Session de 2022,
Forum sur le suivi du financement du développement, 7e et 8e séances, matin et après-midi
ECOSOC/7081

À l’issue de quatre jours de débats, le forum de l’ECOSOC sur le suivi du financement du développement adopte des recommandations par consensus

Le forum du Conseil économique et social (ECOSOC) consacré au suivi du financement du développement s’est achevé, ce jeudi, avec l’adoption d’un document final détaillant les obstacles à surmonter et les moyens d’atteindre les objectifs de développement durable dans les années à venir par un financement approprié, dans un contexte marqué de multiples crises grevant les budgets des États et compromettant gravement la réalisation du Programme 2030.  Un texte qui invite aussi l’Assemblée générale à déterminer s’il y a lieu de convoquer une quatrième Conférence internationale sur le financement du développement.

Ces « conclusions et recommandations arrêtées sur le plan intergouvernemental » ont été adoptées par consensus malgré des réserves sur le libellé final.  Elles furent émises par le Groupe des 77 et la Chine, entre autres, qui auraient notamment souhaité voir mentionner l’accélération pour une transition sociale à l’heure de la COVID-19, ainsi qu’Antigua-et-Barbuda, pour qui ce texte de compromis pêche par manque d’ambition pour les pays les plus vulnérables.  Il est vrai que durant le débat général qui s’est poursuivi aujourd’hui, de nombreux États Membres ont plaidé pour des mesures d’ampleur pour soulager ces pays du fardeau de la dette et leur garantir un financement pour la transition climatique, ainsi qu’une collaboration renforcée concernant la lutte contre les flux financiers illicites et le recouvrement des avoirs, qui grèvent un espace fiscal déjà mis à mal par la crise sanitaire, les tensions géopolitiques et les tendances inflationnistes.

À la clôture de ces quatre journées, le Président de l’ECOSOC, M. Collen Vixen Kelapile, a relevé que de nombreux pays en développement demeurent dépendants des flux financiers extérieurs.  Dans ce contexte difficile, les pays donateurs doivent s’efforcer de respecter leurs engagements respectifs en matière d’aide publique au développement (APD), en particulier pour les pays les plus vulnérables.  Les engagements pris en faveur du respect des engagements en matière d’APD à hauteur de 0,7% du revenu national brut (RNB) et les appels par le forum pour une augmentation de celle-ci, l’ont particulièrement réjoui.  Il a aussi souligné que, dans un contexte actuel d’espaces budgétaires extrêmement limités, les subventions et les financements hautement concessionnels devront jouer un rôle plus important.

Il n’en reste pas moins que les pays en développement vont avoir beaucoup de mal à mettre en œuvre cette transition, a mis en garde le Président du Costa Rica, M. Carlos Alvarado Quesada, lors d’une table ronde consacrée aux moyens d’une transition juste et durable.  Des risques de récession se profilent et dans un tel contexte, le Président a réclamé un accès à des ressources financières à des conditions favorables.  Sur la même ligne, M. Saulos Klaus Chilima, Vice-Président du Malawi, a aussi plaidé pour une plus grande coopération pour faciliter l’accès aux énergies renouvelables et aux technologies vertes, afin d’opérer la transition énergétique.  Il a recommandé de faire porter les efforts sur des solutions décentralisées à faible coût, notamment les panneaux solaires et les systèmes de stockage. 

Du côté du secteur privé, un effort doit être fait pour sensibiliser les entreprises aux questions de transition, selon le Secrétaire général de l’Organisation internationale des employeurs.  C’est encore trop rarement le cas, surtout dans les pays en développement, où elles ne disposent « ni de politique, ni de recommandation claire, ni d’analyse détaillée pour un secteur particulier ».  Un représentant de la Banque centrale européenne (BCE) a quant à lui assuré que si les banques centrales et les superviseurs ne sont pas forcément en première ligne face à la crise, comparativement aux gouvernements, les risques financiers induits par la crise replacent ces acteurs « au centre du jeu » car ils influencent la conduite du secteur financier.

Les opportunités de la transition numérique en cours ont été mises en avant par la Vice-Ministre de la bonne gouvernance de la Bulgarie, pour qui les technologies numériques soutiennent la recherche et l’innovation, et constituent la base pour atteindre une croissance dynamique et durable.  Elle en a aussi relevé les côtés les plus inquiétants: fuites de données, cyberespionnage, désinformation.  Un autre expert a fait remarquer que les risques sont incarnés par l’essor spectaculaire des cryptodevises.  Leur structure et leur chevauchement avec le système financier actuel pourraient constituer une menace pour la stabilité financière, a-t-il prévenu.  De nombreuses fraudes sont commises en les utilisant et elles pourraient même devenir un canal supplémentaire de fuite de capitaux, selon l’expert qui a réclamé davantage de régulation pour les bitcoins et d’autres types de cybermonnaies. 

Le forum a clos ses travaux en adoptant son projet de rapport, qui sera soumis à l’ECOSOC.

En début d’après-midi, l’ECOSOC a tenu une brève séance plénière, indépendante du forum, pour adopter deux décisions afin de fixer les thèmes et dates de réunions qui se tiendront prochainement à New York.  La première (E/2022/L.6) a donné au débat consacré aux affaires humanitaires de sa session de 2022, qui se tiendra du 17 au 19 mai, le thème suivant: « Renforcer l’aide humanitaire: bonnes pratiques et mobilisation de l’action au regard de l’application du droit international humanitaire et du relèvement après la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) et en réponse à la crise climatique ».  La deuxième (E/2022/L.7) a fixé un thème et une date pour la réunion sur la question du passage de la phase des secours aux activités de développement: elle portera sur les « crises récurrentes et solutions durables: renforcer la résilience et faire face à l’insécurité alimentaire croissante et aux déplacements » et se tiendra le 20 juin 2022.

FORUM DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL SUR LE SUIVI DU FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT

Table ronde 6: Question de la transition juste et durable

Dans un discours liminaire, M. CARLOS ALVARADO QUESADA, Président du Costa Rica, a pointé du doigt l’inégalité, selon les régions du monde, dans les capacités de résilience face à la pandémie de COVID-19, l’Amérique latine étant la région comptant le plus de décès par habitant.  Beaucoup de ces pays sont endettés et en grande difficulté pour opérer une transition durable, a-t-il prévenu.  Après avoir fait part de l’engagement costaricain en matière de politique publique, il a réclamé à la communauté internationale des facilités de financement, en raison de la conflagration des crises - inflation et problèmes de chaînes d’approvisionnement notamment.  Prédisant aussi une augmentation du coût du financement à cause de la hausse des taux d’intérêts, il a fait remarquer que l’inflation n’est pas du fait des pays en développement.  Cette hausse est donc injuste selon lui, car elle va grever le financement pour une transition juste et durable.

