En cours au Siège de l'ONU

Premier débat au Conseil de sécurité sur les conséquences pour la paix de l’intelligence artificielle, entre « risques existentiels » et immenses promesses

9831e séance - matin
CS/15359

Premier débat au Conseil de sécurité sur les conséquences pour la paix de l’intelligence artificielle, entre « risques existentiels » et immenses promesses

Le Conseil de sécurité s’est penché aujourd’hui, pour la première fois de son histoire, sur les conséquences pour la paix et la sécurité internationales de l’intelligence artificielle (IA), grosse selon le Secrétaire général d’un « énorme potentiel de bien et de mal à grande échelle » et dont même les créateurs entrevoient les risques « potentiellement existentiels ».  Se disant conscients des enjeux, les membres du Conseil ont très majoritairement souhaité l’adoption au niveau international de principes d’éthique et de comportements responsables dont la portée a en revanche suscité des propositions diverses. 

Tout en rappelant qu’il avait déclaré à l’Assemblée générale voici déjà six ans que l’intelligence artificielle aurait un impact considérable sur le développement durable, le monde du travail et le tissu social, M. António Guterres a dit avoir été choqué et impressionné par l’avancée radicale que constitue l’IA générative, dont il a jugé « sans précédent » la vitesse de développement et la portée.  À ses yeux, l’IA pourrait donner un coup de fouet au développement mondial, à la lutte contre la crise climatique, à la recherche médicale, aux progrès en matière d’éducation, mais aussi amplifier les préjugés, renforcer les discriminations et permettre de nouveaux niveaux de surveillance autoritaire. 

Dans le domaine de la paix et la sécurité internationales, le Secrétaire général a noté que l’IA était déjà utilisée par l’ONU, notamment pour identifier les schémas de violence et surveiller les cessez-le-feu.  Mais il a aussi rappelé que des cyberattaques fondées sur l’IA visaient déjà des infrastructures critiques et les opérations de maintien de la paix et d’aide humanitaire de l’ONU, causant de grandes souffrances humaines, et a jugé très inquiétants les risques de dysfonctionnement des systèmes d’IA en ce qui concerne les armes nucléaires, la biotechnologie, les neurotechnologies et la robotique.  Il a donc invité le Conseil de sécurité à aborder cette technologie avec un « sentiment d’urgence, une vision globale et un esprit d’apprentissage ». 

À l’origine de cette « réunion historique » du Conseil, la présidence britannique a affirmé que les plus grandes transformations induites par l’IA étaient encore à venir et qu’il était impossible d’en saisir toute l’ampleur.  Comme plus tard la France, qui a présenté l’IA comme la « révolution du XXIe siècle, le Royaume-Uni a estimé que l’IA modifierait fondamentalement tous les aspects de la vie humaine et que les gains pour l’humanité seraient certainement immenses.  Mais il a aussi constaté que l’IA remettait en cause les hypothèses fondamentales en matière de défense et de dissuasion et posait des questions morales sur la responsabilité des décisions sur le champ de bataille. 

Le débat a mis en avant un certain nombre de préoccupations éthiques.  Les États-Unis ont rappelé que le Président Biden avait récemment rencontré des dirigeants d’entreprises de l’IA de premier plan pour souligner la responsabilité qui leur incombe afin que les systèmes qui l’utilisent soient sûrs et dignes de confiance.  Le Japon a estimé que la clef pour relever le défi était double: une IA centrée sur l’humain et digne de confiance.  Que l’IA reste digne de confiance est également une préoccupation du Gabon, alors que plusieurs délégations, notamment la France, se sont alarmées des capacité de l’IA en matière de désinformation. 

Or, l’Équateur, citant l’écrivain polonais Stanislaw Lem pour qui « la première obligation de l’intelligence est de se méfier d’elle-même », a souligné qu’avec l’IA, ce principe ne serait pas respecté.  L’un des intervenants, M. Yi Zeng, de l’Institut d’automatisation de l’Académie chinoise des sciences, a rappelé que l’IA ne possède aucune compréhension réelle des données qu’elle traite et, de ce fait, ne devrait pas être utilisée pour prendre directement des décisions sans contrôle humain efficace et responsable. Plusieurs délégations ont appliqué ce conseil au débat sur les systèmes d’armes létales autonomes, rejetant l’abandon de tout contrôle humain, de même que toute automatisation des fonctions diplomatiques, en particulier les négociations entre États. 

Le Secrétaire général a annoncé que sa prochaine note d’information sur un Nouvel Agenda pour la paix formulerait des recommandations pour qu’ils élaborent des stratégies nationales conformes au droit international sur l’utilisation responsable de l’IA.  Elle appellera également à la conclusion, d’ici à 2026, de négociations sur la création d’un instrument juridiquement contraignant visant à interdire les systèmes d’armes autonomes létaux fonctionnant sans contrôle humain. 

L’encadrement international de l’intelligence artificielle a fait débat.  Pour l’Équateur, les principes éthiques et les comportements responsables demandés par tous sont indispensables mais insuffisants et il faudrait adopter un cadre international juridiquement contraignant.  En revanche, les Émirats arabes unis ont appelé à ne pas surréglementer l’IA, pour ne pas entraver l’innovation, et la Chine a défendu la possibilité pour les États de développer une IA correspondant à leurs spécificités. 

Le Brésil, dont une partie de la déclaration avait été rédigée par un outil d’IA, a quant à lui appelé à ne pas trop « sécuriser » le sujet de l’IA en concentrant les discussions au Conseil de sécurité, estimant que l’Assemblée générale, avec sa composition universelle, était le forum le mieux adapté à une discussion structurée et de long terme sur ce sujet.  Avec plus de vigueur, la Fédération de Russie a jugé que ce débat prospectif n’avait pas sa place au Conseil, expliquant que des aspects spécifiques éventuellement liés à l’IA étaient discutés dans autres enceintes et que « dupliquer ces efforts est contre-productif ».  

Pourtant, le fondateur d’une entreprise privée d’IA a rappelé aux membres du Conseil qu’en l’absence de cadre de gestion de risques et de système d’évaluation robuste et vérifiable pour encadrer le monde vers lequel l’IA nous fait avancer, le secteur privé disposait d’une grande marge de manœuvre. À défaut d’un cadre, nous mettons notre avenir entre les mains d’une poignée d’acteurs, a-t-il averti.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Intelligence artificielle: opportunités et risques pour la paix et la sécurité internationales

Déclarations

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a rappelé que si, il y six ans, il avait déclaré à l’Assemblée générale que l’intelligence artificielle (IA) aurait un impact considérable sur le développement durable, le monde du travail et le tissu social, il avait, comme tout le monde, été choqué et impressionné par l’avancée radicale que constitue l’IA générative, qualifiant la vitesse et la portée de cette nouvelle technologie de « sans précédent ».  Pour illustrer son propos, le Secrétaire général a rappelé qu’après l’apparition de l’imprimerie, il avait fallu plus de cinquante ans pour que les livres soient largement disponibles en Europe, alors que ChatGPT a atteint 100 millions d’utilisateurs en seulement deux mois.  Il a rappelé que le secteur financier estime que l’IA pourrait apporter entre 10 et 15 000 milliards de dollars à l’économie mondiale d’ici à 2030, que presque tous les gouvernements, toutes les grandes entreprises et toutes les organisations du monde travaillent à l’élaboration d’une stratégie en matière d’IA, mais que même ses propres concepteurs n’ont aucune idée de la direction que pourrait prendre leur stupéfiante percée technologique. 

Estimant qu’elle pouvait donner un coup de fouet au développement mondial, à la lutte contre la crise climatique, à la recherche médicale, aux progrès en matière d’éducation, M. Guterres a aussi rappelé que le Haut-Commissaire aux droits de l’homme s’était inquiété du fait que l’IA pouvait amplifier les préjugés, renforcer les discriminations et permettre de nouveaux niveaux de surveillance autoritaire.  Il a invité le Conseil à aborder cette technologie avec un sentiment d’urgence, une vision globale et un esprit d’apprentissage.  Il a indiqué que l’IA est déjà mise au service de la paix et de la sécurité, y compris par l’ONU, notamment pour identifier les schémas de violence et surveiller les cessez-le-feu. 

A contrario, le Secrétaire général s’est inquiété du fait qu’une utilisation malveillante de l’IA pourrait causer « des niveaux horribles de mort et de destruction »à une échelle inimaginable.  Il a rappelé que les cyberattaques fondées sur l’IA visaient déjà des infrastructures critiques et les opérations de maintien de la paix et d’aide humanitaire de l’ONU, causant de grandes souffrances humaines.  L’avènement de l’IA générative pourrait constituer un moment décisif pour la désinformation et les discours haineux, ajoutant une nouvelle dimension à la manipulation du comportement humain et contribuant à la polarisation et à l’instabilité à grande échelle, a-t-il averti, s’inquiétant notamment des graves conséquences que les « deepfakes » pourrait avoir sur la paix et la stabilité.  Il a aussi évoqué les risques de sécurité imprévus que certains systèmes basés sur l’IA pourraient créer, citant notamment des réseaux sociaux utilisés pour compromettre des élections, diffuser des théories du complot et inciter à la haine et à la violence. Il a également jugé très inquiétants les risques de dysfonctionnement des systèmes d’IA en ce qui concerne les armes nucléaires, la biotechnologie, les neurotechnologies et la robotique. 

« L’IA générative a un énorme potentiel de bien et de mal à grande échelle », a résumé M. Guterres, notant que ses créateurs eux-mêmes avaient prévenu que des risques beaucoup plus importants, « potentiellement existentiels », se profilent à l’horizon.  Il a appelé à une approche universelle de la gouvernance de l’IA, soulignant les obstacles que constituait la large diffusion de modèles puissants d’IA, le peu de traces laissé par leur transfert, contrairement aux matières nucléaires, chimiques ou biologiques, ainsi que le rôle de premier plan joué par le secteur privé, qui a peu d’équivalents dans d’autres technologies stratégiques.  Il s’est toutefois félicité de l’existence de « points de départ » comme les principes directeurs de 2018-2019 sur les systèmes d’armes létaux autonomes, adoptés dans le cadre de la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques, indiquant qu’il était d’accord avec les très nombreux experts ayant recommandé l’interdiction de leur utilisation sans contrôle humain.  Il a également cité d’autres recommandations relatives à l’IA adoptées par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) en 2021, ou encore par le Bureau de lutte contre le terrorisme ou l’Union internationale des télécommunications (UIT). 

Le Secrétaire général s’est félicité des appels lancés par certains États Membres en faveur de la création d’une nouvelle entité des Nations Unies pour soutenir les efforts collectifs visant à régir l’IA, s’inspirant de modèles tels que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) ou du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).  L’objectif principal de cet organisme serait d’aider les pays à maximiser les avantages de l’IA pour le bien, à atténuer les risques existants et potentiels, et à établir et administrer des mécanismes de surveillance et de gouvernance convenus au niveau international, a-t-il précisé.  Les gouvernements manquent cruellement de compétences dans ce domaine, a-t-il ajouté, affirmant qu’il convenait d’y remédier grâce à cette nouvelle entité des Nations Unies qui rassemblerait l’expertise, la mettrait à la disposition de la communauté internationale et pourrait également soutenir la collaboration en matière de recherche et de développement d’outils d’IA afin d’accélérer le développement durable. Il a indiqué avoir convoqué un organe consultatif multipartite de haut niveau pour l’intelligence artificielle, qui présentera un rapport sur les possibilités de gouvernance mondiale de l’IA d’ici à la fin de l’année. 

M. Guterres a ajouté que sa prochaine note d’information sur un Nouvel Agenda pour la paix formulerait également des recommandations aux États Membres pour qu’ils élaborent des stratégies nationales conformes au droit international sur l’utilisation responsable de l’IA.  La note d’orientation appellera également à la conclusion de négociations d’ici à 2026, sur la création d’un instrument juridiquement contraignant visant à interdire les systèmes d’armes autonomes létaux fonctionnant sans contrôle humain, contraires au droit international humanitaire. 

Outre ces recommandations, le Secrétaire général a demandé instamment un accord sur le principe selon lequel le contrôle humain des armes nucléaires est essentiel et ne devrait jamais être supprimé.  Il a estimé que le Sommet de l’avenir de 2024 serait l’occasion idéale de prendre des décisions sur bon nombre de ces questions interdépendantes. 

Invitant instamment le Conseil de sécurité à jouer un rôle moteur dans le domaine de l’IA et à montrer la voie vers des mesures communes en matière de transparence, de responsabilité et de contrôle, M. Guterres a appelé à travailler ensemble pour développer une IA qui soit capable d’éradiquer la faim et la pauvreté, de guérir le cancer, de stimuler l’action climatique, afin d’atteindre les objectifs de développement durable.

M. JACK CLARK, cofondateur de Anthropic, une entreprise américaine d’intelligence artificielle fondée en 2021 et basée en Californie, a fait un bref tour d’horizon des raisons pour lesquelles l’intelligence artificielle (IA) préoccupe le monde entier.  Il a aussi présenté les raisons pour lesquelles les États peuvent profiter de cette technologie.  Il a d’abord jugé nécessaire de renforcer les capacités des États pour réguler le développement de cette technologie et en faire une initiative commune et non pas uniquement celle du secteur privé.  M. Clark a rappelé qu’il y a un an, l’entreprise britannique DeepMind avait mis au point et lancé un jeu en ligne basé sur l’IA.  Cette technologie a montré par la suite des capacités à simuler des avions militaires et même de fabriquer des semi-conducteurs. 

En fait, l’IA peut être utilisée dans l’industrie pour réguler les lignes de production et améliorer la sécurité, a expliqué M. Clark.  CHATGTP et d’autres systèmes sont le fruit des recherches d’entreprises privées, a rappelé l’intervenant, qui a ajouté qu’il fallait s’attendre à des systèmes encore plus puissants à l’avenir.  De ce qui précède, a déclaré M. Clark, ce sera toujours le secteur privé qui continuera de bénéficier de cette technologie. 

Le cofondateur de Anthropic a donc proposé deux démarches aux États.  Il leur faut d’abord prévenir l’utilisation malveillante de l’IA et établir un principe de responsabilité.  Pour ce qui est de la prévention, insistant sur les possibilités d’utilisation à mauvais escient de l’IA, il a invité à réfléchir à la mise en place d’un cadre d’évaluation des risques et à l’établissement du principe de responsabilité pour les entreprises privées.  Il a suggéré que l’IA soit considérée comme une main d’œuvre qui peut être utilisée dans différentes tâches. 

Insistant sur le risque de voir l’IA utilisée au bénéfice unique de celui ou ceux qui ont les moyens, M. Clark a encouragé les États à trouver les moyens de tester l’utilisation à mauvais escient de cette technologie.  Il a cité à cet égard les initiatives de l’Union européenne, de la Chine et des États-Unis pour exhorter les autres États à investir dans un cadre de gestion de risques de l’utilisation de l’IA.  Le secteur privé a une grande marge de manœuvre en l’absence de cadre de gestion de risques, de système d’évaluation robuste et vérifiable pour encadrer le monde vers lequel l’IA nous fait avancer, a-t-il affirmé.  À défaut d’un cadre, nous mettons notre avenir entre les mains d’une poignée d’acteurs, a-t-il averti.

M. YI ZENG, de l’Institut d’automatisation de l’Académie chinoise des sciences, a estimé que le potentiel de l’intelligence artificielle pour faire avancer le développement durable mondial est tel que les gouvernements devraient examiner les moyens de l’appliquer aux soins de santé, à l’éducation et à l’action climatique.  S’agissant de la paix et de la sécurité internationales, l’intelligence artificielle devrait contribuer à identifier la désinformation et les malentendus entre les États plutôt qu’être utilisée à des fins militaires et politiques.  Afin qu’elle soit utilisée « pour connecter les cultures plutôt que pour les déconnecter », M. Zeng a créé un moteur d’interactions culturelles activé par l’intelligence artificielle permettant de trouver des points communs et des diversités entre les différents patrimoines culturels mondiaux répertoriés par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). 

Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est un outil de traitement de l’information qui semble intelligent, bien qu’il ne possède aucune compréhension réelle des données qu’il traite, a poursuivi le scientifique.  Pour cette raison, nous ne pouvons pas lui faire confiance en tant qu’agent responsable pouvant aider les humains à prendre des décisions, a fait valoir M. Zeng.  Prenant l’exemple des systèmes d’armes létaux autonomes, il a souligné que l’intelligence artificielle ne devrait pas être utilisée pour prendre directement des décisions sans contrôle humain efficace et responsable.  De même, cette technologie ne saurait être applicable à l’automatisation des fonctions diplomatiques, en particulier les négociations entre différents pays, car elle pourrait exploiter à son compte les faiblesses humaines telles que la tricherie et la méfiance, avec des conséquences potentiellement catastrophiques pour l’humanité.  Nous devrions utiliser des technologies génératives pour aider, mais ne jamais leur faire confiance pour remplacer la prise de décision humaine, a insisté M. Zeng. 

Devant ce constat, M. Zeng a suggéré au Conseil de sécurité d’envisager la création d’un groupe de travail sur l’intelligence artificielle consacré à la paix et la sécurité internationales et chargé d’examiner les défis qui se font jour à court et long terme.  Selon lui, de tels travaux permettraient de parvenir à un consensus scientifique et technique et de fournir un appui aux États Membres.  Afin d’assurer la paix et la sécurité mondiales, il incombe selon lui aux Nations Unies de jouer un rôle central dans la mise en place d’un cadre de développement et de gouvernance de l’intelligence artificielle.

M. JAMES CLEVERLY, Secrétaire d’État aux affaires étrangères, au Commonwealth et au développement du Royaume-Uni, a salué ce premier débat sur l’intelligence artificielle au Conseil de sécurité comme une « réunion historique ».  Rappelant que depuis les premiers développements de l’intelligence artificielle par des pionniers comme Alan Turing et Christopher Strachey, cette technologie avait progressé toujours plus vite, il a affirmé que les plus grandes transformations induites par l’IA étaient encore à venir et qu’il était impossible d’en saisir toute l’ampleur. Il a estimé que l’IA modifierait fondamentalement tous les aspects de la vie humaine et que les gains pour l’humanité seraient certainement immenses, évoquant de potentielles découvertes révolutionnaires en médecine, l’augmentation de la productivité économique, l’adaptation aux changements climatiques, la lutte contre la corruption, une révolution dans l’éducation et la réduction des conflits. 

Le Secrétaire d’État a toutefois aussi constaté que l’IA remettait en cause les hypothèses fondamentales en matière de défense et de dissuasion et posait des questions morales sur la responsabilité des décisions sur le champ de bataille. Il a souligné qu’elle amplifiait la désinformation, avec des conséquences extrêmement néfastes pour la démocratie et la stabilité, et pourrait contribuer à la quête inconsidérée d’armes de destruction massive par des acteurs étatiques et non étatiques, mais aussi aider à stopper la prolifération. 

Détaillant les principes irréductibles sur lesquels devrait reposer une gouvernance mondiale de l’IA, M. Cleverly a évoqué le soutien à la liberté et à la démocratie, la conformité à l’état de droit et aux droits de l’homme, la préservation des droits de propriété, de la vie privée et de la sécurité nationale.  Il a expliqué que l’approche du Royaume-Uni s’appuyait sur des initiatives multilatérales existantes, telles que le sommet « AI for Good » de Genève, les travaux de l’UNESCO, de l’OCDE et du G20, soulignant l’importance d’institutions telles que le Partenariat mondial pour l’IA, le processus d’Hiroshima du G7, le Conseil de l’Europe et l’Union internationale des télécommunications (UIT).  Il a annoncé la réunion, cet automne au Royaume-Uni, des dirigeants du monde entier pour le premier grand sommet mondial sur la sécurité de l’IA, précisant que son pays abritait un grand nombre de chercheurs de premier plan en la matière.  Notre objectif commun sera d’examiner les risques de l’IA et de les réduire grâce à une action coordonnée, a-t-il expliqué, appelant à relever les défis de l’IA de manière décisive, optimiste et dans l’unité autour de principes essentiels. 

M. TAKEI SHUNSUKE, Ministre des affaires étrangères du Japon, a déclaré que la vitesse, le potentiel et les risques de l’intelligence artificielle dépassent l’imagination et les frontières nationales.  Au lieu de nous inquiéter, il faut faire avec, a-t-il estimé, ajoutant que la clef pour relever le défi est double: une IA centrée sur l’humain et digne de confiance. Pour le Ministre, c’est aux êtres humains de contrôler l’IA pour améliorer le potentiel humain, et non l’inverse.  Ils en ont les moyens.  Le développement de l’IA devrait être compatible avec les valeurs démocratiques et les droits humains fondamentaux.  L’IA ne devrait pas être un outil pour les dirigeants, mais devrait être placée sous l’état de droit. 

L’utilisation militaire de l’IA en est un bon exemple, a estimé le Ministre: elle doit être responsable, transparente et fondée sur le droit international.  Le Japon continuera de contribuer au processus international d’élaboration de règles sur les lois dans le cadre de la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques à cet égard.  Pour le Ministre, l’IA est aujourd’hui digne de confiance et peut le rester si on inclut un large éventail de parties prenantes dans le processus d’élaboration des règles.  Le pouvoir rassembleur de l’ONU peut faire la différence et rassembler les sagesses du monde entier, a-t-il ajouté. 

Le Ministre a rappelé que le mois dernier, le Japon a mené des discussions à l’ONU sur l’utilisation abusive de l’IA par les terroristes en organisant un événement parallèle avec le Bureau de lutte contre le terrorisme et l’Institut interrégional de recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice (UNICRI).  Le Japon a également lancé le processus d’IA du G7 à Hiroshima cette année et dirigé le débat mondial sur l’IA générative. 

Pour le Japon, le Conseil de sécurité et l’ONU dans son ensemble peuvent mettre à jour leur boîte à outils grâce à l’utilisation de l’IA.  Le Ministre a suggéré de commencer par examiner comment l’utilisation active de l’IA peut améliorer l’efficacité et la transparence du Conseil dans sa prise de décisions et ses méthodes de travail.  Il a estimé qu’on pourrait rendre l’ONU plus efficace grâce à des systèmes basés sur l’IA pour l’alerte précoce des risques de conflit, le suivi de la mise en œuvre des sanctions et la lutte contre la désinformation.

M. MANUEL GONÇALVES, Vice-Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Mozambique, a pris acte des inquiétudes suscitées par les progrès rapides de l’intelligence artificielle du fait de l’accélération croissante de la puissance et de la visibilité des systèmes qui y recourent.  Si ces progrès offrent d’immenses possibilités dans les domaines de l’innovation, certains modèles ont également montré des capacités qui dépassent la compréhension et le contrôle de leurs créateurs, avec des résultats potentiellement catastrophiques, a-t-il relevé.  Pour le Ministre, la capacité de l’intelligence artificielle d’imiter et de surpasser des attributs humains en fait un outil idéal pour répandre la désinformation, commettre des fraudes, recruter des terroristes et semer la division. 

Pour le Vice-Ministre, les progrès des machines à autoprogrammation nécessitent la mise en place de structures de gouvernance solides permettant d’atténuer les risques d’accidents et d’utilisation abusive.  Pour y parvenir, il a appelé à tirer parti des vastes bases de données générées par des organisations telles que l’ONU, qui adhèrent à des normes rigoureuses de contrôle de la qualité, avec le concours des États Membres.  Une telle pratique permettrait notamment d’améliorer les capacités d’alerte précoce, de médiation et de communication stratégique dans le cadre d’opérations de maintien de la paix. 

Toutefois, a averti le Vice-Ministre, s’il s’avère que l’intelligence artificielle pose un risque existentiel pour l’humanité, il sera crucial de négocier un traité intergouvernemental permettant d’en régir l’utilisation.  Dans l’intervalle, il est tout aussi essentiel d’élaborer des législations permettant de protéger la vie privée et la sécurité des données.  Le Vice-Ministre a proposé à cette fin l’adoption d’un pacte numérique mondial permettant de faciliter le partage des connaissances technologiques entre les pays avancés et ceux qui en sont aux premiers stades du développement de cette technologie.  Ce n’est qu’en trouvant un équilibre entre les avantages de l’intelligence artificielle et la mise en place de garanties que nous pourrons faire en sorte qu’elle ne devienne pas une source de conflits et de renforcement des inégalités dans le monde, a-t-il conclu. 

M. OMRAN SHARAF, Ministre adjoint des affaires étrangères et de la coopération internationale, chargé des sciences et technologies avancées des Émirats arabes unis, a estimé que la manière de répondre aux menaces et aux opportunités de l’intelligence artificielle était en passe de devenir l’une des questions déterminantes de l’époque actuelle.  Il a rappelé qu’il y a cinq ans, son pays et la Suisse avaient proposé au Secrétaire général la création du groupe de haut niveau sur la coopération numérique, qui a conclu à la nécessité de réguler l’utilisation de l’IA.  Il a expliqué que, depuis l’aube de l’ère informatique, la puissance de calcul avait suivi la loi de Moore, doublant tous les dix-huit mois, mais que le développement de l’IA marquait une accélération vertigineuse que les gouvernements étaient incapables de suivre. 

Le Ministre adjoint a appelé à établir des règles de conduite, estimant qu’il existait aujourd’hui « une brève fenêtre d’opportunité pendant laquelle les principales parties prenantes étaient prêtes à envisager des garde-fous pour cette technologie » avant qu’il ne soit trop tard.  Il a affirmé que ces règles devraient empêcher les outils d’IA de répandre la haine et la désinformation, assurer le respect du droit international et promouvoir la consolidation de la paix et la désescalade des conflits. Il a ajouté que ces outils, en analysant plus efficacement de grandes quantités de données, permettaient de détecter les activités terroristes en temps réel ou de prédire les effets néfastes des changements climatiques sur la paix et la sécurité.  Appelant à ce que l’IA ne reproduise pas les préjugés du monde réel, il s’est inquiété du risque de voir compromises des décennies de progrès dans la lutte contre les discriminations, en particulier envers les femmes et les filles et les personnes handicapées.  Il a également averti qu’il fallait éviter de surréglementer l’IA pour ne pas entraver l’innovation, affirmant que les pays émergents avaient besoin d’une réglementation souple.

M. ZHANG JUN (Chine) a déclaré que l’émergence de l’intelligence artificielle avait coïncidé avec l’émergence de défis immenses pour la communauté internationale.  Il a mis en garde contre l’utilisation à mauvais escient de l’IA par les terroristes. En fait, nul ne sait l’IA est une bonne ou mauvaise chose; cela dépendra de son utilisation, a estimé le représentant.  Il a préconisé un dialogue pour explorer le mode de gouvernance de l’IA, se disant favorable au débat proposé par le Secrétaire général sur la question.  Pour la Chine, ce dialogue devrait inclure toutes parties prenantes y compris les pays en développement. 

Le représentant a défendu une IA centrée sur l’humain et qui ne deviendra pas un cheval de course que l’on ne pourra pas arrêter. Il a plaidé pour que les pays puissent établir une IA correspondant à leurs spécificités et pour des capacités de contrôle et d’encadrement de l’IA.  La communauté internationale doit sensibiliser aux risques de l’IA et mettre en place des systèmes d’alerte sur l’utilisation à mauvais escient.  L’humanité doit avoir la capacité de mettre le système sur « pause »à un moment donné et mettre en place un système de responsabilité. 

Le représentant a souligné le besoin d’équité et d’égalité dans l’utilisation de l’IA, qui doit aider à réduire les écarts de développement.  Il a dénoncé certains pays qui essaient d’en empêcher d’autres d’accéder à cette technologie et a plaidé pour la coopération, des échanges multidisciplinaires et une coopération public-privé.  Il a appelé à créer sous l’égide de l’ONU un environnement ouvert, inclusif et non discriminatoire dans l’utilisation de l’IA, dont l’objectif doit être d’améliorer le bien-être de l’humanité. 

Quant au Conseil de sécurité, il doit utiliser l’IA pour enrichir sa boite à outils pour la paix et éviter toute hégémonie technologique qui sape l’intégrité territoriale des pays, a estimé le représentant.  Il a rappelé qu’en 2017, le Gouvernement chinois a élaboré le plan de développement de l’IA préconisant des règles d’éthique et des mesures de suivi pour encadrer son évolution.  Il a aussi exhorté le secteur privé à la responsabilité dans l’utilisation de l’IA avant de rappeler les deux documents élaborés par sa délégation sur l’utilisation éthique de l’IA en matière de sécurité.

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a déclaré que l’intelligence artificielle offre d’immenses promesses pour surmonter les défis mondiaux concernant la sécurité alimentaire, l’éducation et la médecine, en plus d’accélérer la réalisation des objectifs de développement durable.  Toutefois, cette technologie peut également aggraver les menaces et intensifier les conflits, en répandant la désinformation et la mésinformation ainsi qu’en accroissant la portée des opérations cybernétiques malveillantes.  À cet égard, le représentant a jugé essentielle l’intégration des acteurs concernés tels que les États Membres, les entreprises technologiques et la société civile au sein d’instances telles que le Conseil de sécurité. 

En mai de cette année, le Président Biden a rencontré des dirigeants d’entreprises de l’IA de premier plan pour souligner la responsabilité qui leur incombe de faire en sorte que ces systèmes sont sûrs et dignes de confiance, a rappelé le représentant.  Récemment, un cadre de gestion des risques liés à l’intelligence artificielle a été publié pour fournir aux organisations une série de principes directeur volontaires pour gérer les risques qui y sont liés.  Nous travaillons avec les parties prenantes pour faire face aux risques posés par l’intelligence artificielle sur la paix et la sécurité, a expliqué le représentant. 

Pour les États-Unis, aucun État Membre ne devrait être en mesure d’utiliser la technologie de l’IA pour censurer ou opprimer des individus ou un peuple. L’an dernier, les États-Unis ont publié un projet de déclaration politique sur l’utilisation responsable de l’intelligence artificielle et sur l’autonomie, qui prévoit une série de principes relatifs à la façon dont nous devons utiliser et développer cette technologie dans le domaine militaire, dans le respect du droit international, a encore expliqué le représentant.  Selon ce document, une telle utilisation doit répondre à une chaîne de commandement humaine et les États Membres doivent en gérer l’accès de façon stricte. 

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a lu un premier paragraphe de sa déclaration entièrement rédigé par ChatGPT, estimant qu’en dépit d’imprécisions conceptuelles, ce programme montrait à quel point certains de ces outils sont devenus sophistiqués. Il a souligné que l’intelligence artificielle évoluait si rapidement que même les meilleurs chercheurs n’étaient pas encore en mesure d’évaluer l’ampleur des défis et des bénéfices qu’elle pouvait apporter.  Il a également insisté sur l’importance de la supervision humaine pour éviter les biais et les erreurs. 

Le représentant a rappelé que, contrairement à d’autres innovations susceptibles d’entraîner des répercussions sur la sécurité, l’IA avait été principalement développée en tant qu’application civile, jugeant donc prématuré d’envisager l’IA principalement sous l’angle de la paix et de la sécurité internationales.  Si le Conseil doit rester vigilant et prêt à réagir à tout incident impliquant l’utilisation de l’IA, nous devons également veiller à ne pas trop « sécuriser » ce sujet en concentrant les discussions dans cet hémicycle, a-t-il ajouté.  Appelant à des discussions internationales ouvertes et inclusives, il a estimé que l’Assemblée générale, avec sa composition universelle, était le forum le mieux adapté à une discussion structurée et de long terme sur ce sujet.  Il a rappelé que l’IA était un sujet crucial du groupe de travail à composition non limitée sur les technologies de l’information et de la communication (TIC), qui tiendra sa cinquième session de fond la semaine prochaine. 

Concernant les applications militaires de l’IA, le représentant a affirmé que son pays avait toujours été guidé par le concept de « contrôle humain significatif », tel qu’approuvé en 2019 par les hautes parties contractantes à la Convention sur certaines armes classiques, qui indique que la responsabilité humaine des décisions relatives à l’utilisation des systèmes d’armes doit être maintenue.  Il a ajouté que les systèmes d’armes dotés de fonctions autonomes devaient éliminer toute partialité dans leur fonctionnement.  Il a appelé à l’élaboration progressive de réglementations et de normes régissant l’utilisation des systèmes d’armes autonomes visant à prévenir les préjugés, les abus et à garantir le respect du droit international.  Le représentant s’est aussi inquiété de l’interaction de l’IA avec des armes de destruction massive, en particulier de l’existence de systèmes informatiques assistés par l’IA capables de mettre au point, en quelques heures, de nouveaux composés chimiques toxiques et de concevoir de nouveaux agents pathogènes, ainsi que de l’usage de l’IA lié aux armes nucléaires. 

« Je crois que ce n’est qu’une question de temps avant de voir des milliers de robots comme moi faire la différence », a affirmé Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) en citant les propos tenus par le robot Ameca à une journaliste lors du Sommet mondial sur l’intelligence artificielle au service du bien social« AI for Good », coorganisé par l’Union internationale des télécommunications (UIT) et la Suisse, il y a deux semaines à Genève. 

La représentante a estimé que si l’IA pouvait représenter un défi en raison de sa rapidité et son apparente omniscience, elle devait servir la paix.  Elle a expliqué que l’École polytechnique fédérale de Zurich développe actuellement un prototype d’outil d’analyse assisté par l’IA pour le Centre d’opérations et de crises des Nations Unies afin d’explorer son potentiel pour le maintien de la paix, en particulier pour la protection des civils et des Casques bleus.  Elle a également rappelé que la Suisse avait récemment lancé l’initiative « Appel de la Suisse pour la confiance et la transparence », par laquelle le monde académique, le secteur privé et la diplomatie cherchent conjointement des solutions pratiques et rapides aux risques liés à l’IA. 

Pour la Suisse, le Conseil de sécurité doit œuvrer à contrer les risques pour la paix causés par l’IA, notamment les cyberopérations hostiles et la désinformation, qui sapent la confiance des populations dans les gouvernements et les missions de paix.  Qualifiant l’IA d’« épée à double tranchant » qui peut aussi servir à détecter les faux récits et les discours de haine, la représentante a appelé à l’établissement d’un cadre commun, partagé par tous les acteurs impliqués dans le développement et dans l’application de cette technologie: les États, les entreprises, la société civile et les organisations de recherche. 

La représentante a rappelé que le droit international existant s’applique à l’IA et précisé que la Suisse s’engage dans tous les processus de l’ONU servant à clarifier le cadre juridique international de l’IA et, dans le cas des systèmes d’armes autonomes létaux, à élaborer des interdictions et des restrictions.  Elle a ajouté que l’IA devait être centrée sur l’humain, appelant à respecter des considérations éthiques et à maintenir la responsabilité des États, des entreprises et des individus.  Enfin, elle a appelé à contrecarrer les stéréotypes discriminatoires que l’IA pourrait générer à partir de données reflétant des préjugés et à veiller à ce que l’IA ne reproduise pas des biais sociétaux néfastes, la rendant alors de mauvais conseil pour la paix et la sécurité. 

En conclusion, elle a appelé le Conseil à prendre appui sur les résultats de l’Assemblée générale concernant le cadre juridique relatif à l’IA, et à encourager le Secrétariat et les missions de paix à utiliser cette technologie de manière innovante et responsable.  Elle a affirmé que son pays avait utilisé l’IA pour le premier débat sous sa présidence, et dans le cadre d’une exposition avec le Comité international de la Croix-Rouge sur les dilemmes digitaux.  Elle s’est réjouie de faire de « AI for good » une partie intégrante du « Nouvel Agenda pour la paix ». 

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a déclaré que l’intelligence artificielle avait le potentiel d’améliorer la médecine, l’agriculture, la gestion de l’environnement et le développement, mais comportait également des risques à la survie de notre commune humanité.  En matière de paix et de sécurité, nous devons nous assurer de ne pas reproduire les risques que d’autres technologies puissantes ont créés pour le monde par leur capacité à déclencher des catastrophes aux proportions mondiales, a averti le représentant.  Ainsi, si les technologies utilisant l’IA peuvent faciliter la coordination de l’aide humanitaire et améliorer l’évaluation des risques, notamment dans le cadre d’opérations de maintien de la paix, l’intégration de l’IA dans les systèmes d’armes autonomes demeure une source de préoccupation majeure qui compromet l’engagement des États Membres envers un monde pacifique, a-t-il noté. 

Pour le Ghana, il est donc nécessaire d’élaborer des principes et des cadres mondiaux en impliquant l’ensemble des États Membres de l’ONU, qui ont un intérêt égal dans ce débat.  De même, le représentant a encouragé le Conseil de sécurité à poursuivre son engagement avec la Stratégie pour la transformation numérique des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, dans le cadre de l’initiative Action pour le maintien de la paix plus (A4P+). 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a présenté l’intelligence artificielle comme « la révolution du XXI° siècle » et jugé essentiel d’en faire un instrument au service de la paix alors que se profile un monde plus dur, marqué par la compétition et traversé par les guerres hybrides. Le représentant s’est dit convaincu que l’IA peut jouer un rôle décisif pour le maintien de la paix, contribuer à la sécurité des casques bleus et à la protection des civils et faciliter la résolution des conflits en permettant la mobilisation de la société civile.  La France pense que l’IA peut aussi servir les objectifs du développement durable et contribue en ce sens au Pacte numérique mondial du Secrétaire général.  Enfin, elle peut aider à prévenir les risques naturels résultant des changements climatiques, y compris en accompagnant la mise en œuvre des engagements de l’Accord de Paris en matière de réduction des gaz à effet de serre. 

Le représentant s’est ensuite attaché aux risques présentés par l’IA, appelant à les « regarder en face ».  Elle peut démultiplier la menace cyber, ou être au contraire vulnérable aux attaques cyber. M. de Rivière a jugé « possible » que, dans le domaine militaire, l’IA modifie en profondeur la nature des conflits.  Il a donc appelé à travailler, au sein du groupe d’experts gouvernementaux de la Convention sur certaines armes classiques, pour mettre au point un cadre applicable aux systèmes d’armes létaux autonomes, permettant de prendre des décisions garantissant que les conflits de demain respectent le droit international humanitaire.  Il s’est aussi inquiété des risques d’intensification de la guerre de l’information, prenant en exemple « les campagnes de désinformation massive en cours en République centrafricaine et au Mali, ou celles qui accompagnent la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine ».  De même, l’ingérence électorale étrangère recourant à l’IA déstabilise des pays et remet en cause les fondements des démocraties, a-t-il dénoncé. 

La France est attachée à promouvoir une approche éthique et responsable de l’intelligence artificielle, a affirmé M. de Rivière.  Elle a lancé en ce sens un partenariat mondial en 2020 et travaille également au sein de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe.  Pour le représentant, les Nations Unies offrent un cadre « irremplaçable ».  Il a salué les travaux en cours du Nouvel Agenda pour la Paix et l’organisation à venir du Sommet du Futur, qui doivent permettre de réfléchir collectivement à ces sujets et à élaborer les normes de demain.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a cité l’écrivain polonais Stanislaw Lem selon lequel « la première obligation de l’intelligence est de se méfier d’elle-même » pour dire qu’avec l’IA, il ne faut pas s’attendre à ce principe.  Pour le représentant, la question n’est pas d’être pour ou contre le développement de l’IA; elle est déjà développée rapidement et continuera de l’être.  L’IA -comme toute autre technologie, a-t-il rappelé- est un outil qui peut contribuer aux efforts de maintien et de consolidation de la paix, ou peut être utilisée pour saper ces objectifs.  Elle peut aider à la prévention des conflits et à la modération des dialogues dans des contextes complexes tels que la COVID-19.  Elle peut soutenir la protection des travailleurs humanitaires en permettant d’élargir l’accès et l’action, y compris par l’analyse prédictive.  La préparation, l’alerte précoce et la réaction rapide peuvent bénéficier de cet outil. 

Rappelant la résolution 2518 (2020), le représentant a réitéré l’appui de l’Équateur à une utilisation plus intégrée des nouvelles technologies en vue d’améliorer la connaissance de la situation de son personnel des opérations de paix et de ses capacités.  La responsabilité des États Membres est de promouvoir et de tirer parti du développement technologique en tant que facilitateur de la paix et en tant qu’outil de protection de la population civile, a-t-il affirmé.  Cette tâche doit se faire dans le strict respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire. 

Après avoir alerté sur les menaces posées d’utilisation abusive de l’IA à des fins malveillantes ou terroristes, le représentant a également rejeté l’utilisation militaire de l’IA.  Les principes éthiques et les comportements responsables sont indispensables mais ils ne suffisent pas, a-t-il ajouté, estimant que la réponse pour tirer le meilleur parti de l’IA est la mise en place d’un cadre international juridiquement contraignant. 

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a estimé que les applications pacifiques de l’intelligence artificielle peuvent contribuer à l’atteinte des objectifs de développement durable en remodelant notre façon de travailler, d’interagir et de vivre.  D’autre part, l’utilisation abusive et les conséquences involontaires de l’intelligence artificielle présentent des risques pour la paix et la sécurité internationales qui exigent une attention soutenue.  Les cyberattaques, les campagnes de désinformation et de mésinformation, ou encore les systèmes d’armement autonomes peuvent entraîner une augmentation des vulnérabilités et des tensions géopolitiques.  La représentante s’est également inquiétée des conséquences négatives de cette technologie sur les droits humains du fait de prises de décisions algorithmiques discriminatoires. 

Pour y faire face, la représentante a préconisé l’élaboration de cadres éthiques et d’instruments universels par la communauté internationale. Alors que les acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux se précipitent pour être les premiers dans le développement de cette technologie, des pratiques de gouvernance et de contrôle doivent être développées à un rythme comparable afin de préserver la paix et la sécurité internationales, a-t-elle fait valoir. Depuis 2019, Malte s’affaire à élaborer un tel cadre selon les lignes directrices éthiques énoncées par l’Union européenne en s’appuyant sur une approche centrée sur l’humain, le respect de la réglementation applicable et la minimisation des risques.  Pour Malte, le Conseil de sécurité a un rôle fondamental d’anticipation à jouer afin d’être en mesure d’exploiter le pouvoir de transformation de l’intelligence artificielle tout en en atténuant les risques.

Mme LILLY STELLA NGYEMA NDONG (Gabon) a déclaré que le maintien de la paix et de la sécurité internationales s’appuie depuis des années sur un écosystème technologique solide qui permet à la fois de renforcer les capacités de gestion et de prévention de crises et de favoriser une meilleure compréhension des situations.  L’IA décuple les capacités d’analyses des systèmes d’alerte rapide; elle rend les dispositifs opérationnels des missions de paix des Nations Unies plus performants et renforce la mise en œuvre de leur mandats, en particulier au profit de la protection des civils ; elle joue aussi un rôle majeur dans les processus de consolidation de la paix et favorise la mise en place des projets à impact rapide tout en offrant des opportunités d’emploi aux jeunes et des possibilités de réinsertion aux anciens combattants.  Pour la représentante , il est toutefois essentiel que les communautés locales s’approprient et absorbent ces nouvelles technologies.  Sans un ancrage local, les bénéfices de l’IA sont appelés à disparaître après le retrait des forces internationales, et les crises à resurgir, a-t-elle estimé, appelant donc à expliquer les processus de fabrication et de diffusion de l’intelligence artificielle afin de renforcer la confiance et la légitimité en elle. 

La représentante a estimé que l’IA présente également de nombreux risques qu’il nous faut appréhender des maintenant.  Elle a en particulier mentionné les risques de recours à l’IA par des groupes terroristes et criminels, afin de poursuivre leurs activités illicites.  De telles menaces doivent constituer le point de départ d’un contrôle international accru du développement des nouvelles technologies, a-t-elle estimé.  Elle a donc appelé l’ONU à renforcer la coopération internationale pour développer un cadre réglementaire avec des mécanismes de contrôle appropriés et des systèmes de sécurité solides, mais aussi à favoriser le partage des meilleures pratiques en matière de sécurité et de contrôle.  En l’absence d’une réglementation fiable et d’outils de contrôle et de gestion efficaces, l’IA peut constituer une véritable menace à la paix et la sécurité internationales, a averti la représentante, qui a conclu en estimant que notre enthousiasme envers ces technologies de plus en plus sophistiquées « doit être empreint de prudence et de retenue ».

M. FERIT HOXHA (Albanie) a estimé que l’intelligence artificielle présente des différences avec d’autres technologies de pointe: cet outil est susceptible de changer et transformer le monde.  Le représentant a donc suggéré de superviser les risques de l’emploi de l’IA, estimant que personne n’est en mesure d’appréhender le système.  Réitérant les risques de discrimination sur la base du sexe, de la race ou de l’origine que représente l’IA, il y a ajouté les risques d’effet préjudiciable de l’IA, à l’image de certains pays qui s’en servent pour jeter de l’huile sur la flamme de la violence ou des conflits.  Le représentant a donc appelé à actualiser les règlements et les cadres de gouvernance en tenant compte de l’IA et sans saper les droits fondamentaux.  Il a enfin suggéré au Conseil de sécurité de faire un suivi des risques de l’utilisation de l’IA pour la paix et la sécurité internationales.

M. DMITRY A.  POLYANSKIY (Fédération de Russie) s’est opposé à ce que le Conseil de sécurité soit le lieu de discussion de la question de l’intelligence artificielle qui, certes, présente un intérêt scientifique considérable, mais dont la signification pratique, et plus encore la projection sur les processus politiques, reste à évaluer et n’est donc « clairement pas une question de futur proche ».  Selon le représentant, il n’existe aucun argument à l’appui de la thèse d’une relation « organique » entre cette technologie et les questions de paix et de sécurité internationales.  Par conséquent, il a jugé « artificielle » toute tentative de lier le sujet générique de l’intelligence artificielle aux menaces à la paix et à la sécurité.  Pour la Fédération de Russie, les aspects militaires de l’IA qui pourraient théoriquement avoir un impact sur la sécurité mondiale et régionale sont discutés dans des enceintes spécialisées comme le Groupe d’experts gouvernementaux des États parties à la Convention sur les armes inhumaines dans le cas des systèmes létaux autonomes, ou encore le Groupe de travail à composition non limitée sous l’égide de l’Assemblée générale pour ce qui est des questions de sécurité dans le domaine des technologies de l’information et de la communication.  « Dupliquer ces efforts est contre-productif », a asséné le représentant. 

Comme avec toute technologie de pointe, l’intelligence artificielle peut être mise au service de l’humanité ou avoir un effet destructeur, selon l’entité à laquelle elle appartient, a relevé le représentant.  Selon lui, nous assistons aujourd’hui à la façon dont « l’Occident, mené par les États-Unis », sape la confiance dans ses propres solutions technologiques en s’ingérant dans les activités des entreprises et en manipulant des algorithmes de modération de contenu et de surveillance des utilisateurs afin de procurer à leurs entreprises des avantages concurrentiels déraisonnables.  Des firmes comme « l’extrémiste » Meta bloquent automatiquement les informations jugées « incorrectes » tout en permettant les appels à « exterminer les Russes », a-t-il accusé. 

Tout instrument d’autorégulation de l’intelligence artificielle doit être conforme à la législation nationale du pays d’exploitation de l’entreprise, a ensuite affirmé le représentant, qui s’est opposé à la mise en place d’organismes de surveillance supranationaux et à l’application extraterritoriale de toute norme dans ce domaine.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Ukraine: l’Assemblée générale s’inquiète de la situation dans les territoires temporairement occupés par la Russie

Soixante-dix-septième session
88e et 89e séances plénière – matin & après-midi
AG/12516

Ukraine: l’Assemblée générale s’inquiète de la situation dans les territoires temporairement occupés par la Russie

« Donetsk c’est l’Ukraine, Luhansk c’est l’Ukraine, Kherson c’est l’Ukraine, Zaporijia c’est l’Ukraine et la Crimée c’est l’Ukraine », a déclaré avec fermeté le représentant de l’Union européenne (UE) à l’Assemblée générale lors du débat consacré aujourd’hui à la situation dans les territoires ukrainiens temporairement occupés.  Le monde n’acceptera pas la tentative d’accaparement de ces territoires par la Fédération de Russie, a assuré M. Olof Skoog.  Une cinquantaine d’intervenants, parmi lesquels plusieurs ministres, ont réitéré leur opposition à la guerre et aux violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme, alors que la Russie a annoncé vouloir tenir de nouvelles élections dans ces territoires dès septembre prochain.  De son côté, le Ministre ukrainien des affaires étrangères a alerté sur le sort tragique des enfants.

Les États-Unis, notamment, ont condamné les intentions affichées par la Russie de poursuivre son annexion via de nouveaux « simulacres de référendums ».  Dans cet esprit, les Occidentaux ont averti que non seulement ils ne reconnaîtraient pas les résultats de ces scrutins s’ils avaient lieu, mais que ceux-ci constitueraient une violation de plus du droit international par la Russie. 

Le Ministre ukrainien des affaires étrangères a illustré la réalité quotidienne de l’Ukraine en citant des extraits bouleversants de journaux intimes de trois enfants.  Comment des êtres aussi vulnérables peuvent-ils être arrachés aussi brutalement à leur enfance?  « L’invasion russe a privé 7,5 millions d’enfants d’une vie normale, deux tiers d’entre eux ont été déplacés », a témoigné M. Dmytro Kuleba.  La Russie continue d’enlever des enfants ukrainiens, a-t-il accusé, qualifiant cette pratique de crime « génocidaire ».  Ainsi a-t-il exigé de la Russie qu’elle fournisse une liste des enfants enlevés en Ukraine, qu’elle les libère et les rende à leur famille.  « Au nom de tous les parents ukrainiens », il a demandé à la communauté internationale de faire pression en ce sens sur la Russie. 

Avant lui, le Président de l’Assemblée générale avait condamné les actes de guerre incessants de la Russie en Ukraine, lesquels « sapent gravement la confiance au sein de notre institution ».  S’exprimant en partie en russe, et rappelant les six résolutions sur l’Ukraine adoptées à ce jour par l’Assemblée, M. Csaba Kőrösi a dit que l’ONU ne peut accepter que le déclenchement de guerres devienne la norme.  « Toute agression contre un pays voisin est illégale, toute annexion est illégale », a-t-il raisonné avant de s’adresser directement à la Russie: « Vous avez commencé cette guerre, c’est à vous d’y mettre un terme.  Si vous le souhaitez, vous pouvez le faire. »

La réaction de la Fédération de Russie à ces interventions a été particulièrement vive.  Leur représentant a commencé par déplorer la tenue d’une réunion destinée à imposer une fois encore le point de vue occidental sur la situation en Ukraine.  « L’Occident monte l’un contre l’autre deux peuples frères, soit, mais quel est l’intérêt de l’Ukraine dans cette affaire? » a-t-il ensuite demandé.  « L’Ukraine veut devenir un pays ruiné, désindustrialisé et vidé de sa population émigrée vers l’Occident?  Elle veut utiliser des armes à sous-munitions, élever une génération dans un nationalisme effréné? »  Après avoir rejeté « le mythe des crimes de guerre commis par la Russie », le représentant a rappelé que, dans le contexte actuel, les objectifs initiaux de l’opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine demeurent inchangés: « démilitariser et dénazifier le régime de Kiev » pour protéger les russophones et libérer le pays.

Alors que la Russie a refusé hier de proroger l’Initiative de la mer Noire, M. Kuleba a laissé entendre que « chaque grain de blé exporté d’Ukraine a été payé par le sang de soldats ».  Sur ce point urgent, les participants au débat ont exhorté les parties à retourner à la table des négociations pour relancer l’Initiative, qui est vitale selon eux tant pour assurer la sécurité alimentaire des pays en développement que pour offrir de nouvelles opportunités de paix.  Par ailleurs, M. Kuleba a remercié les États Membres qui fournissent des armes aux soldats ukrainiens afin que l’Ukraine puisse exercer son droit à la légitime défense, en vertu de la Charte des Nations Unies. 

Les représentants de l’UE et de la Slovénie ont par ailleurs attiré l’attention sur la tenue, en mai dernier, d’une conférence diplomatique qui s’est conclue par l’adoption de la Convention Ljubljana-La Haye sur la coopération internationale pour les enquêtes et les poursuites concernant le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les autres crimes de droit international.  Ils ont appelé tous les pays à devenir rapidement parties à ce véritable « Traité d’entraide judiciaire ».  Ce dispositif vient s’ajouter à la création d’un registre des dommages devant donner lieu à l’établissement d’un mécanisme de compensation aux victimes de la guerre ou encore aux enquêtes menées par le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI).  En effet, si les États Membres ont de nouveau appelé la Russie à donner une chance à la paix en mettant fin à ses hostilités contre l’Ukraine, nombre d’entre eux ont rappelé la nécessité de poursuivre des efforts de formalisation du crime d’agression afin que les responsables soient accusés et condamnés. 

