Troisième Commission: le Président de l’Assemblée générale appelle à tirer parti des droits humains pour atteindre les objectifs de développement durable
Venu souligner l’importance du travail de la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, en ces « temps difficiles », le Président de l’Assemblée générale a appelé, ce matin, à tirer parti des droits humains pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD) y voyant « les deux faces d’une même médaille ».
M. Dennis Francis s’est notamment alarmé de la situation « très préoccupante » de la question du genre, notant que les pratiques néfastes et la discrimination fondée sur le sexe ont doublé et que 54% des pays n’ont toujours pas de lois dans tous les domaines clefs de l’égalité des sexes. Cet écart en matière de pouvoir et de leadership est visible à tous les niveaux, y compris à l’Assemblée générale, a déploré le dignitaire qui a fait part de son intention de rétablir le Conseil consultatif pour l’égalité des genres de la présidence de l’Assemblée générale.
Les délégations ont ensuite dialogué avec trois titulaires de mandat, dont la Rapporteuse spéciale sur l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille qui a regretté la faiblesse de la réponse des États Membres aux recommandations qu’elle a formulées durant ses six années d’exercice. Elle s’est notamment inquiétée de la prévalence de la discrimination, relevant que dans le monde, une centaine de lois en place discriminent activement les malades, qui n’ont accès ni à la justice, ni à aucune fonction publique, et sont discriminés jusque dans les services publics.
Elle s’est également inquiétée de l’absence de technologie médicale pour assurer la guérison des malades, ainsi que du manque de données sur la lèpre. En outre, bien des gouvernements n’ont pas conscience des enjeux, voire de l’existence même de cette maladie dont « tout le monde a tendance à penser qu’elle n’existe plus », a déploré la Rapporteuse spéciale qui a appelé à inscrire la lèpre dans le Programme 2030.
Au préalable, la Présidente du Comité des droits économiques, sociaux et culturels a alerté que le manque de ressources entrave l’examen des rapports des États parties dans le temps imparti, précisant que 32 rapports sont actuellement en souffrance, en partie en raison du report intervenu pendant la pandémie de COVID-19. Se disant très préoccupée par la situation, elle a ajouté que le Comité restait confronté à des absences de présentation ou à des présentations tardives de rapports, certains ayant plus de 10 ans de retard, regrettant en outre que certains États n’aient toujours pas présenté leurs rapports initiaux, depuis 25 ans pour certains.
Lui faisant écho, la Présidente du Comité des droits de l’homme a indiqué que le nombre de dossiers en souffrance était passé de 1 178 à la fin de 2019 à 1 200 à la fin de 2022, et que les ressources humaines mises à disposition n’avaient pas suivi le rythme de cette charge de travail croissante. La situation actuelle nuit à la crédibilité du Comité et une fatigue professionnelle gagne le personnel qui est « de plus en plus malade », a-t-elle alerté. « Le Comité a atteint ses limites, et il faut en tenir compte lors de l’évaluation budgétaire », a plaidé la Présidente qui a dit attendre un plus grand engagement de la part des États parties pour garantir le financement adéquat du système des organes conventionnels sur la base du budget ordinaire de l’ONU.
Avant de lever la séance, la Troisième Commission a achevé sa discussion générale sur les droits des peuples autochtones. À cette occasion, le Venezuela, qui s’est enorgueilli d’abriter 44 peuples autochtones parlant plus de 36 langues, toutes officiellement reconnues, a appelé les États Membres à s’unir pour défendre les peuples autochtones historiquement exclus. La colonisation a laissé un héritage de douleur qui doit être racheté par une conscience historique et planétaire, honorant les peuples autochtones pour leur résistance courageuse et déterminée, a-t-il martelé, estimant que les demandes de réparation devraient être entendues par des puissances coloniales qui « tentent d’oublier et d’échapper à leurs dettes sous couvert d’anachronisme ».
La Troisième Commission poursuivra son examen de la promotion et de la protection des droits humains demain, jeudi 12 octobre, à partir de 10 heures.