Les pays en développement vont avoir beaucoup de mal à mettre en œuvre cette transition, voire même être dans l’impossibilité, a-t-il mis en garde.  Comme dans les années 1980, des risques de récession se profilent, a-t-il dit, y voyant un risque de reculs quant à la réalisation des ODD du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Dans ce contexte, le Président a réclamé un accès à des ressources financières à des conditions favorables pour lutter contre toutes ces crises.  Le FMI, la Banque mondiale, les banques multilatérales doivent réagir, a-t-il lancé en assurant que le monde dispose des ressources nécessaires. 

Le Président du Costa Rica a ensuite détaillé sa politique publique consacrée à la production d’hydrogène vert, produit « à 99,5% à partir de ressources propres ».  Il a aussi parlé d’un « réseau électrique vert » permettant de produire de l’hydrogène, qui, ce faisant, « nettoie le monde » et « crée des milliers d’emplois ».  « Le seul déchet que vous produisez avec l’hydrogène, c’est de l’eau », a assuré le Président.  Il a de nouveau réclamé, en conclusion, un accès pour les pays en développement à des ressources financières dans de bonnes conditions afin d’éviter la récession, la pauvreté, et pour garantir la cohésion sociale et permettre la réalisation des ODD. 

M. SAULOS KLAUS CHILIMA, Vice-Président du Malawi, s’est livré à un plaidoyer en faveur d’une utilisation accrue et équitablement partagée des énergies renouvelables d’ici à 2030.  C’est une priorité essentielle des PMA, a-t-il rappelé en citant le Programme d’action de Doha récemment adopté.  La pandémie de COVID-19 a mis en évidence l’importance de l’énergie abordable et renouvelable et de l’accès aux technologies de l’information et des communications (TIC), a-t-il fait remarquer.  Il a noté la nécessité d’aider les pays qui en ont le plus besoin à surmonter les difficultés qui entravent le financement des grands projets d’aménagement de leurs territoires et de transition écologique structurelle.  Selon lui, il faut atteindre cet objectif puisqu’actuellement, ce sont seulement 30% des populations des PMA qui bénéficient d’un accès quotidien aux énergies renouvelables. 

Le Vice-Président a souligné que la voie vers zéro émission nette exige des augmentations substantielles de la part des énergies renouvelables et plus propres.  Il a regretté toutefois que les flux vers les PMA pour financer leurs secteurs énergétiques ont baissé en 2019 pour la deuxième année consécutive.  Il a donné des chiffres sur la participation à ces efforts du secteur privé, qui a fourni 86% des investissements dans les nouveaux projets d’énergie renouvelable entre 2013 et 2019, tout en regrettant que seulement 6% des financements publics et privés soient investis dans les PMA.  Il a donc plaidé pour une plus grande coopération internationale pour faciliter l’accès aux énergies renouvelables et aux technologies, afin de permettre la mise en œuvre des transitions énergétiques.  Il a recommandé de faire porter les efforts sur des solutions décentralisées à faible coût, notamment les panneaux solaires et les systèmes de stockage.  Plus de 500 millions de personnes n’ont pas accès à l’énergie dans les PMA, a-t-il alerté, demandant de veiller à résoudre ce problème pour atteindre les personnes isolées et réaliser les ODD.

Le modérateur du débat, M. GUY RYDER, Directeur général de l’Organisation internationale du Travail (OIT), a présenté les différents panélistes, dont ROBERTO SUÁREZ SANTOS, Secrétaire général de l’Organisation internationale des employeurs, qui représente les entreprises partout dans le monde.  Ce dernier a appelé à davantage d’ambition chez les entrepreneurs, ce qui passe par davantage de travail de « sensibilisation » à leur égard.  Les entreprises doivent se « sentir concernées » pour qu’elles appliquent des mesures concrètes, a-t-il précisé.  Or beaucoup d’entreprises, surtout dans les pays en développement, ne se sentent « pas concernées » ou ne disposent « ni de politique, ni de recommandation claire, ni d’analyse détaillée pour un secteur particulier », a noté M. Suárez.  Il a également réclamé un « transfert des technologies des pays développés vers les pays en développement », point crucial selon lui.  M. Suárez a cité en exemple le développement des énergies renouvelables en Afrique.  La difficulté d’accès à l’emploi et à la formation est également un point de blocage, notamment dans des les secteurs de l’agriculture, des transports et des déchets, entre autres.  Enfin, l’environnement doit être davantage propice aux entreprises afin que celles-ci s’impliquent davantage, a recommandé l’orateur. 

M. FRANK ELDERSON, Vice-Président du Comité de supervision de la Banque centrale européenne (BCE), a évoqué un réseau de 114 banques centrales.  Ce réseau, inclusif, est composé de banques de pays en développement et de pays développés sur les cinq continents.  Depuis son lancement en 2017, le réseau a développé des outils et acquis des connaissances pour « mieux gérer les risques environnementaux et climatiques », a-t-il informé en mentionnant aussi les « guides pratiques de supervision » ainsi que des scénarios types que le réseau a publiés.  Les banques centrales et les superviseurs ne sont certes pas forcément en première ligne face à la crise, comparativement aux gouvernements, a-t-il noté tout en expliquant que les risques financiers induits par la crise les placent « au centre du jeu ».  C’est pourquoi les banques centrales sont engagées à agir dans ce domaine, a-t-il assuré en faisant valoir que banques centrales et superviseurs peuvent avoir une véritable action sur le secteur financier et donc, par ricochet, une influence sur les populations.

