Troisième Commission: le Haut-Commissaire aux droits de l’homme appelle à « raviver l’esprit » de la Déclaration universelle adoptée il y a 75 ans
La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a entamé, aujourd’hui, son examen de la promotion et de la protection des droits de l’homme en dialoguant avec le Haut-Commissairedes Nations Unies aux droits de l’homme. Face aux tensions et aux discriminations tous azimuts, la cause des droits humains a le potentiel de nous unifier, a assuré M. Volker Türk, appelant à « raviver l’esprit, l’impulsion et la vitalité qui ont conduit à l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme il y a 75 ans ».
M. Türk, dont c’était la première intervention devant la Troisième Commission depuis sa nomination en octobre dernier, a décrit les droits humains comme « le fil conducteur qui traverse tous les domaines d’activité de l’ONU » et, notamment, le seul moyen de garantir la responsabilité, de promouvoir la réconciliation, de sortir de la conflictualité et de forger une paix durable. Rappelant à cet égard qu’un quart de l’humanité vit dans des régions touchées par des conflits, il s’est ému que le nombre de civils tués dans des opérations de guerre dans le monde entier ait augmenté l’an dernier de plus de 50%, soit la première augmentation depuis que son bureau a commencé à compiler ces données en 2015.
Dans ce « paysage de maux », le Haut-Commissaire a dit vouloir aider les États à prévenir les crises en réduisant les violations des droits humains qui, précisément, ont un effet « multiplicateur de crise ». Et si certains font valoir que la discussion sur la situation des droits de l’homme dans leur pays constitue une ingérence dans leur souveraineté, « il n’en est rien », a-t-il soutenu. « Même une connaissance superficielle des déplacements et des autres conséquences des crises des droits de l’homme le montre clairement », a affirmé M. Türk, pour qui les violations des droits humains constituent un « sujet légitime de préoccupation internationale ».
Actualité oblige, le haut fonctionnaire s’est dit consterné par les attaques meurtrières lancées le 7 octobre en Israël par des groupes armés palestiniens et par le conflit généralisé qui s’en est suivi. Déplorant les pertes en vie humaine, tant israéliennes que palestiniennes, il a enjoint les deux parties à renoncer à la « guerre totale » aux « cercles vicieux de la vengeance ». La résurgence de ce conflit a suscité de vives et nombreuses réactions parmi les délégations lors du débat interactif avec M. Türk, Israël reprochant au Haut-Commissaire de ne pas condamner le Hamas assez clairement. « Votre rôle n’est pas d’être outré ou d’être un témoin exprimant ses émotions, nous exigeons des actions de votre part », a lancé la délégation, dénonçant en outre de fausses comparaisons « entre une démocratie respectueuse du droit et des terroristes sauvages ».
Embrassant l’argument porté par Israël, plusieurs délégations, occidentales pour l’essentiel, ont soutenu le droit de cet État à se défendre face au terrorisme. Ces propos ont provoqué l’indignation de la Syrie, qui s’est étonnée que l’on puisse ne pas être choqué par les violations commises par Israël dans les territoires palestiniens occupés et dans le Golan syrien occupé. « S’agit-il de sélectivité, ou ces États ont-ils perdu leur boussole morale? » Ce grief a été repris par d’autres pays, arabes notamment, l’Égypte posant le règlement de la question palestinienne comme préalable à toute paix entre les deux nations. Pour sa part, l’État de Palestine a regretté qu’Israël massacre des civils en arguant de la destruction du Hamas, alors que « cela n’a jamais produit de résultat ».
Autre pays en guerre, l’Ukraine a comparé les atrocités commises par le Hamas en Israël au massacre perpétré à Bucha, dénonçant les crimes de guerre commis sur son territoire par la Fédération de Russie depuis 2014. Une position partagée par les États-Unis, qui ont aussi réitéré leur condamnation de « l’abominable attaque terroriste contre Israël », avant d’exprimer leur préoccupation quant aux situations en Afghanistan, au Bélarus, en Éthiopie, au Myanmar et en Syrie. Ils ont également mentionné les « crimes contre l’humanité » dont la Chine se rend coupable contre les Ouïghours et d’autres minorités, ainsi que ses « attaques » contre Hong Kong, des accusations qualifiées de mensongères par la délégation chinoise qui a appelé à respecter les choix des pays dans leur trajectoire des droits humains.
