En cours au Siège de l'ONU

À la Sixième Commission, les délégations en quête d’une approche constructive pour trouver un consensus sur la question des crimes contre l’humanité

Soixante-dix-huitième session,
9e séance plénière - matin
AG/J/3690

À la Sixième Commission, les délégations en quête d’une approche constructive pour trouver un consensus sur la question des crimes contre l’humanité

La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a terminé ce matin son débat sur la responsabilité pénale des fonctionnaires et des experts en mission des Nations Unies, entamé hier. C’est le représentant d’Haïti, où pas moins d’une dizaine de missions de l’ONU sont intervenues en trois décennies, qui a clos les discussions sur ce point, soulignant les cas d’atteinte aux droits humains commis pendant le mandat de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH).  Pour « restaurer la confiance », le renforcement des mécanismes de lutte contre de telles infractions ne doit pas être « simplement théorique », a ainsi déclaré le délégué, en écho aux appels de nombre de ses collègues contre l’impunité. 

La Sixième Commission a ensuite abordé la question de l’administration de la justice au sein de l’ONU.  Les conflits au travail sont une « réalité quotidienne » et « l’humain » devrait être au cœur des procédures de résolution de ces conflits, a noté le représentant du Mozambique.  Presque tous les délégués ont prôné le recours aux méthodes informelles de résolution des différends sur le lieu de travail, en insistant sur les avantages de la médiation en termes de coût, de rapidité et d’efficacité dans le traitement des dossiers. 

Certaines délégations ont, à l’instar des Pays-Bas, du Mexique ou du Canada, insisté pour que le personnel non permanent puisse avoir accès à la médiation au même titre que les fonctionnaires.  Cette catégorie de personnel est souvent réticente à soulever ses problèmes professionnels en raison de la « précarité » des contrats, a expliqué la Suisse.  Plusieurs délégations ont aussi appelé à poursuivre les efforts dans la lutte contre le racisme ou le harcèlement des femmes. 

Enfin, les délégués ont entamé leur examen des crimes contre l’humanité.  En avril dernier, la Sixième Commission avait repris ses travaux de fond à ce sujet, notamment sur la possibilité d’élaborer une convention universelle sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, suivant la recommandation de la Commission du droit international (CDI) faite en 2019.

Comme l’a rappelé la représentante de la Nouvelle-Zélande, au nom également de l’Australie et du Canada, ces crimes menacent par leur nature même les trois piliers de la Charte des Nations Unies et si certains, comme la Gambie, ont jugé « constructif » le dialogue sur cette question et salué les convergences de points de vue sur plusieurs projets d’articles, d’autres ont rappelé tout le chemin qui restait à faire pour aboutir à une convention. 

La lacune du droit sur cette question est aujourd’hui « indéfendable », a tranché la représentante de l’Union européenne.  Elle a été suivie en ce sens par de nombreuses délégations, dont la Lettonie, au nom des pays baltes, qui ont souligné l’urgence de trouver un consensus pour garantir un cadre juridique clair et internationalement reconnu donnant la priorité à la protection des droits des victimes et leur accès à la justice.  Une nouvelle convention serait la « touche finale » du système international des traités, a renchéri l’Allemagne.  Toutefois, cela n’interviendra pas avant d’avoir clarifié « ce qui peut être consensuel et ce qui peut créer des divisions », a nuancé le Brésil.

La Commission poursuivra ses travaux demain, jeudi 12 octobre, à partir de 10 heures.

RESPONSABILITÉ PÉNALE DES FONCTIONNAIRES ET DES EXPERTS EN MISSION DES NATIONS UNIES (A/78/275, A/78/248)

Suite et fin du débat général

M. AL-HASANI (Iraq) a déclaré que sa délégation soutient les initiatives de l’ONU qui contribuent à préserver sa réputation et a remercié tous ceux qui contribuent à cette mission. 

Mme GLORIA DAKWAK (Nigéria) a rappelé que le personnel onusien déployé sur le terrain doit se comporter de manière professionnelle et plaidé pour la prise de mesures afin que les fonctionnaires et experts en mission puissent répondre de leurs actes.  Les infractions doivent être punies afin que cela ait un effet dissuasif, a dit la déléguée.  Elle a insisté sur l’importance de la bonne formation du personnel.  Les auteurs d’infractions, en particulier d’exploitation et d’atteintes sexuelles, doivent être « renvoyés » auprès de leur État d’origine afin d’être jugés, a conclu la déléguée. 

Mme EDITH NGUNGU (Kenya) a rappelé que les fonctionnaires et experts des Nations Unies en mission sont censés agir selon les normes d’intégrité et de professionnalisme les plus élevées et respecter les lois, la culture et les valeurs des pays d’accueil.  Selon la représentante, le recrutement doit inclure un contrôle et une vérification des antécédents, et la formation jouer un rôle crucial pour l’apprentissage et la compréhension des traditions, valeurs et cultures d’un peuple avant le déploiement.  Elle a par ailleurs souligné que les États Membres devaient demeurer responsables des actes commis sur leur territoire ou par leurs ressortissants, ce qui implique de renforcer les capacités en matière de compétence, d’enquête et de poursuites. La représentante a encouragé à cet égard la coopération, mais aussi le partage de bonnes pratiques entre les États, ainsi que l’assistance technique de l’ONU.  Elle a en outre noté que les États devaient s’efforcer de fournir « le meilleur soutien possible aux victimes » de tout comportement délictueux de la part de fonctionnaires et d’experts en mission de l’ONU.

Mme THI NGOC HA NGUYEN (Viet Nam) a dit sa conviction que le personnel de l’ONU et les Casques bleus doivent agir conformément aux accords avec d’autres pays et soutenu la politique de tolérance zéro du Secrétaire général, notamment pour ce qui a trait à l’exploitation et aux abus sexuels. Les allégations et les informations reçues par des États constituent une étape importante, a-t-elle estimé, mais tous les États doivent prendre des mesures dans leur juridiction pour que les fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies ne soient plus en mesure de commettre des infractions pénales en toute impunité.  La prévention, la formation préalable et la sensibilisation du personnel sont des éléments tout aussi importants, a conclu la déléguée.

M. NICAISE SERVAIS DOUCKAGA NZENGUI (Congo) a indiqué qu’aucune infraction ne doit rester impunie.  Tout auteur doit être sanctionné.  Il a précisé qu’une enquête a été ouverte par son pays contre des militaires congolais déployés sous pavillon onusien.  Tout candidat à une mission doit être formé afin d’éviter les « dérapages », a ajouté le délégué.  Il a demandé que toute poursuite respecte le principe d’un accès équitable à la justice afin d’éviter « les procès d’intention ».

M. CAMARA (Guinée) a jugé nécessaire d’intensifier les efforts pour dispenser des formations préalables au déploiement du personnel onusien. « Mon pays fournit, au niveau africain, une certaine contribution afin de représenter dignement la communauté internationale », s’est-il félicité.  Appelant à lutter contre les dérives, il a dit qu’il ne fallait pas consacrer l’impunité.  Il faut néanmoins éviter les deux poids, deux mesures, a-t-il estimé, en renforçant les lois nationales pour éviter que certains membres du personnel de l’ONU n’entachent l’image de marque de l’Organisation et celle de ceux qui sont à son service, parfois au péril de leur vie. 

M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a fait part du soutien de sa délégation à la lutte contre la discrimination et le harcèlement, y compris le harcèlement sexuel, applicable à l’échelle du Secrétariat.  Il s’est félicité de la nomination, dans plusieurs services, d’un coordinateur ou d’une coordinatrice pour les questions de déontologie et de discipline.  Le délégué a suggéré qu’un « pouvoir plus marqué » soit donné aux organes subsidiaires en matière de mesures disciplinaires, qui ont « l’avantage de la proximité du terrain ».  Ces organes, a-t-il précisé, devraient pouvoir prendre des mesures conservatoires pour soulager le moral des victimes, sachant que les procédures appropriées peuvent pâtir de lourdeurs bureaucratiques.  S’agissant de la question de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes, il a indiqué qu’un environnement professionnel serein dépendait d’une approche alliant la pédagogie mais aussi la répression « quand les faits sont avérés ».  S’agissant des questions de gouvernance, le délégué a indiqué que sa délégation insistait sur le strict respect des privilèges et immunités, qui obligent un renvoi aux autorités nationales, et qu’il était donc de la responsabilité de ces États de légiférer en la matière.  Tous les membres du personnel doivent faire preuve des plus hautes qualités et doivent donc être pleinement informés du cahier des charges, a-t-il conclu, en encourageant les pays contributeurs de troupes à se focaliser sur la formation des fonctionnaires qu’ils envoient aux Nations Unies.

Mme BETELIHEM TAYE (Éthiopie) a rappelé que son pays est l’un des principaux contributeurs de troupes aux missions de maintien de la paix de l’ONU et qu’il occupe un siège à la Commission économique de l’Afrique de l’Est et dans plusieurs autres organisations régionales et agences de l’ONU. De ce fait, a-t-elle souligné, l’Éthiopie assume une double responsabilité en matière de redevabilité des fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies.  L’Éthiopie accueille, elle-même, et dépêche dans d’autres pays un grand nombre de fonctionnaires bénéficiant de privilèges et immunités, a précisé la déléguée, en mettant l’accent sur la stricte adhésion à la politique de tolérance zéro.  Elle a toutefois souligné qu’il est urgent que l’ONU renforce ses mécanismes de prévention et de suivi contre le favoritisme, la mauvaise appropriation des ressources, l’utilisation des fonctions à des fins politiques, la violation flagrante de l’obligation de neutralité et d’impartialité, les déclarations politiques indues, l’usage non éthique des médias conventionnels et sociaux, l’interférence dans les affaires intérieures des États, l’exploitation et les abus sexuels, ainsi que d’autres formes de transgression. 

M. WISNIQUE PANIER (Haïti) a souligné les implications des infractions pénales commises par le personnel onusien pour la réputation et le fonctionnement de l’ONU.  S’il a approuvé la démarche multipartite reconnaissant l’importance de la coopération entre les États Membres et l’ONU, il a également attiré l’attention sur le vide juridique dans les lois nationales.  En Haïti, nous n’avons pas de lois permettant de poursuivre un ressortissant qui commet une infraction en dehors de notre territoire, a-t-il indiqué, affirmant qu’une convention internationale serait pertinente.  Le délégué a ensuite expliqué que son pays a accueilli une dizaine de missions onusiennes au cours des trois dernières décennies, faisant d’Haïti le témoin des avantages et des problèmes de telles missions.  À ce titre, il a donné la priorité à la protection des victimes et des témoins, à leur bien-être et à leurs droits, pour encourager la dénonciation des délits. Les nombreuses allégations et infractions pénales qui figurent à l’Annexe 1 du rapport du Secrétaire général posent des questions sérieuses sur les mécanismes actuels d’investigation et de poursuite, a regretté le délégué, mentionnant les cas graves d’atteinte aux droits humains pendant la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH).  Ces actes sapent la confiance du peuple haïtien envers l’ONU, tout comme l’absence de poursuites et le manque de compensations qui aggravent le sentiment d’injustice, a-t-il déploré.  Il a également regretté l’absence quasi totale d’informations sur les enquêtes et les poursuites, et parfois sur l’abandon des poursuites, qui semble être un problème systémique au sein des missions.  Il est impératif de prendre des mesures plus robustes pour mener des enquêtes complètes, a exhorté le délégué.  Les mécanismes de lutte contre ces crimes et la responsabilité pénale ne doivent pas être simplement théoriques, ils doivent permettre de restaurer et de maintenir la confiance, a-t-il insisté, appelant au renforcement des mécanismes de suivi et de transparence au sein des missions. 

ADMINISTRATION DE LA JUSTICE

M. MARVIN IKONDERE (Ouganda), au nom du Groupe des États d’Afrique, a rappelé que la résolution des conflits dans un contexte informel était cruciale, notamment pour son coût moindre par rapport à un cadre de justice plus formel.  Notant que, pendant la pandémie de COVID-19, les dossiers s’étaient accumulés, il s’est néanmoins félicité du rôle des différents tribunaux et de la diminution du nombre d’affaires encore en suspens.  Le délégué s’est dit préoccupé par le fait que le personnel de terrain était surreprésenté dans ces dossiers, notant que ce type de personnel était « confronté à un stress et des difficultés en raison de son statut contractuel ».  Il s’est dit favorable aux mesures prises par le Secrétaire général en vue de renforcer le Bureau d’aide juridique au personnel, en particulier pour ce type de personnel. 

Mme SIMONA POPAN, de l’Union européenne, a regretté l’écart entre la théorie et la pratique, attirant l’attention sur les retards dans le traitement des dossiers et sur la protection des témoins contre les représailles, et encourageant la révision du socle formel de l’administration de la justice à l’ONU.  Afin d’accélérer ces efforts, a-t-elle poursuivi, il faut augmenter le recours au service informel de médiation pour les différends au travail, saluant le projet pilote mis en place.  La protection des victimes et des témoins doit également être améliorée, a estimé la déléguée, encourageant la mise en place d’un système permettant au Tribunal du contentieux administratif et au Tribunal d’appel de conserver l’anonymat des individus en cas de besoin.  Elle a également salué le nouveau portail sur la jurisprudence permettant une accessibilité et une transparence du système. 

Si l’approche informelle du système interne d’administration de la justice est plus efficace et moins coûteuse que les options formelles, l’accès aux services informels et d’ombudsman reste inégal en fonction de la catégorie à laquelle les membres du personnel appartiennent, a constaté la déléguée. Alors qu’une augmentation des cas provenant du personnel non permanent est notable, le personnel permanent reste la principale catégorie à utiliser les services informels, a-t-elle fait remarquer.  Afin de réduire cette inégalité, elle a appelé à pérenniser le projet pilote.  La déléguée a également salué les campagnes de prévention des conflits visant à instaurer la dignité pour tous et à lutter contre le racisme, et le maintien du multilinguisme qui rend l’administration de la justice plus efficace.  Enfin, elle a rappelé l’importance de l’inclusion des questions de genre afin d’assurer un accès équitable à la justice. 

M. KEVIN TIMOTHY MEAD (Canada), au nom du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, a mis en exergue l’importance d’un système de justice interne transparent, impartial, indépendant et efficace au sein de l’ONU depuis les débuts du système d’administration de la justice en 2009. Il a souligné qu’un tel système, doté de ressources adéquates et ancré dans les principes d’une procédure régulière et de l’accès à la justice, est essentiel pour que l’Organisation soit en mesure d’atteindre ses objectifs, ajoutant que les rapports soumis constituent une ressource précieuse pour les États Membres. 

Saluant la productivité du Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies et du Tribunal d’appel des Nations Unies pour les efforts fructueux qu’ils déploient afin de continuer à réduire l’arriéré des affaires en suspens, le délégué a également reconnu les efforts déployés par les tribunaux pour former de nouveaux juges et renforcer leurs compétences.  Il s’est réjoui d’autre part de l’engagement continu en faveur du multilinguisme et de l’augmentation de la diversité géographique des tribunaux au cours de la période examinée, ainsi que des préparatifs pour le lancement du portail de jurisprudence qui favorisera la cohérence et la transparence dans le travail des tribunaux.  Il a également salué l’identification, par le Bureau des services d’ombudsman et de médiation, des problèmes systémiques qui sous- tendent les conflits sur le lieu de travail.  Enfin, le délégué s’est félicité que l’ONU prenne au sérieux les questions liées à la santé mentale et aux besoins personnels des non-fonctionnaires.

Mme DOROTHY PATTON (États-Unis) a souligné l’amélioration constante de l’ambiance de travail à l’ONU, avant de saluer les activités du Bureau des services d’ombudsman et de médiation.  Elle a dit sa satisfaction devant l’avancement des travaux du Tribunal du contentieux administratif et du Tribunal d’appel des Nations Unies.  La médiation pourrait réduire encore les délais dans le traitement des affaires, a-t-elle estimé.  Enfin, la déléguée a jugé capitale la transparence du système interne d’administration de la justice à l’ONU.

Mme FANNY RATHE (Suisse) a souligné que le principe d’un accès à la justice en toute équité, transparence, efficacité et sans discrimination était fondamental pour son pays.  Elle a insisté sur deux aspects de cette question: le règlement des conflits impliquant des non-fonctionnaires et le recours à la médiation.  Jugeant essentiel d’assurer une protection et des voies de recours utiles à toutes les catégories de personnel de l’ONU sans distinction, elle a salué la réflexion menée pour améliorer l’accès à la justice du personnel non-fonctionnaire en relevant notamment que cette catégorie était souvent réticente à aborder ses problèmes professionnels en raison de la « précarité » de ses contrats et de sa « crainte de représailles ».  La médiation restant trop peu utilisée dans le cadre de la résolution des conflits, la déléguée a ensuite fait part du souhait de la Suisse de promouvoir davantage le recours à la médiation pour toutes les catégories de personnel, y compris les non-fonctionnaires.  En conclusion, elle a espéré que le prochain rapport du Secrétaire général contiendra des réflexions plus concrètes concernant l’accès des non-fonctionnaires à des mécanismes judiciaires équitables et efficaces pour régler des problèmes d’ordre professionnel. 

Mme ANGELIQUE VAN DER MADE (Pays-Bas) a noté que le retour sur le lieu de travail après la pandémie de Covid-19 demande des lieux de travail plaisants pour le personnel de l’ONU.  À cette fin, il est nécessaire de préserver les normes essentielles d’intégrité, a-t-elle rappelé.  Toutefois, si des conflits émergent, il faut éviter l’escalade en utilisant en priorité les services informels et d’ombudsman, a-t-elle estimé.  Saluant la réduction du retard dans le traitement des cas par le Tribunal du contentieux administratif, la déléguée a encouragé à continuer dans cette voie.  Selon elle, les services offerts par l’ONU pour la gestion des conflits en interne permettent aux membres du personnel d’aborder les problèmes de manière sûre.  Toutefois, ces services devraient être utilisés davantage, a-t-elle avancé, recommandant la poursuite du projet pilote pour offrir ces services au personnel non-permanent qui contribue de manière significative au travail de l’ONU.  À cet égard, elle a également souhaité que l’ONU fournisse des informations sur la poursuite des travaux des tribunaux. 

Mme NATALIA JIMÉNEZ ALEGRÍA (Mexique) a relevé le rôle important du système de justice informel et reconnu les efforts tendant à son renforcement, notamment pour élargir les services d’ombudsman et de médiation des Nations Unies. En dépit d’une amélioration dans l’utilisation de ces services de sorte qu’il a été possible de retourner au niveau antérieur à la pandémie de COVID-19, il n’en reste pas moins que la médiation reste sous-utilisée compte tenu de son potentiel pour éviter des litiges évitables.  La déléguée a donc suggéré de poursuivre les programmes de diffusion et de sensibilisation, et insisté pour que le personnel non permanent puisse avoir accès aux services de médiation.  Le projet pilote étant fondamental à ce propos, il gagnerait, selon elle, à être régularisé.  La déléguée a ensuite fait remarquer que les services d’ombudsman et de médiation ont surtout été utilisés par des femmes et que la mise à disponibilité d’un espace sûr constitue une raison de plus pour veiller au renforcement de tels services.

Mme MA YANBO (Chine) a rappelé l’importance de préserver les droits légitimes du personnel de l’ONU, avant de faire quelques suggestions. Elle a, tout d’abord, estimé nécessaire d’accroître l’efficacité des procédures internes.  Ensuite, elle a salué l’existence de règles pour les preuves et la prescription, qui sont essentielles et doivent être maintenues. Par ailleurs, la déléguée a rappelé l’importance de l’approche informelle pour régler les contentieux. Enfin, elle a demandé que l’ONU se penche sur les causes de ces contentieux, dont certains semblent récurrents. En conclusion, elle a salué l’élection, pour la première fois, de juges chinois au sein des tribunaux de l’ONU. 

M. AMANUEL GIORGIO (Érythrée) a déclaré qu’un fonctionnaire international est supposé répondre aux aspirations les plus élevées des populations du monde et qu’un système de justice interne doit donc répondre, en toute équité, aux problèmes qui se posent sur le lieu de travail.  Une approche indépendante, professionnelle et apolitique doit primer au sein de l’ONU, a-t-il fait valoir.  L’assistance juridique joue également un rôle important dans l’orientation du personnel dans le cadre de l’administration de la justice en lui fournissant toutes les informations nécessaires pour soumettre son dossier, le défendre et parvenir à un résultat positif et équitable.  La recommandation 8 du Conseil de justice interne devrait être mieux appliquée, a commenté le délégué, avant d’appuyer la recommandation 7 qui vise à renforcer la justice au sein de tout le système onusien.  Enfin, il a pointé le problème du racisme sur le lieu de travail comme étant très préoccupant pour les États Membres et la nécessité d’y remédier sans délai.

Mme ARIANNA CARRAL CASTELO (Cuba) a salué les avancées enregistrées s’agissant de l’administration de la justice à l’ONU.  Elle a appelé à un équilibre entre le respect des intérêts de l’Organisation et de ceux du personnel.  Le système interne d’administration de la justice doit être efficace, transparent et cohérent avec les normes du droit.  La déléguée a appelé à protéger les droits des membres du personnel, tout en rappelant leurs obligations, ces dernier devant rendre des comptes le cas échéant.  Elle a salué le travail du Bureau de l’aide juridique au personnel, avant de demander que le système d’administration de la justice soit doté des ressources nécessaires.

M. DUNKAN LAKI MUHUMUZA (Ouganda) a indiqué que la résolution efficace des conflits par une approche formelle et informelle est fondamentale pour l’ONU. Il a salué la nomination des juges en novembre 2022 qui permet une meilleure représentation géographique ainsi que le multilinguisme au sein des tribunaux des Nations Unies, incarnant le principe d’équité.  C’est l’individu qui doit être au cœur de cette approche et non pas l’ONU en tant qu’institution, a- t- il voulu, en exhortant d’autre part à la lutte contre le racisme dans le cadre de la Décennie de lutte contre le racisme et la discrimination raciale.  Le délégué a fait observer que dans les tribunaux nationaux ayant des services de médiation, près de 70% des affaires sont résolues en peu de temps.  Le processus de médiation doit rester confidentiel et consensuel, a- t-il demandé.  Il a regretté que la médiation demeure sous utilisée, notant que le système de justice international continue d’accuser du retard à cet égard. 

M. INÁCIO VIRGÍLIO CHICO DOMINGOS (Mozambique) a insisté sur l’importance de l’indépendance, de l’impartialité et de l’efficacité de la justice à l’ONU.  Si les conflits au travail sont une « réalité quotidienne », l’humain et les individus doivent être au cœur des procédures pour résoudre les conflits dans le respect de la dignité de chaque individu, a-t-il plaidé.  Le délégué a reconnu l’efficacité du processus de médiation, une pratique moins coûteuse, selon lui, et utile pour alléger le travail du Tribunal d’appel des Nations Unies.  S’agissant des dossiers en suspens, il s’est dit encouragé par la diminution de leur nombre, mais a insisté sur la nécessaire qualité des arrêts rendus.  Il a salué, à cet égard, le lancement du portail de jurisprudence, qui est très régulièrement consulté, a-t-il noté, en appelant à son renforcement.  L’accès à la justice signifie non seulement d’être entendu par un tribunal, mais aussi de doter toutes les parties des ressources qui leur permettent d’avoir accès à la jurisprudence.  En conclusion, le délégué s’est félicité de l’accent mis par le Secrétaire général sur le multilinguisme, et des efforts relatifs à la résolution des conflits pour le personnel non permanent, à la protection contre les représailles, à la lutte contre le racisme ou le harcèlement des femmes. 

Mme MELINA LITO (Royaume-Uni) s’est dite favorable à la proposition d’imposer des mesures disciplinaires, souhaitant un consensus sur cette question. Sa délégation soutient également la révision des règles de procédure, appelant toutefois à plus de clarté sur la cohésion entre les nouvelles règles et les règles existantes, ainsi que sur le mode d’adoption de ces règles.  Si l’anonymisation des noms est une piste à suivre pour assurer la protection des individus, il faudra néanmoins veiller à maintenir la transparence de la justice, surtout dans les cas d’atteinte et d’exploitation sexuelles, a-t-elle mis en garde. 

M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a estimé qu’il est fondamental que le Bureau des services d’ombudsman et de médiation des Nations Unies soit connu et qu’il ait meilleure presse auprès du personnel et de la direction.  Il a noté avec satisfaction qu’en 2022, le Bureau a ouvert au total 1 560 dossiers, et qu’au cours des deux premiers trimestres de 2023, le Bureau a enregistré une augmentation significative du nombre de demandes de services.  « Cette augmentation du nombre de médiations menées, suggère du point de vue de ma délégation le renforcement des ressources financières et humaines affectées aux bureaux d’ombudsman. »  Le représentant a jugé intéressant d’esquisser des procédures et normes harmonisées pour régir la pratique de la profession d’ombudsman dans les organisations, afin que les disparités ne sèment pas davantage de troubles et ne renforcent la suspicion contre ces bureaux qui sont en fait des soupapes de sûreté des organisations.  « Ma délégation est pour la professionnalisation et la responsabilisation des ombudsmans tout comme elle est favorable à l’évaluation de leur performance. »  Le représentant a ensuite noté avec satisfaction la baisse du nombre de demandes en 2022, par rapport à l’année précédente, notamment au Tribunal du contentieux administratif dont la configuration actuelle a permis d’affecter plus facilement les ressources judiciaires là où elles étaient nécessaires. S’agissant du pouvoir du Secrétaire général dans la prise des mesures disciplinaires, il a appelé au respect strict du cadre réglementaire établi par l’Assemblée générale.  Il a enfin encouragé le Secrétaire général à poursuivre ses efforts inlassables pour endiguer le harcèlement de femmes à l’ONU.

CRIMES CONTRE L'HUMANITÉ

Débat général 

M. AMADOU JAITEH (Gambie), s’exprimant au nom d’un groupe interrégional d’États Membres, a fait remarquer que les crimes de génocide et les crimes de guerre sont encadrés par leurs conventions respectives, alors que les crimes contre l’humanité n’ont pas de statut propre, malgré une reconnaissance de plusieurs décennies.  Les crimes contre l’humanité subissent donc un vide juridique qu’une convention internationale permettrait de combler, a-t-il déclaré.  Selon sa délégation, une telle convention permettrait de renforcer la prévention de ces crimes haineux au niveau national et la coopération entre les États en matière d’entraide judiciaire et d’extradition.  Le délégué a souligné l’expérience « constructive » qu’a constitué le débat de la Sixième Commission sur ce thème en avril dernier, espérant un nouveau débat de ce type en avril 2024.  Nous ne pourrons progresser sur ce problème qu’en adoptant un dialogue structuré et en coopérant, a-t-il averti, réaffirmant la volonté de ce groupe d’États Membres de travailler de manière constructive afin d’aboutir à une décision sur ce point lors de la prochaine Assemblée générale. 

M. MARVIN IKONDERE (Ouganda), au nom du Groupe des États d’Afrique, a souligné la volonté de la communauté internationale de prévenir et de punir les crimes contre l’humanité.  Il a souhaité aboutir à un consensus international sur la réponse à tels crimes. Nous devons agir en tant que communauté internationale dans le respect des spécificités politiques et culturelles et des attentes de toutes les parties, a demandé le délégué.  Il a noté la légitimité des préoccupations de certaines délégations devant le travail de la Commission du droit international (CDI). « Ces préoccupations ne doivent pas être ignorées. »  Le délégué a enfin rappelé les injustices de l’esclavage et ses graves conséquences pour l’Afrique.  Nous demandons que l’esclavage fasse partie de la liste des crimes contre l’humanité, ce qui pour l’instant n’est pas le cas, a-t-il conclu.

Mme SIMONA POPAN, de l’Union européenne, a souligné que les crimes contre l’humanité font partie des crimes les plus graves, reconnus par le Tribunal de Nuremberg et par d’autres tribunaux internationaux parmi lesquels ceux de l’ex- Yougoslavie et du Rwanda.  Il semble clair que la majorité écrasante des délégations ne remet plus en question la nécessité d’une convention sur cette question et qu’il importe de poursuivre la discussion pour comprendre les points divergents, a-t-elle déclaré, disant qu’il lui tarde de reprendre les débats en avril prochain. 

Mme JULIA FIELDING (Suède), au nom des pays nordiques, a vu dans l’absence de convention internationale sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité une « lacune majeure ».  Une telle convention, a-t-elle argué, donnerait un nouvel élan à la prévention des crimes contre l’humanité.  Selon sa délégation, le projet d’articles de la CDI, qui constitue une base solide de négociation, renforcerait les lois nationales et la juridiction pénale et promouvrait la coopération pour les enquêtes, les poursuites et la répression de ces crimes.  Saluant les débats constructifs tenus en avril dernier, la représentante s’est dite satisfaite de la convergence des opinions à plusieurs égards et a espéré parvenir à un consensus autour du projet de convention d’ici à la prochaine session de l’Assemblée générale. 

Mme ZOE RUSSELL (Nouvelle-Zélande), s’exprimant au nom de l’Australie, du Canada et de la Nouvelle-Zélande, a salué le projet d’articles de la CDI et appuyé l’idée d’une convention pour la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Il n’existe actuellement aucune convention universelle pour lutter contre les crimes contre l’humanité et cela reste une « lacune importante » dans le cadre international, a jugé la déléguée.  Elle a donc appelé à combler cette lacune, avant de souligner la certitude qu’apporte un traité.  Elle a appelé à un renforcement des capacités nationales pour prévenir et punir ces crimes. Le projet d’articles est une bonne base pour le développement d’une convention, a tranché la déléguée. « La force de ce projet est qu’il s’enracine dans le droit existant. » Elle a également souhaité qu’un projet de convention intègre la notion d’égalité entre les genres afin de punir les crimes de nature sexuelle.  Enfin, notant l’engagement élevé des délégations autour dudit projet, elle s’est dit confiante en une convergence des points de vue.

Mme ELVIRA CUPIKA-MAVRINA (Lettonie), au nom des pays baltes, a déploré la multiplication des allégations de crimes contre l’humanité et l’absence d’une convention spécifique, contrairement au crime de génocide et aux crimes de guerre. Elle a estimé que cette lacune juridique empêchait les victimes de recevoir la justice qu’elles méritent. Notant que ces actes comprennent la déportation ou le transfert forcé de populations, l’esclavage, la torture ou encore les disparitions forcées, la représentante a souligné qu’ils remettaient en question les principes sur lesquels l’ONU a été fondée.  Jugeant qu’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité fournirait un cadre juridique clair et internationalement reconnu, elle a aussi expliqué qu’elle donnerait la priorité à la protection des droits des victimes et à leur accès à la justice. La représentante a rappelé que l’expulsion et le transfert forcés d’enfants d’Ukraine par la Fédération de Russie, vers les zones occupées par elle et vers le territoire russe, pourraient constituer un crime contre l’humanité.  Elle a conclu qu’une telle convention enverrait un message clair sur l’impunité dans le monde entier. 

M. NATHANIEL KHNG (Singapour) a informé que son pays soumettra des observations, par écrit, à la fin de cette année.  Les discussions montrent que la problématique est complexe, exigeant de travailler avec sérieux pour rapprocher les opinions des différents États Membres, a-t-il commenté, assurant soutenir une approche consensuelle de sorte à garantir une large acceptation.  Le délégué a cité comme exemple le problème des conflits juridictionnels potentiels qui exigent davantage de discussions.  Il a noté que, dans le projet d’article 7 de la CDI sur l’établissement de la compétence nationale, de nombreux États ont émis le désir d’exercer leur juridiction nationale s’agissant d’un crime particulier, ajoutant que l’article ne spécifie pas la façon dont ces conflits juridictionnels pourraient être résolus. 

Mme MERHABA HASLER (Liechtenstein) a rappelé qu’il n’existe actuellement aucune convention universelle pour lutter contre les crimes contre l’humanité. Elle a appuyé l’idée d’une convention sur le sujet et salué les mesures concrètes prises l’an dernier par la CDI à cette fin.  Elle a souhaité la tenue « à court-terme » de discussions au sein d’une conférence axée sur l’élaboration d’une telle convention, permettant aux délégations de faire part de leur avis détaillé.  La déléguée a noté les éléments de langage dans le projet d’articles de la CDI en ce qui concerne la coopération internationale pour combattre l’impunité pour les crimes les plus graves, avant de saluer l’adoption de la Convention de Ljubljana- La Haye sur l’entraide judiciaire.

M. VICTOR SILVEIRA BRAOIOS (Brésil) a souligné qu’il existait une lacune importante à combler dans le droit international s’agissant de la prévention et de la répression des crimes contre l’humanité.  Il a noté que si certains aspects du projet d’articles de la CDI pouvaient être améliorés, ils constituaient néanmoins « un bon point de départ » pour des négociations.  Il a déploré que les discussions sur ce sujet soient restées au point mort pendant plus de trois ans, tout en se félicitant des progrès de la session d’avril qui a permis, selon lui, « de clarifier ce qui peut être consensuel et ce qui peut créer des divisions ».  Sur le projet d’articles lui-même, le délégué a relevé plusieurs points, qu’il s’agisse du préambule et de la possibilité d’une référence à l’interdiction du recours à la force et à la non- intervention dans les affaires intérieures des États, de la définition des crimes contre l’humanité, ou encore de l’ajout de garanties pour empêcher « tout abus du principe d’universalité » ou pour s’assurer que le futur traité n’impose pas d’obligation d’extrader aux États Membres.  En conclusion, il a rappelé que pour les crimes les plus graves, les responsabilités individuelles et étatiques sont souvent complémentaires et qu’il faut en tenir compte pour lutter contre l’impunité.

M. MARK A. SIMONOFF (États-Unis) a rappelé que son pays soutient la poursuite des auteurs des crimes contre l’humanité, une position qui reste inchangée depuis le procès de Nuremberg.  Néanmoins, a-t-il poursuivi, il n’y a toujours pas de convention internationale sur ces crimes plus de 75 ans après le procès de Nuremberg. Pour sa délégation, le projet d’articles de la CDI constitue donc un grand pas en avant.  Le représentant a salué la reprise de session de la Sixième Commission sur ce point, en avril dernier, estimant qu’elle a permis un « échange de vues tonique, sans préjuger des décisions qui reviendraient à la Sixième Commission à l’automne » et se réjouissant de la reprise d’une session en avril prochain.  Les États-Unis continuent d’adopter des mesures nationales pour que ces crimes ne restent pas impunis, a-t-il ensuite affirmé.  Il a évoqué la récente décision de l’Administration Biden ayant trait à l’examen de ces crimes par le Congrès lorsqu’ils relèvent du droit pénal américain.  À ce titre, il a déclaré que les récentes attaques du Hamas doivent être condamnées, les États-Unis réitérant leur soutien à Israël. 

Mme CARLA MARIA RODRÍGUEZ MANCIA (Guatemala) a salué le fait que la question des crimes contre l’humanité est abordée, pour la quatrième fois, par la Commission car il s’agit de faits condamnables et leur interdiction doit devenir un impératif pour la communauté internationale.  Elle a reconnu, dans ce contexte, le caractère complémentaire du travail du système international des droits humains et de celui du droit international en vue de la prévention de tels crimes qui menacent la paix, la sécurité et le bien-être de tous.  En tant qu’État partie au Statut de Rome, le Guatemala a vivement appuyé la Cour pénale internationale (CPI) dont les travaux se trouvent au cœur d’un système de justice internationale jouissant d’un impact global.  S’agissant de la responsabilité de protéger, la représentante a rappelé que le Guatemala fait partie du groupe de pays ayant présenté la résolution adoptée par l’Assemblée générale, le 17 mai 2021, intitulée « La responsabilité de protéger et la prévention du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et de crimes contre l’humanité ».

M. MAXIMILIAN GORKE (Autriche) a souhaité la convocation d’une conférence diplomatique en vue de l’élaboration d’une convention sur la base du projet d’articles de la CDI sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité. Il a invité toutes les délégations à participer de manière constructive aux discussions, comme cela a été le cas lors de la reprise de session au printemps, en vue de progresser vers cet objectif d’une convention.  Il a ajouté que cette conférence pourrait se tenir à Vienne.  Nous devons tout faire pour réduire la possibilité que des crimes contre l’humanité ne soient commis, a conclu le délégué.

M. MICHAEL HASENAU (Allemagne) a déclaré que les crimes contre l’humanité faisaient partie des crimes les plus graves et indiqué que, si le concept était « largement accepté », des lacunes restaient à combler en dehors du cadre de la Cour pénale internationale (CPI), comme la question de la prévention ou de la poursuite de tels crimes, ou encore du principe de complémentarité. Une nouvelle convention serait la « touche finale » du système international des traités, a déclaré le représentant.  Saluant l’esprit constructif des échanges sur ce sujet, il a dit rester convaincu que, grâce à la mise en place d’un comité ad hoc, une convention pourrait voir le jour et limiter le nombre de ces crimes atroces.

Mme GRANDJEAN (Belgique) a réaffirmé que les crimes contre l’humanité ont toujours été une priorité pour son pays, soutenant une convention internationale qui viendrait combler les lacunes existantes en droit international conventionnel.  Elle a salué le format inédit de la reprise de session de la Sixième Commission, en avril 2023, sur ce sujet, qui a permis de reprendre les discussions, soulignant la volonté de la Belgique de poursuivre dans cette voie en avril prochain. En outre, la représentante a jugé important de veiller à la cohérence avec d’autres instruments internationaux existants, comme la Convention de Ljubljana-La Haye, adoptée en mai 2023, pour la coopération internationale en matière d’enquête et de poursuite du crime de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et autres crimes internationaux.  Elle a encouragé les parties prenantes à signer cet instrument, en février 2024, afin qu’il puisse être ratifié et entrer en vigueur dans les plus brefs délais.

Mme MELINDA VITTAY (Hongrie) a fait part de plusieurs points s’agissant des divergences exprimées lors de la reprise de session sur l’existence ou non d’une lacune dans le cadre juridique international sur la question.  Elle a noté que l’interdiction des crimes contre l’humanité a été inscrite par la CDI dans la liste des normes impératives du droit international général, qui doivent être respectées en toutes circonstances, alors même qu’elles n’ont pas encore été codifiées dans un traité spécifique de droit international.  La représentante a en outre souligné que le projet d’articles de la CDI imposait directement aux États l’obligation d’agir dans le cadre de leurs juridictions nationales respectives et contenait aussi une obligation de prévention, essentielle pour protéger les personnes contre ces crimes.  Elle a ensuite indiqué que le caractère coutumier de l’interdiction des crimes contre l’humanité n’était pas acquis, les définitions selon les systèmes juridiques et les États n’étant pas uniformes, rendant une définition juridique au niveau international « souhaitable », selon elle. Pour finir, elle a rappelé à toutes fins utiles l’existence de la Convention de Ljubljana- La Haye, adoptée récemment, qui doit permettre aux pays de coopérer au niveau international dans les enquêtes et les poursuites contre les crimes internationaux les plus graves, y compris le crime d’agression. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le Représentant spécial pour la Colombie juge « de bon augure » le cessez-le-feu entre le Gouvernement et le groupe EMC FARC-EP

9434e séance – après-midi      
CS/15437

Conseil de sécurité: le Représentant spécial pour la Colombie juge « de bon augure » le cessez-le-feu entre le Gouvernement et le groupe EMC FARC-EP

Le Gouvernement du Président colombien Gustavo Petro et le groupe autodénommé « État-major central des Forces armées révolutionnaires de Colombie–Armée populaire » (EMC FARC-EP) ont annoncé, le week-end dernier, que le cessez-le-feu bilatéral entrera en vigueur à partir du 16 octobre, a déclaré cet après-midi devant le Conseil de sécurité le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie en présentant son rapport trimestriel sur la situation dans ce pays. 

M. Carlos Ruiz Massieu a ajouté que les deux parties ont convenu de créer une « table de dialogue de paix » dès l’entrée en vigueur du cessez-le-feu bilatéral, ce qui est, selon lui, « de bon augure » à deux semaines des élections départementales et municipales du 29 octobre prochain.  Ces avancées, a-t-il dit, s’ajoutent à celles enregistrées dans les négociations avec le groupe Armée de libération nationale (ELN), qui ont débouché en août sur un cessez-le-feu de six mois. 

Le Représentant spécial a noté que l’appui du Conseil de sécurité a permis à la Mission de l’ONU de contribuer à ce processus à travers sa participation au Mécanisme de vérification et de suivi de l’Accord final, portant sur les cessez-le-feu, la cessation des hostilités bilatérales et le dépôt des armes.  Il a ajouté que sur les 68 observateurs internationaux affectés à ce mécanisme, 31 viennent d’arriver en Colombie. 

Faisant le point de la situation, sept ans après la signature de l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable, conclu en novembre 2016, et à mi-chemin des 15 années prévues dans le calendrier de mise en œuvre, M. Riuz Massieu a relevé d’autres progrès notables, en particulier l’instauration de la commission nationale sur la participation, chargée de concevoir une méthodologie pour faire participer la société au processus de paix. 

Après avoir reconnu la lenteur initiale de la réforme agraire, mesure phare de l’Accord final après avoir été l’une des causes premières du conflit, le Chef de la Mission de vérification a salué les efforts du Gouvernement pour la mettre en place, via des allocations budgétaires substantielles et une priorisation dans le plan national de développement.  Dans ce cadre, il a applaudi l’intensification du dialogue avec les organisations paysannes et les propriétaires terriens, ainsi que l’établissement du système national de réforme agraire et la désignation de quatre régions prioritaires pour des interventions globales de développement rural. 

Invité par le Conseil, le Ministre des affaires étrangères de la Colombie s’est, pour sa part, employé à clarifier le mandat de la Juridiction spéciale pour la paix, composante judiciaire du système intégral pour la vérité, la justice, la réparation et la non-répétition, établi par l’Accord final.  Affirmant craindre que cette institution modèle « dévie » de sa trajectoire initiale, M. Alvaro Leyva Duran a souhaité que ses tâches soit réexaminées pour améliorer son fonctionnement.

De son côté, le représentant du Président de la Commission de consolidation de la paix (CCP) s’est réjoui de la décision du Secrétaire général permettant à la Colombie d’avoir accès au Fonds de consolidation de la paix pour une période de cinq ans supplémentaires.  M. Hrvoje Ćurić Hrvatinić a d’autre part encouragé le Gouvernement colombien à progresser dans ses programmes en vue de rétablir le bureau présidentiel chargé de la mise en œuvre de l’Accord final.  À l’approche des deuxième élections départementales et municipales à se tenir depuis la signature de l’Accord final, il a aussi mis l’accent sur la garantie de la participation des ex-combattants. 

À ce sujet, M. Riuz Massieu a exigé des mesures urgentes et concrètes de la part des autorités pour la protection des ex-combattants, ainsi que des chefs de file sociaux et des défenseurs des droits de l’homme.  Il s’est toutefois félicité de la récente adoption par la commission nationale sur les garanties de sécurité d’une politique publique relative au démantèlement des groupes armés illégaux et des organisations criminelles, politique résultant de négociations entre le Gouvernement et la société civile. 

Les mesures budgétaires et les ajustements institutionnels et législatifs visant à l’accélération de la réforme rurale intégrale ont été largement soutenus par les membres du Conseil de sécurité.  La Fédération de Russie a cependant appelé à des efforts supplémentaires en matière de substitution des cultures illégales, celles-ci restant l’une des principales sources de revenu des groupes armés illégaux. 

Dans un plaidoyer pour les ressources naturelles et l’environnement, le Directeur général de la Fondation pour la conservation et le développement a ainsi prévenu qu’à la frontière avec l’Équateur, le trafic de drogue gagne en ampleur, tandis qu’à celle avec le Pérou, l’exploitation minière illégale progresse, parallèlement au recrutement de jeunes autochtones et à l’installation de cultures industrielles de coca.  De plus, a poursuivi M. Rodrigo Botero Garcia, dans la zone frontalière avec le Venezuela, divers groupes illégaux à la recherche d’or impactent les territoires protégés de l’Orénoque, la frontière avec le Panama connaissant quant à elle la « plus grande migration d’Amérique latine », sous le contrôle d’éléments armés. 

Autre jalon essentiel aux yeux des membres du Conseil, l’intensification du dialogue entre le Gouvernement colombien et les groupes armés opérant dans le pays a également été saluée.  S’agissant des pourparlers avec le groupe EMC FARC-EP, composé pour l’essentiel de dissidents des Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée du peuple (FARC-EP), le Brésil a émis l’espoir que le Conseil de sécurité autorisera la Mission de l’ONU à vérifier la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu bilatéral une fois que le Gouvernement Petro en aura fait la demande. 

La plupart des délégations se sont alarmées de la persistance de la violence à l’encontre des ex-combattants des FARC-EP, dont pas moins de 400 ont été assassinés depuis la signature de l’Accord final, la France déplorant que les garanties de sécurité́ demeurent aujourd’hui insuffisantes.  Plusieurs pays ont aussi appelé à la mise en œuvre concrète du chapitre ethnique de l’Accord final, d’une importance capitale selon Malte, compte tenu des violences disproportionnées endurées par les communautés ethniques et du recrutement d’enfants par des acteurs armés illégaux.  Pour les membres africains du Conseil (A3), il est impératif que les droits des peuples autochtones soient réaffirmés et respectés, et que des réparations pour les dommages causés soient rapidement accordées. 

LETTRES IDENTIQUES DATÉES DU 19 JANVIER 2016, ADRESSÉES AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LA REPRÉSENTANTE PERMANENTE DE LA COLOMBIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2016/53) S/2023/701

Déclarations

M. CARLOS RUIZ MASSIEU, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, a signalé que cette séance se tient alors que l’on approche de jalons importants du processus de paix, à savoir le septième anniversaire de la signature de l’Accord final et la moitié des 15 années prévues pour sa mise en œuvre effective. Il a relevé que ceux qui ont analysé de manière approfondie le conflit armé en Colombie pointent, comme principales causes, la distribution inégales des terres et l’échec de l’application des réformes rurales pourtant nécessaires, raison pour laquelle les parties à l’Accord final ont mis la réforme rurale intégrale au centre de ce document, au point d’en faire le premier chapitre et le domaine nécessitant le plus d’investissements à long terme.  Il n’a donc pas trouvé étonnant que la lenteur des progrès dans ce domaine, lors des années initiales de mise en œuvre, ait limité les transformations escomptées dans l’Accord final dans les zones rurales marginalisées et affectées par le conflit. 

M. Riuz Massieu a salué l’engagement particulier du Gouvernement du Président Petro en faveur de cette section de l’Accord final, notamment les allocations budgétaires substantielles à la réforme rurale et sa priorisation dans le plan national de développement, l’intensification du dialogue avec les organisations paysannes et les propriétaires terriens, l’établissement du système national de réforme agraire et la désignation de quatre régions prioritaires pour des interventions de développement rural.  Il a noté que cet engagement s’est matérialisé à San Juan de Arama, dans le département de la Meta, où le Gouvernement a acheté des terres pour les livrer à quelque 500 bénéficiaires, parmi lesquels des ex-combattants des Forces armées révolutionnaires de Colombie–Armée populaire (FARC-EP), des paysans et des membres de communautés autochtones qui s’y étaient réinstallés. Le Chef de la Mission de vérification, qui a visité l’ancienne zone territoriale de formation et de réinsertion de Carrizal, dans le département d’Antioquia, il y a quelques semaines, a pu observer qu’une cinquantaine d’ex-combattants des FARC-EP et leurs familles y vivent aux côtés de la communauté locale. 

S’agissant de la réinsertion, M. Riuz Massieu a réitéré son appel aux autorités pour qu’elle se fasse dans des conditions de vie digne et de sûreté pour les communautés.  Il a ensuite condamné, dans les termes les plus fermes, le meurtre de deux ex-combattants depuis le dernier rapport du Secrétaire général, ce qui porte à 400 le nombre des ex-combattants des FARC-EP assassinés depuis la signature de l’Accord final en 2016.  « C’est tout bonnement inacceptable », a-t-il martelé, exigeant des mesures urgentes et concrètes de la part des autorités pour leur protection et celle des chefs de file sociaux et des défenseurs des droits humains.  Il s’est réjoui à cet égard de la récente adoption par la Commission nationale sur les garanties de sécurité d’une politique publique, longuement attendue, sur le démantèlement des groupes armés illégaux et des organisations criminelles. 

Le Représentant spécial a d’autre part évoqué les progrès enregistrés dans les négociations entre le Gouvernement et l’Armée de libération nationale (ELN), et plus particulièrement le cessez-le-feu qui a réduit l’intensité du conflit entre les parties.  Les multiples expressions de violence qui persistent dans plusieurs régions de la Colombie ne doivent en aucun cas perturber sa mise en œuvre, a-t-il plaidé en renvoyant aux initiatives de dialogue avec les acteurs armés.  Cet effort est selon lui indispensable pour désactiver les menaces et inverser leur impact sur les communautés en favorisant l’exécution des engagements de l’Accord final encore en suspens.  Selon le Chef de la Mission de vérification, cela est particulièrement crucial pour les territoires autochtones et afro-colombiens des régions comme le Pacifique, où les actions des groupes armés et la mise en œuvre limitée du chapitre ethnique de l’Accord final maintiennent les communautés à des niveaux de violence et de manque d’opportunités « intolérables ».   

Dans ce contexte, M. Riuz Massieu a souligné l’importance de l’appui du Conseil de sécurité, qui a permis à la Mission de contribuer à ce processus à travers sa participation au Mécanisme de vérification et de suivi, auquel ont été affectés 68 observateurs internationaux, dont 31 viennent d’arriver sur place.  Il s’est enfin félicité que le Gouvernement et le groupe armé se faisant appeler « État-major central des Forces armées révolutionnaires de Colombie–Armée populaire (EMC FARC-EP) » aient annoncé le week-end dernier un cessez-le-feu bilatéral à partir du 16 octobre et aient immédiatement entamé des dialogues de paix, ce qui est « de bon augure à deux semaines des élections ». 

M. HRVOJE ĆURIĆ HRVATINIĆ, s’exprimant au nom du Président de la Commission de la consolidation de la paix (CCP), a salué les mesures concrètes prises par le Gouvernement du Président Petro au cours de sa première année de mandat en matière de consolidation de la paix.  Il a également encouragé toutes les parties concernées à redoubler d’efforts pour accélérer la pleine mise en œuvre de l’Accord final de 2016. Tout en se félicitant des progrès enregistrés pour l’instant, il a reconnu que d’importants défis subsistent alors que la Colombie s’approche du septième anniversaire de l’Accord final, invitant le Conseil de sécurité à soutenir le Gouvernement pour que les « dividendes de la paix » bénéficient à tous, notamment par le biais de la réforme rurale intégrale, nécessaire pour renforcer la présence de l’État.  Il importe également d’offrir des opportunités de développement et des services publics dans les zones touchées par le conflit et les régions marginalisées, a ajouté M. Hrvatinić, y voyant un moyen de s’attaquer aux causes sous-jacentes du conflit.

Il a d’autre part appelé à un soutien international continu pour la mise en œuvre complète de l’Accord final et des autres initiatives de paix endossées par le Gouvernement.  À cet égard, il a applaudi le soutien fourni par la Mission de vérification et l’équipe de pays, ainsi que la décision du Secrétaire général permettant à la Colombie d’avoir accès au Fonds de consolidation de la paix pour une période de cinq ans supplémentaires.  Dans ce contexte, il a encouragé le Gouvernement colombien à progresser dans ses programmes en vue de rétablir le bureau présidentiel chargé de la mise en œuvre de l’Accord final.

M. Hrvatinić s’est par ailleurs félicité des efforts déployés par le Gouvernement pour rechercher une paix plus large par le dialogue dans le cadre de la politique de paix totale, en particulier les négociations de paix avec l’Armée de libération nationale (ELN).  À ce sujet, il a salué la décision du Conseil de sécurité de fournir un mandat de vérification du cessez-le-feu entre les deux parties, avant de réitérer son appel à tous les groupes armés pour qu’ils mettent fin à la violence contre les civils, s’engagent de bonne foi dans des initiatives de paix et recherchent la désescalade.  Sur ce point, il s’est dit vivement préoccupé par la violence continue à laquelle sont confrontés les ex-combattants et les dirigeants sociaux ainsi que les populations autochtones et afro-colombiennes.  Il a enfin souligné l’importance de la tenue en toute sécurité des élections régionales et locales prévues le 29 octobre, insistant sur la garantie de la participation des ex-combattants à ce scrutin, conformément à la législation nationale. 

M. RODRIGO BOTERO GARCÍA, Directeur général de la Fondation pour la conservation et le développement durable, a souhaité attitrer l’attention des membres du Conseil de sécurité sur trois sujets: la nature du conflit armé en Colombie et son impact environnemental; l’opportunité d’une politique de paix centrée sur l’environnement; et l’action internationale nécessaire pour empêcher l’expansion du conflit.  Il a rappelé que l’échec de la mise en œuvre de l’Accord final de 2016, et en particulier l’absence de restauration de l’autorité de l’État dans les territoires auparavant contrôlés par les Forces armées révolutionnaires de Colombie–Armée populaire (FARC-EP), a abouti à la récente occupation des territoires par différents groupes armés.  Cette multiplication des groupes est également liée à l’existence de ressources que l’on trouve généralement dans les zones communautaires locales ou dans les zones de conservation.  De fait, depuis la signature de l’Accord final, près d’un million d’hectares ont été déboisés dans l’une des zones les plus riches en biodiversité de la planète, environ un quart de la taille des Pays-Bas, a-t-il précisé. 