« Les populations ont besoin de sécurité », a enchaîné Mme SHARAN BURROW, Secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale, qui a demandé de donner la priorité à la création d’emplois « décents, respectueux du climat », dans les secteurs des transports durables et de l’agriculture durable, entre autres.  Alors que des millions et des millions de réfugiés climatiques sont jetés sur les routes à chaque degré de réchauffement, elle a appelé à impérativement investir dans la préparation et la résilience.  L’objectif est de construire des « communautés robustes pour l’avenir », a-t-elle résumé.  Elle a d’ailleurs trouvé « scandaleux » que les pays riches n’aient pas levé les fonds promis pour aider les pays en développement à réaliser la transition.  Mme Burrow a aussi exigé davantage de « transparence » de la part des gouvernements et des industries vis-à-vis des populations.

Le débat interactif qui a suivi a donné la parole à un représentant de la société civile, qui a plaidé pour des « solutions fondées sur les écosystèmes » pour protéger les peuples autochtones, lesquels sont les plus menacés par un péril climatique qui, d’après le GIEC, pourrait avoir raison de la vie sur Terre d’ici trois ans.  Cessons, comme le suggère le GIEC, de parler de croissance à tout crin dans un tel contexte d’urgence! a-t-il lancé, appelant à trouver des solutions nouvelles sur la fiscalité, sur les brevets et pour le bien-être de tous les membres de l’ONU.  Ainsi a-t-elle plaidé pour la tenue d’une conférence internationale sur le développement « où le multilatéralisme serait au centre de discussions constructives ».

La représentante de l’Espagne a souhaité que les appels de la société soient entendus.  La transition économique exige un changement systématique prenant en compte le caractère progressif de celle-ci, a-t-elle ajouté avant d’appeler à la création d’emplois respectueux de l’environnement et de demander aux gouvernements d’envoyer des messages clairs en matière de neutralité climatique, « conformément à ce que préconise le GIEC ».  Nous devons miser sur les objectifs d’atténuation et de progrès social au lieu de ne nous concentrer sur les programmes rentables, a-t-elle encore dit.

Chacun doit faire en sorte que soient prises rapidement des mesures de développement durable pour les générations futures, a rappelé le représentant des Philippines en soulignant l’urgence de l’amélioration des conditions sociales et du quotidien des communautés les plus touchées par la crise climatique.  Il a plaidé à son tour pour une transition plus juste en vue de parvenir à un monde durable.  Le représentant a demandé aux partenaires de son pays de l’aider techniquement pour développer les énergies renouvelables, lesquelles « bénéficient à tous ».  Il a également souhaité la constitution d’alliances et de partenaires forts pour réduire les émissions de carbone. 

La représentante de la Fédération de Russie a estimé elle aussi que la transition énergétique doit être juste et équilibrée.  Elle a évoqué des projets verts russes destinés à améliorer l’efficacité énergétique des centrales hydroélectriques et nucléaires et à atteindre les objectifs correspondants de neutralité carbone.  Définir des normes communes de tarification pour maintenir une concurrence saine en matière de décarbonisation au plan international est nécessaire, a-t-elle ajouté. 

Le représentant de l’Indonésie a plaidé pour une modernisation accrue des infrastructures, ce qui passe par un recours plus massif aux énergies renouvelables, tandis que son homologue de l’Azerbaïdjan a fait valoir que son pays diversifie ses sources d’approvisionnement en faveur de l’Union européenne « pour moderniser son économie et opérer une transition volontaire vers des modèles verts et circulaires ».

Table ronde 7: Transition digitale: opportunités et risques

Investir dans la numérisation est désormais considéré comme la prochaine opportunité d’investissement durable, a posé d’emblée Mme KALINA KONSTANTINOVA, Vice-Ministre de la bonne gouvernance de la Bulgarie, en donnant le « bon exemple » de l’Union européenne (UE) qui a pris un certain nombre d’initiatives financières pour soutenir les investissements dans l’infrastructure numérique.  Le plan de relance de l’UE est une occasion pour la Bulgarie de devenir à la fois compétitive et durable, a-t-elle ajouté.  La Vice-Ministre a indiqué que les efforts de réforme de la Bulgarie dans ce domaine visent à développer un écosystème de recherche et d’innovation à part entière.  Les investissements visent à transformer l’économie et la société, ainsi qu’à relever les défis de la transition numérique et écologique.  Les technologies numériques soutiennent la recherche et l’innovation, et constituent la base pour atteindre une croissance économique dynamique et durable, a-t-elle expliqué.  Cela dit, Mme Konstantinova a rappelé que si la transition numérique offre de nombreuses opportunités, elle comporte aussi de sérieux risques liés à la cybersécurité, aux fuites de données, à la confidentialité des données et à la désinformation: il est donc essentiel d’adopter des mesures adéquates pour en atténuer les effets négatifs.  Il est aussi crucial d’investir dans des programmes de compétences numériques, ainsi que de renforcer la protection et la confidentialité des données, a-t-elle ajouté.

La numérisation permet de donner davantage de possibilités au public, a rebondi M. JONATHAN TITUS-WILLIAMS, Vice-Ministre de la planification et du développement économique de la Sierra Leone, tout en notant que seule une petite partie de la population mondiale est connectée à Internet: le reste de la population, sans accès à Internet, est concentré en Afrique, en Asie-Pacifique et au Moyen-Orient.  Près de 450 milliards de dollars sont nécessaires pour combler ce fossé, a-t-il prévenu.

M. SOPNENDU MOHANTY, Chef de la Fintech à l’Autorité financière de Singapour, a estimé que pour qu’un pays réussisse, il faut qu’un pays s’attache, de manière non négociable à adopter une plateforme d’identité numérique, pour établir la confiance pour toutes les transactions effectuées.  En second lieu, il faut gagner la confiance du public dans les services numériques et pour la gestion de leurs données.  Tertio, pour faciliter la circulation des fonds, les moyens de paiement doivent être interopérables.  Il faut faciliter les paiements entre acteurs nationaux mais aussi vers l’international, et monter des systèmes interopérables transfrontaliers, a ajouté M. Mohanty qui a aussi recommandé que les prestataires se mettent au service des individus.  Voilà les piliers pour mettre en place une économie numérique responsable, selon lui.

M. COSTAS STEPHANOU, Chef de l’analyse de la stabilité financière au Conseil de stabilité financière, a axé son intervention sur les cryptodevises qui sont selon lui devenues une priorité dans la mesure où elles pourraient devenir une menace en raison de leur ampleur, de leur structure et de leur chevauchement avec le système financier actuel.  Il n’est pas clair que les cryptodevises profitent à tous, ce sont les plus jeunes et les plus connectés qui en profitent, pas la population générale, a-t-il prévenu.  Elles sont de plus utilisées en dehors des cadres réglementaires et de nombreuses fraudes sont commises en les utilisant.  Elles pourraient devenir un canal supplémentaire de fuite de capitaux, c’est pourquoi une régulation est nécessaire pour les bitcoins et d’autres types de monnaies.  Il ne s’agit pas cependant de faire obstacle aux innovations, mais de réguler pour le bien commun, a précisé l’expert. 