ALLOCUTION DU PRÉSIDENT DE LA SOIXANTE-DIX-HUITIÈME SESSION DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
M. DENNIS FRANCIS, Président de la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale, a souligné l’importance du travail de la Troisième Commission en ces « temps difficiles », marqués par les inégalités croissantes, les catastrophes dévastatrices et les tragédies de la guerre. Ces questions, a-t-il souligné, sont intrinsèquement liées aux principes fondamentaux des droits humains, qui sont au cœur même de l’Organisation des Nations Unies et de tout ce qu’elle représente. M. Francis a saisi l’occasion de cette allocution pour rappeler la célébration, cette année, du soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du trentième anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne, annonçant qu’il remettra, le 15 décembre, le Prix des Nations Unies pour la cause des droits de l’homme. Décerné à des individus et des organisations en reconnaissance de leurs accomplissements exceptionnels, ce prix honorifique représente, à ses yeux, un message important adressé aux défenseurs des droits humains du monde entier, qui doivent pouvoir mener leur travail sans crainte, représailles ou intimidation.
Après avoir réaffirmé « notre engagement personnel et institutionnel » envers les principes de la Déclaration universelle adoptée voilà 75 ans, le Président de l’Assemblée générale a rappelé que, le mois dernier, les chefs d’État et de gouvernement ont renouvelé leur engagement à atteindre les objectifs de développement durable (ODD) d’ici à 2030. Dans ce cadre, il a appelé à tirer parti des droits humains pour atteindre les ODD car, a-t-il dit, ils représentent « les deux faces d’une même médaille ».
Alertant sur la situation « très préoccupante » de la question du genre, M. Francis a relevé qu’aucun des indicateurs de l’ODD no 5 sur l’égalité des sexes n’est près d’être atteint. Les pratiques néfastes et la discrimination fondée sur le sexe ont doublé et 54% des pays n’ont toujours pas de lois dans tous les domaines clefs de l’égalité des sexes, a-t-il déploré. Cet écart en matière de pouvoir et de leadership est visible à tous les niveaux, y compris à l’Assemblée générale, a constaté M. Francis. Se présentant comme un « champion du genre », il a dit avoir convoqué la deuxième réunion annuelle de la Plateforme des dirigeantes à l’Assemblée générale pour souligner l’importance et le rôle du leadership des femmes dans la réalisation des ODD. Il a ajouté que son Envoyé spécial fera également office de Conseiller spécial sur l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, et qu’il rétablira et convoquera prochainement le Conseil consultatif pour l’égalité des genres de la présidence de l’Assemblée générale.
Sur le plan humanitaire, M. Francis s’est alarmé du nombre record de personnes, estimé à quelque 350 millions, touchées par les multiples crises qui secouent le monde, accentuées par le récent tremblement de terre dévastateur en Afghanistan et la détérioration de la situation au Moyen-Orient. Ces crises soulignent l’ampleur et la complexité des défis auxquels le système humanitaire mondial doit faire face au quotidien, a-t-il observé, attirant l’attention sur les entraves posées aux opérations humanitaires en raison des contraintes de ressources.
À cet égard, le Président de l’Assemblée générale a rappelé qu’il manque encore 70% des fonds requis dans le cadre de l’appel humanitaire mondial pour répondre à ces besoins urgents. De plus, les travailleurs humanitaires sont menacés par des attaques lancées contre eux et contre les infrastructures civiles, en violation du droit international humanitaire, a-t-il dénoncé, implorant les États Membres à respecter les principes humanitaires dans tous les conflits.
Enfin, après avoir engagé la Troisième Commission à partager ses conclusions avec la Cinquième Commission le plus rapidement possible pour qu’elle puisse prendre en compte ses contributions, il a félicité la Commission chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles pour avoir réservé un large espace aux jeunes. Un compliment apprécié par le Président de la Commission, qui l’a assuré de sa volonté d’ouvrir cette instance à la voix de la jeunesse. Concluant cet échange, M. Alexander Marschik, de l’Autriche, a fait tinter sa « cloche des Alpes » pour saluer la visite du Président de l’Assemblée générale.
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS (A/78/198)
Déclaration liminaire de la Présidente du Comité des droits l’homme
Mme TATIANA ABDO ROCHOLL, Présidente du Comité des droits l’homme, a présenté le rapport annuel de l’organe (A/78/40) par visioconférence depuis Genève.
Elle a fait savoir que dans le cadre de la procédure de présentation de rapports, le Comité a dialogué avec 18 États parties et procédé à l’examen de 25 rapports, soit 10 de plus que l’an dernier. En outre, le Comité a adopté 11 listes de points à traiter concernant les rapports initiaux ou périodiques et 3 listes de points à traiter avant le rapport dans le cadre de la procédure simplifiée de présentation des rapports.
