, ajoutant que la réponse ne peut que dépendre de la situation spécifique des pays. 

M. AUGUSTUS FLOMO, Vice-Ministre de la gestion économique du Ministère des finances et du développement du Libéria, a remarqué que si les opinions des experts en fiscalité divergent toujours sur la définition d’un système fiscal « juste et efficace », un consensus demeure sur le fait qu’il devrait être simple, transparent et facile à comprendre pour la population.  Élargir l’assiette fiscale constitue un effort important, a reconnu le Vice-Ministre tout en y voyant un effort nécessaire pour disposer des avoirs permettant de fournir les services publics et de mener les réformes de l’administration.  Les pays en développement ont besoin d’aide pour appliquer ces programmes alors que la pandémie a frappé fort, a-t-il noté.  L’accent est en général mis sur les réformes fiscales et administratives: simplification, numérisation, renforcement des capacités pour la gestion des recettes, réduction de la taille du secteur informel en facilitant le processus d’enregistrement des entreprises.  Le Libéria a mis en place de tels mécanismes robustes, ainsi que des mesures de lutte contre la contrebande par le biais des douanes nationales, a indiqué le Vice-Ministre.  Il a cependant mis en garde contre l’augmentation d’impôts qui risque de ralentir l’activité économique et pourrait être ressentie comme injuste.  Il faut veiller à l’équité et à ne pas faire augmenter les inégalités, a-t-il prévenu.

Mme ANTONETTE TIONKO, Sous-Secrétaire du « Corporate Affairs Group and the Revenue Operations Group » du Département des finances des Philippines, a plaidé pour la création d’une société solidaire fondée sur une classe moyenne qui ne connaisse pas la pauvreté.  Dans ce cadre, les réformes fiscales sont essentielles pour dégager des recettes supplémentaires, venant de sources plus durables, pour financer les infrastructures, a-t-elle dit.  Elle a indiqué que le Gouvernement des Philippines a levé des dérogations à la TVA et applique des taxes nouvelles sur le pétrole mais aussi les boissons, l’objectif général étant de fournir à moyen terme aux entreprises plus de 19 milliards de réductions fiscales.  L’investissement public dans le infrastructures atteint désormais 5% du PIB aux Philippines, a-t-elle aussi fait valoir.  Mme Tionko a conclu en appelant à rendre efficaces et transparents les flux fiscaux, ce qui passe par la modernisation et la rationalisation des systèmes fiscaux nationaux et internationaux. 

Pour M. YOSHIKI TAKEUCHI, Secrétaire général adjoint de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le partage d’informations est essentiel pour contrer les flux financiers illicites, ainsi que l’élaboration de nouvelles normes et outils.  Plus de 160 juridictions acceptent désormais d’échanger des informations entre elles, une coopération internationale inimaginable il y a encore 50 ans, s’est réjoui M. Takeuchi.  Il a expliqué que les efforts visant à moderniser la fiscalité relative aux activités numériques permettent aux membres de l’OCDE d’agir sur un pied d’égalité.  Tous les pays, qu’ils soient en développement ou développés, peuvent bénéficier de telles mesures, a-t-il relevé.  Toutefois, les pays en développement ont besoin d’aide pour la mise en place de normes, ainsi que d’informations pour lutter contre les crimes financiers et pour identifier la localisation des flux financiers illicites.  M. Takeuchi a estimé que les pays en développement devraient voir leurs recettes fiscales augmenter de 1,4% à moyen terme.  Des recherches indépendantes montrent que les pays africains ont pu bénéficier des mesures prises par l’OCDE, dont les instruments facilitent la coopération, l’échange d’informations entre juridictions et la signature de traités bilatéraux efficaces, a poursuivi M. Takeuchi.  Il a indiqué qu’une bonne collecte de la TVA avait été un succès pour mobiliser des revenus: l’Australie a ainsi récolté 1,4 milliard de dollars au cours des quatre premières années de collaboration avec l’OCDE et le Costa Rica, 25 millions au cours des trois premiers mois. 

Lors de la discussion, les pays ont estimé que la taxation devait être au cœur des programmes nationaux d’action en faveur du développement.  La transparence des entreprises doit être le corollaire de la lutte internationale contre les flux financiers illégaux en lien avec la fiscalité, a-t-il aussi été dit.  La société civile, de son côté, a plaidé pour la création, à l’ONU, d’un organe intergouvernemental chargé de réformer le système fiscal mondial et la tenue d’une quatrième conférence sur le financement du développement.

Le Secrétaire exécutif du Forum africain sur l’administration fiscale, M. LOGAN WORT, a préconisé, pour surmonter les difficultés soulevées par les panélistes, la prise de décisions politiques fortes pour mobiliser des ressources nationales destinées à la réalisation effective des ODD.  Les gouvernements pourraient notamment agir sur l’assiette fiscale pour ne pas dépendre de ressources uniques, a-t-il suggéré en leur recommandant aussi d’introduire différentes taxes sur les sociétés et les capitaux, et de taxer le secteur informel et les individus extrêmement riches.  Concernant la récupération des fonds qui quittent illicitement l’Afrique, il a souhaité l’établissement de normes de comportement responsable des entreprises les plus puissantes et il a plaidé pour une approche pangouvernementale reposant sur un échange accru d’informations entre les différents acteurs de la vie économique. 

Mme CHENAI MUKUMBA, de «Tax Justice Network Africa », a rappelé, au nom de la société civile, que 240 milliards de dollars de recettes liés aux entreprises sont perdus chaque année en raison de l’évitement fiscal des multinationales.  Il nous faut trouver, à l’ONU, une solution d’ensemble applicable à toutes ces dernières, a-t-elle dit, défendant l’idée de la création d’un organe fiscal universel porté par les Nations Unies. 

La représentante de la Finlande a quant à elle jugé indispensable que le point de vue des pays en développement soit systématiquement pris en compte dans le cadre des discussions multilatérales sur toutes les questions fiscales. 

Il faut aussi se doter de systèmes fiscaux efficaces et transparents, a poursuivi le représentant du Zimbabwe en rappelant le consensus sur la nécessité d’un élargissement de l’espace fiscal des pays en développement, pour financer les ODD.  Mettons en valeur nos productions de base pour qu’elles puissent augmenter nos recettes fiscales nationales, a-t-il conseillé.  Le représentant a relevé à ce propos que, le secteur informel contribuant à hauteur de « 70 à 80% du PIB de nos pays », il est temps de le « ramener dans le système fiscal formel ».

Le représentant de la Fédération de Russie est intervenu pour indiquer que, récemment, le Gouvernement de son pays avait achevé l’unification de tous les réseaux de lutte contre l’évasion fiscale, un moyen, a-t-il estimé, de renforcer la cohésion sociale.  Sur le retour des avoirs criminels, il a souhaité que soit renforcé le cadre pertinent de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), qui effectue déjà un travail remarquable en ce domaine. 

Une convention des Nations Unies sur la fiscalité, serait-elle du domaine de l’envisageable? a demandé la modératrice, Mme OLGA ALGAYEROVA, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Europe (CEE).  À sa suite, le représentant de la République dominicaine a déploré une concurrence entre régimes fiscaux à l’échelle internationale, une course au moins-disant, et par conséquent, un contexte international compliqué.  Il a aussi déploré l’absence de système fiscal adapté au caractère informel des microentreprises: il faudrait les imposer, sans que cela représente un trop grand sacrifice pour elles. 

Reprenant la parole, le Ministre du budget et de la planification nationale du Nigéria a insisté sur les efforts déployés dans son pays pour créer un plus grand espace fiscal et investir dans les ODD.  Il a déploré la volatilité des prix de l’énergie, notamment le pétrole, « hors de contrôle des pays producteurs » tels que le Nigéria, dont le pétrole est la principale source de recette fiscale.  Concernant le cadre de l’OCDE et son approche basée sur « deux piliers », le Ministre a expliqué que son pays ne l’accepte pas car lesdits piliers ne tiennent pas compte de potentielles répercussions négatives sur le Nigéria et d’autres pays.  « Les règles ne devraient pas empiéter sur notre capacité à légiférer et sur la Constitution nigériane », a-t-il conclu.

La modératrice a clos les débats en promouvant l’établissement d’un cadre permettant de répondre aux lacunes existantes concernant le recouvrement des avoirs et les chevauchements, et pour surmonter « les affres de la fragmentation » et les défis induits par les flux financiers illicites, dont les approches existantes n’ont pas permis d’entamer la vigueur.

Table ronde 4: Renforcement des investissements privés dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD)

M. NANO DANKWA AKUFO-ADDO, Président du Ghana, a déclaré à titre liminaire que remettre les pays sur la bonne voie en matière de développement durable nécessite plus que jamais de combler des lacunes en matière notamment de soins de santé et de connectivité numérique.  Les secousses mondiales ont rendu les ODD encore plus difficiles à atteindre, mais elles doivent renforcer notre volonté et ne pas nous accabler, a-t-il encouragé, estimant qu’elles doivent plutôt inciter à agir de manière intelligente et stratégique.  Le Président ghanéen a préconisé de faciliter la mobilisation des financements novateurs et durables du secteur privé, en mettant en concordance les opérations innovantes et autres projets verts des entreprises avec les ODD.  Exploiter les potentiels de chacun sera le moyen le plus sûr de ne laisser personne sur le bas-côté de la reprise, a-t-il affirmé. 

Les tendances sont toutefois peu prometteuses s’agissant du financement des ODD dans les pays les moins avancés (PMA), a estimé M. SOSTEN ALFRED GWENGWE, Ministre des finances et des affaires économiques du Malawi, en en déduisant la nécessité de redoubler d’efforts pour assurer la fourniture de biens de base aux populations de ces pays particulièrement vulnérables.  Il a suggéré de redynamiser les moteurs du développement et de rééquilibrer les financements, conformément à la lettre du Programme d’action de Doha, qui réaffirme qu’il faut investir dans les PMA et y renforcer l’assistance technique et les garanties d’assurance des investissements.  Tout le monde, pays partenaires, acteurs du service privé, institutions financières internationales, banques multilatérales et organisations citoyennes, devra mettre la main à la patte, a-t-il dit. 

M. NARANTSOGT SANJAA, Vice-Ministre des finances de la Mongolie, a résumé les progrès et les défis rencontrés par son pays dans la mise en œuvre des ODD.  Depuis 2015, le pays a pris de nombreuses mesures, a-t-il dit en citant d’abord la vision 2050 qui a été approuvée en 2020 par le Gouvernement.  Pour parvenir aux ODD d’ici à 2030, un plan de reprise -intégré dans la vision 2050- prend aussi en compte la pandémie et les difficultés économiques du moment.  Le nouveau programme de reprise mongol comprend 95 projets pour un budget de 95 milliards de dollars, a précisé le Vice-Ministre.  M. Sanjaa a jugé important de renforcer les investissements pour réaliser les ODD mais aussi pour surmonter les difficultés économiques actuelles.  Une loi sur les investissements privés va bientôt être votée, a-t-il annoncé, assurant que le Gouvernement fait de son mieux pour renforcer les intérêts des entrepreneurs en améliorent les mesures existantes.  Une banque de développement est en cours d’élaboration pour que les exportations aillent de l’avant, a-t-il signalé, disant aussi que les services publics mongols sont améliorés.  Si le Gouvernement mongol veut créer un climat propice aux investissements, les infrastructures publiques restent néanmoins confrontées aux mêmes problèmes que les autres pays en développement dus à des retards de paiement et à une dette qui pèse lourd.  M. Sanjaa a donc demandé à l’ECOSOC de collaborer avec les institutions financières et toutes les parties prenantes pour venir en aide à la Mongolie. 

M. MARC-ANDRÉ BLANCHARD, Premier Vice-Président et Chef de la Caisse de dépôt et de placement du Québec, a appelé à « sortir des sentiers battus ».  Il veut « accélérer », « changer de cap », passer des « milliards » aux « milliers de milliards ».  Les PMA sont pour l’instant sur une « pente savonneuse », les investissements publics souvent au point mort, a noté M. Blanchard qui ne pense pas que l’argent viendra du secteur public de sitôt.  « Il faut donc se tourner vers le secteur privé », a-t-il déduit.  Mais il faudra « être intelligent » pour interagir avec le secteur privé et « faire preuve de prudence », entre les organisations philanthropiques, qui jouent un rôle crucial, les « personnes qui envoient des fonds », les petites et moyennes entreprises et les « investisseurs institutionnels », comme la Caisse de dépôt et de placement du Québec que M. Blanchard représente.  M. Blanchard a par ailleurs jugé les institutions de Bretton Woods vieillissantes et inadaptées aux nouvelles échelles des sommes d’argent qui circulent: « elles ne permettent pas d’exploiter notre plein potentiel ».  Pour lui, la seule manière d’arriver à une échelle de « milliers de milliards », c’est de passer par des investisseurs institutionnels, a-t-il tranché. 

M. Blanchard a appelé à « réduire les risques réglementaires », à « aider davantage les projets les plus juteux ».  Il a aussi appelé à « réfléchir à un financement mixte qui fonctionnerait mieux ».  « Il faut revoir à la hausse, voir grand, penser grand », en prenant les financements mixtes plus au sérieux: pour M. Blanchard, le salut passera par eux. 

M. RODOLFO LAHOY JR, représentant de la société civile, est intervenu par vidéo, mais l’interprétariat a été interrompu en raison d’une mauvaise qualité du son.

Lors du débat interactif, M. Gwengwe, Ministre des finances et des affaires économiques du Malawi, a appelé le secteur public à se réformer en profondeur pour faciliter les investissements privés, comme cela est le cas au Malawi dans l’économie de l’extraction.  Efficacité et rapidité sont essentielles, a-t-il dit, ajoutant que dans le secteur agricole, il faut que l’État desserre ses contrôles sur les biens et laisse les activités et les investissements se développer de façon fluide.  S’agissant de la numérisation, il a estimé important de partager plus librement les informations auprès des investisseurs potentiels sur les spécificités des pays qui font appel à eux. 

Le représentant du Zimbabwe a appuyé les propos de l’intervenant du Malawi, ajoutant qu’en Afrique australe, l’industrie extractive fait déjà l’objet de luttes communautaires inquiétantes.  Toute exploitation partagée des ressources naturelles devra bénéficier aux communautés locales, a-t-il insisté. 

Les représentants de la société civile, dont Society For International Development, ont de nouveau formé le souhait que l’ONU concentre la prise de décisions fiscales mais aussi celles concernant les investissements directs étrangers venus du privé.  Il n’est plus possible de continuer avec des modèles commerciaux mondiaux non durables, a-t-il été répété.  Pour la société civile, il est temps de faire un premier bilan de ce que veut et peut faire le secteur privé dans la mise en œuvre des ODD, la voie suivie au cours de la décennie écoulée n’ayant été en rien novatrice puisque ce sont les marchés financiers qui ont gardé la main. 

Table ronde 5: Augmenter le financement concessionnel aligné sur les stratégies nationales de développement durable

M. IVÁN DUQUE MÁRQUEZ, Président de la Colombie, a indiqué que la Colombie a remis sur pied un système de soins d’urgence, mis en place un programme de vaccination massif, et un programme à l’intention des plus vulnérables atteignant 11 millions de ménages.  L’an dernier, le pays a connu 10,6% de croissance, a fait valoir le Président qui a dit tabler sur 5% cette année.  Sur le plan multilatéral, le Président a jugé urgent de recapitaliser la Banque interaméricaine de développement, « ainsi que différents fonds ».  Il s’est également adressé aux pays développés qui devraient, selon lui, s’atteler d’urgence à alléger la dette et à venir en aide aux pays en développement, sans quoi ces derniers ne pourront pas réunir les financements nécessaires pour s’adapter aux changements climatiques.  Il sera également fondamental de trouver des mécanismes budgétaires appropriés pour que les mécanismes destinés à l’action climatique ne soient pas mis en concurrence avec les mécanismes à plus court terme.  M. Duque a appelé tous les bailleurs de fonds à venir en aide aux pays en développement comme la Colombie, et les investisseurs institutionnels à faire des investissements « correspondant aux besoins de la population », comme des créations d’emplois. 

M. FRANCISCO ANDRÉ, Secrétaire d’État aux affaires étrangères et à la coopération du Portugal, a axé son intervention sur le financement accordé de façon concessionnelle aux PMA et aux pays en situation particulière comme les petits États insulaires en développement (PEID).  Comme mesure de soutien à ces pays, il a cité le « pacte lusophone » scellé entre le Portugal et plusieurs pays africains lusophones qui contribue à développer la réduction des risques de catastrophe.  Le Portugal s’intéresse aussi particulièrement à la question de l’indice de pauvreté multidimensionnelle et au danger climatique dans le processus de délivrance d’une aide financière concessionnelle.

M. ERIVALDO ALFREDO GOMES, Secrétaire aux affaires économiques internationales au sein du Ministère de l’économie du Brésil, a déploré une « inadéquation entre offre et demande ».  Avant la COVID-19, un grand nombre de pays étaient déjà peu résilients face aux secousses économiques, a-t-il rappelé.  Aujourd’hui, les économies se remettent sur pied tant bien que mal et, « patatras », elles subissent un nouveau un choc avec la guerre en Ukraine, qui entraîne une inflation galopante, une crise alimentaire et énergétique, et une crise des réfugiés.  Dans de telles conditions, des financements favorables pour les pays en développement sont absolument nécessaires, a-t-il fait remarquer en réclamant en outre des instruments novateurs.  Or les banques de développement optent parfois pour des stratégies ne correspondant pas aux besoins sur le terrain, a-t-il prévenu, d’où l’inadéquation déjà mentionnée.  Il a insisté sur l’importance de trouver des « outils novateurs » et de renforcer les capacités du secteur privé dans le monde en développement.  En 2018, l’OSCE estimait que 1 300 milliards de dollars d’investissements étaient nécessaires pour réaliser les ODD, a-t-il cité.  M. Gomes a aussi appelé à utiliser au mieux les plateformes de financement conjoint et les institutions de développement pour innover et générer des résultats concrets. 

Une solution recommandée par Mme TITTA MAJA, Directrice générale du Département de la politique de développement du Ministère des affaires étrangères de la Finlande, est de combiner les fonds publics et privés.  Cette optimisation des capitaux devrait à son avis contribuer de façon décisive à la mise en œuvre des ODD d’ici à 2030.  Elle a aussi appelé à créer des instruments de réduction des risques et des structures novatrices afin de faciliter l’investissement dans le développement par des bailleurs de fonds privés et de faciliter l’avènement d’un monde plus vert et égalitaire.  Les investissements devraient toujours être conformes aux critères de gouvernance environnementale agréés au plan mondial, a-t-elle souligné à cet égard. 

Il faut réorienter les flux privés vers le développement d’une économie décarbonisée et résiliente, y compris dans les pays les plus fragiles, a recommandé à son tour M. REMY RIOUX, Président du Club de financement du développement international, club qui regroupe plus de 500 membres du monde entier.  Nombre d’institutions financières nous accompagnent au plan régional pour avancer dans la mise en œuvre d’initiatives innovantes pour, entre autres, aligner les budgets sur les ODD, encourager l’excellence entrepreneuriale au plan local et aider les pays à surmonter la crise sanitaire et climatique.  Les ressources concessionnaires sont nécessaires pour les pays les plus endettés, a-t-il reconnu en souhaitant que l’ONU les aide à canaliser les fonds.  Il a espéré que la discussion sur ce point se poursuivra dans le cadre des réunions du G20. 

Mme CARMEN MADRIZ, Directrice générale par intérim du Département « Caraïbes » de la Banque interaméricaine de développement, a souligné l’importance d’adapter les approches, méthodes et outils de financement afin de répondre aux mieux aux besoins des pays, « qui sont aussi des clients et des marchés ».  Nous pouvons compter sur nos propres modèles commerciaux pour attirer des capitaux destinés à soutenir la réalisation des ODD, a-t-elle affirmé, assurant que c’est ainsi que les choses fonctionnent dans la région des Caraïbes, où les solutions appliquées et les enseignements tirés le sont collectivement.  L’assistance au développement doit être coordonnée et cadrée par des feuilles de route claires, a-t-elle ajouté. 

Abordant la question de la finance des actions en matière de climat, Mme MAMI MIZUTORI, Représentante spéciale du Secrétaire général pour la réduction des risques de catastrophe, a jugé important que tous les pays puissent investir dans ce domaine.  Face aux crises multiples et multidimensionnelles, qui font exploser les demandes de financement, Mme Mizutori a noté que les appels à davantage de collaboration entre bailleurs de fonds, secteur privé, acteurs institutionnels, ont bien été entendus.

La Thaïlande entend parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2050, a indiqué la représentante de ce pays qui vise aussi l’objectif zéro émission de carbone d’ici à 2065.  Elle a invité tous les autres pays à suivre cette voie.  La feuille de route thaïlandaise a été conçue pour apporter une stabilité dans les investissements, une vision locale et à long terme du développement, ainsi que des « obligations ODD », révélatrices de la participation du secteur privé dans l’effort: obligations « vertes », obligations « stabilité », obligations « incidence sociale », par exemple, a-t-elle énuméré. 

Le représentant des Philippines a appelé à se diriger vers des efforts de redressement plus durables et coordonnés pour que personne ne soit laissé pour compte.  Il a fait appel aux partenaires de développement pour lutter contre la perte de biodiversité et les changements climatiques, et espéré poursuivre sur la voie d’une collaboration étroite tracée durant la pandémie.

Le représentant de la Colombie, au nom d’un groupe de pays à revenu intermédiaire, a remarqué que l’aide au financement joue un rôle crucial pour riposter contre les changements climatiques et la perte de biodiversité.  La réunion qui sera prochainement organisée par le Secrétaire général pour traiter des lacunes dans ces pays quant à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 est attendue avec impatience, a-t-il dit.  Parmi les obstacles à surmonter, le représentant colombien a déploré une augmentation des prix des produits de base et des médicaments.  Pour mieux aider les pays à revenu intermédiaire, il a appelé à adopter des instruments de mesures allant au-delà du PIB dans la définition de critères d’éligibilité pour des accès aux financements.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: les Grands Lacs connaissent une dynamique encourageante malgré l’insécurité à l’est de la RDC, estime l’Envoyé spécial dans la région

9023e séance – matin
CS/14871

Conseil de sécurité: les Grands Lacs connaissent une dynamique encourageante malgré l’insécurité à l’est de la RDC, estime l’Envoyé spécial dans la région

Le Conseil de sécurité a entendu aujourd’hui l’Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la région des Grands Lacs qui a fait état d’une dynamique encourageante de dialogue, de coopération et d’intégration, et plus généralement d’une volonté continue de s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité.  

Six mois après son dernier exposé devant le Conseil, M. Huang Xia, qui présentait le dernier rapport en date du Secrétaire général portant sur la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo (RDC) et la région, a toutefois déploré que cette dynamique positive ait été perturbée par la crise sécuritaire et humanitaire dans l’est de la RDC, exacerbée par la reprise des activités militaires du Mouvement du 23 mars (M23) durant le dernier trimestre de l’an dernier.  Pour l’Envoyé spécial, cette situation est d’autant plus déplorable qu’elle intervient près de 10 ans après la signature des Déclarations de Nairobi de décembre 2013 par le Gouvernement de la RDC et les rebelles du M23, dans lesquelles ce groupe armé, défait militairement, s’était engagé à ne plus reprendre les armes. 

L’inquiétude de nombreux membres du Conseil a été renforcée par les déclarations d’un expert indépendant, M. Dinesh Mahtani, qui a expliqué que les conflits qui se déroulent aujourd’hui dans les Grands Lacs sont de plus en plus liés à des dynamiques venues d’autres parties du continent africain et sont en outre susceptibles de servir de terrain d’entrainement pour des insurgés ou des terroristes qui pourraient ensuite rentrer aguerris dans leur pays d’origine et y constituer une menace pour la sécurité. 

Ces propos ont été illustrés par le représentant du Burundi, qui a affirmé que le groupe RED-Tabara, né après le coup d’état manqué de 2015 au Burundi et basé dans l’est de la RDC, collabore avec d’autres groupes terroristes, dont les Forces démocratiques alliées (ADF) et constitue une menace pour la paix dans toute la région. 

En dépit de cette fragilité sur le plan sécuritaire, l’Envoyé spécial s’est dit convaincu qu’il est encore possible de consolider les acquis importants enregistrés à ce jour dans la région et d’avancer progressivement vers une paix durable.   Il faut toutefois pour cela que des efforts soient fournis au moins à trois niveaux, a expliqué M. Xia.  

Le premier niveau demeure l’urgence d’une coopération accrue en matière de sécurité, illustrée, entre autres, par les opérations conjointes de la RDC et de l’Ouganda, le mémorandum d’entente entre le Burundi et la RDC pour relever les défis sécuritaires à leur frontière commune ou encore les consultations régulières entre les chefs des services de renseignement des pays de la région.   Au nom des trois membres africains du Conseil (A3), le Kenya a, lors de la discussion, salué les résultats fructueux du second conclave régional des chefs d’État sur la RDC, tenu à Nairobi le 21 avril dernier, avant de rappeler que, pour les dirigeants de la région, tous les groupes armés en RDC avaient désormais un choix clair à faire entre un désarmement pacifique ou la confrontation avec les armées des pays concernés.  Le Kenya a en outre souhaité le soutien du Conseil de sécurité à cette initiative régionale audacieuse.   

  Pour M. Xi, le deuxième niveau d’action repose sur un dialogue direct et permanent au plus haut niveau entre les dirigeants de la région, afin d’apaiser les tensions et de renforcer la confiance. 

Quant au troisième, il est celui de l’appui continu de la communauté internationale à la région.  L’Envoyé spécial a donc appelé les membres du Conseil de sécurité, ainsi que les membres du Groupe international de contact sur la région, à accompagner les efforts de dialogue régional.   Il a, quant à lui, annoncé son intention de poursuivre, en collaboration étroite avec les autres institutions garantes de l’Accord-cadre, ses démarches de bons offices en appui aux efforts diplomatiques visant à l’amélioration des relations de bon voisinage entre les pays des Grands Lacs. 

Il ne suffit pas de faire face à la situation sécuritaire, il faut aussi mettre l’accent sur la promotion de la coopération économique en facilitant la liberté de déplacement des biens et des personnes, a plaidé le Rwanda.  À ce propos, les A3 ont rappelé que la pauvreté était à la fois une cause profonde et une conséquence des conflits dans la région.  Pour eux, l’exploitation illégale, la concurrence et l’exportation des ressources naturelles, y compris par les acteurs internationaux et les groupes armés, doivent être résolus afin que ces ressources soient une bénédiction et non plus une malédiction.  

En ce sens, l’Envoyé spécial a dit vouloir promouvoir une meilleure appropriation nationale et régionale de l’Initiative régionale sur les ressources naturelles, soutenue par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL).  Le Secrétaire exécutif de celle-ci, M. João Samuel Caholo, a promis qu’elle veillerait à ce que les groupes armés ne soient pas financés par l’exploitation des ressources minières ou naturelles.   La plupart des membres du Conseil ont également insisté sur le renforcement de la participation des femmes pour promouvoir une paix durable dans la région, et soutenu la récente création d’un réseau régional de femmes entrepreneurs. 

Par ailleurs, l’Envoyé spécial a assuré que son Bureau continuera à soutenir les efforts des pays de la région en matière de lutte contre l’impunité et de promotion des droits humains.   Dans ce domaine, le Burundi a assuré le Conseil de sa volonté de continuer les réformes en matière de justice, y compris transitionnelle.  La RDC a, pour sa part, dit poursuivre les réformes du système de défense et de sécurité́ pour neutraliser les forces négatives.  Pour combattre l’impunité, les États-Unis se sont dits déterminés à travailler avec d’autres États Membres pour faire un usage vigoureux du régime de sanctions prévu par la résolution 1533 du Conseil de sécurité.  La Chine a elle aussi insisté sur l’importance de contrer les activités illicites d’exploitation des ressources naturelles, mais a souhaité que soit évitée toute utilisation à mauvais escient des mesures coercitives du Conseil. 

LA SITUATION DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS

Déclarations

M. HUANG XIA, Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la région des Grands Lacs, a présenté le dernier rapport du Secrétaire général portant sur la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo (RDC) et la région.  Il a indiqué que depuis sa dernière intervention devant le Conseil, le 20 octobre 2021, la situation dans la région avait été caractérisée par une dynamique encourageante de dialogue, de coopération et d’intégration, et globalement par une volonté continue de s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité. 

L’Envoyé spécial a toutefois déploré que cette dynamique positive ait été perturbée par la crise sécuritaire et humanitaire dans l’est de la RDC, exacerbée par la reprise des activités militaires du Mouvement du 23 mars (M23) au dernier trimestre de l’année dernière, avec l’attaque de plusieurs positions des forces armées de la RDC (FARDC).  Cette situation est d’autant plus déplorable qu’elle intervient près de 10 ans après la signature des Déclarations de Nairobi de décembre 2013 par le Gouvernement de la RDC et les rebelles du M23, dans lesquelles ce groupe armé, défait militairement, s’était engagé à ne plus reprendre les armes.  M. Xia a appelé le groupe armé à déposer les armes, soulignant que les populations de l’est de la RDC n’avaient que trop souffert et la région ne pouvait s’autoriser une énième crise.  M. Xia a en particulier déploré le fait que les Forces démocratiques alliées (ADF) et d’autres groupes armés locaux continuent de commettre des atrocités contre les populations civiles. Pour parvenir à leurs fins macabres, les ADF semblent toujours bénéficier d’un réseau de recrutements dans la région, voire au-delà, comme l’ont confirmé les récentes arrestations effectuées lors des opérations conjointes de la RDC et de l’Ouganda. 

Tout cela vient nous rappeler combien la paix dans l’est de la RDC demeure encore extrêmement fragile et combien nous devons encore redoubler d’efforts collectivement pour parvenir à une région totalement débarrassée des affres de la guerre, a constaté l’Envoyé spécial.  En dépit de cette fragilité, il s’est dit convaincu qu’il est encore possible de consolider les acquis importants enregistrés à ce jour dans la région et d’avancer progressivement vers une paix durable. 

Encore faut-il, pour cela, que des efforts soient fournis au moins à trois niveaux, a expliqué M. Xia. 

Le premier niveau demeure l’urgence d’une coopération accrue en matière de sécurité, illustrée, entre autres, par les opérations conjointes de la RDC et de l’Ouganda, le mémorandum d’entente entre le Burundi et la RDC pour relever les défis sécuritaires à leur frontière commune ou encore les consultations régulières entre les chefs des services de renseignement des pays de la région. 

Le second niveau repose sur un dialogue direct et permanent au plus haut niveau entre les dirigeants de la région afin d’apaiser les tensions et de renforcer la confiance.  À ce propos, l’Envoyé spécial a salué la normalisation des relations entre le Rwanda et l’Ouganda, marquée notamment par la réouverture de la frontière commune, et celle des relations entre le Burundi et le Rwanda.  Il a félicité les chefs d’État de la région pour la consolidation de cette tendance encourageante, avant de rendre hommage au leadership du Président Kenyatta qui, à deux reprises au cours de ce mois d’avril, a accueilli à Nairobi ses pairs de la région au cours de deux sommets importants consacrés aux défis sécuritaires qui persistent dans l’est de la RDC. 

Le troisième niveau d’action est celui de l’appui continu de la communauté internationale à la région.  Dans ce contexte, M. Xia a appelé les membres du Conseil de sécurité, ainsi que les membres du Groupe international de contact sur la région, à accompagner les efforts de dialogue régional. 

M. Xia a ensuite présenté le programme qu’il entend suivre dans les prochains mois.  Il compte ainsi poursuivre, en collaboration étroite avec les autres institutions garantes de l’Accord-cadre, les démarches de bons offices en appui aux efforts diplomatiques visant à l’amélioration des relations de bon voisinage entre les pays de la région.  Ensuite, il envisage, toujours aux côtés des autres institutions garantes de l’Accord-cadre et avec l’appui de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), d’apporter tout le soutien nécessaire au déploiement effectif de la cellule opérationnelle du Groupe de contact et de coordination sur les mesures non militaires.  En collaboration avec la MONUSCO, son Bureau va également continuer à apporter un appui technique et logistique au processus de paix de Nairobi.  Si nécessaire, il contribuera aussi aux efforts de rapatriement des combattants désarmés du M23 et ceux des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).  L’Envoyé spécial entend aussi promouvoir une meilleure appropriation nationale et régionale de l’Initiative régionale sur les ressources naturelles. 

Par ailleurs, dans le cadre des efforts de promotion de l’autonomisation économique des femmes comme stratégie pour la consolidation de la paix, le Bureau de l’Envoyé spécial, en partenariat avec le Forum du secteur privé de la CIRGL, ONU-Femmes et la Commission économique pour l’Afrique, avait cofacilité le lancement, en décembre 2021, du réseau des femmes entrepreneurs des Grands Lacs. M. Xia a promis de maintenir un dialogue suivi avec les institutions régionales sur les politiques de genre et poursuivre l’accompagnement de ce réseau afin qu’il puisse saisir les opportunités des dynamiques d’intégration régionale en cours, notamment de l’élargissement de la Communauté d’Afrique de l’Est à la RDC. 

Tant que l’impunité qui alimente le cycle de violence et qui favorise le recrutement par les groupes armés prévaudra, il sera difficile de rétablir la confiance entre les populations et les gouvernements, a toutefois constaté l’Envoyé spécial.  C’est pourquoi son Bureau continuera à soutenir les efforts des pays de la région en matière de lutte contre l’impunité et de promotion des droits humains. 

M. JOÃO SAMUEL CAHOLO, Secrétaire exécutif de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), s’est particulièrement inquiété des conséquences des activités de groupes armés non-étatiques dans la région des Grands Lacs, en particulier en RDC, au Soudan du Sud et en République centrafricaine.  Il a dit que la RDC fait face à une recrudescence d’attaques de la part de groupes armées et de groupes terroristes islamistes qui terrorisent les civils et pillent des villages, notamment dans l’est du pays.  Parmi ces groupes armés il a cité les Forces démocratiques alliées (ADF), , la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO), la Force de résistance patriotique d’Ituri (FRPI) ou encore le Mouvement du 23 mars (M23). 

Il a précisé que le Président de la RDC a déclaré un état de siège en Ituri et au Nord Kivu qui est examiné tous les 15 jours par le Parlement.  Tout en se félicitant que les FARDC, avec le soutien de la MONUSCO, aient repris le contrôle de plusieurs villages, il a regretté la persistance de violences, avec une présence préoccupante du M23 au Nord Kivu.  Il a indiqué que le 1er avril, le groupe a annoncé un cessez-le feu sur la ligne de front.  Face à cette situation, il a exhorté le Conseil de sécurité à appuyer les efforts régionaux et à aider les FARDC à protéger des vies innocentes.  Il a également indiqué que la CIRGL veillera à ce que les groupes armés ne soient pas financés par l’exploitation des ressources minières ou naturelles. 

S’agissant de la RCA, il a regretté que la Feuille de route conjointe pour la paix ne soit pas respectée et que se multiplient les incidents violents.  Il a exhorté les pays concernés à veiller à la bonne mise en œuvre du processus de paix et de la feuille de route.  Pour ce qui est du Soudan du Sud, il a cité la montée des tensions en mars qui se sont traduits par des accrochages entre le Mouvement/l’Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition et les forces armées gouvernementales.  Il a appelé le Conseil de sécurité à redoubler d’efforts pour pousser les parties à respecter l’accord de paix.  M. Caholo a également touché mot de la situation en République du Soudan, saluant notamment la signature de l’Accord de paix de Djouba. 

La couverture de cette intervention, faite en visioconférence, a été entravée par des problèmes de transmission. 

M. DINESH MAHTANI, expert indépendant de la région des Grands Lacs, a constaté que la réunion d’aujourd’hui fait suite à des développements préoccupants sur place.  Ces dernières semaines, le M23, qui a fui l’est de la République démocratique du Congo (RDC) et s’était rendu aux autorités ougandaises et rwandaises en 2013, est réapparu dans la province du Nord-Kivu, faisant resurgir le spectre d’une crise sécuritaire régionale.  Les Forces démocratiques alliées (ADF), réapparues depuis 2013 et responsables de massacres ciblés ou aveugles contre des civils également dans le Nord-Kivu, ont, entre-temps, trouvé un nouvel allié, l’État islamique, qui a salué les attentats-suicides perpétrés par les ADF à Kampala l’an dernier, incitant du coup l’armée ougandaise à se déployer dans le Nord-Kivu avec l’approbation de Kinshasa. 

Par le passé, l’insécurité dans les Grands Lacs était largement confinée à la région elle-même, a souligné l’expert.  Cependant, les conflits qui s’y déroulent sont aujourd’hui de plus en plus liés à la dynamique d’autres parties du continent africain.  « On sait maintenant, par exemple, qu’un certain nombre d’insurgés mozambicains sont venus s’entraîner dans les camps des ADF juste au moment où l’insurrection à Cabo Delgado a commencé à se manifester en 2017.  Ils ont voyagé par voie terrestre du Mozambique à l’est de la RDC, en passant par la Tanzanie et le Burundi, traversant la province du Sud-Kivu de la RDC avant de se rendre dans le Nord-Kivu.  Là, dans les camps des ADF, ils ont appris les tactiques de combat, transmettant cette expertise et cette formation à leurs compagnons insurgés lorsqu’ils sont retournés au Mozambique.  À peu près à la même époque, de jeunes radicaux en provenance du Kenya et de la Tanzanie, y compris d’anciens éléments du groupe terroriste somalien Chebab, ont également commencé à migrer vers l’ouest en direction des camps de l’ADF dans l’est de la RDC, tandis que de nombreux autres se sont dirigés vers le sud pour rejoindre l’insurrection au Mozambique, dont l’État islamique se réclame également. 

« Ces Africains de l’Est qui se sont retrouvés au Congo et au Mozambique ne sont que quelques-uns des jeunes hommes que l’État islamique pourrait chercher à soutenir par un financement continu, avec des transferts d’argent provenant de l’étranger, notamment d’Afrique du Sud », a expliqué l’expert.  Radicalisés encore davantage par leur expérience du champ de bataille en RDC et au Mozambique, ils sont susceptibles de constituer une menace pour la sécurité de leur pays d’origine s’ils y retournent un jour, a-t-il mis en garde.  Il n’est donc pas étonnant que les gouvernements d’Afrique de l’Est soient inquiets: ils n’ont pas seulement à faire face aux Chabab, une filiale d’Al-Qaida, mais à l’État islamique, qui cherche également à renforcer sa présence sur leur sol. 

Dans ce contexte, l’insécurité dans l’est de la RDC, alimentée par la présence de dizaines de groupes armés locaux et étrangers éparpillés de la province de l’Ituri jusqu’à celle du Tanganyika, prend un nouveau sens, a poursuivi M. Mathani.  Parallèlement à la poursuite de leurs propres objectifs –s’emparer de territoires, piller les ressources naturelles locales, attaquer les forces de sécurité et terroriser les civils– ces groupes armés sont désormais les agents et les collaborateurs de criminels et de djihadistes qui cherchent à renforcer leur influence dans l’est de la RDC. 

C’est en partie pour ces raisons que les gouvernements des Grands Lacs et de l’Afrique de l’Est ont maintenant accepté de lancer des opérations militaires conjointes contre les groupes armés en RDC, a relevé l’expert.  L’idée d’une force conjointe, approuvée par les dirigeants régionaux à Nairobi, la capitale du Kenya, peut au moins être interprétée comme une expression vigoureuse de la part de la RDC et de ses voisins pour instaurer enfin la sécurité dans l’est de la RDC et, ce faisant, « supprimer le terrain de jeu des djihadistes », même si la victoire est loin d’être acquise. 

D’autres opérations militaires en RDC, sous la forme de la force conjointe proposée, sont maintenant sur la table, mais elles présentent des risques importants, a analysé M. Mathani.  Pour commencer, de nombreux groupes armés que les gouvernements régionaux proposent d’attaquer dans l’est de la RDC ont parfois été les mandataires de ces mêmes gouvernements régionaux les uns contre les autres.   La confiance entre deux des voisins de la RDC dans la région des Grands Lacs a été ébranlée ces dernières années et, malgré les signes d’un récent réchauffement des liens entre eux, il n’est pas certain que cette solidarité puisse être maintenue si les parties sont, dans l’est de la RDC, replongées dans une situation « où elles ne sont pas totalement sûres des motivations de l’autre ». L’expert a affirmé que des responsables de ces deux pays lui ont régulièrement fait part de leur conviction que leurs homologues de l’autre côté de la frontière sont en fait impliqués dans le soutien au M23 ou aux ADF. 

Outre le déficit de confiance régional, il existe de sérieux défis à la mise en œuvre d’une force conjointe, a fait observer l’expert, qui a posé de multiples questions: Comment une telle mission, composée d’États d’Afrique de l’Est, dont l’Ouganda, pourrait-elle s’intégrer à la mission existante de l’Ouganda au Nord-Kivu?  Comment s’installerait-elle également à côté de la Brigade d’intervention de la force de la MONUSCO, qui est également composée en partie de troupes kenyanes ?  Même si toutes ces forces pouvaient exercer la pression nécessaire et coordonnée sur les groupes armés congolais et les pousser à se rendre, l’institution nationale qui gère le désarmement en RDC dispose-t-elle de ressources suffisantes pour mettre en œuvre une démobilisation et une réintégration en douceur des différentes factions armées au sein de la société ?  Et qu’adviendra-t-il des membres des groupes armés étrangers qui se rendent ou sont faits prisonniers ? 

Alors que l’utilisation de la force devrait éventuellement constituer une composante importante de tout exercice visant à neutraliser les groupes armés, il est crucial que les parties intéressées œuvrent de concert à mettre en œuvre la stratégie de la RDC sur la démobilisation des groupes armés et à consolider la confiance entre les voisins de la RDC.  Sans cela, une intervention militaire étrangère pourrait simplement créer une cascade de problèmes sur le terrain, auxquels Kinshasa pourrait avoir du mal à faire face, a prévenu M. Mathani.  En attendant, le démantèlement des groupes armés et terroristes pourrait être mieux réalisé si la région renforçait le partage des renseignements et les partenariats entre forces de police afin de mieux contrôler les frontières, les réseaux de recrutement et les mouvements des combattants, les financements occultes et le soutien matériel, a-t-il conclu. 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a indiqué que le dialogue entre les États de la région devait prévaloir pour répondre aux menaces sécuritaires.  La reprise des armes par le M23 constitue un risque majeur de déstabilisation pour la région, qui est déjà en proie aux attaques contre les civils et les forces de sécurité perpétrées par de nombreux groupes armés, dont les Forces démocratiques alliées (ADF) et la CODECO.  Pour la représentante, il importe que toute initiative militaire régionale tienne compte des actions de la MONUSCO et de son mandat.  De même, alors que la Mission a subi de lourdes pertes, la sécurité de ses casques bleus doit être assurée.  Il importe aussi de relancer le rapatriement des anciens combattants, notamment ceux du M23, et le programme désarmement-démobilisation-réintégration doit être mis en œuvre dans les plus brefs délais au niveau des provinces. 

Pour la France, il est également important de continuer à traiter les causes profondes des conflits, notamment l’élimination des tensions par des voies politiques et diplomatiques.  De même, la coopération régionale doit promouvoir la bonne gestion des ressources naturelles.  En outre, Mme Broadhurst a déclaré que l’égalité des droits des femmes et la parité dans la vie politique étaient des objectifs prioritaires, saluant l’établissement d’un réseau de femmes-entrepreneurs dans la région. 

Au Burundi, des progrès ont eu lieu en termes de gouvernance et d’état de droit, a estimé Broadhurst, qui a rappelé que ces premiers gestes avaient conduit l’Union européenne à lever les restrictions financières pesant sur le pays.  Enfin, la représentant a appelé à poursuivre la mise en œuvre de l’ensemble des objectifs de la Stratégie régionale des Nations Unies, notamment en ce qui concerne les questions de santé, étant donné que le virus Ébola vient de ressurgir en RDC et que la COVID-19 continue de sévir.  La France soutient le développement d’une stratégie régionale pour répondre à l’impact socioéconomique des épidémies, a-t-elle ajouté, promettant que l’Union européenne continuerait de soutenir la lutte contre l’impunité et la réconciliation dans la région. 

M. CÍCERO TOBIAS DE OLIVEIRA FREITAS (Brésil) s’est particulièrement inquiété de la situation sécuritaire, notamment la menace posée par les groupes armés dans les pays de la région des Grands Lacs.  Il a souligné les événements tragiques intervenus en Ituri (RDC) le 5 avril dernier avant de condamner toutes les attaques et provocations contre la MONUSCO.  Afin de protéger les acquis du processus de paix, il a jugé impératif d’accélérer la mise en œuvre du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration (DDR).  Il faut également s’assurer que les anciens combattants, les femmes et les jeunes aient accès à des opportunités économiques qui leur fournissent les outils pour améliorer leurs conditions de vie dans la période postpandémique, a-t-il ajouté.  Dans cet esprit, il a salué la pertinence de la Stratégie des Nations Unies pour la consolidation de la paix et la prévention et le règlement des conflits dans la région des Grands Lacs pour la période 2020-2030, jugeant que celle-ci apporte cohérence et exhaustivité aux initiatives de consolidation de la paix.  Mettant l’accent sur l’appropriation locale pour parvenir à une paix et à une prospérité durables dans la région, le représentant a salué le rôle moteur et constructif joué par la CIRGL et le Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération en RDC.  Il a aussi salué l’admission de la RDC à la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) à la fin du mois de mars, en estimant que cette adhésion ouvre une nouvelle voie pour renforcer la coopération régionale. 

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) s’est félicitée de la signature de plusieurs accords bilatéraux entre les États de la région, de la réouverture complète, le 7 mars, de la frontière Gatuna/Katuna entre le Rwanda et l’Ouganda et de l’échange de visites entre les dirigeants et les hauts fonctionnaires de la région, tous des faits qu’elle a considérés comme des mesures positives.  Un autre développement important, selon elle, est l’admission de la RDC dans la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE). 

Cependant, a-t-elle mis en garde, malgré le rapprochement en cours entre les États de la région, les causes profondes des conflits sont trop complexes pour être considérées comme résolues et les défis trop profonds.  La situation sécuritaire reste volatile, avec une hausse des incidents transfrontaliers et des affrontements continus à l’intérieur des pays.  Les ADF et la CODECO ont multiplié les attaques contre les civils dans l’est de la RDC, malgré l’état de siège et les opérations militaires conjointes.  « Le retour meurtrier du M23, ainsi que les attaques enregistrées en Ouganda et au Burundi, exigent une attention régionale accrue », s’est alarmée la représentante. 

Dans ce contexte, l’Albanie estime qu’aucun règlement militaire ne peut à lui seul résoudre les problèmes sécuritaires dans la région.  Nos efforts doivent également être axés sur les besoins des populations locales, au-delà de la sécurité et du contrôle territorial, a estimé Mme Dautllari.  Pour s’attaquer à la courbe persistante des conflits, il est de la plus haute importance « d’éteindre le feu qui continue de brûler », en premier lieu l’exploitation illégale et le trafic des ressources naturelles.  Ce phénomène a un effet multiplicateur, en alimentant la prolifération des armes et le financement des groupes armés.  Si la représentante s’est félicitée que les Ministres des Mines aient examiné les recommandations formulées à Khartoum, elle a jugé impératif de les mettre en œuvre rapidement pour mettre fin aux souffrances des populations causées par l’utilisation abusive des ressources naturelles.  « Au contraire, les ressources naturelles peuvent et doivent être une force de changement », a-t-elle ajouté. 

M. MARTIN KIMANI (Kenya), au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya)a noté qu’avec la RDC qui a rejoint officiellement la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), cette dernière comptera 300 millions d’habitants, et ses 7 États membres continuent d’entreprendre l’un des exercices les plus poussés d’intégration du commerce, de l’investissement, de la libre-circulation des personnes et, en définitive, de la fédération politique.  Il s’est félicité des résultats fructueux du second conclave régional des chefs d’État sur la RDC à Nairobi le 21 avril dernier.  Le conclave, a-t-il expliqué, a convenu d’une initiative à deux volets pour appuyer la sécurité et la stabilité dans l’est de la RDC: entamer un processus politique sous la direction du Président Uhuru Kenyatta pour faciliter les consultations entre la RDC et les groupes armés dans le pays; et accélérer la mise en place d’une force régionale sous la direction de la RDC, pour aider à contenir et, le cas échéant, combattre les forces négatives.  Les dirigeants de la région ont également appelé tous les groupes armés en RDC à participer de manière inconditionnelle au processus politique pour résoudre leurs griefs.  À défaut de le faire, ces groupes armés congolais seraient considérés comme des forces négatives et combattus militairement par la région.  Les dirigeants de la région ont aussi appelé tous les groupes armés étrangers en RDC à désarmer et retourner sans condition et immédiatement dans leur pays d’origine, au risque de se voir opposer une action militaire.  Le représentant a ensuite appelé le Conseil de sécurité à soutenir cette initiative régionale audacieuse. 

Le délégué a en outre appelé la communauté internationale à soutenir un désarmement adapté au contexte, qui comprenne notamment le désengagement et la réintégration des anciens combattants des groupes qui utilisent des idéologies et des méthodes terroristes dans leurs opérations.  Sur le plan économique, il a relevé que la pauvreté est à la fois une cause profonde et une conséquence des conflits dans la région des Grands Lacs.  L’exploitation illégale, la concurrence et l’exportation des ressources naturelles, y compris par les acteurs internationaux et les groupes armés, doivent être résolues afin que ces ressources soient une bénédiction et non plus une malédiction, a-t-il appuyé.  

M. JUN ZHANG (Chine) s’est inquiété de la recrudescence des violences et des activités des groupes armés dans l’est de la RDC.  « Pour régler les questions régionales il faut accroître la coopération régionale » a insisté le représentant, avant de saluer les efforts de normalisation de la situation entre l’Ouganda et le Rwanda d’une part et le Rwanda et le Burundi d’autre part.  Il a également salué la tenue à Kinshasa en février du dixième sommet du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération à Kinshasa. 

Le délégué a exhorté la communauté internationale à respecter le rôle de chef de file des pays et organisations de la région en rappelant que les pays de la région étaient interdépendants en termes de sécurité.  Il a donc appelé à accorder une solution accrue aux solutions non militaires et à extirper la pauvreté des communautés locales.  Il a, en particulier, appelé à contrer les activités illicites d’exploitation des ressources naturelles, tout en évitant que les mesures coercitives du Conseil de sécurité ne soient utilisées à mauvais escient. 

