Troisième Commission: face à une criminalité organisée grandissante, l’ONU et les États Membres misent sur l’intensification des efforts de coopération
La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, s’est penchée, aujourd’hui, sur les questions relatives à la prévention du crime et à la justice pénale, ainsi qu’à la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications (TIC) à des fins criminelles. Les échanges ont permis à la Représentante du Bureau de liaison de New York de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) de mettre en exergue la violence croissante des groupes criminels organisés et les approches de coopération prônées par l’Organisation pour contrer leurs agissements.
L’une de ces approches a trouvé une illustration lors du dialogue interactif avec les États Membres, qui a suivi la présentation de Mme Delphine Schantz. En réponse à l’Union européenne (UE) qui l’interrogeait sur les mesures de lutte contre la criminalité organisée en Ukraine dans le contexte de l’agression russe, la haute fonctionnaire a indiqué que l’ONUDC s’efforce, par le biais du Coordonnateur résident dans ce pays, de surveiller les flux d’armes et d’enrayer la traite des personnes à travers une assistance technique impliquant les acteurs de la société civile.
Dans son exposé, Mme Schantz a indiqué que la capacité de l’ONUDC à déployer des mécanismes souples et adaptés aux contextes d’intervention s’illustre également dans le domaine de la lutte contre la corruption. Elle a ainsi fait état de la mise en place de pôles régionaux anticorruption à Nairobi, Bogota et la ville de Mexico, un quatrième étant en cours d’établissement à Bangkok. Leur mission: renforcer l’assistance technique de l’ONUDC dans des secteurs spécifiques tels que la santé, les marchés publics ou encore le sport.
Comme l’a expliqué la responsable de l’ONUDC, la communauté internationale est aujourd’hui confrontée à des groupes criminels organisés de plus en plus violents et décentralisés, qui utilisent à mauvais escient le système commercial mondial et les progrès technologiques. L’exploitation sexuelle d’enfants en ligne a augmenté de 35% l’an dernier, a-t-elle relevé. Dans le même temps, le trafic cybernétique de drogues contrôlées s’est développé à l’échelle mondiale, la traite des êtres humains liée aux opérations frauduleuses a considérablement augmenté dans certaines régions et les progrès technologiques ont transformé la fabrication illicite d’armes à feu et de leurs munitions.
Face à cette criminalité organisée tentaculaire, l’UE a appelé à agir en intégrant les spécificités des organisations criminelles. Particulièrement préoccupée par l’élimination des drogues illicites et de la traite des personnes, l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) a mis en évidence l’importance de la coordination et de la coopération régionales. De son côté, la République islamique d’Iran a jugé indispensable de lever les obstacles au recouvrement des avoirs en vue de développer une réponse collective contre la criminalité transnationale. La Fédération de Russie s’est, quant à elle, dressée contre les obstacles à l’identification et à la restitution des revenus de la corruption, tout en se disant opposée aux tentatives visant à élargir l’acceptation de la lutte contre la corruption.
Concernant les réponses institutionnelles existantes et futures, Mme Schantz a salué l’adoption par la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale d’une résolution inédite relative à l’accès à la justice dans les systèmes de justice pénale. De même, elle a mis en avant les négociations en cours pour élaborer une convention globale sur la lutte contre l’utilisation des TIC à des fins criminelles. Si la Thaïlande a adressé ses encouragements au Comité spécial en charge de la rédaction du projet de texte, à l’instar d’un grand nombre de délégations pressées de les voir aboutir, certains pays ont émis un certain nombre de réserves.
La Fédération de Russie a notamment jugé indispensable la présence de dispositions sur la protection de la souveraineté des États. Un avis de principe partagé par le Cameroun et la Chine, celle-ci se réjouissant toutefois du consensus relatif atteint sur la protection des informations personnelles lors de l’examen du projet de convention. Les délégations russe, camerounaise et cubaine ont également insisté sur la nécessité d’intégrer les pays en développement et leurs besoins spécifiques en matière de TIC. Après avoir souligné l’importance de la coopération dans la lutte contre la réduction de la fracture numérique, la Colombie a elle jugé primordial de prévoir une perspective intersectionnelle. Même son de cloche du côté du Guatemala, qui a exhorté les États Membres à présenter une proposition de texte intégrant une référence aux droits humains.
La représentante de l’ONUDC a pris soin de rappeler que les progrès technologiques peuvent constituer une solution au problème de la criminalité, en mentionnant notamment l’intelligence artificielle (IA) utilisée par l’organe en matière de lutte contre les violences faites aux femmes et de criminalité environnementale. Plusieurs pays ont, pour leur part, établi un lien entre les TIC et la démocratie, appelant à faire preuve de vigilance à cet égard. C’est le cas notamment du Luxembourg, qui a plaidé pour la création d’une réglementation reposant sur un encadrement des données, respectueux à la fois des droits humains et des principes démocratiques.
Plus mesurés, bien que favorables à l’utilisation de l’intelligence artificielle pour aider à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), les États-Unis ont dénoncé l’utilisation des TIC à des fins de surveillance et de répression politiques, particulièrement à l’égard de groupes marginalisés, tels que les femmes ou les LGBTQ+. Dans le même ordre d’idées, la Pologne a déploré un contrôle d’Internet visant à réprimer les mouvements d’opposition, avertissant que les attaques cybernétiques peuvent être utilisées pour bouleverser des résultats électoraux et renverser des gouvernements.
La Troisième Commission poursuivra ses travaux mardi 3 octobre, à partir de 10 heures.
PRÉVENTION DU CRIME ET JUSTICE PÉNALE (A/78/119, A/78/159, A/78/264) ET LUTTE CONTRE L’UTILISATION DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DES COMMUNICATIONS À DES FINS CRIMINELLES
Déclaration liminaire suivie d’une séance de questions-réponses
Mme DELPHINE SCHANTZ, Représentante du Bureau de liaison de New York de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a rappelé que cet organe du Secrétariat de l’ONU s’emploie à répondre aux demandes de soutien des États en matière de prévention du crime et dans la mise en œuvre des priorités liées à la justice pénale et aux traités internationaux dont ils sont signataires. Réaffirmant l’engagement stratégique de l’ONUDC en faveur de l’intégration de la jeunesse, du genre et des droits humains, elle a précisé que l’organe a investi dans des approches innovantes, notamment dans son soutien au Mexique, avec l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) pour aider les forces de l’ordre à analyser les cas de violence à l’égard des femmes. Elle a ajouté que l’ONUDC a également utilisé l’intelligence artificielle dans le cadre de son programme mondial sur la criminalité maritime afin d’aider les analystes maritimes à traiter les informations relatives aux menaces.
Mme Shantz a ensuite fait état du lancement d’un programme mondial remanié relatif à la prévention du crime et la justice pénale et couvrant des questions telles que l’accès à la justice, la violence contre les femmes et les enfants, ainsi que la réforme pénitentiaire, conformément aux objectifs de développement durable (ODD 16) et à la Déclaration de Kyoto. Autre réalisation signalée par la représentante: l’adoption par la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale de la toute première résolution sur l’accès à la justice dans les systèmes de justice pénale, texte qui est maintenant soumis à l’examen de l’Assemblée générale.
Dans le domaine de la lutte contre la corruption, a poursuivi Mme Shantz, l’ONUDC a amélioré son modèle de prestation afin de fournir un soutien éclairé, souple et adapté au contexte à travers la mise en place de pôles régionaux de lutte contre la corruption, à Nairobi, Bogota et la ville de Mexico. Un quatrième centre est en cours d’établissement à Bangkok pour couvrir l’Asie du Sud-Est. Ces plateformes, a-t-elle expliqué, permettent à l’ONUDC d’améliorer son assistance technique en matière de corruption dans des secteurs spécifiques, notamment la santé, les marchés publics, le sport et les matchs truqués. Elles contribuent aussi à faire respecter les obligations des États Membres au titre de la Convention contre la corruption.
De l’avis de la représentante, les groupes criminels organisés deviennent de plus en plus violents et décentralisés et utilisent à mauvais escient le système commercial mondial et les progrès technologiques. Pour illustrer cette évolution, Mme sachant a relevé que les abus et l’exploitation sexuels d’enfants en ligne ont augmenté de 35% l’an dernier. De même, le trafic cybernétique de drogues contrôlées, y compris de drogues synthétiques et d’autres produits disponibles sur le dark Web, s’est développé à l’échelle mondiale, tandis que la traite des êtres humains liée aux opérations frauduleuses de groupes criminels organisés a considérablement augmenté dans certaines régions. Enfin, les progrès technologiques ont transformé massivement la fabrication illicite d’armes à feu, de leurs pièces et de leurs munitions.
