En cours au Siège de l'ONU

La Sixième Commission reçoit la visite du Président de l’Assemblée générale et se divise sur le principe de compétence universelle

Soixante-dix-huitième session,
12e séance plénière - matin
AG/J/3692

La Sixième Commission reçoit la visite du Président de l’Assemblée générale et se divise sur le principe de compétence universelle

La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a reçu, ce matin, la traditionnelle visite du Président de l’Assemblée générale pour la session en cours, avant d’entamer son débat sur la portée et l’application de la compétence universelle.  M. Dennis Francis a souligné l’importance des travaux de la Commission pour la poursuite des objectifs de paix et de justice de l’ONU « alors que notre système multilatéral est mis à mal ».  « Les situations au Moyen-Orient, en Afrique et en Haïti nous servent de piqûres de rappel: la paix n’est pas un acquis », a-t-il averti. 

Les travaux de la Sixième Commission sur la protection des personnes en cas de catastrophe jouent un rôle important, a affirmé M. Francis.  Face aux dangers posés par l’élévation du niveau de la mer, une priorité de sa présidence, il a recommandé à la Commission de poursuivre ses discussions sur les implications de ce phénomène en droit international.  Le consensus général appelé de ses vœux par le Président de l’Assemblée n’a cependant pas prévalu lors de l’examen du principe de compétence universelle qui a continué de diviser les délégations, une partie d’entre elles reprochant à d’autres de politiser le concept. 

Déplorant, à l’instar du Pakistan et de l’Ouganda, le « deux poids, deux mesures », la Fédération de Russie a estimé que ce principe continue d’être utilisé par l’Occident comme outil de lutte contre les régimes qui ne leur conviennent pas.  La République islamique d’Iran, au nom du Mouvement des pays non alignés, et la Chine se sont alarmés des « abus » du principe, notamment lorsqu’il est invoqué à l’encontre de représentants de l’État jouissant de privilèges et immunités, en violation du droit international.  Ce sont de tels abus, a rappelé l’Ouganda, qui avaient conduit le Groupe des États d’Afrique à demander l’inscription de ce point à l’ordre du jour de l’Assemblée générale en 2009.  Le principe de compétence universelle devrait toujours être appliqué dans le respect de l’égalité souveraine des États et de la non-ingérence dans leurs affaires intérieures, ont martelé les délégations de Russie, du Soudan et du Cameroun.  Le Bélarus et le Brésil ont aussi considéré que le principe de souveraineté des États appelle à une utilisation limitée de la compétence universelle.

Si une grande majorité des délégations ont désigné l’État du territoire sur lequel un crime international a été perpétré comme premier responsable des poursuites pénales, les dissensions sur la portée et l’application du principe de compétence universelle ont été marquées.  Plusieurs pays, dont la Chine, la Russie et le Sénégal, se sont accordés à dire que les juridictions nationales restent l’instance de premier ressort, tandis que d’autres, comme la Thaïlande ou l’Iran, ont privilégié une approche fondée sur la nationalité des auteurs.

L’Union européenne, Saint-Vincent-et-les Grenadines, au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), ou encore l’Égypte, ont tenu à souligner que la compétence universelle peut s’appliquer « exceptionnellement » quand il s’agit de lutter contre l’impunité pour les crimes les plus graves, à savoir les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité.  Si l’État du territoire où un tel crime a eu lieu n’est pas en mesure de poursuivre pénalement ses auteurs, la compétence universelle peut alors s’appliquer, toujours en complémentarité avec les juridictions nationales pertinentes.  « Car ceux qui commettent des atrocités doivent rendre des compte », a abondé le représentant de l’Allemagne. 

Les poursuites engagées par l’Allemagne et l’Autriche contre des dirigeants de Daech ont d’ailleurs été citées en exemple par les délégations du Liechtenstein et du Canada, qui s’exprimaient aussi au nom de l’Australie et de la Nouvelle- Zélande.  La compétence universelle reste ainsi un « outil intéressant » pour rendre justice aux victimes de crimes graves qui feront certainement l’objet de jugements par des tribunaux internationaux, ont renchéri la Lituanie, au nom des pays baltes, et les Pays-Bas, attirant l’attention sur leur doit interne qui permet des enquêtes et la collecte de preuves sur des crimes graves perpétrés en dehors de leur territoire par des non-ressortissants. 

Il est nécessaire d’approfondir la définition de la compétence universelle, qui, selon la Russie, reste « nébuleuse », et ses interactions avec d’autres concepts du droit international, comme la compétence extraterritoriale et les procédures d’extradition, a encore fait remarquer le Mexique.  À ce titre, plusieurs États, comme la République tchèque, au nom de l’Autriche et de la Slovaquie, ou encore Sri Lanka, ont souhaité que la question de la compétence universelle soit inscrite au programme de travail à long terme de la Commission du droit international (CDI). « Nous ne voyons pas pourquoi certains États refusent une analyse juridique qui permettrait une meilleure compréhension du principe, sans préjuger d’un engagement quelconque », a tranché le délégué tchèque. 

Appelant à un « changement de paradigme » dans lequel les victimes de crimes et non plus leurs auteurs, figureraient au cœur de l’approche », le Mexique n’a pas été le seul à souhaiter la poursuite des discussions sur le principe de compétence universelle à la Sixième Commission.  De l’avis de Sri Lanka, de telles discussions peuvent contribuer à réduire l’impunité et offrir « la promesse d’une justice meilleure ».

La Commission poursuivra ses travaux sur ce thème lundi 16 octobre, à partir de 10 heures. 

COMPÉTENCE UNIVERSELLE

Déclaration du Président de l’Assemblée générale

M. DENNIS FRANCIS, Président de l’Assemblée générale, a fait état de la centralité des travaux de la Sixième Commission pour la poursuite des objectifs de paix, de justice et d’état de droit des Nations Unies « alors que notre système multilatéral est mis à mal ».  Les multiples défis rendent les travaux de la Sixième Commission plus pertinents que jamais alors même qu’elle œuvre à la garantie et la production d’un cadre juridique international robuste, flexible, clair et prévisible.  « Les situations au Moyen-Orient, en Afrique et en Haïti nous servent de piqûres de rappel: la paix n’est pas un acquis », a-t-il averti.  « Nous devons investir davantage pour l’atteindre et la pérenniser ». 

Si les défis sont plus nombreux, les capacités collectives pour les surmonter sont aussi plus élevées, a avancé M. Francis, et les changements nécessaires pour atteindre la paix et le développement durable pour tous, peuvent être menés.  Préserver la paix doit rester la pièce maîtresse des travaux de l’ONU, a-t-il déclaré, rappelant toutefois qu’il est crucial de s’attaquer aux changements climatiques.  Les travaux de la Sixième Commission sur la protection des personnes en cas de catastrophe jouent un rôle ici important, a-t-il affirmé, attirant l’attention sur les dangers posés par l’élévation du niveau de la mer qui est l’une des priorités de sa présidence.  Face aux millions de personnes déplacées et aux réfugiés climatiques, il incombe à la Sixième Commission de poursuivre les discussions sur les incidences juridiques de ce phénomène en droit international et sur les cadres juridiques futurs.  Le Président a mentionné la séance informelle qu’il convoquera sur ce sujet le 3 novembre prochain.

La Sixième Commission se doit également de garantir le plein respect du droit international tout au long de ses délibérations, a relevé M. Francis. Alors que le fléau du terrorisme continue de s’abattre sur le monde, il convient d’encadrer la coopération transfrontière, a-t-il poursuivi, exhortant la Commission à établir, dans le respect de la justice et du droit international, des conditions permettant que les traités et les dispositions du droit international soient honorés.  « Nous devons adopter des règles claires et pratiques. » En conclusion, le Président a loué la tradition en vigueur à la Sixième Commission, à savoir la recherche d’un consensus.  En ces temps compliqués, il a encouragé toutes les délégations à se réengager en faveur du consensus qui permet de refléter toutes les perspectives, y compris celles des pays les plus vulnérables. 

Portée et application du principe de compétence universelleA/78/130

Débat général

M. BAHRAM HEIDARI (République islamique d’Iran), au nom du Mouvement des pays non alignés, a insisté sur les limites du principe de compétence universelle, en soulignant l’importance d’empêcher tout recours inadéquat à un tel principe.  Il a rappelé la nécessité de respecter la souveraineté des États, y compris sur le plan judiciaire.  Le représentant a estimé que les tribunaux nationaux qui invoquent le principe de compétence universelle à l’encontre de hauts-responsables jouissant de l’immunité violent l’un des principes les plus fondamentaux du droit international, à savoir la souveraineté des États.  L’immunité, qui est consacrée par le droit, doit être respectée.  Il a rappelé le contexte qui a vu l’inclusion de ce point de l’ordre du jour: le Groupe des États d’Afrique avait demandé, en février 2009, qu’il soit examiné pour remédier à la portée incertaine dudit principe et à ses abus. 

Le représentant s’est ainsi dit « alarmé » par les implications du principe de compétence universelle pour la souveraineté des États concernés. Le fait d’invoquer un tel principe contre des hauts-responsables de pays de notre Mouvement, jouissant de l’immunité, est préoccupant.  Il a mis en garde contre toute extension injustifiée des infractions soumises à un tel principe, avant de souhaiter la mise sur pied d’un mécanisme visant à prévenir tout abus dans son application.  La compétence universelle ne doit pas remplacer les autres compétences, à savoir les compétences de l’État du territoire et de l’État de nationalité, a tranché le représentant.  Enfin, il a jugé « prématuré » de demander à la Commission du droit international (CDI) de conduire une étude sur tous les aspects de ce principe. 

M. MARVIN IKONDERE (Ouganda), au nom du Groupe des États d’Afrique, a rappelé l’importance particulière de ce sujet pour le Groupe, qui avait demandé en février 2009, l’inclusion d’un point supplémentaire sur l’abus du principe de compétence universelle dans l’ordre du jour de la soixante- troisième session de l’Assemblée générale, après avoir constaté « des abus, en particulier en ce qui concerne les fonctionnaires africains ».  Les débats ont été longs et intenses depuis, mais sans avancée importante au sujet de l’utilisation abusive ou de l’abus du principe, raison pour laquelle la portée de la juridiction universelle demeure incertaine.  Les États d’Afrique et la Commission de l’Union africaine se sont pourtant impliqués de manière constructive et dans un esprit de coopération, notamment en fournissant des informations sur les traités internationaux applicables, les règles juridiques nationales et les pratiques judiciaires. 

De l’avis du Groupe des États d’Afrique, « la Sixième Commission peut et doit prendre des mesures pour lutter contre la tendance des États non africains à appliquer le principe de la compétence universelle aux Africains en dehors des processus multilatéraux, sans le consentement des États africains, et en dehors des garanties de coopération relevant du système international ».  Le délégué a indiqué que le Groupe disposait de données montrant l’utilisation du principe d’universalité en Afrique avec le consentement et la coopération des États concernés, et conformément à l’engagement des États africains de mettre fin à l’impunité pour les crimes atroces.  Le consentement et la coopération, lorsqu’ils sont régulés au sein du système multilatéral, peuvent limiter l’utilisation abusive de la compétence universelle, a-t-il argué.  Par ailleurs, la compétence universelle peut être complémentaire avec la juridiction nationale du pays concerné, et elle ne doit pas être appliquée de manière incohérente avec les principes du droit international ou du droit international coutumier, notamment en ce qui concerne la souveraineté, la non-ingérence dans les affaires intérieures des États et l’immunité diplomatique.

Mme HAYLEY-ANN MARK (Saint-Vincent-et-les Grenadines), au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a pris note du rapport du Secrétaire général sur la portée et l’application de la compétence universelle, qui fournit des éléments pour les futurs travaux de la Commission à ce sujet.  Rappelant que le contenu des notes de travail informelles du Président du Groupe de travail listait plusieurs questions à débattre, parmi lesquelles le concept de compétence universelle, son rôle, ses composantes et la distinction avec d’autres concepts, ainsi que son champ d’application, elle s’est félicitée du dialogue mené sur ces questions.  La représentante a rappelé que la compétence universelle était un outil exceptionnel du droit international, visant « à lutter contre l’impunité et à renforcer la justice ».  La CELAC appuie le point de vue réitéré par plusieurs délégations selon lequel la compétence universelle ne doit pas être confondue avec l’exercice de la compétence pénale internationale, ni avec l’obligation d’extrader ou de poursuivre, un point de vue « conforme à compréhension de la CELAC sur le sujet ».  Une étude de la CDI sur cette question permettrait à l’Assemblée générale de progresser dans la clarification de certains aspects juridiques de ce principe, a conclu la représentante. 

Mme SIMONA POPAN, de l’Union européenne, a déclaré que l’Union européenne (UE) déploie tous les efforts nécessaires pour la poursuite des crimes les plus graves au niveau international.  À cette fin, elle a estimé que le principe de compétence universelle peut être un outil primordial, bien que son utilisation doive rester « exceptionnelle » et ne s’appliquer qu’aux crimes les plus graves.  La première responsabilité concernant les poursuites de ces crimes incombe aux États, a-t-elle rappelé.  Toutefois, la représentante a concédé que ce principe peut être utile en l’absence d’un lien spécifique entre l’État où le crime est commis et l’État de nationalité.  Elle a attiré l’attention sur le « réseau génocide » mis en place par l’UE pour lutter contre l’impunité du crime de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre au sein de l’Union et de ses États membres.

M. RYTIS PAULAUSKAS (Lituanie), au nom des pays baltes, a expliqué que si les États ne veulent pas ou ne peuvent pas amener les auteurs de crimes à répondre de leurs actes, d’autres États qui n’ont pas de lien direct avec le crime devraient pouvoir combler le vide existant sur la base de la compétence universelle.  Ce principe est un « outil subsidiaire important » pour garantir que les auteurs des pires crimes rendent compte de leurs actes, a-t-il fait valoir, en rappelant que les États baltes avaient adopté des législations nationales en ce sens et appliqué la compétence universelle pour ouvrir des enquêtes sur les crimes qui auraient été commis en Ukraine et contre l’Ukraine.  Il a encouragé d’autres États à suivre cet exemple. 

Convaincu que les crimes perpétrés en Ukraine feraient l’objet d’une enquête et finiraient par être punis par la Cour pénale internationale (CPI) et par un tribunal international spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine, le représentant a estimé, en attendant, que l’exercice de la compétence universelle par les organes des différents États pouvait contribuer à rendre justice aux victimes et à empêcher la commission de nouveaux crimes.  Pour cela, il a suggéré de mobiliser davantage d’efforts et de ressources dans tous les États pour s’assurer que la compétence universelle « puisse être utilisée au maximum de son potentiel ».

M. ALEXANDER AGNELLO (Canada), au nom de l’Australie, du Canada et de la Nouvelle-Zélande, a dit que la compétence universelle est un « principe fondamental du droit » habilitant tous les États à poursuivre les auteurs des crimes les plus graves.  Il est dans l’intérêt de la communauté internationale et des victimes que les crimes graves soient sanctionnés et que leurs auteurs soient punis.  Ce principe doit s’appliquer de bonne foi, à l’abri de toute considération politique, dans le respect des règles relatives aux immunités, a-t-il ajouté.

En règle générale, a indiqué le délégué, la responsabilité première de l’enquête et de la poursuite des crimes internationaux graves incombe à l’État sur le territoire duquel le comportement criminel est censé avoir été commis, ou à l’État de nationalité de l’accusé.  La compétence universelle peut venir combler une lacune lorsque ces deux acteurs ne peuvent ou ne veulent poursuivre les auteurs de crimes.  Il a souligné l’importance des jugements récemment rendus par des tribunaux autrichiens à l’encontre de responsables syriens.  La compétence universelle est importante quand la Cour pénale internationale (CPI) ne peut pas exercer sa compétence, a conclu le délégué. 

Mme JULIA FIELDING (Suède), au nom des pays nordiques, a plaidé pour une approche prudente, notamment en ce qui concerne la liste des crimes auxquels le principe de compétence universelle peut s’appliquer. Les États ont la responsabilité première de poursuivre ces crimes, a rappelé la déléguée, regrettant que l’impunité continue.  Elle a ajouté que la Cour pénale internationale (CPI) peut aussi constituer un outil pour poursuivre ces crimes si les États ne peuvent pas ou ne veulent pas poursuivre des crimes internationaux.  Si la CPI n’a pas la compétence, alors seulement le principe de compétence universelle peut s’appliquer.  Les pays nordiques encouragent les États qui ne l’ont pas encore fait à intégrer les crimes internationaux graves dans leur législation afin qu’ils ne restent pas impunis.

M. MAREK ZUKAL (République tchèque), au nom de l’Autriche, de la Slovaquie et de la République tchèque, a fait état de l’importance du principe de compétence universelle dans certains cas.  Il s’agit, a-t-il dit, d’une compétence distincte dans les tribunaux internationaux qui peut offrir un accès à la justice aux victimes et combler des lacunes en matière d’impunité, tout en garantissant les normes du droit international.  Regrettant néanmoins le ralentissement des progrès concernant une définition, il a salué le rapport du Secrétaire général pour examiner les convergences entre les opinions des États Membres sur le sujet.  Selon sa délégation, une analyse juridique de la CDI permettrait une meilleure compréhension des trois éléments importants, à savoir la définition, la portée et l’application, sans que cette analyse ne préjuge du résultat final ou d’un engagement quelconque. 

M. SURIYA CHINDAWONGS (Thaïlande) a annoncé que la Thaïlande soumettra un document d’information sur la compétence des cours suprêmes pour les crimes majeurs commis en dehors du territoire et qui n’ont pas de lien avec la Thaïlande.  Il s’agit de crimes qui doivent être réprimés, peu importe le lieu ou les auteurs, a asséné le délégué.  La Thaïlande est convaincue qu’il est dans l’intérêt et qu’il y va de la responsabilité de la communauté internationale de garantir le principe de compétence universelle pour les crimes les plus graves.  Mais cette compétence doit être bien définie, utilisée en tant qu’outil complémentaire, et reconnaître les principes généraux du droit, a-t-il averti.  Le délégué s’est dit préoccupé par le fait qu’une utilisation abusive pourrait aboutir à des poursuites pour des crimes ordinaires, ce qui constituerait une atteinte majeure aux principes du droit général. 

Mme MERHABA HASLER (Liechtenstein) a salué la tendance des tribunaux nationaux à invoquer de plus en plus le principe de compétence universelle pour lancer des enquêtes et des poursuites pénales concernant des crimes internationaux. La déléguée a cité en particulier les poursuites engagées par la justice allemande contre des crimes atroces commis en Syrie.  À ce sujet, elle a également salué le travail du Mécanisme international, impartial et indépendant qui a aidé le tribunal de Coblence à faire condamner des responsables syriens de haut niveau pour crimes contre l’humanité.  Ce mécanisme joue un rôle essentiel dans la lutte contre l’impunité pour des crimes atroces lorsqu’il travaille avec des États invoquant la compétence universelle, a assuré la déléguée.  Elle a aussi évoqué le Statut de Rome de la CPI, et encouragé tous les États Membres qui ne l’ont pas encore fait à y adhérer et à intégrer ses dispositions dans leur Code pénal.

M. PEDRO MUNIZ PINTO SLOBODA (Brésil) a noté que le rapport du Secrétaire général sur la portée et l’application du principe de compétence universelle confirmait le manque d’uniformité de la pratique des États. Il a évoqué un « principe subsidiaire » par rapport à des « facteurs de rattachement plus directs » comme la territorialité et la nationalité.  Le délégué a rappelé que les États qui ont des liens étroits avec les crimes commis avaient toujours la priorité juridictionnelle pour poursuivre les auteurs de ces crimes et qu’il fallait en tenir compte lors de la rédaction des clauses sur l’obligation de poursuivre ou d’extrader.  Il a en outre souligné le caractère exceptionnel du principe qui ne devrait être appliqué que de manière « responsable et judicieuse », et limité aux crimes graves pour « éviter les abus ».  Le délégué a par ailleurs jugé essentiel que l’accusé soit présent sur le territoire de l’État où il est jugé.  Il a insisté sur l’interdiction de la double incrimination et conclu que la compétence universelle ne pouvait servir « d’autres intérêts que ceux de la justice ».

Mme ELIZABETH MARYANNE GROSSO (États-Unis) a reconnu que des questions subsistent sur la portée et l’application du principe de compétence universelle.  Les observations faites par les États, les efforts du Groupe de travail au sein de la Commission et les rapports du Secrétaire général ont été précieux pour nous aider à identifier les divergences d’opinion entre les États ainsi que les points de consensus sur cette question, a noté la représentante.  « Nous continuons d’analyser toutes ces contributions. »  En conclusion, elle a mentionné les récents amendements apportés à la législation des États-Unis sur les crimes de guerre.

M. MICHAEL HASENAU (Allemagne), même s’il a préféré que les crimes les plus graves soient traités par les juridictions nationales, a estimé que la compétence universelle permet de poursuivre tous leurs auteurs et de renforcer les droits des victimes.  Il a annoncé des changements sur les procédures en place dans son pays, tels qu’une interprétation en langue étrangère pendant les procès et un soutien psychologique aux victimes, y compris de crimes sexuels.  Daech est revenu en Allemagne, a-t-il regretté, et la compétence universelle permet de garantir la pleine responsabilité des auteurs de crimes graves et d’appliquer des peines plus lourdes.  Dans le cadre de l’attaque russe contre l’Ukraine, l’Allemagne a mis en place une structure spécialisée qui examine les témoignages et les preuves de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. 

Mme MELINDA VITTAY (Hongrie) a souligné que la pratique judiciaire autour de l’application du principe de compétence universelle était en « constante évolution ».  Elle a donné l’exemple de son pays où, en 2020, un tribunal de Budapest a rendu un jugement historique contre un homme surnommé le « bourreau de Daech », auteur de crimes contre l’humanité à l’encontre de la population civile en Syrie, un jugement confirmé par la Cour d’appel de Budapest en 2021 et qui a envoyé le message que « les crimes internationaux les plus odieux ne doivent pas rester impunis ».  Dans l’idéal, ces crimes sont jugés par des tribunaux locaux dans le pays où ils ont été commis, comme le veut le principe de la souveraineté des États, a-t-elle précisé, ce qui signifie que la compétence universelle doit toujours être utilisée « en dernier recours ».  La représentante a rappelé que dans le cas de son pays, les procédures pénales en vertu de la compétence universelle ne pouvaient être engagées que sur ordre du Procureur général de Hongrie, ce qui constitue une véritable garantie de procédure.  Elle a conclu son intervention en appelant les membre de la Sixième Commission à identifier les points de convergence et de divergence sur la définition, la portée et l’application de la compétence universelle. 

M. PAVEL EVSEENKO (Bélarus) a considéré que le principe de compétence universelle ne doit s’appliquer qu’à certaines catégories de crimes, car une application très large à n’importe quel crime selon les priorités des États contredirait le principe fondateur du droit.  Compte tenu de l’ambiguïté des approches des États en la matière et des lacunes existantes dues à l’utilisation abusive du principe de compétence universelle à des fins politiques et aux tentatives de l’appliquer au sens le plus large sans tenir compte des obligations juridiques internationales relatives aux immunités des représentants de l’État, « le principe ne peut pas être considéré comme une règle coutumière du droit international ».  L’obligation des États de poursuivre sur leur territoire les auteurs de crimes internationaux ne peut naître que sur la base d’un traité international universel, a insisté le délégué.  Il a également critiqué des accords conclus « à la va-vite » entre certains États, comme la Convention de Ljubljana-La Haye, qui ne peuvent pas constituer des normes reconnues au niveau international.  Les mécanismes prévus par cette convention pourraient saper la confiance des États, a-t-il prévenu. 

Mme YARDEN RUBINSHTEIN (Israël) a dit la grande douleur qui est la sienne aujourd’hui, avant de rappeler l’attachement de son pays au sujet à l’ordre du jour.  « Cette année, nous ne pouvons néanmoins pas l’aborder sans faire référence aux événements incompréhensibles qui se sont déroulés », a déclaré la déléguée, en soulignant la cruauté et la barbarie de l’attaque du Hamas, le 7 octobre.  Elle a indiqué que plus de 1 300 Israéliens et de ressortissants de pays présents dans cette salle ont été tués, avant de dénoncer les prises d’otages du Hamas.  « Ces actions terrifiantes constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. »  La déléguée a mentionné les récits terrifiants des survivants de cette attaque, soulignant que des personnes ont été brûlées vives à leur domicile.  Le Hamas a commis des crimes internationaux graves et les responsables doivent rendre des comptes, a-telle insisté, avant de remercier la communauté internationale pour son soutien lors de cette période de « grande angoisse. » 

M. MATS JACOBS (Pays-Bas), après avoir exprimé le soutien de sa délégation à Israël dans le cadre des récents événements, a assuré que la compétence universelle est un outil important dans la lutte contre les crimes les plus graves au niveau international.  Aux Pays-Bas, a-t-il poursuivi, la loi sur les crimes internationaux de 2003 codifie les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité, en veillant à la pleine mise en œuvre des dispositions du Statut de Rome au niveau national.  Ladite loi permet également de mener des enquêtes à l’étranger quand ces crimes sont commis par des étrangers, bien que certaines enquêtes soient impossibles, à moins que les victimes ne soient des ressortissants néerlandais et que le suspect soit présent sur le territoire au moment de l’enquête.  Par ailleurs, le délégué a rappelé que le Code pénal néerlandais prévoit la compétence universelle pour la piraterie en mer.  En conclusion, sa délégation appuie l’étude de la CDI sur la portée et l’application du principe de compétence universelle et attend ses résultats. 

M. BAHRAM HEIDARI (République islamique d’Iran) a noté que les États Membres devaient encore parvenir à une « compréhension commune » du cadre conceptuel et juridique de la compétence universelle et de son champ d’application, notamment s’agissant du chevauchement entre ce principe et les immunités de certains hauts fonctionnaires.  Il par ailleurs noté que « l’expansion non consensuelle » des crimes relevant de la compétence universelle restait un sujet de préoccupation pour son pays.  À ce titre, le représentant a fait part de l’opinion d’un certain nombre de juges de la Cour internationale de Justice (CIJ) concernant « le chaos judiciaire » qui pourrait résulter si la compétence universelle était conférée aux tribunaux de tous les États du monde pour poursuivre certains crimes.  L’application « sélective et arbitraire au profit de certains États spécifiques » est un autre point préoccupant, a jugé le représentant.  Il a indiqué que pour son pays la compétence universelle constituait principalement un outil permettant de poursuivre les auteurs de certains crimes graves « en vertu des traités internationaux pertinents ».  Le renvoi de cette question à la CDI pour un examen approfondi ne produirait donc pas, selon lui, de résultats satisfaisants pour la suite des travaux de la Sixième Commission.

M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a considéré que la compétence universelle ne peut être invoquée par les tribunaux nationaux que pour poursuivre et prononcer des condamnations pour des crimes graves définis en droit international.  Mais, pour l’heure, a-t-il constaté, « l’utilisation de cet outil contre l’impunité reste entachée d’incohérence, de confusion et, parfois, d’une justice inégale ».  Les tribunaux pénaux internationaux ont également un rôle essentiel à jouer pour combattre l’impunité, mais en complément des tribunaux nationaux.  Selon le représentant, élargir l’exercice de la compétence universelle par les tribunaux nationaux pourrait toutefois contribuer à réduire les écarts dans l’application du droit qui ont favorisé les auteurs de crimes graves.

M. ABDOU NDOYE (Sénégal) a dit que la compétence universelle s’avère être l’un des moyens les plus efficaces pour prévenir et réprimer les pires atrocités.  Considérant que l’exercice de la compétence universelle par les États Membres demeure une nécessité pour la lutte contre l’impunité des atrocités de masse, le Sénégal l’a intégrée dans son dispositif juridique interne, a-t-il indiqué.  Il s’est dit convaincu que l’application de la compétence universelle doit toujours reposer sur les principes du droit international, notamment le respect de la souveraineté des États, la non-ingérence dans leurs affaires intérieures ou encore l’égalité souveraine des États.  La légitimité et la crédibilité de la compétence universelle restent fortement tributaires de son application qui doit demeurer conforme au principe de complémentarité, bien établi en droit pénal international, a argué le délégué.  Enfin, il a appelé la CDI à délimiter clairement le champ d’application du principe de compétence universelle.  « Le recours au principe de compétence universelle, sur la base de règles claires, pour les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime de génocide pourrait être un excellent moyen de lutter contre l’impunité des auteurs des atrocités de masse dans le monde. »

M. PABLO ADRIÁN ARROCHA OLABUENAGA (Mexique) a relevé la pertinence de la compétence universelle pour certaines situations.  Toutefois, il a estimé qu’il reste utile d’approfondir et de préciser des questions.  Parmi celles-ci, la compétence subsidiaire, la différence entre la compétence universelle et la compétence extraterritoriale, ainsi que la différence entre la compétence universelle et la compétence aut dedere aut judicare. Le délégué a souhaité que la CDI inclue la question de la compétence universelle à son programme de travail, espérant que l’on puisse mettre de côté les divergences internes entre les commissions afin de répondre aux demandes des États Membres.  Il faut un changement de paradigme dans lequel les victimes, et non plus les auteurs, figureraient au cœur de l’approche pour garantir que justice soit faite, a-t-il conclu. 

M. JONATHAN SAMUEL HOLLIS (Royaume Uni) a souligné que la compétence universelle pouvait être un outil important pour s’assurer que les auteurs de crimes graves n’échappent pas à la justice, tout en notant l’absence de consensus international sur la nature, la portée et l’application de ce principe.  Il a rappelé que ce principe était distinct de la compétence des mécanismes judiciaires internationaux et autres catégories de compétence extraterritoriale et qu’il existait des « chevauchements » entre la compétence universelle et les régimes d’extradition et de poursuites.  Le représentant a insisté sur la primauté de l’approche territoriale de la compétence, rappelant que les autorités de l’État sur le territoire duquel une infraction est commise sont « généralement les mieux placées » pour poursuivre cette infraction.  Il n’existe qu’un « petit nombre d’infractions » sans lien apparent entre le crime et le Royaume-Uni pour lesquelles les tribunaux nationaux peuvent exercer une compétence universelle.  Il a indiqué que sur ces questions, son pays gardait une préférence pour la collaboration entre États par le biais de traités. 

M. MARTÍN JUAN MAINERO (Argentine) a rappelé que la responsabilité principale de lancer des enquêtes et de mener des procès incombe aux États qui ont un lien avec les crimes.  L’Argentine estime qu’il faut dégager des règles claires concernant l’exercice de la compétence universelle, afin d’éviter des abus de procédure et des poursuites à des fins politiques.  Le délégué a indiqué que son pays l’avait exercée à plusieurs reprises, à titre subsidiaire et exceptionnel, s’agissant de crimes qui n’auraient pu être jugés dans les États liés à l’auteur ou au crime.

M. GUSTAVO ADOLFO RAMÍREZ BACA (Costa Rica) a estimé qu’au vu des violations massives et systématiques des droits de l’homme, l’application du principe de compétence universelle est plus nécessaire que jamais, regrettant le manque de progrès à ce sujet au sein de la Sixième Commission.  Ce qui est en jeu, a insisté le délégué, c’est bien l’impératif de justice pour les victimes des crimes les plus atroces et l’engagement de la communauté internationale de lutter contre l’impunité.  Pour le Costa Rica, « l’impunité pour les crimes graves d’envergure internationale est non seulement inacceptable mais aussi injustifiable », d’autant qu’il existe de plus en plus de mécanismes de coopération juridique pour la combattre.  Le délégué a, par ailleurs, souligné l’importance du principe de complémentarité entre la justice internationale et la justice nationale.

Mme NATASA ŠEBENIK (Slovénie) a noté que ces dernières années, les autorités judiciaires nationales ont de plus en plus souvent invoqué la compétence universelle pour lancer des enquêtes sur les atrocités commises dans plusieurs pays et initier avec succès des procédures judiciaires sur cette base.  À ce titre, elle s’est félicitée que son pays, avec l’Argentine, la Belgique, les Pays-Bas, la Mongolie et le Sénégal, ait su mener à bien les négociations qui ont débouché sur l’adoption de la Convention de Ljubljana-La Haye sur la coopération internationale en matière d’enquêtes et de poursuites relatives au crime de génocide, aux crimes contre l’humanité, aux crimes de guerre et aux autres crimes internationaux.  Elle a expliqué que la Convention offrait, pour la première fois dans l’histoire, un cadre juridique permettant aux pays de coopérer « sur une base systématique » dans la poursuite des crimes internationaux les plus graves.  Les États ont également inclus dans cet instrument l’obligation d’établir une compétence universelle pour les crimes internationaux, une disposition qui, a conclu la représentante, reflète le développement progressif du droit international.

M. JAMES KIRK (Irlande) a souligné l’importance de la compétence universelle dans la lutte contre l’impunité.  Si l’établissement des responsabilités pour les crimes les plus graves a un effet dissuasif, c’est aussi un élément essentiel dans tout processus de réconciliation.  Il a précisé que l’application d’une compétence extraterritoriale, y compris la compétence universelle, est exceptionnelle dans son pays et encadrée par la Constitution irlandaise.  Notre droit ne permet pas la tenue de procès par contumace, par conséquent, pour que le principe de compétence puisse s’appliquer, la personne suspectée doit être présente sur le territoire irlandais, a ajouté le délégué.  « C’est pourquoi ce principe a été très peu appliqué en Irlande jusqu’à présent. »  Enfin, il a déclaré que ce principe doit s’appliquer de manière transparente et raisonnable. 

M. HUSSEIN OSSAMA HUSSEIN ABDELRHMAN ROSHDY (Égypte) a souligné que s’il était important, aux yeux de son pays, de lutter contre l’impunité, l’Égypte était aussi attachée au respect du droit coutumier, notamment au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États.  Selon lui, l’adoption d’une définition trop large du principe de compétence universelle devrait être évitée.  Le principe de compétence universelle doit venir « compléter » la compétence des juridictions nationales et ne doit être utilisé qu’à titre « exceptionnel », a poursuivi le délégué.  Il ne peut être invoqué que lorsque l’État où le crime est commis n’est pas à même ou n’est pas disposé à exercer sa compétence, sans que des procédures arbitraires ne soient prises contre cet État.  Le délégué a réitéré le souhait de son pays que les discussions sur ce sujet soient « méticuleuses, sans imposer de calendrier », afin d’aboutir aux résultats escomptés. 

M. MARVIN IKONDERE (Ouganda) a rappelé que la communauté internationale est loin d’avoir dégagé un consensus sur la portée et l’application du principe de compétence universelle.  Par conséquent, la compétence de juger de ces crimes revient à l’État où le crime a eu lieu, a-t-il tranché.  La portée et l’application de ce principe doivent, en outre, s’effectuer en cohésion avec le droit international afin d’éviter les abus et le « deux poids, deux mesures ».  Selon le délégué, il s’agit donc d’une compétence qui doit être exercée en complément aux juridictions nationales, l’État du territoire le plus touché par le crime devant en poursuivre l’auteur.  Si l’État du territoire n’est pas à même de le faire, la compétence universelle, peut servir à condition d’être exercée de bonne foi et dans le respect des normes, a-t-il conclu. 

M. MUHAMMAD USMAN IQBAL JADOON (Pakistan) a déclaré que si son pays reconnaissait la nécessité d’éliminer l’impunité, les efforts collectifs pour parvenir à une compréhension unifiée de cette question étaient « obscurcis » par de fortes disparités.  Il a ainsi dénoncé « l’utilisation sélective et la distorsion » du principe de compétence universelle par certains États et estimé qu’il ne devait être invoqué que dans des circonstances exceptionnelles, la première réponse devant toujours venir des voies de recours internes, « sauf si l’État n’a pas la volonté ou la capacité de le faire ».  Le représentant a par ailleurs noté que la compétence universelle ne devrait s’appliquer qu’aux crimes graves tels que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide et souligné que l’obligation d’extrader ou celle de poursuivre des individus en vertu d’accords conventionnels étaient « conceptuellement et juridiquement distinctes » de la compétence universelle.  Après avoir décrit le principe comme un outil essentiel du respect de la justice, indépendamment des frontières géographiques et de l’État exerçant un contrôle effectif sur le territoire occupé, le délégué a conclu que le principe de compétence universelle ne devait pas être considéré comme une « autorisation d’empiéter » sur la souveraineté des États et devait toujours s’appliquer dans le plein respect des principes du droit international et de la Charte des Nations Unies. 

M. AMMAR MOHAMMED MAHMOUD MOHAMMED (Soudan) a souhaité un dialogue « inclusif et transparent » sur cette question controversée.  Toute approche équilibrée doit tenir compte des principes consacrés par le droit, tels que la souveraineté des États et la non-ingérence dans leurs affaires intérieures, a déclaré le délégué, en soulignant la prééminence de la compétence nationale sur la compétence universelle.  L’État sur le territoire où est commis un crime ou l’État de nationalité doivent avoir compétence.  Il est crucial d’éviter tout conflit de juridiction, a déclaré le délégué.  Plaidant pour le consensus, il a appelé à prévenir tout abus dans l’application du principe de compétence universelle.

M. ALEXANDER S. PROSKURYAKOV (Fédération de Russie) a rappelé les contours nébuleux du concept de compétence universelle, ce que le rapport de la CDI souligne.  Si ce rapport rend bien compte des différentes perspectives et modalités existant en droit interne, il n’y a pas de consensus sur l’application de ce concept, a-t-il rappelé.  Si la communauté internationale souhaite atteindre un consensus, elle doit faire preuve de pragmatisme et s’assurer que la compétence universelle est appliquée en accord avec le droit international, en particulier en ce qui concerne l’immunité des fonctionnaires.  Les abus de ce concept risquent de compliquer les relations entre les États, a mis en garde le représentant, appelant tout de même à la coopération dans les domaines de l’échange d’information et d’aides interétatiques.  L’absence durable de consensus signifie que l’on ne peut pas discuter de critères pour la portée et l’application de la compétence universelle, a-t-il relevé, suggérant qu’il faudrait peut-être en faire un sujet « trisannuel ».  Ce sujet, a-t-il rappelé, a été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée par le Groupe des États d’Afrique et avait pour but initial de renforcer les juridictions nationales et de faire en sorte qu’elles ne soient pas utilisées à des fins politiques. Toutefois, les juridictions nationales continuent d’être utilisées par l’Occident comme outil de lutte contre des régimes qui ne leur conviennent pas, a-t-il regretté. 

Mme ARIANNA CARRAL CASTELO (Cuba) a dit que la portée et l’application du principe de compétence universelle doivent faire l’objet d’un débat général, afin d’éviter une utilisation abusive.  Cette compétence ne peut aller à l’encontre d’un système judiciaire national ni être utilisée à des fins politiques, a insisté la déléguée.  Les principes de droit international constituent la limite du principe de compétence universelle, qui doit être utilisé dans des circonstances exceptionnelles.  Cuba exprime sa préoccupation face à son exercice de manière sélective et avec des « motivations politique » par des tribunaux de pays industrialisés contre des pays en développement, sans que cela ne découle d’une norme internationale ou d’un traité.  L’immunité absolue de chefs d’État et de fonctionnaires de haut rang ne doit pas faire l’objet d’une remise en question sous prétexte de compétence universelle, a asséné la déléguée.

M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a rappelé que l’Assemblée générale avait, dans plusieurs résolutions sur la lutte contre l’impunité, consacré le principe de souveraineté des États découlant de l’égalité même de ces États au plan international.  Il a souligné que la compétence universelle renvoyait à la capacité des États de punirleurs propres nationaux lorsqu’ils commettent des crimes et a expliqué à ce titre qu’il existait plusieurs principes fondant la compétence extraterritoriale de l’État d’origine.  Le représentant a estimé, en s’appuyant sur plusieurs exemples, qu’il était dangereux d’habiliter tous les États à procéder à la répression de certains types d’infractions, quel que soit le lieu où elles ont été commises ou la nationalité de leur auteur ou des victimes.  Cette approche, a-t-il expliqué, risque de transformer la souveraineté des États et la stabilité internationale en « agneau sacrificiel à l’autel d’une certaine politique publique internationale ». Les crimes spécifiques couverts par la compétence universelle varient en fonction des lois de chaque État, a conclu le représentant, en encourageant les États à inclure dans leur ordre juridique interne des dispositions qui donnent à leurs juridictions toute compétence pour connaître de tous les crimes commis par leur nationaux.  Il a indiqué que sa délégation était favorable à un consensus sur les fondements et la portée du principe de compétence universelle. 

M. LI LINLIN (Chine) a souligné que cette question de la compétence universelle a des aspects diplomatiques, juridiques et politiques, avant d’insister sur le manque de consensus entre les États.  Il a notamment estimé que l’exercice de la compétence universelle dans le cas de la piraterie n’offre pas de base pour l’exercice de ce principe dans d’autres cas.  Le délégué a souligné l’importance de respecter la souveraineté des États et la non-ingérence dans leurs affaires intérieures, ainsi que les immunités, dans l’application de ce principe.  Il a appelé à éviter tout abus dans l’exercice de la compétence universelle.  Enfin, le délégué a jugé « prématuré » de demander à la CDI de conduire une étude sur tous les aspects de ce principe. 

Droit de réponse

Le délégué de la République arabe syrienne a réagi à la déclaration faite par le Liechtenstein, qui visait à « politiser » ce débat pourtant de nature exclusivement juridique, en violation de la souveraineté nationale de la Syrie.  Il a rappelé l’importance de ne pas s’ingérer dans les affaires internes des États.  Il a invité son homologue à se préoccuper des crimes dans son pays qui n’ont pas besoin de compétence universelle, « comme la fraude fiscale ».

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Ukraine: le Conseil de sécurité fait le point sur le transfert d’armes

9436e séance – matin 
CS/15439

Ukraine: le Conseil de sécurité fait le point sur le transfert d’armes

Le Conseil de sécurité s’est réuni ce matin, à la demande de la Fédération de Russie, pour entendre un exposé du Haut-Représentant adjoint pour les affaires de désarmement et débattre de la fourniture d’armes « dans le contexte de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine ».  Des données techniques et chiffrées ont été livrées sur ce transfert d’armes qui s’est poursuivi et a même augmenté à destination de l’Ukraine, une aide militaire justifiée par la Charte des Nations Unies selon certaines délégations.  Un journaliste américain invité à la séance a qualifié d’« irresponsable » l’injection d’une catégorie d’armes antiaériennes, les « man pads », dans un environnement aussi instable.

Le Haut-Représentant adjoint Adedeji Ebo, qui est aussi le Directeur du Bureau des affaires de désarmement, a énuméré les armes incluses dans l’assistance militaire apportée aux forces armées ukrainiennes, qui comprennent des armes classiques lourdes (chars de combat, véhicules blindés de combat, avions de combat, hélicoptères, systèmes d’artillerie de gros calibre, systèmes de missiles et véhicules aériens de combat sans équipage), ainsi que des drones armés, des armes légères et de petit calibre et leurs munitions.  Il a en outre fait référence à des informations relatives au transfert de munitions antichars à uranium appauvri aux forces ukrainiennes. Parallèlement, il a fait part d’informations reçues sur le transfert d’armes (drones et munitions) à destination des forces armées russes.

M. Ebo s’est inquiété notamment de l’emploi de mines terrestres antipersonnel et de l’utilisation d’armes à sous-munitions en Ukraine, lançant un appel pour qu’il soit mis fin immédiatement à l’utilisation de ces « armes inhumaines » qui frappent sans discrimination et entraînent des conséquences humanitaires durables. De plus, le détournement de munitions classiques a attiré l’attention du Haut-Représentant adjoint qui a dit « attendre avec intérêt » l’approbation par l’Assemblée générale et la mise en œuvre du tout nouveau Cadre mondial pour la gestion des munitions classiques tout au long de leur cycle de vie.  Il a aussi demandé à tous les États d’adhérer à tous les traités et accords dans ce domaine et à respecter leurs engagements politiques. S’adressant encore aux États Membres, il les a exhortés à appliquer les termes de la Déclaration politique sur le renforcement de la protection des civils contre les conséquences humanitaires de l’emploi d’armes explosives dans les zones peuplées.

De manière générale, la délégation de l’Équateur a recommandé un renforcement de l’architecture mondiale de désarmement, par l’adhésion aux traités existants et l’entrée en vigueur du Traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires. Compte tenu du risque de révocation par la Russie de la ratification de cet instrument signé à ce jour par 185 États et ratifié par 170, le Japon a réaffirmé son appui aux efforts visant à réaliser un monde sans armes nucléaires.

Des appels ont en outre été lancés, par la Chine notamment, pour veiller à ce que les armes ne tombent entre les mains de terroristes, tandis que l’invité de cette séance, l’analyste politique Graham Nixon, a prévenu que des armes issues de ce conflit parviennent en Afrique par le truchement du marché noir.  Allant plus loin, il a déclaré que « les nations européennes sont déjà très probablement inondées de matériel militaire dangereux », craignant que les éléments les plus violents et criminels d’Europe et au-delà se retrouvent ainsi dotés de la capacité de menacer la stabilité interne de n’importe quelle nation de leur choix.

Toujours selon ce journaliste, qui s’est présenté comme un policier à la retraite, les États-Unis auraient injecté plus de 100 milliards de dollars en armes et autres formes d’assistance militaire à l’Ukraine.  La Fédération de Russie a donné ses propres chiffres sur l’aide reçue par l’Ukraine, affirmant que « la somme totale reçue par Kiev avoisine les 165 milliards de dollars ».  Elle a établi un parallèle avec ce que l’ONU reçoit pour financer ses plans d’intervention humanitaire à travers le monde, dont le budget de 55 milliards de dollars n’a été encore financé qu’à 32%.  De même avec ce que l’Union européenne a consacré ces 15 dernières années pour les opérations de maintien de la paix en Afrique, « seulement 4 milliards de dollars », a encore avancé la délégation russe.

Les justifications de l’aide militaire à l’Ukraine sont venues notamment de l’Albanie pour qui l’Article 51 de la Charte des Nations Unies constitue la base juridique permettant aux États d’offrir toute assistance à un pays exerçant son droit de légitime défense.  Il a rappelé que ce « droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective » pouvait être exercé « dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée ».  La France a confirmé que la décision d’appuyer l’Ukraine sur le plan militaire n’est qu’une réponse à l’agression dont est victime ce pays et l’exercice du droit à la légitime défense tel que prévu par la Charte.

« Toute nation qui combat le terrorisme devrait continuer de soutenir l’Ukraine, afin qu’elle sorte vainqueur de cette guerre qui dure depuis 597 jours », a renchéri le représentant de ce pays, ajoutant que la solidarité dont jouit l’Ukraine est essentielle au regard des intentions du Président Putin et de ses complices qui sont « clairement génocidaires », selon lui.

La Russie a regretté pour sa part de ne pas avoir entendu la moindre proposition tangible de la part de ses collègues occidentaux pour trouver une solution pacifique en Ukraine. Le Gabon, le Ghana et le Mozambique ont plaidé pour un règlement « diplomatique et négocié », le Brésil préconisant de déployer des bons offices ou de mener des négociations par le biais de « pays tiers neutres ».  Le Gabon a encouragé le Conseil à se réconcilier avec sa fonction initiale de « conseil de sécurité », et non de « conseil de guerre », et demandé de définir de toute urgence de nouvelles normes et des lignes rouges à l’échelle mondiale, dans le contexte actuel marqué par la résurgence de conflits, notamment au Moyen-Orient.

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclarations

M. ADEDEJI EBO, Directeur du Bureau des affaires de désarmement et Haut-Représentant adjoint pour les affaires de désarmement, a indiqué que la fourniture d’une assistance militaire aux forces armées ukrainiennes s’est poursuivie dans le contexte de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, mentionnant des armes classiques lourdes (chars de combat, véhicules blindés de combat, avions de combat, hélicoptères, systèmes d’artillerie de gros calibre, systèmes de missiles et véhicules aériens de combat sans équipage), ainsi que des drones armés, des armes légères et de petit calibre et leurs munitions.  Il a précisé que les transferts signalés d’armes et de munitions aux forces ukrainiennes avaient augmenté au cours des derniers mois, prenant également note d’informations relatives au transfert de munitions antichars à uranium appauvri aux forces ukrainiennes.  En outre, a-t-il ajouté, il a été signalé que des États transfèrent, ou envisageraient de le faire, des armes telles que des drones et des munitions aux forces armées russes, y compris en vue d’une utilisation éventuelle en Ukraine. 

Passant aux informations afférentes à l’emploi de mines terrestres antipersonnel et à l’utilisation et au transfert d’armes à sous-munitions en Ukraine, M. Ebo a appelé à ce qu’il soit mis fin immédiatement à l’utilisation de ces « armes inhumaines » qui frappent sans discrimination et ont des conséquences humanitaires graves et durables.  Les mines terrestres et les restes explosifs de guerre ont entraîné une contamination généralisée en Ukraine, a-t-il déploré en soulignant que cela menace la vie des civils, rend les terres dangereuses pour l’agriculture et perturbe les transports et l’arrivée de l’aide humanitaire. M. Ebo a expliqué que le processus de cartographie de cette contamination et de défrichement des terres sera long et nécessitera des ressources et l’appui de la communauté internationale.  Il a appelé les États qui ne sont pas encore parties à la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, ainsi qu’à la Convention sur les armes à sous-munitions, à tout mettre en œuvre pour y adhérer. 

M. Ebo a aussi réitéré l’appel lancé par la Haute-Représentante à toutes les parties concernées pour qu’elles respectent les obligations qui leur incombent en vertu de la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, et de ne pas transférer ni utiliser de mines interdites par son Protocole II modifié. 