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande)a considéré que l’adhésion de la RDC à la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) est une étape importante en termes d’intégration économique régionale et de coopération, la stabilité régionale dépendant de celle dans l’est de la RDC.  Or, la situation sécuritaire dans cette région reste fragile et l’on constate une augmentation des activités des groupes armés, y compris des attaques contre des civils, s’est-elle inquiétée.  Pour la représentante, les opérations militaires conjointes menées actuellement par la RDC et l’Ouganda doivent l’être dans le respect des obligations découlant du droit international.  Mais les défis auxquels la région est confrontée ne peuvent être relevés uniquement par des moyens militaires, a-t-elle relevé.  Elle a donc jugé essentiel d’adopter une approche cohérente pour s’attaquer aux causes profondes et aux moteurs du conflit.  La participation significative des femmes aux efforts de consolidation de la paix est également essentielle et il est positif de voir un engagement envers le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, a ajouté la représentante.  

M. MADHU SUDAN RAVINDRAN (Inde) a demandé à la communauté internationale d’encourager les dernières évolutions positives survenues dans la région des Grands Lacs.  Il a salué la détermination des dirigeants de la région à remplir les engagements relatifs à l’Accord-cadre de 2013, notamment la mise en œuvre d’un plan visant à éliminer la menace des groupes armés par des mesures à la fois militaires et non militaires.  Le représentant s’est également félicité du conclave sur la RDC tenu le 21 avril à Nairobi, qui a conduit à l’adoption d’une approche à deux volets pour la sécurité et le processus politique visant à assurer une paix durable dans la région.  Il a appelé tous les groupes armés à désarmer et à respecter les conditions posées pour le dialogue.  Les activités de groupes armés tels que les Forces démocratiques alliées (ADF) et le M23 sont préoccupantes et doivent être traitées avec fermeté, a-t-il ajouté. 

Le délégué a dit sa préoccupation face à la multiplication des attentats terroristes dans la région ces derniers mois, notamment en Ouganda et en RDC. Selon lui, les liens des groupes armés dans la région avec les groupes terroristes en dehors de la région doivent être surveillés en permanence et étouffés dans l’œuf.  Il a ensuite constaté que l’exploitation illégale, le trafic et le commerce illicite des ressources naturelles avaient exacerbé le conflit armé dans la région des Grands Lacs.  C’est pourquoi il a appelé à améliorer les processus de traçabilité et de certification des ressources naturelles, notamment l’or, compte tenu de ses liens avec le financement des groupes armés.  Il a enfin salué les efforts visant à accroître la participation des femmes et des jeunes dans les processus politiques et la consolidation de la paix dans la région. 

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) s’est félicitée de la normalisation en cours des relations entre le Rwanda et l’Ouganda, qui s’est traduite par la réouverture du poste frontière de Gatuna/Katuna.  Pour elle, l’autonomisation économique de la région reste un facteur clef pour la consolidation de la paix. C’est pourquoi, elle a salué les efforts de la communauté internationale pour promouvoir la croissance et le développement économique. 

Compte tenu du rôle accru des femmes dans l’avènement de sociétés pacifiques et prospères, la déléguée a souligné l’importance de garantir leur participation pleine et entière dans les domaines économiques et sociaux.  Elle a estimé que la création d’un réseau de « femmes entrepreneurs » de la région des Grands Lacs était un exemple concret de la détermination de la région à atteindre cet objectif de promotion des femmes et de leur rôle. 

M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a salué les mesures prises dans la région des Grands Lacs en vue d’une intégration économique régionale et a pris note favorablement de l’admission de la République démocratique du Congo dans la Communauté d’Afrique de l’Est.  Le représentant s’est dit encouragé par la création d’un groupe de contact et de coordination pour faire face aux groupes armés dans l’est de la RDC par des moyens non militaires.  Mais il s’est dit préoccupé par la poursuite des violences intercommunautaires et la hausse des activités des groupes armés. 

Les États-Unis sont déterminés à travailler avec d’autres États membres pour faire un usage vigoureux du régime de sanctions prévu par la résolution 1533 du Conseil de sécurité, a affirmé M. Mills.  Le représentant a insisté sur la nécessité de rendre des comptes pour mettre fin à l’impunité de ceux qui alimentent les conflits en RDC et dans la région des Grands Lacs.  À cet égard, les États-Unis jugent la coopération entre la MONUSCO et le Bureau de l’Envoyé spécial pour les Grands Lacs très importante pour identifier et mettre en œuvre des solutions politiques qui endigueront le flux d’éléments armés, d’armes et de ressources naturelles qui menacent la paix et la stabilité de la RDC. 

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a relevé qu’en plus de l’insécurité, les graves violations et atteintes aux droits humains, commis par des acteurs non étatiques et étatiques dans l’est de la RDC, sont également en augmentation.  Un dénominateur commun derrière ces développements négatifs est la rivalité liée aux ressources naturelles, a-t-elle constaté.  Pour réduire la menace qui pèse sur les civils, y compris les enfants, elle a appelé à s’attaquer aux causes profondes de ce conflit.  Les mesures militaires doivent s’accompagner d’un dialogue politique concerté, d’efforts de consolidation de la paix et de projets visant à promouvoir le développement économique et social.  Cela doit se faire autant en RDC que dans le reste des Grands Lacs, a-t-elle ajouté.  De plus, la participation des femmes est essentielle pour promouvoir une paix durable dans la région.  Elle a salué le travail des acteurs régionaux pour assurer aux femmes la pleine et égale participation aux processus de paix et aux activités politiques. 

M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a noté avec préoccupation l’activité accrue des groupes armés tels que les ADF, la CODECO et le M23, dans les provinces orientales de la RDC, en plus des incursions et incidents transfrontaliers.  Il a condamné les violences qui se sont produites ces dernières semaines, en particulier l’attaque contre le personnel de la MONUSCO, au cours de laquelle un membre de la Mission a été tué.  « Les attaques délibérées contre le personnel de maintien de la paix constituent des crimes de guerre » a-t-il rappelé, avant d’appeler à enquêter sur cette situation, ainsi que sur le crash d’un hélicoptère dans la région de Rutshuru, qui a causé la mort de huit personnes. 

Le représentant a estimé que, malgré des mesures extraordinaires comme l’imposition au Kivu de l’état de siège depuis bientôt un an, la recrudescence de la violence montre qu’il n’existe pas de solution purement militaire.  C’est pourquoi il est important de s’attaquer aux causes profondes de la violence, y compris les discours de haine qui génèrent des tensions intercommunautaires, a-t-il plaidé.  Il a appelé également à accorder la priorité à la mise en œuvre des programmes de désarmement, démobilisation et réintégration dans la région et à d’autres mesures, non militaires, qui favorisent la création d’opportunités économiques pour la population. 

Enfin, M. Gomez a appelé à renforcer la coopération judiciaire entre les pays de la région.  Il a mis l’accent sur la lutte contre l’impunité pour des crimes tels que l’exploitation et le trafic illicite des ressources naturelles, ainsi que le transfert irresponsable d’armes légères et de petit calibre, en rappelant que ces deux phénomènes entretiennent matériellement les cycles de violence et représentent un obstacle au développement de la région. 

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a constaté qu’en dépit de l’opération militaire conjointe menée par les armées congolaise et ougandaise et les efforts des Casques bleus de la MONUSCO, une hausse de l’activité des groupes armés illégaux dans l’est de la RDC reste d’actualité.  La normalisation à long terme en RDC ne peut être atteinte uniquement par des moyens militaires, a-t-elle souligné.  Tous les efforts doivent être déployés pour améliorer la situation socioéconomique de la région, mettre en œuvre efficacement les programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration des anciens combattants et faire progresser les processus de réconciliation nationale.  Mais l’exploitation illégale des ressources naturelles, utilisées par les militants pour financer leurs activités et améliorer leurs capacités de combat, reste également un problème aigu, a noté la représentante. 

Dans l’ensemble, la déléguée a considéré comme positive la dynamique du dialogue entre les pays de la région des Grands Lacs et leur volonté de développer une coopération pratique pour stabiliser la situation dans la région.  Elle a également salué le rôle des organisations sous-régionales telles que la Communauté de développement de l’Afrique australe et la CIRGL.  Elle a espéré que la réunion des chefs d’État et de gouvernement du mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération, qui s’est tenue en février de cette année, contribuera à renforcer la coopération sous-régionale et à accélérer le processus de paix.  

M. JAMES PAUL ROSCOE (Royaume-Uni) s’est dit extrêmement préoccupé par la fragilité de la situation sécuritaire dans la région des Grands Lacs, en raison des activités des groupes armés, dont les Forces démocratiques alliées (ADF), la CODECO et RED Tabara.  Il a estimé que la réapparition du M-23 et les liens signalés entre l’ADF et Daech en Afrique centrale rappelaient brutalement la nécessité de remédier au vide sécuritaire dans l’est de la RDC.  Il s’est aussi dit préoccupé par la situation humanitaire dans la région, marquée par le déplacement de 16 millions de personnes, et par les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme, principalement dans l’est de la RDC. 

Pour le Royaume-Uni, les défis multidimensionnels auxquels sont confrontés les pays de la région des Grands Lacs nécessitent une réponse multidimensionnelle. Le représentant a salué la normalisation des relations entre le Rwanda et l’Ouganda.  Il a exhorté les pays de la région à améliorer la coopération régionale et transformer les engagements en actions concrètes pour répondre aux défis sécuritaires, améliorer l’accès humanitaire et réduire les violences.  Dans ce contexte, il a invité l’Envoyé spécial, M. Xia, et la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs à continuer à travailler en étroite coordination, y compris avec la MONUSCO, pour aider les pays de la région à s’attaquer de manière globale à la menace posée par le M23 et d’autres groupes armés, à favoriser le renforcement de la confiance entre les États de la région et à permettre la mise en œuvre de la Stratégie des Nations Unies pour la consolidation de la paix et la prévention et le règlement des conflits dans la région des Grands Lacs. 

Enfin, compte tenu des liens entre exploitation illégale des ressources naturelles et financement des groupes armés dans la région des Grands Lacs, le représentant a particulièrement appuyé l’imposition de sanctions à l’encontre des personnes et entités responsables de cette exploitation. 

M. CLAVER GATETE (Rwanda) a expliqué que cette réunion intervenait à un moment où les économies des pays des Grands Lacs sont en train de surmonter les effets de la pandémie de COVID-19 qui a aggravé la situation dans la région.  Il s’est félicité de la normalisation des relations entre plusieurs pays de la région avant de saluer en particulier l’adhésion de la RDC à la Communauté d’Afrique de l’Est.  Le représentant a jugé indispensable le succès d’un processus de désarmement, démobilisation réintégration (DDR) pour créer et maintenir une paix durable dans la région des Grands Lacs.  Il a prévenu qu’il ne suffisait pas de faire face à la situation sécuritaire, sans mettre l’accent sur la promotion de la coopération économique en facilitant la liberté de déplacement des biens et des personnes. 

M. ZEPHYRIN MANIRATANGA (Burundi) a réfuté les allégations contenues dans le rapport du Secrétaire général faisant allusion à la présence supposée, dans le Sud-Kivu, les 5 et 19 janvier, de groupes armés burundais, notamment la Résistance pour un État de droit au Burundi (RED Tabara), qui aurait publié deux communiqués dans lesquels « elle a déclaré s’être accrochée à deux reprises avec une coalition de la Force de défense nationale du Burundi, des Imbonerakure et des milices dans la province du Sud-Kivu ».  Si les autorités burundaises n’ont pas réagi publiquement à ces allégations, c’est qu’elles ne jugeaient pas opportun de donner suite à des rumeurs qui circulent sur les réseaux sociaux, a indiqué le représentant, qui a toutefois tenu à dire que le Burundi ne s’était pas déployé sur le territoire de la RDC. 

Le groupe terroriste Red Tabara, basé dans l’est de la RDC, né après le coup d’État manqué de 2015 au Burundi, collabore avec d’autres groupes terroristes dont les ADF et constitue une menace pour la paix dans toute la région, a affirmé le représentant, qui l’a également accusé de traverser parfois la frontière avec le Burundi pour s’en prendre à des civils sans défense. 

M. GEORGES NZONGOLA-NTALAJA (République démocratique du Congo) a rappelé l’importance de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour l’instauration de la sécurité, de la paix et de la stabilité.  Il a appelé à pacifier l’est de la RDC afin de mettre fin aux souffrances inqualifiables de la population et permettre aux ressources de contribuer à la prospérité de la RDC et celle de la région.  Il a invité les signataires, les garants et les partenaires multi-sectoriels à œuvrer dans cette optique.  Cet élan dans la destinée de la région des Grands Lacs ne doit pas être gaspillé mais plutôt capitalisé, a-t-il déclaré.  Le représentant a ensuite épinglé les défis qui retardent et compromettent la stabilité dans la région notamment l’activisme des groupes armés comme les ADF, la CODECO et le M23. 

La RDC, a ajouté le délégué, poursuit les réformes du système de défense et de sécurité pour neutraliser les forces négatives.  Les opérations militaires conjointes dans le cadre de l’état de siège ainsi que la coopération militaire vont se poursuivre de manière couplée avec les mesures non militaires.  Il a indiqué que la RDC est actuellement en pourparlers avec les groupes armés et a demandé à la communauté internationale, au Conseil de sécurité ainsi qu’au Groupe de contact et de coordination, un soutien clair qui obligerait les groupes armés opérant à l’est à se rendre et à déposer les armes pour s’inscrire dans le schémas de désarmement, démobilisation et réintégration.  Le représentant a également exhorté la région à se mobiliser pour lutter contre l’exploitation illégale des ressources naturelles ainsi que le trafic illégal d’armes et de munitions.  S’agissant des droits de l’homme, le délégué a rassuré le Conseil que son gouvernement continue les réformes de la justice y compris la justice transitionnelle.  Il a enfin encouragé à rétablir confiance dans la région des Grands Lacs. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Président de l’Instance permanente sur les questions autochtones salue la volonté de travailler sur un instrument contraignant pour le respect du principe de consentement libre, préalable et éclairé

Vingt et unième session,
3e & 4e séances plénières, matin & après-midi
DH/5468

Le Président de l’Instance permanente sur les questions autochtones salue la volonté de travailler sur un instrument contraignant pour le respect du principe de consentement libre, préalable et éclairé

« Une note d’espoir » a marqué la fin de la deuxième journée de la vingt et unième session de l’Instance permanente sur les questions autochtones.  Au terme d’une discussion sur le thème principal, le Président de l’Instance, M. Darío José Mejía Montalvo, a salué la volonté de certains États de travailler sur un instrument contraignant réglementant les activités des entreprises et leurs relations avec les peuples autochtones en mettant l’accent sur le consentement préalable, libre et éclairé. 

Si le Mexique a manifesté son intérêt et sa volonté de s’engager sur cette voie, les États-Unis ont également ouvert la porte au dialogue afin d’étudier quelle serait la meilleure façon de répondre à cet appel des peuples autochtones, a annoncé le Président. 

« Voilà l’espoir qui est le nôtre », s’est réjoui M. Montalvo. 

Le thème principal de cette session est « Peuples autochtones, entreprises, autonomie et principes des droits humains relatifs au devoir de précaution, notamment le consentement libre, préalable et éclairé ».

L’Instance poursuivra ses travaux demain, mercredi 27 avril, à partir de 15 heures.

Discussion sur le thème « Peuples autochtones, entreprises, autonomie et principes des droits humains relatifs au devoir de précaution, notamment le consentement libre, préalable et éclairé »

La discussion a commencé avec la présentation du rapport de la réunion du groupe d’experts internationaux sur le même thème, ténue en décembre 2021.  M. GEOFFREY ROTH (États-Unis), membre de l’Instance, a indiqué qu’à l’issue de la réunion de quatre jours qui a porté sur l’examen du non-respect, par les entreprises, des normes internationales garantissant les droits des peuples autochtones à l’autodétermination, aux territoires, aux ressources et au consentement libre, préalable et éclairé, il a été recommandé à l’Instance d’entreprendre une étude approfondie des initiatives entrepreneuriales des peuples autochtones, et aux États de réglementer les activités des sociétés transnationales et autres entreprises commerciales au regard du droit international des droits de l’homme.  Les gouvernements sont encouragés à élaborer et mettre en œuvre des plans d’action nationaux en vue de l’application des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme y compris des mesures spécifiques pour protéger les droits des peuples autochtones et faciliter leur participation effective à ce processus.  Les entreprises ont également été appelées à maintenir un dialogue constructif avec les peuples autochtones afin d’obtenir leur consentement libre, préalable et éclairé pour toutes les décisions et activités de l’entreprise qui les concernent.  Les entreprises et les investisseurs doivent en outre adopter une politique de tolérance zéro à l’égard des attaques dont sont victimes les défenseurs autochtones dans le cadre de leurs activités 

Dans une étude consacrée aux peuples autochtones et aux conflits liés aux ressources au Sahel et dans le bassin du Congo, présentée par Mme HINDOU OUMAROU IBRAHIM (Tchad), membre de l’Instance, en collaboration avec M. VITAL BAMBANZE (Burundi), membre de l’Instance, les deux auteurs ont ensuite formulé des recommandations portant sur la réforme des institutions internationales et régionales, et le soutien financier.  Au niveau national, ils ont notamment appelé à élaborer des politiques avec la participation d’organisations des peuples autochtones, et à veiller à l’inclusion de ces derniers dans les politiques, programmes et partenariats.  Ils ont également formulé des propositions sur la participation des communautés locales à la gestion durable des ressources naturelles. 

À son tour, M. DARÍO JOSÉ MEJÍA MONTALVO (Colombie), Président de l’Instance, qui présentait un rapport sur les droits des peuples autochtones dans le contexte de l’approvisionnement énergétique mondial, a insisté sur le besoin de faire participer les peuples autochtones dans l’élaboration des plans énergétiques au niveau mondial et à l’intérieur des États. 

Le débat s’est ensuite cristallisé sur la lenteur du Gouvernement norvégien à appliquer une décision de la Cour suprême de ce pays dans l’affaire Fosen, initiée en 2016.  Mme ANNE NUORGAM (Finlande), membre de l’Instance, a indiqué que le parc éolien Fosen, le plus grand du nord de l’Europe, a été établi sur le territoire sami sans le consentement libre et préalable de ce peuple autochtone qui a ensuite porté l’affaire devant la justice.  La Cour suprême de Norvège a rendu un verdict unanime le 21 octobre 2021 remettant en cause la validité de l’autorisation du projet.  Toutefois, les éoliennes continuent de fonctionner en dépit du verdict de la Cour qui stipule que la zone d’implantation ne peut pas être utilisée.  Six mois après, le Gouvernement norvégien n’a rien fait face à cette violation des droits humains des Sami et n’a pas non plus indiqué quand les éleveurs pourront jouir de leur culture dans cette région, a déploré Mme Nuorgam qui a demandé au Gouvernement de la Norvège les raisons de son inaction.  Le Président du Parlement sami de Finlande a demandé à l’Instance d’aider à mettre en œuvre la décision de la Cour suprême.  Au nom des pays nordiques (Danemark, Islande, Norvège et Suède), la Finlande s’est préoccupée de l’augmentation des représailles contre les défenseurs des droits humains des peuples autochtones. 

L’Union européenne (UE) a mis l’accent sur le comportement responsable des entreprises, les engageant à prendre des mesures pour éviter de violer les droits des peuples autochtones.  Pour sa part, l’UE a mis en place des mécanismes leur permettant de déposer des plaintes et a établi un fonds doté de 7 millions d’euros pour les défenseurs des droits des peuples autochtones, a fait savoir la délégation. 

Asian Indigenous People Act a recommandé de faciliter un engagement constructif et efficace avec les gouvernements, les organisations intergouvernementales et les organismes internationaux compétents afin de soutenir le dialogue en ouvrant la voie à l’autodétermination des peuples autochtones.  Des partenariats seront également nécessaires pour soutenir cette mobilisation politique.  Sur ce dernier point, plusieurs délégations ont appelé à réexaminer le principe de partenariat avec les peuples autochtones afin de surmonter la complexité des défis auxquels ils sont confrontés.  Pour que le respect et l’autorité soient reconnus, la gouvernance doit s’exercer de façon à affirmer l’autodétermination de tous et de leur permettre de prospérer équitablement y compris les Maoris, a estimé la Nouvelle-Zélande

Pour le Guyana, il faut inclure les peuples autochtones dans les plans et stratégies de développement et de création d’emplois à faible émission de carbone et équiper les communautés en énergie renouvelable.  Au Burundi, le Gouvernement a créé des « coopératives collinaires », et leur offre des crédits à travers des banques de développement pour les Batwa.

L’Association des femmes peules et des peuples autochtones du Tchad a déploré un cadre juridique défaillant pour défendre les droits des peuples autochtones, notamment en matière de justice et d’accès aux services de base.  Elle a recommandé l’octroi d’une formation et des moyens de gestion durable des ressources et des résolutions de conflits.  L’Afrique du Sud a dénoncé les lacunes juridiques au niveau international pour obliger les entreprises à respecter les droits fondamentaux des peuples autochtones, y compris le droit de recours pour les victimes.  Le principe de consentement libre, préalable et éclairé est foulé au pied, a-t-elle déploré.  Préoccupée du fait qu’au Pérou, les prérogatives de l’État comme la police et la justice sont au service des entreprises extractives, l’Organisation nationale des femmes autochtones en Amazonie a recommandé à l’Instance de faire pression sur le Gouvernement péruvien pour qu’il adapte sa législation à la Convention 169 de l’OIT.  De son côté, l’Assemblée des Premières Nations a appelé à remédier au fait que les lois coutumières autochtones et la Charte des Nations Unies sont irréconciliables. 

Les États-Unis ont annoncé que s’agissant du nouvel instrument sur les entreprises transnationales, ils sont favorables à une approche dans le sens des principes directeurs des Nations Unies basés sur le consensus et un processus multipartite.  Mais, ont-ils ajouté, un traité est trop rigide pour satisfaire les différentes préoccupations.  Quant à la façon d’améliorer le respect des droits humains par les entreprises transnationales, nous sommes prêts à envisager d’autres instruments « contraignants ou non contraignants » avec les États Membres et les communautés autochtones afin de faire fond sur les progrès réalisés en vertu des grands principes des Nations Unies.

L’Australie a rappelé sa joie d’avoir été coauteur des principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.  Le Gouvernement a en outre élaboré un guide australien pour les entreprises qui donne des instructions pour la mise en œuvre de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et pour le respect du consentement libre, préalable et éclairé. 

Le Mexique a dit que les États doivent soutenir les mesures favorables aux entrepreneurs autochtones.  Sur le plan international, la délégation a appelé à un instrument contraignant sur la responsabilité des entreprises en matière de protection.  Elles doivent s’engager à respecter les droits humains et mener des études préalables pour tenir compte des intérêts et des droits des peuples autochtones.  Le délégué a aussi appelé les multinationales à protéger les défenseures et les femmes gardiennes des sites et des cultures autochtones.  La Coordination nationale des femmes autochtones du Mexique a demandé la suspension de la réforme constitutionnelle autochtone.  Elle s’est opposée à la disparation de l’Institut national de langues autochtones et demandé des sanctions contre les dégâts matériels et physiques subis par les femmes et enfants autochtones à cause de l’implantation d’entreprises minières sur leurs terres. 

La Fédération de Russie a invité à s’inspirer des expériences de gestion autonome des 180 peuples autochtones de son pays qu’ils ont développées depuis 1 000 ans.  Leur expérience peut servir aux régions du monde.  Pour l’Espagne, il est évident qu’il existe différentes interprétations de l’application du principe de consentement libre, préalable et éclairé.  Il existe également une bonne base sur laquelle travailler, par exemple la Déclaration universelle des droits des peuples autochtones, les principes directeurs sur les entreprises et les droits humains et les différentes législations nationales.  Il faut poursuivre les travaux pour faire en sorte que les peuples autochtones aient l’impression que cet instrument est efficace et est à même de défendre leurs droits et que ça ne soit pas uniquement pour la forme. 

L’Agence de coopération espagnole par l’entremise du programme autochtone promeut depuis 10 ans un dialogue entre les peuples autochtones, les entreprises et les gouvernements.  Elle promeut également des pratiques et procédures exemplaires pour sensibiliser aux normes internationales et consultations en matière de principe de précaution, de garantie du consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones.  L’Espagne s’engage en outre à protéger les défenseurs des droits humains en danger comme en 2021 où elle a accueilli 14 dirigeants environnementaux autochtones d’ascendance africaine sur un total de 24 personnes qui avaient été accueillies en 2021. 

Selon le Fonds pour le développement des peuples autochtones d’Amérique et des Caraïbes, le projet d’instrument international juridiquement contraignant pour réglementer les activités des sociétés transnationales et autres entreprises commerciales au regard du droit international des droits de l’homme est important pour intégrer le secteur privé et prendre des mesures positives favorables à la réalisation des droits humains 10 ans après l’adoption de ces principes.  Nous sommes très loin de leur application systématique et efficace, a regretté le représentant pour qui la persistance des abus des entreprises est source de vive préoccupation et frustration.  Cela devrait devenir une priorité des États et des entreprises. 

Au Kenya, le JAMII ASILIA CENTRE a dénoncé l’expulsion des peuples autochtones de leurs terres ancestrales ouvrant la porte à une réserve nationale qui a provoqué la perte de la tradition et de la culture autochtones.  Ces difficultés sont aggravées par les changements climatiques et le Gouvernement n’applique pas les recommandations de l’Union africaine sur la question demandant de restituer les terres ancestrales aux peuples autochtones et offrir des compensations.  En Australie, l’Association des peuples autochtones a affirmé avoir une plainte contre la loi australienne qui permet la destruction des sites autochtones en toute légalité par les entreprises.  Où irons-nous lorsque nos sites traditionnels seront détruits?  Le principe de consentement libre, préalable et éclairé est contourné par cette loi, a protesté la représentante qui a demandé l’aide de l’Instance. 

De nombreuses délégations de peuples autochtones ont en fait prié l’Instance de leur venir en aide et ont recommandé des actions à l’instar l’association ROCHUN qui a demandé la levée de la loi martiale au Myanmar et d’examiner la situation des peuples autochtones dans ce pays.  La Communauté internationale des peuples autochtones de Russie a mis en garde contre le soi-disant souci dont font preuve les entreprises russes pour les peuples autochtones: « sachez qu’avant tout, ce sont des mensonges, de la propagande. »  La Native American Rights Fund a dit qu’elle est très préoccupée s’agissant du traitement des peuples autochtones comme une simple partie prenante dont les intérêts doivent être mis en équilibre avec l’intérêt des filières industrielles.  Les peuples autochtones ne sont pas de simples parties prenantes.  Ils sont les détenteurs des droits juridiques, a rappelé la représentante de cette ONG. 

L’Indonésie a exigé que l’Instance ne soit pas utilisée par des groupes hostiles à son gouvernement pour saper le principe de souveraineté nationale, d’indépendance et d’intégrité territoriale.  L’Éthiopie a dit que le concept de peuples autochtones et son utilisation dans le contexte éthiopien sont erronés.  Ce classement ne s’applique pas à l’Éthiopie car nous sommes composés d’une mosaïque de citoyens et nous sommes tous Éthiopiens et habitants du pays.  La déléguée a prié d’ôter toute notion néfaste à l’Éthiopie dans le rapport à l’avenir. 

L’Ukraine a accusé la Fédération de Russie des graves violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme étant donné que depuis l’occupation de la Crimée en 2014 et le 24 février dernier, les troupes russes se sont livrées à des exécutions arbitraires, à des disparitions forcées de la population locale, y compris des Tatars de Crimée.  La Russie refuse de reconnaître le droit des Tatars de Crimée au consentement libre, préalable et éclairé, a ajouté le représentant qui a demandé le soutien de l’Instance et des Nations Unies de garantir l’application de ce principe pour tous les peuples autochtones. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Financement du développement: l’ECOSOC se penche sur les questions de reprise post-COVID-19 « juste et durable » et de dette extérieure

Session de 2022,
Forum sur le suivi du financement du développement, 3e et 4e séances, matin et après-midi
ECOSOC/7079

Financement du développement: l’ECOSOC se penche sur les questions de reprise post-COVID-19 « juste et durable » et de dette extérieure

Retrouver le chemin du développement durable dans le contexte actuel ne sera pas chose facile.  Les participants de la réunion spéciale de haut niveau tenue aujourd’hui, à New York, en sont tous convenus à des degrés divers.  L’événement réunissait, entre autres, des représentants des institutions de Bretton Woods ‑Fonds monétaire international (FMI) et Banque mondiale- accompagnés de ceux de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED).  Pandémie, conflit en Ukraine, inflation, augmentation des taux d’intérêt pour endiguer ladite inflation entraînent un cercle vicieux d’appauvrissement des pays et « des arbitrages difficiles », a concédé une représentante du FMI au matin de cette seconde des quatre journées du forum du Conseil économique et social (ECOSOC) consacré au suivi du financement du développement. 

Les délégations d’États Membres, composées de nombreux ministres, ont débattu avec des experts et des représentants d’ONG qui se sont succédé pour diagnostiquer les difficultés et tenter d’offrir des réponses à un dilemme: comment consacrer tous les efforts possibles à la reprise économique à court terme, alors même que la pandémie a coupé l’élan des pays en situation particulière et que leurs dettes et leurs intérêts associés s’accumulent, et tout en s’adaptant à la crise climatique, une menace existentielle qui s’étale sur un temps long et réclamera d’immenses efforts d’adaptation?  « Œuvrer à une économie mondiale plus résiliente tout en mettant en œuvre l’Accord de Paris sur les changements climatiques et en accélérant la numérisation des économies nationales pour les rendre plus inclusives », comme l’a formulé le Président du Comité monétaire et financier international du FMI, M. Carlos Cuerpo, semblait pour certains intervenants relever de la quadrature du cercle. 

Pour le Président de l’ECOSOC, M. Collen Vixen Kelapile, la relance passe d’abord par une « distribution plus juste et plus équitable des vaccins » contre la COVID-19.  En second lieu, les économies en développement doivent toujours lutter pour stimuler l’investissement, ce qui les poussera probablement vers une trajectoire de croissance plus faible à long terme.  Il leur sera donc plus difficile de se remettre du recul des gains de développement entraîné par la pandémie, a craint M. Kelapile, en prévoyant avec pessimisme une augmentation persistante du chômage, de la pauvreté et des inégalités.  D’autant que des redressements fiscaux et monétaires pourraient accentuer le ralentissement de la croissance et remettre en question la réalisation des ODD, a averti Mme Maimuna Kibenga Tarishi, Présidente du Conseil du commerce et du développement de la CNUCED.

De l’avis de la Colombie, rapprocher les besoins de financement à court terme (croissance, élargissement de l’assiette fiscale) et les besoins à plus long terme (adaptation aux changements climatiques) s’annonce particulièrement épineux.  Les efforts pour combler les écarts en matière de financement face à la pandémie, pour se rétablir et se préparer à de futures crises, requièrent d’abord une prise en main par les pays eux-mêmes, a jugé M. Takuji Tanaka, du FMI.  Il faut en particulier que les gouvernements et les parlements budgétisent de manière spécifique le financement des ODD.  Ce n’est que dans un second temps que le FMI facilitera l’accès des pays en développement aux marchés de capitaux pour y trouver d’autres ressources complémentaires, qui financeront, à crédits, leur redressement économique postpandémie et leurs services publics.

Le conflit en cours en Ukraine et ses conséquences sur l’économie mondiale ont suscité de nombreux commentaires.  Administrateur à la Banque mondiale, M. Koen Davidse a indiqué que la Banque travaille sur une réponse coordonnée face à la hausse des prix des carburants et des produits alimentaires dans les pays touchés directement ou non par le conflit en Ukraine.  Du côté du FMI, M. Cuerpo a assuré que la priorité des membres du Fonds est qu’il soit mis fin à la guerre en Ukraine, ainsi que d’assurer la solvabilité macroéconomique et la sécurité alimentaire des pays les plus vulnérables.

Sur la question de la dette extérieure, les participants ont évalué comment celle-ci peut être une source de financement fiable du développement à long terme, et deux visions antagonistes ont semblé s’exprimer.  À l’opposé des tenants d’une stratégie visant à rendre positive la dette, les représentants de la société civile ont considéré que la dette était une impasse.  Pour eux, les institutions financières ont tort de se focaliser sur les prêts, lesquels n’aboutissent qu’à l’accumulation de toujours plus de dette via l’accès des pays les plus endettés aux marchés financiers.  Ils ont reçu sur ce point le soutien du représentant du FMI pour qui le Cadre commun du G20 sur la restructuration de la dette des pays les plus pauvres ne fonctionne pas.  Partant de ce constat, ce dernier a proposé de temporiser la recherche d’une refonte du système financier mondial, pour se concentrer dans un premier temps sur des réformes au plan national.  Un autre Administrateur à la Banque mondiale, M. Armando Manuel, a, lui, souligné que la dette extérieure, qui avait commencé d’augmenter avant la pandémie, avait atteint en Afrique subsaharienne des niveaux insoutenables, nécessitant des quantités de financement impossibles à lever.  En somme, a-t-il ironisé, les pays en développement ont besoin de plus de dette pour faire face au problème de la dette.

Lors du débat général qui a suivi, et qui a entendu une quarantaine d’États Membres, plusieurs pays en développement ont appelé les pays développés à respecter leurs engagements antérieurs.  Le Guyana leur a notamment rappelé celui de consacrer 0,7% de leur PIB à l’aide publique au développement (APD), « un moyen essentiel pour les pays vulnérables d’accéder à des fonds constants ».  La Norvège a, quant à elle, appelé de ses vœux la tenue d’une nouvelle conférence internationale sur l’APD, dont son pays est l’un des principaux contributeurs.

Le forum poursuivra ses travaux demain, mercredi 27 avril, à 10 heures. 

FORUM DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL SUR LE SUIVI DU FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT

Réunion spéciale de haut niveau avec les institutions de Bretton Woods, l’Organisation mondiale du commerce et la CNUCED

Déclarations liminaires

M. COLLEN VIXEN KELAPILE, Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a constaté que le monde est confronté à une accumulation de défis sans précédent: la pandémie, les pressions inflationnistes et les tensions géopolitiques, tout cela pèse sur les efforts de reprise économique.  Il a décrit des contraintes budgétaires encore plus strictes, des niveaux de dette publique très élevés, couplés au ralentissement des perspectives de croissance, qui continueront à limiter la marge de manœuvre budgétaire. 

Les économies en développement luttent toujours pour stimuler l’investissement et la demande globale, ce qui les poussera probablement vers une trajectoire de croissance plus faible à long terme.  Il leur sera donc plus difficile de se remettre du recul des gains de développement entraîné par la pandémie, a craint M. Kelapile en prévoyant une augmentation persistante du chômage, de la pauvreté et des inégalités.  En parallèle, les émissions de gaz à effet de serre sont de nouveau en hausse, menaçant la vie et les moyens de subsistance de millions de personnes, a-t-il ajouté.  À son avis, un seul de ces défis suffirait à faire dérailler les efforts mondiaux pour atteindre les objectifs de développement durable. 

Pour y faire face, la coopération internationale sera essentielle, a posé le Président de l’ECOSOC en prônant, pour arriver à une croissance mondiale plus équilibrée et plus inclusive, une « distribution plus juste et plus équitable des vaccins ».  Il a également recommandé d’adopter de nouvelles approches mondiales et régionales pour répondre aux besoins urgents de liquidités et aux vulnérabilités croissantes en rapport à la dette –notamment, en renforçant l’architecture internationale de la dette- et en tenant bien compte des besoins des pays en développement les plus vulnérables.  La création récente du fonds fiduciaire pour la résilience et la viabilité est une évolution bienvenue; sa mise en service devrait être accélérée, a encouragé M. Kelapile.  Le Président a aussi jugé crucial de revitaliser le système commercial multilatéral en vue de promouvoir le développement durable, ainsi que de réformer le système fiscal mondial, afin qu’il profite également aux pays en développement.  Il a enfin encouragé la promotion des investissements publics dans la sécurité sociale, l’éducation et la résilience climatique, afin de réduire la fragilité face aux chocs futurs. 

Mme AZUCENA ARBELECHE, Ministre de l’économie et des finances de l’Uruguay et Présidente du Comité ministériel conjoint des conseils des gouverneurs de la Banque mondiale et du FMI sur le transfert de ressources réelles aux pays en développement (Comité du développement), a indiqué que lors d’une réunion récente à Washington, le Comité avait encouragé les deux institutions qu’il conseille à élargir l’accès à leurs ressources aux pays en développement les plus durement touchés tant par la pandémie de COVID-19 que par les effets de la guerre en Ukraine sur la sécurité alimentaire.  Notre doctrine est de promouvoir la stabilité économique, y compris dans les contextes les plus troublés, a-t-elle ajouté, rappelant la confiance du Comité dans le multilatéralisme renforcé pour solutionner les divisions à l’origine des tensions.  À cet égard, elle a signalé que le Comité avait demandé au Groupe de la Banque mondiale de se coordonner plus avant avec les banques multilatérales mais aussi le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC).  S’agissant de la lutte contre les changements climatiques, il est temps de passer d’un engagement de haut niveau à des résultats réels et visibles, cela en développant plus rapidement les marchés de capitaux nationaux et en mettant l’accent sur l’emploi des femmes et des filles afin rendre le relèvement socioéconomique inclusif, a encore recommandé Mme Arbeleche. 

Mme MAIMUNA KIBENGA TARISHI, Présidente du Conseil du commerce et du développement de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a rappelé que les répercussions de la pandémie peuvent heurter un redressement économique fragile, et que la guerre en Ukraine a eu de grandes répercussions sur les économies, surtout celles des pays en développement.  Dans un tel contexte, le redressement fiscal et monétaire peut accentuer le ralentissement de la croissance et remettre en question la réalisation des ODD, a-t-elle mis en garde.  Elle a déploré que, en dépit de ces crises multiples, la volonté de reconnaître l’ampleur et les défis des pays en développement manque cruellement.  Pour lancer la transition vers un monde décarboné, nous devons joindre l’action à la parole, a-t-elle martelé avant de détailler le plan de travail « ambitieux » de la CNUCED: équité dans l’accès aux vaccins, résilience du système financier, question de la dette, atténuation du fossé numérique.  Il s’agit aussi d’encourager l’accès des pays en développement aux outils de financement de la transition climatique, a-t-elle ajouté.  S’agissant de la dette souveraine, elle a recommandé une restructuration permanente.  Elle a aussi appelé à prêter une attention spéciale aux pays les moins avancés (PMA) et aux autres pays vulnérables, qui n’ont pas accès aux besoins de base et sont victimes de la hausse des taux d’intérêt, entravant leur capacité à rembourser leurs emprunts.  Une reprise verte, bleue, des transitions justes, un accès abordable à Internet et à la numérisation pour réduire la fracture numérique: voilà les points sur lesquels il faut insister pour réduire les inégalités entre pays, selon Mme Tarishi.  Pour faire sa part, la CNUCED est prête à organiser des réunions consacrées au commerce, aux transports et à la dette.

M. CARLOS CUERPO, Secrétaire général du Trésor de l’Espagne et President du Comité monétaire et financier international du FMI, a déploré que la reprise postpandémie connaisse des revers en raison de la guerre en Ukraine, la crise s’aggravant en devenant des crises énergétique et alimentaire à l’échelle mondiale.  Il a rappelé que, dans ce contexte, la priorité des membres du FMI est qu’il soit mis fin à la guerre en Ukraine et d’assurer la solvabilité macroéconomique ainsi que la sécurité alimentaire des pays les plus vulnérables.  Le FMI plaide également pour le maintien de la viabilité budgétaire à long terme de ces mêmes pays tout en continuant à protéger la santé des populations, a-t-il ajouté.  Pour M. Cuerpo, la communauté internationale doit œuvrer à une économie mondiale plus résiliente tout en mettant en œuvre l’Accord de Paris sur les changements climatiques et en accélérant la numérisation des économies nationales pour les rendre plus inclusives.  Enfin, après avoir réaffirmé la nécessité cruciale de doter le FMI des ressources nécessaires au déploiement équitable d’aides et programmes basés sur des quotas, il a estimé que le multilatéralisme « est le seul moyen de relever les défis communs auxquels nous sommes tous confrontés ». 

Dialogue interactif

Le dialogue interactif qui débutait sur le thème « Garantir une reprise juste et durable » a été animé par M. DAVID FAIRMAN, Directeur général du Consensus Building Institute, en compagnie de directeurs exécutifs du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale.

Parvenir à un développement inclusif n’est pas facile dans un tel contexte mondial, a reconnu d’emblée M. MERZA HASAN, Doyen du Conseil des administrateurs du Groupe de la Banque mondiale, pour qui les institutions telles que la Banque mondiale ont un rôle crucial à jouer pour renforcer la stabilité et assurer une riposte solide.  Le double effet de la contraction des PIB et de l’augmentation des dépenses des gouvernements du fait de la pandémie, ajouté à l’augmentation du chômage et des inégalités, nous empêche de réaliser les ODD, a-t-il constaté, d’autant que l’augmentation des prix de l’énergie et des biens de base aboutit à une inflation élevée.  Ce diagnostic posé, M. Hasan a appelé à ne pas perdre de vue les objectifs à long terme comme l’adaptation aux dérèglements climatiques: il faut tirer parti des réformes structurelles positives comme la transition numérique accélérée par la pandémie.  Il a enfin appelé à investir dans le capital humain.

Les mêmes crises et leurs effets ont été constatés par Mme ITA MANNATHOKO, Présidente du Comité de liaison du FMI avec la Banque mondiale et d’autres organisations internationales: pandémie, Ukraine, inflation et augmentation des taux d’intérêt pour endiguer ladite inflation, le tout entraînant un cercle vicieux et « des arbitrages difficiles ».  Elle a misé sur ce forum pour « faire des percées » en matière d’innovation, car il faut tenir les promesses en matière d’investissements.  Elle a donc appelé à faire preuve d’inventivité, sans perdre de vue les questions à long terme, comme les changements climatiques et les questions de genre.  Pour sa part, le FMI fournit 1,4 milliard de dollars de financement pour l’Ukraine et participe à ses efforts de reconstruction, a signalé Mme Mannathoko.  Elle a ajouté que le Fonds appuie les 20% des pays les plus fragiles et touchés par les conflits, leur dédiant 300 milliards de dollars pour maintenir leur accès aux liquidités, sans compter l’émission de droits de tirage spéciaux (DTS). 

Le modérateur M. Fairman a posé les questions cadre du débat interactif, dont la première, cruciale: Comment les pays peuvent-ils investir dans de meilleures capacités de préparation et de réponse aux crises, tout en répondant aux besoins urgents de dépenses liés à la pandémie?

Élargir l’espace fiscal des pays est une solution, a proposé M. DIEGO PARY RODRÍGUEZ (Bolivie), Vice-Président de l’ECOSOC, en appelant à tenir compte des réalités et des capacités nationales, et des caractéristiques des pays en situation particulière.  Il a estimé que les conditions d’accès au financement devraient être plus favorables pour les pays en situation « particulière », qui devraient aussi bénéficier d’un plus grand accès aux DTS. 

Il y a aussi les pays en situation « intermédiaire », tels que la Colombie, pour lesquels les institutions de Bretton Woods devraient jouer un rôle actif d’information précise sur l’accès aux financements, a déclaré le représentant de la Colombie, au nom d’un groupe de pays en situation intermédiaire.  Il a évoqué la difficulté de rapprocher les besoins de financement à court terme (croissance) et les besoins à plus long terme (adaptation aux changements climatiques).

Les efforts pour combler les écarts en matière de financement dans la réponse à la pandémie, se rétablir et se préparer à d’autres crises requièrent une prise en main par les pays, a estimé M. TAKUJI TANAKA, Administrateur au FMI.  De son côté, le Fonds a mis en place un nouveau mécanisme de prêt, qui pourrait faciliter la participation des institutions financières en accélérant la transition.  La Suède, « au nom d’un groupe de pays comprenant la Bulgarie et d’autres pays », a plaidé plus largement pour la participation de « tous », y compris le secteur privé, pour augmenter l’assiette fiscale des pays.  M. KOEN DAVIDSE, Administrateur à la Banque mondiale, a indiqué que l’institution avait levé des ressources supplémentaires (93 millions de dollars) en décembre 2021 pour réduire les délais de financement.  M. Davidse a aussi indiqué que la Banque travaille sur une réponse coordonnée pour répondre à la hausse des prix du carburant et des produits alimentaires dans les pays touchés directement ou non par le conflit en Ukraine.

Dans un contexte si difficile, que peuvent faire les institutions pour soutenir les efforts de nos membres afin de lutter contre les inégalités et d’obtenir un financement approprié pour soutenir la reprise et garantir une transition juste? a encore demandé le modérateur du débat.

Le FMI, selon M. Tanaka, mettra davantage l’accent sur les programmes sociaux, après avoir accordé des prêts rapides et sans condition pendant la première vague de la pandémie.  Et pour assurer une approche équitable et différenciée de la transition climatique, le FMI propose des planchers différents en matière d’émissions de carbone pour les pays en développement, car un même plancher pour tous pourrait avoir des effets pervers. 

L’ONG Forum de politique mondiale a demandé au FMI de se justifier concernant les DTS qui sont attribués aux pays « qui n’en ont pas besoin », notant que « plusieurs milliards de dollars dorment, non utilisés, dans les coffres de ces pays ».  L’ONG a jugé que ces DTS pourraient devenir cruciaux pour la transition climatique et qu’ils devraient vraiment revenir aux pays ayant le plus besoin de liquidités.  Elle a aussi regretté qu’il y ait des conditions d’accès au fonds fiduciaire pour la résilience et la viabilité du FMI, alors que cela n’était pas prévu au départ. 

Quels investissements ou mécanismes fiscaux sont les plus efficaces pour atténuer les impacts négatifs de la transition énergétique sur les populations et les industries vulnérables?  La Chine a formulé son propre plan d’action pour le climat et tente de devenir neutre en carbone d’ici à 2060, mais le charbon, a-t-elle reconnu, reste sa principale source n’énergie aujourd’hui.  La Chine veut donc arriver à une part d’environ 25% des énergies non fossiles dans sa consommation totale d’énergie d’ici à 2030.  « Oui, il faut financer la transition vers les énergies décarbonée », a appuyé le modérateur M. Fairman, qui aimerait voir d’autres pays s’exprimer à ce sujet.

L’Argentine, au nom d’un groupe de pays latino-américains, a plaidé la cause des pays à revenu intermédiaire pour répondre à leurs besoins à court, moyen et long terme.  Concernant les approches vertes, le groupe a insisté sur la nécessité d’un débat pour identifier les thèmes qui pourraient contribuer à obtenir la meilleure stratégie possible pour les pays à faible revenu.  La Banque mondiale se concentre aussi sur la crise climatique, a ajouté M. Davidse, qui a appelé à une collaboration multilatérale accrue.

La deuxième partie de la discussion a porté sur la dette extérieure, les intervenants se demandant notamment comment la dette peut être une source de financement fiable du développement à long terme.  À ces tenants d’une stratégie visant à rendre positive la dette, les représentants de la société civile ont considéré que la dette était une impasse et ont reçu sur ce point le soutien de M. MAHMOUD MOHIELDIN, Administrateur au FMI.

Celui-ci avait d’abord lancé les débats en estimant que le Cadre commun du G20 sur la restructuration de la dette des pays les plus pauvres ne fonctionnant pas, il convient de temporiser la recherche d’une refonte du système financier mondial et se concentrer dans un premier temps sur des réformes au plan national.  Pour le représentant du FMI, il faut en particulier que les gouvernements et les parlements budgétisent de manière spécifique le financement des ODD.  Ce n’est selon lui que dans un second temps qu’il faudra faciliter l’accès des pays en développement aux marchés de capitaux pour y trouver d’autres ressources complémentaires pour financer, à crédits, leur redressement économique postpandémie et leurs services publics.  Lui aussi a plaidé pour la reconnaissance de critères de vulnérabilité aux crises multidimensionnelles favorables aux pays à faible revenu et à revenu intermédiaire.  Il a aussi recommandé une opérationnalisation rapide du Cadre commun du G20, lequel « progresse trop lentement et doit prévoir des mesures claires pour répondre aux besoins réels et fixer un calendrier clair ».

M. ARMANDO MANUEL, Administrateur à la Banque mondiale, a souligné que la dette extérieure, qui avait commencé d’augmenter avant la pandémie, avait atteint en Afrique subsaharienne des niveaux insoutenables, nécessitant des quantités de financement impossibles à lever sur des marchés privés hors d’atteinte financièrement pour les pays de la région ayant besoin de taux préférentiels.  En somme, les pays en développement ont besoin de plus de dette pour faire face au problème de la dette! a-t-il ironiquement relevé.  Pour le représentant, dans un tel contexte, la « nouvelle dette » doit générer plus de revenus et de croissance économique pour devenir profitable.  À cet égard, il a jugé que l’Accord sur la zone de libre-échange en Afrique doit recevoir un appui plus ferme de la Banque mondiale et des banques multilatérales.  La croissance économique doit devenir un objectif de ces institutions, a-t-il considéré, comme le financement accru à des taux concessionnaires et l’octroi de subventions pour les pays plus pauvres. 

M. DIEGO PARY RODRÍGUEZ (Bolivie), Vice-Président de l’ECOSOC, a réagi en ajoutant qu’il est urgent de redistribuer les liquidités mondiales en faveur de ces pays, les programmes de suspension de service de la dette du G20 devant à cette fin être prorogés pour permettre une restructuration de leur dette et leur ouvrir l’accès aux facilités de crédits les plus favorables. 

Pour les représentants de la société civile, les institutions financières ont tort de se focaliser sur les prêts, lesquels n’aboutissent qu’à l’accumulation de toujours plus de dette via l’accès des pays les plus endettés aux marchés financiers.  Ils ont ainsi déploré que les nouveaux emprunts aillent dans la poche des créditeurs en l’absence de mécanismes fonctionnels pour régler pour de bon le problème structurel de la dette extérieure.  Pour eux, le FMI et les créanciers doivent fournir une protection juridique aux emprunteurs qui choisissent de faire défaut par rapport aux créanciers récalcitrants.  Ils doivent aussi faciliter le déploiement de financements publics à taux préférentiels.  La dette n’est pas soutenable si son remboursement empêche les pays de s’adapter au climat et de promouvoir le rôle social des femmes, ont-ils encore convenu.

Le représentant du Brésil a reconnu que pour échapper au piège de la dette, il faut plus de liens entre économie financière et économie réelle, seul moyen de renforcer les capacités productives, d’intensifier les créations d’emplois et de dégager davantage de ressources budgétaires. 

Les représentants de la Banque mondiale et du FMI ont repris la parole pour plaider en faveur de solutions innovantes viables et de réformes nationales propices au financement des ODD via des fonds privés. 

Suite du débat général

M. ASHNI SINGH, Ministre des Finances du Guyana, a déclaré que l’accumulation de volumes de dettes publiques sans précédent pour faire face à la pandémie de COVID-19 conjuguée à la guerre en Ukraine a causé un ralentissement de la croissance mondiale et une hausse nette de l’inflation.  Ce sont les plus vulnérables qui accusent le coup, a-t-il noté, appelant à investir dans la diversification économique pour assurer la sécurité alimentaire, comme s’efforce de le faire son pays.  Enfin, il a appelé les pays développés à honorer leur engagement de consacrer 0,7% du PIB à l’APD, un moyen essentiel pour les pays vulnérables d’accéder à des fonds constants nécessaires à leur développement. 