Elle a rappelé que depuis 2019, le Comité s’est engagé dans la voie d’un cycle d’examen prévisible de huit ans, l’objectif étant d’améliorer la prévisibilité et d’assurer la présentation régulière de rapports par tous les États parties. Bien que la mise en œuvre de ce nouveau calendrier ait été retardée par la pandémie de COVID-19, elle s’est félicitée du nombre élevé de rapports soumis par les États parties, dont certains après plusieurs années de retard, synonyme selon elle d’un engagement à mettre en œuvre les droits consacrés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. À ce jour, 33 rapports sont en attente d’examen par le Comité qui a par ailleurs adopté 181 décisions au cours de la période considérée.
La Présidente a ensuite signalé que le nombre de dossiers en souffrance augmente, passant de 1 178 à la fin de 2019 à 1 200 à la fin de 2022. Le Comité recevant le plus grand nombre de plaintes individuelles de l’ensemble du système des organes conventionnels, il s’efforce donc, avec l’aide de la section des pétitions, d’ajuster et d’améliorer ses méthodes de travail. Notant, cependant, que les ressources humaines mises à la disposition de cette entité n’ont pas suivi le rythme de la charge de travail croissante du Comité, elle a plaidé en faveur d’une augmentation des capacités humaines de la section des pétitions. La situation actuelle nuit à la crédibilité du Comité en tant que forum capable d’offrir des solutions rapides aux victimes de violations des droits humains, a-t-elle signalé. Également préoccupée par la fragilité de la situation financière, elle a dit attendre un plus grand engagement de la part des États parties pour garantir le financement adéquat du système des organes conventionnels sur la base du budget ordinaire de l’ONU.
Dialogue interactif
Donnant le coup d’envoi à cet échange, le Mexique s’est intéressé aux mesures innovantes que les États peuvent prendre pour rendre les droits civils et politiques effectifs. Le Paraguay a voulu savoir comment le Comité pourrait collaborer avec les États parties pour rendre ses travaux encore plus efficaces. Les États-Unis ont demandé à la Présidente des précisions sur les mesures mises en place pour résorber le retard dans le traitement des communications, s’inquiétant par ailleurs d’un service d’interprétation trop cher.
L’arriéré dans le traitement des rapports des États parties a également préoccupé le Cameroun, qui a souhaité connaître les avantages de la pratique des points focaux mise en place récemment, de même que le Costa Rica, qui a noté que l’accumulation des communications en attente est passée de 746 en 2018 à plus de 1 200 aujourd’hui. Il a aussi voulu savoir comment le Comité comptait renforcer sa coopération avec les mécanismes régionaux des droits humains.
Prenant note des demandes de financement supplémentaires, la Fédération de Russie a incité la Présidente à se concentrer sur son mandat et à ne pas l’outrepasser, marquant son opposition à toute tentative de politisation des organes conventionnels. Comment assurer la participation pleine et entière de tous les États Membres? a questionné ensuite l’Union européenne, qui a aussi voulu connaître les mesures concrètes mises en œuvre pour numériser les travaux, notamment en ce qui concerne les communications.
Répondant aux questions soulevées par les délégations, la Présidente du Comité des droits de l’homme a indiqué que la plateforme numérique mise à disposition par le Comité permet aux États parties d’élaborer des indicateurs, et d’établir un diagnostic objectif en matière de promotion des droits humains. Elle a également rappelé que le calendrier établi sur huit ans permet aux États de se préparer comme il se doit, notamment en ce qui concerne leur dialogue avec la société civile. Elle a aussi assuré que le Comité fait tout ce qui est en son pouvoir pour régler les problèmes liés au multilinguisme.
Soulignant de nouveau que les affaires augmentent alors que les ressources humaines, elles, n’augmentent pas, elle a alerté qu’une fatigue professionnelle gagne le personnel, et que cette situation affecte sa santé. « Tenez-en compte », a-t-elle plaidé, notant que le Comité a besoin d’appui en termes de numérisation, laquelle permettra une utilisation optimale du talent humain disponible. Mais en attendant, le personnel est de plus en plus malade, et je n’exagère pas, a-t-elle lancé. Le Comité a atteint ses limites, et il faut en tenir compte lors de l’évaluation budgétaire.