D’après l’intervenant, la dégradation de l’environnement est également associée à des activités dites « légales », qui dans certains domaines, sont en synergie avec ces formes de cooptation territoriale et témoignent de nouvelles alliances de groupes armés, d’hommes politiques régionaux, d’investisseurs privés et de marchés internationaux.  Le chevauchement des activités agricoles, pétrolières ou minières à grande échelle, avec des zones d’économie illégales n’est pas une coïncidence et nous permet de voir la complexité du conflit, a-t-il poursuivi, ajoutant que ce qui a été documenté au Brésil et en Bolivie par le groupe scientifique pour l’Amazonie montre des tendances régionales.  Ce qui précède laisse entrevoir un scénario très difficile pour les défenseurs de l’environnement, a témoigné M. Botero García.  La Colombie présente l’un des taux les plus élevés de décès de défenseurs de l’environnement et de menaces à leur encontre, malgré les efforts du Gouvernement pour faire avancer la ratification et la mise en œuvre de l’Accord d’Escazú.

M. Botero Garica a par ailleurs souligné l’approche de la politique de paix du Gouvernement colombien qui place la question environnementale au centre des discussions.  Pour la première fois dans l’histoire des pourparlers de paix avec l’Armée de libération nationale (ELN), a-t-il relevé, l’environnement a été intégré comme un droit collectif.  L’environnement est considéré comme une victime, mais aussi comme un élément de transformation pour un avenir durable.  Il est admis que l’État, le secteur privé et les groupes armés ont généré des impacts environnementaux qui doivent être reconnus et réparés.  C’est quelque chose d’inédit dans le monde, s’est réjoui M. Botero García.  Il a espéré voir d’autres groupes armés illégaux -comme l’EMC FARC-EP- directement associés aux activités de déforestation en Amazonie, rejoindre cette démarche. 

Pourtant, « des signaux d’alarme apparaissent aux frontières de la Colombie », a averti l’intervenant.  À la frontière avec l’Équateur, le trafic de drogue s’établit avec une violence inhabituelle.  À la frontière avec le Pérou, l’exploitation minière illégale progresse, parallèlement au recrutement de jeunes autochtones et à l’installation de cultures industrielles de coca.  À la frontière avec le Venezuela, divers groupes illégaux à la recherche d’or impactent les territoires protégés de l’Orénoque.  À la frontière avec le Panama se produit la plus grande migration de l’Amérique, contrôlée par des groupes armés.  Autrement dit, la paix en Colombie affecte le continent et le monde, a-t-il résumé, avant de lancer un appel au Conseil pour qu’il poursuive sa contribution pour inverser les effets des changements climatiques et la perte de la biodiversité, dans le cadre d’un processus de consolidation de la paix à long terme. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a salué les récents progrès en matière de réforme rurale et de restitution des terres aux communautés autochtones en Colombie, insistant sur la mise en œuvre intégrale de l’Accord final de 2016.  La représentante a dit soutenir l’appel du Secrétaire général en faveur de la création d’un bureau dédié au sein de la présidence colombienne, afin d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord final. Elle a par ailleurs fermement condamné les violences commises contre les signataires de l’Accord final, les anciens-combattants des FARC-EP, les défenseurs des droits humains, les femmes dirigeantes et les membres des communautés autochtones et afro-colombiennes. 

La Mission de vérification des Nations Unies en Colombie a vérifié 393 meurtres d’anciens combattants des FARC depuis la signature de l’Accord final, dont 18 depuis la dernière réunion du Conseil de sécurité, a déploré la représentante, avant de saluer l’adoption par le Gouvernement colombien d’une politique publique visant à démanteler les groupes criminels organisés. De même, elle s’est félicitée de l’approche participative adoptée par le Gouvernement colombien, soulignant à cet égard l’importance d’une prise en compte de l’expérience de toutes les femmes, ainsi que des groupes ethniques et LGBTQ+.  Avant de conclure, elle a encouragé la poursuite du dialogue et du cessez-le-feu entre le Gouvernement colombien et l’Armée de libération nationale (ELN), qui constituent à ses yeux des étapes cruciales vers la paix en Colombie. Elle a dit attendre de l’ELN qu’elle aborde ses engagements de bonne foi et qu’elle respecte le droit international. 

Au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), M. PEDRO COMISSARÍO AFONSO (Mozambique) s’est félicité des progrès continus réalisés dans les négociations entre le Gouvernement colombien et l’Armée de libération nationale, avec la tenue du quatrième cycle de négociations de paix au Venezuela.  Il a par ailleurs noté avec une grande satisfaction le dialogue en cours avec l’EMC FARC-EP, essentiel pour favoriser la compréhension, la confiance et, à terme, une paix durable en Colombie.  Les A3, a-t-il dit, considèrent la question foncière comme un élément crucial du processus de paix du pays, saluant donc les efforts continus du Gouvernement pour promouvoir les réformes institutionnelles et l’allocation des fonds nécessaires à une réforme rurale globale.  Aussi ont-ils encouragé le Gouvernement à intensifier ses efforts en matière d’attribution de terres et à associer cette action à des appuis techniques et financiers, afin de promouvoir l’autonomie des bénéficiaires. 

Les A3 ont cependant regretté le manque de progrès substantiels dans la mise en œuvre du chapitre ethnique de l’Accord final, jugeant inquiétant de constater que la plupart des efforts visant à faire progresser les dispositions en la matière en soient encore à la phase de planification, y compris les consultations avec les Afro-Colombiens et les Afro-autochtones.  Ils sont également préoccupés, a poursuivi le délégué, par le manque d’informations claires et à jour sur l’état de la mise en œuvre du chapitre ethnique par les entités responsables, ainsi que par le manque d’exécution des projets spécifiquement conçus par le programme de développement territorial au profit des communautés ethniques.  À la lumière de ces considérations, les A3 sont d’avis que le Gouvernement devrait redoubler d’efforts pour accélérer la mise en œuvre de cet élément essentiel de l’Accord final.  « Il est impératif que les droits des peuples autochtones, qui ont enduré les conséquences du conflit, soient réaffirmés et respectés, et que réparations et justice pour les dommages causés soient rapidement accordées.  Il est crucial de s’attaquer à ces problèmes pour permettre aux communautés marginalisées de bénéficier efficacement des avantages escomptés », a insisté le représentant.

M. GENG SHUANG (Chine) a espéré voir toutes les parties colombiennes travailler à l’édification d’une paix pérenne.  Il a salué les efforts du Gouvernement colombien pour entretenir le dialogue avec les groupes armés, résoudre les causes profondes du conflit, intégrer les anciens combattants et lutter contre les cultures illégales via des cultures de substitution.  Selon le représentant, le processus de paix en Colombie est un exemple de résolution des conflits et des différends par le biais de dialogue et de la coopération. Il a espéré que les parties progresseront encore lors du cinquième cycle de négociations de paix prévu en novembre au Mexique, et qu’elles parviendront notamment à s’entendre sur les arrangements relatifs au cessez-le-feu.  S’agissant du renouvellement du mandat de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, sur lequel le Conseil doit se prononcer ce mois-ci, le représentant a déclaré qu’il faudra sans doute réfléchir à un élargissement du mandat, lorsque les conditions le permettront. 

Mme SHINO MITSUKO (Japon) a déclaré que les prochaines élections départementales et municipales seront l’occasion pour la Colombie de valider les réalisations émanant de son engagement envers la paix.  Elle a souligné que ces élections doivent se dérouler dans un environnement libre de violence, insistant sur l’importance du leadership du Gouvernement et la coopération de la population.  La représentante a ensuite indiqué que les accords de cessez-le-feu doivent être appuyés par des actions concrètes, déplorant que plusieurs accords aient été brisés dans le passé.  Une approche fondée sur les institutions est un moyen de garantir la pérennité des accords de cessez-le-feu, et le « Comité national de participation » pourrait faire partie d’un tel mécanisme, a-t-elle estimé.  Des mesures et des cadres assurant la protection des femmes et des jeunes et qui appuient leur participation active aux efforts de consolidation de la paix sont également essentiels.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a reconnu les actions déployées par la Colombie pour parvenir à une paix durable, même si les efforts pour clore ce chapitre douloureux de son histoire n’ont pas encore porté leurs fruits.  À cet égard, il a salué les progrès remarquables et les évolutions positives obtenues dans la mise en œuvre de l’Accord final, encourageant le Gouvernement à maintenir le cap et appelant tous les acteurs à redoubler d’efforts à cette fin.  Le représentant s’est dit conscient des obstacles auxquels est confronté ce processus, notamment dans le domaine de l’état de droit.  Il a salué les progrès réalisés dans les négociations avec l’Armée de libération nationale (ELN) qui prouvent à ses yeux la volonté des deux parties à mettre fin à des décennies de conflit.  Le représentant s’est cependant dit préoccupé par la persistance de la violence à l’encontre des ex-combattants des Forces armées révolutionnaires de Colombie–Armée populaire (FARC-EP), des défenseurs de l’environnement et des représentants de la société civile. 

M. ROBERT WOOD (États-Unis) a rappelé que son pays est un des partenaires les plus importants de la Colombie et appuie l’Accord final qui, a-t-il dit, permettra de renforcer la stabilité et de lutter contre le trafic de drogue, tout en contribuant à la pacification de toutes les régions colombiennes.  Les États-Unis sont fermement engagés en faveur d’une paix durable pour les populations autochtones et restent déterminés à appuyer la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, a-t-il ajouté, avant d’exhorter les groupes armés à se joindre au processus.  Le représentant a expliqué que son pays reste en contact avec le Représentant spécial pour soutenir l’accord de cessez-le-feu entre le Gouvernement et l’ELN, mais a exprimé son inquiétude quant au fait que 40% des membres de ce groupe refusent de déposer les armes. 

Par ailleurs, s’agissant de l’élargissement du cessez-le-feu entre le Gouvernement et le groupe État-major central des Forces armées révolutionnaires de Colombie–Armée populaire (EMC FARC-EP) pour une période de dix mois, il a souhaité avoir davantage d’informations à ce sujet car, a-t-il relevé, il existe encore des organisations considérées comme terroristes en vertu de la législation américaine.  « Nous devons apprendre des erreurs commises par le passé », a-t-il fait valoir.  Plusieurs garants internationaux se sont engagés à soutenir le processus avec l’ELN, « mais nous n’avons pas atteint le même niveau de maturité » pour ce qui est des négociations avec l’EMC FARC-EP, a ajouté le représentant. 

Mme MYAN MEDHAT ANWAR TANTAWY (Émirats arabes unis) a estimé qu’il faut maintenir l’élan pris pour mettre pleinement en œuvre l’Accord final. C’est fondamental, à mi-parcours du processus, a-t-elle insisté, qualifiant de primordiale la bonne prise en compte de la question des ex-combattants.  Alors qu’ils ont honoré leurs engagements et pris le chemin de la paix, ces hommes et ces femmes continuent de subir des violences, a déploré la représentante, selon laquelle la préservation d’un contexte propice à la réconciliation est en jeu.  Elle a aussi estimé que le bon fonctionnement du système intégré pour la vérité, la justice, la réparation et les garanties de non-répétition sont des conditions essentielles pour le rétablissement de la confiance et de la justice en Colombie. La déléguée s’est félicitée à cet égard du travail effectué par la juridiction spéciale pour la paix, qui a placé les victimes au centre de son activité.  Enfin, défendre le cessez-le-feu est une autre priorité que le Gouvernement doit défendre, a-t-elle plaidé, jugeant que la mise en œuvre de l’accord signé avec l’Armée de libération nationale (ELN) ouvrira une nouvelle ère de confiance en Colombie. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a salué les avancées encourageantes dans la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) qui est un instrument fondamental pour favoriser la participation active des femmes aux processus de consolidation et de construction de la paix.  De même, il s’est félicité du travail accompli par la Commission Vérité, coexistence et non-répétition.  Évoquant l’état d’avancement des affaires dont la Juridiction spéciale pour la paix est saisie, le représentant a estimé que l’ouverture de l’affaire no 11, concernant la violence sexuelle et fondée sur le genre, est un autre élément qui milite en faveur de ces avancées.  Alors que la Juridiction s’apprête à prononcer les premières peines restauratives, le représentant a pressé le Gouvernement colombien de créer les conditions appropriées pour qu’elles soient exécutées et bénéficient du soutien de la société colombienne.  Pour finir, il a appelé tous les groupes armés à mettre fin à la violence contre les civils, à participer de bonne foi aux initiatives de paix et à montrer leur volonté de travailler pour la paix.

Mme CLARISSE PAOLINI (France) a salué l’annonce d’un cessez- le-feu et de pourparlers de paix entre le Gouvernement colombien et le groupe EMC-FARC-EP à compter du 16 octobre, émettant l’espoir que cette annonce se traduira par un cessez-le-feu durable et un accord de paix.  Elle a également salué la poursuite des négociations entre le Gouvernement et l’Armée de libération nationale (ELN) depuis le cessez-le-feu annoncé le 3 août, avec l’appui de la Mission des Nations Unies en Colombie. Ces développements sont encourageants, et doivent permettre aux communautés touchées de pouvoir enfin vivre en paix, avec de meilleures perspectives de développement socioéconomique.

La représentante a toutefois déploré que les garanties de sécurité demeurent aujourd’hui insuffisantes pour les anciens combattants, les défenseurs des droits de l’homme et les représentants de la société civile, face aux violences dont ils sont les cibles ainsi que pour les enfants et adolescents qui continuent à être recrutés par les groupes armés illégaux.  Elle a appelé à la tenue dans les meilleures conditions des élections locales prévues à la fin du mois, jugeant essentiel de prévenir tout risque de violences et de de garantir la sécurité des candidats et des électeurs, sur l’ensemble du territoire colombien.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a rappelé que depuis de nombreuses années, l’Accord final, bien que validé par le Conseil de sécurité, a connu des écueils dans son application, notamment par les anciennes autorités colombiennes.  Il s’est toutefois réjoui que les deux parties à l’Accord final maintiennent leur volonté de le mettre en œuvre.  Mais, a-t-il poursuivi, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour la protection des anciens combattants et des activistes, et pour la substitution des cultures illégales.  « Sans garanties de sécurité pour les ex- combattants, il ne sera pas possible de parler de paix », a prévenu le représentant, ajoutant que ces derniers doivent pouvoir participer aux élections.  Aucune mesure ne doit venir entraver la mise en œuvre de cet accord, a-t-il encore dit. 

Le représentant a cependant estimé que la mise en application de l’Accord final doit s’adapter selon l’évolution de la situation.  Une question se pose quant à l’avenir des juridictions spéciales crées lors de la période de transition, a-t-il indiqué.  S’agissant du cessez-le-feu, il a espéré que tous les accords signés permettront une vraie trêve.  S’il a dit suivre de près le processus de négociation avec le groupe EMC FARC-EP, il s’est encore inquiété de la persistance des actes de violence perpétrés par ce groupe armé illégal.  Assurant que sa délégation continuera d’appuyer les efforts déployés pour la paix en Colombie, le représentant a annoncé qu’il appuiera, ce mois-ci, la prolongation du mandat de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie. 

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) s’est félicitée de la mise en œuvre, depuis le mois d’août, d’un cessez-le-feu de six mois entre le Gouvernement et l’ELN.  Elle a toutefois regretté que la persistance de la violence entrave la réalisation du plein potentiel de l’Accord final, se préoccupant notamment du meurtre et des menaces à l’encontre des candidats aux élections, des anciens combattants, des défenseurs des droits humains et des dirigeants autochtones ou afro-colombiens. Elle a exhorté le Gouvernement à redoubler d’efforts pour assurer une présence efficace de l’État dans les zones les plus touchées par le conflit, et créer des conditions propices aux retours et à la réintégration.  Une attention et des ressources soutenues doivent également être accordées à la recherche des personnes portées disparues.  La représentante a ensuite souligné que la mise en œuvre du chapitre ethnique de l’Accord final est d’une importance capitale, faisant part de sa profonde inquiétude au sujet des violences disproportionnées endurées par les communautés ethniques et du recrutement d’enfants par des acteurs armés illégaux.  La priorité doit également être donnée à la dimension du genre de l’Accord final, la participation pleine et équitable des femmes étant essentielles à sa mise en œuvre.

Mme ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a noté que l’annonce de la suspension de toutes les opérations offensives entre le Gouvernement colombien et le groupe autoproclamé État-major central des Forces armées révolutionnaires de Colombie–Armée populaire (EMC FARC-EP) constitue un premier pas vers l’ouverture de négociations de paix officielles et la signature d’un accord de cessez-le-feu bilatéral.  Elle a demandé au Gouvernement colombien d’assurer la sécurité et la protection des anciens combattants et des anciennes combattantes, appelant en outre à lutter contre l’impunité et à apporter une plus grande attention à la mise en œuvre des garanties de non-répétition.  Dans la perspective des prochaines élections, elle a également engagé les autorités colombiennes à renforcer les mesures de prévention et de sécurité afin d’atténuer l’impact de cette violence. 

Par ailleurs, le rôle des femmes à la construction de la paix par leurs connaissances, leur expérience et leur leadership offre un potentiel qu’il convient de renforcer, a poursuivi la représentante qui a félicité le Gouvernement colombien pour l’élaboration de son premier plan d’action national sur les femmes et la paix et la sécurité.  Le large processus participatif organisé aux niveaux national, régional et thématique, et avec le soutien de la communauté internationale, permettra d’établir une norme exemplaire pour sa mise en œuvre future, a-t-elle prédit avant de lancer, en espagnol, « sin las mujeres no hay paz ».

M. SERGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a salué le fait que la Colombie continue de démontrer son attachement à la pleine mise en œuvre de l’Accord final ainsi qu’à la consolidation de la paix sur son territoire.  Il s’est notamment réjoui que le dialogue avec d’autres groupes armés se poursuive dans le cadre de la stratégie de paix totale du Gouvernement du Président Petro.  S’agissant de l’Accord final lui-même, le représentant a rappelé qu’il est à mi-parcours de sa mise en œuvre formelle, ayant été signé voilà près de sept ans et établi sur un calendrier de 15 ans.  Dans ce cadre, des réformes profondes sont nécessaires, a-t-il ajouté, notant que des progrès significatifs ont déjà été réalisés, en particulier l’allocation budgétaire et les ajustements juridiques et institutionnels visant à accélérer la mise en œuvre d’une réforme rurale globale.  Une avancée, selon lui, essentielle pour que l’État puisse étendre sa présence dans toutes les régions du pays, notamment dans les zones touchées par le conflit. 

Le délégué s’est ensuite félicité des progrès enregistrés dans le dialogue entre le Gouvernement colombien et l’Armée de libération nationale (ELN). En tant que garant, le Brésil peut attester de la volonté des deux parties de mettre fin à des décennies de conflit, a-t-il dit, avant de saluer le bon fonctionnement du comité national de participation et la validité du cessez-le-feu bilatéral, national et temporaire, contrôlé par le Mécanisme de surveillance et de vérification.  Le représentant a également salué les efforts du Représentant spécial et de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie dans la mise en place des organes nationaux, régionaux et locaux du mécanisme.  Il a, par ailleurs, souhaité que le Conseil de sécurité autorisera la Mission à vérifier la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu avec le groupe armé EMC FARC-EP dès que le Gouvernement colombien le lui demandera.  Enfin, alors que la violence des groupes armés illégaux et des organisations criminelles continue d’affecter la vie des civils et des anciens combattants, il a réaffirmé l’appui du Brésil à la société et au Gouvernement colombiens dans leur détermination politique à surmonter les défis pour parvenir à la paix. 

M. ALVARO LEYVA DURAN, Ministre des affaires étrangères de la Colombie, a déclaré que la paix est « quelque chose qui se construit tous les jours » et qui suppose des efforts permanents de la part des artisans de la paix.  Après avoir rendu hommage à l’un d’eux, le sculpteur colombien Fernando Botero, décédé il y a peu, le Ministre est revenu sur la décision prise en 2016 par son pays de soumettre l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable au Conseil de sécurité, expliquant que cela avait été fait dans un souci d’inviolabilité de ce qui avait été convenu. Sept ans plus tard, il s’est inquiété que l’institution modèle qu’est la Juridiction spéciale pour la paix soit aujourd’hui en train de « dévier » de son mandat. Selon lui, il conviendrait de réexaminer ses tâches pour améliorer son fonctionnement.  S’attardant sur les compétences précises de cette juridiction, il a précisé que le régime de conditionnalité ne concerne que la remise d’armes et non les paramilitaires. 

S’agissant de la réintégration de membres de groupes armés illégaux, le Ministre a renvoyé à l’accord de Santa Fe de Ralito de 2003, par lequel les chefs paramilitaires s’étaient engagés à un désarmement par étape jusqu’en décembre 2005.  Il a ajouté que la compétence personnelle de la Juridiction spéciale pour la paix s’applique à ces ex-combattants.  M. Leyva Duran a défini par ailleurs les agents de l’État comme « toute personne qui, lors de la commission de faits, faisait partie d’un organisme ou d’un corps étatique ».  Il a conclu que la Juridiction spéciale, partie intégrante du système intégral de vérité, justice, réparation et non-répétition, est une juridiction exceptionnelle et qu’en conséquence, son action ne saurait être restreinte par des tribunaux locaux. 

De l’avis du Ministre, il est clair que l’ensemble de l’Accord final de 2016 constitue un mandat impératif pour la juridiction spéciale. M. Leyva Duran a annoncé à cet égard que, prochainement, le Président Gustavo Petro confirmera le mandat de ladite Juridiction spéciale, ce que nul ne pourra remettre en question. Son travail, a-t-il ajouté, devra être coordonné avec toutes les autres institutions étatiques. 

Le pari ambitieux en faveur de la « paix totale », avec les difficultés qui en découlent en matière de conception d’un cadre institutionnel à cet effet, est parfois difficile à comprendre, mais « une paix totale est possible », a affirmé le Chef de la diplomatie colombienne, ajoutant que son pays, de par son expérience, se veut une « puissance mondiale de la vie ». 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Première Commission achève son débat général avec un accent sur la dimension humanitaire du désarmement

Soixante-dix-huitième session,
9e séance plénière - après-midi
​AG/DSI/3716

La Première Commission achève son débat général avec un accent sur la dimension humanitaire du désarmement

La Première Commission (désarmement et sécurité internationale) a achevé aujourd’hui son débat général après avoir entendu, au fil de huit séances, 149 États, groupes régionaux et observateurs, ainsi que la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, Mme Izumi Nakamitsu, et le Président de l’Assemblée générale, M. Dennis Francis.  Avec l’intervention du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), un fort accent a été mis aujourd’hui sur les aspects humanitaires et juridiques du désarmement et plus encore des nouveaux armements.   

« Il est douteux que les armes nucléaires puissent jamais être utilisées en conformité avec le droit international humanitaire », a ainsi estimé le délégué du CICR en soulignant les conséquences humaines nécessairement catastrophiques qui découleraient de leur emploi.  Une position partagée par l’observateur de l’État de Palestine, selon qui la possession comme l’utilisation des armes nucléaires contreviennent à une pleine adhésion à la Charte des Nations Unies et aux dispositions du droit international humanitaire.   

C’est également dans une perspective humanitaire que le délégué du CICR a dénoncé les risques liés aux systèmes d’armes létaux autonomes (SALA).  « Le ciblage autonome des humains par des machines est une ligne morale que nous ne devons pas franchir », a-t-il déclaré.  À cet égard, il a rappelé l’appel conjoint lancé le 5 octobre par le CICR et le Secrétaire général de l’ONU, qui souligne la nécessité d’adopter au plus vite des règles pour préserver le contrôle humain sur l’usage de la force et les effets des armes.  L’initiative a été saluée par l’observateur de l’État de Palestine.   

Les autres interventions du jour ont été dans la tonalité générale des séances précédentes, marquées par l’inquiétude croissante face au retour de la menace nucléaire, la prolifération d’armes classiques -et notamment des armes légères et de petit calibre (ALPC) parfois présentées comme les véritables armes de destruction massive dans les pays en conflits ou ceux où la société connaît de grandes violences-, et les craintes face à la militarisation du cyberespace et de l’espace extra-atmosphérique ou encore le recours à de nouvelles technologies, y compris l’intelligence artificielle.  Les tensions géopolitiques croissantes se sont aussi reflétées dans les plusieurs dizaines de droits de réponse qui ont émaillé le débat.   

Face aux crises humanitaires actuelles, le Paraguay s’est interrogé sur l’augmentation des budgets militaires globaux, la jugeant inacceptable.  Une position partagée par le Koweït et le Gabon, pour lesquels il y a urgence à réduire les dépenses militaires afin d’octroyer les ressources nécessaires face aux défis climatiques, sanitaires et humanitaires.  Le représentant du Paraguay a également mis en garde contre les répercussions humanitaires des cyberattaques, tout particulièrement quand elles visent des infrastructures vitales.   

Le rôle des zones exemptes d’armes nucléaires (ZEAN) dans l’architecture de désarmement nucléaire a été une fois de plus souligné.  Plusieurs pays africains ont affirmé leur fierté d’avoir adhéré au Traité de Pelindaba, qui a fait du continent une telle zone.  Estimant que l’Afrique avait montré le bon exemple au reste du monde, le Gabon a encouragé les autres régions à suivre la même direction.  Le Kirghizistan a rappelé son rôle dans l’établissement d’une ZEAN en Asie centrale; le délégué de l’Organisme pour l’interdiction des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes (OPANAL) a rappelé le rôle de l’organisation dans la mise en œuvre du Traité de Tlatelolco et la représentante de Cabo Verde a rappelé qu’en avril 2023, son pays avait pris la présidence de la zone de paix et de coopération de l’Atlantique Sud (ZPCAS), établie en 1986 par l’Assemblée générale et composée de 24 pays.   

Les ZEAN ont également fait l’unanimité chez les représentants du monde arabe –Bahreïn, Koweït, État de Palestine et Ligue des États arabes- qui ont tous appelé à la création d’une telle zone au Moyen-Orient.  Bahreïn a notamment estimé que cette création représentait un moyen de mettre en œuvre les décisions de la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) de 1995.  La Ligue des États arabes a, à cet égard, dénoncé l’absence de politique des États dotés, tandis que l’État de Palestine fustigeait le refus israélien de participer à la Conférence visant à la création de cette zone.   

Demain, la Première Commission se réunira à 15 heures pour un débat sur ses méthodes de travail.   

DÉBAT GÉNÉRAL SUR TOUS LES POINTS DE L’ORDRE DU JOUR TOUCHANT LE DÉSARMEMENT ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALE  (SUITE ET FIN)

Déclarations 

Mme SOPHIA TESFAMARIAM (Érythrée) a rappelé que la paix et le développement apparaissent de plus en plus distants.  Il n’y a pas de solution unique, il faut désamorcer les tensions politiques, restaurer la confiance et nouer un dialogue sur le désarmement nucléaire, a déclaré la représentante.  Elle a estimé que certains pays avaient tenté d’imposer un ordre unique, poussant du même coup la communauté internationale vers un précipice, alors que d’autres utilisent la menace du recours à la force, ce qui est un comportement hégémonique, d’autant que l’utilisation de la menace de recours à l’arme nucléaire est immorale.  Pour l’Érythrée, il faut universaliser le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN), éléments essentiels de la non-prolifération.   

Tous les États ont le droit de développer l’énergie nucléaire à des fins pacifiques, a en outre rappelé la représentante, pour qui le transfert de technologies dans ce but doit être respecté sans entrave et avec l’aide de l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).   

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a indiqué que son pays continue d’observer les effets dévastateurs des armes classiques dans les sociétés touchées par des conflits, comme les mines terrestres et les armes à sous-munitions, ainsi que ceux des restes explosifs de guerre.  Ces armes ont un coût élevé pour les civils pendant les hostilités et même plusieurs décennies après la fin du conflit, a souligné le représentant.  À ses yeux, la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel, la Convention sur les armes à sous-munitions et le Protocole relatif aux restes explosifs de guerre à la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination (Protocole V) ont contribué de manière significative à sauver des vies, à prévenir les mutilations et à préserver les moyens de subsistance.  C’est pourquoi le représentant a exhorté tous les États qui ne sont pas encore parties à ces instruments à y adhérer sans délai.   

Par ailleurs, condamnant toute entreprise de militarisation du cyberespace et de l’espace extra-atmosphérique, le représentant a souhaité l’adoption d’instruments juridiques contraignants comblant les lacunes juridiques existantes dans ces deux espaces.   

M. JAMAL FARES ALROWAIEI (Bahreïn) a rappelé à quel point le travail de la Première Commission est crucial pour parvenir à un consensus sur la paix et la sécurité internationales.  Il a réitéré l’attachement de son pays au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), insistant notamment sur le droit des États à utiliser l’énergie atomique à des fins pacifiques et affirmant qu’elle contribue à la réalisation des objectifs de développement durable.   

Le représentant a réitéré son soutien à la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient, rappelant qu’il s’agissait d’un moyen de mettre en œuvre les décisions de la Conférence d’examen du TNP de 1995.  À ce titre, il a exprimé son espoir de voir de nombreuses délégations participer à la quatrième session de la Conférence chargée de créer une telle zone.  Toujours à propos des problèmes de sécurité régionale, il a appelé l’Iran à coopérer pleinement avec l’AIEA.  Il a également prévenu contre l’utilisation des drones par des groupes terroristes.   

Le monde est confronté à l’évolution rapide des technologies de l’information et des communications (TIC), lesquelles doivent être utilisées à des fins pacifiques pour servir les intérêts de l’humanité, a déclaré le représentant.  Affirmant prêter la plus haute importance à ce thème, il a mentionné la création récente par son pays d’un centre national de cybersécurité pour prévenir les cyberattaques, et appelé au respect des principes des Nations Unies dans le cyberespace.   

M. MEDER UTEBAEV (Kirghizistan) a notamment déclaré que son pays, en tant que candidat au siège de membre non permanent du Conseil de sécurité pour la période 2027-2028, est déterminé à maintenir la paix et à prévenir la prolifération des armes de destruction massive.  À cet égard, le Kirghizistan a prévu de faire de la promotion et de la sensibilisation à ces sujets l’une de ses priorités s’il devait être élu au Conseil.  Il a également rappelé le rôle de son pays dans l’adoption du Traité portant création d’une zone exempte d’armes nucléaires (ZEAN) en Asie centrale.   

D’ores et déjà, le Kirghizistan s’engage à promouvoir les questions de sensibilisation au désarmement et à la non-prolifération dans le cadre de la Journée internationale de sensibilisation au désarmement et à la non-prolifération, promulguée par la résolution 77/51 de l’Assemblée générale que nous avons portée et qui aura lieu le 5 mars de chaque année, a fait valoir le représentant.  Il a ajouté que son pays continuerait également de plaider en faveur de la création d’une association internationale des villes et villages possédant d’anciens sites de production d’uranium, laquelle pourrait devenir un mécanisme d’interaction permanente sur les questions de développement socioéconomique et environnemental à ce niveau local.   

M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) a déclaré que, dans le cadre du Traité sur le commerce des armes (TCA), son pays défend la nécessité d’un respect rigoureux des normes de marquage, d’enregistrement et de traçabilité des armes légères et de petit calibre (ALPC), y compris une gestion efficace des stocks et de leurs munitions, afin de réduire la menace que ces armes représentent pour les populations civiles innocentes.  Le Mozambique réaffirme également l’importance du Traité de Pelindaba ayant porté création d’une ZEAN en Afrique, et qui interdit la recherche, le développement, la fabrication, l’acquisition, les essais, la possession, le contrôle ou le stockage d’armes nucléaires, ainsi que le déversement de déchets radioactifs sur le continent africain.  En conclusion, le représentant a assuré que son pays demeure pleinement déterminé à mettre en œuvre tous les traités et conventions de désarmement et de non-prolifération.   

Mme AURÉLIE FLORE KOUMBA PAMBO (Gabon) a estimé qu’il faut poursuivre les efforts en faveur du désarmement, en mettant l’accent sur les instruments bilatéraux et multilatéraux tels que le TICE et le TNP, qui sont la pierre angulaire de l’architecture multilatérale du désarmement.  La paix et la sécurité internationales passent par le dialogue et la restauration de la confiance mutuelle entre les nations, a rappelé la représentante, qui a estimé que l’Afrique avait montré le bon exemple en adoptant le Traité de Pelindaba, qui fait du continent une ZEAN.  Elle a encouragé d’autres régions à suivre cette direction.  Les événements qui ont cours depuis quelques jours dans le Moyen-Orient nous rappellent l’extrême fragilité et volatilité de notre sécurité collective, a‑t‑elle ajouté.   

La représentante a déploré l’incapacité des États parties au TNP à adopter un document à l’issue de la dixième Conférence d’examen du Traité et les échecs essuyés par les résolutions appelant à la réduction substantielle des arsenaux nucléaires.  S’agissant du désarmement nucléaire, elle a regretté le manque de volonté de certains États qui continuent de poursuivre le perfectionnement de leurs arsenaux en violation du TNP.  Pour le Gabon, il y a urgence à réduire les dépenses militaires afin d’octroyer les ressources nécessaires pour faire face aux défis climatiques, sanitaires et humanitaires, ainsi qu’aux objectifs de développement durable.   

La représentante a appelé au renforcement des procédures de marquages des ALPC et des munitions, qui alimentent de nombreux groupes terroristes, des gangs ainsi que l’escalade de la violence dans plusieurs régions du monde.  Enfin, elle a estimé que la protection de l’espace extra-atmosphérique, devenu vital pour la communication, la surveillance et les activités militaires, est non seulement dans l’intérêt de chaque nation, mais aussi de toute l’humanité.   

Mme MADELIN ESTHER LUNA (République dominicaine) a commencé par condamner l’attaque du Hamas contre Israël, saluant les propos du Secrétaire général de l’ONU pour mettre fin au cycle de violence.  De multiples menaces entravent la marche vers la paix internationale, a ensuite déploré la représentante, s’inscrivant en faux contre ceux qui pensent que la réponse au problème réside dans l’augmentation des budgets militaires ou le renforcement des arsenaux nucléaires.  Elle a demandé une mise en œuvre des trois piliers du TNP sans condition, rappelant les obligations de l’article VI sur l’élimination des arsenaux existants.  Elle a également appelé au respect des Conférences d’examen du TNP et exigé que les États dotés garantissent la non-utilisation des armes nucléaires contre les États non dotés.  La seule assurance contre l’emploi des armes nucléaires reste leur élimination, a‑t‑elle poursuivi, exhortant les États Membres à adhérer au TIAN et se félicitant en outre de l’adoption l’an passé du Plan d’action de Vienne.   

Le trafic des ALPC et de leurs munitions contribue aux tensions, à l’instabilité et à la violence dans les conflits, a déclaré la représentante, qui a appelé de ses vœux un renforcement de la coopération internationale pour éradiquer le trafic des ALPC et de leurs munitions.  Elle a accueilli favorablement les résultats du Groupe de travail à composition non limitée sur les munitions classiques, tout en estimant que le cadre de régulation global sur la gestion des munitions tout au long de leur cycle de vie adopté par le Groupe aurait dû l’être depuis longtemps.   

Enfin, la représentante a estimé indispensable d’assister les pays en développement pour leur permettre de se prémunir des risques liés aux TIC.  À ce titre, elle s’est félicitée du travail du Groupe de travail à composition non limitée sur la sécurité des TIC et de l’adoption d’un document final comportant un rapport d’étape.   

M. FAHAD MOHAMMAD F M F ALAJMI (Koweït) a jugé important d’allouer les ressources humaines et financières réservées à la course aux armements à des fins pacifiques et de développement.  Le représentant a également appelé à l’universalisation des différents traités et conventions de désarmement et de non-prolifération, à commencer par le TNP et le TICE.  Il a en outre plaidé en faveur de l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient.  Le processus de la Conférence, dont nous avons présidé la deuxième session, a déjà permis de se mettre d’accord sur son règlement et ses méthodes de travail ou encore de créer un comité de travail chargé de poursuivre des consultations intersessions, a‑t‑il ajouté, soulignant en outre que ce processus de négociation ne devait pas être politisé et devait recueillir la participation de tous les acteurs de la région.   

M. FRANCISCO JOSE DA CRUZ (Angola) a estimé que, vu la menace croissante que les armes nucléaires représentent pour l’humanité et l’environnement, les États ne devraient pas accroître leurs arsenaux nucléaires.  Il a défendu le principe d’un désarmement nucléaire complet comme condition préalable au maintien de la paix et de la sécurité internationales.  La réalisation de cet objectif dépend de l’engagement de tous les États dotés à démanteler leurs arsenaux d’armes, a relevé le représentant.  Il a souligné que l’AIEA doit continuer à jouer son rôle en maximisant l’utilisation de la science et de la technologie pour le développement socioéconomique.   

Le représentant a rappelé que son pays a ratifié le Traité de Pelindaba et le TNP, deux instruments fondamentaux pour aborder le désarmement.  Le renforcement des ZEAN existantes et la création d’autres zones sont essentiels pour parvenir à un monde exempt d’armes nucléaires, a‑t‑il ajouté.   

Tout en reconnaissant l’utilisation d’ALPC en tant que droit souverain des États pour assurer leur autodéfense et leur sécurité nationale, le représentant a souligné que le commerce illicite des armes classiques et des munitions a de profonds effets déstabilisateurs, en particulier en Afrique.  Il a réitéré son attachement à la mise en œuvre du Programme d’action des Nations Unies visant à prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des ALPC sous tous ses aspects.  Le représentant a également souligné que l’Union africaine avait nommé, en mai 2022, le Président de l’Angola João Manuel Gonçalves Lourenço, champion de l’Union africaine pour la paix et la réconciliation.   

Mme TANIA SERAFIM YVONNE ROMUALDO (Cabo Verde) a estimé que le désarmement dépendra toujours des quelques pays qui possèdent 90% des armes nucléaires dans le monde.  Bien qu’État non doté, Cabo Verde est partie aux principaux traités de désarmement, à savoir le TNP, le TICE, le TIAN et le Traité de Pelindaba.  Pour la représentante, l’abolition des armes nucléaires est le meilleur moyen de garantir qu’elles ne seront pas utilisées et de parvenir à la paix et la sécurité internationales.   

Cabo Verde s’est engagé dans des efforts de coopération avec les Nations Unies et l’Union africaine pour défendre les principes fondamentaux inscrits dans la Charte, a rappelé la représentante, qui a lancé un appel pour que tous les États ratifient le TICE afin d’en assurer l’entrée en vigueur.  Elle a appelé les États à ratifier le TIAN pour parvenir à son universalisation.   

La représentante a rappelé qu’en avril 2023, son pays avait pris la présidence de la zone de paix et de coopération de l’Atlantique Sud (ZPCAS), établie en 1986 par la résolution 41/11 de l’Assemblée générale, et composée de 24 pays.  Elle a souligné que son pays avait promu l’opportunité d’adhérer au TIAN lors de la huitième Réunion ministérielle de la ZPACAS qui a eu lieu à Cabo Verde.  S’agissant du désarmement, elle a mis en avant l’engagement de l’organisation à consolider l’Atlantique Sud en tant que zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive et a appelé à la création d’autres zones de paix et de coopération également exemptes d’armes nucléaires.   

M. JOSÉ EDUARDO PEREIRA SOSA (Paraguay) a estimé que le contexte mondial exige de travailler en direction d’un désarmement complet et, à ce titre, s’est associé à une majorité de pays qui souhaitent emprunter la voie de la diplomatie.  Pour le représentant, l’augmentation des budgets militaires est inacceptable face aux crises humanitaires.  Il s’est dit préoccupé par le modèle stratégique de la dissuasion nucléaire, ajoutant que, plutôt qu’une sécurité accrue, cette approche représente un risque latent pour la plus grande partie de la population.  La seule façon d’éviter l’emploi des armes nucléaires, c’est de les interdire et de les éliminer, a‑t‑il poursuivi.   

Le représentant a rappelé la signature du Traité de Tlatelolco par son pays, instaurant dans sa région une ZEAN.  Il a exhorté à renforcer le régime du TNP avec le TIAN et le TICE.  Regrettant que ce dernier ne soit pas encore entré en application, il a appelé les pays figurant à l’annexe 2 du Traité à y adhérer.   

Le représentant a dénoncé la menace que la criminalité transnationale organisée fait peser sur la paix internationale et le fonctionnement des institutions.  Ce fléau, a‑t‑il poursuivi, est alimenté par le trafic des ALPC et de leurs munitions.  Il a préconisé un respect des engagements de la communauté internationale sur les armes classiques et a salué l’activité du Groupe de travail à composition non limitée pour élaborer un cadre mondial à même de gérer les munitions tout au long de leur cycle de vie.   

Le représentant s’est également fait l’écho de plusieurs pays du Sud global en ce qui concerne le besoin d’assistance, de coopération et de transferts de technologies pour assurer la sécurité dans le secteur des TIC.  Le droit international et le droit humanitaire s’appliquent aussi au cyberespace, a‑t‑il rappelé, avertissant contre toute attaque contre les infrastructures vitales.  Enfin, il a fait part de ses préoccupations concernant la militarisation de l’espace, considérant qu’elle est une source d’instabilité dans les relations internationales et augmente le risque de confrontation militaire.   

M. GABRIELE CACCIA, Observateur permanent du Saint-Siège, a déclaré qu’un monde exempt d’armes nucléaires nécessite non seulement un réexamen des doctrines de sécurité des États dotés et des mesures de vérification adéquates, mais également la fourniture d’une assistance à ceux qui ont souffert des conséquences du développement, de la production et des essais d’armes nucléaires, ainsi que la réhabilitation des environnements contaminés par ces activités.  À cet égard, le Saint-Siège accueille favorablement le projet de résolution coparrainé par le Kazakhstan et Kiribati sur ces questions.  Il a dit espérer que tous les États –en particulier ceux qui s’appuient sur la dissuasion nucléaire– s’engageront de manière constructive dans la réparation des injustices engendrées par les armes nucléaires.   

M. QAIS Z. F. KASABRI, observateur de l’État de Palestine, a estimé que tant la possession que l’utilisation des armes nucléaires contreviennent à une pleine adhésion à la Charte des Nations Unies et aux dispositions du droit international humanitaire.  Il a appelé à la destruction de toutes les armes de destruction massive, soulignant la responsabilité particulière des États dotés.  Réaffirmant sa confiance dans l’approche multilatérale, il s’est dit préoccupé par l’échec de la dernière Conférence d’examen du TNP, prônant transparence et bonne volonté pour assurer le succès de la prochaine session.   

L’observateur a préconisé la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive au Moyen-Orient, affirmant travailler à l’établissement d’un consensus entre tous les pays de la région.  À ce titre, il a dénoncé la non-participation d’Israël au processus, avant d’accuser ce pays de violer les résolutions, normes et réglementations du droit international, citant également le refus israélien de soumettre ses infrastructures nucléaires au système de garanties de l’AIEA.   

Rappelant que l’État de Palestine est signataire du TNP et du TIAN, l’observateur a exhorté les pays non signataires du second à y adhérer.  Il s’est également réjoui de l’acceptation du vote à la Conférence générale de l’AIEA, présenté par l’Égypte au nom de la Palestine, pour que cette dernière soit désormais présentée comme « État de Palestine » –un changement de dénomination qui lui confère des privilèges et des droits.   

L’observateur a dénoncé l’usage des armes classiques par Israël pour commettre, selon lui, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, prônant un traçage plus efficace.  Enfin, il a partagé ses préoccupations quant aux déploiements des Systèmes d’armes létaux autonomes, les qualifiant d’inacceptables tant sur le plan juridique que moral.  Il a appelé de ses vœux, dans la ligne du Secrétaire général de l’ONU et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), la négociation sur le plan international d’un instrument contraignant pour les interdire.   

M. LAURENT GISEL, du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a estimé que le Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général présente une vue très réaliste de la situation mondiale actuelle, avant de rappeler que le CICR constate tous les jours sur le terrain combien l’évolution des conflits aggrave les souffrances des victimes.  Il a ensuite présenté son point de vue en tant que gardien du droit international humanitaire.   

Le délégué a rappelé qu’en raison de leurs conséquences humanitaires catastrophiques, il est fort douteux que les armes nucléaires puissent jamais être utilisées en conformité avec le droit international humanitaire, avant de juger extrêmement préoccupante l’érosion actuelle des tabous concernant une telle utilisation.  S’alarmant de voir le risque d’utilisation des armes nucléaires au plus haut depuis les heures les plus sombres de la guerre froide, il a appelé tous les États à démontrer leur engagement en faveur d’un monde libéré des armes nucléaires en adhérant sans délai au TIAN et à tous les autres traités de désarmement nucléaire.   

M. Gisel a ensuite dénoncé les risques humanitaires, éthiques et juridiques inacceptables que font courir le développement et l’utilisation sans contrainte de SALA, et a rappelé l’appel conjoint lancé le 5 octobre par le CICR et le Secrétaire général de l’ONU, qui souligne la nécessité d’adopter au plus vite des règles pour préserver le contrôle humain sur l’usage de la force et les effets des armes.  Le délégué s’est félicité de la prise de conscience actuelle et a appelé à aller au-delà des cadres juridiques existants pour adopter un cadre juridique contraignant qui établisse clairement des lignes rouges.  Pour le CICR, « le ciblage autonome des humains par des machines est une ligne morale que nous ne devons pas franchir ».   

Les conflits armés en cours ont montré l’importance croissante des « menaces numériques et cyber » et le potentiel de l’intelligence artificielle, a poursuivi le délégué, qui a aussi mis en garde contre l’engagement croissant d’entreprises, de groupes de hackers et autres acteurs civils dans de telles opérations.  Il a annoncé la publication la semaine prochaine par le CICR de principes directeurs et de recommandations.   

Le délégué a par ailleurs réaffirmé l’importance d’une pleine application du droit international humanitaire dans l’espace extra-atmosphérique et a recommandé que les États étudient et discutent plus avant la manière dont le droit international s’applique dans l’espace, suggérant diverses mesures pratiques.   

M. Gisel a appelé toutes les parties à des conflits armés à cesser immédiatement d’utiliser des mines antipersonnel et des armes à sous-munitions. Il a demandé aux États de faire plus attention aux risques liés aux exportations d’armes et de munitions.  Enfin, face à l’utilisation massive d’armes à fort potentiel explosif dans des zones densément peuplées, il a rappelé la Déclaration politique adoptée à Dublin le 18 novembre 2022, estimant que l’engagement de déjà 83 pays représentait un changement important d’état d’esprit qui doit toutefois être mis en pratique.   

Avec une priorité donnée au désarmement, les valeurs humanitaires partagées fournissent la base nécessaire pour agir et traiter des défis mis en exergue dans le Nouvel Agenda pour la paix, a conclu le délégué.   

M. MAGED ABDELFATTAH ABDELAZIZ, Observateur permanent de la Ligue des États arabes auprès de l’Organisation des Nations Unies, a fait remarquer les antagonismes croissants entre les doctrines militaires des États nucléaires de l’Est et de l’Ouest.  Il a noté les nombreuses alliances militaires, stratégiques et économiques à travers lesquelles chaque partie élargit ses frontières dans le but de dissuader l’autre, et aussi pour repositionner ses armes nucléaires et de destruction massive.  Cette situation tendue coïncide avec les échecs de mise en œuvre du TNP, a‑t‑il déploré, blâmant les États dotés, accusés d’ignorer leurs obligations.  Une telle attitude limite la marge de manœuvre de la communauté internationale, a estimé l’Observateur permanent, d’autant plus que les États officiellement dotés sont ceux-là mêmes qui disposent d’un statut de membre permanent du Conseil de sécurité.  Dans ce cadre, il a salué le Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général de l’ONU, estimant qu’il montre la voie vers un désarmement qui répond aux aspirations de toutes les nations.   

L’Observateur permanent a appelé la Première Commission à œuvrer pour réduire les tensions, tout particulièrement entre grandes puissances nucléaires.  Il a estimé que la ratification du TNP ne dispense pas de travailler à l’universalité du Traité, pas plus qu’à l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’armes de destruction massive au Moyen-Orient.  Cette dernière n’a pas encore vu le jour, a‑t‑il déploré, citant notamment pour cause l’absence de volonté politique des États dotés.   

L’Observateur permanent a souligné combien il est important d’appliquer le programme des Nations Unies visant à prévenir le commerce illicite des ALPC, tout en ajoutant que cela ne devait pas se faire au préjudice du droit des pays à obtenir des armes classiques pour répondre à leurs besoins de sécurité.  Dans ce cadre, il s’est félicité de l’adoption du document final de la huitième Réunion biennale du Programme d’action, déclarant attendre avec intérêt sa mise en œuvre en vue de la tenue de la quatrième Conférence d’examen.  Il a par ailleurs insisté sur le besoin de coopération internationale dans le domaine de la cybersécurité, appelant les Nations Unies à endosser un rôle central dans l’élaboration de normes internationales et préconisant un renforcement de l’aide aux pays en développement pour faire face aux cyberattaques.  Enfin, il a souligné que l’espace extra-atmosphérique est un patrimoine commun à toute l’humanité.   

M. FLÁVIO DAMICO, de l’Organisme pour l’interdiction des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes (OPANAL), a déploré que le refus du compromis caractérise trop souvent la sécurité internationale de nos jours.  Pour lui, le jeu à somme nulle auquel se livrent nombre d’États revient à renier les buts et principes de la Charte des Nations Unies, laquelle appelle au respect de la justice et du droit international ainsi qu’au règlement des différends de manière pacifique.   

Les traités portant création de ZEAN et la norme du TICE sont, eux, exemplaires d’un respect strict de ces principes, a poursuivi le représentant.  Il a en outre indiqué que les États membres de ces zones œuvrent année après année au développement du droit international par le biais d’une diplomatie résolument multilatérale, qui trouve à s’exprimer dans les projets de résolution soumis à la Commission.  Le dialogue que mène l’OPANAL dans les instances internationales pour inciter les États dotés à honorer leurs engagements en matière d’élimination de leurs arsenaux nucléaires y contribue également.   

Droits de réponse 

Le représentant de la République islamique d’Iran a estimé qu’il serait bénéfique qu’une délégation qui a pris la parole (mais non nommée) respecte la souveraineté des États en matière de politique étrangère.   

La représentante d’Israël a dit réagir à la déclaration d’une délégation disant être ici pour promouvoir le respect des traités en matière de désarmement.  Quelles valeurs incarnent ces traités si certains intervenants stockent des armes nucléaires alors qu’ils prétendent adhérer aux traités de désarmement? s’est-elle demandé.  Les mots comptent dans la foi juive.  Lorsque les délégations ne peuvent condamner le Hamas et ne peuvent faire preuve d’empathie envers 1 200 personnes tuées, que vaut leur parole sur les traités? Que valent vos signatures si vous ne pouvez condamner les attaques terroristes? On ne peut pas donner ce que l’on n’a pas, a-t-elle conclu en citant un proverbe arabe.  

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Deuxième Commission débat des moyens efficaces, comme l’agriculture durable, pour éliminer la pauvreté et garantir la sécurité alimentaire

Soixante-dix-huitième session,
16e & 17e séances plénières – matin & après-midi
AG/EF/3590

La Deuxième Commission débat des moyens efficaces, comme l’agriculture durable, pour éliminer la pauvreté et garantir la sécurité alimentaire

La Deuxième Commission de l’Assemblée générale, consacrée aux questions économiques et financières, s’est concentrée aujourd’hui sur deux thématiques inextricablement liées: l’éradication de la pauvreté d’un côté, le développement agricole, la sécurité alimentaire et la nutrition de l’autre.  Selon les estimations, rappelées par John Wilmoth du Département des affaires économiques et sociales (DESA), environ 670 millions de personnes vivent dans l’extrême pauvreté.  Et plus de 80% d’entre elles se trouvent dans les régions rurales, où les taux de pauvreté sont presque trois fois plus élevés que dans les zones urbaines, comme l’a précisé Benjamin Davis, de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).  Cela représente plus de 1,3 milliard de personnes qui, malgré le rôle qu’elles jouent dans la production alimentaire mondiale, n’ont pas les moyens d’acheter de la nourriture et d’autres produits de première nécessité, a-t-il dénoncé.

Particulièrement vulnérables à la surexploitation des ressources et aux bouleversements climatiques, ces populations rurales ont vu leurs conditions, déjà précaires avant la pandémie de COVID-19, s’aggraver sensiblement à la suite de celle-ci.  En effet, après plus de deux décennies de progrès soutenus —notamment en raison d’un transfert massif de main d’œuvre du secteur agricole faiblement productif vers l’industrie et les services, comme en Chine, qui a dit avoir éliminé la pauvreté extrême chez elle—, la tendance s’est récemment inversée.  Aujourd’hui, comme l’a rappelé le Mexique, presque 1 personne sur 10 dans le monde (9,2% de la population exactement) est ainsi confrontée à la faim chronique, soit 122 millions de personnes de plus qu’en 2019.

Or, si l’on ne parvient pas à faire reculer plus rapidement et de manière soutenue la pauvreté rurale, il ne sera pas possible de réaliser la plupart des autres objectifs de développement durable (ODD) d’ici à 2030, prévient le rapport du Secrétaire général sur cette question.  C’est une des clefs de voûte.  Par ailleurs, a expliqué M. Davis, tandis que les populations rurales vivant dans la pauvreté sont celles qui contribuent le moins aux changements climatiques, ce sont elles qui sont les plus exposées à ses conséquences et qui disposent des ressources les plus limitées pour s’y adapter.  Il y a là une injustice criante à corriger.