La Fédération de Russie a acquiescé en regrettant que l’utilisation des droits humains comme moyen de pression politique ou économique contre des gouvernements « indésirables ou simplement concurrents » soit devenue monnaie courante sur la scène internationale. Selon elle, « certains États » font délibérément s’effondrer les droits humains dans d’autres pays pour atteindre leurs « objectifs opportunistes », notamment en recourant à des mesures coercitives unilatérales; un argument appuyé par Cuba, le Bélarus et le Venezuela.
Ces mêmes États se livrent eux-mêmes à des violations graves des droits humains, a renchéri la République islamique d’Iran, qui s’est ainsi déclarée préoccupée par la détérioration de la situation des minorités aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada, dans l’Union européenne et en « Palestine occupée ». Elle a déploré que le rapport du Haut-Commissaire ne mentionne pas ces situations et se contente de dénoncer les États qui conservent la peine de mort.
Dans ses échanges avec les délégations, M. Türk s’est alarmé de la multiplications des conflits et de la hausse des discriminations contre les groupes minoritaires et les femmes, ainsi que de l’explosion du racisme, de l’islamophobie et de l’antisémitisme. Il a cependant averti que, dans un monde qui évolue « à une vitesse vertigineuse », le non-respect des droits de l’homme ne conduira pas à la stagnation, mais à « la perte de notre capacité à travailler ensemble pour apporter des solutions ». Cette capacité, a-t-il alerté, est également mise à mal par le sous-financement de son bureau, qui n’a reçu cette année qu’un peu plus de 5% du budget ordinaire de l’ONU. Il a donc appelé à un financement de base qui garantisse la mise en œuvre de toutes les activités mandatées, soulignant que « les droits de l’homme sont essentiels à l’ensemble du travail de l’ONU ».
La Troisième Commission poursuivra ses travaux mercredi 11 octobre, à partir de 10 heures, en recevant le Président de la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale.
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS (A/78/198)
Déclaration liminaire de M. Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, suivie d’un dialogue interactif
M. VOLKER TÜRK, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), s’exprimait pour la première fois devant la Troisième Commission dans le cadre de ce mandat. En premier lieu, il s’est dit profondément choqué par les attaques lancées le 7 octobre par des groupes armés palestiniens et par le conflit généralisé qui s’en est suivi en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. Déplorant que des civils des deux côtés en subissent les conséquences de manière intolérable, il a appelé toutes les parties à renoncer à la « guerre totale » et aux « cercles vicieux de la vengeance ». Le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme ont été élaborés pour atténuer l’horreur et les conséquences extrêmement dommageables de crises comme celle-ci, a-t-il rappelé, avant d’exhorter toutes les parties à adopter leurs orientations.
Le Haut-Commissaire a ensuite évoqué la portée de sa mission et son caractère transversal, comme décrit dans son rapport (A/78/36). Selon lui, les droits humains constituent « le fil conducteur qui traverse tous les domaines d’activité de l’ONU ». Ils contribuent à faire progresser la stabilité sociale et économique, l’inclusion, la confiance et la justice, tout en étant un outil de prévention et de développement inclusif, participatif et durable. C’est aussi le seul moyen de garantir la responsabilité, de promouvoir la réconciliation, de sortir de la conflictualité et de forger une paix durable, a-t-il ajouté, rappelant qu’un quart de l’humanité vit dans des régions touchées par des conflits, notamment en République démocratique du Congo, au Myanmar, au Soudan, en Ukraine et, aujourd’hui, en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. L’an dernier, a relevé M. Türk, le nombre de civils tués dans des opérations de guerre dans le monde entier a augmenté de plus de 50%, soit la première augmentation depuis que le Bureau du Haut-Commissaire a commencé à compiler ces données en 2015.