Déclaration liminaire de la Présidente du Comité des droits économiques, sociaux et culturels
Mme LAURA CRACIUNEAN-TATU, Présidente du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, venue présenter le rapport annuel du Comité pour 2022 (E/2023/22), a indiqué que le rapport 2023 serait adopté à la fin de cette semaine et soumis au Conseil économique et social (ECOSOC) en 2024. Elle s’est plainte d’un manque de ressources, qui entrave l’examen des rapports des États parties dans le temps imparti et empêche le Comité de fournir une liste de questions préalables à tous les États désireux de choisir la procédure simplifiée d’établissement des rapports.
Actuellement, 32 rapports d’États parties sont en attente d’examen, ce qui s’explique en partie par le report intervenu pendant la pandémie de COVID-19, a-t-elle indiqué. Se disant très préoccupée par la situation, elle a ajouté que le Comité restait confronté à des absences de présentation ou à des présentations tardives des rapports de la part des États, certains ayant plus de 10 ans de retard. Elle a regretté que certains États n’aient toujours pas présenté leurs rapports initiaux, depuis 25 ans pour certains, et proposé l’aide des équipes de pays des Nations Unies et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) en vue d’y parvenir. Elle a demandé des ressources supplémentaires pour traiter les communications individuelles, ajoutant que sur les 171 États parties au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, seuls 27 avaient reconnu la compétence du Comité pour recevoir des communications individuelles. Notant la stagnation du nombre de ratifications, elle a appelé les États parties à ratifier le Protocole facultatif.
Afin de réformer le travail des organes conventionnels, un document de travail a été soumis par le HCDH avant la trente-cinquième Réunion annuelle des présidents des organes conventionnels en mai 2023, a-t-elle rappelé, indiquant qu’il avait été qualifié « d’étape importante » en vue de fournir des éléments pour la prochaine résolution biennale de l’Assemblée générale sur le système des organes conventionnels relatifs aux droits de l’homme en décembre 2024.
Elle a ensuite souligné l’importance de la déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme et des droits économiques, sociaux et culturels, adoptée par le Comité en 2016, à l’heure où ils affrontent des défis de plus en plus sévères.
Dialogue interactif
Préoccupée par le sort des femmes et des filles migrantes et les personnes LGBTQI+, la Macédoine du Nord a souhaité savoir ce que fait le Comité face au rejet des droits des personnes appartenant à ces catégories. De son côté, l’Union européenne a demandé à la Présidente quelles mesures avaient été prises de concert avec les autres organes conventionnels pour éviter les chevauchements, s’intéressant en outre au rôle de la numérisation dans l’appui au mandat.
El Salvador a souhaité savoir quelles stratégies le Comité recommande en situation de crise et d’urgence pour fournir une réponse plus inclusive et équitable qui tienne compte des catégories les plus vulnérables. Et qu’en est-il des mesures prises par le Comité pour appuyer les États dans la réalisation des objectifs de développement durable (ODD)? a ajouté le Cameroun, suivi de la Chine qui a assuré qu’elle participera avec le Comité à la promotion des droits humains dans le monde.
Relevant que d’ici à 2030, 84 millions d’enfants ne seront pas scolarisés, et 300 millions ne finiront pas leur enseignement primaire, l’Algérie a demandé à la Présidente comment elle comptait répondre à cette situation alarmante. La délégation a également souhaité savoir si les cinq domaines clefs qui fondent la vision du Comité s’accompagnent d’indicateurs pour évaluer les progrès.
Préoccupée par le nombre de rapports en souffrance, la Malaisie a souhaité savoir combien de temps serait nécessaire pour résorber ce retard, avant de s’enquérir de la manière dont le Comité prévoit d’élargir la participation au Pacte. Envisagez-vous d’introduire une procédure d’examen simplifiée? a demandé l’Union européenne. La Fédération de Russie a affirmé, pour sa part, que les mesures unilatérales coercitives violent la jouissance des droits économiques et culturels et a appelé le Comité à se saisir de cette problématique. Enfin, le Portugal s’est intéressé aux moyens d’édifier une économie mondiale fondée sur les droits humains.