Mme ALEXANDRA HILL TINOCO, Ministre des affaires étrangères d’El Salvador, a indiqué que son gouvernement s’attache à relancer le commerce local et le secteur du tourisme pour attirer des investissements étrangers stables.  Nous devons nous montrer audacieux en nous ouvrant au monde de l’économie numérique, a reconnu la Ministre.  Elle a cité à cet égard le bitcoin, qui doit être intégré à l’économie, une nouvelle forme de monnaie qui permet d’impliquer des acteurs autrefois en marge de l’économie régulière parce qu’ils ne pouvaient pas financer leurs innovations. 

Mme ÞÓRDÍS KOLBRÚN REYKFJÖRÐ GYLFADÓTTIR, Ministre des affaires étrangères de l’Islande, a appelé à redoubler d’efforts pour s’acquitter des engagements pris il y a sept ans lors de l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Concernant la pandémie, elle a jugé essentiel que chaque pays arrive à un fort taux de vaccination et que la distribution gratuite des vaccins soit une priorité. 

Mme TAKAKO SUZUKI, Ministre des affaires étrangères du Japon, a sévèrement condamné l’agression russe en Ukraine.  Elle s’est dite préoccupée par les retards que la pandémie a entraînés dans la réalisation des objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Le Japon va doubler son assistance pour aider les pays à lutter contre les changements climatiques d’ici à 2025, a-t-elle annoncé avant d’exhorter tous les États Membres à coopérer pour aider les pays en développement à atteindre leurs objectifs.

Mme ANTONETTE TIONKO, Sous-Secrétaire au Ministère des finances des Philippines, a plaidé pour la conduite de « bonnes politiques fiscales » pour s’assurer que les programmes de développement durable aient les moyens d’être mis en œuvre.  Elle a mentionné que le Gouvernement des Philippines a adopté des taxes sur des produits nuisibles pour simplifier le système fiscal tout en le rendant plus efficace.  Elle a appelé au renforcement de l’assistance financière et technique de développement aux pays les moins avancés et à revenu intermédiaire, en particulier dans le domaine des liquidités et du développement vert et inclusif, « conformément aux ODD ». 

M. FRANCISCO ANDRÉ, Secrétaire d’État aux affaires étrangères et à la coopération du Portugal, a estimé vital de répondre aux crises par un engagement commun dans un esprit de solidarité internationale.  Un tel effort passe par des dispositifs de réponse à ces crises qui doivent être portés par l’ONU, a-t-il précisé.  Le Secrétaire d’État a signalé, pour ce qui concerne son pays, que 60% de l’APD portugaise, laquelle a augmenté de 4% en 2021, ont été alloués aux PMA. 

M. WEIPING YU, Vice-Ministre des finances de la Chine, a plaidé pour réduire les inégalités entre pays et trouver un consensus en matière de développement, en respectant le système international avec l’ONU en son centre.  Il faut selon lui s’en tenir au dialogue et promouvoir un développement commun en poursuivant la coopération Nord-Sud avec la coopération Sud-Sud comme complément.  Il a aussi recommandé de remobiliser des ressources, les pays développés devant respecter leurs engagements en matière d’APD.  Il a appelé à respecter un système commercial multilatéral universel, réglementé, ouvert, transparent, prévisible, inclusif, non discriminatoire et équitable sous l’égide de l’OMC.

M. CLEMENCE CHIDUWA, Ministre adjoint des finances et du développement économique du Zimbabwe, a évoqué les répercussions de la COVID-19 sur la mise en œuvre des ODD.  Le pouvoir, les richesses devraient être mieux partagés, a-t-il souhaité en témoignant que le Zimbabwe, comme d’autres pays africains, a enregistré de faibles recettes et a vu se tarir les sources de financement externes.  Les dépenses pour le service la dette grèvent ses capacités à développer des filets de protection sociale, a-t-il reconnu.

M. JONATHAN TITUS-WILLIAMS, Ministre adjoint de la planification et du développement économique de la Sierra Leone, a indiqué que son pays a été moins touché que d’autres par la pandémie, mais que son PIB s’est tout de même contracté de 2%.  Il a dit que l’économie été maintenue à flot grâce à l’aide et à des mesures budgétaires et fiscales, notamment la mise en place d’un système d’administration fiscale numérisé.  La priorité a été donnée à l’inclusion financière des femmes, des jeunes et des microentreprises, a-t-il ajouté. 

Mme Cindy RODRIGUEZ, Vice-Ministre de la coopération et de la promotion internationale du Honduras, a indiqué que les ouragans ayant frappé son pays ces dernières années avaient causé 2 milliards de dollars de pertes pour l’économie nationale.  Cette véritable vulnérabilité climatique creuse les inégalités et exige des réponses rapides, a-t-elle ajouté, plaidant pour que soient trouvées des ressources de financement par le biais de processus d’attribution d’aides simplifiés.  La Vice-Ministre a jugé vitale la résilience des pays en développement pour qu’ils conservent toutes leurs chances de mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030. 

Mme MARTHA DELGADO PERALTA, Sous-Secrétaire chargée des affaires multilatérales et des droits humains du Mexique, a appelé à remédier aux asymétries qui règlent de façon injuste l’obtention des financements du développement.  Les progrès technologiques qui améliorent les conditions de vie de chacun doivent être mieux partagés et devenir un bien commun, a-t-elle demandé, notant que les outils technologiques assurent en outre une mise en œuvre harmonieuse et universelle des ODD. 

M. RUBÉN MOLINA, Vice-Ministre chargé des affaires multilatérales du Venezuela, a noté que la guerre en Ukraine déséquilibre une économie mondiale et interconnectée déjà affectée par la pandémie de COVID-19.  Nos pays ne pourront pas atteindre les ODD si de nouvelles conditions de financement du développement ne sont pas réunies, a-t-il averti, prônant dans ce contexte l’annulation d’une partie de la dette des principaux pays du Sud producteurs d’énergies et de matières premières. 

Selon M. ALEXANDER PANKIN, Ministre adjoint des affaires étrangères de la Fédération de Russie, les ODD sont tout bonnement irréalisables en l’état.  La cause des perturbations actuelles réside dans l’injustice perpétrée par les pays occidentaux, a-t-il argué en s’adressant aux pays en développement.  À son avis, les modèles financiers proposés ne fonctionnent plus.  Il a noté qu’« un pays » tente d’imposer un monopole en matière de télécommunications et que 54 États Membres se trouvent en situation de crise de la dette.  Il a regretté que les pays développés soient « loin de fournir les efforts nécessaires ».  M. Pankin a décrit un système dominé par des pays privilégiés.

Selon M. YURI AMBRAZEVICH, Ministre adjoint des affaires étrangères du Bélarus, les pays développés sapent les progrès en ne tenant pas leurs engagements, que ce soit envers les PMA ou les pays en situation intermédiaire.  Les pays donateurs violent leurs obligations internationales, a-t-il même déclaré avant de dénoncer le fait que le système commercial international soit « floué par des sanctions iniques ».  Il a estimé que les sanctions visant les exportations d’engrais au potassium produits par son pays contribuent à la hausse de la faim dans le monde.

M. STANISLAV RAŠČAN, Secrétaire d’État et Ministre de la coopération au développement de la Slovénie, a dit que son pays a augmenté son aide publique au développement aux PMA.  La Slovénie a également fait don de nombreux vaccins aux pays qui en ont besoin, a-t-il ajouté avant de mentionner aussi son aide humanitaire accrue pour contribuer à faire reculer les crises. 

Mme BJØRG SANDKJÆR, Secrétaire d’État au développement international de la Norvège, a appelé de ses vœux la tenue d’une nouvelle conférence internationale sur l’APD, dont son pays est l’un des principaux contributeurs.  Pour renforcer le cadre multilatéral de coopération en matière de développement, elle a recommandé de donner la priorité à la lutte contre le détournement des flux financiers, à la levée du secret financier et à la lutte contre la fraude fiscale, qui sapent la confiance des populations envers leurs dirigeants politiques et économiques. 

M. AHMAD DE WIMBLEDON, Ministre du Royaume-Uni pour l’Asie du Sud, l’Afrique du Nord, les Nations Unie et le Commonwealth, a rappelé que son pays avait consacré au cours de l’année 2021 quelque 11 milliards de dollars au titre de l’assistance technique au développement et à la relance durable après la COVID-19 dans les pays en développement.  Dans « le monde d’après », il nous faudra changer les modes de financement du développement en prévoyant des investissements de meilleure qualité et en renforçant le rôle des marchés de capitaux dans le financement des initiatives vertes, a-t-il préconisé. 

M. MILTON REIS, Ministre de la planification de l’Angola, a reconnu les difficultés persistantes de son pays pour trouver des financements adaptés à la mise en œuvre au plan national des ODD, qui plus est dans le contexte de la pandémie de COVID-19.  Celle-ci a accentué la crise due à la chute du prix du pétrole au plan intérieur, au point que nous avons dû reporter à 2024 l’adoption de lois environnementales articulées au Programme de développement durable à l’horizon 2030, a-t-il confié. 

M. PETER LAUNSKY-TIEFFENTHAL, Secrétaire général du Ministère fédéral pour les affaires européennes et internationales de l’Autriche, a condamné « l’horrible guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine », « grenier à pain du monde ».  Il s’est félicité des efforts entrepris pour lutter contre les répercussions mondiales de ladite guerre.  Appelant à ne pas baisser la garde dans la lutte contre la pandémie, il a appelé à réduire la fracture vaccinale.  Déplorant le fardeau de la dette qui empêche d’investir dans les ODD, il a salué tous les efforts déployés pour alléger ce fardeau, que ce soit la suspension du service de la dette ou le cadre commun du G20.

Mme SAMANTHA POWER, Administratrice de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), a dénoncé les régimes autoritaires empoisonnant les démocraties ainsi que l’invasion russe en Ukraine, qu’elle a jugée responsable de la hausse de l’inflation dans le monde.  Elle a évoqué des fonds de pension des États-Unis qui investissent dans des pays en développement et a encouragé de tels investisseurs privés, « non traditionnels ».

Mme KAMINA JOHNSON SMITH, Ministre des affaires étrangères et du commerce extérieur de la Jamaïque, a déclaré que son gouvernement s’attache à la bonne réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 en renforçant notamment sa politique de réduction des risques de catastrophe.  Améliorer l’accès aux options financières pour le développement demeure un défi pour les pays de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), y compris les pays à revenu intermédiaire tels que la Jamaïque, a-t-elle fait observer.

M. JOEL SAITOTI TOROME, Secrétaire principal pour la trésorerie nationale et la planification au Département d’État de la planification du Kenya, a souhaité que les pays en développement disposent de l’espace fiscal leur permettant de tenir leurs engagements internationaux et régionaux en matière de mise en œuvre des ODD mais aussi d’offrir à leurs populations éprouvées par les crises sanitaire et climatique des services publics qui les protègent efficacement. 

M. LUIS MADERA, Directeur de la planification économique et sociale au Ministère de l’économie, de la planification et du développement de la République dominicaine, a déclaré que l’emploi des jeunes est le premier moteur de reconstruction économique permettant d’accroître l’espace fiscale et de moderniser et verdir le fonctionnement des sociétés.  Le secteur privé doit être impliqué plus avant dans cet effort de reconstruction et de modernisation, a-t-il ajouté. 

M. CHRISTIAN FRUTIGER, Sous-Directeur général à l’Agence pour le développement et la coopération de la Suisse, a qualifié le Programme 2030 de cadre approprié pour relever les défis à l’ordre du jour du forum.  Nous devons créer ensemble un environnement propice à des investissements durables et canaliser les fonds dans les pays et secteurs où les besoins sont les plus aigus, a-t-il préconisé. 

M. MICHEL MIRAILLET, Directeur général de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international de la France, a appelé à une lutte accrue contre les flux financiers illicites, qui pèse dans la constitution d’un espace fiscal des pays en développement, et à un renforcement des systèmes de santé mobilisant tant l’aide internationale que les ressources domestiques.  La France a fourni 100 millions d’euros au Mécanisme COVAX en 2020, et de nouveau en 2021, et s’est engagée à fournir 100 millions de doses de vaccin.  Il a appelé à mobiliser davantage de capitaux privés pour développer la finance durable. 

M. CHARLES BANDA, Directeur au Département Population et développement au Ministère de la finance et de la planification nationale de la Zambie, s’est dit préoccupé par les effets de la pandémie et des changements climatiques.  Il a cité comme réformes la planification des politiques nationales zambiennes, une stratégie de gestion de la dette à moyen terme (2023-2025), une réforme des secteurs énergétiques et agricoles, la mise en œuvre de modèles de financement mixtes et la gestion stricte du secteur public.  Il a espéré, ce faisant, pouvoir disposer de davantage de ressources de la part de la communauté internationale.

Pour Mme ANA SILVIA RODRIGUEZ ABASCAL, Directrice des organisations internationales au Ministère des affaires étrangères de Cuba, l’APD devrait être le principal axe de développement international, mais les pays développés n’honorent pas leur promesse de lui consacrer 0,7% de leur PIB.  Elle a aussi dénoncé un blocus « criminel » des États-Unis à l’encontre de son pays depuis plus de 60 ans. 

M. IOANNIS SMYRLIS, Secrétaire général aux affaires économiques et à l’ouverture au Ministère des affaires étrangères de la Grèce, a fait état des turbulences subies par l’économie mondiale avant de déplorer la diminution des fonds alloués au développement et au développement durable en particulier.  Les gouvernements doivent faire leur possible pour créer un environnement propice aux investissements en développant le secteur privé et l’accès à l’emploi des femmes et des jeunes, a-t-il recommandé. 

M. ELHADI ISMAIL, Directeur général du Département de la finance extérieure au Ministère des finances et de la planification économique du Soudan, a indiqué que son pays avait lancé un train de mesures économiques qu’un allégement de la dette permise par des programmes de la banque mondiale a rendu possibles.  L’engagement ferme à nos côtés des institutions financières internationales, de l’ONU et de pays partenaires devrait permettre leur mise en œuvre d’ici à 2023, a-t-il ajouté, précisant que ces mesures concernent notamment l’assistance aux familles pauvres et des initiatives de développement dans les domaines de l’eau, de l’agriculture et du numérique. 

M. ENKHBOLD VORSHILOV (Mongolie), au nom des pays en développement sans littoral, a souligné les problèmes majeurs que rencontrent ces pays pour réaliser les ODD.  Nous avons besoin de ressources massives compte tenu des effets ravageurs de la pandémie et de la crise climatique sur les actions de redressement économique, a-t-il noté, appelant à des mesures complémentaires « clefs pour l’essor de nos pays ».  Celles-ci visent la viabilité de la dette, l’APD et les échanges de dettes pour pérenniser l’investissement dans une relance durable, a ajouté le délégué.

M. MUNIR AKRAM (Pakistan), au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a notamment plaidé pour la reconnaissance du droit des pays en développement à utiliser les droits de propriété intellectuelle pour protéger leurs populations, les actifs dérobés devant retourner dans les pays d’origine.  Il a aussi demandé un renforcement des mesures de contrôle de l’intégrité financière sur le plan international.  À cet égard, il a considéré que les questions fiscales devraient être à l’ordre du jour d’un groupe d’experts gouvernementaux désigné par le Secrétaire général et établi par un vote de l’Assemblée générale. 

M. SYED MOHAMAD HASRIN AIDID (Malaisie) a appelé à ne pas réduire à néant les gains difficilement acquis durant la pandémie.  À cet égard, il a indiqué que son pays a mis en place un fonds d’affectation spéciale à la réalisation des ODD, avec une contribution initiale de 20 millions de dollars.  Ce fonds démontre la détermination totale du Gouvernement de la Malaisie dans ce domaine, a-t-il souligné.  Il a appelé à s’intéresser au système de financement islamique mis en place dans son pays et à ses certificats sur 10 ans, qui constituent la première obligation de ce type émise pour des projets environnementaux et pour atteindre les ODD. 

M. WALTON ALFONSO WEBSON (Antigua-et-Barbuda), au nom de l’Alliance des petits États insulaires en développement, a déclaré que la reconstruction économique de ces pays devait être inclusive et se fonder sur leurs capacités de résilience.  Il a souligné l’importance, dans cette optique, de mettre en œuvre le Programme 2030 pour les pays menacés dans leur existence même par les changements climatiques.  L’objectif de 100 milliards de dollars de fonds climatiques est à notre portée, a-t-il assuré, ces fonds étant essentiels pour concrétiser le pilier environnemental du développement durable. 

M. ONCU KECELI (Turquie), au nom des pays du groupe MIKTA (Mexique, Indonésie, République de Corée, Turquie et Australie), a appelé à accélérer les efforts pour mettre en œuvre les ODD, et à assurer la cohérence et l’harmonie des actions engagées en matière de développement par les institutions financières internationale.  Il a plaidé pour un commerce mondial ouvert et fondé sur des règles contraires au protectionnisme, cela dans le cadre d’une OMC réformée. 

M. IBRAHIM ZUHAREE (Maldives) a appelé à permettre un accès équitable aux vaccins et aux équipements de santé, sachant que les Maldives ont dépensé des sommes colossales dans ce domaine tout en souffrant de la disparition subite du tourisme pendant la pandémie.  Il a appelé à l’aide via des prêts à faibles taux d’intérêt notamment, afin de construire une économie autonome et de nouveau en croissance.  Il a ramené les pays développés à leur responsabilité quant à la délivrance des 100 milliards de dollars prévus chaque année pour aider les pays en développement, et notamment les petits États insulaires en développement (PEID), à financer leurs actions de lutte contre les changements climatiques.

La représentante d’Oman a souligné la nécessité de soutenir les pays en développement et les PMA dans leurs efforts de développement.  Convaincue du rôle de l’ONU et de « son écosystème », elle a souligné l’importance de la lutte contre la fracture numérique et de la collecte, de la supervision et de l’analyse de données.  Le sultanat, guidé par le Programme de développement durable à l’horizon 2030, s’est engagé à encourager l’entrepreneuriat, la cohésion sociale et l’approche participative dans ses axes de développement, a témoigné la représentante.

M. MHER MARGARYAN (Arménie) a jugé urgent de combler les lacunes en matière de financement pour le développement et d’harmoniser les politiques de financement.  Il s’est prévalu d’un cadre de financement intégré adopté pour l’Arménie, qui permettra de renforcer l’architecture de financement.  Il a aussi évoqué un environnement propice pour le secteur privé en Arménie grâce au développement de son secteur numérique.

M.EMIL BEN NAFTALY (Israël) a dit que son pays s’est engagé pour la réalisation pleine et entière du Programme d’action d’Addis-Abeba.  Il s’est dit préoccupé par la hausse de l’inflation et par les différentes entraves aux efforts de relance.  Il a encouragé à suivre l’approche israélienne d’une « collecte fiscale plus efficace ».  Le représentant a insisté sur la nécessité de trouver des solutions pour l’adaptation aux changements climatiques, ajoutant qu’Israël se tient prêt à partager son expertise en matière de gestion de l’eau et de développement numérique.  Le pays s’est engagé à abandonner totalement l’utilisation du charbon comme source d’énergie d’ici à 2025, a-t-il aussi fait valoir. 

M. AMRIT BAHADUR RAI (Népal) a estimé nécessaire de renforcer la coopération internationale pour réaliser l’équité vaccinale, surmonter les défis liés à la dette souveraine qui étranglent des pays en développement et pour que l’engagement de consacrer 0,7% du PIB des pays développés à l’APD à « nos pays » soit efficacement respecté.  Sans ressources, nous ne pourrons agir, a-t-il dit. 

M. MOHAN PIERIS (Sri Lanka) s’est demandé s’il était possible de « reconstruire en mieux sans laisser personne de côté ».  Il faudrait, pour y parvenir, faire de la crise et des tensions internationales une occasion stratégique où l’allégement de la dette serait le levier de la relance économique, a-t-il estimé. 

M. DESIRE WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a appelé à redoubler d’efforts dans la mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba, « dans un esprit de partenariat global soucieux des dimensions sociale et environnementale du développement durable ».  La lutte contre la fraude fiscale devrait être érigée en priorité absolue, a-t-il ajouté, avant d’indiquer que la période 2021-2025 sera celle de l’accélération de la transformation économique et sociale de son pays.  Le représentant a par ailleurs réaffirmé l’engagement de la Côte d’Ivoire à contribuer au renforcement de la coopération internationale en vue de bâtir un monde de paix durable. 

Mme MARÍA DEL CARMEN SQUEFF (Argentine) a rappelé l’attachement de son pays à la mise en œuvre juste et équitable du Programme d’action d’Addis-Abeba et du Programme 2030, c’est-à-dire « en fonction des priorités nationales ».  À cet égard, elle a estimé que l’innovation peut aider à éliminer la pauvreté dans les pays en développement, et que la coopération Sud-Sud a les moyens de gommer les inégalités au plan régional, et ce, « dans le respect des spécificités culturelles locales ».

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Commission de la population et du développement plaide pour des données fiables et de qualité pour recueillir les dividendes démographiques

Cinquante-cinquième session,
Réunion virtuelle & 4e séance plénière, matin & après-midi
POP/1101

La Commission de la population et du développement plaide pour des données fiables et de qualité pour recueillir les dividendes démographiques

Cet après-midi, la Commission de la population et du développement a poursuivi son débat général, entamé hier au niveau ministériel, en plaidant pour de meilleures données et de meilleures informations, mieux ventilées, afin d’optimiser le potentiel du capital humain et d’atteindre les dividendes démographiques, et pour une aide accrue aux systèmes de données en général.  

Il s’agit pour les intervenants de tirer un avantage socioéconomique de la pyramide des âges pour une « meilleure maîtrise de la dynamique » de la population.  Les États Membres doivent renforcer la ventilation des données, notamment par sexe, a suggéré la délégation américaine, soutenue par le Guatemala qui a encouragé les Nations Unies à continuer d’appuyer les autorités nationales et régionales pour renforcer les capacités dans ce domaine.  Cela permettra d’apprécier le « pas franchi », a soutenu le Burundi qui s’apprête à lancer son quatrième recensement général de la population et de l’habitat.

Il faut tirer parti de la riposte à la pandémie de COVID-19 ainsi que de l'action climatique pour construire un avenir plus équitable, plus respectueux de l'égalité des sexes et plus durable pour tous, a résumé une représentante de la jeunesse canadienne.  Sur cet objectif d’égalité, plusieurs délégations se sont inquiétées des discriminations auxquelles font face les femmes et les filles ainsi que les communautés vulnérables, notamment en période de relèvement postpandémie.  La Nouvelle Zélande, par exemple, a craint que les avancées obtenues de haute lutte concernant leurs droits ne soient fortement menacées par la crise sanitaire.

Il faut défendre la jouissance des droits des femmes, des filles et des jeunes, en particulier les droits à la santé sexuelle et reproductive, sans discrimination, ont plaidé plusieurs délégations à l’instar de l’Allemagne qui a promis d’intensifier ses efforts afin de « venir à bout des barrières ».  La violation du droit inhérent et inaliénable de toute personne à la vie n’est jamais la réponse aux défis posés par le développement durable, a voulu mettre en garde le Saint-Siège.

Les défis liés au vieillissement de la population et à la faiblesse des taux de fécondité ont également retenu l’attention des délégations comme le Japon ou Moldova qui a connu une « baisse de 10% de sa population en huit ans ».   Une tendance qui risque de se poursuivre sans politique démographique adéquate, ont averti des représentants, avant que le Chili ne propose un renforcement des capacités des personnes âgées.  En Israël cependant, le rythme est à la hausse et si la tendance actuelle se poursuit, sa population devrait doubler d’ici à 2050 pour en faire « le pays développé le plus densément peuplé de la planète ».

La représentante de la Ligue des États arabes a noté que ces pays connaissent une transformation démographique variable.  Si la Tunisie et le Liban sont en fin de cycle, certains pays n’en sont qu’au début, a-t-elle relevé, indiquant que ce processus devrait durer jusqu’en 2050.  Si cette diversité démographique rend plus difficile la recherche de solutions à l’échelle régionale, elle favorise cependant la coopération.

Cette thématique a d’ailleurs largement été reprise lors de la deuxième table ronde organisée ce matin sur la contribution des principales questions de population et de développement au thème principal du Conseil, à savoir « Reconstruire en mieux après la pandémie de COVID-19, tout en avançant sur la voie d’une mise en œuvre intégrale du Programme de développement durable à l’horizon 2030 ». 

La situation en Ukraine s’est également invitée dans les discussions, plusieurs délégations dénonçant l’impact de la guerre menée par la Fédération de Russie sur les femmes et les filles ukrainiennes, « qu’elles soient réfugiées, déplacées ou victimes de violence sexuelle », selon la Finlande.  Le délégué russe a rétorqué que la Commission de la population et du développement « n’est pas le lieu idoine » pour parler de cette question.

La Commission reprendra ses travaux mercredi 27 avril, à partir de 10 heures.

MESURES POUR LA POURSUITE DE LA MISE EN ŒUVRE DU PROGRAMME D’ACTION DE LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LA POPULATION ET LE DÉVELOPPEMENT AUX NIVEAUX MONDIAL, RÉGIONAL ET NATIONAL - POINT 3 A) - E/CN.9/2022/4

LA POPULATION ET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE, EN PARTICULIER LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE SOUTENUE ET INCLUSIVE - POINT 3 B) - E/CN.9/2022/2, E/CN.9/2022/3

Table ronde multipartite sur la contribution des principales questions de population et de développement au thème principal du Conseil, « Reconstruire en mieux après la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), tout en avançant sur la voie d’une mise en œuvre intégrale du Programme de développement durable à l’horizon 2030 ».

Comment la mise en œuvre du Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) peut-elle contribuer à la relève postpandémie et faire progresser la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), en particulier les ODD 4 (éducation) et 5 (égalité des sexes)?  Ces deux objectifs font partie des ODD en cours d’examen par le Forum politique de haut niveau en 2022, a rappelé Mme MAYRA SORTO (El Salvador), Vice-Présidente de la Commission, qui animait cette table ronde.  Les panélistes ont également réfléchi à la façon de mieux intégrer les défis liés à la population et au développement dans les examens volontaires nationaux.

S’adressant au Professeur OSMAN SANKOH, Directeur général des statistiques en Sierra Leone, la modératrice a demandé quelles mesures devaient être prises par les États Membres et la communauté internationale pour disposer de données démographiques fiables et de qualité, et pour éviter que le fossé numérique ne devienne « le nouveau visage des inégalités ».  Il ne s’agit pas du nouveau visage des inégalités, a répondu M. Sankoh, puisque le fossé numérique existe déjà depuis très longtemps, mais ce fossé risque en effet de devenir plus visible.  C’est pour cela qu’il faut que les États Membres et la communauté internationale misent sur le développement des infrastructures numériques du monde en développement, sans quoi le fossé numérique restera une constante, a-t-il mis en garde.  En parallèle, M. Sankoh a mis l’accent sur l’importance de l’alphabétisation.  Prenant le cas de la Sierra Leone, il a souligné que la plus grande partie de la population vit en zone rurale.  Fort de ce constat, le Gouvernement a mis en place des programmes d’éducation gratuite et de fourniture de repas aux enfants les plus pauvres.  Ces programmes sont d’ailleurs soutenus par la Banque mondiale, a-t-il noté, tout comme ceux visant à améliorer l’accès à Internet et à un compte bancaire, deux initiatives prioritaires dans son pays.  Le niveau élevé des téléphones portables y est encourageant, mais il faut encore progresser en termes de scolarisation des filles, d’éducation financière et de la place des femmes dans le monde numérique.

Interrogé par Mme Sorto sur l’absence de données statistiques démographiques de qualité pour assurer un meilleur suivi de la réalisation des objectifs de développement durable, M. Sankoh a reconnu comme elle l’importance de la collecte de données de qualité.  Il a insisté sur les mérites des technologies numériques à cette fin, car même s’il est onéreux cet investissement est « vite rentabilisé » et induit moins d’erreurs.  C’est d’ailleurs le choix qu’a fait la Sierra Leone depuis 2021, a-t-il expliqué.  Alors que jusque-là, il y avait un recensement de la population tous les 10 ans, le dernier remontant à 2015, le Directeur des statistiques a recommandé un recensement numérique à mi-parcours en 2021, compte tenu des erreurs et lacunes des données collectées en 2015.  Ce nouveau recensement, qui a bénéficié de l’appui de la Banque mondiale, s’est appuyé sur des outils numériques comme les tablettes pour pouvoir notamment travailler en temps réel.  Cela permet de ventiler facilement les données, et de mieux les visualiser, s’est félicité M. Sankoh.  Dans ce contexte, il a plaidé en faveur de davantage de coopération Sud-Sud, mais également d’une meilleure coopération entre la Commission de la population et du développement et la Commission de statistique de l’ECOSOC pour venir appuyer les initiatives des États Membres.

Lui emboitant le pas, Mme CATARINA FURTADO du Portugal, animatrice de télévision et ambassadrice de bonne volonté du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), a incité à agir pour donner un nouvel élan à l’autonomisation des femmes et à leur participation aux processus de prise de décision, surtout après la pandémie qui a mis à mal tous leurs droits et leur place dans la société.  En tant qu’ambassadrice de bonne volonté du FNUAP, Mme Furtado a souligné l’impact disproportionné de la pandémie sur les femmes et les filles, qu’il s’agisse de l’accès aux contraceptifs, de mariages précoces, de la perte d’emplois ou encore de violences domestiques.  Les États Membres et la communauté internationale se doivent de réfléchir et de prendre des mesures concrètes pour garantir la santé sexuelle et reproductive de chaque femme, a-t-elle martelé.  « Chaque grossesse doit être désirée et chaque accouchement doit pouvoir se produire sans risque » ; les filles ne doivent plus être forcées de se marier.  Pour Mme Furtado, il est impensable que les décideurs puissent continuer à ignorer les droits des femmes en matière de santé sexuelle et reproductive.  Elle a cité le cas de la Guinée-Bissau qui, aux prises avec une mortalité maternelle élevée et des mutilations génitales féminines, a décidé au plus haut niveau de s’attaquer à ces problèmes, en collaboration avec le FNUAP, par des efforts de prévention et des campagnes de plaidoyer, y compris avec des chefs religieux, ce qui a eu « un impact immédiat ».  Même son pays, le Portugal, doit remercier le FNUAP pour l’action décisive qu’il a impulsée pour faire baisser le taux de mortalité maternelle dès les années 70, a-t-elle ajouté.

Mme Furtado a dit avoir la chance d’avoir une plateforme qui lui permet depuis plus de 22 ans de parler à la télévision de ces femmes et de ces filles dans le besoin, en mettant l’accent sur leur dignité.  Elle leur a donné une voix et continue de plaider pour leurs droits partout dans le monde.  Quant aux succès rencontrés, elle a évoqué l’expérience du Cabo Verde dans la réduction des grossesses précoces, en collaboration avec le FNUAP et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), ou encore celle de l’Égypte dans la lutte contre les mariages forcés.  Il faut combattre le populisme et la désinformation, continuer à défendre ce qui est juste même si cela est parfois difficile, a déclaré Mme Furtado, en insistant sur l’importance du respect des droits fondamentaux et de l’autonomie des femmes partout dans le monde et en appelant à éliminer les barrières structurelles.  Internet et les réseaux sociaux peuvent être des outils utiles pour que les femmes puissent s’informer, se mobiliser et se battre ensemble, mais, comme elle l’a souligné à son tour, il faut combler le fossé numérique pour qu’elles puissent toutes en tirer parti.

Dans la même veine, la Fédération de Russie a souligné que la pandémie avait aussi eu des répercussions positives puisqu’elle a accéléré la télémédecine.  En Russie, cela a permis des améliorations en termes de détection de maladies et de numérisation des services de santé, a témoigné le représentant, en mentionnant l’efficacité des campagnes de vaccination.  M. Sankoh a rebondi sur ce propos, en expliquant que la Sierra Leone, forte de son expérience avec Ebola, avait pris des mesures précoces qui ont permis à son système de santé, quoique faible, de s’appuyer sur un mécanisme de coordination existant efficace, y compris des systèmes numériques.  Abondant dans ce sens, le Maroc a également mis en avant le recours à la technologie et la digitalisation comme interface de communication avec la population pendant la pandémie.  La planification de proximité doit être promue maintenant, au lendemain de la pandémie, notamment dans le cadre de la santé sexuelle et reproductive.

L’éclairage « jeune » a été apporté ce matin par Mme DALIA MARQUEZ du Grand groupe des enfants et des jeunes de l’ONU où elle est « point focal » sur la consommation et la production durables.  Soulignant que les jeunes représentent plus de 40% de la population mondiale, elle a parlé de leur action aux quatre coins du monde pour sensibiliser à l’impératif de préserver l’environnement et de lutter contre les changements climatiques.  Il convient de changer les politiques publiques et industrielles qui doivent être sous-tendues par des mesures d’efficience, a-t-elle exigé, tout comme il faut interdire les substances toxiques ou à faible possibilité de recyclage, et mettre en place des mesures fiscales pour promouvoir la production durable et l’utilisation d’énergies propres.  La collecte des déchets et le triage doivent être mis en avant, y compris le recyclage dans les économies informelles, a poursuivi la panéliste pour laquelle il faut aussi de renforcer les législations en matière de responsabilité des producteurs et d’utilisation de sacs en plastics à usage unique.  Les subventions aux industries polluantes doivent être arrêtées tout comme les aides fiscales aux industries non durables.  Il convient également d’encourager la production et la consommation locales, a poursuivi Mme Marquez, en prônant des solutions respectueuses de la nature.

Partout les jeunes s’expriment à l’unisson en faveur de la promotion de modes de vie et de consommation durables et de technologies vertes et d’une économie circulaire, a-t-elle lancé, et les jeunes font pression sur les gouvernements et les entreprises.  Elle a plaidé pour leur participation plus marquée aux processus de prise de décision aux niveaux local, régional et international, et dans les fora internationaux comme Stockholm+50.

L’organisation Action by churches together, une coalition de 140 églises et organisations confessionnelles travaillant à travers le monde pour l’égalité des sexes et les droits en matière de santé sexuelle et reproductive, a appelé à reconnaître le rôle des organisation religieuses dans la mise en œuvre du Programme d’action de la CIPD, en arguant qu’elles ont touché certains pans de la population auxquels les gouvernements n’ont pas accès.  À titre d’exemple, le représentant a parlé de son réseau de médecins en Tanzanie qui fournissent la majorité des soins de santé et de prévention. 

Parmi les panélistes de ce matin figuraient également le Vice-Ministre de la santé du Malawi, M. Enock Phale, et le Directeur exécutif de la Commission nationale sur la population et le développement des Philippines, M. Juan Antonio Perez III, dont les interventions n’ont pas pu être prises, faute d’interprétation pour des raisons techniques.

Débat général (suite)

Mme SALEH BIB MOHAMMAD AL-NABET, Président de l’Autorité de la planification et de la statistique du Qatar, a souligné l’importance du facteur démographique dans la « Vision nationale » de son pays pour 2030.  L’objectif, selon elle, est de provoquer un changement quantitatif et qualitatif des variables démographiques par le biais d’un ensemble de plans et de programmes exécutifs.  La déléguée a cité d’importantes réalisations dans les domaines de l’économie, de l’urbanisation, des infrastructures, du numérique, de la santé, de l’éducation et d’autres domaines vitaux.  En 2020, le Qatar s’est classé au 45ème rang sur 189 pays dans l’indice de développement humain 2020 des Nations Unies.  Le taux de participation de la population active au marché du travail a atteint 88,2%, soit l’un des taux les plus élevés du monde, et le taux de chômage n’a pas dépassé 0,1% l’an dernier, le plus bas du monde, s’est-elle enorgueillie.  Dans le même temps, le Qatar a veillé à l’amélioration des conditions de vie de plus de deux millions de travailleurs expatriés avec leurs familles, en réformant la législation du travail et les pratiques qui s’y rapportent.  Pour finir, la déléguée a indiqué que la croissance économique que le pays a connue au cours des dernières décennies lui a permis d’éliminer toutes les formes de pauvreté.

M. ANDREI POPOV, Directeur-général pour la coopération multilatérale, Ministère des affaires étrangères et de l’intégration européenne de la République de Moldova, a souligné les conséquences de la pandémie de COVID-19 sur le développement de son pays, aggravées par la guerre menée par la Fédération de Russie en Ukraine.  Moldova a accueilli plus de 450 000 réfugiés en provenance de l’Ukraine, dont 100 000 ont décidé de rester, soit une augmentation de 4% de la population locale.  Cela ne vient pas sans coût, a souligné le représentant, en évoquant notamment les pressions sur le système de soins de santé et les écoles.  Il a salué à cette égard la disposition de l’ONU et de ses agences à relever le niveau de leur soutien.  Pour sa part, Moldova a connu une baisse de 10% de sa population en huit ans.  Cette tendance risque de se poursuivre sans politique démographique adéquate, a averti le représentant, avec des conséquences telles que le vieillissement de la population.  Afin de réaliser sa nouvelle vision démographique, le Gouvernement veille au soutien aux familles, avec des infrastructures pour les enfants, en encourageant le retour des migrants et en s’efforçant de combler les écarts entre milieu rural et urbain.  Le représentant a insisté sur l’importance des données statistiques de qualité pour pouvoir orienter les politiques, un rôle assumé par le Bureau des statistiques de la République de Moldova.  Promotion de l’emploi et investissements dans la santé font aussi partie des priorités du pays.  Malgré la crise humanitaire et la crise énergétique, Moldova reste toutefois engagé à articuler le développement durable autour du bien-être des citoyens.  Sur le plan international, il faut des mesures de redressement pour éviter une récession économique potentielle, a-t-il conclu.

M. LAURENT BEAUGE, Secrétaire d’État à la population et au développement humain d’Haïti, a rappelé que le développement économique et social dans son pays est entravé depuis des années par les crises politiques, les troubles sociaux et les catastrophes naturelles qui ont contribué à aggraver la fragilité des institutions et la vulnérabilité de la population.  Face à cette situation, son gouvernement a décidé d’amorcer les chantiers de la croissance inclusive, avec l’appui de ses partenaires.  Cependant, le délégué a jugé regrettables « les efforts financiers consentis pour soutenir les guerres au détriment du financement du développement économique et social des populations ».  En effet, a-t-il conclu, les crises et les conflits qui secouent les pays du Sud ne semblent pas être appréciés avec les mêmes échelles de valeur.

M. LANG YABOU (Gambie) a dit vouloir faire fond sur le potentiel des jeunes en Gambie en termes de développement et de croissance économique.  La Gambie a mis en place le Conseil national pour les jeunes et lancé une politique pour les jeunes, ce qui a permis de former un grand nombre d’entre eux et de leur permettre l’accès à l’emploi et à la création d’entreprises.  La croissance économique doit être inclusive, a affirmé le représentant, ce qui signifie des opportunités d’emploi pour les femmes.  Le nouveau Ministère du genre de la Gambie se consacre précisément à l’amélioration du statut économique et social des femmes, a-t-il expliqué, en soulignant la place prépondérante des femmes dans l’agriculture.  Parmi les défis à relever, il a évoqué la fragilité des systèmes de santé et d’éducation du pays, ce qui a été mis en exergue pendant la pandémie.  Le PIB devrait passer toutefois à 5,1% en 2022 grâce aux réformes structurelles en cours, a indiqué le représentant, avant de faire état de progrès dans la planification familiale.  Les taux de malnutrition des enfants et de fécondité ont baissé et la pauvreté a reculé.  En outre, une politique de protection sociale sera mise en place à l’horizon 2025 et la politique démographique est quasiment finalisée.

Mme REIKO HAYASHI, Directrice générale adjointe de l’Institut national japonais de recherche sur la population et la sécurité sociale, a affirmé qu’au Japon le déclin de la population est une tendance constante.  En 2001, lorsque la Division de la population des Nations Unies a publié son rapport sur la migration de remplacement, on pensait qu’une telle option n’était pas envisageable.  En réalité, ces dernières années, environ 40% de la diminution de la population japonaise a été remplacée par l’augmentation du nombre de ressortissants étrangers jusqu’à l’arrivée de la pandémie de COVID-19.

Les « Mesures globales pour l’acceptation et la coexistence des ressortissants étrangers » sont révisées chaque année lors des conférences ministérielles.  La mise en œuvre de ces mesures est essentielle pour créer une société riche en diversité, a fait valoir Mme Hayashi.  Le Japon est engagé dans un certain nombre de collaborations internationales pour relever les défis qui découlent du vieillissement de la population et de la faible fécondité.  Des recherches à ce sujet et sur la prévention des maladies non transmissibles sont menées avec la Chine, la Corée, les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) et diverses autres régions du monde.  Cependant, a-t-elle regretté, la coopération internationale sur l’autonomisation des femmes, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et l’aide à la garde d’enfants en réponse à la faible fécondité est encore limitée.  L’intervenante a encouragé la communauté internationale à accorder une plus grande attention à la question de la faible fécondité, notamment au sein du système des Nations Unies, afin de réaliser une croissance économique soutenue et inclusive.  Toutefois, le développement ne peut être atteint que par la démocratie et la paix, c’est pourquoi l’« agitation internationale » actuelle doit prendre fin le plus rapidement possible.

M. ABDULAZIZ ALATEEK (Arabie saoudite) a fait part de l’attachement de son pays aux questions du développement durable et de la population.  « Notre vision 2030 est un programme qui a pour objectif de réduire le chômage, en améliorant la croissance économique et d’autres indicateurs. »  Il s’agit, a précisé le délégué, de promouvoir une société où chacun puisse mener une vie décente, un environnement sûr pour les familles, des soins de santé de qualité et un service éducatif accessible à tous.  La durabilité est un élément fondamental de cette vision 2030.  Pour réaliser les objectifs de développement durable (ODD) et injecter davantage d’investissements dans ce domaine, l’Arabie saoudite a lancé une stratégie nationale qui vise à réaliser ses objectifs de développement socioéconomique.  Cela a été rendu possible grâce au respect de certaines pratiques, notamment internationales.  Garantir un avenir durable aux populations passe par des actions climatiques, a continué le délégué, citant des initiatives visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de manière significative, notamment celles qui découlent de la production pétrolière et gazière, en les réduisant de 50%.  Il a également évoqué les activités de reboisement avec la plantation de 10 milliards d’arbres à travers le pays et de 50 milliards d’arbres à travers la région du Moyen Orient.

Mme MARIA DEL CARMEN SQUEFF (Argentine) a réaffirmé l’attachement de son pays au Programme d’action du Caire et au Processus de Montevideo.  Pour un système inclusif, les filles et les garçons doivent rester scolarisés de manière à avoir les mêmes opportunités d’emploi, a-t-elle fait valoir, mais il faut aussi encourager l’autonomisation des femmes et reconnaître leur travail non rémunéré qui les empêche d’accéder à l’emploi et à la formation.  Il faut donc des initiatives qui favorisent la justice sociale, a estimé la représentante, en appelant à intégrer cette réflexion dans le débat international.  Elle a appelé à redoubler d’efforts dans le contexte actuel pour assurer les droits de la personne et les droits liés à la santé sexuelle et reproductive pour tous.  En outre, les pays développés doivent soutenir le monde en développement en termes de transfert technologique, notamment pour leur donner les moyens de stabiliser leur croissance économique.

Mme LISA A. CARTY (États-Unis) a insisté sur le lien d’interdépendance entre l’économie, la santé et l’égalité entre les hommes et les femmes.  Poursuivant, elle a mis l’accent sur trois domaines qui méritent une attention particulière.  D’abord, quand les femmes et les filles n’ont pas la possibilité de prendre des décisions sur leur avenir, il faut leur donner plus d’autonomie et l’accès aux droits en matière de santé sexuelle et reproductive, notamment à travers une éducation complète à ce sujet.  Ensuite, il s’agit de reconnaître que la génération de jeunes constitue une catégorie critique pour le changement, c’est pourquoi la déléguée a appelé les États Membres à renforcer la ventilation des données, notamment par sexe.  Enfin, il ne saurait y avoir de progrès vers une croissance inclusive lorsque les femmes et les filles ne peuvent toujours pas participer à la vie publique et sociale.  Pour conclure, la déléguée a évoqué l’initiative lancée par l’Administration Biden-Harris pour l’égalité homme-femme dans le milieu du travail.

Mme NOGA BASAH (Israël) a souligné la difficulté pour les pays d’obtenir une croissance économique soutenue et inclusive alors que le monde continue de faire face aux effets dévastateurs de la pandémie de COVID-19.  Dans ce contexte, a-t-elle relevé, la population d’Israël augmente rapidement et devrait doubler d’ici à 2050.  Si cette tendance se poursuit, Israël est en bonne voie pour devenir « le pays développé le plus peuplé de la planète », a estimé la déléguée, selon laquelle l’un des grands défis est de faire en sorte que les systèmes économiques, sociaux et de santé soient capables de faire face à cette pression.  Malheureusement, les femmes et les filles continuent d’être confrontées à un accès inégal aux ressources et de fournir une part disproportionnée des soins non rémunérés et du travail domestique, ce qui limite leur participation aux sphères de la vie publique, a déploré la représentante, plaidant pour que les efforts de relèvement soient sensibles au genre.  Les droits en matière de santé sexuelle et reproductive sont également essentiels à la réalisation de la justice sociale et des ODD, nous devons les protéger et les satisfaire, a-t-elle dit.  Face à la montée de la violence domestique et sexiste, nous devons garantir que toutes les femmes et les filles aient la capacité de décider de leur corps et soient exemptes de violence, de coercition et de discrimination.  Israël, a-t-elle ajouté, a fait d’énormes progrès en matière d’égalité économique entre les sexes.  Du Gouvernement aux conseils d’administration des entreprises, les femmes jouent un rôle de premier plan dans la société et l’économie israéliennes.

M. SURIYA CHINDAWONGSE (Thaïlande) a expliqué que ces dernières années, les défis démographiques de la Thaïlande ont compliqué ses efforts entrepris pour réaliser un développement durable axé sur la personne.  D’ici à 2037, 30% de sa population sera âgée de 60 ans et plus.  Dans le même temps, beaucoup de jeunes continuent d’entrer sur le marché du travail.  Ce double défi ne fait que souligner l’importance de disposer d’une main-d’œuvre productive, d’améliorer la protection sociale pour tous et d’assurer le bien-être de la population, a fait valoir le représentant.  Ces objectifs sont intégrés dans trois initiatives majeures de la Thaïlande, à commencer par le modèle économique bio-circulaire-vert qui vise à atteindre une croissance soutenue, tout en assurant la conservation de l’environnement.  Ce modèle devrait contribuer à améliorer les moyens de subsistance et le bien-être des personnes, tout en renforçant la protection de notre planète, a expliqué le représentant, en soulignant qu’il est partagé au niveau régional à la fois au sein de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN)), depuis 2020, et de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC).   Ensuite, le treizième plan national de développement économique et social 2023-2027 sera lancé en octobre prochain.  Ce plan met l’accent sur le développement des ressources humaines tout au long de la vie, de l’enfance à la retraite.  Enfin, a ajouté M. Chindawongse, le troisième plan de développement humain 2022-2027 s’attache à renforcer la gestion de la structure démographique et de promouvoir le développement humain tout au long de la vie d’une personne en collaboration avec tous les secteurs à l’échelle nationale, de façon inclusive.  

Le représentant de la Belgique a dit que les diverses crises qui nous touchent actuellement nous rappellent plus que jamais l’importance du multilatéralisme et de la solidarité et pour répondre aux défis auxquels nous sommes confrontés.  Dès lors, il est de notre responsabilité de créer des conditions favorables à une croissance économique inclusive et durable et à un travail décent pour tous et pour toutes, sans aucune forme de discrimination.  La Belgique réaffirme que l’approche basée sur les droits humains et l’approche transformatrice en matière d’égalité des genres sont primordiales pour atteindre les objectifs de développement durable.  Afin de garantir cela, toutes les femmes et les filles doivent aussi pouvoir disposer librement de leur autonomie corporelle, sans coercition ou violence.  Cette approche, a conclu le délégué, est plus nécessaire que jamais aujourd’hui alors que « la communauté internationale est témoin de graves violations de ces principes universels et des droits des femmes et des filles ukrainiennes, du fait de l’agression russe ».

La délégation du Canada a réaffirmé son soutien à la mise en œuvre du Programme d’action de la CIPD et des conclusions de ses conférences d’examen, ainsi que le Programme de développement durable à l’horizon 2030, avant de donner la parole à Mme HANI RUKH E. QAMAR, une représentante de la jeunesse, qui a évoqué la période particulièrement difficile que nous traversons, passant en revue les différentes crises dans le monde.  Il s’agit d’abord, a-t-elle détaillé, de l’invasion injustifiée et non provoquée de l’Ukraine par le Président Putin qui menace la paix et la sécurité internationales, provoque des conséquences humanitaires de grande ampleur et entraîne la mort insensée de milliers de civils.  La pandémie de COVID-19 a amplifié les inégalités préexistantes dans et entre les pays, en particulier pour les femmes et les filles dans toute leur diversité, les groupes marginalisés et les personnes en situation de vulnérabilité, a-t-elle déploré.  Enfin, elle s’est inquiétée des conflits, des changements climatiques, de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition, de la perte de biodiversité et de la dégradation des écosystèmes qui menacent notre avenir commun et touchent particulièrement les peuples autochtones et ceux qui ont le moins contribué à l’urgence climatique.  C’est pourquoi, elle a appelé, pour finir, à tirer parti de la réponse à la pandémie ainsi que de l’action climatique pour construire un avenir plus équitable, plus respectueux de l’égalité des sexes et plus durable pour tous.

Mme CAROLYN SCHWALGER (Nouvelle-Zélande) a estimé que l’accès à l’ensemble des méthodes de contraception sûres, efficaces, abordables et acceptables, ainsi que l’accès sûr et légal à l’avortement sont essentiels pour progresser vers les objectifs de développement durable.  Or, a-t-elle constaté avec inquiétude, les avancées obtenues de haute lutte concernant ces droits sont fortement menacées par la pandémie mondiale.  La pandémie a perturbé l’accès aux services sociaux et de santé essentiels et augmenté les taux de violence sexuelle et sexiste et de mariage d’enfants, précoces et forcés.  Dans de nombreux pays, l’accès à des informations et à des services de planification familiale de qualité reste limité, et la mortalité maternelle et infantile évitable est élevée.  Dans ce contexte, « nous demandons à la Commission de veiller à ce que la santé et les droits sexuels et reproductifs restent au cœur de son travail », a insisté Mme Schwalger.  Les femmes et les filles dans toute leur diversité ne doivent pas être laissées pour compte.