L’ONUDC répond à ces problématiques par le biais de ses recherches analytiques et en s’efforçant de renforcer les capacités des États Membres en matière de cybercriminalité dans toutes les régions, notamment grâce au modèle des centres régionaux, a précisé la représentante, avant de saluer les négociations en cours sur l’élaboration d’une convention globale sur la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications (TIC) à des fins criminelles, dont la prochaine session se tiendra à New York en janvier prochain.
S’agissant de la réponse aux menaces terroristes actuelles, l’ONUDC a lancé un nouveau programme mondial sur la prévention et la lutte contre le terrorisme, qui vise à renforcer le soutien juridique et la justice pénale aux États Membres tout en respectant les droits humains et l’adhésion aux instruments universels de lutte contre le terrorisme, a encore indiqué Mme Schantz. Dans le même temps, l’ONUDC continue d’appuyer les États dans le dépistage, les poursuites, la réhabilitation et la réintégration des combattants terroristes étrangers et soutient les mécanismes régionaux tels que le mécanisme intégré de stabilité des frontières en Afrique de l’Ouest, récemment lancé à Abidjan.
Avant de conclure, la représentante a évoqué les activités de l’ONUDC dans le domaine de la recherche, rappelant que l’organe a publié cette année son rapport mondial biennal sur la traite des personnes et a mené une évaluation rapide des marchés illicites en Haïti. L’Office, a-t-elle ajouté, a également publié plusieurs notes de recherche abordant des sujets tels que le suivi de l’objectif de développement durable numéro 16, le meurtre sexiste de femmes et de filles, le trafic de biens culturels, le commerce illégal d’espèces sauvages, les changements climatiques et les causes de la récidive.
Dialogue interactif
Donnant le coup d’envoi à cet échange, l’Iran a voulu savoir comment les mesures unilatérales coercitives affectaient la capacité de l’ONUDC à lutter contre le trafic d’êtres humains. Les enquêtes conjointes entre pays d’origine, de transit et de destination sont cruciales pour lutter contre la traite. Or cette coopération est entravée par les mesures unilatérales coercitives, a déploré la délégation.
L’Union européenne a demandé des précisions sur l’incidence de la guerre d’agression menée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine sur les activités de l’Office dans la région. Quel a été l’impact du conflit sur la criminalité organisée? Les États-Unis se sont quant à eux intéressés aux meilleurs pratiques pour impliquer les ONG, les médias sociaux et le secteur de la technologie dans la lutte contre les drogues de synthèse.
Que peuvent faire les gouvernements, le système de l’ONU, la société civile et le secteur privé pour améliorer leur coordination afin de lutter avec efficacité contre la traite?, a demandé Chypre. À sa suite, le Mexique a voulu savoir comment l’ONUDC collaborait avec la société civile, le système de l’ONU et les acteurs privés pour lutter contre la cybercriminalité.
Répondant aux interrogations soulevées par les délégations, la Représentante de l’ONUDC a indiqué que l’Office essaye de surveiller les flux de trafic d’armes vers l’Ukraine, et de lutter contre la traite des personnes dans ce pays et ses voisins, en fournissant une assistance technique. Tout ce que nous faisons se réalise avec le Coordonnateur résident de l’ONU en Ukraine, a-t-elle précisé.
Notant par ailleurs que les ONG ont un rôle à jouer dans la réinsertion des personnes consommatrices de drogues, elle a fait savoir que l’ONUDC se penche sur un cadre de prévention complet, les victimes étant au cœur de son travail.
Elle a également insisté sur l’importance d’aider les victimes de la traite à rechercher des informations pour poursuivre les coupables, expliquant que dans ce domaine, le travail de l’ONUDC s’ajoute à celui réalisé par les ONG. Nous sommes des intermédiaires entre forces de prévention et société civile, a-t-elle résumé.
Relevant en outre que la plupart des activités cybercriminelles se font sur des plateformes virtuelles, elle a appelé à se montrer proactif dans la prévention sur ces plateformes.
La couverture de cet échange a été entravée par une série de problèmes d’ordre technique.
Discussion générale
Mme SIMONE SCHULLER, de l’Union européenne (UE), a indiqué que la criminalité organisée constitue une menace significative pour les citoyens, les entreprises et les institutions de l’État ainsi que pour l’économie dans son ensemble. Il s’agit d’un problème qui doit être géré en répondant aux spécificités de cette criminalité, a-t-elle recommandé, jugeant crucial de se pencher sur les structures sur lesquelles reposent de tels agissements, notamment les technologies utilisées. À cet égard, la représentante a réaffirmé l’importance de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et Protocoles s’y rapportant dans la prévention et la lutte contre les formes existantes et émergentes de ce type de criminalité.
La lutte contre la criminalité transnationale organisée nécessite des efforts collectifs, a insisté la déléguée, selon laquelle des efforts spécifiques doivent viser la corruption, qui menace l’état de droit, sape les droits humains et mettent à mal la confiance du public dans les institutions démocratiques. L’Union européenne voit dans cette lutte une nécessité absolue aux niveaux mondial, régional et national, a-t-elle souligné, avant de rappeler les propositions législatives présentées il y a deux ans par l’UE pour faire en sorte que la criminalité organisée ne puisse pas rapporter.
S’exprimant au nom de l’Association des États de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), M. BURHAN GAFOOR (Singapour) a fait observer que le flux transnational de produits du crime et d’articles illicites a des conséquences négatives aiguës en Asie du Sud-Est, cette région étant densément interconnectée. Pour relever ces défis, l’ASEAN a convoqué en août, en Indonésie, sa dix-septième réunion ministérielle sur la criminalité transnationale, à l’issue de laquelle ont été adoptées des déclarations sur le renforcement de la coopération des forces de l’ordre dans la lutte contre la criminalité transnationale et sur le renforcement de la coopération en matière de protection des victimes, a indiqué le représentant.
Évoquant ensuite le Rapport mondial 2023 sur les drogues de l’ONUDC, le délégué s’est alarmé du fait que les saisies de méthamphétamine en Asie du Sud-Est, plus grande région productrice de cette drogue au monde, soient revenues cette année au niveau d’avant la pandémie en 2022. Il a également noté que les saisies de kétamine ont atteint un niveau record en 2022 ; ce qui reflète la gravité du problème dans la région. Face à ce défi, l’ASEAN vise à éliminer les drogues illicites et leur abus en adoptant une approche de tolérance zéro à l’égard des drogues illicites, a-t-il expliqué, faisant état d’une réunion ministérielle de l’ASEAN, le mois dernier, pour coordonner les efforts de lutte antidrogue de l’Association. Il a ajouté que l’ASEAN continuera à travailler avec l’ONUDC pour partager les meilleures pratiques et accroître les capacités.
Pour ce qui est de la radicalisation en ligne, le représentant a assuré que Singapour collabore étroitement avec la société civile, les entreprises technologiques et d’autres acteurs du secteur privé pour veiller à ce que les contenus en ligne manifestement préjudiciables soient signalés et supprimés en temps utile. Il a aussi signalé l’adoption d’un projet de loi sur la sécurité en ligne en 2022. S’agissant par ailleurs de la traite des personnes en Asie du Sud-Est, il a constaté que des plateformes en ligne ont été utilisées à la fois pour faciliter les escroqueries et pour enrôler de force des personnes dans les opérations des fraudeurs. En réponse à ces agissements, l’ASEAN a promulgué cette année la déclaration des dirigeants de l’Association sur la lutte contre la traite des personnes causée par l’abus de la technologie.
Notant également que les cybermenaces en Asie du Sud-Est ont augmenté en quantité et en sophistication, le délégué a fait état d’au moins un million et demi de tentatives de phishing dans la région au premier semestre 2020. Pour y faire face, a-t-il dit, l’ASEAN a élaboré en 2017 une stratégie de cybercoopération, mise à jour en 2021, avec un examen à mi-parcours prévu pour 2024. Il a enfin assuré que pour surmonter les diverses menaces qui pèsent sur la sûreté et la sécurité des 650 millions d’habitants de la région, l’ASEAN continuera de travailler avec la communauté internationale pour lutter contre la criminalité transnationale et assurer la sécurité de ses sociétés.