Pour remédier à cette situation, les stratégies ne manquent pas, mais leur mise en œuvre n’est pas toujours aisée, comme l’a rappelé la soixantaine de délégations qui ont pris la parole.  Le Groupe des 77 et la Chine en ont d’abord énuméré quelques-unes, qui se jouent au niveau international: rendre les structures commerciales existantes plus équitables; cesser l’exploitation des ressources naturelles des pays en développement; leur fournir une assistance financière, notamment par une meilleure gestion de la dette et plus de droits de tirage spéciaux (DTS); ou encore lever les mesures coercitives unilatérales.

Concernant cette dernière demande, récurrente lors des débats de la Deuxième Commission, le Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, par la voix du Venezuela, a évoqué une véritable « pandémie d’unilatéralisme » qui affaiblirait le Programme de développement durable à l’horizon 2030. De son côté, le Groupe des pays les moins avancés (PMA) a demandé à ce que le mécanisme de « stockage alimentaire », prévu par le Programme d’action de Doha en faveur des PMA, devienne pleinement opérationnel, tout en exhortant à donner aux petits exploitants agricoles de ces pays un accès aux nouvelles technologies et aux énergies renouvelables via des transferts de technologies.  Bahreïn a d’ailleurs témoigné avoir profité de nouvelles technologies qui lui ont permis d’accroître son utilisation des serres pour protéger les cultures contre les conditions climatiques extrêmes.

« Pour ne laisser personne de côté », la mise en place de programmes de protection sociale doit être une priorité, a défendu la Communauté des Caraïbes (CARICOM), citant plusieurs pays de sa région en exemple.  La Thaïlande a détaillé pour sa part sa « philosophie de l’économie de suffisance », qui pousse les communautés locales à relever par elles-mêmes leur niveau de vie.  Au niveau local, justement, soutenir l’agriculture familiale est fondamental, a assuré Marcela Villarreal de la FAO, précisant que 77 pays avaient déjà adopté des plans d’action à cet effet.  Le Brésil a relancé son programme d’achat alimentaire bénéficiant aux petits exploitants, ainsi qu’un programme de transfert monétaire en espèces qui a permis à 3,4 millions de personnes de se tirer de la pauvreté extrême.  Le Brésil a par ailleurs annoncé qu’en tant que président du prochain G20, il voulait créer une agence mondiale contre la faim et la pauvreté.

Pour tenir leur rôle dans la réalisation des ODD, résume le rapport sur « l’avenir de l’alimentation et de l’agriculture », les systèmes agroalimentaires devront tout à la fois être en mesure de répondre à l’augmentation de la demande, exercer une pression moindre sur les ressources naturelles, produire moins d’émissions de gaz à effet de serre et de déchets alimentaires, associer les différents secteurs et parties prenantes (y compris les peuples autochtones, les jeunes et le secteur privé) et offrir des moyens de subsistance décents, équitables et tenant compte des questions de genre.  Une somme de défis d’autant plus grands que les systèmes financiers sont affaiblis et que la marge de manœuvre budgétaire est limitée. Mais le statu quo n’est plus tenable, ont tranché la plupart des délégations, convaincues de la nécessité d’un changement en profondeur.

La prochaine séance de la Deuxième Commission aura lieu demain, jeudi 12 octobre, à 15 heures.  Elle sera consacrée aux activités opérationnelles de développement.

ÉLIMINATION DE LA PAUVRETÉ ET AUTRES QUESTIONS LIÉES AU DÉVELOPPEMENT 

DÉVELOPPEMENT AGRICOLE, SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET NUTRITION 

Présentation des rapports

M. JOHN WILMOTH, Directeur par intérim de la Division du développement social inclusif du Département des affaires économiques et sociales (DESA), a présenté le rapport du Secrétaire général sur les « activités relatives à la troisième Décennie des Nations Unies pour l’élimination de la pauvreté (2018-2027) » (A/78/239), qui fait le point sur les progrès accomplis et les problèmes rencontrés dans ce cadre, dans un contexte marqué par une série de crises graves se renforçant mutuellement (COVID-19, guerre en Ukraine, crises alimentaire et énergétique, inflation croissante et changements climatiques). 

Le rapport constate que la pauvreté a augmenté pour la première fois depuis plus de 20 ans.  Selon les estimations, environ 670 millions de personnes vivaient dans l’extrême pauvreté en 2022, soit une hausse de 70 millions par rapport aux projections antérieures à la pandémie.  Si ces tendances perdurent, a averti M. Wilmoth, 575 millions de personnes vivront toujours dans une pauvreté extrême en 2030.  De plus, entre 690 et 783 millions de personnes souffraient de la faim en 2022, soit 122 millions de plus qu’avant la pandémie.

Le rapport note également que les pays les plus pauvres ont dépensé des milliards au service de la dette, ce qui les a empêchés d’investir dans le développement durable. Par exemple, les pays les moins développés (PMA) consacrent 14% de leurs recettes publiques au service de la dette, contre 3,5% pour les pays développés.

M. BENJAMIN DAVIS, Directeur de la Division de la transformation rurale inclusive et de l’égalité des sexes à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a présenté, en visioconférence, deux rapports du Secrétaire général.  Le premier se concentre sur « l’élimination de la pauvreté en milieu rural en vue de réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030 » (A/78/238); le deuxième aborde « l’avenir de l’alimentation et de l’agriculture: moteurs et déclencheurs de systèmes agroalimentaires durables » (A/78/218).  Révélant que plus de 80% des personnes extrêmement pauvres vivent en milieu rural, où les taux de pauvreté sont presque trois fois plus élevés que dans les zones urbaines, le rapport note que les progrès dans la réduction de cette pauvreté ont ralenti, avant même l’éclatement de la pandémie de COVID-19. Et alors que les populations rurales vivant dans la pauvreté sont celles qui contribuent le moins aux changements climatiques, ce sont elles qui sont les plus exposées à ses conséquences, et qui disposent des ressources les plus limitées pour s’y adapter.

Pour remédier à cette situation, le rapporteur a appelé à des stratégies de développement rural inclusives et durables.  Il a encouragé des investissements accrus dans les services sociaux et les systèmes de protection sociale, sans oublier de renforcer les droits des peuples autochtones sur les terres et territoires communaux, afin qu’ils puissent prendre part aux décisions sur les questions qui les concernent.  Il a ensuite attiré l’attention sur la sécurité alimentaire et la nutrition, notant que près de 29,6% de la population mondiale, soit 2,4 milliards de personnes, étaient en situation d’insécurité alimentaire en 2022. Après avoir évoqué les écarts de genre dans la productivité agricole et l’emploi salarié, il a exprimé ses inquiétudes quant à la durabilité environnementale, insistant sur la nécessité d’adopter une approche holistique, à long terme, qui combine sciences modernes et connaissances locales.  Il a enfin mentionné le rôle des fibres naturelles comme alternative aux fibres synthétiques, soulignant leur contribution à l’atténuation et à l’adaptation aux changements climatiques.

Mme MARCELA VILLARREAL, Directrice de la Division des partenariats et de la collaboration avec les Nations Unies de la FAO, a présenté le rapport de la FAO et du Fonds international de développement agricole (FIDA) portant sur la « mise en œuvre des activités relatives à la Décennie des Nations Unies pour l’agriculture familiale (2019-2028) », contenu dans une note du Secrétaire général (A/78/233).  Soutenir l’agriculture familiale est fondamental pour réaliser les objectifs de développement durable, a-t-elle rappelé en notant que les résultats depuis le lancement de la Décennie sont encourageants.  Mme Villarreal a précisé qu’au moins 77 pays ont déjà fait évoluer leur politique en ce sens et adopté des plans d’action.

Elle a fait valoir que de nombreuses opérations et activités ont favorisé la participation dynamique des femmes et des jeunes ruraux dans l’agriculture familiale et les économies rurales, leur accès aux ressources et services productifs et leur participation aux processus de dialogue politique.  En 2023 et en 2024, la bonne mise en œuvre de la Décennie devrait être encouragée au moyen de ressources financières accrues ainsi que grâce à un engagement politique renouvelé, recommande le rapport. 

Discussion générale conjointe

M. ADIEL GUEVARA RODRÍGUEZ (Cuba), s’exprimant au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a déclaré que l’élimination de la pauvreté et de la malnutrition sous toutes leurs formes est le défi le plus important à relever sur le plan international, recommandant, pour ce faire, une coopération accrue.  Or, en dépit des engagements pris à cette fin, le monde ne suit pas la bonne voie pour réaliser le premier objectif du Programme 2030, a déploré le représentant.  Il a regretté que, « selon des estimations crédibles », il y avait 650 millions de personnes vivant dans la pauvreté extrême en 2021, soit 1,4% de la population mondiale.  Cela représente 70 millions de personnes de plus par rapport aux prévisions prépandémiques, a-t-il précisé.  Si la tendance se poursuit, il y aura en 2030, a-t-il prévenu, 500 à 600 millions de personnes qui continueront de vivre dans la pauvreté extrême, et seulement un tiers des pays auront réduit leur niveau de pauvreté nationale de moitié.

Le représentant a également relevé que si la pauvreté règne partout, la grande majorité des pauvres vivent dans les pays du tiers-monde.  Ils ne peuvent pas se permettre d’acheter des aliments et de satisfaire à d’autres besoins fondamentaux.  Il a relevé que 1% d’augmentation des prix des produits alimentaires pousse des millions de gens dans pauvreté, « comme on l’a vu dans le contexte de l’inflation sur les prix des produits alimentaires durant la pandémie de COVID-19 ».  Le représentant a déploré que dans ce contexte, les pays en développement n’aient pas suffisamment été aidés, reconnaissant toutefois que si le montant de l’aide publique au développement (APD) a augmenté, cette hausse résulte des aides apportées aux réfugiés. 

Rappelant que l’éradication de la pauvreté est le premier ODD, le délégué a recommandé de s’attaquer aux causes et origines systémiques, tant sur le plan national que sur le plan international.  Ainsi, a-t-il énuméré, les structures commerciales existantes doivent être rendues plus équitables; l’exploitation des ressources naturelles des pays en développement, y compris transfrontalières, doit cesser; les pays en développement doivent recevoir les ressources financières nécessaires, y compris par une bonne gestion de la dette et des droits de tirage spéciaux (DTS); et les mesures coercitives unilatérales doivent être levées.

Au nom du Groupe des pays les moins avancés (PMA), M. LOK BAHADUR THAPA (Népal) a relevé que bien que l’agriculture soit le secteur le plus important de l’économie des PMA, ces derniers sont également des pays importateurs nets de denrées alimentaires.  Cela s’explique par un contexte de risques et d’incertitudes perpétuels.  Les conflits et les tensions géopolitiques ont non seulement augmenté le coût des intrants agricoles, mais ont également entraîné des pénuries d’engrais.  Par conséquent, a développé l’oratrice, environ deux tiers des personnes confrontées à l’extrême pauvreté dans le monde sont des travailleurs et des familles du secteur agricole.  Le Groupe a donc demandé instamment aux partenaires de développement et au système des Nations Unies de concrétiser leur engagement de financer davantage l’élaboration de solutions novatrices pour les PMA dans les domaines de l’agriculture et de la production alimentaire.  La création d’un système agroalimentaire plus équitable, plus durable et plus résistant est la clef pour mettre fin à l’instabilité alimentaire dans les PMA, tout comme l’augmentation des investissements dans l’agriculture pour garantir la sécurité alimentaire et l’élimination de la faim. 

La modernisation et l’industrialisation de l’agriculture dans les PMA sont une nécessité urgente, a-t-elle aussi pointé en insistant sur la nécessité de transformer les systèmes alimentaires, et plaidant pour l’adaptation aux changements climatiques et la mobilisation des ressources nécessaires pour renforcer la résilience des PMA.  Cet effort doit inclure un investissement accru dans les systèmes d’alerte précoce, l’identification des zones susceptibles d’aggraver l’insécurité alimentaire et des mesures de protection sociale ciblées.  En outre, la mise en œuvre d’un mécanisme de stockage alimentaire adapté aux PMA contribuerait à réduire l’insécurité alimentaire et l’instabilité dans ces pays, a-t-elle reconnu en demandant instamment que le mécanisme de stockage alimentaire pour les PMA prévu par le Programme d’action de Doha devienne opérationnel.  Enfin, la représentante a exhorté à donner aux petits exploitants agricoles des PMA un accès aux nouvelles technologies et aux énergies renouvelables, aux marchés, à la diversification des cultures et à des infrastructures résilientes, entre autres.

Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), M. BRIAN CHRISTOPHER MANLEY WALLACE (Jamaïque) a dit être très préoccupé par la situation en Haïti où la moitié de la population souffre d’une sécurité alimentaire chronique.  Pour éliminer la pauvreté et la faim, il faut avoir des plans suffisamment financés et investir dans l’agriculture, a-t-il prôné tout en rappelant que les pays de la région des Caraïbes subissent les conséquences des changements climatiques qui freinent les progrès.  Le délégué a donc recommandé des pratiques agricoles résilientes pour accroître la production.  Il a demandé d’harmoniser le débat sur la pauvreté avec celui sur la sécurité alimentaire, arguant qu’ils sont liés.  La CARICOM, a-t-il poursuivi, concentre ses efforts dans les zones rurales où l’agriculture est la principale source de subsistance.  La pauvreté extrême ne saurait être éliminée sans les investissements mondiaux pour atténuer les défis que rencontre le secteur agricole dans le monde en développement, a plaidé le représentant.

Il a notamment demandé des subventions aux agriculteurs et de prendre en compte la dégradation de l’environnement.  Il a parlé de la politique agricole commune de la CARICOM, qui comprend des initiatives telles que l’agriculture intelligente face au climat et des projets pour renforcer l’entrepreneuriat rural et agricole.  En outre, comme les pays de la CARICOM importent 75% de leurs aliments, ses membres ont adopté la Vision 2025 qui a pour objectif de réduire la facture d’importation d’aliments de 25% dans la région.  Ils ont aussi élaboré une stratégie alimentaire pour améliorer la résilience face aux secousses sociales et alimentaires.  La mise en place des programmes de protection sociale a été accélérée dans tous les pays des Caraïbes, a encore indiqué le délégué qui a toutefois conclu que les progrès réels ne seront possibles que si la communauté internationale surmonte les problèmes géopolitiques et met un terme aux conflits, sans oublier un meilleur accès aux financements et un allégement de la dette. 

Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), M. DANG HOANG JIANG (Viet Nam) a fait observer que l’agriculture est un secteur clef en Asie du Sud-Est, fournissant du travail à 32% de la population et représentant 22% du PIB, et qu’elle contribue aux efforts régionaux en vue d’alléger la pauvreté, d’éliminer la faim et en faveur du développement durable.  L’ASEAN s’est engagée à redoubler d’efforts en faveur de la sécurité alimentaire en renforçant la productivité agricole et les chaînes d’approvisionnement alimentaires, notamment par le biais de pratiques agricoles durables, a indiqué le délégué. 

Le représentant a souligné quelques-uns des progrès déjà engrangés en la matière, saluant notamment les efforts visant à parvenir à une économie verte et à exploiter le potentiel de l’économie bleue.  Rappelant que la région est très vulnérable aux changements climatiques et à leurs répercussions, il a réitéré l’engagement de l’ASEAN à mettre en œuvre l’Accord de Paris, en particulier selon le principe des responsabilités communes mais différenciées et en fonction des capacités nationales.

Parlant au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, Mme ASBINA MARIN SEVILLA (Venezuela) est revenue sur les conséquences durables de la pandémie de COVID-19, tout en affirmant qu’une autre pandémie affaiblissait le Programme de développement durable à l’horizon 2030: la « pandémie d’unilatéralisme », marquée par la mise en œuvre de mesures coercitives unilatérales qui violent les principes de la Charte des Nations Unies.  Selon la représentante, ces mesures exacerbent non seulement la crise humanitaire, mais affectent également l’économie mondiale et contribuent à la hausse des prix alimentaires.  Elle a ainsi exhorté à la levée, sans plus tarder, des restrictions sur la production et l’exportation de nourriture et d’engrais, pour promouvoir une agriculture plus durable et résiliente.

La déléguée a poursuivi en mettant en lumière le besoin de réformer la gouvernance alimentaire et agricole mondiale, et en appelant à inclure les pays en développement dans les processus de prise de décisions.  « C’est notre responsabilité morale envers les générations actuelles et futures de corriger la trajectoire », a-t-elle conclu, en plaidant pour une plus grande solidarité et coopération internationale.

Mme GLADYS MOKHAWA (Botswana), au nom du Groupe des pays en développement sans littoral (PDSL), a déclaré qu’en raison de leurs vulnérabilités, les PDSL sont parmi les plus durement touchés par les chocs complexes du marché international et par la loi de l’offre et de la demande.  Elle a noté en outre que la fragile reprise post-COVID-19 a été freinée par les conditions macroéconomiques mondiales difficiles. Bien que la croissance montre quelques signes d’amélioration, étant passée de 1,43% en 2020 à 3,54% en 2022, celle des PDSL n’a pas suffisamment rebondi pour retrouver les taux d’avant la pandémie (4,26% en 2019), a-t-elle fait remarquer, en s’inquiétant de la lenteur des progrès de ces pays en matière de réduction de la pauvreté par rapport à d’autres pays.  La hausse de l’inflation reste d’ailleurs un défi majeur pour bon nombre de ces économies.

Cette situation exerce une forte pression sur les budgets des familles et plonge encore davantage de nombreux ménages dans la pauvreté, a poursuivi la représentante, citant les chiffres de la FAO, qui affirment que l’insécurité alimentaire est passée de 43,4% en 2015 à 57,9% en 2022 dans ces pays.  La récente flambée des prix alimentaires mondiaux a également imposé des coûts élevés à de nombreux PDSL, rendant leurs produits alimentaires de base inabordables.  Or, sans progrès plus rapides et durables dans la lutte contre la pauvreté, il ne sera pas possible d’atteindre la plupart des ODD d’ici à 2030, a-t-elle prédit.

C’est pour cette raison, et en tenant compte de leurs difficultés particulières, que les pays en développement sans littoral ont besoin d’interventions ciblées pour parvenir à un développement durable et éliminer la pauvreté, a rappelé la représentante, dressant une liste de ce que cela requiert: intégrer les PDSL dans le commerce mondial; soutenir leurs efforts visant à renforcer leur capacité productive; améliorer l’efficacité du transport de marchandises pour faire face aux coûts commerciaux élevés; ou encore soutenir leurs efforts pour parvenir à une transformation structurelle et faire face à l’impact des changements climatiques.

Au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), M. ISAIA LAUTASI (Samoa) est revenu sur les défis spécifiques des membres de l’Alliance. Les petits États insulaires en développement (PEID) dépendent largement des importations de denrées alimentaires plutôt que de la production locale, avec plus de 60% des denrées alimentaires importées dans les pays des Caraïbes et du Pacifique (la moitié d’entre eux en importent même plus de 80%).  Des solutions existent, certaines étant inscrites dans le rapport du Secrétaire général sur les ODD, a rappelé le délégué en indiquant que l’AOSIS en soutient plusieurs, en particulier la nécessité pour les gouvernements de s’engager de nouveau à augmenter la cadence pour tenir la promesse des ODD. L’Alliance juge aussi important que les gouvernements mettent en place des politiques et des actions concrètes, intégrées et ciblées pour éradiquer la pauvreté et réduire les inégalités.

Il s’agit là de propositions judicieuses, mais la question du financement demeure, a poursuivi le représentant.  L’accent mis uniquement sur le revenu national brut (RNB) pour déterminer l’accès aux financements concessionnels compromet la capacité de nombreux PEID à accéder à des financements suffisants et adéquats.  Le représentant a rappelé le cercle vicieux, connu de tous: marge de manœuvre budgétaire limitée, endettement croissant et choix difficiles. Ajoutons à cela les effets des changements climatiques, et il devient évident pour le délégué que l’incapacité d’accéder à des financements à long terme et à faible coût empêche les PEID de mettre fin à la pauvreté et de garantir la sécurité alimentaire et la nutrition.  Il a donc demandé aux partenaires de développement de respecter leurs engagements, d’accroître leur soutien, ainsi que de mettre en œuvre le Programme d’action d’Addis-Abeba, afin de mobiliser les ressources et les investissements nécessaires.  L’architecture financière internationale doit en outre être réformée, a-t-il ajouté.

Le délégué a enfin souligné le paradoxe selon lequel les pays produisant la majeure partie des denrées alimentaires dans le monde et dépendant principalement de l’agriculture pour leur subsistance comptent parmi les plus pauvres de la planète. Les vagues de chaleur extrême, la sécheresse et les inondations ont touché des millions de personnes et coûté des milliards de dollars, affectant les systèmes alimentaires mondiaux et ruinant les récoltes, s’est-il désolé.  Dans ce contexte, le délégué a assuré que l’AOSIS continuerait de réclamer la tenue de l’engagement des pays développés de verser annuellement 100 milliards de dollars pour renforcer la résilience des pays en développement.

M. AL-KHAYAREEN (Qatar) a rappelé la contribution financière de 60 millions de dollars de son gouvernement pour appuyer la mise en œuvre du Programme d’action de Doha en faveur des PMA.  Cette aide joue un rôle essentiel dans l’élimination de la pauvreté et le renforcement des capacités, s’est-il enorgueilli, en faisant remarquer que le Programme d’action permet d’accélérer la mise en œuvre du Programme 2030. Il a ajouté que son pays accorde une grande importance sur le plan national à l’agriculture et à la sécurité alimentaire.  Le pays s’est doté d’une stratégie visant à réaliser l’autosuffisance alimentaire au niveau local en utilisant des technologies modernes.

Poursuivant, le délégué a informé que le Qatar, qui préside actuellement le Conseil exécutif de l’Organisation islamique pour la sécurité alimentaire, a organisé le 1er octobre la neuvième Conférence ministérielle sur le développement agricole pour réaliser les ODD dans ses États membres.  Cette conférence a adopté la Déclaration de Doha sur le développement agricole.  En outre, avec la Fondation Bill Gates, le Qatar s’est engagé à dépenser 20 millions de dollars pour appuyer le secteur agricole en Afrique subsaharienne, a déclaré le délégué avant d’indiquer que son pays a fourni 90 millions de dollars au Programme alimentaire mondial (PAM) pour répondre aux besoins alimentaires au Yémen.

Mme ANDREA ALEJANDRA BARAHONA FIGUEROA (El Salvador) a mis en avant les efforts de son pays pour promouvoir le bien-être social et une croissance économique soutenue, tout en protégeant l’environnement et surtout en défendant la paix et l’harmonie dans les communautés.  Elle a considéré que les mesures de progrès doivent être révisées et aller au-delà du PIB, afin de mesurer le développement durable des pays et de prendre les bonnes décisions en matière d’accès aux financements, qu’ils soient concessionnels ou pas.  La représentante a aussi témoigné des mesures prises par son pays pour progresser en termes de sécurité alimentaire et nutritionnelle, par le biais de pratiques agricoles durables et par la modernisation des technologies et des infrastructures rurales. Elle a mentionné également la création récente du Centre de développement du commerce agricole.

Mme MARKOVA CONCEPCIÓN JAMARILLO (Panama) a souligné le rôle crucial des femmes dans la lutte contre la pauvreté et la faim, expliquant pourquoi le Panama avait mis en œuvre des initiatives comme « Réseaux familiaux » et « L’Agenda économique des femmes rurales » pour autonomiser et améliorer la qualité de vie de ces dernières.  Elle a alerté sur la crise migratoire sans précédent, exacerbée par le chômage et l’insécurité, notant que celle-ci a « des implications dévastatrices pour notre environnement et nos ressources naturelles » et que la réaffectation de ressources importantes en direction du secours humanitaire est économiquement insoutenable.

Enfin, la représentante a insisté sur l’engagement du Gouvernement panaméen à éliminer « la sixième frontière », celle de la pauvreté.  Elle a évoqué la stratégie nationale de Panama pour le développement intégral et durable, ou « Plan Colmena », qui donne la priorité aux 300 communautés les plus défavorisées du pays, notamment les « comarcas indigenas » où vivent les populations autochtones.  Y ont été identifiées, grâce à l’indice de pauvreté multidimensionnelle, des privations multiples, maintenues de génération en génération, et contre lesquelles son pays entend lutter en priorité.

Mme CHARLENE ARAVEJO BERIANA (Philippinesa souligné l’importance de la lutte contre la pauvreté en se référant au Plan de développement philippin 2023-2028, qui ambitionne à son terme de faire baisser l’incidence de la pauvreté dans le pays à 9%.  Après avoir partagé une définition élargie de la pauvreté comme « état de privation », elle a mis en avant plusieurs politiques de son pays pour la réduire: programme de transferts conditionnels en espèces, accès universel à un enseignement tertiaire de qualité, et loi sur les soins de santé universels.

D’autres programmes ont été évoqués, comme le Programme de développement rural philippin et le Programme spécial pour le développement agricole, qui cherchent à augmenter les revenus ruraux et à améliorer la productivité.  Enfin, en ce qui concerne la sécurité alimentaire, elle a mentionné la Voie de transformation alimentaire nationale et le Plan de modernisation et d’industrialisation de l’agriculture et de la pêche 2021-2030.

Mme TAHEREH JALILI (République islamique d’Iran) a déclaré l’éradication de la pauvreté sous toutes ses formes et manifestations est le défi le plus important de la communauté internationale, dans le contexte où, 600 millions, soit 8% de la population mondiale vit dans la pauvreté extrême et que les chiffres augmentent dans la région du Moyen Orient.  Les causes de la pauvreté sont complexes et diverses, a dit la représentante, citant, le chômage ou les mesures coercitives unilatérales.  En ce qui la concerne la République islamique d’Iran s’est engagée à l’éliminer, a-t-elle aussi assuré, citant de nombreux programmes gouvernementaux visant la création d’emploi, l’aide aux familles, y compris rurales, la diversification de l’économie iranienne, afin qu’elle ne dépende pas que du pétrole, ou encore l’inclusion des femmes dans la sphère politique. Elle a de nouveau insisté sur le poids des mesures coercitives unilatérales dans les origines de la pauvreté, appelant à mettre un terme à ce phénomène, par le biais de la coopération internationale.

M. VÁSQUEZ SOLANO (Mexique) a jugé inquiétant de constater les maigres progrès dans l’éradication de la pauvreté, qui est le premier ODD et bien que nous soyons à plus de la moitié du délai fixé pour réaliser le Programme 2030.  Des millions de personnes vivent encore dans la pauvreté, la faim et la malnutrition augmentent, tandis que les effets des changements climatiques deviennent plus évidents.  Cela creuse les inégalités et nécessite de renforcer les mécanismes multilatéraux pour faire face efficacement et collectivement à ces crises, a plaidé le représentant.  Selon lui, la nécessité d’un nouveau paradigme de développement visant à redistribuer le pouvoir et la richesse et à réduire l’écart entre les pays en développement et les pays avancés est évidente.  Une transformation de cette nature est possible.  Pour preuve, le Mexique a réussi à sortir 5,1 millions de personnes de la pauvreté au cours des quatre dernières années, a-t-il avancé.

Le représentant a également jugé alarmant de constater qu’en 2022, environ 9,2% de la population mondiale était confrontée à la faim chronique, soit 122 millions de personnes de plus qu’en 2019.  Si des mesures concrètes ne sont pas prises, cette tendance continuera de s’accentuer, a-t-il mis en garde, appelant à l’adoption d’actions coordonnées et de réglementations efficaces pour lutter contre les inégalités, réformer les systèmes alimentaires et promouvoir des pratiques agricoles durables.  Au Mexique, entre 2018 et 2022, la population mexicaine en situation d’insécurité alimentaire a diminué de cinq millions, notamment par la mise en œuvre des politiques publiques visant à promouvoir l’accès aux aliments nutritifs de base, a-t-il vanté.  Concluant, il a préconisé de mettre l’accent sur la sécurité alimentaire comme facteur contribuant à la paix.  Il a aussi condamné l’interruption des chaînes d’approvisionnement, des intrants et des aliments de base.  Cela s’apparente à une forme de coercition, a-t-il dit.

M. ETOUNDI AYISSI (Cameroun) a relevé que malgré le rythme soutenu des progrès réalisés par son pays, l’ampleur des défis sécuritaires, notamment la lutte contre le terrorisme et les externalités liées à un environnement international « où les intérêts particuliers prennent parfois le pas sur l’intérêt général », de même qu’une conjoncture internationale marquée par des crises, des tensions, des instabilités de toutes sortes, ne permettent pas toujours au Cameroun d’aller aussi vite et aussi loin que le souhaiterait son gouvernement.

Le délégué a aussi noté que l’on ne saurait aborder de bonne foi la question de l’éradication de la pauvreté sans des solutions durables aux problématiques majeures, relatives au poids écrasant du service de la dette, aux flux financiers illicites, au protectionnisme et à la détérioration de l’accès au marché des capitaux à des coûts abordables, entre autres.  Il a réclamé, pour relever ces défis, une action collective et une ambition internationale renouvelée.

M. MATEUS PEDRO LUEMBA (Angola) a déclaré que près de deux millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire dans son pays.  Le Gouvernement a répondu à ce défi en développant des programmes structurels visant à rendre les communautés rurales plus résilientes.  Ainsi, a donné en exemple le représentant, des infrastructures de transport et de stockage de l’eau ont été installées afin d’atténuer les effets de la sécheresse dans les zones peuplées ainsi que dans les zones agricoles et d’élevage.  Le projet permettra d’abreuver 250 000 animaux et d’irriguer 5 000 hectares de champs agricoles.

Le délégué a aussi indiqué que l’exécutif avait mis en œuvre un programme d’assistance sociale appelé « Kwenda » qui organise l’envoi d’une aide sous forme d’espèces aux familles les plus vulnérables.  Il a aussi parlé d’une réserve alimentaire qui a été créée pour réagir aux conséquences des catastrophes naturelles sur le plan social.  L’Angola entend devenir un pays exportateur de produits agricoles sur le continent africain, a annoncé le représentant avant de signaler que le Gouvernement a lancé un dialogue national sur les systèmes alimentaires et mené des consultations publiques sur la deuxième stratégie nationale pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle.  Cette stratégie permettra une mise en œuvre plus efficace des mesures prises, un suivi et une évaluation efficaces des différents plans et programmes de tous les départements ministériels.

M. KANTAPON SANGKHAPREECHA (Thaïlande) a fait observer que plus personne ne vit en-dessous du seuil international de pauvreté en Thaïlande depuis 2016, mais que la lutte contre les inégalités reste l’une de ses priorités.  Pour ne laisser personne de côté, la Thaïlande applique une « philosophie de l’économie de suffisance » afin de pousser les communautés locales à relever leur niveau de vie.  Elle cherche aussi à améliorer la qualité de vie des plus vulnérables, notamment grâce à la couverture sanitaire universelle et à une éducation de qualité.

Estimant que l’insécurité alimentaire dans les pays en développement est souvent le principal obstacle à l’élimination de la pauvreté, le représentant a appelé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour aider ces pays à élargir leurs capacités agricoles.

M. VOLODYMYR LESCHENKO (Ukraine) a assuré que l’Ukraine ne renoncera pas à son rôle de garant de la sécurité alimentaire mondiale, même dans les circonstances extraordinaires actuelles.  Elle est prête à poursuivre ses exportations de denrées alimentaires vers les marchés mondiaux, a déclaré le représentant.

Il a rappelé que depuis le début de la guerre à grande échelle, les ports ukrainiens de la mer Noire et de la mer d’Azov sont bloqués par la Russie, voire attaqués. Pourtant, l’Initiative sur le transport sécurisé de céréales et de denrées alimentaires depuis les ports ukrainiens « Initiative de la mer Noire » a permis à l’Ukraine d’exporter quelque 33 millions de tonnes vers 45 pays, dont 60% en Afrique et en Asie. Le délégué a rappelé que si Moscou a quitté cette Initiative, des voies temporaires de transport ont été ouvertes en août 2023 pour continuer à exporter des céréales.  La guerre menée par la Russie contre l’Ukraine est l’une des causes principales de la crise alimentaire mondiale, a martelé le représentant, alertant sur les conséquences sociales, économiques et politiques qui peuvent en découler dans de nombreux pays.

M. JO TONG HYON (République populaire démocratique de Corée) a d’abord insisté sur la nécessité de renforcer la coopération internationale pour augmenter la capacité de production agricole des pays en développement, appelant à l’intensification de la coopération matérielle et technique, à davantage d’investissements financiers et de transferts de technologie, et au développement de systèmes d’irrigation.  Il a toutefois critiqué la politisation de cette coopération.

Le délégué a ensuite regretté l’existence de facteurs « artificiels » aggravant la crise alimentaire mondiale, tels que l’imposition de sanctions, le stockage excessif de nourriture pour des intérêts personnels et la production de biocarburants à partir de produits agricoles.  Ces actions freinent le développement agricole et perpétuent le cycle de la faim, a-t-il averti.  Enfin, le représentant a mis en avant les efforts de son pays pour résoudre les problèmes alimentaires à l’intérieur de ses frontières, telles que la production de semences à haut rendement, l’introduction de systèmes agricoles scientifiques, l’expansion des investissements d’État dans l’agriculture ou la fourniture de logements modernes et gratuits aux agriculteurs.

M. NEVILLE MELVIN GERTZE (Namibie) a jugé préoccupant de constater que d’ici à 2030, 30% de la population d’Afrique subsaharienne vivra encore dans une extrême pauvreté.  Selon la Banque mondiale, l’éradication de l’extrême pauvreté dans la sous-région nécessiterait dans chaque pays un taux de 9% à partir de cette année, ce qui constitue un défi, puisque cette croissance s’est située à seulement 1,2%, au cours de la décennie avant la pandémie de COVID-19.  L’héritage du colonialisme et de l’apartheid, qui a perpétué une extraction soutenue des ressources nationales, se manifestent encore dans les indicateurs socioéconomiques du continent africain.

La Namibie, a poursuivi le représentant, a réalisé des progrès significatifs dans la réduction de la pauvreté, même si les résultats restent inégaux.  Le Gouvernement a mis en place des initiatives telles que des banques alimentaires et un système de protection sociale, avec l’idée de réorienter les investissements vers les enfants, qui sont touchés de manière disproportionnée par la pauvreté multidimensionnelle: 51,3%, contre 37,4% chez les adultes, a chiffré le représentant.  Par ailleurs, avec le soutien de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les agriculteurs de 5 des 14 régions de la Namibie utilisent désormais une combinaison de techniques nucléaires et d’irrigation économe pour arroser leurs champs.  Ceci est particulièrement utile pour les petits exploitants dont la production ne dépendait jusqu’ici que des précipitations.

M. CARLOS IVAN ZAMBRANA FLORES (Bolivie) a commencé par exprimer sa préoccupation face à l’élimination systématique des principes de la Conférence de Rio, en particulier le principe d’équité, non seulement dans les débats de la Deuxième Commission, mais également dans les différents rapports publiés par l’ONU. Il a aussi estimé que concernant l’action climatique mondiale, les faits confirment qu’il ne suffit plus de prendre des mesures d’atténuation et d’adaptation.  Il faut aussi parler des pertes et dommages que subissent déjà les pays en développement.  L’examen global qui sera réalisé cette année doit, a-t-il dit, encourager l’examen des engagements non tenus et restructurer les mécanismes financiers, en fonction des besoins des pays en développement.  Concernant la biodiversité, le représentant a dit que le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal reste le pilier de la mise en œuvre de la Convention sur la diversité biologique.  Notre travail futur doit être cohérent avec le reste de nos accords, a-t-il insisté, ajoutant que la mise en œuvre dudit Cadre doit également inclure des actions axées sur la Terre nourricière, c’est-à-dire garantir la non-commercialisation des fonctions environnementales de notre Terre.

Mme NASHWA (Maldives) a axé son intervention sur l’acidification des fonds marins, qui impacte le secteur de la pêche, lequel est primordial pour la santé économique des Maldives.  Elle a dénoncé la surpêche et la pêche non autorisée, notamment du thon, une activité que son gouvernement souhaite rendre illégale.  Elle a aussi réclamé des investissements dans des systèmes alimentaires résilients et félicité le Secrétaire général pour ses initiatives en ce sens.  La déléguée a enfin demandé que les obstacles à l’accès aux nouvelles technologies soient levés et qu’une réforme de l’architecture financière internationale soit rapidement lancée.

Mme CHRISTINE NZUMBU (Kenya) a estimé qu’il est de moins que l’on triomphe de la pauvreté d’ici à 2030, compte tenu des chocs successifs, tels que l’inflation et l’augmentation constante des prix des matières premières et des engrais.  Sans une intervention massive, ces problèmes pourraient gravement compromettre l’avenir en Afrique.  Dans mon pays, a-t-elle indiqué, le secteur agricole représente 20% du PIB et emploie 40% de la population.  C’est la raison pour laquelle le Kenya travaille actuellement à un programme de transformation agricole nommé « Beta » et dans le cadre de sa stratégie de développement agricole, il s’investit dans une agriculture résiliente et dans l’autonomisation des femmes en milieu rural.  Mais, a conclu la représentante, nous continuons de réclamer des financements adéquats pour le renforcement des capacités, la recherche et les systèmes d’informations fiables.

M. PISAREVICH (Bélarus) a commencé par saluer le leadership de la Fédération de Russie dans l’acheminement de dizaines de millions de tonnes de céréales vers les pays africains.  Il a aussi remercié la Chine pour son aide aux pays en développement, y compris dans le domaine de la sécurité alimentaire.  Le délégué a ensuite réclamé la suppression des mesures coercitives unilatérales imposées par les pays occidentaux contre son pays et la Fédération de Russie, et ce, sans mandat de l'ONU.  Ces mesures, a-t-il dénoncé, ont causé des difficultés dans la distribution des engrais et de céréales et elles sont à l’origine de la crise alimentaire actuelle dont pâtissent des millions de personnes dans les pays en développement.

Le Bélarus, a protesté le représentant, qui est un des plus grands producteurs d’engrais à base de potassium au monde, a vu ses exportations diminuer dès 2021, compte tenu des sanctions illégales imposées par les pays occidentaux.   Aujourd’hui, le Bélarus ne représente plus que 9% de ce marché.  Nous vivons dans un monde, a poursuivi le représentant, où la production agricole ne suffit plus et où les gens ordinaires souffrent de la faim, en particulier en Afrique.  La crise alimentaire actuelle ne peut être réglée sans un accès aux engrais russe et bélarussiens.  Le représentant a demandé aux États qui ont imposé des mesures illégales de renoncer à leur politique néfaste. 

Après avoir énuméré les plans nationaux de développement dont le Plan d’action pour la stabilisation et le développement (PA-SD) 2023-2025, M. MAHAMADOU BOKOUM (Burkina Faso) a dit qu’en dépit des efforts fournis dans la réduction de la pauvreté, 4 personnes sur 10 vivaient en 2018 en dessous du seuil de pauvreté national.  Le Gouvernement a mis en place des mécanismes de protection sociale et pour ne laisser personne sur le côté, a, avec partenaires, pris des mesures en faveur des groupes vulnérables et de leurs droits fondamentaux.  S’agissant des femmes, les interventions portent notamment sur des subsides aux semences améliorées et aux équipements agricoles, et sur l’imposition d’un quota laissant aux concernées 30% au moins des terres agricoles aménagées.  En faveur des personnes âgées, le Gouvernement a construit deux centres gériatriques à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso et adopté un Plan stratégique multisectoriel de prise en charge 2021-2025 d’un coût global de 46 millions de dollars.  Enfin pour les personnes déplacées, un Plan de réponse humanitaire a été mis sur pied, grâce au soutien des partenaires.  En conclusion, le représentant a sollicité l’appui de la communauté internationale pour vaincre l’hydre terroriste au profit d’un développement inclusif.

Pour Mme CAO LIWEN (Chine), la communauté internationale doit déployer des efforts concertés et adopter des politiques intégrées pour accélérer la mise en œuvre des premier et deuxième objectifs de développement durable.   Il faut aider les pays en développement, notamment les pays les moins avancés (PMA), à triompher de la pauvreté.  Il faut aussi assurer un ordre économique mondial « raisonnable ».  Comme les pays ne peuvent totalement dépendre de l’aide, il faut les aider à améliorer leur productivité agricole et la qualité de l’enseignement pour que les zones rurales puissent se développer de façon indépendante.  La Chine s’enorgueillit d’avoir éliminé la pauvreté extrême et établi des mécanismes à long terme pour consolider et pérenniser ces résultats, a avoué la représentante.

M. MAURIZIO MASSARI (Italie) a rappelé que son pays a accueilli le Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires à Rome, en juillet 2023, consciente de l’urgence d’inverser la tendance à la hausse de la faim dans le monde. Elle a salué le nouvel appel à l’action pour transformer ces systèmes alimentaires qu’a lancé le Secrétaire général à cette occasion.  Pour sa part, le Gouvernement italien vient d’allouer une somme supplémentaire de 2 millions au volet alimentaire du Fonds commun visant à faciliter l’application du Programme 2030.  En concluant, le représentant a voulu mettre l’accent sur la question migratoire qui est l’un des résultats de l’insécurité alimentaire.  Nous travaillons avec nos partenaires pour nous attaquer aux causes profondes de ce phénomène.

M. AHMED (Émirats arabes unis) a noté que son pays avait consacré 1,4 milliard de dollars à la lutte contre l’insécurité depuis cinq ans.  Dans moins de deux mois, a-t-il rappelé, les Émirats accueilleront la COP28 qui encouragera notamment les gouvernements et les entreprises à réduire l’insécurité alimentaire et, plus spécifiquement, les gaspillages alimentaires de moitié.  Il a aussi rappelé qu’en mai 2023, les Émirats avaient annoncé leur participation à un programme d’innovation agricole pour un montant de 4 milliards de dollars, conjointement avec les États-Unis.  Le délégué a cité en outre une initiative menée avec le Royaume-Uni afin de créer une agriculture résiliente et durable face aux changements climatiques.  De plus, en mars 2023, les Émirats se sont joints à la France qui coordonne le programme « Unite Life » pour autonomiser les femmes et lutter contre la malnutrition, a ajouté le délégué, avant de réaffirmer que son gouvernement continuera à soutenir toutes les actions visant à aider la communauté internationale à parvenir à la sécurité alimentaire au niveau mondial.

Mme PETAL GAHLOT (Inde) a rappelé, citant le rapport du Secrétaire général, que son pays a sorti environ 415 millions de personnes de la pauvreté multidimensionnelle sur une période de 15 ans, contribuant ainsi à la baisse des niveaux de pauvreté en Asie du Sud.  Un élément important des efforts de réduction de la pauvreté a été l’accent mis sur la lutte contre la pauvreté rurale, grâce à des interventions politiques ciblées, notamment dans le développement du secteur agricole, étant donné que plus de 70% des ménages ruraux indiens dépendent de l’agriculture comme principale source de subsistance, a-t-elle expliqué.  De plus, avec une production de céréales alimentaires passant de 50 millions de tonnes en 1950-51, à près de 300 millions de tonnes en 2019-20, l’Inde est devenu un pays exportateur net de produits alimentaires, classé au neuvième rang mondial.  Cela a également permit à l’Inde de constituer des stocks alimentaires résilients, capables d’assurer la sécurité alimentaire de plus de 800 millions d’Indiens au cours des trois dernières années de défis sanitaires et géopolitiques, s’est réjoui la représentante.

M. NGUYEN (Viet Nam) a misé sur la sécurité alimentaire pour réduire la pauvreté et éradiquer la faim, tout en appelant à modifier le comportement des consommateurs afin de réduire le gaspillage alimentaire.  Il a jugé par ailleurs impératif de transformer les systèmes alimentaires pour qu’ils soient davantage durables et résilients et ainsi mieux capables de résister aux multiples crises, telles que l’insécurité alimentaire, la malnutrition, les urgences sanitaires, les changements climatiques, la perte de biodiversité, les conflits ainsi que la volatilité des marchés, entre autres.

Le représentant a également plaidé pour des emplois décents, en tant que priorité pour assurer la protection sociale.  Pour cette raison, il a salué une initiative du Secrétaire général, à savoir l’Accélérateur mondial pour l’emploi et la protection sociale et des transitions justes, ainsi que la Coalition mondiale pour la justice sociale, lancée par l’Organisation internationale du Travail (OIT).  Il a dit attendre avec impatience leur mise en œuvre, espérant que cela contribue en outre aux préparatifs en vue du Sommet social mondial de 2025.  Le délégué a, en conclusion, assuré que son pays n’avait ménagé aucun effort pour réduire la pauvreté multidimensionnelle, étant passé à un taux de 4,3% en 2022, soit une réduction de 0,1 point par rapport à 2021.  Cela s’est fait par la mise en œuvre de diverses politiques de soutien aux ménages vivant dans la pauvreté, en particulier ceux des zones reculées et rurales, a-t-il dit.

Mme MARITZA CHAN VALVERDE (Costa Rica) a fustigé le niveau d’inégalités entre pays ainsi que l’augmentation du prix des aliments et les effets des changements climatiques: ces derniers pourraient provoquer le déplacement de plus de 200 millions de personnes d’ici à 2050. Elle a appelé à dépasser les anciens modèles éculés et à lutter contre ces phénomènes de manière intégrée, grâce à l’adoption de l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle et d’indicateurs de genre, entre autres. 

Le Costa Rica a atteint l’objectif « zéro déforestation nette », a indiqué la représentante avant de se vanter des 719 fermes du pays qui sont reconnues dans le programme « Pavillon bleu écologique » pour leur gestion durable des ressources naturelles.  Elle a aussi indiqué que le pays avance dans la mise en œuvre de programmes d’action nationaux dans les domaines suivants: l’atténuation des effets des changements climatiques, le café, les musacées, le bétail, la canne à sucre, la réduction des émissions et la promotion de pratiques durables qui n’affectent toutefois pas la production.

Mme TAHMINA HASANOVA (Tadjikistan) a expliqué que son pays faisait face à la dégradation de ses terres.  Face à cela, la priorité de son gouvernement est de renforcer les capacités et la protection des populations les plus vulnérables, comme les enfants, les femmes allaitantes et les élèves de l’enseignement primaire.  Un des objectifs est que toutes les personnes vulnérables du pays aient suffisamment pour se nourrir d’ici à 2024, a-t-elle notamment précisé.  Les systèmes alimentaires mondiaux doivent être mis à jour, a plaidé la représentante en misant sur la science, l’innovation et les nouvelles technologies pour sortir les États Membres de l’ornière.

Mme LINOUSE VILMENAY JOSEPH (Haïti) a expliqué que les engagements de la communauté internationale pour les PMA en matière de nutrition, de santé, de logement et d’éducation nécessitaient une assistance technique accrue à ces pays et une réforme de l’architecture financière internationale.  La Conférence de Doha, l’an dernier, a montré des avancées encourageantes, notamment en matière de commerce, a-t-elle noté.  La déléguée a d’ailleurs appelé à intégrer les petits producteurs locaux dans les chaînes de valeur agroalimentaires, « dans des conditions équitables », et dans les circuits commerciaux internationaux.

Elle a aussi demandé d’élargir leurs possibilités d’emploi productif et de travail décent, agricole ou non agricole.  Face à des défis majeurs rencontrés par son pays, notamment sécuritaires, la représentante a appelé à un engagement majeur de la part de sa société civile pour sortir de l’ornière.  Elle a enfin plaidé pour un transfert de technologies de l’information et des communications au service du développement durable vers les PMA.

M. MAITAFSIR (Nigéria) a reconnu le rôle de la biodiversité pour une agriculture résiliente ainsi que la nécessité de protéger les écosystèmes pour conserver les ressources.  Pour éliminer la pauvreté, l’Afrique ne peut faire face seule, sans partenariats avec le secteur privé, a prévenu le représentant.  Il a aussi fait valoir que le continent ne peut pas s’en sortir sans politiques ciblées pour lutter contre les inégalités économiques.  Le délégué a défendu un système commercial multilatéral universel, réglementé, ouvert, transparent, prévisible, inclusif, non discriminatoire et équitable sous l’égide de l’OMC.

M. MATETE PAUL NENA (Lesotho) a déclaré que le Gouvernement lesothan encourage les agriculteurs à utiliser des méthodes agricoles modernes et plus productives afin d’accroître leur production. La production agricole et alimentaire bénéficie de la plus grande partie du budget national pour l’exercice 2023-2024, a-t-il ajouté.  Le représentant a aussi indiqué que les propriétaires terriens qui n’ont pas les moyens d’assumer la production agricole sont fédérés au sein du « Block Farming », dans lequel le Gouvernement assume la totalité des coûts de production et donne 20% de la production aux membres.  Ce programme a fait augmenter la production au cours de la dernière campagne agricole, s’est-il félicité.

Le délégué a ensuite expliqué qu’après la pandémie de COVID-19, le Lesotho a transformé ses systèmes alimentaires et agricoles grâce à la science, à la technologie et à l’innovation en utilisant des serres pour protéger les cultures contre les conditions climatiques extrêmes.  Le représentant a conclu en insistant sur l’importance de poursuivre les investissements dans le secteur agricole.

Mme CARLA MARIA RODRÍGUEZ MANCIA (Guatemala) a dit que son gouvernement promeut l’agriculture durable et investit dans des technologies agricoles innovantes.  Le Gouvernement a aussi mis en œuvre des projets de résilience aux changements climatiques qui contribuent à l’amélioration de la sécurité alimentaire et à l’état nutritionnel de 60 communautés du « couloir sec » dans le nord-est du Guatemala.  La coopération internationale est essentielle pour relever les défis de la sécurité alimentaire.  Il faut, a précisé la représentante, davantage de partage des connaissances, des ressources et des meilleures pratiques.  Elle a également souligné l’importance du commerce équitable et durable, d’un cadre réglementaire solide et de financements durables.  Le Président du Guatemala, a-t-elle indiqué, a lancé la « Grande croisade nationale pour la nutrition » qui profite aux enfants et à leurs familles. La représentante a encouragé les partenaires internationaux à se servir du Plan stratégique pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle du Guatemala dans leurs interventions dans le pays.

M. GIRMAY (Éthiopie) a plaidé pour un plus grand soutien aux petits agriculteurs et aux femmes des zones rurales.  Pour sa part, l’Éthiopie se concentre sur l’amélioration des conditions de vie de la population, dont une bonne partie vit en zone rurale.  Le Gouvernement travaille notamment à une amélioration de l’accès aux soins de santé, à l’eau potable, aux transports et autres services.  Le représentant s’est réjoui des progrès remarquables enregistrés, puisque le taux de pauvreté est passé de 42% en 2000 à 19% en 2020.

Depuis 2005, le Gouvernement a mis en place des filets de sécurité sociale pour protéger les segments les plus vulnérables de la population et a lancé des programmes spécifiques pour les zones rurales, en mettant l’accent sur l’agriculture à grande échelle, qui a permis de parvenir à l’autosuffisance alimentaire.  La bonne mise en œuvre du Programme 2030 dépend de l’amélioration de la situation dans les zones rurales, a conclu le représentant, rappelant les engagements pris de ne laisser personne de côté.

Mme IRINA ALEXANDRA BARBA BUSTOS (Équateur) a estimé que la pauvreté va au-delà du manque de ressources monétaires, car elle englobe aussi toutes les privations dans l’exercice des droits des personnes.  L’Équateur est donc favorable aux indicateurs de pauvreté multidimensionnelle, avec des données ventilées, a dit la déléguée.  Elle a invité les institutions financières à en tenir compte pour accroître la disponibilité des ressources financières et le développement des capacités des pays en développement.

En collaboration avec la FAO, l’Équateur travaille à la transformation de ses systèmes agroalimentaires afin qu’ils soient durables, efficients, résilients et inclusifs, à faible impact environnemental et couplés à des mesures d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques.  Grâce à ses politiques publiques, l’Équateur a réussi à faire reculer la malnutrition chronique infantile de 3,5%, s’est félicitée la représentante, soulignant le rôle important de l’agriculture familiale pour garantir la sécurité alimentaire.

Pour M. ROYSTON ALKINS (Guyana), la pauvreté gêne la mise en œuvre de tous les ODD, et la pandémie n’est pas seule en cause.  Le prix des produits agricoles demeure très élevé, compte tenu des changements climatiques et des conflits géopolitiques.  Le Guyana, a-t-il indiqué, se concentre sur la sécurité alimentaire, sur l’offre d’un régime sain et sur la protection de ses zones forestières, agricoles et côtières. 

Mme ALMEZYAD (Koweït) a témoigné des efforts de son pays pour lutter contre la pauvreté, notamment chez les personnes âgées, les gens dans le besoin et les personnes handicapées.  Des aides et des prestations sociales leur sont versées tous les mois, et au niveau international, le Koweït a tendu la main aux PMA par des canaux formels et informels.  La déléguée a mis en avant la profondeur historique de l’engagement du Koweït dans l’action humanitaire et a encouragé la coopération internationale.

Mme MARY BETH LEONARD (États-Unisa dit que depuis le 1er janvier 2021, le Gouvernement américain finance de nombreux programmes du PAM qui ont permis de nourrir des populations dans 120 pays et territoires.  Le monde comptera 10 milliards de personnes d’ici à 2050, a rappelé la représentante, en soulignant qu’il faudra en conséquence augmenter de 50% la nourriture disponible.  Les États-Unis travaillent ainsi à la mise en place de systèmes agricoles beaucoup plus résilients, capables de résister aux effets des changements climatiques, a indiqué la représentante.  Elle a ajouté que son gouvernement a lancé, avec la FAO, des programmes visant à accroître les récoltes, notamment en Afrique.