LA SITUATION DANS LES TERRITOIRES UKRAINIENS TEMPORAIREMENT OCCUPÉS

Déclaration liminaire

M. CSABA KŐRÖSI, Président de l’Assemblée générale, s’est demandé si, après 509 jours de guerre, des dizaines de milliers de morts et de blessés, près de six millions de réfugiés dispersés à travers l’Europe et plus de six millions de déplacés internes confrontés à un avenir incertain, il est encore possible de soutenir que l’on respecte la Charte des Nations Unies ou encore que l’on s’abstient de recourir à la menace ou à l’usage de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État. Le Président a poursuivi en reconnaissant que depuis dix-sept mois, « les principes fondamentaux que nous avons tous convenu de chérir sont bafoués quotidiennement ».  Les conséquences de la violation de ces principes dans le cadre de l’agression russe en Ukraine son bien concrètes, a-t-il pressé en évoquant la destruction des infrastructures civiles, la conduite d’une véritable « guerre écologique », les menaces répétées de guerre nucléaire, les violations constantes et systématiques du droit international ou encore celles, « généralisées et bien documentées », des droits de l’homme.  « Ces actes de guerre incessants sapent gravement la confiance dans et au sein de notre institution », a martelé M. Kőrösi avant d’ajouter, en russe, que l’ONU ne peut accepter que le fait de déclencher des guerres devienne la norme.  Toute agression contre un pays voisin est illégale, toute annexion est illégale, a-t-il insisté. 

Le Président de l’Assemblée a déclaré que cette guerre est inconciliable avec la réalisation, vitale pour la survie de l’humanité, des objectifs communs aux États Membres en matière de sécurité alimentaire et de lutte contre les changements climatiques.  « Nous n’avons pas besoin que les nations se battent les unes contre les autres lorsque nous faisons face à un ennemi commun », les crises en cascade à travers le monde.  S’agissant de l’Initiative de la mer Noire, il a profondément regretté la décision de la Russie de ne pas proroger cet « instrument vital ». Exhortant les parties à reprendre les négociations sur la relance de l’Initiative, il leur a demandé de trouver rapidement une solution pour éviter que les plus vulnérables ne paient le prix du jeu politique.  Appuyant par ailleurs les travaux de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), il a demandé que cesse toute rhétorique nucléaire.  Je dois répéter ce que j’ai déjà dit: les armes nucléaires ne résoudront pas le conflit! s’est exclamé M. Kőrösi, ajoutant qu’aucune solution militaire ne ramènera la paix dans la région.  Ainsi a-t-il réitéré sa conviction que seule une solution politique, fondée sur la Charte et le droit international, restaurera la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues.  C’est de nouveau en russe qu’il s’est cette fois adressé directement à la Fédération de Russie, pays parmi les plus puissants du monde: « Vous avez commencé cette guerre, c’est à vous d’y mettre un terme.  Si vous le souhaitez, vous pouvez le faire », a lancé le Président. 

Débat sur la question

M. DMYTRO KULEBA, Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, a dit qu’aucun chiffre, aucune déclaration ne peuvent rendre compte de la situation dans les territoires occupés.  C’est pourquoi le Ministre a préféré lire des extraits de journaux intimes relatant la vie quotidienne de trois enfants ukrainiens.  L’un de ces enfants, blessé, rend compte de la situation à l’intérieur de la ville de Marioupol, parmi ses parents et ses proches, également blessés, dont sa mère, qu’il décrit avec « un trou dans la jambe ».  Un autre extrait témoigne de la vie d’une jeune fille de 13 ans cloîtrée dans son quartier situé en zone occupée et rend compte de viols et de meurtres de proches. Une troisième enfant raconte par écrit sa vie quotidienne à son « papa » disparu, tué sous ses yeux. « Il est impossible de poursuivre ce récit sans pleurer », s’est ému le Ministre, alors que des milliers d’enfants ukrainiens vivent actuellement ce genre de situation. « Maintenant, vous savez ce que ces enfants vivent depuis dix-huit mois. »  Pourquoi sont-ils privés de leur enfance? Parce que M. Putin a des desseins impériaux, et qu’il ne craint pas de tuer des enfants pour les assouvir, a-t-il tranché.  L’invasion russe a privé 7,5 millions d’enfants d’une vie normale, deux tiers d’entre eux ont été déplacés.  À cette heure, la Russie continue d’enlever des enfants ukrainiens, a affirmé le Ministre. Parlant à ce sujet de crime « génocidaire » et « répugnant », il a appelé à ce que la Russie fournisse une liste des enfants enlevés en Ukraine, qu’elle les libère et les rende à leur famille.  « Au nom de tous les parents ukrainiens », il a exigé que la communauté internationale fasse pression sur la Russie, d’une voix ferme et unie.  Quant aux 8 800 civils victimes de disparitions forcées -pratique illégale commise « à grande échelle » par l’occupant russe– le Ministre les a qualifiées de « prises d’otage comme arme de guerre à visée génocidaire ».  Pour prévenir ces enlèvements de civils, inédits selon lui, il a proposé de développer de nouveaux instruments internationaux d’urgence.  Il a aussi reconnu que l’Ukraine n’était pas le seul théâtre de violences aujourd’hui, et appelé à sauver tous les enfants pris dans l’étau de la guerre dans le monde, en Afrique, notamment. 

Le Ministre a ensuite dénoncé les tentatives d’inviter la Russie à la table des négociations, parce qu’elles légitimeraient l’invasion de son territoire. « Non au génocide », « non à un faux pacifisme excusant l’agresseur de ses crimes », « non aux concessions territoriales. »  « Nous nous battrons, et nous gagnerons, car nous voulons vivre », a-t-il scandé.  Prévenant que l’agresseur devrait rendre des comptes, il a demandé à tous les États Membres de s’associer à la déclaration du G7 de la semaine dernière.  Une fois la guerre terminée, quand l’Ukraine l’emportera, tous les États Membres s’en trouveront plus sûrs également, a-t-il assuré. Alors que la Russie a mis fin à l’Initiative de la mer Noire, le Ministre a déclaré que « chaque grain de blé exporté d’Ukraine a été payé par le sang de soldats ».  Il a enfin félicité les États Membres soutenant l’Ukraine, et prévenu les autres que, dans cette guerre génocidaire, la « neutralité n’avait pas sa place ».

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a déploré la tenue d’une réunion ne visant selon lui qu’à imposer de nouveau le point de vue occidental sur la situation en Ukraine.  La situation sur le terrain a changé, a-t-il indiqué, exigeant un examen « réaliste » de la part des États Membres.  Le délégué a salué à ce propos les pays en développement qui ont compris le sens de « l’opération militaire spéciale » de son pays en Ukraine, opération qui n’a fait que découler du coup d’État de Kiev en 2014. Le représentant a fustigé la situation des russophones dans les prétendus territoires temporairement occupés de l’Ukraine: parler dans sa langue maternelle, vivre sa foi et honorer ses héros, cela s’appelle la démocratie, a-t-il déclaré, jugeant que la politique de privation de ces droits du Président Zelenskyy est irrationnelle et antipopulaire.  Pour le délégué, le coup d’État de 2014 a été préparé par les États-Unis pour faire de l’Ukraine un pays antirusse où écouler ses surplus d’armes.  Même les accords de Minsk furent conçus pour ne pouvoir être appliqués, ouvrant la voie au conflit actuel, a-t-il estimé.  Le délégué a affirmé qu’aujourd’hui des milliers de jeunes Ukrainiens périssent pour détourner l’attention du monde des réalités inquiétantes du « régime de Kiev », caractérisées par des tentatives de meurtres de dirigeants en Russie ou encore des actes terroristes du type de celui commis hier contre le pont de Crimée.

L’Occident monte l’un contre l’autre deux peuples frères, soit, mais quel est l’intérêt de l’Ukraine dans cette affaire? a ensuite demandé le délégué. L’Ukraine veut devenir un pays ruiné, complètement désindustrialisé, vidé de sa population émigrée vers l’Occident?  Elle veut utiliser des armes à sous-munitions, élever une génération dans un nationalisme effréné?  Elle veut opprimer les orthodoxes russes?  Nous nous refusons à le croire, a poursuivi le délégué.  Aux « ennemis de la Russie », il a en outre répondu que jamais son pays n’a voulu tuer l’identité ukrainienne ni « russifier » l’Ukraine.  Mais jamais non plus nous accepterons la violation tous azimuts des droits des citoyens russophones et des habitants du Donbass, a-t-il averti.  Le délégué a par ailleurs accusé Londres, Washington et Bruxelles d’avoir empêché la conclusion d’un accord prévoyant des garanties de sécurité à l’Ukraine en contrepartie de sa non-adhésion à l’OTAN.  Selon lui, il ne reste plus aujourd’hui que « les mythes des crimes de guerre commis par la Russie », des mythes diffusés par les Occidentaux et qui valent moins que le papier sur lequel ils sont imprimés. À cet égard, a-t-il affirmé de manière véhémente, « il n’y a ni faits, ni preuves: il n’y a plus qu’une russophobie décomplexée! ».  Le délégué a considéré que, dans ce contexte, aucune paix n’est possible puisque la Russie n’a pas affaire à l’Ukraine, mais à Washington et à ses alliés de l’OTAN. Enfin, il a rappelé que les objectifs initiaux de l’opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine demeuraient inchangés: « démilitariser et dénazifier le régime de Kiev ». 

M. PETER SZIJJARTO, Ministre des affaires étrangères de la Hongrie, a expliqué que son pays a payé un lourd tribut de la guerre en Ukraine en tant que pays voisin.  Cette guerre brutale doit cesser, a-t-il martelé, et le moment est venu de se poser la question de savoir où se trouve la solution.  Pour le Ministre, elle ne se trouvera pas sur le champ de bataille mais plutôt autour de la table des négociations.  D’aucuns nous disent qu’il est trop tôt pour entamer les négociations, mais, a-t-il averti, plus nous attendrons, plus il y aura de morts et plus la reconstruction sera coûteuse.  Dans cet esprit, il a salué les efforts de paix du Saint-Siège, des pays d’Afrique, de la Türkiye et de la Chine, en appelant l’ONU à leur offrir une plateforme.  Le Ministre a constaté à regret que « face à cette guerre, l’Europe ne tient pas le même discours que lorsqu’il s’agit d’autres conflits où elle plaide systématiquement pour la paix ».  Réfutant les accusations selon lesquelles la Hongrie ne serait pas solidaire de l’Ukraine, il a rappelé qu’elle a accueilli plus de 1,1 million de réfugiés ukrainiens.  Son pays continuera à prôner la paix parce qu’en tant que nation, il sait ce que c’est que de livrer bataille contre des puissances pour être ensuite abandonné pendant des décennies.  Déçu par la suspension de l’Initiative de la mer Noire, le Ministre a souligné le risque de pénuries alimentaire dans le monde et, partant, de nouvelles vagues migratoires susceptibles de représenter une nouvelle menace sécuritaire.  Pour sa part, la Hongrie a investi dans des infrastructures d’exportation des céréales ukrainiennes vers d’autres ports en vue de leur distribution en Europe centrale, en Afrique et au Moyen-Orient.  En conclusion, le Ministre a souhaité que l’on discute davantage de la paix que de la fourniture d’armes à l’avenir.

Mme KAROLINE EDTSTADLER, Ministre fédérale de l’Union européenne et de la Constitution à la Chancellerie fédérale de l’Autriche, a dit avoir personnellement été témoin des destructions et des horreurs de cette guerre lors de sa visite en novembre dernier à Kyïv, où elle a dû se protéger des missiles et vu les immeubles résidentiels détruits et tant de personnes perdre la vie.  Elle a exhorté la Fédération de Russie à retirer ses forces immédiatement et sans conditions.  La Ministre s’est inquiétée des menaces nucléaires implicites de la Russie, mettant en garde contre des conséquences catastrophiques qui « nous affecteraient tous ».  Par ailleurs, elle a relevé que la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine, basée à Vienne, a conclu dans son dernier rapport que les autorités russes avaient commis de nombreuses violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme, et elle a appuyé le travail de la CPI.  Sur le plan humanitaire, elle a informé que son pays a récemment fourni 2 millions d’euros pour le déminage et 18 millions d’euros supplémentaires à l’Ukraine et aux États voisins.  Plus de 500 000 Ukrainiens déplacés ont transité par l’Autriche et plus de 99 000 d’entre eux ont cherché protection dans son pays, a rappelé la Ministre.  En outre, l’Autriche est disposée à poursuivre son soutien à la reconstruction et à la reprise économique de l’Ukraine, en étroite collaboration avec son secteur privé, qui reste activement engagé avec plus de 200 entreprises représentées.  Enfin, la Ministre a demandé instamment à la Russie de reconsidérer sa décision et de permettre la poursuite de l’Initiative de la mer Noire.

M. PETER BALÍK, Ministre des investissements et de l’informatisation de la Slovaquie, a réaffirmé le soutien de son pays à la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues.  Nous ne reconnaissons pas et continuons de condamner l’annexion illégale de territoires ukrainiens, y compris la Crimée, par la Fédération de Russie, a-t-il ajouté, déplorant que, depuis cette annexion, la situation des droits de l’homme dans lesdits territoires s’est considérablement détériorée. Après avoir appuyé le plan de paix en 10 points du Président Zelenskyy, le Ministre a rappelé combien il est important que les auteurs des violations du droit international les plus graves commises en Ukraine répondent de leurs actes.  À cette fin, la Slovaquie soutient les enquêtes « indépendantes et impartiales » menées par la Cour pénale internationale (CPI) sur les crimes perpétrés en Ukraine et relevant de sa compétence. 

M. ZBIGIVIEW RAU, Ministre des affaires étrangères de la Pologne, a accusé « Moscou » de mener une guerre « coloniale » contre son voisin l’Ukraine.  L’agresseur s’emploie à obtenir le contrôle complet et permanent du pays sous son occupation, a-t-il expliqué, en arguant que cette approche a commencé bien avant l’année dernière.  Les territoires occupés par la Russie deviennent des zones de violence et d’anarchie, a-t-il constaté, exprimant notamment sa préoccupation face à la déportation d’enfants ukrainiens.  Il a accusé « Moscou » de perpétrer des crimes de guerre, citant les attaques contre des civils et les actes terroristes commis par des groupes de mercenaires russes.  Il est regrettable que le Bélarus leur offre un asile, s’est aussi indigné le Ministre en appelant à s’opposer à la politique du fait accompli impérialiste et en exigeant que les coupables rendent des comptes.  Il faut être aux côtés de ceux qui choisissent la liberté, la paix et la sécurité et appuient la Charte des Nations Unies et qui refusent de se soumettre à la volonté du plus fort, a conclu le Ministre pour lequel il s’agit d’une obligation morale.

M. JEAN ASSELBORN, Ministre des affaires étrangères et européennes du Luxembourg, a réaffirmé la pleine solidarité de son pays avec le Gouvernement et le peuple ukrainiens.  La Russie, a-t-il dit, peut mettre fin à la violation de la Charte à tout moment, en se conformant aux mesures conservatoires indiquées par la Cour internationale de Justice (CIJ) dans son ordonnance du 16 mars 2022.  Or la Russie poursuit son agression et son occupation de territoires ukrainiens, a déploré le Ministre.  « Il faut être très clair: les actes de la Russie peuvent constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. »  L’établissement des responsabilités pour tous les crimes commis en Ukraine est une priorité pour le Luxembourg.  « Nous devons tout mettre en œuvre pour que les auteurs de ces crimes répondent de leurs actes et pour que justice soit rendue aux victimes », a estimé le Ministre.  Le Luxembourg salue le travail de la Commission d’enquête établie par le Conseil des droits de l’homme, et soutient les enquêtes menées par le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) en coopération avec le Procureur général de l’Ukraine.  Dans cet esprit, le Ministre a salué la création du centre international chargé des poursuites pour le crime d’agression contre l’Ukraine.  Enfin, il a appuyé les efforts en vue de mettre en place un tribunal spécial international -établi sur la base d’un accord entre l’Ukraine et l’ONU, à la suite d’une résolution de cette Assemblée- pour le crime d’agression contre l’Ukraine.  « Le crime d’agression est à l’origine de tous les autres crimes commis en Ukraine. » 

M. FRANCISCO ANDRÉ, Secrétaire d’État aux affaires étrangères et à la coopération du Portugal, a réaffirmé le soutien indéfectible de son pays à la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’unité et l’indépendance de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, y compris ses eaux territoriales.  Cela fait plus de neuf ans que la Russie a illégalement annexé la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol, a-t-il fait remarquer, ajoutant que cette annexion a été suivie d’une militarisation massive de la péninsule. Pour le Secrétaire d’État, cette annexion illégale, en renforçant l’impunité de Moscou, a ouvert la voie à la guerre en Ukraine, une guerre aux répercussions désormais mondiales. L’agression russe de l’Ukraine a conduit à une crise énergétique et alimentaire planétaire, qui affecte de manière disproportionnée les populations des pays en développement les plus vulnérables, a ajouté le Secrétaire d’État.  Il a condamné les violations des droits de l’homme les plus graves commises par les forces russes ayant annexé les territoires temporairement occupés d’Ukraine, considérant que la situation dans ces régions n’a cessé de se dégrader depuis février 2022.  S’il a appelé la Russie à donner une chance à la paix en mettant immédiatement fin à ses hostilités militaires contre l’Ukraine, le Secrétaire d’État a souligné l’importance que la communauté internationale agisse dès à présent pour améliorer la situation dans les territoires ukrainiens temporaires occupés. Agir implique de traduire rapidement en justice les auteurs des violations systématiques du droit international, ce qui nécessite notamment la poursuite des efforts en cours de formalisation du crime d’agression. 

Mme LOTTE MACHON, Secrétaire d’État au développement du Danemark, au nom des pays baltes, a déploré la détérioration de la situation en ce qui concerne le respect des droits de l’homme dans les territoires temporairement occupés de l’Ukraine.  Les pro-Ukrainiens font face à des privations graves de leurs libertés fondamentales, a-t-elle notamment indiqué, ajoutant que les adoptions forcées et les déportations de personnes refusant l’imposition de passeports russes sont des pratiques pouvant être qualifiées de « crimes de guerre ». La quasi-absence d’acteurs internationaux dans ces territoires complique encore davantage la situation en la matière, a signalé la représentante.  Elle a réitéré la demande des pays baltes à la Russie de cesser immédiatement toutes les hostilités et de retirer l’ensemble de ses forces militaires du territoire ukrainien.  Par ailleurs, elle a souligné la nécessité que les auteurs de crimes en rapport avec l’agression répondent de leurs actes devant les juridictions compétentes.  La création d’un registre des dommages est un premier pas vers l’établissement d’un mécanisme de compensation aux victimes de la guerre d’agression russe contre l’Ukraine, a-t-elle déclaré. 

Mme PILAR CANCELA RODRÍGUEZ, Secrétaire d’État à la Coopération internationale de l’Espagne, a déclaré que les responsables russes des crimes commis lors les massacres de Boutcha et d’Izioum ne resteront pas impunis et répondront de leurs actes devant la justice.  Elle a rappelé que l’Assemblée générale a adopté à des majorités « écrasantes » quatre résolutions clefs sur l’Ukraine.  Ainsi a-t-elle confirmé à plusieurs reprises que les États Membres rejettent les actions de la Russie contre l’Ukraine.  Son pays ayant soutenu toutes ces résolutions, la Secrétaire d’État a réitéré son appui à toutes les mesures prises pour permettre à l’Ukraine d’exercer son droit à la légitime défense.  L’Espagne continuera de travailler avec ses partenaires et avec l’ensemble de la communauté internationale pour parvenir à une paix globale, juste et durable en Ukraine, laquelle devra être fondée sur le plein respect du droit international et de la Charte des Nations Unies, a-t-elle assuré. Enfin, parce que l’agression russe contre l’Ukraine et la situation dans ses territoires temporairement occupés portent continuellement atteinte aux principes et aux buts de la Charte, elle a appelé la Russie à mettre sans délais et sans condition un terme à son invasion. 

M. ADRIEN BALUTEL, Secrétaire d’État de la République de Moldova, condamnant l’agression russe en Ukraine, a rappelé que toute annexion d’un État par un autre État en employant la force était une violation de la Charte des Nations Unies et du droit international.  Dénonçant l’initiative russe d’organiser des « soi-disant élections » dans les territoires occupés d’Ukraine, le Secrétaire d’État de Moldova, pays voisin de l’Ukraine, s’est inquiété du risque d’un recours à la menace de l’arme nucléaire par l’agresseur, ainsi que de ses attaques sur les infrastructures critiques et essentielles.  Il a demandé à la Russie de respecter les accords internationaux en matière de sécurité nucléaire.  Vivement préoccupé par l’augmentation du nombre de victimes civiles et de la destruction d’infrastructures, le Secrétaire d’État s’est dit « effaré » par les rapports faisant état de violations du droit des enfants. Après avoir exhorté la Russie à permettre un accès sans entrave à l’aide humanitaire dans les territoires occupés, il a dénoncé l’utilisation par la Russie de produits alimentaires comme arme, comme en témoigne son retrait de l’Initiative de la mer Noire et le bombardement récent de la ville d’Odessa.

M. ROBE OLIPHANT, Secrétaire parlementaire de la Ministre des affaires étrangères du Canada, a rappelé que le 12 octobre dernier, 143 États Membres de cette Assemblée ont voté pour condamner la tentative illégale d’annexion de quatre régions ukrainiennes par la Russie.  Nous avons exigé que la Russie se retire immédiatement, complètement et inconditionnellement du territoire ukrainien, pourtant cette dernière continue de violer la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, a-t-il déploré.  La Russie continue de mépriser le droit international et la Charte des Nations Unies, qui constituent la base de tout ce que nous faisons ici, s’est-il indigné.  Le Vice-Ministre a fait un parallèle avec les méthodes russes utilisées lors de l’annexion de la Crimée en 2014: référendums fictifs, remplacement du matériel scolaire, remplacement des noms de lieux ukrainiens par des noms soviétiques, remplacement des fonctionnaires locaux, remplacement des documents officiels. Les autorités russes ont militarisé le territoire ukrainien qu’elles occupent temporairement, sapant la cohésion des communautés civiles ukrainiennes et les associant de force à l’effort de guerre de la Russie, a-t-il constaté.  De plus, les civils n’ont qu’un accès limité aux hôpitaux, qui donnent la priorité au traitement des soldats russes.  Le Vice-Ministre a également abordé le cas de la centrale nucléaire de Zaporijia où le maintien de la présence militaire russe fait considérablement augmenter le risque d’un incident nucléaire.  À ses yeux, la vie des enfants qui a été gâchée par cette guerre, y compris dans les territoires contrôlés par la Russie, est l’une des plus grandes tragédies.  L’éducation de plus de cinq millions d’enfants ukrainiens a été gravement perturbée, s’est emporté le représentant parlant d’écoles endommagées, pillées ou détruites et de milliers d’enfants ukrainiens déportés ou enlevés par la Russie.  Il a applaudi la ténacité du peuple ukrainien face à cette agression, assurant que le Canada travaille avec ses partenaires pour veiller à ce que les violations du droit international en Ukraine fassent l’objet d’une enquête et que leurs auteurs soient tenus pour responsables. 

M. SHUNSUKE TAKEI, Ministre des affaires étrangères du Japon, a dit que son cœur « se brise » à chaque fois qu’il regarde les horribles images venant d’Ukraine où les gens fuient, et où les infrastructures civiles sont détruites.  La préfecture de Miyazaki, une ville de 1 un million d’habitants, l’équivalent de la région de Kherson, reçoit des réfugiés ukrainiens, comme le reste du Japon, qui a accueilli au total plus de 2 000 réfugiés, ce dont il s’est dit fier bien que ce chiffre demeure modeste.  Le Japon a également décidé d’accueillir des soldats ukrainiens blessés et annoncé une aide de 7,6 milliards de dollars à l’Ukraine, a ajouté le Ministre.  Condamnant la Russie pour avoir « pris le reste du monde en otage » et choisi de mettre fin à sa participation à l’Initiative de la mer Noire, il a demandé instamment à la Russie de revenir dans le cadre international et de cesser de rejeter sur les autres la responsabilité des crises qu’elle a elle-même créées par son agression.  Un retrait complet et inconditionnel des forces militaires russes devrait faire partie intégrante d’un accord de paix futur, une paix fondée sur les principes de la Charte des Nations Unies, a conclu le Ministre. 

Mme MARIA TRIPODI, Secrétaire d’État aux affaires étrangères et à la coopération internationale de l’Italie, a accusé la Russie d’avoir attaqué les principes fondamentaux du droit international et de la Charte des Nations Unies en envahissant l’Ukraine.  Elle l’a accusée d’avoir opté pour un ordre international basé sur la loi du plus fort, « une approche inacceptable pour l’Italie ».  La Secrétaire d’État a souligné que l’agression de l’Ukraine a des répercussions bien au-delà de ses frontières, puisqu’elle affecte la sécurité alimentaire mondiale.  Face au retrait de la Russie de l’Initiative de la mer Noire, elle a appelé à miser sur les couloirs de sécurité européens pour maintenir les exportations céréalières de l’Ukraine et éviter ainsi une nouvelle crise alimentaire.  Selon elle, toute action visant à reconnaître l’occupation russe en Ukraine ouvrirait la porte à une dynamique qui a été rejetée par la communauté internationale à la fin de la Seconde Guerre mondiale.  Dès lors, la Secrétaire d’État a encouragé tous les États Membres de l’Assemblée générale à œuvrer pour une paix globale, juste et durable en Ukraine qui garantisse sa souveraineté et son intégrité territoriale.  Pour sa part, l’Italie soutient la formule en 10 points de l’Ukraine, a-t-elle annoncé.

M. FRANO MATUSIC, Ministre des affaires étrangères de la Croatie, a déploré l’impact de l’agression russe non provoquée sur l’architecture de la sécurité régionale et mondiale, y compris pour ce qui est de la sûreté nucléaire. Le Ministre s’est, en outre, alarmé de la grave situation des droits humains dans les territoires ukrainiens temporairement occupés, renvoyant aux nombreux rapports de l’ONU qui ont documenté des cas d’exécutions sommaires, de torture, sans mentionner, a-t-il insisté, l’impact inquiétant de l’agression brutale de cette guerre sur les enfants, dont des milliers ont été kidnappés par les forces russes.  Il s’est de même inquiété des retombées de cette guerre sur la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).  Le Ministre a évoqué les répercussions économiques dans de nombreux secteurs au niveau mondial, s’inquiétant en particulier de la pénurie alimentaire qui menace plusieurs régions du monde.  À cet égard, il a qualifié la décision russe de ne pas reconduire l’Initiative de la mer Noire, de « coup dur » porté à de nombreux pays.  Sur le plan humanitaire, il a fustigé le refus de la Russie d’honorer ses obligations découlant du droit international humanitaire, l’exhortant à assurer un accès humanitaire sûr et sans obstacle aux populations civiles ayant besoin d’assistance.  Pour sa part, depuis le début de cette agression, son pays s’est tenu fermement aux côtés de l’Ukraine et de son peuple, a poursuivi le Ministre, rappelant l’aide à hauteur de 230 millions d’euros fournie par la Croatie où 25 000 Ukrainiens bénéficient en outre d’un statut de protection temporaire.  Pour finir, le Ministre a donné rendez-vous à l’assistance à la conférence internationale des donateurs en faveur de l’Ukraine qui se tiendra en Croatie en octobre de cette année.

M. EAMON RYAN, Ministre de l’environnement, du climat, des communications et des transports de l’Irlande, a considéré que la guerre choisie par la Russie n’est pas seulement une guerre contre le peuple ukrainien, mais aussi une guerre contre la Charte des Nations Unies et le système multilatéral.  Il a appelé à protéger la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues.  « Ces frontières n’ont pas changé et le recours à la force par la Russie ne les modifiera pas. »  Le Ministre a jugé essentiel que le droit international, y compris le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, soit pleinement respecté et défendu.  Il a redouté que la guerre ne provoque une catastrophe environnementale, avec des événements comme la destruction du barrage de Kakhovka, mais aussi avec les activités « imprudentes » de la Russie autour de la centrale nucléaire de Zaporijia.  « Soyons clairs, la protection des civils doit primer », a tranché le Ministre, et la Russie doit être tenue pour responsable de ses actes.  Enfin, il a rappelé que la guerre d’agression menée par la Russie menace la sécurité alimentaire mondiale.  « La militarisation de la nourriture par la Russie est inacceptable », a formulé le Ministre.  Soutenant les travaux du Secrétaire général sur l’Initiative de la mer Noire, il a exhorté la Russie à « cesser de jouer » et à revenir immédiatement sur sa décision de s’en retirer.

M. MARKO ŠTUCIN, Ministre des affaires étrangères et européennes de la Slovénie, a condamné l’acte d’agression de la Russie, la violation du droit international et l’atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine « qui compromettent la sécurité mondiale ». Nous rejetons en outre fermement et sans équivoque la tentative d’annexion illégale des régions ukrainiennes de Donetsk, Luhansk, Kherson et Zaporijia ainsi que de la République autonome de Crimée et de Sébastopol, et restons attachés à cette politique de non-reconnaissance, a-t-il dit.  Pour le représentant, toute tentative d’organiser en septembre prochain d’autres élections dans les territoires temporairement occupés constituera de fait une nouvelle violation du droit international.  Il a souligné que son pays reste engagé dans la lutte contre l’impunité et pour la responsabilisation des auteurs d’atrocités, « y compris celles commises en Ukraine ».  Il a ainsi attiré l’attention sur la tenue, en mai dernier, d’une conférence diplomatique ayant abouti à l’adoption de la Convention Ljubljana-La Haye sur la coopération internationale pour les enquêtes et les poursuites concernant le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les autres crimes de droit international, Convention parfois désignée comme « Traité d’entraide judiciaire ».  Il a appelé tous les pays à devenir sans délais parties à cette convention. 

M. STEVEN COLLET, Ministre de la coopération internationale des Pays-Bas, a défendu l’indépendance de l’Ukraine et demandé à la Russie de retirer ses troupes et de suspendre immédiatement ses opérations.  Préoccupé par les violations à grande échelle des droits humains commises par la Russie en Ukraine, il a appuyé les efforts déployés par l’ONU pour établir des rapports et recueillir des preuves.  Le Ministre a demandé à la Russie de cesser les enlèvements et le transfert d’enfants ukrainiens, se félicitant, dans ce contexte, du mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI).  Il a aussi dénoncé les disparitions forcées, les viols, ainsi que les meurtres de civils, soulignant que « l’impunité n’est pas envisageable ».  Il a enfin dénoncé la tentative par la Russie d’utiliser les produits alimentaires comme une arme en se retirant de l’Initiative de la mer Noire et l’a enjointe à revenir sur sa décision sans tarder.

M. OLOF SKOOG, de l’Union européenne, a condamné la guerre d’agression non provoquée et injustifiée menée par la Russie, rappelant que cette réunion ne concerne pas seulement l’Ukraine, mais tous les pays dans cette salle. « Il s’agit du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de tous les États. »  Évoquant la situation très préoccupante des droits humains dans les territoires temporairement occupés, il a déploré le large éventail de violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme commises en Ukraine par la Russie, dont nombre constituent des « crimes de guerre ».  L’Observateur a cité le dernier rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme qui a fait état de 864 cas de détention arbitraire de civils par la Russie, de 77 exécutions sommaires de civils, concluant que les autorités russes se sont livrées à des actes de torture et à des mauvais traitements généralisés à l’encontre des détenus civils. 

Quant au récent rapport du Secrétaire général sur la situation des enfants dans les conflits armés, a noté l’Observateur, il désigne l’armée russe et les groupes armés affiliés comme principaux auteurs de graves violations à l’encontre des enfants.  L’Union européenne (UE) condamne avec la plus grande fermeté la déportation et le transfert illicites d’enfants ukrainiens et d’autres civils vers la Russie et le Bélarus, a-t-il dit, appelant ces pays à assurer immédiatement leur retour en toute sécurité.  De plus l’UE reste déterminée à faire en sorte que la Russie soit tenue pleinement pour responsable de sa guerre d’agression contre l’Ukraine.  À cet égard, le centre international chargé des poursuites pour le crime d’agression contre l’Ukraine a d’ores et déjà entamé ses travaux à La Haye avec pour objectif de créer un tribunal chargé de poursuivre ce crime d’agression.  Enfin, a conclu l’Observateur, l’UE se félicite de la création par le Conseil de l’Europe du Registre des dommages pour l’Ukraine causés par l’agression de la Russie contre ce pays et demande que les travaux se poursuivent, conformément à la résolution de l’Assemblée générale. 

« Donetsk c'est l’Ukraine, Luhansk c’est l’Ukraine, Kherson c’est l’Ukraine, Zaporijia c’est l’Ukraine et la Crimée c’est l’Ukraine », a enfin déclaré avec fermeté le représentant, assurant que le monde n’acceptera pas la tentative d’accaparement de ces territoires par la Russie, et que l’agresseur sera tenu responsable de ces actes illégaux.

M. MOHAMMED ALI AHMED AL SHEHHI (Oman), au nom du Conseil de coopération du Golfe, a assuré que les pays membres du Conseil suivent de près l’évolution de la situation humanitaire dans les territoires temporairement occupés d’Ukraine, tout en respectant le principe de non-ingérence consacré par la Charte des Nations Unies.  Seul un règlement du différend par les voies diplomatiques permettra une issue durable à la crise, a-t-il avancé, saluant les efforts de paix et les efforts humanitaires déployés par les pays qui accueillent des milliers de réfugiés provenant de la zone de conflit.  Le représentant a demandé aux parties au conflit de respecter leurs obligations internationales en ce qui concerne les prisonniers, les personnes déplacées et les personnes disparues.  L’Initiative de la mer Noire doit être réactivée, a-t-il ajouté, soulignant qu’en plus d’assurer la sécurité alimentaire mondiale elle offre des possibilités de poursuivre des efforts diplomatiques bénéfiques à tous les pays du monde. 

Mme MARITZA CHAN VALVERDE (Costa Rica) a regretté l’absence de mesures concrètes et immédiates pour mettre fin à la guerre d’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie.  De fait, a-t-elle étayé, plus de 500 jours après cette agression, il n’y a « toujours pas » de plan pour un cessez-le-feu.  Un tel silence entretient non seulement un pari dangereux, avec un potentiel réel d’escalade nucléaire, mais il ne rend pas service aux populations qui continuent de souffrir, a averti la représentante.  Si le Costa Rica reconnaît sans équivoque la lutte légitime de l’Ukraine contre l’agression russe, il se dit « consterné » par le transfert d’armes à sous-munitions à l’Ukraine.  Les armes à sous-munitions ne permettent pas de gagner des guerres, a-t-elle mis en garde en s’inquiétant des dommages et souffrances à long terme sur les populations civiles.  Par ailleurs, la représentante a regretté la suspension par la Russie de l’Initiative de la mer Noire et déploré les implications de ce conflit sur les États d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie qui dépendent du blé ukrainien. C’est pourquoi elle a souligné l’urgence de négocier un cessez-le-feu en Ukraine, suivi d’un retrait rapide des forces russes. 

Il s’agit aussi de réfléchir à la meilleure façon de réparer ce dernier « coup porté à la crédibilité de notre système multilatéral ». 

M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein), rappelant que l’agression russe contre l’Ukraine n’avait pas commencé l’an dernier, a appelé l’Assemblée générale à examiner honnêtement ses actions et omissions passées, ainsi que leurs conséquences.  De son point de vue, sa « réaction molle » à l’annexion de la Crimée en 2014 a malheureusement contribué à créer les conditions d’une invasion à grande échelle par la Russie en 2022.  Alors qu’aucun État ni aucun peuple ne devrait avoir à endurer ce que l’Ukraine a enduré, la Charte des Nations Unies offre des protections claires contre l’agression, qu’il a sommé de faire respecter.  Le délégué a néanmoins jugé que la réponse de l’Assemblée à l’invasion à grande échelle de l’Ukraine la met sur la bonne voie pour éviter de répéter les erreurs de 2014.  En effet, l’Assemblée a réaffirmé l’illégalité de l’agression et défini les normes minimales qui peuvent sous-tendre une paix globale, juste et durable. Elle a exigé, a-t-il rappelé, le retrait complet de toutes les forces militaires russes du territoire de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, et le plein respect par les parties de leurs obligations au titre du droit international humanitaire.

M. SEDAT ÖNAL (Türkiye) a expliqué que son pays reste attaché à l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, et qu’il donne, depuis le début de cette crise, la priorité à la diplomatie en essayant de contribuer à la recherche d’une solution politique juste.  La Türkiye est favorable aux efforts visant à établir les responsabilités afin de prévenir les violations du droit international humanitaire et du droit international des droits humains.  Dans ce cadre, le représentant a prié toutes les parties de mener des enquêtes rapides et impartiales sur toutes les allégations de violations et de demander des comptes à leurs auteurs.  Par ailleurs, la guerre continue d’avoir des répercussions négatives sur les prix de l’énergie et la chaîne d’approvisionnement, a constaté le représentant en rappelant que l’Initiative de la mer Noire a eu un effet stabilisateur sur les prix et qu’elle a contribué à la sécurité alimentaire mondiale pendant près d’un an.  Il a donc espéré que la suspension de l’Initiative sera temporaire et que les opérations reprendront dès que possible « en répondant aux besoins et aux attentes de toutes les parties prenantes ».  Pour la Türkiye, il faut en outre assurer la sûreté et la sécurité à l’intérieur et autour de la centrale nucléaire de Zaporijia, une responsabilité délicate, en particulier après la destruction de la centrale hydroélectrique de Kakhovka.  Par conséquent, toute action susceptible de conduire à une escalade autour de la centrale doit être évitée, a demandé le représentant.  En conclusion, il a réaffirmé la position de longue date de la Türkiye, à savoir que la trajectoire et le règlement de ce conflit ne peuvent pas se décider uniquement sur le champ de bataille. 

Mme CARLA MARIA RODRÍGUEZ MANCIA (Guatemala) a réaffirmé l’attachement de son pays à la Charte des Nations Unies qui contient des principes que tous les États Membres doivent respecter.  Elle a condamné les violations flagrantes par la Russie du droit international et du droit international des droits humains, rappelant que le Guatemala a coparrainé toutes les résolutions présentées à l’Assemblée générale et soutenu d’autres initiatives internationales, y compris la création d’une commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine au Conseil des droits de l’homme.  En outre, son pays a cofacilité l’initiative à l’Assemblée générale relative à la création d’un registre international pour documenter les preuves et les informations sur les allégations concernant les dommages, les pertes et les préjudices causés à toutes les personnes physiques et morales en Ukraine, a rappelé la représentante.  Elle a appuyé la formule de paix présentée par l’Ukraine, qui vise à instaurer une paix globale, juste et durable, ainsi que la plateforme pour la Crimée, qui témoigne clairement de la mobilisation de la communauté internationale et constitue une étape décisive vers la désoccupation des territoires et leur retour sous le contrôle de l’Ukraine.  D’autre part, la représentante a confirmé l’appui du Guatemala à la création d’un tribunal spécial pour l’agression russe contre l’Ukraine, sur la base d’un accord entre l’Ukraine et l’ONU.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a rappelé qu’en 2008, la Russie avait déjà occupé une partie de la Géorgie par une guerre brutale.  Six ans plus tard, elle s’est une fois encore engagée à planter son drapeau en Ukraine, et « le monde a eu tort de ne pas sentir que cet acte n’était qu’un avant-goût de son agression en Ukraine à grande échelle, massive et non provoquée ».  La guerre a causé des conséquences inimaginables dans le monde entier, a-t-il rappelé, faisant augmenter l’insécurité alimentaire dans le monde.  Et comme si cela ne suffisait pas, la Russie s’est retirée de l’Initiative de la mer Noire, tout en menaçant de faire usage du feu nucléaire, s’est indigné le délégué, estimant qu’il appartient à la communauté internationale de tout mettre en œuvre pour stopper la Russie.

M. RENÉ ALFONSO RUIDÍAZ PÉREZ (Chili), appelant au respect des frontières internationalement reconnues de l’Ukraine, a souligné que Zaporijia, Kherson, Donetsk et Luhansk sont des régions ukrainiennes.  Le Chili promeut la pleine application du droit international humanitaire pour protéger les civils et les infrastructures civiles en cas de conflit armé, a-t-il indiqué, soulignant que les parties belligérantes doivent toujours respecter leurs obligations internationales et, en particulier, permettre l’acheminement de l’aide humanitaire aux civils.  Le représentant a également rappelé que seul le plein respect des principes de la Charte des Nations Unies permet la coexistence entre États, à savoir: éviter le recours ou la menace du recours à la force contre l’intégrité territoriale et l’indépendance politique des États, résoudre les différends par des moyens pacifiques et honorer de bonne foi les obligations relatives au droit international. 

Mme FIONA WEBSTER (Australie) a noté que l’Ukraine ne se bat pas seulement pour sa propre souveraineté nationale.  Elle se bat pour la Charte des Nations Unies et pour l’état de droit international.  Dénonçant l’impact de l’agression russe sur la sécurité alimentaire et énergétique mondiale, la représentante a fait part de son inquiétude quant à l’impact sur les pays en développement et les populations les plus vulnérables du non-renouvellement de l’Initiative de la mer Noire.  Elle a donc demandé à la Russie de démontrer son engagement envers ses partenaires des pays en développement et de permettre la reprise de ce commerce vital.  Qualifiant l’agression de la Russie de violation flagrante de la Charte des Nations Unies et du droit international, la représentante a dit qu’elle ne saurait être « ni normalisée, ni minimisée ».  Elle a appelé la Russie à retirer immédiatement ses forces militaires du territoire ukrainien.  L’Australie est également profondément préoccupée par les conclusions de la Commission d’enquête internationale indépendante du Conseil des droits de l’homme, selon lesquelles les autorités russes ont violé le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, et ont commis une série de crimes de guerre.  La représentante a assuré que son pays continue de travailler avec ses partenaires pour que la Russie et les auteurs de tels crimes rendent des comptes. Notre objectif est d’aider l’Ukraine à venir à bout de cette guerre selon ses propres termes et dans le respect du droit international, a-t-elle conclu. 

M. JAKUB KULHANEK (République tchèque) a condamné avec la plus grande fermeté la pratique des autorités d’occupation russes consistant à déporter et adopter de force des enfants ukrainiens tout en créant des obstacles à leur réunification avec leurs parents.  Le représentant a déploré leur « embrigadement » dans l’idéologie nationaliste et militariste agressive de la Russie.  Il a partagé le point de vue de la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine selon lequel la déportation forcée par la Russie d’enfants ukrainiens vers des zones qu’elle contrôle constitue un crime de guerre.  À cet égard, son pays soutient l’enquête menée par la Cour pénale internationale (CPI) sur la situation en Ukraine et se félicite des mandats d’arrêt lancés contre le Président Putin et la Commissaire aux droits de l’enfant, Mme Lvova-Belova. Les crimes d’agression commis par les dirigeants de la Russie ne doivent pas rester impunis, a-t-il martelé, convaincu qu’un tribunal spécial chargé d’enquêter sur ces crimes est absolument nécessaire.  Sa création doit reposer sur une base légale solide, a-t-il insisté.  De même, le représentant s’est dit préoccupé par les attaques délibérées de la Russie contre les infrastructures civiles ukrainiennes, un « comportement irresponsable » qui compromet la sûreté et la sécurité nucléaires de la centrale de Zaporijia, ce qui représente, à ses yeux, un risque inacceptable non seulement pour l’Ukraine, mais au-delà. Il a également déploré la destruction du barrage de Kakhovka, reprochant à la Russie de n’avoir fait aucun effort pour aider la population locale.

Dans le même ordre d’idée, il a fustigé le retrait unilatéral de la Russie de l’Initiative de la mer Noire, malgré les efforts de l’ONU et de la Türkiye. 

Mme ANDREEA MOCANU (Roumanie) a mis l’accent sur le fait que les rapports d’organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales, dont ceux du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, de la Commission d’enquête des Nations Unies et du Représentant spécial du Secrétaire général sur les enfants dans les conflits armés, soulignent que la Russie a commis des violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme sur le territoire de l’Ukraine.  Le large éventail d’atrocités commises par des soldats russes, mais aussi par des sous-traitants militaires privés engagés par la Russie, constituent des crimes de guerre, a-t-elle affirmé, ajoutant que les auteurs de ces crimes devront être tenus responsables de leurs actes.  La représentante, estimant que les États Membres ne peuvent être spectateurs des conséquences de l’impunité au risque de devenir complices de celle-ci, s’est félicitée du démarrage des opérations du Centre international pour la poursuite du crime d’agression contre l’Ukraine (ICPA) à La Haye.

M. KARL LAGATIE (Belgique)a déclaré que par son agression de l’Ukraine, qui a fait suite à l’annexion de territoires occupés temporairement, la Russie enfreint de manière persistante les principes énoncés dans la Charte des Nations Unies.  Il a jugé essentiel de prendre la pleine mesure de la menace que l’action de la Russie fait peser sur la Charte, les violations de ses principes ayant été constatées et condamnées par l’Assemblée générale à de nombreuses reprises.  Néanmoins, après qu’en février dernier une écrasante majorité d’États Membres ont exigé de la Russie qu’elle retire immédiatement, complètement et sans condition toutes ses forces militaires du territoire ukrainien, « rien n’y a fait! » s’est exclamé le représentant.  Dans ce contexte, il a appelé l’Assemblée à ne laisser aucune violation de la Charte sans réaction, l’agression de l’Ukraine par la Russie constituant « un crime contre la paix », un crime de droit international dont les auteurs ne peuvent rester impunis.  Compte tenu de l’impossibilité de voir la Cour pénale internationale (CPI) saisie en raison de la paralysie du Conseil de sécurité, la Belgique appuie pleinement les efforts déployés pour mettre en place un tribunal international spécial chargé des poursuites pour le crime d’agression contre l’Ukraine et invite les membres de cette Assemblée à en faire autant. Après avoir partagé les inquiétudes du Secrétaire général quant aux enlèvements et transferts d’enfants vers la Russie, le représentant a réaffirmé l’attachement de son pays aux principes de la Charte, et donc à la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières reconnues internationalement, y compris ses eaux territoriales.  « La Crimée, Kherson, Zaporijia, Donetsk et Luhansk font, dans leur totalité, partie intégrante de l’Ukraine », a-t-il conclu. 

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a condamné l’annexion de territoires ukrainiens, « de la Crimée en 2014, aux régions ukrainiennes de Donetsk, Kherson, Luhansk et Zaporijia en septembre dernier », qui constitue une grave violation du droit international.  L’Assemblée générale, a-t-elle rappelé, a exigé de la Russie qu’elle annule immédiatement et sans conditions toutes les décisions prises à ce sujet, et la Suisse déplore que la Russie ait jusqu’à présent ignoré ces appels.  La représentante a appelé la Russie à entamer immédiatement une désescalade de la situation, à cesser toutes les opérations de combat et à retirer sans délai ses troupes du territoire ukrainien.  Toute nouvelle démarche allant dans le sens d’une annexion ou de toute autre violation du droit international doit être évitée, a-t-elle averti, exhortant la Russie à renoncer aux élections annoncées pour septembre 2023 dans les régions précitées. « La Suisse ne reconnaîtra pas les résultats de ces scrutins », a-t-elle prévenu.  Après s’être dite préoccupée par les cas d’exécutions sommaires, de détentions arbitraires et de disparitions forcées, d’actes de torture et de mauvais traitements, de déportations d’enfants ainsi que de violences sexuelles liées au conflit, la représentante a fait valoir que ces crimes doivent faire l’objet d’enquêtes et que leurs auteurs, quels qu’ils soient, doivent être traduits en justice.  C’est en ce sens qu’elle a réitéré le soutien de la Suisse aux diverses enquêtes nationales et internationales indépendantes et salué le travail effectué par la Cour pénale internationale (CPI).  Les efforts de paix doivent revenir au centre de nos discussions, a-t-elle dit au Président de l’Assemblée générale, assurant que la Suisse est prête à offrir son soutien « pour que la souffrance du peuple ukrainien et des personnes affectées par cette guerre dans le monde entier cesse enfin ». 

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a dit que la Russie avait violé de façon flagrante le droit international et la Charte des Nations Unies en envahissant l’Ukraine et en falsifiant des élections dans des territoires occupés, entre autres.  La Russie n’a pas changé de politique, a-t-il souligné, pas plus qu’elle n’essaie de libérer des civils ukrainiens, comme elle le prétend.  Au contraire, elle s’efforce de contrôler des territoires par la violence, y compris la torture et les exécutions sommaires, en tentant d’éradiquer la culture ukrainienne.  Les Criméens, notamment les Tatars, font face à l’oppression depuis 2014, et sont conscrits de force dans l’armée russe, a rappelé le délégué, qui a assuré que le Royaume-Uni soutiendrait l’Ukraine jusqu’à ce que son intégrité territoriale soit de nouveau garantie.

M. MARK SEAH (Singapour) a regretté la paralysie du Conseil de sécurité face à l’une des crises les plus graves de notre époque.  Compte tenu de l’abus par la Russie de sa position privilégiée de membre permanent du Conseil et de son droit de veto, il a estimé qu’il appartient à l’Assemblée générale de s’exprimer et de dire clairement, au nom de la communauté internationale, que « les violations de la Charte des Nations Unies et du droit international ne sont pas acceptables ».  Le délégué s’est dit préoccupé par la situation humanitaire en Ukraine ainsi que par les rapports faisant état de crimes de guerre, du refus de l’aide humanitaire aux régions de l’Ukraine sous occupation russe et du bombardement de civils évacuant le pays.  Singapour appelle toutes les parties à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire, a-t-il dit, avant de déplorer la suspension de l’Initiative de la mer Noire, « un moyen de survie pour des millions de personnes dans le monde ».  Le délégué s’est également inquiété de la situation des centrales nucléaires ukrainiennes -et en particulier la centrale nucléaire de Zaporijia- qui se trouvent dans des zones de conflit actives et sont soumises à des tensions considérables depuis plus d’un an.  Après avoir confirmé le soutien de Singapour aux sept piliers indispensables à la sûreté et à la sécurité nucléaires et aux cinq règles concrètes pour la sûreté de la centrale nucléaire de Zaporijia énoncées par le Directeur général de l’AIEA dans sa déclaration au Conseil de sécurité le 30 mai dernier, il a exhorté tous les États Membres, en particulier les parties au conflit, à soutenir sans équivoque ces principes et à apporter à l’AIEA le soutien nécessaire à l’accomplissement de son travail. 

Mme LACHEZARA STOEVA (Bulgarie) a rejeté les tentatives de la Fédération de Russie visant à modifier par la force les frontières internationalement reconnues de l’Ukraine.  La représentante a vu dans la décision russe d’organiser des « élections » dans les territoires temporairement occupés une nouvelle tentative flagrante de redessiner les frontières de l’Ukraine de l’après-guerre froide.  Sur le plan humanitaire, elle a pointé du doigt la situation désastreuse dans ces territoires, ainsi que les violations brutales du droit international humanitaire par la Russie.  Fustigeant la « faillite morale du Kremlin », elle a demandé que cesse immédiatement la déportation illégale d’enfants ukrainiens vers la Russie.  La représentante a exhorté la Russie à respecter pleinement le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, et à permettre un accès humanitaire sûr et sans entrave à toutes les personnes dans le besoin.  En tant que pays riverain de la mer Noire, la Bulgarie est profondément préoccupée par la décision prise hier par la Russie de mettre fin à l’Initiative de la mer Noire. Par cet acte « irresponsable », la Russie bloque les ports maritimes de l’Ukraine et menace la liberté de navigation dans la mer Noire, a déploré la représentante.  Elle crée également les conditions de nouvelles vagues d’insécurité alimentaire et d’instabilité économique dans le monde, en particulier dans les pays du Sud où le prix de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine est particulièrement élevé. 