Le Haut-Représentant adjoint a proposé des mesures telles que l’amélioration des pratiques de marquage, des évaluations exhaustives des risques de détournement avant le transfert, des certificats d’utilisateur final (avec notamment des clauses de non-transfert), des mesures juridiques et d’application efficaces et des vérifications après expédition.  Il faut aussi, aux fins de prévenir un détournement d’armes et de munitions, veiller à la transparence de la chaîne d’approvisionnement, à la coopération et l’échange d’informations entre les États importateurs, de transit et exportateurs, a-t-il préconisé.  Au titre des mesures concrètes, il a recommandé le marquage et le traçage, une comptabilité efficace et des pratiques de redevabilité complètes, la protection physique des armes et des munitions, des mesures douanières et de contrôle aux frontières et une surveillance et une analyse du détournement. M. Ebo a mentionné à cet égard le Registre des armes classiques des Nations Unies (UNROCA). 

Le Haut-Représentant adjoint a dit « attendre avec intérêt » l’approbation par l’Assemblée générale du Cadre mondial et les prochaines étapes de sa mise en œuvre pour lutter contre le détournement de munitions classiques, et demandé à tous les États d’adhérer à tous les traités et accords dans ce domaine et de respecter également leurs engagements politiques, afin de réduire au minimum le risque de détournement d’armes et de munitions. 

Évoquant les répercussions de l’intensification de la guerre en Ukraine, il a indiqué qu’entre le 24 février 2022 et le 8 octobre 2023, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme avait enregistré 27 768 victimes civiles en Ukraine, dont 9 806 tuées et 17 962 blessées, ajoutant que les chiffres réels sont susceptibles d’être considérablement plus élevés.  La grande majorité des victimes civiles résultant de l’utilisation d’armes explosives à large rayon d’action (tirs d’artillerie, chars et lance-roquettes multiples, missiles de croisière et balistiques et frappes aériennes), le Haut-Représentant adjoint a exhorté tous les États Membres à appliquer la Déclaration politique sur le renforcement de la protection des civils contre les conséquences humanitaires de l’emploi d’armes explosives dans les zones peuplées. 

Enfin, il a condamné les attaques systématiques et incessantes contre les civils et les infrastructures civiles dans toute l’Ukraine, y compris contre les établissements de santé et d’enseignement, ainsi que contre les installations de stockage des céréales.  « Les attaques contre les civils et les infrastructures civiles doivent cesser immédiatement », a martelé le haut fonctionnaire pour qui les responsables de ce type d’attaque doivent être amenés à rendre des comptes.  En conclusion, M. Ebo a réitéré l’appel du Secrétaire général à tous les États pour qu’ils fassent leur part pour « empêcher une nouvelle escalade, jeter les bases d’une paix durable et mettre fin à cette guerre insensée ».

M. GARLAND NIXON, analyste politique, s’est présenté comme un policier à la retraite, aujourd’hui journaliste, et comme un représentant de la classe ouvrière des États-Unis.  Il a ensuite déclaré que depuis le début de cette guerre, le Gouvernement des États-Unis a injecté plus de 100 milliards de dollars en armes et autres formes d’assistance militaire à l’Ukraine.  Beaucoup des armes portatives fournies possèdent d’incroyables capacités destructrices.  Il existe des armes antiaériennes tirées à l’épaule, connues sous le nom de « man pads », qui peuvent facilement abattre un avion civil.  Les États-Unis ont également livré des roquettes antichars qui pourraient être utilisées avec un effet dévastateur sur un convoi de véhicules civils.  L’injection de ces armes de qualité militaire dans un environnement aussi instable que l’Ukraine est tout à fait irresponsable, a affirmé M. Nixon.

Dans le cas de l’Union européenne, cela pourrait même finir par être suicidaire pour beaucoup de ses citoyens, a poursuivi l’intervenant.  Nous sommes déjà confrontés à des cas où des armes issues de ce conflit parviennent, via le marché noir, en Afrique, a-t-il affirmé, ajoutant que cela signifie que les nations européennes sont très probablement déjà inondées de matériel militaire dangereux, avec des éléments les plus violents et criminels en Europe et au-delà, qui auront la capacité de menacer la stabilité interne de n’importe quelle nation de leur choix.  Qui d’entre nous serait à l’aise de prendre un vol commercial si des acteurs criminels ou terroristes abattaient un avion civil à Paris, Londres ou Bruxelles? a interrogé l’orateur. 

M. Nixon a aussi déclaré que, selon des sources fiables, l’armée ukrainienne a perdu plus de soldats au cours des derniers mois que l’armée américaine n’en a perdu au cours d’une décennie de combats lors de sa malheureuse mésaventure au Viet Nam.  Les militaires hautement entraînés et puissamment équipés, parrainés par l’OTAN, qui ont déclenché le conflit, ont été anéantis et remplacés par des conscrits. Ceux qui prétendent soutenir l’Ukraine doivent reconnaître que mettre des civils en tenue de camouflage, leur donner quelques semaines d’entraînement et les opposer à des positions défensives imprenables est un acte inadmissible de sacrifice humain, a-t-il lancé, ajoutant que soutenir une nation implique de garantir la sécurité et la prospérité de ses citoyens. 

Poursuivant, M. Nixon a déclaré que nous sommes aujourd’hui confrontés à une situation incroyablement dangereuse qui pourrait, sans préavis, devenir incontrôlable et transformer notre belle planète en un rocher glacé et inhabité. Or nous avons une feuille de route pour la paix et si des dirigeants raisonnables à l’esprit diplomatique peuvent trouver les moyens intellectuels et moraux d’agir avec rapidité et détermination, une résolution de ce conflit peut donner naissance à une structure de sécurité qui garantit la paix et la stabilité sur le continent européen et au-delà, a-t-il assuré.  Arrêtez le flux d’armes vers le théâtre ukrainien.  Faites pression pour mettre fin aux hostilités et œuvrez pour une résolution de la sécurité européenne qui tienne compte de la sécurité des nations européennes, de la Fédération de Russie, et de la menace globale que cela représente, a-t-il conclu. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dit qu’il était frappé par « l’entêtement et l’hypocrisie » de ses collègues occidentaux qui appellent à la cessation des hostilités militaires en Ukraine.  Cette cessation des hostilités n’est possible selon eux que dans le cas d’une défaite de la Russie, a-t-il relevé en observant pourtant que les pays occidentaux font tout l’inverse en fournissant à l’Ukraine des armes et en dissuadant le « régime de Kiev » de tout scenario réaliste pour le règlement de la crise.  Le représentant a regretté de ne pas avoir entendu la moindre proposition tangible de la part de ses collègues occidentaux pour trouver une solution pacifique en Ukraine. Poursuivant, le délégué a égrené une longue liste détaillant l’aide militaire occidentale à Kiev « qui bat tous les records » selon lui.  Pour illustrer le « cynisme » de ses collègues occidentaux, il a dénoncé le Ministre de la défense des Pays-Bas qui, en octobre, aurait dit qu’armer l’Ukraine est un moyen peu coûteux de s’opposer à la Russie. En outre, selon le représentant, l’Ukraine est devenue le plus grand importateur d’armes et d’équipement militaire allemand.

Le délégué a affirmé que la Russie ne fait pas face aux forces armées ukrainiennes dont les ressources sont presque épuisées mais à toute la machine de guerre de l’OTAN et à l’industrie militaire conjointe.  Pour « satisfaire l’appétit insatiable de Kiev », les pays de l’Europe occidentale ont presque vidé leurs arsenaux de munitions et d’armes, a avancé le représentant en citant quelques chiffres concernant l’aide à l’Ukraine: la livraison par le Royaume-Uni de missiles pour un montant de 100 millions de livres; le « cadeau à Zelenskyy » de la Belgique de 1,7 milliard de dollars sous forme d’armes.  Le délégué a expliqué la provenance de ces fonds par les allégements fiscaux liés aux taux de pourcentage du taux d’intérêt sur les avoirs russes volés par l’Occident.  L’Allemagne a annoncé une aide militaire de 1 milliard de dollars pour des missiles à longs rayons d’action, a ajouté le délégué en citant encore l’annonce récente du chef du Pentagone sur la nécessité d’assurer l’approvisionnement continu en armes de l’Ukraine et la création d’une coalition d’États qui aiderait l’Ukraine à développer son armée de l’air.  La livraison d’avions de combats F-16 pourrait commencer dès le printemps 2024, a noté le représentant russe. 

Pour le représentant, ce scenario ne ferait qu’exacerber la crise sécuritaire en Europe en entraînant des affrontements militaires directs en Ukraine.  Par ailleurs, il a dit craindre que la corruption en Ukraine fasse accroître la prolifération et les trafics d’armes y compris au Moyen-Orient.  Ce contexte profiterait aux producteurs d’armes occidentaux « qui se frottent les mains », a-t-il commenté en observant que les commandes et les profits augmentent.  De plus, le délégué a affirmé que les pays occidentaux utilisent la situation actuelle pour se réarmer en donnant aux Ukrainiens leurs vieilles armes.  « Les parrains occidentaux de l’Ukraine tirent parti du conflit », a martelé le délégué pour qui les Ukrainiens sont les seuls perdants dans les jeux politiques des autres.  Pour le représentant, l’aide financière occidentale aux pays du Sud n’est rien comparée avec ce que l’Occident a alloué à l’Ukraine en armes.  La somme totale reçue par Kiev avoisine les 165 milliards de dollars alors que l’ONU n’a reçu que 32% des 55 milliards de dollars dont elle a besoin pour financer ses différents plans d’intervention humanitaire à travers le monde, a-t-il relevé. 

Il a ensuite noté que Bruxelles avait promis 50 milliards de dollars pour le relogement des déplacés ukrainiens.  Pourtant, ces 15 dernières années, l’Union européenne n’a donné que 4 milliards de dollars pour les opérations de maintien de la paix en Afrique. Les prêts du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale pour l’Ukraine ont augmenté de 677%, a encore constaté le délégué en faisant le total: ils ont versé 43 milliards de dollars pour ce pays.  Le représentant a dénoncé « l’humanisme sélectif des pays occidentaux »”. Il a aussi informé que la Première Dame d’Ukraine a dépensé plus d’un million de dollars dans l’une des bijouteries les plus chères de New York en septembre dernier.  Le représentant annonçant l’échec et la fin de la contre-offensive de l’Ukraine, a fait savoir que les forces russes sont passées à des opérations actives le long de la ligne de front et ont déjà réalisé des progrès considérables.  Plutôt que de mettre fin à ce massacre, les pays occidentaux continuent de fournir des armes à Kiev, a-t-il regretté en les accusant de ce fait de précipiter son agonie, a-t-il prévenu.  Selon lui, leur objectif est de porter préjudice à la Russie par le biais de l’Ukraine et de rendre le territoire ukrainien impropre à la vie. 

M. JOHN KELLEY (États-Unis) a remarqué qu’un mois jour pour jour après la réunion précédente sur le sujet, le Conseil se réunit à nouveau à la requête de la Russie pour discuter du transfert d’armes à l’Ukraine.  Il s’est opposé aux « efforts cyniques » de la Russie tendant à faire du Conseil « un pantin », lui répliquant que c’est bien un membre permanent du Conseil qui a envahi un autre État Membre de l’ONU. Cela soulève la question de la légitimité des États Membres, consacrée par la Charte, selon le délégué.  Il a dénoncé en particulier les nombreuses violations des multiples résolutions du Conseil sur la République populaire démocratique de Corée et de celles sur la République islamique d’Iran, ainsi que le blocage de l’acheminement des céréales au reste du monde. 

« La Russie ose parler de désarmement alors que c’est bien ce pays qui a déclenché une guerre d’agression injustifiée contre l’Ukraine », s’est impatienté le représentant, qui a mentionné les multiples attaques « cruelles », comme celle, récente, contre le village de Hroza, et l’invasion de l’Ukraine. Il s’est étonné que « le représentant russe ose dire que c’est notre envoi d’armes pour aider l’Ukraine contre cette agression qui est illégale », ajoutant que pas plus tard que la semaine dernière, un centre d’études internationales a publié des images satellitaires montrant 39 wagons dans une gare nord-coréenne, « une augmentation spectaculaire qui indique que la RPDC envoie des armes à la Russie ».  Le délégué a rappelé à cet égard l’interdiction faite aux États Membres de procéder à des transferts illicites d’armes.  Il a donc appelé la Russie à s’engager en faveur de la paix et de la sécurité et à respecter l’embargo sur les armes.  Le représentant a aussi dénoncé l’achat de drones à la République islamique d’Iran, pourtant interdits, et leur utilisation dans des attaques contre les civils et les infrastructures civiles, y compris des ports clefs pour le reste du monde.  Il a réaffirmé l’engagement des États-Unis à continuer à mettre à nu les efforts de la Russie tendant à obtenir des armes d’autres pays, concluant par un appel à ce pays pour qu’il retire immédiatement ses forces du territoire ukrainien.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a jugé fondamental, pour les membres du Conseil de sécurité, de se réconcilier avec sa fonction initiale de Conseil de sécurité, et non de conseil de guerre.  Il a ensuite estimé que l’appel conjoint du Secrétaire général et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) demandant aux États d’imposer de nouvelles règles internationales sur les systèmes d’armes autonomes, devait engager chaque membre de la communauté internationale.

Définir de nouvelles normes et des lignes rouges à l’échelle globale est une urgence absolue, dans le contexte actuel marqué par la résurgence de conflits, notamment au Moyen-Orient, a dit le représentant, pour qui la guerre en Ukraine doit cesser le plus vite possible.  Les souffrances et les destructions doivent être stoppées et cela n’est possible que par l’activation des canaux de la diplomatie et de la négociation, a-t-il conclu.

M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) qui a réitéré le droit à la légitime défense de tous les États, a souligné l’importance de prévenir la prolifération et les trafics illicites d’armes.  Le représentant a exhorté à chercher des solutions durables au conflit en Ukraine en plaidant en faveur d’un règlement diplomatique et négocié. Pour lui, c’est le seul moyen de mettre fin à ce conflit et de jeter les bases d’une paix durable entre les nations concernées.

Pour y parvenir, le représentant a jugé essentiel de donner une chance à toutes les voies, initiatives de paix et mesures de confiance.  Lorsque la confiance sera rétablie, les voies de la paix émergeront naturellement, a-t-il estimé.  Il a donc exhorté les parties concernées à cesser immédiatement les hostilités, à reprendre les négociations directes de bonne foi et à adopter une stratégie positive, inclusive et axée sur les résultats.  Vous devez vous concentrer sur les avantages de la collaboration plutôt que sur une position étroite et concurrentielle, a-t-il suggéré.

Mme SHINO MITSUKO (Japon) a sommé la Fédération de Russie de se retirer immédiatement et sans condition de l’Ukraine.  Aucun appui, et aucun transfert d’armes, ne doivent être fournis à la Russie.  Et il serait inacceptable qu’elle viole les résolutions du Conseil de sécurité en acceptant un tel appui, a-t-elle souligné.  Évoquant l’attachement du Japon aux efforts internationaux visant à réaliser un monde sans armes nucléaires, elle a fait part de sa profonde préoccupation concernant les déclarations récentes de la Russie sur une éventuelle révocation de ratification du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.  Elle s’est également inquiétée de la possibilité d’une coopération militaire entre la Russie et la « Corée du Nord » après leur récent sommet bilatéral à l’issue duquel les deux pays sont convenus d’une coopération stratégique et tactique.

Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes unis) a rappelé que le droit de légitime défense de tous les États Membres allait de pair avec le droit de développer des capacités de défense.  La représentante a ensuite réaffirmé l’importance de prendre des mesures pour protéger les armes pendant leur transfert, leur emmagasinage et leur déploiement, ajoutant que le moyen le plus efficace de faire face aux risques de détournement des armes et des munitions consiste à mettre définitivement fin au conflit. 

Mme Shaheen a exhorté toutes les parties au conflit en Ukraine à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire, car la protection des civils et des biens de caractère civil est primordiale.  Elle a rappelé le nombre de morts, de victimes et de déplacements de civils et le coût de cette guerre pour le peuple ukrainien.  Le traumatisme et les impacts durables sur la population laisseront également une marque indélébile, s’est-elle émue.  Les Émirats arabes unis sont prêts à travailler avec tous les partenaires dans la poursuite du dialogue et de la diplomatie, et à ouvrir la voie à une paix juste et durable qui respecte la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a accusé la Fédération de Russie de tenter, à nouveau, de détourner l’attention des crimes qu’elle commet.  « Elle ne fera croire à personne que le soutien apporté à l’Ukraine soit à l’origine du conflit, ni la cause de sa prolongation. »  C’est la Russie qui a pris la responsabilité de provoquer cette guerre, a-t-il dit en l’accusant d’avoir agressé l’Ukraine au mépris des principes de la Charte des Nations Unies.  Le représentant a expliqué que ce n’est qu’en réponse à cette agression que de nombreux pays, dont la France, ont décidé d’appuyer l’Ukraine dans l’exercice de son droit à la légitime défense, en vertu de l’Article 51 de la Charte. Il a reconnu que son pays fournit à l’Ukraine des systèmes qui lui permettent de se défendre, notamment face aux frappes indiscriminées menées contre ses infrastructures critiques. Ces livraisons d’armes sont effectuées dans le strict respect de nos engagements internationaux, en termes de contrôle des transferts d’armes et de prévention du détournement, a-t-il assuré. 

Le représentant a estimé que ce qui compromet les chances de régler cette crise, qui dure depuis plus de vingt mois, c’est la poursuite par la Russie d’une agression illégale, au moyen d’armes dont certaines sont acquises, en violation des résolutions du Conseil, auprès de l’Iran et de la République populaire démocratique de Corée.  « Nous appelons une nouvelle fois la Russie à cesser son agression et à retirer ses troupes du territoire ukrainien, comme l’a demandé une écrasante majorité des membres de l’Assemblée générale à plusieurs reprises. »  C’est, selon le représentant, la condition pour une paix juste et durable, fondée sur les principes de la Charte, et sur le respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

M. GENG SHUANG (Chine) a déclaré que les armes qui arrivent sur le théâtre de la guerre en Ukraine sont toujours plus létales et que les perspectives d’une solution s’éloignent chaque fois plus, d’où un risque croissant de prolifération.  Il a appelé toutes les parties à la retenue et à veiller à ce que les armes ne tombent entre les mains de terroristes.  Le délégué a insisté sur le fait que le dialogue et la promotion d’un règlement politique sont les seuls moyens de faire cesser ce conflit.  De l’Asie à l’Afrique, en passant par l’Europe et le Moyen-Orient, le monde est en ébullition, a-t-il relevé, appelant à adopter des mesures efficaces pour promouvoir l’entente et la réconciliation afin de parvenir à une paix pérenne et à une sécurité commune.

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a rappelé que cette séance fait suite à celle tenue en début de semaine après l’attaque meurtrière sur la ville de Hroza, séance lors de laquelle une grande majorité du Conseil y avait exprimé son inquiétude face à l’impact dévastateur de l’agression militaire russe sur la population civile en Ukraine.

Le représentant a rappelé que la Russie pouvait mettre un terme, à tout moment, à son agression militaire et du même coup éliminer les risques relatifs aux livraisons d’armes qui l’inquiètent.  Il ne faut jamais confondre l’agresseur et l’agressé, a-t-il ajouté, en rappelant que c’est la Russie qui viole des principes fondamentaux du droit international.  La Suisse rejette toute tentative de justifier cet acte ou de détourner l’attention de la responsabilité de ses conséquences. L’interdiction du recours à la force et de l’expansion territoriale par la force sont inscrites dans la Charte des Nations Unies et l’Ukraine, comme tous les États, a le droit d’assurer sa sécurité et de défendre son intégrité territoriale et sa souveraineté.

Concernant les livraisons d’armes, le représentant a jugé crucial que les États respectent leurs obligations.  Il s’est dit profondément préoccupé par l’érosion de l’architecture de contrôle des armements et le non-respect de certaines règles, notamment les violations de résolutions de ce Conseil, que ce soit à travers des transferts illégaux de drones de l’Iran vers la Russie ou ceux, présumés, d’armes et munitions de la RPDC au profit du même pays.  Il a ensuite rappelé le soutien de la Suisse au Nouvel agenda pour la paix du Secrétaire général, car il vise à réduire le coût humain des armes en protégeant mieux les civils dans les zones peuplées en conflit.  La Suisse fait d’ailleurs du déminage humanitaire dans les zones civiles une priorité de son action en Ukraine, a-t-il rappelé , ajoutant que son pays poursuivrait son engagement en faveur d’un plein respect du droit international et la reddition de comptes.

M. DARREN CAMILLERI (Malte) a rappelé la cohérence et la constance de la position de son pays sur le danger et l’impact à long terme du flux incontrôlé des armes sur la paix, de même que sur la protection des civils dans les conflits armés et la nécessité de garantir le respect du droit international.  Mais, pour le représentant, le vrai objectif de cette réunion demandé par la Fédération de Russie n’est pas la question du flux d’armes, c’est, cyniquement, de déformer la réalité et de présenter l’agresseur comme la victime et la victime en tant qu’agresseur.

Le Conseil ne doit pas perdre de vue la véritable cause de cette guerre, a déclaré le représentant, qui a rappelé que c’est bien la Russie qui, le 24 février 2022, a lancé une invasion à grande échelle et non provoquée de l’Ukraine, violant du même coup les principes de la Charte et le droit international tout en mettant en danger la sécurité européenne.  À aucun moment l’Ukraine n’a attaqué, ou même menacé d’attaquer, la Russie, a-t-il ajouté.

Réitérant le soutien de Malte à la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, ainsi que le droit de celle-ci à la légitime défense, le représentant a ensuite dénoncé les violences scandaleuses commises contre les civils et infrastructures ukrainiens, comme le récent bombardement de Hroza, un des plus meurtriers depuis le début de l’agression.  Il a également mis l’accent sur l’aggravation de la situation humanitaire avant de rappeler aux parties leur obligation de protéger les civils et de faciliter l’afflux de l’aide humanitaire.

M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) a accusé la Russie de « raconter de nombreux mensonges » au Conseil sur sa guerre d’agression illégale contre l’Ukraine.  Il a rappelé, à cet égard, ce qu’a déclaré le Président Putin après les frappes russes sur les infrastructures énergétiques, économiques et alimentaires civile de la semaine dernière: « l’économie et l’armée ukrainiennes s’effondreraient en une semaine sans l’aide d’autres États ».  Après avoir affirmé que la Russie aspire à la destruction complète d’un État Membre de l’ONU, le délégué a déclaré: « nous sommes fiers d’aider l’Ukraine ».  Le courage et l’unité du peuple ukrainien feront en sorte que la Russie échoue et que l’Ukraine l’emporte, a-t-il assuré, estimant que la guerre de la Russie est déjà un échec.  Il a ensuite dénoncé les « plus de 100 000 crimes de guerre » qui auraient été commis pendant le conflit, citant la torture ainsi que la violence sexuelle et sexiste commises par les forces russes, « amplement documentées ».

Pour le représentant, l’aide internationale à l’Ukraine ne fait pas prolonger cette guerre. Les Ukrainiens continueront à se battre pour défendre leur terre aussi longtemps qu’il le faudra, a-t-il prédit. Il a assuré que le soutien international au plan de paix du Président Zelenskyy augmente, disant que le Royaume-Uni est fier de soutenir ces efforts.  Le représentant a noté que, pour obtenir des armes, la Russie compte sur des États qui sont sous régimes de sanctions, tels que l’Iran et la République populaire démocratique de Corée (RPDC).  Il a dénoncé le fait que des drones iraniens aux mains des Russes aient tué des civils et causé d’énormes dégâts économiques en Ukraine.  Il a averti que la Russie négocie des accords pour qu’un grand nombre d’armes de la RPDC soient utilisées contre l’Ukraine, des accords qui constituent un risque grave pour la paix et la sécurité internationales et qui violent plusieurs résolutions du Conseil de sécurité.  En conclusion, il a garanti le soutien constant de son pays à l’Ukraine dans l’exercice de son droit de légitime défense.

M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a fait siennes les observations et recommandations du Bureau des affaires de désarmement concernant les risques qu’implique l’entrée d’armes et de munitions en Ukraine ainsi que les mesures qui s’imposent pour les réduire.  Il a fustigé la rhétorique nucléaire « nocive » depuis le début de l’invasion russe, avant d’appeler l’ensemble des États Membres à renforcer l’architecture mondiale de désarmement, notamment en ratifiant ou adhérant aux traités dans ce domaine, et en facilitant l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.

Le représentant a condamné par ailleurs les attaques contre Hroza, dans le district de Kharkiv, rappelant le rôle fondamental que peuvent jouer les systèmes d’armement antiaérien dans la protection de la population civile.  À cet égard, il a affirmé que la logique de la protection des civils et de l’intégrité territoriale doit présider tout transfert d’armes.  Il a ensuite exhorté la Fédération de Russie à cesser ses attaques sur les zones résidentielles, ou densément peuplées et à mettre fin à l’invasion pour donner une chance à une solution politique qui s’inscrirait dans le cadre du respect de l’intégrité territoriale et tous les autres principes de la Charte des Nations Unies.

Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a estimé que l’usage de la force n’est pas le moyen le plus stratégique pour régler un différend entre États.  Cela ne peut se faire que par la diplomatie et les négociations.  Mais il semble que les belligérants ne soient pas disposés à emprunter cette voie, en toute bonne foi, a-t-elle regretté.  La représentante a alors appelé à renouveler les efforts diplomatiques pour parvenir à un dialogue crédible entre toutes les parties.  À cet égard, elle a dit être favorable à la reprise des contacts de la part des organes régionaux, qui selon elle, sont les acteurs clefs de l’architecture de défense européenne.  Elle a aussi appelé la Fédération de Russie à retirer ses troupes des territoire ukrainiens, internationalement reconnus.

M. ARIAN SPASSE (Albanie) a relevé que la Russie utilise ses armes pour tuer la population d’un autre pays en violation totale du droit international et de la Charte des Nations Unies.  L’Ukraine utilise ses armements pour se défendre, a-t-elle ajouté, en justifiant ainsi la condamnation de la Russie et le soutien à l’Ukraine.  Elle a réitéré le soutien de son pays envers l’Ukraine sur les plans politique, diplomatique, économique et militaire.  Elle a rappelé que l’Article 51 de la Charte des Nations Unies constitue la base juridique permettant aux États d’offrir toute assistance à un pays exerçant son droit de légitime défense, y compris pour défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale.

De l’avis de la représentante, le transfert d’armes à l’Ukraine a été effectué conformément au droit national applicable et au Traité sur le commerce des armes.  En revanche, la Russie utilise des drones iraniens en violation de la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité, a-t-elle dénoncé, avant de mentionner de graves allégations selon lesquelles la Russie recevrait des armes et des munitions de la RPDC tout autant en violation des résolutions du Conseil.  Pendant que la Russie essaie de détourner l’attention en parlant de la fourniture d’armes à l’Ukraine, elle transforme la nourriture, l’énergie et les médias en armes dans sa guerre d’agression, a-t-elle dénoncé en conclusion.

M. NORBERTO MORETTI (Brésil) a appuyé le droit à la légitime défense en cas d’agression et souligné que les transferts d’armes dans les zones de conflit s’accompagnent d’énormes risques sur le champ de bataille.  De plus, a-t-il ajouté, ils éloignent toute perspective de paix et de sécurité.  Le délégué s’est inquiété notamment de l’introduction d’armes de plus en plus destructrices dans ce conflit et de la « menace inadmissible » de l’emploi d’armes nucléaires.  Il a aussi pointé la menace pérenne des mines terrestres et de leurs incidences sur le long terme pour les civils.  Il a en outre prévenu que les armes transférées risquent de tomber entre les mains de terroristes.  Le délégué a appelé les membres du Conseil de sécurité à encourager la désescalade et à inciter à des négociations soit directement entre les parties soit par les bons offices de tiers neutres.  Il a aussi exhorté les États Membres à s’abstenir de toute violation des résolutions pertinentes du Conseil.

M. SERHII DVORNYK (Ukraine) a accusé la Fédération de Russie d’avoir atteint le fond. Il a observé que la délégation russe continue sa « stratégie puérile » qui consiste à demander des réunions qui font doublon et font perdre du temps au Conseil de sécurité. Il a également déclaré que la solidarité dont jouit son pays est essentielle, dans le contexte où les intentions du Président Putin et de ses complices sont « clairement génocidaires ».  Selon lui, en attaquant des écoles et en tuant des enfants, « Putin cherche à détruire notre avenir commun, un avenir que nous bâtissons tous ensemble, un monde affranchi des guerres, de la pauvreté et de la faim ».  Or, l’Ukraine défend ces aspirations et progresse sur le terrain, a assuré le représentant.  Il a également déclaré que le Président Putin rêve d’une Ukraine qui n’aurait plus qu’une semaine à vivre si elle ne recevait plus d’armes. « Il comprend maintenant que l’Ukraine est un cauchemar pour lui. »  D’après le représentant, le Président Putin craint une défaite imminente. Or, toute nation qui combat le terrorisme devrait continuer de soutenir l’Ukraine, afin qu’elle sorte vainqueur de cette guerre qui dure depuis 597 jours, a-t-il conclu.

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Quatrième Commission porte son attention sur la sûreté nucléaire et adopte une résolution sur les effets des rayonnements ionisants 

Soixante-dix-huitième session,
11e séance plénière – matin
CPSD/784

La Quatrième Commission porte son attention sur la sûreté nucléaire et adopte une résolution sur les effets des rayonnements ionisants 

Au terme d’un débat axé sur les questions de sûreté nucléaire, la Quatrième Commission (chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation) a adopté, ce matin, un projet de résolution portant sur les effets des rayonnements ionisants et approuvé le rapport annuel du Comité scientifique des Nations Unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants.   

Venue présenter ce rapport, la Présidente du Comité scientifique a indiqué que plus de 150 scientifiques provenant de 30 États membres du Comité et de 11 organisations internationales observatrices ont participé à la soixante-dixième session du Comité, qui s’est tenue du 19 au 23 juin 2023, à Vienne.  À cette occasion, le Comité a révisé ses principes directeurs et adopté une procédure de préparation des annexes scientifiques et des rapports.  Il a également abordé les évaluations concernant six sujets potentiels en vue de son programme de travail pour la période 2025-2029, trois d’entre eux ayant été sélectionnés pour une évaluation plus approfondie. 

« Les travaux du Comité scientifique sont fondamentaux pour la sûreté radiologique internationale », a fait valoir Mme Jing Chen, du Canada, « et affectent les décisions des gouvernements et des organismes nationaux et internationaux ».  Parmi les cinq projets en cours du Comité scientifique, celui concernant les seconds cancers primitifs après radiothérapie vise à sensibiliser les communautés scientifiques et médicales, ainsi que les autorités nationales, au fait que le traitement du cancer par radiothérapie peut entraîner un second cancer primaire des années plus tard.  Entrepris en 2020, le projet d’évaluation de l’exposition du public aux rayonnements ionisants devrait être approuvé en 2024.   

L’an dernier, le Comité scientifique a organisé un événement de sensibilisation au Japon afin de diffuser l’annexe de son rapport 2020-2021 portant sur les niveaux et effets de l’exposition aux rayonnements dus à l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, un document qui a également fait l’objet de présentations lors de forums internationaux.  En tant que pays « pleinement engagé » en faveur de la sécurité de la technologie nucléaire, le Japon s’est félicité des activités de sensibilisation scientifique initiées par le Comité scientifique concernant ses découvertes sur les niveaux et les effets de l’exposition aux rayonnements dus à cet accident.   

La Chine, au contraire, s’est vivement préoccupée de l’accident de Fukushima, « l’un des pires accidents nucléaires de l’histoire », marqué par la libération de matières radioactives, avec des conséquences délétères pour l’environnement marin et la santé humaine.  Sa représentante a remercié le Comité scientifique d’avoir examiné les niveaux d’exposition nucléaire qui ont découlé de cette catastrophe et d’avoir rendu public un rapport à ce sujet.  Selon elle, le déversement de l’eau contaminée dans l’océan est un événement « sans précédent et irresponsable ».  Face à un tel constat, elle a appelé la communauté internationale à mettre en place un mécanisme de supervision garantissant la participation de l’ensemble des pays voisins.    

Le Japon a rétorqué que cette eau possède une concentration de matière radioactive bien en deçà des normes en vigueur.  L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a d’ailleurs procédé à des évaluations qui démontrent une concentration en tritium dans l’eau suffisamment basse, a affirmé la délégation, et un mécanisme de supervision a été mis en place.  Tokyo ne s’aventurerait pas à déverser dans la mer une eau mettant en péril la santé humaine ou l’environnement marin, a assuré le Japon.   

L’Union européenne a relevé à cet égard l’expérience acquise par le Comité scientifique en matière d’évaluation de l’exposition consécutive à des rejets accidentels de radionucléides et de développement des bases scientifiques nécessaires à l’amélioration de la préparation aux interventions et au rétablissement en cas d’urgence nucléaire et radiologique.  Selon elle, la préparation aux situations d’urgence nécessite des efforts internationaux soutenus, en améliorant les connaissances nécessaires à la gestion des sites existants afin de répondre à des événements radiologiques ou à des accidents nucléaires.   

Pour sa part, le Pakistan a mis en place une réglementation nationale concernant la protection contre les rayonnements ionisants conforme aux normes de sécurité et aux documents d’orientation de l’AIEA.  Les installations nucléaires et radiologiques de la Commission pakistanaise de l’énergie atomique effectuent régulièrement des mesures de l’exposition aux rayonnements des travailleurs et des patients dans les hôpitaux spécialisés dans le traitement du cancer, ainsi que des évaluations de l’exposition du public autour des installations nucléaires.   

La Présidente du Comité scientifique a par ailleurs indiqué que des études épidémiologiques sur les radiations et le cancer ont débuté en 2019 et devraient être approuvées en 2025, en ajoutant que le groupe d’experts a réalisé des progrès significatifs depuis 2022 dans la rédaction de l’annexe scientifique sur les 25 cancers sélectionnés.  Le projet concernant les effets des rayonnements ionisants sur le système nerveux a débuté en avril de cette année et devrait être approuvé en 2027.   

Le Comité scientifique a en outre actualisé, en 15 langues, sa brochure intitulée « Radiations: effets et sources », une initiative qualifiée de « remarquable » par le Bangladesh.  Ce pays a d’ailleurs reçu, ce mois-ci, sa première livraison d’uranium en vue de l’inauguration, prévue en 2024, de sa première centrale nucléaire, laquelle est appelée à fournir 2 400 mégawatts d’électricité, appuyant ainsi les efforts de décarbonation de ce pays.   

La Commission entamera l’examen des questions relatives à l’information lors de sa prochaine réunion, le mardi 17 octobre 2023, à partir de 15 heures.   

EFFETS DES RAYONNEMENTS IONISANTS 

Déclarations 

M. STEEN MALTHE HANSEN, de l’Union européenne, a déclaré que les travaux entrepris par le Comité scientifique des Nations Unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants sont conformes aux priorités de l’Union européenne et ont joué un rôle important pour forger une meilleure compréhension scientifique internationale des mécanismes biologiques par lesquels les effets radio-induits sur la santé humaine et le biote non humain peuvent se produire.  De même, il a salué les travaux du Comité sur l’exposition médicale aux rayonnements atomiques, qui est l’une des priorités de l’Union européenne en matière de radioprotection, conformément au plan d'action SAMIRA (programme stratégique pour les applications utilisant des rayonnements ionisants à des fins médicales), adopté par la Commission en 2021 afin de soutenir une utilisation sûre et fiable de la technologie radiologique et nucléaire dans le domaine de la santé.  Le représentant a pris note de l’expérience acquise par le Comité en matière d’évaluation de l’exposition consécutive à des rejets accidentels de radionucléides et de développement des bases scientifiques nécessaires à l’amélioration de la préparation aux interventions et au rétablissement en cas d’urgence nucléaire et radiologique.  Selon lui, la préparation aux situations d’urgence nécessite des efforts internationaux transfrontaliers soutenus permettant une réponse à un événement radiologique ou à un accident nucléaire en améliorant les connaissances nécessaires à la gestion des sites existants.   

Le représentant s’est par ailleurs félicité des travaux entrepris pour l’évaluation de l’exposition du public aux rayonnements ionisants, en ajoutant que les projets de recherche lancés par l’Union européenne dans ce domaine apporteront une contribution clef aux efforts internationaux en la matière.  S’agissant de la radioprotection, de l’amélioration de l’utilisation des rayonnements ionisants dans les applications médicales et de la préparation aux situations d’urgence, il a indiqué que le Partenariat PIANOFORTE, cofinancé par le programme de recherche et de formation de la Communauté européenne de l'énergie atomique (EURATOM), est le principal moteur de la recherche pour les années 2021 à 2025.   

M. MOHAMMAD AAMIR KHAN (Pakistan) a salué les travaux du Comité scientifique des Nations Unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR).  Il a expliqué que le Pakistan a mis en place une réglementation nationale pour la protection contre les rayonnements ionisants, conformément aux normes de sécurité et aux documents d’orientation de l’AIEA.  Les installations nucléaires et radiologiques de la Commission pakistanaise de l’énergie atomique (PAEC) effectuent régulièrement des mesures de l’exposition aux rayonnements des travailleurs et des patients dans les hôpitaux spécialisés dans le traitement du cancer, ainsi que des évaluations de l’exposition du public autour des installations nucléaires.  Les données relatives à l’exposition sont conservées à des fins d’analyse et de référence future, a précisé le représentant, avant d’assurer que le Pakistan continuera à fournir ses données sur la plateforme en ligne pour la collecte de données et à participer aux enquêtes mondiales de l’UNSCEAR sur l’exposition aux rayonnements par l’intermédiaire des personnes de contact nationales désignées.  Le représentant a estimé que pour renforcer l’acceptation de la technologie nucléaire par l’opinion publique, des efforts globaux doivent être déployés pour mettre en lumière les aspects bénéfiques des rayonnements ionisants.  Il a donc encouragé le Comité scientifique à améliorer davantage son site Internet et à rendre publiques des brochures et des affiches dans toutes les langues officielles de l’ONU. 

M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a dit que son pays s’était engagé dans le développement pacifique de l’énergie nucléaire et collaborait avec l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pour cela.  Il a d’ailleurs adhéré en 1999 à la Convention de l’AIEA de 1994 sur la sûreté nucléaire, preuve de son sérieux en la matière.  Collaborer avec la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) et l’AIEA est selon lui essentiel pour donner bonne suite au rapport du Comité.   

Le cadre de protection de Sri Lanka concerne l’étude des sources rayonnantes, et l’agence nationale dédiée est déterminée à poursuivre sa collaboration avec l’AIEA.  Déterminé à accroître ses capacités pour d’éventuels programmes nucléaires futurs, y compris un réseau national de stations de surveillance de centrales nucléaires voisines, le pays se prépare à la construction d’un parc de centrales et le Gouvernement adapte son cadre régulateur en ce sens pour s’aligner avec les normes internationales.  Les investissements du pays dans la sureté nucléaire soulignent ses engagements et sa contribution à la sécurité régionale et internationale, notamment avec le centre scientifique Gamma, mis sur pied dans la capitale Colombo.   

Dans le secteur alimentaire, plus précisément laitier, le Sri Lanka étudie les isotopes du lait de vache en fonction des différentes zones climatiques, contribuant ainsi, de manière indirecte, à la stabilité économique internationale, et donc à la paix et à la sécurité internationales, a indiqué le délégué.  En conclusion, il a reconnu des insuffisances dans le secteur national hospitalier en matière de détection et de traitement des cancers.   

M. RAFIQUL ALAM MOLLA (Bangladesh) a expliqué que son pays a lancé plusieurs initiatives afin d’assurer une utilisation sûre et pacifique des rayonnements ionisants.  Un programme a ainsi été lancé avec l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pour la période 2018-2023 dans les domaines de la santé, la sécurité nucléaire et des applications industrielles.  Des projets de lutte contre l’insécurité alimentaire et les cancers contribuent également au bien-être de la population, et ont permis d’améliorer une centaine de types de céréales, triplant la production rizicole depuis les années 1970.  Le Bangladesh a reçu, ce mois-ci, sa première livraison d’uranium en vue de l’ouverture de sa première centrale nucléaire, prévue en 2024.  Cette centrale est appelée à fournir 2 400 mégawatts d’électricité, appuyant ainsi les efforts de décarbonation déployés par le pays.  Le représentant a qualifié de « remarquable » la mise à jour par le Comité scientifique du manuel sur les effets des rayonnements ionisants en 15 langues.  Le représentant a par ailleurs invité le Comité à forger des partenariats avec l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’AIEA, l’Organisation internationale du Travail (OIT) et d’autres.   

Mme GRETEL ROLLE HERNÁNDEZ (Cuba) s’est félicitée que le Comité ait inscrit à son programme de travail actuel un groupe de questions importantes, telles que les études épidémiologiques sur les rayonnements et le cancer, l’évaluation de l’exposition du public aux rayonnements ionisants, l’évaluation des maladies de l’appareil circulatoire dues à l’exposition aux rayonnements ionisants, et les effets des rayonnements ionisants sur le système nerveux.  Selon elle, il est également nécessaire de renforcer la stratégie visant à améliorer la collecte, l’analyse et la diffusion des données sur l’exposition aux rayonnements.   

Elle a aussi réitéré la position ferme de Cuba selon laquelle l’élimination totale des armes nucléaires est le seul moyen efficace de garantir que l’humanité ne subira plus jamais leurs terribles effets.  Par ailleurs, la déléguée a jugé souhaitable de maintenir et de renforcer les liens de collaboration entre le Comité et les différentes agences et institutions du système des Nations Unies, y compris l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’AIEA et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE).  L’expérience acquise à ce jour montre que cette collaboration favorise la mise en œuvre des orientations stratégiques du Comité et génère de plus grands bénéfices pour l’humanité, a-t-elle souligné.   

M. MOHAMMAD REZA SAHRAEI(République islamique d’Iran) a exprimé son attachement aux travaux menés par le Comité scientifique, dont son pays est membre.  Depuis sa création, le Comité a permis d’élargir la portée des connaissances et de la compréhension concernant les niveaux, les effets et les risques d'exposition aux rayonnements ionisants, tout en remplissant son mandat en toute indépendance et avec la rigueur scientifique requise.  Le représentant a jugé prioritaire d’accorder un financement adéquat, assuré et prévisible au Comité scientifique, qui devrait en outre être doté d’un personnel géographiquement équilibré.  Selon lui, le Comité doit prendre les mesures administratives qui s’imposent pour maintenir son indépendance et exercer les fonctions qui lui incombent 

M.  AL-SAED (Iraq) a dénoncé les effets délétères des rayonnements ionisants sur la santé humaine et sur l’environnement en notant que ces effets transcendent les générations.  Par conséquent, le représentant a exigé qu’il en soit tenu compte, notamment par les nations qui utilisent l’énergie nucléaire. Quant au Comité scientifique des Nations Unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants(UNSCEAR), le représentant a salué la stratégie du Comité pour améliorer sa collecte de données, avant d’exhorter toutes les parties concernées à lui fournir plus de données fiables, notamment sur les origines des rayonnements ionisants.  Il a également encouragé une collaboration plus étroite entre l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et l’UNSCEAR.  Pour avoir été un pays victime de ces rayonnements lors des conflits qui l’ont frappé, tant sur le plan de la santé qu’environnemental, l’Iraq appelle à miser sur une éducation saine et sur l’éducation des jeunes en regrettant que les enfants iraquiens en soient encore trop souvent privés. En guise de conclusion, le délégué a apporté son soutien à tout projet de résolution visant à minimiser les effets de rayonnements ionisants. 

M. MAXIMILIANO JAVIER ALVAREZ (Argentine) a soutenu le projet de résolution présenté aujourd’hui, avant de rappeler que son pays est un membre fondateur du Comité et a toujours soutenu son action, en fournissant gratuitement au Secrétariat les conclusions de ses experts, entre autres.  Le Comité examine actuellement les seconds cancers primaires après radiothérapie, une demande de son pays conjointement avec la France, et les experts argentins aident le Secrétariat à la mener à bien.  L’autorité argentine de régulation nucléaire, en collaboration avec l’AIEA, a produit un document suggérant que les « expositions adventices » devraient être surveillées, a indiqué le représentant.  Le document est disponible sur le site Web de l’AIEA.  Toutes les autres questions en cours sont également très importantes et l’Argentine soutient leur mise en œuvre, a-t-il insisté. 

Mme YURIE MITSUI (Japon) a salué le travail essentiel du Comité scientifique, lequel fournit des évaluations et des rapports scientifiques sur les effets de l’exposition aux rayonnements ionisants.  Ces travaux nous ont permis d’approfondir notre compréhension des niveaux, des effets et des risques d’exposition aux rayonnements ionisants, sur la base de recherches scientifiques indépendantes.  En tant que pays pleinement engagé en faveur de la sécurité de la technologie nucléaire, le Japon apprécie les fonctions actuelles et le rôle indépendant du Comité, a-t-elle ajouté.  La représentante s’est notamment félicitée des activités scientifiques initiées par le Comité scientifique en matière de sensibilisation, au Japon comme auprès de la communauté internationale, concernant ses découvertes sur les niveaux et les effets de l’exposition aux rayonnements dus à l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi.  Elle a réaffirmé à cet égard l’engagement « profond et de longue date » de son pays en faveur de la sûreté nucléaire.   

M. MARCEL WILLAM ONDO ÉBANG (Cameroun) a salué l’importante contribution de certaines organisations internationales, dont l’AIEA, la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) et l’UNSCEAR, qui travaillent à la mise en place d’un cadre scientifique et juridique dans le domaine de la radioprotection.  Le Cameroun n’est pas resté en marge de la mobilisation internationale, a-t-il assuré, en citant la mise en place, en 2002, de l’Agence nationale de radioprotection (ANRP), et l’adoption d’une nouvelle législation pour notamment établir les règles de protection des personnes, des biens et de l’environnement contre les risques liés aux matières radioactives et nucléaires, et définir les règles de protection physique requises pour les installations, les matières radioactives et matières nucléaires.  L’ANRP a pour mission d’assurer la protection des personnes, des biens et de l’environnement contre les effets des rayonnements ionisants, de proposer des normes en matière de radioprotection, d’autoriser les pratiques mettant en œuvre des sources de rayonnements ionisants et de donner un avis sur les demandes d’autorisation, d’exploration et d’extraction des minerais uranifères et de thorium, a précisé le délégué.  Il a également évoqué les mesures prises pour réglementer, entre autres, l’utilisation des sources de rayonnements ionisants, l’importation et l’exportation des sources radioactives, le transport des matières, la gestion des déchets radioactifs et le suivi dosimétrique des travailleurs.  Avant de conclure, il a remercié l’AIEA pour l’assistance technique que cette agence offre aux projets nationaux et régionaux. 

Mgr GABRIELE CACCIA, Observateur permanent du Saint-Siège, a dit s’intéresser particulièrement à l’étude en cours du Comité sur l’exposition du public aux rayonnements ionisants, qui devrait s’achever en 2024.  Ces dernières années, les effets délétères de l’exposition aux rayonnements ionisants dus à l’utilisation et aux essais d’explosifs nucléaires, qui touchent de manière disproportionnée les femmes, les enfants et les fœtus, ont été de plus en plus connus. Il a espéré que l’étude à venir accordera une grande attention à l’exposition permanente, régionale et locale du public dans les zones contaminées par des essais nucléaires.  Ces informations pourraient être utilisées dans le cadre d’efforts d’assistance aux victimes et d’assainissement de l’environnement, en veillant à ce qu’elles répondent aux besoins spécifiques de chaque personne affectée d’une manière fondée sur la science.   

De nouvelles menaces, notamment la guerre à proximité de la centrale nucléaire de Zaporyzhzhya, risquent de déclencher une émission incontrôlée de rayonnements ionisants, a mis en garde le délégué.  L’expérience acquise par le Comité dans l’évaluation des niveaux et des effets de l’exposition aux radiations due à l’accident nucléaire de la centrale nucléaire de Fukushima peut aussi s’avérer vitale pour une réponse adéquate à tout incident futur, qu’il soit délibéré ou non, a-t-il observé. 

Explications de position 

Après avoir fait état de son expérience en matière de sûreté nucléaire, la Chine s’est vivement préoccupée de l’accident de Fukushima, « l’un des pires accidents nucléaires de l’histoire », caractérisé par la libération de matières radioactives, avec des conséquences délétères pour l’environnement marin et la santé humaine.  Sa représentante a remercié le Comité scientifique d’avoir examiné les niveaux d’exposition nucléaire à la suite de cet accident et d’avoir rendu public un rapport à ce sujet.  Selon elle, le déversement de l’eau contaminée dans l’océan est un événement « sans précédent et irresponsable » qui aura un impact important sur les océans.  La communauté internationale doit donc mettre en place un mécanisme de supervision garantissant la participation de l’ensemble des pays voisins.   

L’Argentine a rappelé avoir demandé l’année dernière au Secrétariat de vérifier que les études épidémiologiques sur les rayonnements et le cancer soient menées en stricte cohérence avec les conclusions du rapport de 2012 du Comité scientifique des Nations Unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants.  Il est essentiel que les estimations du Comité scientifique fassent une distinction claire entre les études épidémiologiques menées auprès de cohortes qui ont été exposées à des débits de doses élevées comme par exemple, celle d’Hiroshima et de Nagasaki, et les situations de cohortes exposées à de faibles doses, où seuls des risques conjecturaux peuvent être déduits, mais où la présence de dommages causés par les rayonnements ne peut être attestée sans équivoque.  La délégation a signalé qu’à la suite de la soixante-dixième session du Comité scientifique, un article a été publié avec un fort retentissement, décrivant l’étude INWORKS, coordonnée par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).  L’Argentine a expliqué que cette étude remet en cause les estimations des risques d’irradiation fournies par le Comité scientifique à l’Assemblée générale.  Par conséquent, la délégation a souhaité que le Comité scientifique aborde cette discussion dès que possible.   

Droit de réponse 

Le Japon a réagi aux propos de la Chine, qui a fait référence au déversement supposé d’eau contaminée dans l’océan par son pays.  Cette eau a une concentration de matière radioactive bien en deçà des normes en vigueur grâce à un processus de purification.  La déclaration de la Chine est donc erronée et dépourvue de base scientifique, a soutenu le Japon, le Gouvernement japonais ayant toujours été transparent avec la communauté internationale.   

