9025e séance – matin 
CS/14875

Libye: le Conseil de sécurité décide une nouvelle prorogation technique de trois mois du mandat de la MANUL, qui sera dirigée par un représentant spécial

Le Conseil de sécurité a décidé aujourd’hui, à l’unanimité, de proroger jusqu’au 31 juillet 2022 et dans les mêmes termes le mandat de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), tout en la priant d’appliquer les recommandations issues de l’examen stratégique indépendant de la Mission réalisé durant l’été 2021.  La résolution 2629 (2022) est la quatrième prorogation technique de la Mission depuis septembre 2021, après celles du 15 septembre -résolution 2595 (2021)-, du 30 septembre -résolution 2599 (2021)– et du 31 janvier 2022 -résolution 2619 (2022).  Lors des explications de vote, la grande majorité des membres du Conseil ont regretté qu’il ait été une fois encore impossible de s’accorder sur une prorogation plus longue et sur un mandat de fond pour la MANUL et ont mis en cause la Fédération de Russie, accusée par les États-Unis de « prendre le mandat de la Mission en otage ».

Le Conseil a en outre décidé que la Mission devra être dirigée par un représentant spécial du Secrétaire général basé à Tripoli, épaulé par deux représentants spéciaux adjoints.  C’est le Secrétaire général qui devra nommer, « rapidement », le représentant spécial. 

Après le départ en février 2020 du dernier Représentant spécial, M. Ghasan Salamé, la nomination d’un nouveau chef pour la Mission avait pris plusieurs mois, durant lesquels l’intérim avait été assuré par la Représentante spéciale adjointe Stephanie Williams.  Nommé en janvier 2021, M. Jan Kubiš avait rang d’Envoyé spécial et était basé à Genève.  Il a démissionné en novembre 2021 dans la perspective des élections et d’un changement de mandat de la Mission, en expliquant notamment qu’il était favorable au retour à la tête de la Mission d’un représentant spécial basé à Tripoli.  Le Secrétaire général a par ailleurs fait de Mme Williams sa Conseillère spéciale pour la Libye en décembre 2021. 

Dans leurs explications de vote, les différents représentants ont tous souhaité que la nomination du nouveau représentant spécial intervienne rapidement.  Le Brésil a estimé que cette nomination confirmerait aux forces politiques libyennes « que ce Conseil est sérieux quant à son engagement à soutenir le processus de réconciliation nationale ».  La France l’a jugée nécessaire pour donner une direction politique efficace à la Mission et l’Irlande, pour sortir le pays de l’impasse actuelle, y compris en accompagnant les autorités libyennes dans la tenue des élections présidentielle et législatives initialement prévues fin décembre 2021 et reportées au tout dernier moment.

Dans le préambule de la résolution, le Conseil réaffirme en effet son ferme attachement à un processus politique dirigé et contrôlé par la Libye et facilité par les Nations Unies, « qui doit ouvrir la voie à la tenue, dès que possible, d’élections présidentielle et législatives nationales libres, régulières et inclusives » dans le pays.  La résolution demande à cette fin à toutes les parties de s’abstenir de tout acte susceptible de compromettre le processus politique ou l’accord de cessez-le-feu du 23 octobre 2020, celui-ci devant être appliqué dans son intégralité.  Le Conseil y rappelle que les sanctions prévues dans les résolutions 1970 (2011) et suivantes s’appliqueront aussi à quiconque commettrait ou appuierait des actes mettant en danger la paix, la stabilité ou la sécurité en Libye ou qui entraveraient ou compromettraient la réussite de sa transition politique, « ce qui comprend le fait d’entraver ou de compromettre la tenue des élections ».  Le Secrétaire général devra rendre compte tous les 30 jours de l’application de la résolution au Conseil de sécurité jusqu’au 31 juillet 2022.

Mise en cause par les autres membres du Conseil pour son refus d’accepter un mandat plus long et plus substantiel pour la Mission, la Fédération de Russie a expliqué sa position en se disant convaincue que la configuration actuelle de la Mission était inacceptable et en soulignant que la résolution envoie un message clair sur la nécessité de prendre immédiatement une décision sur la désignation de son nouveau chef.  Depuis six mois, en l’absence d’un représentant spécial, la MANUL ne peut accompagner efficacement le processus de réconciliation en Libye, a affirmé le représentant qui a, en outre, mis en doute l’impartialité de la MANUL.  En cas de nouveau « retard délibéré » concernant la désignation, la Fédération de Russie a menacé d’en « tirer toutes les conséquences concernant l’avenir de la MANUL ».

La Fédération de Russie a également accusé « certains membres du Conseil » de ne pas accepter que la MANUL soit dirigée par un représentant spécial africain et y a vu un signe de « néocolonialisme ».  Les trois membres africains du Conseil, notamment le Gabon, ont demandé à cet égard une plus grande implication des pays africains dans les questions africaines.  La Chine a signifié qu’elle soutenait la nomination à la tête de la Mission d’un candidat issu de l’Afrique. 