Dans ce contexte, le Haut-Commissaire s’est alarmé de la hausse des discriminations contre les groupes minoritaires et les femmes, ainsi que de l’explosion du racisme, de l’islamophobie et de l’antisémitisme. La pauvreté monte elle aussi, tandis que les libertés reculent, a-t-il poursuivi, mettant en garde contre les menaces que représentent, pour les droits humains, les technologies numériques non gouvernées, notamment l’intelligence artificielle, les armes autonomes et les techniques de surveillance. Face à ce « paysage de maux », la cause des droits de l’homme a le potentiel de nous unifier, a assuré M. Türk en abordant le volet des solutions. Il est absolument essentiel de raviver l’esprit, l’impulsion et la vitalité qui ont conduit à l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme il y a 75 ans, a plaidé M. Türk, pour qui l’agenda des droits humains est « un ensemble de mesures pratiques et concrètes qui donnent des résultats ».
Les violations des droits de l’homme sont des multiplicateurs de crise, a poursuivi le Haut-Commissaire, estimant que sa première tâche est d’aider les États à prévenir les crises en réduisant les violations des droits humains. Si certains font valoir que la discussion sur la situation des droits de l’homme dans leur pays constitue une ingérence dans leur souveraineté, « il n’en est rien », a-t-il soutenu. « Même une connaissance superficielle des déplacements et des autres conséquences des crises des droits de l’homme le montre clairement », a affirmé le haut fonctionnaire, non sans rappeler que « nous sommes interconnectés ». De fait, a-t-il argué, les violations des droits de l’homme ont un impact évident au-delà des frontières et constituent un sujet légitime de préoccupation internationale.
Illustrant son propos, M. Türk a jugé crucial de maintenir la présence des Nations Unies dans le domaine des droits humains en Afghanistan, notamment en raison de la discrimination sans précédent à l’égard des femmes. En Colombie, le travail sur les droits de l'homme a été essentiel dans le processus de paix, a-t-il ajouté, avant d’appeler à la création de garde-fous pour préserver les droits humains et les politiques environnementales des coupes budgétaires. Il faut s’attaquer aux causes profondes des inégalités, inclure les groupes marginalisés et protéger l'espace civique, tout en luttant contre la corruption, les flux financiers illicites et l’évasion fiscale, qui réduisent la marge budgétaire disponible pour faire progresser les droits de l’homme, a-t-il préconisé. À ses yeux, l’incapacité à réaliser des progrès de l’objectif de développement durable (ODD) n 16 (paix, justice et institutions efficaces) est l’une des principales raisons pour lesquelles le Programme 2030 est en difficulté, et avec lui toutes les politiques en faveur des droits humains. Dans un monde qui évolue « à une vitesse vertigineuse », le non-respect des droits de l’homme ne conduira pas à la stagnation, mais à « la perte de notre capacité à travailler ensemble pour apporter des solutions », a-t-il prévenu.
Le Haut-Commissaire a enfin indiqué que, cette année, son bureau n’a reçu qu’un peu plus de 5% du budget ordinaire de l’ONU, ce qui est « largement insuffisant » pour accomplir sa tâche, d’autant plus qu’en 2023, il ne devrait recevoir que 60% du financement extrabudgétaire demandé. Appelant à un financement de base qui garantisse la capacité de mettre en œuvre toutes les activités mandatées et permette aux organes de traités de sortir de leur situation d’étouffement, il a déclaré placer ses espoirs dans l’examen en 2024 par la Troisième Commission d’une résolution qui garantira les réformes et les ressources nécessaires. « Les droits de l’homme sont essentiels à l’ensemble du travail de l’ONU », a-t-il conclu.
Dialogue interactif
À la suite de cette déclaration liminaire, le Canada a demandé au Haut-Commissaire quelles avaient été les difficultés rencontrées qu’il n’avait pas anticipées. Il a aussi voulu savoir comment les États Membres peuvent l’aider. De son côté, la France a interrogé M. Türk sur les conséquences de sa stratégie sur les missions et la présence du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) dans les pays, ainsi que sur les méthodes de travail et le financement des procédures spéciales et des organes conventionnels.
Les États-Unis ont réitéré leur condamnation sans équivoque de « l’abominable attaque terroriste contre Israël », avant d’exprimer leur préoccupation quant aux situations en Afghanistan, au Bélarus, en Éthiopie, au Myanmar, en Syrie et en Ukraine. La délégation a également condamné les « crimes contre l’humanité » que la Chine commet contre les Ouïghours et d’autres minorités, ainsi que ses attaques contre Hong Kong. Elle a par ailleurs demandé aux autorités saoudiennes d’enquêter sur la situation à la frontière avec le Yémen et d’honorer leurs obligations en matière de droit international.