Mme ZAHRA ERSHADI (République islamique d’Iran) a constaté que la pandémie de COVID-19 continue d’aggraver les vulnérabilités et les inégalités au sein des sociétés.  Au-delà des défis qu’elle a engendrés, cette crise a toutefois démontré l’importance d’une conjugaison des efforts et la place centrale que doivent occuper les personnes vulnérables dans les réponses.  Dans ce contexte difficile, les mesures coercitives unilatérales compromettent gravement la croissance économique des pays ciblés, comme elles entravent l’accès aux produits et services médicaux de base, mettant ainsi des vies en danger, a poursuivi la représentante, avant d’appeler à la levée complète et immédiate de ces mesures afin de permettre aux pays ciblés de relever leurs économies tout en garantissant le bien-être de leurs populations.  Malgré les restrictions causées par ces sanctions illégales, l’Iran a mis en œuvre des politiques démographiques dans le cadre de son plan national de développement, a-t-elle souligné, précisant que la priorité a été accordée aux jeunes, à l’autonomisation des femmes et à l’emploi des personnes âgées.  Dans le même temps, le pays a réformé son secteur de la santé pour atteindre l’objectif de couverture sanitaire universelle.  La déléguée a indiqué que les femmes ont accès à tous les services de soins de santé, y compris les soins de santé reproductive.  De même, confrontée à la perspective du vieillissement d’une part importante de sa population, l’Iran a créé un conseil national pour les personnes âgées.  Enfin, après avoir rappelé que son pays accueille actuellement plus de cinq millions de réfugiés, en particulier des Afghans, elle a assuré qu’il reste fidèle à ses engagements humanitaires et fournit, entre autres services, une éducation aux enfants de réfugiés sans papiers.

Mme ANNA RUSKI (Bulgarie) a espéré que la Commission sera en mesure d’adopter une résolution robuste cette année.  À la suite de la pandémie de COVID-19, il faut soutenir les projections de la CIPD et ses recommandations, a-t-elle souhaité, notamment les droits à la santé sexuelle et reproductive pour tous et l’émancipation des femmes et des filles.  Soulignant l’impact disproportionné de la pandémie sur l’emploi des femmes par rapport à celui des hommes, la représentante a dit qu’en Bulgarie cet écart atteint 8,3%.  Des mesures incitatives pour la création d’emploi pour les femmes, et notamment pour les mères célibataires, ont été mises en place.  Elle a également évoqué les initiatives prises dans le sens d’une économie circulaire et d’une transition verte juste et inclusive.  Le Gouvernement bulgare, en coopération avec le FNUAP, a organisé une conférence sur la résilience en décembre dernier, et la Décennie de la stabilité démographique a été consacrée comme un instrument pour la réalisation des objectifs de développement durable.

Mme KARIN GOEBEL (Allemagne) a défendu la jouissance des droits des femmes et des filles, en particulier les droits à la santé sexuelle et reproductive dans le cadre d’une croissance économique durable et inclusive.  Les femmes et les filles dans toute leur diversité, a insisté la déléguée, en faisant référence aux minorités ethniques, aux femmes handicapées et à la communauté LGBTQI+ sans aucune discrimination.  « Nous allons intensifier nos efforts en ce sens par le biais de politiques afin de venir à bout des barrières », a-t-elle annoncé.  Elle a mis l’accent sur les droits des jeunes et des adolescents qui doivent aussi pouvoir décider librement de leur santé et avenir et disposer de façon éclairée de leur corps.  Ils doivent en outre percevoir les dividendes démographiques, a-t-elle insisté, en rappelant qu’il s’agit de faire face à une triple crise : conflit, changements climatiques, pandémie ainsi que l’incidence de celle-ci sur lesdits droits.  Pour finir, la déléguée a appelé à une réponse qui prenne en compte la dimension du genre, et projette des données relatives aux jeunes afin de s’assurer de ne laisser personne de côté dans tous les programmes et politiques.

M. IVAN G. KONSTANTINOPOLSKIY (Fédération de Russie) a constaté les répercussions négatives de la pandémie sur l’économie mondiale, qui prennent aujourd’hui la forme d’une inflation galopante.  Il a cependant jugé que le lien établi par l’ONU entre la baisse de la natalité et la croissance économique ne tient pas compte des pays dont la population connaît un vieillissement.  Pour favoriser la natalité, il convient, à son avis, de consacrer davantage d’attention à l’aide aux familles qui ont des enfants.  La politique de la Russie dans ce domaine passe par une aide matérielle directe, avec le versement d’allocations aux familles, des exonérations fiscales et des garanties liées à la maternité et à l’éducation, a-t-il précisé, ajoutant que des mesures sont également prévues pour les parents célibataires et les familles ayant des enfants handicapés.  De plus, un programme d’hypothèque familial permet depuis 2018 aux parents de contracter un prêt à la naissance de leur premier enfant pour acquérir une maison.  Enfin, après avoir estimé que « la Commission de la population et du développement n’est pas le lieu idoine pour parler de l’Ukraine », il a tenu à rappeler que, depuis 2014, un grand nombre d’Ukrainiens ont trouvé refuge en Russie.  Selon lui, les difficultés de l’économie mondiale sont en partie dues aux sanctions imposées à la Russie, lesquelles qui ne tiennent pas compte des effets de ces mesures sur le reste du monde.  Tout ceci ne fait qu’entraver la croissance économique, a-t-il averti, appelant à une analyse « objective » de la situation pour régler les problèmes.

Mme MERYEM HAMDOUNI (Maroc) a expliqué que les tendances démographiques sont prises en compte dans les plans de développement à moyen et long terme de son pays.  Un modèle de développement sur 15 ans a été adopté l’année dernière qui vise à accélérer la croissance économique et le verdissement de l’économie, à favoriser l’autonomisation des femmes et l’accès aux soins pour tous.  Le Maroc est conscient de l’importance d’investir dans le capital humain en renforçant notamment la résilience de son système de santé et la protection sociale universelle, a déclaré la représentante.  L’égalité des chances et l’accès à l’emploi sont également incontournables, et tous ces aspects sont pris en compte par la réforme des prestations sociales, a-t-elle précisé.  Le Maroc va également miser sur la gestion des eaux et le reboisement, alors que le renforcement de la santé sexuelle et reproductive reste une priorité nationale.  Le Royaume collabore sur ce dossier avec le FNUAP, a précisé la déléguée.  Les jeunes représentent le quart de la population marocaine, a-t-elle rappelé, et la stratégie pour les jeunes à l’horizon 2030 a été mise en place pour répondre à leurs besoins.  Elle a également fait part de la volonté de son pays de combattre la violence sexiste.

M. OMAR CASTAÑEDA SOLARES (Guatemala) a appelé à améliorer les données statistiques relatives à la population et au développement et encouragé les Nations Unies à continuer de soutenir les autorités nationales et régionales pour renforcer les capacités dans ce domaine.  Le Guatemala travaille activement à la réactivation de son économie.  C’est ainsi, a dit le délégué, que des mesures ciblées sont adoptées dans les domaines monétaires et financiers afin de favoriser la création d’emplois et les échanges commerciaux.  Poursuivant, il a estimé qu’un relèvement inclusif axé sur la personne requiert des moyens d’agir au sein de la société, c’est la raison pour laquelle le passage vers le développement durable doit être juste.  Il faut, selon lui, venir en aide aux pays à revenu intermédiaire pour favoriser leur accès au financement, aux vaccins et au transfert de technologie avec un effet catalyseur vers la réalisation des objectifs de développement durable.

M. MOHAN PIERIS (Sri Lanka) a souligné le rôle central du peuple de son pays, engagé et sensible à l’importance du développement durable.  Le cadre politique national du Gouvernement de Sri Lanka repose, a-t-il dit, sur des politiques visant à atteindre quatre objectifs: « une population productive; une famille satisfaite; une société disciplinée et juste; et une nation prospère. »  Avec une population de 21,8 millions d’habitants qui ne cesse de croître, le cadre de la politique nationale vise également à renforcer la contribution des femmes au développement du pays.  Il s’agit, a détaillé le représentant, de normaliser et développer les structures d’accueil des enfants afin de faciliter une plus grande participation des femmes à la main-d’œuvre, en plus d’adopter une organisation du travail flexible pour les jeunes mères et en introduisant l’entreprise à domicile avec l’assistance nécessaire pour les femmes rurales.  Son pays s’engage en outre à permettre aux jeunes qui ont le plus grand potentiel de contribuer à l’enrichissement de la société et au processus de prise de décisions économiques et politiques du pays.

Mme EGRISELDA ARACELY GONZÁLEZ LÓPEZ (El Salvador) a estimé que le Programme d’action de la CIPD reste pertinent dans son plaidoyer en faveur d’une croissance soutenue pour éliminer la pauvreté à terme.  Elle a indiqué que, dans son pays, la structure démographique évolue, la population tendant à vieillir avec les effets conjugués de la baisse de natalité et des flux migratoires.  Dans ce contexte, a-t-elle affirmé, des améliorations ont été apportées aux programmes sociaux en tenant compte des causes structurelles de la pauvreté, qui a été exacerbée par la pandémie de COVID-19.  El Salvador estime que ces modifications démographiques sont une source d’opportunité, a poursuivi la déléguée.  C’est pourquoi le pays investit davantage dans le travail décent et la protection des plus vulnérables, tout en accordant une grande importance à la petite enfance au travers de son programme « Grandir ensemble ».  Les mesures de protection sociale s’étendent également à l’éducation, à l’emploi et à l’autonomisation des femmes, a-t-elle ajouté, avant de se dire consciente que cette « fenêtre démographique » va se refermer dans 25 ans.  Il faut donc en profiter pour soutenir la croissance et le bien-être des ménages afin d’insuffler un nouveau dynamisme à l’économie nationale.  Enfin, après avoir rappelé les efforts déployés pour couvrir les familles et les communautés durant la pandémie, elle a remercié le FNUAP pour son assistance.

M. SEYDOU SINKA (Burkina Faso) a rappelé qu’au cours de cette décennie d’action, la population mondiale connaîtra une croissance d’environ 9% passant de 7,8 milliards d’habitants en 2020 à 8,5 milliards d’habitants à l’horizon 2030.  Avec la pandémie, les pays peinent à réaliser les objectifs de développement durable, et se heurtent également à d’autres défis structurels.  Il s’agit notamment de la persistance de la pauvreté et des inégalités, de la fragilité économique, du chômage des jeunes, des changements climatiques et de la crise alimentaire.  Le Burkina Faso s’est engagé, à l’instar d’autres pays, à mettre en œuvre le Programme d’action de la CIPD et les ODD.  Cet engagement lui impose de redoubler d’efforts pour assurer une croissance verte et équitable avec la participation de la majorité de sa population en âge de travailler, a expliqué le représentant.  À cette fin, son pays compte tirer avantage du dividende démographique par une meilleure maîtrise de la dynamique actuelle de sa population.  En effet, selon les récentes projections, la population du Burkina Faso, dont l’âge moyen est de 22 ans, croît à un rythme annuel d’environ 3%, tandis que la part des moins de 15 ans est de 45,3%.  Le représentant a noté une série de progrès concrets comme la baisse du taux de mortalité maternelle qui est passé de 341 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2010 à 222,9 en 2019; le pourcentage des femmes qui utilisent une méthode contraceptive moderne qui est passé de 15% en 2010 à 31,9% en 2020 et la diminution du niveau de fécondité passé de 6,0 enfants par femme en 2010 à 5,4 en 2019.  En outre, le taux de pauvreté est passé de 46,3% en 2003 à 36,2% en 2018 et le taux brut de scolarisation au primaire a fait un grand bond en passant de 30,69% en 1992 à 86,6% en 2020. 

Mme SONAM CHODEN NAMGYEL (Bhoutan) a évoqué les progrès remarquables réalisés par son pays depuis 1994 en matière de santé publique, notamment dans les domaines de la planification familiale et des services de santé sexuelle et reproductive, de l’éducation et de l’autonomisation des femmes et des filles.  En 2019, le Bhoutan a réitéré ses engagements à Nairobi.  Le Gouvernement a adopté la politique nationale d’égalité des sexes, pour que tous réalisent pleinement leur potentiel et bénéficient équitablement du développement du pays.  De même, une politique d’accélération de la santé maternelle et infantile a été approuvée.  Elle fournira notamment une allocation de maternité aux mères sans revenu jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge de 2 ans.  Un programme phare de santé est en cours pour éliminer les cancers de l’estomac, du col de l’utérus et du sein.  De plus, le Bhoutan continue de fournir des services d’éducation et de santé gratuits à tous ses habitants.  L’éducation sexuelle complète a également été intégrée dans le programme d’enseignement formel en 2021, a précisé Mme Namgyel.  Concrètement, la démographie du Bhoutan a radicalement changé au fil des ans.  En seulement trois décennies, le taux de fécondité est passé de 6 à 1,7 naissances par femme, donc en dessous du niveau de remplacement de 2,1.  L’espérance de vie a doublé au cours de la même période.  Le taux de dépendance des enfants de moins de 15 ans pour 100 personnes en âge de travailler est passé de 53,1 en 2005 à 38,3 en 2017.  Cette transition démographique offre une opportunité limitée dans le temps pour une croissance accélérée de la production économique - premier dividende démographique- a souligné Mme Namgyel.  Le Bhoutan a actuellement atteint cette étape avec près de la moitié de sa population âgée de moins de 24 ans.

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) a indiqué que son pays, comme tous les pays les moins avancés, ressent encore fortement les effets pluridimensionnels de la pandémie de COVID-19, qui a exacerbé les inégalités préalablement existantes et entravé la réalisation des ODD au niveau national.  Dans cette situation difficile, a-t-il dit, nous continuons de nous concentrer sur les engagements pris dans le cadre du Programme d’action du CIPD.  Conformément au plan quinquennal 2020-2024, le Mozambique s’emploie à renforcer la participation des femmes dans les processus de prise de décision, a précisé le représentant, en vantant le niveau de parité femmes-hommes atteint par son gouvernement.  Il a d’autre part fait état d’une loi pénalisant le mariage des enfants et d’initiatives destinées à émanciper les jeunes afin de leur offrir de nouvelles opportunités.  Parmi les objectifs prioritaires du Gouvernement figurent aussi la réduction de la mortalité maternelle et infantile due à des causes évitables, l’éradication des violence sexuelles et le renforcement des aides familiales ainsi que l’augmentation de la participation des femmes à l’économie.

M. EDUARDO RAMOS (Portugal) a salué l’action cruciale de la Commission de la population et du développement et du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) dans son pays.  Pour le Portugal, cela a signifié dans un passé très récent un profond changement social.  De fait, a-t-il expliqué, de 1970 à 2008, le Portugal a enregistré une baisse de 94% de la mortalité infantile, soit deux fois plus que la baisse moyenne dans l’ensemble de l’Union européenne.  Nous sommes parvenus à atteindre l’un des taux de mortalité infantile les plus bas du monde, s’est réjoui le délégué.  Mais il y a encore du travail à faire, a-t-il reconnu, c’est pourquoi le Portugal a lancé en 2021 la première campagne nationale de lutte contre les mariages d’enfants, les mariages précoces et les mariages forcés, y compris la création de bureaux d’aide aux victimes.  De plus, une importance particulière est accordée à l’éducation en matière de santé sexuelle et reproductive, et l’éducation sexuelle fait désormais partie des programmes scolaires nationaux.  Sur le registre de la coopération au développement, la nouvelle stratégie portugaise jusqu’en 2030 intégrera la promotion des droits des femmes et des filles en tant qu’élément clef de la programmation et du financement des projets.  « Notre expérience nous a également montré l’importance de travailler ensemble avec tous les acteurs », dont la société civile et le secteur privé, a-t-il conclu, pour accroître l’efficacité de notre travail de sensibilisation, de changement des comportements et d’amélioration des opportunités pour les femmes et les filles.

Mme TITTA MAJA (Finlande) a dénoncé la guerre menée par la Fédération de Russie en Ukraine et son impact sur les femmes et les filles ukrainiennes, qu’elles soient réfugiées, déplacées ou victimes de violence sexuelle.  De façon générale, pour la Finlande, les droits de poursuivre sa scolarité et de recevoir une éducation sexuelle complète sont essentiels pour permettre à toutes les femmes de disposer librement de leur corps.  La représentante a donc mis l’accent sur l’importance de la santé sexuelle et reproductive en appelant les membres de la CIPD à œuvrer en ce sens.

M. ANA RUIZ TELLO (Chili), s’alignant sur la déclaration faite par le Mexique hier, a déclaré que les populations les plus vulnérables seront affectées par le ralentissement de la croissance économique et l’augmentation des coûts de l’énergie.  Les pays à revenu intermédiaire sont également confrontés à des défis, a-t-il constaté, en souhaitant un accès équitable au financement, basé sur d’autres facteurs que le PIB.  La Commission doit examiner les progrès réalisés depuis le Programme d’action du Caire pour s’assurer que chacun a accès aux mêmes opportunités et à la santé sexuelle et reproductive, a estimé le représentant, en soulignant aussi que les microentreprises et les petites et moyennes entreprises sont au cœur des efforts de développement.  Les femmes ont besoin d’un meilleur accès à un travail décent et d’une plus grande participation à l’économie formelle.  Face à une plus grande espérance de vie, il a été d’avis que des politiques sont nécessaires pour promouvoir un vieillissement en bonne santé.  À cet égard, le Chili soutient la Décennie des Nations Unies pour le vieillissement en bonne santé (2021-2030) comme moyen de changer la façon dont les gens perçoivent ce phénomène.

M. ZEPHYRIN MANIRATANGA (Burundi) a dit que son pays est en train d’appliquer sa politique de développement durable qui tient compte des tendances démographiques afin de tirer parti du dividende démographique en misant sur les jeunes.  Il a également insisté sur la planification familiale et la nutrition en tant que catalyseurs de l’émancipation des femmes et de l’éradication de la pauvreté.  Le Burundi s’apprête à lancer son quatrième recensement général de la population et de l’habitat, a annoncé le représentant.  Les résultats permettront d’éclairer les instruments de développement, en se fondant sur trois innovations : la numérisation de la collecte de données, le géoréférencement des ménages et des infrastructures d’appui au développement et le couplage du module de base « agriculture et élevage ».  En conclusion, a souligné le représentant, le Burundi reste attaché aux diverses contributions aussi bien techniques que financières de tous les partenaires bilatéraux et multilatéraux pour la réalisation de ce recensement.

Mme GARICIA ROMAN (Suriname) a rappelé que le Programme d’action du Caire appelle à l’intégration des populations dans le suivi de tous les programmes de développement durable. Dans ce droit fil, a-t-elle indiqué, le Suriname a lancé une politique de la population pour appuyer la mise en œuvre et l’évaluation des mesures démographiques prises en lien avec le Programme 2030.  Toutefois, alors que le pays s’efforce de sortir de la période pandémique, il reste frappé par une crise économique qui a eu pour effet de faire chuter le cours de la monnaie nationale.  Dans ce contexte complexe, le Gouvernement a néanmoins lancé un programme de relance.  Mais les ressources limitées dont il dispose font penser qu’il ne sera pas en mesure de surmonter les difficultés actuelles dans un laps de temps court, a concédé la représentante.  Dans l’immédiat, nous nous focalisons sur le relèvement en nous employant à mettre les personnes au centre des efforts.  Avant de conclure, elle a souhaité remercier les partenaires du Suriname au sein du système des Nations Unies et assuré que son pays reste déterminé à réaliser les objectifs du Programme 2030 et du Programme d’action de la CIPD.

M. RIADH MESSAAD (Algérie) a dit que l’Algérie a consacré les principes de non-discrimination et de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes dans sa Constitution révisée de novembre 2020.  Un programme a été mis en place depuis pour renforcer l’égalité hommes-femmes, à la fois dans l’espace public et dans l’espace privé.  L’autonomisation des femmes et des filles est une priorité nationale, a expliqué le représentant en ajoutant que la femme algérienne a accès aux postes à responsabilité et qu’elle est perçue comme « un acteur du changement et de la paix ».  Il reste néanmoins des défis importants qui empêchent encore l’égalité totale entre les sexes, a-t-il reconnu, mais l’Algérie est engagée à y parvenir.  Le représentant a également mis en avant le rôle primordial joué par les femmes dans la lutte contre la pandémie et évoqué la réforme du secteur de la santé ainsi que la production locale de vaccins.  L’Algérie a également accordé la priorité aux zones reculées pour y améliorer les conditions de vie des citoyens.

Mgr GABRIELE CACCIA, Observateur permanent du Saint-Siège, a déclaré que la violation du droit inhérent et inaliénable de toute personne à la vie n’est jamais la réponse aux défis posés par le développement durable, ni un moyen d’atteindre la croissance économique.  Au contraire, a-t-il martelé, « le respect de la vie - de la conception à la mort naturelle - doit toujours être au cœur des politiques de développement durable ».  Dans ce contexte, a-t-il poursuivi, le Saint-Siège souligne l’importance de l’aide à la famille, « cellule fondamentale de la société », en lui fournissant des moyens de soutien adéquats et efficaces, tant pour l’éducation des enfants que pour la prise en charge et l’intégration des personnes âgées dans la société.  Pour finir, le Saint-Siège espère que cette session et ses discussions feront progresser la compréhension et les mesures visant à promouvoir le développement humain pour tous.

Mme NASRIA ELARDJA FLITTI, observatrice de la Ligue des États arabes, a noté que ces pays connaissent une transformation démographique variable.  Si la Tunisie et le Liban sont en fin de cycle, certains pays n’en sont qu’au début, a-t-elle relevé, indiquant que ce processus devrait durer jusqu’en 2050.  Si cette diversité démographique rend plus difficile la recherche de solutions à l’échelle régionale, elle favorise cependant la coopération, a observé la déléguée.  Selon elle, les pays arabes investissent prioritairement dans le capital matériel pour favoriser la croissance économique.  Toutefois, l’heure est venue d’investir davantage dans le capital humain et de saisir les occasions qui se présentent du fait de la « fenêtre démographique » et de la transformation technologique.  Bien que confrontée aux défis de la pandémie, des changements climatiques, des perturbations de la chaîne d’approvisionnement et des conflits, la région arabe est en mesure d’assurer un développement équilibré, a assuré la représentante.  Pour cela, elle doit accorder la priorité à la protection sociale, notamment pour faire reculer la pauvreté et le chômage des jeunes.  Elle doit aussi renforcer la cohésion sociale, promouvoir l’égalité entre les sexes et lutter contre le décrochage scolaire.  Mais sa responsabilité n’est pas seulement sociale, il importe également de garantir les droits économiques, alors que l’on assiste à une hausse de l’inflation en raison de la pandémie et de la guerre en Ukraine.  La Ligue appelle ses membres à améliorer leurs moyens de production en recourant davantage à la technologie et aux énergies renouvelables.  Enfin, elle considère que des partenariats multilatéraux sont essentiels pour le développement de la région, a conclu la représentante, en saluant le soutien apporté par le FNUAP.

M. ADNENE BEN HAJ AISSA, Directeur exécutif de l’organisation « Partners in Population and Development » (PPD), a indiqué qu’au cours des 27 dernières années, les pays en développement membres de PPD en Asie, Afrique, Amérique latine, Afrique du Nord et au Moyen-Orient, qui représentent plus de 60% de la population mondiale, ont réalisé des progrès remarquables au niveau de leurs indicateurs démographiques et sanitaires grâce à des engagements nationaux de haut niveau et à des mesures efficaces. Depuis son lancement, a expliqué son directeur, PPD a concentré son travail sur l’amélioration des programmes de population dans les pays en développement, élément essentiel du développement durable des nations, notamment à travers la création de coalitions et de réseaux via la coopération Sud-Sud.  Forte d’une longue et riche expérience à cet égard, l’organisation contribue à la mise en œuvre du Programme d’action de la CIPD et des objectifs de développement durable, même si la coopération Sud-Sud, en tant que modalité de changement, ne bénéficie pas d’un financement et d’un soutien adéquats.  Il a donc lancé, pour finir, un appel aux partenaires internationaux du développement, y compris les pays du Nord, pour qu’ils complètent par un soutien plus important les efforts dédiés à l’amélioration de la vie des personnes dans les pays en développement.

Mme SELAMAWIT TESFAYE, représentante de International Planned Parenthood Federation (IPPF), a recommandé aux gouvernements de veiller à la mise en œuvre de programmes d’éducation sexuelle complète, et d’appliquer une législation qui traite et élimine la violence sexuelle et sexiste.  Cela devrait également inclure des lois qui traitent des formes multiples et croisées de discrimination et de violence, des mariages précoces et forcés et des mutilations génitales féminines, et qui promeuvent le droit des filles à l’éducation.  La représentante a appelé à la mise en œuvre de politiques propres à redistribuer le fardeau du travail de soins non rémunéré des femmes.  Il s’agit d’assurer l’autonomisation économique des femmes, ainsi que leur santé et leur bien-être et celui de leur famille.  L’organisation souhaite ensuite que la priorité soit donnée à une croissance durable et inclusive grâce à la mise en œuvre de politiques et d’une budgétisation sensibles au genre, afin d’atténuer les impacts à court terme, tout en s’attaquant aux moteurs structurels à long terme, de l’inégalité entre les sexes.  Enfin, il faut intégrer la violence sexuelle et sexiste dans les plans d’adaptation et de résilience climatiques pour faire face aux effets des changements climatiques.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité est invité à ne pas faire de la Syrie « une nouvelle crise oubliée » alors que le pays connait toujours un « conflit ouvert »

9022e séance – après-midi
CS/14870

Le Conseil de sécurité est invité à ne pas faire de la Syrie « une nouvelle crise oubliée » alors que le pays connait toujours un « conflit ouvert »

Les membres du Conseil de sécurité ont examiné, cet après-midi, la situation politique et humanitaire en Syrie, décrite par la Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, Mme Joyce Msuya, comme menacée de devenir « une nouvelle crise oubliée », alors même que l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Geird Pedersen, rappelait qu’il ne s’agit « pas d’un conflit gelé mais d’un conflit ouvert » toujours actif. 

Deux développements étaient présentés aux membres du Conseil :sur le plan politique, les résultats de la septième session de l’organe restreint de la Commission constitutionnelle, tenue à Genève du 21 au 25 mars ; et sur le plan humanitaire, les conséquences de la crise économique, encore aggravée par l’augmentation mondiale des prix, provoquée notamment par la guerre en Ukraine. 

M. Pedersen s’est inquiété des frappes aériennes, tirs d’artillerie et affrontements dans la zone de désescalade d’Edleb, dans le nord-ouest, des opérations militaires menées par les cinq armées étrangères présentes dans différentes parties de la Syrie, et de la reprise des attaques par l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL), après une relative accalmie en février.  Il a dit craindre que ces points chauds ne soient exacerbés par des crises extérieures à la Syrie.  Pour lui, un conflit d’une telle envergure appelle à une solution politique globale conformément à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité.  Il a estimé qu’une piste constitutionnelle était possible s’il y avait le facteur confiance. 

Tout en apportant leur soutien à M. Pedersen, plusieurs membres du Conseil, comme la France ou le Mexique, ont jugés limités ou décevants les résultats de la septième session de la Commission constitutionnelle, tandis que d’autres, comme les A3 (Gabon, Ghana et Kenya), en appelaient à l’esprit de compromis, ou comme l’Irlande, à la « bonne foi » des différentes parties.  La Fédération de Russie a, pour sa part, salué la tenue de cette septième session, y voyant le moyen pour les parties syriennes de mener un dialogue politique conformément à la résolution 2254.  En revanche, le représentant russe a invité l’Envoyé spécial à travailler plus activement avec les parties syriennes plutôt que de promouvoir son « initiative des petits pas », qui lui a semblé « incompréhensible », et dont il a dit craindre des incidences négatives sur les travaux de la Commission constitutionnelle. 

Quant aux Émirats arabes unis, c’est au Conseil de sécurité qu’ils ont demandé de reconsidérer la manière dont est traité le dossier syrien depuis 11 ans, lui reprochant des réunions périodiques « limitées à une répétition des positions nationales, sans discussion sérieuse sur une solution pacifique répondant aux aspirations du peuple syrien ». 

Dans un premier temps, c’est aux besoins vitaux du peuple syrien que la communauté internationale a été invitée à répondre par la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires.  Mme Msuya a rappelé que la crise économique continue sans relâche et que les multiples pénuries d’énergie entravent la fourniture des services de base, alors que la hausse des prix met les produits de première nécessité encore plus hors de portée de millions de personnes.  La responsable d’OCHA s’est alarmée du manque de ressources, affirmant: « Nous n’avons tout simplement pas l’argent nécessaire » pour fournir le minimum vital à de nombreuses personnes.  Elle a par ailleurs fait valoir la nouvelle orientation consistant à mettre l’accent sur les projets destinés à renforcer la résilience et le relèvement rapide. 

Cet appel intervient alors que se tiendra, les 9 et 10 mai, la conférence de donateurs dite « Bruxelles VI ».  Les États-Unis y ont vu l’occasion pour la communauté internationale de réaffirmer son engagement aux côtés du peuple syrien et la France a assuré qu’elle-même et l’Union européenne seraient au rendez-vous. La Directrice régionale de l’ONG Care, Mme Nirvana Shawky, a exhorté les participants à s’engager financièrement à la hauteur des enjeux. 

Mme Shawky a également appelé au renouvellement, en juillet, de l’autorisation donnée aux convois humanitaires d’utiliser le point de passage transfrontalier de Bab el-Haoua.  La question de l’aide humanitaire transfrontalière, objet de litige depuis des années, avait pour la première fois en 2021 fait l’objet d’une résolution adoptée à l’unanimité, moyennant des dispositions invitant à renforcer l’aide au travers des lignes de front à partir des zones contrôlées par le Gouvernement syrien.  Depuis lors, l’OCHA a organisé trois convois au travers de ces lignes de front mais les rapports du Secrétaire général, appuyés par de nombreux membres du Conseil, insistent sur la nécessité de maintenir les convois transfrontaliers. 

À la suite de Mme Msuya, plusieurs membres du Conseil ont rappelé au sujet du passage de l’aide que le Secrétaire général avait qualifié d’«impératif moral et humanitaire » la reconduction de la résolution 2585 (2021).  Le représentant de la Syrie n’en a pas moins accusé les pays occidentaux, ainsi que la Turquie, d’entraver la livraison de l’aide à travers les lignes de front afin de justifier leur violation continue de la souveraineté syrienne par le biais du « soi-disant mécanisme de livraison de l’aide transfrontalière », qualifié de « bouée de sauvetage pour les organisations terroristes et les bénéficiaires de l’économie de guerre ».  Les Émirats arabes unis ont souhaité que le Conseil examine « de manière objective et logique » le dossier, estimant que les différents membres du Conseil devaient coopérer afin de garantir que l’aide parvienne à ceux qui en ont besoin, par les deux voies et ce, « quelles que soient les divergences sur d’autres dossiers ». 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT - S/2022/330

Déclarations

M. GEIR PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a déclaré que la Syrie n’est pas un conflit gelé mais un conflit ouvert avec la poursuite de nombreuses frappes aériennes ainsi que de nombreux tirs d’artillerie croisés et affrontements dans la zone de désescalade d’Edleb, dans le nord-ouest du pays. Il s’est dit particulièrement préoccupé par les opérations militaires de cinq armées étrangères dans différentes parties de la Syrie.  Il a dit avoir constaté des frappes sur le territoire syrien attribuées à Israël, à la Turquie et à la Russie avant de craindre que ces points chauds soient exacerbés par des crises en dehors de la Syrie.  Par ailleurs, il s’est inquiété de la reprise des attaques par l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) après une relative accalmie en février.  Après avoir qualifié la crise syrienne de la pire crise contemporaine, M. Pedersen s’est inquiété pour les millions de personnes déplacées à l’intérieur et à l’extérieur du pays. 

L’Envoyé spécial a estimé qu’un conflit d’une telle envergure appelle à une solution politique globale conformément à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité.  Il a dit qu’une piste constitutionnelle est possible s’il y a de la confiance, avant de préciser qu’il a convoqué la septième session, facilitée par l’ONU, à Genève, du 21 au 25 mars, de l’organe restreint de la Commission constitutionnelle syrienne, une entité représentative dirigée et contrôlée par les Syriens.  Il a expliqué que les membres de la Commission ont examiné pendant cinq jours des projets de textes constitutionnels.  Il a expliqué que le cinquième jour, toutes les délégations ont proposé que plusieurs des textes présentés soient revus, certaines dans le but de prendre en compte les débats et de réduire les différences.  Dans le contexte des prochaines discussions prévues à Genève du 28 mai au 3 juin, il a appelé les délégations à présenter le plus tôt possible les chapitres et textes qui feront l’objet d’une discussion en mettant l’accent sur les questions sur lesquelles l’ensemble des Syriens pourraient tomber d’accord. 

Par ailleurs, au niveau humanitaire, il a exhorté les parties à multiplier l’aide, à travers les lignes et les frontières, et à être généreux. Il a ajouté que les souffrances qui ont des causes politiques exigent des concessions. À cet égard, il s’est particulièrement inquiété des conséquences de questions non résolues des dizaines de milliers de personnes enlevées, arbitrairement détenues et disparues.  « Avec 6,8 millions de réfugiés et 6,2 millions de déplacés, la Syrie demeure la pire crise humanitaire contemporaine » a dit M. Pedersen avant de noter que les Syriens font face à une crise économique dévastatrice.  Il a cité des chiffres du Programme alimentaire mondial (PAM) qui a relevé que le prix des denrées alimentaires de base a augmenté de 800% entre 2019 et 2021 ajoutant à l’instabilité.  « Nous devons rester concentrés sur une solution politique complète respectueuse de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la Syrie et permettant au peuple syrien de réaliser ses aspirations légitimes » a conclu l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie. 

Mme JOYCE MSUYA, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, s’est alarmée du risque de voir la Syrie devenir « une nouvelle crise oubliée, alors même que, pour beaucoup, la situation n’a jamais été aussi grave depuis que la violence a éclaté en 2011.  Elle a rappelé que les combats se poursuivent dans de nombreuses régions et que des civils, y compris des femmes et des enfants, sont tués et blessés.  « J’aimerais que nous n’ayons pas à le dire chaque mois: les civils doivent être protégés et des efforts constants doivent être faits pour épargner leur vie », a-t-elle lancé, rappelant que les obligations du droit international humanitaire, qui ne peuvent être plus claires, continuent néanmoins d’être bafouées. 

Mme Msuya s’est notamment penchée sur la « situation désastreuse » des résidents du camp de Hol, citant de multiples exactions dans ce camp qui n’est « pas sûr » et où les conditions de vie sont précaires.  Elle a réitéré l’appel de l’OCHA au rapatriement complet des ressortissants de pays tiers des camps du nord-est de la Syrie, ainsi qu’à des améliorations de la sécurité qui soient compatibles avec le caractère civil du camp.  La Coordonnatrice adjointe a expliqué que la crise économique continue sans relâche, faisant état de multiples pénuries d’énergie et de leurs conséquences sur les services de base, alors que la hausse des prix rend encore plus difficile l’accès aux produits de première nécessité pour des millions de personnes.  Cette crise a souvent un impact disproportionné sur la mobilité des femmes et des enfants, a-t-elle précisé.

L’avenir s’annonce sombre, a poursuivi Mme Msuya, qui a rappelé que les ressources disponibles pour la réponse d’urgence de l’OCHA s’amenuisent.  « Nous n’avons tout simplement pas l’argent nécessaire » pour fournir le minimum vital à de nombreuses personnes, a-t-elle déclaré.  Or, il faut « aider les Syriens dans le besoin à trouver une voie plus durable ».  L’OCHA, a-t-elle expliqué, a considérablement augmenté ses plans d’investissement dans la résilience et le relèvement rapide.  Plus de 25% de la demande globale d’aide humanitaire pour la Syrie contribuera à ces deux aspects, a-t-elle expliqué, faisant état de 570 projets en ce sens prévus dans l’appel humanitaire de cette année pour la Syrie.  

Citant en exemple la réhabilitation par l’UNICEF de 69 salles de classe et 3 installations d’eau, d’assainissement et d’hygiène au cours des deux derniers mois, au profit de 1 100 élèves, elle a déclaré que de telles initiatives peuvent permettre aux Syriens vulnérables de mener une vie plus digne, de donner de l’espoir aux enfants et de réduire le besoin d’assistance à long terme.  Toutefois, a-t-elle ajouté, les défis restent énormes et plus de 2,4 millions d’enfants ne sont pas scolarisés en Syrie.  Elle a donc appelé à des investissements rapides et substantiels pour aider à briser le cercle vicieux de la souffrance, de la violence et du désespoir.  L’OCHA compte sur le soutien généreux des donateurs et sur la coopération des autorités syriennes, a-t-elle précisé. 

« Nous élargissons l’accès », a assuré la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires, en signalant que trois convois humanitaires ont franchi les lignes de conflit et sont maintenant déployés dans le nord-ouest du pays, le dernier le 30 mars.  D’autres convois interagences devraient être déployés en mai et l’OCHA continue à travailler pour améliorer la distribution de cette aide vitale, a-t-elle poursuivi.  Jugeant ces progrès importants, Mme Msuya les a toutefois jugés « modestes face aux besoins énormes » et a assuré que les Nations Unies continueront à travailler avec toutes les parties concernées pour les étendre.  Elle a fait état d’un projet d’extension de six mois du plan initial de l’OCHA pour des livraisons transversales régulières et soutenues jusqu’à la fin de l’année et a demandé un soutien continu de toutes les parties concernées pour rendre ces missions opportunes et prévisibles. 

Dans le nord-est, les Nations Unies devraient disposer de l’espace nécessaire pour coordonner la réponse humanitaire à l’intérieur du pays à partir de leur centre de Qamishli, a poursuivi la Coordonnatrice adjointe, qui a fait état de 4,1 millions de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire dans cette partie du pays.  Elle a répété que les opérations actuelles à travers les lignes de front « complètent » l’opération transfrontalière massive mais ne peuvent se substituer à elle « à ce stade ».  Pour apporter une aide vitale aux personnes dans le besoin, tous les canaux doivent rester ouverts et disponibles, a insisté Mme Msuya, pour qui le renouvellement de l’autorisation transfrontalière de l’ONU en juillet reste essentiel pour sauver des vies dans le nord-ouest de la Syrie.  Elle s’est donc fait l’écho de l’appel du Secrétaire général pour que le Conseil de sécurité maintienne le consensus sur le renouvellement de la résolution 2585 (2021) en juillet prochain, parlant d’« un impératif moral et humanitaire ». 

Mme NIRVANA SHAWKY, Directrice régionale à CARE, a indiqué qu’en Syrie 60% des personnes réduisent leur consommation alimentaire pour pouvoir faire manger leurs enfants.  De nombreuses femmes nous ont indiqué qu’elles sont sur le point de « s’écrouler », a-t-elle dit, en indiquant que certaines n’ont pas goûté à un fruit depuis deux mois.  Seulement 35% de ces femmes ont un accès en toute sécurité à des toilettes, a ajouté Mme Shawky avant de rappeler qu’à mars 2022, seulement 4,4% de la population du nord-ouest syrien était vaccinée contre la COVID-19.  Elle a déclaré que le mariage forcé et le travail forcé des enfants sont des défis grandissants en Syrie.  « En résumé, nous sommes en train d’échouer dans la préservation de l’avenir des générations futures. »

Mme Shawky a rappelé que 14,6 millions de Syriens ont besoin d’une assistance et d’une protection.  À cette aune, elle a exhorté le Conseil à, « au minimum », renouveler le mandat de la résolution 2585 (2021) pour au moins 12 mois supplémentaires.  Elle a jugé cette prorogation « capitale » parce que les besoins sont grandissants et que les opérations transfrontalières de l’ONU ne peuvent s’arrêter sans un engagement concerté et de long terme pour répondre aux défis des Syriens.  Elle a aussi indiqué que lesdites opérations ne peuvent être remplacées dans leur ampleur par des opérations menées par des ONG.  Enfin, Mme Shawky a exhorté les participants à la prochaine Conférence de Bruxelles à écouter la voix des Syriens et de la société civile syrienne et à s’engager financièrement à la hauteur des enjeux.

M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a jugé « terrible » la crise en Syrie et a noté que le nombre de personnes ayant besoin d’aide humanitaire augmentait.  Rappelant l’adoption à l’unanimité de la résolution 2585 (2021), le représentant a assuré de l’engagement de son pays pour assurer sa pleine mise en œuvre y compris pour financer les projets de relèvement rapide.  Considérant que l’aide humanitaire à travers les lignes de front ne peut encore répondre à l’ensemble des besoins, il a souligné que le mécanisme d’acheminement transfrontalier reste indispensable.  Les Nations Unies, a-t-il ajouté, ont montré que cette aide transfrontalière pouvait être acheminée de manière impartiale.  Le Conseil de sécurité doit réautoriser et étendre le mandat humanitaire transfrontalier cet été, a-t-il appuyé, évoquant, à l’instar du Secrétaire général, un « impératif humanitaire et moral ».  La conférence « Bruxelles VI » du mois prochain sera également l’occasion de démontrer que la communauté internationale est toujours investie en faveur eu peuple syrien. 

Le représentant a par ailleurs estimé que la manière la plus efficace de régler la crise syrienne est un cessez-le-feu national et la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015).  Il a invité la délégation du « régime syrien » à apporter une contribution positive à la Commission constitutionnelle, avant de faire part de son appui aux efforts de l’Envoyé spécial.  Il a par ailleurs condamné les atteintes aux droits humains en Syrie, y compris ceux des détenus, victimes de tortures et de mauvais traitements, ainsi que les disparitions forcées, demandant en outre la libération des personnes vulnérables. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a salué la tenue, en mars, de la septième session de l’organe restreint de la Commission constitutionnelle syrienne qui permet aux parties syriennes de mener un dialogue politique conformément à la résolution 2254 du Conseil de sécurité.  Il a jugé important que l’Envoyé spécial travaille plus activement avec les parties syriennes plutôt que de promouvoir son initiative de pas à pas qui « semble incompréhensible », prévenant des incidences négatives que celle-ci pourrait avoir sur les travaux de la Commission constitutionnelle.  Tout en notant l’absence d’opérations militaires de grande ampleur depuis le 20 mars, le représentant russe s’est inquiété de l’existence d’une véritable enclave terroriste où sont retenus des civils syriens.  Blanchir les terroristes en pseudo autorités à Edleb est inadmissible, a dénoncé le délégué qui a jugé inadmissible de classer les terroristes en bons ou mauvais. 

Le représentant russe a également fustigé les activités des combattants formés par les Américains « qui mènent des raids contre les forces syriennes et bloquent l’acheminement de l’aide humanitaire ».  Il a aussi dénoncé une quarantaine de frappes de missiles israéliens qui ont tué des militaires syriens ainsi que des civils syriens dont des femmes et des enfants.  Il s’est inquiété de la détérioration de la situation économique des Syriens notamment en raison des sanctions des pays occidentaux.  La moitié des Syriens vivent dans des territoires qui doivent être déminés, a ajouté le représentant avant de regretter qu’aucune aide humanitaire ne puisse être acheminée depuis Damas. 

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a appelé à la pleine application de la résolution 2585 (2021) et a apporté son soutien à toutes les modalités de fourniture de l’aide humanitaire.  Elle a appelé toutes les parties à appuyer les opérations au travers des lignes de front et à leur apporter les garanties sécuritaires nécessaires.  En ce qui concerne les opérations d’aide transfrontalière, la déléguée a estimé qu’elles demeurent capitales et que, de par leur ampleur, elles n’ont pas de substitution.  Sur le plan politique, elle a exhorté les autorités syriennes à participer de bonne foi aux discussions de la Commission constitutionnelle.  Toute paix durable ne pourra advenir sans une pleine participation des femmes, a-t-elle tenu à préciser.  Enfin, elle a appuyé tous les efforts en vue d’un établissement des responsabilités pour les graves violations commises en Syrie.  L’Irlande appuie les efforts nationaux visant à lutter contre l’impunité, a conclu la déléguée, en mentionnant le récent jugement rendu par un tribunal de Coblence.

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a demandé que soit reconsidérée la manière dont le Conseil de sécurité a traité ce dossier depuis 11 ans, en rappelant que la polarisation et les divisions en son sein avaient provoqué une paralysie.  Il a reproché au Conseil des réunions périodiques « limitées à une répétition des positions nationales, sans discussion sérieuse sur une solution pacifique répondant aux aspirations du peuple syrien ».  Le représentant a insisté sur l’importance d’un engagement de toutes les parties dans des négociations politiques et d’un dialogue, notamment via la Commission constitutionnelle.  La discussion doit se concentrer sur les éléments constitutionnels communs dans le cadre d’un processus mené et appartenant aux Syriens.  Cet organe doit en outre se réunir périodiquement.  Pour progresser dans le processus politique, il faut assurer la désescalade militaire et obtenir un cessez-le-feu national, a ajouté le délégué qui s’est inquiété de la dégradation de la situation sécuritaire, en particulier dans le camp de Hol. 

Concernant la situation humanitaire, le représentant a appelé à se concentrer sur la fourniture des besoins de base et des services essentiels.  Il a appuyé les efforts visant à accroître les projets de redressement rapide en Syrie, appelant par ailleurs à apporter aux femmes et filles le soutien nécessaire pour soulager leurs souffrances.  Il a souhaité que le Conseil examine « de manière objective et logique » le dossier du renouvellement du mécanisme d’aide transfrontalière.  Il a appelé les membres du Conseil à coopérer, « quelles que soient les divergences sur d’autres dossiers », afin de garantir que l’aide parvienne à ceux qui en ont besoin, par le biais d’opérations transfrontalières et à travers les lignes de front.  Les positions de tous les membres du Conseil de sécurité sur ce dossier sont claires, et il est important de se concentrer dans les mois à venir sur la manière de relancer des discussions significatives afin de résoudre la crise syrienne plutôt que de simplement la gérer, a conclu le délégué. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a dénoncé les exactions du régime syrien en citant des tortures, assassinats et viols avant de noter que plus de 150 000 personnes sont détenues arbitrairement ou portées disparues.  Il a estimé que cette situation est un obstacle majeur à la paix avant de souligner l’importance de la charte « vérité et justice » lancée en 2021 pour demander des réponses à ces questions.  Dans ce contexte, le représentant a appelé à soutenir la création d’un mécanisme consacré aux personnes disparues.  Il a également fait part de son appui au Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en Syrie, appelant en outre à saisir la CPI.  Le Conseil de sécurité doit démontrer au peuple syrien et au monde qu’un régime qui a infligé des souffrances indicibles est un affront à la civilisation humaine, a-t-il dit.  Le représentant a appelé à exercer de nouvelles pressions sur les parties, en particulier sur le régime syrien, afin que le processus politique en cours produise des résultats tangibles. Il a aussi appelé à rouvrir les points de passage pour que l’aide humanitaire puisse atteindre les populations dans le besoin avant de rappeler que l’aide humanitaire ne doit être politisée. 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon), au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), a noté qu’il y a eu peu de nouveaux développements depuis un mois et que la situation reste préoccupante et continue d’exiger toute l’attention de la communauté internationale.  « Nous devons continuer à donner à la Syrie la bouée de sauvetage dont elle a tant besoin non seulement pour ses besoins humanitaires, mais aussi, et surtout, pour une solution politique », a-t-il déclaré.  Pour les A3, la solution politique, « voie la plus prometteuse », exige l’établissement immédiat d’un cessez-le-feu à l’échelle nationale, un dialogue inclusif et pluraliste qui tienne compte des intérêts du large éventail de Syriens et le rétablissement de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire syrien. 

M. Biang a pris note du travail accompli par la Commission constitutionnelle au cours de sa septième session et a encouragé l’esprit de compromis.  Il a appelé les parties à maintenir leur volonté et leur élan politiques si elles veulent progresser lors de la huitième session de la Commission constitutionnelle, le mois prochain.  Il a aussi prôné des mesures de confiance en suggérant la « libération de détenus vulnérables ».  Les A3 sont également préoccupés par la présence de forces militaires étrangères, qui pourrait saper la sécurité régionale et internationale.  La Syrie « ne devrait pas servir de terrain à d’autres États pour régler des comptes », a souhaité M. Biang pour qui la résolution 2254 (2015) demeure la feuille de route la plus importante pour parvenir à la solution politique à la crise syrienne.

Inquiet de l’aggravation par le conflit des crises économiques et sociales, qui amplifient les besoins humanitaires en Syrie, le représentant des A3 a estimé que la poursuite du mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière demeure essentielle pour l’acheminement de l’aide à des millions de Syriens se trouvant dans des conditions humanitaires précaires.  Les A3 prennent également note de l’intensification des livraisons d'aide à travers les lignes de front grâce à l'élaboration du plan semestriel.  M. Biang, qui a rappelé que la Syrie reste « la plus grande crise de déplacement au monde », a demandé au Conseil de faire preuve de la même unité que lors de l’adoption unanime de la résolution 2585 (2021) sur le mécanisme d’assistance humanitaire transfrontalière en juillet dernier, afin de réaliser les progrès indispensables sur la voie politique.

Mme MONA JUUL (Norvège) a appuyé un processus politique dirigé par les Syriens et salué les avancées accomplies au sein de la Commission constitutionnelle, tout en reconnaissant que ces avancées sont encore modestes. Elle a appuyé l’approche constructive adoptée par l’Envoyé spécial.  La représentante a aussi jugé crucial d’avancer sur le dossier des personnes disparues.  Elle a déploré l’usage de la violence sexuelle dans les centres de détention syriens et demandé la pleine participation des femmes au processus politique.  Toutes les parties doivent contribuer à l’apaisement des tensions en Syrie, a conclu la déléguée. 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a rappelé qu’une réhabilitation sans contrepartie du régime syrien n’apporterait « ni la stabilité à la Syrie ni à la région ».  La France continuera donc son combat sans relâche contre l’impunité en Syrie: les responsables, notamment de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, doivent répondre de leurs actes, a insisté la représentante.  Relevant que les besoins humanitaires n’ont jamais été aussi élevés dans le pays, Mme Broadhurst Estival a aussi noté que la perte des approvisionnements en provenance de l’Ukraine, en raison de l’agression russe contre ce pays, contribue à aggraver l’insécurité alimentaire.  Elle a mis l’accent sur la situation particulièrement préoccupante dans le nord-ouest et le nord-est du pays. 

La représentante a réitéré que le mécanisme humanitaire transfrontalier demeure indispensable en plaidant pour qu’il soit renouvelé, y voyant comme le Secrétaire général un « impératif moral et humanitaire ».  Ce mécanisme transfrontalier et toutes les garanties associées seront nécessaires aussi longtemps que l’aide ne parviendra pas à toutes les populations dans le besoin sur l’ensemble du territoire, a-t-elle précisé tout en souhaitant voir se poursuivre les progrès de l’accès à travers les lignes de front.  La déléguée a appelé toutes les parties au conflit, « en particulier le régime », à respecter le droit international humanitaire.  Elle a ensuite misé sur la conférence des donateurs « Bruxelles VI », prévue les 9 et 10 mai, en assurant que la France et l’Union européenne (UE) seront au rendez-vous.  Depuis 2011, plus de 25 milliards d’euros ont été mobilisés par l’UE et ses États membres en réponse à cette crise, a-t-elle rappelé. 