Elle a ensuite indiqué que les États-Unis et les Émirats arabes unis ont lancé une initiative qui a pour but d’accélérer l’innovation agricole grâce à des investissements plus importants dans la recherche et le développement.  Pour la représentante, c’est notamment par des meilleures solutions scientifiques que le monde pourra s’adapter aux changements climatiques à court terme.  Elle a insisté sur le fait que l’invasion à très grande échelle de l’Ukraine par la Russie menace la production de céréales de l’Ukraine, demandant à la Russie de revenir à l’Initiative de la mer Noire.  « On ne peut pas parvenir à la sécurité alimentaire sans que la Russie arrête sa guerre de choix contre l’Ukraine », a-t-elle conclu. 

M. EMERY GABI (Congo) a estimé qu’une action urgente est nécessaire pour inverser la tendance à l’augmentation de la pauvreté et de la faim et pour accélérer les progrès, en particulier dans les zones rurales. L’approche qu’il a recommandée est la connectivité progressive entre les zones urbaines, périurbaines et rurales au moyen d’investissements dans les infrastructures, les biens publics et le renforcement des capacités.

Pour sa part, la République du Congo a mis en place des plans nationaux de développement afin de faciliter la réalisation des ODD en restructurant, industrialisant et diversifiant son économie.  L’accent mis sur une croissance économique plus inclusive et diversifiée vise à atténuer la pauvreté et les inégalités en milieu rural, a-t-il expliqué.

M. ALAN EBUN GEORGE (Sierra Leonea relevé que la hausse des inégalités et le fardeau de la pauvreté poussent des milliers de jeunes à traverser la Méditerranée à gagner l’Europe en quête d’un avenir meilleur. Cette migration aboutit à une fuite des cerveaux et fait baisser la production agricole dans les pays d’origine, ce qui nuit à l’économie des pays en développement, a fait remarquer le représentant.  Pour éliminer la pauvreté, il a estimé que les prêts et les dons des organisations internationales, ainsi que les investissements publics et privés, doivent aller vers la création d’emplois décents, en plaçant les femmes au centre des projets, ainsi que vers l’économie verte, l’agriculture, la protection sociale et la numérisation, afin de stimuler la croissance des pays en développement.

Misant sur le développement du capital humain, la Sierra Leone a décidé de consacrer 21% de son budget national à l’éducation, a ensuite indiqué le délégué.  Mais la première de ses priorités est de stimuler la production agricole, afin de garantir la sécurité alimentaire à la population.

M. ALSINDI (Bahreïn) a expliqué que la superficie arable limitée de son pays nécessite un développement rapide des nouvelles technologies agricoles. Face aux famines et à la faim, son pays a déployé des efforts pour garantir le développement agricole, dans le cadre de sa stratégie nationale de sécurité alimentaire, en coopération avec la FAO.  Cette stratégie mise sur l’innovation pour augmenter la production agricole au niveau local.  Plusieurs projets ont été entrepris pour développer les nouvelles technologies agricoles à Bahreïn, y compris en milieu aquatique, dans le domaine halieutique.  Plus de 900 agriculteurs ont été formés dans l’augmentation de la production agricole, a ajouté le délégué.  Dans le domaine des ressources halieutiques, Bahreïn compte parvenir à la création de 20 millions d’alevins d’ici à 2025.

M. LUIZ FELIPE ROSA DOS SANTOS (Brésila reconnu que le chemin vers un avenir durable passe par l’élimination de la pauvreté. Il a regretté un recul en la matière depuis 2015.  Le fossé financier fait que les pays en développement sont incapables de se relever de la pandémie, d’autant que des mesures protectionnistes prises par des pays développés -sous prétexte de préservation de l’environnement– sont à déplorer.  Il a réclamé des discussions immédiates dans le domaine du commerce international.

Sur le plan national, un programme de transfert monétaire en espèces a été lancé par le Gouvernement brésilien pour garantir un revenu de base, ce qui a permis à 3,4 millions de personnes de se tirer de la pauvreté extrême, a-t-il fait valoir. En juillet, le Brésil a relancé son programme d’achat alimentaire bénéficiant aux petits exploitants. L’engagement du Gouvernement à faire cesser la faim passe aussi par le niveau régional via le renforcement de la coopération Sud-Sud et de la coopération triangulaire ainsi que par la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) pour mettre en œuvre un grand plan d’alimentation scolaire.  Enfin, le Brésil profitera de son prochain statut de président du G20 pour créer une agence mondiale contre la faim et la pauvreté, a annoncé le représentant.

M. MANDLAPER (Afrique du Suda lancé un appel pour résoudre les problèmes fondamentaux de développement et les inégalités qui pèsent de manière disproportionnée sur les pays en développement.  Le représentant a souligné l’importance des investissements, du transfert de technologies et du renforcement des capacités pour la mise en œuvre des ODD.  Il a réitéré la nécessité d’un appui financier prévisible et pérenne, y compris par le respect de tous les engagements pris en matière d’aide publique au développement (APD), par des politiques commerciales favorables, ainsi que par le transfert de compétences et de technologies aux pays en développement. Il faut en outre prendre des mesures urgentes et efficaces à l’ONU pour lutter contre les flux financiers illicites et pour mieux réglementer la fiscalité, a demandé le représentant souhaitant que les pays en développement puissent mobiliser au niveau national les ressources nécessaires pour réaliser les ODD.  Le délégué a condamné les mesures protectionnistes unilatérales prises par certains pays qui entravent les efforts de réduction de la pauvreté.

M. ANDRÉS NAPURÍ PITA (Pérou) a souligné les disparités entre les milieux rural et urbain s’agissant des emplois informels, ces derniers étant plus fréquents dans le secteur agricole qui domine largement le marché du travail en milieu rural.  Rappelant que des milliards de personnes travaillent dans le secteur agroalimentaire, il a appelé à un système plus durable, plus inclusif et plus équitable. Les petits exploitants agricoles rendent un service à l’humanité, a-t-il affirmé, soulignant le rôle essentiel de l’agriculture pour la conservation des ressources, la nutrition et l’économie. La pomme de terre étant un des aliments les plus consommés, il a encouragé une culture durable et la protection des variétés en voie de disparition.  Dans cet objectif, il est revenu sur la proposition de son pays de proclamer le 30 mai, journée mondiale de la pomme de terre afin de sensibiliser le monde à l’importance de ce tubercule pour la biodiversité et la chaîne alimentaire.

M. MD MONWAR HOSSAIN (Bangladesh) a regretté que 2,4 milliards de personnes, principalement des femmes et des enfants, aient encore été confrontées à l’insécurité alimentaire en 2022, rappelant que l’objectif « Faim zéro » est un ODD important pour atteindre les autres ODD, tels que l’élimination de la pauvreté et l’égalité des sexes.  Il a indiqué que son pays a transformé son agriculture, par une gestion prudente des terres arables.  Mais, a-t-il avoué, il nous faut des financements et un accès élargi aux engrais. Le Bangladesh est d’ailleurs prêt à partager ses bonnes pratiques d’agriculture durable.  Les crises externes, a poursuivi le représentant, ne sont pas sans répercussion sur le système agroalimentaire et les pays en développement, les PMA et les PEID étant souvent touchés de manière disproportionnée. Il est donc important de promouvoir de toute urgence des banques alimentaires régionales, de lever les restrictions aux exportations et de corriger les distorsions dans les chaînes d’approvisionnement.  Appelant à la coordination des efforts financiers et agricoles, au niveau international, il a souhaité que la communauté internationale revoie la manière dont les produits agricoles sont fabriqués, consommés et gaspillés.

Mme HAFIZA HUMAIRA JAVAID (Pakistan) a expliqué que son pays a connu de graves inondations l’année dernière, qui ont recouvert un tiers du pays et plongé des millions de personnes dans la pauvreté.  Selon la représentante, la lutte contre la pauvreté et la faim impose un commerce équitable, une réforme de l’architecture financière internationale et des politiques viables de commerce agricole.  Les pays en développement doivent pouvoir se relever après les crises et faire face aux changements climatiques.  Quant aux pays développés, ils doivent respecter leurs engagements financiers.

Mme İLKNUR DEMİR (Türkiye) a relevé que tous les pays du monde sont préoccupés par la sécurité alimentaire, ce qui est « tout simplement inacceptable ».  Aujourd’hui plus que jamais, la solidarité internationale est indispensable pour construire des systèmes alimentaires plus résilients.  En Türkiye, les séismes du mois de février dernier ont gravement touché 11 provinces, ce qui a eu de graves conséquences pour la production agricole, l’industrie alimentaire et les moyens de subsistance des agriculteurs. Forte de cette expérience, la représentante a tenu à souligner la nécessité d’intégrer la réduction des risques de catastrophe dans les politiques sur l’agriculture, la sécurité alimentaire et la nutrition.  La science, les technologies et l’innovation ont un rôle à jouer pour renforcer les capacités des pays vulnérables, a fait observer la représentante, en invitant les PMA à recourir à la Banque de technologies des Nations Unies pour la transformation de leur système alimentaire.

M. MUHAMMAD ZULASRI BIN ROSDI (Malaisie) a affirmé que pour la seule année en cours, le Gouvernement malaisien a dépensé plus de 215 millions de dollars pour accélérer les programmes d’élimination de la pauvreté, ce qui a permis d’augmenter les revenus de plus de 50 000 ménages extrêmement pauvres qui ont pu bénéficier d’une formation appropriée dans l’agriculture, le marketing et la numérisation, ainsi que d’un capital de départ.  La Malaisie a remodelé son économie et élevé le niveau de vie de la population, en passant d’une économie à faible revenu à une économie à revenu intermédiaire supérieure en une seule génération.  La Malaisie poursuit également ses efforts pour résoudre les problèmes de sécurité alimentaire via son plan d’action agroalimentaire.  Les politiques nationales, conformes aux quatre piliers définis par la FAO, à savoir la disponibilité, l’accès, l’utilisation et la stabilité, portent leurs fruits.

Le délégué s’est toutefois dit conscient de la nécessité d’assurer l’autosuffisance pour les denrées alimentaires de base, étant donné que les prix deviennent plus volatiles en raison de l’impact des changements climatiques, de la COVID-19 et de l’augmentation du coût des engrais.  Dans le cadre d’un effort collectif régional, les nations de l’ASEAN viennent d’ailleurs d’accepter de s’entraider pour surmonter les pénuries de riz et d’autres problèmes alimentaires.

Mme RENATA CHIVUNDU (Malawi) a soutenu que l’agriculture se situait au cœur de l’économie du Malawi, représentant environ un quart du PIB.  Le secteur contribue de manière significative à l’emploi, à la croissance économique, aux recettes d’exportation, à la réduction de la pauvreté, à la sécurité alimentaire et à la nutrition. Toutefois, à l’heure actuelle, l’agriculture malawienne n’est pas encore entièrement mécanisée.  De nombreux agriculteurs utilisent des méthodes traditionnelles, dépendant de la pluie pour leurs cultures.  Des mesures d’investissement ont donc été mises en place pour développer l’irrigation.  Les produits horticoles, tels que les légumes, les fleurs, les fruits et le riz, peuvent désormais être cultivés à l’aide de systèmes d’irrigation par gravité, par pompage, par dérivation de rivière ou par aspersion.

Actuellement, a poursuivi la déléguée, le Gouvernement s’efforce de lutter contre la pauvreté et la faim en mettant en place des politiques volontaristes. Depuis trois ans, le Malawi met en œuvre un programme d’intrants abordables -notamment des engrais et des semences- dans le cadre d’une stratégie de lutte globale contre l’insécurité alimentaire, la pauvreté, les inégalités et les vulnérabilités.  Par l’intermédiaire du Ministère de l’agriculture, le pays essaye de relever les défis de la pauvreté et de la faim grâce à des « mégafermes », financées en partie par le secteur privé. Cette année, le Malawi en a lancé deux: la « Katunga-Maseya Mega Farm », dans le district de Chikwawa, et la « Linga Mega Farm », dans la baie de Nkhata.  Ces deux initiatives contribueront à créer des richesses, s’est réjouie la déléguée.

M. SAŠA MART (Serbie) a dit que la mise en place de systèmes alimentaires durables est l’une des priorités du Gouvernement serbe.  Le cadre mis en place pour le développement du système agricole et alimentaire vise une plus grande compétitivité agricole, la gestion durable des ressources, la protection de l’environnement et l’amélioration de la qualité de vie dans les zones rurales avec une réduction de la pauvreté.  En Serbie, les secteurs de l’agriculture et de l’industrie alimentaire représentent 15% du secteur de l’emploi et 7% de la valeur ajoutée totale, a indiqué le délégué qui a aussi signalé que la moitié des entreprises du secteur agricole peuvent être qualifiées d’innovantes. Le Gouvernement continuera d’augmenter les fonds alloués à la recherche et au développement dans le domaine de l’agriculture, afin de rapprocher la Serbie du niveau des pays de l’Union européenne, a-t-il assuré.

L’exécutif, a poursuivi le représentant, encourage l’association des petits producteurs agricoles ainsi que le développement de circuits courts d’approvisionnement alimentaire et de marchés alimentaires locaux afin de renforcer la résilience et la durabilité agricoles.  Des systèmes d’irrigation, des systèmes de protection contre la grêle, des entrepôts et des centres de collecte avec des équipements de réfrigération pour emmagasiner fruits et légumes sont en cours de construction, a-t-il encore cité parmi les mesures prises.  Il a conclu en rappelant que la résilience climatique nécessite des financements pour l’adaptation au climat.

M. DWI WISNU BUDI PRABOWO (Indonésie) a regretté les prévisions selon lesquelles près de 10% de la population mondiale aura encore faim en 2030.  Il faut casser le cycle de la pauvreté en faisant de l’élimination de la faim une priorité, a-t-il exhorté.  Le représentant a indiqué que l’agriculture est la colonne vertébrale de nombreux pays, surtout dans les pays en développement. Il a donc appelé à aider ces pays en œuvrant pour une agriculture résiliente, qui tienne compte de leurs spécificités.  Cette transformation exige, néanmoins, des actions concertées aux niveaux national, régional et international, a-t-il mis en garde, prônant des politiques d’appui pour les petits agriculteurs.  Le délégué a ensuite signalé que l’Indonésie aide actuellement ses gouvernements locaux à réagir à la croissance démographique car celle-ci augmente la dépendance aux produits agricoles.  Enfin, il a fait observer que la lutte contre la pauvreté est essentielle pour relever le défi d’une transformation durable.

M. BAKHSH (Arabie saouditea plaidé en faveur de la coopération internationale pour parvenir à l’élimination de la pauvreté, faisant remarquer qu’il s’agit d’un objectif commun.  Pour sa part, l’Arabie saoudite s’efforce de donner l’accès à l’eau propre à tous et de réduire les impacts des crises géopolitiques sur la sécurité alimentaire, a indiqué le représentant.  Il a ajouté que son pays avait fait d’énormes contributions, environ 3 millions de dollars, pour l’assistance à la sécurité alimentaire dans le monde.  L’Arabie saoudite a aussi essayé d’unir les efforts de différents fonds au niveau régional, a fait valoir le représentant, constatant toutefois que, malgré les progrès réalisés à différents niveaux, parvenir aux ODD no 1 et no 2 reste difficile.  Les Nations Unies et ses différentes agences jouent un rôle important pour éliminer la pauvreté et parvenir à la sécurité alimentaire et au développement durable, a-t-il conclu.

M. MUNGANDI (Zambie) a expliqué l’arrêt des progrès en matière de lutte contre la pauvreté par les conséquences de l’inflation, des chocs climatiques et de la pandémie de COVID-19.  Une tendance qui touche particulièrement les zones rurales d’Afrique subsaharienne, a relevé le délégué, qui a appelé à placer ces populations au centre des politiques de développement.  La Zambie est aux prises avec la pauvreté, qui est élevée, avec un taux de plus de 60% en 2022, a-t-il signalé.  En outre, les enquêtes menées par le Gouvernement montrent que la pauvreté augmente plus en milieu urbain qu’en milieu rural.

Le représentant a détaillé les principales priorités du plan quinquennal national en cours, qui passent par l’amélioration de la protection sociale via des transferts en espèces et par des programmes alimentaires, notamment en milieu scolaire. Un programme d’appui pour parvenir à une transformation agricole totale est aussi en place, avec des programmes de mécanisation et d’augmentation de la production, a-t-il encore indiqué.

M. KYAW MOE TUN (Myanmar) a présenté l’agriculture comme étant l’épine dorsale de son pays.  Dans les zones rurales, l’agriculture est le secteur qui fournit le plus d’emplois, a-t-il poursuivi.  Des chocs touchant un seul système altèrent d’autres secteurs, a-t-il ensuite déclaré, attirant l’attention sur la tentative de coup militaire au Myanmar et les terres brûlées qui ont considérablement mis en danger la sécurité alimentaire.  Le pays fait face à des actes de terreur de la part de la junte militaire, a-t-il expliqué, tels que des frappes aériennes contre les infrastructures civiles et des logements civils incendiés, entre autres.

Le représentant a aussi signalé que la junte militaire met en place des législations arbitraires qui rendent la vie des populations difficile, soulignant que près de 30% des foyers sont touchés par une insécurité alimentaire modérée ou grave et qu’un million d’enfants n’ont pas reçu les vaccinations de base.  Les organisations de résistance et d’autres partenaires s’efforcent de fournir une assistance alimentaire et sanitaire mais nous avons besoin du soutien de la communauté internationale, a prévenu le délégué en appelant les États à fournir un appui robuste et efficace pour restaurer la démocratie dans son pays.  « Ne laissez pas le Myanmar seul dans ce monde qui tente de mettre un terme à la pauvreté », a-t-il exhorté en conclusion.

Mme LISANDRA MARINA GUTIÉRREZ TÓRREZ (Nicaragua) a appelé à un nouvel ordre mondial multipolaire et à des politiques monétaires justes pour éviter une crise prolongée de la dette publique dans les pays en développement.  Les systèmes financiers internationaux doivent permettre un accès équitable et inclusif aux financements, et les pays développés doivent honorer leurs engagements en la matière, a-t-elle pointé.  Elle a dénoncé les politiques financières actuelles, qui découlent d’un système capitaliste inique, ainsi que les mesures coercitives unilatérales néfastes, qui grèvent le développement du Nicaragua.

La déléguée a en revanche loué l’initiative mondiale de développement lancée par la Chine et son réseau de coopération, initiative dotée d’une vision équitable et équilibrée.  Elle a aussi fait valoir que le Gouvernement du Nicaragua a lancé un plan antipauvreté permettant de tracer un chemin vers la croissance économique pour le pays. Il se base sur un modèle de développement social, économique et culturel, a-t-elle précisé en mentionnant au passage l’existence de la Commission nationale d’économie créative. Ce modèle de développement permet aux familles nicaraguayennes d’entreprendre et de prospérer, a assuré la représentante.

M. HUSSEIN ATHMAN KATTANGA (République-Unie de Tanzanie) a fait remarquer que l’économie tanzanienne ne fonctionne pas de manière isolée et qu’elle subit donc tous les chocs mondiaux récents.  Le secteur agricole du pays contribue à hauteur de 26% au PIB et emploie plus de 75% de la population, a-t-il chiffré avant de signaler que la Présidente veut faire de la République-Unie de Tanzanie un centre de l’approvisionnement alimentaire du continent africain.  À cet effet, elle a pris des mesures politiques en matière de propriété foncière et a augmenté le budget de l’agriculture de 29% entre 2020 et 2024, a indiqué le représentant qui a aussi parlé des subventions décidées pour les engrais et les semences.  La Présidente tanzanienne fait tout pour attirer les jeunes dans ce secteur, s’est-il réjoui.

Poursuivant, il a indiqué que la Présidente compte améliorer les infrastructures routières pour relier les régions, les districts et les villages ainsi que pour améliorer la circulation des denrées alimentaires.  Certaines de ces mesures ont déjà été prises faisant en sorte que le taux d’inflation du pays est le plus faible de la région (environ 3,8%), s’est vanté le délégué.  Il a ensuite indiqué que la République-Unie de Tanzanie avait accueilli en septembre le forum des systèmes alimentaires pour l’Afrique, qui a permis d’avoir une plateforme pour une action coordonnée à grande échelle.

M. MOHAMED-ESSEGHIR LATROUS (Algérie) a demandé une réponse rapide face à la crise alimentaire mondiale.  D’abord, il faut coordonner les efforts pour venir en aide aux populations les plus touchées par la famine, a-t-il recommandé en demandant de veiller à ce qu’il y ait suffisamment d’aliments disponibles.  Le représentant a souligné l’importance de la mise en œuvre des recommandations du Sommet sur les systèmes alimentaires, notamment en Afrique.  Il a encouragé à faire fond sur les opportunités créées par la Zone de libre-échange continentale africaine.

Le délégué a exigé le retrait des barrières qui entravent les investissements dans ce domaine et appelé à tirer parti des investissements privés et publics.  Les chaînes d’approvisionnement doivent rester ouvertes y compris pour les matières premières, a-t-il souhaité.  Le représentant a aussi dissuadé les interdictions à l’importation de certaines matières premières, avant de demander de respecter les règles de l’OMC.  Le Gouvernement algérien encourage en outre l’innovation scientifique et l’utilisation des nouvelles technologies pour appuyer le secteur agricole, a fait savoir le représentant.

M. MAURA (Mozambique) a estimé que des mesures ambitieuses sont nécessaires pour éliminer la malnutrition et la pauvreté d’ici à 2030. Soulignant que les besoins primaires relèvent des droits humains, il a affirmé que le développement agricole est un pilier de la politique de développement de son pays.  Il a attiré l’attention sur deux initiatives, l’une visant la réduction de la malnutrition et l’autre, une gestion intégrée de l’agriculture et des ressources naturelles afin d’améliorer les chaînes de valeur de la production.  Mon gouvernement a cinq priorités, a-t-il poursuivi, à savoir la sécurité alimentaire, les revenus des familles, l’emploi, l’intégration sociale et la production et la productivité.  Pour accélérer l’intégration socioéconomique, il est nécessaire de jeter les bases d’une agriculture durable, a-t-il estimé, soulignant que son pays a enregistré des progrès significatifs s’agissant de la diminution du nombre de personnes en insécurité alimentaire.  Enfin, il a exhorté les partenaires bilatéraux et multilatéraux à honorer leurs engagements.

M. ABDULRAHMAN HASAN YAHYA AL-BARATI (Yémen) a rappelé que la pauvreté multidimensionnelle est bien trop élevée, notamment dans les PMA.  Quelque 80% de la population yéménite vit dans la pauvreté. De plus, 24 millions d’habitants ont besoin d’aide humanitaire et 20 millions risquent la famine, a-t-il déploré.  Il a également fait état des taux élevés de malnutrition et du manque de soins médicaux, notamment pour les enfants en bas âge et les femmes enceintes.  Le Gouvernement résiste à la guerre mais l’économie décline, a-t-il mis en garde.  Nous devons œuvrer de concert pour prévenir, via des mesures efficaces, les crises d’acheminement et d’approvisionnement des denrées alimentaires liées aux conflits ou aux changements climatiques, a-t-il exhorté, appelant la communauté internationale à financer intégralement le Plan de réponse humanitaire pour le Yémen.  Il a ensuite jugé que la FAO, aux côtés des gouvernements, peut aider considérablement les petits exploitants agricoles, limiter la dépendance à l’aide humanitaire et faciliter la coexistence pacifique.  Enfin, reconnaissant la nécessité de la participation des femmes à la production agricole, il a appelé à la levée des restrictions imposées aux femmes dans les régions contrôlées par les milices houthistes.

M. KANISSON COULIBALY (Mali) s’est inquiété des défis auxquels son pays est confronté et qui sapent ses efforts de réalisation des ODD.  Il a cité l’insécurité liée au terrorisme, les conséquences des changements climatiques, l’insécurité alimentaire et la crise sanitaire.  À ces crises s’ajoutent les sanctions économiques et financières injustes, totalement illégales et clairement inhumaines que la CEDEAO et l’UEMOA ont imposées en janvier 2022.  En application des dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, le Gouvernement s’attelle à fournir des dividendes de la paix aux populations à travers l’élaboration et la mise en œuvre, depuis décembre 2015, du Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable (CREED), qui vise à promouvoir le développement inclusif et durable en vue de la réduction de la pauvreté et des inégalités dans un Mali « uni et apaisé ».

M. MOUSSA MAMAN SANI(Niger) a fait observer que le secteur agricole occupe près de 80% de la population active de son pays et représente en moyenne 40% du PIB.  Pour capitaliser sur ses atouts, le Niger a mis en place l’Initiative 3N (les Nigériens Nourrissent les Nigériens), une stratégie nationale de sécurité alimentaire et de développement agricole durable.  Cette politique de modernisation et de transformation du monde rural vise en particulier à améliorer la productivité et à faire émerger une économie rurale basée sur le développement des petites et moyennes entreprises agricoles, surtout pour les femmes et les jeunes.  Le représentant a condamné les « organisations communautaires » qui deviennent des « instruments de menace existentielle et du gangstérisme économique », à travers « des sanctions inhumaines, illégales et illégitimes d’une rare cruauté » qu’elles imposent au peuple nigérien.

Mme TANIA SERAFIM YVONNE ROMUALDO (Cabo Verdea salué la réduction substantielle de l’extrême pauvreté dans son pays, de 23,7% en 2015 à 13,1% en 2020.  Ces progrès, dus à la croissance économique, soulignent la volonté du pays d’obtenir des résultats positifs en matière de développement.  Toutefois, le pays demeure aux prises avec les effets combinés de la pandémie de COVID-19 et des changements climatiques.  Les indicateurs socioéconomiques révèlent une baisse de 14,8% de la croissance économique en 2020, une diminution de 9% de l’emploi et des pertes de revenus généralisées parmi les ménages.  Ces problèmes, associés à la baisse des recettes et à la réduction des investissements dans la protection sociale, contribuent à l’augmentation du ratio dette/PIB, limitant la marge de manœuvre budgétaire du Gouvernement caboverdien.

D’autre part, a souligné la déléguée, les inégalités entre les sexes persistent, la pauvreté touchant de manière disproportionnée les ménages dirigés par des femmes, et les effets des changements climatiques sont déjà évidents, comme en attestent par exemple les pénuries d’eau.  Investir dans des solutions basées sur la nature et dans l’énergie verte est un impératif pour en atténuer l’impact, a relevé l’oratrice. Tirant parti de sa position d’État du centre du littoral atlantique et de chef de file de la coopération Sud-Sud, Cabo Verde recherche des solutions résilientes, par le biais de l’intégration régionale et du commerce, en particulier entre les PEID.  La collaboration avec les partenaires nationaux et le soutien continu des agences de l’ONU sont essentiels pour naviguer dans les eaux complexes du développement, a souligné la représentante.

M. DMITRY S. ARISTOV (Fédération de Russie) a estimé que l’analyse présentée dans les rapports de ce matin ne donne pas un tableau objectif de la sécurité alimentaire dans le monde.  Le problème ne peut pas se concentrer uniquement sur les événements en Ukraine, a plaidé le représentant.  Il a rappelé que les États Membres et les programmes des Nations Unies basés à Rome jouent un rôle dans ce domaine.  Il a aussi souligné que la Russie prend en compte les intérêts et les besoins des partenaires des pays en développement en versant plus de 120 millions de dollars à la FAO.  Le représentant a cru avoir repéré des « thèses dangereuses », présentées par le Secrétariat, s’agissant de ce qu’il appelle « la crise du coût de la vie ».  Le délégué a rejeté toute accusation à l’égard de son pays à ce sujet.  La Fédération de Russie est un des grands producteurs d’engrais et de céréales dans le monde, a-t-il dit, en assurant qu’il n’y a pas de déficit ou d’insuffisance de production agricole dans le monde.

La raison de la crise, a argumenté le délégué, est que les chaînes de production et de distribution ont été cassées.  Il a aussi dénoncé les mesures illégales qui ont été prises par les pays occidentaux, y compris l’imposition de la transition énergétique et le protectionnisme commercial.  Le représentant a proposé de s’attaquer aux sanctions imposées par les pays occidentaux sur les populations des pays qui en souffrent.  Il a dit être « déçu » du fait que le Secrétaire général de l’ONU ne reconnaisse pas ce problème comme étant un des principaux facteurs de la régression dans le développement social et économique.  Le représentant a mis sur le dos des spéculateurs les problèmes de la sécurité alimentaire mondiale.  Entre 2021 et 2022, les entreprises ont gagné 14 milliards de dollars grâce à la spéculation, mais qui profite de cet argent? a demandé le délégué.

Mme DEBATABA (Togo) a expliqué que sans son pays, l’agriculture concerne 65% de sa population active, et occupe 60% de la superficie globale du pays.  Le Gouvernement a consenti à des efforts notables pour améliorer l’accès aux financements pour développer ce secteur, via la mécanisation, l’utilisation d’engrais, le développement des chaînes de valeur agricoles et l’auto-entrepreneuriat. Un mécanisme incitatif de financement agricole a été lancé en 2018 pour faciliter l’accès des agriculteurs au crédit. Toutefois, l’agriculture demeure soutenue par le secteur bancaire et, à cet égard, le Gouvernement togolais aimerait réduire les taux d’intérêts, dans le but de doper la production.  En outre, pour accompagner les agriculteurs les plus vulnérables, environ 2 milliards de francs CFA ont été débloqués pour l’acquisition d’engrais.  Le taux de couverture alimentaire a été amélioré et la faim réduite, entre autres, grâce à des projets de cantine scolaire.  Malgré ces avancées, toutes les cibles de l’ODD no 2 ne sont pas atteintes, a avoué la déléguée.  Sur le plan interne, il faudrait surmonter certaines difficultés internes, comme la faiblesse des financements et un contexte sécuritaire marqué par les attaques terroristes au nord du pays.  Sur le plan international, elle a cité comme obstacles la COVID, l’inflation, la crise énergétique et la dette extérieure.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Troisième Commission: le Président de l’Assemblée générale appelle à tirer parti des droits humains pour atteindre les objectifs de développement durable

Soixante-dix-huitième session,
17e séance plénière – matin
AG/SHC/4381

Troisième Commission: le Président de l’Assemblée générale appelle à tirer parti des droits humains pour atteindre les objectifs de développement durable

Venu souligner l’importance du travail de la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, en ces « temps difficiles », le Président de l’Assemblée générale a appelé, ce matin, à tirer parti des droits humains pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD) y voyant « les deux faces d’une même médaille ». 

M. Dennis Francis s’est notamment alarmé de la situation « très préoccupante » de la question du genre, notant que les pratiques néfastes et la discrimination fondée sur le sexe ont doublé et que 54% des pays n’ont toujours pas de lois dans tous les domaines clefs de l’égalité des sexes.  Cet écart en matière de pouvoir et de leadership est visible à tous les niveaux, y compris à l’Assemblée générale, a déploré le dignitaire qui a fait part de son intention de rétablir le Conseil consultatif pour l’égalité des genres de la présidence de l’Assemblée générale. 

Les délégations ont ensuite dialogué avec trois titulaires de mandat, dont la Rapporteuse spéciale sur l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille qui a regretté la faiblesse de la réponse des États Membres aux recommandations qu’elle a formulées durant ses six années d’exercice.  Elle s’est notamment inquiétée de la prévalence de la discrimination, relevant que dans le monde, une centaine de lois en place discriminent activement les malades, qui n’ont accès ni à la justice, ni à aucune fonction publique, et sont discriminés jusque dans les services publics. 

Elle s’est également inquiétée de l’absence de technologie médicale pour assurer la guérison des malades, ainsi que du manque de données sur la lèpre.  En outre, bien des gouvernements n’ont pas conscience des enjeux, voire de l’existence même de cette maladie dont « tout le monde a tendance à penser qu’elle n’existe plus », a déploré la Rapporteuse spéciale qui a appelé à inscrire la lèpre dans le Programme 2030.

Au préalable, la Présidente du Comité des droits économiques, sociaux et culturels a alerté que le manque de ressources entrave l’examen des rapports des États parties dans le temps imparti, précisant que 32 rapports sont actuellement en souffrance, en partie en raison du report intervenu pendant la pandémie de COVID-19.  Se disant très préoccupée par la situation, elle a ajouté que le Comité restait confronté à des absences de présentation ou à des présentations tardives de rapports, certains ayant plus de 10 ans de retard, regrettant en outre que certains États n’aient toujours pas présenté leurs rapports initiaux, depuis 25 ans pour certains. 

Lui faisant écho, la Présidente du Comité des droits de l’homme a indiqué que le nombre de dossiers en souffrance était passé de 1 178 à la fin de 2019 à 1 200 à la fin de 2022, et que les ressources humaines mises à disposition n’avaient pas suivi le rythme de cette charge de travail croissante.  La situation actuelle nuit à la crédibilité du Comité et une fatigue professionnelle gagne le personnel qui est « de plus en plus malade », a-t-elle alerté.  « Le Comité a atteint ses limites, et il faut en tenir compte lors de l’évaluation budgétaire », a plaidé la Présidente qui a dit attendre un plus grand engagement de la part des États parties pour garantir le financement adéquat du système des organes conventionnels sur la base du budget ordinaire de l’ONU. 

Avant de lever la séance, la Troisième Commission a achevé sa discussion générale sur les droits des peuples autochtones.  À cette occasion, le Venezuela, qui s’est enorgueilli d’abriter 44 peuples autochtones parlant plus de 36 langues, toutes officiellement reconnues, a appelé les États Membres à s’unir pour défendre les peuples autochtones historiquement exclus.  La colonisation a laissé un héritage de douleur qui doit être racheté par une conscience historique et planétaire, honorant les peuples autochtones pour leur résistance courageuse et déterminée, a-t-il martelé, estimant que les demandes de réparation devraient être entendues par des puissances coloniales qui « tentent d’oublier et d’échapper à leurs dettes sous couvert d’anachronisme ». 

La Troisième Commission poursuivra son examen de la promotion et de la protection des droits humains demain, jeudi 12 octobre, à partir de 10 heures.

ALLOCUTION DU PRÉSIDENT DE LA SOIXANTE-DIX-HUITIÈME SESSION DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

M. DENNIS FRANCIS, Président de la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale, a souligné l’importance du travail de la Troisième Commission en ces « temps difficiles », marqués par les inégalités croissantes, les catastrophes dévastatrices et les tragédies de la guerre.  Ces questions, a-t-il souligné, sont intrinsèquement liées aux principes fondamentaux des droits humains, qui sont au cœur même de l’Organisation des Nations Unies et de tout ce qu’elle représente.  M. Francis a saisi l’occasion de cette allocution pour rappeler la célébration, cette année, du soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du trentième anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne, annonçant qu’il remettra, le 15 décembre, le Prix des Nations Unies pour la cause des droits de l’homme. Décerné à des individus et des organisations en reconnaissance de leurs accomplissements exceptionnels, ce prix honorifique représente, à ses yeux, un message important adressé aux défenseurs des droits humains du monde entier, qui doivent pouvoir mener leur travail sans crainte, représailles ou intimidation. 

Après avoir réaffirmé « notre engagement personnel et institutionnel » envers les principes de la Déclaration universelle adoptée voilà 75 ans, le Président de l’Assemblée générale a rappelé que, le mois dernier, les chefs d’État et de gouvernement ont renouvelé leur engagement à atteindre les objectifs de développement durable (ODD) d’ici à 2030.  Dans ce cadre, il a appelé à tirer parti des droits humains pour atteindre les ODD car, a-t-il dit, ils représentent « les deux faces d’une même médaille ».

Alertant sur la situation « très préoccupante » de la question du genre, M. Francis a relevé qu’aucun des indicateurs de l’ODD no 5 sur l’égalité des sexes n’est près d’être atteint.  Les pratiques néfastes et la discrimination fondée sur le sexe ont doublé et 54% des pays n’ont toujours pas de lois dans tous les domaines clefs de l’égalité des sexes, a-t-il déploré.  Cet écart en matière de pouvoir et de leadership est visible à tous les niveaux, y compris à l’Assemblée générale, a constaté M. Francis.  Se présentant comme un « champion du genre », il a dit avoir convoqué la deuxième réunion annuelle de la Plateforme des dirigeantes à l’Assemblée générale pour souligner l’importance et le rôle du leadership des femmes dans la réalisation des ODD.  Il a ajouté que son Envoyé spécial fera également office de Conseiller spécial sur l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, et qu’il rétablira et convoquera prochainement le Conseil consultatif pour l’égalité des genres de la présidence de l’Assemblée générale.

Sur le plan humanitaire, M. Francis s’est alarmé du nombre record de personnes, estimé à quelque 350 millions, touchées par les multiples crises qui secouent le monde, accentuées par le récent tremblement de terre dévastateur en Afghanistan et la détérioration de la situation au Moyen-Orient.  Ces crises soulignent l’ampleur et la complexité des défis auxquels le système humanitaire mondial doit faire face au quotidien, a-t-il observé, attirant l’attention sur les entraves posées aux opérations humanitaires en raison des contraintes de ressources. 

À cet égard, le Président de l’Assemblée générale a rappelé qu’il manque encore 70% des fonds requis dans le cadre de l’appel humanitaire mondial pour répondre à ces besoins urgents.  De plus, les travailleurs humanitaires sont menacés par des attaques lancées contre eux et contre les infrastructures civiles, en violation du droit international humanitaire, a-t-il dénoncé, implorant les États Membres à respecter les principes humanitaires dans tous les conflits. 

Enfin, après avoir engagé la Troisième Commission à partager ses conclusions avec la Cinquième Commission le plus rapidement possible pour qu’elle puisse prendre en compte ses contributions, il a félicité la Commission chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles pour avoir réservé un large espace aux jeunes. Un compliment apprécié par le Président de la Commission, qui l’a assuré de sa volonté d’ouvrir cette instance à la voix de la jeunesse.  Concluant cet échange, M. Alexander Marschik, de l’Autriche, a fait tinter sa « cloche des Alpes » pour saluer la visite du Président de l’Assemblée générale.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS (A/78/198)

Déclaration liminaire de la Présidente du Comité des droits l’homme

Mme TATIANA ABDO ROCHOLL, Présidente du Comité des droits l’homme, a présenté le rapport annuel de l’organe (A/78/40) par visioconférence depuis Genève.

Elle a fait savoir que dans le cadre de la procédure de présentation de rapports, le Comité a dialogué avec 18 États parties et procédé à l’examen de 25 rapports, soit 10 de plus que l’an dernier.  En outre, le Comité a adopté 11 listes de points à traiter concernant les rapports initiaux ou périodiques et 3 listes de points à traiter avant le rapport dans le cadre de la procédure simplifiée de présentation des rapports. 

Elle a rappelé que depuis 2019, le Comité s’est engagé dans la voie d’un cycle d’examen prévisible de huit ans, l’objectif étant d’améliorer la prévisibilité et d’assurer la présentation régulière de rapports par tous les États parties.  Bien que la mise en œuvre de ce nouveau calendrier ait été retardée par la pandémie de COVID-19, elle s’est félicitée du nombre élevé de rapports soumis par les États parties, dont certains après plusieurs années de retard, synonyme selon elle d’un engagement à mettre en œuvre les droits consacrés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  À ce jour, 33 rapports sont en attente d’examen par le Comité qui a par ailleurs adopté 181 décisions au cours de la période considérée. 

La Présidente a ensuite signalé que le nombre de dossiers en souffrance augmente, passant de 1 178 à la fin de 2019 à 1 200 à la fin de 2022.  Le Comité recevant le plus grand nombre de plaintes individuelles de l’ensemble du système des organes conventionnels, il s’efforce donc, avec l’aide de la section des pétitions, d’ajuster et d’améliorer ses méthodes de travail.  Notant, cependant, que les ressources humaines mises à la disposition de cette entité n’ont pas suivi le rythme de la charge de travail croissante du Comité, elle a plaidé en faveur d’une augmentation des capacités humaines de la section des pétitions.  La situation actuelle nuit à la crédibilité du Comité en tant que forum capable d’offrir des solutions rapides aux victimes de violations des droits humains, a-t-elle signalé.  Également préoccupée par la fragilité de la situation financière, elle a dit attendre un plus grand engagement de la part des États parties pour garantir le financement adéquat du système des organes conventionnels sur la base du budget ordinaire de l’ONU.

Dialogue interactif

Donnant le coup d’envoi à cet échange, le Mexique s’est intéressé aux mesures innovantes que les États peuvent prendre pour rendre les droits civils et politiques effectifs.  Le Paraguay a voulu savoir comment le Comité pourrait collaborer avec les États parties pour rendre ses travaux encore plus efficaces.  Les États-Unis ont demandé à la Présidente des précisions sur les mesures mises en place pour résorber le retard dans le traitement des communications, s’inquiétant par ailleurs d’un service d’interprétation trop cher. 

L’arriéré dans le traitement des rapports des États parties a également préoccupé le Cameroun, qui a souhaité connaître les avantages de la pratique des points focaux mise en place récemment, de même que le Costa Rica, qui a noté que l’accumulation des communications en attente est passée de 746 en 2018 à plus de 1 200 aujourd’hui.  Il a aussi voulu savoir comment le Comité comptait renforcer sa coopération avec les mécanismes régionaux des droits humains. 

Prenant note des demandes de financement supplémentaires, la Fédération de Russie a incité la Présidente à se concentrer sur son mandat et à ne pas l’outrepasser, marquant son opposition à toute tentative de politisation des organes conventionnels.  Comment assurer la participation pleine et entière de tous les États Membres? a questionné ensuite l’Union européenne, qui a aussi voulu connaître les mesures concrètes mises en œuvre pour numériser les travaux, notamment en ce qui concerne les communications. 

Répondant aux questions soulevées par les délégations, la Présidente du Comité des droits de l’homme a indiqué que la plateforme numérique mise à disposition par le Comité permet aux États parties d’élaborer des indicateurs, et d’établir un diagnostic objectif en matière de promotion des droits humains. Elle a également rappelé que le calendrier établi sur huit ans permet aux États de se préparer comme il se doit, notamment en ce qui concerne leur dialogue avec la société civile.  Elle a aussi assuré que le Comité fait tout ce qui est en son pouvoir pour régler les problèmes liés au multilinguisme. 

Soulignant de nouveau que les affaires augmentent alors que les ressources humaines, elles, n’augmentent pas, elle a alerté qu’une fatigue professionnelle gagne le personnel, et que cette situation affecte sa santé.  « Tenez-en compte », a-t-elle plaidé, notant que le Comité a besoin d’appui en termes de numérisation, laquelle permettra une utilisation optimale du talent humain disponible.  Mais en attendant, le personnel est de plus en plus malade, et je n’exagère pas, a-t-elle lancé.  Le Comité a atteint ses limites, et il faut en tenir compte lors de l’évaluation budgétaire.

Déclaration liminaire de la Présidente du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Mme LAURA CRACIUNEAN-TATU, Présidente du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, venue présenter le rapport annuel du Comité pour 2022 (E/2023/22), a indiqué que le rapport 2023 serait adopté à la fin de cette semaine et soumis au Conseil économique et social (ECOSOC) en 2024.  Elle s’est plainte d’un manque de ressources, qui entrave l’examen des rapports des États parties dans le temps imparti et empêche le Comité de fournir une liste de questions préalables à tous les États désireux de choisir la procédure simplifiée d’établissement des rapports.

Actuellement, 32 rapports d’États parties sont en attente d’examen, ce qui s’explique en partie par le report intervenu pendant la pandémie de COVID-19, a-t-elle indiqué.  Se disant très préoccupée par la situation, elle a ajouté que le Comité restait confronté à des absences de présentation ou à des présentations tardives des rapports de la part des États, certains ayant plus de 10 ans de retard.  Elle a regretté que certains États n’aient toujours pas présenté leurs rapports initiaux, depuis 25 ans pour certains, et proposé l’aide des équipes de pays des Nations Unies et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) en vue d’y parvenir.  Elle a demandé des ressources supplémentaires pour traiter les communications individuelles, ajoutant que sur les 171 États parties au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, seuls 27 avaient reconnu la compétence du Comité pour recevoir des communications individuelles.  Notant la stagnation du nombre de ratifications, elle a appelé les États parties à ratifier le Protocole facultatif. 

Afin de réformer le travail des organes conventionnels, un document de travail a été soumis par le HCDH avant la trente-cinquième Réunion annuelle des présidents des organes conventionnels en mai 2023, a-t-elle rappelé, indiquant qu’il avait été qualifié « d’étape importante » en vue de fournir des éléments pour la prochaine résolution biennale de l’Assemblée générale sur le système des organes conventionnels relatifs aux droits de l’homme en décembre 2024. 

Elle a ensuite souligné l’importance de la déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme et des droits économiques, sociaux et culturels, adoptée par le Comité en 2016, à l’heure où ils affrontent des défis de plus en plus sévères. 

Dialogue interactif

Préoccupée par le sort des femmes et des filles migrantes et les personnes LGBTQI+, la Macédoine du Nord a souhaité savoir ce que fait le Comité face au rejet des droits des personnes appartenant à ces catégories.  De son côté, l’Union européenne a demandé à la Présidente quelles mesures avaient été prises de concert avec les autres organes conventionnels pour éviter les chevauchements, s’intéressant en outre au rôle de la numérisation dans l’appui au mandat. 

El Salvador a souhaité savoir quelles stratégies le Comité recommande en situation de crise et d’urgence pour fournir une réponse plus inclusive et équitable qui tienne compte des catégories les plus vulnérables.  Et qu’en est-il des mesures prises par le Comité pour appuyer les États dans la réalisation des objectifs de développement durable (ODD)? a ajouté le Cameroun, suivi de la Chine qui a assuré qu’elle participera avec le Comité à la promotion des droits humains dans le monde. 

Relevant que d’ici à 2030, 84 millions d’enfants ne seront pas scolarisés, et 300 millions ne finiront pas leur enseignement primaire, l’Algérie a demandé à la Présidente comment elle comptait répondre à cette situation alarmante.  La délégation a également souhaité savoir si les cinq domaines clefs qui fondent la vision du Comité s’accompagnent d’indicateurs pour évaluer les progrès. 

Préoccupée par le nombre de rapports en souffrance, la Malaisie a souhaité savoir combien de temps serait nécessaire pour résorber ce retard, avant de s’enquérir de la manière dont le Comité prévoit d’élargir la participation au Pacte.  Envisagez-vous d’introduire une procédure d’examen simplifiée? a demandé l’Union européenne.  La Fédération de Russie a affirmé, pour sa part, que les mesures unilatérales coercitives violent la jouissance des droits économiques et culturels et a appelé le Comité à se saisir de cette problématique.  Enfin, le Portugal s’est intéressé aux moyens d’édifier une économie mondiale fondée sur les droits humains. 

En réponse aux questions et observations des États Membres, la Présidente du Comité des droits économiques, sociaux et culturels a mis en avant l’intérêt des observations générales issues de l’examen des rapports des États parties.  Celles-ci sont très utiles, car elles permettent une compréhension cohérente et concertée des travaux du Comité, a-t-elle fait valoir. Actuellement, le Comité travaille sur trois observations, dont une qui a trait au Pacte et au développement durable, assurant qu’une fois adoptée, cette observation fournira des réponses à de nombreuses questions qui se posent « à nous tous aujourd’hui ».  La deuxième observation est encore à l’état d’examen.  Quant à la troisième, elle se penche sur les droits économiques et sociaux dans les contextes de conflit armé.

S’agissant des procédures simplifiées dans la présentation des rapports, la Présidente a expliqué que le Comité compte l’élargir à tous les États parties qui le souhaitent, signalant toutefois que le manque de ressources entrave sa mise en œuvre consistante.  Elle a ensuite exhorté les États qui ne l’ont pas encore fait, à ratifier le Protocole facultatif, afin d’établir une jurisprudence générale en ce qui concerne les droits inscrits dans le Pacte. 

Déclaration liminaire de la Rapporteuse spéciale sur l'élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre (maladie de Hansen) et des membres de leur famille

Mme ALICE CRUZ, Rapporteuse spéciale sur l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre (maladie de Hansen) et des membres de leur famille, est revenue sur ses six années d’exercice en tant que première titulaire de ce mandat, constatant avec regret que la réponse des États Membres à ses recommandations n’a été que « faible », malgré leur engagement à ne laisser personne de côté d’ici à 2030.  Se disant consciente des défis structurels auxquels sont confrontés les pays à revenu faible ou intermédiaire, où la lèpre (également connue sous le nom de maladie de Hansen) est répandue, elle a affirmé quitter ses fonctions avec le sentiment que « ceux qui n’ont aucun pouvoir de négociation, parce qu’ils ont été activement invisibilisés par des pratiques médicales autoritaires liées au colonialisme, sont facilement considérés comme non prioritaires ».

M. Cruz a indiqué qu’au cours des années écoulées, elle s’est employée à présenter des preuves de l’omniprésence de la discrimination formelle et substantielle à l’encontre de ce groupe de personnes, notamment le déni systémique de leur droit à accéder aux opportunités sur un pied d’égalité avec les autres dans des domaines tels que la santé, l’éducation, le travail, la protection sociale et l’accès à la justice.  Elle a aussi fourni des preuves de la violence physique, psychologique et sexuelle, en particulier contre les femmes et les enfants touchés par la lèpre, et de la façon dont les stéréotypes néfastes sur la maladie peuvent menacer les droits et libertés fondamentaux. 

Au fil des ans, elle a dit avoir identifié une lacune majeure dans l’offre de recours et de réparations pour les violations actuelles et passées des droits de l’homme à l’encontre des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille, à savoir le simple respect des obligations des États de ne pas discriminer les personnes touchées par la maladie de Hansen et les membres de leur famille, qui reste « insuffisant pour remédier correctement aux violations des droits humains que subit ce groupe de personnes extrêmement marginalisées et historiquement ostracisées ». 

Abordant le volet des solutions, la Rapporteuse spéciale a recommandé aux États concernés d’élaborer et d’adopter des cadres juridiques antidiscriminatoires, pour lesquels son rapport fournit des orientations sur des questions clefs, telles que le droit à la participation et une approche intersectionnelle des motifs protégés.  Elle a rappelé à cet égard que la non-discrimination est un principe fondamental du droit international des droits de l’homme. 

Pour autant, a-t-elle poursuivi, il ne suffit pas que les États se contentent de ne pas discriminer ce groupe de personnes: ils doivent aussi prendre toutes les mesures nécessaires pour que le principe de non-discrimination soit mis en œuvre et garanti par tous.  Les États ont donc « l’obligation positive » de lutter contre la discrimination dans les différents domaines de la vie, y compris les pratiques coutumières fondées sur les religions locales, a plaidé Mme Cruz.

La Rapporteuse spéciale a précisé que son rapport identifie les cadres juridiques des 23 pays prioritaires identifiés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour l’action contre la lèpre.  Il en ressort selon elle des lacunes considérables dans la législation antidiscriminatoire générale et dans la législation spécifique à la maladie de Hansen. Si les 23 pays disposent tous de dispositions constitutionnelles concernant le droit à l’égalité et à la non-discrimination, très peu traduisent ces dispositions en droit national, a-t-elle déploré. 

Mme Cruz s’est néanmoins réjouie que les personnes touchées par la maladie de Hansen et les organisations qui les représentent s’approprient de plus en plus ce récit, ainsi que les activités visant à faire valoir leurs droits, en particulier aux niveaux infranational et national.  Il est essentiel d’assurer la continuité de l’intégration de la question de cette maladie dans les mécanismes pertinents des droits de l’homme, ainsi que dans le développement et le renforcement de la capacité des organisations de personnes touchées à interagir avec ces mécanismes, a ajouté la Rapporteuse spéciale.  À ses yeux, il faut aussi veiller à ce que les États concernés coopèrent plus étroitement à l’examen de leurs cadres et politiques juridiques et à l’évaluation de leurs lacunes. 

Regrettant enfin qu’un certain nombre de pays n’aient pas encore répondu positivement à sa demande de visite depuis des années, la Rapporteuse spéciale leur a demandé en conclusion d’inviter sans délai son successeur. 

Dialogue interactif

À la suite de cette présentation, l’Union européenne a noté avec satisfaction que 23 États ont été qualifiés de prioritaires par le rapport de l’OMS et a appelé à collecter plus de données.  Elle s’est interrogée sur les moyens d’aider les États à mieux intégrer les personnes affectées par la lèpre et la famine aux processus de prise de décisions afin de réduire la stigmatisation.  Le Brésil a rappelé qu’il avait adopté une loi antidiscrimination et listé une série d’actions entreprises visant à limiter la marginalisation des personnes atteintes de maladies socialement stigmatisées.  Le Japon a ensuite voulu connaître les bonnes pratiques afin d’aider les États à adopter l’approche fondée sur la personne que prône la Rapporteuse spéciale.  La Chine a indiqué qu’elle avait introduit un diagnostic et une prise en charge gratuite pour la lèpre et des mesures pour préserver les droits à l’éducation et au travail.  Elle s’est dite prête à partager son expérience, notamment en ce qui concerne la prévention. 

Le Portugal a, pour sa part, demandé si des améliorations avait été observées en matière de lutte contre les discriminations dans les États les plus affectés par la lèpre.  Il a aussi voulu savoir si elle affectait la réalisation des ODD.  De son côté, l’Ordre souverain de Malte a détaillé son dispositif de lutte contre la lèpre, qui se traduit notamment par la fourniture de traitements à 33 000 personnes par an.  Il a également fait part de l’ouverture d’un établissement en Angola et de recherches sur la maladie à Malte. 