Déplorant une incapacité de la société civile à sensibiliser sur les répercussions de la guerre, le Liechtenchtein a souhaité savoir ce que peut faire le Haut-Commissaire en la matière. Le Pakistan a, pour sa part, mis en cause la communauté internationale au sujet du Jammu-et-Cachemire « occupé illégalement par l’Inde », rappelant que les violations des droits humains y sont flagrantes depuis 2019. Quand le prochain rapport consacré à cette question sera-t-il publié par le HCDH? a demandé la délégation avant d’appeler à combattre l’islamophobie et à éviter le « génocide imminent des musulmans, en Inde en particulier ». Revenant aux événements du Proche-Orient, le Royaume-Uni a réaffirmé le droit d’Israël à la « défense légitime », avant de s’enquérir des moyens dont le Haut-Commissaire dispose pour participer aux efforts de « désescalade ».
De manière plus générale, le Mexique a souhaité que le Haut-Commissaire identifie les principaux défis à surmonter pour mettre en œuvre la Déclaration universelle des droits de l’homme et les instruments internationaux en la matière. Dans le même ordre d’idées, l’Irlande et l’Argentine ont demandé des exemples d’actions concrètes à entreprendre en faveur de la protection des droits humains à court et moyen terme. L’Union européenne a, quant à elle, souhaité que le Haut-Commissaire fournisse un exemple de situation où la protection d’un droit a permis la réalisation d’un autre droit. À ce sujet, la Colombie a rappelé l’importance des politiques de droits humains dans son processus de paix. Le Chili a, lui, regretté que le rapport de M. Türk ne reflète pas tous efforts déployés en faveur des personnes âgées, rappelant que ce groupe vulnérable ne bénéficie pas d’une convention spécifique. Après avoir appelé à faire progresser la réflexion autour de l’intelligence artificielle, le Liechtenstein a souhaité savoir si les normes et règles existantes en matière de droits humains étaient suffisantes.
S’exprimant au nom des pays d’Afrique centrale, le Rwanda a rappelé qu’un centre sous-régional pour les droits humains a été créé au Cameroun, conformément à la résolution 76/61 de l’Assemblée générale. À cette aune, il a souhaité savoir si des mesures ont été prises pour allouer davantage de ressources et dans quelles mesures le budget accordé au centre a augmenté. Également préoccupée par la question des droits économiques et culturels, la Malaisie a demandé au Haut-Commissaire d’identifier les efforts pouvant être fournis en la matière. Le Venezuela a ensuite voulu connaître l’analyse de M. Türk relative à « l’impact délétère » des mesures coercitives unilatérales sur les efforts déployés au niveau national pour garantir une couverture maladie universelle et permettre l’accès aux vaccins et aux médicaments.
Le Bélarus a soutenu les propos du Venezuela. Il a regretté que l’activité du Haut-Commissariat crée parfois la confrontation et réduise la confiance avec les États. Il a estimé que les rapports très courts ne permettent pas de prendre en compte l’ensemble de la situation, avant de déplorer l’absence de références aux mesures coercitives unilatérales et à leur impact négatif sur les droits humains. Défendant un point de vue diamétralement opposé, la Slovénie a qualifié le Haut-Commissariat de « bien public mondial », demandant à ce qu’il soit bien financé, notamment pour permettre de prévenir les conflits. La Géorgie s’est déclarée « choquée » par l’attaque terroriste contre Israël et l’a condamnée. Elle a aussi condamné la guerre d’agression de la Russie contre son voisin ukrainien ainsi que l’intégration continue des territoires occupés géorgiens par ce même pays, s’élevant notamment contre le projet d’installation d’une base militaire russe en Abkhazie. Après avoir dénoncé les violations flagrantes des droits des habitants des territoires géorgiens occupés, elle a demandé au Haut-Commissaire ce qu’il pouvait faire face à cette situation. Rappelant sa candidature au Conseil des droits de l’homme pour la période 2026-2028, l’Iraq a, pour sa part, demandé à M. Türk quelle était son évaluation du pays après sa récente visite. Sur le plan des principes, la Roumanie s’est inscrite en faux contre l’idée selon laquelle la défense des droits humains empiéterait sur la souveraineté et la sécurité des États, encourageant le Haut-Commissaire dans son action.