M. VLADIMIR VUCINIC (Monténégro) a déploré qu’un membre permanent du Conseil de sécurité, détenteur de l’arme nucléaire et portant la responsabilité la plus importante du maintien de la paix et de la sécurité internationales, ait foulé aux pieds le droit international, y compris la Charte des Nations Unies.  Personne ne peut rester silencieux à ce sujet, d’autant plus, a fait remarquer le représentant, que les conséquences de l’agression russe ne sont pas seulement ressenties en Ukraine, mais ont provoqué des crises énergétique, alimentaire et financière mondiales qui affectent particulièrement les pays les moins développés.  À cet égard, il a regretté que la Fédération de Russie n’ait pas accepté de reconduire l’Initiative de la mer Noire.  Le représentant a réitéré sa ferme condamnation de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine et exprimé son soutien à l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, ainsi qu’à son droit inhérent à l’autodéfense contre l’agression russe.  Il a reconnu également son droit à demander un soutien international pour ces efforts. Pour sa part, le Monténégro continuera à soutenir l’Ukraine et son peuple aussi longtemps qu’il le faudra et à fournir un soutien financier, humanitaire, militaire et diplomatique. 

M. JOONKOOK HWANG (République de Corée) s’est dit profondément préoccupé par l’accord relatif au déploiement d’armes nucléaires russes au Bélarus.  De telles actions et une telle rhétorique d’escalade sont contraires à la déclaration conjointe des dirigeants du P5 publiée en janvier 2022, dans laquelle la Russie avait réaffirmé qu’une guerre nucléaire ne peut être gagnée et partant, ne doit jamais être déclenchée.  Le représentant a appelé la Russie à renouveler cet engagement par des actes concrets et a réitéré le plein soutien de son pays aux cinq principes du Directeur général de l’AIEA pour assurer la sûreté et la sécurité nucléaires à Zaporijia. La Russie doit restituer le contrôle de la centrale aux autorités ukrainiennes compétentes et y retirer son personnel, a insisté le représentant.

M. CARLOS AMORÍN (Uruguay) a dénoncé les conséquences délétères du conflit, non seulement pour la région, mais aussi pour le monde entier, et condamné l’agression russe comme une violation flagrante de la Charte des Nations Unies.  Exhortant la Russie à retirer ses troupes de toute urgence, il a rappelé que son pays a toujours insisté sur la nécessité de respecter à la lettre le droit international et sur le fait que le recours à la force pour annexer un territoire dans un contexte d’agression est en tout point illégal.  Il a donc réitéré son plein soutien à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, et appelé les parties à entamer un dialogue pour désamorcer la situation.

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a condamné toutes les tentatives de la Fédération de Russie d’intégrer de force la péninsule de Crimée illégalement annexée en 2014, ainsi que l’imposition automatique de la citoyenneté russe, les campagnes électorales, les votes illégaux, le recensement de la population, la modification forcée de la structure démographique et la suppression de l’identité nationale.  Elle a dénoncé les violations de droits humains qui y sont perpétrées depuis, en particulier celles qui visent la communauté des Tatars de Crimée, et a exigé que l’on établisse les responsabilités des auteurs.  En tant qu’Organisation qui promeut les valeurs de la paix, de la sécurité et du dialogue, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) reste un partenaire essentiel dans la résolution de ce conflit, a-telle estimé, en saluant le travail réalisé dans le cadre du programme de soutien de l’OSCE à l’Ukraine, lancé en novembre de l’année dernière. 

Ce programme, a-t-elle expliqué, contribue à relever les défis immédiats posés par la guerre et à soutenir les réformes à long terme pour renforcer la résilience démocratique et sociale de ses institutions.  La déléguée a ensuite insisté sur la nécessité de renforcer la coopération internationale par le biais de la plateforme internationale pour la Crimée, en réaffirmant que Malte ne reconnaîtra jamais l’annexion illégale de la péninsule et de la ville de Sébastopol par la Fédération de Russie. Elle a exhorté cette dernière et les formations armées qu’elle soutient à respecter le droit international, y compris le droit international humanitaire, à cesser immédiatement et inconditionnellement son agression et à retirer toutes ses troupes et tous ses mandataires de l’ensemble du territoire de l’Ukraine.  Elle a aussi encouragé la Fédération de Russie à reprendre les discussions pour rétablir et faciliter l’accès sans entrave à la Crimée des mécanismes internationaux et régionaux de surveillance des droits de l’homme.

Mme ANTJE LEENDERTSE (Allemagne) s’est dite touchée par le courage et la détermination du peuple ukrainien, promettant de les soutenir jusqu’à ce qu’ils aient rétabli le contrôle total de l’ensemble de leur territoire, dans les frontières internationalement reconnues.  Pour la représentante, il ne peut y avoir une chance de paix que lorsque toutes les troupes russes auront quitté l’Ukraine.  En attendant, elle s’est félicitée de toutes les initiatives de l’Assemblée générale et des acteurs internationaux mais elle a voulu que l’on évite les mesures qui perpétuent l’agression et l’occupation illégales.  Elle a estimé important qu’un groupe de pays ait d’ores et déjà commencé à travailler sur la formule de paix de l’Ukraine, à Kyïv même après Copenhague.  Elle a averti contre un cessez-le-feu sans retrait russe qui condamnerait des millions d’Ukrainiens à une occupation indéfinie, craignant que toute concession territoriale de la part de l’Ukraine enhardisse l’agresseur et d’autres envahisseurs potentiels dans le monde. 

Nous ne reconnaîtrons jamais l’annexion illégale par la Russie de Donetsk, Luhansk, Kherson, Zaporijia et de la Crimée, car ces territoires appartiennent à l’Ukraine, a martelé la déléguée.  Pour elle, une paix globale qui rétablirait les bases des relations futures entre la Russie et l’Ukraine comprendrait également des compensations et l’établissement des responsabilités, a fait valoir la diplomate, rappelant la campagne de bombardements sans relâche de la Russie pour détruire systématiquement les infrastructures civiles, à priver ses citoyens de chauffage, d’électricité et d’eau.  Aujourd’hui, le barrage de Kakhovka est en ruines, ce qui constitue une catastrophe pour des dizaines de milliers d’Ukrainiens et un désastre écologique.  Le danger n’est pas encore écarté pour la centrale nucléaire de Zaporijia, qui reste illégalement occupée par les forces russes. 

Citant la Banque mondiale, la représentante a estimé à 411 milliards de dollars le montant du coût de l’agression de l’Ukraine laquelle est en droit d’attendre une indemnisation de la Russie.

M. EVANGELOS SEKERIS (Grèce) a assuré que son pays ne reconnaîtra jamais l’annexion illégale par la Fédération de Russie de Donetsk, Luhansk, Kherson et Zaporijia, ni de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol.  La Grèce soutiendra l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire, a affirmé le représentant en condamnant la guerre d’agression de la Russie qui représente une menace existentielle pour l’Ukraine et une « atteinte au système multilatéral dans son ensemble ».  Rétablir une paix durable en Ukraine dans le respect du droit international est l’objectif prioritaire de la Grèce, a-t-il expliqué.  Le représentant a condamné la déportation de milliers d’Ukrainiens par les autorités russes, y compris des enfants, et le fait de prendre pour cible les civils.  Voilà pourquoi la Grèce appuie pleinement l’enquête de la CPI, a-t-il dit, ainsi que la création d’un bureau de la Cour en Ukraine.  La Grèce a également rejoint en mars dernier le groupe favorable à l’application du principe de responsabilité pour les crimes commis en Ukraine et adhéré à la création récente au sein du Conseil de l’Europe d’un mécanisme en ce sens.

M. ANTHONY SIMPSON (Nouvelle-Zélande) a exprimé sa vive frustration face à cette invasion illégale par la Russie de l’Ukraine et son occupation qui perdure. Il a donc appelé à la cessation immédiate de ce « conflit insensé » qui met en péril des infrastructures civiles, sans compter le bilan des pertes en vies humaines. Relevant que cela fait plus d’un an que son pays a rejoint les 140 États Membres qui avaient lancé un appel pour le retrait immédiat des troupes russes du territoire ukrainien, il a déploré que cet appel n’ait toujours pas été entendu.  Aujourd’hui, des centaines de millions de personnes dans le monde sont plongées dans la famine et la malnutrition, a-t-il dénoncé, décriant, en outre, la récente décision de la Russie de mettre un terme à la mise en œuvre de l’Initiative de la mer Noire.  Cela est décevant et inconcevable, a-t-il dit, car la sécurité alimentaire n’est pas un « pion dans des jeux politiques ».  C’est pourquoi, il a exhorté la Russie à reprendre sans tarder cette initiative essentielle.

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a condamné la volonté russe de soumission brutale de son voisin et de confiscation de son territoire par la force. Il a également condamné les intentions affichées par la Russie d’annexer d’autres territoires via de nouveaux simulacres de référendum.  Depuis dix-sept mois, a-t-il rappelé, la Russie a tué des dizaines de milliers d’Ukrainiens et provoqué le déplacement de millions de personnes.  Elle a bombardé des centaines d’hôpitaux et d’écoles et enlevé des enfants ukrainiens en bas âge, ses forces armées allant jusqu’à utiliser des civils comme boucliers humains, a poursuivi le représentant. Il s’est en outre inquiété de la persistance russe à militariser toujours plus la centrale nucléaire de Zaporijia et ses environs, mettant ainsi en péril « la survie même de la planète ».  Qualifiant le refus russe de proroger l’Initiative de la mer Noire de « provocation cruelle et égoïste » risquant de déstabiliser les pays en développement, il a exhorté la Russie à revoir sa position en réactivant sans délai l’Initiative.  Cette Assemblée l’a dit sans équivoque en février dernier: toute paix juste et durable en Ukraine doit être basée sur les principes de l’ONU, ce qui signifie que la Russie doit retirer immédiatement et sans contrepartie ses troupes du territoire souverain de l’Ukraine, a conclu le représentant. 

M. RIYAD KHADDOUR (République arabe syrienne) a appelé à résoudre tout conflit régional de manière pacifique, avec respect et compréhension. Il a jugé regrettable que les débats reflètent une tendance négative de la part de « certains États Membres » à utiliser la plateforme de l’Assemblée générale pour polariser, semer la division et diffamer la Fédération de Russie, au lieu de l’utiliser comme un outil efficace pour le respect du droit.  Il a établi un lien entre la situation actuelle et le « coup d’État de Maidan » en 2014, et le changement brutal et sans précédent des relations entre l’Ukraine et la Russie, contrevenant aux principes de bon voisinage et aux relations fraternelles entre les deux peuples.  De son point de vue, l’OTAN et les pays occidentaux ont fait monter la tension et cherché à déstabiliser la région.  Une « interprétation rationnelle des événements », a-t-il poursuivi, doit mener à examiner comment les accords de Minsk de 2015 et la résolution 2202 (2015) ont été bafoués. 

L’hostilité envers la Russie a augmenté depuis un an, a noté le représentant en relevant que toutes sortes d’armes ont été envoyées à l’Ukraine, y compris des armes interdites par les conventions internationales.  Il a jugé qu’un dialogue constructif serait souhaitable entre les parties, regrettant que cela soit malheureusement impossible à l’heure actuelle.  Concernant la Crimée, a-t-il ajouté, la position de la Syrie se fonde sur le récent référendum qui s’y est déroulé.  Il a rappelé que ce référendum reflétait que la majorité des habitants souhaitaient demeurer au sein de la Russie, une aspiration devant être prise en compte, a conclu le délégué.

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a rappelé que depuis l’annexion de la Crimée en 2014 puis l’invasion de l’Ukraine en 2022, le Mexique n’a cessé d’exiger la restauration de la souveraineté, de l’unité et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, et dans le plein respect du droit international, de la Charte des Nations Unies et des résolutions pertinentes de l’ONU. Faisant le bilan de cette crise, il a rappelé que cette guerre a eu un impact sur le prix des denrées alimentaires au niveau mondial, soulignant que l’Initiative de la mer Noire représentait une « lueur d’espoir ».  L’interruption de cet accord aura d’énormes répercussions humanitaires, a-t-il mis en garde avant d’appuyer le Secrétaire général dans ses efforts pour trouver les moyens de relancer cette initiative en faveur de la sécurité alimentaire mondiale et de la réduction des souffrances humaines. Le représentant a également fait part des préoccupations du Mexique par rapport à la situation de la centrale nucléaire de Zaporijia.  « Ce n’est pas parce qu’une catastrophe ne s’est pas produite jusqu’à présent qu’elle ne peut pas se produire à l’avenir », a-t-il averti en demandant l’arrêt immédiat de toutes les actions militaires autour de la centrale. Le représentant a également réaffirmé que toutes les violations du droit international, en particulier de la Charte, des droits de l’homme et du droit international humanitaire, qui ont eu lieu dans le cadre de ce conflit armé, dont beaucoup pourraient constituer des crimes internationaux, ne peuvent rester impunies.  À cet égard, il a soutenu les procédures judiciaires en cours devant la Cour internationale de Justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI). 

Mme MARÍA DEL CARMEN SQUEFF (Argentine) a réitéré son inquiétude face à la situation en Ukraine et appelé une fois de plus à la cessation des hostilités et au retour de toutes les parties impliquées à la table des négociations, seul moyen, à son avis, de parvenir à une paix durable.  En tout état de cause, l’Argentine continuera à promouvoir le dialogue et un règlement pacifique pour mettre fin au conflit et garantir une solution juste et durable.  Tout en réaffirmant son soutien aux efforts du Secrétaire général et des autres acteurs qui continuent à œuvrer pour parvenir à une solution rapide du conflit et, dans ce processus, à faciliter un compromis constructif entre les parties, la représentante a néanmoins fait part de sa préoccupation face à l’aggravation de la confrontation armée.  Pire, elle a décrié l’absence de progrès dans les diverses tentatives de médiation et une « escalade dans le déploiement d’armes ayant un plus grand pouvoir de destruction ».  Condamnant les attaques contre la population et les infrastructures civiles, la représentante a noté que l’aide humanitaire devient indispensable à la survie, en particulier pour les plus vulnérables.  C’est pourquoi elle a réitéré son appel à un accès sans restriction à toutes les zones où se trouvent des civils, y compris les zones occupées. 

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a appelé toutes les parties à respecter strictement le droit international, jugeant impératif d’observer pleinement les principes inscrits dans la Charte des Nations Unies, de manière non sélective. Encourageant les parties à désamorcer les hostilités et à rouvrir les voies du dialogue, il a réitéré son soutien à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, « un droit garanti à tous les États par le droit international ».  Le délégué a renouvelé son appel en faveur d’une paix juste et durable, conformément aux principes de la Charte, et tenant compte des préoccupations légitimes de toutes les parties en conflit en matière de sécurité.

M. SHUANG GENG (Chine) a regretté que la logique de la guerre l’emporte en Ukraine avant d’appeler la communauté internationale à déployer des efforts sérieux pour appuyer des négociations pour parvenir à un cessez-le-feu rapide et une solution politique.  Il faut tout faire pour éviter que la situation n’empire, a-t-il insisté en exhortant les deux parties au conflit à faire preuve de calme et de retenue et à faciliter l’accès humanitaire.  La Chine est favorable à la poursuite de la participation de l’AIEA pour sécuriser les installations nucléaires en Ukraine, a dit le représentant en priant les parties de respecter les principes fondamentaux de cette sécurité. Il a appelé à engager le dialogue et à privilégier une solution diplomatique parce qu’il n’y a pas de vainqueur dans les guerres.  « Le dialogue et la négociation sont la seule façon de sortir de la crise en Ukraine. »  D’après le représentant, toutes les parties devraient adopter une philosophie sécuritaire adéquate et rechercher, en retenant les préoccupations de chacun, un équilibre concernant l’architecture sécuritaire européenne qui est à l’origine de cette crise.  Il a demandé à l’ONU de tenir compte des conséquences de la crise ukrainienne sur le développement durable et de veiller à la stabilité alimentaire mondiale. Plus vite il y aura un cessez-le-feu, plus vite des investissements seront faits pour la sécurité alimentaire et la résilience de la chaîne d’approvisionnement mondiale, a-t-il fait valoir.  Il a espéré que les parties à l’Initiative de la mer Noire entameront des négociations pour régler la question de façon appropriée.  Sur la question de l’Ukraine, la Chine restera du côté de la paix et du dialogue avec toutes les parties concernées pour favoriser un règlement le plus rapidement possible, a conclu le représentant.

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) s’est inquiétée des rapports faisant état d’attaques contre des civils et des infrastructures civiles.  De même, la représentante s’est dite préoccupée par l’évolution récente de la situation dans la région, qui n’a pas contribué à défendre la cause plus large de la paix et de la stabilité.  L’Inde a soutenu les efforts du Secrétaire général pour poursuivre l’Initiative de la mer Noire et espère une résolution rapide de l’impasse actuelle, a-t-elle déclaré.  Estimant, par ailleurs, que l’escalade des hostilités et de la violence n’est dans l’intérêt de personne, elle a plaidé en faveur d’un retour urgent au dialogue et à la diplomatie.  Pour elle, le dialogue est la seule réponse au règlement des différends et des litiges, même si cela semble difficile à l’heure actuelle, a-t-elle reconnu.  La voie de la paix exige que « nous maintenions ouverts tous les canaux de la diplomatie », a-t-elle insisté.

La représentante a, en outre, regretté qu’au fur et à mesure que le conflit se poursuit, l’ensemble des pays du Sud subissent des dommages collatéraux substantiels.  Elle donc jugé essentiel que leur voix soit entendue et que leurs préoccupations légitimes soient dûment prises en compte.  Quant à l’approche de l’Inde à l’égard du conflit ukrainien, elle restera centrée sur les personnes, a-t-elle dit, illustrant son propos par l’aide humanitaire apportée à la fois à l’Ukraine et le soutien économique fourni à certains de ses voisins du Sud confrontés aux conséquences du conflit en cours.

M. MARISKA DWIANTI DHANUTIRTO (Indonésie) a réitéré le soutien de son pays aux efforts internationaux pour mettre fin à la guerre en Ukraine.  Cependant, toute initiative visant à créer la paix doit chercher à résoudre préalablement les problèmes entre les parties, a-t-il ajouté, précisant que si l’approche retenue est un jeu à somme nulle, alors une paix durable ne sera pas possible.  L’Indonésie apprécie les efforts du Secrétaire général de l’ONU et de la Türkiye, a indiqué le représentant, jugeant ces efforts importants pour la stabilité du commerce mondial des produits de première nécessité et le maintien de la chaîne d’approvisionnement mondiale en céréales et en engrais.  Il a insisté pour que ces initiatives soient pleinement mises en œuvre afin de pouvoir répondre aux besoins des pays en développement. 

M. VATHAYUDH VICHANKAIYAKIJ (Thaïlande) a réaffirmé les principes d’intégrité territoriale et de non-agression contenus dans la Charte des Nations Unies.  Très préoccupé des conséquences humanitaires de ce conflit, en particulier sur la population civile, le représentant a également pointé les conséquences du conflit sur le développement économique et social de pays en développement déjà très ébranlés par la pandémie.  Il a demandé aux parties de ne pas ménager leurs efforts pour épargner les civils ainsi que pour atténuer les crises alimentaire et énergétique.  Il leur a aussi demandé de laisser un couloir aux travailleurs humanitaires, afin qu’ils puissent effectuer leur travail et aider les populations civiles dans le besoin.

Mgr GABRIELE CACCIA, Observateur permanent du Saint-Siège, tout en remerciant les États qui ont accueilli et soutenu les réfugiés, a imploré que les personnes déplacées continuent de recevoir un soutien humanitaire, jusqu’à ce qu’elles puissent retourner chez elles en toute sécurité, de leur plein gré, et dans la dignité.  Demandant aussi qu’aucun effort ne soit épargné pour assurer la réunification rapide de toutes les familles séparées par la violence actuelle en Ukraine, avec l’intérêt supérieur des enfants respecté, il a appelé la communauté internationale à « ne pas se résigner à la guerre, mais à travailler ensemble pour la paix ».  Appelant toutes les parties à soutenir les efforts humanitaires afin d’alléger certaines des immenses souffrances causées par cette « guerre odieuse », le représentant du Saint-Siège a fait siens les mots du pape François, selon qui il est urgent « d’utiliser tous les moyens diplomatiques, même ceux qui n’ont peut-être pas été utilisés jusqu’à présent, pour mettre fin à cette terrible tragédie ».

Droit de réponse

Le représentant de République populaire démocratique de Corée (RPDC) a réagi aux « provocations de la Corée du Sud », réfutant de « fausses allégations ».  Soutenant que la dernière guerre de Corée a été provoquée délibérément par les États-Unis et la Corée du Sud afin de saper la RPDC fondée en l’espace de moins de deux ans, il a affirmé qu’aujourd’hui encore la Corée du Sud et les États-Unis se livrent à des provocations militaires à l’encontre de son pays, ce qui ne fait qu’exacerber la situation sur la péninsule coréenne, « une situation au bord de l’éclatement d’une guerre nucléaire ».  Le représentant a fait valoir que son pays prend des mesures de légitime défense pour défendre son intégrité territoriale et sa souveraineté. Il a exhorté les États Membres à voir clair dans le « jeu de la Corée du Sud » avertissant cette dernière que si elle continue à provoquer la RPDC sans raison, elle fera face à une crise sécuritaire extrême.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La session ministérielle de l’ECOSOC et du forum politique de haut niveau se penche sur les efforts régionaux pour le développement durable

Session de 2023, Forum politique de haut niveau     
14e séance – matin
ECOSOC/7140

La session ministérielle de l’ECOSOC et du forum politique de haut niveau se penche sur les efforts régionaux pour le développement durable

Nous avons « une dernière chance peut-être, une chance unique » d’apporter un changement permettant d’atteindre les objectifs de développement durable (ODD).  C’est ce qu’a rappelé ce matin, au débat de haut niveau du Conseil économique et social (ECOSOC), la Présidente de la sixième Assemblée des Nations Unies pour l’environnement, qui est Ministre au Maroc de la transition énergétique et du développement durable.  Son message clef a été de traiter le relèvement au sortir de la pandémie et la réparation de la planète comme allant de pair. 

La Ministre Leila Benali était venue présenter les messages de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement au forum politique de haut niveau pour le développement durable et à l’ECOSOC, qui sont réunis pendant trois jours en session ministérielle.  La Présidente de cette Assemblée s’est basée sur les leçons apprises de la COVID-19, qui fut « une piqure de rappel » pour tous les pays.  « Trois ans après le confinement, avons-nous oublié cette piqure de rappel? »  Le confinement nous a rappelé que l’équilibre fragile de la nature a été rompu par l’humain, a souligné Mme Benali en avertissant que le relèvement exige d’accélérer la transformation économique et sociale nécessaire pour faire face aux urgences de la planète. 

Sous la houlette de Mme Lachezara Stoeva, Présidente de l’ECOSOC, la matinée a entendu également le point de vue des grandes régions du monde sur la réalisation des ODD, les secrétaires exécutifs des commissions économiques régionales de l’ONU étant venus les présenter pour en débattre avec les délégations.  Ces responsables ont synthétisé les enseignements tirés des derniers forums régionaux sur le développement durable organisés par les cinq commissions.

Outre la préoccupante insuffisance de progrès pour arriver à l’année 2030 en ayant atteint les ODD, le besoin de partenariats renforcés pour y arriver a été un élément commun de leurs déclarations.  Or les commissions régionales jouent un rôle de plateforme pilote pour les partenariats, a fait valoir la Coordinatrice de ces commissions, qui est à la tête de la CESAP, celle de l’Asie et du Pacifique. 

Concrètement, le forum régional de la Commission économique pour l’Europe a misé sur la disponibilité de données statistiques fiables ainsi que sur les énergies renouvelables, avant de souligner l’importance d’un renforcement des systèmes de transports urbains.  Des intérêts partagés par la région Amérique latine et Caraïbes, qui a un caractère très urbain (8 personnes sur 10 vivent en ville) et qui accorde une importance fondamentale à l’accès à l’énergie. Mais l’élimination de la pauvreté reste le principal défi à relever, a reconnu la Présidente du forum de la région.

« Avec de l’ambition, nous pouvons regagner du terrain et réaliser les ODD », a assuré celle qui a présidé le même forum pour l’Afrique, la Ministre de l’environnement et de la lutte contre la désertification du Niger.  Elle a indiqué que le forum régional africain a proposé de soutenir les initiatives transformatrices, comme la grande muraille verte et la grande muraille bleue, et de mettre la science au cœur des stratégies d’application du Programme 2030. Quant à la région arabe, elle continue de se mobiliser pour la réalisation des ODD, nonobstant les crises internationales et les ressources limitées, a déclaré le Ministre de la planification et de la coopération internationale du Yémen, qui a présidé le forum régional. À cette occasion, les pays arabes ont insisté sur la valeur ajoutée du secteur privé dans les efforts de développement.  L’occasion de rappeler l’importance des partenariats avec la société civile, comme l’a fait également le forum Asie-Pacifique, a précisé le Directeur général de la planification du Cambodge, qui l’a présidé.

« Il n’y a rien de plus fort et de plus efficace que de rassembler tous les organes environnementaux pour un même combat », avait relevé Mme Benali en début de séance.  Les processus régionaux sur le développement durable participent de cet effort, ce qui a fait dire à la Fédération de Russie qu’il fallait les approfondir.  En écho, le Directeur de recherche à Cepei (Argentine) a exhorté les pays présentant leur examen national volontaire à y inclure un volet détaillant leur stratégie régionale. 

La journée s’est d’ailleurs poursuivie avec trois séries d’examens nationaux volontaires (Saint-Kitts-et-Nevis, Bahreïn, Belgique, Croatie, République-Unie de Tanzanie; Brunéi Darussalam, Islande, Timor-Leste; France, Lituanie, Singapore), entrecoupées par la suite du débat général. 

La session ministérielle de l’ECOSOC et du forum politique de haut niveau se poursuivra demain, mercredi 19 juillet, à 9 heures.

DÉBAT DE HAUT NIVEAU, Y COMPRIS LA RÉUNION MINISTÉRIELLE DE TROIS JOURS DU FORUM POLITIQUE DE HAUT NIVEAU POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ORGANISÉ SOUS LES AUSPICES DU CONSEIL

Messages de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement

Sous la présidence de Mme Lachezara Stoeva, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), cette session a donné la parole à l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement, organe de l’ONU qui contribue à la mise en œuvre effective et à la pleine intégration de la dimension environnementale du Programme de développement durable à l’horizon 2030, en reconnaissant qu’un environnement sain est essentiel au développement durable. 

« Nous sommes à la croisée des chemins, la croisée de défis et des chances », a déclaré la Présidente de la sixième Assemblée des Nations Unies pour l’environnement, Mme Leila Benali, qui est Ministre de la transition énergétique et du développement durable du Maroc.  C’est pour elle « une dernière chance peut-être, une chance unique » d’apporter un changement.  Chacun des objectifs de développement durable (ODD) exige qu’on accélère l’action climatique, a-t-elle rappelé en citant le Secrétaire général. Sachant que le monde est déjà 1,1 degré Celsius plus chaud que lors de l’ère industrielle, et que la hausse des températures mondiales moyennes devrait dépasser 1,5 degré Celsius au début des années 2030, elle a rappelé les risques d’extinction de faune et de flore.  Elle a aussi alerté sur le fait que les populations des zones vulnérables sont 15 fois plus susceptibles de mourir dans des inondations, des sécheresses ou des tempêtes, et pas simplement de perdre leur unique source de revenu ou de migrer.  Les progrès ont ralenti à cause de la superposition des crises, a-t-elle reconnu en rappelant qu’à l’heure actuelle, 3,3 milliards de personnes vivent dans des pays qui dépensent davantage pour le service de la dette que pour financer les secteurs de l’éducation et de la santé. 

La Présidente de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement est revenue sur la crise de la COVID-19, qui a laissé une trace sans précédent sur le monde.  Ce fut également une piqure de rappel pour tous les pays.  « Trois ans après le confinement, avons-nous oublié cette piqure de rappel? »  Si le confinement nous a rappelé que l’équilibre fragile de la nature a été rompu par l’humain, le relèvement exige selon elle d’accélérer la transformation économique et sociale nécessaire pour faire face aux urgences de la planète.  « Le relèvement au sortir de la pandémie ainsi que la réparation de la planète doivent aller de pair.  C’est la clef de voute de mon message aujourd’hui. »  Nous devons mettre à contribution les connaissances scientifiques et autochtones, et renforcer la gouvernance pour financer les ODD, a recommandé la Ministre marocaine. 

Mme Benali a appelé à « repenser à nos réalisations en tant que communauté internationale au cours des cinquante dernières années », voyant même dans les accords multilatéraux chargés de protéger l’environnement, « une réalisation historique ».  Nous disposons des instruments nécessaires, a-t-elle assuré avant de demander de promouvoir la participation active à ces accords.  Elle a, enfin, résumé les principales recommandations de l’Assemblée pour l’environnement: l’interface science, politique et décision; le renforcement du lien entre conservation et utilisation durable de la biodiversité et santé publique; la promotion de la circularité pour avoir des moyens de subsistance à l’aide d’infrastructures résilientes.  Elle a aussi promu la participation du secteur privé, faisant remarquer combien les données et le savoir-faire de ce secteur ont beaucoup joué pendant la pandémie.  Il n’y a rien de plus fort et de plus efficace que de rassembler tous les organes environnementaux pour un même combat, a-t-elle conclu.

Les messages des régions: dialogue

Le point de vue des grandes régions du monde sur la réalisation des ODD a pu se faire entendre lors de cette table ronde, qui a synthétisé les enseignements des derniers forums régionaux sur le développement durable organisés par les cinq Commissions régionales des Nations Unies.

« Les progrès en vue de la réalisation des ODD sont insuffisants dans toutes les régions du monde », a déclaré Mme ARMIDA SALSIAH ALISJAHBANA, Secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP) et Coordinatrice des Commissions régionales, à l’ouverture de cette table ronde.  Pour remédier à ces retards, elle a appelé à miser sur la protection sociale et l’égalité entre les genres, avant d’exhorter à des partenariats renforcés au niveau local pour une bonne mise en œuvre des ODD.  Les Commissions régionales de l’ONU continuent de jouer leur rôle de plateforme pilote à cette fin, a-t-elle dit.

Même son de cloche du côté de Mme GARAMA SARATOU RABIOU INOUSSA, Ministre de l’environnement et de la lutte contre la désertification du Niger et Présidente du forum africain sur le développement durable, qui a confirmé que les pays africains ne sont pas sur la trajectoire de réalisation des ODD.  Elle a rappelé que, lors de sa dernière édition, le forum régional africain a proposé de soutenir les initiatives transformatrices, comme les initiatives de la grande muraille verte et de la grande muraille bleue; de mettre la science au cœur des stratégies d’application du Programme 2030 et de renforcer le système des coordonnateurs résidents.  Les pays africains doivent également accroître leurs efforts pour l’assainissement de l’eau et pour un accès universel à l’électricité, a-t-elle dit. « Avec de l’ambition, nous pouvons regagner du terrain et réaliser les ODD. »

« La région arabe continue de se mobiliser pour la réalisation des ODD, nonobstant les crises internationales et les ressources limitées », a déclaré M. WAED ABDULLAH BADHIB, Ministre de la planification et de la coopération internationale du Yémen et Président du forum arabe sur le développement durable.  Il a notamment rappelé que la région arabe souffre du taux de chômage le plus élevé au monde.  Le forum a invité les pays arabes à lutter contre la corruption, avant d’insister sur l’importance du rôle du secteur privé.  Il a appelé à investir dans les infrastructures afin d’améliorer la compétitivité de la région arabe.  Enfin, il a exhorté les donateurs à aider les pays arabes dans la réalisation des ODD et à appuyer le Yémen dans ses efforts de reconstruction. 

M. PAGNATHUN THENG, Directeur général de la planification du Cambodge, Président du Forum Asie-Pacifique sur le développement durable, a précisé que le dernier forum régional s’est tenu à Bangkok du 27 au 30 mars dernier.  L’importance des partenariats a été abondamment soulignée lors des discussions, en particulier avec la société civile.  Les difficultés posées par les restructurations des dettes souveraines ont été également largement évoquées.  Enfin, il a appelé à une approche transformatrice afin d’appuyer la réalisation des ODD dans la région Asie-Pacifique.

M. MILOS PRICA, Directeur du Conseil de mise en œuvre des ODD de la Bosnie-Herzégovine et Vice-Président de forum régional sur le développement durable organisé par la Commission économique pour l’Europe a, d’emblée, tenu à souligner les lourdes conséquences de la guerre en Ukraine.  La région n’atteindra que 21 cibles des ODD, en l’état actuel des choses, a-t-il dit, en estimant que le panorama d’ensemble n’invite pas à l’optimisme.  Il a également souligné l’importance de données statistiques fiables pour mesurer la réalisation des ODD.  L’autre Vice-Président, M. MARKUS REUBI, délégué du Conseil fédéral pour le Programme 2030, de la Suisse, a souhaité la mise en place d’un cadre de suivi des engagements pris.  Il a en outre plaidé pour un plus grand recours aux énergies renouvelables, avant de souligner l’importance d’un renforcement des systèmes de transports urbains. 

Mme MARISOL MERQUEL, Présidente du Conseil national pour la coordination des politiques sociales de l’Argentine et Présidente du forum des pays d’Amérique latine et des Caraïbes sur le développement durable, a précisé que le dernier forum s’est tenu du 25 au 28 avril au Chili.  Les divers obstacles, financiers et institutionnels, entravant la réalisation des ODD ont été décortiqués.  L’importance fondamentale de l’accès à l’énergie est également ressortie des débats.  Elle a rappelé le caractère très urbain de cette région du monde, puisque 8 personnes sur 10 vivent en ville.  À mi-chemin de 2030, les pays de la région sont encore loin du compte, a-t-elle dit, puisque 24,6% seulement des cibles devraient être atteintes.  « L’élimination de la pauvreté reste le principal défi à relever. »

De son côté, M. JAVIER SURASKY, Directeur de recherche à Cepei, Argentine,  a appelé à une action régionale « dynamique » pour réaliser les ODD.  « Les régions sont capitales dans la mise en œuvre du Programme 2030 ».  Si nous oublions les régions, nous risquons alors de rompre les chaînes de gouvernance nécessaires à la bonne mise en œuvre dudit Programme, a-t-il averti.  Enfin, il a exhorté les pays présentant leur examen volontaire national à y inclure un volet détaillant leur stratégie régionale. 

Dans le débat interactif qui a suivi ces présentations, le délégué des Comores a détaillé la déclaration de Moroni pour une action en faveur de l’océan et du climat en Afrique récemment adoptée par des États insulaires et côtiers africains.  Cette déclaration initie le processus de Moroni qui vise à remédier aux défis environnementaux et climatiques, en soutenant notamment l’initiative de la grande muraille bleue.  Un autre objectif est la séquestration de quelque 100 millions de tonnes de carbone. « C’est une feuille de route dirigée par l’Afrique. ».  Le Maroc a, lui, espéré que le prochain Sommet sur les ODD marquera un tournant et permettra de regagner le terrain perdu, tandis que la Fédération de Russie a appelé à approfondir les processus régionaux sur le développement durable.

Le délégué de l’Indonésie a déclaré que son pays devrait atteindre l’ODD 6 sur l’accès à l’eau.  Son homologue d’Israël a signalé que le défi principal dans sa région du monde est la rareté de l’eau, avant de proposer les solutions développées par son pays pour y remédier, notamment la désalinisation.  Il a aussi évoqué un projet hydrique mené avec la Jordanie.  Une représentante du Groupe LGBTI, venue du Zimbabwe, a appelé les pays africains à « refuser la peur » et à combattre les efforts visant à marginaliser les sexualités.  Enfin, le Guatemala a indiqué qu’il allait présenter son quatrième examen volontaire national, tandis que le Zimbabwe a demandé un allègement du fardeau de la dette des pays les moins avancés, ainsi que la levée des sanctions qui entravent la réalisation des ODD.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: l’annonce par la Fédération de Russie de sa sortie de l’Initiative de la mer Noire domine la séance consacrée à la situation en Ukraine

9380e séance, après-midi
CS/15358

Conseil de sécurité: l’annonce par la Fédération de Russie de sa sortie de l’Initiative de la mer Noire domine la séance consacrée à la situation en Ukraine

L’annonce aujourd’hui par la Fédération de Russie de sa sortie de l’Initiative de la mer Noire a dominé une séance du Conseil de sécurité sur l’Ukraine prévue de longue date et tenue en présence de plusieurs ministres de pays de l’Union européenne, malgré les protestations de la Fédération de Russie, dont le représentant a dénoncé le « manque de scrupules » de la présidence britannique.  La Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et de la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo, a dressé un panorama plus vaste de la situation à l’occasion de la première séance tenue depuis qu’a été dépassé, le 8 juillet, le cap des cinq-cents jours depuis l’invasion russe. 

Mme DiCarlo a, une nouvelle fois, répété que l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie était une violation flagrante de la Charte des Nations Unies et du droit international et réitéré le plein attachement des Nations Unies à la souveraineté, à l’indépendance et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, conformément aux résolutions pertinentes de l’Assemblée générale.  Après avoir passé en revue les derniers événements et la situation humanitaire et des droits humains, la Secrétaire générale adjointe a estimé qu’en plus des morts et des destructions en Ukraine, le conflit avait exacerbé les tensions dans différentes régions, risquait de déclencher une course mondiale aux armements et menaçait de saper les structures mêmes qui ont empêché une troisième guerre mondiale et aidé à résoudre de multiples conflits au cours des quatre-vingts dernières années.  Plus cette guerre se prolonge, plus ses conséquences sont dangereuses, y compris la possibilité d’un conflit plus large, s’est-elle alarmée. 

La Secrétaire générale adjointe a par ailleurs estimé que la décision de la Fédération de Russie de mettre fin à l’Initiative de la mer Noire, annoncée quelques heures plus tôt, allait porter un coup dur aux personnes dans le besoin partout dans le monde.  Mais, a-t-elle assuré, elle n’arrêtera pas les efforts de l’ONU visant à faciliter l’accès sans entrave aux marchés mondiaux des produits alimentaires et des engrais en provenance de l’Ukraine et de la Russie. 

La Fédération de Russie a expliqué son retrait de l’Initiative de la mer Noire en la présentant comme un arrangement « à sens unique », profitant plus aux pays riches qu’aux moins avancés et devenu avec le temps une « initiative commerciale » et non plus humanitaire.  Le représentant russe a rappelé qu’en annonçant en mars une nouvelle prorogation de l’accord pour une durée limitée à soixante jours, son pays avait précisé qu’il ne prendrait de décision sur les prochaines étapes qu’après avoir examiné les progrès accomplis dans la résolution de certaines questions.  Accusant l’Ukraine de poursuivre ses attaques contre les installations civiles et militaires russes sous le couvert d’un corridor humanitaire maritime, la Fédération de Russie a donc décidé de se retirer de l’accord, ce qui, a-t-elle précisé, entraîne également le retrait des garanties de sécurité de la navigation.  La Russie, a-t-il assuré, ne sera prête à envisager son rétablissement que si des résultats concrets sont enregistrés. 

« La Russie a tué l’Initiative de la mer Noire sur les exportations de céréales », a accusé le Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine.  M. Dmytro Kuleba, qui a reproché à Moscou de faire chanter le monde et d’avoir systématiquement fait obstacle au bon fonctionnement de cet accord depuis son entrée en vigueur.  

Le retrait russe de l’Initiative de la mer Noire a aussi été regretté par les membres non européens du Conseil de sécurité.  Les Émirats arabes unis ont rappelé que l’Initiative constituait l’un des rares éléments positifs qui ont émergé de ce conflit puisque l’accord d’Istanbul découlait d’un engagement déterminé des parties au dialogue.  Le Ghana a rappelé qu’elle avait permis de livrer plus de 32 millions de tonnes de denrées alimentaires à 45 pays, avant d’insister pour qu’une solution soit trouvée aux problèmes liés aux exportations russes, pour éviter une flambée spéculative des prix des denrées alimentaires et garantir la sécurité alimentaire mondiale.  Le Brésil a ajouté qu’en l’absence d’un accord pour une paix globale et durable, les parties concernées ne devraient ménager aucun effort pour renouveler ce que Mme DiCarlo avait qualifié, lors d’une des réunions précédentes, de « lueur d’espoir ». 

Mais, comme l’ont aussi dit les Émirats arabes unis, l’annonce du retrait russe ne doit pas empêcher les actions collectives visant à mettre un terme à cette guerre. À cette fin, la Suisse a appelé à s’appuyer sur le « fondement solide » que constitue la Charte des Nations Unies.  Comme l’a rappelé la Pologne, pour espérer régler le conflit, il ne faut proposer que des « solutions légitimes », car une paix injuste ou un conflit gelé ne ferait que prolonger l’instabilité et attirerait de nouvelles agressions.  Les efforts en faveur de la paix n’auront de sens que s’ils permettent de créer les conditions d’une paix juste et durable, dans le respect des principes fondamentaux de la Charte que sont la souveraineté et l’intégrité territoriale des États, a confirmé la France. 

Certains intervenants ont aussi déploré l’incapacité à agir du Conseil de sécurité et se sont tournés vers l’Assemblée générale. Il est grand temps qu’en l’absence d’un message commun de la part du Conseil, les parties gardent à l’esprit la onzième session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale qui, dans ses sept résolutions, a appelé à une cessation immédiate des hostilités et à un règlement pacifique, a ainsi déclaré le Ghana. 

Nombreuses ont été les références à la résolution adoptée le 23 février dernier par l’Assemblée générale sur les principes de la Charte des Nations Unies sous-tendant une paix globale, juste et durable en Ukraine.  Qualifié de « déclaration forte » par l’Équateur, ce texte constitue pour la Suisse « la base sur laquelle une paix globale, juste et durable peut être construite en Ukraine ».  Pour le Royaume-Uni, c’est le plan de paix en 10 points du Président ukrainien Volodymyr Zelenskyy qui montre la voie à suivre.  Mais si la plupart des intervenants ont demandé que ce futur accord respecte les principes fondamentaux de la Charte que sont la souveraineté et l’intégrité territoriale des États, le Brésil comme la Chine ont demandé qu’il prenne en compte les préoccupations légitimes de toutes les parties en matière de sécurité.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE

Motion d’ordre préliminaire

Le représentant de la Fédération de Russie, dans une motion d’ordre, a fait part de son désaccord de principe avec la présidence britannique du Conseil qui a invité huit États membres de l’Union européenne (UE) et le représentant de l’Union européenne, en violation de la pratique établie de trois pays participants aux réunions sur l’Ukraine.  Ces participants n’apporteront aucune « valeur ajoutée » à la discussion mais défendront les intérêts de l’OTAN, a-t-il affirmé.  Or, cette réunion est celle du Conseil de sécurité et non celle de l’OTAN. Une telle approche est non seulement révélatrice du manque de scrupules de la présidence britannique, mais aussi d’une tentative de faire pression sur les membres du Conseil.  Le représentant a rappelé qu’en février de cette année, le Conseil s’était déjà trouvé confronté à des tentatives de l’un des membres de l’Union européenne qui présidait le Conseil de transformer la réunion du Conseil sur l’Ukraine en un « spectacle politique » pour les ministres européens présents à New York.  Il a dénoncé le fait que Londres place la position et les intérêts nationaux de l’OTAN au-dessus de ses obligations de Président du Conseil de sécurité de l’ONU.

Déclarations

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et de la consolidation de la paix, a qualifié d’ « enfer vivant » la vie en Ukraine plus de cinq-cents jours après le début de l’invasion à grande échelle du pays par la Fédération de Russie.  Selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), 9 287 civils ont été tués et 16 384 blessés, principalement par les forces armées russes, a-t-elle rappelé, tandis que 537 enfants ont été tués et 1 117 blessés.  Le nombre réel de victimes est probablement considérablement plus élevé, a-t-elle ajouté.  L’Ukraine est le pays qui compte le plus grand nombre d’enfants tués et mutilés en 2022. C’est aussi le pays qui a connu le plus d’attaques contre les écoles et les hôpitaux. 

Aucune parcelle de l’Ukraine n’est à l’abri, a constaté Mme DiCarlo, qui a cité, parmi les actions meurtrières pour les civils, les tirs de missiles sur Kramatorsk le 27 juin, les bombardements qui ont frappé Kyïv, Odessa et Lviv le 6 juillet ou des tirs d’artillerie le 8 juillet à Lyman.  La Secrétaire générale adjointe a rappelé que les civils vivant dans les zones sous contrôle russe sont également confrontés à un danger mortel.  Le 9 juillet, quatre civils ont été tués et de nombreux autres blessés alors qu’ils recevaient une aide humanitaire dans la ville d’Orikhiv. Les attaques contre les civils et les infrastructures civiles ne peuvent être justifiées et son strictement interdites par le droit international et doivent cesser immédiatement, a rappelé Mme DiCarlo. 

Réitérant que l’invasion de l’Ukraine par la Russie est une violation flagrante de la Charte des Nations Unies et du droit international, la Secrétaire générale adjointe a rappelé que l’ONU reste pleinement attachée à la souveraineté, à l’indépendance et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, conformément aux résolutions pertinentes de l’Assemblée générale. 

Mme DiCarlo a demandé aux parties d’éviter toute action susceptible d’aggraver davantage les tensions, rappelant qu’est totalement inacceptable toute menace d’utiliser des armes nucléaires ou d’attenter à la sûreté et la sécurité des centrales nucléaires et d’autres infrastructures essentielles.  Elle a annoncé que des experts de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ont entendu, ces derniers temps, une série d’explosions qui auraient eu lieu à une certaine distance de la centrale nucléaire de Zaporijia, y voyant un rappel brutal des risques pour la sûreté et la sécurité nucléaires auxquels l’installation est confrontée. 

S’agissant du volet humanitaire, Mme DiCarlo a déclaré que l’ONU et les partenaires humanitaires ont fourni une aide à plus de 5 millions de personnes depuis le début de l’année, envoyant 65 convois interinstitutions cette année vers les zones de première ligne.  Elle a dénoncé un manque persistant d’accès humanitaire aux zones contrôlées par la Russie, qui prive 3,7 millions de personnes de l’aide dont elles ont besoin.  L’ONU poursuit le dialogue avec Moscou et de Kyïv pour sécuriser l’accès, a-t-elle ajouté, en demandant à la Fédération de Russie de s’acquitter de ses obligations internationales.  L’accès est également un problème à la suite de la destruction du barrage de Kakhovka. Les inondations ont affecté les écosystèmes locaux, exposé les déchets militaires et dangereux et déplacé les mines terrestres.  L’ONU entreprend une évaluation des besoins après une catastrophe afin de déterminer l’impact plus large à l’appui d’une stratégie de relèvement globale. 

Mme DiCarlo a rappelé que plus 6,3 millions d’Ukrainiens sont réfugiés à l’étranger et qu’environ 5,1 millions sont déplacés dans leur pays, alors qu’environ 4,76 millions initialement déplacés seraient retournés dans leurs communautés, parmi lesquels 1,1 million de réfugiés.  Comme l’Ukraine est devenue l’un des pays les plus minés au monde, l’ONU aide à enlever plus d’un demi-million de mines terrestres et de munitions non explosées. 

Au chapitre des violations des droits de l’homme, Mme DiCarlo a mentionné 864 cas individuels d’arrestations arbitraires, dont beaucoup s’apparentent à des disparitions forcées.  Parmi d’autres violations citées, elle s’est dite troublée par le fait que 91% des civils détenus par la Russie auraient été soumis à la torture ou à des mauvais traitements, y compris des violences sexuelles, et par le fait que plus de 26% des détenus ont été transférés vers d’autres lieux en violation du droit international, soit en Ukraine sous contrôle russe, soit dans la Fédération de Russie elle-même.  Elle a exhorté la Russie à garantir aux observateurs indépendants, y compris le HCDH, un accès régulier, sans entrave et confidentiel à tous les détenus.  L’impunité ne doit pas continuer. 

Mme DiCarlo a annoncé que la récente conférence sur le redressement de l’Ukraine avait recueilli plus de 60 milliards de dollars pour le redressement et la reconstruction du pays. L’Initiative de la mer Noire a permis l’exportation en toute sécurité de quelque 33 millions de tonnes de denrées alimentaires, contribuant ainsi à soulager la faim en Afghanistan, dans la Corne de l’Afrique et au Yémen.  La Secrétaire générale adjointe a estimé que la décision de la Fédération de Russie de mettre fin à l’Initiative de la mer Noire portera un coup dur aux personnes dans le besoin partout dans le monde.  Mais, a-t-elle assuré, elle n’arrêtera pas les efforts de l’ONU visant à faciliter l’accès sans entrave aux marchés mondiaux des produits alimentaires et des engrais en provenance de l’Ukraine et de la Russie. 

Aujourd’hui, il est clair qu’en plus de causer des morts et des destructions inadmissibles, la guerre en Ukraine a considérablement diminué notre capacité à faire face à un avenir incertain, a déploré la Secrétaire générale adjointe.  Ce conflit a exacerbé les tensions dans différentes régions, risque de déclencher une course mondiale aux armements et menace de saper les structures mêmes qui ont empêché une troisième guerre mondiale et ont aidé à résoudre de multiples conflits au cours des quatre-vingts dernières années.  Plus cette guerre se prolonge, plus ses conséquences sont dangereuses, y compris la possibilité d’un conflit plus large, s’est alarmée Mme DiCarlo.  Pour le bien du peuple ukrainien et pour le bien de la communauté mondiale, cette guerre insensée et injustifiée doit cesser, a-t-elle conclu. 

M. JAMES CLEVERLY, Secrétaire d’État aux affaires étrangères, au Commonwealth et au développement du Royaume-Uni, a constaté que plus de cinq-cents jours se sont écoulés depuis l’invasion totale de l’Ukraine par la Russie et qu’au moins 9 000 civils innocents sont morts, dont 500 enfants, alors que des milliers d’Ukrainiens ont été enlevés, emprisonnés et torturés.  Le Ministre a concentré son intervention sur les personnes qui ont été déportées de force et sur celles qui souffrent de la faim à cause de cette guerre. 

S’agissant de personnes déportées, M. Cleverly a affirmé que plus de 19 000 enfants ukrainiens se trouvent toujours dans des camps russes , alors que leurs parents les recherchent désespérément.  Par ailleurs, 2,5 millions d’hommes et de femmes ukrainiens ont été déportés en Russie.  Il s’agit de crimes barbares, s’est indigné le Ministre en accusant la Russie de tenter d’effacer l’identité et l’histoire culturelle ukrainiennes et d’utiliser des enfants comme instruments de guerre.  Mais le monde observe la Russie et demandera des comptes aux coupables, a-t-il mis en garde, avant de saluer l’enquête de la Cour pénale internationale afin que les responsables soient traduits en justice. 

M. Cleverly a souligné que cette guerre nuit également aux pauvres et aux personnes vulnérables dans le monde entier puisque, l’année dernière, elle a fait grimper les prix de l’énergie de 20% et doubler l’inflation mondiale, alors que les disponibilités alimentaires mondiales ont fortement diminué.  Il a attribué ces fait en grande partie à la chute de plus de 40% des exportations céréalières de l’Ukraine, qui a eu des conséquences catastrophiques pour l’Afrique sub-saharienne qui en dépend.  Certaines de ces pertes ont pu être compensées par l’Initiative sur les céréales de la mer Noire, a noté le Secrétaire d’État.  Mais, a-t-il ajouté, l’annonce aujourd’hui par la Russie de son refus de reconduire cette initiative signifie que 23 millions de tonnes de denrées alimentaires ukrainiennes ne parviendront plus sur les marchés mondiaux au cours de l’année prochaine.  Le Royaume-Uni appelle la Russie à revenir à la table des négociations et à accepter de prolonger indéfiniment l’Initiative et à la mettre en œuvre sans délai. 

M. Cleverly a conclu par un appel à la paix: une paix fondée sur les principes de la Charte des Nations Unies et sur la conviction commune que la force n’est pas synonyme de droit.  Le plan de paix en 10 points de M. Zelenskyy montre la voie à suivre, a-t-il estimé, en martelant que « l’Ukraine veut la paix.  Nous voulons la paix.  Le monde entier veut la paix ». 

Mme CATHERINE COLONNA, Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de la France, a constaté qu’il y a désormais « cinq-cents jours de trop » que la Russie mène une guerre d’agression contre l’Ukraine.  La Ministre a insisté sur le fait que ce qui se joue en Ukraine concerne tous les États.  D’abord parce que cette agression, en remettant ouvertement en cause les principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies, crée un risque de précédent et que la manière dont nous y répondrons déterminera largement la stabilité et la sécurité collectives pour les décennies à venir.  Tous ceux qui peuvent être tentés de penser que cette guerre est trop lointaine, qu’elle est une affaire européenne ou qu’elle ne les concerne pas, doivent le mesurer: si nous acceptons que la force prime sur le droit, que la souveraineté et l’intégrité territoriale soient impunément bafouées, que l’agresseur et l’agressé soient mis sur un pied d’égalité, alors nous contribuerons à créer les conditions pour d’autres guerres, a mis en garde la Ministre. 