Sur le plan politique, Mme Broadhurst Estival a affirmé que seule une solution politique permettrait d’instaurer une paix durable.  La résolution 2254 (2015), adoptée à l’unanimité, reste la seule voie commune pour créer les conditions d’une telle paix, selon elle.  C’est « l’affaire de tous » car « aucun acteur n’a la clef pour résoudre seul ce conflit », a-t-elle observé avant d’assurer l’Envoyé spécial du soutien de la France.  Elle a toutefois considéré que la septième réunion de la Commission constitutionnelle n’a pas permis d’obtenir de résultats tangibles, ce dont elle a rendu responsable « le régime » et « son allié russe ».  Mme Broadhurst Estival a conclu en réaffirmant que, sans solution politique, les positions françaises, comme européennes, sur la levée des sanctions, la normalisation et la reconstruction demeureront inchangées. 

M. BING DAI (Chine) a salué les efforts de l’Envoyé spécial dans l’organisation de la septième session de l’organe restreint de la Commission constitutionnelle syrienne qui s’est tenu à Genève, du 21 au 25 mars 2022.  Il a noté que la Syrie est toujours confrontée à une sérieuse situation sécuritaire liée à la présence d’une occupation étrangère.  Il a exhorté la communauté internationale à faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire sans conditions préalables.  Il a salué l’ONU pour son initiative visant à mener 570 projets à impact rapide qui bénéficieront à la population syrienne.  Il a aussi salué l’acheminement du troisième convoi d’aide humanitaire à travers les lignes de front dans le nord-ouest de la Syrie avant de citer la complexité de l’acheminement de l’aide transfrontalière notamment en raison des risques de voir des terroristes s’approprier ces moyens.  Enfin, le représentant de la Chine a appelé à lever les mesures unilatérales imposées contre la Syrie afin de permettre aux Syriens de commercer. 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a déclaré que toute solution militaire est une « illusion » en Syrie et appelé à un cessez-le-feu immédiat.  Les besoins humanitaires grandissants exigent une fourniture de l’aide humanitaire qui soit régulière et prévisible, a-t-il expliqué.  Il a souligné l’importance de faire en sorte que toutes les opérations humanitaires soient soumises à une supervision rigoureuse, avant d’appeler à explorer les pistes d’une augmentation des opérations au travers des lignes de front.  Après avoir rappelé l’aggravation de l’insécurité alimentaire en raison du conflit en Ukraine, il a souhaité une évaluation indépendante des conséquences des sanctions sur la vie quotidienne des Syriens.  Enfin, le délégué a exhorté tous les membres de la Commission constitutionnelle à travailler de manière constructive afin de surmonter leurs divergences.

Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a reconnu les efforts consentis pour mettre en œuvre la résolution 2585 (2021) et les progrès accomplis lors du passage du troisième convoi d'aide humanitaire à travers les lignes de front, le 30 mars.  Elle a souhaité un renforcement de l’acheminement de l’aide humanitaire par cette voie, qui devrait devenir prochainement « une voie prévisible et durable ».  Le Mexique n’en est pas moins d’accord avec le Secrétaire général sur la nécessité de maintenir le passage transfrontalier de Bab el-Haoua, d’autant que la situation humanitaire se détériore de plus en plus.  La représentante a aussi rappelé les conséquences de la situation humanitaire sur les femmes et les filles, notamment le risque de violence sexiste, en demandant que la réponse humanitaire inclue des services de santé mentale et de soutien psychosocial accessibles, inclusifs et fournis dans une perspective de genre.

Mme Buenrostro Massieu s’est alarmée de l’insécurité dans le camp de Hol et de la situation des enfants détenus, en insistant sur le caractère prioritaire de leur rapatriement et de leur réintégration dans leur pays d'origine.  Concernant les personnes disparues, la représentante a pris note du rapport intérimaire du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et a demandé que les mécanismes d'enquête et de responsabilité existants collaborent.

Sur le plan politique, la représentante a regretté que la septième session de la Commission constitutionnelle n'ait pas atteint les objectifs fixés.  Le processus constitutionnel n'est certes qu'un des piliers de la résolution 2254 (2015) mais il constitue la base fondamentale pour rétablir la confiance, promouvoir la réconciliation sociale et construire une paix durable, a rappelé Mme Buenrostro Massieu.  Pour le Mexique, le cessez-le-feu est fondamental pour concentrer les efforts sur le processus politique.  Il demande donc instamment un « cessez-le-feu national définitif ».  

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a regretté l’absence de progrès politiques depuis la septième session, à Genève, du 21 au 25 mars, de l’organe restreint de la Commission constitutionnelle syrienne.  Sur le front de la sécurité, le représentant de l’Inde s’est dit préoccupé par la situation décrite par le rapport du Secrétaire général qui note que la violence s’est poursuivie ces 60 derniers jours.  Il a cité la poursuite de la violence dans la zone de désescalade d'Edleb dans le nord-ouest de la Syrie, notamment avec des frappes aériennes, des bombardements mutuels et des affrontements.  « Il y a un besoin urgent de tentatives véritablement sérieuses en vue d'un cessez-le-feu national en Syrie », a insisté le représentant avant de plaider pour le retrait des forces étrangères, qui est essentiel pour atteindre cet objectif.

Sur le plan humanitaire, le représentant a noté que les besoins de la population ne cessent de croître alors que le conflit en Syrie entre dans sa douzième année.  Il a précisé que 14 millions de personnes ont besoin d'aide humanitaire dans le pays, plus qu'à tout autre moment depuis le début du conflit syrien en 2011.  Il a appelé à ne pas perdre de vue les souffrances auxquelles le peuple syrien est confronté quotidiennement, avant de préciser que les opérations transfrontalières en cours continuent d'avoir un impact négatif sur la souveraineté de l'État syrien.  Il a encouragé l’OCHA et d'autres organismes des Nations Unies à déployer leurs efforts pour améliorer les opérations humanitaires à travers les lignes de front.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a souligné l’importance des opérations transfrontalières de l’ONU, dont le mandat expire en juillet.  Les besoins sont allés en grandissant alors que le Conseil a, au cours des dernières années, réduit les points de passage de ladite aide.  Sans un nouveau mandat, de nouvelles générations de femmes et de filles connaîtront des souffrances accrues, a-t-elle prévenu.  Elle a exhorté tous les membres du Conseil à appuyer le renouvellement dudit mandat, ajoutant que le Conseil en a l’obligation morale et humanitaire.  « Mais soyons clairs, l’aide transfrontalière seule n’est pas suffisante», a-t-elle reconnu.  Enfin, elle a appuyé un processus politique dirigé par les Syriens et apporté son soutien aux efforts de l’Envoyé spécial à cette fin. 

M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a rappelé le soixante-quinzième anniversaire de l’indépendance du pays, célébré ce mois, qui réaffirme la volonté du peuple syrien de poursuivre la lutte pour mettre fin à toute occupation des terres syriennes, « quel que soit le temps que cela prendra », une volonté qui, a-t-il ajouté, s'applique à la « présence illégale actuelle des forces américaines et turques dans le nord-est et le nord-ouest » du pays « ainsi qu'à l'occupation israélienne du Golan syrien ».  Ce que la Syrie a subi au cours des 10 dernières années en raison des « politiques destructrices et criminelles » de certains pays occidentaux « exige que ces pays soient tenus responsables de leurs crimes », a déclaré le représentant.  Si le Conseil de sécurité veut sérieusement arrêter et prévenir les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, qu'il ouvre immédiatement une enquête sur ce qui s'est passé à Raqqa et dans la ville martyre de Baghouz, a-t-il lancé. 

M. Sabbagh s’est félicité de la visite en Syrie prévue à la mi-mai de Mme Msuya, afin de renforcer la coopération entre le Gouvernement syrien et l’OCHA, et de se familiariser avec la situation sur le terrain.  Malgré les séances d’information périodiques du Conseil de sécurité, le représentant a estimé que certains pays occidentaux continuent à faire la sourde oreille quant aux impacts désastreux des mesures coercitives unilatérales imposées au peuple syrien par les États-Unis et l'Union européenne (UE), avant d’en détailler les effets.  Ces mesures, a-t-il ajouté, entravent également le travail des organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales dans le domaine humanitaire.

Le représentant a également accusé les États-Unis et l’UE d'entraver la mise en œuvre des dispositions de la résolution 2585 (2021) relatives à la promotion et à l'augmentation des projets de relèvement rapide.  Il les a accusés de réduire leur financement en liant la mise en œuvre de ces projets à des conditions politisées.  Il les a également accusés, ainsi que la Turquie, d'entraver la livraison de l'aide à travers les lignes de front, afin de justifier leur violation continue de la souveraineté syrienne par le biais du « soi-disant mécanisme de livraison de l'aide transfrontalière », qu’il a qualifié de « bouée de sauvetage pour les organisations terroristes et les bénéficiaires de l'économie de guerre ».  De ce fait, seuls 3 convois, soit 42 camions, ont été envoyés dans le nord-ouest à travers les lignes de front depuis l’adoption de la résolution 2585 (2021) voici neuf mois, alors que des centaines de camions ont franchi la frontière, a-t-il accusé. 

La Syrie renouvelle son engagement en faveur d'une solution politique fondée sur le dialogue national syro-syrien et le processus politique mené par les Syriens, sans aucune ingérence extérieure, et d'une manière qui réponde aux espoirs du peuple syrien, a affirmé M. Sabbagh, qui a salué les efforts déployés par la délégation nationale lors de la septième session de la Commission constitutionnelle.  Il a également rejeté une nouvelle fois toute imposition de résultats prédéterminés et de calendriers artificiels. 

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) a fustigé l’intransigeance du régime syrien qui a empêché tout progrès lors de la septième session de l’organe restreint de la Commission constitutionnelle syrienne.  Il a assuré que la Turquie continuera de soutenir les travaux de l’Envoyé spécial pour parvenir à une solution politique conformément à la résolution 2254 (2015).  Il a fustigé les attaques du régime syrien contre les civils avant d’appeler à empêcher une nouvelle crise humanitaire autour d’Edleb.  Le représentant a aussi dénoncé les exactions du Parti des travailleurs du Kurdistan et des Unités de protection du peuple kurde accusés de recruter des enfants, d’empêcher des civils de rentrer chez eux, et d’arrêter des enseignants d’arabe.  « Les soi-disant forces démocratiques syriennes soutiennent le Parti des travailleurs du Kurdistan qui est une organisation terroriste », a-t-il ajouté.  Il a estimé que l’aide à travers les lignes de front ne saurait remplacer par son ampleur l’aide transfrontalière. Il a imploré le Conseil de sécurité à agir en faveur de la Syrie avant de signaler qu’il ne prendra pas la peine de répondre aux accusations du représentant du « régime criminel syrien » qu’il ne considère pas comme un homologue légitime. 

M. MAJID TAKHT RAVANCHI (République islamique d’Iran) a jugé vital, compte tenu de la situation humanitaire, de lever les sanctions contre la Syrie.  Ces mesures illégales ont des conséquences désastreuses pour la population, a-t-il argué.  Il a demandé que la résolution 2585 (2021) soit appliquée de manière équilibrée et efficace, avant de saluer le bon acheminement par les agences onusiennes du troisième convoi d’aide humanitaire au travers des lignes de front. Le délégué a salué la convocation de la septième session de la Commission constitutionnelle et estimé que celle-ci devait travailler sans ingérence extérieure et sans se voir imposer des délais artificiels.  Enfin, M. Ravanchi a fermement condamné les violations répétées de la souveraineté de la Syrie par Israël, avant d’appeler à mettre un terme à la présence illicite de forces étrangères en Syrie.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Chaque fois que le droit de veto sera exercé au Conseil de sécurité, un débat sera désormais organisé à l’Assemblée générale dans les 10 jours suivants

Soixante-seizième session,
69e séance – matin
AG12417

Chaque fois que le droit de veto sera exercé au Conseil de sécurité, un débat sera désormais organisé à l’Assemblée générale dans les 10 jours suivants

L’Assemblée générale a, ce matin, décidé qu’elle convoquera désormais une séance dans les 10 jours ouvrables suivant l’exercice du droit de veto par un ou plusieurs membres permanents du Conseil de sécurité, afin de tenir un débat sur la situation au sujet de laquelle le veto a été opposé, sous réserve que l’Assemblée ne tienne pas de session extraordinaire d’urgence sur cette même situation. 

En adoptant sans vote une résolution présentée par le Liechtenstein, et dont plusieurs dizaines de délégations se sont portées coautrices, l’Assemblée décide, « à titre exceptionnel », d’accorder la priorité dans la liste des orateurs au membre permanent ou aux membres permanents du Conseil qui auront exercé leur droit de veto.  Le texte prévoit aussi d’inscrire à l’ordre du jour provisoire de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée une question intitulée « Exercice du droit de veto », tout en notant que ce texte et ses dispositions sont « sans préjudice des négociations intergouvernementales sur la réforme du Conseil de sécurité ». 

Ce « mandat permanent » qui permet désormais à l’Assemblée générale de tenir un  débat en cas de recours au droit de veto au Conseil a suscité des interventions contrastées de la part d’une cinquantaine de délégations.  Nombre de celles qui ont salué son adoption étaient occidentales, de la France à la Suède, qui s’exprimait au nom des pays nordiques, en passant par les États-Unis et le Luxembourg, au nom des pays du Bénélux.  Elles se sont félicitées de ce timing jugé opportun, qui intervient deux mois après que la Fédération de Russie a exercé son veto contre un projet de résolution du Conseil exigeant qu’elle retire « immédiatement, complètement et sans condition » toutes ses forces militaires du territoire ukrainien. 

Mais certains États Membres ont exprimé leurs réserves, comme la Thaïlande ou le Brésil, qui a regretté l’insuffisance de consultations informelles pour leur permettre d’apporter des amendements au texte retenu, qui modifierait, à leurs yeux, l’équilibre délicat entre le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale.  À l’instar du Bélarus et de la Colombie, le Brésil a également relevé que l’Assemblée générale dispose déjà d’un mécanisme, à savoir la résolution « L’union pour le maintien de la paix » adopté en 1950, qui lui permet d’adopter des mesures si le Conseil manque à s’acquitter de ses responsabilités. 

Même son de cloche du côté de l’Inde, qui a en outre rappelé que l’Assemblée générale avait décidé à l’unanimité, en 2008, que les cinq aspects de la réforme du Conseil, dont la question du veto, seraient traités de manière globale.  Aussi a-t-il regretté que les États s’opposant à une réforme du Conseil « au coup par coup » soutiennent aujourd’hui une initiative qui ignore la cause profonde du problème.  Pour le Gabon, qui siège comme l’Inde au Conseil de sécurité en qualité de membre non permanent, une résolution sur le droit de veto n’en changera ni la portée, ni la substance, ni les effets, ce vote ayant tout l’air à ses yeux d’un « sparadrap enrobant une tumeur ». 

Partant du postulat que, conformément à l’Article 12 de la Charte des Nations Unies, l’Assemblée générale ne peut formuler de recommandations sur des questions examinées par le Conseil de sécurité, la Fédération de Russie a jugé que la résolution ne pourra résoudre les problèmes « petits ou grands » des États Membres et de l’ONU, risquant au contraire d’entraîner davantage encore de frictions au sein du Conseil de sécurité. 

« Le veto n’est pas la pierre angulaire des Nations Unies, mais sa pierre tombale », le « vieux fantôme d’un monde qui a cessé d’exister depuis longtemps », a pour sa part estimé le Costa Rica, pour qui cette résolution constitue un pas historique vers la responsabilité et la transparence et vers une relation complémentaire et réciproque entre l’Assemblée et le Conseil.  « Jusqu’à présent, cette relation a été un monologue à un sens unique, jamais un dialogue.  Désormais, il en sera autrement », a tranché le délégué costaricain, en rappelant qu’au-delà de son exercice, le « veto caché » peut être agité comme une menace pour torpiller ou appauvrir les projets de résolutions soumis au Conseil d’« insécurité ».  Renchérissant, le Mexique a estimé qu’« avec ce texte, c’est l’Assemblée générale qui aura le dernier mot ».  

Partisane d’une réforme qui rendrait le Conseil plus représentatif du monde d’aujourd’hui, la France a également rappelé les termes de l’autre proposition que son pays porte, conjointement avec le Mexique et depuis plusieurs années, sur l’usage du veto.  Il s’agirait pour les cinq membres permanents de suspendre volontairement et collectivement son recours en cas d’atrocités de masse, un encadrement qui s’appliquerait en cas de crimes de génocide, de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre, a expliqué la déléguée, qui a rappelé que cette initiative est d’ores et déjà soutenue par 105 pays. 

Par ailleurs, l’Assemblée générale a décidé que le Groupe de travail à composition non limitée sur la réduction des menaces spatiales au moyen de normes, de règles et de principes de comportement responsable tiendra sa première session de cinq jours du 9 au 13 mai 2022, sa deuxième session de cinq jours du 12 au 16 septembre 2022, sa troisième session de cinq jours du 30 janvier au 3 février 2023 et sa quatrième session de cinq jours du 7 au 11 août 2023, sauf s’il en décide autrement. 

Elle a aussi décidé de reporter à sa soixante-dix-septième session la requête faite à son Président d’organiser un débat informel et interactif avec les peuples autochtones. 

La prochaine réunion de l’Assemblée générale sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.

RENFORCEMENT DU SYSTÈME DES NATIONS UNIES - POINT 124: PROJET DE RÉSOLUTION (A/76/L.52)

Explications de vote avant le vote

Avant l’adoption du texte, le représentant du Gabon a souligné la nécessité de faire un meilleur usage du droit de veto.  Le droit de veto est critiquable sur le terrain de l’efficacité et comme sur celui de la représentativité.  C’est une entrave à l’action du Conseil, dès que cette action ne plait pas à un de ses membres permanents, a estimé le représentant, en rappelant que le droit de veto avait été exercé à ce jour à 295 reprises par les membres permanents.  Ce droit aboutit à la paralysie et fait du Conseil un instrument de domination entre les mains de quelques-uns, a poursuivi le représentant, pour qui ce droit n’est pas un mal nécessaire.  Il a jugé crucial un changement de paradigme.  L’Afrique doit avoir la place qui lui est due au sein du Conseil, a en outre affirmé le représentant, qui a rappelé la demande de ce continent, telle qu’exprimée dans le consensus d’Ezulwini. 

Appelant les États Membres à se montrer réalistes et pragmatiques, le représentant a indiqué que chaque nation demeure centrée sur ces préoccupations et que les États ne parviennent même pas à s’accorder sur une définition du terrorisme qui est pourtant une menace commune.  Notre conviction est que le vote d’une résolution sur le droit de veto n’en changera ni la portée, ni la substance ni les effets, a-t-il asséné.  Il a comparé ce vote à un « sparadrap enrobant une tumeur », avant de prôner un ordre mondial fondé sur la construction de passerelles, à rebours d’une logique de blocs.  À cette aune, il a indiqué que son pays s’abstiendrait lors du vote de la résolution. 

La représentante du Guyana s’est félicitée de la présentation de ce projet de résolution, rappelant que son pays fait depuis longtemps partie des partisans de l’abolition du droit de veto.  Ce droit ne contribue pas à la responsabilité des membres qui l’exercent et peut empêcher le Conseil de sécurité d’agir dans des situations qui nécessitent des réponses fortes des Nations Unies, a-t-elle fait valoir.  À cette aune, elle a estimé que la proposition d’organiser un débat sur cette question au sein de l’organe le plus représentatif de l’ONU, à savoir l’Assemblée générale, est à la fois appropriée et nécessaire.  Le Guyana, a-t-elle ajouté, considère qu’en élargissant les délibérations au-delà du Conseil, tous les États Membres auraient la possibilité de contribuer à la recherche de solutions. Cela servirait d’autre part à renforcer la relation entre le Conseil et l’Assemblée, étant entendu que celle-ci joue également un rôle dans le maintien de la paix et la sécurité internationales, a conclu la représentante. 

Le représentant des Philippines a considéré que les États Membres de l’Assemblée générale doivent pouvoir décider du lancement d’une procédure telle que préconisée par le texte, mais qu’elle ne devrait pas provenir du Président de l’Assemblée générale: une telle décision devrait être prononcée immédiatement après des consultations entre le Président et l’ensemble des États Membres.  À ses yeux, la décision d’organiser un tel débat devrait être prise au cas par cas après un examen attentif de la question par les États Membres.  Il nous semble important que l’autorité inclusive collective des États Membres soit respectée à tout moment, a-t-il ajouté, après avoir appuyé l’idée que l’Assemblée générale est l’instance la plus représentative qui prend les décisions pour améliorer la redevabilité du Conseil de sécurité. 

Le représentant du Brésil a déclaré qu’il s’abstiendrait car le projet n’avait pas été dûment débattu entre les membres de l’Assemblée.  Il a regretté l’insuffisance de consultations informelles pour permettre aux délégations d’apporter des contributions au texte proposé.  Il a estimé que le texte modifie l’équilibre délicat entre le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale, avant de rappeler que le veto a aussi pour fonction de protéger contre l’usage de la force par un pays ou un groupe de pays.  Le représentant a également relevé que l’Assemblée générale dispose déjà d’un mécanisme, à savoir la résolution « L’union pour le maintien de la paix » adopté en 1950, qui lui permet d’adopter des mesures si le Conseil de sécurité manque à s’acquitter de ses responsabilités. 

Le Nicaragua a dénoncé les manœuvres « impérialistes » des États-Unis et des pays occidentaux visant à détruire l’ONU.  Ces pays veulent exercer une hégémonie totale, a dit le délégué, en appelant à respecter les résolutions onusiennes notamment sur l’embargo de Cuba.  Il a également accusé les États-Unis d’ignorer les arrêts des juridictions internationales. 

Explications de vote après le vote

À l’issue de l’adoption du texte, la Chine a dit comprendre l’objectif de la résolution et rappelé qu’elle a cherché à améliorer les méthodes de travail du Conseil de sécurité.  Les membres permanents doivent montrer l’exemple en promouvant le multilatéralisme et l’état de droit, a-t-elle estimé.  Elle a plaidé pour un travail du Conseil basé sur une compréhension mutuelle et un respect entre membres, avant de reconnaître le manque de consensus entre eux sur certains sujets.  Elle a enfin insisté sur les difficultés procédurales entraînées par le texte de ce jour. 

Le représentent de l’Inde a rappelé que l’Assemblée générale avait décidé à l’unanimité en 2008 que les cinq aspects de la réforme du Conseil, y compris la question du veto, seraient traités de manière globale. Il a regretté que les États s’opposant à une réforme du Conseil « au coup par coup » soutiennent aujourd’hui une initiative qui ignore la cause profonde du problème. Il a également considéré que la présente résolution tend à remettre en question les dispositions de la Charte des Nations Unies en impliquant des changements structurels dans la relation entre l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité qui auront un impact sur les mandats et l’indépendance des deux organes. Il s’est enfin opposé au principe d’une « automaticité » du mandat censé « habiliter » l’Assemblée générale, rappelant que des mécanismes sont déjà en place pour permettre aux membres de l’Assemblée de décider « en urgence » de convoquer des réunions ou de prendre des mesures sur des questions qui aboutissent à une impasse au Conseil de sécurité. Enfin, il a jugé qu’une telle résolution de fond exige beaucoup plus de sérieux et d’approfondissement, regrettant au passage le manque d’inclusivité dans la présentation de ce texte. Pour ces raisons, il a dit n’avoir eu d’autres choix que de s’abstenir. 

L’Indonésie a jugé regrettable que les efforts déployés pour améliorer la transparence du Conseil de sécurité se soient faits dans le cadre d’un processus « trop peu inclusif et transparent ».  Elle a déploré l’absence de négociation élargie avec l’ensemble des États Membres, jugeant qu’une discussion postérieure à l’adoption de la résolution n’est pas un processus de négociation. La délégation a demandé que de telles pratiques cessent dans le cadre des travaux de l’Assemblée générale. 

Le représentant du Bélarus a jugé « dangereux » ce projet de résolution qui ignore les « contradictions importantes» entre les membres du Conseil de sécurité en proposant des « solutions de contournement » comme la tenue d’un débat à l’Assemblée générale en cas de veto au Conseil Sécurité.  Il a déploré que le texte n’a fait l’objet d’aucun cycle complet de négociations ouvertes, inclusives et transparentes, notant que ce processus n’a fait l’objet que d’un échange le 19 avril 2022, après la publication du texte.  Il a affirmé que les auteurs ont échoué clarifier la plupart des questions soulevées par les délégations et n’ont pas tenu compte des commentaires formulés.  Il a rappelé que la résolution de l’Assemblée Générale intitulée « L’union pour le maintien de la paix » du 3 novembre 1950 donne déjà de larges pouvoirs à l’Assemblée pour adopter des mesures si le Conseil de sécurité manque à s’acquitter de ses responsabilités.  Notant en outre que l’ordre du jour et le calendrier des travaux de l’Assemblée générale sont déjà surchargés, il a prévenu que la mise en place d’un mécanisme de convocation automatique de réunions ne fera qu’exacerber les difficultés et entraver l’amélioration et le renforcement des activités des Nations Unies. 

Le délégué de l’Algérie a soutenu le projet de résolution, en rappelant que l’Assemblée est le principal organe délibératif de l’ONU.  À ses yeux, ce texte est un pas en avant institutionnel et devrait favoriser la complémentarité entre les deux organes principaux de l’ONU.  La promotion du multilatéralisme est la meilleure façon de répondre aux défis de l’époque, a souligné le représentant qui a par ailleurs insisté sur l’importance d’une meilleure représentation de l’Afrique au sein du Conseil. 

Le représentant de la Thaïlande a estimé que la résolution présentée à l’Assemblée générale reflète des « efforts louables » qui ambitionnent de conférer plus de transparence aux travaux du Conseil de sécurité, en particulier s’agissant du droit de veto.  Il aurait toutefois souhaité que ce texte important donne lieu à des consultations plus larges avec les États Membres, regrettant le « processus accéléré » des dernières semaines.  Le représentant a par ailleurs exprimé des réserves sur la question du caractère automatique d’une convocation de l’Assemblée générale en cas de veto au Conseil.  Cette automaticité, même si les intentions de ses promoteurs sont bonnes, exclut les États Membres du processus de décision, a-t-il fait valoir. Cela étant, il a espéré que cette résolution sera appliquée de façon cohérente afin de renforcer la confiance des populations dans le système multilatéral. 

Le représentant de la Papouasie-Nouvelle-Guinée a apporté son soutien au texte adopté après avoir expliqué que les membres permanent du Conseil de sécurité détenteur du droit de véto avaient aussi un devoir.  Notant que les souffrances du peuple et du gouvernement de l’Ukraine sont une conséquence terrible du veto utilisé par un membre permanent du Conseil de sécurité, le représentant a vu dans cette situation la démonstration que la paix et la sécurité mondiales ne peuvent plus être de l’apanage du seul Conseil de sécurité dans son « format obsolète actuel».

S’exprimant au nom du C-10, le représentant de la Namibie a noté que la décision adoptée est sans préjudice sur les négociations intergouvernementales relatives à la réforme du Conseil de sécurité, à laquelle l’Afrique est attachée. 

Le Pakistan a soutenu l’adoption de la résolution en disant partager son objectif.  Il a salué les changements apportés au texte, tout en indiquant qu’il aurait pu gagner en clarté encore. 

Le représentant de l’Argentine a rappelé la position constante de son pays contre le droit de veto.  Le Conseil de sécurité devrait être plus démocratique, plus transparent et plus responsable vis-à-vis de la communauté internationale, a-t-il déclaré, précisant s’être rallié « en cohérence » au consensus sur cette résolution. Il a ensuite réaffirmé que le droit de veto constitue une violation du principe d’égalité souveraine des États et devrait par conséquent être aboli. Enfin, il a fait observer que le paragraphe 8 du préambule de cette résolution rappelle qu’elle est sans préjudice pour les négociations intergouvernementales qui se poursuivent.  

Le représentant de la République islamique dIran a dit que les pouvoirs du Conseil de sécurité ne pouvaient être arbitraires et mépriser le droit international.  Le Conseil de sécurité a la responsabilité morale de prendre des décisions qui respectent les intérêts communs de tous les États Membres.  La Charte des Nations Unies exige du Conseil de sécurité qu’il rende des comptes. Le représentant a donc exhorté les différents organismes des Nations Unies à éviter d’empiéter sur les mandats des uns et des autres, avant d’estimer que la multiplication des recours arbitraires au véto rendait nécessaire de mieux réguler ce recours. 

Le représentant de la Fédération de Russie est parti du postulat que, conformément à l’Article 12 de la Charte des Nations Unies, l’Assemblée générale ne peut formuler de recommandations portant sur des questions examinées par le Conseil de sécurité. Pour sa délégation, il est évident que l’initiative sur laquelle repose cette résolution ne pourra pas résoudre les problèmes « petits ou grands » des États membres et de l’ONU et qu’elle risque d’entraîner davantage de frictions au sein du Conseil de sécurité. S’il est difficile d’estimer toutes les conséquences éventuelles de cette décision, l’adoption de la résolution d’aujourd’hui ne suscite chez nous aucune réaction positive, a déclaré le délégué. 

Le délégué de Cuba, qui a dit appuyer la résolution, a déploré « l’usurpation » par le Conseil de sécurité des fonctions de l’Assemblée générale, qui est l’organe le plus représentatif et démocratique de l’ONU.  Il a indiqué que le Conseil a l’obligation de présenter des rapports spéciaux à l’Assemblée chaque fois que cela est nécessaire et pas sur le seul droit de veto. Il a enfin rappelé que les cinq grandes questions qui sont au cœur du processus de négociations intergouvernementales pour une réforme du Conseil forment un tout inséparable. 

Le représentant de la Colombie a estimé que le Conseil de sécurité ne devrait pas être mis en péril dans son mode de fonctionnement. En cas de blocage de cet organe à la suite du recours au droit de veto par un de ses membres permanents, la résolution « Union pour le maintien de la paix » de 1950 a, selon lui, prouvé son efficacité et sa valeur, en prévoyant un mécanisme qui permet à l’Assemblée générale de se saisir de questions relevant de la paix et de la sécurité internationales. Pour le représentant, il est pertinent que, dans des circonstances exceptionnelles, le Conseil de sécurité soit amené à convoquer une session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale. Il a donc jugé que le nouveau mécanisme n’était pas nécessaire et risquait de transformer les règles existantes au détriment des prérogatives du Conseil. 

Déclarations après adoption

S’exprimant au nom des pays nordiques –Finlande, Islande, Norvège, Danemark et son propre pays–, la représentante de la (Suède) a déclaré soutenir « de tout cœur » la résolution, précisant que l’utilisation du droit de veto pour empêcher le Conseil de s’acquitter des tâches qui lui incombent en vertu de la Charte est un sujet de grande préoccupation pour le groupe. Au cours des cinq dernières années, par exemple, le veto a été utilisé pour bloquer l’action du Conseil pas moins de 17 fois.  Comme le montre le cas le plus récent par la Russie, il est urgent de faire preuve de retenue dans l’exercice du droit de veto et d’accroître la transparence et la responsabilité à cet égard.  Le Conseil de sécurité ayant la responsabilité de maintenir la paix et la sécurité, lorsque ses membres permanents bloquent l’action du Conseil, il est normal qu’ils soient invités à l’Assemblée générale pour expliquer leur position, a-t-elle estimé.  Selon elle, la résolution adoptée aujourd’hui n’empiète en aucun cas sur le droit de veto, mais vise à accroître la transparence et la responsabilité dans son utilisation. 

Au nom des pays baltes, le représentant de la Lituanie a salué une résolution qui vise à rendre le recours au veto plus transparent au Conseil de sécurité.  Il a ajouté que ce texte met aussi en évidence l’importance du respect de la Charte.  Il s’est dit persuadé que cette résolution rendra l’ONU plus apte à agir et à honorer sa réputation.  Enfin, il a estimé que la situation de l’Ukraine illustrait les graves conséquences de l’incapacité du Conseil de sécurité à agir. 

Le représentant du Luxembourg, au nom des pays du Bénélux, a dit sa fierté d’avoir coparrainé ce texte.  Cette adoption, qui intervient après deux ans de préparation et de consultation, est sans conséquences sur le processus des négociations intergouvernementales pour une réforme du Conseil, a-t-il rappelé.  Le texte envoie un signal important en faveur du multilatéralisme, car le veto empêche le Conseil d’agir.  Le représentant a cité en exemple le veto opposé à un projet de résolution sur les liens entre sécurité et changements climatiques qui était pourtant soutenu par une grande partie des États Membres.  Le Conseil agit au nom de tous les États Membres et il est donc logique que l’Assemblée générale se réunisse dès lors qu’un veto empêche une action efficace de l’ONU, a conclu le représentant. 

Le représentant de l’Albanie a rappelé que son pays soutient l’initiative portée par la présente résolution depuis son commencement.  Il a reconnu que, bien que l’Assemblée générale ait confié au Conseil de sécurité la responsabilité première de protéger la paix et la sécurité, ce dernier ne s’est pas toujours acquitté de sa mission.  L’agression de la Russie contre l’Ukraine a rendu cette situation très visible pour tous les États Membres, a-t-il souligné, regrettant que le veto ait été utilisé pour couvrir des mensonges, ce qui n’est pas bon pour le Conseil.  Pour le représentant, cet organe de l’ONU a un rôle vital à jouer sur les questions qui font la différence, il ne doit pas servir les intérêts de quelques pays.  De fait, en ouvrant la voie au déclin de l’ordre international basé sur des règles, le droit de veto sape la légitimité du Conseil et de l’ONU dans son ensemble, a-t-il martelé, avant de se dire très heureux que la communauté internationale parle d’une seule voix sur cette anomalie.  Initialement, a encore rappelé le représentant, le recours au veto devait être un privilège spécial lorsque des intérêts vitaux sont en jeu.  Or, il a été dévoyé au fil du temps, trahissant les aspirations du monde à la paix et à la sécurité.  Avant de conclure, il s’est réjoui que la résolution adoptée qui envoie le « message clair » que les États Membres veulent renforcer le multilatéralisme en comblant le fossé entre deux grandes instances des Nations Unies. 

Le représentant du Costa Rica a dit avoir voté en faveur de la résolution, dont le Costa Rica s’est porté coauteur.  Pour lui, le veto n’est pas un droit, mais un privilège trop puissant pour exister, anachronique, qui crée des différences « odieuses » tant au sein du Conseil que parmi les États Membres. Fréquemment, la simple menace de l’exercer⎯ que l’on appelle un « veto caché », est utilisée pour bloquer ou appauvrir les résolutions du Conseil.  Chaque fois qu’il est utilisé, le veto peut facilement devenir une condamnation à mort pour des millions de personnes.  Au lieu d’agir, le veto oblige l’ONU à se mettre en retrait, ce qui entache son prestige.  Dès lors, incapable d’intervenir pour prévenir et résoudre les conflits, le Conseil de sécurité se transforme en un Conseil d’insécurité, entraînant des conséquences graves et coûteuses sous la forme de conflits prolongés et de pertes de vies humaines. 

« Le veto n’est pas la pierre angulaire des Nations Unies, mais sa pierre tombale.  Il n’est que le vieux fantôme d’un monde qui a cessé d’exister depuis longtemps », a tranché le représentant, pour qui son usage relève d’une pratique immorale.  Pour le Costa Rica, cette résolution est un pas historique vers la responsabilité et la transparence, vers une relation complémentaire et réciproque dans le cadre de laquelle, d’une part, le Conseil agit au nom des États Membres et, d’autre part, les États Membres fournissent des recommandations sur les questions qu’il traite et les méthodes qu’il emploie dans son processus décisionnel.  « Jusqu’à présent, cette relation a été un monologue à un sens unique, jamais un dialogue.  Désormais, il en sera autrement », a conclu le représentant. 

Le représentant de la Turquie a déclaré que l’Assemblée générale, en tant que seul organe comprenant tous les États Membres de l’ONU, constitue l’âme et le corps du multilatéralisme.  C’est pourquoi, il a estimé que l’Assemblée générale devait avoir priorité sur tous les autres organes.  Il a rappelé que l’Article 24 de la Charte de l’ONU précise que le Conseil de sécurité agit au nom des États Membres et doit rendre compte de ses activités à l’Assemblée générale.  Il a regretté que le Conseil de sécurité ait souvent été incapable de réagir aux crises dans les délais nécessaires, et que des États aient eu recours au droit de veto pour défendre leurs propres intérêts en aggravant des crises humanitaires.  Face à ce constat, le représentant a estimé que l’Assemblée générale avait adopté aujourd’hui une résolution historique qui constitue un outil supplémentaire pour défendre la paix et la sécurité.  Il a conclu que cette résolution représentait une étape importante pour rendre le Conseil de sécurité plus redevable et plus efficace. 

Le délégué du Mexique a estimé que cette résolution représentait un pas important sur la voie du renforcement de l’ONU.  Nous souffrons d’un système inefficace d’établissement des responsabilités, a déclaré le représentant en rappelant l’importance des fonctions du Conseil.  Il a indiqué que cette résolution « aplanit le chemin d’une meilleure collaboration entre les deux principaux organes de l’ONU ».  Le Conseil agit au nom de tous les États Membres, a-t-il rappelé.  « Dès lors, comment expliquer le fait que les membres permanents n’aient pas à motiver leur recours au veto? »  Le veto paralyse le Conseil et est devenu le visage le plus choquant du pouvoir de quelques-uns, a argué le délégué. Il a accusé ceux qui recourent au veto d’opposer un obstacle indépassable à une action qui n’est pas dans leur intérêt mais est pourtant dans celui de la communauté internationale.  « Le veto n’est pas un privilège », a-t-il asséné, avant de rappeler l’initiative conjointe de son pays et de la France visant à réduire l’usage du droit de veto en cas d’atrocités de masse.  « Avec ce texte, c’est l’Assemblée générale qui aura le dernier mot , a-t-il conclu. » 

La représentante de la Bulgarie s’est félicitée de l’adoption de cette résolution qui renforce le rôle de l’Assemblée générale et de l’ONU dans son ensemble.  Elle a constaté que le droit de veto a souvent empêché le Conseil de sécurité de s’acquitter de sa responsabilité première en matière de paix et de sécurité internationales et donc d’agir au nom des États Membres.  De fait, lorsque le Conseil n’arrive pas agir, c’est notre échec à tous, a-t-elle souligné.  La déléguée s’est donc réjouie que cette résolution donne aux États Membres la possibilité de demander des comptes à ceux qui recourent au veto.  Enfin, après avoir formé le vœu que les procédures définies dans ce texte n’auront pas à être utilisées et que le Conseil pourra remplir sa mission, elle a noté que, si tel n’est pas le cas, les États Membres pourront agir et ne plus être de simples spectateurs. 

Le délégué du Canada a déclaré que l’adoption d’aujourd’hui reflète l’attente de l’Assemblée générale envers le Conseil de sécurité, avant d’estimer que le droit de veto est aussi anachronique qu’antidémocratique.  L’exercice et la menace d’exercer le droit de veto dans des situations où des crimes atroces sont perpétrés –en Syrie et au Myanmar, par exemple– ou dans des situations où un membre permanent du Conseil de sécurité a lancé une guerre d’agression contre un autre État Membre de l’ONU –comme l’a fait la Russie en Ukraine– ne sont pas seulement des attitudes « honteuses ».  Elles sont également contraires aux obligations découlant de la Charte des Nations unies et du droit international, ainsi qu’à notre engagement envers le principe de la responsabilité de protéger, a-t-il affirmé.  Il a jugé à la fois juste et nécessaire que l’Assemblée générale convoque désormais un débat systématique à chaque fois que le droit de veto est exercé au Conseil de sécurité.  Il a également appelé à continuer de prendre des mesures pour circonscrire et limiter davantage l’utilisation du veto –ou au moins accroître le coût de son utilisation– en particulier dans les situations où la paix et la sécurité mondiales sont en jeu, ou lorsque des crimes d’atrocités de masse peuvent être perpétrés. 

Le délégué du Japon a déclaré que l’adoption de cette résolution permet une amélioration du rôle de l’Assemblée générale et par conséquent de l’amélioration du fonctionnement de l’Organisation des Nations Unies.  « Si le système des Nations Unies est loin d’être parfait, nous devons utiliser tous les outils à notre disposition pour l’améliorer en attendant une réelle réforme du Conseil de sécurité » a insisté le représentant, avant d’ajouter que cette nouvelle résolution ne permet plus à un membre permanent du Conseil de sécurité d’opposer son veto sans donner une explication à la totalité des États Membres de l’Assemblée générale.  Parmi les autres initiatives, le représentant a salué la déclaration franco-mexicaine visant à interdire le recours au véto en cas de crimes de masse. 

Le représentant des États-Unis a indiqué que son pays sait que le droit de veto est controversé et demeure un sujet central. « Mon pays prend ses responsabilités de membre permanent très au sérieux », a-t-il ajouté.  Ce droit de veto doit être utilisé à bon escient en prenant pleinement compte l’objectif de maintien de la paix, a ajouté le représentant, qui a dit comprendre l’intérêt de ce texte. Les États-Unis reconnaissent qu’il est important que le membre permanent qui a exercé son droit de veto s’en explique devant l’Assemblée.  Le délégué s’est dit très préoccupé par les abus commis dans l’exercice de ce droit et a dénoncé la tendance de la Russie à en abuser, comme cela a été le cas sur le dossier syrien. La Russie a aussi exercé son droit de veto s’agissant de la situation en Ukraine.  « Ce pays viole la Charte de manière éhontée », a accusé le représentant.  Pour lui, le veto n’est pas un blanc-seing et il a souligné la nécessité de demander des comptes à la Russie. Il s’est félicité de cette résolution car elle met en lumière la nécessité d’un usage responsable du droit de veto.  « C’est pourquoi les États-Unis se sont portés coauteurs de ce texte », a-t-il affirmé. 

La déléguée du Qatar s’est félicitée de cette « avancée » pour l’Assemblée générale, qui est l’organe le plus représentatif des Nations Unies.  Cette résolution, a-t-elle soutenu, permettra de promouvoir le rôle de l’Assemblée générale, conformément à son mandat défini par la Charte.  Pour la déléguée, cela ne sape en rien le mandat du Conseil de sécurité.  De même, ce texte ne préjuge en rien des conclusions des négociations intergouvernementales.  Il s’agit, a-t-elle souligné, de renforcer le rôle des Nations Unies en matière de paix et de sécurité internationales. 

La représentante de la Suisse s’est félicitée de l’adoption de cette résolution, qui crée un mandat permanent pour un débat de l’Assemblée générale en cas de veto au Conseil de sécurité, tout en espérant que cela se produira le moins possible.  Elle a vu dans le texte un appel supplémentaire à restreindre l’usage du veto, car il renforce la responsabilité et la transparence lorsqu’un membre permanent du Conseil en fait usage.  Pour la représentante, le mécanisme ne modifie en rien l’obligation de rechercher la convergence des positions, d’aborder les points de vue divergents et d’œuvrer de bonne foi au consensus au sein du Conseil de sécurité.  En tant que candidate à un siège au Conseil de sécurité, la Suisse restera pleinement engagée en faveur du dialogue et de la résolution pacifique des conflits, a ajouté la déléguée. 

La représentante du Royaume-Uni a déclaré que le veto ne pouvait être utilisé que pour préserver la paix et la sécurité internationales et ne pouvait être utilisé sans rendre de comptes.  C’est pourquoi le Royaume-Uni a appuyé la résolution adoptée aujourd’hui. La représentante a ensuite regretté que la Fédération de Russie ait utilisé 17 fois son droit de véto depuis 2011 pour bloquer les efforts déployés par le Conseil de sécurité pour protéger le peuple syrien. Elle a aussi utilisé son droit de veto pour empêcher le Conseil d’agir après son invasion illégale et non provoquée de l’Ukraine, et elle l’a fait seule, reflétant ainsi le manque de soutien international.  Par ailleurs, la représentante a indiqué que le Royaume-Uni n’avait pas utilisé son droit de veto depuis 1989, parce qu’il préfère la résolution des différends par le dialogue.  Elle a indiqué que le Royaume-Uni avait appuyé le code de conduite du groupe « Redevabilité, cohérence et transparence », par lequel les signataires s’engagent à ne pas voter contre un texte ayant pour ambition de prévenir des atrocités de masse. 

Le représentant de la Pologne a salué l’adoption de cette résolution, y voyant un pas important en vue du renforcement du système onusien pour le rendre plus démocratique et crédible.  Ce texte permet de remédier aux abus dans l’usage du droit de veto et tombe à point nommé dans le contexte d’agression de l’Ukraine par la Russie. Une situation où l'un des membres permanents du Conseil de sécurité, responsable d'avoir violé la paix internationale, utilise son veto pour continuer à jouir de l'impunité est tout simplement inacceptable, a-t-il affirmé. Cette journée est aujourd’hui d’une grande importance pour la communauté des Nations Unies, a conclu le délégué. 

Le représentant du Guatemala a salué l’adoption de ce texte dont il s’était porté coauteur.  Relevant que toute action ou inaction du Conseil de sécurité a des conséquences au niveau international, il a constaté que le recours au veto a souvent empêché cet organe de traiter de cas concrets de menace pour la paix et la sécurité. Il a également rappelé que ce sont les États Membres qui ont conféré au Conseil la responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité internationales, ce qui implique qu’il agit en leur nom.  Il s’est par conséquent félicité que la résolution adoptée propose un mécanisme de transparence qui permette à l’Assemblée générale d’aborder des points que le Conseil n’a pas intégralement traité en raison du recours au veto. 

Le représentant du Kenya s’est dit d’avis que, dans toutes les situations où une menace ou une violation de la paix et de la sécurité internationales se présente, les membres du Conseil de sécurité doivent agir de manière responsable. Cette responsabilité est particulièrement importante lorsqu’un conflit armé ou un acte d’agression implique des crimes d’atrocités de masse, a ajouté le représentant.  Il a donc estimé que le Conseil de sécurité ne devrait pas être empêché d’agir de manière responsable en raison de l’exercice du droit de veto lorsque des mesures efficaces sont nécessaires pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Pour ces raisons, le Kenya a voté en faveur de la présente résolution, a-t-il précisé. 

La représentante de Nouvelle-Zélande s’est dite convaincue de la responsabilité politique de l'Assemblée générale de s’approprier la résolution de certaines crises lorsque le recours à un veto au Conseil de sécurité entraine un échec.  Après avoir rappelé que le recours au droit de véto est un privilège adossé à d’immense responsabilités, la représentante a prévenu que le recours au droit de veto pour privilégier des intérêts nationaux au détriment de la paix et de la sécurité internationales entraine de graves répercussions.  Elle a ajouté que le véto est l’élément le plus antidémocratique des Nations Unies et la plus grande source de critique envers la crédibilité de l’Organisation. Elle s’est félicitée du fait que cette résolution dote l’Organisation d’un système de redevabilité dans l’intérêt de la paix et de la sécurité internationales. 

Le représentant de l’Australie a souligné l’urgence de trouver les moyens pour que l’ONU puisse agir de manière efficace. Trop souvent le veto est considéré par certains membres comme un droit absolu plutôt que comme une responsabilité, a regretté le délégué. Il a affirmé que la Charte n’exclut pas l’Assemblée générale des débats lorsque le Conseil de sécurité ne parvient pas à agir au nom de tous les États Membres.  Il a rappelé que l’Australie était le pays leader dans l’opposition au droit de veto lors de la Conférence de San Francisco, et a demandé aux pays de se rallier à l’initiative franco-mexicaine sur la limitation du droit de veto.  Le pays qui a recours au veto devra maintenant s’en expliquer de manière transparente, a-t-il ajouté. 

Le représentant de Singapour s’est félicité que 80 États Membres se soient portés coauteurs de ce texte adopté par consensus, se déclarant convaincu que la résolution permettra d’améliorer la réputation du Conseil de sécurité et de renforcer l’action multilatérale.  Cette résolution, a-t-il salué, établit plus de transparence et de redevabilité chaque fois qu’un membre permanent a recours au droit de veto et précise que le choix d’y recourir a des conséquences importantes. Il en va de la responsabilité de ceux qui l’exercent d’expliquer leur décision face à l’Assemblée générale, a-t-il souligné.  Ce mécanisme, qui aidera à faire entendre la voix d’États souvent plus petits, permet aussi à l’Assemblée générale de se positionner sur les questions de paix et de sécurité lorsque le Conseil ne peut agir. Cet effort de transparence aidera à accroître la crédibilité des Nations Unies, a-t-il conclu. 

La représentante de l’Irlande s’est félicitée de voir que l’Assemblée générale pourra désormais faire entendre sa voix lorsque le Conseil de sécurité ne le pourra pas. Son pays, a-t-elle dit, a de longue date considérée le veto comme un instrument dépassé et nous n’avons cessé d’appeler à son abolition. Si cette résolution n’empêche pas l'utilisation du droit de veto, elle rappelle néanmoins la responsabilité qui lui est associée à ceux qui bloquent le travail essentiel du Conseil de sécurité, lesquels devront désormais rendre des comptes ici même à l’Assemblée générale, a-t-elle observé. 

Le représentant de Koweït a rappelé rappeler que son pays était membre d’une région arabe qui a beaucoup souffert des conséquences des recours arbitraires au droit de veto.  Il s’est déclaré convaincu que cette résolution renforcera le rôle de l'Assemblée générale, mais aussi la transparence et la reddition de comptes entre l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité.  Estimant que le recours arbitraire au droit de veto a sapé le processus de décision du Conseil de sécurité, il a affirmé que tous les membres permanents du Conseil de sécurité ayant recours au droit de véto ont le devoir d’expliquer et justifier ce recours devant l’Assemblée générale. 

Le représentant de Malte a rappelé que le veto est une responsabilité et pas seulement un privilège.  Elle a estimé que la résolution adoptée permettra d’harmoniser le fonctionnement du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, relevant en outre que ce texte n’a pas d’incidence sur les négociations intergouvernementales sur la réforme du Conseil. Elle a dit attendre désormais avec impatience les prochaines étapes après l’adoption de ce texte. Le Conseil travaille au nom de tous les États Membres, a souligné la déléguée, en se félicitant de l’adoption de la résolution. 

Le représentant de l’Autriche a constaté qu’au fil du temps, la pratique du veto au Conseil de sécurité n’a plus correspondu à ce que les États Membres en attendaient, l’exemple le plus récent étant le traitement de la situation en Ukraine à la suite de l’invasion russe.  Il a précisé que l’objectif de la résolution est de renforcer le rôle de l’Assemblée générale dans le domaine de la paix et de la sécurité internationales, pas de restreindre le droit de veto. Le texte souligne l’importance de la redevabilité et de la division de compétences, telles que prévues par Charte, a-t-il affirmé, en se félicitant qu’un débat se tienne automatiquement à l’Assemblée générale en cas de blocage du Conseil. C’est une avancée pour l’ONU qui ne peut rester inactive en la matière, a jugé le délégué. 