Intervenant justement sur ce sujet, M. DAVID ROOS, Vice-Président du secteur programme du GIZ, a rappelé que 1,7 milliard de Terriens n’ont pas accès au marché numérique pour pouvoir opérer des transactions de base. 

La représentante de l’Indonésie a déclaré que son pays faisait de la transformation numérique une priorité de son développement dans le cadre de sa vision 2045.  L’Indonésie continue d’avancer rapidement pour inclure ceux parmi sa population ne disposant pas d’un compte en banque, a-t-elle notamment illustré. 

Le sujet des cryptomonnaies a également été abordé par la représentante de la Thaïlande qui a souligné le rôle inattendu de stabilisation qu’elles ont joué dans un secteur jusque-là très flou.  Elles accompagnent désormais l’évolution rapide des activités numériques, ce qui entraîne le développement d’emplois nouveaux souvent en prise avec le monde de l’environnement, a-t-elle ajouté.  La représentante a toutefois relevé les risques inhérents à ces monnaies, comme les pertes de capitaux, la cybersécurité, la fuite de données personnelles ou encore des formes inédites de blanchiment d’argent.  C’est pourquoi, a-t-elle dit, la Banque centrale thaïlandaise a pris les devants en proposant sa propre devise numérique, cela pour éviter tout monopole privé en la matière et limiter les risques afférents. 

La société civile a fait entendre sa voix en appelant à la réduction de la facture numérique dans les pays en développement.  Des solutions novatrices sont requises pour accélérer l’inclusion numérique, cette dernière étant une responsabilité des gouvernements qui se sont engagés dans la réalisation des ODD d’ici à 2030, a-t-il encore été dit.  Pour les représentants de la société civile, il faut lutter activement contre les pratiques malveillantes telles que le cyberharcèlement des filles et des jeunes femmes et la corruption numérique.  Il convient de répondre aux besoins numériques des groupes vulnérables et qui se heurtent à des obstacles persistants sur la voie de la connaissance et de l’accès aux nouveaux emplois propres, éthiques et responsables, ont dit les intervenants. 

Fin du débat général

Mme TITTA MAJA, Directrice générale du Département de la politique de développement du Ministère des affaires étrangères de la Finlande, a rappelé l’engagement de son pays d’être neutre sur le plan climatique d’ici à 2030, et le renforcement, dans ce cadre, de son soutien financier aux pays en développement « dans le contexte de conjonction des crises ».  Notant que le principal obstacle sont les lacunes financières importantes, elle a appelé à miser sur des financements du développement mixtes privé-public.

M. GEORGE YAW GYAN-BAFFOUR, Conseiller principal du Ministre de la finance et Président de la Commission nationale de planification du développement du Ghana, a appelé à réformer de toute urgence le système financier mondial, exhortant les pays développés à mettre en œuvre l’acheminement volontaire des droits de tirage spéciaux vers les pays dans le besoin, par le biais du Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance du FMI.  Les agences de notation de crédit doivent de leur côté s’assurer que leurs notations sont objectives, indépendantes et fondées sur des informations exactes.  Il a appelé à appuyer les efforts déployés dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine pour pousser à la consolidation des marchés.  Il incombe en outre aux pays en développement de stimuler les investissements à long terme dans les domaines les plus essentiels pour le développement durable.

M. ANDRY VELOMIADANA BEARISON RAMANAMPANOHARANA, Secrétaire général au Ministère de l’économie et des finances de Madagascar, a souligné l’importance de faciliter l’accès aux financements concessionnels et climatiques et d’alléger la dette, les créanciers devant apporter des solutions adéquates dans le contexte actuel d’urgence mondiale.  Il a également appelé à un retour des avoirs par le biais d’une coopération fiscale internationale renforcée, et rappelé la primauté du principe dit de traitement spécial pour les pays en développement dans le cadre de mise en œuvre des ODD. 

M. OLOF SKOOG, de l’Union européenne (UE), notant que 43% de l’APD mondiale est fournie par l’UE, a appelé à renforcer d’autres sources de financement du développement, notamment en élargissant l’assiette fiscale nationale.  Il faut aussi lutter contre la corruption et les flux financiers illicites, tout en captant les financements privés. 

Il a plaidé pour une transition verte comme stratégie de lutte contre les changements climatiques.  Il a indiqué que l’UE soutient les mesures d’allégement de la dette des pays en développement, dans le cadre des mesures prônées par le G20.  L’UE est également prête à prendre part aux discussions sur l’organisation d’une quatrième conférence internationale sur le financement du développement, a-t-il ajouté. 

M. BRIAN WALLACE (Jamaïque), au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a notamment indiqué que nombre de pays en développement ne disposent toujours pas des capacités fiscales et administratives suffisantes pour relever seuls les défis du financement du développement.  Il a déploré que les emprunts pour lutter contre la pandémie aient été accordés à des taux divergents selon le niveau de richesse des pays.  Pour le représentant, la situation est telle aujourd’hui que des choix rapides s’imposent pour rendre soutenable la dette des pays en développement les plus pauvres et leur redonner les moyens de reprendre la voie de la réalisation des ODD.  À cet égard, la CARICOM prône l’échange de dette par le biais de fonds, qui, pour être utiles, doivent être abondés à la hauteur des enjeux, a-t-il dit. 

Mme AMAL MUDALLALI (Liban) a appelé la communauté internationale à prendre des mesures contre l’insécurité alimentaire.  Elle a aussi appelé à renforcer l’architecture financière internationale, afin de renforcer le rôle et la place des pays vulnérables.  Il faut également alléger le fardeau de leur dette et établir une approche globale pour évaluer leur vulnérabilité multidimensionnelle.  Selon la déléguée, il est tout aussi urgent d’agir contre les changements climatiques. 