Cette guerre concerne le monde entier également parce que ses conséquences pèsent lourdement sur les populations, notamment celles des pays les plus pauvres et les plus vulnérables, a souligné Mme Colonna.  La Ministre a rappelé que, pendant que la Russie « prétend être solidaire mais ne propose rien pour venir en aide aux autres », la France avait organiséà Paris, les 22 et 23 juin, un sommet pour un nouveau pacte financier mondial qui a permis des résultats concrets, y compris sur la gestion de la dette, et de tracer une dynamique claire pour mobiliser des financements à destination des pays qui en ont le plus besoin.  « Pendant que la Russie déploie ses milices pour piller les ressources du continent africain », la France a accru ses partenariats pour le développement et est devenue le quatrième bailleur mondial d’aide publique.  Et pendant que la Russie exerce un chantage inacceptable à la reconduction de l’Initiative céréalière de la mer Noire alors que c’est elle qui entrave la liberté de circulation en mer Noire, l’Union européenne poursuit et améliore ses « corridors de solidarité », qui ont permis d’exporter plus de 38 millions de tonnes de céréales. 

Pour la Ministre, les efforts en faveur de la paix n’auront de sens que s’ils permettent de créer les conditions d’une paix juste et durable, dans le respect des principes fondamentaux de la Charte que sont la souveraineté et l’intégrité territoriale des États.  Elle a appelé à répondre à l’agression russe par des solutions fondées sur le droit et la justice.  L’Ukraine, pays agressé « alors qu’elle ne menaçait en rien la Russie », continue pourtant à chercher le dialogue et a placé l’ensemble de ces principes au cœur de sa vision pour la paix, répétée avec constance depuis l’an dernier, a souligné la Ministre, qui a conclu: c’est la raison pour laquelle la France la soutient. 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a dénoncé les nombreuses dénégations répétées de la Fédération de Russie avant l’invasion imminente de l’Ukraine.  Le soir de l’invasion, le Président Joe Biden a envoyé un message évocateur de l’avenir disant que la « guerre de Putin » entraînerait des souffrances humaines indicibles et des pertes considérables, a-t-elle rappelé, ajoutant que le monde avait été entraîné dans une crise qui touche de manière disproportionnée les personnes qui se trouvent au Moyen-Orient et en Afrique. 

Aujourd’hui, dans un nouvel acte de cruauté, la Russie a suspendu sa participation à l’Initiative de la mer Noire, semant le trouble sur les marchés alimentaires dans le monde entier et augmentant le prix, a poursuivi la représentante, pour qui ce geste entrave le travail du Programme alimentaire mondial en Afghanistan, en Somalie et au Yémen.  Citant le Secrétaire général des Nations Unies, la représentante a dit que la décision russe d’aujourd’hui portera un coup à ceux qui sont dans le besoin partout dans le monde, avant d’appeler la Fédération de Russie à poursuivre sa participation à l’Initiative. 

Rappelant la campagne de brutalité de la Russie à l’encontre du peuple ukrainien, la représentante a prié la communauté internationale de prendre des mesures pour exiger des comptes de la part des responsables et veiller à ce que justice soit rendue.  Les États-Unis et leurs alliés poursuivront leur aide humanitaire et militaire à l’Ukraine. Pour la représentante, la vérité est simple: la Russie pourrait mettre un terme à cette guerre aujourd’hui en retirant ses troupes. Les États-Unis refusent d’abandonner le caractère urgent de la paix et c’est pourquoi, ensemble avec l’Ukraine et d’autres États Membres, ils ont appuyé la résolution de l’Assemblée générale demandant une paix durable, exhaustive et continue en Ukraine.  La représentante a toutefois regretté que la Russie n’ait montré « aucun véritable intérêt »à une paix durable et juste. Elle s’est en revanche réjouie du fait que le peuple ukrainien continuera à faire preuve d’un grand courage pour défendre son pays.  Les États-Unis resteront à leurs côtés le temps qu’il faudra, a-t-elle conclu.

M. TAKEI SHUNSUKE, Ministre d’État chargé des affaires étrangères du Japon, a condamné l’agression de la Russie contre l’Ukraine avant de demander à cette dernière de retirer immédiatement et inconditionnellement ses forces d’Ukraine et de respecter l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de ce pays à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues.  Le Japon soutiendra l’Ukraine dans sa défense pour une paix juste et durable, a déclaré le Ministre en appelant à ne pas tolérer la violation manifeste de la Charte des Nations Unies. Si un membre permanent du Conseil de sécurité tente unilatéralement de modifier le statu quo des territoires de ses voisins par la force ou la coercition, il doit rendre des comptes et faire face à des conséquences proportionnelles à ses privilèges, a-t-il exigé. 

Reprochant à la Russie d’abuser de son droit de veto, le Ministre d’État a martelé que ce droit n’est pas synonyme d’impunité: il doit permettre aux membres permanents d’assumer des responsabilités plus lourdes.  Or, la Russie tente de menacer le monde avec une rhétorique nucléaire irresponsable, le déploiement d’armes nucléaires au Bélarus et la saisie et la militarisation de la centrale nucléaire de Zaporijia, s’est-il indigné.  Le Japon ne peut accepter les menaces nucléaires de la Russie, et encore moins l’utilisation d’armes nucléaires et ce, en toutes circonstances. 

Constatant que la crédibilité du Conseil de sécurité s’érode, le Ministre d’État a appelé à le réformer pour restaurer la confiance de la communauté internationale et représenter le monde d’aujourd’hui, et non celui d’il y a quatre-vingts ans. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a dénoncé un « acte de pure agression » mené par un seul homme qui perdure maintenant depuis cinq-cents jours.  Pendant les débats du Conseil de sécurité sur l’agression contre l’Ukraine, les représentants russes ont affirmé tout et son contraire, à commencer par leurs assurances, l’an dernier, en regardant bien les membres du Conseil dans les yeux, qu’il n’y aurait pas de guerre en Ukraine.  Ils ont affirmé, avant que la Cour pénale internationale (CPI) n’émette des mandats d’arrêt contre ses dirigeants, qu’ils ne commettaient pas de crimes en Ukraine, tout comme ils ont assuré que la Russie n’attaquait jamais les infrastructures civiles mais apparemment à l’exception des quartiers résidentiels, des centres commerciaux, des centrales électriques, des établissements de santé ou encore des écoles.  Le théâtre de l’absurde est en pleine forme en Russie et même le dirigeant de « l’usine d’atrocités » qu’est le groupe Wagner a comparé les motifs de l’invasion russe à un « racket ».  La Fédération de Russie, a martelé le représentant, s’attaque à l’ordre international basé sur les règles que 143 États Membres des Nations Unies veulent et protègent, afin de passer de la culture de la guerre au désir commun de paix et de coopération.  La Fédération de Russie veut imposer à l’Ukraine ses ambitions impérialistes et consolider son influence dans ce qu’elle appelle le « monde russe ».  Aujourd’hui, s’est-il indigné, elle a choisi de se jouer des besoins humanitaires des personnes les plus vulnérables dans le monde.

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a regretté l’arrêt de l’Initiative de la mer Noire, une décision politique qui touche les plus vulnérables, qui vont maintenant faire face aux conséquences tout à fait réelles de cette décision.  Cette initiative est pourtant l’un des quelques éléments positifs qui ont émergé de ce conflit, a estimé le représentant, puisque l’accord découlait d’un engagement déterminé des parties au dialogue. 

S’il a jugé difficile de calculer le véritable coût de ce conflit, le représentant a appelé les parties à respecter leurs obligations au titre du droit international humanitaire. Il faut aussi protéger tous les personnels médicaux, leurs moyens de transport, leur matériel ainsi que les hôpitaux et les autres installations médicales. 

Le représentant a précisé l’aide apportée par son gouvernement à l’Ukraine, notamment 100 millions de dollars destiné à l’achat de groupes électrogènes et 4 millions de dollars pour des programmes d’aide aux orphelins de la guerre.  Il a réitéré que si l’annonce du retrait russe de l’Initiative de la mer Noire est une déception, elle ne doit pas empêcher les actions collectives visant à mettre un terme à cette guerre.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a estimé qu’il est grand temps qu’en l’absence d’un message commun de la part du Conseil, les parties gardent à l’esprit la onzième session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale qui, dans ses sept résolutions, a appelé à une cessation immédiate des hostilités et à un règlement pacifique.  Il a rappelé aux parties belligérantes que prendre pour cible des personnes et des infrastructures civiles est moralement inacceptable et constitue une violation du droit international humanitaire et des droits humains.  Le représentant a également exhorté la Fédération de Russie et l’Ukraine à adopter les cinq principes concrets proposés par le Directeur général de l’AIEA pour préserver la sûreté et la sécurité de la centrale nucléaire de Zaporijia. 

Poursuivant, le délégué s’est dit déçu du non-renouvellement d’une initiative, qui, depuis son lancement en juillet 2022, a permis de livrer plus de 32 millions de tonnes de denrées alimentaires à 45 pays.  Il a insisté auprès des parties pour qu’une solution soit trouvée aux problèmes liés aux exportations russes, ce qui empêcherait une flambée spéculative des prix des denrées alimentaires et assurerait la sécurité alimentaire mondiale.  Le représentant a conclu, en préconisant le dialogue et la diplomatie. 

M. GENG SHUANG (Chine) a appelé la communauté internationale à trouver une solution politique afin d’éviter que le conflit en Ukraine ne dégénère.  Il a appelé à redoubler d’efforts afin de favoriser la mise en place de pourparlers et d’éviter de nouvelles souffrances aux populations civiles.  Il a décelé un « souhait ardent » de résoudre la crise provenant de partout dans le monde, notamment dans les pays en développement.  La communauté internationale doit donc s’employer à établir des conditions favorables à un cessez-le-feu et à l’ouverture de négociations. 

Pour la Chine, cette crise prouve une nouvelle fois que la quête de la sécurité absolue, en étendant les alliances militaires, constitue une pratique inutile et dépassée qui ne peut qu’entraîner une insécurité globale.  Son représentant a appelé les pays concernés à mettre un terme immédiat aux sanctions unilatérales afin d’accroître leur aide au développement et à la stabilisation de l’économie mondiale. 

À cet égard, le représentant a salué l’impact de l’Initiative de la mer Noire sur la stabilisation des marchés alimentaires dans le monde entier, en espérant que les parties au conflit sauront régler cette question au moyen du dialogue.  Il a incité celles-ci à respecter le droit international humanitaire et à suivre strictement les principes de nécessité, de distinction et de proportionnalité afin d’éviter de nouvelles souffrances aux civils.  Le transfert « irresponsable » d’armes à sous-munitions va à l’encontre de ces principes humanitaires, a fait observer le représentant, qui a aussi invité à la prudence autour des centrales nucléaires en Ukraine.  S’agissant de ce pays, il a réitéré la « position constante » de son pays, contenue dans ses 12 propositions, appelant au respect de l’intégrité territoriale de tous les États et à la prise en compte des préoccupations de sécurité de toutes les parties. 

Pour M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), la guerre en Ukraine est la tragédie du XXIe siècle, compte tenu de la destruction d’infrastructures socioéconomiques critiques et des pénuries mondiales de denrées alimentaires. La poursuite du conflit armé en Ukraine n’est pas la réponse et ne sert en rien les intérêts de la communauté internationale.  Notre incapacité collective à résoudre ce conflit sur la base des principes de la Charte risque d’éroder la confiance dans la notion de responsabilité collective en matière de paix et de sécurité, a-t-il prévenu.  Il a appelé les parties au conflit à protéger des civils et à veiller au respect du droit international humanitaire.  Il faut épuiser toutes les voies du dialogue comme le seul moyen pacifique de régler le conflit.

M. DARREN CAMILLERI (Malte) a soutenu les principes et objectifs clefs de la formule de paix de l’Ukraine, qui aborde également les ramifications mondiales plus larges de la guerre de la Russie sur la sécurité alimentaire, la sécurité énergétique, la sécurité nucléaire et l’environnement.  Il a appelé au respect du droit humanitaire international et les droits de l’homme et exigé que la Russie cesse immédiatement ses bombardements illégaux et aveugles sur les civils et les infrastructures critiques. 

À ce jour, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a recensé plus de 25 000 victimes civiles, a rappelé le représentant, qui a également exprimé ses préoccupations relatives à la situation des droits humains dans les territoires occupés par la Fédération de Russie.  Malte soutient les processus en cours de la Cour pénale internationale et de la Cour internationale de Justice pour tenir les auteurs responsables de leurs actes et garantir le droit des victimes à des réparations et à la justice, a-t-il indiqué.  Malte soutient en outre la création du Centre international pour la poursuite du crime d’agression contre l’Ukraine. 

Quant à l’annonce faite ce matin par la Fédération de Russie, qui a décidé de ne pas renouveler l’Initiative céréalière de la mer Noire, le représentant y a vu « un autre exemple de la politisation des besoins humanitaires dont nous avons déjà été témoins la semaine dernière ».  Il a jugé de la plus haute importance que ce processus soit étendu et sécurisé avec le consentement de toutes les parties, afin d’alléger les pressions sur la sécurité alimentaire dans le monde entier.  En conclusion, il a demandé à la Fédération de Russie d’immédiatement cesser les hostilités et de retirer inconditionnellement toutes ses forces et équipements militaires de l’ensemble du territoire ukrainien. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a relevé que depuis le début du mandat de son pays au Conseil de sécurité, en janvier 2023, la question de l’agression militaire de la Fédération de Russie contre l’Ukraine a été abordée une douzaine de fois.  Les membres du Conseil ont été quasi unanimes pour réclamer la fin de l’occupation et de l’agression russes, comme l’a ordonné la Cour internationale de Justice (CIJ) dans son ordonnance du 16 mars 2022.  Les membres du Conseil, a-t-il ajouté, ont également demandé presqu’à l’unanimité la recherche d’une solution pacifique définitive.  Dans cette optique, le représentant a appelé le Conseil à s’inspirer de la déclaration « forte » de l’Assemblée générale sur une paix juste et durable en Ukraine.  Nous devons passer de la logique de la domination militaire d’un État à la logique de la diplomatie.  Le représentant a insisté sur la nécessité pour les parties au conflit de respecter sans réserve leurs obligations, en vertu du droit international humanitaire. Il s’est dit profondément déçu de la décision de la Fédération de Russie de se retirer de l’Initiative de la mer Noire, qui a permis d’expédier 32 millions de tonnes de denrées alimentaires à partir des ports ukrainiens.  Il s’agit là, selon lui, d’une raison supplémentaire pour que l’agression militaire russe contre l’Ukraine ne dure pas un jour de plus. 

Pour M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil), la simple condamnation des actions illégales au cours de cette guerre ne nous rapprochera pas de la paix.  Le représentant a exhorté les parties à arrêter les affrontements et à entamer des discussions sur les paramètres d’un accord de paix global.  Cet accord devrait prendre en compte la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, ainsi que des préoccupations légitimes de toutes les parties en matière de sécurité. 

Les transferts massifs d’armes hautement meurtrières vers le front peuvent compromettre davantage les perspectives d’une issue pacifique, a prévenu le représentant, qui a noté que le flux d’armes dans le conflit ne fera qu’alimenter davantage de violence et ne contribuera pas à y mettre fin. 

Pour le Brésil, l’Initiative de la mer Noire a apporté une contribution importante à la stabilisation des prix internationaux des denrées alimentaires et des engrais.  En l’absence d’un accord pour une paix globale et durable, les parties concernées ne devraient ménager aucun effort pour renouveler ce que Mme DiCarlo a qualifié, lors d’une des réunions précédentes, de « lueur d’espoir », a déclaré le représentant.

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a déclaré que lors des conférences de Lugano en 2022 et Londres le mois dernier, la communauté internationale avait montré sa détermination à l’Ukraine dans son processus de reconstruction.  Elle a jugé essentielle cette perspective de la reconstruction, du fait de l’immensité des pertes humaines, de la dévastation des infrastructures ukrainiennes, de l’ébranlement de la sécurité alimentaire mondiale et des certitudes brisées. 

La représentante a réitéré son appel à la Russie en faveur d’une désescalade immédiate et exprimé sa « grave préoccupation » concernant l’utilisation de mines antipersonnel et d’armes à sous-munitions en Ukraine.  État partie aux Conventions d’Ottawa et d’Oslo, la Suisse appelle tous les États et parties au conflit à ne pas faire usage de ces armes, dont elle juge l’usage indiscriminé ou disproportionné constituant une grave violation du droit international humanitaire. Pour la représentante, il est également urgent de rétablir la sécurité alimentaire mondiale et les accords ont fait la différence en ce domaine.  La Suisse déplore donc l’annonce faite par la Russie concernant les accords et espère qu’ils seront reconduits dans un proche avenir.  Quant aux certitudes brisées, elles viennent du retour du « spectre de la guerre d’agression à but d’extension territoriale par un État souverain contre un autre État souverain ». 

Face à ces multiples défis, la représentante a appelé à s’appuyer sur « un fondement solide »: la Charte des Nations UniesPour elle, sa violation flagrante, loin de nuire à son pouvoir, a vu la grande majorité des États réaffirmer son importance.  Elle a estimé que la résolution adoptée par l’Assemblée générale en février dernier constitue la base sur laquelle une paix globale, juste et durable peut être construite en Ukraine. 

La représentante a toutefois ajouté que s’il est urgent de reconstruire l’Ukraine, ce n’est pas suffisant.  Il faut aussi rendre justice aux victimes, dans une approche centrée sur leurs besoins, a-t-elle affirmé. Et il est urgent aussi de rétablir la sécurité alimentaire mondiale car « la faim ne doit plus jamais devenir une arme de guerre ».  Elle a donc appelé à resserrer les rangs derrière le droit international et notamment la Charte des Nations Unies, « le bouclier qui nous protège toutes et tous ».

M. DMITRY A.  POLYANSKIY (Fédération de Russie) a réitéré sa déception face au « mépris cynique » des règles du Conseil par la présidence britannique « au nom des intérêts égoïstes de l’OTAN ».  C’est l’Ukraine, a-t-il dit, qui a rejeté, en avril 2022, le plan de paix déjà paraphé par ses négociateurs afin de régler la crise, assorti de garanties internationales de sécurité.  Mais à la place des efforts diplomatiques, les Occidentaux ont tout fait pour fournir à l’Ukraine des armes, y compris des obus à l’uranium appauvri et des armes à sous-munitions, tout en fermant les yeux sur le bombardement de la centrale nucléaire de Zaporijia par l’Ukraine et la destruction de la centrale hydroélectrique de Kakhovka.  Aujourd’hui même, le « régime de Kiev » a perpétré un autre « attentat terroriste » contre le pont vers la Crimée.  En conséquence, les gouvernements occidentaux ne portent pas moins, « et peut-être même plus », la responsabilité de ce qui se passe en Ukraine que le « régime de Zelenskyy ». 

Le représentant a décrit l’Initiative de la mer Noire comme un arrangement « à sens unique », outre le fait que les exportations ukrainiennes se dirigent vers les pays riches plutôt que vers les pays les moins avancés.  En annonçant, en mars, notre accord pour prolonger de soixante jours l’Initiative, nous avions prévenu que nous ne prendrions une décision sur les prochaines étapes qu’après avoir examiné les progrès accomplis dans le règlement de certaines questions, a affirmé le représentant. En l’absence de progrès et compte tenu du fait que l’Ukraine poursuit ses attaques contre les installations civiles et militaires russes, sous couvert d’un corridor humanitaire maritime, nous avons décidé de nous retirer de l’accord.  Cette décision implique le retrait des garanties de sécurité de la navigation, la réduction du corridor humanitaire maritime et le rétablissement d’une zone temporairement dangereuse dans les eaux du nord-ouest de la mer Noire, a expliqué le représentant.  Mon pays, a-t-il averti, ne sera prêt à envisager le rétablissement de l’Initiative que si des résultats concrets sont enregistrés.

Mme LILLY STELLA NGYEMA NDONG (Gabon) a exhorté le Conseil de sécurité à trouver une solution pacifique à la guerre en Ukraine, et les pays exerçant une influence sur les parties au conflit à faire en sorte qu’un dialogue susceptible de mener à un accord de paix durable soit engagé.  Dans cette optique, la représentante a encouragé le Secrétaire général à faire usage de ses bons offices pour favoriser l’ouverture de pourparlers entre les parties, avec l’appui de la communauté internationale. 

Alors que prend fin, aujourd’hui, l’Initiative de la mer Noire, accord vital à ses yeux pour de nombreux pays, la représentante a exprimé l’espoir qu’il sera renouvelé pour une durée suffisamment longue pour permettre l’exportation de céréales vers les pays qui en ont besoin.  Devant la menace « permanente » de nucléarisation de ce conflit, elle a réitéré l’attachement de son pays au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) ainsi que son opposition à toute politisation ou banalisation du nucléaire.  Les centrales nucléaires sont des infrastructures civiles protégées par le droit international humanitaire, a-t-elle rappelé, qui ne doivent pas être utilisées à des fins militaires. 

La représentante a également fait part de son inquiétude face à l’utilisation d’armes télécommandées et d’armes à sous-munitions, qui sont la cause de graves dommages environnementaux et qui ont des effets indiscriminés sur les populations civiles.  « Il est temps que la diplomatie l’emporte sur la prolifération des armes », a-t-elle conclu.

M. DMYTRO KULEBA, Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, a accusé la Fédération de Russie d’abuser de sa « présence illégale » au Conseil de sécurité, ajoutant que cet abus remonte à loin.  Il a évoqué notamment l’affaire du vol MH17 de la Malaysia Airlines qui a été frappé par un missile russe, en 2014, au-dessus de l’Ukraine alors que la Russie l’a toujours nié.  Le Ministre a appelé à s’opposer à la stratégie russe qui consiste à « tuer, mentir, nier », et à y opposer la stratégie inverse ancrée dans la force, la vérité et la reddition de comptes et cela, dans toutes les situations.  Le Ministre a ensuite reproché à la Russie d’avoir « tué l’Initiative de la mer Noire » sur les exportations de céréales, de faire chanter le monde et d’avoir systématiquement fait obstacle au bon fonctionnement de cet accord depuis son entrée en vigueur.  L’Ukraine veut que ses céréales soient librement exportées vers le monde, a-t-il déclaré et nous n’avons aucune exigence par rapport à cet accord alors que « Moscou persiste à bloquer illégalement nos ports ».  Le Ministre a exhorté la Russie à dépolitiser la sécurité alimentaire mondiale et à mettre fin à ses « Hunger Games ». 

S’agissant de la centrale nucléaire de Zaporijia, le Ministre a affirmé qu’elle reste sous contrôle russe et a été transformée en base militaire ce qui « nous fait vivre dans la crainte d’un incident nucléaire ».  Il a réfuté les théories du complot, « ridicules », selon lesquelles l’Ukraine chercherait à attaquer « sa propre centrale », en appelant à mettre un terme à« l’ère des crimes et des mensonges russes ».  L’Ukraine n’a jamais eu une quelconque intention d’attaquer sa propre centrale nucléaire, a-t-il assuré.  Constatant que le régime de Putin s’affaiblit chaque jour -comme l’a démontré la mutinerie du groupe Wagner– le Ministre a estimé que, quand les « principaux menteurs du Kremlin » se rendront compte que plus personne ne croit à leurs mensonges, ils seront forcés de mettre fin à cette guerre. 

Regrettant l’incapacité du Conseil de sécurité à prendre des mesures concrètes depuis plus de cinq-cents jours, le Ministre a déclaré « que le problème fondamental est bien connu » en pointant du doigt « la quatrième place à la droite de la présidence du Conseil » - place occupée actuellement par le représentant de la Fédération de Russie.  Remettant une nouvelle fois en cause la légitimité de la présence de la Fédération de Russie à la table du Conseil de sécurité en tant que membre permanent, le Ministre a appelé à réformer le Conseil et à priver la Fédération de Russie de ce statut. En conclusion, le Ministre a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle vienne en aide à l’Ukraine dans son combat contre une guerre d’agression, affirmant que « notre victoire sera aussi la vôtre contre le fléau de l’agression dans le monde ». 

M. PÉTER SZIJJÁRTÓ, Ministre des affaires et du commerce de la Hongrie, a fait état d’une guerre aux conséquences « graves et directes » pour le peuple hongrois, en dépit du fait qu’il n’en est en rien responsable.  Près de 150 000 Hongrois vivent en Ukraine, dont certains ont combattu et ont péri lors des combats contre les forces russes. Malgré les critiques et les attaques dont fait l’objet la Hongrie du fait de ses positions, le Ministre a plaidé pour le rétablissement de la paix en Ukraine le plus rapidement possible.  La solution n’est pas sur le champ de bataille mais dans des négociations diplomatiques, a martelé le Ministre, en craignant que les conditions favorables à de telles négociations s’éloignent de jour en jour. 

M. ZBIGNIEW RAU, Ministre des affaires étrangères de la Pologne, a estimé que le retrait unilatéral de la Russie de l’Initiative de la mer Noire signifie qu’elle a décidé d’attiser les flammes de sa guerre impériale contre l’Ukraine en ravivant l’agression économique contre les États et les sociétés les plus nécessiteux et les plus vulnérables du Sud global.  Le Ministre a appelé les autres parties à l’Initiative de tenir leurs propres engagements.  Qualifiant l’agression russe contre l’Ukraine de « menace la plus écrasante pour la paix et la sécurité mondiales depuis la guerre froide », le Ministre a mis l’accent sur trois préoccupations majeures pour la communauté internationale dans son ensemble. 

Pour la Pologne, l’invasion russe démontre « la nature complexe et imbriquée » des menaces à la sécurité internationale.  Il a cité l’insécurité alimentaire mondiale, « l’atteinte constante » à la sécurité de la centrale nucléaire de Zaporijia ou encore les dégâts environnementaux provoqués par la destruction du barrage de Nova Kakhovka.  Il a aussi rappelé que les conséquences de l’invasion avaient été étudiées dans plusieurs débats à l’ONU: sur les enfants dans les conflits armés, la violence sexuelle dans les conflits, la cybersécurité ou la destruction du patrimoine culturel. 

Le Ministre a ensuite appelé la communauté internationale à ne pas tolérer l’impunité pour les auteurs de crimes internationaux.  C’est pourquoi la Pologne soutient la Cour pénale internationale, la Cour internationale de Justice et la Cour européenne des droits de l’homme, est engagée dans la création d’un tribunal spécial pour le crime d’agression russe, appuie les efforts visant à établir un mécanisme international de réparation des dommages causés par l’invasion russe de l’Ukraine et soutient le registre des dommages mis en place par le Conseil de l’Europe. 

Enfin, le Ministre a appelé à ne proposer pour régler le conflit que des « solutions légitimes », car une paix injuste ou un conflit gelé ne ferait que prolonger l’instabilité et attirerait de nouvelles agressions.  La seule solution de paix durable doit être fondée sur la Charte des Nations Unies et son principe fondamental d’intégrité territoriale, a-t-il plaidé, appelant en conclusion le monde à « continuer à soutenir l’Ukraine, qui est une cause juste ». 

Mme ANNALENA BAERBOCK, Ministre des affaires étrangères de l’Allemagne, a commencé par rappeler l’histoire de Natálja Schornyk et de son fils Artem, âgé de 15 ans, emmenés comme de nombreux autres enfants ukrainiens par des soldats russes et retenu plusieurs semaines, jusqu’à ce que sa mère puisse aller le chercher en Ukraine occupée où il était détenu et le ramener à la maison.  La Ministre a dénoncé ces crimes d’enlèvement, rappelant que, lors de sa récente visite en Ukraine et en Russie, une délégation de chefs d’État et de gouvernement africains avait clairement indiqué « qu’en ce qui concerne ces enfants, l’humanité doit primer ».  Travaillons donc sur cette question, a-t-elle suggéré, ajoutant que « quand un agresseur ne s’arrête même pas aux enfants, la tragédie se transforme en une horrible inhumanité ». 

La Ministre a donc proposé à tous les États, à titre de « première mesure de confiance », d’unir leurs forces à celles des organisations internationales, des autorités ukrainiennes et des ONG pour enquêter et trouver ensemble des moyens de ramener les enfants chez eux. « Les enfants déportés appartiennent à leurs parents.  Ils doivent être renvoyés chez eux, chez eux en Ukraine.  Maintenant », a-t-elle ajouté. 

La Ministre a ensuite accusé la Russie d’avoir « ajouté de l’huile sur le feu d’une crise alimentaire mondiale », expliquant que, de ce fait, « des familles de tous les continents ont du mal à joindre les deux bouts et leurs enfants se couchent le ventre vide tous les soirs ».  Avec l’annonce de son retrait de l’Initiative céréalière de la mer Noire, Moscou menace encore plus de personnes de famine, a-t-elle ajouté.  Rappelant que, dès l’annonce du retrait de la Russie de l’Initiative, les prix du blé avaient bondi, la Ministre a conclu en appelant la Russie à cesser d’utiliser la faim comme une arme, arrêter d’enlever des enfants et arrêter sa guerre illégale contre l’Ukraine « au nom de l’humanité ». 

M. JEAN ASSELBORN, Ministre des affaires étrangères et européennes du Luxembourg, s’exprimant au nom des pays du Benelux –Belgique, Pays-Bas et Luxembourg-, a d’abord rappelé la destruction il y a tout juste neuf ans du vol MH17 de Malaysia Airlines, « abattu par un missile russe tiré depuis un champ agricole dans l’est de l’Ukraine, un territoire qui était à l’époque sous le contrôle de la Fédération de Russie », faisant 298 morts, dont des ressortissants des pays du Benelux.  Il a réitéré l’exigence de la résolution 2166 (2014) du Conseil de contraindre les responsables de cet incident à répondre de leurs actes. 

Se disant profondément choqué par l’impact dévastateur de l’agression non provoquée et injustifiée de la Russie contre l’Ukraine, le Ministre a rappelé la nécessité de mettre en œuvre les résolutions du Conseil sur la protection des infrastructures civiles, en particulier la résolution 2601 (2021) concernant la protection des écoles.  Il a aussi rappelé que, pour la première fois, les forces armées et groupes armés affiliés à un membre permanent du Conseil de sécurité ont été listés dans le rapport annuel du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés.  Rappelant que l’agression russe a un impact sur la sécurité alimentaire dans le monde entier, il a salué l’Initiative de la mer Noire, appelé à sa pleine mise en œuvre et à son prolongement sur le long terme.  Il a donc « vivement déploré » la décision russe de suspendre sa participation. 

Rappelant que la responsabilité pénale est essentielle pour garantir et maintenir la paix et la sécurité internationales et réaffirmant par ailleurs l’attachement des pays du Benelux aux travaux sur la redevabilité pour le crime d’agression, le Ministre s’est félicité de la création du centre international chargé des poursuites pour le crime d’agression contre l’Ukraine, qui vient de commencer ses activités à La Haye et a apporté son soutien au registre des dommages pour l’Ukraine établi par le Conseil de l’Europe.  Le Benelux soutient en outre la formule de paix du Président Zelenskyy, « un plan de paix crédible, compatible avec la Charte des Nations Unies ainsi qu’avec les aspirations des Ukrainiens ».  Le Ministre a dit voir dans le vote de l’Assemblée générale du 23 février dernier un appui de la communauté internationale à cette formule de paix. Il a, enfin, réaffirmé la solidarité pleine et entière des pays du Benelux avec le Gouvernement et le peuple ukrainiens.

Mme KAROLINE EDTSTADLER, Ministre fédérale chargée de l’Union européenne et de la Constitution à la chancellerie fédérale de l’Autriche, a rappelé qu’il y a désormais plus de cinq-cents jours que la Fédération de Russie a lancé une guerre non provoquée et injustifiable contre l’Ukraine, en violation flagrante des principes de la Charte, ajoutant qu’une attaque contre un des membres de l’ONU était une attaque contre « nous tous ».  Affirmant que le respect du droit international « n’est pas une option, c’est une obligation », la Ministre a appeléà sanctionner des violations aussi flagrantes du droit international « par des conséquences résolues ». 

Rappelant la raison d’être de l’ONU, la Ministre a qualifié de « préoccupation fondamentale » le silence du Conseil de sécurité face à l’agression russe.  Appelant à ne « jamais nous habituer » à aucune guerre dans le monde, elle a réclamé un Conseil de sécurité efficace, représentatif du monde d’aujourd’hui et outillé pour relever les défis du XXIe siècle.  Elle a dénoncé les « conséquences terribles » du conflit pour l’Ukraine, condamné avec véhémence les attaques délibérées contre les infrastructures civiles , ajoutant que leurs conséquences humanitaires ne pouvaient être surestimées.  Plusieurs de ces actes constituent des crimes de guerre et certains peuvent même constituer des crimes contre l’humanité, a-t-elle ajouté.  Consciente que l’impunité alimente le cycle des atrocités, la Ministre a affirmé que les auteurs des crimes « doivent être, et seront » tenus pour responsables. L’Autriche appuie pleinement tous les efforts en ce sens. 

Rappelant que les répercussions de la guerre en Ukraine s’étendent bien au-delà du pays, la Ministre a réaffirmé que la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie dans le monde est une « conséquence directe » de l’agression russe.  Après avoir salué le leadership du Secrétaire général et du Président Erdoğan de Türkiye dans la facilitation de l’Initiative de la mer Noire, elle a exhorté la Russie à reconsidérer sa décision annoncée aujourd’hui et à permettre sa poursuite. 

Au nom pays baltes, Mme GIEDRĖ BALČYTYTĖ, Chancelière de la Lituanie, a rappelé que la formule de paix présentée par l’Ukraine doit en être la feuille de route puisqu’elle a recueilli un large soutien à l’Assemblée générale.  Toute tentative de l’adapter ou de la simplifier risquerait d’en gommer l’essence même et reviendrait à se plier aux manipulations de la Russie.  L’Ukraine doit avoir le dernier mot sur la paix dans son territoire et les pays baltes continueront à s’opposer fermement aux appels à céder aux exigences de la Russie.  Elle a condamné le chantage exercé aujourd’hui par ce pays qui, s’il accordait vraiment la priorité à la sécurité alimentaire mondiale, cesserait d’ériger des obstacles au travail du Centre de coordination conjoint et à la poursuite de l’Initiative de la mer Noire. 

Toute paix juste et durable doit être conforme aux principes de la Charte, en particulier la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance, a insisté la Chancelière.  En tant que communauté des Nations Unies, nous devons, a-t-elle souligné, veiller à la protection des principes fondamentaux de notre coopération et condamner tous ceux qui facilitent activement la guerre de la Russie, comme le Bélarus et l’Iran.  La Russie, a ajouté la Chancelière, porte l’entière responsabilité des immenses souffrances infligées à la population ukrainienne.  Les mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale contre Vladimir Putin et Maria Lvova-Belova pour déportation forcée d’enfants ukrainiens ne sont qu’une première étape car la Russie doit également répondre de ses nombreux crimes de guerre, tels que la destruction délibérée d’infrastructures civiles et les catastrophes écologiques.  LaChancelière a d’ailleurs plaidé pour, sur la base de l’exemple ukrainien, la création d’un tribunal international spécial pour juger les auteurs de crimes d’agression.

Au nom des pays nordiques, Mme LOTTE MACHON, Vice-Ministre de la politique de développement du Danemark, a exprimé sa grave préoccupation face aux conséquences humanitaires de la guerre d’agression que mène la Russie contre l’Ukraine, en particulier au Sahel et dans la Corne de l’Afrique.  Après avoir relevé les attaques de drones et les frappes de missiles russes en Ukraine, elle a rappelé que les attaques contre les civils et les infrastructures civiles sont interdites par le droit international et peuvent constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.  Elle a également appelé la Fédération de Russie à garantir un accès sûr et sans entrave aux acteurs humanitaires dans toutes les zones sous son contrôle militaire temporaire, ainsi qu’aux personnes qu’elle détient ou déportées de force, dont les enfants. 

Poursuivant, la Vice-Ministre s’est inquiétée de l’avenir de l’Initiative de la mer Noire qui a permis d’éviter une nouvelle aggravation de la crise alimentaire dans le monde.  Déjà, au mois de mai, les exportations étaient à leur niveau le plus bas depuis le début de l’Initiative, principalement à cause de l’obstruction russe à l’inspection et à l’immatriculation des navires.  Cette initiative, a insisté la Vice-Ministre, n’aurait pas lieu d’être sans l’agression russe.  La Russie porte donc la lourde responsabilité d’assurer sa poursuite et son bon fonctionnement.  Dans ce contexte, la Vice-Ministre a exprimé son soutien à tout effort visant à mettre fin à l’agression de la Russie, y compris le retrait complet et inconditionnel de ses forces militaires de l’ensemble du territoire ukrainien dont la souveraineté et l’intégrité doivent être dûment respectées. 

M. OLOF SKOOG, de l’Union européenne, a réitéré sa condamnation résolue de la guerre d’agression menée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine, ainsi que le soutien militaire apporté à l’envahisseur par l’Iran et le Bélarus.  L’Union européenne soutiendra l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire, a-t-il assuré.  À cet égard, il a exprimé son profond regret devant la décision de la Russie de se retirer de l’Initiative de la mer Noire, qui entraînera selon lui une incertitude généralisée sur les marchés mondiaux, tout en aggravant la situation désastreuse des pays importateurs de denrées alimentaires.  « La Russie continue de militariser la nourriture et de saper la sécurité alimentaire mondiale », a dénoncé le représentant, pour qui la Fédération de Russie sape le système multilatéral « pièce par pièce », en bloquant l’action du Conseil de sécurité en faveur de l’aide humanitaire en Syrie et en empêchant l’extension de l’Initiative, qui a permis l’exportation de quelque 32 millions de tonnes de denrées alimentaires. 

Après avoir affirmé que les exportations russes de denrées alimentaires, d’engrais et d’autres produits agricoles n’ont jamais fait l’objet de sanctions de la part de l’Union européenne, le représentant a exhorté la Russie à reconsidérer sa décision.  Qui plus est, l’Initiative de la mer Noire n’aurait pas été nécessaire si la Russie n’avait pas lancé une invasion de l’Ukraine et bloqué ses ports sur la mer Noire, a-t-il rappelé.  Dans l’intervalle, les voies de solidarité de l’UE restent ouvertes et ont déjà permis l’exportation de plus de 38 millions de tonnes de produits alimentaires ukrainiens, a assuré M. Skoog. 

Le représentant a par ailleurs indiqué que le centre international pour la poursuite du crime d’agression contre l’Ukraine avait commencé ses opérations de soutien en vue d’établir un tribunal à La Haye.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Devant l’ECOSOC, le Secrétaire général appelle à un « nouveau Bretton Woods » pour financer la course aux ODD avant qu’advienne l’irréparable

Session de 2023, Forum politique de haut niveau
12e séance – matin
ECOSOC/7139

Devant l’ECOSOC, le Secrétaire général appelle à un « nouveau Bretton Woods » pour financer la course aux ODD avant qu’advienne l’irréparable

Le constat, amer, est dressé par le Secrétaire général de l’ONU: près d’un tiers des cibles du Programme de développement durable à l’horizon 2030 sont au point mort ou enregistrent une régression.  Or « ne pas tenir nos promesses sèmera les graines de la désillusion, de la méfiance et du ressentiment », a prévenu António Guterres dans la salle de l’Assemblée générale des Nations Unies, ce lundi, en s’exprimant en ouverture du débat de haut niveau du forum politique pour le développement durable et du segment ministériel du Conseil économique et social (ECOSOC). 

Énonçant devant l’ECOSOC une poignée de statistiques choquantes –au rythme actuel, il faudrait encore trois siècles pour parvenir à l’égalité des genres; 600 millions de personnes seront encore enlisées dans l’extrême pauvreté en 2030- le Chef de l’ONU a particulièrement insisté sur la course aux financements et à la réforme d’un « système financier international défaillant ».  Un diagnostic partagé par M. Jevanic Henry, membre du Groupe consultatif des jeunes du Secrétaire général sur les changements climatiques, qui a appelé à une réforme de l’architecture financière internationale pour mieux tenir compte de la vulnérabilité des pays. 

Appelant de ses vœux à un « nouveau Bretton Woods », M. Guterres a listé une série exhaustive de propositions pour sortir du marasme.  À commencer par une note d’orientation sur la façon de réformer cette architecture financière, afin qu’elle forme un filet de sécurité pour les pays et donne accès à un financement abordable, à long terme.  Il a aussi rappelé le plan de relance des ODD qu’il a proposé, de 500 milliards de dollars par an, qui doit agir notamment au niveau de la dette, en exhortant les dirigeants à mettre en place un mécanisme d’allègement rapide et effectif, des suspensions de paiements pour les pays subissant des chocs graves, des durées de prêt plus longues et des taux plus bas.  Le plan préconise aussi l’accroissement des fonds propres des banques multilatérales de développement, qui doivent elles-mêmes modifier leur modèle économique, afin de pouvoir mobiliser beaucoup plus de fonds privés, à un coût raisonnable, pour les pays en développement.

L’urgence est évidente côté climat, alors que « des records de températures tombent les uns après les autres », comme l’a observé la Présidente de l’ECOSOC, Mme Lachezara Stoeva.  Alors que 130 millions de personnes pourraient basculer dans la pauvreté d’ici à 2030 en raison de la hausse des températures d’après la Banque mondiale, le plan de relance du Secrétaire général a été pensé pour investir massivement dans l’action climatique. 

Le Président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), M. Hoesung Lee, a désigné le chemin à suivre, aussi simple dans sa définition que compliqué dans sa mise en œuvre: des diminutions importantes, rapides et durables des émissions de gaz à effet de serre pour se limiter à 1,5 degré Celsius de réchauffement.  Ces émissions continuent pourtant d’augmenter à l’heure qu’il est, a constaté l’expert avec amertume, en rappelant qu’environ 79% des émissions de gaz à effet de serre mondiales proviennent de la production et de l’utilisation d’énergie.  Malgré un investissement mondial dans le climat insuffisant, l’expert a relevé cette bonne nouvelle: « nous disposons des capitaux et des liquidités nécessaires pour combler les déficits de financement ».  Il a réclamé des « politiques coordonnées » pour parvenir à une émission net zéro.

Pour agir face à « cette folie » du basculement climatique ressenti actuellement dans tout l’hémisphère nord, M. Guterres a appelé les pays développés à tenir leurs engagements et à fournir les 100 milliards de dollars promis, « cette année », a-t-il insisté.  Il a aussi enjoint à réapprovisionner le Fonds vert pour le climat et à doubler le financement en vue de l’adaptation.  Et pour mettre en œuvre l’action coordonnée réclamée toute la journée durant, le Secrétaire général a proposé un « pacte de solidarité climatique », par lequel les pays fortement émetteurs d’émissions de gaz à effet de serre redoubleraient d’efforts pour les réduire, et les pays les plus riches appuieraient les économies émergentes.  Quoi qu’il en soit, tous les pays doivent accélérer les efforts puisque les pays développés doivent s’engager à parvenir à zéro émission nette « le plus près possible de 2040 », et « les économies émergentes d’ici à 2050 ». 

Une conversation informelle a réuni ce lundi hauts fonctionnaires et scientifiques autour du dernier Rapport mondial sur le développement durable, un document rédigé tous les quatre ans par un groupe indépendant de scientifiques nommés par le Secrétaire général.  Le texte compile les connaissances les plus récentes et propose des recommandations en vue de sauver les ODD.  Les échanges ont largement porté sur l’analyse des échecs de la réalisation des ODD, que Mme Imme Scholz, la Vice-Présidente du Groupe indépendant des personnalités scientifiques en charge de la rédaction du rapport sur le développement durable, a expliqués par « une volonté politique déficiente » et des « lacunes institutionnelles ». 

Alors que se profile le prochain Sommet sur les ODD, dans deux mois à peine, le Président de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale, M. Csaba Kőrösi, a souligné que son principal défi sera celui de la « crédibilité ».  Autrement dit, de convaincre le monde que, dorénavant, « nous ferons mieux en matière de développement durable ». Dans quelques semaines seulement, de nouveaux engagements seront pris « sur lesquels nous devrons nous mettre d’accord », a insisté le Président, en plaçant ses espoirs sur une approche d’évaluation des pays allant au-delà du PIB ainsi que sur la création d’un système d’évaluation scientifique pour la mise en œuvre des ODD.  De son côté, le Chef de l’ONU a espéré de ce futur Sommet des engagements clairs et une « déclaration politique forte ».

La journée s’est poursuivie avec six examens nationaux volontaires examinés par séries de trois (République démocratique du Congo, Guyana, Roumanie; République centrafricaine, Chili, Ouzbékistan) et le début du débat général.  Les trois journées de haut niveau se tiennent ce lundi et jusqu’à mercredi 19 juillet, à partir de 9 heures.

DÉBAT DE HAUT NIVEAU, Y COMPRIS LA RÉUNION MINISTÉRIELLE DE TROIS JOURS DU FORUM POLITIQUE DE HAUT NIVEAU POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ORGANISÉ SOUS LES AUSPICES DU CONSEIL

Discours d’ouverture

M. JEVANIC HENRY, membre du Groupe consultatif des jeunes du Secrétaire général sur les changements climatiques, a appelé le monde à emprunter une autre voix pour parvenir à la réalisation des ODD.  « Les jeunes vous exhortent à agir. »  La pandémie a montré combien il est urgent de rectifier le tir, a-t-il dit, en agitant le spectre d’un échec dans ladite réalisation des objectifs de développement durable (ODD).  Les jeunes comme moi portent le fardeau des pertes en développement durable, s’est-il désolé.  Il a appelé à une réforme de l’architecture financière afin de prendre en compte les vulnérabilités de tous les pays, avant de souligner l’importance fondamentale de bâtir des villes durables.  Les jeunes ne doivent pas être considérés comme acquis et restent déterminés à réclamer des comptes s’agissant de la réalisation des ODD, a-t-il tranché. « Comment voudrons-nous nous rappeler de l’année 2023, comme l’année de l’espoir ou comme celle de l’échec? »

Pour Mme ASMA ROUABHIA, représentante du groupe des jeunes de la cellule mondiale de coordination de l’ODD 7, plus que jamais, notre programme devrait se concentrer sur « notre humanité, notre rétablissement, notre résilience, notre préparation et notre unité ».  Nous ne pourrons faire face aux défis que si nous sommes unis, a-t-elle fait remarquer. Originaire d’une bourgade à la frontière tuniso-algérienne, Mme Rouabhia rêvait, comme beaucoup d’autres enfants dans le monde, de devenir médecin pour « sauver la vie des gens ».  Elle s’est dite fière de ses origines rurales, « car c’est ce qui m’a encouragée à faire plus, à travailler plus dur et à avoir un plus grand but dans la vie ».  Les filles comme elle, nées dans des zones rurales, des camps de réfugiés, des zones de conflit, ont un grand potentiel, a-t-elle estimé.  Elle a appelé à investir dans leur éducation, leur sécurité, leur bien-être et leur potentiel, recommandant de les encourager à « croire en elles-mêmes et à développer leurs compétences ». 

Les nombreux jeunes oubliés et marginalisés par le monde font de leur mieux, malgré un accès limité aux ressources, pour aider leurs communautés et trouver des solutions innovantes, a-t-elle poursuivi. Ils sont en première ligne dans les situations de crise, qu’il s’agisse de la pandémie, de l’explosion survenue au port de Beyrouth, des inondations au Pakistan, du séisme survenu en Syrie et en Türkiye.  Les jeunes sont prêts à donner de leur temps, de leur énergie et de leur dévouement: ils veulent contribuer, ils veulent diriger.  « Nous devons être reconnus, entendus, valorisés, équipés, responsabilisés, consultés, impliqués dans les politiques et disposer de l’espace nécessaire pour avoir un impact », a démontré Mme Rouabhia. 

Mme LACHEZARA STOEVA, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a indiqué que le monde est à un tournant.  Elle a rappelé le lourd bilan pour le monde des conséquences de la pandémie, puis de la guerre en Ukraine, et des records de température qui tombent les uns après les autres.  « Nous avons atteint la cote d’alerte, pourtant ce n’est pas le moment de paniquer mais d’agir. »  Les pays doivent intégrer les ODD dans leurs plans nationaux de développement et harmoniser leurs priorités avec ceux-ci, a-t-elle dit.  Si elle a pointé la « mauvaise nouvelle » que constitue ces sept années de perdues, la bonne nouvelle est qu’il en reste sept autres pour réaliser les ODD. 

La Présidente de l’ECOSOC a salué les pays, ainsi que l’Union européenne, qui présentent leur examen national volontaire cette année.  Elle a appelé à mobiliser les ressources financières, tant nationales qu’internationales, et a martelé qu’inclusion et participation sont clefs pour garantir la réalisation des ODD, en faisant en sorte de ne laisser personne de côté. Enfin, elle a souligné le rôle crucial des jeunes dans la réalisation des ODD, notamment parce qu’ils ne s’embarrassent pas de modes de pensées conventionnels et parce qu’ils sont prêts à explorer de nouvelles frontières.

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a rappelé que la promesse de 2015 est en péril aujourd’hui et que « le monde est terriblement mal parti » à mi-chemin de l’échéance de 2030. L’édition spéciale de son rapport sur les objectifs de développement durable (ODD) dresse un tableau très sombre, montrant la faiblesse et l’insuffisance des progrès réalisés pour une bonne moitié des cibles de développement durable: près d’un tiers de ces cibles sont au point mort ou enregistrent une régression.  Émissions, inégalités, faim… le Secrétaire général s’est inquiété du manque de progrès et qu’au rythme actuel, il faudrait encore trois cents ans pour parvenir à l’égalité des genres.  En outre, 600 millions de personnes seront encore enlisées dans l’extrême pauvreté en 2030.  Dès avant les bouleversements récents (COVID-19, crise climatique, conflits généralisés et invasion de l’Ukraine par la Russie), le monde n’était déjà pas bien engagé, a rappelé M. Guterres, faute de solidarité, d’ambition et d’un nécessaire sentiment d’urgence. 

Faute de financements également, le Secrétaire général rappelant que de nombreux pays se situent au bord d’un gouffre financier; que le déficit annuel de financement des ODD est désormais estimé à 4,2 trillions de dollars –contre 2,5 trillions avant la pandémie- et que les promesses faites en matière d’aide internationale au développement et de financement de l’action climatique n’ont pas été tenues.  Les gouvernements « croulent sous les dettes », s’est-il inquiété, les pays en développement devant faire face à des coûts d’emprunt très élevés.  Il a souligné que 52 pays se trouvent en défaut de paiement ou en passe de l’être, sans qu’aucun système efficace d’allègement de la dette ne soit en vue. « Ne pas tenir la promesse de 2030 sèmera les graines de la désillusion, de la méfiance et du ressentiment », a prévenu M. Guterres.

Se plaçant dans la perspective du prochain Sommet sur les ODD, il a enjoint chaque gouvernement à s’y rendre muni « d’engagements et de plans clairs » pour renforcer l’action dans leur propre pays d’ici à 2030.  Il a appelé à des promesses et des interventions nationales ambitieuses pour réduire la pauvreté et les inégalités d’ici à 2027 et 2030; à des politiques, des plans d’investissements et des partenariats clairs, pour faire progresser les transitions majeures liées aux ODD.  Le Sommet doit aussi inciter la société civile et les entreprises à peser de tout leur poids.  Une « déclaration politique forte » doit absolument émerger du Sommet, afin de revitaliser la promesse des ODD et pour envoyer un message clair sur la question du financement. 

Car « le système financier international est défaillant », a poursuivi le Secrétaire général.  Il ne parvient pas à fournir aux pays en développement un financement à long terme et abordable en faveur du développement et de l’action climatique, ni à fournir à ces pays un filet de sécurité face aux chocs. « J’ai appelé à un nouveau Bretton Woods », a formulé le Chef de l’ONU.  « J’ai aussi présenté une note d’orientation sur la façon de réformer l’architecture financière internationale », afin qu’elle puisse opérer comme un filet de sécurité pour tous les pays et donner accès à un financement abordable à long terme. 