M. SERGEI A. LEONIDCHENKO (Fédération de Russie), s’exprimant au nom d’un groupe d’États Membres, a appelé à un effort dépolitisé et collectif pour lutter contre le problème complexe de la drogue à une échelle internationale. Il s’est dit préoccupé par la légalisation du cannabis à des fins non médicales. Cette tendance est un défi majeur pour la communauté internationale et pour la mise en œuvre des trois conventions sur les stupéfiants, a estimé le délégué. Il a encouragé les États Membres à sensibiliser sur les effets néfastes de la consommation du cannabis en dehors du cadre médical. La Russie entend promouvoir une société exempte de problèmes de drogues a-t-il assuré, avant d’appeler à faire plus d’effort en matière de prévention, rappelant que l’ONUDC est la principale instance du système onusien pour répondre à ce problème.
Poursuivant, le représentant a estimé que la future convention sur l’utilisation des TIC à des fins criminelles devrait prévoir les conditions nécessaires à la protection de la souveraineté des États et à la réalisation des objectifs de lutte contre la cybercriminalité sans compromettre les droits humains. Il a ajouté que la collecte et l’échange de preuves électroniques sur un large éventail d’infractions, répond aux objectifs de la lutte contre la criminalité liée aux TIC. Cette convention se devra en outre de fournir une assistance technique aux pays en développement et favoriser le renforcement des capacités et le transfert de technologies, a-t-il ajouté.
Mme CARLA MARIA RODRÍGUEZ MANCIA (Guatemala) a appelé à renforcer les institutions luttant contre la traite des personnes, « fléau pour la dignité humaine » dont le nombre de victimes, a-t-elle relevé, a dépassé celui de l’esclavage et dont les profits dépassent déjà ceux du trafic d’armes. Elle a indiqué que le Guatemala, par l’intermédiaire de sa Commission présidentielle contre la corruption, avait participé à la première Conférence mondiale sur l’exploitation des données pour améliorer la mesure de la corruption. Prenant note de la tenue, à New York à la fin du mois d’août, de la sixième session du Comité spécial chargé d’élaborer une convention internationale sur la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications à des fins criminelles, il a demandé instamment aux États Membres de présenter une proposition de texte consensuelle qui inclut les références aux droits humains. Qualifiant les drogues de synthèse d’ennemi invisible ralentissant le développement, le délégué a appelé à renforcer la lutte coordonnée et la circulation de l’information conformément aux réglementations nationales et internationales en vigueur. Il a indiqué que le Guatemala exercerait avec responsabilité, à partir de 2024, son statut de membre de la Commission des stupéfiants et de la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale.
M. MAURICIO REZA BAUTISTA (Mexique) a indiqué que les pénuries d’opportunités d’emploi et d’éducation et la persistance de la pauvreté et de l’exclusion sociale alimentent la criminalité transnationale organisée. Il a appelé à unifier les efforts pour éliminer les causes profondes de la criminalité. Dans le but de surmonter les paradigmes obsolètes et punitifs qui exacerbent la vulnérabilité des secteurs les plus défavorisés, le représentant a préconisé l’adoption de politiques complémentaires de lutte contre la criminalité et de justice pénale assorties de stratégies préventives axées sur la réalisation du développement durable dans ses dimensions économique, sociale et environnementale. Dans ce combat, les TIC offrent de grandes opportunités pour renforcer le développement, élargir les droits, réduire les inégalités et promouvoir l’inclusion, le bien-être et la justice, a relevé le délégué.
M. SILVIO FRANZ (Italie) a indiqué que, comme les années précédentes, sa délégation soumettra cette semaine à la Troisième Commission un projet de résolution sur le programme des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale. Il a dit vouloir s’appuyer, lors des négociations, sur la résolution de l’an dernier, qui avait été coparrainée par plus de 100 délégations, afin de réaffirmer l’engagement collectif à prévenir et combattre toutes les formes de criminalité. Le représentant a précisé que la principale innovation proposée cette année est la biennalisation de la résolution, conformément aux lignes directrices de l’Assemblée générale et de la Troisième Commission concernant les résolutions omnibus. Il est en revanche proposé de maintenir à la fois le rapport du Secrétaire général et le débat de haut niveau sur une base annuelle, a-t-il ajouté.
Parmi les éléments clefs du projet de résolution, le délégué a cité l’importance des mécanismes et processus de suivi en ce qui concerne la Déclaration de Kyoto et la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, l’accent mis sur l’accès à la justice pour tous, les politiques ciblées sur les jeunes, la lutte contre le commerce illicite des biens culturels, la protection de l’environnement, la prévention des violences liées au genre et le renforcement des efforts menés contre le terrorisme. Tout en comptant sur la poursuite de la coopération avec l’ONUDC, il a souhaité que le processus intergouvernemental soit enrichi par la participation ouverte et substantielle d’organisations de la société civile, notamment pour mieux protéger les droits des victimes. Il a enfin annoncé que l’Italie prépare avec un groupe restreint d’autres pays un projet de résolution visant à consacrer une journée internationale à la prévention et à la lutte contre toutes les formes de criminalité transnationale organisée.
Mme NICHAMON MAY HSIEH (Thaïlande) a affirmé que le système judiciaire devrait être constamment revu et renforcé, ajoutant que, l’année dernière, son pays avait promulgué la loi sur la durée de la procédure judiciaire. Elle a également indiqué que la Thaïlande avait créé l’application mobile « Justice Care » pour faciliter les demandes auprès du « Justice Fund », qui fournit un soutien financier pour l’assistance juridique aux plus pauvres et aux plus vulnérables, ainsi qu’une indemnisation aux personnes victimes de violations des droits humains. Elle a, par ailleurs, encouragé le Comité spécial chargé d’élaborer une convention internationale générale sur la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications à des fins criminelles à conclure le projet dans les délais impartis, soit d’ici à février 2024.
Poursuivant, la représentante a fait savoir que la Thaïlande avait mis en place un mécanisme pour veiller à la protection des victimes du trafic d’êtres humains qui tient notamment compte de leurs traumatismes. Elle a aussi évoqué la politique de son pays qui traite les toxicomanes comme des patients. Elle a ensuite demandé aux États Membres de soutenir l’adhésion de la Thaïlande à la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale pour la période 2025-2027.
M. BURHAN GAFOOR (Singapour) a déclaré que la numérisation croissante de l’économie a créé de nouvelles plateformes et opportunités permettant aux criminels de soutirer des fonds et des données. Il a également relevé que plus de 50% des personnes interrogées par l’ONUDC en Asie du Sud-Est ont déclaré avoir été victimes d’un vol d’argent en ligne, et 72% l’objet d’au moins une forme d’escroquerie en ligne. Pour relever ces défis, le pays a organisé une conférence régionale anti-escroquerie, afin d’améliorer la coordination des opérations transfrontalières de lutte contre la fraude et faciliter le partage d’informations. Singapour a également établi de solides partenariats public-privé avec des banques, des plateformes numériques et d’autres acteurs de l’économie numérique pour renforcer les filets de sécurité contre la fraude en ligne. De même, le pays travaille en étroite collaboration avec ses partenaires de l’ASEAN pour renforcer la réponse commune à la cybercriminalité.
Abordant la question de la radicalisation, notamment à travers les contenus en ligne, le représentant a exprimé sa vive préoccupation face à la diffusion mondiale de contenus terroristes via Internet. Les jeunes sont particulièrement vulnérables à l’influence des idéologies extrémistes, qui se propagent via des espaces en ligne apparemment inoffensifs tels que les plateformes de jeux, s’est-il inquiété. Le Gouvernement prend au sérieux la menace de radicalisation provoquée par Internet et collabore étroitement avec la société civile pour faire face efficacement à ces risques, a-t-il souligné.