En réponse aux questions et observations des États Membres, la Présidente du Comité des droits économiques, sociaux et culturels a mis en avant l’intérêt des observations générales issues de l’examen des rapports des États parties. Celles-ci sont très utiles, car elles permettent une compréhension cohérente et concertée des travaux du Comité, a-t-elle fait valoir. Actuellement, le Comité travaille sur trois observations, dont une qui a trait au Pacte et au développement durable, assurant qu’une fois adoptée, cette observation fournira des réponses à de nombreuses questions qui se posent « à nous tous aujourd’hui ». La deuxième observation est encore à l’état d’examen. Quant à la troisième, elle se penche sur les droits économiques et sociaux dans les contextes de conflit armé.
S’agissant des procédures simplifiées dans la présentation des rapports, la Présidente a expliqué que le Comité compte l’élargir à tous les États parties qui le souhaitent, signalant toutefois que le manque de ressources entrave sa mise en œuvre consistante. Elle a ensuite exhorté les États qui ne l’ont pas encore fait, à ratifier le Protocole facultatif, afin d’établir une jurisprudence générale en ce qui concerne les droits inscrits dans le Pacte.
Déclaration liminaire de la Rapporteuse spéciale sur l'élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre (maladie de Hansen) et des membres de leur famille
Mme ALICE CRUZ, Rapporteuse spéciale sur l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre (maladie de Hansen) et des membres de leur famille, est revenue sur ses six années d’exercice en tant que première titulaire de ce mandat, constatant avec regret que la réponse des États Membres à ses recommandations n’a été que « faible », malgré leur engagement à ne laisser personne de côté d’ici à 2030. Se disant consciente des défis structurels auxquels sont confrontés les pays à revenu faible ou intermédiaire, où la lèpre (également connue sous le nom de maladie de Hansen) est répandue, elle a affirmé quitter ses fonctions avec le sentiment que « ceux qui n’ont aucun pouvoir de négociation, parce qu’ils ont été activement invisibilisés par des pratiques médicales autoritaires liées au colonialisme, sont facilement considérés comme non prioritaires ».
M. Cruz a indiqué qu’au cours des années écoulées, elle s’est employée à présenter des preuves de l’omniprésence de la discrimination formelle et substantielle à l’encontre de ce groupe de personnes, notamment le déni systémique de leur droit à accéder aux opportunités sur un pied d’égalité avec les autres dans des domaines tels que la santé, l’éducation, le travail, la protection sociale et l’accès à la justice. Elle a aussi fourni des preuves de la violence physique, psychologique et sexuelle, en particulier contre les femmes et les enfants touchés par la lèpre, et de la façon dont les stéréotypes néfastes sur la maladie peuvent menacer les droits et libertés fondamentaux.
Au fil des ans, elle a dit avoir identifié une lacune majeure dans l’offre de recours et de réparations pour les violations actuelles et passées des droits de l’homme à l’encontre des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille, à savoir le simple respect des obligations des États de ne pas discriminer les personnes touchées par la maladie de Hansen et les membres de leur famille, qui reste « insuffisant pour remédier correctement aux violations des droits humains que subit ce groupe de personnes extrêmement marginalisées et historiquement ostracisées ».
Abordant le volet des solutions, la Rapporteuse spéciale a recommandé aux États concernés d’élaborer et d’adopter des cadres juridiques antidiscriminatoires, pour lesquels son rapport fournit des orientations sur des questions clefs, telles que le droit à la participation et une approche intersectionnelle des motifs protégés. Elle a rappelé à cet égard que la non-discrimination est un principe fondamental du droit international des droits de l’homme.
Pour autant, a-t-elle poursuivi, il ne suffit pas que les États se contentent de ne pas discriminer ce groupe de personnes: ils doivent aussi prendre toutes les mesures nécessaires pour que le principe de non-discrimination soit mis en œuvre et garanti par tous. Les États ont donc « l’obligation positive » de lutter contre la discrimination dans les différents domaines de la vie, y compris les pratiques coutumières fondées sur les religions locales, a plaidé Mme Cruz.
La Rapporteuse spéciale a précisé que son rapport identifie les cadres juridiques des 23 pays prioritaires identifiés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour l’action contre la lèpre. Il en ressort selon elle des lacunes considérables dans la législation antidiscriminatoire générale et dans la législation spécifique à la maladie de Hansen. Si les 23 pays disposent tous de dispositions constitutionnelles concernant le droit à l’égalité et à la non-discrimination, très peu traduisent ces dispositions en droit national, a-t-elle déploré.