Répondant aux questions soulevées par les délégations, la Rapporteuse spéciale sur l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille a tout d’abord fait remarquer à la Chine que la discrimination concerne aussi la production de médicaments contre la maladie de Hansen.  En effet, a-t-elle expliqué, nous ne disposons toujours pas de technologie médicale pour assurer la guérison aux malades.  Elle a ensuite tenu à féliciter le Japon et Brésil, seuls États à avoir mis en place des mesures contre la ségrégation dont souffrent les personnes atteintes de la lèpre.

Répondant à une problématique abordée par l’Union européenne, Mme Cruz a rappelé le manque de données disponibles au sujet de la maladie de Hansen.  De fait, une cartographie de la discrimination découlant de cette maladie continue de faire défaut, a-t-elle déploré.  Elle a également déclaré avoir constaté au cours de ses déplacements que bien des gouvernements n’ont pas conscience des enjeux, voire de l’existence même de cette maladie.  « Tout le monde a tendance à penser que cette maladie n’existe plus », a insisté la Rapporteuse spéciale, pour qui il est urgent de l’inscrire dans la catégorie des maladies qui doivent être surveillées par les mécanismes de suivi.

Mme Cruz a ensuite appelé de ses vœux une sensibilisation sur cette question, de la société civile jusqu’à l’ensemble des échelons décisionnels, avant de s’émouvoir du fait que les enfants atteints par la maladie de Hansen sont parfois abandonnés par leurs propres familles, relégués dans des léproseries où ils sont soumis à toutes formes de violences, y compris sexuelles.  Dans le monde, a-t-elle ajouté, une centaine de lois en place discriminent activement les malades, qui n’ont accès ni à la justice, ni à aucune fonction publique, et sont discriminés jusque dans les services publics.  « Les fonctionnaires comme les agents de la santé ne veulent même pas les rencontrer car ils ont peur. »

Alors que personne ne veut ou ne sait diagnostiquer cette maladie puisque l’on suppute qu’elle n’existe plus, les malades se retrouve « déshumanisés » car totalement oubliés par les États, a poursuivi la Rapporteuse spéciale, selon laquelle la maladie de Hansen n’est pas seulement une question de santé mais aussi une préoccupation liée aux droits humains.  « Inscrivons cette maladie dans le Programme 2030 et rappelons l’intersection qui existe entre les discriminations de genre, contre les enfants et les handicapés, et celles que subissent les personnes atteintes de la maladie de Hansen, a-t-elle exhorté. 

Avant de conclure, Mme Cruz a noté que, trop souvent, les pays en développement n’appréhendent le développement que sous le prisme de la seule croissance économique. Or celle-ci n’atteint pas nécessairement les plus vulnérables, d’où l’urgence absolue d’inclure les droits humains dans le développement, a-t-elle plaidé.

DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES

Suite de la discussion générale

Mme BLANDINA RUTH VIDITHA ADELEIDE PELLA (Indonésie) a réitéré la volonté de son pays de sauvegarder les traditions et les cultures des communautés autochtones.  À ce sujet, elle a souhaité lever les « ambiguïtés » du rapport concernant les différends fonciers et les questions potentielles de droits humains en Indonésie, invitant le Rapporteur spécial à produire des rapports « plus objectifs et impartiaux ». 

L’Indonésie s’enracine dans un « principe d’unité dans la diversité », a précisé la représentante, selon laquelle le Gouvernement indonésien favorise un environnement où les communautés peuvent maintenir leur mode de vie.  Cette volonté s’illustre notamment à travers la reconnaissance de croyances traditionnelles et l’encouragement à pratiquer le droit coutumier, a-t-elle expliqué, ajoutant que le Ministère du développement humain et de la culture, établi en 2021, vise à renforcer les pratiques traditionnelles, sans discrimination. 

Après avoir évoqué la constitution d’une équipe de coordination composée de 23 ministères et institutions pour combler le fossé entre les autorités et les communautés autochtones, la déléguée a rappelé l’intérêt porté par son gouvernement à l’éducation aux coutumes locales, faisant état d’une initiative menée dans neuf provinces à l’intention des jeunes et des universitaires.  En conclusion, elle a jugé important de respecter la diversité qui existe « en notre sein », toutes les cultures et identités ayant « une place spécifique dans la mosaïque de l’humanité ». 

Mme CELIA KAFUREKA NABETA (Ouganda) a indiqué que les populations autochtones sont protégées par la Constitution ougandaise de 1995.  Elle a ajouté qu’une loi sur la terre reconnaît les droits de propriété coutumière et que la législation nationale sur l’environnement exige que les droits et les intérêts des peuples autochtones soient pris en compte.  La déléguée a rappelé que, lors de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones de 2014, les États Membres se sont engagés à élaborer des plans d’action nationaux, des stratégies ou d’autres mesures dans le prolongement de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.  Cet engagement, a-t-elle dit, a permis à l’Ouganda de réaliser des progrès en la matière, notamment la mise en place en 2019 d’un comité national de référence des peuples autochtones. 

L’Ouganda a par ailleurs entrepris plus de 12 consultations régionales afin de recueillir l’avis des communautés autochtones sur leurs besoins et leurs priorités, a poursuivi la représentante, selon laquelle ce travail s’est traduit par le lancement d’un plan prévoyant, entre autres mesures, le renforcement du partenariat entre le Gouvernement et les communautés autochtones.  La déléguée a cependant reconnu qu’en dépit de ces efforts, la plupart des populations autochtones de l’Ouganda vivent toujours dans la pauvreté, avec des niveaux élevés d’analphabétisme, des soins de santé limités et une insécurité résultant de l’accaparement des terres par les éleveurs. 

M. ROBERT ALEXANDER POVEDA BRITO (Venezuela) a affirmé que la commémoration de la Journée de la résistance autochtone, qui sera célébrée demain, jeudi 12 octobre, au Venezuela, était un hommage aux peuples autochtones du pays qui se sont opposés à la colonisation, rappelant au passage que ce phénomène perdurait aujourd’hui. Il a qualifié la défense des droits des peuples autochtones de lutte permanente après un processus de colonisation territoriale, religieuse et culturelle ayant entraîné le génocide le plus atroce de l’histoire de l’humanité.  Le délégué a rappelé que la Constitution vénézuélienne consacre le caractère pluriculturel et multiethnique de son pays, qui abrite 44 peuples autochtones parlant plus de 36 langues, toutes officiellement reconnues.  Les politiques publiques du Venezuela accordent une reconnaissance spéciale à leur culture et à leur patrimoine, mettant l’accent sur la préservation de leur diversité et de leurs particularités et sur leur participation à la prise de décisions.  Il a regretté que les peuples autochtones soient également victimes de l’imposition de mesures coercitives unilatérales qui entravent leur accès aux programmes économiques et sociaux. 

Face à la crise systémique d’un modèle économique fondé sur l’exploitation, aux ravages de la pandémie de COVID-19 et aux tentatives d’établir une hégémonie, il a appelé les États Membres à s’unir pour défendre les peuples autochtones historiquement exclus. La colonisation a laissé un héritage de douleur qui doit être racheté par une conscience historique et planétaire, honorant les peuples autochtones pour leur résistance courageuse et déterminée, a-t-il martelé, estimant que les demandes de réparation devraient être entendues par des puissances coloniales qui « tentent d’oublier et d’échapper à leurs dettes sous couvert d’anachronisme ». 

Mme AVITAL MIMRAN ROSENBERG (Israël) a commencé par rappeler qu’au deuxième étage du bâtiment de l’ONU à New York est exposée une pierre provenant d’une synagogue de la Galilée occidentale, un présent offert par l’État d’Israël il y a 25 ans pour marquer le cinquantième anniversaire de son admission aux Nations Unies.  Cette pierre, qui date de la fin de la période romaine et du début de l’ère byzantine, il y a environ 2 000 ans, n’est pas l’objet archéologique le plus ancien qui montre le lien historique du peuple juif avec la terre d’Israël, a-t-elle expliqué.  Ce vestige a, en revanche, une signification particulière, à ses yeux, en ces temps de célébrations de Soukkot, fête religieuse de sept jours qui vient de se transformer en un « véritable cauchemar » pour son pays.

De fait, a-t-elle relaté, des milliers de bombes sont tombées de manière indiscriminée sur les villes israéliennes, infiltrées par des centaines de terroristes du Hamas qui ont déclenché un « pogrom sauvage » d’une ampleur sans précédent, assassinant et tuant à bout portant des familles entières. 

Les atrocités se sont multipliées et plus de 150 Israéliens, enfants, femmes et personnes âgées, dont des survivants de l’Holocauste, ont été enlevés et sont aujourd’hui détenus à Gaza, a poursuivi la représentante. 

Tous ces actes inhumains, diffusés dans les médias sociaux, démontrent la haine profonde du Hamas, une « organisation terroriste génocidaire », semblable à Daech ou Al-Qaida, qui ne poursuit qu’un seul objectif: l’annihilation de l’État juif, a conclu la déléguée, pour qui cette affirmation « n’est pas une hypothèse mais le contenu de la charte du Hamas ». 

Mme MARISSA DEL ROSARIO BLACKETT, de l’Ordre souverain de Malte, a rappelé que les communautés autochtones ont subi des discriminations systématiques et ont été dépossédées de leurs maisons et de leurs ressources ancestrales.  Elle a d’autre part relevé que leurs connaissances et pratiques traditionnelles ont fait d’elles les gardiennes essentielles d’un savoir écologique précieux, contribuant à la gestion durable des ressources, à la préservation de la biodiversité et à l’atténuation des changements climatiques.  Soulignant leur vulnérabilité accrue à cause de la pandémie de COVID-19, elle a appelé à mettre en œuvre des politiques ciblées pour remédier aux inégalités existantes en matière d’accès à la santé, à l’éducation et aux opportunités économiques. 

La représentante a ensuite indiqué que, depuis 2014, la division d’aide humanitaire « Malteser International Americas » a travaillé sans relâche avec le peuple autochtone Wayuu, dans le nord de la Colombie, dont les terres ancestrales s’étendent à la fois sur la Colombie et le Venezuela.  Pendant la pandémie, des formations sur l’eau, l’assainissement et l’hygiène ont été dispensées et des réservoirs d’eau réparés, a-t-elle expliqué, ajoutant que des actions contre la malnutrition infantile et la santé mentale ont également été menées.  « Le bien-être des peuples autochtones est intrinsèquement lié au bien-être de notre planète », a-t-elle ajouté, estimant qu’il importe non seulement de reconnaître leur bonne gestion de l’environnement, mais aussi de faire progresser leurs droits humains. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’ECOSOC et la Deuxième Commission examinent les moyens de tirer parti des produits de base pour avancer vers un développement économique durable

Soixante-dix-huitième session,
Réunion conjointe avec l’ECOSOC 14e & 2e séances plénières – matin; 15e séance plénière – après-midi
AG/EF/3589-ECOSOC/7146

L’ECOSOC et la Deuxième Commission examinent les moyens de tirer parti des produits de base pour avancer vers un développement économique durable

Transformer la « malédiction des ressources naturelles » en bénédiction. Telle est la préoccupation, exposée par M. Joseph Stiglitz, lauréat 2001 du prix Nobel d’économie, qui a occupé le cœur du débat conjoint entre la Deuxième Commission et le Conseil économique et social (ECOSOC), ce matin.  Cette « malédiction » est un phénomène bien connu: les pays dépendant des exportations des produits de base n’ont pas de bonnes performances économiques, car lorsque les prix des matières premières sont élevés, ces pays tendent à emprunter de façon excessive sur les marchés et se retrouvent surendettés lorsque les prix baissent.

Or, plus de 100 pays sont dépendants des produits de base, selon les estimations de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) qui définit cette dépendance lorsque les exportations de produits de base représentent plus de 60% de la valeur totale des exportations de marchandises d’un pays.  Et, comme l’a noté le Groupe des 77 et de la Chine (G77), 94% d’entre eux sont des pays en développement.  Ils sont donc très sensibles à la volatilité des prix de ces produits et, partant, très vulnérables aux chocs mondiaux.

Voilà pour le constat de longue date.  Pourtant, les dynamiques et les règles des marchés des produits de base demeurent rigides et n’ont guère évolué depuis deux siècles, a fait observer M. Carlos Amorín, Président de la Deuxième Commission. Il est donc nécessaire d’élaborer des politiques d’investissement et de renforcement des capacités pour que ces ressources naturelles deviennent un moteur de développement durable, a renchéri Mme Paula Narvaez, Présidente de l’ECOSOC.

En effet, à la puissance militaire de l’ère coloniale s’est substituée la puissance économique de l’ère post-coloniale, a expliqué M. Stiglitz, actuellement professeur d’économie à Columbia University (New York).  Il a regretté que les pays développés, tout en exploitant les ressources naturelles des pays en développement, refusent à ces derniers la possibilité d’édicter des règles qui corrigeraient les inégalités.  « Les pays pauvres subventionnent les pays riches », a-t-il lancé.

À titre d’exemple, Mme Lynda Pickbourn, de University of Massachusetts Amherst et Mount Holyoke College, a fait état de ses recherches sur le Ghana dont les matières premières (cacao, pétrole et or) constituent 80% des exportations du pays.  Elle a constaté que le secteur de l’or y est contrôlé par six entreprises étrangères, qui bénéficient de régimes fiscaux avantageux.  Ces entreprises produisent de l’or pour des milliards de dollars, tandis que le Gouvernement ghanéen n’en reçoit que quelques millions.  « Un ordre économique injuste », ont commenté le G77 et la Chine.

Au cours des deux tables rondes, experts et États Membres ont réfléchi plus avant sur cette problématique.  La Zambie, la Colombie, le Brésil et l’Indonésie ont fait part de leurs constats confirmant la problématique énoncée, ainsi que de leurs expériences et projets pour avancer malgré tout.  Tous misent sur la diversification de l’économie et sur la transformation des produits de base pour grimper des échelons dans la chaîne de valeur.

Parmi les experts, M. Mohammed Belal, Directeur général du Fonds commun pour les produits de base, a mis en avant le potentiel transformateur des matières premières pour les économies, l’environnement et le bien-être social, déplorant lui aussi que les avantages de ces matières premières n’aillent pas aux populations qui en ont le plus besoin.  Il a cité en exemple la République démocratique du Congo, l’un des pays les plus riches en produits de base où pourtant des millions d’agriculteurs dans le secteur du cacao ne survivent qu’avec 2,78 centimes de dollar par jour.  « Les agriculteurs travaillent dur pour subventionner les consommateurs des pays riches », car « plus vous êtes riches, moins vous payez », a-t-il déploré.

Les solutions au problème ont été explorées par les panelistes, notamment le rôle important que peuvent jouer les organisations internationales pour créer de la valeur ajoutée aux produits de base.  C’est ce que M. Amir Lebdioui, Professeur associé à l’Université d’Oxford, a relevé en invitant ces organisations à intervenir par le biais des mécanismes de contrôle des prix, du secteur recherche et développement, et des subventions.  Il a néanmoins critiqué la réticence de ceux qui contrôlent ces activités, tels que l’Union européenne qui a imposé des droits de douane pour l’importation de matières premières ayant une valeur ajoutée.

De manière générale, de nombreuses délégations ont insisté sur la nécessité de réformer les systèmes mondiaux –commercial et financier- actuellement en vigueur.  L’Argentine a invité à conclure d’urgence les négociations agricoles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), afin de parvenir à un système plus juste, transparent, équitable et prévisible.

Dans l’après-midi, la Deuxième Commission a terminé son débat sur le développement durable, entamé lundi 9 octobre.  Si les retards inquiétants pris dans la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 ont une fois de plus été soulignés, les progrès de chacun ont été mis en avant.  L’Érythrée, par exemple, a partagé des informations sur ses « mesures modestes mais encourageantes », mais a conclu en dénonçant les « donneurs de leçons » qui n’honorent pas leurs promesses.

La Deuxième Commission poursuivra ses travaux demain, mercredi 11 octobre, à partir de 10 heures.

RÉUNION CONJOINTE DE LA DEUXIÈME COMMISSION ET DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

Tirer parti des produits de base pour un développement économique durable

Déclarations liminaires

M. CARLOS AMORÍN, Président de la Deuxième Commission, a ouvert cette réunion conjointe avec le Conseil économique et social (ECOSOC) sur le thème suivant: « Tirer parti des produits de base pour un développement économique durable ».  Les marchés des produits de base ont certes de profondes implications positives pour la majorité des pays en développement, mais les dynamiques et les règles de ces marchés demeurent rigides et n’ont guère évolué depuis deux siècles, a-t-il noté. Il a souligné que leur structure actuelle ne génère en réalité que peu de valeur pour les pays producteurs, les bénéfices des produits dérivés finaux restant dans les pays industrialisés.

La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) estime que plus de 100 pays sont dépendants des produits de base, a fait savoir M. Amorín en faisant remarquer que les économies de ces pays sont donc très sensibles à la volatilité des prix de ces produits et, partant, très vulnérables aux chocs mondiaux.  Par exemple, a expliqué le Président, les fluctuations du prix relatif des exportations et des importations, ce qu’on appelle les termes de l’échange, génèrent des risques pour la croissance économique, la répartition des recettes et de crise liée aux taux de change.

Le Président a observé que l’élaboration de politiques permettant d’ajouter de la valeur aux produits exportables est un moyen de stimuler le financement du développement durable et la réalisation des ODD.  De même, les innovations technologiques, le marketing et la négociation permettent d’améliorer les processus dans les pays d’origine, de diminuer la dépendance envers les intermédiaires, et d’autonomiser les producteurs et les consommateurs.  M. Amorín a relevé en outre que les préférences des consommateurs évoluent: ceux-ci commencent à donner la priorité aux modèles de consommation durable.

Le Président a conclu en souhaitant que le projet de résolution sur les produits de base, qui sera négocié par les délégations de la Deuxième Commission, marque un premier pas pour changer la réalité des marchés des matières premières.

Mme PAULA NARVAEZ, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a indiqué d’emblée que la dépendance aux matières premières constitue un défi pour les pays en développement.  Pour y faire face, elle a recommandé notamment d’accélérer les efforts pour le développement durable et d’opérer la transition énergétique.  À ce titre, elle a fait remarquer que les pays en développement possèdent d’abondantes ressources stratégiques pour réaliser la transition énergétique, telles que le cuivre et le lithium qui sont indispensables pour les batteries électriques.  Néanmoins, elle a déploré que le rôle des pays en développement reste souvent limité à l’extraction et l’exportation de ces ressources naturelles, alors qu’ils pourraient disposer d’une plus grande capacité de transformation leur permettant de se faire une place le long de la chaîne de valeur.

Selon la Présidente, il est nécessaire d’élaborer des politiques d’investissement et de renforcement des capacités pour que ces ressources naturelles deviennent un moteur de développement durable.  Le défi, a-t-elle développé, est d’apporter une valeur ajoutée à ces matières premières en permettant aux pays producteurs d’accéder à des marchés où la rentabilité est plus élevée.  Cet accès réduira la vulnérabilité des pays producteurs face à la fluctuation des matières premières, a-t-elle expliqué.  Elle a également prôné des investissements dans le capital humain et les infrastructures afin de pérenniser la croissance économique.

Soulignant ensuite le point de départ que constitue cette séance pour la suite des débats de la Deuxième Commission, elle a exposé les priorités de l’ECOSOC dans le cadre de sa présidence.  En premier lieu, elle a établi qu’elle compte œuvrer pour que le commerce et les investissements dans les produits alimentaires et agricoles bénéficient aux pays producteurs, ce qui est également essentiel pour enrayer la crise alimentaire.  Ensuite, elle a espéré que le forum politique de haut niveau sur le développement durable aidera à lever les obstacles structurels auxquels les pays en développement sont confrontés.  En conclusion, Mme Narvaez a souhaité des efforts coordonnés pour que les matières premières contribuent véritablement au développement durable.

Le lauréat 2001 du prix Nobel d’économie, M.JOSEPH STIGLITZ, Professeur d’économie à Colombia University (New York), a commencé son exposé en présentant la « malédiction des ressources naturelles », un phénomène bien connu: les pays dépendant des matières premières n’ont pas de bonnes performances économiques.  Bien que ces pays disposent sur le papier de nombreuses ressources, ils souffrent pour la plupart d’inégalités disproportionnés et de mauvaise gestion politique, a-t-il expliqué, accusant à la fois l’échec structurel des marchés et les mauvais choix de politiques économiques.

Parmi les facteurs de risque pour les pays exportateurs de matières premières, il a cité la fluctuation des cours, ainsi que les taux de change élevés, qui grèvent la compétitivité et, partant, le développement des pays.  En effet, lorsque les matières premières se vendent à un prix élevé, les pays extracteurs tendent à emprunter de façon excessive sur les marchés, ce qui cause un surendettement dès lors que les prix baissent, a-t-il expliqué, arguant que les créanciers devraient être tenus comme coresponsables de cette situation dans la mesure où il leur revient également de gérer les risques.  En résulte une crise mondiale du surendettement, « que nous saurions théoriquement résoudre si une volonté politique existait ».  Mais ce n’est aujourd’hui pas le cas puisque plusieurs pays créanciers, dont les États-Unis, s’y opposent, s’est lamenté M. Stiglitz.

Constatant que les marchés sont profondément déséquilibrés et « ne fonctionnent pas comme dans les manuels scolaires » —une poignée d’acteurs étant en mesure de les influencer pour leur seul profit—, M. Stiglitz a ainsi constaté que les pays exportateurs ne sont pas rémunérés à la hauteur de leurs ressources, et que, de surcroît, ils ne sont pas indemnisés pour les externalités environnementales liées à l’exploitation de leurs sols.  Enfin, ces pays souffrent de problèmes d’économie politique, tels que des rivalités féroces pour mettre la main sur les ressources et un détournement de moyens financiers qui pourraient être affectés à d’autres secteurs plus bénéfiques au développement.

Expliquant qu’à la puissance militaire de l’ère coloniale s’était substituée la puissance économique de l’ère post-coloniale, il a regretté que les pays développés, tout en exploitant les ressources naturelles des pays en développement, refusent à ces derniers la possibilité d’édicter des règles qui corrigeraient les inégalités.  Par exemple, a noté le professeur, si un pays introduit de nouvelles normes, il risque de subir un procès devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC).  Et quand un pays ne parvient plus à payer ses dettes du fait de taux d’intérêt trop élevés, il doit passer sous les fourches caudines du Fonds monétaire international (FMI).  Ainsi, « les pays pauvres subventionnent les pays riches », a affirmé Joseph Stiglitz.

« Comment transformer cette malédiction en bénédiction? »  Le modèle de développement qui a fonctionné en Asie de l’Est ne va pas fonctionner aussi bien avec le reste du monde, a-t-il averti, car l’industrie manufacturière ne peut plus, seule, créer les emplois nécessaires pour faire face à l’augmentation attendue de la population.  L’alternative consiste donc à tirer parti des produits de base pour le développement durable, en plaçant l’investissement au cœur du processus.  Et pourquoi cela ne s’est-il pas produit depuis la fin du colonialisme il y a 70 ans, s’est-il questionné?  Pour le prix Nobel d’économie, c’est la faute au régime commercial néolibéral.  Notamment à son système de droits de douane progressifs avec une « l’escalade des tarifs », à son régime de propriété intellectuelle qui restreint l’accès à la connaissance et à la technologie, et à son système fiscal international qui ne permet pas aux États de ponctionner suffisamment de richesses pour financer leur développement.  Sur ce dernier point, l’économiste a recommandé une taxe minimale mondiale sur les entreprises de 25%, sans dérogation.  Pour le professeur, nous entrons dans une nouvelle ère.

Le professeur a exprimé l’espoir de voir la mort de l’idéologie néolibérale, la fin de la menace existentielle posée par les changements climatiques et de l’hyper-mondialisation, en misant sur une nouvelle géopolitique, l’intelligence artificielle et la robotisation à venir.  Il a cité l’exemple de la Norvège qui a su redéployer l’argent gagné avec ses ressources naturelles dans l’innovation et la connaissance, afin de parvenir à une croissance plus durable qui permettra au pays d’aller de l’avant.  Il a également cité l’Indonésie, qui a récemment réussi à remonter sur la chaîne de valeur en introduisant des restrictions à l’exportation du nickel.  Enfin, a-t-il fait savoir, le Brésil réfléchit actuellement à la manière dont l’Amazonie pourrait être utilisée comme source durable de revenus.  En conclusion, M. Stiglitz a exhorté les pays en développement à mieux gérer leurs ressources, puis à en tirer parti pour transformer leur économie afin de construire le socle d’un véritable développement durable.

Première table ronde

La première table ronde de cette séance conjointe a mis l’accent sur le thème suivant: « Dépendance aux produits de base et développement économique durable: donner la voix aux personnes sur le terrain ».  Elle a été modérée par M. JOSÉ MARTINEZ BADILLO, Chef du Bureau de New York de la CNUCED.  Il a fait part d’estimations selon lesquelles les pays dépendants vont avoir besoin de près de deux siècles pour réduire de moitié leur dépendance à l’égard des matières premières

Intervenant par visioconférence, M. CHOLA MILAMBO, Représentant permanent de la Zambie, a signalé que l’économie zambienne reste dépendante du secteur minier, malgré ses efforts de diversification, ce qui la rend très vulnérable aux fluctuations des cours des matières premières et aux chocs sur ces marchés.  Cette dépendance nuit à la stabilité des réserves de change et à la durabilité du développement économique, a-t-il précisé.

Pour sortir de ce piège de la dépendance aux produits de base, la Zambie va tirer parti des innovations technologiques pour prendre des décisions éclairées en matière de transformation et de diversification économique, a- t-il indiqué.  M. Milambo a par exemple cité la valeur ajoutée aux produits miniers, stimulée par la transition vers l’énergie propre et les véhicules électriques, ou la transformation de produits agricoles plutôt que la simple exportation de produits de base.  Au niveau international, il a invité à accorder une plus grande attention au pouvoir de la transformation structurelle pour sortir des millions de personnes de la pauvreté.

Son homologue Mme ARLENE BETH TICKNER, Représentante permanente adjointe de la Colombie, a évoqué deux composantes de la politique de réindustrialisation du Président colombien Gustavo Petro, qui vise à passer d’une économie extractive à une économie décarbonée, productive et durable.  Cela se fera par la diminution de la dépendance aux matières premières comme le pétrole et le charbon, qui représentent actuellement environ 45% des exportations de la Colombie, et donc la transition énergétique.  Le pays utilisera également la réforme agraire intégrale en visant la souveraineté alimentaire.  Il s’agit ni plus ni moins que de transformer le modèle actuel de développement pour aller vers la création de richesse et d’emplois, les progrès techniques et la bioéconomie, a expliqué la déléguée en faisant remarquer que cela contribuera à l’intégration énergétique du pays avec l’Amérique latine et les Caraïbes

Pour qu’une transition énergétique soit juste, a ajouté Mme Tickner, d’autres transitions sont nécessaires, comme celles qui concernent l’emploi et la productivité dans les territoires, c’est-à-dire au niveau local.  Elle a aussi relevé que la demande mondiale croissante pour les énergies propres ouvre la voie à de nouveaux investissements dans les pays en développement, et non pas seulement dans les pays développés.

« L’économie brésilienne dépend historiquement des exportations de canne à sucre, d’or, de minerai de fer et d’autres matières premières », a enchaîné M. RAFAEL DUBEUX, Conseiller au Ministère des finances du Brésil, qui participait lui aussi par visioconférence.  Il a indiqué que le Brésil s’attèle aujourd’hui à utiliser tous ses atouts afin de grimper dans la chaîne de valeur.  Il a fait part du nombre important de projets d’énergies renouvelables et de l’intention du pays d’exporter l’énergie solaire et éolienne. Il a aussi mentionné un « plan de transformation » qui encourage les entreprises à adopter les nouvelles technologies plutôt que de se concentrer uniquement sur les exportations de matières premières.

L’Indonésie, elle, s’est dotée d’un objectif visionnaire, a déclaré M. TRI THARYAT, Directeur général chargé de la coopération multilatérale de l’Indonésie, intervenant par visioconférence.  Il a ainsi parlé de « 2045 Golden Indonesia », qui vise à renforcer les fondements de l’économie et à accélérer le développement durable. Dans ce cadre, a-t-il ajouté, le Gouvernement indonésien est conscient de l’importance de créer « un secteur industriel mûr et compétitif à l’international ».  Le Gouvernement s’est donc fixé une feuille de route stratégique avec trois priorités: créer une écosystème propice avec un cadre réglementaire robuste; défendre un système commercial international juste, transparent, inclusif et durable; encourager la collaboration et la solidarité entre les nations, en particulier celles du Sud.

Deuxième table ronde

La deuxième table ronde, sur le sujet « Tirer parti des produits de base pour un développement économique durable », a été modérée par Mme MARIANGELA PARRA-LANCOURT, Cheffe du Service de l’engagement stratégique et de l’intégration des politiques au sein du Bureau du financement du développement durable du DESA.

Le premier intervenant, M. MOHAMMED BELAL, Directeur général du Fonds commun pour les produits de base, a souligné le potentiel transformateur des matières premières pour les économies, l’environnement et le bien- être social, déplorant néanmoins que les avantages de ces matières premières n’aillent pas aux populations qui en ont le plus besoin.  « C’est officiel, la réalisation des ODD en 2030 ne se fera pas », a-t-il déclaré.  Pourtant, 2,5 milliards d’agriculteurs souffrent actuellement, a-t-il déploré.  Diffusant une carte des exportations de marchandises en 2022 « sur laquelle on voit à peine l’Afrique » et plusieurs graphiques sur les productions de diverses matières premières, M. Belal a fait état des difficultés et de la vulnérabilité des pays africains face aux chocs économiques.

Il a expliqué que la République démocratique du Congo est un des pays les plus riches en matières premières et, pourtant, des millions d’agriculteurs dans le secteur du cacao ne survivent qu’avec 2,78 cents par jour.  À Madagascar, a-t-il poursuivi, les producteurs de vanille sont devenus encore plus pauvres quand le pays a décidé d’appliquer un taux plancher et que les marques ont arrêté de s’approvisionner.  « Les agriculteurs travaillent dur pour subventionner les consommateurs des pays riches », car « plus vous êtes riches, moins vous payez », a-t-il déploré.  Il a ensuite expliqué qu’il est possible de diminuer les émissions de gaz à effet de serre en changeant la manière dont on transporte ces matières premières, tout comme il est possible d’augmenter significativement les revenus des agriculteurs en ajoutant un cent au prix des 3 milliards de tasses de café vendues par jour dans le monde.  « Nous pouvons changer les choses », a-t-il estimé, regrettant tout de même que les pays producteurs « ne comptent pas pour les institutions financières mondiales ».

Puis Mme MIHI SHIROTORI, Directrice de la Division du commerce international et des produits de base de la CNUCED, a délivré trois idées principales.  Elle a d’abord appelé à intégrer dans les stratégies de transformation structurelles les nouveaux impératifs de décarbonation. Surtout en ce qui concerne la course aux ressources minérales.  Il faut ainsi, a-t-elle prôné, prendre en compte l’existence de différents cocktails énergétiques (incluant les énergies renouvelables) en fonction du type d’industrie auquel on s’intéresse.  Ensuite, elle a appelé à augmenter la coopération Sud-Sud.  Enfin, elle a enjoint la communauté internationale à aider davantage le Sud à investir dans cette transformation, citant le déficit de 3 000 milliards de dollars nécessaires à l’Afrique pour atteindre ses ODD d’ici à 2030.  Cela ne passera pas que par de grands plans d’investissements publics ou des transferts de technologies de pointe, mais aussi par des transferts plus simples, sur un plan local, a-t-elle estimé.

Mme LYNDA PICKBOURN, Professeure associée à la University of Massachusetts, Amherst et Mount Holyoke College, a fait état de ses recherches sur le Ghana et les matières premières, telles que le cacao, le pétrole et l’or, qui constituent 80% des exportations de ce pays.  Pourtant, les résultats du secteur manufacturier représentent moins de 5% du PIB ghanéen, a-t-elle indiqué, l’expliquant par le fait que les industries manufacturières n’ont pas réussi à créer des emplois stables, bien rémunérés et sécurisés.  Elle a estimé que cette précarité des emplois résulte notamment de la domination du secteur de l’or par six entreprises étrangères qui bénéficient de régimes fiscaux avantageux.  Ces entreprises ont produit de l’or pour des milliards de dollars, dont le Gouvernement ghanéen n’a reçu que quelques millions, a-t-elle remarqué.  Par ailleurs, elle a mentionné que la réglementation permet aux dirigeants de ces entreprises de conserver une partie des bénéfices des exportations dans des comptes offshore, rendant « l’exploitation de l’or plus rentable pour les entreprises que pour les Ghanéens ».

L’inflation et la dévaluation de la monnaie n’ont fait qu’ajouter à ces difficultés, plongeant une grande partie de la population dans la pauvreté, a-t-elle poursuivi.  Selon la professeure, les pays producteurs doivent réformer leur système budgétaire pour maximiser les recettes fiscales des matières premières et les recettes étrangères rapatriées dans le pays, mais il faut également agir sur le plan mondial en créant un organe supranational pour représenter les producteurs et règlementer la production et la tarification, ainsi que fournir une assistance technique pour les négociations avec les multinationales.

M. TAWANDA MUTASAH, Vice-Président des programmes mondiaux à Oxfam America, a d’abord appelé à plus de transparence dans les marchés de matières premières.  Avec l’opacité actuelle, a-t-il jugé, il sera impossible d’atteindre les ODD.  Il a ensuite estimé qu’il fallait adopter une approche mondiale pour ne pas assister à un nivellement vers le bas, renouvelant un appel à la transparence dans la mise en compétition des économies.  Enfin, il a appelé à ce que, sur la base de l’expérience acquise dans les industries agroalimentaires, soient déduites les méthodes à appliquer aux industries d’extraction de minerais.

Enfin, M. AMIR LEBDIOUI, Professeur associé à l’Université d’Oxford, a affirmé que les matières premières peuvent constituer un levier vers le développement durable.  Il a expliqué qu’en Malaisie, l’un des rares pays à avoir diversifié son économie, l’industrie repose à la fois sur les matières premières et sur les ressources manufacturées.  De même, le Chili a vu l’émergence de nouvelles industries créant de la valeur ajoutée pour les matières premières, comme la sylviculture qui requiert l’utilisation de technologies spécifiques.  Selon lui, la valeur ajoutée ne dépend pas uniquement du nombre de transformations, donnant l’exemple de la valeur ajoutée de la biodiversité qui repose sur des idées.

Les organisations internationales jouent un rôle essentiel pour créer de la valeur ajoutée aux matières premières, a-t-il estimé, citant notamment les mécanismes de contrôle des prix, la recherche et le développement, et l’octroi de subventions.  Il a néanmoins déploré la réticence de ceux qui contrôlent ces activités, tels que l’Union européenne qui a imposé des droits de douane pour l’importation de matières premières ayant une valeur ajoutée.  Les organisations comme l’ONU ont ici un rôle à jouer, notamment en créant des mesures adaptées au type et à la taille des productions et en facilitant le transfert des connaissances des pays riches vers les pays pauvres, a-t-il conclu.

En conclusion de cette table ronde, la modératrice Mme Parra-Lancourt, constatant que la structure du marché des matières premières n’avait pas changé depuis deux siècles, a exhorté à « repenser les choses » afin de créer davantage d’emploi et de richesses.  Ces matières premières peuvent être au cœur du développement durable lors de ce siècle, a-t-elle estimé, rappelant la nécessité pour les pays exportateurs de diversifier leur économie et de réduire leur dépendance aux matières premières à faible valeur ajoutée, entre autres.

Dialogue avec les États Membres

Plusieurs délégations ont relevé que la dépendance aux produits de base constitue toujours un obstacle à la pleine réalisation des ODD par les pays en développement, ce qui demande une action urgente et multidimensionnelle de la communauté internationale.  Comme l’a noté le Groupe des 77 et de la Chine, 94% des pays qui dépendent des matières premières sont des pays en développement.  La délégation a dénoncé un ordre économique injuste et les difficultés de ces pays pour parvenir à diversifier leur économie. Le Zimbabwe, très dépendant des matières premières, y a ajouté l’impact négatif des mesures coercitives unilatérales dont il fait l’objet.

L’Algérie a souligné l’importance de renforcer la résilience des pays en développement et de soutenir leurs stratégies de diversification.  Quant à la Malaisie, elle a demandé l’avis des experts sur les mécanismes efficaces qui permettent aux pays en développement de prendre des mesures robustes et transparentes dans leurs secteurs des matières premières afin d’en tirer des bénéfices.

L’Inde a relevé la nécessaire transformation des produits de base agricoles pour ajouter de la valeur.  La Pologne a d’ailleurs demandé aux panélistes comment les pays développés peuvent aider les pays en développement à construire des chaînes d’approvisionnement alimentaire régionales résilientes.

L’Argentine a plaidé pour la conclusion urgente des négociations agricoles de l’OMC, afin de parvenir à un système plus juste, transparent, équitable et prévisible.  La Pologne a relevé que la guerre en Ukraine a de graves répercussions sur l’offre et la demande de produits de base.

Le Groupe des pays en développement sans littoral (PDSL) et le Mexique se sont également inquiétés de la volatilité des prix des produits de base.  Le Mexique a fait observer que cette volatilité nuit aux pays dépendants des exportations, du côté de l’offre, et au pouvoir d’achat de la population, du côté de la demande.  Le Costa Rica a ajouté que les pays à revenu intermédiaire sont également touchés par ces fluctuations, ce qui ne fait que creuser la dette et a des répercussions sociales.  La délégation s’est demandée comment ces pays peuvent renforcer leur résilience pour y faire face.

Pour surmonter les défis, le Guatemala a recommandé une approche holistique concernant la gestion responsable des ressources, la diversification, le développement des infrastructures, les investissements et le transfert de technologies.  À cet égard, il a voulu savoir quelle est la contribution la plus importante du système des Nations Unies pour aider à surmonter ces difficultés, et quelles sont les actions ambitieuses nécessaires aux indispensables changements structurels.

Faisant remarquer que les minerais de fer font l’objet d’une forte demande, l’Union européenne (UE) a estimé que les pays riches en cette ressource devraient saisir cette opportunité et a regretté que les systèmes d’infrastructures soient trop souvent organisés pour exporter les matières premières, laissant les centres manufacturiers au second plan.

En conclusion, la modératrice, Mme Parra-Lancourt, a indiqué aux délégations que les panélistes pourront répondre par écrit à leurs questions.

DÉBAT GÉNÉRAL - DÉVELOPPEMENT DURABLE - SUITE

Mme ARAKSYA BABIKYAN (Arménie) a présenté un panorama des priorités nationales de son pays en matière de développement durable et d’action climatique, en annonçant vouloir présenter, l’an prochain, son troisième examen national volontaire.  Regrettant le manque de financements pour la lutte contre les changements climatiques, elle a appelé à la pleine opérationnalisation du fonds pour les pertes et les préjudices à l’occasion de la COP28.  Elle a également affiché les objectifs de son pays de réduire de 50% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050.

Elle est ensuite revenue sur l’emploi de la force par l’Azerbaïdjan dans la région du Haut-Karabakh d’où, a-t-elle rappelé, plus de 100 000 personnes ont été déplacées et ont trouvé refuge en Arménie.  Cette attaque « contraire aux ODD » exige des mesures immédiates et urgentes de la communauté internationale, a-t-elle réclamé, en précisant attendre d’elle une protection des réfugiés et de leur droit à revenir chez eux.

M. KARLITO NUNES (Timor-Leste) a présenté un aperçu des progrès accomplis par son pays et des défis persistants en matière de réalisation des ODD, notamment en ce qui concerne l’alimentation et la nutrition, la pauvreté, la protection sociale, l’éducation de qualité, les opportunités économiques inclusives et le travail décent, ainsi que les catastrophes climatiques.  Le représentant a souligné l’importance de garantir le bien-être de sa population à travers des investissements dans l’éducation, des infrastructures de qualité et des TIC, ainsi qu’avec des institutions solides.

Le représentant s’est félicité en particulier de la Stratégie nationale pour la protection sociale (2021-2030) de son pays, qui vise à étendre la sécurité sociale aux travailleurs et aux ouvriers, tout en favorisant l’inclusion sociale.  Ainsi, des prestations en espèces et en nature sont prévues, y compris des subventions pour les personnes âgées et les personnes vivant avec des handicaps.  Enfin, le délégué a évoqué l’engagement du Timor-Leste à la protection et à la conservation de l’environnement, notamment par la révision de sa politique forestière nationale et la ratification de la loi sur la biodiversité.  Timor-Leste est également devenu signataire du Traité « BBNJ » qui établit un régime juridique pour la protection et la conservation de la biodiversité.

Mme TAHMINA HASANOVA (Tadjikistan) a évoqué des mesures d’urgences prises par son pays pour protéger son eau potable et ses glaciers.  Le pays accueillera d’ailleurs une conférence internationale sur les glaciers prochainement, a-t-elle annoncé.  La représentante a également parlé de l’appel lancé par son pays depuis de nombreuses années pour la protection de l’eau. Le Tadjikistan propose d’organiser une conférence sur le sujet en 2028, a-t-elle indiqué à cet égard.

Le représentant de la République-Unie de Tanzanie a dit continuer à se pencher sur la réforme de son système d’enseignement supérieur.  Le Gouvernement a octroyé 20 millions de dollars pour aider à développer l’enseignement dans les secteurs de la science et des techniques dans le pays, a-t-il ajouté.  Le représentant a aussi indiqué que les parents tanzaniens sont sensibilisés, même en zone rurale, à la scolarité de leurs enfants.

M. TIEMOKO MORIKO (Côte-d’Ivoire) a insisté sur l’accélération de l’action climatique dans son pays.  Cela se fait via l’avènement de la finance verte, ainsi qu’un plan d’investissements consacré aux politiques d’atténuation.  L’adoption d’un nouveau code de l’environnement est également envisagée dans le pays, a indiqué le délégué.

M. MUHAMMAD ABDUL MUHIT (Bangladesh) a expliqué que son pays avait réduit la pauvreté extrême de 25,1% en 2006 à 5,6% en 2022, soulignant que le Bangladesh était sur la bonne voie pour atteindre des objectifs clefs concernant la lutte contre la pauvreté et l’éducation de qualité avec des efforts en particulier pour des réformes éducatives axées sur la pensée critique et les sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM), ainsi que des investissements significatifs dans l’adaptation et l’atténuation des changements climatiques. Il a également parlé du plan d’action complet pour les ODD et de l’investissement annuel de près d’un milliard de dollars dans des projets liés au climat.  En outre, le Bangladesh s’engage à assurer une couverture sanitaire universelle d’ici à 2030, le taux de bénéficiaires de la protection sociale ayant augmenté de 13% en 2005 à 37,6% en 2022.  Néanmoins, le délégué a pointé les défis subsistants, notamment en matière de disponibilité des données et a plaidé pour des réformes financières internationales.

Mme ALARA İSTEMİL AYDİL (Türkiyea insisté sur la vulnérabilité de son pays aux catastrophes naturelles, mettant en avant la nécessité de se concentrer sur la réduction et la prévention des risques de catastrophe, en appliquant le Cadre de Sendai. Elle a également fait état de la contribution significative de la Türkiye au Programme 2030, notamment grâce à l’introduction d’une résolution sur le zéro déchet de l’an dernier. En matière d’action climatique, la représentante a indiqué que son pays avait actualisé sa contribution déterminée au niveau national et fixé un objectif d’émission net zéro pour 2053.  Elle a également proposé la création d’un centre régional d’activités sur les changements climatiques dans le bassin méditerranéen.  Enfin, a-t-elle fait valoir, la Türkiye se classe cinquième en Europe en matière d’énergie durable et douzième à l’échelle mondiale de l’horizon 2030.  La déléguée a aussi abordé le sujet de l’eau, insistant sur la nécessité d’une approche impartiale et indépendante pour traiter les questions liées à cet élément vital.

M. ROYSTON ALKINS (Guyana) a reconnu que les contraintes au progrès mondial en matière de développement doivent être levées.  À l’échelon national, il a mentionné une stratégie bas-carbone qui oriente le développement du pays et qui joue son rôle dans l’atténuation des effets négatifs des changements climatiques.  Engagé dans la transition énergétique, le Guyana a pour objectif d’assurer une production énergétique de nature renouvelable à hauteur de 80% d’ici à 2050, a signalé le représentant qui a toutefois réclamé des aides pour pouvoir l’atteindre.

M. MUHAMMAD ZULASRI BIN ROSDI (Malaisie) a mentionné les stratégies menées par son pays pour réduire les risques de catastrophe, attirant l’attention sur l’importance d’investir dans la résilience pour réduire les répercussions des catastrophes.  Il a aussi indiqué que son pays avait investi 154 millions de dollars dans la gestion des risques de catastrophe, en ce compris l’atténuation des inondations.  Il a également souligné les initiatives d’économie circulaire et d’accès aux technologies numériques dans les zones rurales et urbaines afin de réduire la fracture numérique et de stabiliser l’exode rural.  Il a ensuite expliqué que son pays soutient les petits producteurs via différentes initiatives de renforcement de l’industrie agroalimentaire, ainsi que la sécurité alimentaire mondiale en rendant l’huile de palme durable et abordable.

La conservation de la biodiversité est également une responsabilité partagée pour l’action climatique à laquelle son pays contribue, a-t-il assuré, tout en jugeant difficile d’atteindre des objectifs climatiques ambitieux sans équité, justice et ressources appropriées.  Le représentant a insisté sur l’importance de l’aide financière et du transfert de technologies vers les pays en développement.  Enfin, il a conclu sur le fait que la Malaisie institutionalise l’implication des différentes parties prenantes dans la surveillance et la mise en œuvre des programmes pour la réalisation des ODD.

M. BULELANI MANDLA (Afrique du Suda dit que son pays promouvait une approche du développement durable « par districts », en s’assurant que les municipalités soient dotées de ressources suffisantes et adéquates.  Les pays en développement ont besoin de quelque 70 milliards de dollars par an pour développer un plan de développement durable et d’atténuation climatique de manière cohérente, a ensuite rappelé le représentant en citant le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe et l’Accord de Paris.

M. USKOV (Fédération de Russiea réaffirmé l’engagement de son pays à atteindre les objectifs de température fixées par l’Accord de Paris.  Il a mis en avant le droit souverain de chaque État à choisir les méthodes les plus appropriés pour la protection de l’environnement et l’adaptation aux changements climatiques et a appelé à une collaboration constructive et non politisée lors de la COP28.  « Nous soulignons une fois de plus qu’il est contre-productif de lier l’agenda climatique aux questions de paix et de sécurité », a dit le délégué en invitant à ne pas examiner les questions environnementales dans des organes tels que le Conseil de sécurité.

En outre, le délégué a souligné l’importance de la conservation de la biodiversité et a salué les résultats de la quinzième session de la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, où la Russie a été décrite comme étant engagée dans une approche équilibrée pour assurer un accès universel à une énergie abordable, fiable et durable.  Il a aussi souligné l’importance du développement du nucléaire, « source d’énergie propre » et une des priorités de la Russie.

Mme DU SAULT (Monaco) a fait savoir que son pays visait la neutralité carbone en 2050 en conformité avec le GIEC et l’Accord de Paris, grâce notamment à un programme de promotion des biocarburants.  Elle a réaffirmé l’engagement de Monaco à contribuer au Fonds vert pour le climat, dont la principauté est déjà le premier bailleur de fonds, à hauteur de 3,3 millions d’euros pour la période 2024-2027.  Elle a également précisé que Monaco contribue à la Coalition pour le climat et l’air pur (CCAP) à hauteur de 500 000 euros sur la période 2024-2025.

Dans un contexte d’insécurité alimentaire et d’inflation, la déléguée a prôné les principes de l’agroécologie, précisant que Monaco se mobilise pour renforcer l’agriculture locale via un système coopératif.  En ce qui concerne la transition énergétique, elle s’est félicitée de son Pacte national pour la transition énergétique dont l’objectif est de faire évoluer les habitudes des Monégasques.  Monaco a également mis en place un cadastre solaire, permettant de mieux déployer des panneaux solaires sur son territoire, a-t-elle précisé, avant de conclure son intervention en insistant sur l’importance de l’égalité de genre.

M. KENNETH WELLES (États fédérés de Micronésiea énuméré les difficultés inhérentes à la situation d’un petit État insulaire en développement et dit miser sur la quatrième conférence sur ces pays, qui se tiendra à Antigua-et-Barbuda en 2024. Il a noté que le rapport du Secrétaire général est alarmant en ce qui concerne les difficultés de ces îles pour renforcer leurs capacités à cause du manque de données, ce qui empêche une évaluation des progrès.  Il a salué le soutien reçu par son pays de la part du système de l’ONU et de la communauté internationale en application des Orientations de Samoa, mais a prévenu qu’une aide supplémentaire était nécessaire pour améliorer les capacités de ses institutions chargées de la statistique.

Sur le sujet de la réduction des risques de catastrophe, il a fait remarquer les faibles chances de la population micronésienne de déménager là où les risques de catastrophe sont faibles, étant donné le niveau des atolls situés à peine plus de 2 mètres au-dessus du niveau de la mer.  Il a dès lors reconnu l’importance de continuer à renforcer les systèmes de préparation.  Le représentant a aussi plaidé pour que l’on se calque sur le Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone, « le meilleur accord environnemental ratifié par tous les pays membres de l’ONU ».  Il s’est félicité par ailleurs de l’adoption l’an dernier du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, avant de plaider en faveur du respect des droits des peuples autochtones dans la mise en œuvre du nouveau traité « BBNJ » sur la conservation de la biodiversité marine.

M. THANOUPHET XAIYAVONG (République démocratique populaire lao) a fustigé les répartitions inégalitaires des ressources et les injustices financières frappant les pays en développement et surtout ceux en situation particulière.  Il a vigoureusement appelé à transformer les cadres financiers existants par le lancement d’une réforme de l’architecture financière internationale.  Sur le plan national, la République démocratique populaire lao a ajouté un dix-huitième ODD aux 17 existants, a-t-il fait savoir: « sauver les vies des munitions non explosées ».

M. HARI PRABOWO (Indonésie) a affirmé que le déficit de financement et la coopération fiscale limitée restent les problèmes les plus importants pour assurer le développement, en particulier pour les pays du Sud.  La mobilisation d’un financement adéquat devrait être prioritaire, a-t-il estimé, ajoutant que le transfert de technologie, le renforcement des capacités et la collaboration internationale devraient également être encouragés.  Le représentant a souligné l’importance des politiques renforçant l’infrastructure numérique et favorisant la culture numérique, et a réaffirmé que la réalisation du Programme 2030 représente le plus grand espoir pour la réalisation d’un monde durable, résilient et inclusif.

M. AHMED SAEED IBRAHIM (Érythrée) a dénoncé la polarisation et les interventions étrangères qui ont un effet délétère sur la distribution des ressources dans son pays, de même que les mesures coercitives unilatérales et les effets des changements climatiques qui, tous, freinent le développement durable. Malgré ces difficultés, l’Érythrée, « dans une démarche autonome », a connu des progrès, que le délégué a listés.  Son pays a donné la priorité à la lutte contre la pauvreté et contre la faim, avec une éducation gratuite jusqu’à l’université, a—t-il précisé.  Le représentant a aussi parlé d’un programme de sauvegarde des sols, de la production d’engrais organiques dans des usines locales, de la mise en place d’initiatives de re-végétalisation, des efforts de collecte des eaux pluviales, ainsi que de la transition progressive vers une irrigation automatique. Des systèmes d’alerte précoce aux catastrophes ont également été adoptés.  Ce sont là « des mesures modestes mais encourageantes, représentant une base solide pour la réalisation des ODD », a-t-il conclu, avant de dénoncer les « donneurs de leçons » qui n’honorent pas leurs promesses.

M. CHOLA MILAMBO (Zambie) a témoigné de progrès importants réalisés dans son pays pour toucher les personnes les plus vulnérables de la population.  Cela s’est fait notamment par l’augmentation du budget alloué au fonds de développement pour les populations, la mise en œuvre d’une politique d’éducation pour tous, ainsi que la mise en place d’une couverture santé universelle, a-t-il précisé.

M. ISMAÏL MERABET (Algériea insisté sur la nécessité d’accélérer la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Sur le plan international, il a appelé à centrer les efforts sur la lutte contre la faim et l’extrême pauvreté.  Jugeant essentiel de réduire le déficit de financement des ODD et de rendre ce financement durable et suffisant pour les pays en développement, il a préconisé une réforme de l’architecture financière internationale -et des banques de développement en particulier– ainsi que la fin des mesures coercitives unilatérales.

M. RYTIS PAULAUSKAS (Lituanies’est inquiété de l’élimination des armes chimiques en mer, sujet de préoccupation mondiale en raison des risques importants qu’elle peut induire pour l’environnement et la santé.  Une question ayant des implications économiques et sociales et qui dépasse donc les simples préoccupations environnementales.  Ces armes se dégradent lentement et relâchent des substances toxiques, a expliqué le représentant, citant des incidents récents en mer Baltique.  En 2010, la Lituanie avait lancé une initiative ayant abouti à l’adoption de la résolution 65/149 sur les « mesures de coopération pour évaluer et faire mieux connaître les effets sur l’environnement des déchets provenant de munitions chimiques immergées en mer », a rappelé le représentant qui a insisté sur la mise en place d’une base de données sur ces munitions.