À sa suite, la République islamique d’Iran a souligné sa collaboration de longue date avec le Conseil des droits de l’homme et a insisté sur l’importance des principes d’impartialité, de non-politisation et de non-sélectivité de ses travaux. Elle s’est alarmée de la détérioration de la situation en la matière aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada, dans l’Union européenne et en « Palestine occupée », notamment concernant les peuples autochtones, les personnes d’ascendance africaine, les minorités religieuses et les femmes et les filles. La délégation a regretté que le rapport du Haut-Commissaire ne mentionne pas ces situations et ne dénonce seulement que certains des États qui conservent la peine de mort. Évoquant les Corans brûlés en Europe, elle a appelé à mettre un terme à l’islamophobie dans la région. Elle a enfin demandé au Haut-Commissariat ce qu’il compte faire pour les célébrations du trentième anniversaire de l’Année internationale de la famille l’an prochain.
À son tour, la Nouvelle-Zélande a condamné les attaques terroristes du Hamas contre Israël, exprimant sa préoccupation quant au sort des personnes LGBTQI+. Elle a aussi rappelé son travail, mené avec le Mexique, pour l’élaboration de la résolution sur les personnes handicapées. Rappelant quant à elle que la Journée mondiale contre la peine de mort est célébrée aujourd’hui, 10 octobre, l’Italie a indiqué que l’appui à un moratoire contre cette peine, une proposition dont elle est à l’origine, est passé de 104 États Membres en 2007 à 125 en 2022. Elle a interrogé le Haut-Commissaire sur la manière de renforcer le dialogue avec les organisations régionales et les organisations de la société civile pour faire avancer ce moratoire. La Suisse a préféré appuyer les efforts du HCDH sur le développement du droit à un environnement propre, sain et durable, saluant par ailleurs son travail en vue de renforcer les instruments d’alerte précoce pour prévenir les conflits, et soutenant son engagement à combattre les représailles contre les personnes qui coopèrent avec les Nations Unies. Elle a demandé à M. Türk comment il comptait avancer sur ces trois fronts. L’Australie a, elle aussi, condamné l’attaque du Hamas contre Israël, avant d’appeler toutes les parties à respecter les droits humains de tous pour casser le cycle de la violence.
De son côté, l’Arménie a dénoncé des violations massives des droits humains par l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh, sollicitant l’avis du Haut-Commissaire sur cette situation, tandis que la République démocratique populaire de Corée (RPDC) dénonçait l’instrumentalisation des droits humains par les pays puissants pour s’ingérer dans les affaires internes d’autres États. Rejetant les allégations des États-Unis, la RPDC les a exhortés à s’occuper du racisme et des discriminations qui prévalent chez eux. Israël a ensuite demandé « combien de morts juifs » il faudra pour justifier une réaction contre une organisation génocidaire: « mille, six ou dix millions », ce qui, selon lui, serait l’objectif du Hamas. La délégation a dénoncé les comparaissons fausses « entre une démocratie respectueuse du droit et des terroristes sauvages qui sont comme Daech ou Al-Qaida », avant de reprocher au Haut-Commissaire de ne pas condamner le Hamas assez clairement. « Votre rôle n’est pas d’être outré ou d’être un témoin exprimant ses émotions, nous exigeons des actions de votre part », a-t-il martelé, rappelant que les terroristes « sont rentrés chez nous, ont assassiné des enfants devant leurs parents et brûlé des grand-mères vivantes ». Après avoir regretté que le Conseil des droits de l’homme ait perdu sa boussole morale en refusant de faire la différence entre le bien et le mal, les victimes et les agresseurs, Israël a averti qu’il comptait « complètement oblitérer » l’infrastructure terroriste du Hamas. L’Allemagne a condamné l’attaque du Hamas contre Israël et réaffirmé le droit de ce dernier à se défendre. Elle a aussi appelé à renforcer les liens entre le Haut-Commissariat et le Conseil de sécurité pour mieux défendre les droits humains. Rappelant d’autre part qu’elle est le quatrième contributeur au HCDH, elle a demandé à M. Türk de lui présenter ses priorités pour les prochaines années.