Mme Cruz s’est néanmoins réjouie que les personnes touchées par la maladie de Hansen et les organisations qui les représentent s’approprient de plus en plus ce récit, ainsi que les activités visant à faire valoir leurs droits, en particulier aux niveaux infranational et national. Il est essentiel d’assurer la continuité de l’intégration de la question de cette maladie dans les mécanismes pertinents des droits de l’homme, ainsi que dans le développement et le renforcement de la capacité des organisations de personnes touchées à interagir avec ces mécanismes, a ajouté la Rapporteuse spéciale. À ses yeux, il faut aussi veiller à ce que les États concernés coopèrent plus étroitement à l’examen de leurs cadres et politiques juridiques et à l’évaluation de leurs lacunes.
Regrettant enfin qu’un certain nombre de pays n’aient pas encore répondu positivement à sa demande de visite depuis des années, la Rapporteuse spéciale leur a demandé en conclusion d’inviter sans délai son successeur.
Dialogue interactif
À la suite de cette présentation, l’Union européenne a noté avec satisfaction que 23 États ont été qualifiés de prioritaires par le rapport de l’OMS et a appelé à collecter plus de données. Elle s’est interrogée sur les moyens d’aider les États à mieux intégrer les personnes affectées par la lèpre et la famine aux processus de prise de décisions afin de réduire la stigmatisation. Le Brésil a rappelé qu’il avait adopté une loi antidiscrimination et listé une série d’actions entreprises visant à limiter la marginalisation des personnes atteintes de maladies socialement stigmatisées. Le Japon a ensuite voulu connaître les bonnes pratiques afin d’aider les États à adopter l’approche fondée sur la personne que prône la Rapporteuse spéciale. La Chine a indiqué qu’elle avait introduit un diagnostic et une prise en charge gratuite pour la lèpre et des mesures pour préserver les droits à l’éducation et au travail. Elle s’est dite prête à partager son expérience, notamment en ce qui concerne la prévention.
Le Portugal a, pour sa part, demandé si des améliorations avait été observées en matière de lutte contre les discriminations dans les États les plus affectés par la lèpre. Il a aussi voulu savoir si elle affectait la réalisation des ODD. De son côté, l’Ordre souverain de Malte a détaillé son dispositif de lutte contre la lèpre, qui se traduit notamment par la fourniture de traitements à 33 000 personnes par an. Il a également fait part de l’ouverture d’un établissement en Angola et de recherches sur la maladie à Malte.
Répondant aux questions soulevées par les délégations, la Rapporteuse spéciale sur l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille a tout d’abord fait remarquer à la Chine que la discrimination concerne aussi la production de médicaments contre la maladie de Hansen. En effet, a-t-elle expliqué, nous ne disposons toujours pas de technologie médicale pour assurer la guérison aux malades. Elle a ensuite tenu à féliciter le Japon et Brésil, seuls États à avoir mis en place des mesures contre la ségrégation dont souffrent les personnes atteintes de la lèpre.
Répondant à une problématique abordée par l’Union européenne, Mme Cruz a rappelé le manque de données disponibles au sujet de la maladie de Hansen. De fait, une cartographie de la discrimination découlant de cette maladie continue de faire défaut, a-t-elle déploré. Elle a également déclaré avoir constaté au cours de ses déplacements que bien des gouvernements n’ont pas conscience des enjeux, voire de l’existence même de cette maladie. « Tout le monde a tendance à penser que cette maladie n’existe plus », a insisté la Rapporteuse spéciale, pour qui il est urgent de l’inscrire dans la catégorie des maladies qui doivent être surveillées par les mécanismes de suivi.
Mme Cruz a ensuite appelé de ses vœux une sensibilisation sur cette question, de la société civile jusqu’à l’ensemble des échelons décisionnels, avant de s’émouvoir du fait que les enfants atteints par la maladie de Hansen sont parfois abandonnés par leurs propres familles, relégués dans des léproseries où ils sont soumis à toutes formes de violences, y compris sexuelles. Dans le monde, a-t-elle ajouté, une centaine de lois en place discriminent activement les malades, qui n’ont accès ni à la justice, ni à aucune fonction publique, et sont discriminés jusque dans les services publics. « Les fonctionnaires comme les agents de la santé ne veulent même pas les rencontrer car ils ont peur. »
Alors que personne ne veut ou ne sait diagnostiquer cette maladie puisque l’on suppute qu’elle n’existe plus, les malades se retrouve « déshumanisés » car totalement oubliés par les États, a poursuivi la Rapporteuse spéciale, selon laquelle la maladie de Hansen n’est pas seulement une question de santé mais aussi une préoccupation liée aux droits humains. « Inscrivons cette maladie dans le Programme 2030 et rappelons l’intersection qui existe entre les discriminations de genre, contre les enfants et les handicapés, et celles que subissent les personnes atteintes de la maladie de Hansen, a-t-elle exhorté.
