La Commission de la population et du développement adopte par consensus une résolution avec pour objectif une croissance économique soutenue et inclusive
La Commission de la population et du développement a conclu, ce matin, sa cinquante-cinquième session sur une note consensuelle en adoptant sans vote une résolution portant sur le thème central de cette semaine de travaux : « Population et développement durable, en particulier une croissance économique soutenue et inclusive ». Un texte qualifié de « jalon crucial » par Mme Natalia Kanem, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour les activités en matière de population (FNUAP), à deux ans de l’examen global de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) de 1994.
Ce n’est que la deuxième fois depuis 2016 que la Commission parvient à adopter une résolution de fond sur son thème prioritaire. Excepté 2020, où elle n’avait pu achever ses travaux en raison de la pandémie de COVID-19, la Commission est « parvenue à bon port trois années de suite », ce qui n’était pas le cas par le passé, a relevé M. John Wilmoth, Directeur de la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales (DESA).
Alors que le monde fait face à plusieurs crises, la Commission a démontré qu’il est « possible de concilier des positions divergentes pour parvenir à des objectifs communs », a pour sa part salué M. Enrique A. Manalo, Président de cette session. Il s’est félicité que l’instance, organe subsidiaire du Conseil économique et social (ECOSOC), ait, pour la première fois en 28 ans, entrepris un examen complet des liens cruciaux existant entre la population et le développement durable, avec un accent particulier sur la croissance économique soutenue et inclusive.
Dans sa résolution de 10 pages comprenant un dispositif de 29 paragraphes, pour l’heure seulement disponible dans une version provisoire en anglais*, la Commission réaffirme le « droit souverain » de chaque pays d’appliquer les recommandations du Programme d’action de la CIPD « de manière compatible » avec ses lois nationales et ses priorités, « en respectant pleinement les diverses religions, les valeurs morales et les origines culturelles de son peuple ».
La Commission reconnaît également qu’une croissance économique durable, inclusive, soutenue et équitable, est essentielle pour éradiquer la pauvreté et la faim, en particulier dans les pays en développement, et pour lutter contre les inégalités au sein et entre les pays. Elle souligne que les efforts nationaux à cet égard doivent être complétés par un « environnement international favorable » et en garantissant une plus grande cohérence entre les politiques macroéconomiques et sociales à tous les niveaux.
Pour la Commission, le plein emploi productif et un travail décent pour tous constituent des éléments clefs du développement durable et devraient être une priorité des politiques nationales et de la coopération internationale. Dans cet esprit, les États Membres devraient permettre les conditions d’une croissance économique soutenue, inclusive et durable « sans discrimination de quelque nature que ce soit », y compris un salaire égal pour un travail de valeur égale, et en promouvant le dialogue social.
Encourageant les investissements dans le secteur social, en particulier dans une éducation inclusive et de qualité et dans une couverture santé universelle, la Commission prend note de l’initiative du Secrétaire général de convoquer un sommet sur la « transformation de l’éducation », en septembre prochain, rappelant au passage que le thème spécial de sa prochaine session sera « Population, éducation et développement durable ».
Elle exhorte par ailleurs les États à redoubler d’efforts pour accélérer la transition des femmes de l’emploi informel à l’emploi formel et à s’attaquer au taux élevé de chômage des jeunes, tout en réaffirmant les contributions positives des migrants à une croissance inclusive et à un développement durable dans leurs pays d’origine, de transit et de destination.
Si les délégations ont unanimement salué l’adoption consensuelle de cette résolution, l’Union européenne, par la voix de la France, et la Nouvelle-Zélande, au nom de l’Australie et du Canada, ont rappelé qu’elle intervient alors que le monde tente de se relever de la pandémie de COVID-19, lutte contre les effets des changements climatiques et fait désormais face aux retombées de la guerre « non provoquée » contre l’Ukraine. À l’instar du Royaume-Uni et du Mexique, les deux groupes de pays ont d’autre part regretté que les formes croisées de discrimination, la nécessité d’autonomiser les femmes et les filles et l’éducation complète à la sexualité ne figurent pas dans le texte, bien qu’acceptées dans d’autres forums des Nations Unies. Israël aurait souhaité un libellé « plus ambitieux » sur ce dernier point.
Comme les années précédentes, un grand nombre de pays se sont désolidarisés des références aux soins de santé sexuelle et reproductive. S’exprimant au nom d’un groupe de pays arabes, l’Arabie saoudite en a appelé au « respect des cultures et des lois », rejointe par l’Iraq, le Yémen et l’Égypte, celle-ci affirmant se fonder sur les « valeurs » de sa société. De son côté, la République islamique d’Iran a dit se référer sur ces questions aux Programmes d’actions du Caire et de Beijing, tandis que le Guatemala et le Nicaragua faisaient valoir l’absence de consensus sur la notion de droit sexuel, dénonçant en outre toute promotion de l’avortement. Une position partagée par le Saint-Siège, qui, aux côtés de la Fédération de Russie, a aussi regretté que le texte ne présente pas la famille comme « l’unité de base » de toute société.
À l’opposé de la Hongrie, qui a rappelé son opposition de principe au Pacte mondial pour les migrations, l’Indonésie s’est réjouie que le texte juge essentiel de protéger les travailleurs migrants, qui sont des « moteurs de la croissance économique ». Le Liban a insisté sur l’importance de l’égalité femmes-hommes, les États-Unis avertissant, quant à eux, que les libellés relatifs au commerce et aux transferts de technologie ne les engagent en aucune manière.
Outre cette résolution, la Commission a adopté deux décisions portant sur le « cycle d’examen et d’évaluation de la mise en œuvre du Programme d’action de la CIPD » et le « thème spécial de la cinquante-septième session », en 2024, ainsi que l’ordre du jour provisoire de sa cinquante-sixième session. Après avoir entériné le projet de rapport présenté par le Rapporteur, M. Andrei Nikolenco (Moldova), elle a brièvement ouvert sa cinquante-sixième session, l’occasion d’élire son Président, M. Gheorghe Leucă (Moldova), et de nommer M. Edgar Sisa (Botswana) et Mme Sarah Linton (Australie) aux postes de Vice-Présidents.
* La résolution sera publiée ultérieurement sous la cote E/CN.9/2022/L.6.