La Fédération de Russie a, de son côté, regretté que l’utilisation des droits humains comme moyen de pression politique ou économique contre des gouvernements « indésirables ou simplement concurrents » soit devenue monnaie courante. Elle a accusé « certains États » de faire s’effondrer les droits humains dans d’autres pays pour atteindre leurs « objectifs opportunistes », notamment en utilisant les mesures coercitives unilatérales. Sous prétexte de lutter pour la liberté d’expression, ils cautionnent la promotion d’idéologies interdites par le droit international, a-t-elle renchéri, ajoutant que ces États ne reculent devant aucun moyen, des campagnes de désinformation agressives à la fourniture d’armes. Jugeant que l’indépendance et l’impartialité du Haut-Commissaire sont plus importantes que jamais, elle a dit espérer que M. Türk réagira « non pas tant aux conséquences qu’aux causes profondes des violations des droits humains » et assumera son « mandat d’assistance », en premier lieu aux États, pour améliorer la situation des droits humains et renforcer leurs capacités nationales dans ce domaine.
Les Pays-Bas ont à leur tour condamné « l’attaque injustifiable » du Hamas en Israël, avant de s’enquérir des dossiers sur lesquels les États pourraient accompagner au mieux les efforts du Haut-Commissariat. La Chine a, elle, appelé à respecter les choix de chaque pays sur sa trajectoire des droits humains, fustigeant la politique du « deux poids, deux mesures » et les mesures coercitives unilatérales. Selon elle, les Nations Unies doivent respecter la souveraineté nationale et la non-sélectivité, et les circonstances nationales de chaque État doivent être comprises et acceptées. La délégation a par ailleurs qualifié de mensongères les accusations faites par les États-Unis à l’encontre de la Chine, assurant que les groupes ethniques du Xinjiang vivent dans l’harmonie et que les habitants de Hong Kong jouissent d’un large éventail de droits humains.
Le Bangladesh s’est ému du sort du million de réfugiés rohingya sur son territoire, déplorant qu’aucun mécanisme des droits humains n’ait réussi à se rendre au Myanmar ni à améliorer la situation. Comment pourrait-on atténuer ces souffrances? a-t-il demandé au Haut-Commissaire. L’Ukraine a, pour sa part, comparé les atrocités commises par le Hamas en Israël au massacre perpétré à Bucha. Elle a fustigé les crimes de guerre commis par la Fédération de Russie depuis 2014, appelant à sa traduction en justice. L’Arabie saoudite a appelé les Palestiniens comme les Israéliens à la retenue, non sans relever que les premiers sont victimes d’une « agression systémique ». La délégation a ensuite regretté les allégations des États-Unis, les qualifiant de non véridiques car, a-t-elle dit, « nous respectons les droits humains ». Elle a, d’autre part, condamné les nombreux autodafés du Coran, les qualifiant d’actes horribles, avant de demander au Haut-Commissaire comment lutter contre cette tendance haineuse.
À la suite de l’Autriche, qui a exprimé sa pleine solidarité avec le Gouvernement et le peuple israéliens, s’interrogeant sur le rôle que pourrait endosser le Bureau de M. Türk dans ce contexte précis, l’Égypte a posé le règlement de la question palestinienne et le retour aux frontières de 1967 comme la seule façon d’éliminer la violence. La délégation a ensuite voulu savoir comment le HCDH pourrait exercer une pression suffisante pour que le droit au développement soit enfin reconnu, et comment il appréhende les effets délétères de la dette sur le développement.
Le Maroc s’est félicité de coprésenter à la Troisième Commission, avec l’Argentine et la France, un projet de résolution sur les disparitions forcées. Le Myanmar a, quant à lui, brossé le tableau d’un pays confronté depuis 32 mois au terrorisme de la junte militaire, laquelle n’hésite pas à recourir à des frappes aériennes et à des assassinats. Ce n’est qu’en mettant un terme à cette dictature que la paix pourra revenir au Myanmar, a estimé la délégation, appelant à renvoyer le cas du Myanmar à la Cour pénale internationale (CPI). Préférant rappeler son soutien à la promotion des droits humains à tous les échelons, le Qatar s’est félicité d’avoir apporté un soutien financier au HCDH entre 2021 et 2023.