Avant de conclure, Mme Cruz a noté que, trop souvent, les pays en développement n’appréhendent le développement que sous le prisme de la seule croissance économique. Or celle-ci n’atteint pas nécessairement les plus vulnérables, d’où l’urgence absolue d’inclure les droits humains dans le développement, a-t-elle plaidé.
DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES
Suite de la discussion générale
Mme BLANDINA RUTH VIDITHA ADELEIDE PELLA (Indonésie) a réitéré la volonté de son pays de sauvegarder les traditions et les cultures des communautés autochtones. À ce sujet, elle a souhaité lever les « ambiguïtés » du rapport concernant les différends fonciers et les questions potentielles de droits humains en Indonésie, invitant le Rapporteur spécial à produire des rapports « plus objectifs et impartiaux ».
L’Indonésie s’enracine dans un « principe d’unité dans la diversité », a précisé la représentante, selon laquelle le Gouvernement indonésien favorise un environnement où les communautés peuvent maintenir leur mode de vie. Cette volonté s’illustre notamment à travers la reconnaissance de croyances traditionnelles et l’encouragement à pratiquer le droit coutumier, a-t-elle expliqué, ajoutant que le Ministère du développement humain et de la culture, établi en 2021, vise à renforcer les pratiques traditionnelles, sans discrimination.
Après avoir évoqué la constitution d’une équipe de coordination composée de 23 ministères et institutions pour combler le fossé entre les autorités et les communautés autochtones, la déléguée a rappelé l’intérêt porté par son gouvernement à l’éducation aux coutumes locales, faisant état d’une initiative menée dans neuf provinces à l’intention des jeunes et des universitaires. En conclusion, elle a jugé important de respecter la diversité qui existe « en notre sein », toutes les cultures et identités ayant « une place spécifique dans la mosaïque de l’humanité ».
Mme CELIA KAFUREKA NABETA (Ouganda) a indiqué que les populations autochtones sont protégées par la Constitution ougandaise de 1995. Elle a ajouté qu’une loi sur la terre reconnaît les droits de propriété coutumière et que la législation nationale sur l’environnement exige que les droits et les intérêts des peuples autochtones soient pris en compte. La déléguée a rappelé que, lors de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones de 2014, les États Membres se sont engagés à élaborer des plans d’action nationaux, des stratégies ou d’autres mesures dans le prolongement de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Cet engagement, a-t-elle dit, a permis à l’Ouganda de réaliser des progrès en la matière, notamment la mise en place en 2019 d’un comité national de référence des peuples autochtones.
L’Ouganda a par ailleurs entrepris plus de 12 consultations régionales afin de recueillir l’avis des communautés autochtones sur leurs besoins et leurs priorités, a poursuivi la représentante, selon laquelle ce travail s’est traduit par le lancement d’un plan prévoyant, entre autres mesures, le renforcement du partenariat entre le Gouvernement et les communautés autochtones. La déléguée a cependant reconnu qu’en dépit de ces efforts, la plupart des populations autochtones de l’Ouganda vivent toujours dans la pauvreté, avec des niveaux élevés d’analphabétisme, des soins de santé limités et une insécurité résultant de l’accaparement des terres par les éleveurs.
M. ROBERT ALEXANDER POVEDA BRITO (Venezuela) a affirmé que la commémoration de la Journée de la résistance autochtone, qui sera célébrée demain, jeudi 12 octobre, au Venezuela, était un hommage aux peuples autochtones du pays qui se sont opposés à la colonisation, rappelant au passage que ce phénomène perdurait aujourd’hui. Il a qualifié la défense des droits des peuples autochtones de lutte permanente après un processus de colonisation territoriale, religieuse et culturelle ayant entraîné le génocide le plus atroce de l’histoire de l’humanité. Le délégué a rappelé que la Constitution vénézuélienne consacre le caractère pluriculturel et multiethnique de son pays, qui abrite 44 peuples autochtones parlant plus de 36 langues, toutes officiellement reconnues. Les politiques publiques du Venezuela accordent une reconnaissance spéciale à leur culture et à leur patrimoine, mettant l’accent sur la préservation de leur diversité et de leurs particularités et sur leur participation à la prise de décisions. Il a regretté que les peuples autochtones soient également victimes de l’imposition de mesures coercitives unilatérales qui entravent leur accès aux programmes économiques et sociaux.