Le représentant de l’Ukraine a rappelé que presque tous les projets de résolution associés à l’agression de la Russie contre l’Ukraine ont été bloqués au Conseil de sécurité, en raison de l’obstination de la Fédération de Russie à faire usage de son droit de véto. Il a donc soutenu la résolution adoptée aujourd’hui, ainsi que les autres initiatives existantes et à venir visant à limiter l’utilisation du droit de veto et à renforcer les responsabilités qui sont associées. Selon le représentant, l’histoire récente a montré que l’abus du droit de veto sape la capacité du Conseil de sécurité à répondre aux menaces pesant sur la paix et la sécurité internationales.  Il était donc nécessaire de modifier le mécanisme actuel pour le rendre plus efficace et crédible, chaque véto exercé dans des situations où des crimes contre l’humanité, des génocides et des atrocités de masse ont été commises étant un signe de mépris pour les victimes. Mais la Russie considère que le veto est un feu vert absolu pour agir de la sorte, a dénoncé le représentant, pour qui son utilisation devrait donc être réduite. 

Le représentant de l’Équateur a salué l’adoption d’un mécanisme de transparence et de redevabilité qui contribue à renforcer le système des Nations Unies.  En adoptant cette résolution, nous avons aussi contribué au renforcement du rôle de l’Assemblée générale et à la revitalisation de ses travaux, s’est-il félicité.  Face au droit de veto au Conseil de sécurité, les 193 « membres permanents » de l’Assemblée générale se sont dotés du droit de parler, a poursuivi le délégué, selon lequel ces deux prérogatives doivent s’exercer en toute responsabilité.  À ses yeux, cette résolution n’est toutefois qu’un début.  Le moment est venu de se demander comment on applique l’Article 27.3 de la Charte, qui précise que dans les décisions prises aux termes du Chapitre VI et du paragraphe 3 de l’Article 52, une partie à un différend s’abstient de voter, a-t-il plaidé. 

Le représentant de la France a considéré que le veto, loin d’être un privilège, implique des devoirs et une responsabilité particulière pour les membres permanents du Conseil de sécurité.  Son usage ne peut en effet viser à paralyser cet organe dans l’accomplissement de son mandat, raison pour laquelle la France ne l’a utilisé que 18 fois depuis 1945 et n’y a pas eu recours depuis plus de 30 ans.  Il a condamné le blocage inacceptable du Conseil de sécurité par la Russie dans le contexte de son agression contre l’Ukraine, qui démontre la nécessité de consolider le système de sécurité collective.  « La France est pleinement engagée dans le processus de réforme du Conseil de sécurité afin de le rendre plus représentatif du monde d’aujourd’hui tout en préservant sa nature exécutive et opérationnelle », a dit le délégué, qui a rappelé que son pays porte, conjointement avec le Mexique et depuis plusieurs années, une initiative sur l’usage du veto.  Il s’agirait pour les cinq membres permanents du Conseil de suspendre volontairement et collectivement son recours en cas d’atrocités de masse, un encadrement qui s’appliquerait en cas de crimes de génocide, de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre.  Cette démarche volontaire, qui respecte strictement les prérogatives du Conseil de sécurité et de ses membres, n’exige pas une révision de la Charte mais un engagement politique des membres permanents, a précisé le délégué.  « Aujourd’hui, cette initiative est soutenue par 105 pays.  Nous appelons tous les États, en particulier les quatre autres membres permanents, à la rejoindre. » 

Le représentant de Timor-Leste s’est dit d’avis que l’Assemblée générale a un intérêt légitime et une responsabilité politique d'exprimer son opinion sur toutes les questions, y compris lorsque le droit de veto est exercé au Conseil de sécurité.  Aussi sa délégation a-t-elle voté en faveur de cette résolution avec pour objectif une ONU plus inclusive, transparente et responsable dans l'exécution de son mandat. 

La représentante d’Israël a dit soutenir le principe d’une réforme et d’un renforcement du système des Nations Unies de manière à accroître la transparence sur ses décisions et ses votes.  Dans ce cadre, le privilège du droit de veto doit être pris au sérieux, à condition qu’il n’y ait pas d’abus, a-t-elle souligné, estimant que la résolution adoptée répond à cette problématique. Nous sommes d’avis que, dans le cas d’une résolution particulière qui ne promeut pas la paix et la sécurité au Conseil de sécurité, le recours au veto reste justifié, a ajouté la déléguée, selon laquelle le nouveau mécanisme ne doit pas saper cet outil quand son usage est pertinent.  Elle a par ailleurs estimé que l’inclusion de la Palestine en tant que coauteur d’un projet de résolution va donc à l’encontre du règlement de l’Assemblée générale. 

Droit de réponse

Exerçant son droit de réponse, le représentant de la République arabe syrienne est revenu sur certaines des déclarations prononcées aujourd’hui au sujet de la situation humanitaire dans son pays, affirmant que les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada ont utilisé à maintes reprises des mesures coercitives pour « étouffer » les Syriens et les empêcher de subvenir à leurs besoins.  Il a jugé déplacé la référence faite par le représentant américain au sujet de l’exercice du droit de veto au Conseil de sécurité s’agissant des allégations d’utilisation d’armes chimiques en Syrie, estimant que l’exercice du droit de veto dans ce cas est venu « rectifier » la trajectoire des enquêtes « politisées » et « manipulées » par les États-Unis.  Si vraiment nous avons besoin d’une enquête internationale, pourquoi ne pas mener une enquête visant tous ceux qui ont financé et facilité les mouvements de groupes terroristes vers la Syrie et le trafic de carburant à partir de la Syrie, les mêmes qui ont fait le commerce de son patrimoine culturel à travers le monde ?  Il a ensuite proposé de créer un tribunal international pour tous ceux qui ont contribué à détruire son pays.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Financement du développement: l’ECOSOC réfléchit aux moyens de mieux tirer parti de la fiscalité et de gérer la dette

Session de 2022,
Forum sur le suivi du financement du développement, 1re et 2e séances, matin et après-midi
ECOSOC/7078

Financement du développement: l’ECOSOC réfléchit aux moyens de mieux tirer parti de la fiscalité et de gérer la dette

À l’ouverture du forum du Conseil économique et social sur le suivi du financement du développement, qui se tient du 25 au 28 avril, les participants ont entendu l’appel du Secrétaire général du l’ONU à « sauver de toute urgence les objectifs de développement durable » et à venir au secours des pays les plus vulnérables à une économie mondiale sous pression.  Dans un message adressé au forum par la voix de sa Vice-Secrétaire générale, M. António Guterres a souligné que le financement du développement reste précisément l’une des solutions pour atteindre ces objectifs et faire sortir de la crise de nombreuses économies au bord de l’insolvabilité.

Une note du Secrétaire général dont étaient saisis les participants alerte du risque de « voir l’écart se creuser entre certains groupes de pays et de perdre ainsi une décennie en matière de développement durable », mettant en péril la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, avec pour conséquences « 77 millions de personnes supplémentaires vivant dans des conditions d’extrême pauvreté en 2021 ainsi qu’une augmentation spectaculaire des inégalités ». 

Face à ces perspectives particulièrement sombres, le Secrétaire général a assuré que le système financier, « qui a les poches pleines », peut sauver les ODD et aider les pays les plus touchés par la pandémie de COVID-19 à surmonter la crise.  Il a ainsi rappelé que le Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement, qu’il a récemment créé, recommande aux pays de rapidement mobiliser des financements auprès de toutes les sources à disposition, la communauté internationale étant invitée à remplir ses engagements en matière d’aide publique au développement (APD) et les institutions financières à favoriser les mécanismes de financement d’urgence, y compris ceux du FMI. 

Lors d’une table ronde, les participants, dont le Président de l’Indonésie, M. Joko Widodo, ont tâché de partager leurs solutions de financement des ODD en vue de permettre aux pays en développement de répondre efficacement aux conséquences socioéconomiques de la pandémie mais aussi de la guerre en Ukraine.  L’élargissement de « l’espace fiscal », ou assiette fiscale, a été au cœur des échanges.  M. Widodo a assuré à cet égard que, durant sa présidence du G20, son pays poursuivrait les efforts en cours destinés à permettre que 100 milliards de dollars sur les 650 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS) soient reversés aux pays les plus en difficulté.  C’est le prix à payer pour aider ces pays qui ont atteint les plus hauts risques en matière de dette extérieure et les près de 160 millions de personnes que la pandémie de COVID-19 a plongées dans l’extrême pauvreté, a-t-il dit.

M. Pedro Sánchez, Président du Gouvernement de l’Espagne, a attiré l’attention sur les conséquences dramatiques de la « guerre en Ukraine » sur la sécurité alimentaire des pays les plus vulnérables avant d’estimer que le premier enseignement à tirer de la pandémie est que le monde « a besoin d’un système multilatéral puissant avec, en son cœur, l’ONU et ses États Membres pleinement mobilisés pour sauver les ODD ».  Il a prôné des systèmes fiscaux “progressifs et équitables” dans les pays en développement pour tirer au maximum profit de l’élargissement de la marge fiscale, favoriser l’accès aux mécanismes de financement du développement et faciliter le retour sur le marché des capitaux.

L’Union européenne (UE), de son côté, a rappelé qu’après deux ans de pandémie, elle a déjà partagé près de 500 millions de doses de vaccin avec les pays à revenu intermédiaire et pris des mesures pour alléger le fardeau de la dette des pays les plus touchés. Elle a encouragé à impliquer les entreprises du secteur privé pour augmenter les rentrées fiscales et mieux financer les ODD. 

À cela, la Ministre éthiopienne de la santé a réagi en déplorant l’asséchement de la base fiscale éthiopienne due à la pandémie et l’absence d’accès aux vaccins, plaidant pour que soit apportée une aide financière majeure aux pays en développement.  Ces pays ont besoin de toujours plus de ressources pour parvenir à réaliser les ODD, a reconnu le Directeur adjoint du Fonds monétaire international (FMI), M. Bo Li, qui a proposé trois pistes pour des progrès tangibles dans ce domaine: des réformes nationales systémiques, l’attraction de fonds privés et des institutions renforcées. 

M. Achim Steiner, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), n’a pas mâché ses mots en affirmant que l’ONU « a le devoir de continuer à montrer au système la réalité de la situation de quasi-banqueroute dans laquelle se trouve une soixantaine de pays à faible revenu ».  L’ONU doit selon lui alerter sur l’urgence d’une situation d’instabilité économique qui a déjà des répercussions politiques et sécuritaires pour 1,7 milliards de personne.

L’alignement de l’architecture de la dette mondiale sur les ODD a été l’objet d’une seconde discussion.  Les pays de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), par la voix du Premier Ministre de la Grenade, ont souligné que le critère du PIB par habitant ne reflétant pas leur vulnérabilité, il est temps d’adopter d’autres critères « multidimensionnels » pour leur donner accès à des types de financement plus favorables.  Le Ministre fidjien de l’économie a, comme de nombreux orateurs, appelé la Banque mondiale et le FMI à examiner d’autres moyens de fonctionnement du service de la dette. « Une annulation pure et simple de la dette est la solution dont ont besoin certains pays », n’a pas hésité à dire Mme Iolanda Fresnillo (Eurodad).  Évoquant un passé colonial qui perdure, elle a invité à reconnaître que « travailler avec des créanciers privés ne fonctionne pas » et demandé la création d’un groupe de travail intergouvernemental chargé de mettre fin à cette crise de la dette. 

Enfin, M. Liu Zhenmin, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales a présenté le rapport du Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement pour 2022, et a appelé les États Membres à respecter leurs engagements en matière d’APD. 

Le forum reprendra ses travaux demain, mardi 26 avril, à 10 heures. 

FORUM DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL SUR LE SUIVI DU FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT

Déclarations liminaires

M. COLLEN VIXEN KELAPILE, Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a déclaré que l’ambition d’un développement durable pour tous fait face aujourd’hui à sa plus grande menace depuis l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030 il y a sept ans.  Il en a voulu pour preuve que la pandémie de COVID-19 a pesé d’un poids exorbitant sur les progrès en matière de développement, ce qui, notamment, a contribué à l’aggravation de la situation des plus pauvres et des plus vulnérables.  Des millions de personnes dans le monde ont été poussées plus profondément dans l’extrême pauvreté et les inégalités ont augmenté, creusant encore le fossé entre pays développés et pays en développement, a-t-il souligné.  Alors que nous continuons à mesurer l’impact des émissions de carbone sur le climat et qu’une crise géopolitique entraîne des flux de réfugiés et provoque de graves perturbations dans les chaînes d’approvisionnement mondiales des produits de première nécessité, les tendances macroéconomiques concernant les pays les moins avancés (PMA) et les pays à faible revenu ne sont pas bonnes, s’est encore inquiété le Président de l’ECOSOC.  Dans ce contexte, il a estimé que la coopération internationale, la solidarité mondiale et le multilatéralisme restent les moyens les plus sûrs de résoudre ces défis mondiaux.  En effet, pour M. Kelapile, « ce n’est que par une action urgente et coordonnée que nous pourrons mobiliser les ressources qui permettront d’inverser positivement la tendance, de sortir les gens de l’extrême pauvreté, de stopper les effets les plus délétères des changements climatiques et d’atteindre les objectifs de développement durable ».  Rappelant que le forum sur le suivi du financement du développement, fort d’une participation universelle, est « la plateforme mondiale dont nous avons besoin pour faire progresser l’action face à ces défis », il a appelé ses membres, à travers le document final qu’ils adopteront par consensus, à montrer au grand public la solidarité des États Membres en ces temps difficiles. 

M. MOKGWEETSI E. K. MASISI, Président de la République du Botswana, a rappelé que la mise en œuvre du Programme 2030 dépend principalement de la question du financement, dans un contexte où la pandémie a vidé les coffres et anéanti des réserves financières patiemment constituées, reléguant de nombreux pays à un niveau d’endettement et de dépenses sans précédent.  La pandémie a rappelé la nécessité de générer des réserves fiscales durables et des systèmes fiscaux progressifs, sans quoi les gouvernements auront du mal à lutter contre la pauvreté et les inégalités, à fournir une éducation et des soins de santé de qualité, et à atteindre une croissance économique durable, tout en tenant compte des facteurs environnementaux - autant d’éléments faisant partie intégrante du Programme 2030. 

Selon M. Masisi, il incombe à tous les pays de favoriser les avancées nécessaires pour débloquer le financement du développement.  Il s’agit notamment de respecter les engagements internationaux antérieurs, de renforcer la mobilisation des recettes nationales, et de mettre en place des institutions et des systèmes de bonne gouvernance.  Plus important encore, les programmes financiers devraient être réévalués, afin d’injecter l’élan nécessaire pour stimuler le développement économique.  Depuis les premiers jours de la pandémie, l’économie mondiale s’est contractée à des niveaux sans précédent et plus de 120 millions de personnes dans le monde sont tombées dans l’extrême pauvreté, a-t-il déploré.  Il a noté que, rien qu’en Afrique, de nombreux États n’ont pas été en mesure de mettre en place des politiques fiscales solides en raison de dettes en suspens et de l’augmentation des taux d’intérêt et des frais de service.

En guise de solutions, le Président du Botswana a préconisé aux gouvernements « la prudence » en matière d’emprunts, afin de disposer de ressources financières suffisantes pour les consacrer efficacement à la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD).  Il a aussi demandé de réduire les coûts d’emprunt pour alléger le fardeau de la dette.  Le Programme d’action d’Addis-Abeba issu de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement et ses principes directeurs devraient selon lui constituer un élément clef de la discussion, avec un accent mis sur les domaines suivants: la dette et sa soutenabilité; la résolution des problèmes systémiques; et la coopération internationale au développement.  Alors que le forum politique de haut niveau pour le développement durable se tiendra dans environ deux mois et que les pays préparent leurs examens nationaux volontaires, M. Masisi a imploré les parties de donner une priorité renouvelée au financement du développement, en mettant l’accent sur la réduction des coûts d’emprunts.

M. ABDULLA SHAHID, Président de la soixante-seizième session de l’Assemblée générale, a d’abord fait remarquer que les pays en situation particulière sont confrontés à des vulnérabilités croissantes concernant l’accès au financement.  Selon lui, les mesures de réponse à court terme visant à lutter contre l’inflation, les inégalités en matière de vaccins et les écarts de revenus doivent être complétées par des stratégies à plus long terme tenant compte des « vulnérabilités multidimensionnelles ».  Le soutien international doit comprendre, entre autres, l’augmentation des investissements, la facilitation des échanges et la réaffectation des droits de tirage spéciaux aux pays en situation particulière.  Deuxièmement, le rétrécissement de l’espace budgétaire et le fardeau de la dette constituent des « goulots d’étranglement majeurs » pour le développement.  La soutenabilité, la restructuration et la transparence de la dette doivent donc être considérées comme des « priorités », a plaidé le Président de l’Assemblée générale.  Il a rappelé que ces questions feront partie des discussions lors du débat thématique sur la dette, qui se tiendra à la fin du mois de mai.  Troisièmement, la mise en œuvre intégrale des engagements pris dans des cadres multilatéraux convenus, tels que le Programme 2030, la Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement, l’Accord de Paris et le Mécanisme COVAX, est absolument nécessaire, selon le Président.

« Nous savons quoi faire », a-t-il martelé.  « Nous avons discuté et négocié ces cadres.  Il nous faut maintenant mobiliser la volonté politique de les mettre en œuvre. »  Une attention particulière doit être accordée aux besoins identifiés dans les programmes d’action pour les pays les moins avancés (PMA), les pays en développement sans littoral, les petits États insulaires en développement (PEID) et les pays d’Amérique centrale, a-t-il ajouté.

Des ressources et des investissements supplémentaires devraient aussi être alloués aux pays en situation particulière pour la réduction des risques et le renforcement de la résilience face à l’aggravation de la pauvreté, aux changements climatiques, aux catastrophes naturelles, aux vulnérabilités liées à la dette et à l’insécurité alimentaire, particulièrement préoccupante compte tenu de la crise en Ukraine.

En guise de solution, M. Shahid a préconisé l’accès à un financement à long terme, y compris au financement public international, aux prêts des banques de développement, pour permettre aux pays de mieux réagir à la crise et de se redresser plus durablement.  Il a appelé à renforcer les capacités, à mettre en place des institutions plus fortes et à arriver à une meilleure gouvernance afin de garantir que le financement du développement soit durable et stimule la croissance.  Avant de conclure, M. Shahid a attiré l’attention sur les opportunités de développement liées au tourisme durable.  Il organisera la semaine prochaine un débat thématique de haut niveau sur la façon dont le tourisme peut améliorer le sort des individus et de la planète, et mener à la prospérité.

Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’ONU et Présidente du Groupe des Nations Unies pour le développement durable, a transmis un message du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, par lequel celui-ci s’alarme de ce que l’économie mondiale est soumise à de fortes pressions liées à une reprise inégale après la pandémie de COVID-19, à la bombe à retardement de la crise climatique, aux inégalités en matière de vaccins et à la guerre en Ukraine.  De nombreuses économies sont au bord d’une spirale descendante d’insolvabilité, de réductions d’investissements cruciaux, de contraction économique et de hausse du chômage, a également indiqué Mme Mohammed au nom de M. Guterres.  Pour ce dernier, des décennies de progrès en matière de développement durable étant en train de s’éroder -puisque la Banque mondiale prévoit qu’un quart de milliard de personnes pourraient basculer dans l’extrême pauvreté cette année et que l’insécurité alimentaire pourrait frapper quelque 323 millions de personnes-, les ODD doivent être sauvés de toute urgence. 

Mme Mohammed a rappelé que le financement du développement reste l’une des principales solutions pour préserver et atteindre ces objectifs, le Secrétaire général ayant créé à cette fin le Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement, lequel vient de rendre son premier rapport.  Dans ce document, a-t-elle rappelé, le Groupe recommande notamment que les pays mobilisent des financements de manière rapide et souple, auprès de toutes les sources à disposition, la communauté internationale étant invitée dans ce cadre à remplir ses engagements en matière d’aide publique au développement (APD) et à soutenir un accès rapide à un financement durable à long terme.  Les institutions financières internationales, quant à elles, doivent accorder la priorité à la souplesse et à la rapidité d’action, en accompagnant des mécanismes de financement d’urgence capables de débourser des fonds rapidement et sans conditions inutiles, a-t-elle ajouté.  L’accès à la facilité de crédit et aux instruments de financement du Fonds monétaire international (FMI) doit être augmenté et la limite cumulative étendue, indique encore le rapport, comme l’a rappelé l’intervenante. 

Après avoir ajouté que de nouvelles séries d’injections de capitaux seront nécessaires pour les banques multilatérales de développement, y compris au niveau régional, Mme Mohammed a rappelé que le Secrétaire général appelle depuis un certain temps à une réforme de l’architecture financière internationale, car « le système ne parvient pas à bénéficier à ceux qui en ont le plus besoin ».  Par ailleurs, elle a souligné l’importance de réduire les risques croissants d’endettement en élargissant l’éligibilité des pays nécessitant une aide d’urgence à ce niveau et de mettre au point de nouveaux mécanismes de conversion de dettes.  « Ces mesures contribueraient à préserver les dépenses essentielles et à libérer des ressources pour un investissement immédiat dans la réalisation des objectifs de développement durable », a-t-elle ainsi déclaré. 

En outre, la Vice-Secrétaire générale a rappelé les demandes du Secrétaire général en matière d’accès équitable aux vaccins et aux traitements contre la COVID-19, d’alignement des budgets nationaux et des systèmes fiscaux sur le financement des ODD et la mise en œuvre de l’Accord de Paris.  « Nous avons besoin d’une solidarité mondiale, soutenue par une volonté et une ambition politiques fortes », a déclaré Mme Mohammed au nom du Secrétaire général avant de rappeler aux pays développés qu’ils doivent remplir « de toute urgence » leur engagement de mobiliser 100 milliards de dollars par an pour l’action climatique dans les pays en développement.

Le système financier international a les poches pleines, a dit Mme Mohammed, avant d’assurer que les États Membres ont les moyens de faire en sorte que tous les pays traversent la crise en gardant intactes leurs perspectives de développement.  « Ce sont précisément les forums multilatéraux tels que le forum de l’ECOSOC sur le financement du développement qui doivent donner une impulsion forte à l’action collective. »  « Le Secrétaire général et moi-même vous exhortons à faire preuve d’ambition et de la volonté politique nécessaire à la résolution des problèmes criants de financement auxquels nous sommes confrontés et pour sauver tant les gains de développement durement acquis que les ODD », a-t-elle conclu. 

Mme NISREEN ELSAIM, du Groupe consultatif de la jeunesse sur les changements climatiques, a insisté sur l’inquiétude ressentie par les jeunes face aux inégalités sociales, aux situations inhumaines telles que la guerre en Ukraine, à la pandémie, ainsi qu’aux changements climatiques.  Elle a appelé à agir et à mobiliser davantage de ressources financières.  Elle a « exigé » des gouvernements qu’ils prennent des mesures rapides pour « redonner espoir aux jeunes ».  L’oratrice a également appelé à agir, sans attendre, pour que le financement du développement aille « là où il est nécessaire » et permette de véritables mesures de développement.  Beaucoup de jeunes intelligents, capables, pleins d’idées sont prêts à contribuer à bâtir un avenir en commun, a-t-elle assuré.  « C’est maintenant ou jamais qu’il faut agir. »

Table ronde 1: Financer les objectifs de développement durable (ODD) en élargissant l’assiette fiscale, pour une reprise inclusive et durable

Tenue au format hybride, la première table ronde du forum a été l’occasion pour les participants, dont le Président de l’Indonésie et celui du Gouvernement de l’Espagne, de réfléchir aux moyens de financer les ODD en élargissant l’assiette fiscale afin de permettre aux pays en développement de répondre durablement et de manière efficace aux crises en cours.  Elle était présidée par M. JUKKA SALOVAARA (Finlande), en sa qualité de Vice-Président de l’ECOSOC.

Le modérateur de la discussion, au cours de laquelle sont intervenus des ministres et des représentants de délégations et de la société civile, M. ACHIM STEINER, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a d’emblée donné le ton.  « Les chiffres qui figurent dans le rapport du Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement dessinent des perspectives sombres pour les six prochains mois et nous exhortent à trouver des réponses rapides et à grande échelles pour aider la soixantaine de pays les plus vulnérables qui ont déjà épuisé toutes leurs ressources fiscales pour faire face à la pandémie de COVID-19 », a-t-il lancé, invitant les intervenants à partager leurs solutions pour accroître les capacités de réponse de la communauté collective à la crise mondiale. 

Le Président de l’Indonésie, M. JOKO WIDODO, a assuré que, durant sa présidence du G20, son pays poursuivrait les efforts en cours destinés à permettre que 100 milliards de dollars sur les 650 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS) soient reversés aux pays les plus en difficulté.  Il en va de ce prix pour aider ces pays qui ont atteint les plus hauts risques en matière de dette extérieure et les près de 160 millions de personnes que la pandémie de COVID-19 a plongées dans l’extrême pauvreté, a-t-il dit.  Le Président indonésien a également déclaré que son pays demeure engagé à promouvoir la réalisation des ODD par le biais de programmes de financements mixtes, comme le programme « Indonesia One », et d’une gestion budgétaire prudente, redevable et tournée vers un avenir vert et durable. 

M. PEDRO SÁNCHEZ PÉREZ-CASTEJÓN, Président du Gouvernement de l’Espagne, a attiré l’attention sur les conséquences dramatiques de la « guerre en Ukraine » sur les pays les plus vulnérables, ceux « qui ont déjà souffert dans des proportions cataclysmiques de la pandémie ».  Selon lui, le premier enseignement à tirer de cette dernière, c’est que le monde a besoin d’un système multilatéral puissant avec, « en son cœur, l’ONU et ses États Membres pleinement mobilisés pour sauver les ODD ».  Augmenter la marge fiscale des pays en développement, favoriser leur accès aux mécanismes pérennes de financement du développement et faciliter leur retour sur le marché des capitaux, cela sera d’autant plus efficace que nos systèmes fiscaux seront progressifs et équitables, a-t-il ajouté. 

De son côté, la représentante de l’Union européenne (UE) a rappelé qu’après deux ans de pandémie, l’UE a déjà partagé près de 500 millions de doses de vaccin avec les pays à revenu intermédiaire.  Les membres de l’UE soutiennent la résilience de ces pays au niveau local par des programmes spécialisés d’une valeur de 800 millions d’euros à date, a-t-elle ajouté.  Elle a en outre invité les participants à se pencher sur le rapport « Investir dans le développement durable de l’UE », qui détaille les mesures mises en œuvre pour élargir l’assiette fiscale des pays et alléger ainsi le fardeau de la dette des pays les plus touchés.  La représentante a aussi souligné la nécessité d’impliquer le secteur privé et ses entreprises, rouages essentiels pour engranger des rentrées fiscales.  « C’est tout le sens de dispositifs européens comme Global Gateway et le Fonds européen pour le développement. »

Un exemple d’asséchement de la base fiscale a été donné par Mme LIA TADESSE GEBREMEDHINA, Ministre de la santé de l’Éthiopie, qui a fait état d’une telle situation dans son pays, due à la pandémie, et a témoigné des conséquences de l’absence d’accès aux vaccins.  Malgré plus de 23 millions de doses administrées, les objectifs de vaccination sont encore loin, a-t-elle regretté en y voyant un obstacle évident à la réalisation des perspectives de développement en Éthiopie.  La Ministre a dès lors plaidé pour que tous les pays qui le nécessitent bénéficient d’une aide pour renforcer la vaccination.  Elle a jugé urgent d’apporter une aide financière majeure aux pays en développement, ainsi que les sommes promises au titre de l’aide publique au développement (APD).  Des arrangements opérationnels doivent être mis en place, a-t-elle prôné en demandant aussi d’augmenter l’injection de liquidités et de lutter contre l’insoutenabilité de la dette. 

Les faiblesses mises au jour par la pandémie ont aussi été décrites par la Ministre de la coopération internationale en faveur du développement de la Suède, Mme MATILDA ERNKRANS, qui a plaidé pour une « approche pansociétale » pour lutter contre la COVID-19.  La Suède a fourni d’importantes contributions au système COVAX dans un esprit de souplesse, a-t-elle signalé.  Elle a tenu à souligner que les femmes sont davantage frappées par la pandémie du fait de leurs emplois moins rémunérés et plus précaires, ce que la Suède combat via une politique résolument « féministe ».

Le Vice-Ministre des finances de la République démocratique populaire lao, M. BOUNLEUA SINXAYVORAVONG, a indiqué que son pays a inscrit les ODD dans sa politique nationale.  Confronté à une grave contraction de son activité économique, notamment dans le secteur des services, et à des recettes fiscales en forte baisse, le Gouvernement lao a dû réduire ses dépenses, a-t-il reconnu en exposant ses difficultés à réduire la dette publique, alors que les dépenses liées aux intérêts ont fortement augmenté.  Pour élargir l’assiette fiscale, le pays lutte contre l’évasion fiscale, numérise le système à grande vitesse et réduit ses dépenses, a-t-il résumé.

Les pays en développement ont besoin de toujours plus de ressources pour parvenir à réaliser les ODD, a souligné à son tour le Directeur adjoint du Fonds monétaire international (FMI), M. LI BO, qui a constaté que même si les pays à faible revenus mettent en place des réformes ambitieuses, cela leur permet au mieux de combler la moitié de leurs lacunes en matière de financement.  « Alors que faire? »  M. Li a préconisé des réformes nationales systémiques, l’attraction de fonds privés et le renforcement des institutions.  Le soutien des pays donateurs est également crucial, a-t-il ajouté en mentionnant aussi l’importance du soutien continu des banques multilatérales de développement et du FMI (emprunts ciblés, renforcement des capacités), qui constitue un troisième moyen d’action.

La représentante de l’organisation Third World Network, Mme BHUMIKA MUCHHALA, a pointé un grand problème de liquidités.  Près de 99 pays à faible revenu ont besoin d’une aide financière rapide pour accéder aux vaccins et améliorer leur système de santé, et pour cela, ils ont besoin de droits de tirage spéciaux, dont elle a estimé le montant total à 1 500 milliards de dollars.

Le représentant de la Colombie, au nom d’un groupe de pays qui soutiennent les pays à revenu intermédiaire, a estimé qu’accroître l’assiette fiscale exige un soutien anticyclique du système économique mondial plus marqué en raison du caractère multidimensionnel des défis.  Financer le développement durable va au-delà du revenu par habitant: cela passe par la « durabilisation » de l’aide et de l’allégement du fardeau de la dette, a dit le délégué.  À cet égard, il a appelé la communauté internationale à reconnaître cette vulnérabilité multidimensionnelle en adoptant les mesures nécessaires au renforcement des capacités des banques multilatérales, à la réalisation de l’équité vaccinale et à l’accélération des transferts technologiques par le biais de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et de ses partenaires du Mécanisme COVAX.

De son côté, le représentant des Philippines a plaidé pour une amélioration de l’administration fiscale en la numérisant pour la simplifier.  « Le premier enseignement à tirer de la pandémie est qu’il existe un lien direct entre environnement et pandémies, les nouvelles maladies émergeant car les hommes empiètent brutalement sur les écosystèmes », a soutenu le représentant de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui a par ailleurs plaidé à son tour pour une approche globale impliquant le secteur privé afin d’anticiper plus efficacement les prochaines pandémies. 

Le représentant du Comité des ONG pour le financement du développement a jugé qu’un tel effort collectif est inséparable des luttes politiques incitant les gouvernements à prendre leurs responsabilités au profit des plus démunis face aux crises.  La représentante du Groupe de la société civile pour le développement a, quant à elle, appelé à la tenue d’une nouvelle conférence mondiale sur la question du financement du développement, cela pour qu’y soit réaffirmé l’engagement « sans exclusive ni condition » de tous les États Membres au service des peuples de la planète. 

Clôturant la table ronde, l’Administrateur du PNUD a fait siens les propos du Secrétaire général: « le système financier mondial a les moyens de faire face à la crise! » a-t-il clamé, avant de rappeler que le nerf de la guerre est l’adaptation des capacités de réponse à une crise multidimensionnelle.  « Si nous avions fait en sorte que les pays à faible revenu aient le même taux de vaccination que les pays développés, ce qui était tout à fait possible, le PIB mondial aurait augmenté en 2022 de 16% », a-t-il affirmé.  Selon lui, l’ONU a le devoir de continuer à montrer la réalité de la situation de quasi-banqueroute dans laquelle se trouve une soixantaine de pays à faible revenu.  « Elle doit alerter sur l’urgence d’une situation d’instabilité économique qui a déjà des répercussions politiques et sécuritaires et menace le quotidien de 1,7 milliard de personnes, comme l’indique le rapport », a-t-il conclu. 

Table ronde 2: Aligner l’architecture de la dette mondiale sur les objectifs de développement durable (ODD): de quoi avons-nous besoin?

La table ronde de l’après-midi, qui a tenté d’apporter des pistes pour arriver à aligner l’architecture de la dette mondiale sur les ODD, était animée par Mme REBECA GRYNSPAN, Secrétaire générale de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED).

Dans une déclaration liminaire diffusée par vidéo, M. KEITH MITCHELL, Premier Ministre de la Grenade, a axé son intervention sur les crises mondiales telles que la pandémie, exacerbées par les conflits et les tensions politiques ayant des conséquences sur la sécurité alimentaire et énergétique.  L’assiette fiscale se réduit pour de nombreux pays et entrave la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a-t-il déploré en constatant que c’est une conséquence du niveau élevé de dette publique.  Il a noté que, dans ce contexte, les problèmes de dette perdurent.  Il a attiré l’attention sur les PEID qui sont confrontés à des intérêts plus élevés, à une relance plus lente, à des déséquilibres fiscaux, à une baisse des recettes et à des prix d’importation toujours plus élevés. 

Les pays de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) sont confrontés à des défis accrus en termes de gestion de la dette et réclament une assistance au développement, a plaidé le Ministre en rappelant, « encore une fois », que le PIB par habitant ne reflète pas leur vulnérabilité.  Il a donc recommandé d’utiliser d’autres critères, multidimensionnels, pour faciliter l’accès à des types de financement plus favorables, ainsi qu’à des aides, afin d’élargir leur assiette fiscale.  M. Mitchell a aussi appelé à pouvoir utiliser rapidement les DTS.

La question du jour est urgente à résoudre, a alerté la Secrétaire générale de la CNUCED, Mme Grynspan, en soulignant qu’une « tempête parfaite » se profile: crise de la dette, de l’énergie, sous fond de tensions économiques entraînées par la pandémie et les changements climatiques.  On peut s’attendre à un resserrement des plateformes financières, alors que les taux d’intérêts augmentent, entraînant une augmentation des intérêts de la dette.  Les pays en développement consacraient déjà 16% de leur revenu au remboursement de leur dette, les PEID y consacrent même plus de 30%, a-t-elle aussi noté.  Le rapport de la CNUCED a mis au jour la magnitude de ce défi, a-t-elle signalé avant de prévenir que, en 2020, les pays en développement ont transféré plus de 1 000 milliards de dollars à des créanciers étrangers à cause de l’accumulation de cette dette.  « Cela exige une réponse ambitieuse, dont l’un des piliers est la réforme de l’architecture de la dette », a appuyé Mme Grynspan.

M. AIYAZ SAYED-KHAIYUM, Ministre de l’économie, des services civils et des communications des Fidji, s’exprimant par visioconférence, a rappelé que les pays tels que le sien n’ont pas choisi d’être en première ligne face aux catastrophes naturelles.  La guerre en Ukraine les touche aussi, avec la hausse des prix du carburant, a-t-il ajouté.  Le Ministre a expliqué que toutes les ressources fiscales ont été utilisées pour ne pas que les Fidjiens tombent dans la pauvreté, mais que les Fidji ont été à leur tour punies par l’architecture du système financier mondial, « conçue pour le bénéfice des pays riches, mais pas pour nous ».  Il a jugé cela « profondément injuste » et a rejeté la faute sur le passé colonial, qui perdure dans l’architecture du système.  Les Fidji ont dû emprunter des centaines de millions de dollars, a-t-il poursuivi en faisant remarquer qu’il est difficile d’emprunter à des faibles taux d’intérêt.  De plus, a-t-il dit, 10% de la charge de la dette des Fidji sont liés directement aux changements climatiques.  Si la dette est soutenable, « le système ne fonctionne pas, car le coût de la dette change », a-t-il conclu en se joignant aux appels lancés à la Banque mondiale et au FMI pour examiner d’autres moyens de fonctionner.

La contribution de M. ABDUL AZIZ ALRASHEED, Vice-Ministre des affaires étrangères et des politiques macrofiscales de l’Arabie saoudite, s’exprimant par visioconférence, n’a pas pu être résumée en raison de problèmes techniques affectant l’interprétariat. 

Mme Grynspan a ensuite donné la parole à M. WERNER HOYER, Président de la Banque européenne d’investissement et Président du Conseil des banques multilatérales de développement, qui s’est dit convaincu de l’urgence absolue à mettre en œuvre les ODD.  Il a appelé à ne pas se cacher derrière la pandémie ou la guerre pour s’affranchir des responsabilités.  Il a réclamé davantage de fonds pour l’adaptation aux changements climatiques avant de condamner la Russie, responsable selon lui de la hausse des prix des matières premières, de la hausse de l’inflation et des taux d’intérêts, qui nuisent aux perspectives économiques pour les pays et menacent le règlement de leur dette.  Le FMI s’attend à des défauts de paiement sur la dette souveraine ces prochains mois, a-t-il prévenu.  Se réjouissant de la mise en œuvre du cadre de règlement de la dette, de la création d’un fonds pour la résilience par le FMI, de la création de droits de tirage spéciaux, il a appelé à une stratégie de partage des risques, tout en veillant à éviter les phénomènes d’« écoblanchiment ».  L’Union européenne (UE) réfléchit à la création d’obligations vertes, a-t-il aussi indiqué.  Certes, les fonds pour des obligations vertes sont présents, mais « il faut s’assurer que ce qui est vert le soit vraiment », a-t-il schématisé.

S’exprimant également par visioconférence, M. CLAY LOWERY, Vice-Président exécutif pour la recherche et les politiques de l’Institut pour la finance internationale, a axé son intervention sur la contribution du secteur privé.  Il a appelé à promouvoir la transparence, le dialogue et la coopération entre créditeur et débiteur, et à éviter le plus possible les restructurations.  Il a aussi rappelé l’importance grandissante des facteurs écologiques et sociaux dans le domaine du financement.  Les débiteurs souverains doivent davantage reconnaître le facteur environnemental, a-t-il souligné. 

Abordant la question sous un autre angle, Mme IOLANDA FRESNILLO, s’exprimant au nom d’Eurodad, a pointé que l’augmentation de la dette menace les droits des femmes et des minorités.  Selon elle, une annulation pure et simple de la dette est la solution dont ont besoin certains pays.  Selon Mme Fresnillo, il ne sert à rien d’accorder encore plus d’emprunts aux pays endettés: cela équivaudrait à ajouter de l’huile sur le feu.  Elle a appelé à aller au-delà de la transparence et des principes volontaires.  Travailler avec des créanciers privés ne fonctionne pas, selon elle.  « Comme l’a dit le ministre des Fidji, on a l’impression d’un passé colonial qui perdure. »  Les créanciers ont la haute main et les solutions sont basées sur leurs propres intérêts, pas ceux des pays débiteurs, a-t-elle argumenté.  Dans ce contexte, l’oratrice a appelé à créer sans tarder un groupe de travail intergouvernemental afin d’établir un cadre pour réduire cette crise de la dette.

Son intervention a été accueillie par des applaudissements dans la salle et la modératrice l’a remerciée pour cette déclaration « puissante et passionnée ».  La discussion s’est ensuivie avec une première intervention du Costa Rica, qui a rappelé que les besoins sont urgents en Amérique latine.  L’Indonésie a donné le témoignage des effets de la pandémie sur les pays en développement, ces effets rendant plus complexe la gestion de la dette et entraînant des situations désastreuses.  La délégation indonésienne a appelé à utiliser des instruments novateurs tels que des financements mixtes pour le développement durable.  Il faut aussi une participation efficace du secteur privé dans les accords de restructuration de la dette, a poursuivi l’Espagne qui a aussi appelé à la garantie de flux financiers stables. 

La Fédération de Russie, en réponse à M. Hoyer, a jugé infondé de rejeter la faute de la crise alimentaire et énergétique actuelle sur un seul pays.  Elle a tancé les pays occidentaux pour avoir lancé une « guerre de protectionnisme » ayant affolé l’inflation, accusant aussi les agences de notation de « néocolonialisme ».  La délégation russe a pris fait et cause pour les pays fortement endettés victimes de l’architecture du système monétaire actuel.  À ce propos, le Malawi a exprimé le sentiment désagréable d’être toujours à la traîne, crise après crise.  Une simple suspension ne fera que décaler le problème, selon la délégation qui a plaidé pour une promotion de la participation du secteur privé afin d’avoir des programmes de développement réellement transformateurs. 

Le Zimbabwe a réclamé des sources financières prévisibles pour garantir son développement.  La numérisation fiscale est une opportunité mais elle est aussi un défi, a-t-il commenté en se demandant comment taxer l’économie numérique et comment collecter des recettes dans ce domaine.  Il a, lui aussi, appelé à une « annulation totale » de la dette.  C’est « une institution permanente chargée de la dette » qu’il faudrait, a professé le Global Policy Forum qui n’a pas vu d’autre solution pour réaliser le Programme d’action d’Addis-Abeba.

« Qui paie la note? » a demandé l’organisation Égalité entre les sexes.  « Les enfants », « les femmes », « le Sud », a-t-elle répondu.  Voilà pourquoi l’annulation de la dette est nécessaire, ainsi que la création d’un processus de restructuration sous l’égide des Nations Unies, a plaidé l’ONG. 

Les conférenciers ont commenté les déclarations, comme Mme Grynspan qui a appelé à faire attention aux pays à revenu intermédiaire qui sont eux aussi confrontés à des difficultés.  M. Alrasheed a rappelé que la dette sert à financer le développement et à se construire un espace fiscal.  Il faut être conscient que les grands créanciers actuels sont différents de ceux d’il y a quelques années, a-t-il souligné également.  Il a appelé à éviter toute polarisation politique autour de la question de la dette, sans quoi la question ne se résoudra jamais.  Il faut que les pays en difficulté demandent à restructurer leur dette, à dépasser les peurs de stigmatisation, a ajouté M. Hoyer avant de faire remarquer que les obligations vertes fonctionnent bien et de recommander de les déployer à d’autres ODD: obligations bleues, obligations pour les services de santé, obligations liées à l’éducation.  Mme Grynspan a conclu la table ronde en disant entendre les appels à réformer l’architecture du système.  Elle a jugé important de les prendre en compte. 

Débat général

Mme MARTA LUCIA RAMIREZ DE RINCON, Vice-Présidente et Ministre des affaires étrangères de la Colombie, au nom du Groupe de pays de même sensibilité pour la promotion des pays à revenu intermédiaire, a appelé à l’augmentation rapide des taux de vaccination dans ces pays, cela sous l’égide de l’OMS, et à l’utilisation du critère de vulnérabilité pour élargir l’allocation d’aides destinées à la lutte contre les défis multidimensionnels posés par la crise sanitaire mondiale.  Elle a précisé que 70% de la population mondiale vit dans des pays à revenu intermédiaire, ce qui nécessite de rééquilibrer le système économique mondial.  Elle a plaidé pour une adaptation de l’octroi d’aides aux circonstances exceptionnelles imposées par la pandémie.

M. SAULOS KLAUS CHILIMA, Vice-Président du Malawi, qui s’exprimait au nom des pays les moins avancés (PMA), a déploré à son tour le faible taux de vaccination dans ces pays.  Pour réaliser l’équité vaccinale, il a appelé à l’allégement de la dette et à une APD fondée sur les bourses, conformément aux préconisations du Programme d’action de Doha.  Il a également exhorté les pays développés à respecter leur engagement de dédier 100 milliards de dollars au financement climatique et d’aider les PMA à sortir de l’isolement numérique afin de leur permettre à leurs employés et étudiants de télétravailler ou de suivre des cours à distance dans de bonnes conditions. 

M. ARIEL HENRY, Premier Ministre de la République d’Haïti, a réclamé un soutien plus concret aux PMA comme le sien.  Au moment où les États subissent le double choc de la pandémie et du conflit en Ukraine, il est plus qu’urgent d’agir, et une action mondiale, concertée, ainsi qu’une solidarité efficace sont nécessaires pour parvenir à la réalisation du Programme 2030, a-t-il estimé.  Il a également engagé la communauté internationale à redoubler d’efforts, constatant que les financements ne conviennent pas aux défis d’aujourd’hui.  La situation des PMA est critique, et leurs défis, immenses.  Une action globale, commune, est nécessaire, pour bâtir des économies plus inclusives, réduire la pauvreté et atteindre les ODD, a déclaré le Premier Ministre. 

Au nom cette fois du Groupe des États d’Afrique, M. CHILIMA, Vice-Président du Malawi a relevé que les États d’Afrique étaient les plus durement frappés par les crises.  Leurs lacunes en termes de financement sont gigantesques et leurs vulnérabilités face à la dette n’ont fait qu’augmenter.  Il a également appelé à mettre un terme aux inégalités vaccinales.  L’ordre économique mondial doit être repensé et un nouvel ordre financier doit être mis en œuvre.  La solidarité mondiale est plus que nécessaire, a souligné M. Chilima qui a appelé à mettre sur pied un instrument spécialisé dans la lutte contre les flux financiers illicites et l’évasion fiscale. 

Mme HALA ELSAID, Ministre de la planification et du développement économique de l’Égypte, a appelé à remédier aux défis financiers qui entravent la réalisation des ODD, réalisation qui est profitable tant aux pays en développement que développés.  Au plan national, elle a expliqué qu’aux côtés de l’ONU, son pays privilégie un cadre intégré identifiant les lacunes à combler en termes de financement du développement.  L’Égypte accorde la priorité à la recherche de mécanismes innovants et de partenariats public-privé, a-t-elle précisé.  Elle a rappelé l’engagement de son pays à mettre en place des mécanismes efficaces en vue de l’avènement d’un monde meilleur pour tous.

Mme LUZ KEILA GRAMAJO VÍLCHEZ, Secrétaire de la planification et de la programmation de la présidence du Guatemala, a plaidé pour une coopération accrue des institutions financières internationales avec les pays à revenu intermédiaire, qui sont les plus touchés sur le plan socioéconomique par les événements climatiques extrêmes et la pandémie de COVID-19.  Elle a jugé essentiel de lutter contre les flux financiers illicites, qui privent ces pays de près de 50 milliards de dollars, autant de ressources importantes qui pourraient servir à financer durablement leurs infrastructures et services publics. 

Mme MATILDA ERNKRANZ, Ministre de la coopération internationale pour le développement de la Suède, s’est inquiétée de l’augmentation de l’instabilité politique due à l’invasion russe de l’Ukraine, et exprimé ses craintes quant à une « décennie perdue » en matière de développement durable.  Elle a affirmé qu’il ne sera pas possible d’atteindre les ODD sans investissement dans une croissance inclusive et verte, ni sans réponse mondiale équitable fondée sur les principes de ne laisser personne de côté.  Le vaccin contre la COVID-19 doit être mis à disposition de tous, et l’ensemble des créanciers doivent être impliqués dans un système de relance verte et ne plus contribuer à l’industrie fossile. 

M. FLEMMING MØLLER MORTENSEN, Ministre de la coopération pour le développement du Danemark, a appuyé l’appel à remédier aux déséquilibres dans le système financier mondial.  Plus que jamais, le monde ne peut rester inactif, et chacun doit faire sa part, a-t-il estimé.  Il a indiqué que le Danemark consacrera 60% de son financement climatique au renforcement de la résilience, particulièrement pour les PMA et les pays en développement sans littoral.  Depuis 2022, le Danemark ne soutient aucune initiative basée sur les énergies fossiles sur la planète, a-t-il ajouté.  Le Ministre a aussi appelé à attirer davantage de capitaux privés en faveur du développement durable. 

M. FRANZ FAYOT, Ministre de la coopération au développement et des affaires humanitaires du Luxembourg, a déclaré que son pays continue à consacrer près de 1% de son PNB à l’APD, cela en mettant l’accent sur le soutien au PMA et aux pays les plus vulnérables.  Rappelant l’expérience du Luxembourg en matière de financement du développement durable via la mise en œuvre partagée d’obligations vertes, il a jugé qu’aujourd’hui plus que jamais, la communauté internationale doit consolider les efforts multilatéraux de paix et de développement durable.

M. SOSTEN GWENGWE, Ministre des finances du Malawi, a souligné que les perspectives de croissance à court terme de son pays sont particulièrement sombres en raison des répercussions délétères de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine.  Il faudrait remettre à plus tard la réalisation des ODD et nous concentrer sur les objectifs nationaux de redressement, a-t-il confié, ajoutant toutefois qu’à travers la Vision Malawi 2063, son gouvernement œuvre à l’élaboration d’une économie prospère et autonome toujours axée sur la réalisation des ODD d’ici à 2030 et la captation de capitaux privés. 

M. SIMON CUEVA, Ministre de l’économie et des finances de l’Équateur, a fait part de l’adoption par son pays d’un plan national de développement durable à l’horizon 2025.  Pour le mettre en application, il faut une politique fiscale adéquate, a-t-il reconnu avant d’expliquer comment, grâce au soutien de la communauté internationale, son pays a mobilisé des ressources nouvelles et renforcé ses capacités.  Il a notamment cité une initiative de récupération verte, avec la collaboration du PNUD. 

M. SUHARSO MONOARFA, Ministre de la planification nationale de l’Indonésie, a déclaré que dans le cadre de sa présidence du G20, l’Indonésie poursuivra ses efforts pour reconstruire en mieux en faveur d’une économie inclusive, sans changer de cap pour financer et réaliser les ODD.  Il a jugé les financements mixtes essentiels afin que les pays en développement puissent développer leurs capacités financières.

M. ARKHOM TERMPITTAYAPAISITH, Ministre des finances de la Thaïlande, a souligné que les répercussions à long terme de la pandémie persistent, imposant à des pays comme le sien de trouver un juste équilibre entre économie et durabilité, inclusivité et protection de l’environnement.  À cet égard, il a noté que son gouvernement promeut des modèles biocirculaires basés sur l’innovation verte, notamment numérique. 

M. RODOLFO SOLANO QUIRÓS, Ministre des affaires étrangères du Costa Rica, a souhaité pour que les efforts de relance après la pandémie soient responsables et visent l’élaboration d’un système socioéconomique inclusif et vert, propice à l’édification d’un monde plus égalitaire et prospère.  Le Costa Rica plaide ainsi pour la création de fonds financiers tournés vers le développement durable et gérés par des banques multilatérales octroyant des prêts à des conditions favorables, quels que soient les revenus des pays, a expliqué le Ministre. 