Par ailleurs, l’AIEA procède à des évaluations et les autorités japonaises, qui respectent toutes les normes fixées par l’Agence, n’iraient jamais déverser de l’eau contaminée dans la mer si cela mettait en danger la biodiversité ou les vies humaines, a insisté la délégation.  La concentration en tritium dans l’eau est suffisamment basse, a-t-elle précisé, en soulignant que cela a été confirmé par les experts de l’AIEA sur la base d’un accord conclu entre le Japon et l’Agence.  L’opération de déversement de l’eau a démarré: un mécanisme de supervision s’assure qu’aucune anomalie n’existe et que la concentration en tritium demeure en deçà des normes requises, a encore indiqué le Japon.  Si une anomalie survenait, le processus serait bien entendu interrompu.   

Décision sur un projet de résolution 

En adoptant le projet de résolution intitulé « Effets des rayonnements ionisants », l’Assemblée générale prendrait note du rapport annuel du Comité, et notamment de la mise à jour de ses orientations stratégiques à long terme et de l’actualisation des principes directeurs de ses travaux.  Elle noterait également l’application de la stratégie actualisée de 2022 destinée à améliorer la collecte, l’analyse et la diffusion de données sur l’exposition aux rayonnements, afin d’élargir la participation aux enquêtes du Comité.  L’Assemblée se féliciterait des progrès accomplis dans les évaluations portant sur le risque de second cancer primitif après radiothérapie, et noterait qu’une nouvelle évaluation des effets sur le système nerveux des rayonnements ionisants a été entreprise.  Par ce texte, elle prendrait note du nouveau cadre de coopération avec le Système d’information sur les expositions professionnelles en décembre 2022 et de l’accord de recherche signé avec la Commission européenne en juin 2023.  L’Assemblée générale constaterait par ailleurs l’inquiétude croissante du Comité s’agissant de la baisse continue du budget ordinaire qui lui est alloué pour recruter des experts-conseils, et noterait que malgré une légère augmentation en 2023, celui-ci a diminué de 50% au cours des 10 dernières années. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Les évènements dramatiques au Moyen-Orient marquent le débat de la Sixième Commission sur les crimes contre l’humanité

Soixante-dix-huitième session,
10e & 11e séances plénières, matin & après-midi
AG/J/3691

Les évènements dramatiques au Moyen-Orient marquent le débat de la Sixième Commission sur les crimes contre l’humanité

Le conflit entre le Hamas et Israël s’est immiscé aujourd’hui dans le débat de la Sixième Commission (questions juridiques) sur les crimes contre l’humanité, lorsque le délégué d’Israël, deuxième orateur de la journée, a détaillé les atrocités commises dans son pays par le Hamas, le 7 octobre dernier, tandis que les délégations de l’Égypte, de l’Iran et de la Palestine, entre autres, ont souligné les crimes de guerre perpétrés contre le peuple palestinien.  Les enjeux juridiques ont néanmoins dominé les discussions, une majorité de délégations se disant en faveur de l’élaboration d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité. 

« Des centaines de terroristes ont perpétré un pogrom en le filmant en direct pour leurs partisans barbares, s’attaquant à des bébés, des enfants, des personnes âgées », a déclaré le délégué israélien.  Il a précisé que plus de 1 300 Israéliens ont été tués et 3 500 blessés lors de cette attaque du Hamas, « organisation terroriste génocidaire ». Personne dans cette salle ne doit garder le silence devant ce qui s’est passé, a dit le délégué, en dénonçant les prises d’otage du Hamas. 

« Le Hamas est pire que Daech, on ne peut pas dire autrement d’une organisation qui décapite des bébés d’un mois et des enfants pour faire de leurs têtes un trophée », a-t-il dit, en demandant que tout instrument juridique contre Daech soit utilisé contre le Hamas. Si plusieurs délégations comme le Royaume-Uni, l’Uruguay ou la Pologne ont marqué leur solidarité avec Israël, d’autres ont, en revanche, souligné sa responsabilité. 

La situation actuelle est le fruit de la marginalisation de la question palestinienne, a déclaré l’Égypte, en déplorant les milliers de victimes civiles à Gaza et en Israël.  Soulignant la « tragédie » en cours à Gaza, le délégué a exhorté Israël, en tant que Puissance occupante, à s’acquitter de ses obligations au titre des Conventions de Genève.  « Le peuple palestinien est victime de crimes de guerre, notamment le peuple de Gaza qui subit des attaques aveugles et indiscriminées », a appuyé le délégué de l’Iran, tandis que le Sénégal a rappelé que les attaques contre des civils, y compris dans le cadre de représailles, étaient contraires au droit. 

« Il existe deux approches irréconciliables concernant les vies civiles perdues dans le conflit actuel au Moyen-Orient », a réagi le délégué de l’État de Palestine.  « Il ne peut y avoir de droit international humanitaire si nous abandonnons les principes de dignité et d’humanité. »  Il a rappelé le grand nombre de Palestiniens, notamment des femmes et des enfants, tués ces derniers jours, en soulignant le « véritable enfer » infligé aux habitants de Gaza.  « Nous respectons les normes internationales mais n’admettons pas que l’on prive les populations palestiniennes de leur humanité. »   

Le projet d’articles de la Commission du droit international (CDI) sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité a été au cœur des interventions, un grand nombre de délégations, telles que la Slovénie, la Slovaquie, la Jordanie, le Royaume-Uni, le Mexique ou bien encore la Colombie réclamant qu’une convention soit élaborée sur cette base afin de combler une lacune dans le cadre juridique international.  Le Mexique, en pointe sur ce sujet, a souhaité l’entame de négociations formelles l’année prochaine, en se félicitant de l’avancement des délibérations lors de la reprise de session de la Commission en avril dernier. 

Cette reprise a été un « succès retentissant », a salué le Cameroun, à l’unisson de la majorité des délégations.  Les divergences sont néanmoins loin d’être aplanies, comme l’ont rappelé l’Éthiopie, la Chine, l’Inde, l’Égypte, la Fédération de Russie ou bien encore l’Iran.  Ces pays ont mis en garde contre l’inclusion de notions peu consensuelles, déplorant notamment la référence faite au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  « De nombreux pays, comme le mien, ne sont pas parties au Statut », a dit l’Inde, tandis que la Sierra Leone a estimé, au contraire, que ce Statut doit être le point de départ de toute discussion. 

Mais la charge la plus virulente est venue de la Chine, qui a estimé que ledit projet « ne constitue pas un avant-projet de convention ».  Les crimes contre l’humanité doivent être traités dans le respect de l’égalité souveraine des États, de la non-ingérence dans leurs affaires intérieures et de l’immunité de leurs représentants officiels, a dit le délégué chinois, en mettant en garde contre toute transposition du Statut de Rome dans les discussions.  Il a exhorté les États Membres à « cesser d’utiliser les crimes contre l’humanité comme un outil pour accuser d’autres États ». 

« Nous sommes encore loin du consensus », a averti le délégué, appuyé par son homologue russe.  Même les États en faveur d’une telle convention ont demandé que le projet d’articles soit complété, à l’instar du Mexique qui a demandé l’inclusion de sujets comme la traite et les violences de genre.  Des pays comme le Burkina Faso, l’Érythrée ou Haïti ont également insisté sur la prise en compte de l’esclavage ou encore du pillage des ressources.  Dans son article 2, le projet mentionne certains actes susceptibles d’être définis comme des crimes contre l’humanité.  « Les mesures unilatérales coercitives pourraient être définies comme des crimes contre l’humanité », a argué la Fédération de Russie, tandis que l’Inde a déploré que le terrorisme ne soit pas mentionné. 

Enfin, plusieurs délégations ont salué l’adoption, en mai dernier, de la Convention de Ljubljana–La Haye pour la coopération internationale en matière d’enquête et de poursuite du crime de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et autres crimes internationaux.  Les Pays-Bas ont informé que la cérémonie de signature de la Convention aurait lieu les 14 et 15 février 2024 au Palais de la Paix, à La Haye. 

La Commission entamera son débat sur la portée et l’application du principe de compétence universelle demain, vendredi 13 octobre, à partir de 10 heures. 

CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ

Suite et fin du débat général

M. PAVEL EVSEENKO (Bélarus) a déclaré que le projet d’articles de la CDI constitue une base pour avancer sur certains aspects des crimes contre l’humanité, tels que la prescriptibilité des crimes.  Il s’agit d’une source de recommandations utile qui peut jouer un rôle significatif dans une discussion constructive, a-t-il poursuivi.  Toutefois, le sujet étant fortement « médiatisé », il en résulte une « politisation » qui éloigne des discussions juridiques et tend à créer une dispersion importante des opinions, a-t-il déploré, soulignant que des progrès significatifs n’ont pas vraiment été réalisés sur des points pourtant clés, tels que la définition du crime contre l’humanité, l’immunité, ou encore les mécanismes de prévention.  L’absence d’un dialogue constructif et les divergences d’opinions sur ce projet d’articles ne peuvent qu’entraîner des conflits entre les États, a-t-il affirmé, appelant à ne pas poursuivre les discussions sur ce projet sous une contrainte temporelle qui ne permettrait pas d’examiner les articles en profondeur. 

M. NOAM CAPPON (Israël) a voulu informer la Commission des dernières nouvelles terrifiantes venues d’Israël, avec l’attaque perpétrée le 7 octobre par « l’organisation terroriste génocidaire » du Hamas.  Des centaines de terroristes ont commis un pogrom en le filmant en direct pour leurs partisans barbares, s’attaquant à des bébés, des enfants, des personnes âgées, s’est indigné le délégué.  « Plus de 1300 Israéliens ont été tués et 3500 ont été blessés. », personne dans cette salle ne doit garder le silence devant ce qui s’est passé, a-t-il martelé, en rappelant l’importance de défendre le droit international.  Ces terroristes ont commis des crimes de guerre, en attaquant des civils israéliens, en utilisant des boucliers humains à Gaza et, désormais, en prenant comme otages des Israéliens, a dit le délégué.  « Le Hamas est pire que Daech, on ne peut dire autrement d’une organisation qui décapite des bébés d’un mois et des enfants pour faire de leurs têtes un trophée. ».  Le délégué a demandé que tout instrument juridique contre Daech soit utilisé contre le Hamas.  Il a loué les résultats obtenus par la CDI sur ce point de l’ordre du jour, avant de souligner combien cette abominable attaque terroriste exige de parvenir à l’objectif de prévention et de répression des crimes contre l’humanité. Notre appui est inébranlable, a-t-il assuré.  Ces événements incompréhensibles ne doivent pas être oubliés par la communauté juridique internationale, a poursuivi le délégué.  « Nous devons rester unis et condamner ces actes inhumains. » Il a estimé que rien ne sera désormais plus comme avant.  « Nous lutterons contre les terroristes pour Israël et pour la préservation de la paix mondiale, et nous l’emporterons pour les enfants israéliens, pour ma fille de neuf mois, pour les enfants palestiniens qui souffrent du joug du Hamas, qui leur volent leur présent et leur avenir, pour toutes les victimes. »

Mme ANGELIQUE VAN DER MADE (Pays-Bas) a souligné que l’objectif identifié quand la CDI a commencé ses travaux en 2013 était bien de « combler une lacune dans le cadre juridique international ».  D’après elle, une convention basée sur le projet d’articles renforcerait le système de justice pénale internationale et contribuerait à renforcer les lois nationales et la juridiction pénale dans la lutte contre l’impunité.  Soulignant que son pays était extrêmement favorable à l’ouverture de négociations sur un traité, la représentante a par ailleurs rappelé l’existence de la Convention de Ljubljana–La Haye sur la coopération internationale en matière d’enquête et de poursuites concernant le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et autres crimes internationaux, dont l’objectif est similaire à celui du projet d’articles de la CDI.  Indiquant que la cérémonie de signature de la Convention Ljubljana–La Haye aurait lieu les 14 et 15 février 2024 au Palais de la Paix à La Haye et qu’il était crucial qu’un maximum d’États signent et ratifient ce texte, elle a insisté sur l’importance d’une cohérence entre celui-ci et le texte d’une future convention sur les crimes contre l’humanité.

Mme FANNY RATHE (Suisse) a fait état du « travail remarquable » de la CDI sur le projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, soulignant les discussions constructives en avril dernier et espérant une poursuite des efforts dans cette voie en avril prochain. Plus de quatre ans après le projet d’articles, il est temps d’aller de l’avant, a-t-elle exhorté.  Selon la déléguée, les divergences d’opinion ne doivent pas entraîner un blocage et l’ajournement perpétuel des décisions de la Sixième Commission.  Elle a estimé qu’une convention internationale renforcerait les systèmes juridiques des États, permettrait la coopération étatique, et complèterait le droit international sur les crimes contre l’humanité, ajoutant qu’il s’agirait d’un « symbole fort ».  Nous avons l’opportunité de combler les lacunes juridiques dans les systèmes nationaux, il en va de notre responsabilité de la saisir, a- t-elle conclu. 

Mme ANA PAULA ZACARIAS (Portugal) a maintenu qu’il était possible, et même impératif, que les États suivent la recommandation de la Commission du droit international (CDI) et convoquent une conférence diplomatique pour négocier et adopter une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Encouragée par l’esprit positif qui a imprégné les discussions d’avril dernier, la déléguée a attiré l’attention sur l’adoption, en mai 2023, de la Convention de Ljubljana–La Haye pour la coopération internationale en matière d’enquête et de poursuite du crime de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et autres crimes internationaux.  Ce traité, comme son titre l’indique, a pour objectif de renforcer la coopération entre les États concernant les crimes les plus graves.  L’existence de cette Convention, a-t-elle souligné, ne doit pas empêcher d’avancer dans la discussion.  Le Portugal reste convaincu que les deux textes pourraient être mis en œuvre ensemble pour mettre en place un cadre juridique international, efficace et complet.

M. BAHRAM HEIDARI (République islamique d’Iran) a demandé que les commentaires critiques des délégations soient dûment prises en compte par la CDI s’agissant du projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Les divergences sur ledit projet et sa future utilisation nous empêchent d’aboutir à une réponse unique face aux auteurs de crimes contre l’humanité, a-t-il estimé. Le délégué a mis en garde contre l’inclusion de normes non-consensuelles, freinant ainsi les progrès et la recherche du consensus.  Il a encouragé la poursuite des délibérations sur ce projet, avant de dire son insatisfaction devant l’approche « sélective » sur les produits de la CDI.  Le délégué a tenu à dénoncer ensuite les atrocités perpétrées contre le peuple palestinien, en particulier « le blocus inhumain » imposé à Gaza où les conditions de vie sont « abominables ».  De telles mesures illicites constituent un exemple frappant de crimes contre l’humanité, a-t-il dit.  Il a estimé que le peuple palestinien est victime de crimes de guerre, notamment le peuple de Gaza qui subit des attaques aveugles et indiscriminées. « Tout cela doit cesser, les auteurs d’atrocités commises contre les Palestiniens doivent répondre de leurs actes », a conclu le délégué, en appelant la communauté internationale à prendre les mesures nécessaires pour réprimer les crimes perpétrés contre les Palestiniens.

M. MUHAMMAD ABDUL MUHITH (Bangladesh) a expliqué que son pays avait lui-même été victime de crimes de génocide et de crimes contre l’humanité lors de la guerre de 1971 et que son gouvernement avait mis en place un tribunal pénal international pour poursuivre les crimes commis sur son territoire lors de ce conflit.  Il a rappelé qu’en 2010, le Bangladesh avait en outre été le premier pays d’Asie du Sud à ratifier le statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  Le représentant a poursuivi en indiquant que le Bangladesh accueillait sur son territoire plus d’un million de Rohingya déplacés de force en raison des violations dont ils sont victimes au Myanmar, évoquant notamment le « crime de déportation forcée » de cette population.  S’agissant du projet d’articles de la CDI, il s’est félicité de la richesse des échanges lors du débat d’avril dernier, et s’est dit optimiste sur la possibilité de trouver un consensus.  Si la responsabilité première de la répression de ces crimes revient aux États, le Conseil de sécurité a lui aussi une responsabilité, notamment celle de saisir la CPI, a-t-il souligné.  En conclusion, le représentant a estimé que les causes profondes du conflit israélo-palestinien était la « politique de colonisation » et « l’occupation illégale de territoires en Palestine » et a dit soutenir la solution des deux États. 

M. ABDOU NDOYE (Sénégal), évoquant la reprise des hostilités entre Israël et la Palestine, a rappelé que les attaques contre des civils, y compris dans le cadre de représailles, étaient contraires au droit international et au droit international humanitaire.  Il a rappelé la nécessité d’appliquer les dispositions de la Quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, notamment son article 27, qui stipule l’obligation faite à toute puissance occupante de respecter les droits fondamentaux des personnes du territoire occupé.  Depuis l’achèvement des travaux de la CDI en 2019, des divergences profondes entravent l’adoption d’une convention internationale sur les crimes contre l’humanité, a ensuite constaté le représentant.  Il s’est réjoui que la CDI se soit employée, à travers la finalisation de son projet d’articles, à fournir une base à de futures négociations.  Le représentant a réaffirmé son engagement à poursuivre les discussions de fond de manière consensuelle, engagement illustré par le fait que le Sénégal a été le premier pays au monde à avoir ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  La création des chambres africaines extraordinaires, à la suite d’un accord avec l’Union africaine pour juger un ancien Président, en témoigne également.  C’est aussi le sens de l’adhésion du Sénégal à l’initiative dite « MLA » aux côtés d’autres pays en vue d’élaborer une convention pour la coopération internationale en matière d’enquête et de poursuite du crime de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. 

Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a rappelé le soutien constant de son pays à une convention universelle sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité sur la base du projet d’articles de la CDI.  Elle s’est félicitée de l’engagement du processus délibératif lors de la reprise de session de la Commission au printemps, en notant le fort intérêt des délégations pour cette question.  « Nous pensons que l’engagement sera le même lors de la reprise de session d’avril prochain. »  La déléguée a estimé qu’il est temps de passer à l’étape suivante en ce qui concerne ce projet d’articles.  Il doit être enrichi, a-t-elle dit, en demandant l’inclusion de sujets comme la traite d’esclaves et les violences de genre.  « Nous espérons aborder ces questions lors de la prochaine reprise de session. »  Elle a souligné tout le potentiel du processus ainsi engagé, et espéré que cette Commission deviendra une enceinte de codification en assurant le suivi dudit projet. Nous espérons une décision prochaine, a conclu la déléguée, en souhaitant l’entame de négociations formelles, l’année prochaine, en vue d’aboutir à une convention.

M. JONATHAN SAMUEL HOLLIS (Royaume-Uni) a vu dans l’absence de convention multilatérale pour les poursuites nationales en cas de crimes contre l’humanité une « lacune indéfendable », compte tenu des cadres existants pour d’autres crimes graves tels que le génocide, les crimes de guerre et la torture. Cette lacune compromet non seulement la prévention et la poursuite des crimes contre l’humanité, elle empêche aussi les victimes d’accéder à la reconnaissance qu’elles méritent, a-t-il expliqué, soulignant que le « véritable coût » des crimes contre l’humanité était leur impact dévastateur sur les victimes, les survivants, leurs familles et leurs communautés.  Le délégué a noté que la convention établirait notamment des obligations de coopération pour les États et fournirait une base juridique pour des dispositifs d’extradition efficaces, même si la position de son pays demeurait de donner la préférence à l’exercice de la justice sur le territoire où l’infraction a lieu.

M. MARTÍN JUAN MAINERO (Argentine) s’est réjoui que la Sixième Commission soit parvenue à sortir de l’impasse et à convoquer une reprise de session en avril, afin de mener, pour la première fois, une discussion de fond sur le projet d’articles de la CDI sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Conscient de la divergence des points de vue sur la voie à suivre, le représentant a jugé important de disposer d’un espace dédié pour les identifier précisément.  Encourageant les délégations à maintenir un esprit constructif en vue de la deuxième réunion de fond prévue en avril 2024, il a réitéré l’engagement de l’Argentine en faveur de la lutte contre l’impunité et estimé qu’un instrument international juridiquement contraignant consoliderait l’édifice juridique international.

M. MATUS KOSUTH (Slovaquie) a appuyé le projet d’articles de la CDI sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, projet qui reflète le droit coutumier international.  Il a loué l’esprit constructif des délégations lors de la reprise de session de la Commission au printemps dernier.  Ce n’est pas un sujet théorique, a-t-il dit.  Le délégué a souligné la nécessité de combler une lacune dans le cadre juridique international en élaborant une convention.  « La justice doit prévaloir sur la violence. »

M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a estimé qu’il est nécessaire de définir « ce que constitue un ennemi de l’humanité ». Selon les universitaires, a-t-il expliqué, l’humanité vient du caractère substantiel de ce qui est bien et mal, mais cette distinction reste ambigüe.  Le concept de crime contre l’humanité est-il substantiel?  Si les crimes de guerre sont fréquemment évoqués dans les tribunaux, la question revient souvent de savoir si ceux-ci relèvent du droit international ou du droit de la guerre, a-t-il fait remarquer, s’interrogeant sur les éléments à prendre en compte dans ce cadre.  Le représentant a regretté que les groupes politiques affirmant s’occuper de l’humanité œuvrent généralement contre les droits humains.  Les universitaires disent que nous sommes toujours plus proches d’une communauté universelle cosmopolite unifiée qui transcende ces divergences, a- t-il noté, avant d’appeler à réaffirmer la compétence universelle et à se doter de normes qui s’appliqueraient à tous.  « Nous devons réaffirmer notre humanité », a-t-il exhorté, précisant que son pays s’est engagé sur la voie de la réconciliation nationale.  La lutte contre les crimes contre l’humanité est un impératif moral qui nous impose d’avancer main dans la main afin de parvenir à un monde où ces crimes ne seront plus perpétrés, a conclu le représentant. 

M. AHMAD SAMIR FAHIM HABASHNEH (Jordanie) a indiqué que son pays soutenait l’idée d’un accord international sur la base du projet d’articles de la CDI pour mettre en place un cadre « exhaustif » afin de répondre aux crimes contre l’humanité, notamment en ce qui concerne la définition de ces crimes, les compétences nationales et la coopération entre États. S’agissant du conflit israélo- palestinien, le délégué a lancé un appel à protéger la population palestinienne. Ce qui se passe en ce moment, a-t-il analysé, est une conséquence de l’occupation prolongée et des « crimes contre l’humanité » qui ont été commis et représentent des attaques contre les populations civiles. 

Mme NATASA SEBENIK (Slovénie) a déclaré qu’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité permettrait de fournir un instrument supplémentaire aux juridictions nationales et d’offrir une nouvelle base juridique pour la coopération entre États.  Il est plus que temps de combler cette lacune dans le cadre juridique international, a estimé la déléguée.  Elle a souligné l’importance de l’adoption, en mai dernier, de la Convention de Ljubljana-La Haye sur l’entraide judiciaire.

M. JAMES KIRK (Irlande) a indiqué que son pays était un « fervent partisan » de l’élaboration d’une convention sur la base du projet d’articles de la CDI sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, le meilleur moyen, selon lui, de combler une lacune importante dans le cadre juridique des traités internationaux.  Reconnaissant toutefois que tous les États n’étaient « pas prêts à franchir cette étape », il a invité chacun à « réfléchir plus avant » à ce projet tout en permettant aux travaux de continuer à progresser, jugeant qu’une majorité d’États étaient favorables à l’élaboration d’une convention.  Le délégué a noté que c’était la cinquième fois que la Sixième Commission examinait, dans ce format, le projet d’articles de la CDI et qu’il était désormais nécessaire de « passer à l’action ».  Se félicitant de l’adoption de la Convention de Ljubljana-La Haye, en mai de cette année, il a jugé qu’elle était « complémentaire » des efforts menés sur la question des crimes contre l’humanité. 

Mme MARITZA CHAN VALVERDE (Costa Rica) a estimé qu’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité contribuerait à avoir un effet dissuasif.  Elle permettrait aussi de régler une dette aux victimes de crimes contre l’humanité, qui méritent la justice au même titre que les victimes d’autres crimes internationaux fondamentaux.  Pour la déléguée, combler cette lacune n’est pas seulement nécessaire mais urgent.  Se félicitant que le projet d’articles de la CDI, une « base solide » selon elle, ait reçu un accueil largement positif, elle a souhaité que les délibérations lors de la reprise de session de la Sixième Commission, en avril 2024, aient un caractère « juridico technique et non politique », le but étant de parvenir, dès que possible, à un accord international juridiquement contraignant.  La déléguée a aussi souligné le rôle fondamental de la société civile et des médias, qui sonnent l’alerte avec courage quand plane le risque de crimes contre l’humanité.

Mme ALESSANDRA FALCONI (Pérou) a estimé qu’il est indispensable d’élaborer une convention internationale qui comblera les lacunes juridiques, lesquelles sont particulièrement flagrantes dans le domaine des droits humains.  La répression des crimes contre l’humanité est une norme impérative du droit international, a-t-elle rappelé, et il faut mettre fin à l’impunité de leurs auteurs.  La représentante a salué les discussions sur le projet d’articles de la CDI qui ont permis de mieux cerner les approches des États.  Sans vouloir préjuger des discussions au printemps 2024, a-t-elle poursuivi, le Pérou prône l’établissement d’un comité ad hoc ouvert à tous les États Membres afin d’examiner et de participer de manière substantive au contenu des articles.  Les crimes contre l’humanité, qui érodent la dignité et l’humanité, transcendent les frontières et les cultures, a-t-elle insisté, jugeant impératif de garantir leur prévention et leur répression au niveau international.  

Mme LUCÍA SOLANO (Colombie) a considéré que le projet d’articles préparé par la CDI se concentre sur l’essentiel, à savoir la répression efficace des crimes contre l’humanité par l’adoption de mesures au niveau national et la promotion de la coopération internationale.  Face aux lacunes existantes, les États gagneraient à disposer d’un tel instrument de droit positif, selon elle.  Le projet d’articles n’est pas incompatible avec le Statut de Rome, mais complémentaire, a poursuivi la déléguée, et son champ d’application est différent.  Dans le détail, les obligations découlant de l’éventuelle convention permettraient de séparer, d’une part, le consentement de l’État à accepter la juridiction de la Cour pénale internationale (CPI) et, d’autre part, la manifestation du consentement de l’État à assumer ses obligations internationales.  La déléguée a mis en avant l’exemple de son propre pays en matière de poursuites, de prévention et de coopération dans la lutte contre les crimes contre l’humanité, y compris l’exemple, révélateur, de sa relation avec la CPI, qui constitue un « modèle de réussite ».  Ces articles, s’ils deviennent convention, contribueront à la responsabilisation et à la lutte contre l’impunité de multiples façons, a-t-elle promis. 

M. ELHOMOSANY (Égypte) a déploré les milliers de victimes civiles à Gaza et en Israël, en appelant à protéger les civils, conformément au droit international.  Les habitants de Gaza, privés d’eau et de nourriture, vivent une tragédie, a-t-il dit, en rappelant que les civils ne doivent pas être ciblés.  Il a estimé qu’Israël est responsable de la situation et doit, en tant que Puissance occupante, s’acquitter de ses obligations au titre des Conventions de Genève.  La situation actuelle est le fruit de la marginalisation de la question palestinienne, a poursuivi le délégué.  Enfin, concernant le projet d’articles de la CDI, il a exprimé des réserves quant à la mention du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) qui n’est pas universel, a-t-il rappelé, avant de souligner la nécessité de parvenir à un consensus.

M. GENG SHUANG (Chine) s’est dit favorable à la poursuite d’une discussion sur les questions juridiques pertinentes, rappelant toutefois que le projet d’articles de la CDI « ne constitue pas un avant-projet de convention ».  Les crimes contre l’humanité doivent être traités en cohésion avec le droit international, a-t-il estimé, dans le respect de l’égalité souveraine des États, de la non-ingérence dans leurs affaires intérieures et de l’immunité de leurs représentants officiels.  Le Statut de Rome, qui n’est pas reconnu unanimement, ne doit pas être transposé dans les discussions, a-t-il mis en garde.  Le représentant a rappelé que les États sont actuellement « loin d’un consensus », estimant que l’élaboration d’une convention est un projet d’envergure qui doit être abordé prudemment.  Selon lui, les obligations des États et la portée des articles restent également à définir en raison de leur incohérence et de leurs manquements en ce qui concerne les pratiques existantes au niveau national.  La confiance joue un rôle important, a poursuivi le représentant, regrettant la « fabrication de fausses informations » par certains États afin de s’ingérer dans les affaires intérieures d’autres États ou les accuser de perpétrer des crimes contre l’humanité.  La Chine exhorte les États Membres à « cesser d’utiliser les crimes contre l’humanité comme un outil pour accuser d’autres États ». Selon le représentant, il faut arrêter d’étendre ce concept car beaucoup de crimes dépassent le droit coutumier international sans être suffisamment encadrés par les pratiques nationales, augmentant ainsi le risque d’abus et d’impunité.  Même si les crimes contre l’humanité portent des noms différents dans les différents systèmes judiciaires nationaux, la Chine soutient les efforts de renforcement des législations nationales et participe aux efforts pour l’élaboration d’un consensus pour la prévention et la répression de ces crimes, sans pour autant définir de feuille de route ou de calendrier, a-t-il conclu. 

M. KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) a appuyé l’idée d’une convention sur la base du projet d’articles de la CDI sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, en rappelant le conflit qui fait rage en Ukraine.  Il a plaidé pour une approche centrée sur les victimes, en demandant l’inclusion d’une référence explicite aux victimes dans ce projet.  Une référence aux droits des enfants devrait également être incluse.  Il est vital de compléter le cadre juridique international, a dit le délégué, en rappelant la nature impérative de l’interdiction de ces crimes.  Il a enfin condamné les crimes terroristes sous toutes leurs formes, en mentionnant ceux récemment commis contre Israël.

M. ALKAABI (Qatar) a espéré que les discussions de la Sixième Commission aboutiront à des « décisions concrètes et effectives » en vue de prévenir et de réprimer les crimes contre l’humanité.  Notant la multiplication des « violations humanitaires », il a indiqué que la coopération entre États était centrale pour lutter contre de tels crimes.  Le délégué a souhaité que les discussions puissent rapprocher les opinions divergentes, soulignant l’importance d’une approche consensuelle et de faire preuve de « cohérence » avec les législations nationales, notamment sur l’extradition des auteurs de crimes commis en dehors du territoire des États. 

Mme THI NGOC HA NGUYEN (Viet Nam) a accueilli favorablement la reprise de session prévue en avril prochain, saluant le projet d’articles de la CDI qui constitue une base de discussion adéquate.  Néanmoins, certains articles doivent être raffinés, a-t-elle précisé, citant en exemple la reconnaissance implicite de la compétence universelle dans certains articles qui ne fait pas l’objet d’un consensus parmi les délégations.  La souveraineté et la non-ingérence dans les affaires internes doivent également primer, a déclaré la représentante, soulignant que la répression des crimes contre l’humanité incombe d’abord aux États.  Les États doivent être en mesure d’agir et la coopération internationale et des mécanismes complémentaires peuvent les aider à renforcer leur action.  À ce titre, elle a prôné un renforcement des capacités techniques au niveau national pour prévenir et réprimer ces crimes.  Soulignant le contexte déjà compliqué au sein des institutions pénales internationales, la représentante a demandé si une telle convention est vraiment nécessaire.  Réitérant l’importance de prendre en compte les ordres juridiques nationaux et les préoccupations de chacun, elle a néanmoins affirmé que son pays continuera à délibérer sur cette question. 

M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a loué le « succès retentissant » des travaux d’intersession d’avril 2023.  Il a noté toutes les évolutions autour du projet d’articles de la CDI sur les crimes contre l’humanité et recommandé la prudence, la poursuite de la réflexion et la prise en compte de toutes les sensibilités exprimées sur ce sujet.  Il a estimé qu’il faut en préciser certains aspects, notamment la portée de ces crimes et certaines obligations y relatives. Selon le représentant, tenir compte de l’actualité du concept de crime contre l’humanité « permettrait de prendre en compte toutes ses facettes et déclinaisons, que ce soit la question de l’esclavage, et ce, dans toute sa chaîne, du pillage des ressources du sol et du sous-sol et ses conséquences immédiates et progressives, dont l’expression la plus achevée est la ruée vers le choix de la mort de milliers de personnes, qui préfèrent mourir dans les océans ou dans les forêts hostiles, parce que vivre dans ce qui est pourtant ou qui a été un espace de rêve et de richesse, est devenu synonyme de mort certaine ».  Le représentant a encouragé le recours aux mécanismes d’entraide judiciaire et leur renforcement, en notant avec intérêt que la coopération internationale en matière pénale s’est considérablement intensifiée ces dernières années.

M. OUMAROU GANOU (Burkina Faso) a déclaré que la nécessité de la prévention et de la répression des crimes les plus graves était ressentie par de nombreux pays, notamment les États africains qui ont été victimes de la traite des noirs et de l’esclavage, du colonialisme, de « guerres fratricides » et, aujourd’hui, d’attaques de groupes armés terroristes violents.  Fort de ce constat, le représentant a indiqué que son pays appuyait pleinement l’idée de l’adoption d’une convention internationale sur les crimes contre l’humanité, pour fixer « une nouvelle base juridique » pour la lutte contre les crimes les plus graves.  Expliquant que le Burkina Faso disposait d’un cadre juridique cohérent pour réprimer ces crimes, il a noté que le chemin serait encore long pour parvenir à un consensus et que l’important était l’espoir de parvenir à un instrument universel, pleinement applicable et accepté de tous, dans le respect de l’égalité souveraine des États, de la non-ingérence dans leurs affaires intérieures, et du respect des immunités dont jouissent leurs représentants. 

M. GERARDO PEÑALVER PORTAL (Cuba) a réitéré les inquiétudes de son pays quant au contenu des formulations présentées dans le projet d’articles de la CDI. La convention devrait refléter le fait que la responsabilité première de la prévention et de la répression des crimes internationaux graves incombe en premier lieu à l’État concerné.  Les États ont la prérogative souveraine d’exercer devant leurs tribunaux nationaux leur compétence à l’égard des crimes contre l’humanité commis sur leur territoire ou par leurs ressortissants, a fait valoir le délégué.  Ce n’est que lorsque les États ne peuvent, ou ne veulent, exercer leur compétence à l’égard de ces crimes, que d’autres mécanismes de poursuite doivent être envisagés. D’autre part, a-t-il relevé, la définition des crimes contre l’humanité est basée sur la définition contenue dans le Statut de Rome, bien que plusieurs États n’aient pas signé cet instrument.  Ce n’est qu’en tenant compte des différences entre les divers systèmes juridiques nationaux existants qu’une future convention pourra être largement acceptée par la communauté internationale.  Le délégué a rappelé l’existence d’autres instruments internationaux, comme la Convention de 1968 sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité, qui ne compte que 56 États parties.  De nombreux pays qui plaident aujourd’hui pour une convention sur les crimes contre l’humanité n’ont même pas signé cet instrument, s’est-il étonné, appelant à davantage de cohérence. 

Mme MATHU JOYINI (Afrique du Sud) a défendu le principe de complémentarité: les tribunaux internationaux jouent un rôle important en veillant à ce que les auteurs de crimes graves répondent de leurs actes, mais ils ne pourront jamais se substituer entièrement aux États qui interviennent dans le cadre plus large des enquêtes et des poursuites relatives aux crimes internationaux. Ce rôle de collaboration des États reste primordial, et s’avère de plus en plus nécessaire dans un monde globalisé, a-t-elle remarqué.  Rappelant qu’en début d’année, l’un des quatre derniers fugitifs du génocide rwandais a finalement été arrêté en Afrique du Sud, plus de 20 ans après avoir été inculpé par le Tribunal pénal international pour le Rwanda, la déléguée a souligné que cette arrestation n’aurait pu avoir lieu sans une coopération étroite entre les autorités sud-africaines et le Mécanisme international résiduel pour les Tribunaux pénaux.  Incidemment, l’arrestation susmentionnée a eu lieu deux jours seulement avant l’adoption de la Convention de Ljubljana-La Haye, en mai 2023. Cette Convention, de son point de vue, constitue un développement important dans le renforcement de la coopération dans la lutte contre l’impunité.  Toutefois, il convient de souligner qu’une convention sur les crimes contre l’humanité ne serait en aucun cas une redite, mais bel et bien une convention distincte. 

Mme LIGIA LORENA FLORES SOTO (El Salvador) a considéré comme positif le fait que le projet d’articles de la CDI définisse une procédure générale, y compris le principe de non-refoulement d’une demande d’asile lorsqu’il y a des motifs raisonnables de croire que la personne concernée risque d’être victime d’un crime contre l’humanité, parmi d’autres sujets importants.  Ainsi, la déléguée a considéré que les textes envisagés peuvent s’avérer complémentaires avec les instruments existants. On pourrait même, a-t-elle ajouté, explorer la possibilité de lier de manière cohérente des critères dérivés de la jurisprudence de divers systèmes juridiques régionaux dans le domaine des droits humains, ce qui garantirait une réelle représentation des États parties à un éventuel traité.

Mme CARMEN ROSA RIOS (Bolivie) a expliqué que les crimes contre l’humanité ne se limitent pas à une époque ou à un groupe, mais constituent « un problème qui transcende les frontières et touche l’humanité tout entière ». Elle a indiqué que son pays était, lui aussi, d’avis qu’il fallait continuer de développer progressivement le droit international pour aboutir à une proposition de convention sur ces crimes, en prenant pour base le projet d’articles préparé par la CDI, et ce, avec l’ampleur nécessaire pour que toutes les questions puissent être analysées et débattues. La déléguée a déclaré que la vérité et la justice étaient fondamentales pour réparer les conséquences de ces crimes terribles, et que « l’oubli ne devait pas devenir complice » de ces crimes qui détruisent la coexistence pacifique dans le monde.

Mme ESSAIAS (Érythrée) a rappelé que certains articles du projet restent ambivalents et nécessitent un réexamen, soulignant les réserves de sa délégation sur le préambule, notamment le renvoi à la définition des crimes contre l’humanité établie dans le Statut de Rome et la référence à la notion de jus cogens. De plus, a-t-elle souligné, le projet d’articles ne couvre pas tous les aspects des crimes contre l’humanité, comme leur caractère systémique qui les différencie des autres crimes.  La représentante a souhaité en outre l’inclusion d’autres crimes graves, tels que les crimes environnementaux ayant des répercussions sévères sur les populations, la traite des êtres humains et la déprivation des terres.  À ce titre, les sanctions unilatérales coercitives qui ont des effets sur les populations civiles peuvent constituer un crime contre l’humanité, a-t-elle fait valoir, affirmant qu’elles sont « illégales par nature ».  Par ailleurs, les articles de la CDI doivent être conformes à la Charte des Nations Unies, a-t-elle rappelé, soulignant l’importance de la souveraineté des États et de l’immunité diplomatique.  Estimant que les auteurs de crimes contre l’humanité doivent être poursuivis par les juridictions nationales, la représentante a appelé à examiner les articles dans le cadre d’une complémentarité positive avec les systèmes juridiques nationaux.  Il faut poursuivre les discussions, mais il est trop tôt pour une conférence diplomatique sur ce sujet, a-t-elle conclu. 

Mme KAJAL BHAT (Inde) s’est dite préoccupée par la méthode d’élaboration du projet d’articles de la CDI à partir d’autres textes existants, comme le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  De nombreux pays, comme le mien, ne sont pas parties au Statut, a rappelé la déléguée, en mettant en garde contre l’inclusion de notions non consensuelles et non universelles.  Elle s’est prononcée contre l’inclusion de régimes existants dans une nouvelle convention, avant de faire part de l’attitude constructive de son pays lors des discussions. Elle s’est demandé pourquoi le terrorisme n’est pas explicitement mentionné dans ce projet, alors qu’il porte atteinte à la paix.  Enfin, la déléguée a critiqué le libellé des projets d’articles 5 et 7 portant, respectivement, sur le non-refoulement et l’établissement de la compétence nationale.

Mme AUGUSTINA SIMAN (Malte) a fait part du soutien de son pays aux efforts déployés pour rédiger une convention sur les crimes contre l’humanité, car la communauté internationale a besoin d’un instrument mondial dédié à la prévention et à la répression de ces crimes, a-t-elle expliqué.  Le monde ne devrait pas rester silencieux lorsque le meurtre, l’extermination, l’esclavage ou la déportation, et tout autre acte inhumain énuméré au projet d’article 2 de la CDI, sont commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile, a-t-elle souligné.  La déléguée a noté que l’écrasante majorité des États Membres avait, en avril 2023, confirmé la nécessité et l’intérêt du projet d’articles et jugé que l’obligation de rendre des comptes pour les crimes contre l’humanité était « essentielle ».  Elle a espéré que les travaux de la Sixième Commission, en avril prochain, progresseront en vue d’un consensus sur ces questions.

M. ADEL BEN LAGHA (Tunisie) a félicité la CDI qui s’est acquittée de son rôle en recensant les pratiques existantes et en formulant des recommandations.  Le projet d’articles constitue, dès lors, une bonne base pour combler les lacunes juridiques actuelles, a-t-il estimé.  Sa délégation comprend toutefois que certains États émettent des réserves, bien que celles-ci ne doivent pas empêcher de donner suite à la recommandation de la CDI sur l’élaboration d’une convention à laquelle une grande majorité d’États est globalement favorable.  La communauté internationale a démontré qu’elle est capable, dans sa diversité, d’aller au-delà des divergences pour parvenir au consensus dans d’importants instruments juridiques, a rappelé le représentant, espérant que cette tradition au sein de la Sixième Commission se perpétuera.  Revenant sur les récents événements dans la bande de Gaza, le représentant a déploré les 1 400 victimes palestiniennes et les dizaines de milliers de personnes déplacées.  Les réserves de biens de première nécessité et de matériel médical s’amenuisent, alors que « l’occupant bombarde les infrastructures civiles et maintient un blocus total de la zone, des pratiques qui sont rapidement qualifiées de crimes de guerre dans d’autres contextes », a-t-il déclaré.  « Qu’attend-t-on pour ouvrir des couloirs humanitaires et aider les Palestiniens comme le prévoit le droit international humanitaire? »  La sélectivité et les deux poids, deux mesures ne font qu’affaiblir le droit et notre engagement envers une paix pérenne, a-t-il mis en garde. 

Mme RABIA IJAZ (Pakistan) a déploré la situation humanitaire qui se dégrade dans la bande de Gaza, jugeant que les faits actuels relèvent du crime de guerre et du crime contre l’humanité.  Alors que le récent cycle d’agressions s’inscrit dans des décennies d’occupation illégale, « le droit international rappelle les droits du peuple palestinien », a-t-elle déclaré, appelant à une solution à deux États dans le respect des accords menés au préalable.  La coopération internationale est nécessaire pour mettre fin à l’impunité.  À ce titre, le projet d’articles de la CDI constitue un excellent point de départ, bien qu’il soit trop tôt pour en faire une convention, a estimé la représentante.  Activement engagée dans cette discussion, sa délégation a lu les contributions des États Membres avec intérêt, a-t-elle souligné.  Si les projets d’articles présentent un intérêt, plusieurs d’entre eux, notamment les articles 7, 9 et 10, restent préoccupants pour certains États Membres, a-t-elle précisé, espérant parvenir à un consensus.  Il en va de même pour la définition des crimes qui doit être conforme à celle des autres conventions afin d’éviter des incohérences et de mauvaises interprétations, a-t-elle mis en garde.  Rappelant les divergences de points de vue, la représentante a jugé imprudent de se précipiter vers une convention ou une conférence internationale, sans avoir d’abord progressé vers un consensus, notamment sur l’inclusion de références au Statut de Rome. 

Mme SOFIAN AKMAL BIN ABD KARIM (Malaisie) a salué le projet d’articles de la CDI, en se disant favorable à son examen par l’Assemblée générale ou par une conférence diplomatique.  Elle a déploré la « dévastation » perpétrée en ce moment, à Gaza, en demandant la poursuite des auteurs de crimes contre l’humanité.  Une approche de deux poids, deux mesures ne saurait être de mise, a dit la déléguée, avant de détailler la législation de son pays afin de prévenir et réprimer les crimes contre l’humanité.  Celle-ci n’est néanmoins pas suffisante, a-t-elle estimé, en se félicitant de la poursuite des discussions.  Enfin, elle a souhaité qu’un recueil des commentaires des délégations sur ledit projet soit distribué avant la reprise de session du printemps prochain.

Mme THARARUT HANLUMYUANG (Thaïlande) a indiqué que son pays était favorable à une définition des crimes contre l’humanité comme celle du projet d’article 2 de la CDI, aligné sur l’article 7 du Statut de Rome, pour veiller « à la cohérence et à la stabilité » de la justice pénale internationale.  Elle a en outre expliqué que si l’article qui sous-tend l’extradition devait être réaffirmé, les lacunes juridictionnelles identifiées pour la poursuite des crimes contre l’humanité devaient être comblées.  La déléguée a rappelé l’existence de textes juridiques internationaux similaires qui ont permis aux États de prévenir et réprimer des actes d’une autre nature, comme la Convention contre la torture, textes dont elle a appelé les délégations à tenir compte.  S’agissant des juridictions nationales, elle a mis en garde contre les « doubles procédures » et appelé à la formulation de règles très claires pour éviter de telles situations.

M. MHER MARGARYAN (Arménie) a estimé qu’une convention en la matière pourrait constituer un outil juridique important en facilitant les enquêtes, les poursuites et les sanctions au niveau national et en encourageant la coopération internationale.  L’Arménie, a-t-il rappelé, a été « le théâtre de crimes odieux perpétrés systématiquement par son voisin, l’Azerbaïdjan ».  L’agression contre le Haut-Karabakh, en 2020, en est un parfait exemple.  Les attaques militaires répétées contre l’intégrité territoriale de l’Arménie, en 2021 et 2022, ont visé des zones densément peuplées et des infrastructures civiles, avec des rapports vérifiés de crimes ignobles, y compris des violences sexuelles basées sur le genre, des tortures et des mutilations.  Ces attaques systématiques constituent, selon le représentant, une violation flagrante du droit international et des ordonnances de la Cour internationale de Justice (CIJ).  Le 19 septembre dernier, a dénoncé le représentant, l’Azerbaïdjan a déclenché une nouvelle offensive de grande envergure contre le Haut-Karabakh, qui a coûté la vie à des centaines de personnes, y compris des enfants, et a entraîné le déplacement forcé de toute sa population.  Cette offensive a été précédée d’une crise humanitaire - avec le blocus du corridor de Latchine, a-t-il rappelé.  L’Arménie s’est engagée, à titre national, à lutter efficacement contre l’impunité en lançant son processus d’adhésion à la Cour pénale internationale (CPI).

Mme ALIS LUNGU (Roumanie) a fait état des crimes haineux commis partout dans le monde, y compris dans sa région, rendant impératif de combler les lacunes existant dans le cadre juridique international afin de ne pas laisser place à l’impunité.  Contrairement au génocide et aux crimes de guerres, les crimes contre l’humanité ne font pas l’objet d’un traité multilatéral, a-t-elle fait remarquer, soutenant une approche cohérente en matière de crimes graves pour éviter toute fragmentation dans la coopération interétatique et l’aide juridique mutuelle. C’est la seule manière de parvenir à la prévention et la répression de ces crimes, a-t-elle estimé.  Rappelant le soutien de sa délégation à la recommandation de la CDI d’élaborer une convention sur la base du projet d’articles, la représentante a salué le format interactif des discussions constructives lors de la reprise de session, attirant l’attention sur la large convergence des opinions sur le besoin d’avoir une convention.

M. RADHAFIL RODRIGUEZ TORRES (République dominicaine) a rappelé que les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, le génocide et le nettoyage ethnique constituent les pires actes et doivent être condamnés.  La justice internationale joue un rôle essentiel afin de prévenir ces crimes et de garantir que leurs auteurs rendent des comptes, a-t-il estimé, réitérant que sa délégation appuie les efforts de coopération entre les nations dans ce domaine, tels que l’élaboration d’une convention.  Le délégué a attiré l’attention sur le rôle essentiel de la prévention.  En tant que pays récemment élu au Conseil des droits de l’homme, nous allons faire en sorte d’œuvrer pour ces droits, les crimes contre l’humanité n’ayant pas leur place dans notre monde, a-t-il affirmé. 

Mme AZELA GUERRERO ARUMPAC-MARTE (Philippines) a souligné que chaque État avait le devoir d’exercer une compétence pénale face aux auteurs de crimes internationaux et elle a dit l’adhésion de son pays à l’idée que le projet d’articles de la CDI constitue une contribution importante.  Si les récents projets d’articles devaient servir de base à la convention, son pays respecterait les obligations de l’article 6 (Incrimination en droit interne) et prendrait les mesures nécessaires pour que les crimes contre l’humanité constituent des infractions au regard de son droit pénal.  La déléguée a précisé que les lois nationales aux Philippines coïncidaient « à bien des égards » avec le projet d’articles.  Elle a estimé que ledit projet méritait donc un examen approfondi par les États à titre national et par la Sixième Commission.

M. AL-HASANI (Iraq) a rappelé que son pays a lui-même été victime de crimes contre l’humanité perpétrés par l’organisation terroriste Daech.  La lutte contre le terrorisme doit compter sur la collaboration internationale, et le Gouvernement iraquien s’engage à travailler avec la communauté internationale pour cela, a assuré le délégué.  Le Gouvernement iraquien condamne tout acte constitutif d’un crime contre l’humanité.  En plus des efforts entrepris en matière de renseignement, le délégué a salué les efforts de la CDI s’agissant de la codification et du développement progressif des règles du droit international sur les crimes susmentionnés. 