Face à la crise systémique d’un modèle économique fondé sur l’exploitation, aux ravages de la pandémie de COVID-19 et aux tentatives d’établir une hégémonie, il a appelé les États Membres à s’unir pour défendre les peuples autochtones historiquement exclus. La colonisation a laissé un héritage de douleur qui doit être racheté par une conscience historique et planétaire, honorant les peuples autochtones pour leur résistance courageuse et déterminée, a-t-il martelé, estimant que les demandes de réparation devraient être entendues par des puissances coloniales qui « tentent d’oublier et d’échapper à leurs dettes sous couvert d’anachronisme ».
Mme AVITAL MIMRAN ROSENBERG (Israël) a commencé par rappeler qu’au deuxième étage du bâtiment de l’ONU à New York est exposée une pierre provenant d’une synagogue de la Galilée occidentale, un présent offert par l’État d’Israël il y a 25 ans pour marquer le cinquantième anniversaire de son admission aux Nations Unies. Cette pierre, qui date de la fin de la période romaine et du début de l’ère byzantine, il y a environ 2 000 ans, n’est pas l’objet archéologique le plus ancien qui montre le lien historique du peuple juif avec la terre d’Israël, a-t-elle expliqué. Ce vestige a, en revanche, une signification particulière, à ses yeux, en ces temps de célébrations de Soukkot, fête religieuse de sept jours qui vient de se transformer en un « véritable cauchemar » pour son pays.
De fait, a-t-elle relaté, des milliers de bombes sont tombées de manière indiscriminée sur les villes israéliennes, infiltrées par des centaines de terroristes du Hamas qui ont déclenché un « pogrom sauvage » d’une ampleur sans précédent, assassinant et tuant à bout portant des familles entières.
Les atrocités se sont multipliées et plus de 150 Israéliens, enfants, femmes et personnes âgées, dont des survivants de l’Holocauste, ont été enlevés et sont aujourd’hui détenus à Gaza, a poursuivi la représentante.
Tous ces actes inhumains, diffusés dans les médias sociaux, démontrent la haine profonde du Hamas, une « organisation terroriste génocidaire », semblable à Daech ou Al-Qaida, qui ne poursuit qu’un seul objectif: l’annihilation de l’État juif, a conclu la déléguée, pour qui cette affirmation « n’est pas une hypothèse mais le contenu de la charte du Hamas ».
Mme MARISSA DEL ROSARIO BLACKETT, de l’Ordre souverain de Malte, a rappelé que les communautés autochtones ont subi des discriminations systématiques et ont été dépossédées de leurs maisons et de leurs ressources ancestrales. Elle a d’autre part relevé que leurs connaissances et pratiques traditionnelles ont fait d’elles les gardiennes essentielles d’un savoir écologique précieux, contribuant à la gestion durable des ressources, à la préservation de la biodiversité et à l’atténuation des changements climatiques. Soulignant leur vulnérabilité accrue à cause de la pandémie de COVID-19, elle a appelé à mettre en œuvre des politiques ciblées pour remédier aux inégalités existantes en matière d’accès à la santé, à l’éducation et aux opportunités économiques.
La représentante a ensuite indiqué que, depuis 2014, la division d’aide humanitaire « Malteser International Americas » a travaillé sans relâche avec le peuple autochtone Wayuu, dans le nord de la Colombie, dont les terres ancestrales s’étendent à la fois sur la Colombie et le Venezuela. Pendant la pandémie, des formations sur l’eau, l’assainissement et l’hygiène ont été dispensées et des réservoirs d’eau réparés, a-t-elle expliqué, ajoutant que des actions contre la malnutrition infantile et la santé mentale ont également été menées. « Le bien-être des peuples autochtones est intrinsèquement lié au bien-être de notre planète », a-t-elle ajouté, estimant qu’il importe non seulement de reconnaître leur bonne gestion de l’environnement, mais aussi de faire progresser leurs droits humains.