M. Guterres a dit avoir aussi proposé un plan de relance des ODD de 500 milliards de dollars par an, en vue d’investissements dans le développement durable et l’action climatique.  L’augmentation du financement doit être « massive », notamment par l’accroissement des fonds propres des banques multilatérales de développement, qui doivent elles-mêmes modifier leur modèle économique afin de pouvoir mobiliser beaucoup plus de fonds privés à un coût raisonnable pour les pays en développement.  Le plan de relance consiste également à agir au niveau de la dette, en exhortant les dirigeants à mettre en place un mécanisme d’allègement rapide et effectif, prévoyant des suspensions de paiements pour les pays subissant des chocs graves, des durées de prêt plus longues et des taux plus bas.  Il prévoit aussi une extension des financements pour imprévus dans les pays qui en ont besoin, notamment en réorientant les droits de tirage spéciaux (DTS), en particulier par la voie des banques multilatérales de développement.  M. Guterres a exhorté les pays du G20 à établir un calendrier, cette année, en vue de la création d’un nouveau mécanisme de règlement de la dette. 

Sur le plan du climat, il a appelé les pays développés à tenir leurs engagements et à fournir les 100 milliards de dollars promis, « cette année », a-t-il insisté.  Il a aussi enjoint à réapprovisionner le Fonds vert pour le climat et à doubler le financement en vue de l’adaptation.  D’après la Banque mondiale, 130 millions de personnes pourraient basculer dans la pauvreté d’ici à 2030 en raison de la hausse des températures.  Déjà, aujourd’hui, les fumées des incendies de forêts asphyxient les habitants de l’Amérique du Nord.  « C’est de la folie », s’est exclamé M. Guterres. Pourtant, il n’est selon lui pas encore trop tard pour limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 degré Celsius « si le monde fait un prodigieux bond en avant en faveur d’une action climatique conjointe ». 

Il a proposé à cette fin un « Pacte de solidarité climatique », par lequel tous les grands émetteurs redoubleraient d’efforts pour réduire leurs émissions et les pays les plus riches appuieraient les économies émergentes.  Le Secrétaire général a également proposé un « programme d’accélération » pour intensifier ces efforts.  En substance, tous les pays doivent accélérer leur calendrier de zéro émission nette, conformément au principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives.  Les pays développés doivent s’engager à parvenir à zéro émission nette, « le plus près possible de 2040 », et « les économies émergentes d’ici à 2050 », a formulé M. Guterres, listant des mesures concrètes: élimination progressive des combustibles fossiles, justice climatique, transition juste et accélérée, « révolution des énergies renouvelables ».  Il a enfin exhorté toutes les parties à veiller à ce que la COP28 mette en place le Fonds pour les pertes et les préjudices. 

M. CSABA KŐRÖSI, Président de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale, a rappelé que le forum politique de haut niveau sous les auspices de l’ECOSOC est la seule plateforme dédiée exclusivement à offrir un leadership politique et à fournir des orientations concrètes pour la réalisation du Programme 2030.  Le fait est, selon lui, qu’aucun pays ne sera en mesure d’atteindre ces objectifs d’ici à 2030 si un bond en avant n’est pas accompli.  Des mesures urgentes sont nécessaires pour lutter entre autres contre la pollution de l’eau et la pénurie d’eau, ainsi que contre les pressions environnementales exercées par l’industrie et la croissance urbaine, a poursuivi le Président, qui a appelé à réduire sans délai les émissions de gaz à effet de serre, la pollution atmosphérique et à accélérer la décarbonation. 

Une coordination plus efficace entre sciences et politique, ainsi qu’une meilleure intégration des dimensions économiques, sociales et environnementales du développement durable, n’ont jamais été aussi urgentes: en fait, pour le Président, « la seule bonne nouvelle est que nous sommes, en général, toujours dans la course; mais la course elle-même doit changer ».  Il est désormais impératif que « nous nous fassions les champions d’une action innovante, holistique et audacieuse », a-t-il appuyé.

Martelant que dans deux mois aura lieu le Sommet sur les ODD, un sommet de nature non conventionnelle, il a souligné que son principal défi sera, selon lui, celui de la « crédibilité »: « comment convaincre le monde qu’à partir de maintenant, nous ferons mieux en matière de développement durable? » s’est-il demandé.  La vision du Président -son « espoir »- est que le Sommet aboutisse à une accélération drastique de la mise en œuvre des ODD. L’événement sera l’occasion de produire un changement qualitatif majeur dans nos efforts, a-t-il espéré.  En quelques semaines seulement, de nouveaux engagements seront pris pour de nouveaux changements « sur lesquels nous devrons nous mettre d’accord », a espéré le Président. Pour que cela se produise néanmoins, il faut reconnaître l’étendue du problème au niveau mondial et admettre de devoir impérativement changer les façons de penser et d’agir, a étayé M. Körösi. 

Il a aussi cité le développement d’une approche allant « au-delà du PIB », ainsi que la création d’un système d’évaluation scientifique pour la mise en œuvre des ODD, comme des éléments transformateurs que les États Membres doivent s’engager à mettre en œuvre.  Le monde doit dorénavant avoir compris que « nos vies sont impactées par des événements échappant à notre contrôle » et ne pouvant être gérés que par « une coordination et une coopération mondiales améliorées, fondées sur la confiance et la bonne foi », a enfin formulé le Président de l’Assemblée générale.  Des changements climatiques au terrorisme biologique, en passant par les règles relatives à la confidentialité des données ou à l’utilisation de l’intelligence artificielle, le Président de l’Assemblée a appelé à un « front commun » pour construire un monde meilleur, pour tous.  « Transformons le monde.  Sauvons le monde », a-t-il scandé en conclusion.

« Limiter les changements climatiques est essentiel pour le développement durable », a d’emblée rappelé M. HOESUNG LEE, Président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), en faisant remarquer que ces changements multiplient les menaces, qu’elles soient climatiques ou pas.  Il s’est inquiété de constater que seules 12% des 140 cibles des ODD sont sur la bonne voie.  L’expert a énuméré toutes les conséquences négatives des changements climatiques qui ont notamment exposé près de la moitié de la population mondiale à une insécurité alimentaire aiguë; ralenti la croissance dans la productivité agricole dans le monde entier au cours des cinquante dernières années; aggravé les phénomènes climatiques comme les cyclones tropicaux.  Ces changements font en outre augmenter les décès liés aux inondations et aux sécheresses, tandis que les extrêmes climatiques provoquent de nombreux déplacements.  Les attaques sur la santé humaine et les risques accrus d’extinction des espèces ont été également cités par M. Lee avant qu’il ne parle de l’élévation du niveau des mers.  Par conséquent, des diminutions très importantes, rapides et durables des émissions de gaz à effet de serre sont la meilleure option pour le développement durable, a tranché l’expert. 

Pour se limiter à 1,5 degré Celsius de réchauffement, les émissions de gaz à effet de serre devraient déjà diminuer en 2025 puis rapidement jusqu’à zéro d’ici à 2050.  Pourtant, elles continuent d’augmenter, a-t-il observé avant de prôner le développement de l’énergie durable et l’utilisation durable des terres.  Il a rappelé que 79% des émissions de gaz à effet de serre mondiales, approximativement, proviennent de la production et de l’utilisation de l’énergie dans les secteurs de l’industrie, du transport et de la construction, le reste venant de l’agriculture, de la foresterie, de l’utilisation des forêts et d’autres utilisations foncières.  Les émissions varient fortement en fonction des pays, a-t-il aussi rappelé en citant les moins émetteurs: les pays les moins avancés (PMA) et les petits États insulaires en développement (PEID). Pour M. Lee, les émetteurs importants doivent réduire de façon plus significative leurs émission pour atteindre le net zéro et les pays développés doivent utiliser leurs moyens financiers et technologiques plus grands pour apporter leur aide aux autres pays, comme ils l’ont promis dans l’Accord de Paris.  « Ils est temps d’accomplir cette promesse. » 

Le Président du GIEC a conclu que les engagements ainsi que l’investissement mondial dans le climat sont insuffisants, celui-ci devant augmenter fortement.  Il a appelé à renforcer le soutien aux pays en développement.  « La bonne nouvelle est que nous avons des capitaux et les liquidités nécessaires pour combler les déficits de financement. »  Un net zéro nécessite des politiques coordonnées, a aussi fait valoir M. Lee en invitant à renforcer la coopération internationale, notamment pour un meilleur partage des connaissances.  « Nous devons faire les bons choix. »  Il a lancé un appel à toutes les parties pour qu’elles renforcent leurs efforts pour accomplir le développement durable.

Conversation informelle sur le Rapport mondial sur le développement durable 2023

L’insuffisance des progrès dans la réalisation des ODD a été au cœur de cette conversation. 

Mme IMME SCHOLZ, Vice-Présidente du Groupe indépendant des personnalités scientifiques en charge de la rédaction du rapport sur le développement durable, a expliqué ces progrès insuffisants par une volonté politique déficiente et des lacunes institutionnelles. Celle qui est Coprésidente de la Heinrich Böll Foundation a noté que les reculs sont inhérents à tout changement dans les manières de faire, puisqu’il faut surmonter les résistances et réticences de ceux qui ont à perdre d’un tel changement.  Les politiques publiques sont capitales pour accompagner cette transformation, a-t-elle dit, en appelant à une évaluation de leur impact. Elle a aussi indiqué que la science doit s’adapter et mettre l’accent sur la coopération.  Il faut également mettre sur pied les coalitions capables de porter la transformation et de résister aux pressions, a-t-elle dit, en défendant « une vision commune » de l’intérêt général.

« Je suis marqué, épuisé et blessé par la pandémie », a déclaré son collègue M. JAIME MIRANDA, Vice-Président du Groupe indépendant des personnalités scientifiques en charge de la rédaction du rapport sur le développement durable, qui est à la tête de l’École de santé publique de l’Université de Sydney (Australie) et qui a été invité à faire le bilan de la pandémie.  « J’ai perdu mon père et j’ai perdu également nombre d’amis, de collègues, de voisins. »  Je vous parle de souffrance parce que c’est cette souffrance qui nous a encouragés à aller de l’avant, en tant qu’humanité, sur le chemin de la résilience, a-t-il dit, en rappelant que l’ONU est née également d’une souffrance.  Il a indiqué que cette pandémie nous a appris à être « humains et unis ».  Il nous reste sept ans pour réaliser les ODD, a-t-il dit, en confiant son « espoir ».  Il a aussi décrit la courbe en S décrite par toute transformation sociale, avec notamment une phase d’accélération, qui doit s’accompagner des politiques publiques idoines afin d’éliminer les externalités négatives.  « La science nous unit en faveur de l’intérêt général. » 

Mme MARILYNN HOLGUIN CLOVER, représentante des jeunes, de The Millennials Movement, a noté que ce rapport cherche à changer le monde pour le meilleur.  Ce rapport pourrait encourager les jeunes à agir en faveur du développement durable, a-t-elle dit, en souhaitant une large diffusion.  Elle a enfin exhorté les États à faire fond sur ce rapport en vue de réaliser les transformations nécessaires.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le débat public sur les violences sexuelles liées aux conflits dénonce « l’effet enhardissant de l’impunité »

9378e séance - matin
CS/15357

Conseil de sécurité: le débat public sur les violences sexuelles liées aux conflits dénonce « l’effet enhardissant de l’impunité »

À l’occasion du débat public annuel du Conseil de sécurité sur les violences sexuelles liées aux conflits, près de 70 délégations ont pris la parole pour, à la suite de la Représentante spéciale sur la question, Mme Pramila Patten, dénoncer « l’effet enhardissant » de l’impunité et du laxisme de certains États ou parties qui partent du principe que le viol est « gratuit » voire rentable dans l’économie politique de la guerre.

Le rapport annuel du Secrétaire général qu’a présenté Mme Patten décrit des schémas et des tendances de la violence sexuelle liée aux conflits dans 20 situations préoccupantes.  Il fait état de 2 455 cas commis au cours de l’année examinée qui ont été vérifiés par les Nations Unies grâce à la méthodologie rigoureuse mise en place en vertu de la résolution 1960 (2010) du Conseil. 

Mais s’il fait état de la gravité et de la brutalité des incidents vérifiés, le rapport ne prétend pas refléter l’échelle mondiale ou la prévalence de ce crime chroniquement sous-déclaré et historiquement caché, a averti Mme Pratten.  À preuve, le cas de la République démocratique du Congo (RDC) qui, avec 701 cas, est le pays qui compte le plus de cas vérifiés de violences sexuelles liées aux conflits alors que, dans le seul Nord-Kivu, plus de 38 000 cas de violence sexuelle et sexiste ont été signalés.  À propos des rapports « horribles »  -le mot est revenu souvent lors de la séance- relatifs au Soudan et à l’Ukraine, deux des pays les plus mentionnés, le représentant des Pays-Bas a pour sa part noté qu’ils ne formaient là que « la pointe de l’iceberg » des nombreux contextes de conflit dans lesquels le niveau des violences sexuelles s’aggrave. 

Citant de nombreux chiffres, la Représentante spéciale a rappelé que les femmes et les filles représentent 94% des cas vérifiés contre 6% pour les hommes et les garçons. Les enfants représentent 32% des incidents vérifiés et, parmi eux, 97% concernent des filles.  Dans une annexe « non exhaustive », le rapport liste 49 parties, pour la plupart des acteurs non étatiques, dont plusieurs ont été désignés comme groupes terroristes et inscrits sur la liste des différents comités du Conseil de sécurité, ainsi que plusieurs pays, comme l’Éthiopie, Haïti, la RDC, ou le Soudan du Sud. 

Parmi les 17 pays examinés dans le rapport figure aussi en bonne place l’Ukraine. La mission de surveillance des droits de l’homme dans ce pays y a recensé 125 actes de violences sexuelles liées au conflit commis depuis l’invasion russe, sur des personnes faisant partie de la population civile ou sur des prisonniers de guerre, par des membres des forces armées russes, de groupes armés affiliés à la Fédération de Russie et des membres des forces de l’ordre russes, qui se sont servi des violences sexuelles comme méthode de torture. 

Ces éléments ont été vigoureusement rejetés par la Fédération de Russie, qui, à l’ouverture de la séance, a contesté « officiellement » la présence de Mme Patten, l’accusant de véhiculer de fausses informations sans preuves et d’abuser de son statut.  Lors de sa déclaration ultérieure, le représentant russe a jugé inacceptable que les souffrances des survivants de violences sexuelles ou que les accusations portées à cet égard deviennent une « monnaie d’échange » dans des jeux politiques ou un élément de « rhétorique de dénigrement » non fondé sur des faits. 

Jugeant indignes ces « attaques personnelles » contre la Représentante spéciale au motif qu’elle s’est faite l’écho de voix de femmes, les États-Unis ont mis en avant les nombreuses preuves et « rapports horribles » montrant les violences sexuelles exercées par les soldats russes contre des victimes âgées de 4 à plus de 80 ans.  Les exactions russes en Ukraine ont été dénoncées par de nombreuses délégations, en particulier celles des pays européens.  Mme Patten, dont la première visite de terrain en 2022 a été consacrée à l’Ukraine, a dit y avoir entendu les récits déchirants de survivants et a réitéré l’appel du Secrétaire général aux autorités russes afin qu’elles prennent des mesures de prévention, conformément aux résolutions du Conseil.  Dans le même temps, elle s’est dite encouragée par les engagements pris par le Gouvernement ukrainien, articulés dans un cadre de coopération signé en mai 2022. 

Mme Patten a aussi dénoncé les violences sexuelles auxquelles sont exposées les personnes réfugiées ou déplacées, et a jugé « très inquiétante » la prolifération des maisons de tolérance à l’intérieur et autour des camps en RDC, qui opèrent en plein jour « au nez et à la barbe » des autorités nationales et des acteurs humanitaires.

La présidence britannique avait orienté le débat, marqué par des témoignages poignants de deux représentantes de la société civile, sur les moyens de promouvoir l’application des différentes résolutions du Conseil consacrées aux violences sexuelles liées aux conflits.  Pour le Royaume-Uni, le Conseil a mis en place un cadre solide pour prévenir les violences sexuelles, mais il demeure entre ces exigences et la réalité sur le terrain toujours un fossé que l’Albanie a jugé « immense ». 

Plusieurs délégations, à l’instar du Ghana et de l’Afrique du Sud ont salué le déploiement des conseillers à la protection des femmes dans le cadre des missions de maintien de la paix, et encouragé, à l’image de la Pologne, l’utilisation d’indicateurs d’alerte précoce.  Relevant que la violence sexuelle étant étroitement liée à la pauvreté, la Chine a appelé à œuvrer à l’autonomisation des femmes en situation de conflit et à travailler à l’élimination de la discrimination fondée sur le genre.  Parmi les autres causes sous-jacentes à l’origine de ces violences, le Costa Rica a pointé la prolifération des armes légères et de petit calibre qui contribue à perpétuer la violence sexuelle dans les situations de conflit et de postconflit, en exacerbant la vulnérabilité des personnes. 

Au-delà de la lutte contre l’impunité pour les auteurs de violences sexuelles, de nombreuses délégations ont aussi appelé, comme le Luxembourg, à reconnaître que « la violence sexuelle est liée à l’inégalité des genres ».  C’est pourquoi le Kazakhstan a appelé d’une part à « replacer la honte des violences sexuelles sur leurs auteurs », mais aussi à promouvoir l’éducation et créer une prise de conscience sur la nécessité de l’autonomisation des femmes.

LES FEMMES ET LA PAIX ET LA SÉCURITÉ

Violences sexuelles liées aux conflits: promouvoir l’application des résolutions du Conseil de sécurité sur les violences sexuelles liées aux conflits (S/2023/413S/2023/476)

Objection préliminaire 

La représentante de la Fédération de Russie a officiellement fait connaître son désaccord à la participation à la séance de Mme Pramila Patten, Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit.  La représentante a reproché à Mme Patten d’avoir véhiculé de fausses informations, notamment que les soldats russes ont reçu du viagra afin qu’ils violent des femmes ukrainiennes.  De même, a-t-elle poursuivi, est apparu sur Internet un enregistrement de sa discussion dans laquelle elle a reconnu qu’elle n’avait aucune preuve fiable à cet égard. Pour la Fédération de Russie, Mme Patten a diffusé de fausses informations en abusant de son statut concernant un États Membres de l’ONU. 

Déclarations

Mme PRAMILA PATTEN, Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, qui présentait le rapport 2022 du Secrétaire général consacré aux « Violences sexuelles liées aux conflits », a alerté d’entrée sur une tendance à l’aggravation de ces violences.  Le monde est confronté au plus grand nombre de conflits depuis la Seconde Guerre mondiale, tandis que le nombre de personnes forcées de fuir leur foyer a atteint le chiffre record de 110 millions, a-t-elle rappelé. 

Mme Patten a ainsi donné un aperçu global des schémas et des tendances de la violence sexuelle liée aux conflits dans 20 situations préoccupantes, faisant état de 2 455 cas de violence sexuelle liée aux conflits commis au cours de l’année examinée qui ont été vérifiés par les Nations Unies grâce à la méthodologie rigoureuse mise en place en vertu de la résolution 1960 (2010) du Conseil de sécurité.  Citant de nombreux chiffres, la Représentante spéciale a rappelé que les femmes et les filles représentent 94% des cas vérifiés contre 6% pour les hommes et les garçons.  Les enfants représentent 32% des incidents vérifiés et, parmi eux, 97% concernent des filles.  Pourtant, a-t-elle averti, si le rapport fait état de la gravité et de la brutalité des incidents vérifiés, il ne prétend pas refléter l’échelle mondiale ou la prévalence de ce crime chroniquement sous-déclaré et historiquement caché. 

Mme Patten a ensuite passé en revue différentes situations, s’attardant en particulier sur la République démocratique du Congo (RDC) qui, une fois de plus, est le pays qui présente le plus grand nombre de cas vérifié, soit 701.  Mais, a-t-elle ajouté, dans le seul Nord-Kivu, plus de 38 000 cas de violence sexuelle et sexiste ont été signalés, y compris des niveaux alarmants d’exploitation sexuelle des enfants sur plus de 1 000 sites dans et autour des camps de déplacés.  Mme Patten, qui s’est rendue en RDC en juin, a dit avoir été horrifiée par les témoignages de femmes et de jeunes filles, dont beaucoup avaient été très récemment violées, parfois dans le cadre de viols collectifs, et recevaient encore des soins.  Souvent, ces femmes et ces jeunes filles sont confrontées à un choix inacceptable entre la subsistance économique et la violence sexuelle, entre leurs moyens de subsistance et leur vie, s’est-elle indignée, avant de dénoncer une autre réalité « très inquiétante », à savoir la prolifération des maisons de tolérance à l’intérieur et autour des camps de personnes déplacées, qui opèrent en plein jour « au nez et à la barbe » des autorités nationales et des acteurs humanitaires. 

La Représentante spéciale a précisé que sa première visite sur le terrain en 2022 avait été consacrée à l’Ukraine, à la suite d’informations faisant état de violences sexuelles après l’invasion russe.  Elle a dit avoir rencontré en Ukraine des survivants et entendu leurs récits déchirants de violences sexuelles brutales qui auraient été perpétrées par des soldats russes, et avoir aussi constaté, lors de visites dans des centres d’accueil de réfugiés en Pologne et en République de Moldova, le lourd tribut payé par les femmes, les enfants et les personnes âgées, ainsi que leur vulnérabilité face à des individus « sans scrupules » et à des réseaux criminels.  Mme Patten a réitéré l’appel du Secrétaire général aux autorités russes afin qu’elles prennent des mesures de prévention conformément aux résolutions de ce Conseil.  Dans le même temps, elle s’est dite encouragée par les engagements pris par le Gouvernement ukrainien, articulés dans un cadre de coopération signé en mai 2022. 

Mme Patten a ensuite décrit des situations en Haïti, en République centrafricaine et en Éthiopie, où de nombreuses victimes ont contracté le VIH à la suite d’un viol et doivent maintenant faire face à la stigmatisation et aux problèmes de santé tout au long de leur vie.  Elle a rappelé les souffrances des femmes yézidi d’Iraq anciennement captives de Daech et s’est inquiétée sur le sort des enfants nés d’un viol, qui ne peuvent toujours pas obtenir d’enregistrement de naissance ni de documents d’identité, la loi iraquienne exigeant une preuve de paternité. 

La Représentante spéciale a rappelé que le rapport annuel le démontre: l’impunité a un effet enhardissant.  Sur les 49 parties inscrites dans le rapport de 2022 sur la liste des auteurs de violences sexuelles systématiques, qui sont pour la plupart des acteurs non étatiques, plus de 70% sont des « auteurs persistants » figurant sur la liste depuis cinq ans ou plus sans avoir pris de mesures correctives, a-t-elle expliqué. Elle a exhorté à une plus grande cohérence entre la liste du Secrétaire général et les mesures ciblées et graduelles imposées par les Comités de sanctions. 

Mme Patten s’est convaincue que des sanctions appliquées de manière opportune et cohérente peuvent modifier le calcul des parties qui partent du principe que le viol est « gratuit » -voire rentable- dans l’économie politique de la guerre. 

La Représentante spéciale a signalé plusieurs problèmes émergents qui sont venus exacerber des difficultés anciennes en matière de vérification des cas de violence sexuelle.  Elle a notamment mentionné les actes d’hostilité à l’encontre des soldats de la paix de l’ONU, tout en faisant observer que près de 70% des cas vérifiés par l’ONU l’ont été signalés dans les huit missions de paix où des conseillers à la protection des femmes ont été déployés.  Elle a aussi alerté sur les dangers qui pèsent sur les défenseures des droits humains, cibles d’intimidations ou de représailles, ainsi que sur les violences sexuelles et sexistes à l’encontre de personnes d’orientation sexuelle et d’identité de genre différentes, notamment dans des lieux de détention de plusieurs pays en conflit. 

Mme Patten a aussi cité un certain nombre de progrès, notamment en Guinée avec l’ouverture du procès lié aux événements du 28 septembre 2009; les efforts des autorités judiciaires militaires en RDC, qui ont contribué à endiguer la vague de viols massifs; une certaine dynamique en République centrafricaine, avec un premier verdict de la Cour pénale spéciale condamnant le commandant d’un groupe armé pour des viols perpétrés par ses subordonnés; ou encore les recommandations issues du rapport de la Commission de la vérité en Colombie. 

La Représentante spéciale s’est inquiétée des nouvelles et graves allégations de violences sexuelles apparues après la publication du rapport, notamment au Soudan, ce qui explique l’inscription sur la liste du Secrétaire général des forces de soutien rapide et des Forces armées soudanaises. 

Enfin, Mme Patten a insisté sur la nécessité de mettre pleinement en œuvre les résolutions du Conseil, tout en adaptant les actions aux conflits d’aujourd’hui et aux nouveaux défis mondiaux, y compris les menaces provenant d’un espace numérique largement non gouverné et de l’insécurité liée au climat.  Le moment est venu de renforcer les cadres institutionnels et de responsabilité mis en place par les résolutions successives, a-t-elle conclu.

Mme NAW HSER HSER, représentante de la société civile du Mynamar, a relevé que depuis le coup d’État perpétré par l’armée contre le Gouvernement élu de son pays, quelque 23 000 civils ont été arrêtés par la junte, 1,8 million de personnes ont été déplacées, et les femmes encourent des risques accrus de souffrir de violences sexuelles et sexistes.  Malgré ces risques, les femmes restent à l’avant-garde de la résistance contre les militaires, et représentent plus de 60% des défenseurs des droits humains et de la démocratie.  Nous sommes unies par notre appel collectif à une démocratie fédérale au Myanmar, a-t-elle assuré, ce qui implique non seulement de mettre fin au régime militaire, mais également à l’oppression patriarcale.  Les nombreux mandats d’arrêt émis par les militaires contre les défenseuses des droits humains sapent leur capacité à aider les personnes déplacées et rescapées de violences liées au conflit, a dénoncé l’intervenante.  L’armée a recours depuis longtemps aux violences sexuelles pour attaquer les communautés, a-t-elle noté, avant de déplorer les nombreux viols commis en 2017, dans le cadre du génocide des Rohingya. 

Depuis le coup d’État militaire, nous avons confirmé plus de 100 cas de violences sexuelles liées au conflit et de violences fondées sur le genre, a poursuivi Mme Naw Hser Hser. Le nombre réel de ces cas est sans doute bien plus élevé, de nombreuses victimes préférant taire les attaques dont elles ont été victimes dans la crainte de représailles de la part des militaires, y compris la torture et les violences sexuelles.  Les violences sexuelles constituent selon elle une tactique délibérée et systématique visant à punir les femmes qui osent s’exprimer et défier les normes patriarcales, au premier rang desquelles figurent les femmes provenant de minorités ethniques, religieuses et sexuelles, ainsi que les femmes politiquement actives. 

Dans ces conditions, a fait valoir Mme Naw Hser Hser, les acteurs internationaux doivent soutenir les défenseuses des droits humains et protéger leurs droits fondamentaux.  Le coup d’État de 2021 est le résultat de décennies d’impunité à l’égard des militaires, y compris leur utilisation des violences sexuelles en tant que tactique, a-t-elle estimé.  L’éventualité de traduire en justice les responsables de ces actes étant inexistante, elle a exhorté le Conseil de sécurité à référer la situation au Myanmar à la Cour pénale internationale (CPI).  Selon elle, le Conseil doit également imposer un embargo sur la vente d’armes, de munitions et de carburant pour avions à la junte, et appliquer des sanctions ciblées contre les principaux responsables.  L’intervenante a demandé à la communauté internationale de démontrer par une action significative que la protection des droits humains des femmes est fondamentale pour la paix, non seulement au Myanmar, mais dans tous les conflits et toutes les crises dans le monde entier.

Mme NADINE TUNASI, championne pour la lutte contre les violences sexuelles en temps de conflit, a souligné que la violence sexuelle constitue un crime contre l’humanité.  Elle est brutale, délibérée et vise à punir et à humilier les individus et leurs communautés.  De nombreuses victimes souffrent de traumatismes physiques et psychologiques, de blessures de longue durée, d’infection par le VIH, de grossesses non désirées, a-t-elle déclaré.  « La mère supporte seule le fardeau de l’exclusion.  Les hommes et les garçons sont confrontés à la dénonciation et la stigmatisation. »  Mme Tunasi a déploré l’absence de dispositions juridiques réglementant le viol des hommes.  Prenant le cas des femmes du camp Yida, au Soudan du Sud, elle a dit combien il était difficile pour elles de trouver du travail et d’obtenir de la nourriture.  « Elles regardent leurs enfants mourir de faim parce que quitter le camp n’est pas une option. »   

Les victimes saluent la conversation mondiale sur cette question, a témoigné Mme Tunasi, mais il faut traduire ces efforts au niveau national.  Elles souhaitent que leurs États prennent des mesures concrètes qui renforceront le respect des cadres juridiques internationaux et inscriront leurs obligations en droit interne.  Les États doivent respecter leurs obligations envers leurs citoyens en matière de prévention et fournir une réponse appropriée aux violences sexuelles liées aux conflits.  Il faut en finir avec l’impunité. 

Après avoir entendu des survivants, Mme Tunasi a expliqué avoir exhorté les États à tenir une conversation nationale sur le rôle des personnes en uniforme et à demander des comptes aux auteurs des crimes sexuels.  « L’uniforme n’est pas un permis de commettre des crimes. »  Les militaires doivent recevoir une formation obligatoire sur la façon de protéger et de dialoguer avec les survivants.  Les États devraient être en première ligne pour sensibiliser à la violence sexuelle et la violence liée aux conflits.  Ils devraient promouvoir des lois qui condamnent la stigmatisation sous toutes ses formes et traitent les survivants avec dignité et attention.  Mme Tunasi s’est demandé pourquoi les militaires, hommes et femmes, perpétuent les violences sexuelles liées aux conflits.  Les États doivent adopter des approches sensibles au genre lorsqu’ils s’engagent auprès des survivants, a-t-elle ajouté, traiter les gens avec dignité et être sensibles à leur genre et à leur sexualité. 

Par ailleurs, a poursuivi l’intervenante, les États devraient encourager les dénonciations afin de pouvoir signaler en toute sécurité les mauvaises conduites.  Il faut aider les États qui s’efforcent de rendre la justice d’une manière efficace centrée sur les survivants. Mme Tunasi a cité la Colombie qui a organisé une conversation nationale à ce sujet il y a trois semaines. Constatant que de nombreux survivants sont réticents à se manifester, elle a suggéré d’aider les États à former du personnel, à veiller à ce que les gens comprennent les cadres internationaux et à améliorer les lois nationales pour répondre aux normes internationales. La communauté internationale devrait soutenir les États qui traitent avec des agresseurs et des auteurs plus puissants, a-t-elle fait valoir.  Il faut selon elle mettre fin à la politique de deux poids, deux mesures qui consiste à condamner rapidement certains auteurs et à fermer les yeux sur d’autres. 

Notant que la réponse en Ukraine a été excellente, Mme Tunasi a rappelé les cas des survivants en Iran, au Soudan, au Gattamelata, en République démocratique du Congo (RDC) et ailleurs.  Elle a conseillé d’élargir la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) pour combler les lacunes.  Mais la réponse internationale doit être cohérente, a-t-elle plaidé.  En outre, la participation des survivantes est essentielle dans l’effort de sensibilisation à la violence sexuelle liée aux conflits, à ses impacts et à la manière de renforcer une justice centrée sur les survivants.  Le rôle des militantes et des militants contre les violences sexuelles est de créer une plateforme grâce à laquelle davantage de survivantes et survivants participent à la prévention.  Avant de conclure, Mme Tunasi a rappelé au Gouvernement de la RDC sa responsabilité d’entamer cette conversation nationale et de sensibiliser la population locale sur ce qui se passe, de soutenir les survivants et survivantes et de condamner la stigmatisation sous toutes ses formes.  La RDC est devenue un endroit dangereux pour vivre en tant que femme et jeune fille parce que les agresseurs s’en tirent impunément, semblent avoir de solides alliés et un soutien international, a-t-elle déploré.

M. TARIQ AHMAD, Représentant spécial du Premier Ministre du Royaume-Uni pour la prévention des violences sexuelles dans les conflits et Ministre d’État au sein du Ministère des affaires étrangères, du Commonwealth et du développement, a estimé que si, au cours des quinze dernières années, le Conseil a mis en place un cadre solide pour prévenir les violences sexuelles, il demeurait toujours un fossé entre ces exigences et la réalité sur le terrain. 

Pour combler ce déficit, Le Royaume-Uni a collaboré avec la Fondation Mukwege pour lancer un nouveau guide sur les obligations des États en matière de violence sexuelle liée aux conflits, a rappelé le Ministre d’État, qui a encouragé les gouvernements, la société civile et les activistes à tirer le meilleur parti de « cet excellent outil ».  Il a en outre rappelé qu’une conférence internationale sur la prévention de la violence sexuelle dans les conflits avait rassemblé en novembre dernier à Londres plus de 1 000 délégués, dont des survivants et des experts. Depuis lors, le Royaume-Uni a sanctionné 13 auteurs de violences sexuelles.  La stratégie britannique sur trois ans, soutenue par un financement de 12,5 millions de livres sterling, apporte un soutien direct aux survivantes et aide les pays à renforcer la justice et la responsabilité. 

Mettant en avant le rôle du Royaume-Uni à la pointe des efforts internationaux pour soutenir les enfants nés de violences sexuelles liées à un conflit, M. Ahmad a rappelé que son pays fait partie de la Campagne des Nations Unies contre la violence sexuelle en temps de conflit, qui compte désormais 21 États Membres qui se sont engagés à amplifier la voix des survivants, à partager leur expertise et à expérimenter de nouvelles approches. 

M. Ahmad a relayé trois recommandations au Conseil de sécurité d’un groupe consultatif de survivants.  Il s’agit d’abord d’adopter une approche centrée sur les survivants, en impliquant un plus grand nombre d’entre eux dans les décisions les concernant; ensuite, d’appuyer un soutien psychosocial pour les aider à surmonter leurs traumatismes; et enfin, de garantir la justice.  Concernant ce dernier point, le Royaume-Uni élabore un projet de convention sur les crimes contre l’humanité en collaboration avec le Procureur de la CPI, notamment grâce à un nouvel outil de réalité virtuelle aidant les survivants à dialoguer avec le tribunal.  Cette « technologie incroyable » crée un « tribunal virtuel », destiné à aider témoins et survivants à prendre part à un éventuel procès et à recueillir des preuves, a expliqué le Ministre d’État. 

M. SIMON GEISSBÜHLER, Secrétaire d’État de la Suisse, a déclaré que, quinze ans après l’adoption de la résolution 1820 (2008), la violence sexuelle et basée sur le genre dans les conflits persiste, tout comme l’impunité.  Il a donc appelé à mettre en œuvre « pleinement et durablement » les exigences que ce Conseil s’est fixé lui-même.  À cet égard, il a mis en avant trois pistes d’action. 

Le Ministre a d’abord appelé à investir davantage dans le déploiement de l’expertise et des capacités dans les missions onusiennes, en leur accordant des ressources suffisantes, que ce soit pour la prévention, la protection, la surveillance ou la poursuite des violences sexuelles et basées sur le genre. Rappelant ensuite le lien étroit entre la prolifération illicite des armes et la violence sexuelle, il a appelé à utiliser systématiquement les outils de maîtrise des armements et de désarmement en tenant compte de la dimension de genre, y compris dans le cadre des régimes de sanctions, et en promouvant la participation des femmes dans les enceintes visant à réduire la prolifération des armes.  La Suisse, a-t-il rappelé, soutient en ce sens les études de l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement.  Enfin, le Ministre a demandé que toutes les victimes survivantes de violences sexuelles liées à un conflit puissent effectivement accéder à la justice de manière équitable et sans obstacle aux fins de réparation, comme le prévoit le droit international.  Il a rappelé que la Suisse soutient en ce sens le travail du Global Survivors Fund et s’engage directement, notamment en Ukraine, au Kosovo, en Iraq et en République démocratique du Congo. 

Sans protection contre et prévention de la violence sexuelle, il ne peut y avoir de participation égale, a rappelé le Ministre et ce, alors que nous savons bien que l’engagement des femmes est une condition sine qua non pour une paix durable.

M. GENG SHUANG (Chine) a dénoncé une violation exécrable des droits humains et déploré que la violence sexuelle perdure quinze ans après l’adoption de la résolution 1820 (2008).  La Chine s’oppose fermement à son usage comme arme de guerre et condamne dans les termes les plus fermes la violence sexuelle contre les femmes et les filles.  Rappelant qu’un quart de la population mondaine vit dans des zones touchées par des conflits qui affectent tout particulièrement les femmes et les filles, le délégué a appelé à appliquer les résolutions existantes du Conseil de sécurité interdisant expressément l’utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre, et à adopter des mesures fortes pour traduire les auteurs en justice afin de prévenir de nouvelles violations. Exhortant les États Membres à lutter contre les forces extrémistes violentes, à renforcer l’état de droit et à aider les victimes de violences à obtenir des réparations, le délégué a rappelé que les États avaient la responsabilité au premier chef de protéger les femmes et les filles.  La violence sexuelle étant étroitement liée à la pauvreté, le délégué a également appelé à œuvrer à l’autonomisation des femmes en situation de conflit et à travailler à l’élimination de la discrimination fondée sur le genre.  Enfin, il a souligné la présence de femmes dans les contingents de Casques bleus chinois et la formation de plus de 30 000 femmes dans les pays en développement en coopération avec l’UNESCO.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a commencé par s’opposer aux attaques personnelles dont a fait l’objet la Représentante spéciale par la Fédération de Russie, au motif qu’elle s’était faite l’écho des voix des femmes.  En Ukraine, contrairement aux objections et aux insinuations de la Russie, il existe de nombreuses preuves et des rapports horribles montrant que les soldats russes ont exercé des violences sexuelles sur des hommes, des femmes et des enfants, les victimes étant âgées de 4 à plus de 80 ans, a insisté la représentante. 

Mme Thomas-Greenfield a ensuite dénoncé la situation au Soudan, où les filles qui se rendent à l’école sont agressées sexuellement par les militaires, les forces de soutien rapide et les nomades armés; ainsi qu’au Myanmar, où les corps des femmes exécutées extrajudiciairement par l’armée présentent des blessures correspondant à des violences sexuelles.  La représentante a rappelé que le rapport du Secrétaire général met en lumière un nombre choquant de crimes sexuels commis par des groupes armés criminels et illégaux dans une multitude d’autres pays, y compris en Haïti. 

La représentante a appelé à reconnaître que la violence fondée sur le genre est fondamentalement ancrée dans l’inégalité entre les sexes.  Elle a exhorté les Nations Unies et les États Membres à appliquer une analyse de genre participative et sensible aux conflits pour s’assurer que nos interventions s’attaquent aux inégalités sous-jacentes.  « C’est donc à nous de jouer », a-t-elle lancé, invitant à continuer à promouvoir la participation pleine, égale et significative des femmes à la prise de décision à tous les niveaux de la prévention et de la résolution des conflits, ainsi que de la consolidation de la paix. 

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a condamné le cycle sans fin de la violence sexuelle dans plusieurs contextes, qu’il s’agisse de l’asservissement des femmes et des filles par les Taliban en Afghanistan ou de l’utilisation du viol comme arme par des bandes armées en Haïti.  Alarmé par l’impunité avec laquelle les violences sexuelles sont perpétrées, il s’est inquiété de la prolifération des armes, de la militarisation et du rétrécissement de l’espace civique.  Appuyant la pratique du Conseil de sécurité qui consiste à traiter les violences sexuelles liées aux conflits comme une base pour des sanctions ciblées contre les coupables, le délégué a estimé que la Représentante spéciale devrait présenter périodiquement des exposés aux comités des sanctions.  À ce sujet, il a appelé à adopter des législations nationales pour compléter les efforts internationaux visant à réparer les torts causés aux victimes.  Saluant le déploiement des conseillers à la protection des femmes dans le cadre des missions de maintien de la paix et des missions politiques spéciales, il a demandé des ressources adéquates, notamment pour produire de rapports fiables et précis, afin que le Conseil puisse prendre les mesures nécessaires.  Le délégué a également encouragé l’ONU et les États Membres à recruter des survivants pour participer aux processus de prise de décisions et aux mécanismes de sensibilisation à la violence sexuelle.  Annonçant que « Les femmes dans le maintien de la paix » serait l’un des thèmes prioritaires de la réunion ministérielle sur le maintien de la paix qui doit se tenir au Ghana, les 5 et 6 décembre 2023, il a félicité le Bangladesh d’avoir organisé à Dhaka, conjointement avec le Canada et l’Uruguay, une réunion préparatoire.

M. VASSILY A.  NEBENZIA (Fédération de Russie) a condamné la violence sexuelle sous toutes ses formes, comme toute autre infraction dans les situations de conflit armé et d’après-conflit.  Si de tels actes doivent faire l’objet d’une enquête et que leurs auteurs doivent être traduits en justice, l’application de la loi relève toutefois de la compétence des États, a-t-il estimé.  Les mesures prises par les organismes de l’ONU et la société civile viennent compléter ces efforts et leur travail doit prendre en compte les causes identifiées du phénomène et produire des résultats durables.  « Tout cela n’est possible que si les informations utilisées par l’ONU sont vérifiées et objectives. »  Selon le représentant, il est absolument inacceptable que les souffrances des survivants de violences sexuelles ou que les accusations portées à cet égard deviennent une « monnaie d’échange » dans des jeux politiques ou un élément de « rhétorique de dénigrement » non fondé sur des faits.  Au lieu de tels exercices spéculatifs, il a recommandé qu’une plus grande attention soit accordée aux situations concrètes et que l’accent soit mis sur l’application de la loi.  Les efforts visant à aider les États à poursuivre les auteurs de crimes graves, qui sont généralement des acteurs non étatiques, devraient être prioritaires. 

Le représentant a remis en question les évaluations et les conclusions du rapport de la Représentante spéciale sur les situations nationales.  Sur quoi les accusations portées contre la Syrie, selon lesquelles la violence sexuelle est utilisée pour y réprimer la dissidence, se fondent-elles?  Il a également exprimé des réserves quant au « parti pris » dans les sections du rapport relatives au Myanmar, à la République centrafricaine ou encore au Mali, critiquant une tentative de détourner l’attention du fait que les terroristes et acteurs non étatiques utilisent aussi des tactiques de violence sexuelle.  La présentation de la situation en Afghanistan soulève également des questions à ses yeux puisque d’une part, l’on tente de donner des évaluations générales de la situation des droits de l’homme dans ce pays, y compris la question de la restriction des droits des femmes tandis que d’autre part, rien n’est dit sur la manière dont les droits des femmes et des habitants de ce pays sont affectés par le retrait des États-Unis et des ressources financières qui auraient pu être utilisées pour améliorer la situation socioéconomique.  S’il y avait un doute sur la partialité du rapport, il est complètement dissipé par la section sur l’Ukraine, a encore ironisé le représentant.  « Les allégations avancées contre le personnel militaire russe sont sans fondement et absurdes. »  Elles ne représentent rien d’autre que la reproduction de faux concoctés à Kiev, s’est-il emporté, accusant les représentants du régime de Kiev d’agir conformément aux préceptes de leurs « idoles du Troisième Reich, dont l’un nous a assuré que plus le mensonge est gros, plus il est facile d’y croire ».  Mais il n’est pas approprié que le Secrétariat de l’ONU participe à de telles campagnes d’information, a tranché le représentant.  Avant la publication du rapport, la Russie a officiellement demandé au Secrétaire général de lui fournir des informations qui permettraient de les vérifier, a-t-il rappelé, mais ces appels ont été ignorés. 

Mme LILLY STELLA NGYEMA NDONG (Gabon) a souligné que le dernier rapport sur la question rappelle que les violences sexuelles continuent à être utilisées comme tactique de guerre, de torture et de terrorisme dans des contextes de crises profondes, aggravées par la prolifération illicite des armes.  Elle s’est félicitée des récentes condamnations des auteurs d’atrocités commises dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) qui ont permis de rendre justice à plus de 300 Congolaises.  Elle a aussi salué le travail acharné des organisations locales telles que la synergie des femmes pour les victimes de violences sexuelles (SFVS) qui œuvre pour une justice équitable et apporte une assistance juridique aux femmes victimes de violences sexuelles au Nord-Kivu.  La représentante a appelé à renforcer les capacités institutionnelles des États, à réformer leur secteur de la sécurité et à sensibiliser les populations.  Appelant au renforcement du partenariat entre l’ONU et les organisations régionales, notamment dans la coordination de leurs actions sur le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, elle s’est réjouie du déploiement croissant de femmes soldats de la paix au sein des opérations conduites par l’Union africaine (UA), comme en Somalie.  Elle a aussi salué la mise en place par l’UA d’organismes tels FEMWISE et le réseau des femmes leaders africaines (AWLN), instruments efficaces pour une plus grande implication des femmes dans les processus politiques.  Enfin, la représentante a noté que la Campagne des Nations Unies contre la violence sexuelle dans les conflits coordonne les efforts de 24 entités du système en vue de prévenir la violence sexuelle liée aux conflits, de répondre aux besoins des survivants et de lutter contre l’impunité. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a dénoncé l’immense fossé entre le cadre normatif élaboré au fil des ans et la mise en œuvre effective sur le terrain, et regretté l’accès limité aux services de soutien pour les survivants des violences sexuelles et sexistes.  Alors que les résolutions soulignent la nécessité de soins de santé, d’un soutien psychosocial et d’une aide juridique, « la réalité sur le terrain n’est souvent pas à la hauteur », a pointé le représentant, qui a déploré que de nombreux survivants n’aient pas accès à ces services essentiels, y compris les services sexuels et reproductifs, ce qui entrave leur rétablissement et leur réintégration dans la société. 

Comme toujours, « chacun doit balayer devant sa porte », a poursuivi le représentant, qui a exhorté les États Membres à renforcer leurs cadres juridiques nationaux afin de criminaliser efficacement la violence sexuelle et sexiste et à veiller à ce que les auteurs soient traduits en justice. 

Le représentant a exprimé sa satisfaction de voir mentionné le Kosovo dans le rapport annuel.  Quels que soient le moment et le lieu où ils se sont produits, « ces actes ignobles » ne devraient jamais être laissés sans réponse et « les graves traumatismes physiques et psychologiques subis par les victimes ne devraient jamais être ignorés, excusés ou minimisés », a-t-il déclaré, se disant fermement convaincu que le rapport constituerait un « instrument solide » pour suivre et documenter, sur une base annuelle, les progrès réalisés par les autorités et les institutions du Kosovo dans la documentation de ces crimes. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a instamment demandé à tous les États d’adopter des mesures spécifiques pour lutter contre la violence sexuelle dans les situations de conflit et a soutenu les efforts du Groupe informel d’experts sur les femmes et la paix et la sécurité pour fournir des informations vérifiées afin d’éclairer et d’orienter les actions du Conseil.  Le représentant a recommandé de donner la priorité à la prévention, la protection et le suivi, des aspects qui doivent être inclus dans tous les mandats et efforts de planification qui le requièrent. De plus, a-t-il plaidé, il faut prévoir des protocoles intersectionnels de prise en charge des victimes, y compris l’accès aux soins de santé mentale et l’attention prioritaire accordée aux survivants de violences sexuelles commises dans le cadre de conflits. 

Le représentant a en outre demandé que la priorité soit donnée à l’alerte précoce et à la promotion d’une culture de la prévention, fondée sur la formation, l’inclusion et la pleine participation des femmes, avant d’aborder l’obligation de rendre des comptes qui est, selon lui, le meilleur mécanisme de dissuasion.  Les survivants doivent avoir accès aux outils juridiques disponibles dans le système national de justice pénale et dans les organismes internationaux, a-t-il ajouté. Il a également souligné l’importance de créer des réseaux, tels que ceux des femmes médiatrices ou des ambassadrices de la paix, qui tiennent compte des identités ethniques, culturelles et autres et qui rassemblent les besoins, les perspectives et les aspirations des survivants. 

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a salué les avancées réalisées depuis l’adoption de la résolution 1820 (2008), notamment l’établissement du Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général chargé de la question des violences sexuelles commises en période de conflit et le lancement du Cadre de coopération pour la prévention et la répression de la violence sexuelle dans les situations de conflit en Afrique en septembre 2022. 

Soulignant que le rapport du Secrétaire général montre le besoin d’investir des ressources financières et humaines afin d’aider les États parties à un conflit à traduire les auteurs de violences sexuelles en justice, le représentant a salué la création d’un tribunal ad hoc en Guinée.  Il a également proposé d’inclure des références au sort des survivants de violences sexuelles dans les accords de paix comme une des mesures clefs.

M. ADAM KUYMIZAKIS (Malte) a dénoncé le recours aux violences sexuelles en tant que tactique de guerre et de torture.  Il a cité l’exemple de la situation dans l’est de la RDC, où des groupes armés utilisent la violence sexuelle pour assurer leur mainmise sur des territoires et des ressources naturelles, entraînant des déplacements de population de grande ampleur.  Qui plus est, cette forme de violence prend souvent pour cible les défenseures des droits humains et favorise la persistance des normes patriarcales, notamment à l’égard des personnes LGBTQ+, a annoté le représentant, pour qui il incombe aux États d’assurer un environnement sûr et de protéger de représailles les femmes impliquées dans la vie publique. 

Afin de combler les lacunes qui subsistent à cet égard dans l’action du Conseil de sécurité, le représentant a proposé d’adopter une approche centrée sur les survivantes de violences sexuelles dans les conflits armés et de faire cesser le trafic illicite d’armes destinées aux acteurs non étatiques.  Le Conseil de sécurité devrait en outre imposer des sanctions ciblées contre ceux qui commettent ou ordonnent la commission de telles violences lors de conflits armés, a-t-il ajouté.  Considérant que 70% des parties qui figurent sur la liste contenue dans le rapport de la Représentante spéciale sont des récidivistes, le représentant a appelé le Conseil de sécurité à les ajouter à l’ordre du jour de ses comités des sanctions.

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a regretté que depuis la résolution 1820 (2008), il reste encore beaucoup à faire en matière de lutte contre les violences sexuelles en temps de conflit.  Il faut que les survivants aient un meilleur accès aux services et reçoivent plus de soutien, en prenant en considération les besoins des femmes et des filles; il faut créer des mécanismes d’alerte précoce pour anticiper la fourniture d’aide humanitaire.  Ces efforts doivent être menés en associant toutes les composantes de la société tout au long du conflit, a recommandé le représentant en exhortant à inclure les femmes et les jeunes, ainsi que les leaders religieux, communautaires et éducatifs, dans la conception et la mise en œuvre de stratégies sensibles au genre. Ces stratégies devraient constituer l’un des principaux moyens de prévention de crimes sexuels, a-t-il estimé, s’inquiétant pour les conflits en cours, notamment en République démocratique du Congo et au Soudan, où des informations font état de violences sexuelles liées aux conflits. 

Préconisant, pour cette prévention, le renforcement des institutions judiciaires nationales et de l’état de droit, il a souhaité que cela soit le cas en Haïti où les gangs utilisent ces actes odieux comme une arme pour terroriser, maltraiter et contrôler les populations.  Il a misé sur l’expertise de l’ONU en matière de renforcement des capacités pour renforcer la justice et la reddition de comptes centrées sur les survivantes.  Une coopération étroite avec le Bureau de la Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en temps de conflit et ONU-Femmes peut également renforcer les normes mondiales en matière d’égalité des sexes et d’autonomisation des femmes et des filles.  Le représentant a aussi invité à utiliser la technologie et l’éducation pour lutter contre la nature changeante de ces crimes.  Même WhatsApp peut donner accès à des mécanismes de signalement et à des réseaux de protection, a-t-il fait observer.

M. KIMIHIRO ISHIKANE (Japon) s’est dit profondément préoccupé par la persistance alarmante des violences sexuelles et l’affaiblissement de l’état de droit dans des pays en conflit comme l’Afghanistan, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, l’Éthiopie, Haïti et le Soudan du Sud.  S’agissant de l’agression perpétrée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine, il s’est félicité que la Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit ait signé un cadre de coopération avec le Gouvernement ukrainien pour prévenir et répondre aux violences sexuelles liées au conflit. 

Le représentant a ensuite détaillé la participation de son pays aux différentes initiatives internationales mises en place afin de combattre l’impunité dans de tels cas, notamment la Cour pénale internationale, l’équipe d’experts sur l’état de droit et la violence sexuelle dans les conflits et la Campagne des Nations Unies contre la violence sexuelle en temps de conflits. 

Par ailleurs, sur le plan national, le Japon a dévoilé, en avril de cette année, son troisième plan d’action sur les femmes, la paix et la sécurité, lequel reconnaît spécifiquement l’importance de fournir un soutien aux survivants, a précisé le représentant. 