La criminalité et la corruption relèvent d’une entrave aux objectifs de développement durable, a estimé Mme LIU HAN (Chine), avant d’appeler à une action internationale dans ce domaine. Insistant sur la politique du Gouvernement chinois axée sur l’individu en matière de crime et de justice pénale, la représentante a fait état d’une « tolérance zéro » dans la lutte contre la corruption. Elle a également affirmé que son pays dispose de la législation la plus répressive du monde en matière de drogue. La Chine s’acquitte de ses obligations et appuie pleinement la création de mécanismes mondiaux face à la criminalité transnationale organisée, a poursuivi la représentante, qui a souhaité, à ce propos, que les négociations relatives à la Convention sur la cybercriminalité aboutissent le plus tôt possible afin de fournir un cadre robuste. À ses yeux, ces défis communs nécessitent une « riposte commune ». La représentante a ensuite invité les États Membres à renforcer leur coopération dans la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications (TIC) à des fins criminelles, et ce, malgré leurs divergences sur certains points. Elle a notamment insisté sur la nécessité de tenir compte des besoins spécifiques des pays en développement.
M. SILAS SEKONYANA (Afrique du Sud) a souligné que la criminalité transnationale organisée prive de nombreux États de ressources importantes pour leur développement. Le représentant a affirmé que son pays met tout en œuvre pour atteindre l’objectif de développement durable 16 et lutte avec force contre le trafic d’êtres humains. En conclusion, il a exhorté les États Membres à travailler à l’adoption d’une convention contre la cybercriminalité.
M. MOHAMMAD AAMIR KHAN (Pakistan) a constaté que les changements climatiques facilitent la capacité des groupes criminels organisés à infiltrer des systèmes juridiques vulnérables, tandis que l’élargissement des espaces numériques ouvre de nouvelles frontières à la criminalité transnationale organisée. Il s’est également ému de la multiplication des actes de haine, islamophobes et autres.
S’appuyant sur le rapport de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), le représentant a relevé que la légalisation du cannabis à des fins non médicales par certains pays a contribué à une hausse de la consomation quotidienne, avertissant des possibles impacts néfastes pour la santé. Cette approche est contre-productive, car elle débouchera sur une hausse de la demande et aura un impact direct sur notre région, s’est-il inquiété.
Constatant par ailleurs que le système international actuel n’est pas outillé pour répondre au fléau de la cybercriminalité, il a estimé que le Comité spécial chargé d’élaborer une convention internationale générale sur la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications à des fins criminelles offre une occasion unique de parvenir à un consensus sur la question.
Mme IRINA VELICHK (Bélarus) a déclaré soutenir le rôle central et coordonateur de l’ONU dans la consolidation des efforts internationaux de lutte contre la criminalité transnationale organisée, à travers notamment la mise en œuvre des dispositions de la Convention y afférente. Faisant valoir qu’aucun État ne peut à lui seul vaincre la criminalité moderne, la représentante a jugé crucial de construire et de renforcer la coopération internationale, sans barrière ni condition restrictive, pour lutter contre la migration illégale, le trafic de drogue, le terrorisme et la cybercriminalité. À cette aune, elle a salué l’action de l’ONUDC dans le renforcement de la coopération internationale dans la lutte contre la criminalité organisée et s’est dite favorable à une expansion de sa présence à New York, moyennant une plus grande représentation des États.
La déléguée a ensuite appelé au renforcement de la coopération dans la lutte contre la criminalité utilisant les technologies de l’information et des communications (TIC), voyant dans la convention contre l’utilisation des TIC à des fins criminelles un document clef dans ce domaine. Elle a toutefois estimé qu’en l’absence de « règles du jeu » claires dans le cyberespace, il serait judicieux d’y inclure des principes tels que la souveraineté et la neutralité numériques. Rappelant à cet égard que son pays a exprimé à plusieurs reprises sa volonté de coopérer aux fins de minimiser les risques et les menaces dans le cyberespace, la représentante a mis en avant l’initiative bélarussienne visant à créer une ceinture de « bon voisinage numérique ».
M. NIZHAN FARAZ BIN RIZAL (Malaisie) a mis en garde contre les activités haineuses auxquelles se livrent les criminels en profitant des progrès technologiques et en déplaçant leurs opérations dans le monde virtuel. Pour faire face à la nature changeante des activités criminelles, la Malaisie réexamine fréquemment ses lois et ses politiques afin de les adapter à la réalité contemporaine, a précisé le représentant, qui a fait état d’une action gouvernementale fondée sur la prévention de la criminalité et sur une politique pénale intégrant l’ensemble des parties prenantes. Enfin, après s’être montré enthousiaste quant à la future convention en cours de négociation, il a plaidé pour une approche multidimensionnelle pour lutter contre le trafic des stupéfiants.
Mme LEONOR ZALABATA TORRES (Colombie) a indiqué que son pays cherchait à résoudre les causes structurelles de la criminalité en remédiant au manque d’opportunités économiques, d’emploi et d’éducation. Ajoutant que le lutte contre les formes multiples de criminalité était une priorité nationale, elle a reconnu que le système judiciaire colombien était encombré et difficilement accessible, entravant la construction d’une société pacifique. Elle a indiqué que le programme « garanties pour la vie et la paix 2022-2026 », donnait la priorité à la poursuite du blanchiment d’argent, de l’extorsion et de la contrebande. Elle a expliqué que la politique pénale visait à garantir la dignité humaine, la resocialisation effective et la recomposition des liens sociaux affectés par la commission d’un crime.
Face au crime organisé, la déléguée a demandé à la communauté internationale de continuer à soutenir les processus de coopération et d’assistance technique dans le respect de l’état de droit et des droits humains. Elle a rappelé que son pays s’était engagé à participer aux négociations de la convention sur la cybercriminalité, insistant sur l’importance du respect des droits humains et de la coopération internationale pour réduire la fracture numérique. Elle a également estimé que la convention devrait inclure une perspective intersectionnelle, rejetant la reproduction des schémas de discrimination basés sur le genre, la race, l’origine ou la religion.
Mme FATEMEH ARAB BAFRANI (République islamique d’Iran) a plaidé pour la levée des obstacles au recouvrement des avoirs en vue d’une réponse collective à la lutte contre la criminalité transnationale organisée. C’est une mesure fondamentale pour la mise en œuvre des objectifs sous-jacents des conventions pertinentes, a-t-elle souligné. Elle a estimé qu’un travail coordonné et des efforts communs sont nécessaires pour lutter contre la criminalité transnationale organisée et garantir que les réseaux criminels ne se délocalisent pas vers des régions où la coopération est faible. Une telle situation affaiblirait les réponses de la justice pénale, a-t-elle prévenu.
La déléguée a fait savoir que l’Iran a conclu de nombreux accords d’entraide judiciaire et d’extradition avec ses voisins et d’autres pays au-delà de la région. Grâce à ces instruments, les autorités policières et judiciaires ont pu renforcer la coopération, partager des informations en temps opportun et coordonner les procédures pénales et civiles, s’est-elle félicitée. L’Iran a également maintenu son rôle de leader dans la lutte contre la criminalité transnationale organisée en Asie occidentale, en particulier la traite des personnes, le trafic de migrants et le trafic de drogue. La représentante a ensuite fait état de ses préoccupations concernant l’impact des mesures coercitives unilatérales qui continuent d’empêcher des réponses efficaces aux crimes et à la corruption à l’échelle nationale et mondiale.
M. JOÃO HENRIQUE NASCIMENTO DIAS (Brésil) a mis en évidence la relation entre le trafic de stupéfiants et la criminalité environnementale organisée, avant de faire savoir que le renfoncement de la sécurité publique fait partie des priorités des autorités. Ces dernières intègrent dans leur stratégie la protection des communautés autochtones et travaillent en coopération avec les pays transfrontaliers. La lutte contre la cybercriminalité est une autre priorité nationale, a poursuivi le représentant. À cette fin, le département de la lutte contre la cybercriminalité prévient et réprime des crimes tels que les abus sexuels d’enfant et la fraude électronique grâce à la création de partenariats public-privé. Il a ensuite appelé les États Membres à parvenir à un consensus au sujet de l’élaboration d’une convention internationale générale sur la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications à des fins criminelles.
M. SERGEI A. LEONIDCHENKO (Fédération de Russie) a accusé certains acteurs de politiser la lutte contre la criminalité notamment en ce qui concerne l’entraide judiciaire pour les affaires pénales et l’extradition. Il s’est dit favorable au développement d’un protocole additionnel à la Convention contre la criminalité transnationale organisée sur la question des crimes contre l’environnement dont les bénéfices « se retrouvent dans les poches des entreprises occidentales ». Il s’est opposé aux tentatives d’élargir l’acceptation de la lutte contre la corruption et appelé à la coopération pour lever les obstacles qui empêchent l’identification et la restitution des revenus de la corruption.