Pour M. DIEGO PARY RODRIGUEZ (Bolivie), la relance économique ne sera pas possible sans faire face à la dette structurelle des pays en développement et si les financements promis par les pays développés ne sont pas versés.  En parallèle, les pays en développement doivent progresser et travailler pour lutter contre l’évasion fiscale, qui ne fait qu’approfondir les inégalités dans le monde.  La responsabilité historique des États les plus riches et les plus émetteurs ne doit pas être éludée, a-t-il martelé. 

M. MAGZHAN ILYASSOV (Kazakhstan) a appelé à restructurer le système financier international.  Face aux changements climatiques, la réduction des risques de catastrophes doit absolument doit être prise en compte dans le choix des stratégies de financement futures, a-t-il insisté. 

Mme YOKA BRANDT (Pays-Bas) a misé sur la fiscalité comme une source majeure de financement du développement.  Cette source doit être complétée par les fonds issus du secteur privé, a-t-elle cependant reconnu.  Elle a appelé la communauté internationale à renforcer les efforts pour parvenir à « nos objectifs communs concernant les ODD ».

M. SOVANN KE (Cambodge) a appelé à un financement adéquat pour assurer le respect des objectifs fixés en matière de développement international.  Il faut donc renforcer les efforts de mobilisation des fonds pour assurer le financement approprié des ODD dont la mise en œuvre bénéficiera à tous.  Le délégué a également plaidé pour l’allégement de la dette afin que les pays vulnérables aient des marges de manœuvre pour sortir de la crise inhérente à la COVID-19.

M. MAJID TAKHT RAVANCHI (République islamique d’Iran) a expliqué comment son pays devait, en plus des défis liés à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, faire face à « des sanctions unilatérales iniques perpétrées par un pays qui se dit pourtant champion des droits humains ».  Cela met en danger tous les priorités de l’Iran en matière de transfert des technologies et de renforcement des capacités, a-t-il dénoncé. 

M. JÚLIO MORAIS (Cabo Verde) a mis en garde contre l’escalade des budgets militaires liée au contexte géostratégique mondial, escalade qui pourrait compromettre encore davantage le financement du développement.  Il a également appelé à passer du mondial au local en adaptant des réponses sur mesure apportées au cas par cas, le système de développement de l’ONU pouvant, dans ce cadre, contribuer à l’élaboration de stratégies financières correspondant aux besoins réels et conjoncturels de réalisation des ODD. 

M. SEYDOU SINKA (Burkina Faso) a expliqué que son pays, faisant partie des PMA, avait pour ambition de progresser dans la transition vers une croissance durable, mais qu’il était durement éprouvé par la crise sanitaire et un environnement sécuritaire défaillant.  Cette dernière crise, qui s’étend, entraîne une vulnérabilité accrue et a conduit plus de 20% de la population à être déplacée, dont plus de la moitié sont des femmes.  L’accroissement des besoins est patent dans tous les domaines, y compris pour l’accès à l’eau et l’assainissement, et entrave la réalisation des ODD, a-t-il décrit.  Le représentant a alerté sur l’urgence, pour un pays tel que le sien, qui a besoin du soutien de ses partenaires pour lutter efficacement contre le terrorisme. 

Mme RABAB FATIMA (Bangladesh) a appelé à œuvrer par le biais des cadres communs de l’OCDE et du G20 pour alléger la dette des pays en développement, cela en impliquant les créditeurs privés qui « doivent faire partie de la solution ».  Sans « inclusion », il ne sera pas possible de satisfaire à la vision consistant à ne laisser personne sur le bas-côté, a-t-elle souligné. 

M. HOANG GIANG DANG (Viet Nam) a plaidé pour le renforcement des politiques et stratégies participant à la croissance verte.  Il a appelé à ce sujet la communauté internationale à se concentrer sur le développement des ressources humaines formées aux enjeux de la transition écologique.  À son tour, il a estimé que la coopération privé-public est indispensable pour accroître le volume des financements du développement durable. 

Mme MATHU JOYINI (Afrique du Sud) a constaté un redressement inégal selon la catégorie des pays, ainsi que des problèmes systémiques dans le financement climatique et dans la réalisation des ODD.  Alors que les pays en développement paient bien plus que les autres en remboursement et en taux d’intérêt, et malgré la suspension de la dette, la représentante a estimé que des efforts supplémentaires doivent être déployés, sans quoi la crise de la dette ne sera pas réglée à long terme.  Elle a enfin mis l’accent sur la lutte contre les flux financiers illicites: l’Afrique perd plus de 80 milliards de dollars par an dans ce secteur, a-t-elle déploré.

Pour M. JASSER JIMÉNEZ (Nicaragua), le financement du développement est d’autant plus nécessaire qu’il faut relever les défis posés par la COVID-19.  Le Nicaragua a besoin, hormis de l’aide officielle au développement durable, d’un financement d’urgence et de liquidités immédiates, a-t-il alerté.  Il a demandé de cesser les mesures unilatérales de coercition qui sont illégales, dans un premier temps, et d’alléger le fardeau de la dette souveraine en second lieu. 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a constaté que les perspectives économiques actuelles constituent un énorme défi pour les pays en développement, et même une « tempête parfaite » si l’on considère la convergence des risques pour l’économie mondiale avec la hausse massive des prix énergétiques et alimentaires.  Il a donc plaidé pour une action coordonnée pour éviter une aggravation de la crise, avant d’appeler, entre autres mesures, à diversifier la base productive du monde et à inclure les pays en développement dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.  Pour sa part, a-t-il indiqué, le Brésil va accroître sa production agricole pour répondre à l’augmentation de la demande mondiale, provoquée par la guerre en Ukraine.  Le délégué a également souligné l’importance de la transition énergétique, précisant que son pays a investi durant des décennies dans les énergies durables et dispose aujourd’hui d’un bouquet énergétique dont 45% proviennent de sources renouvelables.  Enfin, il a souhaité que, face au défi planétaire posé par les changements climatiques, les pays développés redoublent d’efforts pour aider le monde en développement en matière d’atténuation et d’adaptation. 