Le représentant de l’Albanie a assuré que son pays a toujours été un pionnier de la justice internationale, en soulignant le rôle de la Cour pénale internationale (CPI).  Il a appelé à combler les lacunes dans le cadre juridique international, en demandant que les auteurs de crimes contre l’humanité soient poursuivis.  Le délégué a salué le projet d’articles de la CDI.  Il a appelé à investir dans les programmes de protection des civils, en souhaitant que l’accent soit mis sur la protection des femmes et des enfants, premières victimes des crimes contre l’humanité.

M. ALEJANDRO LEONEL KATZ PAVLOTZKY (Uruguay), indiquant que son pays attachait une grande importance à une convention basée sur le projet d’articles de la CDI, a appelé la communauté internationale à combler la lacune que représente l’absence de convention sur les crimes contre l’humanité pour renforcer l’obligation de rendre des comptes et permettre que les auteurs de ces crimes soient traduits en justice « de manière universelle ».  Une nouvelle convention, a-t-il noté, compléterait le droit existant et permettrait de promouvoir la coopération interétatique en termes d’enquêtes, de poursuites et de sanctions.  Le délégué a donc appelé à « aller de l’avant » sur cette question et à mettre en place un processus structuré pour négocier la convention.  Il s’est félicité du fait que le projet d’articles soit basé sur le Statut de Rome, notant que, même si ce dernier n’a pas été universellement ratifié, c’était précisément pour cette raison qu’une convention sur les crimes contre l’humanité était importante, car elle donnerait aux États qui ne sont pas prêts à adhérer au Statut de Rome la possibilité d’adhérer à un traité distinct sur le sujet. 

M. FAISAL GH A. T. M. ALENEZI (Koweït) a rejeté tout crime contre des individus, ces crimes constituant une menace grave pour la paix et la sécurité.  Ce sont des actes injustifiables, a-t-il poursuivi, rappelant l’égalité de tous les individus, en vertu des conventions sur les droits humains.  Soulignant que son pays s’est toujours fait le porte-parole des personnes portées disparues, le délégué a mentionné la proposition de résolution sur ce thème faite au Conseil de sécurité et la candidature du Koweït au Conseil des droits de l’homme.  Le Koweït a aussi mis en place une commission nationale du droit humanitaire international pour consolider en droit interne les valeurs humaines et le droit à une vie décente, a-t-il informé.  Sa délégation appelle donc la communauté internationale à conjuguer ses efforts pour lutter contre les crimes contre l’humanité et garantir le respect de l’état de droit.  Le délégué a ensuite évoqué la situation actuelle du peuple palestinien, déplorant les deux poids, deux mesures.  Rappelant que les civils innocents ne doivent pas être la cible d’activités criminelles, il a exhorté la communauté internationale et le Conseil de sécurité à assumer leurs responsabilités, à mettre fin à ces actes haineux et à trouver une solution à « cette occupation de 65 ans ». 

Mme GUG (Türkiye) a confirmé que la terminologie « crimes contre l’humanité » était intégrée dans sa législation nationale.  Elle a appelé à redoubler d’efforts pour identifier des points de convergence lors des prochaines discussions et adopter une approche consensuelle, afin de préserver l’intégrité des principes du droit international.  Si la déléguée a espéré des progrès, elle a noté que, pour cela, toutes les parties prenantes devaient faire preuve de souplesse. 

La représentante de l’Éthiopie a rappelé que les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles en droit éthiopien.  Elle a demandé le renforcement des capacités des pays pour lutter contre ces crimes.  Elle a déclaré que les droits nationaux offrent une base pour la poursuite d’auteurs de tels crimes.  Mettant en garde contre toute « subjectivité », la déléguée a estimé que la référence à la Cour pénale internationale (CPI) complique les discussions.  L’Éthiopie n’est pas partie au Statut de Rome, a dit la déléguée, avant d’accuser la CPI de se montrer sélective.  Elle a appelé à poursuivre les discussions sur ce projet d’articles, en estimant qu’une convention est encore loin.

M. ENRICO MILANO (Italie) a souligné la nécessité d’une coordination « totale » entre les futures négociations sur une convention découlant du projet d’articles de la CDI et les instruments juridiques internationaux complémentaires qui promeuvent la coopération judiciaire en matière de crimes internationaux.  Il a mis en garde contre le risque de « chevauchement juridique », car en ce qui concerne la coopération judiciaire, ledit projet ne devrait pas donner lieu à des incohérences qui compliqueraient la tâche des législateurs nationaux lorsqu’ils intègrent ces instruments dans leur juridiction interne. À titre d’exemple, le délégué, bien que conscient du principe de pacta tertiis, est d’avis que le Statut de Rome devrait représenter un point de référence pour les définitions qui seraient adoptées dans une future convention.  D’autre part, il a apprécié que le projet de la CDI inclut des règles garantissant que toute poursuite pénale pour crimes contre l’humanité, nonobstant leur caractère particulièrement odieux, soit menée dans le respect des principes d’une procédure régulière, d’un procès équitable, du droit international et du droit international humanitaire.  Ces dispositions devraient, selon lui, être reflétées dans le futur instrument.

M. EVGENY A. SKACHKOV (Fédération de Russie) a mis en garde contre toute approche simplifiée mettant en avant de prétendus progrès sur une convention inspirée du projet d’articles de la CDI.  Les discussions de fond durant la reprise de session en avril dernier nous ont montré que les points de vue sont diamétralement opposés, a-t-il estimé, soulignant qu’aucun amendement de nature cosmétique ne pourra « rectifier le tir ».  Ces articles et le préambule du projet ne nous permettent même pas de comprendre la définition du crime contre l’humanité, a déploré le délégué.  Il a également regretté l’absence d’une liste exhaustive des crimes, soulignant que les mesures unilatérales coercitives pourraient être définies comme des crimes contre l’humanité.  Certains libellés, a-t-il poursuivi, entraînent la confusion, ce qui pourrait mener à des différends, et contiennent trop de détails, ce qui pourrait compliquer leur transposition dans les législations nationales, a-t-il averti.  Selon lui, les travaux de la CDI contiennent donc de nombreuses lacunes.  Nous ne soutenons pas les délégations qui poussent pour une convention, la qualité étant plus importante à nos yeux, a-t-il informé.  En conclusion, si la Russie compte contribuer de manière constructive aux efforts de coopération, elle invite surtout à ne pas perdre de vue d’autres points trop souvent mis de côté, tels que la responsabilité des organisations internationales en cas d’infraction ou l’expulsion des étrangers. 

M. HUGO WAVRIN (France) a noté qu’après plusieurs années sans avancées, la Sixième Commission a enfin pu échanger sur le projet d’articles de la CDI, en avril dernier, et s’engager, pour la première fois, dans un dialogue substantiel sur le fond.  Le délégué a espéré que la réunion intersessionnelle, en avril 2024, permettra des avancées concrètes vers la négociation d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, dont il a soutenu l’adoption sans réserve, puisqu’elle renforcerait le cadre juridique international pour lutter contre les crimes les plus graves.  Le délégué a en outre remercié la CDI pour son concours à la codification et au développement progressif du droit international, un « travail de grande qualité », qui a permis des discussions poussées.

Mme AJAYI (Nigéria) a demandé des efforts accrus pour réprimer les crimes contre l’humanité, en appuyant l’idée d’une convention.  Le projet d’articles de la CDI est une base solide de discussion, a dit la déléguée, en soulignant les conséquences durables de ces crimes pour les victimes.  Elle a détaillé la législation de son pays en la matière, ainsi que les efforts visant à mettre sur pied une base de données afin de faciliter les poursuites contre les responsables.  Elle a réitéré son appui au Statut de Rome et enjoint les pays qui ne l’ont pas encore fait à le rejoindre.  Enfin, elle a souhaité que l’esclavage soit considéré comme crime contre l’humanité.

M. JOSE JUAN HERNANDEZ CHAVEZ (Chili) a souligné que le projet d’articles de la CDI sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité était une contribution au développement du droit pénal international et reflétait un consensus au sein de la communauté internationale, avec la « fin de l’impunité » comme objectif ultime.  Il a par ailleurs noté que le projet d’articles devrait être cohérent avec le Statut de Rome et insisté plus généralement sur la nécessité d’éviter la duplication des efforts ou les contradictions entre les différents textes.  Si le Chili estime qu’il convient de prendre en considération les textes élaborés par la CDI et ses recommandations, ce pays est aussi disposé à examiner d’autres approches dans un esprit constructif, a conclu le représentant. 

Mme ALAMRI (Arabie saoudite) a déploré les différentes décisions de la communauté internationale qui n’ont fait qu’envenimer le conflit israélo-palestinien, aux dépens de civils innocents.  Mon pays rappelle que cette explosion de violence dans la région est le fruit du bafouement des droits des Palestiniens pendant des décennies et du déni des droits légitimes de la Palestine, a-t-elle analysé.  Rejetant tout meurtre de civils innocents et exprimant le soutien de sa délégation à la cause palestinienne, elle a exhorté la communauté internationale à mettre en place une solution juste pour les Palestiniens.  En ce qui concerne la lutte contre l’impunité, son pays est partie prenante à plusieurs conventions internationales, a rappelé la déléguée.  Elle a jugé inadéquat de proposer de nouvelles définitions des crimes contre l’humanité qui pourraient être mal comprises, appelant plutôt à harmoniser la terminologie utilisée dans les articles avec celle de la Charte des Nations Unies.  En outre, elle a estimé qu’un consensus est nécessaire sur les articles 7, 9 et 10 du projet de la CDI, le respect de la souveraineté des États devant être garanti. 

M. KYAW MOE TUN (Myanmar) a mis en lumière la nécessité d’une convention sur les crimes contre l’humanité, qui contribuerait aux efforts de la communauté internationale pour prévenir et réprimer ces crimes.  Il a aussi dit l’importance d’améliorer le système de justice pénale au niveau national.  Comprenant qu’à ce stade les opinions divergent, le délégué du Myanmar n’en a pas moins appelé à aborder les négociations de manière transparente et constructive.  Cette convention est en tout cas nécessaire pour le Myanmar, où « les forces militaires agissent en toute brutalité et en toute impunité depuis 2021 ».  Alors que leur coup d’État « odieux » a échoué, a poursuivi le délégué, leurs attaques contre les populations civiles visent à les subjuguer et à les soumettre.  Le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar a d’ailleurs réaffirmé disposer de preuves attestant de crimes graves contre la population du pays.  Des preuves solides existent, a abondé le délégué, selon lesquelles des crimes contre l’humanité auraient été commis, y compris des viols en détention, des massacres de masse et des incendies intentionnels de maisons.  Encore récemment, des attaques aériennes ont été lancées contre un camp de déplacés, a-t-il dénoncé.  Le Conseil de sécurité doit selon lui soumettre la situation à la Cour pénale internationale (CPI), comme il l’a fait à deux reprises par le passé. Hélas, les appels du Myanmar en ce sens n’ont pas été pris au sérieux, a déploré le délégué.  Le fait que l’ONU ne prenne pas de mesures concrètes encourage la junte militaire à commettre des atrocités, a-t-il encore averti, avant d’appeler à l’aide la communauté internationale.

M. SARANGA (Mozambique) a souligné la volonté collective de prévenir et réprimer les crimes contre l’humanité qui heurtent la conscience internationale. Il a salué le projet d’articles de la CDI sur le sujet, ainsi que la tenue de deux reprises de session de la Commission aux printemps 2023 et 2024.  La coopération internationale est la voie à suivre pour punir ces crimes, a assuré le délégué, en ajoutant qu’un consensus semble se dégager.  Pourtant, les débats ne sont pas encore concluants, certains États indiquant que le consensus est encore loin s’agissant de la rédaction d’une convention, a-t-il noté.  Enfin, le délégué a détaillé la législation de son pays en la matière, avant de saluer le travail de codification de la CDI.

M. ISSA KONFOUROU (Mali) a évoqué des crimes odieux organisés au Sahel avec le terrorisme et des trafics en tous genres.  Jamais la région n’a connu autant de réfugiés et de déplacés internes, a soutenu le délégué.  Le Mali a élaboré un nouveau code pénal qui reconnaît le génocide et les crimes de guerre comme crimes contre l’humanité et confirme le caractère imprescriptible de certains crimes, comme le terrorisme, a-t-il indiqué.  La Cour d’assise malienne a aussi connu plusieurs sessions spéciales pour des affaires en lien avec la crise sécuritaire, notamment les droits humains.  Les forces de sécurité maliennes tentent d’assécher les ressources des terroristes et le Gouvernement malien, conscient du caractère transnational du crime organisé, a créé avec le Burkina Faso et le Niger, en septembre 2023, une charte d’alliance des États du Sahel, afin de mettre leurs efforts en commun pour protéger leurs frontières et collaborer dans la lutte contre le terrorisme.  Le délégué a cependant déploré le manque de ressources humaines et financières de son pays, ainsi que la difficulté d’accéder à certains sites où des crimes ont été commis.

Mme CATHERINE NYABOKE NYAKOE (Kenya) a déclaré que le projet d’articles de la CDI constitue une base solide pour discuter de la prévention et de la répression des crimes contre l’humanité.  Elle a néanmoins souligné que sa délégation souhaite prendre le temps d’approfondir l’analyse des articles et de prévoir les structures adéquates.  Saluant la reprise de session en avril prochain, elle a informé que sa délégation continuera à examiner les propositions de la CDI afin de parvenir à un consensus sur les points importants. 

M. ANDY ARON (Indonésie) a soutenu que son pays a continuellement démontré son engagement à prévenir et à punir les crimes contre l’humanité, en ratifiant de nombreux instruments internationaux en ce sens et en les intégrant méticuleusement à son tissu juridique national.  Évoquant l’échange « fructueux » de points de vue lors de la reprise de session, en avril dernier, il a estimé qu’un tel échange a éclairé la voie à suivre, en favorisant une compréhension commune et en rapprochant les opinions divergentes. 

M. AMARA SHEIKH MOHAMMED SOWA (Sierra Leone) a appelé à délibérer de manière constructive lors de la reprise de session de la Commission en avril prochain. Il a salué les échanges de points de vue entre États lors de la reprise de session du printemps dernier, avant d’appeler à combler les lacunes dans le cadre juridique international.  Le Statut de Rome doit être le point de départ de nos discussions, a tranché le délégué.  Il a toutefois déploré que le Statut de Rome ne prévoit pas dans ses dispositions le commerce d’esclaves ou le maintien d’une personne en esclavage.  Il a proposé d’amender le Statut en ce sens afin d’inclure le crime de commerce d’esclaves en tant que crime contre l’humanité, avant de le transposer dans une future convention sur les crimes contre l’humanité, qu’il a appelée de ses vœux.

M. MHD. RIYAD KHADDOUR (Syrie) a noté des différences de points de vue « majeures » entre les délégations, notamment pour ce qui est de la définition des crimes contre l’humanité ou des approches à adopter face à ces crimes.  Le représentant a ensuite dénoncé la « machine de guerre » israélienne qui se rendait coupable de « crimes odieux » et s’est étonné que ces crimes ne semblaient pas préoccuper les États qui s’étaient exprimés à la Sixième Commission.  Ces États, a-t-il noté, ne font que répéter qu’il s’agit d’une « agression unilatérale de terroristes contre un État pacifique ».  Or, a-t-il dénoncé, la population palestinienne vit sous le joug d’une « occupation raciste » et le Ministre israélien de la défense a récemment fait une déclaration « inhumaine » sur la population de Gaza qui devait, selon lui, être « exterminée ».  Par ailleurs, le représentant est revenu sur l’attaque « barbare » perpétrée dans son pays par un drone pendant une cérémonie en hommage à des jeunes cadets devenus martyrs. Il a aussi mentionné que les aéroports de Damas et d’Alep avaient été pris pour cible par une « puissance occupante » et demandé comment il fallait qualifier, dans le contexte du projet d’articles de la CDI, ces attaques menées sans scrupules à l’égard du droit international.  En l’absence de définition de tels crimes ou du terrorisme, « nous continuerons à avoir deux types de terroristes », a-t-il ironisé, « les bons et les mauvais selon le camp auquel ils appartiennent ».  Le représentant a conclu son intervention en indiquant qu’il ne serait pas possible de progresser dans l’élaboration d’une convention si les États concernés ne tiennent pas compte des questions centrales abordées dans son intervention. 

M. HITTI (Liban) a fait état de la catastrophe à laquelle font face des milliers de Palestiniens, actuellement déplacés ou assiégés, alors que « ce peuple vit sous occupation illégale depuis plus d’un demi-siècle ».  Il a appelé la communauté internationale à faire respecter le droit international, en particulier le droit humanitaire, sans quoi c’est tout le système multilatéral qui est mis à mal.  Le délégué a ensuite réitéré le soutien de sa délégation à une convention sur la base du projet d’articles de la CDI qui comblerait un vide juridique, renforcerait la coopération entre les États et consoliderait les systèmes juridiques internes. Si cette convention représenterait un geste fort dans le combat contre l’impunité, un dialogue de fond et un processus inclusif sont nécessaires pour qu’elle soit pleinement efficace dans sa mise en œuvre, a-t-il poursuivi.  Le Liban s’engage à mener un dialogue inclusif sur ce projet, sans préjuger de la suite à y donner, a-t-il précisé.  Espérant un débat constructif tout comme en avril dernier, le délégué a conclu que ce projet d’articles constitue une base solide mais requiert des amendements.

M. MOHAMED FAIZ BOUCHEDOUB (Algérie) a convenu de la nécessité de prévenir les crimes les plus graves et de punir leurs auteurs.  Le projet d’articles de la CDI comporte, selon lui, de nombreux points positifs pouvant servir de base de discussion au sein de la Sixième Commission. Le représentant s’est toutefois dit préoccupé par des ambiguïtés qui requièrent, selon lui, de discussions supplémentaires, notamment en ce qui concerne les références à des textes ne bénéficiant pas d’un consensus, comme le Statut de Rome et le principe « contesté » de compétence universelle.  En outre, a poursuivi le représentant, certains passages dans le document ne reflètent pas correctement les pratiques du droit coutumier, notamment l’alinéa 5 du projet d’article 6 relatif à l’immunité des personnes occupant une position officielle.  Les débats précédents ayant révélé la grande divergence de points de vue entre États Membres tant sur la teneur que sur la forme des articles, il a jugé prématuré de prendre à l’heure actuelle une décision sur la recommandation de la CDI d’élaborer une convention sur la base dudit projet.  Il serait en revanche souhaitable de donner aux États Membres la latitude d’examiner en profondeur les projets d’articles conformément à leur propre législation nationale, sans qu’une partie impose son point de vue.

M. WISNIQUE PANIER (Haïti) a réitéré son plein soutien à l’élaboration d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité sur la base du projet d’articles de la CDI.  Le représentant a centré son intervention sur la question de l’esclavage, « intrinsèque à l’histoire d’Haïti ».  Rappelant que son pays était le produit d’une révolution d’hommes et de femmes réduits en esclavage qui se sont levés contre l’injustice, il a expliqué que, selon sa délégation, « reconnaître l’esclavage comme un crime contre l’humanité, c’était affirmer que la dignité de la personne humaine est intangible et inaliénable ».  Déplorant l’image donnée d’Haïti, « dépeinte à travers un prisme de catastrophes », le représentant a rappelé que ce pays avait été la première république noire indépendante du monde et avait inspiré d’autres mouvements de libération.  Il a conclu en déclarant que la responsabilité première de l’avenir d’Haïti incombait à son peuple, mais que le poids des facteurs externes comptait aussi.

M. MOUSSA MOHAMED MOUSSA (Djibouti) a noté de profondes divergences, en avril dernier, qui pourraient entraver l’élaboration de la convention, alors que l’ensemble des délégations s’accordent sur la nécessité de prévenir et réprimer les crimes contre l’humanité.  La Déclaration universelle des droits de l’homme prévoit l’obligation morale de protéger le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité, a-t-il rappelé.  Cette obligation morale étant, aujourd’hui, déclinée dans presque tous les traités, il n’est plus question de moralité mais de droit, a-t-il affirmé.  Il a recommandé de dépolitiser les discussions sur cette question et de tenir compte des particularités culturelles et des perceptions de chacun. Le délégué a fait remarquer que la communautarisation de la société internationale suppose qu’on se dirige ensemble vers un objectif commun, et non une pensée commune, et vers une perception harmonieuse, sans qu’elle ne soit unique.  L’interprétation et l’applicabilité de la convention devront être appréciées par chacun des États Membres, faute de quoi nous annihilons l’action commune, a-t-il mis en garde.  Par ailleurs, le délégué a déploré l’évolution dévastatrice de la situation en Palestine, qui « découle de notre incapacité à lire le droit ».  Si nous voulons une convention internationale, nous devons garder à l’esprit les origines de cette situation, a-t-il exhorté, dénonçant la colonisation, le bafouement des droits et l’attitude des deux poids, deux mesures qui caractérisent la situation des Palestiniens depuis 65 ans.

M. ALI MABKHOT SALEM BALOBAID (Yémen) a condamné les « assassinats massifs » perpétrés en Palestine dans la bande de Gaza et réitéré que son gouvernement appuyait les aspirations du peuple palestinien à créer un État de Palestine indépendant.  Il a condamné l’assassinat de civils et les sanctions de masse perpétrées contre les populations de Gaza, résultat, selon lui, de l’occupation et de l’emprisonnement de milliers de Palestiniens.  Le délégué a aussi tenu la Puissance occupante pour responsable de crimes contre l’humanité dans la bande de Gaza, et insisté sur la priorité de mettre fin à ces effusions de sang.  Sommant Israël de respecter ses obligations internationales découlant des Conventions de Genève, le délégué a mis en garde contre une catastrophe sur le territoire assiégé, provoquée par les privations et le blocage de l’aide humanitaire, au milieu de ce qu’il a considéré comme le « silence de la communauté internationale » et de l’intérêt faiblissant pour la cause palestinienne. Le délégué a aussi réclamé, de toute urgence, une convention sur les crimes contre l’humanité. 

Le représentant de la Libye a établi que sa délégation suit de près les points à l’ordre du jour de la Sixième Commission et mène des discussions en interne afin de participer au débat sur le projet d’articles de la CDI. Par ailleurs, il a condamné les actes perpétrés par l’« entité d’occupation israélienne dans la bande de Gaza », qui s’illustrent par un siège sévère et des bombardements, soulignant que ces actes sont aux antipodes des principes du droit international humanitaire, tels que la distinction entre les combattants et les civils ou la nécessité d’empêcher des souffrances inutiles.  Les civils ne peuvent être pris pour cible, s’est-il indigné, exhortant la communauté internationale à mettre en œuvre le droit international et le droit international humanitaire. 

M. MAJED S. F. BAMYA, observateur de l’État de Palestine, a considéré qu’il existait « deux approches irréconciliables » concernant les vies civiles perdues dans le conflit actuel au Moyen-Orient.  Il ne peut y avoir de droit international s’il existe des discriminations selon la race et l’origine nationale, a‑t‑il déclaré, et il ne peut y avoir de droit international humanitaire si nous abandonnons les principes de dignité et d’humanité.  Il ne peut y avoir de droit pénal si l’on justifie les crimes, a encore martelé le représentant.  « La cohérence est la condition préalable à la crédibilité », a‑t‑il déclaré, en rappelant qu’un grand nombre de Palestiniens, notamment des femmes et des enfants, avaient été tués ces derniers jours.  Il a souligné qu’un « véritable enfer » était infligé aux habitants de Gaza.  Le représentant a dénoncé le deux poids, deux mesures, les sanctions collectives, les massacres aveugles, ou encore les propos racistes tenus, notamment par le Ministre de la défense israélien, dans le cadre de la réponse actuelle.  Il a rappelé que sa délégation respectait les règles et les normes internationales, mais n’admettait pas que l’on prive les populations palestiniennes de leur humanité.

Mgr GABRIELE CACCIA, Observateur permanent du Saint-Siège, a rappelé qu’il convient de prendre des mesures efficaces contre les crimes contre l’humanité, lesquels sont déjà traités par le droit coutumier.  Toutefois, a-t-il poursuivi, un traité universel codifiant le droit coutumier permettrait de renforcer la coopération entre les États et serait complémentaire aux systèmes juridiques existants.  Par ailleurs, il a estimé qu’il ne faut pas ajouter de nouvelles définitions à celles qui sont déjà largement acceptées afin de préserver la cohérence et de ne pas saper l’efficacité du système.  Cependant, le Saint-Siège ne partage pas l’exclusion dans le projet de la définition du genre qui figure dans le Statut de Rome, estimant que ces crimes touchent les femmes et les filles de manière disproportionnée, notamment en ce qui concerne les viols et l’exploitation sexuelle.  Le représentant a aussi prôné une coopération pour extrader les auteurs de crimes, assurer l’aide aux victimes, et les aider à obtenir justice.  La future convention devrait encourager l’appui aux systèmes de mise en œuvre de la législation quand elle est fragile ou faible, a-t-il également estimé.  Enfin, il a mentionné la Convention Ljubljana-La Haye qui est, certes, importante mais ne peut se substituer à une convention internationale sur le sujet.

Droits de réponse  

La représentante de l’Inde a répondu au Pakistan, qualifiant ses accusations de frivoles et d’infondées. Les territoires mentionnés « font partie intégrante du territoire indien, aucune propagande ne changera ce fait », a-t-elle affirmé.

Le représentant de l’Azerbaïdjan s’est demandé si l’Arménie était au courant de l’ordre du jour, étant donné ses crimes contre l’humanité: le droit humanitaire et les droits humains.  Il s’est demandé pourquoi l’Arménie parlait avec enthousiasme de ce projet de convention alors qu’elle refuse de poursuivre les auteurs de crimes, les glorifiant même en les nommant à des postes élevés.  Les accusations de l’Arménie ne rassemblent pas de preuves objectives et présentent des informations erronées, a-t-il dit, précisant que les actions menées par son pays contre le recours à la force par l’Arménie étaient en accord avec la Charte des Nations Unies.  Les allégations proférées par le représentant de l’Arménie sur un nettoyage ethnique sont contraires aux déclarations de son propre Premier Ministre qui a établi, tout comme les missions onusiennes qui se sont rendues dans le Haut-Karabakh, qu’il n’y avait pas de menace directe contre la population ou contre les infrastructures civiles dans la foulée du cessez-le-feu.  « Merci de ne pas nous faire perdre de temps en donnant des leçons de droit que l’Arménie n’a de cesse de fouler au pied », a-t-il exhorté.

Le représentant d’Israël a répondu à l’État de Palestine en expliquant qu’il avait dû quitter la séance pour aller consulter des photos et des preuves des massacres de civils dans son pays, et s’est dit convaincu que chaque être humain ayant consulté ces photos ne se poserait pas la question de choisir un camp.  Il s’est dit choqué que l’État de Palestine ait fait le choix de ne pas condamner fermement le Hamas, conformément au droit international.  « Rien ne justifie le massacre de nouveau-nés dans leurs berceaux », a dit le représentant, en indiquant qu’Israël se préparait à une « réponse militaire prolongée » contre le Hamas qui devra rendre des comptes, a-t-il ajouté, en concluant que son pays n’était pas mû par la vengeance, mais par des valeurs morales.

Le représentant de l’État de Palestine a répondu à Israël en l’accusant d’être l’auteur d’assassinats de bébés palestiniens, morts sous les bombes, dans leur sommeil.  Opposé aux meurtres de civils, il a dit que les aspirations du peuple palestinien étaient légitimes et bafouées.  Les Palestiniens sont un peuple non violent, même en tant que victimes de violences de la part d’Israël.  Israël, s’est indigné le représentant a parlé de tout mettre en œuvre pour protéger ses citoyens, or, « les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, bombarder des millions de Palestiniens, tout cela, est-ce légal ou légitime »?  Ce n’est pas à Israël de se prononcer sur le droit.  Un jour ou l’autre, les Palestiniens, brimés depuis 75 ans, pourraient aussi être traversés par un désir de vengeance.  Le représentant a demandé d’arrêter de tuer les Palestiniens demeurés pacifiques malgré les années les plus dures.  La Palestine reconnait Israël, a–t–il ajouté, mais les Palestiniens attendent encore la réciprocité.  Le représentant a prié les capitales du monde de s’identifier davantage aux Palestiniens, dont 1 500 ont été tués ces derniers jours.  Il a reproché à la communauté internationale de cautionner la violence d’Israël.  Il a appelé à ce « que les langues se délient pour que le siège de Gaza soit levé ». Les mêmes délégations, qui trouvaient le siège de Gaza odieux il y a quelques temps, le permettent aujourd’hui, au nom de la légitime défense d’Israël.  « Je ne savais pas que le droit à la légitime défense permettait d’affamer des populations entières. »

La représentante du Pakistan a répondu à l’Inde en expliquant que les affirmations de ce pays sur le Jammu-et-Cachemire étaient erronées, puisque le Conseil de sécurité avait décidé que son statut serait décidé par sa population.  L’Inde n’a aucun droit de changer le statut du territoire, a-t-elle déclaré, et ce pays devrait retirer ses troupes et laisser les habitants choisir leur destin.

Le représentant de l’Arménie a réagi à la déclaration de l’Azerbaïdjan, trouvant inquiétant qu’un État Membre justifie des actions ayant entraîné un nettoyage ethnique.  « Les faits sont clairs et ne peuvent être remplacés par des discours », a-t-il soutenu, jugeant inacceptable de discuter de l’acceptation de certains crimes contre l’humanité.  C’est pourquoi il a réitéré son soutien à une convention internationale sur les crimes contre l’humanité.

Le représentant de l’Azerbaïdjan a répondu à l’Arménie en l’accusant d’un grand nombre de crimes de guerre et de génocide, ainsi que d’avoir permis à des nazis de devenir des « héros nationaux ».

Le représentant de l’Arménie a indiqué à l’Azerbaïdjan que les remarques répétitives de son représentant ne constituaient en aucun cas une réponse aux remarques de sa délégation.  Il a insisté sur le fait que le Haut-Karabakh faisait l’objet d’un nettoyage ethnique « injustifiable », quel qu’en soit le prétexte. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Troisième Commission: la torture, la liberté d’expression et la situation des défenseurs des droits humains mobilisent l’attention des délégations

Soixante-dix-huitième session,
18e et 19e séances plénières – matin & après-midi
AG/SHC/4382

Troisième Commission: la torture, la liberté d’expression et la situation des défenseurs des droits humains mobilisent l’attention des délégations

La Troisième Commission chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a dialogué aujourd’hui, avec pas moins de neuf titulaires de mandat et hauts fonctionnaires de l’ONU, abordant différents aspects de la question des droits de la personne, dont la torture, la liberté d’expression et la situation des défenseurs des droits humains. 

Plaidant en faveur d’un accroissement des ressources, les experts sur la question de la torture se sont succédé, à commencer par le Président du Comité contre la torture qui a alerté que le système des organes conventionnels est confronté à une charge de travail croissante et à un arriéré de rapports considérable.  Des réformes sont nécessaires de toute urgence, a-t-il souligné, mettant en avant trois domaines clefs: l’introduction d’un calendrier prévisible d’examen, la simplification et l’harmonisation des méthodes de travail, et une mise à jour numérique des flux de travail obsolètes. 

De son côté la Rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a attiré l’attention sur la problématique du commerce mondial « tentaculaire » des équipements de maintien de l’ordre, qui devrait connaître une croissance de 8% par an et représenter 27 milliards de dollars d’ici à 2028.  Pour contrôler le marché de ces « outils de torture modernes », elle a appelé à l’élaboration d’un accord commercial international qui permettrait de mettre hors d’usage des objets intrinsèquement cruels, et de contrôler les équipements ordinaires de maintien de l’ordre présentant un risque accru d’utilisation abusive.  Cette question devient de plus en plus importante à mesure que les gouvernements sous-traitent les fonctions publiques à des entités privées non étatiques, a-t-elle souligné. 

Au préalable, la Présidente du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, s’est félicitée de la portée du premier projet d’observation générale du Sous-Comité qui vient clarifier la définition des lieux de privation de liberté. 

Ciblées par la désinformation, les femmes et les filles ont fait l’objet d’une attention particulière, notamment par la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression qui s’est intéressée à la désinformation genrée, une stratégie qui, a-t-elle expliqué, vise à faire taire les femmes et les personnes non conformes au genre et à les chasser des lieux publics et des espaces en ligne.  En exploitant les divisions sociales et les points de tension, tels que le racisme, l’homophobie et la transphobie, la désinformation genrée approfondit la marginalisation des groupes vulnérables et augmente leur risque de subir des violences, en ligne et hors ligne, a-t-elle alerté.  Face à ces tendances inquiétantes, elle a appelé les États à sécuriser les espaces numériques, sans pour autant restreindre la liberté d’expression. 

De manière connexe, le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association a appelé à faire pression sur les acteurs répressifs, étatiques ou non, à travers des sanctions ciblées, afin qu’ils mettent fin à toutes les attaques et actes d’intimidation à l’encontre de la société civile et des manifestants. Il a notamment évoqué les périodes de transition durant lesquelles certaines autorités ont recours à des lois draconiennes et à l’état d’urgence pour restreindre et réprimer indûment la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association, le but étant de faire taire les dissidents et les voix de l’opposition.  Il s’est également préoccupé de la situation des représentants de la société civile qui ont été l’objet de représailles en raison de leur collaboration avec l’ONU. 

La Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains a indiqué, de son côté, que la probabilité qu’un processus de paix soit couronné de succès est très nettement supérieure si les femmes sont impliquées de manière significative dans les négociations, précisant que la probabilité qu’un accord de paix dure au moins deux ans augmente de 20% lorsque les femmes sont correctement impliquées. 

Elle a toutefois relevé que depuis que les femmes participent plus pleinement qu’autrefois aux activités de la société civile, elles sont davantage attaquées, exhortant les États Membres à agir lors d’un vif échange avec les délégations.

« Vous vous présentez tous comme des anges, alors que vous avez en réalité tous vos intérêts stratégiques », s’est exclamée la Rapporteuse spéciale, qui a marqué son agacement en avouant en avoir assez de faire des recommandations. « Je pourrais les faire pendant mon sommeil! Lisez-les! Appliquez-en une ou deux, et vous verrez que la situation s’améliorera », a-t-elle renchéri.

La Troisième Commission poursuivra ses travaux demain, vendredi 13 octobre, à partir de 10 heures.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS (A/78/198)

Déclarations liminaires des titulaires de mandats au titre d’une procédure spéciale et d’autres experts, suivies d’un dialogue interactif

Exposé

Mme ILZE BRANDS KEHRIS, Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme, a présenté à la Troisième Commission 23 rapports du Secrétaire générale et notes du Secrétariat au titre des points à l’ordre du jour.  Les documents cités sont: 

La note du Secrétariat sur le « Fonds spécial créé par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » (A/78/240);

Le rapport du Secrétaire général sur le « Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture » (A/78/263);

Le rapport du Secrétaire général sur le « Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour la lutte contre les formes contemporaines d’esclavage » (A/78/271);

La note du Secrétariat sur le « Droit au développement » (A/78/125);

Le note du Secrétariat sur la « Coopération avec l’Organisation des Nations Unies, ses représentants et ses mécanismes dans le domaine des droits de l’homme » (A/78/136); 

La note du Secrétariat sur la « Promotion et protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales des Africains et des personnes d’ascendance africaine face au recours excessif à la force et aux autres violations des droits de l’homme dont se rendent coupables des responsables de l’application des lois, grâce à une transformation porteuse de justice et d’égalité raciales » (A/78/166);

Le rapport du Secrétaire général sur les « Institutions nationales pour la promotion et la protection des droits humains » (A/78/182);

La note du Secrétariat sur la « Protection des migrants » (A/78/203);

Le rapport du Secrétaire général sur la « Lutte contre l’intolérance, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation, la discrimination, l’incitation à la violence et la violence fondés sur la religion ou la conviction » (A/78/241);

Le rapport du Secrétaire général intitulé « Droits humains et diversité culturelle » (A/78/242);

Le rapport du Secrétaire général intitulé « Terrorisme et droits humains » (A/78/269);

La note du Secrétariat sur la « Prévention du génocide » (A/78/282);

Le rapport du Secrétaire général sur « La sécurité des journalistes et la question de l’impunité » (A/78/270);

Le rapport du Secrétaire général sur le « Renforcement de l’action de l’Organisation des Nations Unies dans le domaine des droits humains par la promotion de la coopération internationale et importance de la non-sélectivité, de l’impartialité et de l’objectivité » (A/78/272);

Le rapport du Secrétaire général sur le « Centre sous-régional des droits de l’homme et de la démocratie en Afrique centrale » (A/78/298);

Le rapport du Secrétaire général sur la « Promotion effective de la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques » (A/78/306);

Le rapport du Secrétaire général sur la « Promotion d’une répartition géographique équitable dans la composition des organes conventionnels des droits humains » (A/78/311);

Le rapport du Secrétaire général sur la « Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées » (A/78/347);

Le rapport du Secrétaire général sur le « Centre de formation et de documentation des Nations Unies sur les droits de l’homme pour l’Asie du Sud-Ouest et la région arabe » (A/78/518);

La note du Secrétaire général sur la « Situation des droits humains au Myanmar depuis le 1er février 2021 » (A/78/316);

Le rapport du Secrétaire général sur la « Situation relative aux droits humains dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol (Ukraine) temporairement occupées » (A/78/340);

Le rapport du Secrétaire général sur la « Situation relative aux droits humains en République populaire démocratique de Corée » (A/78/212);

Et enfin, le rapport du Secrétaire général sur la « Situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran » (A/78/326). 

Dialogue interactif

À la suite de cette présentation, l’Union européenne s’est alarmée de l’augmentation des représailles contre les personnes et les groupes collaborant avec l’ONU, ainsi que de la progression de la censure en ligne et hors ligne et de l’abus des procédures antiterroristes.  Elle a condamné très fermement ces pratiques.  La Lettonie s’est inquiétée du même sujet, dénonçant les mesures d’intimidation qui se produisent jusqu’au Siège de l’ONU à New York. Le Japon a, pour sa part, voulu savoir comment le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) peut aider à résoudre les conflits et à défendre les droits humains.  Le Royaume-Uni s’est dit préoccupé par les menaces exercées contre des personnes collaborant avec l’ONU et a demandé comment améliorer le mécanisme de contrôle des représailles.  La Roumanie a ensuite demandé une évaluation de la situation des droits humains, des femmes et des filles dans le contexte de la prévention des conflits et de la reconstruction post-conflit. 

De son côté, la République islamique d’Iran a critiqué le contenu du rapport la concernant, estimant qu’il est rempli de préjugés et fondé sur des informations non vérifiées.  À sa suite, la République démocratique populaire de Corée a rejeté catégoriquement le rapport la concernant.  Qualifiant ce document « politisé » de « tissu de mensonges », elle y a vu le fruit des « desseins sinistres d’un pays hostile », ajoutant que son pays n’a jamais eu aucun problème de droits humains.  La Chine a, elle, appelé à ne pas politiser les droits humains, avant d’assurer qu’elle les a toujours respectés.  Dénonçant des violations massives des droits humains dans ses territoires occupés par la Fédération de Russie, l’Ukraine a annoncé qu’elle présentera le projet de résolution annuel sur cette situation et a demandé aux États Membres de le soutenir. 

Les États-Unis se sont inquiétés de la situation de la société civile au Bélarus, au Nicaragua, en Fédération de Russie, à Cuba et en Chine, notamment en ce qui concerne Hong Kong, avant de s’interroger sur les moyens susceptibles d’améliorer la situation.  L’Arabie saoudite a regretté qu’une partie des informations figurant dans un des rapports du Secrétaire général soient « fausses » et a demandé comment remédier à cet état de fait.  L’Irlande s’est, elle, inquiétée de l’usage abusif des lois antiterroristes pour poursuivre les personnes collaborant avec l’ONU, tandis que l’Égypte s’inquiétait des discriminations religieuses et s’enquérait des bonnes pratiques pour lutter contre cette tendance. L’Iraq a voulu savoir comment renforcer la participation des femmes au maintien et à la consolidation de la paix.  Enfin, après que Cuba eut rejeté les allégations des États-Unis à son sujet, la Chine a, elle aussi, répondu aux États-Unis, les accusant de répandre des mensonges, notamment concernant Hong Kong. 

Reprenant la parole, la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme s’est félicitée du fait que de nombreuses délégations aient fait mention de la participation de la société civile et de la lutte contre les représailles visant les personnes coopérant avec l’ONU.  Elle a également défendu la méthodologie très stricte adoptée dans les rapports du Secrétaire général.  La haute fonctionnaire a ensuite cité des mesures concrètes que peuvent adopter les États Membres, évoquant notamment la sensibilisation et le renforcement des cadres légaux nationaux.  Évoquant les femmes en situation de conflit, elle a rappelé la présence du HCDH sur le terrain.  Pour finir, Mme Brands Kehris a encouragé les États Membres à fournir un accès aux experts de l’ONU et à leur fournir des informations. 

Exposé

M. KHALED KHIARI, Sous-Secrétaire général pour les affaires politiques et de consolidation de la paix au Moyen-Orient, en Asie et dans le Pacifique, a présenté le rapport du Secrétaire général sur le « Renforcement du rôle que joue l’Organisation des Nations Unies dans la promotion d’élections périodiques et honnêtes et de la démocratisation » (A/78/260). 

Il a indiqué que l’ONU a fourni une assistance électorale à un peu plus de 60 États et territoires.  Essentiellement technique, fournie dans le respect de la souveraineté et des particularités de chaque État, cette assistance a soutenu des processus électoraux inclusifs, notamment vis-à-vis des femmes, a-t-il précisé.

Il a souligné que des élections crédibles donnent de la légitimité aux dirigeants choisis, et constituent une étape importante dans la résolution des conflits et la consolidation de la paix.  Néanmoins, les élections et leurs fondements institutionnels nécessitent un investissement continu de la part des États Membres, a-t-il noté.  En outre, l’engagement en faveur d’un code de conduite contribue efficacement à l’intégrité d’un processus électoral.  Il a également signalé que les avis divergent sur la meilleure façon de traiter la diffusion de fausses informations, sur les réseaux sociaux notamment, en raison de la crainte que les restrictions sur le contenu n’entravent la liberté d’expression. 

Le Sous-Secrétaire général a par ailleurs jugé insuffisants les progrès réalisés en matière de participation et représentation politiques des femmes qui ne représentent toujours que 26,7% des parlementaires dans le monde. La participation des femmes est au cœur de l’assistance électorale fournie par l’ONU et l’inclusion des jeunes dans les affaires publiques est, elle aussi, cruciale pour cultiver leur confiance dans les institutions politiques. 

L’intervention de M. Khiari n’a pas été suivie d’un dialogue interactif.

Exposé

Mme LARA BLANCO ROTHE, Directrice adjointe du Groupe de l’environnement et du développement durable au Cabinet exécutif du Secrétaire général, qui présentait un rapport d’étape sur la Stratégie des Nations Unies pour l’inclusion du handicap lancée par le Secrétaire général en 2019, s’est félicitée des progrès réalisés en la matière, y voyant une illustration de l’engagement croissant en faveur de l’inclusion du handicap dans l’ensemble du système de l’ONU. L’an dernier, a étayé Mme Blanco Rothe, 77 entités ont mis en œuvre la Stratégie -dont 19 opérations de paix- contre 73 en 2021.  Le rapport montre en outre qu’en 2022, les entités ont respecté et même dépassé les exigences dans 34% des indicateurs, contre 30% en 2021. 

La haute fonctionnaire a également relevé une réduction manifeste du pourcentage d’entités qui ne satisfont pas aux exigences, passé de 23% en 2021 à 15% en 2022.  Selon elle, les entités onusiennes ont réalisé le plus de progrès en 2022 dans le domaine de l’évaluation inclusive du handicap. 

Rendant compte des rapports des équipes de pays, Mme Blanco Rothe a relevé une approche plus éclairée de l’inclusion du handicap, bien qu’à un rythme de progrès global plus lent.  Désormais, s’est-elle félicitée, 90% des pays indiquent qu’ils incluent la situation des personnes handicapées dans leurs documents de planification stratégique, tandis que 43% des équipes de pays intègrent les personnes handicapées dans les résultats de leur cadre de coopération.  Elle a précisé à cet égard que son cabinet fournit une assistance technique ciblée pour soutenir les plans d’action élaborés par les équipes de pays aux fins de mise en œuvre de la Stratégie.

Parmi les autres tendances, la responsable onusienne a fait remarquer que la Stratégie a favorisé des synergies au-delà des actions spécifiques au handicap.  Elle s’est ainsi réjouie que les entités et les équipes de pays intègrent l’inclusion du handicap dans leurs mécanismes et stratégies de coordination en matière de genre et de jeunesse.  Toutefois, a-t-elle nuancé, il demeure des goulots d’étranglement dans des domaines opérationnels comme l’accessibilité, l’emploi et les aménagements raisonnables. Elle a donc appelé à une action collective pour éliminer les obstacles systémiques auxquels sont confrontées les entités et les équipes de pays.  Notant que le Secrétaire général a demandé au Comité de haut niveau sur la gestion d’aborder de toute urgence l’inclusion des personnes handicapées et l’accessibilité, elle a fait savoir qu’une action a été lancée pour aborder et renforcer le caractère inclusif des Nations Unies en tant qu’employeur de choix pour les personnes handicapées.

Enfin, la Directrice adjointe s’est déclarée convaincue que la Stratégie ne réussira que lorsque les personnes handicapées « travailleront avec nous à tous les niveaux ».  D’ores et déjà, la mise en œuvre de la Stratégie commence à apporter des changements structurels et opérationnels au sein de l’Organisation, a-t-elle applaudi, promettant de maintenir cet élan pour réaliser le changement transformateur. Elle a invité les États Membres à soutenir cette dynamique pour servir les 1,3 milliard de personnes handicapées dans le monde. 

Dialogue interactif

Dans la foulée de cette présentation, l’Union européenne a salué le dernier rapport du Secrétaire général sur l’inclusion du handicap dans le système des Nations Unie.  Notant avec satisfaction que des progrès importants ont été faits récemment, elle a aussi constaté que beaucoup reste à faire, notamment en matière d’accessibilité physique ou numérique et de violence à l’égard des femmes et filles handicapées.  Elle a souhaité savoir comment les équipes de pays de l’ONU peuvent procéder de manière conséquente à la collecte de données concernant le handicap, avant de s’interroger sur ce que fait l’ONU pour accélérer la mise en œuvre d’initiatives consacrées à l’inclusion des personnes handicapées, notamment celles qui font face à de nombreuses formes de discrimination. 

De manière connexe, la Nouvelle-Zélande a voulu savoir dans quelle mesure les États Membres peuvent appuyer la Stratégie des Nations Unies et assurer son succès à l’avenir.  Elle s’est par ailleurs déclarée fière de présenter avec le Mexique un projet de résolution sur la promotion des droits des personnes handicapées.  Saluant elle aussi l’élaboration de ce texte, la Pologne s’est félicitée de la collaboration entre l’équipe de la Directrice adjointe, le Secrétariat de l’ONU et les organisations représentant les personnes handicapées.  Elle a cependant plaidé pour davantage d’inclusivité pour que ces actions gagnent en efficacité.  À ce sujet, elle a souhaité savoir comment la Stratégie peut contribuer à la réalisation des objectifs d’inclusion sur le terrain.

En réponse à ces questions et commentaires, la Directrice adjointe du Groupe de l’environnement et du développement durable au Cabinet exécutif du Secrétaire général a relevé qu’au cours des quatre dernières années, des progrès graduels mais constants ont été réalisés en matière d’inclusion du handicap.  Nous devons redoubler d’efforts et adopter une approche collective pour atteindre l’inclusion souhaitée, a-t-elle ajouté. Selon elle, le travail réalisé depuis 2019 a permis d’établir une « ligne de base » pour mesurer les avancées, ce qui n’était pas le cas auparavant.  Elle s’est également réjouie que plusieurs entités aient dépassé les indicateurs en matière d’inclusion du handicap, ce qui va « dans le bon sens ».  Sur le terrain, des efforts doivent être entrepris dans la programmation, notamment en ce qui concerne les questions d’intersectionnalité pour l’inclusion dans le cadre de la coopération, a poursuivi Mme Blanco Rothe, répondant à la préoccupation de la Pologne.  Enfin, elle a dit travailler sur la base de partenariats avec les entités onusiennes, notamment avec l’UNICEF pour la collecte de données. 

Exposé

M. CLAUDE HELLER, Président du Comité contre la torture, a tout d’abord indiqué que, depuis l’adhésion du Suriname, en 2021, à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, aucune nouvelle ratification ou adhésion n’avait eu lieu.  Présentant ensuite son rapport annuel (A/78/44), il a précisé que le Comité avait adopté des observations finales sur 16 rapports présentés par les États parties et examiné quatre rapports supplémentaires lors de sa session de juillet 2023. 

Il a rappelé que les autorités nicaraguayennes n’avaient pas envoyé de délégation à la soixante-quatorzième session du Comité, tenue en juillet 2022, au cours de laquelle le deuxième rapport périodique de cet État partie avait été examiné, rejetant fermement les termes de la lettre datée du 29 juin 2022 de son Ministre des affaires étrangères, qui mettait en doute la légitimité et l’intégrité du Comité, ainsi que du HCDH.  Il a précisé que, conformément à son règlement intérieur, le Comité avait procédé à l’examen du rapport périodique du Nicaragua en son absence et adopté des observations finales lors de la soixante-quinzième session en novembre 2022. 

Le Président a rappelé que les États ont la possibilité de soumettre des rapports périodiques selon la procédure simplifiée, c’est-à-dire en réponse à une liste de questions.  De même, une coordination avec le programme de renforcement des capacités des organes conventionnels aide également les États à préparer leurs rapports. 

