L’Instance permanente poursuit son débat sur ses six domaines d’action et entend la Présidente du Fonds de contributions volontaires pour les peuples autochtones
L’Instance permanente sur les questions autochtones a poursuivi, cet après-midi, son débat sur ses six domaines d’action (développement économique et social, culture, environnement, éducation, santé et droits humains), avant d’entendre un bilan du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les peuples autochtones, présenté par sa présidente, Mme Marjolaine Etienne.
Après avoir précisé que le Fonds a, depuis sa création, permis à 3 000 représentants autochtones de participer aux travaux des Nations Unies, notamment sur les changements climatiques et les droits humains, Mme Etienne a regretté qu’aucune subvention n’ait pu être allouée en 2021 en raison de la pandémie de COVID-19. La Présidente du Fonds s’est néanmoins félicitée que 20 représentants autochtones issus des sept régions autochtones du monde ont pu bénéficier de l’appui du Fonds pour participer aux travaux 2022 de l’Instance, avant de remercier les délégations de l’Australie, du Canada, du Chili, de la Finlande, de l’Estonie, de l’Allemagne, du Mexique, de la Norvège, des Philippines et du Pérou dont les contributions, depuis trois ans, ont garanti la durabilité de l’intervention du Fonds.
Dans le contexte de la Décennie internationale des langues autochtones (2022-2032), de nombreux intervenants ont expliqué que la reconnaissance des langues autochtones était un pilier de la mise en œuvre de la Déclaration des droits des peuples autochtones.
Affirmant sa volonté de préserver la diversité linguistique, le Maroc a indiqué que l’article 5 de sa constitution reconnaissait la langue amazighe depuis 2011 et que deux lois promulguées en 2019 et 2020 consacrent des initiatives concrètes pour appuyer l’intégration de la langue amazighe dans différents domaines de la vie publique. De plus, un fonds spécial pour la promotion de la langue amazighe, qui doit atteindre un milliard de dirhams d’ici à 2025, a été créé en janvier 2022.
Présentant lui aussi ses dernières initiatives en faveur des droits des peuples autochtones, le Nicaragua a cité la mise en place d’un service de santé communautaire qui a permis de vacciner plus de 50% de la population autochtone.
Après avoir souligné que le succès de la Décennie internationale des langues autochtones nécessite l’engagement des agences de l’ONU, des États Membres et des organisations autochtones, le représentant des jeunes diplomates du Canada a appelé à la création d’un conseil consultatif des jeunes autochtones et à la publication d’un rapport annuel sur la situation de ces derniers.
La communauté Inuit du Nunavut a souhaité que cette décennie soit l’occasion de s’attaquer à la discrimination de la langue inuktitut. Rappelant que le Nunavut est la seule province du Canada où la majorité des résidents ont une langue maternelle autochtone, elle a fustigé une législation « linguicide » qui ne tolère que deux langues officielles, le français et l’anglais. Elle a indiqué qu’une démarche judiciaire visant à la reconnaissance de la langue inuktitut est en cours, avant de regretter que 70% des écoliers inuit sont discriminés, car ils ne peuvent pas suivre un enseignement dans leur langue maternelle.
Le représentant d’une communauté autochtone de 50 000 personnes de l’arctique russe a cité la mise sur pied de 34 programmes qui prévoient 58 types de soutien aux peuples autochtones et notamment aux populations nomades. Il a aussi cité la création de média en langues autochtones et d’un système scolaire adapté aux enfants des communautés nomades.
De son côté, l’Espagne a dit vouloir appuyer le redressement postpandémie des communautés autochtones sur la base du respect des droits humains et de l’environnement, en garantissant notamment l’accès à la santé, à l’eau et l’assainissement et à la justice.
Les Philippines ont vanté la mise en place dans son pays d’un cadre juridique favorable à la protection des autochtones qui représentent 15% de la population nationale. Des programmes d’éducation inclusifs tenant compte des réalités linguistiques et culturelles ont été mis sur pied ainsi que des programmes valorisant les connaissances traditionnelles pour renforcer la résilience face aux catastrophes naturelles.
Si le Paraguay s’est vanté d’être devenu le deuxième pays d’Amérique latine à avoir mis en place un plan national pour les populations autochtones, un membre d’une association des droits humains de la Colombie a regretté l’insuffisance de volonté des gouvernements pour respecter le principe du consentement libre et éclairé dans leurs activités économiques. Les deux délégations ont reconnu que beaucoup restait à faire pour mettre en œuvre, à l’échelle du système des Nations Unies, le plan d’action visant à garantir l’unité des efforts déployés pour réaliser les objectifs définis dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Si le Panama a cité la création d’un Conseil national de développement des peuples autochtones, le Fonds de développement pour les peuples autochtones d’Amérique latine et des Caraïbes a souligné les initiatives de son organisation pour sauvegarder les langues autochtones. À ce sujet, l’Association des femmes peules autochtones du Tchad a appelé à promouvoir les langues, cultures, savoirs et connaissances traditionnels autochtones dans l’intérêt de l’adaptation aux changements climatiques. La représentante des Jummas du Bangladesh a appelé l’Instance à aider à mettre fin à l’assimilation des militants des droits des Jummas à des terroristes.
De son côté, la représentante de REIPON, qui fédère 40 petits peuples autochtones de la Fédération de Russie, s’est inquiétée que des personnes n’ayant aucun mandat s’expriment dans les instances au nom des peuples autochtones russes, avant de regretter une politisation contreproductive des débats concernant les autochtones. Réagissant à cette intervention, un représentant autochtone a demandé que le statut consultatif de REIPON auprès du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) soit supprimé, affirmant que cette organisation soutient l’agression russe contre l’Ukraine.
L’Instance permanente reprendra ses travaux mardi 3 mai, à partir de 9 heures.