M. BOUKARY SOUMARÉ (Mauritanie) a mentionné son Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté, fruit d’une large concertation entre l’administration, la société civile, le secteur privé et les partenaires techniques et financiers.  Le pays s’est ensuite doté de la Stratégie de croissance accélérée et de prospérité partagée pour la période 2016-2030.  Le représentant a affirmé que ces politiques gouvernementales visent à améliorer les conditions des plus démunis, avec l’objectif de porter à 1,8 million le nombre de citoyens bénéficiant de l’assurance maladie gratuite à l’horizon 2024.  Sur le plan environnemental, malgré les obstacles, la Mauritanie s’engage à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 92% d’ici à 2030, a-t-il fait savoir, appelant les partenaires internationaux à soutenir les États du Sahel dans leurs efforts d’adaptation.  Il a salué la COP28 comme une occasion de revitaliser l’agenda climatique et a évoqué un programme de développement de l’hydrogène vert en Mauritanie, qui servira de source d’énergie propre et durable.

Mme PAULINA FELICIANO FRANCISCO ABDALA (Mozambiquea évoqué le rapport sur la réduction des risques de catastrophe du Secrétaire général pour souligner que la mise en œuvre du Cadre de Sendai au niveau local reste à la traîne.  Elle a regretté que l’accent reste sur la prévention plutôt que sur la riposte.  Le Mozambique est l’un des pays les plus vulnérables aux catastrophes dues aux changements climatiques, raison pour laquelle il attache une très grande importance à la réduction des risques, qu’il a intégré comme point transversal dans ses politiques stratégiques, a expliqué la représentante.  Elle a aussi vanté son système d’alerte précoce pour les inondations et les cyclones, système qui a permis de réduire le nombre de victimes. La représentante a également plaidé pour l’opérationnalisation du fonds pour les pertes et les préjudices.

M. GIRUM GETACHEW SHIFERAW (Éthiopiea témoigné des difficultés climatiques extrêmes s’abattant sur la Corne de l’Afrique, dont les sécheresses, qui entravent le développement de son pays.  Pour faire face, il a appelé à transformer en profondeur la manière dont est financé le développement durable.  À titre national, l’Éthiopie lutte contre la désertification et l’érosion des sols via un plan décennal « ambitieux », a-t-il témoigné. L’essentiel de l’électricité de la nation est tiré de sources renouvelables, de l’hydroélectricité précisément, s’est-il aussi réjoui.

Mme AL HADDABI (Omana témoigné d’initiatives nationales d’envergure dans le domaine de l’éducation. En 2024, le pays vaincra l’analphabétisme, a-t-elle annoncé.  Elle a aussi indiqué que le pays a investi 190 milliards de dollars pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et devenir neutre en carbone d’ici à 2050.  Enfin, elle a présenté les atouts du système de protection sociale d’Oman, qui couvre toutes les générations, des bébés aux vieillards.

M. EMIL BEN NAFTALY (Israëla dénoncé la récente attaque terroriste sans précédent qui a visé Israël et fait de nombreuses victimes.  En venant à la question du développement durable, il s’est insurgé contre le détournement d’une partie des milliards de dollars déversés à Gaza, qui ont été exploités à des fins terroristes et ont alimenté la machine de guerre du Hamas.  « Quand il lance des roquettes, il n’aide pas la population de Gaza et foule aux pieds les ODD », a encore lancé le représentant, évoquant le manquement moral de toute personne qui ne veut pas comprendre ce qui se passe actuellement. Le Hamas ne veut pas de dialogue et de négociations, mais l’annihilation de l’État juif, a-t-il constaté.

Le représentant du Myanmar a regretté que le « coup militaire illégal » et les atrocités commises par la junte militaire au pouvoir depuis 2021 au Myanmar aient complètement inversé la course du pays aux ODD.  D’après le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, les populations civiles sont assassinées par des frappes aériennes et terrestres au Myanmar, a-t-il cité.  À cette date, a poursuivi le représentant, « l’odieuse junte » continue sa campagne destructrice, privant les enfants d’une éducation de qualité et entravant les progrès dans tous les ODD.  Il a déploré que près de deux millions d’habitants soient aujourd’hui déplacés.  Le délégué a encouragé toute initiative humanitaire permettant de venir en aide à la population, selon le principe de ne laisser personne pour-compte.

M. AL SHEHRI (Arabie saouditea regretté que le Programme 2030 soit remis en cause par manque de progrès.  Les crises en cours depuis deux ans génèrent des problèmes sociaux et humanitaires qui exigent de redoubler d’efforts pour parvenir aux ODD, a-t-il constaté.  Le représentant a indiqué que l’Arabie saoudite a contribué à plusieurs programmes de la région pour développer l’industrie et moins dépendre des matières premières, tout en apportant un soutien à sa population conformément à ses plans de développement.  L’Arabie saoudite joue en outre un rôle important pour mobiliser des ressources en faveur du développement durable des pays en développement, en aidant plus de 100 pays, a fait observer le représentant. En matière d’environnement, il a prôné une approche équilibrée et dit soutenir une réduction progressive des émissions de carbone.

Le représentant des États-Unis a d’abord réaffirmé son soutien ferme à Israël, qui a « le droit de se défendre » après l’attaque terroriste du Hamas.  Une attaque que « rien ne justifie » et qui aura des effets néfastes sur la réalisation des ODD dans la région, a-t-il déclaré.  Pour ce qui est du développement durable, il a précisé que les États-Unis avaient investi plus de 100 milliards de dollars depuis janvier 2021 pour promouvoir le développement dans le monde, la sécurité alimentaire (plus de 17 milliards de dollars pour cette seule cause), élargir l’éducation et lutter contre les maladies.  Il a noté l’imbrication des 17 ODD et l’importance de tous les défendre, mettant néanmoins en lumière les ODD n2 (sécurité alimentaire), n5 (égalité de genre) et n16 (promotion de la paix et de la justice).  Il a enfin défendu la loi « Inflation Reduction Act » adoptée en 2022, « la mesure la plus forte en matière de climat de l’histoire des États-Unis », a-t-il dit, en expliquant qu’elle devrait mettre le pays sur la voie de l’Accord de Paris pour limiter la hausse de température à 1,5 degrés Celsius.

Mme GIULIANA NATALE (Canada), après avoir offert son plein soutien à Israël après l’attaque du Hamas, a insisté sur le fait que les efforts pour atteindre les ODD doivent être ancrés dans le respect de l’égalité des genres et des droits humains, y compris dans un contexte d’aggravation de la crise environnementale et de difficultés des pays en développement à accéder au financement.  Sur le front environnemental, la déléguée a appelé à avancer sur des accords intergouvernementaux tels que le Cadre mondial de la biodiversité Kunming-Montréal et l’Accord de Paris, tout en critiquant les « discussions parallèles » et autres « résolutions régionales ».  Sur la question de l’accès au financement, elle a défendu l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle, « aboutissement de décennies de plaidoyer de la part des PIED ».

M. JAMES LARSEN (Australie) a appelé les pays développés à tenir les engagements qu’ils ont pris en signant l’Accord de Paris.  Il s’est aussi félicité des progrès réalisés dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un indice de vulnérabilité multidimensionnelle, indice dont il a espéré qu’il soit rapidement adopté et appliqué, après 30 ans d’efforts.

Mme NASSER-ABUSHAWES, de l’État de Palestinea déploré les reculs du développement durable et les effets persistants de la crise de la COVID-19 et des changements climatiques.  Le Programme 2030 reconnaît qu’il ne peut y avoir de développement durable sans paix, a-t-elle rappelé, en notant qu’une paix est impossible pour les peuples occupés et colonisés.  Tous les pays ont promis de ne pas faire de laissés-pour-compte, s’est-elle souvenue, en prévenant toutefois que l’État de Palestine est clairement en retard dans tous les domaines, « du fait de la Puissance occupante, Israël ».  Alors que le prochain plan de développement national palestinien est en train d’être élaboré, la représentante a réitéré le droit du peuple palestinien à la création d’un État indépendant comme condition première et indispensable à la réalisation des ODD par la Palestine.

Mgr GABRIELE CACCIA, Observateur permanent du Saint-Siège, a constaté le manque de progrès vers le développement durable et plaidé pour une intervention concertée et immédiate de la communauté internationale pour se remettre sur les bons rails.  Selon lui, il est nécessaire d’adopter un modèle de développement qui place l’être humain en son centre et soit orienté vers le bien commun.  « La pauvreté est un affront à la dignité humaine », a-t-il lancé, s’inquiétant en particulier du manque d’accès à l’éducation, qui crée les conditions nécessaires pour briser le cercle vicieux de la pauvreté et du manque de perspectives.

M. ALAIN WILFRIED BIYA, de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA)a assuré que l’accès à l’énergie est l’un des domaines qui a le plus profité à la réalisation des autres objectifs de développement durable, jouant ainsi un rôle catalyseur.  Toutefois, 675 millions de personnes n’ont toujours pas accès à l’électricité, dont la majorité se trouvent en Afrique subsaharienne.  Sans une décarbonation résolue de l’énergie, l’objectif de limiter la hausse des températures à 1,5° Celsius ne sera pas accessible, a alerté le représentant.  Il a cependant noté que la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique mondiale augmente trop lentement.  Les investissements ont certes atteint un record en 2022, mais pas à un rythme suffisant pour atteindre l’ODD no 7, a-t-il analysé.  Quant aux flux de financement pour l’énergie propre, ils avaient amorcé une baisse avant la pandémie, et cette tendance s’est poursuivie depuis, s’est-il félicité, en soulignant la nécessité d’une collaboration internationale et l’urgence d’orienter des financements des pays développés vers les pays en développement.

Mme KALLIE ANN AULTMAN, de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, mentionnant plusieurs catastrophes récentes en Syrie, en Libye ou en Türkiye, a d’abord souligné que les désastres ne connaissent pas de frontières et affectent de manière disproportionnée les pays en développement et les communautés vulnérables.  Or, « la plupart des gouvernements demeurent mal préparés pour leur prochaine catastrophe », a averti la représentante avant de proposer plusieurs mesures pour atténuer ces risques.  Premièrement, elle a préconisé la mise en place de lois, de politiques et de plans spécifiques aux risques de catastrophe à tous les niveaux de gouvernement.  Deuxièmement, elle a appelé à augmenter les investissements dans la réduction des risques de catastrophe et l’adaptation climatique, notamment par le biais de partenariats innovants et de mécanismes de financement. Elle a cité l’exemple du programme « Water at the Heart of Climate Action », qui opère dans le bassin du Nil et a servi de modèle de partenariat fructueux.

Le représentant de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) a promu les nouvelles technologies et le développement industriel pour aider les pays en développement, les pays développés et les PEID à décarboner leurs industries.  Il a aussi promu l’usage de l’hydrogène vert pour renforcer les capacités des pays en développement.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Cinquième Commission: l’année 2024 budgétisée à 3,4 milliards de dollars sera compromise si la trésorerie de l’ONU ne s’améliore pas d’ici à la fin 2023

Soixante-dix-huitième session,
5e séance plénière - matin
AG/AB/4429

Cinquième Commission: l’année 2024 budgétisée à 3,4 milliards de dollars sera compromise si la trésorerie de l’ONU ne s’améliore pas d’ici à la fin 2023

Le Secrétaire général de l’ONU a tiré la sonnette d’alarme aujourd’hui à la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires: sans une amélioration drastique de la situation de trésorerie avant la fin de l’année, l’exécution des programmes en 2024 sera fortement compromise.  Pour exécuter l’intégralité des mandats, a annoncé M. António Guterres, il faudra un montant total de 3,3 milliards de dollars couvrant 10 334 postes, soit une augmentation nette de 199 postes, sans compter les missions politiques spéciales. 

M. Guterres a d’emblée annoncé à la Cinquième Commission que la situation de trésorerie de l’ONU a empiré cette année.  L’ Organisation n’a collecté que 64% des contributions mises en recouvrement cette année et en août, il a fallu emprunter la totalité du solde du Fonds de roulement, avant de ponctionner, en octobre, le Compte spécial.  En novembre, a alerté le Secrétaire général, l’excédent de trésorerie des tribunaux internationaux fermés sera presque épuisé, ce qui entraînera une crise de paiements à moins que la situation ne s’améliore.  Même dans le meilleur des cas, l’année 2024 commencera avec moins de liquidités qu’en 2023, parce que les crédits ont dû être restitués au début de l’année.  Le Secrétaire général en a profité pour dénoncer « l’absurdité » des règles budgétaires de l’ONU qui exigent la restitution aux États Membres de l’argent qu’elle n’a pas pu dépenser pendant l’année parce qu’elle ne l’a pas reçu à temps. 

Si l’on exclut l’actualisation des coûts, les projets de construction et les nouveaux mandats, le budget-programme de 3,3 milliards de dollars, a souligné le Secrétaire général, reste globalement au niveau de 2023 et, en termes réels, il est inférieur au niveau de 2019.  M. Guterres a mis l’accent sur quatre points: l’investissement  dans le développement durable, avec une augmentation de 4 millions de dollars, l’allocation d’un montant de 15 millions de dollars supplémentaires pour les coûts opérationnels de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), une autre allocation de 4,3 millions de dollars supplémentaires pour le Bureau de lutte contre le terrorisme, et la  création d’un petit bureau technique de la protection des données et de la vie privée qui serait chargé de coordonner les efforts et de définir des orientations techniques. 

Si une trentaine de délégations ont commenté les propositions pour les 28 programmes de l’ONU, en appelant à la discipline budgétaire et au paiement dans l’intégralité, à temps et sans conditions des contributions au budget ordinaire, aucune d’elles ne s’est pourtant attardée sur cette annonce du Secrétaire général: Nous nous sommes engagés à renforcer le multilinguisme, comme l’a demandé l’Assemblée générale, en rendant possible la diffusion simultanée des communiqués de presse dans les six langues officielles de l’ONU. Cela nous permettra de faire davantage entendre notre voix, d’atteindre des publics plus larges et de renforcer notre présence sur les médias sociaux et sur le Web. 

Les 54 postes à ajouter à la Section de la couverture des réunions pour les quatre autres langues officielles de l’ONU supposent l’ajout d’une enveloppe de 6,9 millions de dollars au chapitre « communication globale ».  Conformément au principe de la parité linguistique et de l’égalité de traitement avec les deux langues utilisées jusqu’ici, les équipes arabe, chinoise, espagnole et russe auront chacune deux éditeurs, sept attachés de presse et quatre assistants d’édition, aidées par un co-chef de Section et un assistant administratif. 

Mais le CCQAB émet quelques doutes, tant sur le plan de la rentabilité que sur celui de l’utilisation des technologies et de l’assurance qualité.  Il juge plus judicieux d’étudier un modèle basé sur la traduction à partir de l’anglais ou du français.  Il recommande donc, dans le cadre d’un projet pilote, la création de 25 emplois de personnel temporaire, avec un éditeur, trois attachés de presse et deux assistants éditoriaux par équipe, en plus d’un assistant administratif. 

La Cinquième Commission tiendra une séance publique mardi 17 octobre, à partir de 10 heures, sur l’amélioration de la situation financière de l’ONU.

PLANIFICATION DES PROGRAMMES

Pour l’examen de cette question, la Cinquième Commission était saisie du Rapport du Secrétaire général sur le projet de budget-programme pour 2024 (A/78/6), du Rapport du Comité du programme et de la coordination (A/78/16), du Rapport du Comité consultatif indépendant pour les questions d’audit sur le projet de budget-programme du Bureau des services de contrôle interne (BSCI) (/A/78/95) et du Rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre des projets financés par le Compte pour le développement (A/78/85). 

Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur le projet de budget-programme pour 2024 (A/78/7)

Comme l’explique le Secrétaire général dans le rapport (A/78/6) que le Comité consultatif a examiné, le projet de budget-programme pour 2024 est guidé par cet impératif.  Il comprend les plans-programmes pour l’exercice et prévoit les postes et autres objets de dépense nécessaires pour mener à bien les activités relatives aux programmes et exécuter les mandats.  Dans l’ensemble, si on ne tient pas compte de l’actualisation des coûts, des projets de construction ou des nouveaux mandats, le projet de budget-programme pour 2024 reste globalement au niveau de celui de 2023, soit 3 404 669,9 milliers de dollars.  L’augmentation de 52,0 millions de dollars qui est proposée aux fins de la mise en œuvre de mandats nouveaux et élargis, dont 6,9 millions de dollars pour financer la création au sein du Département de la communication globale, de 54 postes pour la production simultanée de communiqués de presse dans les six langues officielles de l’Organisation, comme l’a demandé l’Assemblée générale. 

Comme leurs collègues des unités anglaise et française, les unités des quatre autres langues officielles travailleront en parallèle pour produire un contenu original axé sur les besoins de leur public, tout en garantissant une cohérence avec les communiqués de presse publiés dans d’autres langues. Conformément au principe de la parité linguistique et de l’égalité de traitement des six langues, les quatre autres langues disposeront chacune, à l’instar du français et de l’anglais, de deux éditeurs, de sept attachés de presse et de quatre assistants d’édition qui couvriront les activités publiques des séances plénières et des organes subsidiaires du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social et les conférences de presse du Secrétaire général et de la présidence du Conseil de sécurité, ainsi que la traduction et l’adaptation des déclarations émanant des bureaux du Secrétaire général et de la Vice-Secrétaire générale, et des communiqués de presse produits par d’autres départements, en plus du point de presse quotidien du porte-parole du Secrétaire général. 

Selon le Département, en 2022, la Section des communiqués de presse a couvert 1 293 réunions –plus de 5 réunions par jour en moyenne– et a produit 3 477 communiqués de presse et 24 447 pages éditées, soit une moyenne d’environ 50 pages par jour.  Le délai de deux heures imparti pour la production des communiqués de presse définitifs est un indicateur clef de performance interne depuis de nombreuses années.  Il est fondé sur la nécessité pour le public auquel s’adresse le Département d’accéder à l’information en temps utile. 

Dans ses commentaires, le Comité consultatif estime qu’il serait judicieux d’étudier un modèle de couverture des réunions et des communiqués de presse basé sur la traduction à partir d’une seule langue, doutant de la solution proposée par le Département, tant sur le plan de la rentabilité que sur celui de l’utilisation des technologies et de l’assurance qualité.  Le Comité recommande donc de créer 25 emplois de personnel temporaire (autres que pour les réunions), soit 4 éditeurs, 12 attachés de presse, 8 assistants éditoriaux et 1 assistant administratif. 

Déclarations 

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, qui a présenté le projet de budget-programme pour 2024, a d’emblée annoncé que la situation de trésorerie de l’ONU a empiré cette année, les recouvrements jusqu’à la fin du troisième trimestre ayant diminué.  Plus précisément, l’ONU n’a collecté que 64% des contributions mises en recouvrement cette année contre 71,9% en 2022 et 82,7% en 2021.  En août, il a fallu emprunter la totalité du solde du Fonds de roulement et en octobre, ponctionner le Compte spécial.  En novembre, l’excédent de trésorerie des tribunaux internationaux fermés sera presque épuisé, ce qui entraînera une crise de paiements à moins que la situation ne s’améliore sur le plan de la collecte des contributions mises en recouvrement.  Même dans le meilleur des cas, a alerté le Secrétaire général, l’année 2024 commencera avec moins de liquidités que pour l’année 2023, parce que les crédits ont dû être restitués au début de 2023. 

Cela illustre, s’est agacé M. Guterres, « l’absurdité » de nos règles budgétaires: nous devons restituer l’argent que nous n’avons pas pu dépenser pendant l’année parce que nous ne l’avons pas reçu à temps.  Par conséquent, sans une amélioration drastique de la situation de trésorerie avant la fin de l’année, l’exécution des programmes en 2024 sera probablement plus fortement compromise encore.  Pour exécuter l’intégralité des mandats, a-t-il poursuivi, il faudra montant total de 3,3 milliards de dollars qui couvre 10 334 postes, soit une augmentation nette de 199 postes, sans compter les missions politiques spéciales. 

Il est également proposé la transformation de postes jusqu’ici financés au moyen de ressources extrabudgétaires, afin d’assurer un financement adéquat, pérenne et prévisible des activités prescrites, essentiellement dans les domaines de la lutte contre le terrorisme et des droits humains.  Par ailleurs, des propositions supplémentaires pour des travaux de construction, des prévisions révisées –notamment au titre de la lutte contre la discrimination raciale au Secrétariat- seront présentées plus tard.  Si l’on exclut l’actualisation des coûts, les projets de construction et les nouveaux mandats, le budget-programme reste globalement au niveau de 2023 et, en termes réels, et il est inférieur au niveau de 2019. 

Le Secrétaire général a ensuite mis l’accent sur quelques points et, d’abord, l’investissement dans le développement durable qui nécessité une augmentation de 4 millions de dollars, soit la cinquième consécutive.  Deuxièmement, a dit M. Guterres, sur la base des orientations données l’année dernière par l’Assemblée générale, il est proposé un montant de 15 millions de dollars supplémentaires pour les coûts opérationnels liés aux fonctions exécutives et aux fonctions de gestion de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), lesquels dépendaient jusqu’à présent de ressources extrabudgétaires. 

Troisièmement, comme il faut aider davantage les États Membres à lutter contre le terrorisme, il est proposé un montant de 4,3 millions de dollars supplémentaires pour le Bureau de lutte contre le terrorisme, notamment la transformation de 24 postes financés par des ressources extrabudgétaires.  Quatrièmement, a encore dit le Secrétaire général, je propose la création d’un petit bureau technique de la protection des données et de la vie privée qui serait chargé de superviser et de coordonner les questions relatives à la gestion de la protection des données et de la vie privée et de définir des orientations techniques en la matière. 

En outre, a-t-il poursuivi, nous nous sommes engagés à renforcer le multilinguisme, comme l’a demandé l’Assemblée générale, en rendant possible la diffusion simultanée des communiqués de presse dans les six langues officielles de l’ONU.  Cela nous permettra de faire davantage entendre notre voix, d’atteindre des publics plus larges et de renforcer notre présence sur les médias sociaux et sur le Web. 

Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, M. YURI ARIEL GALA LÓPEZ (Cuba) a remarqué que la majeure partie du budget ordinaire concerne les frais de personnel, en prenant comme référence le coût de la vie à New York. S’il est important de maintenir l’attractivité des Nations Unies aux yeux des professionnels qualifiés, il ne faut pas pour autant oublier que la réalité économique de la plupart des pays du Sud est très différente de celles de New York.  Par ailleurs, a poursuivi le représentant, nous ne cessons de demander au Secrétaire général d’explorer des moyens novateurs et d’assurer une bonne liaison avec les organisations régionales et sous-régionales.  Deux de ces outils importants sont le programme ordinaire de coopération technique et le Compte de l’ONU pour le développement. 

Ces deux instruments souffrent d’une insuffisance de financement pour réaliser des projets concrets en faveur du développement et du renforcement des capacités. Or ils sont essentiels pour permettre aux Nations Unies d’avoir un impact bénéfique sur les moyens de subsistance des populations.  Conscient de leur importance cruciale, le représentant a exprimé la détermination de son groupe à renforcer ces deux instruments, afin que l’Organisation contribue vraiment au développement durable.  Une vision éculée des discussions sur le budget ordinaire ne ferait que saper les efforts déployés par l’ONU pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD), a prévenu le délégué. 

Mme HEDDA SAMSON, de l’Union européenne, s’est félicitée de la décision de l’Assemblée générale d’approuver la proposition du Secrétaire général d’annualiser le budget de l’ONU.  Pierre angulaire de la réforme de la gestion, le cycle budgétaire annuel a déjà favorisé une culture de la performance et de la responsabilité au sein de l’Organisation, et renforcé sa réactivité, a-t-elle déclaré.  Elle a souscrit à « Notre programme commun » et à l’appel à assurer le financement durable à l’ONU.  Toutefois, sur le plan programmatique, elle a regretté que le Comité du programme et de la coordination (CPC) n’ait pas pu parvenir à un consensus sur 10 programmes importants, malgré la prolongation de sa session.  Elle a réitéré son appel aux membres du CPC pour qu’ils recherchent activement un consensus et fournissent des recommandations sur les 28 programme à sa prochaine session, comme le prévoit la résolution de l’Assemblée générale. 

La représentante a aussi estimé que les processus de planification et de budgétisation peuvent encore être améliorés, avec une dose supplémentaire de souplesse pour élaborer les stratégies et gérer les performances et les résultats.  Il est important que les trois piliers du travail de l’Organisation soient traités de manière égale, a-t-elle souligné avant de saluer la proposition de remédier au sous-financement chronique des droits de l’homme, ainsi que les efforts visant à financer adéquatement le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme et à consolider ses ressources, alors que le monde célèbre le soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme et le trentième anniversaire de la Conférence de Vienne sur les droits de l’homme. 

La représentante s’est dite profondément préoccupée par les paiements tardifs, partiels et imprévisibles qui engendrent des problèmes de liquidités, entravent la capacité des Nations Unies à exécuter leurs mandats et entraînent l’Organisation dans une sous-performance systémique.  Elle a appelé tous les États Membres à verser leurs contributions intégralement et ponctuellement et, lorsqu’ils rencontrent des difficultés temporaires, à communiquer avec le Secrétariat et à garantir la prévisibilité.  En outre, elle a préconisé l’approbation de ressources suffisantes pour le retrait en bon ordre et la liquidation de la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA), avant de réitérer l’engagement de l’Union européenne à fournir un financement adéquat, prévisible et durable au Fonds pour la consolidation de la paix. 

Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. TESFAYE YILMA SABO (Éthiopie) a dit attacher une importance particulière à la nature intergouvernementale de la planification des programmes et à l’échelonnement approprié de leur examen.  Faisant part de son inquiétude quant à la diminution du budget proposé pour 2024, il a argué que face à des défis multidimensionnels, il est nécessaire que les Nations Unies se dotent d’une capacité organisationnelle optimale, notamment d’un personnel compétent reflétant une représentation géographique équitable.  Il a plaidé pour l’allocation de ressources adéquates aux programmes d’appui au développement de l’Afrique, dont la coopération technique et le Compte des Nations Unies pour le développement.  Il a aussi demandé une liaison accrue entre le Secrétariat de l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales.  Avant de conclure, le représentant a souligné la nécessité de payer les contributions dans leur intégralité, à temps et sans conditions et prévenu que son groupe attend une proposition ciblée sur la lutte contre le racisme et la promotion de la dignité pour tous au sein du Secrétariat de l’ONU. 

Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), Mme MARIVIL VILLA VALLES (Philippines) a salué les efforts visant à améliorer la présentation des programmes, tout en prévenant qu’il reste énormément à faire pour mener à bien le processus d’examen du CPC.  De nombreux programmes, s’est-elle expliquée, n’ont pas fait l’objet de consensus donc de conclusions ni de recommandations.  La représentante a demandé au Secrétaire général et aux États Membres de ne modifier en rien les procédures budgétaires, sans un examen préalable par l’Assemblée générale.  Face aux nombreuses difficultés qui entravent le développement, la représentante a réclamé un Sommet de l’avenir de qualité et l’accélération de la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Elle a prié la Cinquième Commission d’allouer plus de ressources à la coopération technique et au Compte des Nations Unies pour de développement, s’agissant en particulier du renforcement des capacités. 

Également au nom du Liechtenstein, Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) s’est félicitée du passage définitif à un cycle budgétaire annuel et a encouragé le passage à une culture davantage axée sur les résultats, basée sur des données mesurant la performance, pour une mise en œuvre plus efficace des mandats.  La prévention des conflits et la médiation étant des éléments fondamentaux qui nécessitent une attention et un financement adéquats, la déléguée a soutenu l’intégration entière dans le budget ordinaire du Mécanisme international, impartial et indépendant sur la Syrie.  Elle a enfin appelé les États Membres à respecter leurs engagements en payant leurs contributions intégralement, à temps, et sans conditions. 

Mme MARITZA CHAN VALVERDE (Costa Rica) a regretté l’augmentation significative du nombre de programmes qui n’ont pas reçu de recommandations de la part du CPC et s’est dite préoccupée qu’année après année, les négociations budgétaires deviennent « presque sectaires ».  Tous les piliers de l’Organisation méritent un traitement égal et aucun État ou groupe d’États n’est propriétaire d’un pilier ou d’un autre.  Le financement adéquat de tous les piliers relève de la responsabilité de tous les États, a martelé la représentante.  Elle a salué les propositions du Secrétaire général, s’agissant en particulier du développement durable et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.  Elle a promis de mettre l’accent sur le financement du Compte de l’ONU pour le développement, un élément clef dans les progrès et la réalisation des objectifs de développement durable.  S’agissant des missions politiques spéciales, elle a insisté pour que les membres permanents du Conseil de sécurité assument leurs responsabilités, non seulement politiques, mais aussi financières. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a noté que la taille du budget continue d’augmenter et observé une tendance à la conversion des ressources extrabudgétaires vers le budget ordinaire, au cours des dernières années.  Le rôle des Nations Unies s’est certes élargi mais sa responsabilité budgétaire vis-à-vis des autorités fiscales et des contribuables n’a jamais été aussi grande.  Nous évaluerons soigneusement, a dit le représentant, le budget proposé et veillerons à la discipline budgétaire.  Il a aussi appelé l’ONU à rester dynamique et innovante dans l’examen des postes et des mandats obsolètes.  Nous attendons toujours avec impatience les résultats de la stratégie de réforme et de rajeunissement de l’Organisation, a-t-il conclu. 

M. OSAMA AL-MANSOUR (République arabe syrienne) a voulu que les ressources de l’ONU soient orientées vers les objectifs de développement durable et le rétablissement de la paix plutôt que vers des mécanismes « politisés » qui ciblent certains pays pour répondre aux intérêts d’une poignée d’États. Il a dénoncé les approches déséquilibrées, les pressions et la polarisation politique et financière.  Le représentant a rappelé que le Mécanisme transfrontalier d’acheminement de l’aide humanitaire n’a pas été prorogé par le Conseil de sécurité.  Par conséquent, son financement serait illégal.  Nous étions de toutes façons devant un mécanisme incapable de faire son travail avec une aide humanitaire qui tombait systématiquement entre les mains des organisations terroristes à Edleb, qui la revendaient pour financer leurs activités.

M. OMAR HILALE (Maroc) a salué l’augmentation des ressources financières allouées à la coopération internationale et régionale au développement. Il a constaté que la pérennisation du cycle budgétaire annuel a conduit à une Organisation plus agile et plus réactive, mieux à même d’ajuster les plans de travail aux nouveaux mandats, aux défis émergents et aux demandes complexes comme durant la pandémie de COVID-19. L’esquisse budgétaire pour 2024 qui est plus axée sur les résultats, s’appuie sur la performance des programmes, a noté le délégué.  Il a dit noter avec satisfaction la place centrale accordée au renforcement des trois piliers du travail de l’ONU, en l’occurrence la paix et la sécurité, le développement et les droits de de l’homme.  Cela requiert l’engagement constant de tous les États Membres et le plein respect des engagements financiers en faveur de l’ONU.

Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar) a souligné que son pays honore ses engagements budgétaires dans les délais prévus, afin de garantir l’allocation des ressources aux mandats.  Elle a insisté sur le Plan d’action de Doha et la proposition budgétaire concernant l’UNRWA. 

M. MUHAMMAD ABDUL MUHITH (Bangladesh) a souligné qu’il faut agir rapidement pour inverser la tendance dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable et faire écho aux appels du Secrétaire général pour la réforme du système financier international et un accès élargi des pays surendettés aux financements.  Indiquant que son gouvernement a versé 50 000 dollars cette année à l’UNRWA, le représentant s’est dit préoccupé par le fait que les crédits proposés pour le Bureau de l’Envoyé spécial pour le Myanmar aient été réduits en raison d’un taux de vacance de postes de 41,7%.  Il faut, a-t-il souligné, pourvoir ces postes au plus tôt pour assurer un rapatriement sûr, digne, durable et volontaire des Rohingya au Myanmar.  La mise en œuvre des programmes dépend du paiement des contributions mais le Secrétariat doit également améliorer ses résultats par une stricte discipline financière.  En conclusion, le représentant a réclamé le respect de la parité entre les sexes et une représentation géographique équitable à tous les niveaux de l’ONU, en particulier aux échelons supérieurs.  Il n’a pas oublié de mentionner avant cela, l’importance de tenir compte de la capacité de paiement dans tout débat budgétaire.

Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a insisté sur le fait que chaque programme et sous-programme doit être dûment financé par le budget ordinaire.  Elle a promis de mettre l’accent sur les objectifs du développement durable, de la paix et des droits de l’homme qui requièrent des ressources prévisibles, à gérer avec une certaine de souplesse.  Elle a aussi appelé à des dépenses rationnelles, à une gestion budgétaire efficace et responsable, et à une performance conforme aux principes de transparence et de responsabilité.

M. ABDULAZIZ M. ALWASIL (Arabie saoudite) a rappelé qu’au mois de mars, l’Assemblée générale a adopté une résolution sur les ressources humaines qui a clarifié le système des fourchettes incluant tous les postes financés par le budget ordinaire, y compris les missions politiques spéciales et les opérations de paix.  Il a salué l’attachement du Secrétaire général au rajeunissement du personnel, soulignant que ces sept dernières années, son pays a offert aux jeunes les moyens de réaliser leur plein potentiel grâce à la Vision 2030.  Insistant sur l’importance de publier les communiqués de presse dans les six langues officielles de l’ONU, le représentant s’est par ailleurs réjoui de pouvoir participer aux discussions sur le financement du Bureau de lutte contre le racisme.  Il a aussi salué la proposition du Secrétaire général d’allouer un financement supplémentaire de 3,4 millions de dollars à la lutte contre le terrorisme et à transférer 24 postes financés auparavant par des ressources extrabudgétaires vers le budget ordinaire.

Mme GLADYS MOKHAWA (Botswana) a appelé les administrateurs de programmes à respecter les modifications dues au nouveau cycle budgétaire annuel.  Les ressources, a-t-il dit, doivent correspondre aux mandats, dont ceux de la paix, de la stabilité, du respect des droits de l’homme, de l’assistance humanitaire, de l’appui au développement et de l’action climatique.  Toutefois, a fait observer le représentant, la diminution du budget rend difficile la mission des Nations Unies qui est de relever les défis du monde, en particulier les problèmes climatiques en Afrique, en Asie et en Amérique latine.

Pour M. JAMES STAPLES (Royaume-Uni), les programmes doivent être coordonnés stratégiquement de manière à ce qu’ils se renforcent mutuellement et évitent les doubles emplois.  Les dépenses doivent être ciblées et adaptées aux besoins afin de rentabiliser chaque dollar dépensé et les résultats et leur impact doivent être évalués de près pour informer l’allocation future des ressources.  Nous continuerons, a conclu le représentant, d’examiner attentivement les propositions budgétaires du Secrétaire général, en gardant ces principes à l’esprit.

Mme NJAMBI KINYUNGU (Kenya) a, compte tenu de l’urgence de la crise climatique mondiale, rappelé que son pays s’est engagé, lors du récent Sommet africain sur le climat qui s’est tenu à Nairobi, à opérer un changement de paradigme dans l’action climatique et le développement.  Elle a exhorté les Nations Unies à allouer des ressources suffisantes pour soutenir l’action climatique dans les régions vulnérables et salué le travail du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et d’ONU-Habitat dans la promotion d’une urbanisation durable.  Nous devons, a-t-elle encouragé, soutenir leurs mandats.

M. DMITRY S. CHUMAKOV (Fédération de Russie) a attiré l’attention sur le fait que depuis la publication des documents de budget en avril 2023, certains mandats se sont achevés.  Par conséquent, les ressources qui leur étaient allouées ne devraient pas être inscrites au projet de budget pour 2024.  En revanche, le représentant a demandé des ressources adéquates pour tous les services linguistiques, dans tous les lieux d’affectation.  Il a appuyé les mesures de renforcement des services linguistiques et la recommandation du CCQAB d’adopter des normes sur la charge de travail des traducteurs.  Il a regretté le fait que le budget ordinaire ne soit plus adopté par consensus, en raison de l’entêtement de certains à financer des mécanismes d’enquête, comme ceux sur la Syrie et le Myanmar, qui ont été adoptés en violation de l’autorité du Conseil de sécurité.  Pour ces mécanismes, en effet, on ne parle jamais de la difficulté à débourser des fonds. Le représentant s’est d’ailleurs demandé pourquoi il faudrait créer de nouveaux postes au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme qui a un taux de vacances de poste assez élevé. En règle générale, il a voulu que les recrutements soient menés selon les règles en vigueur et tiennent dûment compte des États sous ou non-représentés.

Mme EGRISELDA ARACELY GONZÁLEZ LÓPEZ (El Salvador) a, parlant du travail du CPC, estimé que si le nombre des programmes sans consensus a doublé par rapport à 2022, c’est parce que certains sont redondants.  Il faut donc faciliter le travail du Comité et garantir que ses mandats, responsabilités et fonctions soient effectivement et pleinement mis en œuvre. 

Mme MATHU JOYINI (Afrique du Sud) a souligné l’importance des ressources allouées au pilier « développement » et espéré un consensus sur les questions de la prévention et de la consolidation de la paix.  Elle a salué l’engagement du Secrétaire général à éradiquer le racisme à l’ONU, en appelant la Cinquième Commission à prévoir des ressources à la hauteur de la tâche.  La représentante a ensuite énuméré les programmes chers à son pays comme les missions politiques spéciales, le développement socioéconomique de l’Afrique, ONU-Femmes, la communication globale, les droits humains ou encore la gestion des infrastructures de la Commission économique pour l’Afrique à Addis-Abeba et de l’Office des Nations unies à Nairobi.

Reprenant la parole, le Secrétaire général de l’ONU a regretté de ne pas avoir assez de temps pour répondre aux États Membres, compte tenu de la situation au Moyen-Orient.  Il s’est dit sensible à la voix des pays en développement et à leur situation difficile. Le budget de l’ONU, a-t-il expliqué, s’articule autour des mandats mais aussi autour des besoins.  Nous devons, a-t-il précisé, disposer de fonds pour les salaires, les équipements, les installations, les voyages ou encore l’informatique.  Avec de telles dépenses, il reste très peu de place pour fournir un appui direct aux organisations régionales telles que l’Union africaine, en particulier en matière de renforcement des capacités. 

Si l’on se penche sur le Programme ordinaire de coopération technique ou le Fonds pour la réalisation des objectifs de développement durable, l’on constate que ce sont de toutes petites allocations de fonds par rapport au budget total.  Conscient des difficultés que les gouvernements, quand il s’agit de défendre leurs intérêts vis-à-vis, par exemple, des banques de développement, le Secrétaire général a souligné que c’est précisément là que l’ONU peut intervenir en tant que partenaire au développement honnête.  Il a espéré que lorsqu’il sera temps de se pencher sur les questions structurelles, un message d’engagement pourra être lancé, avec, à l’esprit, les besoins urgents de tant de pays. 

M. MATEUS PEDRO LUEMBA (Angola) a insisté sur la bonne allocation des ressources aux programmes et une bonne représentation géographique équitable au sein du personnel de l’ONU.  Le Secrétariat doit prendre des mesures pour que chaque État Membre soit représenté, a-t-il martelé, avant de louer les vertus du multilinguisme et de saluer les propositions budgétaires pour que les services soient offerts dans les six langues officielles des Nations Unies. 

M. JIANG HUA (Chine) a voulu que la Commission se concentre sur la réduction de la pauvreté, afin d’accélérer la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Il nous faut imprimer un nouvel élan à nos efforts, a-t-il encouragé, avant d’appeler à plus de transparence et d’efficacité.  Il a d’ailleurs appuyé l’idée que les grandes commissions examinent les programmes qui n’ont pas fait l’objet d’un consensus au sein du CPC.  Il a conclu en appelant le Secrétariat à insister sur le contrôle, la redevabilité et la transparence dans la gestion des ressources extrabudgétaires. 

L’ONU, a regretté M. KAMEL KARA (Algérie), se heurte à des retards de paiement qui retardent à leur tour la mise en œuvre des programmes et des mandats. C’est pourquoi, a-t-il promis, nous allons travailler à l’adoption du budget car nous savons que les ressources doivent être à la hauteur des mandats.  Le moyen le plus efficace de garantir l’efficacité de l’ONU, c’est de verser les contributions financières à temps, a martelé le représentant.

M. MATETE PAUL NENA (Lesotho) a aussi insisté sur le passage au cycle budgétaire annuel pour demander que les mandats convenus au niveau intergouvernemental soient traduits en programmes réalisables au moyen du nouveau cadre stratégique.  Le représentant a également souligné l’importance du CPC et le rôle central qu’il joue dans l’examen des programmes.  Il faut préserver ce rôle car il s’agit d’une étape essentielle des discussions budgétaires et de l’approbation des plans et des programmes.  Ce budget devrait permettre non seulement de donner un nouvel élan à la réalisation des objectifs de développement durable, mais aussi d’éradiquer la pauvreté.  Le budget doit être équilibré et répondre aux défis et aux besoins de développement.  Le représentant a dit attendre avec intérêt l’adoption du budget de la consolidation de la paix qui a été reporté pour la troisième fois.

À son tour, M. MARTINS MARIANO KUMANGA (Mozambique) a dit que le moyen le plus efficace de renforcer la capacité financière de l’ONU est de lui verser les contributions statutaires en temps voulu.  Il a dit soutenir tous les efforts visant à renforcer la responsabilité et la transparence dans la gestion des ressources limitées pour promouvoir le développement, répondre aux crises humanitaires et protéger les êtres humains. Le Mozambique encourage, par exemple, la poursuite du plan de représentation géographique équitable du personnel et de la parité femmes-hommes, ce qui est naturel, compte tenu de la diversité des Nations Unies.  Il est également de la plus haute importance que les pays vulnérables bénéficient d’un soutien et d’une assistance pour améliorer leurs capacités technologiques et de transformation afin de ne laisser personne sur le côté, a estimé le délégué. 

Mme NISAN SU ARAS (Türkiye) s’est attardée sur l’Initiative de la mer Noire et rappelé que son pays a joué un rôle de facilitateur.  Grâce aux contacts de la Türkiye, cet accord historique a été signé à Istanbul le 22 juillet 2022 et a permis à plus de 32,8 millions de tonnes de divers produits céréaliers d’atteindre les marchés mondiaux depuis le 1er août 2022.  L’Initiative a contribué à stabiliser les prix mondiaux des denrées alimentaires et à éviter une pénurie alimentaire majeure.  Le Programme alimentaire mondial (PAM) qui gère des projets dans ces pays, a également bénéficié de la réduction des prix. 

Toutefois, a poursuivi la représentante, la Fédération de Russie a décidé de s’en retirer après le 18 juillet, arguant que ses demandes n’ont pas été satisfaites.  Depuis lors, les tensions militaires ont augmenté en mer Noire alors que les alternatives potentielles à l’initiative, telles que la route du Danube ou les voies de solidarité de l’Union européenne, ne peuvent pas la remplacer du fait des coûts supplémentaires et des problèmes de sécurité qu’elles entrainent.  Alors que nous poursuivons nos efforts avec les Nations unies pour relancer l’initiative, nous avons maintenu ouvert le Centre de coordination conjoint d’Istanbul, a souligné la représentante.  D’ici à ce que l’Initiative reprenne, il est important de maintenir, dans le budget ordinaire, son allocation budgétaire.

M. CHRISTOPHER P. LU (États-Unis) a d’abord fermement condamné les attaques perpétrées contre Israël et revenant au budget 2024, il a promis d’appuyer le pilier « droits de l’homme » qui est chroniquement sous-financé, en particulier par rapport au pilier « développement ».  L’ONU, a-t-il encouragé, peut faire plus avec moins, grâce aux nouvelles technologies qui réduisent les coûts et améliorent la rationalisation.  L’intelligence artificielle, par exemple, pourrait être un apport innovant aux services de traduction.  Nous voulons, a poursuivi le représentant, un personnel de l’ONU diversifié, avec des ressortissants des nations sous ou non représentées.  Il a d’ailleurs regretté que le CCQAB n’ait pas tenu compte des suggestions de son pays à ce sujet.  Il a conclu en soulignant que le rôle du CPC est de veiller à ce que les mandats soient mis en œuvre de façon adéquate.  Ce n’est absolument pas une enceinte habilitée à annuler ou à amender les mandats.

Mme SHERRY ZILBERGELD (Israël) a dénoncé les actes « odieux » que le Hamas, une organisation terroriste, a commis samedi dernier.  Des centaines de terroristes du Hamas ont envahi Israël par voies terrestre, maritime et aérienne.  Il a lancé une attaque sans précédent contre des villages et des localités autour de la bande de Gaza.  Des familles entières ont été assassinées dans leur maison.  Ces terroristes, qui se comportent comme des animaux, ont massacré des familles et des civils les uns après les autres.  Des dizaines et des dizaines de corps sans vie ont été trouvés et, pendant une fête, plus de 250 jeunes ont été tués en plein désert.  Pendant ce temps-là, le Hamas a continué de tirer des roquettes en direction d’Israël et ces atrocités d’une ampleur sans précédent ont entraîné la mort de plus de 1 000 Israéliens innocents en quelques heures, faisant également des milliers de blessés. 

Les terroristes du Hamas, a poursuivi la représentante, ont enlevé plus de 230 Israéliens innocents.  Ce sont des femmes, des mères et des enfants, y compris des survivants de la Shoah.  Le Hamas, a insisté la représentante, est une organisation terroriste mue par un antisémitisme évident contre lequel Israël a le droit de se défendre.  Elle a appelé la communauté internationale à faire entendre sa voix, soulignant que face aux crimes « odieux » du Hamas, Israël mène en fait une guerre contre la terreur.  Le Hamas et ses crimes de guerre doivent être condamnés.  Nous allons nous défendre.  Nous allons gagner.  La nation survivra, a martelé la représentante.

M. KYAW MOE TUN (Myanmar) a dénoncé le coup d’État militaire dans son pays et déploré que la situation empire, avec une odieuse junte militaire qui continue sa campagne de destruction contre son peuple.  L’ONU estime que 2 millions de personnes ont été déplacées, a rappelé le représentant, en louant le travail du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).  Nous sommes prêts à collaborer avec l’ONU et tous ses mécanismes présents au Myanmar, a assuré la représentant, avant de se féliciter l’inscription du Fonds pour le Myanmar dans le projet de budget-programme pour 2024.

À son tour, Mme CATHERINE POLLARD, Secrétaire générale adjointe chargée des stratégies et politiques de gestion et de la conformité, a souligné que les estimations présentées aujourd’hui à la Cinquième Commission sont des estimations initiales, en attendant une révision, en particulier sur la mise en œuvre des mandats du pilier « droits de l’homme ». 

Reprenant la parole, M. ABDALLAH BACHAR BONG, Président du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB), a dit que son comité a dûment examiné les fonds et les programmes financés essentiellement par les ressources extrabudgétaires.  Depuis la cinquante-sixième session, il existe toujours dans les rapports du CCQAB une section qui concerne les ressources extrabudgétaires pour l’Assemblée générale.  Pour la plupart des postes, la composante extrabudgétaire est assez importante.  S’agissant de la répartition géographique, le Comité consultatif fait apparaître les déséquilibres apparents lorsqu’ils existent.  Il faut essayer de régler la situation grâce aux postes vacants et c’est la raison pour laquelle le CCQAB étudie également quelles sont les projections, en particulier sur les départs à la retraite.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Première Commission: les États dotés de l’arme nucléaire critiqués, tout comme les instances de désarmement

Soixante-dix-huitième session,
8e séance plénière - après-midi
AG/DSI/3715

Première Commission: les États dotés de l’arme nucléaire critiqués, tout comme les instances de désarmement

Alors que le débat général de la Première Commission (désarmement et sécurité internationale) approche de sa fin, nombre des délégations qui sont intervenues aujourd’hui ont, une fois encore, regretté l’immobilisme des instances de désarmement et demandé aux États dotés de l’arme nucléaire de se conformer à leurs obligations au titre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).

L’Algérie a ainsi estimé que la majorité écrasante de la communauté internationale regrette le rythme trop lent du désarmement nucléaire et a demandé aux États dotés de s’acquitter de leurs obligations juridiques au titre de l’article VI du TNP.  Le Nicaragua a rappelé que, dans son avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, rendu le 8 juillet 1996, la Cour internationale de Justice avait établi que les États dotés avaient l’obligation juridique de poursuivre de bonne foi des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects et de les mener à bien dès que possible. 

Le Nigéria s’est inquiété de la résistance des États dotés à procéder au démantèlement de leurs arsenaux.  Kiribati a souligné que la rhétorique des États dotés avait soulevé de profondes inquiétudes quant à leur engagement envers le régime de non-prolifération et de désarmement nucléaires.  Après avoir rappelé que son pays avait subi les conséquences des essais nucléaires, le représentant de ce petit État insulaire du Pacifique a dit « ne pas penser qu’il y ait d’États dotés d’armes nucléaires responsables » et s’est demandé s’ils sont réellement déterminés à respecter les obligations qui leur incombent.  Le Sénégal a déploré que les instances de désarmement se trouvent dans une situation de paralysie chronique et rappelé aux États dotés qu’il était de leur responsabilité de s’entendre sur un programme de réduction de leurs arsenaux, tout en accordant des garanties négatives de sécurité aux pays non dotés. Après bien d’autres ces derniers jours, le Brésil, la Mauritanie ou encore le Cameroun ont fait part de leur déception concernant l’échec persistant dans l’universalisation du TNP. La Belgique, pour qui les progrès vers une telle universalisation sont de la première importance, a quant à elle exhorté Israël, l’Inde et le Pakistan à « choisir le bon côté de l’histoire » et à adhérer au Traité.

Seule puissance nucléaire à s’exprimer aujourd’hui, la France a regretté les « stratégies de blocage » de certains États parties lors de la première session du Comité préparatoire à la onzième Conférence d’examen du TNP, qui ont « empêché de référencer la synthèse de nos discussions », jugée par ailleurs riches. 

Les discussions ont aussi porté sur les deux autres traités de désarmement nucléaire que sont le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN).  Dans une allusion à un déclaration récente du Président de la Fédération de Russie, la Belgique s’est dite extrêmement préoccupée par les informations selon lesquelles « un État partie au TICE » envisagerait de révoquer sa ratification, estimant qu’une telle décision porterait un coup systémique au régime international de non-prolifération, puisque l’interdiction des essais constitue un instrument essentiel dans la lutte contre la prolifération et le développement de nouveaux types d’armes nucléaires.  Djibouti a regretté que le TICE ne soit pas encore mis en œuvre et, comme le Nigéria, a demandé que ceux des pays figurant à l’annexe 2 du Traité qui ne l’ont pas encore ratifié –ils sont huit dans ce cas- le fassent rapidement pour lui permettre d’entrer enfin en vigueur. 

Par ailleurs, le Nigéria a exhorté les États dotés et ceux qui se sont placés sous un «  parapluie nucléaire  » à ratifier le TIAN. 

Plusieurs intervenants ont en outre mis en exergue le rôle des zones exemptes d’armes nucléaires (ZEAN) pour renforcer la confiance sur le plan régional et contribuer ainsi à la paix mondiale.  À cet égard, les Traités de Tlatelolco et de Pelindaba ont une fois encore été cités et plusieurs délégations ont dit soutenir la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient. 

Enfin, de nouveaux appels ont été lancés à l’Iran pour qu’il respecte ses engagements au titre du Plan d’action global commun (PAGC), et à la République populaire démocratique de Corée (RPDC) pour qu’elle se soumette aux multiples résolutions du Conseil de sécurité et démantèle son programme nucléaire. 

Parmi les autres sujets abordés, Vanuatu, qui a dit avoir subi cette année une cyberattaque au cours de laquelle tous les systèmes de l’État ont été désactivés, a plaidé pour un cyberespace sûr, encadré par des normes qui pourraient découler des travaux du Groupe de travail à composition non limitée sur le cyberespace. Le Kenya a estimé que la cybersécurité ne saurait être confiée à un seul pays.  La France a jugé que l’ONU devait être capable d’accompagner les États Membres dans le renforcement de leurs capacités nationales face à de telles cyberattaques et a annoncé le dépôt d’un projet de résolution demandant l’établissement d’un mécanisme permanent sur la cybersécurité au plus tard en 2026. 

Les armes légères et de petit calibre (ALPC) et plus encore leur trafic illégal ont également été abordés.  La représentante d’Haïti, pays qui en est victime, a demandé aux États Membres de prendre les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert direct ou indirect de telles armes vers son pays.  L’Eswatini a dit attendre la quatrième Conférence des Nations unies sur les ALPC, qui se tiendra à New York en juin 2024, tandis que la Mauritanie a appelé à l’élaboration d’une proposition de programme de bourses des Nations Unies pour renforcer les capacités des pays en développement dans le domaine des ALPC. 

La Première Commission, achèvera demain, mercredi 11 octobre, son débat général à partir de 15 heures. 

SUITE DU DÉBAT GÉNÉRAL SUR TOUS LES POINTS DE L’ORDRE DU JOUR TOUCHANT LE DÉSARMEMENT ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALE

Déclarations

M. JASSER JIMÉNEZ (Nicaragua) a déclaré que toutes les ressources économiques et financières utilisées dans la modernisation des armes nucléaires ou dans l’agression des pays, pourraient être utilisées pour restaurer la confiance dans l’ONU et alimenter la solidarité et la coopération internationales pour réaliser les objectifs de développement durable.  Le représentant a fermement défendu le désarmement, y compris l’élimination totale des armes nucléaires.  Conformément à cette position de principe, le Nicaragua a ratifié le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et le Traité de Tlatelolco.  Le représentant a rappelé que, dans son avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, rendu le 8 juillet 1996, la Cour internationale de Justice (CIJ) avait établi que les États dotés avaient l’obligation juridique de poursuivre de bonne foi des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects et de les mener à bien dès que possible.  Enfin, il a rappelé son attachement au respect du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). 