Mme DIARRA DIME LABILLE (France) a appelé à suivre une politique de tolérance zéro face aux violences sexuelles signalées en Ukraine, en République démocratique du Congo, au Soudan, en Birmanie et dans de nombreuses parties du monde: « les auteurs de ces exactions doivent rendre des comptes », a-t-elle affirmé. 

Appuyant le travail de la Cour pénale internationale avec des moyens humains et financiers, la France se tient aux côtés des victimes et des survivantes de violences sexuelles.  Leur prise en charge doit être globale et les survivantes doivent pouvoir y accéder, « y compris lorsque les procédures judiciaires sont inaccessibles ou bloquées », a déclaré la représentante.  C’est pourquoi la France finance le Fonds mondial pour les survivantes et survivants de violences sexuelles liées aux conflits, créés par Denis Mukwege et Nadia Murad, à hauteur de 8,2 millions d’euros. 

Pour adopter les normes les plus protectrices en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, la France plaide en outre pour l’universalisation de la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe, instrument international moderne et protecteur contre les violences faites aux femmes qui, a rappelé la représentante, s’applique aussi en temps de conflit armé. 

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) a déploré que la violence sexuelle liée aux conflits persiste et s’aggrave dans plusieurs contextes.  Cette situation montre combien l’engagement et l’action sont nécessaires pour offrir une réponse juridique efficace.  Pour mettre fin à la violence sexuelle liée aux conflits, il faut commencer par cesser les hostilités, a dit le représentant.  La paix étant la garantie ultime de sécurité pour les civils, tous les outils internationaux, régionaux et nationaux existants doivent être mobilisés pour s’attaquer aux causes profondes des conflits et pour prévenir et atténuer les impacts des violences sexuelles.  Le représentant a conseillé de développer des approches holistiques et de renforcer les cadres juridiques internationaux et nationaux en mettant l’accent sur les enquêtes et les poursuites contre les auteurs de violences sexuelles liées aux conflits.  Il a également recommandé de développer des programmes de formation pour les acteurs étatiques et de la société civile sur lesdits cadres.  Il a souligné l’importance de renforcer la capacité du secteur de la justice au niveau national pour identifier, recueillir et évaluer les informations sur la violence sexuelle liée aux conflits.  Enfin, il faut selon lui allouer des ressources à la mise en œuvre des plans d’action nationaux sur les femmes et la paix et la sécurité.

Au nom du Groupe des Amis des femmes et de la paix et de la sécurité, M. ROBERT RAE (Canada) a condamné catégoriquement le recours aux violences sexuelles liées aux conflits par les acteurs étatiques comme non étatiques.  Les violences sexuelles qui touchent de façon disproportionnée les femmes et les filles constituent non seulement une violation des droits humains, mais également un obstacle à la paix et un « acte repoussant de cruauté ».  Dans ce contexte, il a appelé toutes les parties à respecter le droit international et les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  Nous devons également faire en sorte que les victimes et les survivantes soient au cœur de tous nos efforts de lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits, en facilitant l’accès à la justice et à des soins de santé adaptés.  Pour mettre un terme à l’impunité pour de tels crimes, il incombe à chacun de nous de renforcer l’état de droit et d’intenter des poursuites contre les responsables, a fait valoir le représentant.  Enfin, il a encouragé le Conseil à inviter la Représentante spéciale sur les violences sexuelles à informer régulièrement les comités des sanctions du Conseil sur cette question essentielle.

M. SILVIO GONZATO, de l’Union européenne, a rappelé que la violence sexuelle liée aux conflits constitue un crime de guerre, une violation flagrante du droit international et une menace mondiale qui ne connaît pas de frontières.  L’Union européenne, a-t-il ajouté, soutient fermement le travail et le mandat de Mme Patten. 

Le représentant a rendu hommage au travail des organisations de femmes de la société civile tout en rappelant qu’elles manquent de ressources et sont souvent la cible de représailles.  Il a ensuite dénoncé l’utilisation du viol « comme outil d’oppression, de répression et d’intimidation politique » dans divers pays et le recours généralisé à la violence sexuelle par des acteurs étatiques, citant « les forces armées russes en Ukraine », ainsi que par des mercenaires et sociétés militaires et de sécurité privées, « en particulier au Mali, au Myanmar, au Soudan du Sud et en Ukraine ».  Ces crimes doivent être punis et leurs responsables poursuivis, a ajouté le représentant.  Il a rappelé la responsabilité première des États, le rôle de la justice transitionnelle sur les questions de réparation mais aussi la nécessité de « résolument mettre en œuvre le cadre international » de lutte contre ces crimes. 

Le représentant a jugé « notable » le soutien de l’UE à l’élimination et à la lutte contre la violence sexuelle dans les conflits et les situations d’urgence, rappelant que le montant des projets intégrant une réponse à celles-ci dépasse 100 millions d’euros et que les différentes opérations de l’UE y contribuent aussi dans le cadre de leurs mandats.  En outre, l’UE a imposé cette année des sanctions à des individus et entités en lien avec de graves violations des droits de l’homme, en particulier la violence sexuelle et sexiste.  Le représentant a réaffirmé la disposition de l’Union européenne à continuer de travailler avec la communauté internationale pour mettre fin à l’impunité des auteurs, lutter contre une culture institutionnelle tolérant le recours à la violence sexuelle et garantir l’accès à la justice et aux réparations pour les survivants ainsi qu’à la réintégration et aux moyens de subsistance.

Mme DOMINIQUE HASLER, Ministre des affaires étrangères du Liechtenstein, a estimé que toutes les situations décrites dans le rapport du Secrétaire général requièrent l’attention urgente des mécanismes de responsabilité respectifs.  Dans le cas de l’Ukraine, la Ministre a dit attendre des enquêtes rapides de la part de la Cour pénale internationale (CPI).  Elle a tenu à évoquer la violence sexuelle à l’encontre des hommes et des garçons qui, bien que répandue et souvent systématique, n’est pas suffisamment signalée en raison de la stigmatisation, des tabous culturels et de l’absence de criminalisation.  C’est pourquoi elle a salué le travail de pionnier de l’ONG internationale All Survivors Project, basée au Liechtenstein, qui a contribué, selon elle, à faire progresser la sensibilisation grâce à un plaidoyer inlassable.  D’ailleurs, s’est réjouie la Ministre, ses travaux ont inspiré la résolution 2467 (2019), qui a ouvert la voie à un renforcement de l’obligation de rendre des comptes.  Ce Conseil devrait constamment appeler les États à respecter leur obligation d’enquêter sur les violences sexuelles liées aux conflits et d’en poursuivre les auteurs, conformément à la primauté des systèmes nationaux.  Mais, a-t-elle conclu, lorsque les systèmes nationaux échouent en raison de leur incapacité ou de leur manque de volonté, le système judiciaire international doit être engagé.

Mme JOANNA SYLWIA SKOCZEK (Pologne) a rappelé que, si la violence sexuelle liée aux conflits touche principalement les femmes et les filles, il ne fallait pas oublier de prendre en compte les victimes masculines.  La représentante a estimé que l’impunité et l’absence de responsabilité avaient permis à cette violence de persister et qu’en tenant les auteurs pour responsables, il serait possible d’adresser aux victimes et aux survivants un message puissant comme quoi leurs voix ont été entendues, et aux délinquants que le temps des avertissements vides est révolu.  Elle a souligné l’importance de la participation des femmes aux processus visant à lutter contre la violence sexuelle, y compris les pourparlers de paix.  Elle a aussi appuyé le déploiement dans les opérations de paix de conseillers en protection des femmes et l’utilisation d’indicateurs d’alerte précoce. 

Pays voisin de l’Ukraine et accueillant la plus grande communauté de réfugiés de ce pays, la Pologne condamne l’utilisation délibérée de la violence sexuelle par les soldats russes comme tactique de guerre et d’intimidation, a poursuivi la représentante.  Elle a ajouté que les déplacements massifs de population provoqués par l’agression russe avaient accru les risques de toutes les formes de violence sexuelle, affirmant que son pays avait pris rapidement des mesures pour y faire face.  Consciente que la responsabilité est essentielle pour garantir le respect des obligations internationales, la Pologne aide activement la Cour pénale internationale à recueillir des preuves des crimes de guerre commis par la Russie en Ukraine, a déclaré la représentante, qui a mentionné la création d’une équipe d’enquête conjointe avec la Lituanie et l’Ukraine et la création à Varsovie du centre Raphael Lemkin pour la documentation des crimes russes en Ukraine. 

Nous avons l’obligation morale d’agir maintenant, en soutien aux courageux survivants qui se sont manifestés, ainsi qu’à ceux qui ont été réduits au silence par la peur, a conclu la représentante.  

M. NACIM GAOUAOUI (Algérie) a informé le Conseil de la stratégie de son gouvernement contre les violences sexuelles liées aux conflits.  Des formations sont données à la gendarmerie, aux pouvoirs judiciaires et à la police afin de garantir la prévention effective de ces crimes.  La loi a été actualisée afin de mieux protéger les femmes contre toutes les formes de violence.  Un certain nombre de mécanismes de protection qui sont mis en œuvre en coordination avec les différents secteurs, la société civile et les médias.  La Constitution a été enrichie par l’insertion d’un article condamnant les violences visant les femmes.  L’Algérie met en œuvre les cadres existants adoptés par le Conseil de sécurité sur cette question.  Pour le représentant, les femmes doivent jouer un rôle dans le règlement des conflits, comme les femmes algériennes qui ont contribué de manière très efficace dans la lutte contre le terrorisme dans les années 90.  Leur participation a permis de mettre un terme à ce fléau, a-t-il assuré. 

Selon le représentant, il faut aligner les cadres juridiques en vigueur sur le nouvel état du monde, marqué par la multiplication de conflits à la nature changeante.  Ces cadres doivent être conformes aux textes internationaux, notamment les résolutions du Conseil de sécurité.  Mais ces résolutions doivent aussi être appliquées, a exhorté le délégué, qui a regretté leur nombre trop élevé.  Pour lui, il faut faire en sorte que les forces de sécurité puissent protéger les femmes contre la violence sexuelle en temps de conflits.  Il a plaidé pour l’accès à la justice des victimes au travers de mécanismes de recours efficaces offrant réparation et secours.  Il a appelé à lutter contre l’impunité et à sanctionner les auteurs de violences sexuelles visant les femmes.  Enfin, il a demandé que l’on s’attaque aux causes profondes de la pauvreté, de la faiblesse institutionnelle et des problèmes de développement et qu’on améliore la participation des femmes aux processus politiques de développement et de sécurité. 

M. IVAN ŠIMONOVIĆ (Croatie) a appelé à faire tout ce qui est possible pour améliorer la prévention, protéger les survivants des violences sexuelles liées aux conflits et punir les auteurs.  Le représentant a estimé que la violence sexuelle dans les conflits est étroitement liée à la discrimination des femmes et à la violence sexuelle en temps de paix. Si l’impunité prévaut dans de nombreux pays, c’est en raison d’une réticence à poursuivre les crimes de violence sexuelle, a-t-il précisé, ajoutant qu’un certain nombre de crimes n’étaient pas signalés par les survivants par crainte de représailles ou d’une stigmatisation sociale. 

Le représentant a encouragé tous les États à aligner leur législation sur le droit international humanitaire et les droits de l’homme, en particulier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la jurisprudence de son Comité ainsi qu’à en surveiller la conformité avec les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  Il a ensuite appelé à se concentrer sur une approche centrée sur les survivantes, prenant en exemple les survivantes croates des violences sexuelles subies pendant la guerre en ex-Yougoslavie, qui ont droit à une compensation financière et à un soutien psychologique même si les auteurs n’ont jamais été identifiés et traduits en justice. 

Enfin, la Croatie soutient le recours par le Conseil de sécurité à des sanctions contre toutes les parties à l’origine de telles exactions, « y compris les mercenaires et les sociétés militaires privées », afin d’empêcher la répétition des violences sexuelles liées au conflit. 

Mme ALICIA BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a déploré l’aggravation des violences sexuelles en RDC, en Éthiopie, en Haïti ou Soudan du Sud.  Elle a appelé à garantir l’accès à la justice et aux services de santé des victimes et des survivants, dont il faut faciliter la réintégration.  La représentante a souligné l’importance du soutien psychosocial et de santé mentale sensible au genre non seulement pour les survivants, mais aussi pour le personnel des missions de paix de l’ONU.  Le Mexique appuie le déploiement de conseillers à la protection des femmes dans les opérations de paix et les processus de transition.  Selon la représentante, leur présence permettra de prévenir les atrocités et d’apporter une réponse rapide.  Elle a appelé à lutter contre la discrimination à l’égard des femmes, contre le manque de représentation et de services pour les survivantes.  Elle a rappelé qu’avec l’Irlande et le Kenya, le Mexique s’est engagé à faire du programme pour les femmes et la paix et la sécurité une priorité de leur présidence du Conseil de sécurité.  Enfin, a-t-elle ajouté, des progrès supplémentaires sont nécessaires dans la collecte et l’analyse de données ventilées par sexe afin d’améliorer la compréhension des besoins spécifiques et des formes multiples et intersectionnelles de discrimination. 

Mme CARLA MARIA RODRÍGUEZ MANCIA (Guatemala) a dénoncé la violence sexuelle, phénomène aux conséquences dévastatrices pour les victimes, et s’est élevée contre ce fléau utilisé comme tactique de guerre.  Malheureusement, de tels actes continuent de se produire et certaines situations sont devenues systémiques et généralisées, atteignant un degré de brutalité alarmant, s’est inquiétée la représentante.  Elle a dénoncé l’agression illégale, injustifiée et non provoquée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, notant que la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine a révélé que des fillettes de moins de 4 ans subissent ces crimes graves.  Pour finir, la représentante a salué le travail du Bureau de la Représentante spéciale et demandé instamment au Conseil de sécurité de mettre en œuvre des sanctions, y voyant un moyen de prévenir et faire cesser les violences sexuelles dans les conflits armés et de lutter contre l’impunité de leurs auteurs.

Mme MARITZA CHAN VALVERDE (Costa Rica) a regretté que l’impunité pour les violences sexuelles dans les conflits armés reste la norme et que la justice continue d’échapper aux victimes.  La prolifération des armes légères et de petit calibre contribue selon elle à perpétuer la violence sexuelle dans les situations de conflit et d’après-conflit, en exacerbant la vulnérabilité des personnes.  Dans cette optique, la représentante a demandé au Conseil d’inclure des considérations de désarmement dans ses discussions sur les femmes et la paix et la sécurité.  La violence sexuelle liée aux conflits n’est pas seulement un problème concernant les femmes mais aussi un problème de sécurité, a-t-elle ajouté, avec des implications pour la paix et la sécurité beaucoup plus larges que des cas particuliers de viol.  Un secteur de la sécurité robuste soutiendra la participation des femmes et renforcera les mécanismes de protection nécessaires pour éliminer ce type de violences, a fait valoir la représentante.  Considérant que « les résolutions découlant du programme pour les femmes et la paix et la sécurité se concentrent davantage sur la protection du corps des femmes que sur la libération de leur plein potentiel », elle a appelé à inclure d’autres considérations, en faisant par exemple de l’interdiction de l’éducation des filles une forme structurelle de violence à leur égard.

Mme LEONOR ZALABATA TORRES (Colombie) a noté que les femmes et les filles représentent 92,6% des victimes de violences sexuelles et qu’elles sont majoritairement d’ascendance africaine dans son pays.  Les transgenres subissent différentes formes de violences sexuelles.  Pour éliminer et prévenir ce fléau, le Gouvernement est en train de formuler une politique étrangère « féministe, pacifiste, participative et intersectionnelle » qui se focalise sur la lutte contre la violence basée sur le genre.  Le Gouvernement travaille aussi sur son premier plan d’action national en vertu de la résolution 1325 (2000) en organisant des forums régionaux et un grand forum national avec des femmes de tout le pays, des transgenres, des femmes signataires du processus de paix, des victimes et des femmes de la diaspora.  Par ailleurs, a poursuivi la représentante, l’Accord de paix établit des engagements clairs et mesurables qui visent non seulement à intégrer une perspective sexospécifique dans la consolidation de la paix, mais aussi à lutter globalement contre la violence à l’égard des femmes sous toutes ses formes.  Le Gouvernement s’est engagé en faveur des objectifs et des activités de l’Alliance internationale pour la prévention de la violence sexuelle en temps de conflit en mettant en œuvre des politiques de sécurité avec une approche préventive et des espaces de formation pour les fonctionnaires et la société civile. 

M. HANS ALMOSLECHNER (Autriche) s’est inquiété du manque de respect des normes mises en place par le Conseil de sécurité au cours des quinze dernières années en ce qui concerne la violence sexuelle et sexiste en tant qu’instrument de guerre.  Si les femmes et les filles sont les premières cibles de cette violence, il est important de reconnaître que les hommes, les garçons et les personnes aux identités sexuelles diverses sont également touchés.  Le délégué s’est dit consterné par la persistance, voire l’aggravation, des schémas de violence sexuelle dans de nombreux contextes, notamment en RDC, en Éthiopie, en Haïti et au Soudan du Sud.  S’agissant de l’Afghanistan, il a affirmé que les autorités talibanes de facto avaient effectivement éliminé les femmes et les filles de la vie publique. 

Le délégué a également déploré le recours à la violence sexuelle et sexiste contre les civils et les prisonniers lors de la guerre non provoquée et injustifiée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, violations « largement documentées » par la Mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine et la Commission internationale indépendante d’enquête sur l’Ukraine basée à Vienne.  Le représentant a demandé à la Fédération de Russie, à toutes les parties figurant sur la liste et aux autres auteurs de mettre en œuvre des engagements spécifiques assortis de calendriers pour lutter contre les violences sexuelles, conformément à leurs obligations internationales et aux recommandations du rapport.  En conclusion, il a exhorté les membres du Conseil de sécurité à prendre des mesures plus audacieuses, y compris l’utilisation de sanctions, afin de lutter contre la violence sexuelle à l’égard des femmes. 

M. EVANGELOS SEKERIS (Grèce), la réponse internationale aux violences sexuelles en temps de conflit devrait être « inclusive » et « centrée sur les survivants ».  Elle devrait répondre aux besoins spécifiques des différents groupes de survivants, se concentrer sur leur protection, leur secours et leur rétablissement et, par conséquent, garantir leur participation pleine et entière aux processus de paix et de justice transitionnelle.  De même, la question de la responsabilité des auteurs de ce type de violence devrait, selon le représentant, être abordée de manière adéquate, en facilitant les poursuites à leur encontre par le biais de mécanismes judiciaires appropriés, en garantissant aux victimes un accès sans entrave à la justice, ainsi qu’à des réparations tenant compte de la dimension de genre.

Mme NORDIANA ZIN ZAWAWI (Malaisie) a condamné le recours à la violence sexuelle comme tactique de guerre, à la torture et au terrorisme et s’est dite consternée par l’impunité qui prévaut, les auteurs de ces violences échappant très régulièrement à toute responsabilité formelle.  Les efforts déployés pour lutter contre la violence sexuelle dans les situations de conflit doivent faire appel à une approche intégrée et globale de la part de toutes les parties prenantes importantes, a-t-elle estimé, y compris les États, le système des Nations Unies et la société civile.  Il incombe aux États d’introduire ou de renforcer les législations et les procédures judiciaires afin de documenter les violences sexuelles dans les situations de conflit et d’après-conflit, a rappelé la déléguée en insistant sur le devoir de l’État d’inscrire l’obligation de rendre des comptes dans les lois nationales.  En outre, elle a demandé que les dispositions relatives à la violence sexuelle et sexiste soient intégrées dans les processus de paix et de sécurité.  La déléguée a également plaidé en faveur d’une coordination élargie entre le Conseil de sécurité et le Conseil des droits de l’homme afin de garantir l’application du principe de responsabilité pour les violations des droits de l’homme, y compris les agressions sexuelles et la violence à l’encontre des femmes et des enfants.  En dernier lieu, elle a insisté sur l’importance de la participation significative des femmes au maintien et à la consolidation de la paix.  Leur rôle peut renforcer la confiance des citoyens dans les institutions et contribuer à améliorer la collecte de renseignements, le signalement des violences fondées sur le sexe et le traitement des victimes, des témoins et des suspects.  Dans le même temps, elle a appelé à mettre fin au harcèlement et aux représailles à l’encontre des femmes dans les processus de paix et de sécurité.

M. ALHAJI FANDAY TURAY (Sierra Leone) a rappelé que son pays, qui a connu l’une des guerres civiles les plus terribles, au cours de laquelle les violences sexuelles ont été utilisées comme tactique de guerre, est pleinement conscient des répercussions dévastatrices de ces crimes pour la vie et les moyens de subsistances des femmes et des filles.  De fait, a-t-il dit, son pays ne ménage aucun effort pour combattre ce fléau, car les femmes et les jeunes filles restent vulnérables aussi bien en temps de conflit qu’en temps de paix.  À son avis, il reste beaucoup reste à faire aux niveaux international, régional et national pour mettre pleinement en œuvre la résolution 1325 (2020) et d’autres instruments liés aux droits humains, alors que nous œuvrons à mettre un terme à la violence sexuelle sous toutes ses formes et manifestations.  Pour renforcer les efforts entrepris au niveau national, le représentant a appelé à une solidarité mondiale afin d’offrir aux victimes d’agression sexuelle un accès à la justice et à réparation. 

Mme SAŠA JUREČKO (Slovénie) a condamné dans les termes les plus absolus le recours à la violence sexuelle en tant que tactique de guerre et instrument de répression, et a appelé à la pleine mise en œuvre des instruments internationaux existants pour y mettre fin.  En nous concentrant sur la prévention des violences sexuelles dans les situations directement ou indirectement liées à un conflit, nous soulignons que l’impunité encourage la propagation de ces crimes, a ajouté la représentante.  Elle a mis l’accent sur l’importance de s’attaquer aux obstacles à la surveillance et à la documentation de tels crimes, ainsi que la nécessité de faciliter la participation égale et significative des femmes aux processus humanitaires, de relèvement, politiques, de sécurité et de développement. 

Pour la Slovénie, ces éléments sont également essentiels afin d’assurer la disponibilité et la sauvegarde des services de lutte contre la violence sexiste. La Slovénie entend continuer de travailler avec ses partenaires multilatéraux tels qu’ONU-Femmes, le Comité international de la Croix-Rouge et le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) pour répondre aux besoins des survivantes de violences sexuelles dans les conflits et soutenir le travail des défenseurs des droits humains sur cette question.

Mme KHRYSTYNA HAYOVYSHYN (Ukraine) a estimé que les conclusions du rapport du Secrétaire général constituent une nouvelle preuve que la Fédération de Russie utilise la violence sexuelle comme une arme de guerre contre la population de son pays.  Les enquêteurs ukrainiens ont documenté 212 cas de crimes sexuels commis depuis le début du conflit, 13 d’entre eux impliquant des enfants, des chiffres bien en-deçà de la réalité sur le terrain, a-t-elle rappelé. 

« L’Ukraine est déterminée à remplacer l’impunité par la justice, et l’indifférence par l’action », a affirmé la représentante.  À cette fin, le Gouvernement ukrainien a signé l’an dernier un cadre de coopération avec les Nations Unies destiné à combattre les violences sexuelles liées aux conflits, et ouvert, avec le concours du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), 11 centres de secours aux survivantes.  Un groupe de travail conjoint a été créé pour assurer une coopération efficace en matière d’accès à la justice, d’aide aux survivantes, de renforcement du secteur de la sécurité concernant les violences sexuelles liées aux conflits, de lutte contre la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle, et d’indemnisation. 

Afin d’assurer la lutte contre l’impunité, la représentante a appelé la communauté internationale à exercer une pression maximale sur la Fédération de Russie afin qu’elle mette un terme à son agression « brutale et injustifiable » contre son pays.

M. MICHAEL ALEXANDER GEISLER (Allemagne) a souligné les mesures essentielles pouvant protéger et soutenir survivants et victimes à court terme.  Pour l’Allemagne, les États Membres doivent mettre en place des régimes efficaces de contrôle des armes et des munitions, la militarisation accrue et la prolifération des armes alimentant les violences sexuelles dans les conflits.  Ensuite, davantage de conseillers en matière d’égalité de genre doivent être déployés dans les opérations de paix et les missions politiques spéciales.  Les États Membres doivent aussi fournir des services de santé sexuelle et reproductive accessibles, ainsi qu’un soutien psychologique et juridique.  Enfin, le représentant a appelé à fournir un financement prévisible et fiable pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes.  L’Allemagne soutient ainsi l’Équipe d’experts de l’état de droit et des questions touchant les violences sexuelles commises en période de conflit en leur allouant un budget de 1 million d’euros cette année. 

Mme MATHU JOYINI (Afrique du Sud), jugeant « particulièrement odieuse » l’utilisation des violences sexuelles comme arme de guerre, a estimé que la communauté internationale doit adopter une position ferme à ce sujet.  Il a souligné que le rapport du Secrétaire général montrait que les victimes étaient souvent ciblées sur la base de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre, appelant à une plus grande reconnaissance de cette réalité.  L’absence d’état de droit et l’affaiblissement de l’autorité de l’État entraînent une augmentation des violences sexuelles, car les acteurs non étatiques se comportent sans se préoccuper de rien et sans rendre compte de leurs actes, a-t-il ajouté. Le représentant a appelé à prendre des mesures pour lutter contre ces atrocités, saluant la valeur des conseillers en protection des femmes sur le terrain mais se disant découragé par les ressources limitées allouées à ce personnel.  Il est selon lui important de reconnaître que la plupart des acteurs étatiques énumérés dans le rapport s’étaient formellement engagés à adopter des mesures pour lutter contre les violences sexuelles liées aux conflits et qu’il fallait s’efforcer de les soutenir dans leurs efforts.

M. MARTIN BILLE HERMANN (Danemark), qui s’exprimait au nom des pays nordiques (Finlande, Island, Norvège, Suède et Danemark), a constaté qu’en 2022 la violence sexuelle avait continué d’être utilisée comme tactique de guerre, outil d’intimidation, moyen de déshumaniser et de détruire les communautés et la vie des civils dans des pays comme la République démocratique du Congo, Haïti, la Libye, le Myanmar et le Sud-Soudan.  Il s’est dit « profondément alarmé » par les rapports faisant état de l’aggravation des violences sexuelles commises par des acteurs étatiques et non étatiques.  En Ukraine, la mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies et la Commission d’enquête internationale indépendante ont documenté les violences sexuelles, perpétrées, dans leur grande majorité, par le personnel militaire russe comme une forme de torture et d’inhumanité à l’encontre de civils et de prisonniers de guerre, a dénoncé le représentant. 

Se faisant l’écho du Secrétaire général, le représentant a appelé à remédier à l’impunité qui reste la norme pour les actes de violence sexuelle liée aux conflits.  Il a d’abord appelé les États Membres à enquêter sur tous les cas, poursuivre les auteurs par le biais de mécanismes judiciaires appropriés et garantir l’accès à la justice pour les victimes et les survivants.  Il a ensuite souhaité que la réponse humanitaire mette les besoins des survivants au premier plan.  Enfin, il a appelé à ce que tous les régimes de sanctions incluent explicitement la violence sexuelle et sexiste comme critère de désignation. 

Le représentant a exhorté les États Membres à développer les compétences nécessaires pour agir sur la violence sexuelle et sexiste et pour orienter les différents types de victimes vers les prestataires de services appropriés dans toutes les opérations de paix, et pas seulement parmi les femmes soldats de la paix. L’idée que les femmes sont intrinsèquement plus aptes à répondre aux violences sexuelles perpétue l’idée que leur principale valeur ajoutée est liée à leur sexe et reflète une mauvaise compréhension des survivants et des auteurs, a-t-il expliqué.  En conclusion, il a affirmé que les pays nordiques restaient fermes sur la tolérance zéro à l’égard de toutes les représailles contre les défenseures des droits de l’homme. 

M. MAURIZIO MASSARI (Italie) a fait part de la préoccupation de son pays face au flou de la distinction des responsabilités entre les acteurs étatiques et non étatiques, que met en évidence le rapport du Secrétaire général et qui complique l’attribution des crimes de violences sexuelles liées aux conflits et sape la responsabilité.  L’Italie exhorte le Conseil de sécurité à utiliser tous les outils à sa disposition pour soutenir une action efficace contre ces violences.  Elle reconnaît le rôle important joué par la Cour pénale internationale dans les enquêtes et les poursuites concernant les violences sexuelles dans le contexte des conflits armés. 

Pour le représentant, les facteurs de risque qui contribuent à faire de la violence sexuelle dans les conflits un crime largement sous-déclaré doivent être traités de manière globale.  Il a donc appelé à agir sur la prévention, pour mettre fin à l’enracinement de l’inégalité entre les sexes, mais aussi sur la réponse, en particulier pour supprimer les obstacles à l’accès des victimes à la justice, assister les victimes et lutter contre la stigmatisation sociale, les intimidations et les représailles.  Il a aussi appelé à tenir compte de ces problématiques dans les programmes de réforme du secteur de la sécurité et dans la formation du personnel militaire déployé dans les missions de paix de l’ONU. 

Le représentant a salué le travail des organisations de femmes de la société civile et a appelé à soutenir des espaces sûrs pour une participation effective des femmes dans le cadre de plans d’action nationaux crédibles et durables sur les femmes et la paix et la sécurité.  Dans ce cadre, l’Italie appelle la communauté internationale à réaffirmer son engagement de s’attaquer aux causes profondes des conflits et aux inégalités structurelles entre les sexes. 

M. RENÉ ALFONSO RUIDÍAZ PÉREZ (Chili), soulignant que les violences sexuelles ne peuvent être banalisées, a estimé que les forces armées, dont les contingents des missions de maintien de la paix, doivent être familiarisées avec la perspective sexospécifique et la prévention de la violence sexuelle.  Le Chili, a dit le représentant, appuie l’initiative Action pour le maintien de la paix du Secrétaire général, qui exige une conduite appropriée de la part de tout le personnel en mission.  Son pays soutient la politique de tolérance zéro de l’ONU, avec une approche centrée sur les victimes de toutes les formes d’exploitation et d’abus sexuels.  Préoccupé par les cas de violence sexuelle n’ayant pas fait l’objet d’enquêtes ou de poursuites, le représentant a considéré qu’il faut laisser ouverte la possibilité de recourir à des tribunaux internationaux tels que la CPI.  Il s’est dit favorable à l’élaboration de sanctions ciblées contre les personnes impliquées dans de tels crimes.  Il faut en outre fournir une assistance non discriminatoire aux victimes pour qu’elles puissent se réinsérer pleinement dans leurs communautés et contribuer à la consolidation de la paix.  Selon le représentant, la communauté internationale doit appuyer les efforts des pays sortant d’un conflit pour intégrer la question des violences sexuelles liées aux conflits en tant que question spécifique dans la justice transitionnelle.

M. CARLOS AMORIN (Uruguay) a rappelé que la résolution 1820 (2008) pouvait qualifier les violences sexuelles liées aux conflits comme des crimes contre l’humanité ou un crime de génocide.  Il a déploré la situation constatée par le rapport du Secrétaire général, en dépit d’un vaste cadre normatif, évoquant notamment les situations en Afghanistan, en République centrafricaine, en Colombie, en République démocratique du Congo, en Iraq, en Libye, au Mali, au Myanmar, en Somalie, au Soudan, au Soudan du Sud, en Ukraine, en Syrie et au Yémen. 

Le représentant a appelé à imposer des sanctions afin de dissuader toutes les parties, notamment les mercenaires et les entreprises de sécurité privées, qui commettent ces violences.  Il a aussi appelé à saisir la Cour pénale internationale des situations où de telles violences auraient pu être perpétrées selon la définition des statuts de la Cour.

Au nom du Groupe des Amis de la responsabilité de protéger, composé de 55 États Membres et de l’Union européenne, M. ISHMAEL TSHOLOFELO DABUTHA (Botswana) a estimé que le renforcement des capacités des institutions nationales est essentiel pour garantir l’établissement des responsabilités et a dressé un lien « évident » entre d’une part, la violence sexuelle liée aux conflits, et d’autre part, la violence fondée sur le sexe et la discrimination à l’égard des femmes et des filles en temps de paix.  Lorsque les institutions nationales ne peuvent ou ne veulent pas prendre de mesures contre les auteurs de violences sexuelles, c’est à la communauté internationale d’agir, a souligné le représentant, en jugeant urgent d’adopter des approches centrées sur les survivants, tenant dûment compte de leurs traumatismes. 

Mme JOAN MARGARITA CEDANO (République dominicaine) a reconnu que les violences sexuelles restent un fléau dans les conflits dont 80% des victimes sont des femmes et des filles.  Les conséquences de cette violence sont profondes et durables pour les victimes, a-t-elle noté parlant d’isolement et de stigmatisation.  Dès lors, elle a appelé à s’y attaquer collectivement par des actions portant sur la prévention, la justice, le soutien psychologique aux victimes, la lutte contre l’impunité et des mises à jour des législations nationales.  Le droit international impose aux États et aux parties aux conflits de prévenir et de sanctionner ces crimes atroces, a-t-elle rappelé en exigeant que l’on applique pleinement les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  Soulignant la situation préoccupante qui prévaut en Haïti et les niveaux alarmants de violences sexuelles, la représentante a espéré qu’avec l’adoption de la résolution 2653 (2013) et la création d’un comité des sanctions et d’un groupe d’experts, des pas importants auront été faits pour y remédier aux côtés des autorités haïtiennes.  Elle a également rappelé que dans le cadre du renouvellement du mandat du BINUH, décidé aujourd’hui, il est prévu que l’unité droits humains du Bureau disposera de capacités spécifiques pour lutter contre la violence sexuelle et fondée sur le genre, notamment de conseillères. 

M. OLIVIER MAES (Luxembourg) a rappelé qu’en Ukraine, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme avait documenté 109 cas de violences sexuelles perpétrées par les militaires russes, l’âge des victimes variant de 4 à 82 ans.  Concernant ce territoire, on peut là aussi parler de l’utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre, a-t-il estimé. 

Afin de mettre fin aux cycles de violences sexuelles, le représentant a recommandé de soutenir la Cour pénale internationale dans ses travaux concernant une Convention sur les crimes contre l’humanité, en appuyant le travail de documentation des crimes commis par le biais de mécanismes d’enquête; de coopérer étroitement avec la société civile contre les représailles, en prenant les mesures appropriées; et enfin, de s’attaquer aux causes profondes des violences sexuelles et redoubler les efforts de prévention.  « Il s’agit non seulement de mettre fin à la culture d’impunité, mais aussi de reconnaître que la violence sexuelle est liée à l’inégalité des genres », a-t-il précisé. 

M. CHRISTOPHE ALAIN C. CARDON DE LICHTBUER (Belgique) a appelé à tenir compte des besoins et des perspectives des survivants, notamment concernant l’accès à la justice, à la santé, aux droits et aux services en matière de sexualité et de procréation qui doivent faire partie intégrante des réponses des Nations Unies et des États Membres.  Le représentant a insisté sur l’importance d’avoir accès au traitement des blessures physiques internes, des maladies sexuellement transmissibles, à la contraception d’urgence, à l’avortement en toute sécurité et aux soins pré et postnataux. 

S’inquiétant des « niveaux extrêmement bas de conformité » aux obligations internationales, y compris de la part des États, le représentant a appelé à mettre les normes internationales en œuvre.  Il a indiqué que son pays avait financé l’Équipe d’experts sur l’état de droit et la violence sexuelle dans les conflits, qui coopère avec les autorités de l’Ukraine et de la République démocratique du Congo, entre autres, demandant aux autres États d’envisager de contribuer eux aussi.  Il a aussi demandé d’envisager un apport plus systématique d’informations de la part du Bureau du Représentant spécial aux comités des sanctions de ce Conseil. 

M. IVARS LIEPNIEKS (Lettonie), qui s’exprimait au nom des pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie), a salué les efforts inlassables de l’ONU pour faire face aux violences sexuelles liées aux conflits et a dit apprécier le travail de la Campagne contre la violence sexuelle dans les conflits, en particulier pour apporter un soutien crucial aux survivants sous forme d’assistance médicale, psychologique, juridique et socioéconomique.  Le représentant a cité en exemple le projet mis en œuvre dans des sites miniers sans conflit en RDC.  Il a également salué le travail de l’Équipe d’experts sur l’état de droit et la violence sexuelle dans les conflits en matière de renforcement des institutions de l’état de droit, notamment en Guinée. 

Le représentant a déploré que la violence sexuelle liée au conflit fasse également « partie de la guerre d’agression à grande échelle menée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine » et rappelé que la Mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine avait documenté, depuis février 2022, 125 cas touchant des civils et des prisonniers de guerre.  Le nombre réel est encore plus élevé, a-t-il affirmé.  Après avoir détaillé les différents types d’exactions commises, le représentant a jugé « épouvantable » qu’un membre permanent du Conseil de sécurité puisse se rendre au quotidien responsable de tels crimes, tout en « cherchant à étouffer la voix et les actions de l’ONU grâce à son droit de veto ».  Heureusement, a-t-il ajouté, la communauté internationale refuse de se taire, à l’image de l’Assemblée générale, qui a reconnu la nécessité d’établir un mécanisme international de réparation, ou encore du Conseil de l’Europe, qui a créé en mai un registre des dommages dont la mise en œuvre fera l’objet d’une réunion des ministres des affaires étrangères de l’organisation régionale en septembre à Riga. 

En conclusion, le représentant a assuré la Représentante spéciale du soutien indéfectible des États baltes, qui s’applique aussi à tous ceux qui se consacrent à la prévention de la violence sexuelle, à l’aide aux survivants et à la responsabilisation des auteurs, « tant en Ukraine qu’ailleurs ». 

Mme ANDREEA MOCANU (Roumanie) a déploré la persistance de l’impunité dans les 17 pays où la violence sexuelle liée aux conflits est déployée en tant que stratégie non seulement par des groupes armés terroristes et non étatiques, mais aussi par les autorités étatiques. 

L’engagement de la Roumanie à mettre en œuvre les dispositions de la résolution du Conseil de sécurité relative à la lutte contre les abus et l’exploitation sexuelle dans les conflits se manifeste par des investissements dans la formation de ses forces armées, y compris les troupes qui participent aux activités de maintien de la paix, a expliqué la représentante. 

Dans la foulée de l’agression russe contre l’Ukraine, les autorités roumaines portent une attention particulière aux risques accrus de traite à des fins d’exploitation sexuelle à la suite des déplacements à grande échelle découlant du conflit, a poursuivi la représentante.  Pour ce faire, un mécanisme d’identification précoce des victimes, un fonds national d’urgence pour les victimes et un groupe de travail dédié à la prévention de l’exploitation sexuelle ont été établis. 

M. PABLO EMILIO GUTIÉRREZ SEGÚ BERDULLAS (Espagne), un moyen efficace de mettre en œuvre la lutte contre l’impunité consiste à déployer d’urgence des experts en matière de violences sexuelles en période de conflit pour enquêter et créer des environnements sûrs dans les pays de transit et de destination.  La production de preuves, a-t-il souligné, est ici fondamentale pour la poursuite des travaux. 

Le troisième plan d’action national de l’Espagne sur les femmes et la paix et la sécurité accordera une attention particulière aux Ukrainiennes, a poursuivi le représentant.  Il comprendra des mesures visant à garantir des enquêtes sur l’utilisation des violences sexuelles comme arme de guerre et la protection des victimes, ainsi que la participation significative des femmes à la consolidation de la paix et à la reconstruction dans le pays. 

L’Espagne organise avec les Pays-Bas un cours sur l’intégration de la dimension de genre dans les opérations de paix, a rappelé le représentant.  Ce cours, qui se tient quatre fois par an, vise à doter le personnel militaire et civil des compétences nécessaires pour intégrer la dimension de genre au cours des opérations. 

Mme ANA PAULA ZACARIAS (Portugal) a noté que la prolifération croissante des groupes de mercenaires avait entraîné une augmentation des violations des droits humains et des violations du droit international humanitaire.  Les violences sexuelles liées aux conflits continuent de provoquer des déplacements massifs de population à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières, comme c’est le cas en Ukraine, où la guerre a exacerbé le risque de traite des femmes à des fins d’exploitation sexuelle, a-t-elle également relevé. 

La représentante a encouragé les États Membres à intégrer à leur législation nationale le cadre global pour prévenir et combattre la violence sexuelle liée aux conflits adopté par le Conseil de sécurité.  À ses yeux, le Conseil devrait en outre désigner la violence sexuelle liée aux conflits comme critère dans tous les régimes de sanctions pertinents des Nations Unies.  De même, elle a considéré que l’ONU devrait aider les États Membres à harmoniser leurs lois avec les normes internationales en apportant un soutien aux systèmes judiciaires nationaux, tant militaires que civils. 

Mme YOKA BRANDT (Pays-Bas) a rappelé que les « rapports horribles » venus du Soudan et d’Ukraine n’étaient que deux des nombreux contextes de conflit –« la pointe de l’iceberg »- dans lesquels s’aggravent le niveau des violences sexuelles.  Pour mieux appréhender l’ampleur de ce problème, elle a demandé que soient améliorées la disponibilité et l’harmonisation des données, tout en garantissant la sécurité et la confidentialité. 

La représentante a appelé à s’attaquer aux causes profondes de la violence sexuelle et sexiste en éliminant les normes sociales néfastes et les stéréotypes sexistes qui justifient une telle violence, citant un programme que son pays soutient au Soudan du Sud.  Elle a appelé à investir dans des mécanismes d’alerte précoce et de protection pour ceux qui occupent les positions les plus vulnérables, y compris les femmes défenseuses des droits humains, jugeant inacceptable l’utilisation ou la menace de violence sexuelle pour les intimider. 

La représentante a souhaité l’adoption d’une approche holistique de la responsabilité nationale et internationale et rappelé que la justice ne se limite pas aux procédures pénales mais doit aussi respecter les choix des victimes et des survivants dans leur cheminement vers la guérison.  Enfin, quand par incapacité ou manque de volonté les États n’agissent pas, la représentante a rappelé que des sanctions thématiques servent de dernier recours pour pousser à la responsabilisation.  Ainsi, les Pays-Bas ont contribué à lancer le train de sanctions de l’Union européenne contre la violence à l’égard des femmes. 

M. HWANG JOONKOOK (République de Corée) a noté que depuis l’adoption de sa résolution 1820 (2008), le Conseil de sécurité avait renforcé son engagement à éliminer la violence sexuelle liée aux conflits à travers un ensemble de résolutions.  Pourtant, a regretté le représentant, le dernier rapport du Secrétaire général fait toujours état de plus de 2 000 cas documentés de violences sexuelles liées aux conflits, y compris en République démocratique du Congo, au Soudan du Sud et en Ukraine, et les chiffres n’ont que peu diminué au cours des dix dernières années.  Il a insisté sur le fait que l’impunité ne saurait devenir la norme et que la violence sexuelle liée aux conflits ne doit pas être perçue comme une conséquence inévitable des conflits.  Il a plaidé en faveur de sanctions ciblées de l’ONU contre les auteurs de tels crimes. Le représentant a appelé à tenir compte du point de vue des survivants afin de leur apporter le soutien nécessaire pour faciliter leur réinsertion dans la société.  Pour sa part, la République de Corée est fière de contribuer au Fonds mondial des rescapés dont elle est l’un des principaux bailleurs de fonds. 

M. RÓBERT CHATRNÚCH (Slovaquie) a exprimé sa plus vive préoccupation face à l’omniprésence de la pratique odieuse des violences sexuelles liées aux conflits et a appelé à accroître les investissements pour briser le cercle vicieux de l’impunité.  Il a également souhaité qu’un soutien multisectoriel de qualité soit offert aux survivants dans les 17 pays évoqués dans le rapport du Secrétaire général, notamment l’Afghanistan, la République démocratique du Congo (RDC), le Myanmar, la Syrie et le Soudan.  En tant que co-Président du Groupe des Amis de la réforme du secteur de la sécurité, il a rappelé la résolution 2151 du Conseil de sécurité qui insiste sur l’importance d’assurer la participation pleine et entier des femmes dans ce domaine.  Évoquant l’enfer vécu par les Ukrainiens depuis le début de la guerre « insensée » de la Fédération de Russie, il a condamné les violences sexuelles qui en ont découlé et appelé à traduire les auteurs en justice.

M. MUNIR AKRAM (Pakistan) s’est est dit convaincu que les plus de 2 400 cas de violence sexuelle liée aux conflits, mentionnés dans le dernier rapport du Secrétaire général ne sont qu’une partie infime de la réalité.  Il a douté de la crédibilité du rapport, compte tenu de ce qui ressemble à une décision délibérée de taire les crimes commis dans la Jammu-et-Cachemire par les forces d’occupation indiennes et ceux commis en Palestine par Israël.  Revenant au Jammu-et-Cachemire, il a affirmé que les faits qu’il a dénoncés ont été corroborés par deux rapports du Haut-Commissariat aux droits de l’homme parus en 2018 et en 2019, ainsi que par des médias du monde entier.  Le représentant a donc exhorté le Secrétaire général à rectifier le tir et à inclure dans ses prochains rapports des données sur la situation au Jammu-et-Cachemire et en Palestine, et de faire figurer l’Inde et Israël parmi les parties coupables de violence sexuelle dans les conflits armés. Il faut mettre un terme à la culture de l’impunité, a-t-il exigé.

Mme RAWA ZOGHBI (Liban) a estimé qu’à la lecture du rapport du Secrétaire général selon lequel l’impunité reste la norme, il faut se demander combien de fois l’on fera ce constat.  Comme l’a dit la lauréate du prix Nobel Nadia Murad: « parfois j’ai l’impression de me répéter encore et encore mais comme ce message est important, je continuerai à le marteler jusqu’à ce que la question soit résolue ».  Le corps d’un être humain, a souligné la représentante, ne saurait être considéré comme un instrument de guerre.  Elle a rappelé que son pays a participé à la Conférence internationale sur la violence sexuelle dans les conflits armés, organisée à Londres, au mois de novembre dernier et dûment appuyé la Déclaration politique.  Une œuvre des plus puissantes du « Metropolitan Museum of Art » de New York, a-t-elle poursuivi, est celle du sculpteur du XVIIIe siècle, Philipe Bertrand, décrivant Lucrèce qui se suicide par honte d’avoir été violée.  Aucune victime ni aucun survivant de la violence sexuelle ne devrait avoir à ajouter à son traumatisme une telle peine et une telle souffrance.  Notre devoir commun, a estimé la représentante, est de comprendre par quoi ils passent, de les soutenir et de les guérir.  Nous devons prévenir de telles atrocités, s’est-elle impatientée. 

Mme ANEL BAKYTBEKKYZY (Kazakhstan) a mis l’accent sur la coopération avec les chefs religieux, la société civile et les communautés locales, un facteur très important pour contrer les récits extrémistes, replacer la honte des violences sexuelles sur leurs auteurs, promouvoir l’éducation et créer une prise de conscience sur la nécessité de l’autonomisation des femmes. 

La prévention d’abus sexuels par les forces de maintien de la paix constituant une priorité absolue, la représentante du Kazakhstan est d’avis que toutes les troupes onusiennes devraient recevoir une formation complète, avant et durant leur déploiement.  Favorable à un recrutement accru de femmes militaires et de policières qualifiées, le Kazakhstan intègre tous les éléments du programme pour les femmes et la paix et la sécurité dans sa législation nationale, « avec de nouvelles politiques très favorables aux femmes ».  La formation à l’égalité des sexes pour les forces armées et de sécurité et le déploiement de femmes dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies sont une priorité pour le Kazakhstan au sein du KAZCENT, son centre national de formation au maintien de la paix.

M. TITHIARUN MAO (Cambodge) a rappelé aux États Membres la nécessité d’une action concertée sur la prévention des conflits et l’escalade de ceux qui existent déjà.  Il faut, a-t-il martelé, garantir l’établissement des responsabilités en cas de crimes sexuels commis par les membres des forces armées.  Il a d’ailleurs estimé que ces forces en général devraient être associées aux efforts visant à aider les victimes à se relever et à se réinsérer notamment dans l’armée.  Les acteurs étatiques et non étatiques qui acceptent tacitement les violences sexuelles et qui les utilisent comme arme de guerre, doivent être traduits en justice, dans le cadre d’une action axée sur les victimes, a insisté le représentant.

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a rappelé la responsabilité première des gouvernements de poursuivre en justice les auteurs de violence sexuelle et de prévenir de tels actes, même quand il s’agit d’acteurs non étatiques.  Elle a prié l’ONU d’aider les autorités nationales à renforcer leurs capacités ainsi que leurs cadres juridiques et pénaux.  S’agissant de la prise en charge des survivants, les gouvernements doivent adopter une approche sur mesure et réagir dans le droit fil de la résolution 2467 (2019).  Les États doivent également allouer des ressources suffisantes et se concentrer sur une aide non discriminatoire aux victimes.  Pour la représentante, il est important de briser le lien entre terrorisme, traite des êtres humains et la violence sexuelle en temps de conflit armé.  Elle a recommandé une plus grande participation des femmes au processus de règlement des conflits et de réconciliation.  Elle a aussi plaidé pour l’intégration de la dimension genre et l’amélioration de la représentation des femmes dans les opérations de paix de l’ONU, y compris le déploiement de conseillères pour la protection des femmes. Avant de conclure, la représentante s’est adressée au Pakistan: un pays qui ne parvient pas à préserver les droits de ses femmes et de ses filles, qui autorise des conversions religieuses forcées, qui tolère la violence sexuelle et fondée sur le genre n’a aucune crédibilité pour juger l’Inde.

M. MARWAN ALI NOMAN AL-DOBHANY (Yémen) a expliqué que son pays s’est doté d’un plan national « femmes, paix et sécurité » et d’un cadre normatif dont la mise en œuvre est supervisée par le Ministère du travail et des affaires sociales. Il a tenu à rappeler que les us et coutumes de la société yéménite interdisent toute atteinte à la dignité de la femme et que les lois nationales criminalisent de tels actes.  En revanche les milices houthistes n’en ont que faire, dans leur quête de terroriser la population dans les régions qu’elles contrôlent.  Elles multiplient ainsi les violences sexuelles et les arrestations arbitraires, soutenues par des campagnes de diffamation.  Le représentant a rappelé que la résolution 2564 (2021) prévoit des sanctions contre le leader houthiste.  Il faut, a-t-il plaidé, continuer à inscrire les leaders houthistes sur les listes des sanctions pour « indemniser » un tant soit peu les femmes yéménites vivant sous leur joug. 

Mme NIAMH MARY KELLY (Irlande) a noté que l’année 2022 a été caractérisée par une hausse du nombre des cas des violences sexuelles liées aux conflits ainsi que par un recul de l’état de droit.  L’impunité sévit dans de nombreux pays, a-t-elle noté, avant d’appeler les États Membres à s’engager en faveur d’une politique de tolérance zéro à l’égard des crimes sexuels et fondés sur le sexe, conformément à leurs obligations, en vertu du droit international humanitaire et du droit international.  À ce titre, elle s’est félicitée de la publication du manuel sur la responsabilité des États dans la prévention de la violence sexuelle.  Lorsque les efforts nationaux échouent, il incombe à la communauté internationale d’agir, a-t-elle estimé.  Elle a donc plaidé pour que le Conseil de sécurité inclue la violence sexuelle liée aux conflits comme critère de sanctions.  Elle a en outre encouragé les États Membres à garder à l’esprit le travail des ONG spécialisées lorsqu’ils financent des interventions humanitaires.

M. MUHAMMAD ABDUL MUHITH (Bangladesh) a évoqué les dévastations entraînées par les violences sexuelles et sexistes lors la guerre de libération du pays de 1971. Depuis, des programmes ont été créés pour répondre au traumatisme psychologique vécu par les innombrables victimes de violences sexuelles, tandis que des auteurs ont été traduits en justice. Le Bangladesh, qui a toujours défendu le programme sur les femmes et la paix et la sécurité, aide aujourd’hui les Rohingya, chassés du Myanmar voisin et victimes de violences sexuelles et sexistes à grande échelle.  Aucun progrès n’a été réalisé pour leur rapatriement au Myanmar, une situation que le représentant a jugée intenable.  Les autorités du Myanmar doivent rendre des comptes à ce sujet, a appuyé l’orateur.  Le délégué a enfin dénoncé l’impunité qui demeure la norme dans le cyberespace en matière de violences sexuelles basées sur le genre.  Il a, enfin, appelé à remédier à la fracture numérique liée au genre, ainsi qu’au manque d’accès aux outils numériques permettant d’éduquer les populations vulnérables aux problèmes des violences sexuelles.