Mme ANITA VANDENBELD, Secrétaire parlementaire du Ministre du développement international du Canada, a appelé à une action multilatérale ambitieuse afin notamment de soutenir les solutions locales.  Il convient aussi d’investir dans l’adaptation des pays du Sud aux changements climatiques, a-t-elle insisté.  Mme Vandenbeld s’est aussi déclarée favorable à l’inclusion de davantage de catégories de pays dans les dispositifs d’aide à la réduction de la dette.

M. CHRISTOPHER COYE, Ministre d’État des finances, du développement économique et des investissements du Bélize, a déploré qu’on ne puisse vraiment parler de relance post-COVID-19 à propos de petits États comme le sien.  Souhaitant avancer, « respirer », il a appelé les pays développés à aider les petits pays à se reconstruire un espace fiscal. 

M. SOLTAN BIN SAAD AL-MURAIKHI, Ministre des affaires étrangères du Qatar, a expliqué que son pays est chef de file en matière de financement du développement durable ayant un impact positif et répondant aux besoins fondamentaux des pays les moins avancés.  À cet égard, il a souligné que la cinquième conférence consacrée à ces pays que Doha accueillera en mars 2023 sera un moment charnière pour évaluer l’état de mise en œuvre du programme d’action pertinent. 

Mme MARINA SERENI, Vice-Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de l’Italie, a notamment indiqué que son pays avait contribué, à ce stade, à hauteur de 385 millions d’euros à l’initiative COVAX.  Elle a ensuite appelé à fournir d’urgence des solutions durables pour surmonter les défis de la dette auxquels sont confrontés les pays en développement. 

« Sans financement, pas d’ODD; sans Addis [-Abeba], pas de New York », a formulé Mme PILAR CANCELA RODRÍGUEZ, Secrétaire d’État à la coopération internationale de l’Espagne.  Constatant l’augmentation des différences et des inégalités entre pays, elle a appelé à continuer les réformes dans le domaine du financement et, pour cela, à avoir un système financier mondial cohérent et robuste.  Une des leçons de la pandémie est la nécessité de mettre en œuvre un nouveau contrat social, avec en son cœur l’égalité de genre et les droits humains, a-t-elle conclu. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Commission de la population et du développement entame une session 2022 axée sur la nécessité d’une croissance économique soutenue et inclusive

Cinquante-cinquième session,
2e & 3e séances plénières – matin & après-midi
POP/1100

La Commission de la population et du développement entame une session 2022 axée sur la nécessité d’une croissance économique soutenue et inclusive

La Commission de la population et du développement a lancé, aujourd’hui, les travaux de sa cinquante-cinquième session, avec pour thème central « Population et développement durable, en particulier croissance économique soutenue et inclusive ».  Une orientation thématique unanimement saluée par les intervenants de cette séance inaugurale, responsables onusiens, experts et une quarantaine de délégations, alors que la pauvreté et les autres formes d’inégalité font l’objet d’une attention renouvelée à la lumière de la pandémie de COVID-19 et de son impact sur l’économie, et sur fond de guerre en Ukraine.

Au cours des trois dernières décennies, la population et l’économie mondiales ont connu une croissance significative, a précisé le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, chiffres à l’appui : la planète comptait 5,3 milliards d’habitants en 1990 et elle s’approche désormais de la barre des 8 milliards.  Dans le même temps, a ajouté M. Liu Zhenmin, le PIB mondial a été multiplié par 2,5.  Pourtant, la croissance économique globale n’a été « ni pérenne ni inclusive » entre les pays et les régions et à l’échelle de la population mondiale, a-t-il déploré.  Alors que la guerre en Ukraine contribue à accroître l’insécurité alimentaire en Afrique et dans les pays en développement, M. Liu a souligné la nécessité d’aider les populations les plus vulnérables, notamment en assurant un approvisionnement suffisant en aliments nutritifs et l’accès à l’aide alimentaire humanitaire.  Parmi les autres propositions sur la table, le Chef du Département des affaires économiques et sociales (DESA), a cité la mise à disposition de réserves stratégiques de pétrole, le renforcement de la transition vers les énergies vertes et les changements nécessaires dans les mécanismes de financement internationaux existants.

Dans ce contexte de crise, aggravé par la dégradation de l’environnement et les effets des changements climatiques, M. Enrique A. Manalo, Président de la cinquante-cinquième session de la Commission, a jugé encourageant le fait que la croissance de la population mondiale continue de ralentir grâce à la réduction de la fécondité dans le monde.  Cela crée, à ses yeux, une fenêtre d’opportunité pour une croissance économique accélérée, souvent appelée « dividende démographique ».  Reste que, comme l’a souligné la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, le monde est encore loin d’atteindre son objectif d’élimination de la faim d’ici à 2030, a fortiori quand la guerre en Ukraine fait grimper le prix des denrées alimentaires et de l’énergie.  Face à la triple urgence alimentaire, énergétique et financière, le Secrétaire général a créé le Groupe mondial d’intervention des Nations Unies en cas de crise alimentaire, énergétique et financière pour proposer des solutions innovantes, a rappelé Mme Amina Mohammed, ajoutant que, selon une analyse préliminaire de cette structure, 107 économies en développement abritant 1,7 milliard de personnes sont exposées à au moins l’une des trois crises, tandis que 69 pays font face aux trois.  Rendue plus alarmante encore par les récents rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la « tempête d’adversité » qui s’annonce doit pousser la communauté internationale à soutenir, par ses politiques démographiques et macroéconomiques, une croissance économique soutenue et inclusive, a plaidé Mme Mohammed.

Dressant le même constat, la Secrétaire générale de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a mis l’accent sur le niveau élevé des inégalités dans le monde.  Lorsque le Programme de développement durable à l’horizon 2030 a été approuvé voilà sept ans, on estimait à 2,5 milliards de dollars le déficit d’investissement pour que les pays en développement atteignent leurs ODD, a rappelé Mme Rebeca Grynspan.  La pandémie a creusé cet écart à 4,3 milliards de dollars et la guerre en Ukraine devrait encore l’accroître, à tel point que « ce n’est plus un écart mais un gouffre », a-t-elle martelé.  Mme Grynspan a d’autre part noté que les pays qui ont le plus contribué aux modèles non durables de production et de consommation sont généralement ceux où le revenu par habitant est élevé et où la population croît lentement, pas ceux où le revenu par habitant est faible et où la population croît rapidement.  « Chaque crise a un visage féminin », a insisté, pour sa part, la Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), en faisant état de « revers désolants », notamment dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive.  Or, la planification familiale améliore les résultats sur le plan de la santé et permet aux femmes et aux filles de rester à l’école et d’acquérir des compétences qui augmenteront leurs revenus tout au long de leur vie, a fait valoir Mme Natalia Kanem, non sans appeler à la levée des obstacles structurels à l’autonomie corporelle et au choix en matière de procréation.

Les crises multiples ne seront gérables si l’on reconnaît qu’il faut inclure tout un chacun, a abondé Mme Jayati Ghosh, professeure au Département d’économie de l’Université du Massachussetts.  Cela suppose une mobilisation massive contre les inégalités et beaucoup de volonté politique, a-t-elle souligné, avant de faire remarquer que cela vaut aussi pour l’environnement.  Selon elle, la surexploitation de la nature n’est pas liée au fait qu’il y a trop de gens sur Terre mais plutôt aux « mauvais schémas économiques actuels ».  Il convient donc d’agir directement sur la consommation carbone des acteurs les plus riches, a estimé l’enseignante, par opposition à l’idée d’une taxe carbone qui toucherait tout le monde.

Ponctuant le débat général, une table ronde s’est concentrée cet après-midi sur les trois rapports du Secrétaire général à l’étude. 

En début de séance, la Commission a confirmé la nomination de M. Antonin Bieke (Côte d’Ivoire), de Mme Mayra Lisseth Sorto (El Salvador) et de Mme Sara Offermans (Pays-Bas) en tant que Vice-Présidents pour cette cinquante-cinquième session.  Également Vice-Président, M. Andrei Nicolenco (Moldova) a, quant à lui, été désigné comme Rapporteur.  La Commission reprendra ses travaux mardi 26 avril à partir de 10 heures.

MESURES POUR LA POURSUITE DE LA MISE EN ŒUVRE DU PROGRAMME D’ACTION DE LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LA POPULATION ET LE DÉVELOPPEMENT AUX NIVEAUX MONDIAL, RÉGIONAL ET NATIONAL - POINT 3 A) - E/CN.9/2022/4

LA POPULATION ET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE, EN PARTICULIER LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE SOUTENUE ET INCLUSIVE - POINT 3 B) - E/CN.9/2022/2, E/CN.9/2022/3

Déclarations liminaires

M. ENRIQUE A. MANALO (Philippines), Président de la cinquante-cinquième session de la Commissionde lapopulationet du développement, a indiqué que le thème spécial de cette session, « Population et développement durable, en particulier croissance économique soutenue et inclusive », est étroitement lié au chapitre III du Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement qui souligne la nécessité d’intégrer les questions de population dans les stratégies de développement.  Ce chapitre met en évidence, selon lui, les liens entre la population, la croissance économique soutenue et la pauvreté, d’une part, et entre la population et l’environnement, d’autre part.  Des idées qui restent, à ses yeux, aussi pertinentes aujourd’hui qu’elles l’étaient il y a 28 ans.  De fait, a expliqué M. Manalo, la pauvreté et d’autres formes d’inégalité font l’objet d’une attention renouvelée à la lumière de la crise sanitaire mondiale et des ralentissements économiques causés par la pandémie de COVID-19. 

Parallèlement, a poursuivi le Président, le Programme 2030 se concentre, entre autres, sur les modes de production et de consommation non durables, compte tenu de leur impact sur la dégradation de l’environnement et les changements climatiques.  Si ces problèmes ne sont pas principalement dus à l’augmentation de la population humaine, ils sont tous aggravés et rendus plus difficiles à résoudre par une croissance démographique continue.  Il est donc encourageant de constater que la croissance de la population mondiale continue de ralentir grâce à la réduction de la fécondité dans le monde.  Cela crée, à son avis, une fenêtre d’opportunité pour une croissance économique accélérée, souvent appelée « dividende démographique ». 

Malheureusement, a nuancé M. Manalo, l’élévation du niveau de vie s’accompagne souvent de risques accrus de dégradation de l’environnement.  Il s’est, par ailleurs, félicité qu’après plusieurs années d’impasse, la Commission a pu parvenir en 2021 à un consensus autour d’une résolution sur le thème spécial de la session, démontrant ainsi la pertinence continue de la Commission, tout en apportant une contribution importante au Forum politique de haut niveau sur le développement durable. 

En tant que Président, son approche dès le départ a été de s’appuyer sur le succès de la session précédente, a-t-il assuré.  Pour finir, il a salué les délégations qui sont parvenues à dégager un consensus sur les trois projets de décision proposés par le Bureau, espérant les voir aboutir à un consensus sur le projet de résolution portant sur le thème spécial de cette session.

Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, a averti qu’au-delà des effets et des retombées de la pandémie de COVID-19, le monde est loin d’avoir éliminé la faim et la malnutrition d’ici à 2030.  En effet, le nombre de personnes souffrant de la faim devrait augmenter de dizaines de millions à mesure que la guerre en Ukraine fait grimper les prix des denrées alimentaires et de l’énergie. 

Mme Mohammed a rappelé qu’en réponse à la triple urgence alimentaire, énergétique et financière à laquelle sont confrontés de nombreux pays en développement, le Secrétaire général a créé un groupe mondial de réponse à la crise pour proposer des solutions innovantes.  Selon l’analyse préliminaire publiée il y a une semaine par son équipe de travail, 107 économies en développement abritant 1,7 milliard de personnes sont gravement exposées à au moins l’une des trois crises, alors que 69 pays font face aux trois.  Dans le même temps, a-t-elle relevé, de récents rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) font apparaître que le monde se dirige tout droit vers une catastrophe climatique, alors que les gouvernements et les entreprises ne respectent pas leurs engagements.

Face à la « tempête d’adversité » qui s’annonce, nous devons nous rassembler en tant que communauté internationale, a plaidé la Vice-Secrétaire générale, selon laquelle la Commission de la population et du développement a un rôle important à jouer au cours de cette cinquante-cinquième session.  Nous devons renouveler notre engagement à veiller à ce que les politiques démographiques et macroéconomiques soutiennent une croissance économique soutenue et inclusive, et donnent aux gens la possibilité de réaliser leur potentiel, a-t-elle affirmé.  De même, il est urgent de renouveler le contrat social afin de permettre aux jeunes de vivre dans la dignité, d’assurer aux femmes des perspectives et opportunités égales à celles des hommes, et de protéger les malades, les vulnérables et les minorités de toutes sortes.  

Alors que la plupart des pays connaissent une démographie vieillissante et sont, de ce fait, confrontés à des pressions budgétaires, les gouvernements doivent accorder la priorité aux investissements dans l’économie des soins, l’apprentissage tout au long de la vie, le travail décent et des modes de vie sains à tous les âges, a souligné Mme Mohammed.  Parallèlement, nous devons tirer parti du fait que nous avons la plus grande population de jeunes de l’histoire de l’humanité.  Il faut donc investir dans la jeunesse pour qu’elle libère son plein potentiel, a-t-elle estimé, ajoutant qu’à cette fin, le Secrétaire général a convoqué un sommet sur la transformation de l’éducation qui se tiendra en septembre à New York.  Nous devrons le faire tout en abordant la crise climatique et la reconstruction des économies ravagées par la pandémie et les conflits armés, a conclu la Vice-Secrétaire générale, en appelant à défendre la vision et les valeurs du Programme d’action du Caire, adopté en 1994.   

Mme NATALIA KANEM, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), a fait remarquer que dans ce monde en plein bouleversement, « chaque crise a un visage féminin ».  Le visage d’une femme hantée par la violence fondée sur le genre ou traquée dans les conflits, trop souvent soumise aux deux.  Le visage d’une fille mariée ou mutilée contre son gré, enceinte avant que son corps ne soit prêt, alors que des barrières sont dressées contre les services protecteurs de santé sexuelle et reproductive, a continué Mme Kanem.  Le visage d’une fille exclue de l’école en raison des perturbations pandémiques, exclue de l’apprentissage par la pauvreté et la fracture numérique.  Les conflits, les chocs climatiques et la pandémie persistante de COVID-19 nous laissent aux prises avec de profondes conséquences sociales, sanitaires et économiques, a-t-elle déploré.  

Le Sommet de Nairobi sur la CIPD+25 a réitéré l’importance des droits et des choix pour tous comme un facteur déterminant pour parvenir à un développement durable et à une croissance économique inclusive.  Pourtant, le récent rapport de la Commission de haut niveau sur le suivi du Sommet de Nairobi, intitulé « Pas d’exceptions, pas d’exclusions: Réaliser la santé sexuelle et reproductive, les droits et la justice pour tous » fait état de revers désolants dans le monde, a souligné Mme Kanem.  Le rapport appelle à une action ambitieuse, délibérée et globale pour parvenir à la justice sexuelle et reproductive pour tous, car, « nous ne pouvons pas nous permettre d’autres revers », a martelé la patronne du FNUAP.  Les enjeux pour les femmes, les filles et les jeunes, mais aussi pour leurs sociétés, sont simplement trop importants, a-t-elle tranché.

Alors que la pandémie a mis en évidence la nécessité d’investissements massifs dans des systèmes de santé nationaux universels, résilients, fondés sur des données et dotés d’un personnel adéquat, Mme Kanem a également plaidé pour plus d’investissements dans la santé sexuelle et reproductive et les droits reproductifs.  À cet égard, elle a souligné que la planification familiale améliore les résultats en matière de santé et permet aux femmes et aux filles de rester à l’école et d’acquérir des compétences qui augmenteront leurs revenus tout au long de leur vie.  On estime que chaque dollar investi pour mettre fin aux décès maternels évitables et aux besoins non satisfaits en matière de planification familiale apportera près de neuf dollars en avantages économiques d’ici à 2050, a fait valoir Mme Kanem, soulignant au passage que près de la moitié de toutes les grossesses ne sont pas désirées. 

Pour elle, il ne fait pas de doute que le manque d’autonomie corporelle et de choix en matière de procréation continue de bloquer la voie des femmes vers l’égalité et la pleine participation à la vie économique.  Pour cela, il faut une action ciblée visant à éliminer les barrières structurelles et les lois et normes sociales discriminatoires qui entraînent des inégalités entre les sexes en matière de rémunération, d’accès au capital, aux retraites et à d’autres formes de protection sociale.  Le secteur des soins est largement dominé par les femmes alors que leur travail reste largement invisible, non reconnu et non pris en compte dans l’élaboration des politiques nationales, mais il est difficile de changer ce que l’on ne voit, a reconnu Mme Kanem.  Dès lors tous les gouvernements doivent être en mesure de collecter et d’utiliser des données actualisées, de qualité et désagrégées sur la population et le développement.  Malheureusement, les ressources consacrées aux systèmes de données dans leur ensemble, et notamment aux données démographiques, restent terriblement insuffisantes.  Mme Kanem a donc appelé à soutenir les États Membres pour assurer l’achèvement en temps voulu du cycle de recensement de 2020; à améliorer l’état civil et les statistiques de l’état civil; et à encourager une planification du développement qui réponde aux tendances et aux besoins nationaux et locaux de la population. 

La baisse du financement des questions liées à la population, en particulier la santé sexuelle et reproductive et les droits liés à la procréation, compromet le développement du capital humain, a-t-elle affirmé.  Il faut faire plus là où ça compte, a martelé la Directrice du FNUAP en appelant à travailler avec diligence et ensemble pour inverser nos trajectoires actuelles.  Il faut se réengager en faveur d’une croissance économique qui inclut tout le monde - les femmes et les filles, les populations autochtones, les personnes d’ascendance africaine, les migrants, les personnes handicapées, les personnes LGBTQI+.  Il est temps pour le monde de se montrer plus ambitieux sur la mise en œuvre du Programme d’action de la CIPD et des résultats de ses examens, a-t-elle souhaité en soulignant qu’il s’agit d’accélérateurs pour les objectifs de développement durable. 

M. LIU ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, Département des affaires économiques et sociales (DESA), a choisi d’explorer les principaux liens entre les tendances démographiques et le développement durable.  Selon lui, l’augmentation des inégalités de revenus dans les pays du monde entier a mis en évidence la nécessité d’une croissance économique inclusive qui favorise une prospérité partagée par l’ensemble de la population.  Au cours des trois dernières décennies, la population et l’économie mondiales ont connu une croissance significative.  La planète comptait environ 5,3 milliards d’habitants en 1990, et nous approchons maintenant rapidement de la barre des 8 milliards. 

Au cours de la même période, a poursuivi M. Zhenmin, le produit intérieur brut mondial (PIB) mondial a été multiplié par un facteur d’environ 2,5 et le PIB par habitant a augmenté de deux tiers.  Cependant, « contrairement aux aspirations de la communauté internationale, la croissance économique globale n’a été ni pérenne ni inclusive entre les pays et les régions et à l’échelle de la population mondiale », a-t-il fait observer.  Le manque d’inclusion a été bien documenté par DESA, notamment dans les rapports sur la situation sociale dans le monde qui montrent clairement l’accroissement des inégalités dans les pays abritant plus de 70% de la population mondiale.

De 1990 à la fin des années 2000, la croissance de la production économique mondiale a été positive mais assez variable, mais elle a plongé pour atteindre des niveaux négatifs pendant la grande récession de 2008-2009, a poursuivi le responsable onusien.  Le revenu par habitant a rapidement augmenté au cours de la décennie suivante, mais il a de nouveau chuté en 2020 à la suite de la pandémie de COVID-19.  L’économie mondiale a commencé à se redresser en 2021, mais elle est à nouveau durement touchée par les perturbations et l’instabilité causées par le conflit armé en Ukraine.

On prévoit désormais que le PIB de l’Europe et de l’Asie centrale diminuera de 4,1% cette année, soit une réduction deux fois plus importante que la contraction induite par la pandémie en 2020, a-t-il averti.  « La guerre en Ukraine a contribué à accroître l’insécurité alimentaire non seulement en Europe de l’Est et dans les régions voisines, mais aussi en Afrique et dans les pays en développement du monde entier. » 

Reprenant les propos du Secrétaire général, M. Zhenmin a rappelé que « la guerre amplifie une crise tridimensionnelle -alimentaire, énergétique et financière- qui frappe de plein fouet des personnes, des pays et des économies parmi les plus vulnérables du monde ».  C’est pourquoi, a-t-il poursuivi, le Secrétaire général a créé le Groupe de réponse à la crise mondiale sur l’alimentation, l’énergie et les finances afin de coordonner la réponse mondiale aux impacts de la crise en Ukraine.  Dans sa première note d’information, publiée le 13 avril, le Groupe a souligné la nécessité d’une action collective, appelant tous les pays à continuer à s’engager dans les forums multilatéraux pour soutenir l’approche progressive et coordonnée nécessaire.  L’accent est mis sur la nécessité d’aider les populations les plus vulnérables dans le monde, notamment en assurant un approvisionnement suffisant en aliments nutritifs pour tous et l’accès à l’aide alimentaire humanitaire.

Parmi les autres propositions, le Chef du DESA a cité la mise à disposition de réserves stratégiques de pétrole à court terme, le renforcement de la transition vers les énergies renouvelables à moyen terme et les changements nécessaires dans les mécanismes de financement internationaux existants.  Il s’agit, a-t-il expliqué, d’alléger la dette des pays en développement et de leur fournir le financement d’urgence dont ils ont tant besoin pour répondre aux besoins de leurs populations.  En ces temps difficiles, le multilatéralisme et la coopération internationale sont, à ses yeux, plus que jamais nécessaires pour défendre la vision et atteindre les objectifs du Programme d’action du Caire et du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  M. Zhenmin s’est dit convaincu qu’en travaillant ensemble, nous serons en mesure de résoudre les dernières crises et de nous en remettre, tout en poursuivant notre quête collective de paix et de développement.

Mme REBECA GRYNSPAN, Secrétaire générale de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a constaté que cette session n’arrive pas au meilleur moment, le monde en développement se trouvant au bord d’une « tempête parfaite » avec les crises de la dette, de l’alimentation et de l’énergie.  Compte tenu des niveaux élevés de stress socioéconomique engendrés par la pandémie de COVID-19 et les changements climatiques, ce sont des milliards de personnes vivant dans plus d’une centaine des pays qui sont exposés, a-t-elle souligné. 

Elle a relevé que, selon le premier rapport du Groupe mondial de réponse à la crise, 107 économies sont sévèrement confrontées à au moins un des trois canaux de transmission qui caractérisent cette crise, à savoir l’augmentation des prix, la hausse des prix de l’énergie et le resserrement des conditions financières.  Quelque 1,7 milliard de personnes vivent dans ces pays; plus de 500 millions d’entre elles sont déjà pauvres et 215 millions sont sous-alimentées.  Il résulte de cette situation qu’une crise systémique de la dette se développe, que l’inflation est à son plus haut niveau depuis des décennies et que « des troubles civils se préparent dans tous les coins du monde ».  Dans ce contexte, a mis en garde Mme Grynspan, les progrès vers le développement durable ont été gravement entravés au cours des dernières années et les niveaux de pauvreté et d’inégalité atteignent des niveaux préoccupants.  Lorsque le Programme 2030 a été approuvé, la CNUCED avait mesuré à 2,5 milliards de dollars le déficit d’investissement pour que les pays en développement atteignent leurs ODD, a rappelé la haute fonctionnaire.  Or, la pandémie a creusé cet écart à 4,3 milliards de dollars et la guerre en Ukraine devrait encore l’alourdir, à tel point que « ce n’est plus un écart mais un gouffre », a-t-elle observé.

Jugeant le thème central de cette session particulièrement pertinent, Mme Grynspan a noté que la composition de la population a des implications évidentes pour l’environnement et les changements climatiques.  Selon elle, le revenu par habitant est un meilleur critère que la croissance démographique pour prédire l’augmentation de la consommation d’énergie et des émissions de CO2.  En effet, les pays qui ont le plus contribué aux modèles non durables de production et de consommation sont généralement ceux où le revenu par habitant est élevé et où la population croît lentement, voire pas du tout, pas ceux où le revenu par habitant est faible et la population croît rapidement, a-t-elle fait valoir.  De fait, les populations elles-mêmes sont les plus grands agents de changement de l’histoire, a affirmé la Secrétaire générale de la CNUCED, non sans observer que nous avons peut-être aujourd’hui le plus grand nombre de femmes autonomes de l’histoire, ainsi que la jeunesse la plus diversifiée et la plus informée de tous les temps.  Hélas, ce sont les femmes et les jeunes qui souffrent le plus de la crise, alors même qu’ils peuvent briser la corrélation entre la population et la pollution.  Il importe donc, selon elle, d’autonomiser davantage les femmes et les jeunes et de comprendre que la solution réside dans une population « plus responsable, plus inclusive et plus engagée ».

Mme Grynspan a noté que, dans sa région, l’Amérique latine, la population s’inversera aussi vite qu’elle a explosé, et ce, en l’espace de seulement deux générations.  Nous ne savons pas comment nos systèmes de retraite fragiles pourront y faire face et ce que cela signifie pour notre politique et notre culture, a-t-elle commenté, constatant que le déclin de la population a une implication aussi importante que la croissance démographique pour le développement durable.  Elle a ainsi expliqué que, durant sa propre vie, la population mondiale est passée d’environ 2,7 milliards dans les années 1950 à près de 8 milliards de personnes aujourd’hui.  Et 3 milliards de plus devraient rejoindre la famille mondiale avant la fin du siècle, a-t-elle rappelé, avant de s’interroger: que savons-nous de ces 8 milliards d’individus?  Savons-nous s’ils se trouvent dans des pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire?  Leurs enfants vont-ils à l’école, ont-ils accès à l’eau, à l’énergie?  Ont-ils pu utiliser Internet pendant les confinements liés au COVID?  De plus, s’est-elle inquiétée, 1,7 milliard de personnes, soit près d’un cinquième de toute l’humanité, vivent dans des pays fortement exposés aux retombées de la guerre en Ukraine que sont la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, et l’aggravation des conditions financières.  Qu’adviendra-t-il de ces personnes si le baril de pétrole atteint 150 dollars, si l’indice des prix alimentaires de la FAO continue de battre des records historiques chaque mois et si les défauts de paiement connaissent un effet domino?  Pour Mme Grynspan, « aucune solution politique ne sera correcte si elle n’imagine pas à quoi ressemble le monde aujourd’hui à Addis-Abeba, à Bridgetown, à Lima ou à Karachi ».  Nous avons besoin d’un nouveau paradigme de développement durable qui intègre réellement la perspective du monde en développement, faute de quoi les négociations climatiques ne déboucheront jamais, a-t-elle conclu. 

Mme JAYATI GHOSH, professeure au Département d’économie de l’Université du Massachussetts à Amherst, a salué le fait que les Nations Unies sont conscientes de la situation et fixent le cap à suivre.  Les crises multiples auxquelles se heurte le monde, qu’elles soient sanitaires ou climatiques, ne sont pas gérables si l’on ne reconnaît pas qu’il faut inclure tout un chacun, a-t-elle estimé.  Il faut réduire les inégalités, ce qui exige une mobilisation de masse et beaucoup de volonté politique.  Pour Mme Ghosh, la surexploitation de la nature n’est pas liée au fait qu’il y a trop de gens sur terre mais plutôt aux « mauvais schémas économiques actuels ».  

Dans le contexte des changements climatiques, il y a des inégalités puisque 95% des émissions de gaz à effets de serre venaient d’un petit groupe de pays qui représentait 15% de la population mondiale jusqu’à récemment, mais on n’était pas conscient du problème.  Or au fil des conférences des parties, dont la COP26, il est apparu que se sont toujours les mêmes pays qui représentent la majorité des émissions mondiales.  Il faut donc agir directement sur la consommation carbone des acteurs les plus riches et sur leurs émissions, a estimé la professeure, par opposition à l’idée de la taxe carbone qui toucherait tout le monde.

Passant à la crise sanitaire, elle a dit avoir espéré que la pandémie pousserait à investir dans le secteur des soins, or cela ne s’est pas fait.  À cet égard, elle a souligné que ce sont essentiellement les femmes qui assurent souvent gratuitement les soins dans nos sociétés, et que les gouvernements en profitent « cyniquement ».  Mme Ghosh a donc appelé à investir de façon notable dans les services de soins sinon on ne sera pas en mesure de relever les défis sanitaires futurs.  L’autonomisation des femmes est importante, a-t-elle souligné en relevant le lien entre autonomisation et fertilité ou nombre d’enfants par femme.  Dans le cadre des défis qui pèsent sur l’humanité, les femmes doivent être le moteur du changement.  L’intervenante a appelé à réfléchir à des politiques nationales et internationales immédiates et efficaces pour faciliter le développement durable.  Selon elle, la Commission devrait se pencher cette année sur « une nouvelle façon d’articuler nos économies en mettant l’accent sur de nouvelles solutions multiples, vertes et bleues, mais aussi violettes (couleur qui représente l’économie des soins), et rouges (couleur de la redistribution et davantage d’égalité) ».  Ce nouvel accord « multicolore » doit se baser sur des financements publics, en plus de ceux du secteur privé, a conclu la professeure.

Table ronde sur l’examen des rapports du Secrétaire général

Cet après-midi, le panel était saisi de trois rapports du Secrétaire général dont les conclusions nourrissent le débat général inscrit à l’ordre du jour de cette session: rapport sur la population et le développement durable, en particulier la croissance économique soutenue et inclusive (E/CN.9/2022/2); rapport sur les programmes et interventions aux fins de l’application du Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement pour ce qui concerne la population et le développement durable, en particulier la croissance économique soutenue et inclusive (E/CN.9/2022/3); rapport sur les flux de ressources financières devant concourir à la poursuite de l’application du Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement (E/CN.9/2022/4).

Les deux premiers rapports fournissent une multitude de preuves sur les relations entre les tendances démographiques et le développement durable, en particulier la croissance économique durable et inclusive, a dit M. ANTONIN BENJAMIN BIEKE (Côte d’Ivoire), modérateur de la table ronde.  Ils mettent en lumière des tendances clefs dans les interrelations entre la dynamique de la population et la croissance économique, la pauvreté et les inégalités, avec les mégatendances mondiales telles que les changements climatiques et la numérisation, et avec l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, a fait observer M. Bieke.  Ils contiennent également des données récentes sur les effets de la pandémie de COVID-19 dans ces domaines et décrivent les actions nécessaires pour accélérer la mise en œuvre du Programme d’action de la CIPD et maximiser sa contribution à la réalisation d’une croissance économique soutenue et inclusive ainsi qu’à celle des autres objectifs de développement durable (ODD).

Quant au troisième rapport, il fait le point sur les flux d’aide permettant de respecter les engagements pris pour accélérer la mise en œuvre du Programme d’action, a résumé M. Bieke, lors d’une intervention liminaire, en prélude au débat qui a réuni quatre panélistes, pour finir sur un échange interactif avec les États Membres et la société civile.  S’adressant aux panélistes, le modérateur a voulu savoir quels étaient les liens observés entre les tendances démographiques et une croissance économique soutenue et inclusive dans différentes parties du monde.  Comment la pandémie de COVID-19 a-t-elle affecté ces relations?

Pour M. JORGE BRAVO, du Département des affaires économiques et sociales (DESA) et auteur principal du rapport du Secrétaire général sur la population et le développement durable, en particulier la croissance économique soutenue et inclusive (E/CN.9/2022/2), les gouvernements qui, au cours de la transition démographique, ont mis en œuvre des politiques visant à accroître l’accès des garçons et des filles à l’éducation, aux services de santé, y compris les soins de santé sexuelle et reproductive, et à élargir les possibilités d’emploi des femmes, ont stimulé ces dividendes et contribué à réduire les inégalités sociodémographiques.  Quant à la pandémie de COVID-19, elle a exacerbé certaines inégalités préexistantes, mais les inégalités économiques étaient en hausse bien avant que la pandémie ne frappe, a-t-il estimé.

Quels sont dès lors les obstacles à une croissance économique soutenue et inclusive auxquels s’attaquent le programme d’action de la CIPD et les parties connexes du Programme 2030?  Comment les allocations actuelles d’aide au développement aident-elles à relever ces défis ? a encore voulu savoir le modérateur.

Aujourd’hui, 71% de la population mondiale vit dans des pays où les inégalités se sont accrues et 9% de la population mondiale vit avec moins de 1,90 dollar par jour, a fait remarquer Mme RACHEL SNOW, du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP).  Le rapport du Secrétaire général montre par exemple que les femmes représentent 80% de l’ensemble des travailleurs domestiques.  En outre, a fait observer Mme Snow, le rapport sur les flux de ressources révèle que l’aide au développement dans les domaines qui comptent pour une croissance économique plus soutenue et plus inclusive est insuffisante.  Ceci est d’autant plus regrettable que les politiques visant à promouvoir une croissance économique équitable doivent être fondées sur des données désagrégées de haute qualité qui identifient les vulnérabilités, localisent les laissés-pour-compte et mettent en évidence le chevauchement des privations.

M. MORITZ MEIER-EWERT, du Bureau de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) à New York, a, quant à lui, exclu tout lien automatique entre le commerce et l’éradication de la pauvreté.  Les exportations sont souvent concentrées dans un secteur ou une région de l’économie, comme les industries extractives ou les zones franches industrielles.  Dans d’autres cas, les pays les moins avancés n’ont pas pu profiter des possibilités d’accès au marché, car ils n’ont pas été en mesure de respecter les normes de qualité requises.  En outre, la plupart des pays les moins avancés (PMA) sont confrontés à d’importantes contraintes en matière d’approvisionnement, notamment des infrastructures inadéquates, un manque de compétences et un accès insuffisant aux capitaux, sans compter le poids de la dette.  Ils n’ont donc pas été en mesure d’approvisionner les marchés d’exportation avec des produits autres que les produits de base.  Et, bien sûr, a continué M. Meier-Ewert, la plupart des pauvres vivent dans des zones rurales, éloignées des marchés intérieurs, sans parler des opportunités commerciales internationales.  Par conséquent, pour maximiser l’impact du commerce sur l’éradication de la pauvreté, les politiques commerciales doivent être spécifiquement ciblées et complétées par des politiques nationales.

Que faut-il alors privilégier pour faire progresser l’inclusion sociale dans ces pays? s’est encore enquis M. Bieke.  Pour maximiser l’impact du commerce sur l’éradication de la pauvreté, les politiques commerciales doivent être spécifiquement ciblées et complétées par des politiques nationales, a préconisé le panéliste, insistant notamment sur une plus grande diversification de la production.  Sur un autre registre, le modérateur s’est intéressé aux approches nécessaires en vue de maximiser l’autonomisation des femmes à même de contribuer le plus efficacement à la reprise de la pandémie et au rétablissement des progrès vers les ODD.

Mme JEMINAH NJUKI, de l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), a suggéré une action concertée des gouvernements, des organisations d’employeurs et de travailleurs, et de la communauté internationale à la lumière de ces multiples défis pour atteindre l’égalité des sexes et l’autonomisation économique des femmes et des filles.  Sinon, a-t-elle mis en garde, ces effets différentiels perdureront bien au-delà de la pandémie elle-même, avec des implications profondes pour la réalisation de la justice sociale et du travail décent pour tous, y compris le plein emploi productif.  Parmi les bonnes pratiques, l’investissement dans l’expansion des services de soins sociaux peut potentiellement générer des milliers d’emplois décents, tant dans le secteur des soins lui-même que dans d’autres secteurs, grâce aux liens en amont, a encore estimé Mme Njuki.

Mais n’est-ce pas le moment de faire une nouvelle lecture des délais pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD), s’est interrogé le représentant de Cuba, notamment pour faire face à l’inertie causée par la pandémie et avancer de manière durable.  Certes a reconnu M. Bravo, « nous avons peu de chance d’atteindre tous les objectifs avant les échéances fixées, mais en même temps des expériences concluantes sont à mettre en avant », a-t-il répondu, citant le cas du Brésil qui en l’espace de 20 ans a divisé par deux son taux de pauvreté.  « Je ne sais pas s’il atteindra le niveau zéro en 2030, mais cela reste encourageant. »

L’Alliance ACT des églises, une association présente dans quelque 120 pays, s’inquiétant de l’accroissement des inégalités et des injustices, a demandé davantage de recommandations s’agissant de la protection sociale universelle.  Il faut encourager le service à la personne, cela bénéficie à la fois à l’économie et permet d’élargir l’assiette fiscale, a suggéré ONU-Femme, mettant en avant son effet multiplicateur.  M. Meier-Ewert a pointé du doigt les lacunes du produit international brut (PIB)en tant qu’étalon qui ne prend pas en compte toutes les inégalités, annonçant que des actions sont en cours dans le cadre des efforts du Secrétaire général de l’ONU pour corriger ces lacunes.  Quant à l’Association des fédérations internationale des étudiants en médecine, elle a déploré la désinformation, notamment pour ce qui est de l’accès aux informations sur la santé sexuelle et procréative.  Enfin, face à l’inquiétude du Malawi quant au poids de la dette, M. Bravo a rappelé que l’ONU a appelé le Fonds monétaire international (FMI) et d’autres institutions financières à œuvrer pour une atténuation des effets de cette dette.

Débat général

M. FLEMMING MØLLER MORTENSEN, Ministre du développement international du Danemark, au nom des pays nordiques, a condamné dans les termes les « plus vigoureux » la guerre d’agression contre l’Ukraine par les forces russes.  Cette agression viole très clairement le droit international et la Charte des Nations Unies, a-t-il souligné.  Il s’est dit extrêmement préoccupé par les rapports faisant état de violences sexuelles dans les zones contrôlées par l’armée russe.  Poursuivant, le Ministre est revenu sur l’importance accordée par les pays nordiques à la CIPD et à l’application pleine et entière de son programme d’action.  « Lorsque des individus dans toute leur diversité sont en mesure de prendre des décisions éclairées sur leur sexualité et leur reproduction, ils ont davantage de chances d’accéder à l’éducation et de participer au marché du travail », a-t-il fait valoir.  Citant le rapport du FNUAP, le Ministre a relevé que plus de la moitié des grossesses dans le monde sont non désirées et que la plupart d’entre elles font l’objet d’avortements, souvent dans des conditions peu sûres et désespérées.  C’est pourquoi, préoccupé par la santé des femmes, il a appelé à un accès à une éducation sexuelle complète, à la contraception, ainsi qu’à des avortements sûrs.  Cela permettra aux femmes et aux filles de devenir autonomes sur le plan économique, et par là même de faire baisser la pauvreté, ouvrant la voie au développement durable.

Au nom d’un groupe de pays, Mme GABRIELA RODRÍGUEZ RAMÍREZ, Secrétaire générale, Conseil économique et social du Mexique, a estimé qu’une croissance économique inclusive n’est possible que si les sociétés protègent les femmes et les filles dans leurs droits, en particulier les droits sexuels et reproductifs, les aident à s’autonomiser et se font les chantres de l’égalité de genre.  Les femmes et les filles doivent être libres de décider de leur corps et de jouer le rôle qui leur revient dans des sociétés exemptes de violence à leur encontre, a-t-elle plaidé.  Dans le contexte actuel, a relevé la responsable, on ne peut ignorer les graves conséquences de la pandémie de COVID-19 sur les systèmes de soins.  Cette crise a interrompu la fourniture de services essentiels, entraînant notamment une hausse de la mortalité maternelle dans certains pays, tout en accélérant la féminisation de la pauvreté, en intensifiant la précarité des femmes sur le marché du travail et en augmentant le nombre des mariages précoces et des grossesses chez les adolescentes.  Il est donc impératif d’accorder la priorité à un relèvement sexospécifique qui intègre les droits des femmes et des filles.  Mais il faut aussi tenir compte de la santé et du bien-être des jeunes afin qu’ils puissent avoir accès à une éducation complète et inclusive et ainsi briser le cycle de la pauvreté.  Les jeunes doivent avoir les moyens d’agir et bénéficier d’une éducation sexuelle globale pour prendre des décisions éclairées sur leur vie, a-t-elle poursuivi, avant de se féliciter de la tenue en septembre du sommet des Nations Unies sur la transformation de l’éducation.

M. KARL KENDRICK CHUA, Ministre de la planification socioéconomique des Philippines, a expliqué que son pays avait engrangé des progrès considérables entre 2010 et 2020 dans la réalisation des objectifs de la CIPD, notamment en termes d’accès aux contraceptifs modernes et à une éducation de base pour les 10-13 ans, mais aussi d’accès aux soins.  En 2018, l’incidence de la pauvreté a chuté de 7% et six millions de Philippins sont sortis de la pauvreté, a poursuivi le Ministre, mais la pandémie a mis un coup d’arrêt à ces progrès et malmené les institutions philippines, a-t-il regretté.  « La COVID-19 a mis les Philippines à l’épreuve, mais nous n’avons pas failli. »  Le Ministre a cité les avancées en termes d’inclusion financière puisqu’entre octobre 2020 et avril 2022, plus de deux millions de comptes bancaires ont été ouverts pour des individus à faible revenu.  L’économie philippine a rebondi en 2021, notamment grâce au succès du programme de vaccination qui a permis un retour au travail.  À l’avenir, a-t-il assuré, son pays accordera la priorité à l’adaptation aux changements climatiques et au renforcement de la coopération régionale et internationale.

M. JOSÉ CARLOS CARDONA ERAZO, Ministre du développement social du Honduras, a passé en revue les importants défis de son pays, notamment en termes de population et de développement.  Avec une population estimée à 9,6 millions d’habitants, dont 51,3% de femmes et 8,6% d’autochtones et d’afro-descendants, 29,8% de jeunes (10-24 ans) et 6% de personnes de plus de 65 ans, le « bonus démographique est pour le Honduras une occasion de faire face aux problèmes futurs liés à la durabilité du système social et aux conflits sociaux. »  En effet, a poursuivi le Ministre, 73,6% des ménages honduriens se trouvent en situation de pauvreté, dont 53,7% en situation d’extrême pauvreté, principalement dans les zones rurales.  C’est la raison pour laquelle le nouveau plan gouvernemental vise à mettre en œuvre des programmes axés sur les populations les plus vulnérables.  Il s’agit, a-t-il expliqué, de promouvoir l’égalité des sexes et d’accélérer les progrès en matière de santé et de droits sexuels et liés à la procréation en tant que générateurs de valeur économique durable et inclusive.  Pour la mise en œuvre de ces actions, en particulier, et du Programme national de développement à l’horizon 2030, en général, le Gouvernement du Honduras compte sur une contribution importante de la coopération internationale.

M. MANSUKH MANDAVIYA, Ministre de la santé et de la famille de l’Inde, a indiqué que la moitié de la population de son pays a moins de 25 ans.  Le Gouvernement indien s’emploie à tirer profit de ce dividende démographique au travers de programmes nationaux progressistes, notamment en faveur des adolescentes et des filles.  L’Inde autonomise les femmes et protège pleinement les groupes les plus vulnérables afin de parvenir à une plus grande participation de toutes les groupes de population, a-t-il assuré, ajoutant que l’égalité entre les genres est un objectif incontournable de son pays.  De même, nous redoublons d’efforts pour offrir une protection économique et une aide sociale aux populations vieillissantes.  En 2021, a précisé le Ministre, la croissance économique de l’Inde a atteint 9,2%, mue par des initiatives d’énergie verte et des considérations environnementales, et les dépenses sanitaires ont progressé elles aussi.  Lors de la pandémie de COVID-19, le Gouvernement a fait en sorte que chaque individu bénéficie d’un filet de sécurité et a mené une campagne de vaccination inclusive.  Les vaccins ont ainsi été mis à disposition gratuitement, s’est-il enorgueilli, ajoutant que 85% de la population indienne a été pleinement vaccinée et que le pays a également fourni des vaccins à plus de 100 pays.  Dans ce contexte, la croissance de la population s’est stabilisée et les services sanitaires ont gagné en efficacité, a encore relevé le Ministre, pour qui les travaux de la Commission et la réalisation des ODD ont pour dénominateur commun de mettre l’individu au centre du développement durable.

Mme ANNE BEATHE TVINNEREIM, Ministre du développement international de la Norvège, a déclaré que l’égalité des sexes est nécessaire pour assurer une croissance durable et inclusive.  Et pourtant, des législations et des pratiques discriminatoires restent en place à travers le monde, avec des impacts sur l’éducation, l’emploi, la protection juridique, l’accès aux services et la participation politique des femmes.  « L’égalité des sexes comprend le droit des jeunes filles et des femmes de décider de leur propre corps, de choisir leur partenaire et décider si, et quand, avoir des enfants », a insisté Mme Tvinnereim pour laquelle il s’agit d’un droit humain essentiel et d’un élément fondamental de la CIPD.  Trop de femmes et de filles mènent une vie dans laquelle la santé sexuelle et reproductive et les droits connexes ne sont encore qu’un rêve lointain.  En fait, la majorité des jeunes n’ont pas les connaissances nécessaires pour pouvoir prendre des décisions responsables concernant leur santé sexuelle et reproductive.  Cela les rend vulnérables à la coercition, aux mariages précoces, aux infections et aux grossesses non désirées, a-t-elle déploré, en plaidant pour une éducation sexuelle complète à l’école et au-delà.  S’appuyant sur le dernier rapport du FNUAP, la Ministre a souligné que la moitié de toutes les grossesses sont non désirées, que 60% des grossesses non désirées se terminent par un avortement et que les avortements à risque causent 800 décès maternels chaque jour.  « Nous ne pouvons simplement pas fermer les yeux sur cette situation », a-t-elle tranché, en appelant à renforcer l’accès à la santé sexuelle et reproductive et aux droits en la matière, y compris le droit à un avortement sûr et légal.  Pour la Ministre, l’égalité des sexes n’est pas une option politique. C’est un droit humain qui englobe le droit de participer pleinement à la société.  C’est aussi la clef pour libérer le plein potentiel d’un pays, a-t-elle conclu. 

M. HUGH HILTON TODD, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Guyana, a appelé à placer les individus au centre des stratégies de développement durable pour permettre une croissance économique inclusive à tous les niveaux.  Il a réitéré l’attachement de son pays à parvenir à ces objectifs.  Ceci est d’autant plus important à un moment où les défis comme la pauvreté, l’urbanisation galopante, les inégalités, l’analphabétisme et les modes de consommation et de production non durables, entre autres, se chevauchent et requièrent des efforts mondiaux.  Le Ministre a donc appelé à renforcer les capacités à tous les niveaux pour parvenir aux objectifs du Programme d’action de la CIPD.  « C’est guidé par le contrat conclu avec le peuple guyanais que son gouvernement mise sur une croissance économique inclusive » reposant sur des emplois adéquats, des activités entrepreneuriales significatives et une économie durable sous-tendue par une consommation et une production durables, a-t-il ajouté.  Pour finir, il a insisté sur la coopération internationale nécessaire pour la mise en œuvre du Programme d’action.

M. KHALED ABDEL GHAFFAR, Ministre de l’éducation supérieure, de la recherche scientifique et de la santé de l’Égypte, a estimé que cette session de la Commission donne la possibilité de s’engager davantage par rapport au Programme d’action de la CIPD, de la Déclaration du Caire et du Programme 2030.  Mettre le développement humain au centre des débats est nécessaire, car il constitue la pierre angulaire du développement global, a-t-il soutenu, avant de mettre en exergue les réalisations de son pays en la matière.  L’Égypte, a-t-il souligné, a lancé sa « Vision 2030 » en la mettant pleinement en adéquation avec les ODD.  Dans ce cadre, elle a adopté des politiques qui visent à l’autonomisation économique des femmes et à leur intégration dans le marché du travail.  À cet égard, la Banque mondiale a noté une diminution du chômage des femmes en Égypte, s’est-il enorgueilli, avant de souligner les efforts déployés par son gouvernement pour éliminer les discriminations contre les femmes et les filles.  En outre, les chiffres sur la participation des femmes à l’éducation supérieure font apparaître une diminution des inégalités entre les genres et une amélioration de leur niveau global, ce qui contribue à réduire le taux de pauvreté.  L’Égypte a par ailleurs lancé en 2019 un vaste programme de développement des zones rurales afin de permettre à des populations traditionnellement vulnérables de mener une vie décente.  Dans le même esprit, une stratégie nationale de développement du logement a été initiée en 2020, avec pour but notamment de faire bénéficier le plus grand nombre d’un logement sûr et d’un réseau d’évacuation des eaux usées.  Le pays redouble également d’efforts pour renforcer la protection sociale de ses citoyens et s’emploie à investir dans sa jeunesse pour garantir qu’elle participe à la croissance économique nationale.  Avant de conclure, le Ministre a insisté sur l’importance de la coopération internationale pour parvenir aux ODD. 

Mme ARIUNZAYA AYUSH, Ministre du travail et de la protection sociale de la Mongolie, a estimé que le meilleur moyen de mettre en œuvre les ODD est d’assurer la planification et l’application des politiques nationales.  Sur cette base, a-t-elle indiqué, le pays a adopté sa « Vision 2050 », qui vise à garantir un développement socioéconomique durable pour l’amélioration de la qualité de vie des citoyens.  Mais bien que le Gouvernement ait pris les mesures nécessaires pour répondre à la pandémie de COVID-19, la crise économique engendrée par celle-ci a fait reculer la croissance fin 2020, après une hausse entre 2017 et 2019, tandis que l’inflation a atteint 11,2% en 2021, soit une progression de 8,9 points par rapport à l’année précédente.  Afin d’atténuer ces effets, de protéger les revenus des particuliers et des entreprises, de préserver les emplois et relever l’économie, le pays a adopté une loi qui prévoit une nouvelle politique de relance axée sur un partenariat public-privé.  Il s’agit d’améliorer la productivité des services publics et de stimuler le développement économique et des infrastructures, a expliqué la déléguée, selon laquelle les objectifs de la première phase de la « Vision 2050 » seront atteints dans les 10 prochaines années.

Mme DIANA MILOSLAVICH, Ministre de la femme et des populations vulnérables du Pérou, a souligné l’importance du Consensus de Montevideo sur la population et le développement, feuille de route proposant une vision égalitaire et inclusive dans une région qui est l’une des plus inégales au monde.  Cette situation, a-t-elle relevé, s’est encore aggravée avec la pandémie de COVID-19, notamment au Pérou où le taux de mortalité est le plus élevé au niveau régional.  Avertissant que la crise sanitaire menace d’inverser les acquis éducatifs réalisés ces dernières années dans son pays, elle a également mis l’accent sur les retombées pour l’emploi des femmes, dont la participation au marché du travail a reculé de 8%.  La pandémie a d’autre part exacerbé la violence fondée sur le genre, avec 163 797 cas enregistrés au Pérou en 2021.  Entre janvier et octobre de cette même année, a-t-elle précisé, 12 800 cas de violences sexuelles ont été recensés contre des filles, des enfants et des adolescent-e-s.  De plus, sur les 9 342 viols contre des enfants et des adolescent-e-s signalés entre 2019 et 2020, 82% concernaient des mineurs de moins de 14 ans.  Pour y remédier, l’État péruvien a reconnu de nouveaux types de violence, tout en déclarant essentiels tous les services spécialisés en matière de violence sexuelle et fondée sur le genre afin que les soins ne soient ni suspendus ni limités.  Il travaille également à la création d’un système national de soins, son objectif étant de contribuer au développement durable sur la base de l’égalité des sexes et d’une perspective centrée sur les droits.