M. Heller a précisé que 54 rapports sont en attente d’examen en raison des retards entraînés par la pandémie de COVID-19, ajoutant que le Comité manquait de ressources pour faire face à cette charge de travail accrue. Il a précisé que le Comité avait examiné 74 plaintes individuelles au cours de ses quatre dernières sessions, adoptant 36 décisions sur le fond, considérant 14 communications comme irrecevables et interrompant l’examen de 24 autres.  Signalant que là encore le retard est considérable, il a précisé que 197 plaintes individuelles étaient en attente d’examen, arriéré de communications qui ne pouvait être absorbé avec les méthodes de travail et les ressources actuelles.  Il a regretté que certains États n’aient pas mis en œuvre les décisions prises concernant les plaintes individuelles, s’inquiétant également des actes d’intimidation et de représailles à l’encontre d’individus et de groupes qui coopèrent avec le Comité. 

Le système des organes conventionnels est confronté à une charge de travail croissante et à un arriéré de rapports considérable, et des réformes sont nécessaires de toute urgence, a-t-il souligné, relevant que le temps de réunion supplémentaire accordé aux comités pour traiter les arriérés n’avait pas été compensé par les ressources financières, techniques et humaines adéquates. 

Il a rappelé que les présidents des organes conventionnels avaient suggéré des réformes dans trois domaines principaux: l’introduction d’un calendrier prévisible d’examens, la simplification et l’harmonisation des méthodes de travail, et une mise à jour numérique des flux de travail obsolètes. Il a également indiqué qu’ils avaient reconnu que les États et les organes conventionnels avaient des mandats distincts mais interdépendants, invitant les États à exprimer leurs préférences quant aux modalités d’un calendrier prévisible de huit ans, ainsi qu’au sujet d’une numérisation ne pouvant être finalisée qu’avec des ressources financières appropriées. 

Dialogue interactif

Après la Türkiye, qui a fustigé les avis non justifiés du Comité émis sans la consulter, le Mexique s’est intéressé aux meilleures pratiques pour prévenir les cas de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de personnes qui se trouvent dans des situations de vulnérabilité particulière.  Comment identifier les risques et protéger les groupes les plus vulnérables?, a-t-il questionné.

Le Danemark a demandé que pouvaient faire les États pour améliorer les méthodes de travail du Comité et résorber le retard accumulé.  Notant que 196 plaintes étaient encore en attente d’examen, l’Union européenne a voulu connaître l’origine de ces retards et savoir par quels moyens accélérer le processus. 

La Fédération de Russie s’est inquiétée de la situation dans la prison de Guantanamo, accusant les autorités américaines de s’y livrer à des violations des droits des prisonniers et à des traitements cruels.  De plus, les appels de la communauté internationale, y compris des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, à fermer cette prison spéciale américaine continuent d’être ignorés par Washington, a-t-elle dénoncé.  La Chine a appelé, de son côté, le Comité à continuer de se fonder sur le principe de la non-sélectivité et à tenir compte des particularités de chaque pays.

Les États-Unis ont affirmé que la toute première visite, à Guantanamo, de la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, était la preuve de leur souci de transparence.  Par ailleurs, comment couper l’assistance aux États connus pour largement recourir à la torture? ont-ils demandé.

La République arabe syrienne a réclamé des précisions sur la manière dont le Comité a étayé ses affirmations au sujet du Nicaragua.  Le rapport indique que la peur de représailles pousse les victimes à ne pas se plaindre de la torture, donc le Comité accuse un État d’avoir exposé des gens à la torture, sans se baser sur leur témoignage.

Quels sont les nouveaux défis rencontrés en ce qui concerne la présentation des rapports et méthodes de travail, a voulu savoir la République dominicaine qui, reconnaissant un retard dans la présentation de son propre rapport, a assuré faire tout son possible pour qu’il soit prêt avant 2024. 

Réagissant aux remarques et questions des délégations, le Président du Comité contre la torture a d’abord abordé la question des méthodes de travail, expliquant que le Comité invite des États tiers lorsque cela peut s’avérer nécessaire.  Il a ensuite insisté sur l’importance de disposer des financements nécessaires pour absorber la charge de travail qui continue d’augmenter.

En ce qui concerne les pratiques optimales pour prévenir la torture à l’encontre des personnes vulnérables, il a indiqué que l’adoption de mesures juridiques est un pas en avant pour répondre aux situations de crise, telles les crises migratoires, invitant à ratifier le Protocole facultatif.  En outre, il ne suffit pas de ratifier la Convention, il faut l’appliquer et cette application est complexe, a-t-il insisté. 

Il a ensuite expliqué que le Comité contre la torture est en étroite coordination avec des instances similaires au niveau régional, relevant que certaines plaintes sont examinées au mieux dans le contexte régional, notamment dans les Caraïbes par le biais de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. 

Le Président a par ailleurs encouragé les États à envisager un moratoire sur la peine de mort, et à créer des mécanismes nationaux de prévention de la torture.  Enfin, il a remercié la République dominicaine de sa volonté de présenter bientôt son rapport et s’est félicité de la visite du Comité dans ce pays. 

Exposé

Mme SUZANNE JABBOUR, Présidente du Sous-Comité pour la prévention de la torture, a tenu à cadrer la discussion en insistant sur la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants par 93 pays et sur les dialogues menés avec les États parties et signataires concernant la désignation ou le fonctionnement de leurs mécanismes nationaux de prévention.  Alors que le chemin vers la ratification universelle est « semé d’embûches », elle a appelé à faire preuve d’engagement collectif et de volonté politique, afin que les États s’acquittent de leur devoir mondial de prévention de la torture. 

Pour ce qui est du Sous-Comité, Mme Jabbour a indiqué que l’année écoulée a été marquée par des changements importants, des élections tenues en 2022 ayant permis l’introduction de nouveaux membres qui apportent des perspectives et des expertises nouvelles.  À l’avenir, il est important, selon elle, de continuer à mettre l’accent sur la sélection d’experts indépendants ayant des expériences professionnelles diverses, en particulier dans le domaine de la santé et de la santé mentale, afin de garantir une approche pluridisciplinaire. 

Évoquant ensuite le premier projet d’observation générale du Sous-Comité relatif à l’article 4 du Protocole facultatif, Mme Jabbour l’a présenté comme « l’un des développements récents les plus importants ». Notant que ce texte clarifie la définition des lieux de privation de liberté, améliorant ainsi la compréhension des implications du Protocole facultatif, elle a indiqué qu’après son adoption, les États seront encouragés à s’y référer pour garantir à tout organe d’évaluation, y compris les mécanismes nationaux de prévention, un accès complet aux lieux de privation de liberté. 

En 2022, a poursuivi la Présidente du Sous-Comité, plus de 730 entretiens individuels et collectifs ont été réalisés avec plus de 2 300 personnes, principalement des détenus, mais aussi des fonctionnaires, des membres des forces de l’ordre et du personnel médical, dans différents pays.  Elle a souligné l’importance de ces interactions dans la collecte d’informations « précieuses » sur diverses questions urgentes, notamment les défis liés à la détention des migrants, les cas de corruption et d’autogestion au sein des centres de détention, les restrictions d’accès à certains lieux et les limitations à l’obtention de données essentielles.  Faisant état de recommandations adaptées aux contextes nationaux, Mme Jabbour a indiqué que son organe s’est déplacé cette année en Afrique du Sud, au Kazakhstan, à Madagascar, en Croatie et, très récemment, dans l’État de Palestine.  En dépit de ressources insuffisantes, le Sous-Comité aspire à augmenter le nombre de ses visites annuelles, en passant de huit actuellement à 12 par an, a-t-elle précisé, avant de saluer l’adoption du cycle de huit ans, qui permettra à l’organe d’effectuer 93 visites au cours de cette période.

Mme Jabbour a, par ailleurs, estimé que la résolution bisannuelle de l’Assemblée générale sur la prévention de la torture devrait consolider la solidarité mondiale et permettre de transformer une question exclusive aux organes conventionnels des droits de l’homme en une question d’intérêt universel. À cet égard, elle a souligné les efforts du Sous-Comité pour resserrer les liens avec d’autres organes conventionnels, notamment le Comité contre la torture, afin d’aborder des questions communes. Elle a enfin appelé les États à contribuer au fonds spécial du Sous-Comité, auquel les organisations non gouvernementales (ONG) font régulièrement appel et qui a permis de soutenir 18 projets dans 16 États pour un montant total de 525 790 dollars. 

Dialogue interactif

Après cet exposé, l’Union européenne s’est félicitée de deux nouvelles accessions à la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture en 2023.  Elle a ensuite voulu connaître les problèmes rencontrés par le Sous-Comité dans sa collaboration avec les États parties et les mécanismes nationaux de prévention.  L’Ordre souverain de Malte s’est réjoui du fait que 165 pays aient signé la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, bien que son application dépende de la volonté des États parties.  Il a par ailleurs signalé les actions qu’il mène en termes de surveillance des abus, de suivi judiciaire et d’aide directe pour les victimes, avant de rappeler, sur la base d’un rapport d’Amnesty International, que 141 pays ont été impliqués dans des actes de torture au cours des cinq dernières années, soit les trois quarts des États de la planète. 

Reprenant la parole, la Présidente du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a indiqué que des systèmes sont mis en place pour éviter les doublons, notamment avec les organes régionaux comparables, prenant l’exemple du comité de l’Union européenne travaillant sur cette thématique.  Elle a souligné que le principe de confidentialité est central et que les organes conventionnels évitent de se rendre dans le même pays durant la même année pour ne pas surcharger les États.  Mme Jabbour a ajouté que la méthode adoptée par le Sous-Comité repose sur un dialogue constructif avec les États et les mécanismes nationaux, auquel s’ajoute un soutien financier à ces derniers.  Elle a souhaité que les États contribuent aussi à cet effort financier.  Évoquant enfin la surveillance des lieux de détention, question « très complexe » selon elle, la Présidente du Sous-Comité a précisé que son organe se rend sur le terrain, y compris dans les zones de conflit, et vient de rentrer d’une visite de deux semaines en Palestine. 

Exposé

Mme ALICE JILL EDWARDS, Rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, présentant son évaluation annuelle de la torture dans le monde, a indiqué qu’au moins 108 pays ont érigé la torture en infraction pénale, dont la Thaïlande et le Pakistan au cours de l’année écoulée.  Un nombre croissant de pays ont ouvert cette année des procédures contre les auteurs d’actes de torture, certains pour la première fois, et de nouvelles lois d’indemnisation ont été adoptées en Macédoine du Nord et en Ouzbékistan, s’est-elle réjouie. 

Mais dans le même temps, les allégations de torture se sont multipliées, notamment dans le cadre de la guerre, s’est inquiétée la Rapporteuse spéciale.  Elle a indiqué que la Fédération de Russie n’avait pas répondu à sa demande concernant des allégations crédibles de torture par ses forces militaires en Ukraine, ajoutant que sa récente visite dans ce pays avait confirmé que la torture fait partie de la politique de l’État russe.  Des traitements cruels ont également été observés en Haïti, au Mali, au Myanmar, au Soudan et au Yémen, a-t-elle regretté. 

Nombreuses aussi sont les allégations de torture sexuelle, a poursuivi Mme Edwards, déplorant une année particulièrement terrible pour de nombreuses femmes et jeunes filles, notamment en Afghanistan, où elles sont exclues de la vie publique, ou en Iran, où elles font l’objet de la brutalité policière.  Elle a également évoqué des allégations de harcèlement et de torture d’opposants et de dissidents politiques au Bélarus, en Türkiye et en Fédération de Russie. La Chine, en outre, n’a pas pleinement répondu aux allégations de torture et de mauvais traitements à l’encontre des Ouïghours dans le Xinjiang.

Passant à son étude thématique, qui porte sur le commerce mondial des équipements de maintien de l’ordre, la Rapporteuse spéciale a signalé qu’aucun accord international ne régit le commerce d’objets destinés ou utilisés pour torturer ou imposer d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Notant que le commerce des instruments de torture est tentaculaire, elle a recommandé l’élaboration d’un accord commercial international « libre de torture » qui compléterait et renforcerait les obligations existantes.  Cet accord serait composé d’une catégorie A, comprenant des objets intrinsèquement cruels, à immédiatement retirer du marché et à mettre hors d’usage, et d’une catégorie B comprenant les équipements ordinaires de maintien de l’ordre à contrôler, car présentent un risque accru d’utilisation abusive. 

Elle a fait savoir que le marché des équipements de maintien de l’ordre devrait atteindre 27 milliards de dollars d’ici à 2028, avec une croissance de 8% par an.  Cette question devient de plus en plus importante à mesure que les gouvernements sous-traitent les fonctions publiques à des entités privées non étatiques, a-t-elle ajouté.  Les forces de l’ordre, certes, doivent être équipées, mais c’est précisément parce que ces armes peuvent causer des dommages pouvant aller jusqu’à des crimes d’atrocité qu’il est nécessaire de mieux les réglementer, a-t-elle fait valoir. 

La Représentante spéciale a ensuite détaillé les divers artefacts utilisés dans ce contexte, notamment des barres munies de pointes, des ceintures à décharge électrique, des fers à entraver ainsi que des fouets et des munitions contenant des projectiles à impact cinétique, les décrivant comme des outils de torture modernes, aussi horribles que les grilles et les vis à oreilles utilisées par les tortionnaires médiévaux.  Elle a appelé les États à dresser un inventaire des équipements fabriqués, achetés ou utilisés par les autorités publiques compétentes et à interdire immédiatement les articles figurant sur sa liste.  Les États doivent également œuvrer à l’élaboration d’un instrument international de commerce sans torture afin que nous soyons tous plus en sécurité et mieux protégés au sein de nos communautés, a-t-elle souligné. 

Dialogue interactif

Comment l’adoption d’un accord international contribuerait-il à empêcher la torture? a demandé l’Argentine.  Et quelles sont les mesures envisagées pour élaborer un tel instrument, a voulu savoir l’Union européenne, suivie du Danemark qui s’est enquis des principaux obstacles à la ratification de la Convention.  Le Canada s’est interrogé sur les mesures que les États peuvent adopter à court terme pour prévenir la torture et assurer la justice pour les victimes.  À ce propos, comment élargir le soutien aux Principes de Méndez, a demandé le Maroc

Le Chili a indiqué qu’il espère profiter de la visite, la semaine prochaine, de la Rapporteuse spéciale pour identifier les pratiques optimales et les lacunes, tandis que la République dominicaine a voulu savoir comment la Rapporteuse spéciale coopère avec les autres procédures spéciales pour parvenir à un monde exempt de torture.  Le Brésil a appelé à accorder la priorité au renforcement des droits humains et des mécanismes nationaux et locaux de prévention, l’Algérie ayant au préalable insisté sur le renforcement des capacités des forces de police.

Comment protéger les jeunes placés dans des institutions de la négligence, la violence et des abus et comment limiter les risques que des instruments de torture tombent entre les mains d’organisations criminelles et d’autres acteurs non étatiques, a demandé le Luxembourg.  Le Myanmar s’est enquis des mesures collectives à prendre pour mettre fin à la torture sur son sol et demander des comptes aux militaires.  À sa suite, la Géorgie s’est inquiétée, qu’à ce jour, aucun progrès n’ait été réalisé dans l’exécution de la justice dans les cas de torture, de traitements inhumains et de privation de la vie de David Basharuli, Giga Otkhozoria, Archil Tatunashvili, et Irakli Kvaratskhelia. 

Le Pakistan a voulu savoir quel rôle peuvent jouer les mécanismes des droits humains pour prévenir la torture dans les régions et zones occupées, citant en particulier le Jammu-et-Cachemire, une allégation réfutée par l’Inde qui a dit que cette région fait partie intégrante de son pays.  L’Égypte a ensuite appelé à placer des obligations sur le secteur privé, tandis que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a estimé qu’un instrument juridiquement contraignant pourrait avoir des impacts pratiques et symboliques positifs. 

Lors de ce dialogue, plusieurs délégations ont rejeté catégoriquement les « allégations » les concernant contenues dans le rapport, à l’instar de la République islamique d’Iran qui a jugé « sans fondement » ces accusations qui sont inspirées par des médias hostiles à son pays. Dans le même ordre d’idées, la Chine a qualifié la partie du rapport qui la concerne « d’ingérence dans les affaires internes », tout en assurant avoir mis en place des mesures préventives pour combattre le terrorisme en conformité avec le droit international.  « Quelles sont vos sources d’information? » a interrogé la République arabe syrienne, doutant de la véracité des faits rapportés par des ONG inconnues.  Le Nicaragua a lui aussi soutenu que la Rapporteuse spéciale n’a pas rédigé son rapport sur la base d’informations vérifiées, affirmant d’ailleurs qu’il n’y a pas de violence policière dans le pays.  Abondant dans le même sens, la Fédération de Russie a estimé que les accusations à son encontre concernant la situation en Ukraine ne correspondent pas à la réalité. 

Les États-Unis ont voulu en savoir plus sur la visite de la Rapporteuse spéciale en Ukraine, tandis que l’Ukraine s’est inquiétée de la situation des prisonniers de guerre en Russie.  De son côté, Israël a voulu savoir quelles mesures la Rapporteuse spéciale compte prendre devant les atrocités commises ces derniers jours par le Hamas. 

Pour finir, l’Arabie saoudite a confirmé que l’application de la peine de mort sur son territoire est constitutionnelle et respecte les différents principes du Code pénal qui a connu de nombreuses réformes. 

Dans ses réponses et observations, la Rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a expliqué que la création d’un instrument juridique sur l’interdiction du commerce des équipements de maintien de l’ordre aiderait les États à tenir leurs engagements d’interdire et de prévenir la torture en retirant ces objets de la circulation et en en surveillant l’usage.  Elle a recommandé que le secteur privé participe à la discussion précédant la conception d’un tel instrument. 

Il revient d’abord, a-t-elle expliqué, aux États de réglementer, gérer, et surveiller ce commerce.  Dans un second temps, il s’agit de réglementer les fabricants qui sont maintenant « mis en garde ». 

S’agissant enfin de l’origine de ses sources, la Rapporteuse spéciale a fait part de sa disposition à en discuter avec tous les États Membres, y compris la Fédération de Russie, à qui, d’ailleurs, elle a envoyé de multiples demandes.  À la Chine et au Nicaragua, elle s’est dite prête à effectuer des visites de terrain. 

Exposé

Mme IRENE KHAN, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a rappelé qu’elle est la première femme à exercer ce mandat.  Elle a également rappelé qu’en 2021, elle avait présenté à la Troisième Commission un rapport inédit consacré à la liberté d’expression sous l’angle du genre.  Estimant à cet égard que la violence en ligne, la désinformation et les discours de haine constituent autant d’obstacles majeurs à la réalisation de l’égalité des sexes, elle a précisé que son rapport de cette année vise à approfondir la question de la désinformation sexiste. 

Mme Khan a indiqué avoir mené ces deux dernières années de vastes consultations auprès d’individus directement concernés par ce phénomène dans toutes les régions du monde.  Son constat: les femmes, les filles et les personnes non conformes au genre constituent une cible majeure de la désinformation.  Regrettant que ce problème soit encore peu appréhendé, elle a décrit la désinformation genrée comme « une stratégie visant à faire taire les femmes et les personnes non conformes au genre et à les chasser des lieux publics et des espaces en ligne ».  Selon elle, le préjudice ne concerne pas seulement l’individu, mais aussi la société, car le but ultime est « de faire reculer l’égalité des sexes, de réduire la diversité des voix et des points de vue dans nos sociétés et de saper la lutte collective pour la justice de genre ». 

La Rapporteuse spéciale a relevé que les risques augmentent en fonction de la visibilité des individus.  Si les attaques en ligne visent de manière disproportionnée les femmes politiques, journalistes et défenseuses des droits humains, les attaques les plus virulentes sont réservées à ceux et celles qui appartiennent à des communautés minoritaires ou marginalisées, a-t-elle fait observer.  En exploitant les divisions sociales et les points de tension, tels que le racisme, l’homophobie et la transphobie, « la désinformation genrée approfondit la marginalisation des groupes vulnérables et augmente leur risque de subir des violences, en ligne et hors ligne », a-t-elle souligné. Mme Khan a, par ailleurs, dénoncé les campagnes de désinformation en ligne menées par des acteurs non étatiques, souvent motivés par des idéologies extrémistes, des convictions religieuses ou des objectifs anti-droits, ainsi que les déclarations misogynes de hauts responsables gouvernementaux, de personnalités politiques et de dirigeants religieux et communautaires, qui créent un environnement toxique pour les femmes. 

Constatant que le risque de préjudice lié à la désinformation est considérablement accru par le pouvoir de l’amplification et de la coordination en ligne, la Rapporteuse spéciale a souligné que les plateformes de médias sociaux sont un « vecteur clef de la désinformation genrée ».  Face à ces tendances inquiétantes, a-t-elle expliqué, la réponse des États a principalement pris la forme de lois sur l’interdiction de la violence en ligne, les fausses nouvelles ou la réglementation des médias sociaux.  Si les premières peuvent jouer un rôle, à condition d’être ciblées et correctement mises en œuvre, les autres « ne font pas grand-chose pour lutter contre la désinformation, alors qu’elles contribuent à limiter les critiques à l’encontre de l’État », a déploré Mme Khan, appelant ces derniers à sécuriser les espaces numériques, sans pour autant restreindre la liberté d’expression au-delà de ce qui est autorisé par le droit international des droits de l’homme. 

Dialogue interactif

À la suite de cet exposé, le Mexique a insisté sur l’importance de l’accès égal des femmes à Internet et la protection des femmes journalistes.  L’Irlande s’est félicitée de ce premier débat sur la désinformation de genre et a demandé comment soutenir au mieux les femmes et les personnes marginalisées.  L’Union européenne s’est inquiétée de l’utilisation de la désinformation pour renforcer les stéréotypes sexistes et patriarcaux.  Au nom des pays nordiques et baltes, la Suède a appelé les États à prendre toutes les mesures nécessaires pour que la discrimination en ligne prenne fin. 

La Slovaquie a ensuite rappelé qu’une journaliste slovaque avait été tuée dans l’exercice de ses fonctions il y a quelques années et s’est alarmée des discriminations contre la communauté LGBTQI+.  Constatant que les jeunes du monde entier sont pris pour cible par les discriminations et la désinformation en ligne, la Roumanie a souhaité savoir comment ils peuvent lutter contre ce phénomène et dans quelle mesure l’ONU peut les en protéger.  Les Pays-Bas ont rappelé leur politique étrangère féministe et insisté sur la manière d’agir pour lutter contre les discriminations à court terme. 

La Colombie s’est interrogée sur les moyens d’introduire une approche intersectionnelle pour lutter contre les discriminations, tandis que la France demandait à la Rapporteuse spéciale si elle comptait participer aux négociations sur un pacte numérique mondial.  À sa suite, la Hongrie a détaillé les mesures légales qu’elle avait prises contre les discriminations.  Le Pakistan a, lui, espéré que le prochain rapport de la Rapporteuse spéciale se penche sur l’intolérance religieuse, s’inquiétant par ailleurs de la situation des journalistes travaillant sur ce sujet en Inde.  Le Bangladesh s’est enquis des politiques permettant d’encourager les médias sociaux à lutter contre les discriminations envers les femmes. 

Le Canada a voulu savoir comment la communauté internationale pouvait lutter contre les valeurs nocives qui alimentent les discriminations genrées. À son tour, la Belgique s’est inquiétée du sort des femmes journalistes, avant de plaider en faveur de formations pour lutter contre les discriminations en ligne et de s’enquérir des bonnes pratiques en la matière.  La Norvège a demandé comment orienter les négociations sur un pacte numérique mondial pour tenir compte des discriminations en ligne.  La Pologne a, quant à elle, évoqué la désinformation sexiste dans le cadre du conflit en Ukraine, accusant la Fédération de Russie de diffuser de la propagande de guerre.  La Grèce a demandé comment les États pourraient mieux répondre aux discriminations en ligne basée sur le genre, avant d’indiquer que son gouvernement agi déjà dans ce sens. 

La Suisse a fait valoir qu’aucune femme ne devrait avoir à choisir entre son droit à la sécurité et son droit à la parole.  Elle a demandé comment mettre en place des législations plus efficaces en la matière.  Le Myanmar a regretté que 156 journalistes aient été arrêtés par la junte militaire qui bafoue systématiquement la liberté d’expression dans le pays et a demandé comment la communauté internationale pourrait contribuer à la rétablir.  Le Luxembourg a souhaité savoir si la Rapporteuse travaille avec le secteur privé et comment les États Membres peuvent la soutenir dans cette tâche.  La République tchèque s’est interrogée sur les mesures que peuvent prendre les entreprises et les gouvernements pour lutter contre les discriminations visant les femmes et les personnes LGBTQI+. L’Inde a, pour sa part, affirmé que les terroristes ne devraient pas pouvoir se servir des libertés pour semer un discours de haine, avant de rejeter les allégations du Pakistan.  L’Autriche s’est intéressée aux moyens de protéger les adolescentes face à la violence en ligne fondée sur le genre. 

De son côté, la Fédération de Russie a demandé pourquoi les déclarations des représentants de la communauté LGBTQI+ sont présentées comme des plaidoyers pour la liberté d’expression, alors que celles des défenseurs des valeurs familiales sont décrites comme « patriarcales, sans discernement et mal informées ».  Elle a estimé que les critiques de l’« idéologie LGBTQI+ » ne sont pas la preuve d’une intolérance de la part des sociétés, mais de leur fatigue face à l’imposition généralisée de normes qui ne tiennent pas compte des spécificités du développement historique et socioculturel des différents peuples. Loin de ces considérations, les États-Unis ont averti que la liberté d’expression est menacée au Bélarus, en Russie, en Chine et en République populaire et démocratique de Corée, s’inquiétant aussi de la situation au Viet Nam, au Cambodge et en République démocratique populaire lao.  Ils ont demandé comment lutter de manière plus efficace contre ceux qui remettent en cause cette liberté sous prétexte d’une lutte contre l’extrémisme.

À la suite du Royaume-Uni, qui a dit lutter contre l’utilisation des technologies pour diffuser des discours discriminatoires contre les femmes et les filles, l’Égypte a rejeté le cadre conceptuel du rapport de Mme Khan, ainsi que son approche par le genre, tout en reconnaissant l’importance de protéger les femmes.  La Chine a, elle, réfuté les accusations non provoquées des États-Unis à son encontre, assurant garantir la liberté d’expression dans le cadre du droit. Elle a accusé les États-Unis de se livrer à un « deux poids, deux mesures ».

Dénonçant elle aussi le rapport « politisé » de Mme Khan, la République islamique d’Iran a reconnu l’importance du rôle des journalistes.  La République arabe syrienne a estimé que l’approche adoptée par la Rapporteuse spéciale semait la division en usant de concepts « non consensuels ». Le Brésil a préféré mettre en avant les mesures légales qu’il a prises pour lutter contre les discriminations en ligne et la création, cette année, d’un ministère des femmes.  L’Ukraine a, pour sa part, accusé la Fédération de Russie de recourir à la propagande et à la manipulation systématique de l’information, une pratique devenue systématique depuis le début de sa guerre d’agression.  Le Viet Nam a affirmé respecter la liberté d’expression qui, selon lui, n’est pas « absolue », et a rejeté les accusations infondées des États-Unis à son encontre.  Enfin, l’Ordre souverain de Malte a souligné l’importance de la liberté d’expression pour lutter contre les extrêmes, rappelant que, selon feu le pape Jean-Paul II, ce droit existe même pour ceux qui ne le respectent pas. 

Reprenant la parole, la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression a expliqué que pour aider les femmes et les personnes non conformes au genre, il convient de les autonomiser. Elle a également estimé que la seule manière de combattre efficacement la désinformation sexiste est d’énoncer des faits et de renforcer les capacités des femmes et leur accès à Internet. Abordant la question législative, Mme Khan a indiqué que les lois ne peuvent jouer qu’un rôle limité car, a-t-elle dit, « on ne peut pas lutter contre les stéréotypes et les préjugés, même si on peut lutter contre les discriminations ».  Concernant les limitations de la liberté d’expression, elle a indiqué que le droit international est « très clair en la matière ».  Elle a, par ailleurs, invité les entreprises à s’investir de manière locale pour comprendre comment la désinformation fonctionne dans chaque contexte. Concernant la réglementation des réseaux sociaux, la Rapporteuse spéciale a appelé les États à adopter des approches nuancées en s’inspirant des lignes directrices mises en avant par l’ONU. Pour finir, après avoir appelé à émanciper les femmes plutôt qu’à les protéger, elle s’est déclarée disponible pour les négociations sur le pacte numérique mondial, des échanges qui, selon elle, devraient soulever des questions « extrêmement épineuses ». 

Exposé

M. CLÉMENT NYALETSOSSI VOULE, Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, a présenté son rapport thématique consacré à l’importance des droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association pour la construction d’une paix durable et les transitions démocratiques.

Le Rapporteur spécial a relevé que, pendant les périodes de transition, certaines autorités ont eu recours à des lois draconiennes et à l’état d’urgence pour restreindre et réprimer indûment les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, dans le but de faire taire les dissidents et les voix de l’opposition.  Ces militants ont notamment été victimes de disparitions forcées, d’enlèvements, de détentions arbitraires, d’exécutions extrajudiciaires ou de tortures, a-t-il déploré, notant que des représentants de la société civile ont également été l’objet de représailles en raison de leur collaboration avec l’ONU.  En outre, la société civile et les femmes opérant dans des contextes conservateurs ont été accusées d’avoir une activité contraire à l’éthique ou à la culture et aux valeurs locales.

Les plateformes numériques, certes, ont constitué un espace de partage des points de vue, mais le recours des États à des technologies de surveillance numérique a souvent conduit, parallèlement, à plus de répression, a-t-il relevé, soulignant ensuite que la promotion des droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association sont encore plus essentiels en temps de crise et de transition qu’en temps de paix. 

Abordant le volet des mesures concrètes, le Rapporteur spécial a appelé les États à promouvoir l’inclusion de la société civile et des communautés dans les processus de consolidation de la paix et de transition politique, depuis la phase de conception jusqu’à la mise en œuvre, en garantissant leur accès direct à la prise de décision.

Il a également engagé les États à s’abstenir de réprimer la dissidence et d’imposer des restrictions juridiques ou autres, les appelant notamment à veiller à ce que les lois sur la cybercriminalité, la sécurité et la lutte contre le terrorisme ne soient pas utilisées abusivement pour criminaliser et réprimer la société civile.  L’imposition de l’état d’urgence ne peut justifier l’exclusion des acteurs de la société civile des processus de paix et de transition.  Pour faire pression sur les acteurs répressifs, étatiques ou non, il convient par ailleurs d’utiliser tous les leviers disponibles, y compris des sanctions ciblées, afin qu’ils mettent fin aux attaques et actes d’intimidation à l’encontre de la société civile et des manifestants, a-t-il ajouté.

En outre, un soutien technique et financier devrait être fourni pour renforcer les capacités de diverses associations de la société civile, de femmes, de jeunes, de LGBTQI+ et de bâtisseurs de la paix, ainsi que les associations de victimes.  L’ONU doit veiller, pour sa part, à ce que les missions dans les contextes de conflit, d’après-conflit et de transition soient mandatées et dotées des ressources nécessaires pour rendre compte des violations des droits humains liées à l’exercice des droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association. 

Dialogue interactif

Au nom des pays nordiques et baltes, la Lettonie a insisté sur l’importance de la liberté de réunion, surtout dans le contexte de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, et demandé comme aider les communautés à en bénéficier.  Quelles sont les bonnes pratiques qui pourraient servir de base à la résolution des conflits, a demandé la Suisse, suivie du Royaume-Uni qui s’est inquiété du risque de monopolisation des espaces de la société civile par ceux qui veulent saper les transitions post-conflit.  Le Pakistan a dénoncé l’usage des lois de lutte contre le terrorisme pour restreindre les droits en question, notamment au Jammu-et-Cachemire. Que peut faire la communauté internationale pour garantir ces droits dans les cas d’occupation étrangère?  L’Union européenne a conseillé pour sa part de créer des mécanismes indépendants d’obligation redditionnelle pour les cas de graves violations contre les défenseurs des droits humains. 

Des sanctions internationales peuvent-elles être envisagées contre les États qui violent les droits envisagés dans le rapport? a questionné la République tchèque, évoquant les violations commises selon elle par la Russie.  La Belgique a voulu savoir comment le Nouvel Agenda pour la paix pourrait intégrer les recommandations du rapport présenté aujourd’hui, le Bangladesh s’intéressent, lui, à l’inclusion des droits à l’étude dans les opérations de maintien de la paix. 

La Fédération de Russie a estimé cependant que les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association pouvaient avoir de lourdes conséquences comme le renversement de gouvernements démocratiquement élus, comme en Ukraine en 2013.  La délégation a également rejeté les références au groupe Wagner en Afrique au paragraphe 61 du rapport, affirmant que les membres de ces services de sécurité aident des pays africains à combattre le terrorisme.  Il est regrettable que le rapport n’évoque pas le travail des groupes de sécurité privés états-uniens et britanniques connus pour leurs crimes, a-t-elle ajouté. 

Les États-Unis se sont inquiétés de la situation au Belarus, où 470 personnes auraient été condamnées en 2023 pour avoir manifesté pacifiquement, ainsi qu’en Russie où quelque 19 000 personnes auraient été arrêtées pour avoir protesté contre la guerre lancée contre l’Ukraine, dont des centaines ont subi des poursuites pénales.  Ils se sont également préoccupés de la loi russe répressive contre les prétendus agents étrangers qui permet de s’en prendre aux groupes marginalisés comme les LGBTQI+ ou les organisations considérées comme indésirables.  De quels outils dispose la communauté internationale pour promouvoir la liberté de réunion et d’association dans les États qui ne souhaitent pas le faire, a ensuite demandé la délégation. 

L’Autriche a réclamé des détails sur le rôle vital de la participation de la société civile à l’instauration d’une paix durable et aux transitions démocratiques.  La Colombie a demandé quelles étaient les suggestions pour assurer la participation véritable des groupes marginalisés dans les processus de paix, ainsi que dans les enceintes internationales comme l’ONU.  La Chine a noté pour sa part que les États-Unis sanctionnaient les pays ayant connu des coups d’États mais avaient eux-mêmes connu récemment un phénomène de ce type. 

Reprenant la parole, le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association a affirmé que c’était souvent grâce aux groupes marginalisés que la paix pouvait être atteinte, évoquant le cas « exemplaire » du Soudan.  Regrettant que les bonnes pratiques se fassent de plus en plus rares, il a noté que malgré tous les efforts, beaucoup de processus de paix n’avaient pas avancé, s’inquiétant de l’importance trop grande accordée aux belligérants qui, se sentant renforcés par la reconnaissance internationale, cherchent à établir des alliances pour continuer la guerre.  Le Rapporteur spécial s’est prononcé en faveur des sanctions ciblées contre les chefs belligérants et leurs avoirs à l’étranger, plutôt que des sanctions larges qui atteignent la population.  Il s’est également inquiété de l’absence d’action de la part de la communauté internationale concernant le sort des femmes afghanes qui sont laissées de côté, ce qui ne permettra pas d’atteindre la paix. 

Insistant sur l’importance des violations des droits étudiés comme des signes précurseurs de conflit, il a aussi souligné l’importance de la prise en compte des groupes marginalisés dans des contextes de conflit.  L’ONU doit faire plus d’efforts pour renforcer la participation des groupes marginalisés et ne pas se contenter de blâmer les belligérants pour leur exclusion, a-t-il estimé.  En conclusion, il s’est dit choqué par les propos de la déclaration syrienne à l’encontre de l’un de ses collègues et a estimé que la Troisième Commission ne devait pas accepter de tels propos. 

Exposé

Mme MARY LAWLOR, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains, a commencé par partager une « bonne nouvelle »: la probabilité qu’un processus de paix soit couronné de succès est très nettement supérieure si les femmes sont impliquées de manière significative dans les négociations.  À l’appui de cette affirmation, elle a indiqué que, des nombreuses études qu’elle a consultées, il ressort que la probabilité qu’un accord de paix dure au moins deux ans augmente de 20% lorsque les femmes sont correctement impliquées. 

Évoquant son rapport, qui détaille le travail accompli par les défenseuses des droits humains dans les situations de conflit et la manière dont leur action contribue à l’édification de sociétés justes et pacifiques, Mme Lawlor a souligné l’importance de la présence des femmes à tous les niveaux d’un conflit, que cela soit en début de crise, aux moments les plus sombres ou dans les transitions post-conflit.  Si certaines documentent et surveillent les violations contre les femmes, d’autres recherchent la justice et la responsabilisation, a-t-elle observé, précisant que la valeur de cette démarche a été démontrée en Iraq, où des femmes ont rassemblé des preuves des crimes perpétrés par Daech contre la communauté yézidie.  Leur plaidoyer persistant a conduit à l’adoption, en 2021, en Iraq de la loi sur les survivantes yézidies, qui reconnaît les attaques à l’encontre de ces femmes comme un génocide et un crime contre l’humanité, et prévoit des réparations ainsi qu’une réhabilitation, a-t-elle souligné. 

À la question de savoir pourquoi les femmes et les personnes LGBTI sont si souvent empêchées de participer à la vie publique pendant un conflit, la Rapporteuse spéciale a trouvé un premier élément de réponse en Libye.  Dans ce pays, des avocats lui ont raconté comment les défenseuses des droits humains ont été contraintes de quitter la sphère publique en raison d’attaques en ligne et hors ligne, citant pêle-mêle des menaces, des agressions sexuelles, des enlèvements et des meurtres, sans oublier des campagnes de diffamation sexiste visant à les ostraciser.  Le même procédé est de mise en Afghanistan, où les femmes s’opposent à l’apartheid de genre imposé par les Taliban, a-t-elle relevé. 

En Ukraine, Mme Lawlor a recueilli le témoignage de Lyudmyla Yankina, une infirmière qui lui a narré ses courses à travers Kyiv, dans les semaines qui ont suivi l’invasion de son pays par la Russie, pour livrer de la nourriture et des fournitures médicales essentielles aux handicapés, aux personnes âgées et aux malades en phase terminale.  La Rapporteuse spéciale a aussi mentionné le Groupe des mères des personnes enlevées au Yémen, composé de proches de personnes disparues, qui surveille les disparitions forcées dans le pays et a obtenu la libération de dizaines de disparus en instaurant la confiance avec les deux parties au conflit. À ces deux heureuses issues, elle a opposé l’histoire de Razan Zaitouneh, une activiste syrienne qui a fondé, en 2011, un centre destiné à documenter les violations des droits humains dans son pays et qui, 10 ans plus tard, est toujours portée disparue. 

Trop souvent et dans de trop nombreux endroits, les États manquent à leurs obligations de protéger les défenseuses des droits humains, a dénoncé la titulaire de mandat.  Elle a toutefois reconnu que certains progrès ont été réalisés depuis l’adoption de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, exhortant les États à mieux protéger les défenseuses des droits humains s’ils veulent que ces femmes contribuent à la paix.  « Et, si vous avez besoin de plus d’idées sur ce qu’il faut faire pour mieux les protéger, demandez-leur », a-t-elle conclu. 

Dialogue interactif

À la suite de l’exposé de la Rapporteuse spéciale, la Pologne a rappelé qu’en tant que voisine de l’Ukraine, elle voit les femmes ukrainiennes subir la guerre en première ligne.  Ces femmes doivent non seulement être protégées des violences mais doivent aussi prendre part aux décisions et négociations, a-t-elle plaidé.  Les Émirats arabes unis ont ensuite fait part de leur volonté de se joindre aux efforts des différentes entités de l’ONU et ont assuré de leur plein respect de l’action des défenseuses des droits humains. Le Canada a, quant à lui, demandé des exemples de bonnes pratiques pour garantir la protection des défenseuses des droits humains, surtout face aux représailles en ligne. Mettant en avant sa diplomatie féministe, la France a demandé des exemples de mesures pertinentes pour promouvoir la participation des défenseuses des droits aux processus de paix.

La Slovénie s’est, pour sa part, enquise des bonnes pratiques en matière de coopération entre les réseaux de solidarité féminine, à une échelle transnationale, tandis que les Pays-Bas, s’exprimant au nom des trois pays du Benelux (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas) soulignait la contribution que les femmes défenseuses des droits humains apportent à la paix et à la sécurité, malgré l’environnement souvent difficile et hostile dans lequel elles travaillent.  Dans ces conditions, comment les États peuvent-ils être plus efficaces dans leurs réactions face aux attaques contre les défenseuses des droits humains, et ce dans les situations de conflit comme de post-conflit ou de crise? a demandé la délégation.  L’Espagne s’est également interrogée sur les moyens de promouvoir le travail des jeunes défenseuses des droits humains dans les situations de conflit.

À sa suite, la Norvège a voulu savoir comment l’Assemblée générale pourrait s’assurer que les États Membres disposent des outils nécessaires pour défendre cette cause.  Le Myanmar s’est, lui, ému de voir les femmes de son pays rester à l’avant-garde de la lutte contre les crimes commis par la junte militaire au pouvoir, en dépit de risques disproportionnés.  La délégation a demandé ce qui pouvait être réalisé pour que la communauté internationale épaule leur action.  Entre autres remarques, l’Union européenne a insisté sur le fait que les femmes ne peuvent être simplement consultées, mais doivent aussi être actrices des décisions. La République tchèque a préféré attirer l’attention sur la responsabilité très lourde que représentent les enfants pour les femmes, celles-ci en ayant la charge exclusive. Rappelons-nous cet aspect quand nous appuyons les défenseuses des droits humains, a exhorté la délégation.  La Suisse a ensuite demandé à la Rapporteuse spéciale des pistes pour améliorer la collecte de données relatives aux attaques contre les défenseuses des droits humains.

De son côté, le Yémen a dénoncé les violences des milices houthistes à l’encontre des femmes, notamment les défenseuses des droits humains, parfois victimes d’enlèvements et de tortures.  La délégation a demandé comment lutter contre ces milices et les dissuader de recourir à de tels actes.  Le Royaume-Uni a demandé comment les organisations de la société civile peuvent être sensibilisées aux besoins de sécurité des défenseuses des droits humains, notant, comme l’Autriche, que lorsque les femmes participent aux efforts de paix, il y a plus de chance que ces derniers aboutissent.  Sur un plan plus national, la Côte d’Ivoire a insisté sur la nécessité d’adopter des lois qui prennent en compte l’action des femmes en termes de droits humains, à l’image de sa législation sur ce thème adoptée en 2014. 

À son tour, la Géorgie a assuré qu’elle accorde une grande importance à l’engagement des femmes dans les processus de paix.  Elle a par ailleurs alerté sur la situation humanitaire et des droits humains dans les régions d’Abkhazie et de Tskhinvali occupées par la Russie.  Faisant état de graves violations des droits et des libertés fondamentales, elle a indiqué que les représentants de la société civile sont également victimes de discrimination ethnique.  Se référant aux principes du droit international, l’Allemagne a demandé à tous les États d’être à la hauteur de leur responsabilité fondamentale à l’égard des défenseuses des droits humains.  Le Chili a, lui, demandé de ne pas oublier les risques qui pèsent sur les familles des défenseuses des droits humains.  Quelles sont les pratiques optimales en matière de protection du noyau familial, étant donné que ce sont les femmes qui s’occupent généralement des enfants? a-t-il demandé. 

Après s’être alarmé de la situation des otages détenus dans la bande de Gaza, Israël a voulu savoir quelles mesures doivent être prises quand un environnement hostile est instillé par une organisation terroriste comme le Hamas. La délégation a fait mention d’une militante israélienne des droits humains portée disparue depuis le 7 octobre à 11 heures.  Pour sa part, l’Inde a garanti que sa Constitution protège les droits des défenseuses des droits humains et ne tolère aucune attaque contre elles et leur famille. Elle a toutefois précisé que leurs activités doivent respecter la loi.  La délégation s’en est ensuite prise au pays qui « ne cesse de proférer des calomnies » à son sujet.  En réponse, le Pakistan a déploré que, dans les zones occupées par l’Inde, les défenseuses des droits humains soient soumises à la torture et à d’autres traitements dégradants.  Quels mécanismes sont disponibles pour soutenir les défenseuses des droits humains en situation d’occupation et comment peut-on les aider pour qu’elles continuent leur travail? s’est-il enquis. 

À la suite de l’Irlande, qui a demandé comment atténuer les risques qui pèsent sur les défenseuses des droits humains, la Colombie a rappelé la nécessité d’avoir des mesures différenciées qui répondent aux questions de genre, notamment pour les groupes les plus vulnérables qui subissent la stigmatisation.  La Fédération de Russie a, quant à elle, jugé que les accusations partiales portées contre elle sont basées sur des sources ne reflétant pas la réalité. Elle a également regretté que le rapport de Mme Lawlor ne souligne pas la situation déplorable des droits humains en Ukraine.  Après le début de l’opération militaire spéciale, le régime de Kiev s’est employé à « purger » l’espace public et politique des opinions alternatives, a-t-elle argué, accusant en outre les services spéciaux ukrainiens d’enlever des journalistes, des militants de la société civile et des personnalités publiques, y compris des femmes. 

La République islamique d’Iran a, pour sa part, souhaité que les titulaires de mandat de l’ONU utilisent des sources fiables, ajoutant que ce qui est dit dans le rapport sur la situation des femmes en Iran est faux.  Les États-Unis ont ensuite réaffirmé le droit d’Israël à se défendre, accusant le Hamas d’être un groupe terroriste.  Ils ont d’autre part dénoncé les peines de prison infligées à cinq membres d’une ONG ainsi que les persécutions faites à des militantes des droits humains en Chine.  Fustigeant l’attitude des États-Unis consistant à utiliser cette tribune pour l’attaquer, la Chine a indiqué que les défenseuses des droits humains évoquées par la délégation américaine « violent le droit chinois » et seront traduites en justice.  Elle a par ailleurs invité la Rapporteuse à être impartiale.  Enfin, le Brésil a appelé la communauté internationale à prendre des mesures concrètes pour protéger les défenseuses des droits humains, particulièrement contre l’intimidation. 

« Vous vous présentez tous comme des anges, alors que vous avez en réalité tous vos intérêts stratégiques », s’est exclamée la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains en répondant aux délégations.  Regrettant que les États Membres n’adoptent pas une norme indépendante sur ce sujet et s’attaquent les uns les autres au lieu de travailler ensemble, elle a rappelé que des lois injustes sont utilisées partout dans le monde contre les défenseuses des droits humains.  Ces lois, souvent vagues, ne répondent pas aux normes internationales, a observé Mme Lawlor.  « Ne me parlez pas de la manière avec laquelle vous respectez l’état de droit si cette manière n’est pas conforme aux normes internationales » a-t-elle ajouté à l’adresse des États Membres. 

Après avoir relevé que les femmes sont davantage attaquées qu’autrefois parce qu’elles participent plus activement à la vie publique, la Rapporteuse spéciale a regretté que des pays, y compris en Europe, s’en prennent aux défenseuses des droits humains, mais aussi aux migrantes et aux demandeuses d’asile. Elle s’est ensuite adressée à des délégations précises, notamment aux Émirats arabes unies, où trois défenseuses des droits humains, qu’elle a rencontrées, ont été emprisonnées. Répondant à plusieurs pays, dont le Canada, elle a expliqué comment accroître les activités des défenseuses des droits humains sans les mettre en péril.  « Vous devez discuter avec elles pour savoir quels risques elles peuvent encourir, ce n’est pas à vous de décider pour elles », a-t-elle affirmé.

Évoquant les conflits en cours, notamment au Myanmar et au Yémen, Mme Lawlor a alerté sur la situation des défenseuses des droits humains, victimes d’enlèvement perpétré par toutes les parties.  « J’en ai assez de faire des recommandations », a-t-elle lancé aux délégations, les invitant à les lire et à en appliquer au moins « une ou deux ».  « Vous verrez que la situation s’améliorera », a affirmé la Rapporteuse spéciale.  Enfin, après s’être indignée des propos de la République islamique d’Iran, elle a signifié à Israël et aux États-Unis qu’elle « condamne sans équivoque le Hamas ». Elle a toutefois imploré ces pays de ne pas imposer en représailles une « punition collective à une population civile ».  Selon elle, le blocus de Gaza est contraire au droit international et constitue même juridiquement un « crime de guerre ». 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Aide au développement: la Deuxième Commission se penche sur les résultats du système des Nations Unies et les bienfaits de la coopération Sud-Sud

Soixante-dix-huitième session,
18e séance plénière, après-midi
AG/EF/3591

Aide au développement: la Deuxième Commission se penche sur les résultats du système des Nations Unies et les bienfaits de la coopération Sud-Sud

Les investissements réalisés pour repositionner le « système des Nations Unies pour le développement » donnent des résultats, a fait savoir M. Neil Pierre, du Département des affaires économiques et sociales, en présentant cet après-midi à la Deuxième Commission le rapport du Secrétaire général sur l’examen quadriennal des activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies.

Les réformes de ce système et notamment la refonte du système des coordonnatrices et coordonnateurs résidents ont aidé les pays bénéficiant du soutien de l’ONU à renforcer leurs politiques transformatrices et à réaliser des progrès plus rapides vers le développement durable et inclusif.  Le système démontre une « efficacité indéniable », selon les termes du représentant du Ministère de l’économie du Burkina Faso.

En effet, le système onusien a apporté un appui crucial aux pays en développement en matière d’élimination de la pauvreté, d’égalité entre les sexes, d’éducation, de science, de technologie et d’innovation afin de les aider à remplir la promesse de « ne laisser personne de côté ».  Toutefois, les ressources restent insuffisantes, comme l’on soulevé de nombreuses délégations, raison pour laquelle le Secrétaire général demande de relancer la dynamique en faveur d’un pacte de financement et invite les États Membres à réexaminer les modèles de financement.

De fait, seulement 8% des dépenses totales pour les activités opérationnelles en 2021 ont été ciblées sur l’élimination de la pauvreté, malgré les engagements pris par les Nations Unies, a noté la Fédération de Russie qui a insisté sur la nécessité d’accroître l’aide aux pays en développement dans ce domaine.  La priorité absolue demeure l’élimination de la pauvreté sous toutes ses formes et dans toutes ses dimensions, ont insisté le Groupe des pays en développement sans littoral (PDSL) et le Groupe des 77 et de la Chine pour qui « plus les financements sont prévisibles, plus ils sont efficaces ».