M. OMAR HILALE (Maroc) a déploré « la sauvagerie et la brutalité inacceptables » dépeintes dans le dernier rapport du Secrétaire général sur les violences sexuelles liées aux conflits, malgré le changement de paradigme important et les avancées enregistrées ces dix dernières années, notamment grâce au mandat de la Représentante spéciale.  Avertissant que « l’indignation ne suffit plus », il a appelé à proposer de « vraies solutions pragmatiques ».  Le délégué a appelé à adopter une approche plus holistique à travers une meilleure prévention des conflits, à mieux intégrer les femmes aux processus de décision et à mettre fin aux discriminations basées sur le genre, et à lutter contre l’impunité tout en corrigeant la stigmatisation qui entoure les victimes de violences sexuelles et les enfants qui en sont issus. Il a aussi insisté sur le rôle important des leaders religieux dans la lutte contre l’usage de la religion pour justifier les discriminations fondées sur le genre. 

Le délégué a insisté sur l’importance de voir les femmes prendre toute leur place dans les mécanismes d’alerte rapide et de médiation.  Il a rappelé la participation du Maroc à l’initiative sur la promotion de la médiation en Méditerranée, le réseau des femmes méditerranéennes et le réseau des points focaux sur la question « les femmes et la paix et la sécurité ».  Il a aussi rappelé que les femmes au Maroc pouvaient participer aux concours des grandes écoles militaires au même titre que les hommes et étaient aujourd’hui représentées dans toutes les armes (terre, air, marine et gendarmerie royale), ainsi que dans les contingents marocains des missions de maintien de la paix de l’ONU.

M. YOSEPH KASSAYE YOSEPH (Éthiopie) a émis de « vives réserves » sur la partie du rapport du Secrétaire général relatif à son pays, et a en particulier jugé « douteuse » la qualité des travaux de la Commission internationale d’experts des droits de l’homme sur l’Éthiopie.  Le représentant a insisté sur les « défis de sécurité extraordinaires » qu’a connus l’Éthiopie ces dernières années, affirmant que, malgré eux, le Gouvernement éthiopien avait mené des efforts concertés pour assurer le respect et la protection des droits des femmes dans des situations vulnérables. 

Le représentant a ainsi assuré que son gouvernement avait tracé une voie claire pour la responsabilisation en cas d’allégations de violations des droits de l’homme et a décrit en détail les quatre niveaux de son approche dans le cas spécifique de violations des droits des femmes.  Tous ces processus seront encore consolidés dans les mécanismes à mettre en place dans le cadre de la politique de justice transitionnelle, a-t-il précisé. 

Le représentant a affirmé l’engagement inébranlable de son pays en faveur du respect, de la protection et de la réalisation de tous les droits humains des femmes et de leur participation égale et significative à toutes les processus.

M. SURIYA CHINDAWONGSE (Thaïlande) a condamné sans équivoque la violence sexuelle, tant en temps de conflit qu’en temps de paix, ainsi que l’utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre.  Il a souhaité que la communauté internationale et toutes les parties impliquées dans un conflit redoublent d’efforts pour mettre en œuvre les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité afin d’assurer la protection des civils.  À cet égard, il a mis l’accent sur l’importance de la prévention, ce qui passe par la protection et la promotion des droits des femmes, l’autonomisation de celles-ci et la promotion de l’égalité des sexes.  Il faut également protéger et garantir les droits des survivants de violences sexuelles liées aux conflits, a-t-il estimé, pour éviter la marginalisation et la stigmatisation des victimes.  Pour cela, il a recommandé d’adopter des approches centrées sur les survivants pour garantir leur accès aux services essentiels et à la justice.  Le représentant a également réitéré le plein soutien de la Thaïlande au programme pour les femmes et la paix et la sécurité, expliquant que son pays continue à chercher les moyens de renforcer son engagement en ce sens.  Reconnaissant pleinement le rôle des femmes en tant que pourvoyeuses de sécurité et bâtisseuses de paix, et pas seulement en tant que victimes, le représentant a plaidé pour des mesures spécifiques en vue de garantir la participation pleine, égale et significative des femmes à tous les niveaux des dialogues et des processus de paix et de sécurité. 

Mme FIONA WEBSTER (Australie) a condamné le harcèlement, le recours à la force et le viol en tant qu’instruments de répression et d’intimidation politique à l’encontre des femmes et des défenseurs des droits humains.  Cibler les établissements de santé publique, au détriment des survivants, est tout simplement inacceptable, a martelé la représentante, avant de saluer le déploiement de conseillers pour la protection des femmes au sein des opérations de paix des Nations Unies, dont ceux envoyés par les Forces de défense, la police fédérale et le Ministère des affaires étrangères de son pays.  Grâce à son appui à des programmes tels que le Fonds de l’Initiative Elsie et ONU-Femmes, l’Australie, a-t-elle souligné, s’efforce de mettre en place des institutions militaires et policières diversifiées et inclusives, susceptibles d’accélérer la représentation significative des femmes en uniforme à tous les niveaux des opérations de paix de l’ONU.  La représentante a également souligné l’importance de répondre aux formes croisées de discrimination au moyen d’actions adaptées et centrées sur les survivantes.  Enfin, elle a exprimé sa préoccupation face au lien qui se développe entre les sociétés privées de sécurité militaire et les cas de violence sexuelle, en appelant à redoubler d’efforts pour lutter contre l’impunité.

Mme MARÍA DEL CARMEN SQUEFF (Argentine) a mentionné l’impact sexospécifique des crimes associés à la violence sexuelle, estimant nécessaire d’élargir les discussions sur les répercussions de ces actes criminels sur les hommes, les garçons et les personnes LGBTIQ+.  À cet égard, la représentante s’est alarmée du nombre élevé de cas non signalés, ce qui, associé aux représailles, à la discrimination et à la stigmatisation, contribue à l’impunité généralisée des auteurs de ces actes.  Elle a, en outre, relevé que l’un des lieux où se produisent les actes de violence sexuelle est l’école ou le chemin de l’école, rappelant la résolution 2601 (2021) qui pointe justement les conséquences des attaques à l’encontre des femmes et des filles, notamment dans la poursuite de leur éducation. 

Dans cet esprit, la représentante a attiré l’attention sur la Déclaration sur la sécurité dans les écoles de 2015, un engagement politique intergouvernemental visant à garantir une éducation sûre et à prévenir la violence sexuelle dans les conflits.  Elle a encouragé tous les États à adhérer à ce document qui compte déjà plus de 100 signataires. 

Enfin, la représentante a rappelé l’adoption, sous l’impulsion de l’Argentine et du Royaume-Uni, de la résolution 69/293 de l’Assemblée générale, qui a fait du 19 juin de chaque année la Journée internationale pour l’élimination de la violence sexuelle en temps de conflit, afin de sensibiliser à la nécessité de mettre fin aux violences sexuelles liées aux conflits, d’honorer les victimes et les survivants et de rendre hommage à tous ceux qui ont courageusement lutté pour l’éradication de ces crimes au péril de leur vie. 

M. SATTAR AHMADI (République islamique d’Iran) a souligné l’impact dévastateur et disproportionné des conflits armés sur les femmes et les filles, premières victimes de la violence, des déplacements et des violations des droits humains.  Il a condamné fermement l’utilisation de la violence sexuelle comme tactique dans ces conflits, qualifiant cette pratique de « crime odieux ».  Il a ajouté qu’au Moyen-Orient, les menaces posées par l’occupation étrangère, l’ingérence et le terrorisme mettent gravement en péril les droits et la sécurité des femmes.  Le délégué a estimé que la solution ultime pour endiguer ces crimes réside dans l’élimination complète des conflits armés, objectif qui reste inaccessible tant que le terrorisme, l’extrémisme violent, l’occupation étrangère et l’ingérence étrangère persistent. En attendant, il convient de se concentrer sur l’avancement des initiatives d’autonomisation des femmes, telles que l’amélioration de l’accès à l’éducation, aux opportunités économiques et aux services de santé, a-t-il affirmé.  De plus, il a ajouté à cette liste le renforcement de l’état de droit, le fonctionnement efficace des systèmes judiciaires et l’apport d’un soutien global aux victimes, des efforts essentiels pour protéger les femmes et les filles contre la violence sexuelle pendant les conflits armés. 

En conclusion, le représentant a réfuté catégoriquement « les allégations sans fondement et la référence injustifiée faites à l’Iran dans le récent rapport du Secrétaire général », la qualifiant d’ « absolument fausse et sans preuve solide, se basant uniquement sur des informations peu fiables et déformées provenant de sources médiatiques ».  Il a estimé « très préoccupant » que la Représentante spéciale ait « outrepassé son mandat » en présentant à un État Membre des allégations infondées qui n’ont rien à voir avec les conflits armés.  Il s’est opposé fermement à cette action irresponsable et l’a condamnée, car elle porte atteinte à l’intégrité du rapport et de l’ONU en général. 

M. KYAW MOE TUN (Myanmar) a noté que l’évaluation du Secrétaire général dans son rapport montre que le niveau de respect par les parties à un conflit des normes internationales reste faible.  L’armée du Myanmar utilise la violence sexuelle comme tactique de guerre après le coup d’État militaire illégal de février 2021, a-t-il indiqué. Rappelant l’exposé de Mme Naw Hser Hser, du Myanmar, le représentant a dit que les défenseuses des droits humains et les dirigeantes de la société civile risquent leur vie chaque jour pour documenter et signaler les atrocités commises par la junte.  Les violences et les atrocités commises par la junte militaire ne sont pas des incidents isolés, a-t-il assuré.  Pour mettre fin à ces crimes odieux, a suggéré le délégué, il faut que l’armée respecte l’état de droit et soit soumise à une supervision démocratique.  C’est l’objectif de la révolution en cours contre la dictature militaire au Myanmar, a informé le représentant. 

Le délégué a donc appelé l’ONU à travailler avec les organisations dirigées par des femmes, les dirigeantes d’ONG et les défenseurs des droits humains dans le suivi et le recueil des preuves des violences sexuelles commises au Myanmar. Il faut aussi aider les survivantes de toutes les manières possibles, a-t-il exhorté.  Il a prié les États Membres de soutenir les femmes du Myanmar et de protéger celles qui ont fui la violence de la junte.  Il a demandé au Conseil de se pencher sur la situation des femmes et des filles dans les zones touchées par le conflit dans son pays.  Cet organe devrait exiger la fin immédiate des violences sexuelles commises par l’armée et prendre des mesures concrètes pour mettre fin à l’impunité des militaires, a-t-il conclu.

M. ANDREAS HADJICHRYSANTHOU (Chypre) a rappelé que les violences sexuelles liées aux conflits, qui peuvent être facilitées et promues en ligne, peuvent constituer un crime de guerre, un crime contre l’humanité ou un acte constitutif de génocide.  Elles représentent un problème de paix et de sécurité et un obstacle au rétablissement de la paix, nécessitant des réponses opérationnelles et politiques spécifiques. 

Le représentant a appelé à ne pas traiter isolément de tels crimes, ajoutant qu’il incombait aux États Membres de les prévenir, de les combattre, de protéger et de soutenir les survivants et de traduire les auteurs en justice.  Il a appelé à renforcer les procédures juridiques aux niveaux national, régional et international, en veillant à ce que toutes les victimes de violences sexuelles bénéficient d’une protection égale devant la loi et d’un accès égal à la justice.  Il a souhaité qu’une approche centrée sur les survivants guide toutes les réponses aux violences sexuelles liées aux conflits, tout en rappelant que les survivants ne constituent pas un groupe homogène et ont des besoins et des perspectives différents qui doivent être pris en considération. 

Jugeant impératif de s’attaquer aux causes profondes de la violence sexuelle et sexiste dans les situations de conflit, « profondément ancrées dans les inégalités historiques qui perpétuent le problème », le représentant a déclaré que la participation et l’implication pleines, égales et significatives des femmes dans tous les efforts de maintien de la paix et de la sécurité sont une condition sine qua non pour la pleine mise en œuvre du programme de paix et de sécurité, y compris dans la lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits. 

M. MOHAMMED HUSSAIN BAHR ALULOOM (Iraq) a rappelé que son pays fait partie des premiers pays arabes à avoir mis en place un programme national « femmes, paix et sécurité », ainsi qu’une stratégie 2023-2030 pour les femmes.  Des centres d’accueil des femmes victimes de violence ont été mis en place et la politique de tolérance zéro sera strictement appliquée, a expliqué le représentant, qui a également fait état des mesures prises pour venir en aide aux rescapés comme les femmes yazidies qui bénéficient d’un soutien psychosocial pour faciliter leur réintégration sociale.  Toutefois, a-t-il souligné, l’Iraq est toujours aux prises avec les conséquences des agissements de Daech, cherchant à faire prévaloir la justice.  Dans cet objectif, le représentant a demandé à l’UNITAD (Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes) de fournir les preuves qu’il a collectées pour que le système judiciaire iraquien puisse traiter de tous les suspects avec transparence et célérité.

Mme HELENA NDAPEWA KUZEE (Namibie) a rappelé que les conséquences des violences sexuelles liées aux conflits pour les victimes et leurs communautés sont à la fois immédiates et à long terme, dévastant les familles et les communautés avec des conséquences sur plusieurs générations.  En outre, a déploré la représentante, l’impunité fait que les enfants et les jeunes adultes apprennent que la violence sexuelle est acceptable, et les coutumes et pratiques violentes régressives réapparaissent. 

La représentante a appelé à rechercher les lacunes dans la mise en œuvre de la résolution 2467 du Conseil en assurant l’intégration du genre dans le maintien et la consolidation de la paix, en sensibilisant aux questions de genre les forces participant aux missions de maintien de la paix, ou encore en plaidant pour que davantage de femmes soient incluses dans les missions de maintien de la paix à tous les niveaux des processus de prise de décisions et de maintien de la paix.  Rappelant que le programme pour les femmes et la paix et la sécurité est né de la nécessité de promouvoir la participation des femmes aux efforts et processus de paix, la représentante a appelé à veiller à ce que les droits et les besoins des victimes de violences sexuelles soient au cœur des efforts et des interventions de réponse. 

M. DAVID ABESADZE (Géorgie) a condamné les cas documentés de violences sexuelles utilisées comme méthode de torture par les forces russes et les groupes armés affiliés à la Russie en Ukraine avant d’estimer que ces violences ne « sont pas un sous-produit inévitable de la guerre » mais peuvent être prévenues, en renforçant les efforts nationaux et internationaux, en sensibilisant et en garantissant la justice.  Rappelant le rôle joué par le Conseil de sécurité dans la lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits, le représentant a rappelé que la Géorgie avait approuvé, en novembre dernier, la Déclaration de Londres sur la « prévention de la violence sexuelle dans les conflits » qui vise à accélérer cette lutte. 

Le représentant a ensuite présenté diverses mesures prises par son pays pour promouvoir des droits des femmes et l’égalité des sexes, y compris dans l’armée.  Ainsi, a-t-il expliqué, l’ensemble du personnel national déployé en mission de paix est formé sur les résolutions du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité dans le cadre de formations obligatoires préalables au déploiement. 

Le représentant a toutefois fait observer que l’occupation illégale des régions géorgiennes d’Abkhazie et de la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud par la Fédération de Russie reste le principal obstacle à la mise en œuvre par son gouvernement du cadre de protection des droits de l’homme pour les femmes et les filles restées de l’autre côté.  Lesquelles, a-t-il affirmé, sont « systématiquement victimes de violations des droits de l’homme ».  Il a en particulier dénoncé une tendance récente qui cible les femmes géorgiennes, consistant à recourir à des détentions illégales comme instrument de terreur. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Haïti: préoccupé par l’intensification des activités criminelles, le Conseil de sécurité proroge et renforce le mandat du BINUH jusqu’au 15 juillet 2024

9377e séance - matin
CS/15356

Haïti: préoccupé par l’intensification des activités criminelles, le Conseil de sécurité proroge et renforce le mandat du BINUH jusqu’au 15 juillet 2024

Condamnant avec la plus grande fermeté l’intensification de la violence, des activités criminelles et des violations des droits humains en Haïti, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité, ce matin, la résolution 2692 (2023) par laquelle il décide de proroger jusqu’au 15 juillet 2024 le mandat du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) défini dans sa résolution 2476 (2019), sachant que le Bureau sera dirigé par un représentant spécial du Secrétaire général. 

Par ce texte, le Conseil de sécurité prie le Secrétaire général de lui soumettre un rapport écrit, en consultation avec Haïti, dans les trente jours, décrivant toute la gamme des possibilités d’appui que pourrait fournir l’ONU pour améliorer l’état de la sécurité, notamment mais non exclusivement l’appui à la lutte contre le commerce et le détournement illicites d’armes et de matériel connexe; la formation supplémentaire de la Police nationale d’Haïti (PNH); l’appui à une force multinationale non onusienne; ou la possibilité d’une opération de maintien de la paix, dans le cadre d’un règlement politique en Haïti.

Pour le représentant d’Haïti la déception était grande car « aujourd’hui, en Haïti, tous les regards sont tournés vers cette réunion du Conseil de sécurité, et tous attendent une décision concrète quant au déploiement d’une force internationale, or tel n’est pas le cas ». 

Le Conseil décide que le groupe du BINUH chargé des questions touchant à la police et aux services pénitentiaires intégrera jusqu’à 70 civils et agents en détachement, qui exerceront des fonctions de conseillers pour les questions de police et pour les affaires pénitentiaires sous la direction d’un chef de la police civile des Nations Unies, et qu’il intensifiera son appui stratégique et consultatif aux moyens de formation et d’enquête de la Police nationale d’Haïti. 

Il réaffirme la nécessité pour toutes les parties prenantes haïtiennes, notamment avec l’appui du BINUH, de continuer de faciliter un processus politique dirigé et contrôlé par les Haïtiens qui permette l’organisation d’élections présidentielle et législatives libres, régulières et crédibles, avec la participation pleine, égale et réelle, en toute sécurité, des femmes, et la participation des jeunes, de la société civile et des autres parties prenantes concernées, au moyen d’un dialogue national associant toutes les parties haïtiennes, et prie instamment toutes les parties prenantes haïtiennes de convenir de toute urgence d’une feuille de route pour les élections. 

Les États Membres sont engagés à interdire sans retard la fourniture, la vente ou le transfert d’armes légères et de petit calibre et de munitions à des acteurs non étatiques qui participent à la violence en bande organisée, à des activités criminelles ou à des atteintes aux droits humains en Haïti ou appuient de tels actes, ainsi qu’à prendre toutes les mesures voulues pour en empêcher le commerce et le détournement illicites.  Le Conseil déclare son intention d’envisager de nouvelles mesures appropriées à cet égard. 

De plus, le BINUH est prié de collaborer avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et d’autres organismes compétents des Nations Unies afin d’aider les autorités haïtiennes à combattre le commerce et le détournement illicites d’armes et de matériel connexe et de flux financiers illicites et à renforcer la gestion et le contrôle des frontières et des ports. 

Comme l’a relevé le représentant du Royaume-Uni, la résolution adoptée ce matin proroge et renforce le mandat du BINUH à la demande d’Haïti, dans un contexte de dégradation de la situation sécuritaire, humanitaire, politique et économique.  Les pays porte-plumes, États-Unis et Équateur, ont mis en avant le fait que le Conseil prie le Secrétaire général de présenter un rapport sur tout l’éventail d’options en appui à la sécurité d’Haïti que l’ONU pourrait apporter, y compris la possibilité d’une mission de paix, d’une force multinationale non onusienne ou encore la formation de la police nationale. 

Le représentant d’Haïti a salué le fait que l’élargissement du mandat du BINUH prenne en compte la réalité et les nouveaux défis qui se font jour dans son pays.  Parmi les avancées contenues dans la résolution, il a cité le renforcement de l’unité de police du Bureau, l’appel lancé à la coopération entre les États Membres pour lutter contre le trafic et le détournement d’armes illicites, ainsi que l’appel à contribuer au fonds destiné à l’assistance sécuritaire et à fournir un appui à la Police nationale d’Haïti (PNH). 

Toutefois, a-t-il martelé, la prorogation du mandat du BINUH ne saurait suffire à aider Haïti à faire face aux défis sécuritaires auxquelles le pays est confronté, et il va falloir trouver des idées innovantes et former des synergies susceptibles de répondre à la situation, pour parvenir à l’envoi d’une assistance internationale robuste tant attendue afin d’appuyer la PNH dans sa lutte contre les gangs lourdement armés.  À cet égard, il a exprimé sa reconnaissance aux pays qui souhaitent répondre à la demande du Premier Ministre haïtien. 

La résolution reste pourtant l’expression de la solidarité des membres du Conseil avec le peuple haïtien pour l’aider à définir son avenir et à rétablir l’ordre démocratique dans le pays, ont argué ses porte-plumes, et la prorogation du mandat du BINUH est un pas important vers cet objectif.  Cette adoption à l’unanimité envoie un message haut et fort aux membres et chefs de gang qui assaillent Haïti, a souligné l’Équateur.  Cela traduit la conviction des membres du Conseil que le BINUH continue à être une force positive en Haïti, ont assuré les États-Unis. 

Pour leur part, les Émirats arabes unis, estimant que les situations politique et sécuritaire doivent être traitées simultanément, ont appelé toutes les parties prenantes à œuvrer pour un dialogue inclusif intra-haïtien en vue de parvenir à un règlement politique dirigé par les Haïtiens.  Le texte reconnaît d’ailleurs le rôle important des pays et organisations de la région, en particulier la Communauté des Caraïbes. Dans la même veine, le représentant de la Chine a estimé que la solution à la crise haïtienne passe par la promotion d’un processus politique.  Il a souligné que cette résolution enjoint l’ensemble des parties haïtiennes à mener un dialogue inclusif susceptible d’aboutir à un consensus sur l’adoption d’un calendrier en vue de la tenue d’élections libres et régulières. 

Mais pour y parvenir, il va falloir que la communauté internationale fasse davantage pour épauler Haïti, ont exigé les A3 (Gabon, Ghana, Mozambique) qui, quoique satisfaits du renforcement de l’action du BINUH, ont toutefois pointé du doigt les « limites » du texte.  Ils ont demandé au Conseil de s’engager plus clairement pour répondre à la demande du Gouvernement haïtien, et de créer une force robuste pour épauler la PNH et rétablir l’ordre dans le pays.  Si la résolution n’a pas forcément répondu à tous les besoins des Haïtiens, elle a néanmoins le grand mérite de fixer un bon cap pour rétablir le processus politique, ont reconnu les pays africains.  L’adoption de cette résolution n’est qu’un point de départ et non un objectif final, a conclu l’Équateur. 

LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI

Texte du projet de résolution (S/2023/519)

      Le Conseil de sécurité,

      Rappelant toutes ses résolutions antérieures concernant Haïti, notamment les résolutions 2645 (2022) et 2653 (2022),

      Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité d’Haïti,

      Rappelant en particulier sa résolution 2476 (2019), par laquelle le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) a été mis en place à partir du 16 octobre 2019 compte tenu du rapport du Secrétaire général en date du 1er mars 2019 (S/2019/198),

      Rappelant sa résolution 2653 (2022), qui a établi des mesures de sanctions en réponse à la menace contre la paix et la sécurité internationales dans la région que font peser l’extrême violence en bande organisée et d’autres activités criminelles, ainsi que le commerce d’armes et les flux financiers illicites, et rappelant également la résolution 2664 (2022) qui annule et remplace la dérogation au gel des avoirs énoncée au paragraphe 10 de la résolution 2653 (2022),

      Condamnant avec la plus grande fermeté l’intensification de la violence, des activités criminelles et des violations des droits humains et des atteintes à ces droits qui compromettent la paix, la stabilité et la sécurité d’Haïti et de la région, notamment les enlèvements, la violence sexuelle et fondée sur le genre, la traite des personnes et le trafic illicite de migrants, les homicides, les exécutions extrajudiciaires et le recrutement d’enfants par des groupes armés et des réseaux criminels,

      Soulignant que c’est au Gouvernement haïtien qu’il incombe au premier chef de s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité et de l’inégalité et de se concerter avec les autres parties prenantes, à savoir la société civile, les jeunes et le secteur privé, en vue d’apporter des solutions durables aux problèmes immédiats et à long terme d’Haïti, gardant à l’esprit la participation pleine, égale, véritable, en toute sécurité, des femmes,

      Insistant sur la nécessité de parvenir à des solutions politiques pour remédier aux causes profondes de l’instabilité en Haïti et soulignant à cet égard qu’il importe de toute urgence d’encourager une plus grande participation au processus politique en forgeant le consensus le plus large possible en vue de la tenue d’élections libres et régulières qui soient crédibles et du rétablissement des institutions démocratiques,

      Prenant acte de la signature, le 21 décembre 2022, du document intitulé « Consensus national pour une transition inclusive et des élections transparentes »,

      Réaffirmant l’importance de l’état de droit et du rétablissement d’institutions judiciaires efficientes pour renforcer la lutte contre l’impunité et notant qu’il importe que le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme fournisse une assistance technique et un appui au renforcement des capacités de l’appareil judiciaire, des forces de sécurité et de l’administration pénitentiaire haïtiennes, en collaboration avec le BINUH, et condamnant à nouveau avec la plus grande fermeté l’assassinat du Président d’Haïti, Jovenel Moïse le 7 juillet 2021, et exhortant le Gouvernement haïtien à en traduire les auteurs en justice dans les meilleurs délais,

      Soulignant qu’il importe de donner au BINUH les moyens de remplir sa mission de bons offices en vue d’une solution dirigée et contrôlée par Haïti et d’obtenir la participation au dialogue de tous les secteurs de la société haïtienne, en particulier les acteurs politiques, la société civile, les chefs religieux, notamment les populations vivant dans les secteurs contrôlés par les bandes, à l’appui du consensus politique, ainsi que des réformes nécessaires à l’intensification de l’appui consultatif à la Police nationale d’Haïti, gardant à l’esprit la nécessité de promouvoir la participation pleine, égale, véritable, en toute sécurité, des femmes en Haïti, dans les engagements pris,

      Se déclarant vivement préoccupé par le recours à la violence sexuelle et fondée sur le genre, perpétrée par des éléments appartenant à des bandes,

      Notant avec une profonde préoccupation les crises intervenues sur les plans politique, économique, humanitaire, de la sécurité et des droits humains ainsi que les crises alimentaire et nutritionnelle aiguës qui s’accentuent en Haïti, et réaffirmant la volonté de la communauté internationale de continuer d’accompagner le peuple haïtien,

      Sachant que les catastrophes naturelles, notamment les ouragans, les séismes et les inondations et d’autres phénomènes météorologiques associés aux effets néfastes des changements climatiques, entre autres facteurs, peuvent avoir une incidence préjudiciable sur la sécurité alimentaire, la raréfaction de l’eau et la situation humanitaire en Haïti et aggraver l’instabilité existante, 

      Rappelant qu’il importe d’assurer la protection des enfants et de prendre les mesures appropriées à cet égard, conformément à ses résolutions pertinentes, et se déclarant préoccupé par la gravité et le nombre de violations des droits humains des enfants et d’atteintes à ces droits qui ont été signalées, 

      Exhortant les autorités haïtiennes à réduire la violence de manière globale et urgente, notamment par le renforcement de l’état de droit, des mesures socioéconomiques, des programmes de réduction de la violence, visant notamment à combattre la violence sexuelle et fondée sur le genre, des mesures de protection de l’enfance, la gestion des armes et des munitions et le renforcement des mécanismes nationaux de protection et d’établissement des responsabilités, ainsi que par toute initiative visant à aider au bon fonctionnement de l’appareil judiciaire et à rétablir des institutions judiciaires efficientes,

      Conscient de la forte corrélation qui existe entre le commerce illicite d’armes et de munitions à destination de Haïti, l’extension du contrôle territorial par des bandes armées et la violence extrême, et réaffirmant par conséquent le besoin urgent d’interdire le transfert d’armes et de matériel connexe de tous types à des acteurs non étatiques participant à la violence en bande organisée et à des activités criminelles ou à des atteintes aux droits humains en Haïti ou appuyant de tels actes, ainsi que d’en prévenir le commerce et le détournement illicites,

      Se félicitant de la signature par le Gouvernement haïtien du Plan d’action national visant à appliquer la Feuille de route pour l’exécution durable des mesures prioritaires des Caraïbes contre la prolifération illicite des armes à feu et des munitions dans les Caraïbes à l’horizon 2030, afin de remédier à la prolifération des armes et des munitions illicites, et demandant au Gouvernement haïtien d’appliquer rapidement le Plan d’action national,

      Sachant qu’il importe de toute urgence de remédier au problème des flux financiers illicites à destination d’Haïti, qui permettent aux bandes armées d’opérer, menaçant de plus en plus la stabilité du pays, notamment en s’employant prioritairement à rompre les liens entre les acteurs politiques et économiques et les bandes armées,

      Se félicitant de la création du Panier de fonds des Nations Unies pour l’assistance à la sécurité en Haïti, élaboré avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le développement et le BINUH, tenant compte de l’appui consultatif fourni par le Bureau à la Police nationale d’Haïti et engageant le Bureau à jouer un rôle de coordination pour ce qui est de l’assistance externe à la sécurité offerte à Haïti par l’intermédiaire de ce fonds,

      Conscient du rôle important que jouent les pays voisins ainsi que les organisations régionales et infrarégionales telles que la Communauté des Caraïbes (CARICOM) et d’autres partenaires internationaux, demandant à la communauté internationale de continuer d’appuyer les efforts faits par Haïti pour surmonter l’impasse politique actuelle et remédier à l’état de la sécurité, se félicitant des mesures prises par les États Membres pour intensifier la formation et le mentorat et améliorer la capacité opérationnelle de la Police nationale d’Haïti et encourageant l’appui et le financement d’activités visant à régler les problèmes auxquels se heurte Haïti sur les plans humanitaire, de la stabilisation, de la reconstruction, de la réduction des risques de catastrophe, de la résilience et des problèmes liés au développement durable, notamment dans les secteurs agricole, industriel et éducatif,

      Prenant note de la réunion des parties prenantes haïtiennes qui s’est tenue à Kingston du 11 au 13 juin 2023 avec la médiation de la CARICOM et du Groupe de personnalités éminentes, et se félicitant de la volonté constante manifestée par ces derniers d’apporter leur aide,

      Déplorant les perturbations que connaissent les jeunes sur le plan de l’éducation et des perspectives économiques, conscient de la nécessité d’introduire des mesures appropriées pour promouvoir le rétablissement physique et psychologique et la réintégration sociale des jeunes survivants, réaffirmant la nécessité de renforcer l’aide internationale pour fournir un accès à l’éducation et au développement des compétences telles que la formation professionnelle, et soulignant le rôle central et constructif que les jeunes peuvent jouer dans la prévention et le règlement des conflits,

      Insistant sur la nécessité de remédier à la perte de sources de revenus et de sécurité alimentaire, nutritionnelle et sanitaire, au déplacement interne et au manque d’accès aux infrastructures sociales notamment causés par le séisme qui a frappé Haïti le 6 juin 2023, et soulignant qu’il est essentiel de progresser sur les plans du relèvement, de la reconstruction et du renforcement de la résilience d’Haïti pour instaurer durablement la stabilité, la sécurité et le développement socioéconomique et à cet égard saluant la collaboration pluri-institutions à cette fin et de la nécessité de remédier aux besoins humanitaires les plus urgents,

      Prenant acte de la lettre datée du 7 juin 2023 adressée au Secrétaire général par le Premier Ministre, le Conseil des ministres et le Haut Conseil de la transition en Haïti, renouvelant l’appel direct au déploiement d’une force internationale spécialisée et à une assistance technique pour lutter contre la violence des bandes, réaffirmé dans la lettre du Secrétaire général (S/2022/747), ainsi que dans le rapport du Secrétaire général (S/2023/274) daté du 14 avril 2023, dans lequel il a évoqué à nouveau la demande faite par le Gouvernement haïtien relative à une force internationale spécialisée pour aider la Police nationale d’Haïti à combattre l’extrême violence des bandes et à rétablir la sécurité,

      Notant avec une vive préoccupation l’effet de la dégradation de l’état de la sécurité sur l’environnement opérationnel, qui a sévèrement entravé la mobilité du personnel civil et de police du BINUH à l’intérieur et à l’extérieur de Port-au-Prince, constatant le rôle fondamental du Bureau pour ce qui est de continuer d’épauler le Gouvernement haïtien et d’apporter un appui stratégique et consultatif à la Police nationale d’Haïti, et réaffirmant qu’il incombe au premier chef aux autorités haïtiennes de protéger les civils sur l’ensemble du territoire,

      Se félicitant de la décision du Secrétaire général d’effectuer une visite de solidarité en Haïti le 1er juillet 2023,

      1.    Décide de proroger jusqu’au 15 juillet 2024 le mandat du BINUH défini dans sa résolution 2476 (2019), sachant que le Bureau sera dirigé par un Représentant spécial du Secrétaire général, et de reconduire les dispositions relatives à la présentation de rapports énoncées au paragraphe 1 de la résolution 2645 (2022);

      2.    Décide que le groupe du BINUH chargé des questions touchant à la police et aux services pénitentiaires intégrera jusqu’à 70 civils et agents en détachement, qui exerceront des fonctions de conseillers pour les questions de police et pour les affaires pénitentiaires sous la direction d’un chef de la police civile des Nations Unies, et qu’il intensifiera son appui stratégique et consultatif aux moyens de formation et d’enquête de la Police nationale d’Haïti et rappelle le paragraphe 2 de la résolution 2645 (2022), dans lequel il a décidé que le groupe des droits humains du BINUH disposerait d’une capacité particulière de lutte contre la violence sexuelle et fondée sur le genre, notamment des moyens de repérer les conseillers pour la protection des femmes, selon qu’il conviendra, et note que cette décision est conforme au Plan-cadre de coopération des Nations Unies pour le développement durable;

      3.    Demande au BINUH de tenir pleinement compte de la question transversale de la protection de l’enfance dans toutes les activités prévues par son mandat et d’aider les autorités à protéger les droits des enfants, notamment en accordant la priorité à un appui consultatif à la protection de l’enfance;

      4.    Réaffirme la nécessité pour toutes les parties prenantes haïtiennes, notamment avec l’appui du BINUH, de continuer de faciliter un processus politique dirigé et contrôlé par les Haïtiens qui permette l’organisation d’élections présidentielle et législatives libres, régulières et crédibles, avec la participation pleine, égale et réelle, en toute sécurité, des femmes, et la participation des jeunes, de la société civile et des autres parties prenantes concernées, au moyen d’un dialogue national associant toutes les parties haïtiennes, et prie instamment toutes les parties prenantes haïtiennes de convenir de toute urgence d’une feuille de route pour les élections qui soit pérenne, assortie de délais et communément acceptée;

      5.    Encourage le BINUH, en étroite coopération avec les organismes compétents des Nations Unies, les organisations régionales et infrarégionales et les institutions financières internationales à envisager des moyens de renforcer le secteur de la justice pénale en Haïti pour lutter contre l’impunité;

      6.    Engage vivement les États Membres à interdire sans retard la fourniture, la vente ou le transfert d’armes légères et de petit calibre et de munitions à des acteurs non étatiques qui participent à la violence en bande organisée, à des activités criminelles ou à des atteintes aux droits humains en Haïti ou appuient de tels actes, ainsi qu’à prendre toutes les mesures voulues pour en empêcher le commerce et le détournement illicites, et déclare son intention d’envisager de nouvelles mesures appropriées à cet égard dans le cadre de la reconduction des dispositions de la résolution 2653 (2022);

      7.    Engage les États Membres à coopérer entre eux pour empêcher le commerce et le détournement illicites d’armes, notamment au moyen de l’inspection des cargaisons à destination d’Haïti, sur leur territoire, le cas échéant et conformément à la législation interne et au droit international, et de la fourniture et de l’échange rapides d’informations actualisées afin de répertorier et de combattre les sources et les chaînes d’approvisionnement du commerce illicite;

      8.    Prie le BINUH de coopérer avec le Comité des sanctions créé en application de la résolution 2653 (2022) et son groupe d’experts afin d’en faciliter les travaux;

      9.    Prie le BINUH de collaborer avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et d’autres organismes compétents des Nations Unies afin d’aider les autorités haïtiennes à combattre le commerce et le détournement illicites d’armes et de matériel connexe et de flux financiers illicites et à renforcer la gestion et le contrôle des frontières et des ports et d’intégrer les progrès accomplis à cet égard dans les rapports que lui fait périodiquement le Secrétaire général et prie également l’ONUDC de lui présenter un rapport tous les trois mois, parallèlement aux rapports périodiques du BINUH, par l’entremise du Secrétaire général, qui comprendront des mises à jour sur les sources et les itinéraires du trafic d’armes et des flux financiers illicites, les activités pertinentes des Nations Unies et des recommandations;

      10.   Prie instamment le BINUH de fournir les informations dont il dispose sur les cas de violence en bande organisée, d’activités criminelles et d’atteintes aux droits humains en Haïti [sur leur territoire], recueillies par le Bureau dans le cadre de l’exécution de son mandat, en annexe aux rapports que lui présentera Secrétaire général;

      11.   Encourage la poursuite d’une collaboration étroite et d’une coordination renforcée entre le Bureau, l’équipe de pays des Nations Unies en Haïti, les organisations régionales et infrarégionales et les institutions financières internationales, en vue d’aider le Gouvernement haïtien à assumer la responsabilité de garantir la stabilité, le développement durable, la sécurité alimentaire et l’autosuffisance économique du pays à long terme, et encourage également le renforcement de la communication stratégique publique concernant le mandat et le rôle particulier du BINUH;

      12.   Engage les États Membres, les institutions financières internationales et d’autres entités à contribuer au Panier de fonds des Nations Unies pour l’assistance à la sécurité en Haïti, en vue d’accompagner une assistance internationale coordonnée, et encourage les États Membres ainsi que les organisations internationales compétentes qui sont en mesure de le faire à poursuivre le renforcement des capacités, l’appui technique et la formation des agents des services nationaux des douanes et de contrôle aux frontières et d’autres autorités compétentes;

      13.   Réaffirme l’importance de la mobilisation de l’ONUDC et des autres organismes compétents des Nations Unies à l’appui de la lutte contre les bandes armées, afin d’accroître la sécurité des ports, d’améliorer la collecte des recettes douanières et d’enrayer les flux financiers, et souligne l’importance d’obtenir des financements volontaires à l’appui de ces efforts;

      14.   Demande au BINUH d’intensifier les moyens sur le plan de l’appui et de la sécurité pour permettre à son personnel civil et de police de se déplacer en toute sécurité et de s’acquitter effectivement de son mandat;

      15.   Souligne qu’il importe de permettre et de faciliter le libre passage, en toute sécurité et sans entrave de l’aide humanitaire à toutes les personnes qui sont dans le besoin, et d’assurer la pleine protection, la sûreté et la sécurité des membres du personnel médical et humanitaire et de leurs biens;

      16.   Exhorte tous les acteurs pertinents, notamment ceux qui ont la capacité d’influencer les groupes armés, à agir pour cesser de bloquer les routes nécessaires au ravitaillement et l’accès aux marchés locaux et de dégrader les sources d’alimentation, notamment les cultures et le bétail, ainsi que les fournitures médicales et humanitaires;

      17.   Engage les États Membres, notamment les pays de la région, à apporter un appui sur le plan de la sécurité à la Police nationale d’Haïti en réponse à l’appel lancé par le Premier Ministre d’Haïti et le Secrétaire général, notamment par la mise en place d’une force spécialisée, en consultation avec les parties prenantes haïtiennes;

      18.   Prie le Secrétaire général de lui soumettre un rapport écrit, en consultation avec Haïti, dans les 30 jours, décrivant toute la gamme des possibilités d’appui que pourrait fournir l’Organisation pour améliorer l’état de la sécurité, notamment mais non exclusivement l’appui à la lutte contre le commerce et le détournement illicites d’armes et de matériel connexe, la formation supplémentaire de la Police nationale d’Haïti, l’appui à une force multinationale non onusienne, ou la possibilité d’une opération de maintien de la paix, dans le cadre d’un règlement politique en Haïti;

      19.   Décide de rester activement saisi de la question.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

ECOSOC: « deux monologues ne font pas un dialogue », avertit la société civile qui entend collaborer effectivement et pleinement à la réalisation des ODD

Session de 2023, Forum politique de haut niveau  
9e séance – matin
ECOSOC/7138

ECOSOC: « deux monologues ne font pas un dialogue », avertit la société civile qui entend collaborer effectivement et pleinement à la réalisation des ODD

Les États Membres ont entendu, ce matin, des appels pressants à ouvrir de réels espaces de dialogue à tous les « grands groupes et autres parties prenantes » participant à la recherche de solutions et aux actions permettant de faire avancer le développement durable.  Les représentants de ces groupes étaient en effet venus nombreux présenter leur position sans ambages au forum politique de haut niveau pour le développement durable: il faut intégrer de manière plus concrète leurs avis et leurs engagements.  La session matinale leur était d’ailleurs entièrement consacrée pour qu’ils fassent entendre leurs doléances et suggestions en vue de réaliser les 17 objectifs de développement durable (ODD), pour « une transformation inclusive ». 

Les grands groupes et autres parties prenantes, au nombre de 13, ont fait partie intégrante de l’élaboration et de l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Ils travaillent activement à sa mise en œuvre, par le biais de projets, d’initiatives, de plaidoyer, de partage des connaissances et de suivi, en partenariat notamment avec les gouvernements.  Mais le risque d’avoir deux discours en parallèle, les gouvernements d’un côté et les autres parties prenantes de l’autre, a été illustré par M. BRUNO IBARRA, le délégué des grands groupes et parties prenantes d’Amérique latine et des Caraïbes: « Deux monologues ne font pas un dialogue », a-t-il averti. Alors qu’il a relevé que les gouvernements sont très souvent absents dans la salle lorsque la société civile prend la parole dans les rencontres internationales, son appel à une collaboration sincère a été largement relayé par les autres participants.

L’Amérique latine et les Caraïbes représentent la région au monde dans laquelle l’espace civique se réduit de plus en plus, a prévenu d’emblée M. Ibarra en observant que c’est la région la plus dangereuse au monde pour les militants écologistes.  Pourtant, il a dit garder espoir qu’en 2030, on pourra affirmer que personne n’a été laissé de côté.  La main sur le cœur, la Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC) a affirmé qu’elle s’était assurée que les membres de la société civile prennent part à toutes les sessions de cette édition 2023 du forum politique.  Et la cerise sur le gâteau, a relevé Mme LACHEZARA STOEVA, est ce segment qui leur était dédié pour faire entendre leurs doléances et suggestions en vue de réaliser les ODD. 

Renforcer l’espace civil pour les ONG, les LGBTQI+, les réfugiés

C’est parce que la société civile dans son ensemble fait face à diverses formes de discriminations que la modératrice de la session, Mme RASHIMA KWATRA, coprésidente du mécanisme de coordination des grands groupes et autres parties prenantes, a appelé à ne pas politiser la violence à l’égard des LGBTQI+, avant d’appeler à des solutions systémiques pour que le monde s’engage sur une voie plus durable.  En attendant, il faut veiller au rétablissement de l’espace civil pour les ONG avant le Sommet sur les ODD de septembre prochain, a demandé Mme MARIANNE HASLEGRAVE, Directrice du « Commonwealth Medical Trust », qui s’est exprimée en tant que représentante des grands groupes et autres parties prenantes d’Europe.  Elle a souligné que la région européenne compte une société civile dynamique, mais que le combat n’est pas gagné d’avance dans un contexte régional marqué par le conflit en Ukraine et la montée de gouvernements populistes.

N’oublions pas les réfugiés qui doivent également avoir voix au chapitre, a plaidé la Sud-Soudanaise Mme MARY MAKER, Ambassadrice de bonne volonté du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR)Selon celle qui fut elle-même réfugiée, la vie de cette couche sociale est une lutte pour la rédemption.  Les réfugiés ont aussi droit au développement, a-t-elle déclaré. Ce droit, dont tout le monde devrait jouir, a d’ailleurs été défendu par M. SURYA DEVA, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit au développement.  Constatant que seulement 15% des cibles des ODD sont en voie de mise en œuvre, il a demandé de s’attaquer aux causes profondes qui nuisent à leur réalisation.  Il a donc appelé à un nouveau modèle de développement pour la planète, un concept qu’il va présenter au Sommet sur les ODD de septembre, avec comme objectif de « ne laisser personne de côté ». 

Institutionaliser la participation des jeunes, inclure les personnes âgées

C’est une société civile dynamique qui va pousser les gouvernements à plus d’ambitions, a lancé un jeune norvégien issu de la société civile. Il a appelé à protéger les défenseurs des droits humains et, de manière générale, tous les membres de la société civile.  La représentation des jeunes dans les parlements a également attiré l’attention: moins de 3% des parlementaires au monde ont moins de 30 ans, alors que cette portion de la population mondiale est la plus importante, a dénoncé à son tour une jeune suédoise.  « Il est temps d’institutionnaliser la participation des jeunes. »  Une jeune irlandaise a salué à ce propos le fait qu’un chapitre entier de l’examen national volontaire de son pays ait été écrit par les jeunes.  « Cette implication leur permet effectivement d’avoir leur mot à dire et de ne pas seulement prendre des photos pour démontrer qu’ils ont participé. »  Suivant l’exemple, l’Autriche a promis que son examen national volontaire, prévu l’an prochain, sera préparé en collaboration avec la société civile.  Il faut donner une vraie place aux jeunes, a tranché l’Italie

Beaucoup de jeunes bénéficieront des ODD si le futur Pacte numérique mondial (à convenir lors du Sommet de l’avenir en septembre 2024) est inclusif, a lancé le représentant du grand groupe des enfants et des jeunes qui a insisté sur le respect de la vie privée des enfants et des jeunes en ligne.  Le délégué de Sri Lanka a salué l’engouement des jeunes, tout en souhaitant qu’ils gardent la même verve quand ils seront aux affaires.  S’exprimant au nom des LGBTIQ+, un militant non binaire d’Afrique du Sud a dénoncé des lois discriminatoires contre les LGBTIQ sous le prétexte de la protection de la famille.  De son avis, ces lois sapent la réalisation des ODD en prônant des discriminations contre les groupes marginalisés.  Le représentant du grand groupe des personnes âgées a aussi plaidé pour le respect de leurs droits: « Sinon, pas de réalisation d’ODD. »  Le grand groupe de l’éducation et des universitaires a relevé que des millions d’enfants restent non scolarisés, alors que l’éducation est cruciale non seulement pendant l’enfance mais aussi tout au long de la vie. 

Impliquer le secteur privé pour l’emploi décent et l’égalité femmes-hommes

Le grand groupe des entreprises et de l’industrie a appelé à impliquer davantage le secteur privé et à promouvoir les partenariats public-privé.  Le représentant des populations discriminées sur le lieu du travail a déploré que ces personnes, comme les migrants et les Roms, soient laissées en marge de la mise en œuvre des ODD.  Pour lui, ces groupes vulnérables doivent également accéder à des emplois décents. Or, selon Mme PAOLA SIMONETTI, de la Confédération syndicale internationale, le concept de travail décent est aujourd’hui devenu un vœu pieux.  Une grande portion des travailleurs dans le monde n’a pas accès à la protection sociale, a-t-elle constaté, avant de plaider pour la protection sociale des quelques 2 milliards de personnes piégées dans le secteur informel. Déplorant en outre les écarts de salaires entre femmes et hommes, elle a appelé à une transformation du monde du travail en établissant une sorte de « contrat social ». 

Pour sa part, Mme JOAN CARLING, Directrice exécutive de « the Indigenous Peoples Rights International », a relevé que les disparités économiques se sont accentuées dans plusieurs pays et qu’il faut donc agir de manière déterminée pour résorber ce fossé.  Il faut également transformer le système économique actuel afin de placer l’intérêt des populations en son cœur, a-t-elle plaidé.  Militant pour la protection des droits des personnes autochtones, elle a notamment insisté sur leur droit à la terre.  Elle a également appelé les pays développés à respecter leur engagement en matière d’aide publique au développement (APD).  Selon elle, la hausse de l’autoritarisme et la corruption sapent les possibilités de participation de la société civile et leur accès à la justice.  On ne peut réaliser les ODD sans une véritable participation de la société civile, a-t-elle tranché.

Éliminer les obstacles à la participation de la société civile

Il faut effectivement assurer la participation de la société civile à tous les processus, a plaidé M. ALI JILLANI.  Le Vice-Président de « the Karachi Research », qui représentait les grands groupes et parties prenantes d’Asie et du Pacifique, a rappelé que la région est malheureusement la plus vulnérable face aux changements climatiques.  Son collègue représentant les grands groupes et parties prenantes d’Afrique a, quant à lui, mis l’accent sur les obstacles à la participation de la société civile du continent.  M. KOFI KANKAM, qui est également Président de « Elizka Relief Foundation », a ainsi évoqué des cas de blocages de gouvernements, ces derniers s’arrogeant parfois le droit de choisir qui parlera au nom de la société civile.  Il a averti que les progrès faits en Afrique seront la boussole de notre promesse de réaliser les ODD.  Le Brésil a confirmé que sa société civile est impliquée dans la préparation du forum politique et du Sommet sur les ODD.  La Malaisie a dit avoir créé une structure de gouvernance pour coordonner la mise en œuvre des ODD, avec la participation du milieu universitaire et de la société civile.

À la suite de cette séance, le forum politique de haut niveau a commencé les examens nationaux volontaires: la Bosnie-Herzégovine, les Comores, le Liechtenstein et la Zambie, le matin; puis la Barbade, le Rwanda, le Viet Nam, le Burkina Faso et le Cambodge, l’après-midi.

Le forum politique de haut niveau pour le développement durable organisé sous les auspices du Conseil économique et social (ECOSOC) tiendra sa réunion ministérielle de trois jours dès lundi 17 juillet, jusqu’au 19 juillet, conjointement avec le débat de haut niveau de la session de 2023 de l’ECOSOC qui, lui, se finira le 20 juillet.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’avenir des villes et les défis des pays à revenu intermédiaire au menu du forum politique de haut niveau pour le développement durable

Session de 2023, Forum politique de haut niveau       
7e et 8e séances – matin & après-midi
ECOSOC/7137

L’avenir des villes et les défis des pays à revenu intermédiaire au menu du forum politique de haut niveau pour le développement durable

Pour sa quatrième journée de session, le forum politique de haut niveau s’est penché sur les défis spécifiques rencontrés par les pays les moins avancés et à revenu intermédiaire dans la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, ainsi que sur les moyens de bâtir des villes et des communautés durables.  Il a aussi fait le point sur les avancées et les défis en matière de développement pour les pays africains, les pays les moins avancés et les pays en développement sans littoral.

Le forum a d’abord entendu la représentante du Costa Rica auprès du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), Mme Giovanna Valverde, présenter le rapport sur le Cadre décennal de programmation concernant les modes de consommation et de production durables.  Ces modes permettent de remédier aux multiples crises que connaît la planète, a-t-elle dit, en dénonçant le mode de consommation « consommer puis jeter ». 

Le forum s’est ensuite penché, lors de la première réunion de la journée, sur la réalisation de l’ODD 11 (objectif de développement durable qui vise des villes et des communautés durables).  En 2022, 55% de la population mondiale vivait dans des villes, une proportion qui devrait grimper à 65% en 2050.  Le temps fort de cette discussion a été la présentation par M. Sokunpanha You, de la Division statistique du Département des affaires économiques et sociales (DESA), des éléments du rapport du Secrétaire général (édition spéciale) relatif audit ODD. 

En 2020, selon ce rapport, près de 1,1 milliard de personnes vivaient dans des bidonvilles ou dans des conditions équivalentes dans les zones urbaines.  En ce qui concerne les transports, 51,6% de la population urbaine mondiale bénéficiait cette année-là d’un accès pratique aux transports publics.  Fin 2022, 102 pays avaient indiqué que leurs autorités locales étaient dotées d’une stratégie de réduction des risques de catastrophe, une amélioration par rapport à 2015 qui n’en comptait que 51.

« Il est temps d’agir et de donner le pouvoir aux collectivités locales pour la mise en œuvre des ODD », a déclaré la Directrice exécutive d’ONU-Habitat, Mme Maimunah Mohd Sharif.  Dans ce droit fil, Mme Ana Ciuti, Cheffe des affaires internationales et du partenariat stratégique de la ville de Buenos Aires, a appelé à des facilités de financement pour les villes, afin de leur permettre d’investir durablement sur des réponses à des défis majeurs comme celui du climat.