Le Nicaragua est favorable au renforcement du régime juridique de l’espace extra-atmosphérique afin de garantir la sécurité et la transparence dans la conduite des activités spatiales.  Son représentant a soutenu l’adoption d’un traité pour la prévention et l’interdiction du placement d’armes dans l’espace extra-atmosphérique, et de l’utilisation ou de la menace d’utilisation de la force contre des satellites ou d’autres objets spatiaux.  Pour le représentant, le projet de traité présenté par la Fédération de Russie et la Chine à la Conférence du désarmement « constitue une bonne base de négociation ».

Dans sa lutte contre le trafic illicite d’armes, le Nicaragua a pris les mesures nécessaires en incorporant dans sa législation nationale les dispositions du Programme des Nations Unies pour prévenir, combattre et éradiquer les armes légères et de petit calibre (ALPC) et l’Instrument international de traçage, a déclaré le représentant.  Il a rappelé le lancement récent du Plan national pour la sécurité citoyenne et humaine, forme de sécurité qu’il a présentée comme l’une des principales forces du Nicaragua.  Le taux d’homicide de 7 pour 100 000 habitants est l’un des plus bas d’Amérique latine et du monde, s’est-il félicité. 

M. NORBERTO MORETTI (Brésil) a d’abord rappelé que son pays préside le Conseil de sécurité en octobre et a souhaité partager des perspectives sur les différences fondamentales entre le Conseil et la Première Commission quant au maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Le premier a souvent pour rôle de réagir aux événements, a‑t‑il estimé, alors que l’Assemblée générale et ses grandes commissions sont tournées vers l’avenir.  Si notre travail est bien fait, il y aura donc moins de travail pour le Conseil de sécurité, a‑t‑il conclu. 

Ces différences entraînent des conséquences pour le travail de la Première Commission, a estimé le représentant, qui a souhaité davantage d’ambitions pour celle-ci.  Si la Première Commission se laisse contraindre par des perceptions issues de l’état actuel de la sécurité, elle ne pourra pas envisager l’avenir, a‑t‑il averti.  Il a aussi rappelé le creusement des divisions et la difficulté croissante de dégager des consensus au sein du Conseil de sécurité.  Si une telle dynamique devait s’imposer dans l’Assemblée générale, elle aurait des conséquences dramatiques sur l’avenir, a‑t‑il averti, insistant pour que le consensus reste son objectif par défaut. 

Le représentant a salué la représentativité et l’inclusivité au sein de l’Assemblée générale, estimant qu’elle permet d’inclure des nuances qui restent souvent invisibles au Conseil de sécurité.  Le Brésil, a‑t‑il ajouté, est à juste titre associé au Mouvement des pays non alignés et, à ce titre, fait partie d’une majorité silencieuse mais attachée au désarmement.  Il a ensuite salué les succès de la Commission – notamment quand elle a contribué au développement d’un cadre pour la gestion des munitions tout au long de leur cycle de vie, ou en progressant dans les domaines des technologies de l’information et des communications (TIC), de l’intelligence artificielle ou du désarmement nucléaire.  Il a aussi regretté quelques échecs, dont celui du groupe préparatoire de la Conférence d’examen au TNP.  La Première Commission ne pourra jamais se mettre d’accord sur tout, a-t–il conclu, estimant que ce n’est pas même indispensable, l’essentiel étant de « garder la direction générale ». 

Mme HELENA NDAPEWA KUZEE (Namibie) a condamné les menaces de recours à l’arme nucléaire, qui vont à l’encontre des efforts de l’ONU.  Déplorant que des guerres et des conflits se déroulent sous nos yeux, la représentante a dit considérer le TNP comme la clef de voute du désarmement.  Une coopération multilatérale inclusive ouvre la voie vers une possibilité de limiter la course aux armements nucléaires, a‑t‑elle ajouté, avant de se dire préoccupée par le refus des États dotés de l’arme nucléaire de ratifier le TIAN. 

La représentante a rappelé que son pays était partie au Traité de Pelindaba et apporté son soutien à la création d’une zone exempte d’armes nucléaires (ZEAN) au Moyen-Orient.  Elle a souscrit au Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général, ajoutant que la paix et la sécurité devaient rester des thématiques centrales pour l’ONU et a souhaité voir davantage de femmes œuvrer en faveur du désarmement. 

M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a rappelé la précarité de la paix et de la sécurité mondiales, menacées par la guerre en Ukraine et l’aggravation de la situation au Moyen-Orient, et a condamné tout acte de terrorisme quelles qu’en soient les motivations.  Les appels au désarmement nucléaire restent vains, a déploré le représentant, qui a préconisé l’élimination complète des armes nucléaires comme unique garantie absolue de leur non-utilisation.  Réitérant le soutien de son pays au désarmement et à la non-prolifération, il a exhorté les pays qui ne l’ont pas encore fait à adhérer au TICE et a insisté sur le droit des États à employer l’atome dans un but pacifique, sous la supervision de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Le représentant a estimé que la cybersécurité ne pouvait être gérée par un seul pays et a prôné une approche multilatérale.  Il a appelé l’ONU à soutenir les nations et à renforcer leurs capacités dans le domaine numérique, afin qu’elles puissent profiter pleinement de cette révolution tout en évitant les risques liés aux réseaux sociaux, aux métadonnées ou à d’autres évolutions technologiques.  Il a également salué le travail du Groupe de travail à composition non limitée sur la prévention de l’utilisation des technologies de l’information et des communications à des fins criminelles.

Face à la militarisation de l’espace extra-atmosphérique, le représentant s’est joint à l’appel visant à mettre en place un cadre juridique à même d’y prévenir la course aux armements, mais aussi d’offrir aux États des opportunités égales dans le cadre de l’exploration spatiale.  Enfin, il a évoqué le problème des ALPC.  Favorable à une coopération entre instances onusiennes, organisations régionales, gouvernements nationaux et acteurs non étatiques pertinents, il a appelé au renforcement des capacités des missions de l’ONU et des gouvernements pour prévenir le commerce illicite de ces armes. 

Mme NDEYE FATOU NDIAYE (Sénégal) a estimé que toutes les instances de désarmement se trouvent dans une paralysie chronique, dont la Conférence du désarmement et la Commission du Désarmement, qui demeurent caractérisées par la léthargie. La représentante y a vu la cause de l’échec de la dixième Conférence d’examen du TNP, ajoutant que les résultats mitigés de la première session du Comité préparatoire de la onzième Conférence ne rassurent pas sur la capacité à surmonter les divergences.

Il est nécessaire de réaffirmer la volonté politique et d’avancer vers l’élimination immédiate, complète, irréversible et vérifiable des armes nucléaires, a affirmé la représentante.  À cet égard, elle a déclaré qu’il était de la responsabilité des États dotés de l’arme nucléaire de s’entendre sur un programme de réduction de leurs arsenaux nucléaires et qu’il fallait accorder des garanties négatives de sécurité aux pays non dotés.  Elle a rappelé que le Sénégal a ratifié le TNP, qui doit demeurer la pierre angulaire de la non-prolifération, le TICE, le Traité de Pelindaba créant une ZEAN en Afrique et la Convention sur la sûreté nucléaire.  Elle s’est dite convaincue que l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, telle que définie dans l’article IV du TNP, peut être un élément catalyseur de l’émergence économique des pays du Sud.

Il est également crucial de préserver le Plan d’action global commun (PAGC) sur le nucléaire iranien et les accords sur la limitation des armements stratégiques offensifs, tout comme il reste important de poursuivre les pourparlers sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne, a encore déclaré la représentante.  S’agissant des armes conventionnelles, elle a salué l’adoption sans vote du cadre de gestion des munitions conventionnelles qui permettra de gérer celles-ci de façon durable. 

Mme WISLYNE PIERRE (Haïti) a réaffirmé l’engagement indéfectible de son pays envers les objectifs et les principes de la Charte des Nations Unies, ainsi que sa constante défense d’une diplomatie multilatérale basée sur le principe fondamental de la négociation dans les domaines du désarmement et de la non-prolifération. 

Appelant l’attention urgente de la communauté internationale face au développement rapide de l’utilisation aveugle d’armes autonomes, la représentante a souhaité le maintien d’un contrôle humain significatif pour protéger la population civile et résoudre les graves problèmes éthiques, juridiques et humanitaires que posent ces armes.  Dans cette perspective, elle a salué les progrès dans l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant afin d’interdire et de réglementer efficacement ces armes. 

En tant que victime du commerce illégal des ALPC, « Haïti continue de demander aux États Membres de prendre les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert direct ou indirect vers Haïti d’ALPC », a déclaré la représentante.  Elle a mis l’accent sur le respect des obligations du Programme d’action de l’ONU contre les ALPC, ainsi que de son Instrument international de traçage.  Ces armes devraient être utilisées pour la sécurité et la paix, et non pour causer la désolation, a‑t‑elle déclaré. 

Mme MARITZA CHAN VALVERDE (Costa Rica) a souligné que, depuis trois ans, son pays avait œuvré avec diligence pour remédier à l’aveuglement lié au genre qui prévaut dans presque tous les instruments concernant la paix et la sécurité internationales.  Alors que nous nous efforçons d’intégrer les perspectives de genre dans le désarmement, la non-prolifération et le contrôle des armements, la résistance persiste, a déploré la représentante, qui a noté que certains répètent que les discussions sur l’égalité des sexes relèvent de la Troisième Commission chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles.  D’autres affirment que les questions de genre n’ont aucun rapport avec les armements, affirmant que les balles sont également mortelles pour les deux sexes, a‑t‑elle notamment déclaré.  Ils nous exhortent à éviter ces sujets controversés afin de maintenir un consensus sur les questions de paix et de sécurité, a également dénoncé la représentante. 

Or, pour le Costa Rica, la réalité est que toutes les armes –des armes nucléaires aux drones armés– comportent une dimension de genre qui ne peut plus être négligée.  Ainsi, la propagation incontrôlée et le trafic illicite des ALPC et de leurs munitions amplifient le risque de violence sexuelle dans les situations de conflit et d’après-conflit, a expliqué la représentante.  Ainsi a‑t‑elle considéré que les pays doivent mieux délimiter les liens concrets entre le désarmement, le contrôle des armements et le programme pour les femmes et la paix et la sécurité de l’ONU.  Le Costa Rica ne cessera d’exhorter le Conseil de sécurité à intégrer les considérations de désarmement et de contrôle des armements dans ses discussions sur ce point prioritaire de son ordre du jour, a‑t‑elle déclaré. 

M. PHILIPPE KRIDELKA (Belgique) s’est dit extrêmement préoccupé par les informations selon lesquelles un État partie au TICE envisagerait de révoquer sa ratification du Traité.  Une telle décision porterait un coup systémique au régime international de non-prolifération, a estimé le représentant, ajoutant que la norme internationale contre les essais nucléaires constitue un instrument essentiel dans la lutte contre la prolifération et le développement de nouveaux types d’armes nucléaires.  La Belgique appelle la Russie à ne pas s’engager dans cette voie, a‑t‑il insisté. 

Après avoir appelé l’Iran et la République populaire démocratique de Corée à répondre aux appels internationaux à se conformer à leurs obligations en matière de non-prolifération, le représentant a ajouté que les progrès vers l’universalisation du TNP sont de la première importance.  Ainsi a‑t‑il exhorté Israël, l’Inde et le Pakistan « à choisir le bon côté de l’histoire et à adhérer au Traité en tant qu’États non dotés d’armes nucléaires ». 

Par ailleurs, le représentant a déclaré que l’ordre international fondé sur des règles doit guider le comportement des États dans le cyberespace. Il a vu dans le soutien massif apporté l’an dernier à la résolution préconisant un programme d’action pour promouvoir un comportement responsable des États dans le cyberespace une preuve de l’aspiration d’une grande majorité d’États à promouvoir la paix et la sécurité dans le cyberespace par le biais d’un mécanisme permanent et inclusif.  Le programme d’action serait l’instrument le plus approprié pour rendre opérationnelles les normes convenues, a‑t‑il expliqué.  C’est pourquoi, il a appelé à soutenir le projet de résolution de suivi sur ce programme d’action présenté par la France cette année, et appelé à la mise en place dudit programme en place d’ici à 2026. 

M. EL HADJ MOHAMEDOU (Mauritanie) a déclaré qu’il préférait les dépenses consacrées au développement et à la lutte contre les changements climatiques à celles destinées à ce qui semble être une course effrénée vers l’extinction de l’espèce humaine.  Il a fait part de sa déception concernant l’échec persistant dans l’universalisation du TNP et a appelé à engager un dialogue franc et global pour assurer le succès de la onzième Conférence d’examen du TNP, en 2026, afin d’assurer un consensus sur un document final complet.  Le représentant a également dit sa fierté d’avoir ratifié le Traité de Pelindaba établissant une ZEAN en Afrique et a souligné les progrès réalisés pour mettre effectivement en place cette zone. 

Le représentant a souligné la nécessité d’actualiser les accords internationaux régissant l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique en protégeant le droit inaliénable de tous les États d’utiliser l’espace à des fins pacifiques. 

Compte tenu de la relation étroite entre la montée des groupes terroristes et criminels et la facilité à se procurer des ALPC, le représentant a appelé à l’élaboration d’une proposition de programme de bourses des Nations Unies pour renforcer les capacités des pays en développement dans le domaine des ALPC. 

Mme CAMILLE PETIT (France) a salué la richesse des discussions tenues lors de la première session du Comité préparatoire à la onzième Conférence d’examen mais a regretté les stratégies de blocage de certains États parties qui ont empêché « de référencer la synthèse de nos discussions ».  Affirmant la mobilisation de la France face aux menaces de prolifération nucléaire, la représentante a appelé l’Iran à inverser l’escalade de son programme nucléaire en coopérant pleinement avec l’AIEA et demandé que la République populaire démocratique de Corée (RPDC) démantèle immédiatement tous ses programmes proliférants, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité. 

Après avoir reproché à la Syrie d’entraver le travail de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), la représentante a averti que l’emploi d’armes chimiques par la Russie en Ukraine serait irresponsable et aurait des conséquences humanitaires et environnementales désastreuses.  La France continuera de soutenir la Convention sur les armes chimiques (CIAC) et ses mécanismes d’enquête et poursuivra la lutte contre l’impunité au sein du Partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques, a‑t‑elle ajouté.

Pour la représentante, l’ONU doit être capable d’accompagner les États Membres dans le renforcement de leurs capacités nationales face aux cyberattaques.  Estimant qu’on ne peut rester inactif face au creusement de la fracture numérique entre les États, elle a annoncé le dépôt d’un projet de résolution demandant l’établissement d’un mécanisme permanent sur la cybersécurité au plus tard en 2026. 

Face à la question des systèmes d’armes létaux autonomes (SALA), la France, qui souhaite qu’ils soient mieux régulés, estime que les discussions doivent se tenir dans le cadre de la Convention sur certaines armes classiques.  Elle défend en la matière une double approche visant à interdire les systèmes d’armes pleinement autonomes et à s’entendre sur une série de principes nationaux pour accompagner le développement et l’emploi des systèmes d’armes létaux intégrant l’autonomie. 

Dans le domaine spatial, la représentante a salué les travaux du groupe de travail à composition non limitée sur la réduction des menaces spatiales au moyen de normes, de règles et de principes de comportement responsable, estimant qu’il avait permis de donner un nouveau souffle aux discussions multilatérales sur la sûreté spatiale.  Enfin, la représentante a regretté les « manœuvres d’obstruction d’une délégation » qui ont empêché la participation de pays comme observateurs aux travaux de la Conférence du désarmement. 

Sur les armes classiques, la représentante a annoncé le dépôt d’un projet de résolution conjoint avec l’Allemagne sur la gestion des munitions. 

Mme REGINA CHAMA BOMA (Zambie) a rappelé que la sécurité est une préoccupation collective qui transcende les États et les frontières.  Pour la représentante, les États ne peuvent pas assister les bras croisés à la modernisation des armes nucléaires, alors que les négociations sur leur élimination ne progressent pas.  La menace ne se limite pas aux nations, a‑t‑elle averti, mentionnant le risque que des matières nucléaires de qualité militaire tombent entre les mains de terroristes ou d’acteurs non étatiques.  Réitérant l’engagement de son pays pour un désarmement nucléaire complet, elle a salué le travail de l’AIEA et reconnu son statut de seule agence compétente pour vérifier le respect des obligations de garanties assumées par les États parties du TNP. 

Relevant les progrès rapides de la technologie, la représentante a observé que les cyberattaques sont devenues une menace importante pour la sécurité mondiale. La sophistication croissante des cybercriminels et des groupes de pirates, parfois parrainés par des États, plaide en faveur d’un renforcement des mesures de cybersécurité à l’échelle mondiale, a‑t‑elle estimé.  Considérant par ailleurs que l’espace extra-atmosphérique doit être préservé au bénéfice de l’humanité entière, elle s’est alarmée des problèmes de sécurité croissants dans ce domaine.  Évoquant l’éventualité d’un espace transformé en champ de bataille ou en quatrième frontière de la guerre, elle a estimé que l’équilibre stratégique entre les nations pourrait être ébranlé par des armes capables de cibler les satellites et les systèmes de communication et a appelé à l’établissement de normes et d’accords internationaux. 

Le commerce illicite des ALPC représente également un obstacle à la paix et à la sécurité internationales, a poursuivi la représentante, qui a rappelé que la prolifération de ces armes détruit des vies et des biens, exacerbe les tensions intercommunautaires et alimente la violence, la criminalité et le terrorisme.  En plus de menacer la paix et de sécurité internationales, ces armes sont un obstacle à la réalisation des objectifs de développement durable, a‑t‑elle insisté. 

M. SANLAN WILLIAM (Vanuatu) a déclaré qu’en raison des tensions internationales de plus en plus fortes, son pays soutient pleinement le Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général des Nations Unies, dans lequel il appelle tous les États Membres de l’ONU à stopper l’augmentation actuelle des dépenses militaires afin d’opter pour un désarmement davantage centré sur l’humain. 

Le représentant a par ailleurs estimé que le Traité sur le commerce des armes et le TIAN, qui visent à la réduction des souffrances humaines comme des atteintes à l’environnement, doivent devenir universels et être pleinement appliqués. 

Cette année, Vanuatu a subi une cyberattaque au cours de laquelle tous les systèmes de l’État ont été désactivés et, sans soutien international, il sera difficile de les faire fonctionner à nouveau à plein, a par ailleurs indiqué le représentant, qui a plaidé pour un cyberespace sûr, encadré par des normes qui pourraient découler des travaux du groupe de travail à composition non limitée sur le cyberespace. 

Mme ANA JIMENEZ DE LA HOZ (Espagne) a préconisé la reprise des négociations, dès que possible, à la Conférence du désarmement, sur l’adoption d’un traité interdisant la production de matières fissiles à des fins militaires et un traité d’arrêt de la matière fissile (FMCT).  De même, a ajouté la représentante, l’Espagne soutient les discussions menées dans le cadre des sessions de la Conférence pour la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient, en souhaitant que tous les acteurs de la région y participent de bonne foi. 

Le PAGC, approuvé par la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité, a apporté une contribution fondamentale au régime international de non-prolifération nucléaire et à la stabilité régionale, a affirmé la représentante.  Elle a souligné l’importance d’appuyer les efforts du Haut-Représentant Borrell et de l’AIEA pour que soit trouvée une solution diplomatique au dossier du programme nucléaire iranien. 

La représentante a rappelé l’attachement de son pays au Traité sur le commerce des armes (TCA), illustré lors de sa présidence du Groupe de travail pour l’application effective du Traité.  Elle a souligné qu’en dépit de progrès incontestables réalisés dans ce cadre, « le grand défi reste celui de l’universalisation du TCA ». 

M. TEBURORO TITO (Kiribati) a estimé que la rhétorique et les actions des États dotés d’armes nucléaires avaient soulevé de profondes inquiétudes quant à leur engagement envers le régime de non-prolifération et de désarmement nucléaires.  Ces États sont-ils déterminés à respecter les obligations qui leur incombent en vertu de l’article VI du TNP en matière de désarmement nucléaire? s’est-il interrogé, avant d’ajouter: « je ne pense pas qu’il y ait d’États dotés d’armes nucléaires responsables ».  Néanmoins, il a estimé que des progrès en matière d’assistance aux victimes et d’assainissement de l’environnement peuvent être réalisés dans le cadre du TNP. C’est pourquoi nous avons plaidé en faveur de discussions sur l’assistance aux victimes et la réhabilitation de l’environnement dans le cadre du TNP avec notre partenaire, la République du Kazakhstan, a‑t‑il expliqué. 

Le représentant s’est déclaré en faveur de la justice nucléaire par le biais du TIAN.  Avec le Kazakhstan, Kiribati copréside le groupe de travail sur l’assistance aux victimes, l’assainissement de l’environnement, la coopération internationale et l’assistance, a‑t‑il rappelé, précisant que l’objectif ultime de ce travail est d’établir un fonds fiduciaire international pour aider les victimes de l’utilisation ou des essais d’armes nucléaires.  Il a estimé que le TIAN ne porte pas atteinte au TNP, mais au contraire le renforce et qu’il offre aux États une nouvelle dimension pour aider les communautés touchées.  « Ce qui nous importe, c’est la justice nucléaire internationale pour les innombrables survivants et communautés qui ont été ravagés par le fléau des armes nucléaires », a‑t‑il ajouté. 

Cette année, les délégations de Kiribati et du Kazakhstan présenteront à la Première Commission une nouvelle résolution intitulée « Aborder la question des armes nucléaires: Fournir une assistance aux victimes et un assainissement de l’environnement aux États touchés par les armes nucléaires », qui vise à aider les États touchés par l’utilisation ou les essais d’armes nucléaires et ne crée pas de hiérarchie entre ces deux traités. 

Mme ZEINAB ISMAËL ASSOWEH (Djibouti) a rappelé que, chaque année, l’ensemble des États expriment leur souhait d’un monde en paix et en sécurité, mais qu’on assiste en même temps à une augmentation des risques liés aux armes nucléaires, mais aussi biologiques, chimiques ou autonomes, ainsi qu’aux cyberattaques.  Déplorant l’échec des neuvième et dixième Conférences d’examen du TNP, la représentante a dit son espoir de succès pour la prochaine session, prévue en 2026.  Elle a également regretté que le TICE ne soit toujours pas mis en œuvre, appelant tous les États figurant à l’annexe 2 du Traité à y adhérer.  Elle a également réitéré le soutien de son pays au TIAN, estimant qu’il s’agit d’un instrument complémentaire au TNP et au TICE.

La représentante a salué les pays membres de ZEAN, estimant que ces initiatives contribuent à la paix et renforcent la confiance régionale et mondiale. À ce titre, elle a estimé indispensable la création d’une telle zone au Moyen-Orient.  Elle s’est félicitée des travaux des trois dernières sessions de la Conférence sur la question, souhaitant un plein succès à la quatrième session.

La circulation illégale des ALPC, ainsi que de leurs munitions, pose un important problème de sécurité, a rappelé la représentante, qui a déploré les milliers de victimes de ces armes, tout particulièrement en Afrique et dans les zones en conflit.  Elle a appelé à la lutte contre leur trafic et au renforcement des contrôles, dans le cadre de la souveraineté de chaque État et conformément à la Charte des Nations Unies.  La représentante a par ailleurs salué le travail de la cinquième session du Groupe de travail sur les technologies de l’information et des communications et souligné la nécessité de contrer l’emploi des SALA, appelant de ses vœux une action à cette fin, coordonnée entre la société civile, les secteurs privés, les gouvernements et la communauté internationale. 

M. LARBI ABDELFATTAH LEBBAZ (Algérie) a estimé que le désarmement nucléaire est une tâche urgente et rappelé que la majorité écrasante de la communauté internationale regrette son rythme trop lent.  Il faut passer des mots à l’action, a‑t‑il déclaré.  L’Algérie s’associe à la majorité écrasante qui demande aux États dotés de s’acquitter de leurs obligations juridiques au titre de l’article VI du TNP. 

Par ailleurs, le représentant a demandé aux pays africains qui ne l’ont pas fait de ratifier le Traité de Pelindaba et a exhorté les États à mettre en œuvre une ZEAN au Moyen-Orient.  S’agissant des SALA, il a fait part de sa préoccupation et de la nécessité de négocier un instrument juridique contraignant. 

M. MOHAMMED LAWAL MAHMUD (Nigéria) a déploré le peu de progrès des processus de désarmement et de non-prolifération nucléaires et s’est dit inquiet face à la résistance des États dotés à procéder au démantèlement de leurs arsenaux.  Le Nigéria soutient un désarmement nucléaire complet, y voyant une condition indispensable au maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Le représentant s’est aussi félicité de l’entrée en vigueur du TIAN, se disant fier du rôle actif joué par son pays dans le processus d’adoption et du fait qu’il en fut un des premiers signataires.  Il a salué le Plan d’action de Vienne, adopté pour faciliter la mise en œuvre du TIAN, et a rappelé la prochaine réunion de la deuxième Conférence des États parties, à New York.  Il a également exhorté tous les États à ratifier le Traité, plus particulièrement les États dotés d’armes nucléaires et ceux qui se sont placés sous un « parapluie nucléaire ». 

Le représentant a appelé les pays qui n’ont pas encore ratifié le TICE, en particulier ceux énumérés à l’annexe 2 du Traité, à le faire sans tarder.  Il a également réaffirmé l’attachement de son pays au Traité de Pelindaba, qui consacre l’Afrique en tant que ZEAN.  Il a en outre défendu le droit inaliénable des pays à l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, soulignant dans ce cadre l’important rôle de surveillance que joue l’AIEA. 

Enfin, le représentant a exprimé le soutien de son pays au programme de l’ONU visant à lutter contre le commerce illicite des ALPC, rappelant que son pays avait mis sur pied un centre national en vue de les contrôler. 

M. LEULSEGED ABEBE (Éthiopie) a relevé les crises complexes et profondes qui affectent la paix et la sécurité.  La modernisation et le stockage des armes de destruction massive et des armes classiques portent atteinte à notre conception de la sécurité collective, a déclaré le représentant.  À ce titre, il a jugé essentiel de détruire ces arsenaux, conformément aux traités existants.  Sans dialogue, s’est-il alarmé, ce n’est pas la troisième guerre mondiale qui attend notre espèce, mais son extinction pure et simple.

Le représentant s’est inquiété de la faible appétence actuelle en termes de partenariats mondiaux et, face à la détérioration de la situation globale, s’est déclaré perplexe devant le manque de sens de l’urgence de la communauté internationale.  Dans ce contexte, il a appelé au rétablissement de la confiance sur le plan mondial, au rétablissement de la solidarité et de la recherche de nouvelles manières de travailler ensemble.  « Nous ne sommes pas naïfs », s’est-il défendu, admettant que la compétition entre États continuera mais préconisant une diplomatie préventive. 

Le représentant a réitéré l’engagement de son pays pour un monde exempt d’armes nucléaires, estimant comme le Secrétaire général de l’ONU que leur élimination est la seule manière de réduire les risques à zéro.  Une volonté politique forte pourrait y parvenir, a‑t‑il ajouté, citant comme exemple la détermination de l’Afrique qui, avec le Traité de Pelindaba, a instauré une ZEAN.  En tant que signataire du Traité, nous voulons utiliser l’énergie nucléaire à des fins pacifiques pour répondre à notre demande intérieure, a‑t‑il conclu. 

M. MDUDUZI KIETH KENNETH MBINGO (Eswatini) a salué l’entrée en vigueur historique du TIAN en janvier 2021, un instrument qui interdit, sans toutefois s’y limiter, le développement, les essais, la production, la fabrication, l’acquisition, la possession ou le stockage d’armes nucléaires.  L’Eswatini signera bientôt cet important Traité, à la suite de l’élection du nouveau parlement la semaine dernière, a annoncé le représentant. 

L’Eswatini reste profondément préoccupé par le commerce illicite, le transfert de possession, la fabrication et la circulation des ALPC, lesquelles, en Afrique, entravent le développement socioéconomique des différentes communautés, a déclaré le représentant.  Le pays attend avec impatience la quatrième Conférence des Nations Unies chargée d’examiner les progrès accomplis dans l’exécution du Programme d’action relatif aux armes légères, qui aura lieu à New York en juin 2024. 

M. BABO (Cameroun) a notamment attiré l’attention sur les répercussions dévastatrices des ALPC, responsables de violence et de nombreuses victimes.  La fabrication, le transfert, le détournement et la circulation illicites d’ALPC entraînent des conséquences humanitaires et socioéconomiques importantes, a-t-il insisté. Il a notamment relevé l’impact majeur pour la sécurité du détournement d’armes qui implique des acteurs non étatiques ou des utilisateurs non autorisés, le détournement d’armes étant directement lié à la criminalité transnationale organisée.  C’est pourquoi le Cameroun plaide pour davantage de collaboration internationale, afin de renforcer les mécanismes juridiques existants par des échanges accrus d’informations sur les flux financiers et de mieux contrôler la circulation de ces armes. 

Le représentant a en outre dit espérer que le TCA pourra apporter une réponse au trafic illicite et au commerce non réglementé des armes, et contribuera à la prévention des conflits.  Il a salué l’adoption du document final de la huitième Réunion biennale des États parties au Programme d’action des Nations Unies sur les armes légères (BMS8), et a souhaité voir se renforcer les capacités des pays à lutter contre le trafic de ces armes, conformément au document final.  Le Cameroun insiste également pour que l’ONU poursuive les négociations en ce qui concerne la sécurité et l’information sur le plan mondial. 

Droits de réponse

Le représentant de la Géorgie a souhaité répondre aux déclarations de la Russie, hier, qui a affirmé reconnaître l’indépendance de deux régions géorgiennes en se fondant sur la volonté librement exprimée de sa population. Or, plus de 300 000 personnes réfugiées ont fui cette région suite à l’agression russe, a rappelé le représentant.  Elles représentaient l’écrasante majorité de la population de ces territoires, a‑t‑il rappelé, ajoutant qu’elles restent privées aujourd’hui encore de leur droit au retour.  À ce titre, il a estimé hypocrite de justifier l’occupation par une soi-disant volonté de la population locale.  En outre, s’appuyant sur des jugements de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour pénale internationale, il a estimé que c’est la Russie qui exerce les pleins pouvoir sur ces territoires. 

L’observateur de l’État de Palestine a évoqué le blocus complet de Gaza, où la population serait totalement privée de nourriture, d’eau et d’électricité.  Il y a deux millions de Palestiniens qui vivent sur ce territoire, a‑t‑il rappelé, estimant qu’une telle mesure, censée lutter contre le Hamas, ne fait qu’infliger des souffrances à des civils innocents.  Les centaines de Palestiniens tués, dont 150 enfants, méritent aussi compassion et solidarité, a‑t‑il martelé, appelant à davantage d’humanité pour son peuple.  Deux millions de Palestiniens se sont endormis sans savoir s’ils se réveilleraient le lendemain matin, a‑t‑il poursuivi, ajoutant que Gaza est dépourvue d’abris et que l’acheminement de l’aide humanitaire est bloqué. 

Le représentant de la République islamique d’Iran a rejeté les accusations d’ingérence de son pays par Israël.  Le régime israélien blesse et opprime des innocents dans les territoires occupés en utilisant contre eux un luxe d’armes interdites, et ce depuis des décennies, a accusé le représentant, ajoutant qu’Israël viole l’intégrité territoriale de la Syrie et du Liban. 

Le représentant de la République arabe syrienne a rejeté les allégations de présence d’armes chimiques dans son pays, des allégations tenues par une Puissance occupante, Israël, qui est dotée d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive et qui a apporté le terrorisme au Moyen-Orient. 

Le représentant de l’Arménie a affirmé que l’Azerbaïdjan sème la confusion en tenant des informations contradictoires sur son agression illégale et brutale du 19 septembre dernier, agression qui a été le point culminant d’années de coups de force et de véritables crimes de guerre dans le Haut-Karabakh.

Le représentant de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a répondu aux déclarations de la France, de la Belgique et de l’Espagne.  Il a affirmé que la France avait envoyé des forces militaires dans le voisinage de la péninsule de Corée depuis 2019, sous prétexte de mettre en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité et des sanctions.  Tout cela ne fait qu’accroître les tensions dans la région, a‑t‑il dénoncé, dénonçant la France qui, a‑t‑il poursuivi, a déclaré qu’elle enverrait prochainement des troupes dans la région.  Il l’a appelée à cesser ces activités, lesquelles relèvent d’une mentalité de guerre froide et risquent de compromettre la paix et la sécurité régionales. Les forces déployées dans son pays reflètent les menaces extérieures, a‑t‑il ajouté, déclarant qu’un demi-siècle de menace des États-Unis avaient constitué le facteur déclencheur pour que la RPDC se munisse d’armes nucléaires. 

La représentante d’Israël a cité le représentant palestinien qui, hier, se demandait pourquoi son peuple ne méritait pas de condoléances.  Elle a répliqué qu’elle n’avait pour sa part pas entendu les siennes pour son peuple à elle, pas plus qu’elle n’avait entendu de sa part une condamnation claire du Hamas.  Les Palestiniens, a‑t‑elle déclaré, sont représentés par des personnes dépourvues de l’intégrité morale nécessaire pour condamner les pires atrocités.  « Nous sommes différents », a‑t‑elle affirmé, avant d’offrir ses condoléances aux Palestiniens qui vivent sous la règle brutale du Hamas depuis 23 ans et sont utilisés comme bouclier par des organisations terroristes. « C’est la différence entre le Hamas et nous », a‑t‑elle poursuivi, se disant incapable de comprendre pourquoi l’observateur de Palestine ne pouvait pas blâmer le Hamas après de tels actes de barbarie.

Le représentant de la Fédération de Russie a demandé aux délégués occidentaux de bien vouloir cesser d’évoquer, sous la forme de provocations fantaisistes, de prétendues interactions militaires entre la Russie, l’Iran et la République populaire démocratique de Corée.  Ce sont les sanctions unilatérales des États-Unis qui attisent les tensions dans la péninsule coréenne et qui sapent le PAGC, a‑t‑il dit. 

Le représentant de l’Azerbaïdjan a demandé à l’Arménie de comprendre que, pour ramener la paix dans la région et normaliser les relations basées sur le respect mutuel entre leurs deux pays, il faut éviter les agissements militaires provocateurs et les ingérences dans les affaires intérieures azerbaïdjanaises. 

Le représentant de la République arabe syrienne a réagi aux propos de la France en retirant toute fiabilité et intégrité aux travaux d’une OIAC entièrement politisée et phagocytée par les pays occidentaux et leur propagande antisyrienne. 

Le représentant de la République arabe syrienne a répondu à la France et à la Belgique après les propos de ces derniers sur les armes chimiques.  Il a déclaré avoir fréquemment dénoncé la partialité du rapport de l’OIAC ainsi que le non-respect des dispositions de la CIAC. Il a mis en doute les sources utilisées dans les rapports de l’OIAC, dénonçant la politisation de l’Organisation par certains pays occidentaux.  Assurant que la Syrie a détruit ses stocks d’armes chimiques et continue de coopérer de manière constructive, il a rappelé avoir donné au Secrétaire général et au Président du Conseil de sécurité des informations montrant que certains pays, qui parrainent le terrorisme, ont permis à des groupes terroristes d’acquérir des armes utilisées contre l’armée syrienne.  Il a également blâmé les pays contradicteurs pour ignorer délibérément le fait que l’État islamique emploie des armes chimiques contre des civils. 

L’observateur de l’État de Palestine a déclaré que les représentants d’Israël ne peuvent s’adresser aux Palestiniens parce qu’ils ne les reconnaissent pas comme tels.  Israël ne reconnait d’autre droit aux Palestiniens que de mourir.  Il a demandé quel était ce droit international à la légitime défense, dont il n’a jamais entendu parler malgré sa formation de juriste, et qui permet de massacrer des civils.  Justifier leur mort, a‑t‑il dénoncé, relève de l’inhumanité, du racisme et du suprémacisme, ajoutant qu’Israël était entre les mains d’un gouvernement d’extrême droite qui se garde le droit de tuer des civils.  La Palestine, a‑t‑il assuré, veut que le droit international s’applique à tous et se positionne en faveur d’une résolution pacifique du conflit, dans le cadre des résolutions de l’ONU.  Israël ne peut pas en dire autant.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Sixième Commission: « tolérance zéro » pour les infractions pénales commises par des fonctionnaires et experts en mission de l’ONU

Soixante-dix-huitième session,
8e séance plénière - matin
AG/J/3689

Sixième Commission: « tolérance zéro » pour les infractions pénales commises par des fonctionnaires et experts en mission de l’ONU

La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a tenu, cet après-midi, son débat sur la responsabilité pénale des fonctionnaires et des experts en mission des Nations Unies.  La grande majorité des intervenants, notamment l’Inde, le Pakistan, la Malaisie et le Bangladesh, en tant que pays contributeurs de troupes, ont réitéré l’importance de maintenir la politique de tolérance zéro pour les infractions pénales commises par des membres du personnel déployés dans des missions, en particulier, pour les cas d’exploitation et d’abus sexuels. 

Si de nombreuses délégations, telles que l’Union européenne et la Norvège, au nom des pays nordiques, ont souligné le travail exceptionnel mené par les soldats de la paix et le personnel onusiens, elles ont également rappelé la responsabilité qui leur incombe de mener leurs activités avec impartialité et intégrité, tout manquement sapant la crédibilité de l’ONU. 

« Il faut mettre un terme à l’impunité », ont exhorté, entre autres, le Mexique et le Burkina Faso.  À ce titre, le représentant de l’Ouganda, au nom du Groupe des États d’Afrique, a reconnu que des lacunes juridiques empêchent d’établir la responsabilité des auteurs d’infractions.  De même, les délégations de l’Afrique du Sud et de la Nouvelle-Zélande, au nom également de l’Australie et du Canada, ont souhaité l’élaboration d’un cadre juridique international pour mieux définir la responsabilité des États, assurer la coopération entre les États et l’ONU dans l’échange d’informations et garantir l’exercice de leur juridiction par les États. 

Si la majorité des délégations ont réitéré l’importance de la coopération des États avec l’ONU pour enquêter sur ces délits, elles ont surtout attiré l’attention sur la responsabilité première des États de nationalité des intéressés pour engager les poursuites judiciaires.  « Il incombe aux États de combler les lacunes juridiques dans leur législation nationale pour que leurs tribunaux puissent traiter les infractions pénales perpétrées par le personnel onusien », a estimé la représentante de l’Afrique du Sud, à l’instar de ses homologues de la République islamique d’Iran, au nom du Mouvement des pays non alignés, et de l’Ouganda, au nom du Groupe des États d’Afrique.  Les délégations se sont également accordées sur le fait que les États doivent communiquer à l’ONU toute action menée en ce sens, son expertise pouvant renforcer les capacités nationales pour enquêter sur ces infractions et poursuivre leurs auteurs. 

Par ailleurs, la représentante de Saint-Vincent-et-les Grenadines, au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a indiqué que les allégations crédibles de mauvaise conduite renvoyées par les Nations Unies aux États ne devraient pas seulement porter sur le personnel en uniforme mais également sur les dirigeants et les experts en civil.  D’autres délégations, dont l’Union européenne, la Nouvelle-Zélande et les Pays-Bas, ont prôné le renforcement des mécanismes de vérification des antécédents et la mise en place de formations portant sur les abus sexuels et les traditions culturelles des pays en amont des déploiements, tandis que d’autres pays, comme El Salvador, ont salué les initiatives déjà existantes. 

Si l’Union européenne a rappelé l’importance des privilèges et immunités, elle a également appelé à lever cette immunité lorsqu’elle mène à l’impunité.  Même son de cloche du côté de l’Afrique du Sud qui a incité les États Membres à lever l’immunité « lorsque c’est nécessaire ».  Afin d’éviter de répandre l’idée de l’impunité du personnel onusien, il est important de protéger les témoins et d’apporter un soutien aux victimes, en accordant la priorité à leurs droits et à leur dignité, a noté le représentant du Royaume-Uni, à l’instar de plusieurs autres délégués.  Les représentantes du Pakistan et de la Fédération de Russie ont, quant à elles, demandé de ne pas oublier les infractions de nature financière, telles que la fraude aux prestations et la contrebande, ou encore la corruption. 

Conformément à la Charte des Nations Unies, le Secrétaire général continue d’attendre que tous les membres du personnel, y compris les membres du personnel en tenue déployés dans des missions de maintien de la paix et des missions politiques spéciales, fassent preuve des plus hautes qualités d’intégrité.  À cet effet, indique l’un des rapports du Secrétaire général à l’étude, le Secrétariat continue de veiller à ce que les personnes qui rejoignent l’Organisation et les policiers et militaires qui sont déployés dans des missions soient pleinement informés que l’Organisation attend d’eux qu’ils observent les normes de conduite des Nations Unies, y compris l’obligation de respecter les lois des pays hôtes.

La Commission poursuivra ses travaux demain, mercredi 11 octobre 2023, à partir de 10 heures.

RESPONSABILITÉ PÉNALE DES FONCTIONNAIRES ET DES EXPERTS EN MISSION DES NATIONS UNIES (A/78/275, A/78/248)

Débat général

M. YAHYA AREF (République islamique d’Iran), s’exprimant au nom du Mouvement des pays non alignés, a demandé que le Secrétaire général dresse la liste des problèmes pratiques liés à la mise en œuvre des résolutions de l’Assemblée générale sur la responsabilité pénale des fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies, afin de développer des solutions juridiques appropriées dans le cadre de la Sixième Commission.  Si les pays non alignés remercient les soldats de la paix pour leurs contributions et leurs sacrifices, a précisé le délégué, ils rappellent néanmoins que ceux-ci doivent mener leurs activités avec l’impartialité et l’intégrité qui incombent à l’Organisation.  La tolérance zéro doit être maintenue pour tous les cas d’abus sexuels perpétrés par le personnel de l’ONU. 

À ce titre, la coopération internationale est essentielle, a poursuivi le délégué, appelant l’ONU à continuer de fournir aux autorités nationales compétentes les informations nécessaires aux poursuites, conformément aux principes du droit international.  Il a également salué la stratégie d’aide aux victimes qui permettra d’atténuer leurs souffrances et offrira un soutien social, juridique et médical.  Estimant que les efforts de l’ONU pour renforcer les mécanismes de responsabilité et enquêter sur les abus sexuels sont pertinents, le délégué a encouragé à son tour les États à exercer leur compétence quand leurs nationaux commettent des infractions pénales et à informer l’Organisation.  L’ONU doit prendre les mesures appropriées pour qu’aucune infraction ne reste impunie, a-t-il conclu.

M. MARVIN IKONDERE (Ouganda), au nom du Groupe des États d’Afrique, a indiqué que son groupe a une approche de tolérance zéro concernant la responsabilité pénale des fonctionnaires et des experts en mission des Nations Unies.  Il a appelé les États Membres à se déclarer compétents pour juger des affaires lorsque cela est possible afin de lutter contre l’impunité.  Le délégué a appuyé une approche à l’échelle du système pour combattre l’exploitation et les abus sexuels au sein des Nations Unies.  L’exploitation et les abus sexuels doivent demeurer un point du programme annuel de travail de l’Assemblée, a-t-il ajouté.  Selon lui, il revient à l’État de nationalité de trancher sur la responsabilité pénale du fonctionnaire ou de l’expert en mission. Enfin, le délégué a salué l’appui technique fourni par l’ONU en vue de renforcer les capacités pénales des pays qui en ont besoin, afin de prévenir les infractions commises par des fonctionnaires onusiens.

Mme HAYLEY-ANN MARK (Saint-Vincent-et-les Grenadines), au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a réaffirmé la nécessité de veiller à ce que le personnel des Nations Unies exerce ses fonctions d’une manière pleinement conforme au droit international.  Au vu de la répétition des incidents, il faut faire davantage pour lutter contre l’impunité, notamment en cas d’abus sexuels et de recours excessif à la force par certains soldats de la paix.  La représentante a réitéré l’importance d’une bonne communication de l’information par le Secrétariat s’agissant de ce type d’allégations.  Rappelant que le Bureau des affaires juridiques renvoyait aux États Membres les allégations crédibles de mauvaise conduite par le personnel en uniforme, elle a indiqué que la CELAC était d’avis qu’un tel processus devrait aussi être suivi pour les incidents impliquant des responsables de l’ONU et experts en mission en civil.  Souhaitant qu’un suivi et une information adéquats soient assurés par les États qui engagent des procédures, elle s’est dite convaincue que la coopération pouvait être améliorée dans un certain nombre de domaines. 

La représentante a fait part de la « vive préoccupation » de la CELAC face aux cas d’exploitation et d’abus sexuels signalés par le Secrétaire général dans son rapport et réitéré le plein soutien de son groupe à la politique de tolérance zéro dans de tels cas, tout en réaffirmant la nécessité du respect de l’état de droit pour sa mise en œuvre.  À ce titre, elle a aussi souligné la responsabilité partagée du Secrétaire général et de tous les États Membres de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et punir les infractions pénales commises par les personnes travaillant pour l’ONU.  La représentante a en outre souligné que d’autres défis critiques existaient, qu’il s’agisse des enquêtes, de la collecte et de l’examen des preuves, ou des procédures administratives et juridictionnelles, tant pour les victimes que pour les personnes poursuivies.  Elle a conclu son intervention en faisant part de la conviction de la CELAC que les États Membres prendront les mesures nécessaires pour résoudre le problème afin de mettre fin à l’impunité. 

M. THOMAS RAMOPOULOS, de l’Union européenne, a déclaré que rien ne peut justifier les crimes commis par les fonctionnaires et les experts en mission des Nations Unies qui se doivent d’œuvrer de manière intègre et professionnelle.  Il a réitéré le soutien de sa délégation à la politique de tolérance zéro, mentionnant la politique similaire en application au sein des délégations de l’Union européenne (UE), et a prôné une politique intégrée pour prévenir de telles infractions pénales.  Néanmoins, le délégué a rappelé la responsabilité de chaque État lors de la sélection de son personnel qui doit être soumis à un processus de vérification rigoureux et sensibilisé aux traditions locales.  Saluant les efforts de l’ONU pour améliorer le recensement de données en cas de fautes professionnelles ou d’allégations d’exploitation sexuelle, il a néanmoins estimé que ces efforts doivent inclure des formations sur les problèmes de genre et les droits humains.  Soulignant l’importance de la coopération pour les enquêtes et les poursuites, le délégué a jugé fondamental que les États établissent leurs compétences sur les délits commis par leurs ressortissants quand ils sont déployés à l’étranger.  Cet exercice de la compétence doit se faire sans préjudice des privilèges et immunités, sauf quand ceux-ci sont utilisés à des fins personnelles et qu’ils mènent à l’impunité, a-t-il précisé.  Préoccupés par le fait que la moitié des allégations renvoyées à l’ONU restent sans réponse, les États membres de l’UE sont prêts à examiner les dispositions d’un cadre juridique international global afin de clarifier les circonstances dans lesquelles les États Membres de l’ONU peuvent appliquer leur compétence pour les infractions pénales commises par le personnel onusien. 

Mme ZOE RUSSELL (Nouvelle-Zélande) s’exprimant au nom de l’Australie, du Canada et de la Nouvelle-Zélande (groupe CANZ), a déploré les cas d’abus sexuel, de traite des personnes, de corruption et de fraude commis par des membres du personnel de l’ONU, qui mettent à mal la crédibilité et l’intégrité de l’Organisation.  Elle a, en revanche, salué la politique de tolérance zéro de l’ONU à l’égard des infractions à caractère sexuel.  Il faut en effet miser sur la prévention, a-t-elle argué.  La déléguée a déclaré que les personnes joignant les rangs des missions de l’ONU doivent être conscientes de la nécessité d’adhérer aux normes onusiennes de bonne conduite, y compris le respect du droit du pays hôte. Tous les États Membres doivent faire davantage pour prévenir et sanctionner les infractions commises par leurs ressortissants sous pavillon onusien, a-t-elle dit.  À cette fin, la déléguée s’est prononcée en faveur de l’élaboration d’une convention internationale permettant d’assurer l’exercice de leur juridiction par les États Membres, en cas d’infractions commises par leurs ressortissants dans le cadre de missions des Nations Unies.

Mme RABIA IJAZ (Pakistan) a déclaré que, pour vaincre le terrorisme, il fallait s’attaquer aux causes profondes de ce fléau, et rappelé que parmi celles-ci figuraient les conflits prolongés et non réglés, l’occupation étrangère ou encore la privation du droit à l’autodétermination de certains peuples, comme au Jammu-et-Cachemire.  La déléguée a souligné que son pays continuait de souffrir du terrorisme « sponsorisé par certains États » et donné comme exemple les deux attentats commis, la semaine dernière, dans son pays.  La lutte contre le terrorisme ne doit cependant pas être manipulée pour violer les droits humains, a- t-elle averti, en appuyant pleinement la position de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), à savoir que les conventions sur le terrorisme international devraient opérer une distinction claire entre les actes terroristes d’une part, et les combats légitimes pour l’autodétermination des populations sous occupation étrangère, d’autre part.  La définition du terrorisme doit aussi prendre en compte les menaces émergentes, y compris les actes violents de suprématistes blancs, les actes xénophobes et islamophobes.  Les régimes de sanctions et l’architecture de lutte antiterroriste internationale doivent aussi tenir compte de l’existence de nouveaux outils aux mains des terroristes, qu’il s’agisse des cryptomonnaies ou du recrutement en ligne, a-t-elle continué. La déléguée a par ailleurs insisté sur le fait qu’aucune religion ne devait être associée au terrorisme, dénonçant les « notions islamophobes » de certains États dans leurs déclarations à l’ONU, qui devraient, selon elle, être « éliminées du vocabulaire onusien ».  En conclusion, elle s’est dite déçue de constater que la révision de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies n’ait pas pris en considération les actes islamophobes ou encore le terrorisme visant les musulmans et a appelé à une mise en œuvre « équilibrée » de tous les piliers de ladite Stratégie. 

Mme DOROTHY PATTON (États-Unis) a rappelé qu’au niveau multilatéral, de nombreuses mesures avaient été prises pour réduire la menace terroriste, qu’il s’agisse du ciblage des systèmes de financement ou de la lutte contre la propagande et les déplacements.  Elle s’est félicitée de la révision de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies et a insisté sur le fait que les États Membres sont appelés à renforcer leurs capacités de rapatriement, réhabilitation et réintégration et, si besoin, à poursuivre en justice des combattants terroristes étrangers et des membres de leurs familles.  La déléguée a souligné que son pays était prêt à aider les États Membres dans leurs efforts à cet égard.

Il reste beaucoup à faire, notamment pour contrer les extrémistes violents à motivation raciale ou ethnique qui ciblent les minorités religieuses et raciales, les immigrés, les femmes et les filles, ou encore la communauté LGBTQI, a expliqué la déléguée.  Elle a rappelé le défi représenté par la facilité d’accès à la propagande en ligne et hors ligne ou encore par la menace posée par l’utilisation de technologies nouvelles et émergentes.  La lutte contre le terrorisme passe donc aussi par la prévention, a-t-elle noté, dont le développement de l’esprit critique ou encore l’éducation aux médias. À cet égard, la déléguée a insisté sur le renforcement des partenariats public-privé et de la coopération internationale, et préconisé des efforts de recherche plus indépendante pour consolider les capacités collectives à faire face à ces menaces.  Ces efforts, a-t-elle conclu, doivent respecter les droits humains, car étouffer la liberté d’expression au nom de la lutte contre l’extrémisme est « contre-productif ». 

M. VICTOR SILVEIRA BRAOIOS (Brésil) a fait remarquer que, pendant des années, les fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies s’étaient diligemment acquittés de leurs obligations et que, dès lors, les actions de quelques-uns ne devaient pas ternir les réalisations de l’ensemble d’entre eux.  Il est cependant essentiel de veiller à ce que toute infraction pénale perpétrée par le fonctionnaire d’une mission fasse l’objet d’une enquête et, le cas échéant, de poursuites, dans le strict respect de toutes les garanties de procédure, a-t-il rappelé.  Cela est fondamental pour la légitimité de l’Organisation, faute de quoi sa capacité à dépêcher des missions servant les buts de la Charte risque d’être minée.  Le délégué a réitéré son appui à la politique de tolérance zéro en cas d’exploitation sexuelle, d’abus, de fraude, de corruption ou autres délits, et recommandé un appui pour les victimes.  En dépit des progrès, a-t-il jugé, il faut améliorer la réponse aux allégations crédibles d’infractions qui auraient été commises par des fonctionnaires ou experts de l’ONU et mieux protéger des représailles ceux qui ont dénoncé une mauvaise conduite.  Le délégué a également félicité les entités qui ont nommé un point focal sur la conduite et la discipline pour fournir des conseils et un appui à cet égard.