M. YOSEPH KASSAVE (Éthiopie) a indiqué que, pour les pays en développement, les lacunes financières engendrées par la pandémie sont sources d’immenses défis pour mettre en œuvre les ODD.  L’hémisphère Sud doit en outre faire face à l’explosion géopolitique qui fait grimper les prix de l’énergie et des denrées alimentaires, a-t-il souligné.  Malgré ce contexte difficile, l’Éthiopie a mis en œuvre son plan de développement décennal et a engrangé des résultats positifs, notamment grâce à un effort de mobilisation des ressources internes.  Il a précisé que son pays met à exécution un plan de privatisation pour permettre au secteur privé d’investir dans des infrastructures publiques.  Toutefois, a concédé le délégué, le pays se heurte à des obstacles majeurs, à commencer par la soutenabilité de la dette.  Bien que des mesures d’urgence aient permis de fournir un soutien temporaire aux pays concernés, le fardeau de la dette ne fera que s’alourdir face au durcissement des marchés, a-t-il averti, avant de souligner l’importance d’une coopération efficace telle qu’énoncée par le Programme d’action d’Addis-Abeba. 

Mme HYUNJOO OH (République de Corée) a estimé urgent de lutter contre la fracture numérique grandissante, laquelle éloigne la main d’œuvre des pays en développement des emplois verts.  Elle a également souligné l’importance pour les pays de partager les bonnes pratiques et d’orienter l’APD vers le financement de la transition numérique des économies du Sud.  Les principes d’efficacité de la coopération en la matière doivent guider les efforts de la communauté internationale, a encore dit la déléguée. 

M. SARHAD FATAH (Iraq) a préconisé de réduire la dépendance aux emprunts des pays les plus endettés et de diversifier les économies pour que les pays n’aient plus à compter uniquement sur les exportations d’un même produit.  Après avoir demandé aux pays développés d’honorer leurs engagements au titre de l’APD, le représentant a jugé nécessaire de mener une réforme du système financier international afin d’optimiser l’application des dispositifs de lutte contre les flux financiers illicites et de retour des avoirs. 

Mme MYRIAM OEHRI (Liechtenstein) a assuré qu’un financement durable permet davantage de stabilité et de résilience.  Elle a prôné une prise en compte plus cohérente des facteurs environnementaux et sociaux, notamment en matière de droits humains.  La représentante a pris pour exemple la traite des êtres humains consécutive au conflit en Ukraine.  Son pays a mis en place une initiative dans ce domaine, surnommée « initiative FAST ».  Elle a aussi appelé à lutter contre la corruption sous toutes ses formes, à l’aide d’institutions plus robustes et transparentes. 

M. GEORGE EDOKPA (Nigéria) a appelé à un développement plus inclusif, à soulager la dette insoutenable de nombreux pays, qui s’est aggravée après le choc pandémique, ainsi qu’à suivre de plus près la mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba.  Il a aussi recommandé de combattre la fuite de capitaux, de lutter contre les flux financiers illicites, ainsi qu’à aider le Nigéria dans sa lutte pour le recouvrement des avoirs. 

Mme JOANNA SKOCZEK (Pologne) a constaté que la guerre en Ukraine pose une menace pour l’alimentation mondiale.  Dans ce contexte de bouleversements, la mise en œuvre du Programme 2030 et du Programme d’action d’Addis-Abeba passe par la mobilisation des ressources publiques et privées, a estimé la représentante, appelant à « un développement en commun » et à des normes qui mesurent les investissements durables.  Dans le cadre de la décennie d’action pour les ODD, il convient, selon elle, de promouvoir les financements novateurs comme moteurs d’une transition juste et verte.  Soulignant à cet égard les diverses initiatives de l’Union européenne, elle a précisé que la Pologne et ses partenaires ont déployé d’importants efforts en Europe centrale afin de développer des infrastructures entre les mers Baltique, Adriatique et du Nord. 

M. KARL LEGATI (Belgique) a observé que la pandémie et l’agression russe en Ukraine ont plongé la communauté internationale dans une crise du financement.  Alors que les perspectives sanitaires pour 2022 restent incertaines, il a plaidé pour un accès égalitaire à la vaccination contre la COVID-19 et pour une accélération des financements du Mécanisme COVAX et d’autres outils de diffusion des vaccins dans le monde.  Il a également appelé à un renforcement des systèmes de protection sociale, jugeant que l’égalité sociale et entre les sexes sont des moteurs du développement économique.  Dans le contexte actuel de flambée des prix alimentaires, a-t-il ajouté, nous devons mobiliser le système financier international pour aider les pays en difficulté à trouver l’espace fiscal nécessaire à leurs dépenses, ce qui passe par un mécanisme pour la restructuration de la dette. 

M. OMAR KADIRI (Maroc) a plaidé en faveur de l’égalité vaccinale, condition selon lui d’une une reprise inclusive dans le contexte de l’après-pandémie.  Notant que les stratégies novatrices de financement fonctionnent, il a estimé qu’il est temps de leur faire confiance en multipliant la conclusion de partenariats privés-publics, au plan régional notamment.  Le représentant a également insisté sur l’importance que les pays en développement aient accès à différentes sources de financement tenant compte de leur vulnérabilité à la conjonction des crises. 

M. R RAVINDRA (Inde) a appelé à la création d’un environnement économique mondial basé sur des réformes intégrant les sources de financement novatrices afin de reprendre la marche dans la réalisation des ODD.  Il convient selon lui de respecter les principes de la responsabilité financière et de mettre sur pied, dans cet état d’esprit, des projets qui n’alourdissent pas le fardeau de la dette.  Enfin, il a souhaité l’élaboration de nouvelles normes et définitions dans le domaine du financement de la lutte contre les changements climatiques. 

Pour Mme MONTSERRAT GONZALEZ (Chili), il sera nécessaire de tirer les enseignements de ces années de pandémie pour renforcer les capacités globales de réaction aux crises futures.  Pour progresser dans la production et la distribution de vaccins, il serait nécessaire de renforcer l’initiative COVAX, a-t-elle ajouté.  Elle a fait observer que les pays à revenus intermédiaires comme le Chili se trouvent dans une situation délicate.  Leur réalité n’est pas fidèlement reflétée par les indicateurs économiques actuels, a-t-elle argumenté en jugeant ces critères « inadaptés ». 

M. MUHAMMED ENES USLU (Turquie) s’est enorgueilli que son pays ait dépassé ses promesses de dons dans le cadre de l’APD en y consacrant plus de 0,95% de son RNB.  Concernant les recouvrements d’avoirs liés aux flux financiers illicites, il a indiqué que la Turquie a mis en place un « conseil d’enquête des crimes financiers » afin de prévenir le blanchiment des fonds provenant de la criminalité organisée.  Enfin, la Turquie s’est fixée un objectif « zéro émission » de carbone d’ici à 2053, a-t-il ajouté.