Outre la prévisibilité, la diversification des sources de financement a été réclamée à plusieurs reprises, puisque la base de financement demeure encore très dépendante de contributions extrabudgétaires et de quelques grands donateurs.  Ce sont plus de « ressources de base » que les délégations ont demandé pour équilibrer les sources et les budgets.  Cela affecte d’ailleurs le système des coordonnatrices et coordonnateurs résidents qui souffre d’un déficit budgétaire, un problème qui a suscité une vive inquiétude parmi les délégations.

Pour sa part, le Bélarus a regretté la politisation de l’attribution des ressources et, constatant que les pays à faible revenu reçoivent la majorité des ressources opérationnelles, il a appelé à mieux soutenir les pays à revenu intermédiaire, qui constituent environ les deux tiers des membres de l’ONU.  Il a ainsi suggéré la création d’un document stratégique pour guider la coopération des Nations Unies avec ce groupe.

Si de nombreux délégués ont exprimé leur appui à la réforme du système, la Thaïlande et la Chine ont toutefois insisté sur la nécessaire « appropriation nationale » des activités de développement menées par les Nations Unies, qui doivent tenir compte des besoins et des priorités nationales.  Pour cela, et comme l’a souligné la Communauté des Caraïbes (CARICOM), les équipes de pays de l’ONU doivent disposer des compétences et de l’expérience nécessaires pour que les plans d’action soient adaptés aux priorités nationales et régionales.  Le groupe des pays les moins avancés (PMA) a pour sa part demandé une meilleure intégration du Programme d’action de Doha dans les mandats opérationnels et l’établissement d’unités spécifiques pour les PMA.

Au cours de cette séance, les délégations de la Deuxième Commission étaient également invitées à se pencher sur la coopération Sud-Sud.  Elle est très importante, mais doit compléter et non se substituer à la coopération Nord-Sud et à l’aide publique au développement (APD), ont souligné plusieurs intervenants, à l’instar de la Guinée, qui a évoqué les travaux en cours pour créer un institut international de développement de la coopération Sud-Sud et triangulaire, qui serait basé à Conakry.

La coopération Sud-Sud a notamment été essentielle dans la distribution des vaccins contre la COVID-19, a remarqué le Congo, qui œuvre par ailleurs à la mise en place de mécanismes de financement innovants pour soutenir des projets structurants dans le Sud.  La délégation congolaise a cité notamment le mécanisme d’échanges d’étudiants et d’enseignants-chercheurs, similaire au programme ERASMUS en Europe.

De son côté, le groupe des PMA s’est réjoui du potentiel de la nouvelle plateforme Galaxy Sud-Sud, qui connecte 500 organisations et offre un répertoire numérique de plus de 900 solutions de développement.  L’Inde s’est pour sa part félicitée de la mise en place du Fonds de partenariat Inde-ONU, géré par le Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud, qui mène 66 projets de développement dans 51 pays, avec un budget de 52 millions de dollars.

En début de séance, la Deuxième Commission a terminé son débat entamé hier sur l’élimination de la pauvreté ainsi que sur le développement agricole, la sécurité alimentaire et la nutrition.  L’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) a souligné que son agence contribue aux efforts des pays pour éliminer la pauvreté et assurer la sécurité alimentaire, en soutenant une industrialisation durable et inclusive.  Les programmes de l’ONUDI aident en effet les pays à mettre en place des politiques industrielles modernes et intégrées et à accroître les investissements publics et privés dans l’industrie durable, y compris l’agroindustrie.

La Deuxième Commission poursuivra ses travaux lundi 16 octobre, à partir de 10 heures.

ÉLIMINATION DE LA PAUVRETÉ ET AUTRES QUESTIONS LIÉES AU DÉVELOPPEMENT 

DÉVELOPPEMENT AGRICOLE, SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET NUTRITION 

Fin de la Discussion générale conjointe

Mme MARTINS (Timor-Leste) a reconnu que son pays vit une pénurie alimentaire.  Près de 40% de la consommation alimentaire est importée.  Plus de 66% des ménages dépendent de l’agriculture pour leur revenu primaire.  En outre, les catastrophes environnementales et la vulnérabilité du système de production alimentaire local, associées au manque de capacités logistiques et infrastructurelles, sont devenues des préoccupations majeures pour la transformation d’une chaîne de valeur résiliente, durable, inclusive et axée sur la nutrition.  Pour relever ces défis, a dit la représentante, le Gouvernement a élaboré le Plan stratégique 2021-2025 qui renferme quatre objectifs stratégiques.

Le premier objectif est d’accroître durablement la production et la productivité des sous-secteurs des cultures vivrières, de l’élevage, de la pêche, de la foresterie et des cultures industrielles.  Le plan vise à améliorer la valeur ajoutée et l’accès aux marchés intérieurs et extérieurs.  À travers ce plan, l’exécutif veut améliorer la gestion, l’utilisation et la conservation durables des ressources naturelles.  Il entend enfin améliorer la bonne gouvernance et la gestion institutionnelle dans l’ensemble du secteur agricole.  La représentante n’a pas manqué de rappeler l’importance de la coopération internationale, du partenariat, de l’aide publique au développement, du financement climatique et de l’assistance technique, conformément au Programme d’action d’Addis-Abeba et à l’Accord de Paris.

M. ASSANE DIOUM (Sénégal) a exposé trois urgences majeures face aux crises interconnectées. La première tient à la diversification de la production et au soutien aux initiatives régionales et nationales. Par exemple, un Plan africain d’urgence pour la production alimentaire d’un montant d’environ 1,5 milliard de dollars a été lancé, en mai 2022, à l’initiative de la Banque africaine de développement pour renforcer la sécurité alimentaire, la nutrition et la résilience sur le continent. La deuxième urgence est de renforcer la protection sociale.  Ainsi, le Gouvernement sénégalais a lancé un programme national de transfert monétaire visant à soulager près de 400 000 ménages.  Quant à la troisième urgence, il s’agit du financement et de l’assurance agricole.  C’est ce qui permet aux petits producteurs et exploitants agricoles d’améliorer leur production, malgré des capacités techniques limitées et les aléas climatiques.

Msg GABRIELE CACCIA, du Saint-Siège, a estimé que la véritable ampleur de la pauvreté ne devient évidente que lorsqu’on la mesure avec des critères qui vont au-delà du revenu et qui incluent des indicateurs non monétaires.  L’expérience et les données nous disent qu’un niveau élevé de croissance économique et une pauvreté généralisée peuvent coexister.  Nous devons, une nouvelle fois, reconnaître de nouvelles formes de pauvreté, a poursuivi l’archevêque, en citant le pape François.  Dans toutes ses manifestions, la pauvreté est un affront à la dignité humaine offerte par Dieu.  Il faut donc une approche intégrée conjuguant mesures monétaires et politiques globales pour s’attaquer aux privations non monétaires aux niveaux éducatif, social, culturel et spirituel.  À cet égard, l’éducation est un antidote efficace contre la pauvreté tout comme l’est une bonne protection sociale.  Les politiques sociales visant à améliorer la répartition des richesses dépendent d’une véritable promotion des pauvres qui aille au-delà de la simple mentalité de l’aide.

Nous vivons, a poursuivi l’archevêque, dans un monde de paradoxe où l’on produit suffisamment de nourriture pour toute la planète mais où la faim demeure la réalité d’un trop grand nombre.  S’il faut lutter contre le gaspillage et la surconsommation, il faut aussi assurer une production durable et une juste distribution.  Il faut, ici, aussi une nouvelle mentalité.  Seules des mesures concrètes feront que l’inclusion des exclus, la promotion des moindres et l’intérêt de centaines de millions de gens privés des biens de première nécessité mèneront à l’éradication de la pauvreté et au développement humain.

Mme MILJKOVICOVA, de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), a souligné que son agence contribue aux efforts des pays pour éliminer la pauvreté et assurer la sécurité alimentaire, grâce à une industrialisation durable et inclusive.  L’histoire a montré qu’une industrialisation durable est la clef de la création d’emplois, de la lutte contre la pauvreté et d’une croissance économique soutenue.  Très peu d’États ont atteint le statut de pays en développement sans traverser un processus robuste d’industrialisation.  Les capacités de production locales se sont aussi avérées vitales pour la résilience socioéconomique aux chocs extérieurs et c’est particulièrement important aujourd’hui comme demain.  Grâce à ses conseils politiques et à ses projets techniques, l’ONUDI aide les pays en développement à renforcer leurs capacités, à participer aux chaînes de valeur régionales et mondiales et à pénétrer de nouveaux marchés.  Les programmes de l’ONUDI aident les pays à mettre en place des politiques industrielles modernes et intégrées et à accroître les investissements publics et privés dans l’industrie durable, y compris l’agro-industrie.  L’ONUDI travaille étroitement avec ses partenaires et le secteur privé pour améliorer les connaissances et les technologies et trouver ainsi des solutions novatrices à la mise en œuvre des objectifs de développement durable.

ACTIVITÉS OPÉRATIONNELLES DE DÉVELOPPEMENT

Présentation des rapports 

M. NEIL PIERRE, Directeur par intérim du Bureau de l’appui aux mécanismes intergouvernementaux et de la coordination au service du développement durable au sein du Département des affaires économiques et sociales (DESA), a présenté les rapports du Secrétaire général sur l’« Application de la résolution 75/233 de l’Assemblée générale sur l’examen quadriennal complet des activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies » (A/78/72 et A/78/72/Add.1).

Cette année, le rapport (A/78/72) montre comment les réformes du système des Nations Unies pour le développement et la refonte du système des coordonnatrices et coordonnateurs résidents en 2019 ont aidé les pays à renforcer leurs politiques transformatrices et à réaliser des progrès plus rapides vers le développement durable et inclusif.  Toutes les données vont dans le même sens, a fait observer M. Pierre: les investissements réalisés pour repositionner le système de développement des Nations Unies donnent des résultats.  Ainsi, plus de 88% des pays hôtes ont indiqué que les coordonnatrices et coordonnateurs résidents exerçaient un leadership efficace pour ce qui était de l’appui stratégique apporté aux priorités et plans nationaux.

En outre, les plateformes de collaboration régionale fournissent une meilleure expertise aux équipes de pays et les aident à trouver des solutions aux questions de développement transfrontalier.  Le système des Nations Unies pour le développement a appuyé les pays en matière d’élimination de la pauvreté, d’égalité entre les genres, d’éducation, de science, de technologie et d’innovation afin de les aider à remplir la promesse de ne laisser personne de côté.

Grâce au repositionnement du système, la coopération entre les activités de développement, l’action humanitaire et les activités de consolidation de la paix a été renforcée, de même que leur cohérence.  L’appui doit encore être renforcé pour élargir l’accès à des financements abordables à long terme en vue d’atteindre les objectifs de développement durable (ODD).  Davantage de progrès sont également nécessaires à l’échelle du système pour intégrer des approches sensibles au climat et respectueuses de l’environnement dans les programmes et plans stratégiques, pour généraliser l’inclusion du handicap et des personnes autochtones, ainsi que pour parvenir à l’égalité de genre à tous les niveaux.

Pour preuve de transparence, le système des coordonnatrices et coordonnateurs résidents publie cette année pour la première fois ses résultats, en annexe du rapport (A/78/72/Add.1).  Le financement total du système des Nations Unies pour le développement s’est élevé à 46,5 milliards de dollars en 2021, ce qui représente une augmentation de 8% par rapport à 2020.  Les contributions alimentant les ressources de base ont représenté 21% de ce montant et les contributions pour les autres ressources, 79%.  Les contributions de base ont augmenté mais le système reste très dépendant d’un petit nombre de contributeurs, et le système des coordonnatrices et coordonnateurs résidents présente un déficit, ce qui est particulièrement préoccupant puisqu’il apporte un appui à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Aussi, le Secrétaire général demande de relancer la dynamique en faveur du futur pacte de financement et invite les États Membres à réexaminer les modèles de financement.

En venant au sujet de la coopération, Mme XIAOJUN GRACE WANG, Directrice du Fonds fiduciaire au Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud, a présenté le rapport du Secrétaire général sur l’« état de la coopération Sud-Sud » (A/78/290).  Il met en lumière les défis mondiaux et les nouvelles problématiques et tendances dans le domaine de la coopération Sud-Sud et de la coopération triangulaire. 

Il fournit également une évaluation des progrès réalisés dans l’application des recommandations du document de Buenos Aires issu de la deuxième Conférence de haut niveau des Nations Unies sur la coopération Sud-Sud, en particulier les nombreuses initiatives engagées en 2022 par le système des Nations Unies pour le développement à l’appui de la coopération Sud-Sud et de la coopération triangulaire pour réaliser le Programme 2030.  Les modalités d’action dictées par la demande permettent aux pays en développement d’accélérer les progrès grâce à l’échange de connaissances, au développement et au transfert de technologies ainsi qu’à des financements.

Le rapport présente également une analyse des progrès réalisés dans la mise en œuvre de la Stratégie de coopération Sud-Sud et de coopération triangulaire au service du développement durable applicable à l’échelle du système des Nations Unies (2020-2024).  Il ressort du rapport que la solidarité mondiale et la coopération internationale sont essentielles à la sécurité humaine et à la construction d’un monde inclusif, équitable et pacifique, en particulier pour aider les pays les plus pauvres et les plus vulnérables.

Le « rapport du Comité de haut niveau pour la coopération Sud-Sud » sur les travaux de sa vingt et unième session (A/78/39) a également été mis à la disposition des délégations. 

Discussion générale conjointe

Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, M. ADIEL GUEVARA RODRÍGUEZ (Cuba) a constaté que, malgré les progrès enregistrés, les activités opérationnelles de développement n’ont pas reçu suffisamment d’attention et de ressources de la part de la communauté internationale.  L’objectif principal demeure l’élimination de la pauvreté sous toutes ses formes et dans toutes ses dimensions, a-t-il voulu rappeler.  Le Groupe a réitéré son appel à aider les pays à leur demande pour accélérer les ODD, répétant que plus les financements sont prévisibles, plus ils sont efficaces.  Il s’est dit préoccupé par la baisse des contributions de base du système et a appelé à inverser cette tendance, ce qui permettrait aux entités du système des Nations Unies d’atteindre leurs objectifs en matière de développement. 

Disant apprécier les efforts de repositionnement du système des coordonnateurs résidents, le représentant s’est dit toutefois préoccupé par les lacunes et leurs conséquences sur le terrain.  Un financement prévisible et adéquat est indispensable et le Groupe est prêt à y participer de façon constructive, a-t-il assuré.

Quant à la coopération Sud-Sud, le représentant a insisté sur le fait qu’elle vient en complément mais ne doit pas se substituer à la coopération Nord-Sud. Il a aussi estimé que le développement doit être en son cœur.  Le Groupe a mis l’accent sur les résultats du sommet qui a eu lieu à La Havane en septembre dernier sur la science, la technologie et l’innovation, qui a contribué à renforcer la collaboration entre les pays du Sud et à tirer parti de leur potentiel.

Au nom du Groupe des pays les moins avancés (PMA), M. AMRIT BAHADUR RAI (Népal), après avoir noté que 50,5% des dépenses pour les activités opérationnelles de développement ont été allouées aux PMA en 2022, a critiqué la répartition inégale de ces fonds, soulignant que seulement 13% des fonds de base ont été dirigés vers les pays de son groupe.  Il a ensuite déterminé les trois domaines d’action urgents pour les PMA, comme proposés par le Secrétaire général: l’allégement de la dette, l’augmentation du financement à long terme et l’expansion du financement d’urgence. 

Selon le délégué, 33 des PMA ont commencé à élaborer un cadre de financement national intégré avec l’ONU.  Il s’est toutefois inquiété de la diminution de 75% du Fonds commun pour les ODD, soulignant que malgré ce sous-financement, le Fonds a catalysé environ 2,3 milliards de dollars depuis sa création en 2019.  Il a appelé à une collaboration formelle entre les équipes de pays de l’ONU et les institutions financières internationales, comme le FMI et la Banque mondiale, pour un soutien coordonné aux PMA. 

Il a aussi mis en exergue le rôle complémentaire de la coopération Sud-Sud, se réjouissant du potentiel de la nouvelle plateforme Galaxy Sud-Sud qui connecte 500 organisations et offre un répertoire numérique de plus de 900 solutions de développement.  Pour conclure, le représentant a rappelé que malgré la reconnaissance par toutes les organisations du système de développement de l’ONU de la catégorie des PMA, peu d’entre elles ont des cibles budgétaires spécifiques pour ces pays. Il a instamment demandé une meilleure intégration du Programme d’action de Doha dans les mandats opérationnels et l’établissement d’unités spécifiques pour les PMA, insistant sur le fait que les PMA comptent sur l’ONU pour soutenir leur développement durable de diverses manières.

Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), M. BRIAN CHRISTOPHER MANLEY WALLACE (Jamaïque) a estimé que la réponse des Nations Unies aux multiples crises et défis auxquels sont confrontés les pays en développement est essentielle pour sauver des vies et pour remettre les pays vulnérables comme ceux des Caraïbes sur la voie d’une croissance soutenue et résiliente et sur celle de la réalisation des ODD.  Le représentant s’est félicité du repositionnement du système des Nations Unies pour le développement et de la refonte du système des coordonnateurs résidents, qui sont en mesure d’appuyer les programmes nationaux.

Toutefois, au vu du manque de progrès pour réaliser le Programme 2030, la CARICOM est d’avis que le temps est venu de changer de vitesse pour passer de la politique à la mise en œuvre et, plus important encore, à l’action au niveau des pays.  Alors que la communauté internationale prépare la quatrième Conférence internationale sur les petits États insulaires en développement (PEID), qui aura lieu à Antigua-et-Barbuda l’année prochaine, la CARICOM insiste sur l’importance du rôle que pourrait jouer le système des Nations Unies pour le développement pour trouver, de manière concertée, des solutions aux problèmes existants et à venir. Il est important que les équipes de pays puissent s’appuyer sur le leadership et les capacités du système dans son ensemble pour encourager des partenariats solides et durables.

La CARICOM est également d’avis que les équipes de pays doivent disposer des compétences et de l’expérience nécessaires et elle espère que les plans soient adaptés aux priorités nationales et régionales.  Sur ce point, les lacunes en matière de données et de statistiques devraient être comblées, a-t-elle averti.

Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), M. SURIYA CHINDAWONGSE (Thaïlande) a salué l’approche globale du système des Nations Unies pour le développement et a encouragé les partenaires à assurer un financement adéquat, prévisible et durable du système des coordonnateurs résidents.  Témoignant de l’engagement constructif de l’ASEAN dans le processus de négociation de l’examen quadriennal complet en 2024, il a relevé les progrès dans la mise en œuvre du Plan d’action commun entre l’ASEAN et l’ONU (2021-2025).  Il a aussi mis en lumière l’Initiative de complémentarité, une collaboration entre l’ASEAN et la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP), visant à harmoniser les objectifs de l’ASEAN 2025.

Concernant les efforts régionaux spécifiques, le délégué a évoqué le dialogue de haut niveau sur la complémentarité et le Sommet sur les ODD le mois dernier à New York, coprésidé par le Premier Ministre thaïlandais.  Il a noté que des idées concrètes et des approches alternatives, y compris l’économie bio-circulaire-verte, continuent d’être explorées.  Et il a également réaffirmé le soutien continu de l’ASEAN au centre d’études et d’échange de l’ASEAN sur le développement durable pour renforcer la coopération et appuyer la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Enfin, il a mis en avant l’expansion des partenariats de son groupe, accueillant les Pays-Bas et le Maroc en tant que partenaires de développement et de dialogue sectoriel, respectivement.

Mme LORATO MOTSUMI (Botswana), s’exprimant au nom du Groupe des pays en développement sans littoral (PDSL), a souligné l’importance de l’année 2024 pour les pays de son groupe, marquée par le début d’un nouveau cycle d’examen quadriennal complet, et par l’adoption d’un nouveau programme d’action lors de la troisième Conférence des Nations Unies sur les PDSL devant se tenir à Kigali.  Reconnaissant que le système des Nations Unies pour le développement joue un rôle crucial dans le soutien aux PDSL, elle a néanmoins insisté sur la nécessité d’un suivi continu, aussi bien des bonnes pratiques que des lacunes.

La représentante a énuméré cinq éléments clefs: faire de l’élimination de la pauvreté la priorité absolue; garder une approche axée sur le développement, adaptée aux besoins spécifiques des pays; reconnaître l’importance du leadership national dans la restructuration du système de développement de l’ONU; développer des nouveaux cadres de coopération, en pleine consultation avec les gouvernements des pays d’accueil; offrir plus de ressources, de données et d’expertise afin de faciliter la conclusion des stratégies nationales de développement.

La déléguée a également exprimé sa préoccupation face au manque de financement, notamment les coupes majeures dans les contributions aux ressources de base des agences de développement de l’ONU. Elle a souligné le besoin d’un financement adéquat et durable du système du coordonnateur résident et a appelé à renforcer la coopération Sud-Sud et la coopération triangulaire.

Mme EGRISELDA ARACELY GONZÁLEZ LÓPEZ  (El Salvador) a souligné l’impact notable sur les actions de terrain d’un système revitalisé de coordonnateur résident, notamment en matière de cohérence et de collaboration entre les différentes équipes nationales. Elle a salué la création de plans de réponses adaptés aux multiples crises et a fait savoir que des progrès significatifs ont été réalisés dans le renforcement des capacités statistiques nationales, ainsi que dans la désignation des besoins des populations vulnérables.  Cependant, elle a alerté sur la nécessité d’un financement stable et durable.  Elle a par ailleurs insisté sur l’importance de la révision de l’examen quadriennal complet.
 

Concernant la coopération Sud-Sud, la déléguée a mis en avant son rôle catalyseur pour augmenter la solidarité globale.  El Salvador a augmenté sa participation dans des initiatives de coopération Sud-Sud, a‑t‑elle fait valoir, saluant pour conclure le rôle du Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud et exprimant l’espoir d’un soutien accru de la part des partenaires pour avancer dans de tels projets.

Mme CARMEN ROBLEDO LÓPEZ (Mexique) a fait valoir que les opérations menées par l’ONU sur le terrain constituent l’une des activités les plus importantes de l’Organisation.  Par conséquent, le rôle des coordonnateurs résidents et des équipes de pays des Nations Unies doivent être continuellement actualisés et renforcés.  La représentante a vu dans l’examen quadriennal complet des activités opérationnelles de développement du système de l’ONU, qui aura lieu en 2024, l’occasion de réaffirmer notre engagement en faveur du repositionnement de ce système.  Au cours de cet exercice, elle a proposé d’identifier les domaines dans lesquels des efforts supplémentaires sont nécessaires, notamment en matière d’égalité des sexes, des changements climatiques, de prévention des risques de catastrophe ou encore d’abus sexuels.

Si les priorités de chaque pays dépendent des défis nationaux qui leur sont propres, les demandes dépassent souvent la capacité de réponse et les ressources disponibles, a-t-elle poursuivi.  La représentante a exprimé sa vive préoccupation face au déficit budgétaire auquel est confronté le système des coordonnateurs résidents, en particulier la réduction progressive du financement de base.  Elle a donc jugé urgent de mettre en place un système de financement suffisant, prévisible et durable, à même de fournir aux coordonnateurs les ressources nécessaires pour s’acquitter pleinement de leur mandat.  Elle a par ailleurs salué les progrès réalisés dans l’intégration de la coopération Sud-Sud et de la coopération triangulaire aux plans stratégiques de nombreuses entités du système onusien.  Dans ce contexte, elle entend continuer de plaider en faveur du renforcement du lien entre le développement, l’action humanitaire et la consolidation de la paix, avec la participation de l’ensemble des parties prenantes.

M. JOSEPH ETOUNDI AYISSI (Cameroun) a plaidé en faveur du relèvement de l’allocation de ressources ordinaires destinées au financement du développement. Il a souligné à cet égard la nécessité de respecter les engagements pris dans le cadre du pacte pour le financement, lequel prévoit que des ressources adéquates soient mobilisées afin de répondre aux priorités nationales et que 30% des contributions allouées au financement soient destinées aux ressources de base.  Selon le représentant, la volonté politique et le renforcement du partenariat mondial permettront de doter le système de développement de l’ONU des ressources nécessaires pour qu’il soit en mesure de s’acquitter de son mandat.

M. PETER MOHAN MAITHRI PEIRIS (Sri Lanka), constatant l’incapacité à réduire la pauvreté du fait de limitations budgétaires, notamment sur les dépenses sociales, a noté que les pays en développement, contrairement aux pays développés, ont dû faire face à une contraction de leur espace fiscal et à des investissements fragiles après la pandémie de COVID-19.  Il a donc insisté sur la nécessité d’une solidarité et d’une coopération internationales sans précédent.  Réitérant l’appel à intensifier la coopération tant Sud-Sud que triangulaire, le délégué a précisé que ces mécanismes ne sont pas des substituts, mais des compléments à la coopération Nord-Sud.  Il a aussi souligné la pertinence du principe de « responsabilités communes, mais différenciées » dans le financement du développement.

Le représentant a ensuite détaillé 10 mesures innovantes pour le développement de la coopération Sud-Sud: partenariats public-privé, transformation numérique, solutions énergétiques durables, promotion touristique et culturelle, innovation en agroalimentaire, développement des compétences, infrastructure verte, inclusion financière, collaboration en recherche et développement, et réformes politiques.  Il a affirmé que la mise en œuvre de ces mesures stimulerait la croissance économique et améliorerait le bien-être de la population régionale.  Enfin le délégué a loué le développement d’un cadre conceptuel volontaire pour la mesure de la coopération Sud-Sud et a salué les efforts de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) dans ce domaine.

M. SWABRI ALI ABBAS (Kenya) a souligné la nécessité pour les activités des Nations Unies d’être adéquatement financées afin de relever efficacement les défis auxquels font face les États Membres en matière de paix, de développement et de droits de l’homme humains.  « Sinon, nos débats techniques détaillés sur la transparence et la responsabilité ne seront rien de plus qu’une mort lente pour l’un des piliers de l’ONU », a-t-il prévenu.  Rappelant que le Kenya et les États-Unis avaient coorganisé une table ronde pour mobiliser des fonds pour le système de coordonnateurs résidents, il a ajouté que le Kenya avait contribué au fonds d’affectation spéciale à des fins déterminées, et il a exhorté les autres États Membres à éviter les coupes budgétaires dans les agences de développement.

Il a également souligné l’importance de la coopération Sud-Sud dans la résolution des défis de développement, appelant à un engagement plus cohérent.  Il a salué le cadre stratégique 2022-2025 du Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud et s’est enorgueilli de l’accueil par le Kenya du Sommet du climat en Afrique, dont les résultats contribueront à la COP28, a-t-il précisé.  Il a conclu en rappelant que le Kenya, par ses initiatives, manifeste son engagement envers la coopération Sud-Sud et le multilatéralisme.

M. PISAREVICH (Bélarus) a fustigé les mesures coercitives unilatérales prises par certains États, identifiées comme des obstacles à la réalisation des ODD, et devant être levées sans plus tarder.  Il a reconnu le rôle capital de l’ONU dans le développement durable, notamment à travers ses activités opérationnelles et l’examen quadriennal complet.  Le délégué a témoigné son soutien aux efforts du Secrétaire général et a apprécié l’efficacité du coordonnateur résident, en place depuis cinq ans dans son pays.  Il a insisté sur le fait que les activités opérationnelles devraient être « pleinement axées sur l’aide aux États Membres ». 

Concernant le financement du Programme 2030, il a salué les contributions quantitatives des organisations de l’ONU, mais a critiqué la qualité de ces efforts.  « La part des ressources essentielles n’a pas augmenté », a-t-il relevé, indiquant que cette tendance limite la capacité de l’ONU à aider efficacement les pays dans leur développement durable.  Il a regretté la politisation de l’attribution des ressources et, constatant que les pays à faible revenu reçoivent la majorité des ressources opérationnelles, il a appelé à soutenir les États à revenu intermédiaire, qui constituent environ les deux tiers des membres de l’ONU.  Il a ainsi suggéré la création d’un document stratégique pour guider la coopération des Nations Unies avec ce groupe.

M. MAHAMADOU BOKOUM (Burkina Faso) a souligné que le système des Nations Unies pour le développement démontre une efficacité indéniable.  Les pays hôtes expriment en effet de plus en plus leur satisfaction à l’égard de ce système, notamment en ce qui concerne l’alignement de l’appui du système sur leurs besoins et leurs priorités.  En outre, a-t-il ajouté, le système est devenu le partenaire privilégié des pays pour des conseils politiques intégrés et fondés sur des données probantes.  À cet égard, il a mis en lumière la relation constructive qui existe entre le système des Nations Unies et le Burkina Faso.

En dépit des progrès encourageants, a—t-il poursuivi, des actions supplémentaires sont nécessaires dans plusieurs domaines, telles que la diversification des sources de financement, puisque la base de financement demeure fortement dépendante de contributions extrabudgétaires et de quelques grands donateurs.  Le déficit de financement du système des coordonnateurs résidents est tout aussi préoccupant.  Par ailleurs, des partenariats innovants avec les autorités locales, la société civile et le secteur privé sont nécessaires pour relever les défis actuels, a assuré le représentant.

M. NGUYEN HOANG (Viet Nama assuré que l’ONU reste le partenaire privilégié du Viet Nam dans ses efforts de développement, disant apprécier son expertise, ses recommandations politiques et son assistance technique, qui l’aident à avancer vers le développement durable.  Pour améliorer le système des Nations Unies pour le développement, le représentant a suggéré quelques points.  D’abord, lui fournir un financement adéquat et prévisible, en particulier pour ce qui concerne les ressources de base.  Sur le terrain, son travail devrait être adapté à la situation propre à chaque pays et contribuer à élaborer un cadre national de développement durable correspondant à ses priorités et à ses besoins.  Enfin, le représentant a plaidé pour un appui supplémentaire du système dans de nouveaux domaines tels que la numérisation, la transition énergétique verte et juste, l’économie circulaire, et l’utilisation de la science, de la technologie et de l’innovation dans la réalisation des ODD.

Mme EL OUATIKI (Maroc) a réitéré son soutien au repositionnement du système des Nations Unies pour le développement en tant que socle destiné à soutenir les programmes de pays dans leurs efforts pour réaliser le Programme 2030.  Elle a rappelé les investissements réalisés dans le repositionnement de ce système, avec pour centre le système des coordonnateurs résidents, notant que ce système est aujourd’hui un partenaire des pays du développement pour mettre en œuvre les objectifs de développement durable.  Toutefois, a-t-elle prévenu, le système des coordonnateurs résidents exige un financement adéquat et prévisible.

La représentante a aussi fait savoir que la coopération Sud-Sud constitue un pilier de la politique étrangère du Maroc, qui continue de mener des projets, des initiatives et des partenariats afin promouvoir la coopération Sud-Sud et la coopération triangulaire dans différents domaines.  Une telle coopération constitue selon elle un moyen de parvenir à un avenir résilient et durable.  Elle doit donc être intégrée dans la préparation des rapports nationaux volontaires, a-t-elle recommandé.

Mme PETAL GAHLOT (Inde) a déclaré qu’aujourd’hui plus que jamais, les pays du Sud ont besoin du système des Nations Unies pour afin de réaliser les ODD, lesquels sont « très loin d’être sur la bonne voie ».  Elle s’est félicitée de la mise en place du Fonds de partenariat Inde-ONU, géré par le Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud, qui compte aujourd’hui quelque 66 projets de développement dans 51 pays, avec un budget de 52 millions de dollars.  Le système des Nations Unies doit maintenant se concentrer sur les tâches pour lesquelles il est qualifié, à l’aide de ressources adéquates et flexibles, a souhaité la représentante.

La coopération Sud-Sud est une priorité pour l’Inde, a poursuivi la représentante en précisant que c’est une priorité de sa présidence du G20, laquelle a débuté en janvier de cette année avec le sommet « La voix des pays du Sud ».  La représentante a salué l’inclusion, à cette occasion, de l’Union africaine en tant que membre permanent du G20, une décision qui amplifie selon elle la « voix du Sud ».  Guidée par les priorités de ses partenaires, la coopération au développement de l’Inde s’étend désormais au commerce, à la culture, à l’énergie, à la santé ainsi qu’aux infrastructures, a-t-elle informé.  Elle a ajouté qu’en mettant l’accent sur la coopération Sud-Sud, l’Inde s’efforce de résoudre les problèmes des pays en développement de manière transparente, tout en favorisant la croissance économique.

M. EMERY GABI (Congo) a rappelé à quel point la coopération Sud-Sud avait été essentielle dans la distribution des vaccins contre la COVID-19, contribuant à la mise en place de centres de vaccination dans les pays en développement.  Il a appelé à étendre cette coopération à la reprise économique post-COVID.  Le délégué a annoncé que son pays œuvrait à la mise en place de mécanismes de financement innovants pour soutenir des projets structurants dans le Sud, notamment un mécanisme d’échanges d’étudiants et d’enseignants-chercheurs, similaire au programme ERASMUS en Europe, car « le développement des pays du Sud ne pourra pas se réaliser sans des ressources humaines de qualité ».

Soulignant que les secteurs comme l’éducation, la défense et les finances disposent déjà, au Congo, d’instruments juridiques favorisant la coopération Sud-Sud, il a mentionné le projet de pont route-rail sur le fleuve Congo, reliant Brazzaville à Kinshasa, avant de parler aussi de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.  Il a également indiqué que le Congo participe à la consolidation de la paix et à l’intégration régionale en Afrique centrale.

M. SHAREEF (Pakistana salué l’intervention « cruciale » du système des Nations Unies dans son pays après les inondations de l’année dernière.  Il a fait savoir que le soutien continu de l’ONU était essentiel pour mettre en œuvre les plans nationaux de relance post-COVID-19, et s’est dit préoccupé quant au système des Nations Unies pour le développement.  Remarquant que la part du financement total provenant de contributions de base est passée de 28% en 2011 à seulement 21% aujourd’hui, il a souligné un déficit de financement de 85 millions de dollars pour le système des coordinateurs résidents.

Le délégué a réaffirmé les principes clefs qui devraient sous-tendre le système de l’ONU en matière de développement: l’éradication de la pauvreté doit demeurer l’objectif primordial, et l’appropriation nationale est cruciale pour l’obtention de résultats efficaces.  Enfin, il a salué le rôle de la coopération Sud-Sud en tant que complément, et non pas substitut, à la coopération Nord-Sud.  Le représentant a conclu en appelant les Nations Unies à continuer de prendre des mesures concrètes pour renforcer le soutien à la coopération Sud-Sud et triangulaire.

M. MUHAMMAD ZULASRI BIN ROSDI (Malaisie) a salué les efforts « louables » réalisés par le Coordonnateur résident et l’équipe de pays en Malaisie pour répondre aux besoins particuliers du pays afin de préparer un avenir durable et résilient.  Reconnaissant les préoccupations entourant le financement du système des coordonnateurs résidents, il a exprimé son optimisme et sa confiance en la capacité de parvenir à une solution durable.

D’autre part, la Malaisie reconnaît l’immense potentiel de la coopération triangulaire pour améliorer l’expertise, les ressources et les perspectives des pays du Sud comme du Nord, a poursuivi le délégué.  Il a fait valoir que quand les pays du Nord sont impliqués, un ensemble de connaissances, de capacités techniques et de solutions novatrices peuvent être partagées, ce qui améliore les résultats en matière de développement.

M. BORIS A.  MESCHCHANOV (Fédération de Russie) a noté que, malgré les engagements pris par l’ONU, seulement 8% des dépenses totales des activités opérationnelles en 2021 ont été allouées à l’éradication de la pauvreté.  Soulignant l’écart entre ces chiffres et les priorités fixées par l’examen quadriennal complet, il a insisté sur la nécessité d’accroître l’aide aux pays en développement dans ce domaine.  Le représentant a remarqué qu’il existe une demande croissante pour un soutien dans l’industrialisation et l’accès à une énergie abordable et fiable, jugeant que l’ONU devait répondre à ces besoins.  En outre, il a exhorté les pays développés à respecter leurs engagements en matière d’APD, fixés à 0,7% du PIB national, et de financement climatique, estimé à 100 milliards de dollars par an.  Il a indiqué que le volume de l’aide russe en 2022 avait dépassé le milliard de dollars.

Sur la question de la réforme de l’ONU, le délégué a avancé que la nouvelle structure de coordonnateurs résidents devrait être « compacte, flexible et économique », critiquant toute expansion du personnel au-delà des paramètres initialement convenus.  Il a également insisté sur l’importance d’un rapport de qualité démontrant la « valeur ajoutée » des coordonnateurs résidents, plutôt qu’une simple compilation des réalisations des agences de l’ONU dans les pays concernés. Enfin, le représentant a souligné que la Russie partage les principaux principes de la coopération Sud-Sud, notamment le respect de la souveraineté nationale et de la non-ingérence dans les affaires internes.  Il a conclu en notant l’implication continue de la Russie dans des projets de coopération trilatérale, contribuant financièrement et en expertise pour renforcer les capacités de ses partenaires, y compris dans la région de la CEI.

M. NATTHAKITH THAPHANYA (République démocratique populaire lao) a dit apprécier le rôle essentiel du système des Nations Unies pour le développement et les efforts sans relâche des équipes de pays dans leur appui aux plans et activités de développement socioéconomique des États Membres.  Il s’est félicité de la hausse de 14% des financements au bénéfice des pays en situation particulière.  Le représentant a fortement encouragé le système à mener ses activités de développement au niveau des pays conformément aux priorités nationales. En ce sens, des mécanismes de suivi et d’évaluation sont indispensables, a-t-il ajouté.

Le représentant a encouragé les partenaires de développement à s’engager à fournir des ressources suffisantes, mais également prévisibles et durables, en soutien des activités de développement des pays qui en ont besoin. Ces partenaires devraient également se concentrer, avec le système des Nations Unies pour le développement, sur l’élargissement des capacités nationales et sur l’appropriation nationale des programmes visant à éliminer la pauvreté et à faire face à de multiples autres défis.

M. BULELANI MANDLA (Afrique du Sud) a considéré essentiel son partenariat avec les pays du Sud pour faire progresser les intérêts de l’Afrique et des pays en développement.  Le rapport du Secrétaire général sur la coopération Sud-Sud indique que de nombreux pays en développement sont confrontés aux conséquences sanitaires et socioéconomiques de la pandémie de COVID-19, lesquelles sont caractérisées par une reprise inégale, a‑t‑il noté.  Le représentant a craint que les inégalités croissantes entre les États menacent la réalisation des ODD nécessaire à la création d’un monde plus inclusif.  À cet égard, il a jugé essentiel que les pays développés respectent les engagements pris dans le Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement afin de stimuler la croissance économique.  Qui plus est, la solidarité internationale, en particulier avec les plus pauvres et les personnes vulnérables, est essentielle à la réalisation du Programme 2030, a‑t‑il rappelé.

Le représentant a réaffirmé que la coopération Sud-Sud et la coopération triangulaire sont complémentaires de la coopération Nord-Sud et ne sauraient s’y substituer.  Compte tenu des divergences dans les niveaux de développement, l’aide publique au développement (APD) reste vitale pour les pays en développement, a‑t‑il ajouté, un rôle que le secteur privé est appelé à compléter.

M. DWI WISNU BUDI PRABOWO (Indonésie) a considéré que le système de développement et le système des coordonnateurs résidents des Nations Unies continuent de jouer un rôle important dans l’aide apportée aux États afin de réaliser les ODD.  Nous devons mettre en place des programmes ciblés pour renforcer la résilience, malgré les contraintes auxquelles sont confrontés de nombreux pays, a‑t‑il recommandé.  Le représentant a cité en exemple l’appui aux petites et moyennes entreprises, la création d’emploi et la lutte contre les inégalités.  Il a appelé à cet égard à la poursuite des discussions afin de renforcer le système des coordonnateurs résidents, tout en mettant l’accent sur un financement durable et prévisible.  Il a appelé à soutenir la coopération Sud-Sud et triangulaire, qui est fondamentale pour aider les pays en développement à parvenir à une croissance et à un développement durables, avec l’appui du système de développement de l’ONU.

M. RABIU DAGARI (Nigéria) a loué le système des coordonnateurs résidents, tout en réclamant un financement adéquat et durable.  « En 2021, les dépenses consacrées aux activités de développement ont atteint pour la première fois 20 milliards de dollars, mais il faut aller plus loin pour répondre aux attentes élevées de la communauté internationale », a-t-il affirmé.  Il a insisté sur l’importance de la coopération Sud-Sud pour l’Afrique, un continent riche en ressources mais confronté à de multiples défis de développement, et a mis en exergue l’Agenda 2063 de l’Union africaine, aligné sur le Programme 2030.  Il a appelé plus de pays à contribuer financièrement à l’aide destinée aux pays africains.

En ce qui concerne le rôle du Nigéria dans la coopération Sud-Sud, le délégué a mis en lumière les initiatives nationales comme le Corps d’aide technique et la Direction de la coopération technique en Afrique, des programmes ayant déployé plus de 30 000 professionnels qualifiés dans 38 pays depuis 1987.  Il a souligné que son pays promeut, dans cette aide, le respect des principes de souveraineté nationale, d’appropriation nationale et de bénéfice mutuel.  Enfin, il a exhorté à améliorer la transparence et la responsabilité dans le système des Nations Unies pour le développement, notant que seulement 26% des pays considèrent comme « bonne » la qualité des rapports sur les résultats obtenus avec les ressources de base.

M. DAI BING (Chinea assuré que la Chine soutient les efforts de la communauté internationale afin de parvenir au relèvement des pays en développement.  Des efforts plus ciblés sont toutefois nécessaires, a poursuivi le représentant.  Il a ainsi recommandé de créer un contexte propice au développement durable, dans le multilatéralisme et avec un esprit d’ouverture.  Il a demandé de se concentrer sur le renforcement des capacités pour le développement et a recommandé aux agences des Nations Unies de trouver un meilleur équilibre entre les financements à long terme et les secours d’urgence.

Pour la Chine, le système financier international doit refléter les préoccupations de tous, notamment des pays en développement.  Elle soutient l’appropriation nationale des programmes de développement, qui doivent tenir compte des besoins et des priorités nationales.  Le délégué a en outre dit que son pays soutient fermement la coopération Sud-Sud et fait de son mieux pour aider les pays en développement.  À cet égard, il a signalé que la Chine avait mis en place l’Initiative de coopération Sud-Sud, qui a permis de donner un nouvel élan.

M. SUWANTRA (Thaïlande), après avoir salué les efforts en cours concernant l’examen quadriennal complet visant à repositionner le système de développement des Nations Unies, a insisté sur la nécessaire prise en main nationale des activités de développement de l’ONU.  Il a ainsi fait savoir que la Thaïlande avait intégré sa propre « philosophie de l’économie de suffisance » dans le Cadre de coopération pour le développement durable des Nations Unies pour 2022-2026.  Cette intégration, a-t-il expliqué, a facilité une coopération efficace entre le Gouvernement thaïlandais et les équipes de l’ONU.

Le délégué a également mis en exergue l’importance de la coopération Sud-Sud et de la coopération triangulaire, précisant qu’elles ne visent pas à remplacer la coopération Nord-Sud, et mentionnant trois projets lancés par la Thaïlande et le système des Nations Unies pour le développement, centrés sur: le commerce des produits agricoles biologiques; les soins de santé maternelle, les sages-femmes et la grossesse chez les adolescentes; la diplomatie sanitaire mondiale.  Il a conclu en annonçant que la Thaïlande allait coorganiser le cinquième Forum des directeurs généraux pour la coopération Sud-Sud et triangulaire en Asie-Pacifique les 27 et 28 novembre 2023 à Bangkok.

Mme LISANDRA MARINA GUTIÉRREZ TÓRREZ (Nicaragua) a d’abord souligné que la coopération Sud-Sud est complète, mais ne remplace pas la coopération Nord-Sud.  Reconnaissant l’importance de l’action de l’ONU pour les pays en développement, la déléguée a estimé que l’élimination de la pauvreté restait l’objectif numéro un.  Selon elle, des mesures collectives sont nécessaires pour améliorer l’efficacité de la coopération Sud-Sud et il faut prôner à cette occasion l’unité, la solidarité et la collaboration, particulièrement dans les domaines du commerce et du développement économique. 

La coopération doit permettre le partage de connaissances et de ressources technologiques, tout en respectant la souveraineté et les politiques sociales des États concernés, a‑t‑elle martelé.  La déléguée a par ailleurs reproché aux pays développés de manquer à leurs engagements en matière d’aide au développement, et elle a averti que la solidarité Sud-Sud ne devait pas servir d’excuse pour ces manquements.  Elle a enfin fustigé les mesures coercitives unilatérales imposées à plus de 30 pays, affectant plus de deux milliards de personnes, exigeant leur levée immédiate.

Mme PAULINA FELICIANO FRANCISCO ABDALA) (Mozambique) a souligné l’importance cruciale de la coopération Sud-Sud dans le développement et l’atteinte des ODD pour les pays en développement.  Elle a notamment relevé le rôle vital de la solidarité des pays du Sud pendant la pandémie de COVID-19, permettant l’acquisition de vaccins, de médicaments et d’équipements de protection.  Des dirigeants du Sud se sont réunis à La Havane le mois dernier pour renforcer la solidarité mondiale, a fait savoir la déléguée.  Parmi les secteurs les plus bénéficiaires de cette coopération se trouve l’agriculture, qui représente environ 24% du PIB national et emploie plus de 70% de la population mozambicaine, a‑t‑elle signalé.

À cet égard, la représentante a évoqué la création d’un centre de démonstration et de technologies agricoles, financé par la Chine et visant à soutenir les agriculteurs locaux.  Elle a exhorté les Nations Unies à soutenir les initiatives de coopération Sud-Sud et triangulaire, sans toutefois qu’elles remplacent les initiatives Nord-Sud, afin d’accélérer la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Enfin, elle a exprimé son enthousiasme quant au troisième Sommet Sud-Sud prévu pour l’année prochaine à Kampala.

M. PAUL GOA ZOUMANIGUI (Guinée), après avoir insisté sur l’importance de la coopération Sud-Sud, qui doit être un complément et non un substitut à la coopération Nord-Sud et à l’APD, a porté à la connaissance de la Commission l’existence de plusieurs études commandées par son pays afin d’optimiser les opportunités offertes par ce type de coopération Sud-Sud.  Ces travaux ont mené à la proposition de création d’un institut international de développement de la coopération Sud-Sud et triangulaire, qui serait basé à Conakry. Le but de cet institut, a-t-il précisé, serait de renforcer les capacités en matière de recherche et de formation, la Banque islamique de développement (BID) ainsi que le PNUD ayant déjà fourni une assistance technique pour son développement, a-t-il précisé.

Le délégué a sollicité le soutien des États Membres et des partenaires bilatéraux et multilatéraux pour la concrétisation de ce projet, ajoutant que la Guinée était prête à offrir un espace approprié et toutes les commodités nécessaires pour le bon fonctionnement de l’institut, y compris l’immunité diplomatique et les avantages financiers.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Première Commission: demandes de rationalisation des méthodes de travail et examen du budget-programme consacré au désarmement

Soixante-dix-huitième session,
10e séance plénière - après-midi
AG/DSI/3717

Première Commission: demandes de rationalisation des méthodes de travail et examen du budget-programme consacré au désarmement

La Première Commission, chargée des questions de désarmement et de sécurité internationale, a débattu, cet après-midi, de la revitalisation des travaux de l’Assemblée générale et de la planification des programmes.  Elle a ainsi entendu une douzaine de délégations qui ont, pour l’essentiel, demandé une plus grande rationalisation des méthodes de travail de la Commission.  Des groupes de pays ont en outre présenté des positions divergentes quant au bien-fondé de la tenue à la Première Commission, d’une discussion sur le budget-programme de l’Assemblée générale.   

Les délégations qui ont pris la parole ont unanimement regretté que le Comité du programme et de la coordination (CPC) ne parvienne pas, depuis 2017, à dégager de consensus sur nombre des 28 programmes dont il est saisi, y compris le programme numéro 3 consacré au désarmement et qui concerne donc directement la Première Commission.   

Les représentants des États-Unis, de la France, du Royaume-Uni, de l’Australie -au nom également des délégations du Canada et de la Nouvelle-Zélande (groupe CANZ)-, de la Suisse et du Japon ont jugé que, même si le CPC échoue à transmettre des recommandations sur le budget-programme, la Première Commission ne doit pas pour autant s’engager dans une discussion qui relève du mandat de la Cinquième Commission, chargée des questions budgétaires et où sont approuvés les différents programmes des commissions techniques de l’Assemblée générale.  Aussi ces délégations ont-elles demandé au Président de la Commission de demander à son homologue de la Cinquième Commission d’adopter le programme numéro 3 sans modification.   

Pour autant, ces mêmes pays ont entendu les remarques formulées par plusieurs délégations d’Amérique latine et des Caraïbes, l’Uruguay, Cuba, El Salvador, le Mexique, le Costa Rica, le Chili et la Colombie, en ce qui concerne les méthodes de travail de la Première Commission.  En substance, ces pays demandent au secrétariat de la Commission qu’il soit tenu compte de la taille modeste de certaines délégations ne disposant pas de ressources humaines suffisantes pour assister à plusieurs sessions de délibérations sur les projets de résolution et de décision à l’examen pendant les sessions.   

La représentante du Costa Rica est allée jusqu’à proposer que les travaux de la Commission commencent par une semaine de discussion à huis-clos sur le programme des délibérations des États Membres avant que ne débute le débat général.  Ces différents pays ont également préconisé que les délégations concurrentes évitent de soumettre à délibération et adoption des projets de résolution et de décision eux-mêmes rivaux, une telle situation entraînant la multiplication –par ailleurs coûteuse- des processus de négociation.   