Il a appelé à « un monde exempt de stupéfiants et pas un monde qui les toléreraient », s’inquiétant de tout affaiblissement du système de contrôle qui prévaut au niveau international. Il a fermement condamné la légalisation des stupéfiants à des fins non médicales, pour ensuite appeler à l’éradication des cultures du pavot, de la coca et du cannabis, s’inquiétant notamment de la situation en Afghanistan.
Accusant par ailleurs les États-Unis de violer les accords de siège à travers le « bâton des visas », y compris au sein du Comité spécial chargé d’élaborer une convention internationale générale sur la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications à des fins criminelles, le représentant a appelé le Secrétariat à garantir un accès sans obstacles à New York pour les représentants de tous les États Membres.
Mme AVITAL MIMRAN ROSENBERG (Israël) s’est inquiétée de l’afflux de drogues synthétiques, dont le captagon. Elle a affirmé que cette drogue provient de la Syrie et que le montant de son exportation s’élève à des milliards par an, se préoccupant de ses effets sur les jeunes. L’entité à l’origine de telles activités illicites en Syrie doit être tenue responsable, a-t-elle affirmé. La représentante a également appelé à renforcer l’efficacité du contrôle de l’exportation de précurseurs chimiques vers la Syrie.
M. AHMAD SAMIR FAHIM HABASHNEH (Jordanie) a jugé essentiel de lutter contre les menaces posées par la cybercriminalité et a insisté sur la nécessité d’une riposte internationale collective pour atteindre les objectifs. C’est dans cet esprit, a-t-il dit, que son pays a adopté une loi visant à protéger les groupes vulnérables et à s’attaquer aux problématiques de l’incitation et de la radicalisation. Le représentant a d’autre part rappelé que son pays attache une grande importance à la lutte contre le terrorisme à l’échelle nationale et internationale, et appuie les sanctions prises contre les auteurs de tels actes. À cette aune, la Jordanie a rejoint un certain nombre de traités internationaux sur la lutte antiterroriste et a même contribué à leur rédaction, a-t-il relevé.
Le délégué a ensuite évoqué le trafic de drogues à la frontière nord de la Jordanie, en raison de la situation en Syrie, et a assuré que son pays est déterminé à lutter contre cette menace. À cette fin, a-t-il indiqué, une agence et un plan d’action ont été mis en place pour lutter contre les fléaux de la drogue et des psychotropes et pour promouvoir la réinsertion des victimes. Pour finir, le délégué a insisté sur l’importance pour les États d’honorer leurs obligations en matière de crime et de justice pénale, et a réitéré sa foi dans le système multilatéral.
M. MOHAMMED AMIN SHAKE (Arabie saoudite) a assuré que le Royaume est mobilisé pour lutter contre les délits informatiques, notamment ceux liés à l’identité et à la fraude économique. Il a évoqué deux initiatives nationales en matière de cybersécurité, la première consistant à renforcer les capacités des femmes dans ce domaine, notamment face à l’usurpation d’identité et au harcèlement électronique, la seconde visant à protéger les enfants face à la cyberintimidation et au ciblage croissant dont ils font l’objet. Le délégué a aussi appelé les États Membres à coopérer dans la lutte contre l’utilisation des TIC dans le trafic de drogues.
Mme NELLY BANAKEN (Cameroun) est revenue sur deux lois adoptées par son pays pour lutter contre la cybercriminalité, l’une le 25 juillet dernier, l’autre en 2010. Ce cadre légal met à la charge des différents acteurs concernés par le cyberespace une obligation générale d’assurer la sécurité des enfants, notamment par une obligation de collaboration avec le secteur public, a-t-elle expliqué. La déléguée a mis l’accent sur la collaboration entre les secteurs public et privé, mais aussi sur la coopération internationale, compte tenu de la nature transfrontière de la cybercriminalité.
La convention en cours d’élaboration, a insisté la représentante, devrait relever l’importance pour tous les pays, en particulier les plus vulnérables, de participer à la lutte contre l’évolution des risques. Faute de quoi, il est clair que nous ne pourrons atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés pour lutter contre l’utilisation des TIC à des fins criminelles, a-t-elle mis en garde. La déléguée a également défendu la souveraineté des États, notant qu’aucune disposition de la convention n’autorise un État partie à exercer sur le territoire d’un autre État une juridiction et des fonctions qui sont réservées exclusivement aux autorités en question en vertu de son droit interne. Elle a souhaité que ces dispositions apparaissent dans la convention qui sera adoptée lors de la session de clôture du comité ad hoc 2024 à New York.
M. YOANGEL VALIDO MARTÍNEZ (Cuba) a appelé à assortir la lutte contre la criminalité d’une lutte contre le sous-développement et la pauvreté, grâce à un ordre international plus juste. Rejetant les approches fondées sur les sanctions et la répression, il a appelé à abolir les listes unilatérales, porteuses de politisation et de sélectivité en particulier à l’encontre des pays du Sud. Il s’est notamment élevé contre l’inscription, « sans fondement », de Cuba sur la liste étatsunienne des pays parrains du terrorisme. Il a appuyé le mandat du Comité spécial chargé d’élaborer une convention internationale générale sur la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications à des fins criminelles, demandant à ce qu’elle reflète les besoins des pays en développement. Après avoir dénoncé l’usage des TIC par les États-Unis contre son pays, le représentant s’est prononcé en faveur d’une politique de « tolérance zéro » face à la production, la consommation et le trafic de stupéfiants, s’opposant à toute modification des équilibres traditionnels au sein du Comité des stupéfiants.
M. ERIC RYAN MERRO (États-Unis) a d’abord vanté les mérites d’outils tels que l’intelligence artificielle, qui peuvent notamment contribuer à réaliser les ODD, tout en appelant à s’assurer de l’utilisation à bon escient de ces technologies. À ce titre, le délégué s’est dit préoccupé par l’utilisation des TIC à des fins illicites comme la surveillance, notamment dans certains pays qui appliquent des politiques répressives sur les groupes marginalisés, tels que les femmes ou les LGBTQ+. Des militants des droits des femmes ou autres journalistes ont été harcelés, a déploré le délégué, qui s’est également inquiété de l’utilisation de logiciel espion sur les téléphones de journalistes russes. Il a encouragé le développement des technologies au service de la démocratie, et s’est félicité de voir des gouvernements entreprendre des actions dans ce sens, en particulier contre les logiciels d’espionnage commercial.
Mme KARINA BRAVO (Équateur) a évoqué le train de mesures législatives adoptées par son pays en 2014, notamment le code organique pénale, qui a consacré la définition et la caractérisation des délits liés à la criminalité organisée, laquelle est devenue l’un des principaux problèmes de sécurité publique à l’échelle régionale. Pour lutter contre ce fléau au plan national, l’Équateur a bénéficié de l’assistance technique de l’ONUDC, a précisé la représentante, selon laquelle cette collaboration vise quatre objectifs: la prévention du crime organisé, la poursuite des auteurs, la promotion de la coopération à l’échelle nationale et internationale et l’aide aux victimes, témoins et fonctionnaires.
Après avoir fait état de la création d’un comité national pour la cybersécurité, la déléguée s’est félicitée de ce que la coopération ait permis de renforcer les capacités en la matière et d’avancer sur la voie de la ratification d’un instrument international pertinent. Enfin, se déclarant préoccupée par les répercussions de l’évolution technologique et ses conséquences sur l’exercice des droits des femmes et des filles, elle a pointé la fracture numérique et son impact sur les populations vulnérables.
Mme MALGORZATA DORATA BENSON, déléguée de la jeunesse de la Pologne, a constaté qu’Internet avait créé des occasions significatives en matière d’apprentissage ou de communication, tout en s’inquiétant des inégalités d’accès à l’outil. En outre, il n’est pas rare que les gouvernements utilisent Internet pour contrôler et réprimer les mouvements d’oppositions, s’est-elle inquiétée. La déléguée a également relevé que les attaques cybernétiques peuvent être utilisées pour bouleverser des résultats électoraux et renverser des gouvernements. À ce titre, la représentante a insisté sur la nécessité d’investir dans la prévention de la cybercriminalité et à renfoncer la coopération.