M. MOHAMED LATOUS (Algérie) a exhorté la communauté internationale, à commencer par la communauté des donateurs, à accompagner les efforts des pays en développement pour réaliser les ODD, conformément aux engagements pris dans le cadre du Programme d’action d’Addis-Abeba.  Il a réitéré le soutien de l’Algérie aux efforts du Secrétaire général et de la grande famille des Nations Unies afin de parvenir à une économie mondiale durable, inclusive et résiliente. 

M. ROBERT MURPHY, Observateur permanent adjoint du Saint-Siège, a souhaité l’annulation de la dette des pays les plus entravés par ce fardeau qui sape leurs capacités à répondre aux situations d’urgence telle que la pandémie de COVID-19.  Une telle annulation au cas par cas apporterait une preuve éclatante de ce que peut réaliser la solidarité internationale, a-t-il ajouté, jugeant également important d’apporter une réponse mondiale au problème des flux financiers illicites. 

M. LARRY D. JOHNSON, de l’Académie internationale de lutte contre la corruption, a averti que les flux financiers illicites et la criminalité transnationale détournent les ressources nécessaires au développement durable.  Ces flux représentent un double vol puisque les générations futures sont aussi privées de fonds, a-t-il relevé.  Avec la pandémie, la communauté internationale a vu que la corruption s’épanouit durant les crises, a poursuivi le représentant, selon lequel 3 millions de dollars sont versés en pots de vin chaque jour dans le monde, une situation encore aggravée par la présence de 7 000 milliards de dollars dans des havres fiscaux.  À ses yeux, le Programmes 2030 ne pourra être réalisé sans une lutte efficace contre ce phénomène. 

M. MAXIMO TORERO, Économiste en chef de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a rappelé que l’agriculture représente un tiers du PIB mondial et que le secteur agroalimentaire fournit des moyens de subsistance à 40% de la population mondiale.  Des systèmes agroalimentaires efficaces peuvent permettre de répondre aux différents défis, a-t-il assuré.  Pour cela, ils doivent devenir résilients.  Or, pour l’heure, ces systèmes génèrent 12 000 milliards de dollars de coûts cachés chaque année.  Les moderniser coûtera des milliards de dollars mais c’est une nécessité, a insisté l’économiste.  Il a ensuite déploré que la majorité des petits exploitants agricoles n’aient pas accès aux financements, seulement 1,7% d’entre eux bénéficiant des fonds climatiques.  De plus, il importe selon lui que les subventions agricoles promeuvent des pratiques de production qui soutiennent des régimes sains.  Enfin, après avoir averti que la hausse des prix alimentaires va continuer de croître à mesure que se déroule la guerre en Ukraine, il a estimé qu’une réorientation des fonds publics vers des systèmes agroalimentaires plus verts et plus inclusifs permettrait de soutenir le petits exploitants en situation de vulnérabilité. 

Mme POOJA RANGAPRASAD, une représentante de la société civile, parlant au nom du groupe des ONG sur le financement du développement durable, a jugé inacceptable de continuer de remplir des documents finaux de belles paroles mais sans actes.  Quid d’un cadre multilatéral pour lutter contre un fardeau de la dette insoutenable?  Quid d’un moratoire pour le règlement des différends entre États?  D’un mandat pour surveiller les partenariats public-privé? a-t-elle demandé.  Pour ces raisons, elle a appelé à la préparation d’une conférence et à trouver un consensus pour une quatrième convention sur le financement du développement où les pays débiteurs auraient voix au chapitre, et pas seulement les pays puissants.

M. LIU ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a témoigné de perspectives de croissance mondiale à court terme fragiles, du fait du conflit en Ukraine et des effets toujours prégnants de la pandémie.  Les problèmes d’endettement, d’inflation et les tensions géopolitiques exacerbent la situation, a-t-il relevé.  Pour la transition vers des économies plus vertes et l’adaptation à un climat en pleine mutation, M. Liu a réitéré son appel à une contribution de 100 milliards de dollars par an des pays développés en direction des pays en développement. 

ADOPTION DES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS ARRÊTÉES SUR LE PLAN INTERGOUVERNEMENTAL (E/FFDF/2022/L.1)

Déclarations avant l’adoption

Mme KEISHA MCGUIRE (Grenade), parlant aussi au nom de l’Islande, en tant que délégations qui ont assumé le rôle de cofacilitateurs, a présenté un document orienté vers l’action et l’avenir, mais qui reste assez concis.  Les consultations ont commencé dès que possible pour rassembler des idées, a-t-elle rappelé en soulignant que le document promeut les engagements du Programme d’action d’Addis-Abeba.  « Nous sommes fiers de pouvoir avancer concernant des questions importantes pour les pays les plus vulnérables, comme la question du traitement de la dette et celle de l’indice de vulnérabilité multidimensionnel pour les petits États insulaires en développement. »

Au nom du Groupe des 77 et la Chine, le représentant du Pakistan a dit avoir participé aux négociations pour parvenir à un document final de consensus.  Il a ajouté que le Groupe a adhéré aux recommandations du forum de l’ECOSOC sur le financement du développement.  Il a cependant émis des réserves sur le projet de texte, regrettant notamment qu’au paragraphe 7 il ne soit pas précisé que les modifications apportées à la protection sociale doivent se faire en vertu des législations nationales.  De même, le Groupe aurait souhaité que soit mentionnée l’accélération pour une transition sociale qu’a suscitée la Conférence sur le financement à l’heure de la COVID-19.  Le délégué a également déploré qu’au paragraphe 10, les préoccupations du Groupe ne soient pas incorporées s’agissant de la protection de la biodiversité.  Il a également noté que sa proposition de contribution sur les défis rencontrés par les pays à revenu intermédiaire n’ait pas été incluse au paragraphe 44. 

Le représentant d’Antigua-et-Barbuda s’est dit préoccupé par l’affaiblissement du libellé sur les changements climatiques au paragraphe 9 du texte, ce qui est, selon lui, regrettable dans le contexte de la mobilisation des financements climatiques.  Se disant par ailleurs déçu par certaines omissions, notamment la reconnaissance du travail effectué par l’équipe spéciale interagences pour le financement du développement, il a également déploré que ne soit pas mentionné le taux de dette insoutenable de certains pays pauvres en raison des crises successives qu’ils doivent affronter.  À ses yeux, ce texte de compromis empêche d’être ambitieux pour les pays les plus vulnérables. 