L’État de Palestine a, lui, condamné la décision israélienne d’opérer un blocus total sur la bande de Gaza, regrettant que certains États aient du mal à reconnaître les victimes palestiniennes du conflit. Selon la délégation, Israël massacre des civils en arguant de la destruction du Hamas, « mais cela n’a jamais produit aucun résultat ». Tuer plus d’enfants palestiniens ne pourra jamais être la réponse au conflit, car celle-ci repose sur le droit international, a-t-il ajouté, affirmant appeler à la paix et non pas à la vengeance, malgré « 75 ans de griefs accumulés ».
Évoquant le Sommet de l’avenir qui se tiendra en 2024 à New York, le Portugal a demandé ce que les États Membres ne doivent pas omettre d’y inclure. La République arabe syrienne a ensuite exprimé son indignation face à l’ensemble des pays occidentaux qui ne se disent pas choqués par les violations commises par Israël dans les territoires palestiniens occupés et dans le Golan syrien occupé. « S’agit-il de sélectivité, ou ces États ont-ils perdu leur boussole morale? »
Après les Émirats arabes unis, qui se sont eux aussi alarmés de la situation au Proche-Orient, Cuba a regretté qu’on oublie encore que les droits sont universels et interdépendants. Hélas, a poursuivi la délégation, les pratiques sélectives qui visent les pays du Sud continuent d’avoir cours, et ce y compris au sein des Nations Unies. Regrettant que le droit au développement ne soit toujours pas une réalité, elle a également invité le Haut-Commissaire à réfléchir à l’impact délétère des mesure coercitives unilatérales. Dans une perspective plus générale, le Japon a demandé comment garantir l’efficacité des efforts du Bureau du Haut-Commissaire dans les années à venir, réclamant une vision d’ensemble de sa stratégie.
Comment réduire la polarisation du Conseil des droits de l’homme et que pensez-vous de son avenir? a voulu savoir la Grèce, tandis que la Slovaquie a demandait au Haut-Commissaire s’il avait un message à adresser à la communauté internationale à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. L’Ordre souverain de Malte a ensuite interrogé M. Türk sur les cadres ou stratégies conformes à l’ODD 17 qui permettraient de renforcer et de redynamiser les partenariats mondiaux pour une meilleure mobilisation des ressources et un partage d’expertise afin que les communautés voient leurs conditions de vie améliorées. Dans le même ordre d’idées, l’Algérie, après avoir insisté sur la nécessité de coopération technique, a demandé au Haut-Commissaire d’exposer ses vues sur la réalisation du droit au développement. Une question reprise par le Cameroun, qui a par ailleurs alerté M. Türk sur la situation du centre sous-régional pour les droits de l’homme à Yaoundé.
L’Afghanistan a mis l’accent sur trois aspects essentiels relatifs aux droits humains. Tout d’abord, il a dénoncé la violation systématique des droits humains et des liberté fondamentales des femmes et filles commise par le régime des Taliban, évoquant un « apartheid de genre ». Il a également alerté sur la situation des réfugiés afghans, regrettant qu’elle ne soit pas documentée dans les pays voisins qui pourtant sont confrontés à ce défi. Enfin, il a dénoncé les arrestations arbitraires et les assassinats extrajudiciaires ainsi que la torture d’anciens membres des forces de sécurité et de civils accusés d’être associés à des groupes opposés aux Taliban, invitant le Haut-Commissaire à se positionner à ce sujet.
Pour finir, l’Inde a accusé le Pakistan de détourner l’attention des droits humains. Après avoir dénoncé une violence institutionnalisée dans ce pays contre les minorités chrétienne, hindoue et sikh, ainsi que les enlèvements de femmes conduisant à des mariages et conversions forcés, elle a réaffirmé que le Jammu-et-Cachemire fait partie intégrante de l’Inde. À cet égard, la délégation a dénié au Pakistan le droit de parler de ses « affaires intérieures ».