Mme ANGELIQUE VAN DER MADE (Pays-Bas) a souligné l’importance de la participation des femmes aux missions de maintien de la paix, ainsi que la nécessité de garantir que les missions soient diversifiées pour prévenir l’exploitation, les abus et le harcèlement sexuels.  Regrettant que des allégations impliquant des fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies aient continué à émerger, elle a dit qu’il fallait lutter contre ces abus en se concentrant, à la fois, sur la prévention et la réponse.  Toutefois, les soldats de maintien de la paix de l’ONU qui se sacrifient pour un objectif commun ne devraient pas être « victimes d’une mauvaise conduite ou d’une infraction commise par leurs collègues ».  La déléguée a insisté sur le fait que les femmes soldats de la paix restaient, elles-mêmes, exposées à des risques plus élevés de discrimination, de harcèlement sexuel et d’abus: la sélection et la formation des fonctionnaires et experts de l’ONU sont donc essentielles, ainsi que la vérification préalable au déploiement des soldats, mais aussi la protection de ceux qui signalent des allégations contre de possibles représailles.  Elle a indiqué que son pays était favorable aux enquêtes et poursuites menées par l’État de nationalité, soulignant que la responsabilité pénale était importante pour les victimes, les soldats de la paix de l’ONU eux-mêmes, mais aussi pour la crédibilité de l’Organisation. 

M. SERGIO CARVALHO (Portugal) a rappelé la pertinence de cette question de la responsabilité pénale en lien avec la lutte contre l’impunité, la préservation de la crédibilité de l’ONU, et l’application des mandats onusiens.  À ce titre, les États Membres doivent jouer un rôle actif en mettant sur pied un cadre juridique qui permette de garantir la responsabilité des fonctionnaires et des experts en mission, a-t-il fait valoir. Le Portugal a répondu aux demandes du Secrétaire général de manière régulière et transmis des informations sur son cadre juridique national en ce qui concerne les poursuites lors de la levée des privilèges diplomatiques.  Le délégué a mis l’accent sur l’importance des mesures de prévention, telles que des formations avant le déploiement des soldats de la paix.  Encourageant la cohérence et la coordination des politiques et procédures au sein du système onusien, il a réitéré la volonté de son pays de contribuer de manière transparente à la prévention et à la poursuite de ces infractions. 

M. HEIDARI (République islamique d’Iran) a appuyé les efforts de l’ONU et des États Membres en vue de poursuivre en justice les fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies auteurs d’infractions pénales.  Il a prôné une politique de tolérance zéro pour les cas d’atteintes et d’exploitation sexuelles.  Le délégué a déclaré qu’il revient à l’État de nationalité de poursuivre les auteurs des infractions alléguées et que les États Membres doivent remédier aux lacunes juridictionnelles.  Il a jugé nécessaire pour les pays hôtes et les pays contributeurs de prendre les mesures efficaces pour remédier aux manquements existants afin de vaincre l’impunité.  Il a détaillé les mesures prises par son pays dans ce domaine, le Code pénal iranien permettant notamment la poursuite de fonctionnaires et d’experts onusiens de nationalité iranienne.  Notre droit permet aussi de protéger les témoins, a assuré le délégué.

M. NASIR UDDIN (Bangladesh) a rappelé le rôle central joué par les fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales et souligné le lourd tribut payé par les soldats de la paix du Bangladesh dans l’exercice de leurs fonctions.  Le Bangladesh est le principal pays contributeur de soldats et de policiers, avec plus de 7 000 soldats de maintien de la paix déployés dans 11 opérations de paix, a-t-il informé, en insistant sur la politique de tolérance zéro de son pays à l’égard de toute allégation de mauvaise conduite.  Il a dressé la liste des mesures, notamment disciplinaires, prises au niveau national par le Bangladesh pour lutter contre ces activités criminelles, et mentionné les cours de formation dispensés aux soldats.  Le délégué a insisté sur le rôle de la prévention par des formations personnalisées et préalables au déploiement, sur la nécessité d’une harmonisation des normes d’enquête sur les infractions présumées, sur le fait que la responsabilité pénale du personnel et des experts en mission est une responsabilité partagée, tout en garantissant la confidentialité des informations échangées, et sur le caractère essentiel du renforcement des capacités du pays hôte, notamment en matière judiciaire et sécuritaire.  Il a conclu son intervention en disant sa conviction qu’il fallait avant tout « donner la priorité aux droits et à la protection des victimes » et rappelé la contribution financière importante de son pays au Fonds d’affectation spéciale créé par le Secrétaire général sur cette question. 

M. ABDOU NDOYE (Sénégal), rappelant la primauté de l’État de nationalité, a indiqué que son pays a adopté une législation pénale qui facilite les enquêtes et poursuites, dans le respect du droit international, pour les infractions commises par ses nationaux en dehors du territoire national.  Mon pays s’est engagé à bannir ces crimes et leur impunité, appliquant la politique de tolérance zéro, a-t-il poursuivi.  Selon lui, les missions de paix doivent veiller à ce que tout manquement, et en particulier les abus sexuels, fasse l’objet de sanctions et soit rapporté à l’ONU.  Le représentant a ensuite souligné l’importance de la formation des forces du maintien de la paix avant et pendant le déploiement.  Pour combattre l’impunité, il est nécessaire d’avoir un cadre juridique crédible, a-t-il estimé, appelant l’ONU à participer au renforcement des capacités des États Membres en matière d’enquêtes et de poursuites des infractions pénales. Afin d’éviter de propager l’idée que le personnel onusien bénéficie de la plus grande impunité, il est aussi essentiel d’apporter un soutien et une protection aux victimes, a-t-il conclu. 

Mme NATALIA JIMÉNEZ ALEGRÍA (Mexique) a déploré les informations insuffisantes fournies par les États de nationalité dans les affaires dont ils sont saisis.  Elle a demandé un système plus robuste de suivi des affaires.  L’administration de la justice pour les infractions commises par les fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies dépend dans une large mesure de la volonté des États Membres d’exercer leur compétence pénale vis-à-vis de leurs ressortissants, a tranché la représentante.  Le Mexique considère que la responsabilité première d’intenter des poursuites contre les fonctionnaires ou experts en mission soupçonnés de tels actes incombe aux États de nationalité, qui sont en mesure d’exercer leur compétence extraterritoriale à leur égard.  Elle a estimé que l’impunité ne peut être de mise pour les fonctionnaires et experts en mission de l’ONU et s’est prononcée en faveur d’un retrait de leur immunité.

M. JONATHAN HOLLIS (Royaume-Uni) a expliqué qu’en moyenne, plus de 400 catastrophes liées aux aléas climatiques et géologiques survenaient, chaque année, dans le monde et que l’humanité disposait désormais d’outils technologiques pour en atténuer les pires impacts, notamment en avertissant les populations pour les mettre en sécurité.  Il a dès lors déploré que ces progrès ne soient pas partagés de manière égale et résultent en morts inutiles, en particulier dans les communautés et groupes marginalisés, et notamment parmi les femmes et les filles.  Le délégué a indiqué que son pays reconnaissait le rôle primordial des États touchés dans la réponse aux catastrophes, mais aussi celui des organisations régionales, du système des Nations Unies ou encore de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.  Selon lui, la mauvaise coordination, le manque de financement ou encore les barrières réglementaires représentent des défis importants à relever.  Le Royaume-Uni, qui a présidé la COP26, continue à travailler avec d’autres pays pour augmenter le volume de financement disponible pour les pays vulnérables aux changements climatiques tout en « explorant » les avantages d’une convention.

M. AMR MOHAMED MOSAAD NOUH (Égypte) a estimé que la crédibilité de l’ONU est en jeu sur ce dossier, avant de prôner une politique de tolérance zéro pour les infractions commises.  Il a souligné que la responsabilité des poursuites incombe exclusivement à l’État de nationalité.  L’Égypte applique son Code pénal pour toutes les infractions commises par un ressortissant égyptien fonctionnaire ou expert en mission de l’ONU.  Le délégué a expliqué la discipline du personnel égyptien déployé au sein des missions de l’ONU par la formation solide qu’il reçoit avant déploiement.  Enfin, il a assuré que son pays, important contributeur de troupes, continuera de déployer un personnel de qualité.

M. WANG YUANJIE (Chine) a indiqué que pour préserver l’autorité des Nations Unies, il était nécessaire d’adopter une approche intégrée axée sur « la dissuasion, le contrôle et la gestion » de telles situations.  Soulignant que les États de la nationalité du suspect devaient prendre des mesures pour que tous les délits soient sanctionnés, il a insisté sur le rôle de la coopération internationale et notamment de l’entraide judiciaire en la matière pour lutter contre l’impunité.  Le délégué a indiqué que la loi chinoise prévoyait l’exercice de la compétence pour établir les responsabilités dans de tels cas.  Il a rappelé que son pays avait adhéré à plusieurs traités de coopération internationale et disposait de lois sur l’extradition et l’assistance judiciaire pénale qui respectent le « principe de réciprocité ».

La représentante (Afrique du Sud) a déclaré que son pays soutient, à long terme, l’élaboration d’une convention multilatérale établissant les responsabilités, afin de dissuader les infractions pénales commises par des fonctionnaires ou experts en mission des Nations Unies.  Il est nécessaire de prévenir et de sanctionner de telles infractions, de s’assurer que les responsables rendent des comptes, et d’assurer la protection des victimes et des lanceurs d’alerte, a-t-elle estimé.  La déléguée a, en outre, encouragé le développement des législations nationales afin de pouvoir juger les fonctionnaires et les experts en mission, invitant les États Membres à combler les lacunes juridiques pour que leurs tribunaux nationaux puissent effectuer les poursuites, lever l’immunité quand c’est nécessaire, et juger les crimes de leurs nationaux quand ils sont commis sur un territoire étranger. 

M. AL-HARITH IDRISS AL-HARITH MOHAMED (Soudan) a appelé les États Membres à lutter contre l’impunité des fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies, notamment lorsque les États hôtes ne peuvent pas les juger.  Il a souligné que le Soudan a mis en place une législation pour sanctionner de telles infractions.  Les privilèges et immunités ne doivent pas entraver le travail des juridictions nationales, a-t-il indiqué, soulignant la nécessité pour les pays hôtes de pouvoir exercer leur compétence.  Il s’est prononcé dans certains cas en faveur de la levée de l’immunité des fonctionnaires internationaux.

Mme ANNA V. ANTONOVA (Fédération de Russie) a souligné les discriminations flagrantes que subissent certains membres du personnel onusien en raison de leur nationalité.  Elle a rappelé que sur les 11 affaires transmises par les États de nationalité à l’ONU, deux seulement portaient sur l’exploitation et les abus sexuels, les autres étant des faits de fraude et de corruption.  Mettre l’accent sur les infractions de nature sexuelle revient à mettre sous le tapis ces infractions de fraude et de corruption, a déploré la déléguée.  Elle a rappelé que la responsabilité des poursuites incombe à l’État de nationalité, en notant que la plupart des États disposent du cadre juridique nécessaire. Elle s’est prononcée contre le projet de convention sur la responsabilité pénale des fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies.  « Il ne faut pas élaborer de nouvelles normes mais appliquer celles existantes. » Enfin, elle a jugé utile une coopération accrue entre États s’agissant de l’entraide judiciaire.

Mme KHALILAH HACKMAN (Ghana) a souligné l’importance de l’établissement des responsabilités en cas d’infraction pénale afin de préserver l’intégrité de l’ONU. Elle a prôné une politique de tolérance zéro pour les infractions commises par les fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies.  L’immunité ne doit pas être invoquée dès lors qu’une infraction a été commise, a tranché la déléguée.  Elle a appelé les États à combler les lacunes juridictionnelles et à prendre les mesures législatives nécessaires pour que leurs ressortissants puissent être poursuivis. La déléguée a apporté son soutien aux mesures de prévention et insisté sur l’importance d’une bonne formation du personnel avant son déploiement.

Mme EGRISELDA ARACELY GONZÁLEZ LÓPEZ (El Salvador) a jugé fondamental que l’État de nationalité de l’auteur présumé d’une infraction pénale soit doté de mécanismes d’enquête efficaces et en mesure de lancer des procédures juridiques. Elle a expliqué que l’article 9 du Code pénal salvadorien consacre le principe de personnalité active, et l’article 10, celui de compétence universelle, constituant un socle juridique suffisant pour permettre l’application de la loi en cas de commission de délits à l’étranger.  La représentante a informé d’autre part que 153 hommes et 21 femmes salvadoriens sont déployés dans des opérations de maintien de la paix et que plusieurs programmes de formation axés sur le pré-déploiement ont été mis en place pour garantir le niveau le plus élevé d’éthique et de morale.  Elle a salué la mise en place par le système des Nations Unies d’un Code de conduite pour prévenir le harcèlement, y compris sexuel, qui s’applique non seulement aux fonctionnaires et experts en mission, mais à l’ensemble du personnel de l’Organisation.

M. RAMESH KUMAR CHARMAKAR (Népal) a réclamé que le Secrétariat reçoive des réponses sur les enquêtes relatives aux allégations de délits, jugeant important de rendre justice aux victimes.  Aucune mauvaise conduite, fraude ou manquement à l’éthique commis par des fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies ne doivent être permis sous quelque prétexte que ce soit, a-t-il insisté, ajoutant qu’aucun membre du personnel de l’ONU ne doit profiter des lacunes de l’immunité diplomatique pour promouvoir l’impunité.  Partant, le représentant a jugé essentiel d’appliquer la politique de tolérance zéro du Secrétaire général sur les allégations d’infractions pénales, fraude, corruption ou délits financiers pour faire cesser l’impunité.  Sur le plan national, il a fait état de l’adoption de mesures supplémentaires en vue de prévenir, d’enquêter et de faire rendre des comptes au personnel népalais, notamment pour l’exploitation et les abus sexuels.

M. OUMAROU GANOU (Burkina Fasoa fait valoir que nous ne pouvons pas évoquer la question de la responsabilité pénale des fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies sans reconnaître leur dévouement en faveur de la paix et de la sécurité internationales.  Conformément aux dispositions de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies et des accords de siège conclus avec les pays hôtes, les fonctionnaires bénéficient de privilèges et d’immunités qui leur sont accordés dans le seul but de faciliter le travail de l’Organisation.  Selon lui, ces droits ne sauraient être considérés comme une « prime à l’impunité » ni un prétexte pour laisser des crimes impunis. À cet égard, le représentant a exprimé son appui à la politique de tolérance zéro à l’égard des infractions pénales commises par les fonctionnaires et experts en mission, en ajoutant que de tels comportements entachent la crédibilité de l’Organisation et minent la confiance des populations sur le terrain.  Pour prévenir de tels abus, il a préconisé la prévention, notamment au moyen de formations préalables au déploiement.  Il s’est félicité de l’assistance technique offerte aux États Membres afin de renforcer leurs capacités judiciaires lorsque des infractions sont commises par des fonctionnaires de l’ONU.  Néanmoins, l’Organisation doit selon lui améliorer et actualiser ses mécanismes d’enquêtes internes afin de veiller à ce qu’aucune infraction ne reste impunie, tout en assurant la sécurité des victimes. 

M. TOR TANKE HOLM (Norvège), au nom du Groupe des pays nordiques, a salué le travail des fonctionnaires et des experts en mission des Nations Unies, mais il a rappelé que les infractions pénales devraient faire l’objet d’enquêtes et de poursuites, par égard pour les victimes et pour la crédibilité de l’ONU.  Les pays nordiques s’inquiètent particulièrement des allégations d’exploitation et d’abus sexuels, a-t-il poursuivi, soulignant néanmoins la diminution des allégations rapportées ces deux dernières années.  Les pays nordiques sont également préoccupés par le nombre élevé de cas de fraude et de corruption et de vols qui profitent des personnes les plus vulnérables aux dépens des programmes visant à les aider. Trop d’États Membres encore ne répondent pas de manière adéquate à ces infractions pénales et à ces mauvaises conduites, alors qu’ils ont la responsabilité première de s’en charger, a déploré le délégué.  Il a exhorté les États à fournir les informations nécessaires et à établir une juridiction pour ces infractions.  Durant les enquêtes et les poursuites judiciaires, les États doivent également assurer la protection des victimes, des témoins et des lanceurs d’alerte, a-t-il rappelé.  En conclusion, les pays nordiques appellent à un débat constructif sur un cadre juridique international pour mettre fin à l’impunité des infractions commises par les fonctionnaires et experts en mission.

Mme KAJAL BHAT (Inde) a déclaré que, même si les cas mentionnés dans le rapport du Secrétaire général sont nettement inférieurs à ceux répertoriés durant la période allant du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022, « un seul cas suffit à ternir l’image de l’ONU ».  Parallèlement, elle a trouvé encourageant que l’on s’attaque collectivement à cette question, tout en relevant, au titre des informations communiquées par les États concernant tous les actes d’enquête et de poursuites accomplis, que le Secrétariat n’a reçu des informations que pour un seul cas durant la période à l’examen. Elle a espéré que les pays concernés par les autres cas diligenteront des enquêtes, qu’ils engageront des poursuites et sanctionneront les fonctionnaires accusés si leur culpabilité est établie.  La déléguée a également jugé vital d’encourager les États Membres en ce sens et de leur fournir l’assistance requise pour qu’ils soient en mesure de promulguer ou de mettre à jour les lois et règlements en vue de la poursuite de toute mauvaise conduite de leurs citoyens qui servent l’ONU à l’étranger.

M. AMARA SOWA (Sierra Leone) a souligné qu’il est de l’obligation du personnel et des experts en mission de se comporter dans le respect des normes les plus élevées d’intégrité, tant dans l’exercice de leurs responsabilités officielles que dans leur vie privée.  Il convient, en particulier, qu’ils soient sensibles aux coutumes, traditions et cultures locales, et qu’ils fassent montre de respect pour la population, en particulier les femmes et les enfants.  Le représentant a mis l’accent sur la formation dispensée aux Casques bleus et experts de son pays à cet égard.  Il s’est fait l’écho de la politique « aucun compromis » et de l’approche globale de reddition de comptes en ce qui concerne l’exploitation sexuelle, notant que sur les 11 cas rapportés par le Bureau des affaires juridiques à l’État de nationalité des auteurs, trois étaient fondés sur la violence sexuelle.

Mme ARIANNA CARRAL CASTELO (Cuba) a expliqué que son pays était convaincu qu’en l’absence de coopération de l’État sur la question des poursuites des auteurs présumés de mauvaise conduite, les questions relatives à la compétence ne devaient pas empêcher la justice d’être rendue.  À ce titre, elle s’est félicitée des efforts déployés pour venir en aide aux pays qui le demandent pour adopter les mesures qui leur permettent d’engager des poursuites contre ceux qui commettent de tels actes.  Pour que l’obligation de rendre des comptes s’applique, l’information et la communication avec les États impliqués doivent être initiées dès le début de l’incident et les processus de notification correspondants doivent être effectifs, a-t-elle rappelé.  La déléguée a appelé le Secrétaire général à continuer à présenter des rapports en incluant « une vision complète des obstacles que rencontre l’ONU » afin de trouver des « solutions juridiques adéquates ».  Cuba appuie une stratégie complète en matière d’assistance et d’appui aux victimes, a en outre assuré la représentante.  Enjoignant les États à poursuivre les auteurs d’exploitation, d’abus et de harcèlement sexuels, elle a rappelé qu’il s’agissait aussi, sur ces questions, de préserver l’autorité, le prestige et l’image de l’ONU. 

Mme NUR AZURA ABD KARIM (Malaisie) a salué les mesures d’ordre pratique prises en vue du renforcement des formations avant le déploiement du personnel en mission et des mesures de contrôle, y compris par la base de données Clear Check.  Elle a noté que 11 cas ont été transmis aux États de nationalité durant la période examinée, portant à 342 la liste d’allégations de délits graves commis par des fonctionnaires ou experts de l’ONU depuis 2007.  La déléguée s’est inquiétée que de nombreux États n’aient pas encore fourni des informations sur les affaires qui les concernent.  Si cette tendance perdure, a-t-elle averti, cela risque d’affecter négativement la confiance des pays lorsqu’il s’agit d’accepter des fonctionnaires ou des experts de l’ONU.  Ayant participé à 38 opérations de maintien de la paix de l’ONU impliquant environ 40 000 soldats et personnel de la police civile depuis 1960, la Malaisie a établi, en 1996, le Centre malaisien de maintien de la paix, qui continue à s’adapter aux nouvelles normes et à la conduite des opérations de maintien de la paix actuelles.  En conclusion, la déléguée a redit l’attachement de son pays à offrir une formation sur le renforcement des capacités des Casques bleus, y compris en matière de protection des civils et d’intégration du genre.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Troisième Commission: le Haut-Commissaire aux droits de l’homme appelle à « raviver l’esprit » de la Déclaration universelle adoptée il y a 75 ans

Soixante-dix-huitième session,
16e séance plénière – matin
AG/SHC/4380

Troisième Commission: le Haut-Commissaire aux droits de l’homme appelle à « raviver l’esprit » de la Déclaration universelle adoptée il y a 75 ans

La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a entamé, aujourd’hui, son examen de la promotion et de la protection des droits de l’homme en dialoguant avec le Haut-Commissairedes Nations Unies aux droits de l’homme.  Face aux tensions et aux discriminations tous azimuts, la cause des droits humains a le potentiel de nous unifier, a assuré M. Volker Türk, appelant à « raviver l’esprit, l’impulsion et la vitalité qui ont conduit à l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme il y a 75 ans ». 

M. Türk, dont c’était la première intervention devant la Troisième Commission depuis sa nomination en octobre dernier, a décrit les droits humains comme « le fil conducteur qui traverse tous les domaines d’activité de l’ONU » et, notamment, le seul moyen de garantir la responsabilité, de promouvoir la réconciliation, de sortir de la conflictualité et de forger une paix durable.  Rappelant à cet égard qu’un quart de l’humanité vit dans des régions touchées par des conflits, il s’est ému que le nombre de civils tués dans des opérations de guerre dans le monde entier ait augmenté l’an dernier de plus de 50%, soit la première augmentation depuis que son bureau a commencé à compiler ces données en 2015. 

Dans ce « paysage de maux », le Haut-Commissaire a dit vouloir aider les États à prévenir les crises en réduisant les violations des droits humains qui, précisément, ont un effet « multiplicateur de crise ».  Et si certains font valoir que la discussion sur la situation des droits de l’homme dans leur pays constitue une ingérence dans leur souveraineté, « il n’en est rien », a-t-il soutenu.  « Même une connaissance superficielle des déplacements et des autres conséquences des crises des droits de l’homme le montre clairement », a affirmé M. Türk, pour qui les violations des droits humains constituent un « sujet légitime de préoccupation internationale ».

Actualité oblige, le haut fonctionnaire s’est dit consterné par les attaques meurtrières lancées le 7 octobre en Israël par des groupes armés palestiniens et par le conflit généralisé qui s’en est suivi.  Déplorant les pertes en vie humaine, tant israéliennes que palestiniennes, il a enjoint les deux parties à renoncer à la « guerre totale » aux « cercles vicieux de la vengeance ».  La résurgence de ce conflit a suscité de vives et nombreuses réactions parmi les délégations lors du débat interactif avec M. Türk, Israël reprochant au Haut-Commissaire de ne pas condamner le Hamas assez clairement.  « Votre rôle n’est pas d’être outré ou d’être un témoin exprimant ses émotions, nous exigeons des actions de votre part », a lancé la délégation, dénonçant en outre de fausses comparaisons « entre une démocratie respectueuse du droit et des terroristes sauvages ». 

Embrassant l’argument porté par Israël, plusieurs délégations, occidentales pour l’essentiel, ont soutenu le droit de cet État à se défendre face au terrorisme.  Ces propos ont provoqué l’indignation de la Syrie, qui s’est étonnée que l’on puisse ne pas être choqué par les violations commises par Israël dans les territoires palestiniens occupés et dans le Golan syrien occupé.  « S’agit-il de sélectivité, ou ces États ont-ils perdu leur boussole morale? » Ce grief a été repris par d’autres pays, arabes notamment, l’Égypte posant le règlement de la question palestinienne comme préalable à toute paix entre les deux nations.  Pour sa part, l’État de Palestine a regretté qu’Israël massacre des civils en arguant de la destruction du Hamas, alors que « cela n’a jamais produit de résultat ». 

Autre pays en guerre, l’Ukraine a comparé les atrocités commises par le Hamas en Israël au massacre perpétré à Bucha, dénonçant les crimes de guerre commis sur son territoire par la Fédération de Russie depuis 2014.  Une position partagée par les États-Unis, qui ont aussi réitéré leur condamnation de « l’abominable attaque terroriste contre Israël », avant d’exprimer leur préoccupation quant aux situations en Afghanistan, au Bélarus, en Éthiopie, au Myanmar et en Syrie.  Ils ont également mentionné les « crimes contre l’humanité » dont la Chine se rend coupable contre les Ouïghours et d’autres minorités, ainsi que ses « attaques » contre Hong Kong, des accusations qualifiées de mensongères par la délégation chinoise qui a appelé à respecter les choix des pays dans leur trajectoire des droits humains. 

La Fédération de Russie a acquiescé en regrettant que l’utilisation des droits humains comme moyen de pression politique ou économique contre des gouvernements « indésirables ou simplement concurrents » soit devenue monnaie courante sur la scène internationale.  Selon elle, « certains États » font délibérément s’effondrer les droits humains dans d’autres pays pour atteindre leurs « objectifs opportunistes », notamment en recourant à des mesures coercitives unilatérales; un argument appuyé par Cuba, le Bélarus et le Venezuela. 

Ces mêmes États se livrent eux-mêmes à des violations graves des droits humains, a renchéri la République islamique d’Iran, qui s’est ainsi déclarée préoccupée par la détérioration de la situation des minorités aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada, dans l’Union européenne et en « Palestine occupée ».  Elle a déploré que le rapport du Haut-Commissaire ne mentionne pas ces situations et se contente de dénoncer les États qui conservent la peine de mort. 

Dans ses échanges avec les délégations, M. Türk s’est alarmé de la multiplications des conflits et de la hausse des discriminations contre les groupes minoritaires et les femmes, ainsi que de l’explosion du racisme, de l’islamophobie et de l’antisémitisme.  Il a cependant averti que, dans un monde qui évolue « à une vitesse vertigineuse », le non-respect des droits de l’homme ne conduira pas à la stagnation, mais à « la perte de notre capacité à travailler ensemble pour apporter des solutions ».  Cette capacité, a-t-il alerté, est également mise à mal par le sous-financement de son bureau, qui n’a reçu cette année qu’un peu plus de 5% du budget ordinaire de l’ONU.  Il a donc appelé à un financement de base qui garantisse la mise en œuvre de toutes les activités mandatées, soulignant que « les droits de l’homme sont essentiels à l’ensemble du travail de l’ONU ». 

La Troisième Commission poursuivra ses travaux mercredi 11 octobre, à partir de 10 heures, en recevant le Président de la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale.  

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS (A/78/198

Déclaration liminaire de M. Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, suivie d’un dialogue interactif

M. VOLKER TÜRK, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), s’exprimait pour la première fois devant la Troisième Commission dans le cadre de ce mandat. En premier lieu, il s’est dit profondément choqué par les attaques lancées le 7 octobre par des groupes armés palestiniens et par le conflit généralisé qui s’en est suivi en Israël et dans les territoires palestiniens occupés.  Déplorant que des civils des deux côtés en subissent les conséquences de manière intolérable, il a appelé toutes les parties à renoncer à la « guerre totale » et aux « cercles vicieux de la vengeance ».  Le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme ont été élaborés pour atténuer l’horreur et les conséquences extrêmement dommageables de crises comme celle-ci, a-t-il rappelé, avant d’exhorter toutes les parties à adopter leurs orientations. 

Le Haut-Commissaire a ensuite évoqué la portée de sa mission et son caractère transversal, comme décrit dans son rapport (A/78/36).  Selon lui, les droits humains constituent « le fil conducteur qui traverse tous les domaines d’activité de l’ONU ».  Ils contribuent à faire progresser la stabilité sociale et économique, l’inclusion, la confiance et la justice, tout en étant un outil de prévention et de développement inclusif, participatif et durable.  C’est aussi le seul moyen de garantir la responsabilité, de promouvoir la réconciliation, de sortir de la conflictualité et de forger une paix durable, a-t-il ajouté, rappelant qu’un quart de l’humanité vit dans des régions touchées par des conflits, notamment en République démocratique du Congo, au Myanmar, au Soudan, en Ukraine et, aujourd’hui, en Israël et dans les territoires palestiniens occupés.  L’an dernier, a relevé M. Türk, le nombre de civils tués dans des opérations de guerre dans le monde entier a augmenté de plus de 50%, soit la première augmentation depuis que le Bureau du Haut-Commissaire a commencé à compiler ces données en 2015. 

Dans ce contexte, le Haut-Commissaire s’est alarmé de la hausse des discriminations contre les groupes minoritaires et les femmes, ainsi que de l’explosion du racisme, de l’islamophobie et de l’antisémitisme.  La pauvreté monte elle aussi, tandis que les libertés reculent, a-t-il poursuivi, mettant en garde contre les menaces que représentent, pour les droits humains, les technologies numériques non gouvernées, notamment l’intelligence artificielle, les armes autonomes et les techniques de surveillance.  Face à ce « paysage de maux », la cause des droits de l’homme a le potentiel de nous unifier, a assuré M. Türk en abordant le volet des solutions.  Il est absolument essentiel de raviver l’esprit, l’impulsion et la vitalité qui ont conduit à l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme il y a 75 ans, a plaidé M. Türk, pour qui l’agenda des droits humains est « un ensemble de mesures pratiques et concrètes qui donnent des résultats ».  

Les violations des droits de l’homme sont des multiplicateurs de crise, a poursuivi le Haut-Commissaire, estimant que sa première tâche est d’aider les États à prévenir les crises en réduisant les violations des droits humains.  Si certains font valoir que la discussion sur la situation des droits de l’homme dans leur pays constitue une ingérence dans leur souveraineté, « il n’en est rien », a-t-il soutenu.  « Même une connaissance superficielle des déplacements et des autres conséquences des crises des droits de l’homme le montre clairement », a affirmé le haut fonctionnaire, non sans rappeler que « nous sommes interconnectés ».  De fait, a-t-il argué, les violations des droits de l’homme ont un impact évident au-delà des frontières et constituent un sujet légitime de préoccupation internationale.  

Illustrant son propos, M. Türk a jugé crucial de maintenir la présence des Nations Unies dans le domaine des droits humains en Afghanistan, notamment en raison de la discrimination sans précédent à l’égard des femmes. En Colombie, le travail sur les droits de l'homme a été essentiel dans le processus de paix, a-t-il ajouté, avant d’appeler à la création de garde-fous pour préserver les droits humains et les politiques environnementales des coupes budgétaires. Il faut s’attaquer aux causes profondes des inégalités, inclure les groupes marginalisés et protéger l'espace civique, tout en luttant contre la corruption, les flux financiers illicites et l’évasion fiscale, qui réduisent la marge budgétaire disponible pour faire progresser les droits de l’homme, a-t-il préconisé. À ses yeux, l’incapacité à réaliser des progrès de l’objectif de développement durable (ODD) n 16 (paix, justice et institutions efficaces) est l’une des principales raisons pour lesquelles le Programme 2030 est en difficulté, et avec lui toutes les politiques en faveur des droits humains. Dans un monde qui évolue « à une vitesse vertigineuse », le non-respect des droits de l’homme ne conduira pas à la stagnation, mais à « la perte de notre capacité à travailler ensemble pour apporter des solutions », a-t-il prévenu.

Le Haut-Commissaire a enfin indiqué que, cette année, son bureau n’a reçu qu’un peu plus de 5% du budget ordinaire de l’ONU, ce qui est « largement insuffisant » pour accomplir sa tâche, d’autant plus qu’en 2023, il ne devrait recevoir que 60% du financement extrabudgétaire demandé.  Appelant à un financement de base qui garantisse la capacité de mettre en œuvre toutes les activités mandatées et permette aux organes de traités de sortir de leur situation d’étouffement, il a déclaré placer ses espoirs dans l’examen en 2024 par la Troisième Commission d’une résolution qui garantira les réformes et les ressources nécessaires.  « Les droits de l’homme sont essentiels à l’ensemble du travail de l’ONU », a-t-il conclu. 

Dialogue interactif 

À la suite de cette déclaration liminaire, le Canada a demandé au Haut-Commissaire quelles avaient été les difficultés rencontrées qu’il n’avait pas anticipées.  Il a aussi voulu savoir comment les États Membres peuvent l’aider.  De son côté, la France a interrogé M. Türk sur les conséquences de sa stratégie sur les missions et la présence du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) dans les pays, ainsi que sur les méthodes de travail et le financement des procédures spéciales et des organes conventionnels.

Les États-Unis ont réitéré leur condamnation sans équivoque de « l’abominable attaque terroriste contre Israël », avant d’exprimer leur préoccupation quant aux situations en Afghanistan, au Bélarus, en Éthiopie, au Myanmar, en Syrie et en Ukraine.  La délégation a également condamné les « crimes contre l’humanité » que la Chine commet contre les Ouïghours et d’autres minorités, ainsi que ses attaques contre Hong Kong.  Elle a par ailleurs demandé aux autorités saoudiennes d’enquêter sur la situation à la frontière avec le Yémen et d’honorer leurs obligations en matière de droit international.

Déplorant une incapacité de la société civile à sensibiliser sur les répercussions de la guerre, le Liechtenchtein a souhaité savoir ce que peut faire le Haut-Commissaire en la matière.  Le Pakistan a, pour sa part, mis en cause la communauté internationale au sujet du Jammu-et-Cachemire « occupé illégalement par l’Inde », rappelant que les violations des droits humains y sont flagrantes depuis 2019.  Quand le prochain rapport consacré à cette question sera-t-il publié par le HCDH? a demandé la délégation avant d’appeler à combattre l’islamophobie et à éviter le « génocide imminent des musulmans, en Inde en particulier ».  Revenant aux événements du Proche-Orient, le Royaume-Uni a réaffirmé le droit d’Israël à la « défense légitime », avant de s’enquérir des moyens dont le Haut-Commissaire dispose pour participer aux efforts de « désescalade ».

De manière plus générale, le Mexique a souhaité que le Haut-Commissaire identifie les principaux défis à surmonter pour mettre en œuvre la Déclaration universelle des droits de l’homme et les instruments internationaux en la matière. Dans le même ordre d’idées, l’Irlande et l’Argentine ont demandé des exemples d’actions concrètes à entreprendre en faveur de la protection des droits humains à court et moyen terme.  L’Union européenne a, quant à elle, souhaité que le Haut-Commissaire fournisse un exemple de situation où la protection d’un droit a permis la réalisation d’un autre droit.  À ce sujet, la Colombie a rappelé l’importance des politiques de droits humains dans son processus de paix.  Le Chili a, lui, regretté que le rapport de M. Türk ne reflète pas tous efforts déployés en faveur des personnes âgées, rappelant que ce groupe vulnérable ne bénéficie pas d’une convention spécifique.  Après avoir appelé à faire progresser la réflexion autour de l’intelligence artificielle, le Liechtenstein a souhaité savoir si les normes et règles existantes en matière de droits humains étaient suffisantes.

S’exprimant au nom des pays d’Afrique centrale, le Rwanda a rappelé qu’un centre sous-régional pour les droits humains a été créé au Cameroun, conformément à la résolution 76/61 de l’Assemblée générale.  À cette aune, il a souhaité savoir si des mesures ont été prises pour allouer davantage de ressources et dans quelles mesures le budget accordé au centre a augmenté.  Également préoccupée par la question des droits économiques et culturels, la Malaisie a demandé au Haut-Commissaire d’identifier les efforts pouvant être fournis en la matière.  Le Venezuela a ensuite voulu connaître l’analyse de M. Türk relative à « l’impact délétère » des mesures coercitives unilatérales sur les efforts déployés au niveau national pour garantir une couverture maladie universelle et permettre l’accès aux vaccins et aux médicaments. 

Le Bélarus a soutenu les propos du Venezuela.  Il a regretté que l’activité du Haut-Commissariat crée parfois la confrontation et réduise la confiance avec les États.  Il a estimé que les rapports très courts ne permettent pas de prendre en compte l’ensemble de la situation, avant de déplorer l’absence de références aux mesures coercitives unilatérales et à leur impact négatif sur les droits humains.  Défendant un point de vue diamétralement opposé, la Slovénie a qualifié le Haut-Commissariat de « bien public mondial », demandant à ce qu’il soit bien financé, notamment pour permettre de prévenir les conflits.  La Géorgie s’est déclarée « choquée » par l’attaque terroriste contre Israël et l’a condamnée.  Elle a aussi condamné la guerre d’agression de la Russie contre son voisin ukrainien ainsi que l’intégration continue des territoires occupés géorgiens par ce même pays, s’élevant notamment contre le projet d’installation d’une base militaire russe en Abkhazie.  Après avoir dénoncé les violations flagrantes des droits des habitants des territoires géorgiens occupés, elle a demandé au Haut-Commissaire ce qu’il pouvait faire face à cette situation.  Rappelant sa candidature au Conseil des droits de l’homme pour la période 2026-2028, l’Iraq a, pour sa part, demandé à M. Türk quelle était son évaluation du pays après sa récente visite.  Sur le plan des principes, la Roumanie s’est inscrite en faux contre l’idée selon laquelle la défense des droits humains empiéterait sur la souveraineté et la sécurité des États, encourageant le Haut-Commissaire dans son action. 

À sa suite, la République islamique d’Iran a souligné sa collaboration de longue date avec le Conseil des droits de l’homme et a insisté sur l’importance des principes d’impartialité, de non-politisation et de non-sélectivité de ses travaux.  Elle s’est alarmée de la détérioration de la situation en la matière aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada, dans l’Union européenne et en « Palestine occupée », notamment concernant les peuples autochtones, les personnes d’ascendance africaine, les minorités religieuses et les femmes et les filles.  La délégation a regretté que le rapport du Haut-Commissaire ne mentionne pas ces situations et ne dénonce seulement que certains des États qui conservent la peine de mort.  Évoquant les Corans brûlés en Europe, elle a appelé à mettre un terme à l’islamophobie dans la région.  Elle a enfin demandé au Haut-Commissariat ce qu’il compte faire pour les célébrations du trentième anniversaire de l’Année internationale de la famille l’an prochain. 

À son tour, la Nouvelle-Zélande a condamné les attaques terroristes du Hamas contre Israël, exprimant sa préoccupation quant au sort des personnes LGBTQI+.  Elle a aussi rappelé son travail, mené avec le Mexique, pour l’élaboration de la résolution sur les personnes handicapées.  Rappelant quant à elle que la Journée mondiale contre la peine de mort est célébrée aujourd’hui, 10 octobre, l’Italie a indiqué que l’appui à un moratoire contre cette peine, une proposition dont elle est à l’origine, est passé de 104 États Membres en 2007 à 125 en 2022. Elle a interrogé le Haut-Commissaire sur la manière de renforcer le dialogue avec les organisations régionales et les organisations de la société civile pour faire avancer ce moratoire.  La Suisse a préféré appuyer les efforts du HCDH sur le développement du droit à un environnement propre, sain et durable, saluant par ailleurs son travail en vue de renforcer les instruments d’alerte précoce pour prévenir les conflits, et soutenant son engagement à combattre les représailles contre les personnes qui coopèrent avec les Nations Unies.  Elle a demandé à M. Türk comment il comptait avancer sur ces trois fronts.  L’Australie a, elle aussi, condamné l’attaque du Hamas contre Israël, avant d’appeler toutes les parties à respecter les droits humains de tous pour casser le cycle de la violence.

De son côté, l’Arménie a dénoncé des violations massives des droits humains par l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh, sollicitant l’avis du Haut-Commissaire sur cette situation, tandis que la République démocratique populaire de Corée (RPDC) dénonçait l’instrumentalisation des droits humains par les pays puissants pour s’ingérer dans les affaires internes d’autres États.  Rejetant les allégations des États-Unis, la RPDC les a exhortés à s’occuper du racisme et des discriminations qui prévalent chez eux.  Israël a ensuite demandé « combien de morts juifs » il faudra pour justifier une réaction contre une organisation génocidaire: « mille, six ou dix millions », ce qui, selon lui, serait l’objectif du Hamas.  La délégation a dénoncé les comparaissons fausses « entre une démocratie respectueuse du droit et des terroristes sauvages qui sont comme Daech ou Al-Qaida », avant de reprocher au Haut-Commissaire de ne pas condamner le Hamas assez clairement.  « Votre rôle n’est pas d’être outré ou d’être un témoin exprimant ses émotions, nous exigeons des actions de votre part », a-t-il martelé, rappelant que les terroristes « sont rentrés chez nous, ont assassiné des enfants devant leurs parents et brûlé des grand-mères vivantes ».  Après avoir regretté que le Conseil des droits de l’homme ait perdu sa boussole morale en refusant de faire la différence entre le bien et le mal, les victimes et les agresseurs, Israël a averti qu’il comptait « complètement oblitérer » l’infrastructure terroriste du Hamas.  L’Allemagne a condamné l’attaque du Hamas contre Israël et réaffirmé le droit de ce dernier à se défendre.  Elle a aussi appelé à renforcer les liens entre le Haut-Commissariat et le Conseil de sécurité pour mieux défendre les droits humains. Rappelant d’autre part qu’elle est le quatrième contributeur au HCDH, elle a demandé à M. Türk de lui présenter ses priorités pour les prochaines années. 

La Fédération de Russie a, de son côté, regretté que l’utilisation des droits humains comme moyen de pression politique ou économique contre des gouvernements « indésirables ou simplement concurrents » soit devenue monnaie courante.  Elle a accusé « certains États » de faire s’effondrer les droits humains dans d’autres pays pour atteindre leurs « objectifs opportunistes », notamment en utilisant les mesures coercitives unilatérales.  Sous prétexte de lutter pour la liberté d’expression, ils cautionnent la promotion d’idéologies interdites par le droit international, a-t-elle renchéri, ajoutant que ces États ne reculent devant aucun moyen, des campagnes de désinformation agressives à la fourniture d’armes. Jugeant que l’indépendance et l’impartialité du Haut-Commissaire sont plus importantes que jamais, elle a dit espérer que M. Türk réagira « non pas tant aux conséquences qu’aux causes profondes des violations des droits humains » et assumera son « mandat d’assistance », en premier lieu aux États, pour améliorer la situation des droits humains et renforcer leurs capacités nationales dans ce domaine.

Les Pays-Bas ont à leur tour condamné « l’attaque injustifiable » du Hamas en Israël, avant de s’enquérir des dossiers sur lesquels les États pourraient accompagner au mieux les efforts du Haut-Commissariat.  La Chine a, elle, appelé à respecter les choix de chaque pays sur sa trajectoire des droits humains, fustigeant la politique du « deux poids, deux mesures » et les mesures coercitives unilatérales.  Selon elle, les Nations Unies doivent respecter la souveraineté nationale et la non-sélectivité, et les circonstances nationales de chaque État doivent être comprises et acceptées.  La délégation a par ailleurs qualifié de mensongères les accusations faites par les États-Unis à l’encontre de la Chine, assurant que les groupes ethniques du Xinjiang vivent dans l’harmonie et que les habitants de Hong Kong jouissent d’un large éventail de droits humains.

Le Bangladesh s’est ému du sort du million de réfugiés rohingya sur son territoire, déplorant qu’aucun mécanisme des droits humains n’ait réussi à se rendre au Myanmar ni à améliorer la situation.  Comment pourrait-on atténuer ces souffrances? a-t-il demandé au Haut-Commissaire.  L’Ukraine a, pour sa part, comparé les atrocités commises par le Hamas en Israël au massacre perpétré à Bucha.  Elle a fustigé les crimes de guerre commis par la Fédération de Russie depuis 2014, appelant à sa traduction en justice.  L’Arabie saoudite a appelé les Palestiniens comme les Israéliens à la retenue, non sans relever que les premiers sont victimes d’une « agression systémique ».  La délégation a ensuite regretté les allégations des États-Unis, les qualifiant de non véridiques car, a-t-elle dit, « nous respectons les droits humains ». Elle a, d’autre part, condamné les nombreux autodafés du Coran, les qualifiant d’actes horribles, avant de demander au Haut-Commissaire comment lutter contre cette tendance haineuse. 

À la suite de l’Autriche, qui a exprimé sa pleine solidarité avec le Gouvernement et le peuple israéliens, s’interrogeant sur le rôle que pourrait endosser le Bureau de M. Türk dans ce contexte précis, l’Égypte a posé le règlement de la question palestinienne et le retour aux frontières de 1967 comme la seule façon d’éliminer la violence.  La délégation a ensuite voulu savoir comment le HCDH pourrait exercer une pression suffisante pour que le droit au développement soit enfin reconnu, et comment il appréhende les effets délétères de la dette sur le développement. 

Le Maroc s’est félicité de coprésenter à la Troisième Commission, avec l’Argentine et la France, un projet de résolution sur les disparitions forcées. Le Myanmar a, quant à lui, brossé le tableau d’un pays confronté depuis 32 mois au terrorisme de la junte militaire, laquelle n’hésite pas à recourir à des frappes aériennes et à des assassinats.  Ce n’est qu’en mettant un terme à cette dictature que la paix pourra revenir au Myanmar, a estimé la délégation, appelant à renvoyer le cas du Myanmar à la Cour pénale internationale (CPI).  Préférant rappeler son soutien à la promotion des droits humains à tous les échelons, le Qatar s’est félicité d’avoir apporté un soutien financier au HCDH entre 2021 et 2023. 

L’État de Palestine a, lui, condamné la décision israélienne d’opérer un blocus total sur la bande de Gaza, regrettant que certains États aient du mal à reconnaître les victimes palestiniennes du conflit.  Selon la délégation, Israël massacre des civils en arguant de la destruction du Hamas, « mais cela n’a jamais produit aucun résultat ».  Tuer plus d’enfants palestiniens ne pourra jamais être la réponse au conflit, car celle-ci repose sur le droit international, a-t-il ajouté, affirmant appeler à la paix et non pas à la vengeance, malgré « 75 ans de griefs accumulés ». 

Évoquant le Sommet de l’avenir qui se tiendra en 2024 à New York, le Portugal a demandé ce que les États Membres ne doivent pas omettre d’y inclure.  La République arabe syrienne a ensuite exprimé son indignation face à l’ensemble des pays occidentaux qui ne se disent pas choqués par les violations commises par Israël dans les territoires palestiniens occupés et dans le Golan syrien occupé.  « S’agit-il de sélectivité, ou ces États ont-ils perdu leur boussole morale? » 

Après les Émirats arabes unis, qui se sont eux aussi alarmés de la situation au Proche-Orient, Cuba a regretté qu’on oublie encore que les droits sont universels et interdépendants.  Hélas, a poursuivi la délégation, les pratiques sélectives qui visent les pays du Sud continuent d’avoir cours, et ce y compris au sein des Nations Unies. Regrettant que le droit au développement ne soit toujours pas une réalité, elle a également invité le Haut-Commissaire à réfléchir à l’impact délétère des mesure coercitives unilatérales. Dans une perspective plus générale, le Japon a demandé comment garantir l’efficacité des efforts du Bureau du Haut-Commissaire dans les années à venir, réclamant une vision d’ensemble de sa stratégie.

Comment réduire la polarisation du Conseil des droits de l’homme et que pensez-vous de son avenir? a voulu savoir la Grèce, tandis que la Slovaquie a demandait au Haut-Commissaire s’il avait un message à adresser à la communauté internationale à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme.  L’Ordre souverain de Malte a ensuite interrogé M. Türk sur les cadres ou stratégies conformes à l’ODD 17 qui permettraient de renforcer et de redynamiser les partenariats mondiaux pour une meilleure mobilisation des ressources et un partage d’expertise afin que les communautés voient leurs conditions de vie améliorées.  Dans le même ordre d’idées, l’Algérie, après avoir insisté sur la nécessité de coopération technique, a demandé au Haut-Commissaire d’exposer ses vues sur la réalisation du droit au développement.  Une question reprise par le Cameroun, qui a par ailleurs alerté M. Türk sur la situation du centre sous-régional pour les droits de l’homme à Yaoundé. 

L’Afghanistan a mis l’accent sur trois aspects essentiels relatifs aux droits humains.  Tout d’abord, il a dénoncé la violation systématique des droits humains et des liberté fondamentales des femmes et filles commise par le régime des Taliban, évoquant un « apartheid de genre ».  Il a également alerté sur la situation des réfugiés afghans, regrettant qu’elle ne soit pas documentée dans les pays voisins qui pourtant sont confrontés à ce défi.  Enfin, il a dénoncé les arrestations arbitraires et les assassinats extrajudiciaires ainsi que la torture d’anciens membres des forces de sécurité et de civils accusés d’être associés à des groupes opposés aux Taliban, invitant le Haut-Commissaire à se positionner à ce sujet. 

Pour finir, l’Inde a accusé le Pakistan de détourner l’attention des droits humains.  Après avoir dénoncé une violence institutionnalisée dans ce pays contre les minorités chrétienne, hindoue et sikh, ainsi que les enlèvements de femmes conduisant à des mariages et conversions forcés, elle a réaffirmé que le Jammu-et-Cachemire fait partie intégrante de l’Inde.  À cet égard, la délégation a dénié au Pakistan le droit de parler de ses « affaires intérieures ». 

Répondant à ces questions et commentaires, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme a souligné que son approche repose sur le principe de non-discrimination qui, a-t-il ajouté, doit apporter la justice pour tous, sans distinction aucune.  Évoquant la situation au Proche-Orient, il a fait part du désarroi et du choc profonds éprouvés quant aux actes inqualifiables de « forces armées palestiniennes » contre les civils israéliens.  S’il a dit comprendre les griefs du peuple palestinien, il a souligné que rien ne justifiait ces actes de terrorisme, avant d’appeler à la libération immédiate des otages.  Reconnaissant les préoccupations légitimes d’Israël en matière de sécurité, il a rappelé que les opérations militaires devaient être conduites dans le plein respect du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme.  « Les premières victimes sont les populations civiles israéliennes comme palestiniennes », a-t-il ajouté, appelant à briser le cercle vicieux des bains de sang, de la haine et de l’antagonisme. 

Le Haut-Commissaire s’est inquiété des tensions géopolitiques et d’une vision binaire du monde du type « vous êtes avec moi ou vous êtes contre moi ». Cette vision en noir et blanc ne permet pas de faire avancer les droits humains, qui pourraient être les victimes collatérales de ces tensions, a-t-il averti.  Concernant la politisation, il a affirmé que rien ne se fait en dehors d’une volonté politique engagée en faveur des droits humains et qu’elle était donc inévitable.  Il a ajouté que le Haut-Commissariat était très utile pour sonner l’alarme en cas de risque de conflit, rappelant en outre l’importance de la justice transitionnelle pour sortir des conflits et du cycle de la guerre. 

Constatant que cette année, l’Assemblée générale et le Conseil des droits de l’homme avaient demandé un nombre record de 99 rapports, il s’est inquiété du sous-financement du Haut-Commissariat, notant que la plupart des rapports n’étaient pas financés sur le budget ordinaire.  Il a également appelé à financer le programme des conseillers en droits humains afin de pouvoir réellement intégrer les droits humains aux objectifs de développement durable (ODD). 

Passant ensuite aux situations particulières, le Haut-Commissaire a regretté la détérioration de la situation au Myanmar, notamment concernant les Rohingya, et a indiqué qu’il avait demandé au Conseil de sécurité de renvoyer ce dossier devant la Cour pénale internationale (CPI), la junte militaire ne respectant pas le plan en cinq points de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).  Il a déploré les « persécutions de genre systémiques » en Afghanistan, et appelé à veiller à ce que la présence de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) ne soit pas menacée.  Concernant la Géorgie, il a demandé à pourvoir accéder à l’Abkhazie et à l’Ossétie du Sud.  À propos de l’exode des Arméniens de souche du Haut-Karabakh, il a affirmé être en contact avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan pour tenter de faire respecter les droits humains dans cette situation mouvante.  Il a ensuite rappelé les recommandations concernant le Jammu-et-Cachemire et demandé au Pakistan et à l’Inde de le laisser accéder aux zones qu’ils contrôlent respectivement.  Il a par ailleurs estimé que la situation en Iraq et en Somalie permettait de constater à quel point les plus vulnérables sont les premières victimes des changements climatiques, évoquant notamment des pénuries d’eau et des températures insupportables de plus de 50 degrés Celsius.  Il s’est félicité de l’accès qu’on lui avait accordé à des centres de détention en Iraq, y voyant la preuve de l’utilité des visites de terrain. 

Abordant les aspects thématiques, le Haut-Commissaire s’est tout d’abord intéressé au droit à un environnement propre, sain et durable, précisant qu’un document venait d’être publié en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Il a rappelé que la pollution tuait 9 à 10 millions de personnes chaque année et que des tribunaux commençaient à s’intéresser à ce droit. Concernant les questions de paix et sécurité, il a affirmé que les droits humains constituaient un indicateur d’alerte précoce important.  Il a également appelé à analyser plus précisément l’impact des mesures coercitives unilatérales sur les droits humains, notamment quand elles concernaient l’aide humanitaire.  Se félicitant de l’abolition de la peine de mort dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, il a encouragé tous les États à revoir leur politique en la matière. Répondant à l’Iran, il a indiqué qu’une résolution sur la famille était en cours de négociation, mettant en avant le rôle de la famille dans l’atténuation de la pauvreté.  Une résolution est également en négociation au Conseil des droits de l’homme sur le droit au développement et les droits socioéconomiques et culturels, a-t-il ajouté, tout en précisant qu’il ne devait pas y avoir de hiérarchie des droits. 

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