M. MOHAMED BUBA MARWA (Nigéria) a indiqué que tout en intensifiant les efforts de répression pour mettre fin à l’offre illicite de la drogue, son pays promouvait des programmes de prévention, de traitement et de soins. Il a reconnu que la situation nationale s’était aggravée, avec une consommation qui concernait 14,4% de la population adulte, une croissance exponentielle des surfaces de cannabis cultivées et la prolifération de laboratoires clandestins pour la production de méthamphétamine. Évoquant la pauvreté, le chômage, les conflits armés, les déplacements internes et le déficit de scolarisation comme moteurs de la tendance, il a précisé que les activités connexes du vol de bétail et des enlèvements constituaient des facteurs aggravants. Il a évoqué des stratégies de réduction de la demande et de lutte contre la stigmatisation et la discrimination à l’égard des usagers, notamment grâce à la mise en place d’un centre d’appel gratuit fonctionnant sans interruption.
Poursuivant, le représentant a indiqué que l’agence nationale de lutte contre la drogue, en collaboration avec l’ONUDC et la Fondation MTN, promeut le programme « Unplugged Drug » dans les écoles. Un total de 32 922 délinquants liés au trafic, dont 38 barons, ont été appréhendé entre janvier 2021 et juin 2023, et un plan offrant aux agriculteurs des prêts et des semences améliorées pour des cultures de substitution est en cours de mise en œuvre. Il a signalé que les trafiquants étaient de plus en plus actifs en ligne, notamment sur le dark Web, depuis la pandémie de COVID-19, et qu’un renforcement de la coopération et des capacités du Nigéria dans ce domaine étaient nécessaires.
Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), M. BRIAN CHRISTOPHER MANLEY WALLAC (Jamaïque) a indiqué que sa région est confrontée à des niveaux d’activité criminelle extrêmement inquiétants, notamment en raison de la porosité des frontières qui entraîne une circulation d’armes venant de l’extérieur. Reconnaissant que les Caraïbes sont également utilisées comme plateforme lucrative pour le trafic d’êtres humains, il a relevé que l’agence « CARICOM Impact » s’emploie à coordonner les efforts des États membres de la Communauté et de leurs partenaires stratégiques, notamment d’Amérique latine, en matière d’expertise scientifique et technique et de renforcement des capacités du personnel judiciaire. S’agissant par ailleurs des cyberattaques visant des infrastructures gouvernementales, menace contre laquelle les pays de la région n’ont pas les moyens de lutter, le représentant a appelé à une collaboration accrue au niveau international et avec les agences pertinentes, notamment l’ONUDC, tant en termes de renforcement de capacités techniques que d’échange d’informations. Enfin, il s’est prononcé en faveur d’une conclusion au premier trimestre 2024 des travaux du Comité spécial chargé d’élaborer une convention internationale sur la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications à des fins criminelles.
M. JULIEN WALD, délégué de la jeunesse du Luxembourg, a signalé l’initiative nationale « Be Secure », qui aide à protéger les jeunes de son pays des risques sur Internet, notamment du harcèlement et de la désinformation. Il a par ailleurs appelé à une règlementation de l’intelligence artificielle qui s’appuierait sur un meilleur encadrement des données, celles-ci étant sujettes à des biais. Le délégué a en effet estimé que ces données ne peuvent être laissées entre les mains de grandes entreprises mais doivent être régulées en tenant compte des droits humains et des principes démocratiques. Il a également appelé à augmenter l’alphabétisation numériques dans les systèmes éducatifs afin de protéger les enfants.
M. DANIEL ZAVALA PORRAS (Costa Rica) a fait observer que l’indice mondial de la criminalité organisée fait état d’une augmentation continue de ces agissements en 2023 et relève que 83% de la population mondiale vit dans des conditions de criminalité élevée. Face aux réseaux criminels transnationaux, le Costa Rica collabore avec les États au niveau international et renforce ses liens avec la société civile sur le plan national, notamment par l’intermédiaire des Nations Unies, a expliqué le représentant. À cet égard, il s’est félicité de ce que le Nouvel Agenda pour la paix ait pour objectif de donner la priorité à la justice au niveau communautaire afin d’obtenir des effets à grande échelle et d’inclure le point de vue des populations touchées et des groupes vulnérables, notamment les personnes LGTBIQ+. Il a également jugé urgent de mieux structurer la prévention au sein de l’ONU car « trop souvent, nous arrivons trop tard ». Pour éviter cela, il a appelé à une meilleure articulation avec la société civile, les journalistes et les défenseurs des droits humains.
Mme BLANDINA RUTH VIDITHA ADELEIDE PELLA (Indonésie) a détaillé la stratégie mise en place par son pays pour lutter contre la criminalité et pour protéger les couches les plus pauvres de sa population. Elle a ajouté qu’en septembre 2022, l’Indonésie a adopté des lois encadrant l’utilisation d’Internet. La représentante a par ailleurs appelé à la fermeté sur la question de la drogue, assurant que l’Indonésie, sur le plan national, lutte par le biais de la prévention autant que par celui de la répression. Plaidant pour une coopération accrue sur cette question avec les autres États Membres, elle a souhaité que cette lutte soit menée dans l’esprit du Programme 2030.
Mme JOAN MARGARITA CEDANO (République dominicaine) a pourfendu la corruption et ses effets dévastateurs pour les sociétés. La corruption sape la confiance dans les institutions, lesquelles doivent être renforcées à tous les niveaux, a-t-elle souligné, avant de rappeler l’engagement de son pays à combattre ce fléau. La représentante a ainsi expliqué que l’une des priorités de son gouvernement avait été de mettre en place une unité antifraude. Elle a également rappelé l’attachement de son pays aux dispositions de la Convention des Nations Unies contre la corruption et de la Convention internationale pour la simplification et l’harmonisation des régimes douaniers, connue sous le nom de Convention de Kyoto.
M. BISMARK ANYANAH (Ghana) a prévenu que l’utilisation des TIC peut déboucher sur l’exploitation d’êtres humains à travers la diffusion d’idéologies et la propagation de discours de haine, qui ont pour effet de déstabiliser les économies, les individus et les nations. Il a dès lors recommandé d’utiliser aux niveaux national, régional et international des instruments tels la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et les Protocoles s’y rapportant. À cet égard, il s’est réjoui des bases jetées dans le cadre du Comité spécial pour l’élaboration d’une nouvelle convention sur le sujet, invitant les États Membres à continuer de travailler en toute bonne foi pour qu’une fois adopté, cet outil reflète les attentes de la communauté internationale.
Le délégué a d’autre part appelé au renforcement de la coopération au niveau régional, estimant que les conventions anticriminalité de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sont des outils utiles qui viennent s’ajouter aux efforts internationaux. Il a également exhorté à accorder la priorité aux questions de genre afin que les femmes puissent contribuer à la résilience des nations. Enfin, après avoir rappelé le rôle fondamental joué par l’ONUDC, il a partagé l’expérience de son pays en matière de justice pénale, mentionnant notamment l’initiative « Justice pour tous », qui vise à servir tous les Ghanéens de manière équitable.
Mgr ROBERT David MURPHY, Observateur permanent du Saint-Siège, a noté avec inquiétude qu’en période de crise, des tentatives sont faites pour saper l’état de droit, dans le but malavisé de trouver des solutions simples et immédiates. Or, a-t-il fait valoir, l’état de droit et le respect d’une procédure régulière ne peuvent faire l’objet d’aucune exception, car ils sont essentiels à la protection de la dignité de chaque être humain, laquelle doit, selon lui, être placée au cœur de tous les efforts visant à améliorer la justice pénale. Si les autorités publiques légitimes ont le droit et le devoir d’infliger des sanctions pénales en fonction de la gravité des crimes commis, elles ne doivent jamais perdre de vue la dignité de la personne, même après la commission des crimes les plus graves, a souligné le représentant.
Pour ces raisons, a—t-il ajouté, le Saint-Siège soutient que la peine de mort est « inadmissible », car elle constitue une « atteinte à l’inviolabilité et à la dignité de la personne ». À ses yeux, cette même approche doit s’appliquer aux détenus. En effet, a défendu le représentant, pour que le châtiment porte ses fruits, il faut qu’il y ait un horizon d’espoir, loin de toute nouvelle punition sociale.