La majorité des membres du Conseil ont surtout reproché à la Fédération de Russie de s’être opposée à une prorogation plus longue de la Mission et à l’adoption d’un mandat plus substantiel.  Si les Émirats arabes unis, le Brésil, l’Albanie ou l’Irlande se sont félicités que la résolution demande la mise en œuvre des recommandations de l’examen stratégique indépendant de l’été 2021, et si la France a voulu voir dans l’adoption de la résolution une « première étape essentielle pour donner à la MANUL tous les moyens nécessaires à sa mission », la plupart de ces mêmes pays, et d’autres, ont regretté que le mandat reste essentiellement celui décidé par la résolution 2542 (2020).  L’Irlande a ainsi déclaré qu’une prorogation plus longue permettrait de donner plus de visibilité à la Mission en lui conférant des mandats relatifs aux droits humains, au rôle des femmes ou encore à la situation humanitaire.  Le Mexique a lui aussi estimé que trois mois étaient trop courts pour permettre à la MANUL de lutter contre les flux illicites d’armes ou de contribuer au processus de réconciliation nationale. 

Plusieurs des membres du Conseil ont donc jugé, à l’image de la Norvège, que le vote de ce jour représente un échec du Conseil de sécurité et qu’il envoie un signal « regrettable » au peuple libyen et à l’ensemble de la région et ce, en dépit des « efforts de bonne foi de 14 membres du Conseil ».  Les États-Unis ont même estimé qu’un mandat aussi bref rendrait plus difficile encore le recrutement d’un chef pour la Mission.  Le Conseil de sécurité n’a « pas abandonné le peuple libyen », ont tenu à préciser les États-Unis en insistant sur le fait que « 14 membres du Conseil ont appuyé un mandat de fond d’un an pour renforcer la MANUL ».  Les États-Unis ont appelé à « ne pas permettre à l’avenir à un seul membre du Conseil de prendre le mandat de la MANUL en otage ».  Comme plusieurs autres délégations qui avaient elles aussi mentionné l’opposition « d’un seul » membre du Conseil, le Royaume-Uni a constaté que, « une fois de plus, la Russie s’est isolée » et l’a appelé à assumer ses responsabilités en tant que membre du Conseil et à se prononcer sur un mandat de fond pour la Mission.

Par ailleurs, en début de séance, la représentante du Royaume-Uni, pays qui assume la présidence du Conseil en avril, a, à titre national, rappelé que des missiles ont été tirés hier sur la ville de Kiev alors que le Secrétaire général s’y trouvait.  Elle a annoncé que M. António Guterres aura la possibilité d’évoquer ces événements dans le cadre de la discussion sur l’Ukraine prévue la semaine prochaine, alors que les États-Unis auront pris, le 1er mai, la présidence tournante du Conseil de sécurité.

Texte du projet de résolution (S/2022/356)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant sa résolution 1970 (2011) et toutes ses résolutions ultérieures sur la Libye, notamment les résolutions 2259 (2015), 2510 (2020), 2542 (2020) et 2570 (2021),

Réaffirmant son ferme attachement à un processus politique dirigé et contrôlé par les Libyens et facilité par les Nations Unies, qui doit ouvrir la voie à la tenue dès que possible d’élections présidentielle et législatives nationales libres, régulières et inclusives en Libye, exprimant à cet égard son soutien aux efforts actuellement déployés pour faciliter les concertations interlibyennes visant à créer des conditions et des circonstances favorables à l’organisation d’élections reposant sur des bases constitutionnelles et légales, rappelant le calendrier fixé dans la feuille de route du Forum de dialogue politique interlibyen, et rappelant que toutes les institutions compétentes ont un rôle à jouer dans la conduite des élections,

Rappelant qu’il a constaté, dans sa résolution 2213 (2015), que la situation en Libye continuait de menacer la paix et la sécurité internationales,

1.    Décide de proroger jusqu’au 31 juillet 2022 le mandat de la MANUL, mission politique spéciale intégrée, pour lui permettre de mener à bien le mandat qui lui a été confié dans la résolution 2542 (2020) et au paragraphe 16 de la résolution 2570 (2021);

2.    Prend note de l’examen stratégique indépendant de la MANUL (S/2021/716), prie la Mission d’en appliquer les recommandations, décide que la MANUL devrait être dirigée par un représentant spécial du Secrétaire général basé à Tripoli, épaulé par deux représentants spéciaux adjoints du Secrétaire général, et demande au Secrétaire général de nommer un représentant spécial rapidement;

3.    Demande que, dans le cadre de l’application des recommandations issues de l’examen stratégique, la MANUL envisage l’ensemble des moyens pouvant lui permettre d’accroître son efficience et de redéployer les ressources existantes, notamment par la définition des priorités et la reconfiguration des tâches et des ressources, en fonction des besoins et des possibilités;

4.    Demande à toutes les parties de s’abstenir de tout acte susceptible de compromettre le processus politique ou l’accord de cessez-le-feu en Libye adopté le 23 octobre 2020, lequel devrait être appliqué dans son intégralité, et rappelle que les mesures énoncées dans sa résolution 1970 (2011), telles que modifiées par des résolutions ultérieures, s’appliqueront également aux personnes et entités dont le Comité des sanctions de l’Organisation des Nations Unies a déterminé qu’elles se livraient ou qu’elles apportaient un appui à des actes qui mettent en danger la paix, la stabilité ou la sécurité en Libye, ou qui entravent ou compromettent la réussite de sa transition politique, ce qui comprend le fait d’entraver ou de compromettre la tenue des élections;

5.    Souligne qu’il ne saurait y avoir de solution militaire en Libye et exige que tous les États Membres respectent pleinement l’embargo sur les armes qu’il a imposé à la Libye par sa résolution 1970 (2011), telle que modifiée par des résolutions ultérieures;

6.    Prie le Secrétaire général de lui rendre compte tous les 30 jours de l’application de la présente résolution jusqu’au 31 juillet 2022;

7.    Décide de rester activement saisi de la question.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.