Toujours aux fins de rationalisation et d’efficacité des travaux de la Commission, a‑t‑il été dit, les textes ayant été uniquement amendés techniquement devraient être présentés tous les deux ou trois ans et les temps de paroles des délégués devraient être strictement respectés, voire réduits pour permettre à toutes celles et ceux qui le souhaitent de s’exprimer en plénière.   

Sur ce dernier point, le Costa Rica a plaidé pour une féminisation franche des délégations qui interviennent en séance mais aussi dans les processus de négociation.  Pour la représentante costaricienne, faire avancer la prise en compte de nouveaux projets de résolution et de négociation, y compris sur le genre, permettrait la transmission à l’Assemblée générale d’une nouvelle orientation programmatique de la Première Commission.   

De son côté, la Fédération de Russie a demandé que les organisations et observateurs autorisés à assister et participer à des réunions intergouvernementales de la Commission, et dont les contributions écrites sont publiées, s’expriment de manière politiquement neutre dès lors qu’ils ne représentent aucun gouvernement.  Par ailleurs, le représentant russe a accusé les États-Unis, pays hôte, de graves violations de l’Accord de Siège, certains de ses collègues n’ayant pu obtenir de visas alors qu’ils ne demandaient qu’à assister à d’importantes réunions sur le désarmement nucléaire.   

Par ailleurs, la France a appuyé les demandes de l’Uruguay et du Mexique relatives au multilinguisme, réclamant que tous les États Membres intervenant durant toute la durée des débats puissent compter sur l’interprétation simultanée de leurs déclarations dans les six langues officielles de l’ONU, ainsi que sur la traduction, dans des délais raisonnables et dans ces mêmes langues, de l’ensemble des documents officiels.   

La Première Commission poursuivra ses travaux demain, vendredi 13 octobre, à 15 heures.  Elle entamera la deuxième partie de son travail avec les différents débats thématiques, en commençant par celui consacré aux armes nucléaires.   

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Quatrième Commission adopte un texte ambitieux sur l’assistance à la lutte antimines, face à une menace qui continue de faire des milliers de victimes

Soixante-dix-huitième session,
10e séance plénière - matin
CPSD/783

La Quatrième Commission adopte un texte ambitieux sur l’assistance à la lutte antimines, face à une menace qui continue de faire des milliers de victimes

Il faut réduire le coût humain des mines antipersonnel, des engins explosifs improvisés et des restes explosifs de guerre.  Voilà le constat sans équivoque qui a émergé, ce matin, du débat de la Quatrième Commission (chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation) sur l’assistance à la lutte antimines, un point de son ordre du jour examiné biannuellement.  Ces engins sont toujours responsables d’un nombre inacceptable de victimes - plus de 9 000 rien qu’en 2022, dont plus de 75% de civils. 

Le soutien exprimé à l’action antimines, en particulier celle menée sous l’égide de l’ONU, s’est traduit aujourd’hui par l’adoption sans vote de la résolution périodique sur l’Assistance à la lutte antimines, dont le langage a, cette année, été enrichi, comme s’en sont félicitées entre autres la Pologne, qui a facilité les consultations autour de ce texte, et l’Union européenne (UE). 

Plusieurs nouveautés cette année.  Tout d’abord, une référence à l’impact de la dissémination d’engins explosifs sur l’agriculture et la résilience locale a été incorporée au texte, de même qu’une autre sur le rôle crucial de la lutte antimines dans la réduction du coût humain des armes et sur l’importance d’inclure la lutte antimines dans les discussions qui seront menées au sujet du « Nouvel Agenda pour la paix », présenté par le Secrétaire général en juillet 2023. 

En outre, la formulation relative à la prise en compte des besoins des personnes handicapées a été renforcée par un nouveau paragraphe sur la mise en place d’un « mandataire mondial des Nations Unies pour les personnes handicapées dans les situations de conflit ou de consolidation de la paix », afin de garantir que les voix de ces personnes, y compris des victimes d’engins explosifs, soient entendues, ce qui a été expressément salué par l’UE.  La résolution aborde aussi l’impact négatif des phénomènes météorologiques extrêmes et des changements climatiques sur la protection des civils contre les menaces posées par les munitions explosives, alors que les mines enterrées refont surface lors d’inondations par exemple, comme l’a relevé le Soudan.   

Enfin, le texte encourage l’intégration d’activités tenant compte du climat et de la sécurité alimentaire dans les programmes de déminage, un point salué par l’Ukraine notamment.  Parmi les pays les plus concernés au monde par les mines, elle a accusé la Russie de se servir de la faim comme arme de guerre, en affirmant que les agriculteurs ukrainiens sont touchés de plein fouet par l’infestation de leurs terres cultivables par des engins explosifs.   

À l’avenir, l’UE souhaiterait que la résolution aille encore plus loin pour aborder notamment l’impact des mines et des restes explosifs de guerre sur l’exercice des droits humains et qu’elle tienne compte des préoccupations relatives à la présence de ces armes dans les zones peuplées où elles représentent un risque d’autant plus important pour les civils et les opérations humanitaires.   

Les pays directement concernés par les mines et restes explosifs de guerre comme la République démocratique populaire lao, le Myanmar, ou encore le Soudan ont mis l’accent sur l’importance de l’assistance qui leur est apportée par l’ONU en matière de déminage, mais également dans le cadre des coopérations bilatérale et Sud-Sud.  Outre le renforcement des capacités nationales de déminage, ils ont mis en exergue l’importance des campagnes de sensibilisation nationales aux risques posés par les engins explosifs, notamment en signalant les zones touchées pour éviter de nouveaux incidents.  Comme en a témoigné l’Angola, il s’agit d’un processus long, coûteux et nécessitant des ressources humaines bien formées et des équipements modernes de pointe.  « Après 21 ans de paix effective », le pays continue de retirer de ses sols les mines terrestres qui y ont été disséminées pendant les 27 ans de conflit interne qui ont précédé.   

Pour la Norvège, tous ces efforts doivent s’appuyer sur la mise en œuvre de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel et celle de la Convention sur les armes à sous-munitions, qui passe par l’universalisation de ces traités et le renforcement des normes internationales.  Partageant ce point de vue, le Japon a d’ailleurs annoncé aujourd’hui sa candidature à la présidence en 2025 de la Conférence d’examen des États parties à la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel. 

Le rapport du Secrétaire général sur l’Assistance à la lutte antimines a été présenté par le Sous-Secrétaire général à l’état de droit et aux institutions chargées de la sécurité, M. Alexandre Zouev. 

La Commission se réunira à nouveau demain, 13 octobre, à 10 heures pour entamer l’examen du point relatif aux rayonnements ionisants.   

ASSISTANCE À LA LUTTE ANTIMINES 

Déclarations 

Au nom du groupe CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), M. JAMES MARTIN LARSEN (Australie) a salué le vingt-cinquième anniversaire de l’adoption de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel, dont les membres du groupe CANZ sont signataires, avant d’inviter les délégations qui ne l’ont pas encore fait à signer cet instrument.  Le représentant a appelé à la mise en œuvre de la Déclaration politique internationale sur le renforcement de la protection des civils contre les conséquences humanitaires découlant de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées, adoptée l’an dernier.  Les dispositions concernant les victimes des mines de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) ont déjà été signées par 186 États parties.  Malgré ces avancées, les engins explosifs continuent de menacer les civils et entravent leur circulation ainsi que la jouissance de leurs droits humains.  En outre, a-t-il ajouté, les phénomènes climatiques compliquent les activités de protection relatives aux mines.  En Ukraine, des pans entiers du territoire ont été minés et sont désormais impropres aux activités agricoles.  Le groupe CANZ reconnaît donc les avantages de la lutte antimines et souhaite qu’ils soient reflétés dans les discussions concernant le Nouvel Agenda pour la paix. 

M. NATSARAN JERANOKOSOL (Thaïlande) s’est alarmé de la létalité des armes explosives, relevant qu’elles provoquent plus d’une victime dans le monde à chaque heure qui passe.  À ce propos, il a souhaité mettre en exergue trois points importants.  En premier lieu, il a appelé à renouveler l’engagement en faveur du déminage et de la destruction des stocks de ces armes.  Il a réitéré le soutien de son pays à l’universalisation de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel, encourageant tous les États Membres à y devenir parties.  Il a également préconisé le partage des pratiques optimales et des ressources, et à privilégier les transferts technologiques pour appuyer les efforts nationaux.  Il a aussi souhaité que soient octroyées des ressources suffisantes au Service de la lutte antimines de l’ONU et aux opérations de paix. 

Rappelant que la Thaïlande est un État partie à la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel depuis 1997, le représentant a affirmé que son pays s’approchait de la dernière étape de ses opérations de déminage, avec moins de 22 km² de zones contaminées restantes.  La Thaïlande s’engage à devenir exempte de mines d’ici à 2026, a-t-il assuré.  Partisan d’une approche fondée sur la collaboration avec les communautés locales, il a cité en exemple le travail du Centre thaïlandais de lutte antimines.  Enfin, le représentant a préconisé une assistance aux victimes centrée sur la personne et ses besoins, inclusive et non discriminatoire.  La Thaïlande, a-t-il expliqué, intègre son aide aux victimes dans le cadre plus large des programmes destinés aux personnes handicapées, conformément aux orientations du Plan d’action d’Oslo, et assure un accès abordable aux soins avec sa couverture sanitaire universelle. 

M. TOUFIQ ISLAM SHATIL (Bangladesh) a rappelé que son pays a été l’un des premiers pays d’Asie du Sud à adhérer au Traité d’interdiction des mines antipersonnel et qu’il a rempli ses obligations en détruisant ses stocks dans les délais impartis.  Notant que les civils représentent 73% des victimes des engins explosifs improvisés en 2022, il a appelé à l’universalisation et à la mise en œuvre des instruments juridiques relatifs aux actions de lutte antimines, y compris dans le contexte du Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général.  Il faut réduire le coût humain des armes, a insisté le représentant et, pour cela, il est important de parvenir à l’universalité des traités interdisant les armes inhumaines et aveugles.  Le délégué a également insisté sur l’intégration de la lutte antimines dans l’aide humanitaire, le développement durable et les initiatives en faveur de la paix et de la sécurité.  Il a mis l’accent sur l’assistance technique et le soutien au renforcement des capacités nationales dans le cadre des activités de lutte antimines, ainsi que sur l’intégration de l’action antimines dans les priorités de la consolidation de la paix lorsque cela est nécessaire et/ou possible.  En outre, le représentant a exigé que les soldats de la paix soient correctement formés et équipés pour assurer leur sécurité et améliorer la situation du pays hôte. 

M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a appelé à atténuer les menaces causées par les guerres et les agressions que constituent les mines antipersonnel, lesquelles continuent de tuer des innocents longtemps après la fin des conflits.  La menace des mines terrestres et des restes explosifs de guerre constitue de graves menaces pour les civils, et notamment les enfants qui résident dans les zones déchirées par les conflits.  En 2021, 5 500 vies ont été fauchées tragiquement et d’innombrables autres personnes ont été blessées par ces engins.  Si la sensibilisation peut mobiliser l’action en faveur de la lutte antimines, la communauté internationale doit travailler de manière concertée pour trouver des solutions à ces problèmes et mobiliser les ressources nécessaires pour s’y attaquer, a fait valoir le représentant.  Pour ce faire, il est à ses yeux essentiel de disposer d’un programme intégré et inclusif d’action antimines.  Le Sri Lanka a adhéré à la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel et s’est engagé à ne pas produire ni stocker de tels engins.  Dans le cadre de son action antimines à la suite du conflit civil qui s’est terminé en 2009, le Sri Lanka a entrepris de nettoyer une vaste zone minée et entend poursuivre ses efforts dans d’autres zones peuplées.  Or, a ajouté le délégué, ces engins explosifs se trouvent souvent enfouis dans la jungle où opéraient les groupes armés, ce qui complique les activités de déminage.  Une tâche qui tire à sa fin, bien qu’une enquête non technique ait identifié des zones minées auparavant inconnues, a expliqué le représentant.   

Mme SARAH AHMED AHMED AL-MASHEHARI (Yémen) a commencé par rappeler que son pays est signataire de la Convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel depuis 1997 et qu’il s’est débarrassé de ses stocks.  Toutefois, la milice houthiste aurait disséminé environ deux millions de mines et autres engins explosifs improvisés dans plusieurs zones du pays, a‑t‑elle dénoncé, relevant que ces actions, outre leurs répercussions humanitaires, entravent également le trafic maritime international.  Dans près de 13 provinces du Yémen, des zones sont devenues inhabitables et plus d’un demi-million de personnes seraient touchées, a‑t‑elle poursuivi, ajoutant que cette situation prive les enfants d’une vie normale et fait obstacle à leur éducation.   

Les effets des changements climatiques aggravent ces risques, a‑t‑elle observé, avec notamment les inondations saisonnières qui déplacent les mines.  Bien que des opérations de déminage soient en cours, elles sont difficiles, a‑t‑elle déploré.  Elle a appelé la communauté internationale et les organisations compétentes à épauler les actions de son gouvernement, car si le soutien extérieur devait s’interrompre, cela mettrait un coup d’arrêt au travail des 66 équipes déployées dans le pays.  À ce titre, la déléguée a remercié l’Arabie saoudite, les États-Unis, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Norvège, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et toutes les ONG qui appuient les efforts du Yémen face à ce qu’elle a qualifié de « catastrophe humanitaire ».   

Mme HEDDA SAMSON, de l’Union européenne (UE), a mis en avant l’unité de l’UE dans son engagement en faveur d’un monde sans mines antipersonnel puisque ses 27 États membres sont États parties à la Convention d’Ottawa et, qu’aujourd’hui, ils coparrainent tous la résolution de l’Assemblée générale sur l’assistance à la lutte antimines.  L’UE continuera à soutenir les actions humanitaires de lutte antimines dans le monde entier, y compris face à l’agression de la Russie en Ukraine, a‑t‑elle assuré.  La déléguée est d’avis que la résolution de cette année constitue une avancée positive puisque sa nouvelle formulation reconnaît des éléments importants du sujet complexe de l’action antimines, conformément aux priorités humanitaires des Nations Unies.  Le texte encourage désormais les organismes compétents à inclure la lutte antimines dans leurs programmes sur le climat et la sécurité alimentaire, et reconnaît également que les mines constituent un obstacle à l’agriculture et à la résilience locale, ainsi qu’à la consolidation de la paix, a‑t‑elle noté.  Les États Membres ont également convenu de noter le rôle de la lutte antimines dans la réduction du coût humain des armes et la nécessité d’inclure cette lutte dans les discussions qu’ils auront sur le Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général, s’est-elle félicitée.  Heureuse de constater la mise en place d’un défenseur mondial des Nations Unies pour les personnes handicapées dans les situations de conflit et de consolidation de la paix, la représentante y a vu un progrès significatif pour la prise en compte d’une perspective « intégrant le handicap » dans les programmes d’action antimines.   

À l’avenir, l’UE espère que la résolution pourra refléter certains points supplémentaires qui ont été discutés au cours des consultations, a‑t‑elle toutefois signalé.  En particulier, l’UE souhaiterait que l’on parle de l’impact des mines et des restes explosifs de guerre sur la jouissance des droits humains.  Il serait également souhaitable que les préoccupations pertinentes concernant les armes explosives dans les zones peuplées soient prises en compte, car leur utilisation représente un risque sérieux pour les civils et les opérations humanitaires, a précisé la représentante. 

M. KRZYSZTOF SZCZERSKI (Pologne) a fait valoir que la lutte antimine est essentielle pour garantir l’acheminement de l’aide humanitaire et faire en sorte que les communautés affectées puissent retrouver une vie sûre et digne.  Toutefois, il a estimé que le texte du projet de résolution sur la lutte antimine de cette année aurait gagné à être renforcé.  S’il exprime une profonde préoccupation face aux conséquences humanitaires et de développement des mines et des restes explosifs de guerre dans les pays touchés, ce texte contient également une référence au rôle crucial de l’action antimine dans la réduction du coût humain des armes et, dans ce contexte, de l’importance d’en faire état dans les discussions concernant le Nouvel Agenda pour la paix.  Parmi les autres éléments inclus dans ce projet de résolution, le représentant a relevé la contribution de la lutte contre les mines à la réalisation de solutions durables pour les réfugiés et les personnes déplacées, la réponse aux besoins spécifiques des personnes handicapées ainsi que l’impact négatif des événements climatiques extrêmes sur la protection des civils contre les menaces liées aux munitions explosives.   

M. AL-HARITH IDRISS AL-HARITH MOHAMED (Soudan) a rappelé d’emblée que son pays fait partie des pays les plus touchés par les mines terrestres, et que son gouvernement a fait de la lutte antimines une priorité nationale.  Il a salué la coopération du Service de la lutte antimines de l’ONU à cet égard, avant d’annoncer que les États de l’est du pays ont été déclarés « nettoyés et dépollués », tout comme certaines parties du Darfour ou du Kordofan du Sud qui ont été déminées.  Khartoum a noué des partenariats avec des organisations internationales pour sensibiliser plus de quatre millions de personnes à ce jour aux risques et menaces posés par les mines et les restes explosifs de guerre, a précisé le représentant.  Le défi du financement reste cependant de taille compte tenu de l’ampleur du problème, a concédé le représentant.  Il a également parlé des problèmes relatifs aux déplacements non contrôlés des tribus, de la difficulté d’accès de certaines zones qui ont besoin d’être déminées et de l’impact des inondations sur l’action antimines.   

M. SAHRAEI (République islamique d’Iran) a déclaré que la tragédie des mines terrestres et des restes explosifs de guerre laissés par les conflits « imposés » constitue un problème important au Moyen-Orient.  Il s’est inquiété de l’impact délétère de la présence de tels engins sur la situation humanitaire et le développement durable des populations civiles dans des pays tels que l’Iraq, l’Azerbaïdjan, l’Afghanistan, ou encore le Yémen et la Syrie, de même que dans son propre pays.  Après avoir salué le travail accompli dans la région par le Service de la lutte antimines de l’ONU, le représentant a exprimé la volonté de son pays de s’engager activement dans des programmes pertinents et de partager l’expérience et les connaissances qu’elle a acquises dans ce domaine, qu’il s’agisse du déminage des zones infestées ou de la sensibilisation des civils.  Le représentant a demandé que soit désormais intégré dans les rapports annuels du Secrétariat l’examen des implications des exclusions et limitations rencontrées par les populations et les gouvernements des territoires concernés.  En outre, a-t-il ajouté, les États sont légalement et moralement responsables de la dissémination de mines terrestres et d’autres engins explosifs dans d’autres pays, et, à ce titre, ils doivent assumer la responsabilité de fournir l’assistance et le soutien nécessaires aux pays touchés.  Enfin, le représentant a réaffirmé l’importance de prendre en compte les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales qui affectent l’accès aux équipements de déminage, ainsi que le transfert de technologies et de ressources financières nécessaires. 

M. AL-SAED (Iraq) a relevé le coût particulièrement élevé et la difficulté des opérations de déminage, entravées par le manque de cartes.  Les statistiques, a-t-il poursuivi, montrent que près de 6 500 km² du territoire national sont contaminés par les mines, dont plus de 2 000 km² considérés comme particulièrement dangereux, en raison notamment de la densité de la population.  Les victimes seraient nombreuses dans les territoires autrefois contrôlés par Daech, a-t-il ajouté.  Outre les conséquences physiques et psychologiques, les victimes voient également leur productivité affectée, ce qui rend difficile la mission de réintégration dans la vie active que s’est fixée le gouvernement. 

L’Iraq, a-t-il assuré, travaille à la mise en œuvre de l’article 5 de la Convention d’Ottawa, présente depuis 2028 des rapports réguliers pour informer de la situation et facilite le travail des organisations qui contribuent au déminage.  Son pays consent aussi de vastes efforts de sensibilisation, notamment à travers les médias locaux, a-t-il poursuivi, ajoutant que le Gouvernement forme des cadres à fournir soins médicaux et prothèses aux victimes.  Il a appelé les agences spécialisées à appuyer le Gouvernement iraquien, lequel a besoin de technologies de pointe pour continuer ses opérations, exhortant la communauté internationale et les bailleurs de fonds à poursuivre leur soutien. 

M. MATEUS PEDRO LUEMBA (Angola) a estimé que l’assistance à la lutte antimines devrait mériter une plus grande attention de la part des États Membres pour faire en sorte que nos efforts collectifs aboutissent à l’élimination totale de l’utilisation des mines terrestres.  La réalisation de notre aspiration commune à un monde sans mines nécessite selon lui un engagement renforcé des États et la mise en œuvre de mesures concrètes.  Après 21 ans de paix, précédés de 27 ans de conflit interne, l’Angola continue de lutter pour libérer son sol des mines terrestres.  Or, il s’agit d’un processus coûteux, nécessitant des ressources humaines bien formées et des équipements modernes de pointe.  Le Gouvernement angolais, avec le soutien de partenaires internationaux, s’affaire à réaliser un programme de déminage exhaustif afin d’être exempt de mines terrestres d’ici à 2025.  En tant que signataire de la Convention d’Ottawa, l’Angola doit toujours déminer plus de 70 millions de mètres carrés de son territoire, a‑t‑il noté, en expliquant que le processus de déminage peut être plus coûteux encore que la production d’armes.  Le Gouvernement angolais a également mis en place des campagnes nationales de sensibilisation aux risques posés par les engins explosifs, notamment en signalant les zones touchées pour éviter de nouveaux accidents, et mis en place une agence nationale de lutte contre les mines ainsi qu’un hôpital spécialisé.   

M. ONO SHO(Japon) a déploré que les mines terrestres continuent de menacer la vie des civils, malgré les progrès significatifs accomplis ces deux dernières décennies.  Aujourd’hui, a-t-il relevé, nous sommes confrontés à de nouvelles difficultés avec les engins explosifs improvisés, qui provoquent un nombre croissant de victimes, et les événements météorologiques extrêmes, qui entraînent le déplacement des mines.  Le projet de résolution sur l’assistance à la lutte antimines, dont le Japon est coauteur, prend en compte ces menaces émergentes, a-t-il poursuivi, appelant à son adoption. 

Le Japon, a-t-il expliqué, concentre son action sur trois domaines: l’assistance aux activités de déminage, la promotion de la coopération régionale Sud-Sud et l’aide aux victimes.  En 2022, son pays a fourni une aide totale d’un montant de plus de 52 millions de dollars, répartie entre 22 nations, notamment par l’intermédiaire du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et du Service de la lutte antimines de l’ONU.  Il a cité un programme conjoint du Japon et du Cambodge en vue d’appuyer les opérations de déminage en Ukraine, qui a accès en plus à un système d’imagerie des mines terrestres.  Enfin, il a annoncé la candidature de son pays à la présidence de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel en 2025. 

Mme EGRISELDA GONZÁLEZ LÓPEZ (El Salvador) a regretté de constater que l’utilisation d’armes à sous-munitions et de mines antipersonnel s’est poursuivie au cours des deux dernières années, en mettant en avant la menace constante que cela représente pour les populations civiles et les personnels humanitaires.  Rien qu’en 2022, ces armes ont fait plus de 9 000 victimes dans le monde, dont 73% de civils, s’est indignée la représentante, en exigeant le respect des traités internationaux pertinents.  Après avoir confirmé le soutien d’El Salvador aux activités de lutte antimines de l’ONU, la déléguée a salué l’impact du soutien extérieur sur le renforcement des capacités nationales, en souhaitant une hausse de ces services compte tenu du nombre de conflits en cours.  Elle a également insisté sur l’impératif de sécuriser le personnel de maintien de la paix déployé dans des environnements particulièrement dangereux, avant d’appeler à miser sur la formation et la parité femmes-hommes au sein des activités antimines de l’ONU.   

Mme MARAH MUSTAFA (République arabe syrienne) a déclaré que son pays accorde une attention particulière à la lutte antimines, ces engins ayant été utilisés à grande échelle sur son territoire par les organisations terroristes.  Les activités liées au déminage constituent la clef de voûte pour parvenir à un environnement sûr pour les civils et au retour des réfugiés syriens dans leur pays.  Malgré des moyens limités, l’armée syrienne consent des efforts inlassables et sacrifie des vies afin de dépolluer plus de 7,3 millions de mètres carrés de terre de ces engins explosifs du pays.  À cette fin, un comité national a été créé l’an dernier, lequel a mis en place des normes techniques permettant de régir l’ensemble des activités de déminage.  Le Gouvernement syrien a signé en 2018 un Mémorandum d’entente avec le Service de la lutte antimines de l’ONU afin de soutenir ses efforts antimines dans les zones autrefois contrôlées par des groupes terroristes, a indiqué la représentante.  Face à l’étendue des zones affectées par les mines, elle a souligné l’importance de renforcer la coopération et la coordination dans la lutte antimine et d’allouer les ressources nécessaires, sans politiser cette question humanitaire en imposant des restrictions unilatérales touchant les équipements, le financement et les ressources nécessaires.  Toutefois, le principal obstacle auquel est confronté le Gouvernement pour mener à bien ces efforts est le déficit de financement.   

M. ANATOLII ZLENKO (Ukraine) s’est félicité de l’inclusion de la lutte antimines dans les programmes de sécurité alimentaire, ainsi que de la reconnaissance du fait qu’elles constituent un obstacle à l’agriculture.  L’invasion par la Russie a fait de l’Ukraine l’un des pays les plus infestés au monde par les mines, a‑t‑il affirmé, en précisant que 174 000 kilomètres carrés de terres seraient concernés – soit 30% du territoire national.  Dans le pays, plus de six millions de personnes vivraient dans des zones à risque, a‑t‑il poursuivi, en fustigeant la Russie pour avoir disséminé des mines à proximité d’écoles, d’hôpitaux et de zones résidentielles.  À ce jour, 250 personnes auraient été tuées par les mines et plus de 40 autres blessées.   

Le représentant a accusé la Russie de se servir de la faim comme arme de guerre, relevant que les agriculteurs ukrainiens sont touchés par la contamination de leurs terres agricoles.  Un total de 470 hectares de terres fertiles seraient affectés, a‑t‑il continué.  Il a ensuite mentionné la collaboration de l’Ukraine avec des partenaires internationaux en vue d’élaborer une stratégie de déminage.  Le projet, a‑t‑il expliqué, repose sur trois piliers: rétablir le potentiel des terres, protéger les victimes et créer une meilleure architecture du déminage.  Le délégué a enfin salué la réponse favorable de l’ONU aux appels lancés par son pays, notamment pour fournir des équipements et des capacités en matière de déminage, remerciant tous les États Membres ayant par ailleurs contribué aux efforts.   

M. SO INXAY SOULIYONG (République démocratique populaire lao) a commencé par remercier les partenaires de son pays dans la lutte antimines, les agences des Nations Unies et les organisations internationales qui contribuent à renforcer les capacités nationales en la matière.  Toutefois, il reste encore beaucoup à faire, a‑t‑il concédé, en rappelant que son pays est l’un des plus lourdement touchés de la planète.  Les restes d’armes à sous-munitions larguées sur son sol il y a plus de 40 ans constituent toujours une menace majeure pour les civils, notamment les femmes et les enfants, a‑t‑il expliqué, et des accidents se produisent chaque année.  Au cours de la dernière décennie, ces munitions non explosées ont tragiquement coûté la vie de 25 à 60 personnes par an, la plupart étant des victimes civiles – des enfants et des agriculteurs vivant dans les zones rurales.  Par conséquent, l’élimination de ces engins non explosés n’est pas seulement une nécessité économique, mais aussi une obligation morale, a argué le représentant.  Avec environ 80 millions de sous-munitions non explosées, la contamination couvre encore un tiers du territoire du pays, a‑t‑il déploré.  Son gouvernement continue donc à faire tout son possible pour assurer la sécurité de ses citoyens et améliorer le bien-être social et économique des populations affectées.  Il a en conclusion fait valoir que les actions de déminage ont permis de mener à bien des projets de développement, notamment la construction d’infrastructures de transport telles que la première ligne ferroviaire à grande vitesse du pays.   

Mme UNNI RAMBØLL (Norvège) a lancé un appel à la communauté internationale pour se mettre d’accord sur des normes communes et la règlementation des armes, en s’appuyant notamment sur la Convention sur les armes à sous-munitions et la Convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel, « qui sont les pierres angulaires » dans le domaine de la lutte antimines.  Ces quatre dernières années, des progrès ont été possibles en termes de décontamination, a‑t‑elle reconnu, et cela malgré la pandémie, mais les mines antipersonnel et les engins explosifs improvisés restent une menace sérieuse dans de nombreux pays du monde, notamment ceux frappés par un conflit et là où opèrent des groupes armés non étatiques.  Pour la déléguée, il serait judicieux que les engins explosifs improvisés soient couverts par la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel, ce qui n’est pas encore le cas.  En outre, elle a exhorté les États parties à cette Convention à maintenir, voire accroitre, leurs financements de la lutte antimines.  La Norvège, qui est un partenaire important des activités antimines, persiste à plaider pour l’universalisation des conventions internationales dans ce domaine, a‑t‑elle souligné, et plus largement des instruments internationaux en matière de désarmement.  La déléguée a donc appelé tous les États à y souscrire.   

M. HONGBO WANG (Chine) a déclaré que les efforts collectifs de lutte antimines déployés au cours des dernières années, notamment par l’ONU, ont permis de réaliser des progrès notables qui se sont traduits par une réduction des risques.  Cependant, de nombreux facteurs aggravent la situation dans de nombreux cas aux prises avec des problèmes de contamination.  Le représentant a plaidé en faveur du respect des principes directeurs en matière de déminage, arguant que les circonstances particulières des pays concernés doivent être prises en compte pour que les luttes antimines soient adaptées au contexte.  Pour assurer la pérennité de ces actions, nous devons permettre aux États d’assurer la transition entre l’aide extérieure et l’autonomie.  En 1998, la Chine a mis en place un plan de déminage qui s’inscrit dans la durée, y compris des sessions de formation et des visites sur le terrain, fournissant une assistance, notamment financière, à plus de 40 pays dans plusieurs régions du monde.  En tant que coprésident, avec le Cambodge, du groupe d’experts de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) sur la question, la Chine a organisé une opération conjointe de déminage.   

M. AHIDJO (Cameroun) a commencé par saluer le rapport du Secrétaire général de l’ONU sur l’assistance à la lutte antimines, relevant qu’il met en relief la nécessaire mise en œuvre d’instruments juridiques internationaux, ainsi que les progrès accomplis dans la mise en place de mécanismes d’intervention rapide.  Malgré les millions de stocks détruits au cours des 20 dernières années, les mines continuent de tuer, de mutiler et de fragiliser les efforts de reconstruction ou de consolidation de la paix, a-t-il déploré.  Elles hypothèquent la fourniture d’une assistance humanitaire aux victimes de conflit et perpétuent la précarité, a-t-il dénoncé, estimant que ces conséquences justifient largement les efforts consentis par la communauté internationale.  Il a affirmé que la diversification des engins explosifs contraint à un changement d’approche.  À ce titre, il a préconisé des mesures urgentes contre les engins explosifs improvisés, principale cause de l’augmentation du nombre de victimes.  Alors que son pays est touché par les mines et autres engins explosifs laissés par Boko Haram, il a appelé à des efforts de sensibilisation ainsi qu’à la mobilisation des ressources – notant que la plus grande partie d’entre elles émanent de contributions volontaires. 

Pour M. KYAW MOE TUN (Myanmar), la contamination par des engins explosifs met constamment en péril la vie des civils, les empêche de se déplacer en toute sécurité et restreint leur accès aux services et à la fourniture de l’aide humanitaire.  Elle pose également de graves problèmes sociaux et économiques aux populations civiles touchées.  Par conséquent, l’action antimines est essentielle à la reconstruction, expliqué le représentant, et joue un rôle significatif dans la réalisation des objectifs de développement durable, y compris en termes de réduction de la pauvreté, d’accès à l’éducation, de sécurité alimentaire et d’égalité des sexes.  Il a dénoncé l’implication de longue date de l’armée du Myanmar dans la dissémination des mines terrestres depuis 1969, notant également que depuis le coup d’État militaire illégal de février 2021, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a signalé que la population du Myanmar a été victime d’actes de terreur spécifiques aux mains de l’armée: l’augmentation des frappes aériennes contre la population civile, les massacres brutaux lors d’opérations terrestres et l’incendie généralisé et systémique des maisons et des propriétés civiles.  En outre, la junte a déployé de plus en plus de mines terrestres antipersonnel et d’armes à sous-munitions, a affirmé le délégué qui a également accusé cette junte d’utiliser les civils comme boucliers humains et comme démineurs.  Cette tragédie terrible et indicible au Myanmar exige, selon lui, une attention et une intervention internationales immédiates pour faire face à l’aggravation des souffrances humaines et à la catastrophe humanitaire.  Il a donc demandé à la communauté internationale d’offrir un financement souple et direct aux organisations humanitaires locales, afin de renforcer leur capacité à fournir une aide et des services vitaux aux nécessiteux, y compris aux victimes des mines.  En guise de conclusion, le représentant a déclaré que « la seule façon d’éradiquer de telles atrocités est de mettre fin à la dictature militaire, de restaurer la démocratie et de construire une union fédérale démocratique ». 

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a indiqué que la question du déminage est historiquement importante pour son pays, en particulier dans le contexte de la résolution des crises régionales et de la lutte contre le terrorisme.  De nombreux États touchés par des conflits ont besoin d’une assistance en matière de déminage afin d’assurer la transition vers la restauration des infrastructures et la reprise des activités de développement.  Le Service de la lutte antimines de l’ONU joue un rôle important dans les efforts internationaux de lutte contre les mines, entre autres dans le cadre des opérations de maintien de la paix et des missions politiques, en renforçant les capacités des États.  La Fédération de Russie a participé aux travaux de déminage en Syrie afin de permettre un accès sûr à des zones agricoles et le retour sûr des réfugiés syriens dans leur pays d’origine.  La représentante a expliqué que son pays accorde une attention particulière au développement de la coopération internationale dans ce domaine, par le biais d’échanges d’expériences et de renforcement des capacités techniques et opérationnelles avec d’autres pays.   

M. ABAALALA (Arabie saoudite) s’est félicité des efforts déployés par l’ONU en matière de déminage, avant de plaider pour que le déminage soit mentionné spécifiquement dans les traités de cessez-le-feu et à l’issue des conflits.  Il a rappelé qu’en 2018, son pays avait lancé le projet de déminage Masam au Yémen, qui se heurte à de grandes difficultés, a‑t‑il déploré, en raison de l’absence de cartes et de la dissémination arbitraire des mines autour des maisons, sur des terres agricoles ou des pâturages.  En 2023, Masam a permis de mettre hors d’état de nuire plus de 2 900 engins non explosés et de décontaminer plus de 18 000 kilomètres carrés de territoire, s’est-il félicité.  Il a rendu hommage à 33 collaborateurs tués depuis le début du projet au Yémen, saluant leur sacrifice ultime.  Outre le déminage, a‑t‑il poursuivi, son pays offre également des soins et des services de réinsertion aux blessés.  Le représentant a conclu en appelant à ce que les responsables de la dissémination des mines soient tenus comptables de leurs actes, et contraints de fournir des services antimines et des cartes.   

DÉCISION SUR LE PROJET DE TEXTE CONCERNANT L’ASSISTANCE À LA LUTTE ANTIMINES 

En adoptant le projet de résolution sur l’Assistance à la lutte antimines, sans vote, l’Assemblée générale demanderait aux États Membres de s’acquitter de leurs obligations internationales respectives en matière de lutte antimines et de poursuivre leur action, notamment au moyen de la coopération Sud-Sud et de la coopération régionale et sous-régionale, étant entendu qu’ils doivent avoir la maîtrise des programmes, avec, selon qu’il conviendra et s’ils en font la demande, l’assistance de l’ONU et des organisations compétentes en matière de lutte antimines et en coordination avec le pays touché, pour encourager la mise en place et le développement de capacités nationales de lutte antimines dans les pays où les mines et les restes explosifs de guerre font peser une grave menace sur la sécurité, la santé et la vie des populations civiles locales, empêchent la culture des terres et la résilience à l’échelle locale ou compromettent l’acheminement de l’aide humanitaire et l’action de développement socioéconomique et de consolidation de la paix aux échelons national et local.   

L’Assemblée générale  prierait en outre instamment tous les États Membres, en particulier ceux qui sont le mieux à même de le faire, ainsi que les organismes des Nations Unies et les autres organisations et institutions compétentes en matière de lutte antimines, d’aider les États touchés par les mines et les restes explosifs de guerre en leur fournissant une assistance pour leur permettre de créer ou de développer leurs propres capacités de lutte antimines, et notamment de s’acquitter de leurs obligations internationales en la matière et d’appliquer des stratégies et des plans de lutte antimines à l’échelon national, ainsi qu’un soutien aux programmes nationaux et locaux et des contributions régulières et prévisibles en temps voulu, à l’appui des activités de lutte antimines.  L’Assemblée générale encouragerait enfin les efforts visant à faire en sorte que toutes les activités de lutte antimines soient menées conformément aux Normes internationales de la lutte antimines ou à des normes nationales compatibles avec celles de la communauté internationale. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: plaidoyer pour un renforcement de la coopération ONU-Union africaine et le financement par l’ONU des opérations de paix pilotées par l’UA

9435e séance – matin
CS/15438

Conseil de sécurité: plaidoyer pour un renforcement de la coopération ONU-Union africaine et le financement par l’ONU des opérations de paix pilotées par l’UA

Une semaine après la tenue à Addis-Abeba de sa dix-septième réunion consultative conjointe annuelle avec le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA), le Conseil de sécurité a entendu ce matin de nouveaux plaidoyers en faveur du renforcement de la coopération entre l’ONU et l’UA aux fins du maintien de la paix et de la sécurité internationales, y compris au-delà du Chapitre VIII de la Charte, relatif aux accords régionaux. 

Une fois encore, des appels ont été lancés pour que le Conseil adopte une résolution sur le financement par l’ONU des opérations de paix conduites par l’UA.  Plusieurs délégations, y compris parmi les membres permanents du Conseil, se sont dites prêtes à soutenir une telle initiative.

Parmi les intervenants, le Représentant spécial du Secrétaire général auprès de l’UA et Chef du Bureau de l’ONU à Addis-Abeba, M. Parfait Onanga-Anyanga, s’est voulu le porte-voix de cette revendication.  Après avoir souligné que le communiqué final de la réunion, publié le 6 octobre, avait mis en avant la volonté du Conseil de sécurité et du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine de travailler ensemble pour résoudre les problèmes de paix et de sécurité du continent, il a insisté sur la dimension complémentaire des deux organes: leur partenariat stratégique repose, a-t-il dit, sur le double principe de la complémentarité et des avantages relatifs. 

Mais, au vu des défis que connaît le continent, des efforts renouvelés sont nécessaires, si l’on veut parvenir aux objectifs de paix et de sécurité collective, conformément aux recommandations du Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général, a fait observer M. Onanga-Anyanga.  Pour lui, il faut mettre l’accent sur les systèmes de prévention au niveau régional en améliorant la diplomatie préventive, tout en renforçant les opérations de paix. 

Cette approche ne sera toutefois réussie et efficace que si elle est soutenue par des financements suffisants, souples, prévisibles et pérennes des opérations de paix pilotées par l’UA, a insisté le Représentant spécial.  En outre, en donnant l’initiative à ces opérations africaines, le Conseil de sécurité, dans les faits, s’autonomisera lui-même, en renforçant ses fonctions telles que décrites à l’Article 24 de la Charte des Nations Unies, a-t-il assuré. 

L’Observatrice permanente de l’Union africaine auprès des Nations Unies n’a pas dit autre chose. Elle a rappelé qu’il existe, depuis 2017, un cadre commun pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité entre l’ONU et l’UA.  Ce qu’il faut maintenant, c’est se débarrasser de la lourdeur administrative et mettre en commun les ressources des deux organisations pour réagir rapidement et de manière décisive aux crises, a-t-elle plaidé.  C’est pourquoi le Conseil de sécurité devrait adopter une résolution sur le financement par le budget ordinaire de l’ONU, des opérations de paix dirigées par l’UA. 

Le Directeur de Amani Africa, un groupe de réflexion panafricain travaillant sur les processus politiques multilatéraux, M. Solomon Ayele Dersso, s’est voulu encore plus incisif: approfondir ce partenariat n’est pas une question de choix mais une condition préalable à la réalisation des objectifs de paix, de sécurité et de développement.  Renvoyant les membres du Conseil de sécurité au rapport du Secrétaire général « Notre Programme commun », il a assuré que les organisations régionales comblent une lacune critique dans l’architecture mondiale de paix et de sécurité, avant de plaider à son tour en faveur d’un nécessaire arrangement systématique, inclusif et institutionnalisé pour cadrer cette coopération.  Il a en particulier appuyé la proposition du Secrétaire général visant une nouvelle génération d’opérations de paix sur le continent.  Dirigées par l’UA et appuyées par l’ONU, celles-ci combineraient les forces respectives des deux organisations, en donnant la priorité aux solutions politiques. 

Ces analyses, qualifiées de « pertinentes », ont été appuyées par nombre de délégations, en premier lieu par les trois pays africains membres du Conseil.  Par la voix du Mozambique, les A3 ont repris à leur compte les appels du Secrétaire général et du Communiqué conjoint d’Addis-Abeba: il faut un accès d’urgence au Fonds des contributions statutaires de l’ONU pour les opérations d’appui à la paix de l’UA.

D’autres délégations, comme celles du Brésil ou de l’Albanie, ont appuyé cette demande.  Compte tenu que l’UA est un outil formidable, capable de mettre fin aux souffrances immenses endurées par les civils dans tout le continent, ses opérations de maintien de la paix doivent s’appuyer sur un financement prévisible, durable et flexible, a, de même, estimé la Suisse. 

Pour le représentant de la France aussi, il y a besoin d’approfondir cette coopération, dans le contexte où les efforts déployés par l’UA ont effectivement eu des résultats, en particulier au Soudan, en République démocratique du Congo ou pour lutter contre les Chabab en Somalie.  Pour cette raison, la délégation française est prête à soutenir l’adoption d’une résolution sur le financement durable des opérations africaines de paix. 

Le Royaume-Uni a indiqué son « impatience » à travailler à cette résolution-cadre, et la Fédération de Russie, pour qui le potentiel de coopération de l’ONU avec l’Union africaine n’a pas encore été pleinement exploité, s’est dite prête à réfléchir à un modèle de financement viable.  Malte a appelé à un consensus autour de la question, tandis que le Japon a dit soutenir « en principe » la création d’un tel mécanisme de financement, en partie et au cas par cas.  Sans se positionner, les États-Unis ont estimé que l’ONU et ses partenaires régionaux doivent travailler ensemble autour des priorités identifiées par le Secrétaire général dans son rapport. 

La Chine a, quant à elle, insisté sur la nécessité pour l’ONU de traiter d’égal à égal avec l’UA dans le respect et la compréhension mutuels.  Il n’y a pas de hiérarchie, et de ce fait, il ne faut pas imposer de règles à l’Union africaine, a-t-elle insisté. 

COOPÉRATION ENTRE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES ET LES ORGANISATIONS RÉGIONALES ET SOUS-RÉGIONALES AUX FINS DU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Union africaine (S/2023/629)

Déclarations

M. PARFAIT ONANGA-ANYANGA, Représentant spécial du Secrétaire général auprès de l’Union africaine et Chef du Bureau des Nations Unies auprès de l’Union africaine (UA), a commencé par remercier les membres du Conseil de sécurité qui ont visité la semaine dernière le siège de l’Union africaine à Addis-Abeba.  Vos échanges avec le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, ainsi que le communiqué final qui a sanctionné vos discussions démontrent de votre volonté de travailler ensemble pour résoudre les problèmes de paix et de sécurité du continent, dans un esprit de coopération, de respect mutuel et de solidarité, a-t-il dit.  Il a ensuite estimé que le partenariat stratégique ONU-UA repose sur le double principe de la complémentarité et des avantages relatifs, en tirant parti des forces de chaque organisation pour atteindre plus efficacement les objectifs communs de paix et de stabilité.  Il a mis l’accent sur la diplomatie préventive et la médiation.

Le Représentant spécial a également déclaré que le Conseil avait visité le continent au moment même où le continent est confronté à des crises liées à la logique de guerre, au terrorisme, aux coups d’État et aux effets des changements climatiques. Tout ceci risque de mettre à mal les maigres gains des années pré-COVID-19, alors même que les efforts de relance postpandémie peinent à produire les effets escomptés, laissant les pays africains dans un état de stress fiscal et d’endettement.  Ici apparaît, dans sa complexité, le lien entre développement, paix et sécurité, a-t-il fait observer; d’où, les injonctions du Secrétaire général visant à adopter une approche holistique aux efforts de prévention des conflits, en particulier en Afrique. 

M. Onanga-Anyanga s’est ensuite attardé sur les défis que connaît le continent, notamment les changements climatiques, l’enracinement des inégalités, les confits, les actes de terrorisme et d’extrémisme violent, les changements anticonstitutionnels de gouvernance ou les crises humanitaires et sécuritaires, comme au Soudan ou en République démocratique du Congo.  Pour cette raison, il faut des efforts renouvelés pour que la sécurité collective devienne plus efficace, conformément aux recommandations figurant dans la note politique du Secrétaire général, dans le Nouvel Agenda pour la paix de juillet 2023, a-t-il plaidé.  Il faut mettre l’accent sur les systèmes de prévention au niveau régional en améliorant la diplomatie préventive, tout en renforçant les opérations de paix.  Et en la matière, l’Union africaine a réalisé des efforts louables, a-t-il assuré.

Mais cette approche ne sera réussie et efficace que si elle est soutenue par des financements suffisants, souples, prévisibles et pérennes des opérations de paix pilotées par l’Union africaine, a poursuivi le Représentant spécial, appelant, une fois de plus, le Conseil de sécurité à réfléchir à cette question.  En donnant l’initiative à ces opérations africaines, le Conseil de sécurité, dans les faits, s’autonomisera lui-même, en renforçant ses fonctions telles que décrites dans l’Article 24 de la Charte des Nations Unies, a-t-il assuré.  Il a alors appelé le Conseil de sécurité à consulter des experts et expertes, avant que des décisions importantes ne soient prises.

Mme FATIMA KYARI MOHAMMED, Observatrice permanente de l’Union africaine auprès des Nations Unies, a exhorté à unir les efforts pour gérer les crises en cours et prévenir les conflits futurs.  Il faut approfondir le multilatéralisme, la solidarité et la coopération pour promouvoir la paix et la sécurité internationales, a-t-elle déclaré. Mme Mohammed a demandé plus d’équité, d’inclusivité et d’efficacité au sein du Conseil de sécurité face aux crises de longue date ou émergeantes.  L’Union africaine, a-t-elle ajouté, demeure extrêmement préoccupée par l’éclatement de conflits dans de nombreuses régions du monde y compris les changements anticonstitutionnels de gouvernement, le terrorisme, les changements climatiques et les défis socioéconomiques difficiles.

Depuis la signature du Cadre commun Organisation des Nations Unies (ONU)-Union africaine (UA) pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité en 2017, il faut renforcer et améliorer la collaboration dans la prévention des conflits, la gestion des crises et le renforcement de l’État, a poursuivi Mme Mohammed.  De la Libye au Sahel, en passant par la Corne de l’Afrique, l’Afrique centrale et les Grands Lacs, il faut empêcher que les parties au conflit se jouent de l’une ou de l’autre des deux organisations pour faire avancer leurs propres intérêts. L’Union africaine et l’ONU doivent restaurer la confiance et renforcer la transparence qui sont essentielles pour résoudre les conflits. 

L’Observatrice permanente a invité à mettre en commun les ressources des deux organisations en cette période de crise économique et à se débarrasser de la lourdeur administrative pour réagir rapidement et de manière décisive aux crises. Elle a donc appuyé la demande du Gouvernement fédéral somalien d’une pause technique dans le retrait de la Mission de l’Union africaine pendant trois mois et des ressources pour préserver les gains durement acquis en Somalie.  Elle a aussi prié le Conseil de sécurité d’adopter une résolution sur le financement des opérations de paix dirigées par l’UA par le biais du budget ordinaire de l’ONU. 

Mme Mohammed a encouragé à faire preuve d’innovation en matière de rétablissement de la paix.  Elle a ainsi estimé qu’alors que plusieurs missions de maintien de la paix de l’ONU se retirent, leurs moyens logistiques devraient être attribués aux mécanismes régionaux pour gérer les conflits à travers le continent.  La réaffectation de ces outils peut renforcer les efforts régionaux dans le règlement des conflits, a-t-elle ajouté. 

Mme Mohammed a également exhorté à s’attaquer à « la crise de l’État » sur le continent africain.  Il faut aider les États à devenir plus viables et capables de répondre aux besoins fondamentaux de leurs citoyens en matière de sécurité humaine, a estimé l’Observatrice permanente.  Les causes profondes des conflits découlent souvent de l’échec ou de l’incapacité d’assurer une gouvernance inclusive et la fourniture de biens et services essentiels. Par conséquent, il faut investir plus de temps, d’efforts et de ressources dans le renforcement de la résilience et des capacités des États et améliorer leur gouvernance et leur potentiel de développement.  Mme Mohammed a appelé les partenaires à adhérer à la Facilité africaine pour les transitions inclusives (AFSIT) visant à renforcer l’appui aux États qui traversent des transitions politiques difficiles. 

Enfin, Mme Mohammed a réitéré la détermination de l’Union africaine s’agissant de la réforme du Conseil de sécurité, afin d’assurer une meilleure représentation du continent africain, une plus grande inclusivité et une plus grande équité. 