Le représentant d’El Salvador a appuyé les propos du Pakistan au nom du Groupe des 77 et la Chine, ajoutant que le document final reflète des terrains d’entente sur certaines des priorités nationales les plus urgentes.  Il a toutefois estimé que l’importance de la numérisation de l’économie et de l’inclusion du secteur informel dans l’économie formelle auraient dû figurer en meilleure place dans les textes de conclusion. 

Déclarations après l’adoption

Le représentant de l’Union européenne a salué un document équilibré, appelant à unir les forces de la communauté internationale dans un contexte où la réalisation du développement durable est menacée par les conséquences de l’agression russe en Ukraine.  Il ne peut y avoir de prospérité et de santé sans état de droit, a-t-il ajouté.  Il a par ailleurs salué la pertinence d’un indice de vulnérabilité et souscrit aux recommandations sur l’octroi de financement à des conditions favorables.  Enfin, il s’est réjoui des mentions relatives aux groupes les plus vulnérables comme les personnes en situation de handicap. 

La Colombie, au nom d’un groupe de pays de même esprit et en soutien aux pays à revenu intermédiaire, a loué l’équilibre du document, sa prise en compte des catégories de pays en situation particulière et sa reconnaissance du problème de la dette.  Elle aurait cependant aimé, entre autres, qu’il soit fait mention d’une approche « systémique » pour venir en soutien aux pays à revenu intermédiaire et que soit relevé le niveau d’ambition à leur égard.  De plus, l’indice de vulnérabilité aurait dû être davantage présent, a-t-elle dit avant de regretter que le message ne soit pas assez clair sur l’importance de dynamiser les économies de ces pays.

Le Canada, s’exprimant au nom du groupe CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), a estimé que l’autonomisation des femmes et des filles devrait être au cœur des principes sous-tendant le document, ainsi que le respect des peuples autochtones, des personnes handicapées et des réfugiés.  Il a appelé à davantage aider les pays les plus exposés à faire face aux chocs.

Le représentant de la Chine a noté que les pays en développement font face au double impact de la pandémie et de la situation géopolitique, ce qui met en danger le redressement économique des plus fragiles.  Le soutien de la communauté internationale est donc nécessaire et les engagements pris en matière d’aide au développement doivent être honorés, a-t-il affirmé.  Pour sa part, la Chine a décaissé 100 milliards de dollars pour prêter assistance à des pays en développement travaillant à leur relèvement post-COVID-19, a indiqué le représentant.  Elle a aussi aidé les pays pauvres sous la forme de remises de dette et au travers de l’Initiative de suspension du service de le dette prise par le G20.  La Chine se tient prête à participer aux efforts visant à assurer une meilleure répartition du fardeau, a-t-il encore assuré, avant d’inviter les créanciers à participer eux aussi à ces actions. 

Le représentant de la Fédération de Russie s’est félicité de l’adoption par consensus du document final, espérant qu’il permettra de jeter les bases d’un processus de négociation dans le cadre de l’ECOSOC et de l’Assemblée générale.  Avec ce texte, la communauté internationale confirme sa volonté de contribuer à un relèvement mondial robuste sur la base du Programme d’action d’Addis-Abeba, a-t-il salué.  Il a également applaudi le fait que le Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement soit appelé à travailler sur une industrialisation accélérée.  Le représentant a toutefois déploré le refus de certains États de confirmer le caractère progressif du document adopté à la conférence de la CNUCED.  De plus, le renforcement des initiatives pour le climat doit, selon lui, prendre en compte les spécificités nationales.  Il a enfin assuré que son pays a l’intention de s’acquitter de ses responsabilités sur le marché des denrées alimentaires.  La Russie est préoccupée par les conséquences de la crise actuelle et reconnaît l’importance de l’approvisionnement alimentaire pour les pays d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient, a-t-il souligné, ajoutant que la levée des mesures coercitives unilatérales permettrait de réduire les tensions en matière de transport et de logistique.

Le représentant de la République islamique d’Iran a indiqué que son pays avait adhéré au consensus dans une esprit de souplesse.  Toutefois, a-t-il nuancé, le document final aurait dû faire référence au Programme 2030 en rappelant les conséquences de l’application de sanctions unilatérales sur le développement de pays en développement.

La représentante de la Hongrie a indiqué que son pays continue de penser que les causes profondes des migrations économiques devraient être reflétées dans les documents et conclusions de l’ONU.  C’est pourquoi, elle s’est dissociée du paragraphe 7 du document final. 

La représentante des Philippines s’est félicitée du texte final, particulièrement ses mentions sur les priorités de développement recalibrées, et pour sa reconnaissance des difficultés spécifiques des pays en situation particulière, notamment les pays à revenu intermédiaire.  Elle a cependant regretté que le paragraphe 44 ne fasse pas mention de la nécessité d’aider ce groupe au sujet des problèmes de chaînes d’approvisionnement.

Le représentant du Japon a loué le document et sa référence faite au nouvel indicateur, au paragraphe 39, mais a regretté que la description du soutien au développement durable n’ait pas été mise à jour depuis l’an dernier en incluant ce progrès.

Le représentant des États-Unis a réaffirmé l’engagement de son pays dans la pleine mise en œuvre des principaux instruments relatifs au financement du développement.  Il a ajouté qu’au cours de la pandémie, la Banque mondiale et le FMI ont aidé à surmonter des défis inédits, l’APD, dont les États-Unis sont les premiers contributeurs, atteignant même des niveaux records.  Mais la guerre en Ukraine a des répercussions profondes et particulièrement dommageables, a-t-il dit, comme l’inflation des denrées alimentaires et la rupture dans les chaînes d’approvisionnement.  Le représentant a conclu en expliquant que sa délégation avait adhéré au consensus, conscients de l’importance de maintenir le cap vers l’atteinte des ODD. 

M. COLEEN KELAPILE, Président de l’ECOSOC, après avoir repris les points forts du document final, a conclu la session en déclarant que les défis identifiés au cours du forum « ont renforcé notre détermination, comme en témoigne le document final et nos conclusions, particulièrement ambitieuses ». 

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