Évoquant ensuite l’évolution rapide et « globalement positive »” des technologies de l’information et des communications (TIC), le représentant a salué les nouvelles possibilités offertes par ces outils, tout en mettant en garde contre l’émergence de nouvelles menaces. À cet égard, il a notamment recommandé de lutter contre les crimes conventionnels commis grâce aux technologies numériques. Enfin, il s’est inquiété du sort des enfants qui sont directement victimes de productions pédopornographiques et s’est aussi dit gravement préoccupé par l’utilisation des TIC dans les trafics d’êtres humains.
Mme GABRIELA GONZÁLEZ (Uruguay) a invité les États Membres à lutter de manière coordonnée contre la cybercriminalité et à parvenir à élaborer une convention internationale sur le sujet. Insistant sur la protection des femmes et des enfants sur Internet, elle a appelé à prêter l’attention qui convient à ces questions, tant au niveau international que national. La représentante a ajouté que la lutte contre la cybercriminalité doit impérativement tenir compte des droits humains et des libertés fondamentales.
Mme ELEANE YAOSKA PICHARDO URBINA (Nicaragua)a rappelé que son pays est partie aux trois traités internationaux relatifs au contrôle des drogues. Elle a également indiqué que le Nicaragua dispose d’une stratégie nationale de lutte contre ce fléau. S’agissant de la traite des êtres humains, la représentante a plaidé pour une action multilatérale, tout en soulignant les actions menées au niveau national. Elle a ainsi fait état de la loi n°896 adoptée en 2015, qui régit les différents domaines de la lutte contre la traite des personnes.
La déléguée a, par ailleurs, souhaité que la future convention internationale sur la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications (TIC) à des fins criminelles permette, grâce à la coopération internationale, de fournir aux pays en développement une assistance technique, tout en les aidant à renforcer leurs capacités.
Mme HANAA BOUCHIKHI (Maroc) a affirmé que son pays a fait de la lutte contre la corruption une priorité nationale, ajoutant que sept ans après le lancement de la stratégie nationale, 70% de ses cibles ont été atteintes. Elle a aussi détaillé la stratégie nationale de lutte contre le trafic de drogue, non sans rappeler que 1 656 tonnes de cannabis ont été saisies au Maroc entre 2018 et 2022. La représentante a également salué le lancement par les États-Unis, en juillet dernier, de la coalition mondiale contre les drogues synthétiques, avant de s’inquiéter de l’usage du tramadol en Afrique. Elle a par ailleurs rappelé qu’en 2022, le continent africain comptait 570 millions d’internautes, soit deux fois plus qu’en 2015, et que le Maroc avait le plus fort taux de pénétration d’Internet, avec 84% d’utilisateurs. Pour finir, elle a présenté la stratégie de son pays en matière de lutte contre la cybercriminalité, laquelle fait suite à la ratification par Rabat des Conventions de Budapest et de Malabo.
M. SHO ONO (Japon) s’est enorgueilli des contributions substantielles et positives de son pays à l’établissement de l’état de droit dans la communauté internationale, notamment à travers sa participation active aux discussions sur la prévention du crime et la justice pénale au sein des organes subsidiaires du Conseil économique et social (ECOSOC). À cette aune, il a estimé que le partage de valeurs fondamentales est devenu de plus en plus crucial, notamment à la lumière d’événements internationaux tels que l’agression de la Russie contre l’Ukraine. C’est dans cet esprit, a-t-il dit, que le Japon a accueilli, en juillet dernier, le forum ministériel sur la « diplomatie des affaires judiciaires », qui a réuni, pour la première fois, des représentants des ministres de la justice des pays de l’ASEAN et du G7.
Il a ajouté que le Japon reste déterminé à promouvoir la cause de l’état de droit en s’alignant sur les principes énoncés dans la Déclaration de Kyoto, adoptée en mars 2021 lors du quatorzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale. Poursuivant, le représentant a indiqué qu’en étroite coordination avec l’ONUDC, le Japon soutient activement les pays qui jouent un rôle clef dans le domaine du contrôle des drogues. Enfin, il a exprimé la détermination de son gouvernement à contribuer aux efforts internationaux pour prévenir et combattre la cybercriminalité.
Mme EKATERINE LORTKIPANIDZE (Géorgie) a mis l’accent sur la coopération de son pays avec l’ONUDC, précisant qu’une feuille de route encadrant cette collaboration pour la période 2023-2025 est en cours de finalisation. Elle a mis en avant les efforts déployés par la Géorgie pour lutter contre la traite des êtres humains, avant de signaler que, selon les rapports du département d’État américain sur le sujet, son pays fait partie du peloton de tête des pays occidentaux en termes de dispositif.
S’agissant de la lutte contre la corruption, autre défi prioritaire de la Géorgie, la déléguée a précisé que le Parlement national a adopté en 2022 une nouvelle législation établissant un bureau dédié à cet autre fléau. Enfin, après avoir assuré que la stratégie antidrogue de son pays est en totale conformité avec les principes et les garanties de la stratégie antidrogue de l’Union européenne pour la période 2021-2025, elle a indiqué que la Géorgie poursuivra ses efforts dans le domaine de la justice pénale et la promotion et la protection des droits humains.
M. KYAW MOE TUN (Myanmar) a regretté que la culture de l’opium, qui avait connu une baisse à partir de 2014 dans son pays, soit malheureusement en progression depuis le coup d’État militaire de 2021. Les rapports de l’ONUDC font état d’une croissance de l’ordre de 33% de la culture d’opium, dont la production a pratiquement doublé au cours de l’année écoulée, a-t-il déploré. Selon le délégué, le coup d’État militaire a non seulement provoqué des révoltes mais pose également de nouveaux défis, tels que le trafic d’êtres humains et la cybercriminalité.
Pour la première fois de son histoire, le Myanmar est devenu une destination de la criminalité transnationale organisée, a déploré le représentant, selon lequel des dizaines de milliers de personnes de 46 pays y ont été arrêtées pour trafic d’opium et d’amphétamines. Sous le régime de la dictature militaire, le Myanmar s’est transformé en un « exportateur régional et mondial de criminalité et d’instabilité », a-t-il martelé, avant d’appeler au rétablissement d’un gouvernement démocratique fédéral.
M. BILLEL HASSANI (Algérie) a regretté que le fléau de la criminalité organisée continue de mettre en péril la paix et la sécurité internationales, la stabilité et les efforts de développement durable. Soulignant les liens croissants entre les différentes formes de criminalité-terrorisme, trafic de drogues, armes à feu, traite des êtres humains, trafic de migrants, cybercriminalité, corruption, blanchiment d’argent– il a plaidé en faveur du renforcement de la coopération internationale. Le délégué a également rappelé que son pays a voté, en mai dernier, la première loi nationale consacrée à la prévention et à la lutte contre la traite des êtres humains et lancé, en juillet, sa stratégie nationale de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption.
Le représentant s’est par ailleurs réjoui des progrès accomplis, sous l’égide de l’Algérie, par le Comité spécial chargé d’élaborer une convention internationale générale sur la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications à des fins criminelles. Abordant la lutte contre le trafic de drogues, il s’est félicité de la saisie de 58 tonnes de cannabis par les autorités algériennes en 2022 et de plus de 22 tonnes au cours du premier semestre 2023, indiquant que la nouvelle loi adoptée en mai vise à renforcer la prévention. En conclusion, il a salué la coopération bilatérale avec l’ONUDC, notamment le lancement récent du programme « Youth 4 Impact », qui se concentre sur l’amélioration de la résilience des jeunes à la consommation de drogues, à la violence et à la criminalité.
M. CHRISTIAN FAYIA YAJAH (Sierra Leone) a estimé que la plus grande révolution jamais connue par l’humanité est celle des TIC. Toutefois, si la numérisation est source d’opportunités de développement économique et social pour les pays en développement, elle incite aussi les criminels en ligne à recourir à de nombreuses techniques malveillantes, a reconnu le délégué, rappelant que même certaines missions de maintien de la paix et opérations d’aide humanitaire des Nations Unies ont été prises pour cible. Il a également noté que les criminels lancent généralement des attaques à partir de pays qui ne disposent pas d’un cadre juridique adéquat. C’est pourquoi, a-t-il dit, la lutte contre la cybercriminalité à l’échelle mondiale passe par le renforcement de la cybersécurité des pays en développement.