Répondant à ces questions et commentaires, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme a souligné que son approche repose sur le principe de non-discrimination qui, a-t-il ajouté, doit apporter la justice pour tous, sans distinction aucune. Évoquant la situation au Proche-Orient, il a fait part du désarroi et du choc profonds éprouvés quant aux actes inqualifiables de « forces armées palestiniennes » contre les civils israéliens. S’il a dit comprendre les griefs du peuple palestinien, il a souligné que rien ne justifiait ces actes de terrorisme, avant d’appeler à la libération immédiate des otages. Reconnaissant les préoccupations légitimes d’Israël en matière de sécurité, il a rappelé que les opérations militaires devaient être conduites dans le plein respect du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme. « Les premières victimes sont les populations civiles israéliennes comme palestiniennes », a-t-il ajouté, appelant à briser le cercle vicieux des bains de sang, de la haine et de l’antagonisme.
Le Haut-Commissaire s’est inquiété des tensions géopolitiques et d’une vision binaire du monde du type « vous êtes avec moi ou vous êtes contre moi ». Cette vision en noir et blanc ne permet pas de faire avancer les droits humains, qui pourraient être les victimes collatérales de ces tensions, a-t-il averti. Concernant la politisation, il a affirmé que rien ne se fait en dehors d’une volonté politique engagée en faveur des droits humains et qu’elle était donc inévitable. Il a ajouté que le Haut-Commissariat était très utile pour sonner l’alarme en cas de risque de conflit, rappelant en outre l’importance de la justice transitionnelle pour sortir des conflits et du cycle de la guerre.
Constatant que cette année, l’Assemblée générale et le Conseil des droits de l’homme avaient demandé un nombre record de 99 rapports, il s’est inquiété du sous-financement du Haut-Commissariat, notant que la plupart des rapports n’étaient pas financés sur le budget ordinaire. Il a également appelé à financer le programme des conseillers en droits humains afin de pouvoir réellement intégrer les droits humains aux objectifs de développement durable (ODD).
Passant ensuite aux situations particulières, le Haut-Commissaire a regretté la détérioration de la situation au Myanmar, notamment concernant les Rohingya, et a indiqué qu’il avait demandé au Conseil de sécurité de renvoyer ce dossier devant la Cour pénale internationale (CPI), la junte militaire ne respectant pas le plan en cinq points de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). Il a déploré les « persécutions de genre systémiques » en Afghanistan, et appelé à veiller à ce que la présence de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) ne soit pas menacée. Concernant la Géorgie, il a demandé à pourvoir accéder à l’Abkhazie et à l’Ossétie du Sud. À propos de l’exode des Arméniens de souche du Haut-Karabakh, il a affirmé être en contact avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan pour tenter de faire respecter les droits humains dans cette situation mouvante. Il a ensuite rappelé les recommandations concernant le Jammu-et-Cachemire et demandé au Pakistan et à l’Inde de le laisser accéder aux zones qu’ils contrôlent respectivement. Il a par ailleurs estimé que la situation en Iraq et en Somalie permettait de constater à quel point les plus vulnérables sont les premières victimes des changements climatiques, évoquant notamment des pénuries d’eau et des températures insupportables de plus de 50 degrés Celsius. Il s’est félicité de l’accès qu’on lui avait accordé à des centres de détention en Iraq, y voyant la preuve de l’utilité des visites de terrain.
Abordant les aspects thématiques, le Haut-Commissaire s’est tout d’abord intéressé au droit à un environnement propre, sain et durable, précisant qu’un document venait d’être publié en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Il a rappelé que la pollution tuait 9 à 10 millions de personnes chaque année et que des tribunaux commençaient à s’intéresser à ce droit. Concernant les questions de paix et sécurité, il a affirmé que les droits humains constituaient un indicateur d’alerte précoce important. Il a également appelé à analyser plus précisément l’impact des mesures coercitives unilatérales sur les droits humains, notamment quand elles concernaient l’aide humanitaire. Se félicitant de l’abolition de la peine de mort dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, il a encouragé tous les États à revoir leur politique en la matière. Répondant à l’Iran, il a indiqué qu’une résolution sur la famille était en cours de négociation, mettant en avant le rôle de la famille dans l’atténuation de la pauvreté. Une résolution est également en négociation au Conseil des droits de l’homme sur le droit au développement et les droits socioéconomiques et culturels, a-t-il ajouté, tout en précisant qu’il ne devait pas y avoir de hiérarchie des droits.