M. PÁVEL ISA CONTRERAS, Vice-Ministre de la planification de la République dominicaine, a averti que l’impulsion donnée à la croissance économique par le bonus démographique risque de montrer des signes d’essoufflement au cours de cette décennie.  D’abord, la demande de services dans les systèmes de santé et de sécurité sociale augmente de manière significative à mesure que la population vieillit. Or, a reconnu M. Contreras, ces systèmes sont insuffisamment préparés et financés.  Il s’est attendu, en outre, à une augmentation de la pression fiscale liée à une croissance moindre des recettes publiques et à une augmentation de la demande de services sociaux.

Enfin, l’immigration pourrait compenser au moins partiellement la diminution de la croissance de la population active.  Cependant, a tempéré le Vice-Ministre, cette population est moins qualifiée et moins productive, reçoit des salaires inférieurs et travaille souvent dans des conditions précaires et inacceptables.  Cela exacerbe les inégalités, d’autant plus que le système éducatif, appelé à soutenir les efforts visant à accroître la productivité en renforçant les aptitudes et les compétences, s’est révélé inefficace dans cette tâche.  Pour finir, il a détaillé les multiples défis à relever en République dominicaine, à commencer par une transformation productive qui accélère la croissance économique tout en empêchant les effets négatifs partiels du changement démographique.  Il faut, selon M. Contreras, renforcer les systèmes de santé, de protection sociale et de protection du travail, en les soutenant par un financement adéquat, et notamment élargir l’assiette fiscale et mettre en place des systèmes d’imposition plus progressifs. 

M. ENOCK PHALE, Vice-Ministre de la santé du Malawi, a indiqué que le taux de fécondité au Malawi est de 4,2 et que la population devrait atteindre 45,1 millions d’habitants en 2060.  Au cours de la dernière décennie, la population a augmenté de 35%.  Au total, 85% de la population vit dans des zones rurales avec une moyenne de 6,4 enfants contre 4,2 enfants en zone urbaine.  Au total, 42% de la population du Malawi a moins de 15 ans, a précisé M. Phale.  Une population jeune avec un modèle de familles nombreuses continuera à entraîner une trajectoire ascendante de la croissance démographique.  À cet égard, les objectifs nationaux clefs en matière d’éducation, de santé, de droits en matière de santé sexuelle et reproductive, de fécondité et d’élargissement des opportunités économiques sont tous des piliers centraux des politiques de son pays, visant à mettre en place une économie moderne et à atteindre le statut de pays à revenu intermédiaire.  Pour le Vice-Ministre, la CIPD est la pierre angulaire de ces objectifs politiques.  À ce jour, a-t-il expliqué, nous avons mis en place un comité directeur de la CIPD qui a pour mandat de surveiller et de rendre compte de la réalisation des objectifs que nous nous sommes engagés à atteindre à Nairobi.  D’ici à 2025, son pays s’est engagé à créer un organe national de coordination de la population, à cette fin. 

M. XUEJUN YU, Vice-Ministre, Commission nationale de la santé de la Chine, a souligné l’importance des questions relatives à la population pour « le pays le plus peuplé au monde ».  Il a réitéré l’attachement de la Chine à une politique démographique durable et à la protection de l’environnement.  Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, la Chine a mis l’accent sur l’individu, a assuré le Ministre adjoint.  Il a en outre fait état d’une augmentation de l’espérance de vie dans son pays au cours de la dernière décennie et de l’éradication de la pauvreté dès 2020.  La démographie au niveau mondial est bien plus diverse que par le passé, a-t-il constaté, et la Chine observe, elle aussi, ces tendances.  À cet égard, le Ministre a évoqué notamment l’évolution de la perception de l’âge du mariage et des taux de fécondité et de mortalité.  Face à ces nouvelles tendances, le Gouvernement a pris des mesures pour garantir une croissance démographique durable à travers une politique de natalité qui tient aussi compte aussi du vieillissement de la population.  Revenant sur les répercussions de la pandémie sur la population, le Ministre adjoint a expliqué que la Chine a mis en place une stratégie de « zéro COVID », qu’elle poursuit sa politique de vaccination et qu’elle s’en tient à ses protocoles pour minimiser l’impact de cette pandémie.

M. MUHAMMAD RIZAL MARTUA DAMANIK, Vice-Ministre de la formation, de la recherche et du développement au Conseil national de la population et de la planification familiale de l’Indonésie, a mis en exergue les domaines clefs dans lesquels son pays s’est engagé à progresser, tout d’abord en intégrant la population dans sa stratégie de développement durable.  L’Indonésie a ainsi instauré un ensemble de cadres juridiques en lien avec la population, la santé reproductive et la planification familiale, et la croissance inclusive.

En 2021, l’Indonésie a poursuivi son engagement à réduire les taux de malnutrition et de rachitisme d’ici à 2024.  Des modalités intégrées au niveau communautaire ont aussi été mises en œuvre pour prévenir les retards de croissance chez l’enfant.  L’Indonésie, s’est-il félicité, est en train de se relever de la pandémie de COVID-19.  Son gouvernement a alloué 46,3 millions de dollars aux services de la santé, y compris de planification familiale, ainsi qu’à la protection sociale.  En 2022, son pays a atteint une couverture de 75% de vaccination à l’échelle du pays.  Enfin, le Vice-Ministre a souligné la nécessité d’une coopération mondiale pour relever les défis mondiaux.

Mme FATHIMATH NIUMA, Vice-Ministre du plan, du logement et des infrastructures des Maldives, a observé qu’à l’approche du trentième anniversaire de la CIPD, le monde reste confronté aux retombées de la pandémie de COVID-19.  Les Maldives figurent parmi les pays les plus touchés par cette crise en Asie du Sud, a-t-elle rappelé, faisant état d’une hausse de 23% du déficit budgétaire par rapport au PIB en 2020.  Heureusement, a ajouté la Vice-Ministre, le PIB a rebondi de 27% en 2021, pour l’essentiel grâce à la reprise salutaire du tourisme.  Dans ce contexte difficile, le pays progresse néanmoins dans la mise en œuvre du Programme d’action de la CIPD tout en venant en aide aux populations les plus vulnérables et en promouvant l’égalité femmes-hommes, a-t-elle assuré.  Jugeant que la pandémie a également renforcé l’importance d’une croissance inclusive, elle a vanté la politique de vaccination de son pays qui vise tous les habitants indépendamment de leur origine ou de leur statut de résident.  Cette approche a porté ses fruits et permis un relèvement résilient, a-t-elle constaté, tout en reconnaissant que le risque subsiste pour certaines populations de replonger dans la pauvreté, compte tenu de la fragilité structurelle des petits États insulaires en développement.  Selon elle, une personne sur trois aux Maldives est confrontée à des vulnérabilités multidimensionnelles.  Pour y remédier, le Gouvernement a pris un ensemble de mesures pour contrer les effets des changements climatiques, notamment pour réduire la dépendance du pays aux combustibles fossiles et éliminer le plastique à usage unique d’ici à 2023.  Il œuvre aussi à l’augmentation de la parité et à la participation des femmes dans vie publique.

Mme GABRIELA RODRÍGUEZ RAMÍREZ, Secrétaire générale, Conseil économique et social du Mexique, a expliqué que son gouvernement s’efforce de renforcer les capacités institutionnelles pour offrir dignité et droits humains à tous les habitants en adoptant une approche progressiste.  Comme beaucoup de pays, le Mexique affiche une augmentation du nombre de personnes âgées.  La Vice-Ministre a par ailleurs reconnu que des changements structurels s’imposent pour améliorer les conditions de vie des femmes dont beaucoup consacrent plus de 30 heures non rémunérées par semaine aux services de soins.  Elle a fait part de l’ambition du Mexique de jeter les bases d’un système universel de soins, ainsi que d’une retraite pour tous à partir de 65 ans.  De plus, le Fonds d’apprentissage des jeunes a été mis en place afin de leur faciliter l’accès au marché du travail et le Mexique a misé sur « le passage d’une économie linéaire à une économie circulaire » pour limiter les impacts sur l’environnement.  Abordant les questions de la scolarisation et de la santé mentale des jeunes, elle a souligné l’importance pour les enfants et les jeunes de retourner à l’école, et l’objectif d’éliminer les grossesses infantiles.   Plaidant pour l’enseignement gratuit et de qualité pour tous, elle a précisé que le Mexique pratique l’éducation sexuelle et reproductive dans les études et que l’avortement est dépénalisé. 

Mme ABIMBOLA SALU-HUNDEYIN, Commissaire fédérale, Commission de la population du Nigéria, a évoqué le rapport de l’ONU qui identifie l’Afrique comme étant le continent où environ les deux tiers de la croissance de la population mondiale devrait se produire dans les prochaines décennies.  Le continent comptera alors près de quatre milliards de personnes d’ici à 2100.  La Vice-Ministre a jugé préoccupant le manque de ressources pour faire face à l’explosion de la population et à la multiplication des défis humanitaires, sachant que la population sera jeune.  Elle a ainsi appelé à prendre à bras le corps la question de la fertilité grâce à un accès aux moyens de planification familiale, afin de freiner la croissance de la population africaine et d’atteindre les objectifs du développement durable.  Dès lors, le Nigéria souligne l’importance de mettre les femmes et les jeunes filles au centre d’institutions de gouvernance robustes et résilientes, transparentes et redevables.

Mme RANIA AL-ABBADI, Secrétaire générale du Haut-Conseil jordanien de la population, a indiqué que la moitié de la société jordanienne a moins de 22 ans, ce qui a un impact sur la croissance démographique et fait pression sur les ressources limitées du pays.  Pour y faire face, la Jordanie a récemment approuvé sa Stratégie nationale de la population 2021-2030.  Le taux élevé de croissance démographique est considéré comme l’un des défis majeurs, a-t-elle expliqué, et la situation s’est compliquée avec les vagues de demandeurs d’asile.  Les réfugiés représentent en effet 30% de la population en Jordanie, et le déficit de financement des plans de réponse aux exigences des demandeurs d’asile syriens a dépassé 71% en raison de la faible réponse de la communauté internationale.  Par ailleurs, forte du constat que la croissance économique durable repose sur un capital humain qualifié et hautement productif, la Jordanie a misé sur des initiatives visant à réformer le système éducatif, la formation et l’esprit d’entreprise.  En outre, la Jordanie attache une grande importance au renforcement de la protection sociale, à la réduction de la pauvreté et à l’accès aux services de base.  L’intervenante a également fait état de changements dans la législation et les stratégies pour promouvoir l’égalité entre les sexes et lutter contre la discrimination fondée sur le sexe.  Elle a également évoqué les pénuries en eau et le manque de sources d’énergie comme le pétrole et le gaz; le chômage et les répercussions de la pandémie de COVID-19.  Elle a évoqué les charges financières supplémentaires qui pèsent sur le trésor public et dépassent largement sa capacité, entravant la réalisation d’une croissance économique durable.  Avec des taux de croissance économique négatifs au cours des deux dernières années, le Gouvernement a eu recours à une série de mesures de relance économique et préparé un programme exécutif indicatif pour les années 2021-2024.

Mme CLAUDINE AOUN ROUKOZ, Présidente de la Commission nationale de la femme libanaise, a rappelé que son pays traverse une crise économique immense en raison notamment du grand nombre de personnes déplacées qu’il accueille, des effets dévastateurs de la pandémie et des pertes occasionnées par l’explosion du port de Beyrouth, en août 2020.  Dans ce contexte aggravé par les conflits dans la région et les retombées des changements climatiques, il importe, selon elle, de prendre en compte les disparités sociales pour permettre à terme la réalisation des ODD.  Le Gouvernement libanais, a-t-elle assuré, s’emploie à améliorer la situation économique, tout en se concentrant sur l’autonomisation des femmes, conscient que celles-ci font face à un ensemble de facteurs néfastes.  À cet égard, le Parlement a récemment érigé en crime le harcèlement sexuel et adopté des mesures législatives destinées à lutter contre la violence intra-familiale.  Dans le même ordre d’idées, des centres d’accueil pour femmes battues ont été ouverts dans tout le pays et cet effort s’accompagne de mesures contre la traite des personnes, de campagnes de sensibilisation sur les mariages précoces et de l’adoption d’une loi portant à 18 ans l’âge minimal pour une union.  Dans un pays où 44% de la population a moins de 20 ans, le Gouvernement lutte aussi contre le décrochage scolaire précoce et s’efforce de garantir aux enfants et aux adolescents un accès aux soins de santé.  Par ailleurs, a poursuivi l’intervenante, l’accent est mis sur la participation des femmes au marché du travail, avec des systèmes de garde maternelle pour encourager l’emploi féminin.  Enfin, a-t-elle souligné, le Liban continue, malgré ses propres difficultés, à aider les quelque 1,5 million de personnes déplacées de Syrie.  Dans ces conditions, il nous sera difficile de parvenir aux ODD d’ici à 2030, a-t-elle noté.

Mme SAMAR ALSIBAI, Présidente de la Commission syrienne des affaires familiales et démographiques, a expliqué que la guerre terroriste imposée à son pays, ainsi que la politique hostile de certains États, à son égard, ont créé des défis significatifs pour la réalisation des objectifs et recommandations de la CIPD en termes de politique démographique et économique.  Les mesures coercitives unilatérales qui visent la Syrie ont détricoté les efforts entrepris pour renforcer les infrastructures nationales, fournir des services de base à tous et promouvoir la croissance économique, a accusé l’intervenante.  Beaucoup de jeunes ont quitté le pays pour trouver refuge ailleurs, et la Syrie n’arrive pas à tirer parti de son dividende démographique, a-t-elle déploré, même si elle coopère avec le FNUAP pour mettre à jour ses politiques locales, en particulier pour les jeunes.  Travailler au niveau national n’est pas suffisant pour pouvoir réaliser les objectifs de la CIPD, a-t-elle encore estimé.  Non seulement il faut une coopération robuste aux niveaux régional et international, mais il faut aussi éviter le deux poids, deux mesures et le diktat de certains pays puissants.

Mme WISSAL HUSSAIN, Secrétaire générale du Conseil national de la population du Soudan, a rappelé que la révolution de décembre 2018 menée par les jeunes a changé le régime et qu’elle était censée installer un gouvernement civil de transition pour préparer la réalisation de la démocratie par des élections justes et libres.  Bien que cela reste le plus grand espoir pour tous les Soudanais, le chemin vers la démocratie exige de la population de réconcilier ses différences politiques et de s’accorder sur les priorités nationales de la période de transition.  « Lorsque la démocratie et un régime civil seront instaurés, le Soudan ouvrira la voie à une mise en œuvre efficace du programme de développement durable et de population », a-t-elle promis.  Revenant sur le début de la période de transition, la Secrétaire générale a passé en revue les progrès accomplis en ce qui concerne la levée des sanctions, le retrait du Soudan de la liste des pays qui soutiennent le terrorisme et son ouverture à de nouveaux partenariats et à des opportunités d’investissement.  Toutefois, a-t-elle reconnu, ces progrès et d’autres réalisations importantes ont été affaiblis par les effets négatifs des réformes économiques, de la COVID-19 et de l’agitation politique dans le pays.  En particulier, la dépréciation rapide de la monnaie nationale et l’inflation des prix à la consommation ont accru les souffrances des pauvres et des personnes vulnérables.  La pauvreté s’est largement répandue et, plus récemment, la faim et l’insécurité alimentaire sont devenues les caractéristiques les plus courantes de la vie dans le pays.  En dépit de ces défis, a assuré Mme Hussain, le Soudan s’efforce de traduire ses engagements en matière de population, de développement durable et de croissance économique inclusive en programmes d’actions à mettre en œuvre par les ministères concernés et les ONG.

Mme LAURA BAS, ambassadrice de la jeunesse des Pays-Bas pour la santé et les droits sexuels et reproductifs, a relevé que plus de la moitié de la population mondiale a moins de 30 ans.  « Nous sommes la plus grande génération de l’histoire.  Nous sommes le plus grand groupe de futurs électeurs, consommateurs, travailleurs et militants qui ait jamais existé », a-t-elle lancé en tant qu’ambassadrice de la jeunesse des Pays-Bas pour les droits en matière de santé sexuelle et reproductive, l’égalité des sexes et l’autonomie corporelle.  Selon elle, il serait d’ailleurs logique que davantage de jeunes prennent la parole au sein de la Commission.  La croissance économique inclusive exige de valoriser le travail de soins non rémunéré des femmes, d’assurer leur autonomisation économique et de mettre fin aux stéréotypes sexistes.  L’intervenante s’est adressée aux jeunes du monde entier qui « ont tous des histoires à raconter » pour partager ici un message clef, à savoir que la santé sexuelle et les droits de la procréation sont une condition préalable pour parvenir à l’égalité des sexes et au développement économique.  À titre d’exemple, elle a parlé de ces jeunes filles qui, dans certains pays en développement, ratent une semaine d’école tous les mois lorsqu’elles ont leurs règles, ce qui entrave leur succès scolaire.  Les jeunes doivent pouvoir disposer d’informations fiables sur leur santé sexuelle et reproductive, pour prendre des décisions « éclairées » concernant leur santé et leur vie.  D’ailleurs, a-t-elle indiqué, les recherches montrent que cela contribue à réduire le nombre de grossesses chez les adolescentes et de grossesses non désirées, le nombre d’avortements à risque et la violence sexuelle et sexiste.

M. CHARLES BANDA, Directeur du Département de la population et du développement, Ministère des finances et de la planification nationale de la Zambie, a expliqué que la vision 2030 est « opérationnalisée » en Zambie à travers des programmes et stratégies à moyen-terme.  La population zambienne est estimée à 18,9 millions de personnes, avec un taux de fertilité en baisse qui se situe actuellement à 4,7 enfants par femme; le taux de mortalité infantile est tombé à 42 morts pour 1 000 naissances.  Le pays est très jeune, a expliqué le représentant, 45,2% de la population a moins de 15 ans.  La Zambie s’efforce donc d’investir dans le capital humain.  Afin de répondre aux besoins des Zambiens, il faudrait un taux de croissance économique supérieur aux 2,8% par an actuels pour se situer autour de 10%, a toutefois souligné le représentant tout en faisant état d’une augmentation du PIB.  Pour y arriver, la Zambie va investir dans des secteurs créant de l’emploi, augmenter le nombre de bénéficiaires des mesures de protection sociale et miser sur la protection de l’environnement et la mitigation des effets des changements climatiques, a-t-il précisé.

M. LINTON MCHUNU, Directeur-général du Département du développement social de l’Afrique du Sud, s’est dit convaincu que la croissance soutenue et inclusive ne pourra être atteinte que si la population est en bonne santé, éduquée et épargnée par la pauvreté.  C’est la raison pour laquelle le Gouvernement sud-africain a pris des mesures en faveur des plus démunis afin de leur permettre de profiter des dividendes démographiques, a expliqué le délégué.  Une stratégie sur les droits en matière de santé sexuelle et reproductive a également été mise en place, avec des outils pour les enseignants.  Le pays reste cependant confronté aux effets de la pandémie de COVID-19, qui ont mis en exergue les failles en matière de développement.  Cela étant, nous avons tiré les enseignements de cette crise et sommes en train de reconstruire en mieux, a-t-il assuré, avant de mettre l’accent sur les changements climatiques et leurs retombées négatives pour la réalisation des ODD.  Ces 15 derniers jours, la côte est de l’Afrique du Sud a été frappée par des inondation dévastatrices qui ont fait des dizaines de victimes et contraint des milliers de sinistrés à quitter leurs foyers, a-t-il informé, appelant à prendre des décisions fortes face à ce fléau et à l’amélioration des investissements dans l’économie verte.  Il importe aussi d’accroître la résilience des communautés, ce qui passe par la mise sur pied de systèmes d’alerte précoce.  Notant ensuite que le chômage des jeunes a été aggravé par la pandémie, le délégué a fait état de mesures destinées à offrir une formation initiale de qualité aux jeunes afin qu’ils puissent trouver un emploi.  Enfin, il a indiqué que, dans le cadre de son plan de relèvement centré sur l’individu, le Gouvernement sud-africain continue d’accorder une aide sociale mensuelle à plus de 18 millions de personnes et soutient les travailleurs ayant perdu leur emploi.

M. JOEL SAITOTI TOROME, Secrétaire principal au Ministère des finances et de la planification du Kenya, a déclaré que son pays veut investir dans une société inclusive et équitable vivant dans un environnement protégé.  Le Kenya est en train d’élaborer un plan à moyen-terme, qui sera inclus dans le plan de développement national.  Si les jeunes représentent un pourcentage élevé de la population, la croissance démographique a contribué à la dégradation environnementale et exercé des pressions sur l’utilisation des ressources.  Le nouveau projet kényan tient compte des facteurs démographiques comme la taille de la population et le niveau de pauvreté, a précisé le représentant. Pour promouvoir la croissance inclusive, certaines lois ont été passées pour favoriser les plus vulnérables.  Les fonds de lutte contre les mutilations génitales féminines ou pour l’autonomisation des femmes s’inscrivent dans cette logique.  En conclusion, le représentant a dit que la croissance démographique rapide conjuguée à la pandémie ont ralenti les efforts d’éradication de la pauvreté.  Il faut donc trouver des solutions respectueuses des priorités nationales pour répondre à ces défis.

Mme MATILDA ERNKRANS, Ministre de la coopération internationale en faveur du développement de la Suède, a déclaré que l’égalité des sexes et les droits en matière de santé sexuelle et reproductive pour tous sont les fondements d’une croissance économique inclusive et de la réalisation du Programme 2030.  Pour parvenir à une croissance soutenue et inclusive, il faut éliminer toute législation discriminatoire, a soutenu la Ministre pour laquelle cela va dans le sens de la prévention de toutes les formes de violence sexuelle et sexiste.  Il faut en outre assurer le contrôle des femmes et des filles sur leur propre corps, leur sexualité et leur santé reproductive.  Si les femmes et les filles pouvaient décider librement si et quand elles veulent avoir des enfants, elles auraient un meilleur accès à l’éducation et au marché du travail, a-t-elle fait valoir.  Regrettant que les avortements à risque soient toujours l’une des principales causes de mortalité et de morbidité maternelles dans le monde, elle a plaidé pour un accès à des services d’avortement sans risque pour toutes les femmes.  Selon la Ministre, cela aiderait les filles à poursuivre leur éducation sans entrave et les femmes à participer plus librement au marché du travail, et contribuerait à une croissance économique inclusive et au développement durable.  Il faut pouvoir s’appuyer à la fois sur les données et sur l’expérience, a-t-elle dit, en expliquant qu’en Suède, les réformes sociales et économiques ont permis la pleine participation des femmes au marché du travail.  Il a fallu investir dans les systèmes de protection sociale et les soins de santé universels, offrir un congé parental individuel et une garde d’enfants abordable et de qualité, ainsi que l’accès à la contraception et à l’avortement sécurisé.  Une autre leçon apprise en Suède est que pour créer l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, il faut tenir compte dans l’équation des responsabilités ménagères et des soins assurés aux enfants et aux personnes âgées.

M. CHRIS CARTER, Sous-Directeur au Bureau des affaires étrangères et du Commonwealth du Royaume-Uni, a estimé que la croissance économique durable et soutenue ne deviendra une réalité pour les femmes et les filles que si leurs droits sont respectés et protégés, y compris leur droit à la santé sexuelle et reproductive.  Les droits des filles et des adolescentes incluent le droit de décider librement des questions afférentes à leur sexualité, et ce, sans coercition ni violence, a-t-il fait valoir, en mettant l’accent sur la protection de ces droits dans le contexte humanitaire.  Il reste cependant un long chemin à parcourir puisque, selon les chiffres du PNUD, on dénombre chaque année 121 millions de grossesses non désirées, dont un grand nombre débouchent sur un avortement.  De plus, 41% des avortements se font dans des conditions peu sûres et entraînent la mort, a déploré le délégué, selon lequel « nous allons collectivement dans une mauvaise direction compte tenu des mouvements hostiles aux droits des femmes et des conflits qui limitent l’accès de ces dernières aux soins ».  Selon lui, permettre aux femmes et aux adolescentes de bénéficier de services de soins est crucial pour parvenir à la croissance inclusive et soutenue.  De même, il importe d’accorder la priorité à la couverture sociale intégrale et au développement d’innovations comme la télémédecine afin d’assurer la réalisation des droits sexuels et reproductifs.  Enfin, il est impératif d’accroître l’accès des filles à l’éducation afin de leur ouvrir les portes de l’emploi et de les arracher à l’exclusion, a-t-il plaidé, s’inquiétant qu’un grand nombre d’entre elles ne retrouvent pas les bancs de l’école après la pandémie de COVID-19, ce qui se traduit par une hausse des grossesses.

M. ANTONIN BENJAMIN BIEKE (Côte d’Ivoire) a regretté qu’en dépit des progrès, le chemin vers une croissance économique bénéfique pour tous soit encore long.  La Côte d’Ivoire, qui aspire à atteindre le statut de pays à revenu élevé, a appliqué sa vision 2030 à travers des réformes et des programmes qui ont permis de parvenir à une croissance économique moyenne de 6,9% par an entre 2016 et 2019, et de 2% en 2020 en dépit de la crise sanitaire.  Il reste cependant à relever des défis pour mettre la population ivoirienne en adéquation avec les objectifs en termes de développement, a concédé le représentant, en expliquant que 8 Ivoiriens sur 10 ont moins de 35 ans et que le taux de fécondité est de 4,5 enfants par femmes.  L’essor économique de la Côte d’Ivoire a permis des progrès en termes d’éradication de la pauvreté et d’éducation ainsi qu’en termes d’accès aux services de base comme à l’électricité et à la santé, a-t-il assuré.  Le représentant a également fait état d’initiatives en faveur des femmes pour leur inclusion financière et promouvoir la santé reproductive, et mentionné le renforcement de la mise en œuvre de programmes sociaux et de la lutte contre l’impact des changements climatiques.

M. CEM URALDI, Directeur-général du Ministère de la famille et des services sociaux de la Turquie, a estimé que l’adoption du principe visant à « ne laisser personne de côté » implique de faire bénéficier toute la population du développement social.  Il a rappelé que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 appelle à se concentrer sur les groupes vulnérables, tels que les femmes, les enfants, les seniors et les personnes handicapées.  Il a également jugé que la famille doit être un pont entre l’individu et la société, tout particulièrement pour l’éducation des enfants.  Avec des familles plus fortes, la société elle-même se renforce et devient plus pacifique, a assuré le délégué.  De fait, le renforcement de la famille est, selon lui, essentiel pour le développement social, tandis que les politiques mises en place à cette fin sont importantes pour réduire les risques sociaux.  À cette aune, la Turquie continue de se développer comme une société en mutation, en mettant l’accent sur le soutien aux familles et sur l’identification de leurs besoins.  Pour accroître leurs capacités à résoudre les problèmes courants, des services de conseil familial ont été mis en place dans tout le pays, a ajouté le délégué, faisant également état d’une politique familiale axée sur les personnes handicapées.

M. JUAN CARLOS ALFONSO FRAGA, Sous-Directeur de l’Office national de la statistique et de l’information de Cuba, a constaté qu’alors que la pandémie s’éloigne, le programme d’action de la CIPD reste d’actualité.  Il a notamment souhaité que les pays développés honorent leurs engagements en matière d’aide publique au développement, car ce n’est qu’ainsi que les pays en développement pourront atteindre les ODD.  Rappelant que son pays subit depuis plus de 60 ans un blocus économique, financier et commercial et souffre de mesures imposées par le précédent Gouvernement des États-Unis et maintenues par l’Administration actuelle, il a indiqué que son pays a mis en place des mesures pour améliorer la qualité de vie de ses citoyens, en particulier des enfants et des jeunes adultes, dans le cadre de programmes inclusifs.  Malgré nos difficultés économiques, nous voulons que notre population ait une vie décente et nous fournissons aussi une assistance à d’autres pays, a expliqué le représentant, faisant état de l’envoi par Cuba de 52 groupes de médecins pour venir en aide à des populations confrontées à la pandémie de COVID-19.  Forte de son programme de développement national à l’horizon 2030, Cuba est fière d’avoir un niveau de développement élevé et d’enregistrer d’excellents résultats en matière de santé, d’éducation et de recul de la pauvreté.  Le pays a aussi un faible niveau de mortalité et de fécondité.  Pour parvenir à ces résultats, nous utilisons au maximum la science et l’innovation, ce qui nous permet de lancer des politiques de relance et de gommer les vulnérabilités, tout en investissant dans le capital humain, l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes.  Ce n’est qu’au travers d’une démarche globale que nous pourrons mettre en œuvre le plan d’action du Caire, a-t-il conclu. 

M. JOTHAM MUSINGUZI, Directeur-général du Conseil national de la population au Ministère des finances de l’Ouganda, a parlé de la vision 2040 de son pays et des mesures prises pour s’assurer que le relèvement postpandémie soit complet.  Fort d’une population jeune, plus de 78% des habitants ayant moins de 30 ans, l’Ouganda a mis au point son troisième programme de développement national avec pour objectif l’amélioration du bien-être social de la population, a précisé le représentant.  À cette fin, il collabore avec le FNUAP et sa politique de 2020 en matière de population vise à ce que la pyramide démographique permette le développement économique, notamment rural.  Parmi les réussites, le représentant a évoqué le taux de croissance économique de plus de 7% en 2021, le déclin du taux de fécondité qui est de 5,7 enfants par femme actuellement, et la baisse de la mortalité maternelle et infantile.  Grâce à ces efforts, l’espérance de vie est passée de 43 ans en 1990 à 63 ans en 2016.  Toutefois, pour combattre un taux de chômage de 9,2% et la persistance des mariages précoces et d’autres problèmes, l’Ouganda promeut des programmes de formation et des campagnes de lutte contre les grossesses précoces.

M. OLIVIER MAES (Luxembourg) a constaté que huit ans avant la date cible du Programme 2030, la fragile reprise post-COVID-19, l’impact des changements climatiques et la hausse des prix alimentaires causés par l’agression de la Russie contre l’Ukraine menacent les progrès réalisés, en particulier dans les pays en développement.  Tout en se félicitant de l’adoption récente du Programme d’action de Doha 2022-2031, qui comprend de nouveaux engagements pour les pays les moins avancés (PMA), il a appelé à ne pas laisser de côté les États les plus vulnérables face aux défis émergents.  Le Luxembourg, a-t-il assuré, continuera à consacrer 1% de son PIB à l’aide publique au développement, avec un accent particulier sur les PMA et les populations vulnérables.  Au niveau multilatéral, il maintiendra ses financements pour répondre aux besoins spécifiques et déterminés des pays en voie de développement.  Le représentant s’est toutefois dit conscient que l’aide sous forme de subventions ne suffira pas à elle seule à surmonter le déficit de financement existant.  C’est pourquoi le Luxembourg met en place des instruments de financement innovants public-privé afin de faciliter de nouveaux investissements.  Il travaille également avec ses partenaires des Nations Unies sur l’introduction d’obligations de genre pour faire avancer l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, a précisé M. Maes.

M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a déclaré qu’une population éduquée, qualifiée, en bonne santé et autonome est le principal moteur du développement.  En revanche, une population ignorante, non éduquée et affaiblie par la maladie et le chômage est un frein au développement et entretient une pauvreté persistante et croissante.  Le Pakistan reconnaît depuis longtemps l’importance des stratégies en matière de population, notamment en ce qui concerne la santé et les problèmes sociaux qui y sont liés, a indiqué le délégué.  Selon lui, les populations vivant sous occupation étrangère méritent un soutien politique et économique généreux.  L’aide humanitaire et économique d’urgence est essentielle dans des situations telles que celle de l’Afghanistan, ainsi que pour les populations de la Palestine occupée et du Jammu-et-Cachemire.  Le délégué a, de même, souscrit à l’appel lancé par le Secrétaire général et dans la Déclaration du financement pour le développement en faveur d’une aide concessionnelle plus importante, d’un allègement de la dette, d’une réaffectation des droits de tirage spéciaux inutilisés, d’un financement plus important de la part du FMI et des banques régionales, et de la mobilisation des 100 milliards de dollars annuels promis pour le financement du climat, afin de permettre aux pays en développement de se remettre de ces crises et de relancer leur économie

Mme RABAB FATIMA (Bangladesh) s’est félicitée que le Secrétaire général ait mis un coup de projecteur sur la faim et le niveau des inégalités dans le monde.  Le Bangladesh prend des mesures pour régler ces deux problèmes, qui ont été exacerbés par la pandémie de COVID-19, a-t-elle affirmé, plaidant pour un changement de paradigme au niveau mondial afin de traiter de ces questions de façon holistique.  Pour cela, il convient de renforcer partout la protection sociale, tout en menant une lutte solide contre les inégalités.  Il convient également de prendre en compte la situation des migrants qui, durant la pandémie, ont été confrontés à toutes sortes de discriminations, à des retours forcés et à un manque d’accès aux services sociaux.  Alors que le premier forum d’examen sur les migrations doit se tenir dans un mois, il est impératif, selon la représentante, de tirer les enseignements du Pacte de Marrakech.  Par ailleurs, parvenir à une croissance soutenue et inclusive exige de garantir des investissements adéquats dans l’éducation et la formation des jeunes afin qu’ils puissent s’adapter aux besoins du marché de l’emploi.  De même, il est urgent de réduire la fracture numérique Nord-Sud en faisant bénéficier les pays en développement des progrès technologiques.  Enfin, la déléguée a appelé les pays développés et les partenaires du développement à honorer leurs engagements en matière de financement et d’allègement de la dette.

Mme NATHALIA SÁNCHEZ GARCÍA, (Colombie) a mis en exergue une question cruciale pour son pays: la production de données ventilées fiables pour pouvoir mettre l’accent sur les besoins réels de la population dans la planification du développement à tous les niveaux.  La Colombie a promu la lancée d’une étude sur la population en 2018.  Il s’agit d’un outil essentiel pour mieux élaborer les politiques publiques à partir d’informations fiables sur la situation de la population dans le pays, a expliqué le représentant.  Un tableau virtuel a également été conçu pour permettre aux décideurs d’obtenir des informations sur les principales variables démographiques et des données comparatives.  De plus, la Commission interinstitutions sur la population et le développement a été mise en place.

M. PAVEL EVSEENKO (Bélarus) a assuré que son pays met l’individu, ses intérêts et ses besoins au centre de sa politique, en investissant dans des programmes sociaux qui prennent en compte les défis complexes pour permettre une croissance économique inclusive et durable.  Au niveau constitutionnel, le Bélarus garantit l’accès gratuit à une formation professionnelle et l’égalité des chances entre les femmes et les hommes.  Cette approche, s’est enorgueilli le délégué, se confirme par des indicateurs proches de 100% d’alphabétisation pour les femmes et les hommes, par exemple.  Poursuivant, il s’est félicité de l’augmentation de l’espérance de vie de cinq ans.  Pour finir, il a évoqué le régime de sanctions inacceptable qui frappe le Bélarus depuis deux ans.  Si son pays a réussi à en gérer les répercussions négatives, ce n’est pas le cas d’autres pays.  Le délégué a ainsi dénoncé « les chantages et pressions économiques », les « provocations » qui mènent aujourd’hui à des niveaux records d’inflation avec leur impact sur la vie des citoyens.

M. AMRIT BAHADUR RAI (Népal) a indiqué que la population et le développement durable sont interdépendants et se renforcent mutuellement.  Constatant que la pandémie de COVID-19 a inversé des décennies de progrès dans la réalisation de l’objectif mondial d’éradication de la pauvreté sous toutes ses formes, il a rappelé qu’elle a causé la perte de millions d’emplois à temps plein.  En outre, les changements climatiques ont des effets disproportionnés et néfastes sur les pays en développement.  Bien que la reprise économique soit en cours, la croissance pourrait mettre plus d’années à revenir aux niveaux d’avant la pandémie dans de nombreux pays, s’est-il inquiété.  Il est donc impératif de renforcer la coopération internationale pour parvenir au plein emploi et offrir à tous un travail décent.  Les efforts nationaux doivent être complétés par des mesures de soutien internationales, a insisté le représentant.  Il a précisé que la Constitution du Népal a comme objectif de parvenir à un développement économique durable et inclusif de manière écologiquement viable.  Le Gouvernement encourage la planification familiale et prend des mesures pour augmenter l’espérance moyenne de vie en réduisant le taux de mortalité maternelle et infantile.  Le représentant a mentionné également le droit de chaque femme à une maternité sans risque et à la santé reproductive.

Mme AMINATA LY DIOP (Sénégal) a assuré que parvenir à une croissance soutenue et inclusive demeure le principal défi des pays en développement, particulièrement dans cette période de relèvement post-COVID-19.  Toutefois, les économies les plus faibles ne sont pas en mesure de supporter la hausse actuelle de l’inflation et 60% d’entre elles se trouvent, en outre, en situation de surendettement, a-t-elle relevé, appelant la communauté internationale à redoubler d’efforts en matière de solidarité et de coopération si elle veut réaliser le Programme 2030 et entraîner les pays fragiles sur la voie d’une croissance durable.  Qualifiant, à cet égard, la CIPD de 1994 de « tournant décisif » pour les politiques de développement durable, la déléguée a indiqué que son pays s’y réfère au travers de ses programmes destinés à « capturer les dividendes démographiques ».  À cette fin, le Sénégal met l’accent sur l’amélioration de la qualité de vie de ses citoyens, l’investissement dans le capital humain et le traitement raisonné des réseaux de migration.  Conscient de sa dynamique démographique, le pays a aussi mis sur pied un programme de modernisation des villes, tout en luttant contre les inégalités sociales.  Il s’emploie également à accroître l’accès des populations aux services essentiels et aux financements.  Enfin, a ajouté la représentante, le Sénégal défend un modèle de société égalitaire et, dans ce cadre, œuvre en faveur de l’autonomisation économique des femmes et de la libération du potentiel de sa jeunesse.

M. SYED MOHAMAD HASRIN AIDID (Malaisie) a expliqué qu’en 2020, la population de la Malaisie était de 32,4 millions d’habitants, avec une croissance annuelle moyenne de 1,7% pour la période de 2010 à 2020.  Poussée par une baisse du taux de fécondité accompagnée d’une augmentation soutenue de l’espérance de vie, la Malaisie deviendra une nation vieillissante d’ici à 2030.  Conscient de cette tendance, le Gouvernement a mis en œuvre de nouvelles politiques et programmes, a indiqué le représentant, et les politiques nationales pour les personnes âgées et leur santé ont été intégrées à la Vision de prospérité partagée 2030 et au douzième Plan de développement malaisien pour 2021-2026.  Rappelant que le développement socioéconomique de la Malaisie lui a permis de passer du statut de pays à faible revenu au statut à revenu intermédiaire supérieur, le représentant a fait état de progrès significatifs dans l’éradication de la pauvreté et la réduction des inégalités.  Cependant, la crise de la COVID-19 a eu un impact important sur les ménages vulnérables et les entreprises, et en réponse, le Gouvernement a déployé plusieurs plans de relance économique et d’assistance pour un total de 125 milliards de dollars, soit 36% du PIB.  Il y a également eu une expansion des programmes de protection sociale ciblant des groupes vulnérables spécifiques.  De tels plans devraient permettre de progresser dans l’éradication de la pauvreté et la réduction des inégalités, a expliqué le représentant, alors que la Malaisie continue à œuvrer pour élever le niveau de vie à travers le pays.  En ce moment, la Malaisie tire toujours parti du dividende démographique grâce auquel le pourcentage de la population en âge de travailler est passé à près de 70% en 2020.  Le Gouvernement continue également d’encourager une plus grande participation des femmes à la population active.

Droits de réponse

Le représentant de l’Inde a réagi à l’intervention d’une délégation qui a utilisé « à mauvais escient » la Commission pour faire des allégations qui ne méritent, selon lui, que le mépris collectif.  Il a réaffirmé que le Jammu-et-Cachemire fera toujours intégralement partie de l’Inde.

À son tour, le représentant du Pakistan a tenu à apporter une précision s’agissant du Jammu-et-Cachemire qui ne fait pas partie de l’Inde.  Les Nations Unies le définissent comme étant un territoire « contesté », et cela figure sur toutes les cartes officielles des Nations Unies.  D’après lui, le statut final de ce territoire doit être tranché par les habitants du Jammu-et-Cachemire sous l’égide de l’ONU comme le prévoient de multiples résolutions du Conseil de sécurité, qui plus est, sont acceptées par l’Inde qui doit, dès lors, les mettre en œuvre.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Instance permanente sur les questions autochtones ouvre sa session 2022 en marge du lancement de la Décennie des langues autochtones (2022-2032)

Vingt et unième session,
1re & 2e séances plénières – matin & après-midi
DH/5467

L’Instance permanente sur les questions autochtones ouvre sa session 2022 en marge du lancement de la Décennie des langues autochtones (2022-2032)

L’Instance permanente sur les questions autochtones a donné, aujourd’hui, le coup d’envoi de sa vingt et unième session placée sous le thème « Les peuples autochtones, le commerce, l’autonomie et les principes des droits humains en matière de diligence requise, y compris le consentement préalable, libre et éclairé ».  Alors qu’a démarré, cette année, la célébration de la première Décennie internationale des langues autochtones (2022-2032), cette première journée de travaux a également laissé une place importance à la diversité linguistique, objet d’un échange entre les représentants autochtones réunis en présentiel pour la première fois depuis la pandémie.

Dans un premier temps, le Président de l’Instance a exhorté les États à contribuer à l'élaboration d'un instrument juridiquement contraignant pour réglementer les activités commerciales transnationales, alertant que les droits des peuples autochtones à l'autodétermination, à la terre, aux ressources et -surtout- au consentement libre, préalable et éclairé sont régulièrement violés par les États lors de l'octroi de contrats d'exploitation minière, de bois d’œuvre ou de méga-barrage, entre autres.  Le pillage de leurs ressources, la disparition de leurs modes de vie, de leurs cultures et de leurs langues, ainsi que l'assassinat de leurs dirigeants sont le résultat d'activités commerciales nuisibles, a mis en garde M. Darío José Mejía Montalvo qui a notamment pointé les industries de la mode, alimentaire et pharmaceutique qui perpétuent « des modèles d’'économie enclavée » qui exproprient les connaissances et les pratiques des peuples autochtones. 

La Sous-Secrétaire générale à la coordination des politiques et aux affaires interorganisations a constaté pour sa part que 40% de la surface terrestre mondiale, soit environ cinq milliards d'hectares, reste sans protection face aux pressions commerciales, dont l'accaparement des terres et la destruction de l'environnement.  Intervenant au nom de M. Liu Zhenmin, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, Mme Maria-Francesca Spatolisano a également relevé que les peuples autochtones gèrent traditionnellement plus de 50% des terres du monde, alors qu'ils n'en possèdent légalement que 10%.  Illustrant l’ampleur du défi, elle a cité une analyse mondiale qui a recensé 331 assassinats de défenseurs des droits humains en 2020 – dont 69% travaillaient sur des questions liées à la terre, aux peuples autochtones et aux droits environnementaux et 26% défendaient spécifiquement les droits des peuples autochtones. 

Notant l’interdépendance entre diversité linguistique et biodiversité « qui se nourrissent », Le Président de l'Assemblée, M. Abdulla Shahid, a expliqué de son côté que la protection de la diversité des langues autochtones était un pilier du développement durable, les langues autochtones étant riches en traditions orales qui relatent des milliers d’années d’expériences de gestion durable de l’environnement. 

De son côté, le Président du Conseil économique et social (ECOSOC), M.  Collen Vixen Kelapile, a déclaré que le forum politique de haut niveau pour le développement durable -qui se tiendra en juillet- offrira une occasion importante pour les peuples autochtones de présenter leurs connaissances traditionnelles sur la biodiversité, les changements climatiques et la gestion de l'environnement. 

Les travaux de la session se sont poursuivis dans l’après-midi dans le cadre d’un dialogue thématique consacré à la Décennie internationale des langues autochtones, l’occasion pour plus d’une trentaine de représentants de souligner l’urgence d’intervenir en faveur des langues autochtones, notamment en leur garantissant une présence à l’école et dans l’espace public, et de rappeler que la volonté politique des États Membres est déterminante pour sauvegarder ces langues. 

Faisant le lien entre préservation des langues autochtones, santé psychologique et protection de la planète, le Groupe mondial des jeunes autochtones a appelé à redoubler d’efforts pour inverser les conséquences de la colonisation sur la disparition de ces langues.  Selon lui, seules des écoles en immersion linguistique précoce permettront aux enfants autochtones de se réapproprier leurs langues. 

Rappelant que la majorité des langues autochtones pourraient disparaître au cours de ce siècle, et avec elles les valeurs éthiques et les connaissances qu’elles véhiculent, le Groupe des pays nordiques (Danemark, Islande, Norvège, Suède et Finlande) a appelé à tirer parti de la technologie moderne pour accroître la maîtrise de ces langues.  De son côté, la Nouvelle-Zélande a fait part de sa volonté de revitaliser le maori en développant des écoles immersives ainsi qu’en soutenant les politiques et les efforts de revitalisation, l’objectif étant d’en faire une langue vivante d’ici à 2040. 

Parmi les nombreuses recommandations adressées à l’Instance, le Groupe des peuples autochtones d’Asie a jugé urgent de prendre des mesures spéciales pour préserver les langues autochtones les plus menacées qui sont parlées par moins de 100 locuteurs. 

Le représentant de la International Chin Forum d’Oxford a souhaité que cette décennie soit l’occasion de se porter au chevet de la langue lai, langue sino-tibétaine parlée par 1,7 million de personnes en 1991, mais aujourd’hui menacée dans la région des trois frontières entre l’Inde, le Myanmar et le Bangladesh.  La disparition des langues autochtones s’apparenterait à un génocide, a prévenu la représentante des Premières Nations du Canada, tandis que le délégué de la tribu Shawnee a exhorté les États Membres à prendre l’attache des communautés autochtones pour examiner et remettre en cause toutes les politiques responsables de l’extinction des langues autochtones. 

Partisane d’un partage des meilleures pratiques, la représentante des populations autochtones « Soyouz » de Sibérie a appelé à fournir un soutien financier aux militants linguistiques, rejoignant son homologue de l'Association RAIPON des 40 minorités autochtones du Nord, de la Sibérie et de l'Extrême-Orient russe qui a exhorté les gouvernements nationaux à fournir un soutien financier nécessaire à la mise en œuvre de la Décennie.  Dans une même veine, le Conseil circumpolaire inuit a souhaité que les moyens mobilisés pour sauvegarder ces langues soient directement versés aux défenseurs de la langue inuit, voyant dans la sauvegarde des langues autochtones un moyen de préserver l’autodétermination de ces peuples. 

Selon le recensement de 2016 au Canada, de nombreuses langues autochtones sont parlées par moins de 10 000 personnes, et certaines par seulement des centaines, a prévenu un représentant de la Loon River First Nation, de langue cree.  Il s’est alarmé du fait que les 260 550 locuteurs de langues autochtones représentent moins de 1% de l’ensemble de la population canadienne, relevant en outre que les écoles provinciales canadiennes n'accordent qu’une place facultative aux langues autochtones.  Le Canada a cependant assuré que l’amendement, en 2019, de sa loi sur les langues autochtones devait permettre de revitaliser 70 langues autochtones du Canada. 

À son tour, le représentant des Réseaux des Peuples Autochtones d’Afrique (AIPN) a indiqué que l’officialisation de la langue amazighe au Maroc et en Algérie ne s’était traduite par aucune avancée en raison du manque de volonté politique.  D’où l’importance, à ses yeux, de suivre de près les différentes étapes de cette décennie et de garder un droit de contrôle sur les travaux de l’UNESCO.  Se ventant de ses 24 langues officielles et 60 langues minoritaires ou autochtones, l'Union européenne (UE) a relevé pour sa part que la préservation des langues autochtones nécessite un renforcement des capacités.  Une langue est avant tout un lien de solidarité, a souligné le représentant. 

Une représentante des Tatars de Crimée a par ailleurs dénoncé les violences perpétrées contre sa population par les troupes d’occupation russes.  « Il n’y a aucun doute que les Russes veulent effacer notre langue », a-t-elle prévenu en expliquant que l’existence de la langue et culture tatares met à mal la propagande russe prétendant que la Crimée est une terre historiquement russe. 

Dans des remarques de clôture, M. Aleksei Tsykarev, membre de l’Instance (Fédération de Russie), a salué les efforts des peuples autochtones qui vont porter la Décennie par des activités et évènements divers, citant en exemple la démarche des Cherokees pour promouvoir leurs écoles immersives.  Les langues autochtones sont des langues à faibles ressources qui ont besoin de ces manifestations liées à la Décennie pour obtenir des moyens et renforcer leurs capacités, a-t-il estimé.  M. Simón Freddy Condo Riveros, membre de l’Instance (Bolivie) a jugé important de s’entendre sur des indicateurs permettant d’arrêter des objectifs et mesurer les progrès de la Décennie pour les langues autochtones dans les 10 ans à venir, tandis que son homologue, M. Sven-Erik Soosaar (Estonie), s’est déclaré persuadé que les échanges de bonnes pratiques permettront d’avancer vers la sauvegarde des langues autochtones. 

En début de journée, après un mot d’accueil en langue autochtone prononcé par M. Katsenhaiénton Lazare, chef traditionnel du clan des ours des Mohawk de Haudenosaunee, l’Instance a élu par acclamation Darío José Mejía Montalvo (Colombie) à la présidence de sa vingt et unième session et adopté l’ordre du jour et l’organisation de ses travaux

Après avoir décidé pour la première fois de nommer sept membres du bureau au lieu de six, pour représenter chacun des sept groupes régionaux autochtones, l’Instance a aussi nommé M. Phoolman Chaudhary (Népal), Mme Hindou Oumarou Ibrahim (Tchad), Mme Anne Nuorgam (Finlande), M. Geoffrey Roth (États-Unis) et M. Aleksei Tsykarevas (Fédération de Russie) en tant que vice-présidents et Mme Tove Søvndahl Gantas (Danemark) en tant que Rapporteur de cette vingt et unième session. 

L’Instance était également saisie de deux notes intitulées « Décennie internationale des langues autochtones (2022-2032): Plan d’action mondial » et « L’utilisation des langues autochtones dans les systèmes éducatifs formels d’Amérique latine, d’Afrique australe et d’Eurasie septentrionale ». 

Créée en juillet 2000, après deux décennies de négociations, l’Instance est le principal forum visant à sensibiliser la communauté internationale sur la situation des quelque 370 millions d’autochtones qui vivent dans environ 90 pays et figurent parmi les individus les plus pauvres et marginalisés de la planète. 

Elle poursuivra ses travaux demain, mardi 26 avril 2022, à partir de 9 heures. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.