Il a ensuite indiqué qu’en réponse au défi croissant des cybermenaces, la Sierra Leone s’est dotée d’une stratégie nationale d’innovation numérique sur 10 ans (2019-2029), qui vise notamment à renforcer les défenses et la réactivité face à la cybercriminalité.
M. ROBERT ALEXANDER POVEDA BRITO (Venezuela) a appelé à renforcer à tous les niveaux les cadres de lutte contre la corruption et les trafics de drogue et d’êtres humains, notamment de migrants, loin de toute démarche politisée qui ne ferait que nuire aux victimes et renforcer les réseaux criminels. Il a d’autre part estimé que les négociations destinées à élaborer une convention des Nations Unies contre l’utilisation des TIC à des fins criminelles constituent une avancée sans précédent en la matière. Il a souhaité voir ce processus complexe aboutir lors de cette soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale, tel qu’établi dans la résolution 75/282.
Les espaces numériques sont une source constante de criminalité et il est temps pour la communauté internationale dans son ensemble, représentée au sein des Nations Unies, de se doter d’un instrument juridiquement contraignant pour lutter contre ce fléau « atroce », a fait valoir le représentant. Avant de conclure, il a décrié les mesures coercitives unilatérales, qui selon lui représentent une « ignominie mondiale », qui vont à l’encontre de l’essence du droit et cherchent uniquement à imposer des visions hégémoniques à des fins de contrôle politique.
Mme ZEBIB GEBREKIDAN (Érythrée) a indiqué que, depuis son indépendance, l’Érythrée tente de renforcer l’accès à la justice de tous ses citoyens. Le pays s’emploie aussi à améliorer la situation dans les prisons, où les détenus reçoivent une formation professionnelle. La représentante a d’autre part souligné l’importance de la coopération internationale dans la lutte contre le trafic d’êtres humains, insistant sur la nécessité de lutter contre la cybercriminalité dans ce domaine. Elle s’est également prononcée en faveur de la clôture des travaux du Comité spécial chargé d’élaborer une convention internationale générale sur la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications à des fins criminelles lors de la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale.
M. İSMAIL AYDİL (Türkiye) a exprimé la détermination de son gouvernement à combattre toutes les organisations terroristes, en particulier Daech, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le Parti de l’Union démocratique (PYD), les Unités de protection du peuple kurde (YPG) et le mouvement illégal de Fetullah Gülen (FETO). Leurs activités sont financées par la criminalité organisée, y compris le trafic d’êtres humains, de drogues et d’armes à feu, a accusé le délégué, qui a dit voir dans l’attentat récemment perpétré à Ankara le symptôme d’une menace persistante. À ce titre, une approche sélective de la communauté internationale à l’égard des organisations terroristes est inacceptable, s’est-il indigné, s’inquiétant aussi de l’impact des technologies de l’information et des communications (TIC) sur l’ampleur, la rapidité et la portée des infractions pénales, notamment les infractions liées au terrorisme, la traite des personnes, le trafic de migrants, ainsi que la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu.
Abordant ensuite la future convention en cours d’élaboration, le représentant a souhaité qu’elle englobe les crimes de terrorisme ainsi que les discours de haine et l’incitation à la violence par l’utilisation des TIC. S’agissant enfin de la traite des êtres humains, il a regretté que les efforts visant à l’éliminer se heurtent à des difficultés considérables, assurant que son pays poursuivra ses efforts sur ce front.
M. ELIE ALTARSHA (République arabe syrienne) a rappelé que son pays reste un État partie aux instruments internationaux visant à lutter contre le trafic de stupéfiants et leur utilisation à des fins non médicinales. Il a également réaffirmé l’attachement de la Syrie à la lutte contre le trafic, l’utilisation et le transport illégal des drogues, assurant que son gouvernement s’emploie à sensibiliser les populations au danger des drogues et à renforcer ses capacités dans ce domaine.
Le représentant a toutefois averti que ces efforts sont largement minés par les effets des mesures coercitives unilatérales et des différentes formes de blocus imposées à son pays. De plus, a-t-il relevé, la situation géographique de la Syrie a pour conséquence de la transformer en un couloir pour trafic et transport des drogues des pays de production vers les pays de destination. Un problème qui, selon lui, s’est exacerbé du fait de la présence aux frontières de groupes terroristes appuyés par des pays étrangers. Réfutant les allégations selon lesquelles la Syrie encouragerait ce trafic, il a appelé à ne pas laisser le peuple syrien « entre le marteau du terrorisme et l’enclume des stupéfiants ».
Mme NASHWA HILAL AL SINANI (Oman) s’est inquiétée de la progression alarmante de la traite des êtres humains dans le monde et a appelé à renforcer les efforts en la matière. La représentante a ajouté que son pays a pris toutes les dispositions nécessaires au niveau national, faisant d’Oman « une société quasiment exempte de ce phénomène ».
Mme HEBA MOSTAFA MOSTAFA RIZK (Égypte) est revenue sur les efforts déployés par son pays pour lutter contre la traite des personnes, la corruption et le blanchiment d’argent. Elle s’est également félicitée du mandat de l’ONUDC et de sa coopération avec l’Égypte contre le problème de la drogue. La représentante s’est par ailleurs alarmée de l’absence d’utilisation responsable des technologies de l’information et des communications (TIC), y compris s’agissant de l’intelligence artificielle. Selon elle, les États ont l’obligation de concevoir des réglementations et des paramètres éthiques pour régir l’utilisation des TIC. Le secteur privé doit, quant à lui, faire preuve de diligence pour empêcher une utilisation à des fins criminelles, a-t-il préconisé.
La déléguée a en outre défendu la restitution des biens culturels ainsi que le rapatriement sans condition des fonds illégalement gelés dans leur pays d’origine. Les lacunes dans la mise en œuvre des obligations internationales dans ce domaine sapent les efforts de lutte contre la corruption aux niveaux national, régional et international, a-t-elle déploré, avant d’appeler à la pleine mise en œuvre des dispositions des chapitres 4 et 5 de la Convention des Nations Unies contre la corruption.
Mme DJENEBA DABO N'DIAYE (Mali) a passé en revue les différents instruments de droit international mis en place dans son pays, avant d’indiquer que l’essor du terrorisme et de l’extrémisme violent a conduit le Mali à redoubler d’efforts et de vigilance. Sur le plan institutionnel, la représentante a fait mention de l’office de contrôle de stupéfiants et du Pôle judiciaire spécialisé de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, lequel a désormais une compétence nationale. Cet ensemble est complété par un arrêté qui fixe la liste des produits illicites, en vue de contrôler leur utilisation. Elle a ajouté que, sur le terrain, son gouvernement s’emploie à améliorer la sécurité publique, notamment en renforçant les effectifs de la police et de la gendarmerie.
Sur le plan opérationnel, la déléguée a évoqué les campagnes et actions menées régulièrement contre les trafiquants, en particulier la destruction des stocks de drogue afin de décourager les criminels. Au regard du caractère transnational de ce fléau, elle a indiqué que le Mali travaille avec les pays voisins au renforcement de la sécurité aux frontières, ce qui donne lieu à des patrouilles conjointes pour contrôler les mouvements.
M. CONOR C. MAENPAA, de l’Ordre souverain de Malte, a invité la communauté internationale à s’attaquer aux causes profondes de la criminalité telles que la pauvreté, les inégalités et le manque d’éducation. Il a insisté sur le rôle des Nations Unies dans la promotion de l’état de droit, appelant à offrir un traitement digne et humain aux justiciables. En conclusion, il a cité l’ancien Secrétaire général de l’ONU, feu Kofi Annan, pour qui « l’état de droit et la promotion des droits humains sont essentiels au développement, à la paix, à la sécurité ».
Droit de réponse
Exerçant son droit de réponse, le représentant de la Fédération de Russie a réfuté les accusations de l’Union européenne à l’encontre de son pays, qu’il a qualifiées d’infondées et d’étranges, car, a-t-il dit, « l’UE parle de crises dans lesquelles elle est directement impliquée ». Pour illustrer son propos, il a cité la destruction de l’appareil d’État libyen, l’afflux actuel de réfugiés ukrainiens « lié au coup d’État de Maïdan organisé par l’Ouest », les persécutions des habitants du Donbass pendant huit ans et l’envoi d’armes à l’Ukraine avant le déclenchement de « l’opération militaire spéciale ».