Les pays à revenu intermédiaire représentent 75% de la population mondiale et un tiers du PIB mondial, comme l’ont rappelé les orateurs du deuxième débat de la journée.  S’ils sont des moteurs de la croissance mondiale, ils abritent également 62% des pauvres dans le monde.  En raison des critères actuels, ces pays se voient privés d’accès aux financements concessionnels, a déploré El Salvador qui a parlé d’un véritable « piège ».

Une expression également utilisée par Mme Fiona Tregenna, de la South African Research Chair in Industrial Development, qui a estimé que ces pays ne jouissent pas de l’attention politique nécessaire ainsi que d’un accès satisfaisant aux financements.  Le délégué des Philippines a, lui, rappelé que ces pays doivent souvent arbitrer entre stabilité budgétaire et financement de leurs priorités de développement.

Les intervenants ont appelé de leurs vœux une redéfinition des critères d’éligibilité aux financements internationaux, afin d’aller « au-delà du PIB », selon l’expression de la Colombie.  L’Espagne a souligné la pertinence d’un indice de vulnérabilité multidimensionnelle qui est en cours d’élaboration.  L’allègement du fardeau de la dette a été largement demandé, notamment par le Honduras.

De son côté, la Secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO), Mme Rola Dashti, a demandé une révision de l’architecture de rééchelonnement des dettes souveraines afin de la rendre plus favorables aux débiteurs.  Elle a noté que nombre de pays, notamment dans la région arabe, se tournent vers des créanciers privés, accroissant le service de la dette.

« Le fardeau de la dette des pays à revenu intermédiaire est un défi qui nous concerne tous. »  Quatre pays ont dû renégocier des accords de rééchelonnement de la dette avec leurs créanciers après un défaut de paiement, a appuyé M. Homi Kharas, du Center for Sustainable Development Brookings, en soulignant la marge de manœuvre budgétaire restreinte de ces pays.  Les banques devront aussi apporter leur pierre à l’édifice pour une dette plus durable, a-t-il indiqué.

Lors de la dernière session de la journée, les participants au forum se sont tournés vers les pays africains, les pays les moins avancés et les pays en développement sans littoral.  « Inverser la tendance, regagner le terrain perdu et s’engager sur la voie des ODD » était le thème de la discussion qui a entendu notamment des appels à l’équité dans les relations commerciales.

Le forum tiendra sa cinquième journée de session demain, vendredi 14 juillet, dès 9 heures.

FORUM POLITIQUE DE HAUT NIVEAU POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ORGANISÉ SOUS LES AUSPICES DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

Liens entre l’objectif de développement durable 11 -Villes et communautés durables-et les autres ODD

Pour les parties prenantes à la session de ce matin, il est évident que la qualité de l’urbanisation détermine si nous allons atteindre les 17 objectifs de développement durable (ODD) ou pas.  Il est vrai qu’alors que la population mondiale a atteint la barre des 8 milliards en novembre 2022, 55% des humains vivent dans les villes.  La session a ainsi permis d’explorer des solutions qui pourraient accélérer les progrès vers l’ODD 11.

M. SOKUNPANHA YOU, de la Division statistique du Département des affaires économiques et sociales (DESA), a présenté les éléments du rapport du Secrétaire général (édition spéciale) portant sur les ODD, notamment ceux en rapport avec le onzième.  Le rapport souligne qu’en 2020, près de 1,1 milliard de personnes vivaient dans des bidonvilles ou dans des conditions équivalentes dans les zones urbaines, sachant que 2 milliards d’autres personnes risquent de vivre dans ces quartiers au cours des trente prochaines années. En ce qui concerne les transports, 51,6% de la population urbaine mondiale bénéficiait en 2020 d’un accès pratique aux transports publics.  En outre, à la fin de 2022, 102 pays avaient indiqué que leurs autorités locales étaient dotées d’une stratégie de réduction des risques de catastrophe, ce qui montre une amélioration par rapport à 2015 qui n’en comptait que 51.

Ces constats ont fait réagir le modérateur de la session, M. STEFANO MARTA, qui a relevé, en citant un sondage, qu’avant la COVID-19, 40% des villes du monde avaient pris en compte les ODD. Celui qui est Coordonnateur de l’approche territoriale des ODD au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a précisé que pour les sondés, le leadership politique est crucial pour intégrer les ODD dans la gestion des villes. 

La question du logement est à la base des questions de pauvreté, a noté la Directrice exécutive d’ONU-Habitat. Mme MAIMUNAH MOHD SHARIF a rappelé que les engagements existent déjà en rapport avec les cibles de l’ODD 11.  Il est donc temps d’agir et de mettre en pratique les décisions prises, par exemple en donnant tout simplement le pouvoir aux collectivités locales pour la mise en œuvre des ODD.  Dans la même veine, Mme ANA CIUTI, Cheffe des affaires internationales et du partenariat stratégique de la ville de Buenos Aires, a appelé à des facilités de financement pour les villes à travers des partenariats internationaux, ce qui leur permettrait d’investir durablement sur des défis majeurs comme celui du climat.  Une idée approuvée par la France qui a souhaité que les collectivités locales, y compris celles du Sud, puissent bénéficier de financements internationaux, comme cela a été évoqué au cours du Sommet de Paris sur le pacte financier mondial.

À l’autre bout de la chaîne de financement se trouvent les envois de fonds des migrants à leurs familles, une question mise en avant par M. ANTÓRINO VITORINO, Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et Coordonnateur du Réseau des Nations Unies sur les migrations.  Il a expliqué que les migrants ont payé le prix cher au moment de la pandémie.  Et ce sont eux qui sont encore à l’avant-garde de la reprise par les envois de fonds à leur famille.  Il a affirmé que la migration est un accélérateur de la croissance, à condition de mettre en place les bonnes politiques prévues par le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. 

Le fait de marcher et d’enfourcher son vélo en ville est crucial pour lutter contre la pollution, a enchaîné Mme MARUXA CARDAMA, Secrétaire générale du Partenariat pour des transports écologiques, à faible émission de carbone.  Alors que les piétons représentent près de 70% de utilisateurs des routes dans certaines villes africaines, elle a regretté que celles-ci n’investissent pas pour améliorer les espaces qui leur sont dédiés afin de les rendre plus sûrs. Il est vraiment plus écologique de marcher ou de prendre son vélo, a insisté M. PAUL STOUT, créateur de contenus sur la plateforme TikTok par son compte « TalkingCities », qui parlait aussi au nom des jeunes.  Il a regretté que le mode de transport le plus polluant, la voiture, soit paradoxalement le plus utilisé en ville.  En tout cas, les jeunes préfèrent marcher, a-t-il assuré.

Évoquant également la question de la mobilité urbaine, M. MARC WORKMAN, Président du Conseil d’administration de l’Union mondiale des aveugles, a parlé de l’accessibilité comme droit humain fondamental. Il a appelé à harmoniser les politiques, et surtout, à collecter les données locales ventilées, afin de savoir comment améliorer la mobilité des personnes handicapées.  Parlant au nom d’un autre groupe vulnérable, la représentante du grand groupe LGBTIQ a déploré la discrimination dont ses membres font l’objet dans la mise en œuvre des ODD.  Ils sont d’ailleurs exclus des initiatives urbaines et les plus affectés par le sans-abrisme, a-t-elle relevé.  À ce sujet, la maire adjointe d’Helsinki a loué les initiatives des collectivités locales finlandaises pour lutter contre le sans-abrisme.  La Ministre du tourisme et des sports de la Croatie, Mme NIKOLINA BRNJAC, a évoqué pour sa part la construction de logements subventionnés aux jeunes familles dans son pays.  Un programme similaire est à pied d’œuvre à Madagascar en faveur d’habitants qui ont perdu leur logis à la suite des catastrophes naturelles, a fait valoir la délégation. 

La Türkiye a fait part de ce qui est prévu dans le pays pour reconstruire les centres urbains ayant été démolis par les récents séismes.  Pour ce genre d’entreprises, le groupe des parties prenantes volontaires est une ressource de choix, s’est félicitée sa représentante qui a rappelé la contribution des volontaires pour l’essor des collectivités décentralisées et, partant, pour la mise en œuvre des ODD.  Le grand groupe des jeunes et des enfants a appelé à leur implication aux initiatives de mise en place de l’ODD 11.  Cela fait vingt ans que nous aurions dû agir, a déclaré le délégué, avant de se féliciter d’avoir maintenant une seconde chance de le faire.  Une jeune représentante de l’Allemagne a appuyé cette assertion en appelant à inclure les conseils de jeunes et d’enfants dans les villes.

Après l’inclusion des jeunes et des bénévoles, c’est celle des déplacés qui a attiré l’attention.  Sur les 110 millions de déplacés à travers le monde, 60 millions vivent en milieu urbain, a rappelé le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) qui a appelé à une urbanisation plus inclusive. L’Organisation météorologique mondiale (OMM) a évoqué son rôle de prévention des catastrophes par la fourniture de données probantes aux autorités urbaines, tandis que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a expliqué que les petits réacteurs modulaires peuvent aider à réduire les émissions de gaz à effet de serre en ville, contribuant de ce fait à la lutte contre le réchauffement climatique. 

La Malaisie a dit miser sur les centres urbains pour son développement durable.  Pour cela, il faut établir un modèle de développement qui donne le pouvoir aux autorités locales, a plaidé la délégation.  Même son de cloche pour l’Union européenne qui a même appelé à examiner des examens volontaires « locaux » à l’image de ce qui se fait au niveau national au cours du forum politique.  Justement, la ville de Médine s’est soumise à cet examen volontaire, a souligné le représentant de l’Arabie saoudite

L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a demandé que les initiatives de reconstruction des villes tiennent compte de la culture.  C’est d’ailleurs ce que l’Organisation a fait en Iraq en reconstruisant à Mossoul des dizaines de bâtiments historiques détruits.  L’UNESCO a mis en place l’initiative « Réponse des villes créatives » afin de mettre l’accent sur la culture dans la reconstruction postCOVID-19.  Le Mexique, qui préside l’Assemblée générale d’ONU-Habitat, a appelé à appuyer les autorités locales dans la mise en place de divers instruments de gestion des terroirs.  S’exprimant à son tour au nom des amis d’ONU-Habitat, la Pologne a souligné que l’avenir de l’humanité sera urbain.  De ce fait, si nous gérons mieux les villes, alors nous parviendrons à réaliser les ODD, a-t-elle conclu. 

Surmonter les défis des pays à revenu intermédiaire dans la réalisation du Programme 2030

C’est la première fois que le forum se penche sur les défis de ces pays, comme l’a indiqué le modérateur de cette table ronde, le Représentant permanent du Maroc auprès des Nations Unies. L’allègement du fardeau de la dette de ces pays et la redéfinition des critères d’accès aux financements internationaux ont été quelques-unes des pistes explorées.

M. HOMI KHARAS, de Center for Sustainable Development Brookings, a rappelé à quel point ces pays ont été secoués par la pandémie.  Le choc a été plus durable que pour les pays développés qui se sont relevés plus aisément. Il a souligné la marge de manœuvre budgétaire restreinte des pays à revenu intermédiaire, ainsi que leur accès difficile aux capitaux.  Il faudra un soutien international robuste afin d’aider ces pays à réaliser les ODD, a-t-il dit.  Il a remarqué que quatre pays ont dû renégocier des accords de rééchelonnement de la dette avec leurs créanciers après un défaut de paiement.  Les banques devront aussi apporter leur pierre à l’édifice pour une dette plus durable, a-t-il conclu.

Mme ROLA DASHTI, Secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO), a souligné l’acuité de la crise de la dette qui touche ces pays, notamment dans la région arabe.  Cette crise a des coûts humains, au-delà des chiffres, a-t-elle noté.  Elle a précisé que nombre de pays arabes se tournent vers des créanciers privés, à l’instar de l’Égypte, parce qu’ils voient le service de la dette s’alourdir.  Elle a demandé une révision de l’architecture de rééchelonnement des dettes souveraines afin de la rendre plus favorable aux débiteurs.  Ces pays doivent bénéficier d’une marge budgétaire plus importante, a-t-elle résumé, en soulignant l’importance de la lutte contre la corruption. « Le fardeau de la dette des pays à revenu intermédiaire est un défi qui nous concerne tous. »

Les pays à revenu intermédiaire représentent 75% de la population mondiale, a rappelé Mme FIONA TREGENNA, de South African Research Chair in Industrial Development.  Elle a estimé que ces pays ne jouissent pas de l’attention politique nécessaire ainsi que d’un bon accès aux financements.  « Ces pays se trouvent dans un piège. »  Elle a avancé le concept d’industrialisation inclusive et durable, afin que ces pays puissent combler les retards dans ce domaine.  Il est crucial que les pays concernés renforcent leurs capacités, accèdent aux marchés des pays développés et accélèrent leur transition verte, a-t-elle prôné.

M. ADRIAN LASIMBANG, de Right Energy Partnership with Indigenous Peoples, Malaisie, a demandé une plus grande sensibilisation aux défis et besoins des peoples autochtones.  Leur voix doit être entendue lorsque sont prises les décisions qui les concernent, a-t-il exigé, en demandant l’apport des financements nécessaires aux organisations soutenant ces peuples.

Une juriste, Mme MISHELL NAOMI CABEZAS VILELA, représentante des jeunes de l’Équateur, a, elle aussi, insisté sur la nécessité que ces pays accèdent aux sources de financement nécessaires pour progresser dans la réalisation des ODD.  Les jeunes doivent aussi être dotés des formations nécessaires, a-t-elle réclamé, arguant que « les jeunes ont la volonté et le pouvoir de changer les choses ».

Au cours du débat interactif qui a suivi, l’Espagne a appelé à la promotion de toutes les initiatives bénéficiant aux pays à revenu intermédiaire et souhaité une redéfinition des critères d’accès à l’aide publique au développement (APD).  Elle a souligné, à cet égard, la pertinence d’un indice de vulnérabilité multidimensionnelle.  La Colombie n’a pas dit autre chose en demandant une révision des critères de mesure du développement, exhortant à aller au-delà du PIB.  « Il faut répondre aux handicaps structurels de ces pays, dont un niveau élevé de pauvreté. »  Le Guatemala a souligné de plus la grande hétérogénéité de ces pays.  Il a lui aussi demandé, à l’instar de l’Algérie ou encore de l’Uruguay, une redéfinition des critères d’accès aux financements.  Le délégué algérien a évoqué le projet de fibre optique passant par six pays africains qui doit contribuer à faire avancer le développement. El Salvador a, lui aussi, parlé du « piège » dans lequel se trouve ces pays s’agissant de l’accès aux financements concessionnels.

Il faut remédier au fardeau de la dette, a appuyé le délégué des Philippines, qui a rappelé que les pays concernés doivent souvent choisir entre stabilité budgétaire et besoins en développement. Le Honduras a tout simplement demandé un allègement du fardeau de la dette.  Les États-Unis se sont dit déterminés à appuyer les pays à revenu intermédiaire en mentionnant leur investissement de 500 millions de dollars pour le développement de l’industrie photovoltaïque en Inde.

Pays africains, pays les moins avancés et pays en développement sans littoral: regagner le terrain perdu et s’engager sur la voie des ODD

Orchestrée par la Présidente de l’ECOSOC, la troisième et dernière table ronde de ce jeudi s’est penchée sur les recettes à utiliser par les pays en situation particulière pour tirer leur épingle du jeu dans leur course contre le temps pour réaliser les ODD, malgré leurs handicaps spécifiques.  Il s’est notamment agi, comme l’a précisé Mme LACHEZARA STOEVA en début de séance, de combler leurs lacunes en matière d’accès à l’énergie, aux technologies numériques et en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. 

Dans une large mesure, ces lacunes se sont élargies ces dernières années, les pays africains, les pays les moins avancés (PMA) et les pays en développement sans littoral (PDSL) ayant été touchés de manière disproportionnée par une confluence de crises mondiales stoppant net leurs progrès.  Le groupe des 46 PMA, qui comprend 33 pays africains, demeure économiquement marginalisé: leur situation financière limite tant leur productivité que leurs capacités à investir dans la résilience climatique.  La pauvreté et l’insécurité alimentaire comptent parmi les phénomènes les plus inquiétants, a pointé Mme RABAB FATIMA, Haute-représentante pour les PMA, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement (PEID), et Secrétaire générale de la cinquième Conférence des Nations Unies sur les PMA (LDC5) dans sa déclaration liminaire.  En 2020, 32 millions d’habitants des PMA ont été plongés dans l’extrême pauvreté.  Les progrès sont aussi limités dans l’accès à électricité, l’eau et l’assainissement, sachant que 52% de la population des PMA est sans accès à une quelconque forme d’électricité.  Cela signifie, selon Mme Fatima, que « des milliards de dollars seront nécessaires pour s’extraire de cette situation ».  La dette n’est qu’une question urgente parmi d’autres puisque les grands investisseurs ont baissé les bras à cause des risques, de la trop petite taille des projets ou de la faiblesse des infrastructures, a-t-elle aussi noté. 

Mme Fatima a suggéré de mettre pleinement à profit le Programme d’action de Doha pour les PMA, l’Agenda 2063 de l’Union africaine et le Programme d’action de Vienne en faveur des pays en développement sans littoral pour la décennie 2014-2024.  Concernant le Programme d’action de Doha plus spécifiquement, elle a cité le projet de création d’une université en ligne, d’un centre de soutien aux investissements et d’un mécanisme de lutte contre les changements climatiques, entre autres. 

Au-delà de l’évaluation officielle de la mise en œuvre du Programme, la France a jugé important que certains points spécifiques fassent l’objet d’une analyse indépendante, sur le modèle de ce qui avait été mis en place en 2011 avec le Programme d’action d’Istanbul.  La France souhaite reproduire ce genre d’initiatives, « en réunissant à nouveau des groupes de réflexion, ainsi que des institutions de développement et des universitaires du Nord et du Sud, principalement localisées dans les PMA », dans un consortium appelé le « LDC V Monitor ».

L’Afrique du Sud a appelé à intervenir contre le fait que les PMA payent souvent davantage dans le remboursement de leur dette que dans le bien-être de leur population.  Dans son sillage, le Malawi a réclamé un accord pour restructurer la dette des PMA et des pays africains afin qu’ils demeurent sur les rails de la réalisation du Programme 2030.  La modératrice, Mme MAVIS OWUSU-GYAMFI, Vice-Présidente exécutive de l’African center for economic transformation, a rebondi, arguant que l’architecture financière internationale n’était plus adaptée aux besoins actuels et devait être refondée. Seuls sept pays africains ne sont pas en risque de surendettement, a-t-elle rappelé.  « La majorité des économies sont en croissance mais ne se sont pas transformées », ce qui les rend vulnérables aux chocs.  Elle a invité les panélistes à réfléchir sur la manière de transformer les économies à mesures qu’elles se développent et sur l’importance du secteur privé, qui doit se trouver au cœur des efforts puisqu’il dispose des technologies et des emplois. 

Durant le débat, plusieurs délégations ont rivalisé d’annonces en matière de contributions financières.  L’Union européenne (UE), un des plus grands fournisseurs d’APD avec 23 milliards de dollars débloqués au total pour l’Afrique en 2022, et le Royaume-Uni, se sont déclarés au côté des PMA et du Programme d’action de Doha, tout comme les États-Unis, qui eux ont mis en avant des solutions en matière d’énergie verte, des accords multilatéraux en faveur du développement durable, et des politiques améliorant la vie des citoyens de pays en situation particulière.  L’Espagne a dit avoir lancé des initiatives concrètes en matière d’endettement, notamment une contribution au Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté du Fonds monétaire international (FMI) à hauteur de 66 millions d’euros de droits de tirage spéciaux (DTS) pour 2023-2024.  Quant à l’aide de l’Arabie saoudite, celle-ci s’élève à « plus de 69 milliards de dollars ces dernières années, au profit de plus de 160 pays ». 

Parmi les obstacles les plus notables auxquels est confronté le groupe des 32 pays en développement sans littoral (PDSL), qui comprend 17 PMA, « citons des économies très dépendantes de quelques produits de base et de l’extraction de minéraux; le poids de l’économie informelle; des politiques sociales faibles; un taux de chômage élevé et une faible productivité », a exposé M. DULGUUN DAMDIN-OD, Directeur exécutif du groupe de travail international pour les pays en développement sans littoral. Isolés des marchés mondiaux, leurs coûts moyens d’importation et d’exportation par conteneurs maritimes sont plus de deux fois supérieurs à ceux des pays de transit.  Ces dernières années ont été très difficiles en raison de la COVID-19 et des tensions géopolitiques mondiales, a ajouté l’expert qui a donc logiquement réclamé la facilitation des échanges commerciaux, notamment l’harmonisation des réglementations, des procédures et des normes douanières, ainsi qu’un soutien pour les investissements dans les réseaux de transport.  Les crédits carbone sont également une nouvelle méthode de financement à exploiter pour alléger la pression sur leurs budgets, afin de compenser les coûts de la décarbonation.  L’expert a enfin encouragé les pays enclavés à intensifier leur coopération régionale et « les échanges d’électricité renouvelable entre pays voisins ». 

Soutenir la résilience et la durabilité par le biais de la coopération Sud-Sud et triangulaire est crucial pour inverser la vapeur, de l’avis de Mme DIMA AL-KHATIB, Directrice du Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud, qui a aussi appelé à renforcer l’accès à des financements innovants et surtout à promouvoir le commerce et l’intégration régionale, en soutenant la mise en œuvre de l’accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), pour stimuler la reprise économique, tirer profit des chaînes de valeur régionales, créer des emplois et promouvoir le développement durable.  Allant plus loin, Mme NAMIRA NEGM, Ambassadrice et Directrice de l’Observatoire des migrations de l’Union africaine, a appelé la communauté internationale à s’éloigner de l’exploitation abusive des ressources naturelles de l’Afrique, à diversifier les économies africaines, ainsi qu’à renforcer la coopération Sud-Sud dans la transition vers l’énergie et l’industrie vertes.

M. YACOUBA IBRAHIM OUMAROU, du groupe de parties prenantes des Communautés discriminées sur la base du travail et de l’ascendance (Niger), a levé le voile sur le sort des membres de communautés discriminées à travers toute l’Afrique de l’Ouest, telles que les Haratin en Mauritanie, les Limalmine ou les Jongo, nés dans une caste perçue comme la plus « basse » de la société, héritée par ascendance et caractérisée par des professions spécifiques.  « Nous sommes également appelés « anciens esclaves » par les groupes dominants. Lorsque nos groupes tentent de se libérer, ils sont violemment réprimés pour rétablir ce qui est considéré comme le bon ordre social », a développé M. Oumarou, comparant leur sort à celui des Dalits du sous-continent indien et des Roms d’Europe. Appelant à ouvrir les yeux sur « ces formes précoloniales d’esclavage qui continuent d’exister à ce jour », il a recommandé d’exploiter l’énergie de la musique et de l’art pour toucher certaines des communautés les plus marginalisées, ainsi que d’« établir des titres de propriété foncière clairs, pour tous, y compris et surtout pour protéger les plus marginalisés, notamment les communautés d’ascendance ». 

M. HUMPHREY MREMA, représentant de la jeunesse et Président de l’association des jeunes rescapés de Tanzanie, a appelé les décideurs à investir dans la jeunesse pour qu’ils aient voie au chapitre dans la formation de politiques inclusives.  « Cela ne sera pas possible sans structures institutionnalisées », a-t-il prévenu.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le Procureur de la CPI confirme l’ouverture d’enquêtes sur des crimes présumés commis dans le cadre du conflit en cours au Soudan

9375e séance, après-midi
CS/15354

Conseil de sécurité: le Procureur de la CPI confirme l’ouverture d’enquêtes sur des crimes présumés commis dans le cadre du conflit en cours au Soudan

Considérant que le Soudan se trouve « au milieu d’une catastrophe », le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a confirmé ce matin, devant le Conseil de sécurité, que des enquêtes ont été ouvertes sur les incidents survenus dans le cadre des hostilités en cours au Soudan, qui sont le résultat, selon lui, du manque de coopération des autorités soudanaises avec la Cour. 

Aujourd’hui même, le Bureau du Procureur de la CPI a ouvert une enquête sur des rapports émanant du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme faisant état d’une fosse commune contenant les restes de 87 personnes de l’ethnie massalit, qui auraient été tuées par les Forces d’appui rapide à Geneina, au Darfour occidental, a annoncé M. Karim Khan, en présentant son rapport semestriel sur les activités de la CPI relatives au Darfour.  Des rapports récents de la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS) citent également des cas d’exécutions extrajudiciaires, d’incendies et de pillages au Darfour occidental, ainsi que des meurtres et des déplacements de civils perpétrés au Darfour septentrional.  « Nous risquons maintenant de laisser l’histoire tragique du Soudan se répéter, une fois de plus, sous nos yeux », a-t-il alerté. 

Dans ce contexte, le Procureur a confirmé que des enquêtes ont été ouvertes sur les incidents survenus dans le cadre des hostilités en cours depuis le 15 avril dernier, non seulement au Darfour mais sur l’ensemble du territoire soudanais.  M. Khan compte s’attaquer en priorité aux allégations de crimes à caractère sexuel et sexiste.  Il a en outre annoncé le lancement d’une campagne publique visant à obtenir, via un nouveau portail sécurisé, des informations sur les crimes perpétrés au Darfour depuis 2002, y compris dans le cadre du présent conflit. 

En vertu de la résolution 1593 (2005) du Conseil de sécurité, le Bureau du Procureur dispose d’un mandat permanent concernant les violations présumées du droit international humanitaire commises au Soudan et relevant de la compétence de la Cour, a expliqué le Procureur.  Il a prévenu les commandants des forces armées présentes sur le terrain que les attaques visant des civils et des infrastructures civiles, ainsi que le viol de femmes et d’enfants, constituent des violations du Statut de Rome de la CPI. 

La décision du Procureur d’ouvrir des enquêtes sur les crimes commis dans le cadre du conflit en cours depuis avril a rencontré l’aval de nombreuses délégations, dont le Ghana, la France et le Royaume-Uni, qui a fait valoir que toutes les parties sont responsables des crimes qu’elles commettent. 

Or, la crise actuelle au Soudan était prévisible, a fait valoir le Procureur, et découle selon lui d’un échec fondamental à reconnaître que la justice et la lutte contre l’impunité constituent les fondements de la paix.  Le Gouvernement soudanais ayant, selon lui, échoué à traduire en actes ses promesses de coopération avec la Cour, « les conséquences sont maintenant devant nous », a-t-il ajouté.  M. Khan s’est dit prêt à engager un dialogue avec l’ensemble des acteurs concernés, à condition que les personnes impliquées dans le conflit respectent leurs obligations au titre du droit international humanitaire et qu’elles coopèrent véritablement avec son bureau. 

Des accusations rejetées par le Soudan qui a assuré avoir resserré sa coopération avec la CPI depuis les « révolutions » de 2018 et 2021.  En vertu du droit soudanais, la coopération avec la Cour requiert l’achèvement du processus de ratification du Statut de Rome, a expliqué son représentant.  Qui plus est, en vertu du paragraphe 4 de l’Article 93 du Statut de Rome, le Gouvernement peut rejeter toute demande de coopération, en tout ou en partie, dès lors qu’une telle demande porte sur des documents relatifs à la sécurité nationale. Dans l’intervalle, il a proposé de s’appuyer sur le principe de complémentarité des juridictions nationales. 

Dans cette optique, la Chine a souhaité, comme le Brésil et les Émirats arabes unis, que la CPI fonde son action sur le principe de complémentarité défini dans le Statut de Rome, lequel reconnaît la primauté des États en la matière. À cet égard, le Gabon a considéré que le retour à la paix est une condition indispensable afin que les autorités soudanaises puissent honorer les engagements définis dans le cadre du Mémorandum d’accord du 12 août 2021, qui établit les modalités de la coopération entre le Soudan et le Bureau du Procureur. 

Les autorités nationales ne peuvent invoquer des lacunes pour refuser d’appliquer le droit international, a répliqué M. Khan, en arguant qu’il n’existe pas d’autorité supérieure au Conseil de sécurité s’agissant du maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Or, le Conseil a ordonné au Gouvernement soudanais, dans sa résolution 1593 (2005), de coopérer pleinement avec la CPI, « une obligation qui a été plus souvent violée que respectée ».  Pour l’heure, cependant, il a considéré que le Soudan refuse de s’acquitter de ses obligations de coopération avec la Cour. 

Par ailleurs, le Procureur a indiqué que son équipe a clos son dossier après les témoignages de 81 témoins au procès d’Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman (« Ali Kushayb »), premier procès tenu à la CPI concernant la situation au Darfour.  Si ces progrès ont été salués par l’ensemble des membres du Conseil, la Fédération de Russie a considéré pour sa part que l’exposé du « soi-disant Procureur » de la CPI se contente de ressasser le passé et de jeter l’opprobre sur les autorités soudanaises pour justifier ses échecs. 

L’intensification du conflit au Soudan ne doit pas servir de prétexte à de nouveau retards « déraisonnables » aux procédures judiciaire en cours, a conclu M. Khan.

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD

Déclarations

M. KARIM KHAN, Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), a fait état d’une profonde crise au Soudan à la suite des combats qui ont éclaté le 15 avril dernier entre les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide, avant de se propager au Darfour. « Nous risquons maintenant de laisser l’histoire tragique se répéter, une fois de plus, sous nos yeux », a-t-il prévenu.  Aujourd’hui même, le Bureau du Procureur a ouvert une enquête sur des rapports émanant du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme faisant état d’un charnier contenant les restes de 87 personnes de l’ethnie massalit, qui auraient été tuées par les Forces d’appui rapide au Darfour occidental.  « N’en doutons pas: nous sommes au milieu d’une catastrophe », a alerté le Procureur avant d’appeler à agir, collectivement et de toute urgence, pour protéger les plus vulnérables. 

À cet égard, M. Khan a expliqué que le mandat de son bureau, au titre de la résolution 1593 (2005) du Conseil de sécurité, est permanent en ce qui concerne les violations présumées du droit international humanitaire relevant de la compétence de la Cour.  Dans ce contexte, il a confirmé que des enquêtes ont été engagées sur les incidents survenus dans le cadre des hostilités en cours au Soudan.  Le Procureur a prévenu les commandants des forces armées présentes sur le terrain que le ciblage intentionnel de civils et d’infrastructures civiles, ainsi que le viol de femmes et d’enfants constituent des violations du Statut de Rome. 

Les rapports récents de la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS) font également état d’exécutions extrajudiciaires, d’incendies et de pillages au Darfour occidental, ainsi que de meurtres et de déplacements de civils au Darfour septentrional, a ajouté le Procureur, en indiquant son intention de s’attaquer en priorité aux allégations de crimes sexuels et sexistes.  M. Khan a en outre annoncé le lancement d’une campagne publique visant à obtenir, via un nouveau portail sécurisé, des informations sur les crimes commis au Darfour depuis 2002, y compris ceux commis dans le cadre des présentes hostilités. 

La crise actuelle au Soudan était prévisible, a estimé le Procureur.  Elle découle selon lui de l’échec fondamental à reconnaître que la justice et la lutte contre l’impunité constituent les fondements de la paix.  Le Gouvernement soudanais ayant échoué à traduire en actes ses promesses de coopération avec la CPI, « les conséquences sont maintenant devant nous ».  M. Khan s’est dit ouvert à engager un dialogue avec l’ensemble des acteurs concernés pour faire cesser ce « retour en arrière », à deux conditions essentielles: que les personnes impliquées dans les hostilités respectent leurs obligations en vertu du droit international humanitaire, et qu’elles coopèrent véritablement avec son bureau. 

Malgré ce sombre tableau, le Procureur a indiqué que son équipe a clos son dossier après avoir présenté les témoignages de 81 témoins au procès d’Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman (« Ali Kushayb  »), premier procès tenu à la CPI concernant la situation au Darfour.  Toutefois, l’intensification des hostilités au Soudan ne doit pas être utilisée comme prétexte pour de nouveaux retards « déraisonnables » dans les procédures en cours.  « Je ne veux pas qu’une enquête de mon bureau soit une histoire sans fin », a conclu M. Khan.

Mme SHINO MITSUKO (Japon) a déclaré être gravement préoccupée par l’impact délétère des hostilités sur la capacité du Bureau du Procureur à mettre en œuvre son mandat au Soudan.  Elle s’est notamment inquiétée de la libération, lors de l’éclatement des combats, de trois fugitifs qui faisaient l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI et qui étaient emprisonnés à Khartoum.  Déplorant que les efforts pour établir une justice significative contre les crimes graves n’aient pas pris racine dans le pays, elle a exhorté toutes les parties au Soudan à cesser immédiatement les combats et à respecter le processus de justice et l’état de droit, « piliers fondamentaux de la construction d’une paix durable ».  La représentante a ensuite salué l’achèvement de la présentation des moyens à charge dans le cadre du procès de M. Abd-Al-Rahman (Ali Kushayb), le premier cas jamais renvoyé par le Conseil de sécurité. 

Mme RICCARDA CHRISTIANA CHANDA (Suisse) s’est dite préoccupée par rapport à l’escalade du conflit et l’aggravation de la situation humanitaire au Soudan, y compris au Darfour.  Condamnant les allégations de crimes sexuels et sexistes, elle a considéré que la décision du Procureur d’enquêter sur les incidents survenus dans le cadre des hostilités en cours contribue à la lutte contre l’impunité.  La Suisse, a assuré la représentante, suit attentivement les développements dans le procès de M. Ali Abd-Al-Rahman.  Les voix des victimes et des témoins doivent être entendues.  Elle a appelé les autorités soudanaises et l’ensemble des parties au conflit à s’acquitter de leur obligation de coopérer avec la CPI. « Alors que la situation se dégrade quotidiennement au Soudan, le besoin de justice est central et exige un engagement et une attention renouvelés de la part de tous, y compris ce Conseil. » 

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a jugé très inquiétante la situation au Darfour, où des cas de violence sexuelle et ethnique commis par les Forces d’appui rapide contre des civils ont été rapportés.  Il a condamné dans les termes les plus forts les violences perpétrées contre le peuple du Darfour, qui a déjà été victime de crimes de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, lesquels ont déclenché l’enquête de la CPI.  Selon le représentant, il n’existe aucune solution militaire acceptable à ce conflit, qui résulte de l’impunité.  Les autorités soudanaises ne respectent pas leurs obligations découlant de la résolution 1593 (2005) et du droit international, a-t-il déploré.  Dans ce contexte, il s’est félicité de la décision du Procureur d’ouvrir des enquêtes sur les crimes commis au Soudan depuis le début du conflit actuel.  Le représentant a néanmoins salué les progrès réalisés au cours des six derniers mois dans le procès d’Ali Kushayb, ainsi que les efforts visant à traduire en justice ceux qui font toujours l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI.

M. SOLOMON KORBIEH (Ghana) a soutenu la décision du Procureur de la CPI d’ouvrir des enquêtes sur des actes présumés constitutifs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité dans le contexte des hostilités actuelles au Soudan, notamment au Darfour.  Préoccupé par les pertes en vies humaines et les déplacements de milliers de personnes, le délégué a demandé aux parties au conflit de respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et des règles qui régissent les conflits.  Il a condamné « la dimension ethnique du conflit », un conflit qui prend délibérément pour cible des populations soudanaises noires.  Convaincu que ce conflit aura un impact sur la feuille de route du Bureau du Procureur et en particulier sur le dossier du Darfour, il a exhorté M. Khan à ne pas relâcher ses efforts et à rapprocher son travail des communautés affectées par des missions au Darfour et à renforcer la présence permanente du Bureau sur le terrain dès que la situation s’y prêtera à nouveau.  Le délégué a également appelé à la pleine coopération des autorités soudanaises compétentes, en particulier dans l’affaire Al Bashir pour laquelle des preuves documentées sont indispensables.  Rappelant que dans son trente-cinquième rapport, le Procureur avait détaillé certains domaines qui sont essentiels au travail de son bureau, le représentant a regretté qu’à ce jour ces engagements n’ont toujours pas été tenus, en particulier en ce qui concerne la localisation d’inculpés tels qu’Al Bashir, une personne dont on a perdu la trace avec ce conflit.  Une fois de plus, il a exhorté le Bureau à accroître la coopération et le dialogue avec les États africains et avec l’Union africaine.  Cette approche contribuerait selon lui non seulement à remédier au manque de coopération entre la Cour et les autorités soudanaises, mais aussi à obtenir le soutien le plus large possible pour traiter les questions de responsabilité dans d’autres affaires sur lesquelles la Cour enquête.

Mme MARIA ZABOLOTSKAYA (Fédération de Russie) a considéré que l’exposé du « soi-disant Procureur » de la CPI ressasse le passé pour justifier l’absence de résultats, avec notamment un seul accusé au Darfour.  « Ce rapport est une coquille vide. »  D’après la déléguée, la CPI n’est pas en mesure de s’acquitter du mandat défini par la résolution 1593 (2005).  La Cour, a-t-elle insisté, a choisi d’expliquer son inefficacité en jetant l’opprobre sur les autorités nationales, en dépit d’un budget de centaines de millions de dollars.  Deux fois par an, la CPI se plaint de son impuissance parce que le Soudan ne coopère pas avec elle or, comme en Libye, « la CPI a servi de cheval de Troie pour détruire l’État soudanais », un pays en développement.  La CPI est directement complice des crimes de l’Occident, a fustigé la représentante.  Il vaudrait mieux, selon elle, employer son budget pour renforcer les institutions de l’État soudanais, notamment son système judiciaire, qui ne devrait pas être entre les mains de forces étrangères.  Depuis sa création, la CPI a inculpé 52 personnes, dont 47 Africains, a également rappelé la représentante.

M. DAI BING (Chine) a souhaité que la CPI, dans l’exécution de ses fonctions, continue de respecter le principe de complémentarité défini dans le Statut de Rome, ainsi que la souveraineté des États.  S’agissant du conflit en cours au Soudan, il a espéré que les parties feront de la paix et du bien-être des populations civiles leur priorité et seront en mesure de régler leurs différends par la voie du dialogue et de la négociation.  À cet égard, le délégué s’est félicité des efforts déployés par les pays voisins et les organisations régionales, notamment l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et l’Union africaine, pour soutenir les pourparlers de paix.  La concurrence pour les ressources naturelles, les ingérences extérieures et les conflits régionaux sont autant de facteurs qui exacerbent le conflit de longue date au Darfour, a-t-il noté, avant d’exhorter les parties à mettre en œuvre l’Accord de paix de Djouba et à aider les autorités soudanaises à s’acquitter de leur responsabilité première de protection des civils en vertu du droit international humanitaire.

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a constaté que le conflit au Soudan a affecté la capacité du Bureau du Procureur à mener des enquêtes et des activités de sensibilisation au Darfour.  Pour contrer ces revers, il faut que les hostilités cessent et renforcer la coopération entre le Bureau du Procureur et les autorités nationales, tout en respectant le principe de complémentarité.  Sans institutions nationales fortes capables de rendre la justice aux populations locales et de les protéger, il y aura toujours un risque plus élevé de rechute dans l’instabilité et dans le conflit, a-t-il mis en garde.  Il a souligné que la responsabilité première de rendre la justice appartient aux États nationaux, sans préjudice du rôle complémentaire que la CPI doit jouer lorsque les États ne peuvent pas ou ne veulent pas le faire.  En ce sens, la communauté internationale doit être prête à aider le Soudan à renforcer la capacité de ses institutions nationales à enquêter et à punir les auteurs de crimes graves au regard du droit international, a affirmé le représentant.  Il a par ailleurs estimé que les dépenses encourues par la CPI en raison de renvois du Conseil de sécurité doivent être appuyées par les États parties au Statut de Rome ainsi que par l’ONU.

M. DARREN CAMILLERI (Malte) a déclaré que l’obligation de rendre des comptes reste essentielle pour mettre fin au cycle de violence au Soudan.  Le représentant a apporté son appui aux efforts du Procureur, y compris l’ouverture d’enquêtes sur les incidents survenus au Darfour.  Toutes les allégations de crimes sexuels et sexistes, y compris les campagnes de viols massifs et de violences contre les enfants doivent faire l’objet d’enquêtes, a-t-il estimé. 

Le représentant a salué la présentation des moyens à charge dans le procès d’Ali Kushayb, de même que les efforts déployés pour que le procès ne subisse pas de retard déraisonnable en raison de la situation actuelle.  Il a regretté que les autorités soudanaises ne respectent pas leurs obligations au titre de la résolution 1593 (2005), et s’est dit préoccupé par la libération des suspects Al Bashir, Hussein et Harun de la prison de Kober à Khartoum.  Il a également déploré les assassinats ciblés à motivation ethnique, les violences sexuelles, les incendies de maisons et les déplacements massifs.  Le délégué a ensuite exhorté les parties à cesser les hostilités sans conditions préalables et à ramener le Soudan sur la voie de la transition politique.

Mme ANNETTE ANDRÉE ONANGA (Gabon) a estimé que face au contexte particulièrement difficile que connaît le Soudan, il faut se féliciter que la toute première affaire Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman ait abouti.  Elle a souligné que le retour à la paix est une condition absolument indispensable afin que les autorités soudanaises puissent honorer les engagements pris dans le cadre du Mémorandum d’accord du 12 aout 2021 qui établit les modalités d’une coopération sans faille entre le Soudan et le Bureau du Procureur.  Elle a espéré que les autorités répondront favorablement sans plus de délai à la désignation des points focaux, dès que les conditions idoines le permettront. 

La représentante a ensuite souligné l’importance du renforcement des capacités de l’appareil judiciaire soudanais.  Il est en effet indispensable de rendre ces tribunaux et les autres mécanismes pertinents plus effectifs afin de mettre un terme à l’impunité et au cycle infernal de la violence et des violations massives des droits humains qui ont actuellement cours à travers le pays, a-t-elle dit. 

Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes unis) s’est dite préoccupée par les répercussions négatives de la situation sécuritaire sur les efforts humanitaires dans le pays, et a insisté sur l’impératif de poursuivre des initiatives de cessez-le-feu et de redoubler d’efforts pour trouver une solution politique urgente à la crise.  Elle a appelé les parties à cesser immédiatement les combats, à adhérer à ce qui a été convenu à Djeddah, à respecter le droit humanitaire international et à faciliter l’aide humanitaire.  De même, elle a insisté sur l’importance capitale des efforts diplomatiques. 

Prenant note de la déclaration et du rapport du Procureur de la CPI, en particulier en ce qui concerne le mandat du Bureau, la représentante a souligné que le principe de complémentarité inscrit dans le statut de la Cour doit guider son travail, de même que celui du Procureur.  Les objectifs de la complémentarité doivent être réalisés dès que les conditions de réflexion sur les pistes de complémentarité seront réunies, a-t-elle ajouté.

Mme DIARRA DIME LABILLE (France) a condamné la poursuite des combats au Soudan qui marquent, selon elle, « un recul dramatique dans la transition vers un gouvernement civil voulue par les Soudanais ».  Les violences au Darfour sont inquiétantes, par leur ampleur et leur dimension communautaire, a-t-elle dit.  La MINUATS a souligné que les violences ethniques qui se sont produites ces dernières semaines au Darfour pourraient être constitutives de crimes contre l’humanité, si elles étaient avérées.  La déléguée a rappelé que l’enquête ouverte par la Cour pénale internationale (CPI) sur la situation au Darfour est essentielle, y compris s’agissant des crimes commis dans le cadre du conflit en cours.  La France invite le Bureau du Procureur à poursuivre ses efforts d’enquête et de vigilance s’agissant des crimes commis dans ce nouveau contexte. 

Les évènements au Soudan ont des conséquences préoccupantes sur la conduite des enquêtes de la Cour, a insisté la déléguée.  La France appelle les autorités soudanaises à coopérer avec le Bureau du Procureur et à honorer leurs obligations au titre de la résolution 1593 (2005), des accords de paix de Djouba et des mémorandums conclus avec le Bureau du Procureur.  Alors que la situation d’Omar Al-Bashir, d’Abdel Raheem Muhammad Hussein et d’Ahmed Harun est incertaine depuis le début des affrontements à Khartoum, elle invite le Soudan à répondre à la demande formelle de la Cour visant à préciser leur localisation.  Par ailleurs, la déléguée a salué l’important travail accompli par le Bureau du Procureur et la Cour dans l’affaire M. Abd-Al-Rahman.  Elle a encouragé les pays de la région à poursuivre leur coopération avec la CPI, en particulier pour veiller à ce que la Cour puisse recueillir les témoignages des réfugiés soudanais.  Un retour durable à la paix au Soudan ne pourra se faire sans une association de l’ensemble des acteurs soudanais, a conclu la déléguée.  La France appelle à associer dans les meilleurs délais les forces politiques et la société civile soudanaise aux discussions, pour parvenir à un cessez-le-feu durable et à une résolution politique de la crise.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a regretté que le déclenchement du conflit au Soudan n’ait pas permis au Procureur de faire rapport sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de sa stratégie renouvelée d’enquête et de poursuite. Il a souhaité l’ouverture d’enquêtes sur les allégations d’exécutions extrajudiciaires, d’incendies et de pillages commis à Geneina ainsi que dans d’autres régions du Darfour.  Dans cette optique, le délégué a exhorté les autorités soudanaises à se conformer à leurs obligations juridiques internationales et à coopérer aux enquêtes engagées par la CPI sur leur territoire, notamment en matière d’accès aux témoins et aux victimes.  Il a pris note du fait que le procès d’Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman n’est pas affecté par le conflit actuel, y voyant une opportunité historique de rendre justice aux victimes au Darfour.  À cet égard, le délégué a appelé les autorités soudanaises à répondre à la demande d’information du Procureur concernant la localisation des autres suspects visés par des mandats d’arrêt de la Cour.

M. ANDRIS STASTOLI (Albanie) s’est dit encouragé par les progrès réalisés en matière de justice au Soudan, en citant notamment la finalisation du procès d’Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman, se félicitant tout particulièrement de la participation des victimes à cette affaire.  Il a salué la décision de la Cour d’entendre en personne les femmes et les filles qui ont été victimes de violences sexuelles au Darfour et de lutter contre leur stigmatisation et leurs souffrances.  Le représentant est toutefois préoccupé par les crimes « odieux » commis à la suite de l’éclatement du récent conflit au Soudan, en évoquant des viols massifs et des violences à l’encontre des femmes et des enfants, des exécutions extrajudiciaires et des attaques délibérées contre des civils et des infrastructures civiles.  Il a soutenu la décision du Procureur de prolonger les enquêtes sur les hostilités en cours, avant de se déclarer préoccupé par la libération d’Omar Al-Bashir, d’Abdel Raheem Hussein et d’Ahmad Harun, qui étaient maintenus en détention jusqu’au début des combats à Khartoum le 15 avril 2023.  Il a demandé aux autorités soudanaises de les remettre à la CPI pour qu’ils répondent de leurs actes devant la justice.

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), déplorant une augmentation de la violence contre les personnes les plus vulnérables, a estimé que la solution au conflit au Darfour réside dans la combinaison de mesures judiciaires et non judiciaires.  Cette approche contribuera selon lui à renforcer la reddition de comptes et à jeter les bases d’un véritable processus de réconciliation nationale au Soudan.  Le représentant a rappelé l’importance de l’Accord de paix de Djouba et du Plan national pour la protection des civils au Darfour qui réaffirment le caractère central de la justice et de la protection des droits de l’homme dans le processus de paix au Soudan.  Dans l’esprit du principe de complémentarité du Statut de Rome, il a souligné le rôle de la CPI dans la lutte contre l’impunité en cas de violations massives et systématiques des droits de l’homme et pour la promotion de l’état de droit. 

Le représentant a condamné les attaques contre les civils et les biens privés, les abus et les violations des droits de l’homme, y compris la violence sexuelle visant les femmes et les jeunes filles.  Il a salué l’engagement pris par l’IGAD de travailler avec la communauté internationale pour mettre en place un mécanisme de surveillance et de reddition de comptes afin de traduire en justice les auteurs de tels abus et crimes. Le représentant a dénoncé les attaques et le pillage de missions et de locaux diplomatiques.  Dans sa quête de justice, le peuple soudanais doit disposer d’institutions judiciaires nationales et d’un mécanisme de réconciliation, a-t-il en outre souligné.  Enfin, il a encouragé le Bureau du Procureur à maintenir un dialogue constructif sur ce processus avec les autorités soudanaises et les autres parties prenantes, y compris l’IGAD et l’Union africaine. 

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a salué les progrès réalisés dans le procès de Muhammad Ali Abd-Al-Rahman après la présentation de la preuve par le Procureur. Il a cependant regretté que, depuis le coup d’État militaire de 2021 et le déclenchement du conflit en avril dernier, les autorités soudanaises aient échoué à coopérer avec la CPI.  Le représentant a fait écho aux préoccupations exprimées par le Procureur sur l’impact du conflit sur les enquêtes en cours, y compris la libération de suspects, et quant aux informations faisant état de violences et de la découverte de fosses communes au Darfour occidental.  Le conflit actuel découle en partie de l’impunité dont bénéficient ceux qui détiennent le pouvoir au Soudan, a relevé le représentant.  Le mépris de leurs obligations internationales et de la justice à l’égard des crimes passés a contribué selon lui au dernier cycle de violence.  Or toutes les parties sont responsables des crimes qu’elles commettent, a-t-il rappelé, avant de prévenir les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide que le mandat de la CPI au Darfour demeure valide. Il s’est félicité de la décision du Procureur d’ouvrir des enquêtes sur les infractions commises dans le cadre du conflit actuel, notamment les meurtres à caractère ethnique et les violences sexuelles.

M. AL-HARITH IDRISS AL-HARITH MOHAMED (Soudan), rappelant que son pays n’avait pas encore ratifié le Statut de Rome, a indiqué qu’après les « révolutions » de 2018 et 2021, le Gouvernement de transition a commencé à coopérer et à se coordonner avec la CPI.  En attendant de ratifier le Statut de Rome, les autorités soudanaises ont reçu une délégation de la CPI en décembre 2021 afin de discuter de la coopération, a-t-il rappelé, et le Soudan s’est engagé à protéger les témoins de la Cour.  En vertu du droit soudanais, la coopération avec la Cour requiert l’achèvement du processus de ratification du Statut de Rome, a expliqué le représentant, en précisant que le Gouvernement traite la CPI comme n’importe quelle autre organisation intergouvernementale et n’impose aucune restriction à ses activités. Qui plus est, en vertu du paragraphe 4 de l’Article 93 du Statut de Rome, le Gouvernement peut rejeter toute demande de coopération, en tout ou en partie, dès lors qu’une telle demande porte sur des documents relatifs à la sécurité nationale.  Ainsi, « jusqu’à ce qu’un cadre juridique formel soit adopté, la coopération avec la Cour restera instable », a reconnu le représentant.  Dans l’intervalle, il a proposé de s’appuyer sur le principe de complémentarité des juridictions nationales. 

S’agissant de la facilitation des enquêtes menées par le Bureau du Procureur sur le territoire soudanais, le représentant a proposé d’en réexaminer les modalités à l’expiration des « circonstances exceptionnelles actuelles ».  Le Procureur de la CPI s’est rendu à Khartoum et a conclu un protocole d’accord de coopération avec le Ministère de la justice en août 2022, a-t-il précisé.  Considérant la portée de la coopération envisagée avec le Bureau du Procureur, le représentant a jugé « injustes » les accusations de celui-ci voulant que les autorités soudanaises n’aient pas coopéré à la remise des suspects à La Haye. 

Reprenant la parole, M. KHAN, Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), a rappelé que les autorités nationales ne peuvent invoquer des lacunes pour refuser d’appliquer le droit international.  Il n’existe pas d’autorité supérieure au Conseil de sécurité pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales, a-t-il rappelé.  Or le Conseil a ordonné au Gouvernement soudanais, dans sa résolution 1593 (2005), de coopérer pleinement avec la CPI, « une obligation qui a été plus souvent violée que respectée ».  Par exemple, quelque 34 demandes de coopération demeurent en suspens, a-t-il noté, certaines depuis des années.  Les événements des quatre-vingt-dix derniers jours ne sauraient faire écran au refus de coopération dont nous avons été témoins, notamment depuis 2021.  En outre, deux missions de la CPI ont dû être annulées faute d’avoir obtenu les visas demandés, a déploré M. Khan.  Il a affirmé avoir accepté la tenue d’un procès hybride à Khartoum et La Haye.  Pour l’heure, cependant, le Procureur a considéré que le Soudan refuse de s’acquitter de ses obligations.

(à suivre...)

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.