M. SOLOMON AYELE DERSSO, Directeur de Amani Africa, a présenté ce groupe de réflexion panafricain sur la recherche, la formation et le conseil en politiques, qui travaille sur les processus politiques multilatéraux intéressant l’Afrique.  À ce titre, il constitue la principale source d’information et d’analyse sur les questions de l’UA en général et de son Conseil de paix et de sécurité en particulier, y compris le partenariat stratégique de l’UA avec l’ONU.  En ce moment historique, a poursuivi M. Dersso, approfondir ce partenariat n’est pas une question de choix mais bien une condition préalable à la réalisation des objectifs de paix, de sécurité et de développement de la Charte des Nations Unies.  Mais pour que la présence de l’ONU et de l’UA dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales en Afrique reste pertinente, il faut que ces organes conjuguent leurs avantages comparatifs et coordonnent systématiquement leurs actions dans tous les dossiers, a-t-il recommandé.  Il a renvoyé à cet égard au rapport du Secrétaire général « Notre Programme commun » et au fait que les organisations régionales « comblent une lacune critique dans notre architecture mondiale de paix et de sécurité ». 

Cependant, comme l’a souligné M. Dersso, l’état du partenariat entre les deux organisations est loin d’être suffisant pour que l’UA puisse combler efficacement cette « lacune critique ».  Il a regretté que les réponses aux conflits et nouvelles menaces adoptent une approche « ad hoc et au cas par cas » pour mettre en place des opérations d’appui à la paix.  Il a plutôt conseillé d’établir « un arrangement systématique et institutionnalisé » pour cadrer cette coopération, en prônant l’inclusion des outils de paix et de sécurité de l’UA dans la boîte à outils du système mondial de sécurité collective.  Il a appuyé par ailleurs la proposition du Secrétaire général tendant à ce que le Conseil innove avec « une nouvelle génération d’opérations de paix sur le continent africain dirigées par l’UA et appuyées par l’ONU », qui combineraient les forces respectives des deux organisations en donnant la priorité aux solutions politiques et qui maximiseraient l’impact des capacités en uniforme et civiles.  En outre, il a appuyé l’idée de changer d’approche concernant les contributions financières de l’ONU à ces opérations: on passerait de l’utilisation « exceptionnelle » des contributions de l’ONU pour les opérations d’appui à la paix de l’UA à une approche devant être « considérée de manière plus systématique ». 

Pour Amani, l’aggravation de la polarisation dans le monde, en particulier entre les grandes puissances, est l’une des principales raisons de la fracture croissante du système multilatéral.  L’UA, dont les États membres représentent 28% des Membres de l’ONU, dispose d’un « réservoir unique de potentiel » pour jouer un rôle de modération face à une telle polarisation, a-t-il estimé.  Il a conclu en recommandant d’exploiter ce rôle modérateur de l’UA, de même que la position de l’Afrique en tant qu’avenir du multilatéralisme, à travers le partenariat ONU-UA.

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a salué le rapprochement du Conseil de sécurité de l’ONU avec le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, soulignant que la complexité des crises en matière de sécurité en Afrique nécessite une amélioration de la coopération entre ces deux organes.  Sur ce point, le représentant a suggéré de trouver des solutions innovantes à un moment où le modèle dominant des opérations de maintien de la paix est sévèrement critiqué.  Le rôle croissant de l’UA et des organisations sous-régionales doit être soutenu de manière adéquate, a-t-il ajouté, assurant que le Brésil est prêt à s’engager activement dans les discussions sur la manière de garantir les ressources nécessaires aux opérations de paix dirigées par l’UA.  Ainsi a-t-il soutenu les accords qui maximisent l’expertise dont l’ONU et l’UA ont fait preuve dans plusieurs domaines.

Le rôle renforcé de l’UA ne devrait toutefois pas se traduire par un affaiblissement de la présence de l’ONU sur le terrain, a recommandé le représentant. « L’assistance fournie par les agences et bureaux régionaux des Nations Unies demeure en effet essentielle sur de nombreux fronts. »  Le délégué a notamment préconisé de renforcer le rôle de la Commission de consolidation de la paix dans la promotion de la prévention des conflits, de la médiation, du renforcement des capacités, du soutien électoral et de l’aide humanitaire. Ce rôle doit être accentué au Mali et en République démocratique du Congo dans la perspective du retrait de la MINUSMA et de la MONUSCO, a-t-il dit. 

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), a rappelé que c’est depuis l’adoption du Cadre commun ONU-Union africaine pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité, que les deux organisations ont développé un partenariat unique, fondé sur des objectifs partagés, le respect mutuel et l’appropriation africaine. Pour les A3, ce partenariat est devenu « un pilier du multilatéralisme moderne », a poursuivi le représentant, qui a souligné que c’est dans ce contexte que le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine et le Conseil de sécurité des Nations Unies viennent de conclure avec succès, à Addis-Abeba, leur dix-septième réunion consultative conjointe annuelle. 

Le représentant a salué le Communiqué conjoint d’Addis-Abeba, publié le 6 octobre 2023, qui réitère le rôle pivot des deux organisations dans le maintien de la paix et la sécurité en Afrique, fondé sur les principes de complémentarité, de subsidiarité et de partage du fardeau et des responsabilités face à la complexité des menaces et défis à la paix et la sécurité internationales.  Il a ensuite repris à son compte l’appel lancé dans le Communiqué conjoint en appui à celui du Secrétaire général pour donner un accès, d’urgence, au Fonds des contributions statutaires de l’ONU pour les opérations d’appui à la paix de l’Union africaine dans la recherche du maintien de la paix et la sécurité régionales et continentales. 

Les A3 ont reçu pour mission de l’Union africaine de discuter avec les États Membres de l’ONU et du Conseil de sécurité de la question du financement des opérations de paix de l’UA, a rappelé le représentant.  Une violation de la paix, où qu’elle ait lieu, est une menace pour la paix mondiale, a-t-il insisté.  Partant, la proposition du Secrétaire général est pertinente, a-t-il réitéré, soulignant que le dialogue ONU-UA couvre une multitude de questions clefs pour la paix et la sécurité mondiales.  La paix et la sécurité constituent un bien mondial qui ne saurait être bilatéralisé ou fragmenté, ni être autonome dans l’un ou l’autre coin du monde, a insisté le représentant.  Réitérant également le principe des solutions africaines aux problèmes africains, il a appuyé la réforme du Conseil de sécurité, en souffrance depuis longue date. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a déclaré que le traitement des causes profondes des conflits va de pair avec la nécessité d’un développement durable, guidé par le Programme 2030 et l’Agenda 2063 de l’Union africaine.  Il a estimé que la coopération de l’ONU avec l’Union africaine et avec les organisations régionales peut jouer un rôle essentiel dans la prévention des conflits.  Le soutien continu de l’ONU à l’initiative Faire taire les armes reste crucial pour renforcer les efforts de médiation et de désarmement, ainsi que pour appuyer l’autonomisation des femmes et des jeunes et l’éducation à la paix.  Le délégué a énuméré des exemples positifs obtenus avec l’appui de l’ONU, notamment l’accord de 2022 pour la cessation permanente des hostilités en Éthiopie, la poursuite de l’engagement avec la Somalie en matière de consolidation de la paix et d’édification de l’État, la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région, ainsi que des processus de Nairobi et de Luanda.  Il a également souligné les progrès accomplis pour assurer des ressources prévisibles, durables et flexibles aux opérations de soutien de la paix dirigées par l’UA, notamment par l’intermédiaire du Fonds pour la paix. L’UA est un outil formidable, capable de mettre fin aux souffrances immenses endurées par les civils dans tout le continent, a-t-il affirmé.

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a estimé que les approches conjointes de l’ONU et de l’Union africaine (UA) dans la médiation et l’identification précoce des conflits sont indispensables.  C’est pourquoi il a soutenu le Cadre commun ONU-Union africaine pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité, qui mobilise la collaboration dès les premiers signes d’un conflit potentiel. 

Le délégué a salué que le Conseil de sécurité et le Conseil de paix et de sécurité aient mené, la semaine passée, pour la première fois, un débat sur le rôle des jeunes en faveur de la paix et la sécurité.  Les deux Conseils doivent continuer à faciliter la mise en œuvre du programme relatif aux jeunes et à la paix et à la sécurité, a-t-il déclaré. Il a évoqué les échanges qu’il a eus à Addis-Abeba avec deux jeunes activistes éthiopiennes qui organisent des conférences afin de rapprocher l’UA des jeunes.  Elles ont fait prendre conscience que la jeunesse africaine est le véritable moteur du développement du continent, a-t-il affirmé. 

Par ailleurs, le délégué a estimé que pour remplir leurs mandats, les opérations de maintien de la paix doivent s’appuyer sur un financement prévisible, durable et flexible. Cela vaut également pour les missions régionales autorisées par ce Conseil, a-t-il ajouté, notant en outre que le rôle de l’UA dans la gestion des défis actuels et émergents du continent en matière de sécurité est essentiel.  Il a ensuite salué l’initiative des A3 en faveur d’une décision du Conseil visant un financement des opérations de paix menées par l’Afrique. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a estimé que « nous sommes collectivement plus forts et plus pertinents lorsque nous capitalisons sur la valeur ajoutée de nos deux organisations ».  Il a donné comme exemples les efforts déployés par l’UA au Soudan afin de contribuer à la résolution du conflit ; la tenue de la réunion quadripartite sur la coordination des différentes initiatives régionales concernant la RDC ; ou encore la coopération entre l’UA et l’ONU en Somalie pour lutter contre les Chabab.  Il a recommandé d’approfondir cette coopération en matière de prévention des conflits, indiquant au passage que la France a été attentive aux décisions prises par l’UA en réponse aux changements anticonstitutionnels de gouvernement intervenus récemment.  « Le Sommet de l’UA à Malabo en mai 2022 a marqué la ferme désapprobation des chefs d’État africains face à ces initiatives qui menacent la paix et la sécurité du continent. » 

Le délégué a soulevé l’enjeu du sous-financement des économies africaines, notamment pour faire face aux changements climatiques.  Il a fait valoir la forte implication de la France dans ce domaine, en parlant du Sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial tenu en juin dernier.  Il s’est félicité des progrès réalisés pour placer, auprès d’organisations régionales, des experts climat et sécurité qui renforcent les capacités d’alerte précoce dans les zones à risque.  Il a aussi soutenu l’adoption d’une résolution sur le financement durable des opérations africaines de paix, confirmant son soutien au principe d’un financement sur contributions obligatoires.  « La France est donc prête à s’engager, dès à présent, avec les pays africains dans la négociation d’un texte », a-t-il déclaré en y voyant une occasion d’affirmer la valeur ajoutée des opérations africaines de paix conduites par les soldats africains et de renforcer l’appropriation de ces opérations par le continent au travers d’une contribution financière.  Enfin, le délégué a salué le travail « considérable » accompli par l’UA au cours des derniers mois, qui a notamment permis d’adopter le cadre de conformité en matière de droits de l’homme, avec le soutien de l’ONU et grâce aux financements de l’Union européenne. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a souligné qu’une coordination fructueuse entre l’UA, l’ONU, les organisations sous-régionales et les partenaires internationaux est essentielle pour mettre fin aux conflits et promouvoir la stabilité. C’est en ce sens que le Royaume-Uni soutient depuis longtemps une représentation africaine permanente au Conseil de sécurité, et « c’est pourquoi nous sommes impatients de travailler ensemble à une résolution-cadre sur le financement par l’ONU des missions dirigées par l’UA », a-t-elle ajouté.  La déléguée a réitéré la préoccupation de son pays quant au risque de propagation du terrorisme au Sahel et aux États côtiers d’Afrique de l’Ouest.  Elle s’est ainsi posée en soutien résolu aux efforts visant à résoudre ce problème, en particulier ceux menés au niveau régional dans le cadre de « ce véritable forum sécuritaire qu’est l’Initiative d’Accra ». 

Par ailleurs, la représentante a attiré l’attention sur le fait que la collaboration ONU-UA est nécessaire pour relever les défis humanitaires sur le continent, en premier lieu l’insécurité alimentaire, sachant que plus de 160 millions de personnes en Afrique se trouvent dans une situation de vulnérabilité extrême.  Elle a annoncé que, le mois prochain, le Royaume-Uni s’associe à la Somalie et aux Émirats arabes unis pour organiser un sommet mondial sur la sécurité alimentaire, qui réunira des experts internationaux en vue de galvaniser l’action visant à prévenir l’insécurité alimentaire, la malnutrition et, tout simplement, sauver des vies. 

M. ZHANG JUN (Chine) a déclaré que les récentes adhésions de l’Union africaine au G20 et de l’Éthiopie et de l’Égypte au groupe des BRICS démontrent la montée en puissance du continent au plan mondial.  Cela implique dès lors que des partenariats solides, d’égal à égal, avec un respect et une compréhension mutuels soient développés avec l’Union africaine et ses États membres.  Et à la lumière des défis mondiaux, le Conseil de sécurité devrait continuer de renforcer cette coopération.  Par exemple, les missions de paix de l’ONU devraient être informées des pratiques utiles de l’Union africaine, a-t-il dit.  Le représentant a également déclaré que l’ONU et l’UA sont deux organisations au même pied d’égalité.  Il n’y a pas de hiérarchie, et de ce fait, il ne faut pas imposer de règles à l’Union africaine, a-t-il souligné.

Poursuivant, le représentant a appelé à mettre un terme à l’ingérence dans les affaires intérieures. Certains pays industrialisés devraient également assumer leur responsabilité afin de rembourser leurs dettes historiques, au lieu de faire porter le chapeau à d’autres ou de rester les bras ballants, a-t-il dit.  Il a ainsi appelé à répondre favorablement aux demandes de l’UA pour le financement de ses missions de paix et du développement.  En ce qui la concerne, la Chine est active aux cotés de ses partenaires africains, sur un pied d’égalité, a dit le représentant, citant des projets à caractère économique et social lancés au Nigéria, en République démocratique du Congo, au Ghana, à Djibouti et en Éthiopie. 

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a estimé que le potentiel de coopération de l’ONU avec l’Union africaine n’avait pas encore été pleinement exploité et a soutenu la volonté de l’Union africaine d’établir un dialogue plus concret en ce qui concerne les problèmes du continent.  Notant que la situation dans de nombreuses régions d’Afrique demeure très instable, la représentante a estimé que la situation était aggravée par les mesures coercitives unilatérales illégales visant plusieurs États africains et leurs populations.  Elle a salué l’accord de cessez-le-feu dans le nord de l’Éthiopie et s’est félicitée de la coopération entre l’ONU et l’Union africaine en Somalie. Elle a déploré que la Libye ne fasse pas l’objet de davantage de considération. 

S’agissant du financement des opérations de paix de l’Union africaine, la Fédération de Russie est prête à réfléchir à un modèle de financement viable dans le cadre d’une résolution du Conseil de sécurité.  La représentante a également plaidé pour des solutions politiques africaines aux problèmes africains, notamment par le biais des organisations régionales africaines.  Elle a ajouté que seule l’indépendance en matière de ressources des États africains permettra aux pays africains de véritablement avoir suffisamment de marge de manœuvre pour trouver des solutions politiques.  L’Afrique doit surmonter les conséquences du passé colonial et du néocolonialisme, a-t-elle ajouté. 

La Russie, a assuré la représentante, a toujours soutenu les efforts africains en matière de maintien de la paix sur le continent sur une base bilatérale.  Elle a réaffirmé la disposition de son gouvernement à poursuivre une coopération d’égal à égal avec ses partenaires africains, l’objectif étant de renforcer leur potentiel. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a estimé que la coopération ONU-UA doit aller au-delà du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies.  Elle reste indispensable pour l’appui aux trois piliers fondamentaux de l’ONU, a-t-il ajouté.  Il a témoigné qu’à l’occasion de la mission récente du Conseil de sécurité à Addis-Abeba, il avait pu se rendre compte que le Conseil de sécurité et celui pour la paix et la sécurité le Conseil de paix et de sécurité avaient renforcé leur alliance stratégique face aux défis en Afrique.  Ces deux organes déploient des efforts soutenus pour améliorer leur coordination et l’échanges d’information pour parvenir aux buts communs, a-t-il constaté. 

Le représentant a mis l’accent par ailleurs sur l’importance de la mise en œuvre du Cadre continental de la jeunesse, la paix et la sécurité de l’Union africaine.  Il a salué à cet égard la nomination d’une envoyée de la jeunesse et de cinq jeunes ambassadeurs de la paix (un pour chaque région du continent) ainsi que le programme jeunesse pour la paix en Afrique.  Le représentant a également salué l’institutionnalisation de la participation des jeunes dans les processus de prise de décisions de l’UA par le truchement d’un conseil consultatif jouissant d’un budget et d’un mandat définis. Il a encouragé à la diffusion de ce genre de bonnes pratiques dans le souci de transversaliser l’agenda « jeunesse, paix et sécurité » partout dans le monde.

M. JOHN KELLEY (États-Unis) a dit faire la recommandation du Secrétaire général de l’ONU en faveur d’une évolution des institutions financières internationales afin qu’elles soient en mesure de contribuer réellement à l’éradication de la pauvreté et à la promotion de la prospérité partagée en Afrique.  Le Président Biden a fait beaucoup pour accroître les ressources des pays en développement afin qu’ils puissent réaliser les objectifs de développement durable dans le contexte des changements climatiques, a ajouté le représentant.

Pour les États-Unis, l’ONU et ses partenaires régionaux, à commencer par l’Union africaine, doivent travailler ensemble autour des priorités identifiées par le Secrétaire général dans son rapport, et ce, dans le cadre d’une coopération inclusive accrue.  Le représentant a assuré que les États-Unis souhaitent de travailler de concert avec les dirigeants locaux, la société civile et les communautés locales pour renforcer les institutions démocratiques en Afrique et aider à y restaurer, le cas échéant, comme au Niger, l’état de droit.

Concernant la situation au Mali, le représentant a rappelé la responsabilité qu’a le Gouvernement malien de se coordonner avec l’ONU pour assurer un retrait souple de la MINUSMA, et éviter que des armes légères et de petit calibre ne finissent entre les mains d’acteurs non étatiques.  Au Soudan, l’accès humanitaire aux populations dans le besoin doit être assuré et sans entrave, a-t-il aussi dit, appelant les autorités en place à coopérer de près avec l’ONU et l’Union africaine à cette fin.  Enfin, le représentant a souligné la nécessité que les opérations de l’Union africaine dont le déploiement est autorisé par l’ONU puissent s’appuyer sur un financement prévisible.

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a rappelé que les deux organisations ont approfondi leur collaboration en vue d’un retour rapide à la gouvernance constitutionnelle dans les échéances fixées par la CEDEAO.  Elle a salué les activités de l’UA sur la mise en œuvre du programme pour les femmes et la paix et la sécurité en Afrique, notant que les missions de solidarité des dirigeantes africaines de la région des Grands Lacs « dans le contexte du Soudan », ainsi que la création d’une « salle de situation des femmes » pour surveiller la participation politique des femmes aux élections au Kenya, sont des exemples pertinents de solidarité interrégionale. Elle a également appuyé la Plateforme africaine pour les enfants touchés par les conflits armés, se félicitant en outre de l’élaboration d’un programme de protection de l’enfance au sein du Département de la paix et de la sécurité de l’UA, avec l’appui de l’ONU. 

S’agissant du Plan stratégique triennal pour l’intégration de la protection de l’enfance, elle a dit attendre avec intérêt la mise en œuvre de la politique sur la protection de l’enfance dans les opérations de soutien de la paix dirigées par l’UA, ainsi que celle sur l’intégration de la protection de l’enfance dans l’architecture africaine de paix et de sécurité.  La représentante a ensuite encouragé à forger un consensus autour de la question du financement prévisible, durable et flexible des opérations de soutien à la paix de l’UA.

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a appelé à faire fond sur les succès engrangés par les organisations régionales ces 20 dernières années en particulier la volonté politique africaine de régler les conflits par le biais de la diplomatie et celle de l’Union africaine d’assumer un rôle plus important au niveau régional.  Les points de vue et les voies régionales sont fondamentaux pour maintenir la paix et la sécurité internationales.  Le représentant a pris l’exemple de la Somalie pour illustrer son propos, saluant la poursuite du dialogue avec le Gouvernement fédéral.  Il a ensuite plaidé pour le renforcement de la coopération entre le Conseil de sécurité et le Conseil de paix et de sécurité de l’UA à travers un dialogue permanent sur des questions de sécurité et thématiques. Les organisations sous-régionales sont aussi de véritables partenaires, notamment en matière de partage d’informations et d’évaluation.  Le Conseil de sécurité devrait renforcer le financement des opérations de paix de l’UA, a exhorté le représentant qui a également invité les deux Conseils à travailler ensemble pour promouvoir les valeurs de tolérance et de coexistence pacifique.

Mme SHINO MITSUKO (Japon) a rappelé que les dossiers africains pèsent lourd dans les travaux du Conseil de sécurité.  L’adoption rapide du Communiqué conjoint entre le Conseil de sécurité des Nations Unies et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine suite à la consultation annuelle conjointe des deux organes est une illustration de notre compréhension commune d’un même ensemble d’objectifs, a-t-elle estimé.

La demande d’un partenariat solide entre l’ONU et l’Union africaine (UA) ne cesse de croître afin de relever plus efficacement les défis de l’Afrique, avec une coordination étroite entre les deux organes ainsi que l’accent mis sur les efforts de prévention, comme le propose le Nouvel Agenda pour la paix, a également noté la représentante.  Elle s’est félicitée des contacts techniques réguliers entre les deux secrétariats sur les dossiers nationaux et thématiques, y compris un exercice d’analyse de l’horizon pour la prévention des conflits.

La représentante a rappelé que son pays avait, lors de la réunion d’Addis-Abeba, souligné l’importance d’un financement prévisible, durable et souple des opération de paix menées par l’Union africaine grâce à des contributions de l’Union africaine et des Nations Unies.  Le Japon soutient en principe la création d’un mécanisme par lequel de telles opérations autorisées par le Conseil de sécurité en vertu du Chapitre VIII de la Charte pourraient être en partie financées par des contributions de l’ONU, au cas par cas, a affirmé la représentante, qui a ajouté que son pays reste déterminé à poursuivre les consultations avec toutes les parties prenantes à cet égard.

L’Afrique continue de souffrir de crises de sécurité humaine causées par de multiples facteurs, a encore déclaré la représentante, qui a rappelé que le Japon joue son rôle en soutenant les efforts internationaux et régionaux en faveur de la paix et de la sécurité.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Clôturant un débat général avec des interventions sur le Sahara occidental ou les îles Falklands (Malvinas), la Quatrième Commission adopte plusieurs résolutions

Soixante-dix-huitième session,
9e séance – matin
CPSD/782

Clôturant un débat général avec des interventions sur le Sahara occidental ou les îles Falklands (Malvinas), la Quatrième Commission adopte plusieurs résolutions

Dernières délégations à s’être exprimées dans le cadre du débat général sur la décolonisation de la Quatrième Commission (chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation), le Maroc et l’Algérie ont présenté, ce matin, des visions diamétralement opposées de la nature comme du destin du Sahara occidental, inscrit depuis 1963 sur la liste des territoires non autonomes du Comité spécial de la décolonisation.  La Commission a également adopté une série de résolutions concernant l’ensemble des points à son ordre du jour relatifs à la décolonisation. 

Le Maroc a rappelé que c’est lui qui a demandé, il y a 60 ans, l’inscription de la question du « Sahara espagnol » à l’ordre du jour du Comité spécial de la décolonisation, afin de « récupérer » ses provinces sahariennes.  À l’ONU, l’histoire aurait pu s’arrêter en 1975, lors de la Marche verte et de la signature des accords de Madrid, entérinés la même année par l’Assemblée générale, si ce n’était l’adversité de l’Algérie qui a créé, financé et hébergé le groupe séparatiste POLISARIO.  Il a accusé son voisin de persister sur cette voie en présentant une « avalanche de falsifications » historiques et de distorsions du droit international. 

L’Algérie a rejeté ces accusations, en rappelant que le Sahara occidental, « dernière colonie d’Afrique » est en fait un territoire et une population qui ont été cyniquement dépecés et partagés en 1976 par deux pays voisins, le Maroc et la Mauritanie.  Après le retrait volontaire de cette dernière, trois ans plus tard, le Maroc a occupé la quasi-totalité du territoire, comme un fait accompli.  L’Algérie a noté que l’histoire récente du Sahara occidental n’est qu’une succession de faits accomplis, d’engagements marocains formels suivis de reniements à répétition de la parole donnée, faisant référence aux changements de position de la « puissance occupante ». Dans un premier temps, le Maroc était pour un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui pour en arriver aujourd’hui à ne même plus vouloir en entendre parler. 

Le Maroc l’a d’ailleurs confirmé quand il a martelé aujourd’hui que le référendum d’autodétermination du peuple sahraoui est « mort et enterré »: « le Sahara marocain est définitivement et de façon irréversible ancré dans son Maroc, et le Maroc définitivement enraciné dans son Sahara ».  La question de la décolonisation est désormais « close », conformément aux résolutions du Conseil de sécurité, celles-là même qui recommandent une solution politique durable et mutuellement acceptable pour le règlement de ce conflit « artificiel ».  Le Maroc a reproché à l’Algérie d’ignorer ces résolutions, depuis que le Secrétaire général a, en 2001, déclaré l’inapplicabilité du plan de règlement au Sahara et « l’obsolescence » d’un référendum d’autodétermination. 

L’Algérie a opposé à ces propos son attachement indéfectible au droit à l’autodétermination des peuples, arguant que la raison pour laquelle la « puissance occupante » ne veut plus entendre parler de ce référendum, c’est que, même après un demi-siècle « d’occupation », le Maroc n’a toujours pas été en mesure de gagner le cœur du peuple sahraoui, qui reste attaché à son droit à l’émancipation.  Au lieu de cela, la « puissance occupante » propose magnanimement l’octroi d’une autonomie limitée sous souveraineté marocaine.  Personne n’y croit, et surtout pas le peuple sahraoui ». 

La Commission a ensuite entériné 21 projets de résolution portant sur l’ensemble des points de son programme relatif à la décolonisation.  Les délégations ont d’abord adopté, par 135 voix pour, 2 voix contre (États-Unis et Israël) et 2 abstentions (France, Royaume-Uni), un projet de texte portant sur les renseignements relatifs aux territoires non autonomes, par lequel l’Assemblée générale prierait les puissances administrantes de respecter les obligations qui leur incombent s’agissant de chaque territoire figurant à l’ordre du jour du Comité spécial de la décolonisation. 

Par le projet de résolution II sur les activités économiques et autres préjudiciables aux intérêts des peuples des territoires non autonomes, adopté par une proportion identique, l’Assemblée générale réaffirmerait qu’il incombe aux puissances administrantes d’assurer le progrès politique, économique et social des peuples des territoires non autonomes, de même que leurs droits légitimes sur leurs ressources naturelles. 

Les États-Unis, Puissance administrante, se sont opposés à ces projets de résolution au motif qu’ils accordent une importance disproportionnée à l’indépendance en tant que seule avenue pour les territoires non autonomes, aux dépens du principe de libre association.  En outre, la délégation a jugé « simpliste » la notion voulant qu’une présence militaire nuise nécessairement à un territoire. 

Autre Puissance administrante, le Royaume-Uni a fait valoir que la question de savoir si un territoire non autonome atteint ou non un niveau d’autonomie suffisant incombe au Gouvernement du territoire et à la Puissance administrante concernés, et non à l’Assemblée générale. 

La Commission poursuivra ses travaux demain, le jeudi 12 octobre 2023, à compter de 10 heures.  

DÉBAT GÉNÉRAL PORTANT SUR LES POINTS RELATIFS À LA DÉCOLONISATION (SUITE ET FIN) 

Déclarations 

M. KADIM OUSSEIN (Comores) a souligné que la décolonisation est un principe sacro-saint qui repose sur l’idée fondamentale que tous les peuples ont le droit à la liberté, à l’indépendance et à l’autodétermination.  Toutefois il faut également respecter le principe d’intégrité territoriale dans ce contexte tout en garantissant les droits fondamentaux d’un peuple, a‑t‑il fait valoir, en appelant à veiller à ce que ce principe ne soit pas détourné.  Sur le Sahara occidental, il a soutenu les efforts de l’Envoyé personnel du Secrétaire général, M. Staffan de Mistura, saluant ses récentes visites dans la région avant d’apporter le plein soutien des Comores au format des tables rondes, avec la participation des parties prenantes, à savoir le Maroc, l’Algérie, le Front POLISARIO et la Mauritanie.  Le représentant a réaffirmé le soutien de son pays à l’initiative marocaine d’autonomie et précisé que son pays a d’ores et déjà ouvert un consulat à Laayoune.  La stabilité de la région est primordiale, a‑t‑il martelé, avant de s’inquiéter des conditions de vie dans les camps de Tindouf et de demander un recensement de leur population sous supervision internationale.  Il a conclu en lançant un appel à une solution durable à ce conflit au nom de la stabilité et de la paix, « qui ont un prix ».   

M. ZÉNON MUKONGO NGAY (République démocratique du Congo) a réaffirmé son soutien au processus politique visant à parvenir à une solution politique, réaliste et durable au différend régional sur le Sahara marocain, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité depuis 2007.  Il s’est félicité de la tenue de deux tables rondes à Genève, avec la participation de l’Algérie, du Maroc, de la Mauritanie et du Front POLISARIO, qu’il a encouragés à faire preuve de réalisme et à adopter un esprit de compromis afin de favoriser le succès du processus politique.  Le représentant a salué à cet égard les efforts du Secrétaire général et de son Envoyé personnel pour faciliter les négociations en vue de parvenir à un règlement de la question.  Selon lui, les parties devraient reprendre les négociations sans conditions préalables et de bonne foi, en tenant compte des faits nouveaux survenus depuis 2006.  Le délégué s’est félicité du développement socioéconomique du Sahara marocain grâce aux investissements et aux projets réalisés dans le cadre du nouveau modèle de développement, lancé par le Maroc en 2015.  À ses yeux, une solution politique à ce différend de longue date et une coopération renforcée entre les États membres de l’Union du Maghreb arabe contribueraient à la stabilité et à la sécurité dans la région du Sahel.   

Mme LIA BERTHIANA BOUANGA AYOUNE (Gabon) a fait valoir que le processus d’autonomisation des peuples doit aller de pair avec la libération de leur territoire.  S’agissant du Sahara, elle a salué les efforts déployés par l’Envoyé personnel du Secrétaire général et les visites qu’il a effectuées l’an dernier au Maroc, en Algérie et en Mauritanie.  Elle y a vu un élan diplomatique encourageant en vue de la reprise des tables rondes regroupant l’ensemble des parties prenantes.  La déléguée a exhorté ces pays à s’engager en faveur de ce processus dans un esprit de compromis en vue de parvenir à une solution politique au différend régional, tel que recommandé par le Conseil de sécurité.  À cette fin, elle a réitéré son appui à l’initiative marocaine d’autonomie, susceptible selon elle de mener à une solution politique acceptable, ainsi qu’au nouveau modèle de développement lancé en 2015.  La déléguée s’est dite encouragée par la dynamique positive sur le terrain, avec la participation des représentants du Sahara aux séminaires régionaux du Comité spécial de la décolonisation.   

M. GLENTIS THOMAS (Antigua-et-Barbuda) a expliqué que son pays est un État indépendant relativement jeune.  Il a été d’avis que les Îles Vierges britanniques ont la capacité de s’autogérer et de gérer leur économie depuis de nombreuses années avec le soutien de leur Puissance administrante.  Il a fait sien l’appel lancé par les chefs de gouvernement de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) lors de leur quarante-cinquième sommet ordinaire en juillet 2023: « Le colonialisme n’a pas sa place dans la gouvernance démocratique moderne des Caraïbes et nous encourageons toutes les parties concernées à convenir d’une voie claire et responsable pour que le peuple des Îles Vierges britanniques parvienne à l’autonomie conformément aux options approuvées par l’ONU dont disposent les territoires non autonomes en vertu du droit international. »  Antigua-et-Barbuda reste un partenaire du Royaume-Uni, a souligné le délégué, et reconnaît les efforts importants déployés par ce dernier en partenariat avec le gouvernement élu des Îles Vierges britanniques pour renforcer les institutions et systèmes de gouvernement dans le territoire afin de l’aider à se mettre en position d’atteindre un degré complet d’autonomie.  Néanmoins le représentant a tenu à souligner le droit inaliénable du peuple des Îles Vierges britanniques à l’autodétermination, inscrit dans la Charte des Nations Unies. 

S’agissant du Sahara occidental, il a appelé au dialogue entre les parties avant de soutenir l’initiative d’autonomie proposée par le Maroc qui constitue, selon le représentant, la solution de compromis à ce différend régional et est conforme au droit international, à la Charte des Nations Unies et aux résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale.   

M. AMAR BENDJAMA (Algérie) a déclaré que le Sahara occidental demeure la dernière colonie en Afrique, son territoire et sa population ayant été cyniquement dépecés et partagés en 1976 par deux pays voisins, le Maroc et la Mauritanie.  Son histoire récente est une succession de faits accomplis, d’engagements marocains formels suivis de reniements à répétition de la parole donnée, a-t-il accusé.  En effet, le Maroc s’est engagé, à plusieurs reprises, et au plus haut niveau, à permettre la consultation du peuple du Sahara occidental dans le cadre d’un référendum d’autodétermination, a-t-il rappelé.  Le délégué a également indiqué que le plan de règlement adopté par le Conseil de sécurité, et qui prévoyait le déploiement de la MINURSO, a été accepté par les deux parties - le Maroc et le Front POLISARIO.  

  Enfermé dans le déni de l’historique de la question du Sahara occidental, le Maroc ne veut plus entendre, ni prononcer les termes d’autodétermination, de référendum, de consultation démocratique, d’observation onusienne des droits de l’homme, a affirmé le délégué.  Au lieu de quoi la « puissance occupante » propose magnanimement l’octroi d’une autonomie limitée sous souveraineté marocaine.  « Personne n’y croit.  Et surtout pas le peuple sahraoui », a-t-il tranché, avant de poser la question de savoir pourquoi le Maroc refuse la consultation libre du peuple du Sahara occidental sur son avenir.  Pour le délégué, il est clair que cela s’explique par le fait que, malgré un demi-siècle d’occupation, le Maroc n’a pas été en mesure de gagner le cœur des Sahraouis, qui restent attachés à leur droit imprescriptible à l’émancipation.  

  Le délégué a également reproché à la partie marocaine de ne plus parler désormais que du « Sahara marocain ».  Mais la communauté internationale ne laissera pas faire, a-t-il prévenu, et elle s’appuiera à la fois sur le dernier rapport du Secrétaire général, qui affirme que « le Conseil de sécurité examine le Sahara occidental comme une question de paix et de sécurité, appelant à une solution juste, durable et mutuellement acceptable qui assurera l’autodétermination du peuple du Sahara occidental.  La Quatrième Commission de l’Assemblé générale et le Comité spécial de la décolonisation l’abordent comme une question de décolonisation ».  Le représentant a également invoqué l’avis consultatif rendu par la Cour internationale de Justice (CIJ) en 1975, cette dernière ayant déclaré ne pas avoir « trouvé de lien juridique de nature à affecter l’application de la résolution 1514 sur la décolonisation du Sahara occidental et en particulier du principe de l’autodétermination par l’expression libre et authentique de la volonté du peuple du territoire ».    

En guise de conclusion, le représentant a demandé à la Quatrième Commission de rester vigilante face ces manœuvres du Maroc et de faire en sorte que justice soit enfin rendue au peuple du Sahara occidental. 

M. OMAR HILALE (Maroc) a rappelé qu’il y a 60 ans, son pays a demandé l’inscription de la question du Sahara espagnol à l’ordre du jour du Comité spécial de la décolonisation afin de récupérer ses provinces sahariennes.  Selon lui, la décolonisation de ce territoire s’est définitivement achevée en 1975 lors de la Marche verte et de l’Accord de Madrid, entériné la même année par l’Assemblée générale.  L’histoire onusienne du Sahara marocain aurait pu s’arrêter là, si ce n’était l’adversité de l’Algérie qui a créé, financé et hébergé le groupe séparatiste Front POLISARIO.  Ce pays voisin persiste sur cette voie en présentant selon lui une « avalanche de falsifications de l’histoire » et de distorsions du droit international.  Depuis près d’un demi-siècle, l’Algérie ressasse les « sept mensonges fondateurs » du programme séparatiste de ce pays au Sahara marocain, à commencer par sa défense du droit à l’autodétermination, véritable « paravent » destiné à assurer la réalisation de ses visées hégémoniques.  Pourtant, Alger ne s’est jamais prononcé sur les autres questions de décolonisation portées devant la Commission, et a même proclamé une république fantoche, une pratique contraire à l’autodétermination.  L’Algérie, a-t-il ajouté, s’est intéressée aux résolutions du Conseil de sécurité jusqu’en 2001, lorsque que le Secrétaire général a déclaré l’inapplicabilité du plan de règlement et ainsi, l’obsolescence du référendum.   

Depuis 2002, a poursuivi le représentant, Alger ignore les résolutions du Conseil de sécurité pour la seule raison qu’il recommande désormais une solution politique durable et mutuellement acceptable pour le règlement de ce différend.  Qui plus est, ce pays prétend être un simple observateur sur la question du Sahara, mais malgré ses dénégations, il constitue la partie principale à ce différend régional depuis son déclenchement.  Le représentant a rejeté toute notion « d’occupation » du Sahara marocain, qui ne s’applique selon lui qu’aux États existants dans le cadre d’un conflit armé international.  « Or, le Sahara n’a jamais été un État et ne le sera jamais », il a toujours fait partie intégrante du Maroc en vertu des liens juridiques d’allégeance de ses populations au Sultan marocain, tel que reconnu par la Cour internationale de Justice (CIJ) dans son avis consultatif.  Qui plus est, le référendum est selon lui « mort et enterré ».  L’Algérie n’est pas le pays hôte des camps de réfugiés de Tindouf, mais bien le « geôlier » des populations qui s’y trouvent, a fait valoir le représentant, et qui dépendent de l’aide humanitaire internationale.   

Par ailleurs, le représentant a réaffirmé le soutien ferme de son pays à l’intégrité territoriale des Émirats arabes unis et sa souveraineté sur les îles de la Grande-Tounb, de la Petite-Tounb et d’Abou Moussa, de même que son rejet de leur occupation par l’Iran.   

Droits de réponse 

Le représentant de l’Algérie a relevé que le Maroc a cité plus de 40 fois le nom de son pays lors de son intervention, sans prononcer une seule fois celui de « Sahara occidental », qui figure pourtant à l’ordre du jour de la Commission, une performance qui devrait selon lui figurer au « palmarès de la mauvaise foi ».  Pour sa part, l’Algérie n’a pas parlé du Maroc mais de la situation humanitaire au Sahara occidental, dont le peuple attend toujours de pouvoir exercer son droit à l’autodétermination.  Pendant ce temps le Maroc déverse diverses drogues sur le territoire algérien et espionne son voisin à l’aide du logiciel Pegasus, a accusé la délégation.  La question du Sahara occidental doit demeurer une affaire de décolonisation d’un territoire occupé illégalement par le Maroc, a‑t‑il conclu.   

En réponse, le Maroc s’est dit déçu que l’Algérie n’ait pas parlé des mythes qu’elle a construits sur une prétendue question de décolonisation et du non-enregistrement par le CICR de la population des camps de réfugiés situés dans ce pays.  Le Sahara marocain est définitivement et de façon irréversible « ancrée dans son Maroc, et le Maroc est définitivement enraciné dans son Sahara ».  La question de la décolonisation, a insisté son représentant, est donc close, dans le respect des résolutions du Conseil de sécurité et de la Charte des Nations Unies.  Le Maroc sera toujours là pour exposer devant l’ONU la responsabilité de l’Algérie dans la poursuite de ce conflit « artificiel », a ajouté la délégation.   

L’Iran a réagi aux propos du Maroc sur les îles de la Grande-Tounb, de la Petite-Tounb et d’Abou Moussa, en les qualifiant de « sans fondement ».  Il s’agit aux yeux de la délégation d’une ingérence flagrante dans les affaires internes de l’Iran, qui a réaffirmé sa souveraineté sur ces trois îles.   

Le Royaume-Uni a répondu à l’Argentine pour réaffirmer n’avoir aucun doute quant à sa souveraineté sur les Îles Falkland, affirmant soutenir le droit à l’autodétermination de leurs habitants. 

L’Algérie a dénoncé le scandale qui a éclaté à Bruxelles et aurait démontré la corruption de membres du Parlement européen par des diplomates marocains.  Pourquoi corruption?  À cause du Sahara occidental, a tranché la délégation.  Elle a regretté que le représentant du Maroc ait « osé » qualifier les juges de la Cour internationale de Justice de « déviation ».  La CIJ est un organe principal des Nations Unies, qui n’a pas trouvé de lien juridique de nature à affecter l’application de la résolution 1514 sur la décolonisation du Sahara occidental et en particulier du principe d’autodétermination, a insisté la délégation.   

Les Émirats arabes unis ont réagi aux allégations infondées du représentant de l’Iran, qui continue de nier les faits établis par l’histoire, à savoir que les îles de la Grande-Tounb, de la Petite-Tounb et d’Abou Moussa dans le golfe Persique font partie intégrante des Émirats arabes unis.  La délégation a invité ce pays à répondre aux efforts sincères de son pays pour aboutir à une solution pacifique à ce différend par le biais de négociations ou par l’entremise de la CIJ.   

L’Argentine a répondu au Royaume-Uni en affirmant que les Îles Malvinas, qui font intégralement partie de l’Argentine, sont illégalement occupée par le Royaume-Uni, les résolutions pertinentes des Nations Unies reconnaissant qu’il existe un différend de souveraineté qui doit être réglé par des négociations directes entre les deux parties en vue de parvenir à un règlement pacifique.  L’Argentine a réaffirmé que le principe d’autodétermination des peuples ne s’applique pas à ce différend, conformément aux résolutions pertinentes de l’Assemblée générale et du Comité spécial de la décolonisation.   

Reprenant la parole, le Maroc a reproché à l’Algérie de chercher à camoufler sa responsabilité dans ce dossier, et son rôle déstabilisateur dans la région, en créant ce conflit artificiel qui a pratiquement plombé l’Union du Maghreb arabe.  Il a précisé que la Cour internationale de Justice (CIJ) a répondu à une question qui ne lui a pas été posée et c’est là où il y a diversion et la raison pour laquelle il n’y avait pas de consensus au sein des membres de la Cour.   

Quant au principe de l’autodétermination, le représentant a noté que la résolution 1514 (XV) parle dans son paragraphe 6 de l’intégrité territoriale « qui est sacrée pour les pays qui ont une longue histoire » et ne peut être comprise par les pays nés dans les années 60.  Il a rappelé à son homologue algérien que l’Envoyé personnel du Secrétaire général a invité l’Algérie à participer à la prochaine table ronde en vue d’y expliquer sa position.   

Reprenant la parole, l’Iran a rappelé aux Émirats arabes unis que les trois îles de la Grande-Tounb, de la Petite-Tounb et d'Abou Moussa font partie intégrante de l’Iran depuis des milliers d’années et bien avant la naissance des Émirats arabes unis.  Le représentant a réfuté les allégations des Émirats et les a appelés à respecter les relations de bon voisinage et la souveraineté des États.  Il a également souligné que le terme « golfe Persique » est la seule appellation consacrée et acceptée par le système des Nations Unies sur la base de preuves historiques et factuelles.   

Le Royaume-Uni, reprenant également la parole, a noté que l’Argentine fait régulièrement référence aux résolutions de l’ONU et au soutien régional à ses revendications de souveraineté, en notant que cela ne modifie en rien l’obligation de tous les pays de respecter les principes juridiquement contraignant de l’autodétermination.   

Les Émirats arabes unis ont rétorqué à l’Iran que les trois îles de la Grande-Tounb, de la Petite-Tounb et d'Abou Moussa dans le « golfe Arabique » font partie intégrante du territoire des Émirats arabes unis et que leur souveraineté se fonde sur des faits historiques clairs qui ne sont pas contestés.  Elle a réitéré l’appel à l’Iran pour régler ce différend pacifiquement conformément au droit international, soit par des négociations bilatérales, soit en passant par la CIJ.   

L’Argentine a répondu à l’intervention du Royaume-Uni en notant que ce dernier semble estimer que les résolutions de l’Assemblée générale sur la décolonisation ne sont pas juridiquement contraignantes.  Le représentant lui a opposé l’avis consultatif de la CIJ sur les effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice quant au rôle qui incombe à l’Assemblée générale s’agissant de superviser l’exécution des obligations faites à la Puissance administrante, et sur la valeur normative de la résolution 1514 et des principes qui y sont consacrés, y compris celui de l’intégrité territoriale qui figure dans son paragraphe 6.  La Cour rappelle par ailleurs que le droit à l’autodétermination ne s’applique pas aux peuples qui ne sont pas titulaires de ces droits.  Il a conclu en rappelant l’obligation qui incombe à tous les États Membres de trouver des solutions pacifiques.  

DÉCISIONS SUR LES PROJETS DE TEXTE CONCERNANT LES POINTS RELATIFS À LA DÉCOLONISATION 

Rapport du Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux sur ses travaux de 2023(A/78/23

En adoptant le projet de résolution I, intitulé « Renseignements relatifs aux territoires non autonomes communiqués en application de l’alinéa e de l’Article 73 de la Charte des Nations Unies », par 135 voix pour, 2 voix contre (États-Unis et Israël) et 2 abstentions (France et Royaume-Uni), l’Assemblée générale prierait les puissances administrantes de respecter les obligations qui leur incombent pour ce qui est de chaque territoire figurant à l’ordre du jour du Comité spécial de la décolonisation et de communiquer régulièrement au Secrétaire général des renseignements techniques relatifs à la situation socioéconomique ainsi qu’à l’évolution politique et constitutionnelle des territoires dont elles sont responsables.   

Explication de position  

Les États-Unis ont demandé un vote enregistré sur cinq projets de résolution de ce groupe contre lesquels ils ont l’intention de voter, à savoir les textes relatifs à l’« Application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux par les institutions spécialisées et les organismes internationaux associés à l’Organisation des Nations Unies » ; aux « Activités économiques et autres préjudiciables aux intérêts des peuples des territoires non autonomes  », à l’« Application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux » , aux « Questions relatives à l’information », et aux « Renseignements relatifs aux territoires non autonomes communiqués en application de l’alinéa e de l’article 73e de la Charte des Nations Unies ».  La délégation américaine est fière d’appuyer le droit à l’autodétermination des peuples, a affirmé son représentant, mais ces résolutions accordent trop d’importance à l’indépendance comme seule option pour les territoires non autonomes, aux dépens du principe de libre association.  En outre, il a jugé simpliste de partir du principe qu’une présence militaire nuit nécessairement à un territoire.   

S’agissant de la question de Guam, il est revenu sur les critiques faites par le Tribunal fédéral par rapport au plébiscite, en ajoutant que les États-Unis continueront d’appuyer le droit à l’autodétermination du peuple de Guam, mais qu’il doit s’appliquer à toute la population et pas seulement à l’une de ses parties.   

Explication de vote  

Le Royaume-Uni s’est abstenu comme par le passé de voter sur la Résolution I.  La délégation part du principe que la décision de savoir si un territoire non autonome a atteint un niveau d’autonomie suffisant revient au Gouvernement du territoire et à la puissance administrante concernée, et non pas à l’Assemblée générale. 

Aux termes du projet de résolution II, intitulé « Activités économiques et autres préjudiciables aux intérêts des peuples des territoires non autonomes », adopté par 135 voix pour, 2 voix contre (États-Unis et Israël) et 2 abstentions (France et Royaume-Uni), l’Assemblée générale réaffirmerait qu’il incombe aux puissances administrantes d’assurer le progrès politique, économique et social ainsi que le développement de l’instruction dans les territoires non autonomes, de même que les droits légitimes des peuples de ces territoires sur leurs ressources naturelles.   

Explication de vote 

L’Argentine a estimé que le droit à l’autodétermination, pour être exercé, exige un sujet actif, soit un peuple sous le joug d’une occupation étrangère, ce qui n’est pas le cas aux Îles Malvinas, tel que reconnu par toutes les résolutions pertinentes de l’Assemblée générale ainsi que celles adoptées par le Comité spécial de la décolonisation.  Il convient donc de parvenir à une solution négociée entre les parties, ce qui exclue le droit à l’autodétermination.  Ce projet de résolution ne s’applique donc pas aux Îles Malvinas.   

Par le projet de résolution III, intitulé « Application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux par les institutions spécialisées et les organismes internationaux associés à l’Organisation des Nations Unies », adopté par 92 voix pour, 2 voix contre (États-Unis et Israël) et 46 abstentions, l’Assemblée générale recommanderait aux États d’intensifier leurs efforts, dans le cadre des institutions spécialisées des Nations Unies, afin de garantir l’application de la Déclaration et des autres résolutions pertinentes de l’Organisation.  Elle prierait les institutions spécialisées de l’ONU ainsi que les organisations internationales et régionales d’examiner la situation dans chaque territoire afin de prendre des mesures susceptibles d’accélérer les progrès socioéconomiques.  L’Assemblée les prierait également de fournir des informations sur les problèmes environnementaux auxquels se heurtent les territoires non autonomes, les effets des catastrophes naturelles, la lutte contre le trafic de stupéfiants, le blanchiment d’argent et d’autres activités criminelles, ainsi que l’exploitation illégale de leurs ressources, y compris la nécessité d’utiliser ces ressources au profit de la population de ces territoires.   

Explications de vote 

L’Argentine a déclaré que ce texte doit s’appliquer conformément aux résolutions pertinentes de l’ONU et du Comité spécial de la décolonisation. 

Le Royaume-Uni a réaffirmé son soutien aux institutions spécialisées afin d’offrir une assistance aux populations des territoires non autonomes, en précisant que le statut de ces institutions doit être respecté.   

Dispositifs offerts par les États Membres aux habitants des territoires non autonomes en matière d’études et de formation (A/C.4/78/L.2) 

Aux termes de ce projet de résolution, l’Assemblée générale exprimerait sa gratitude aux États Membres qui ont mis des bourses d’études à la disposition des habitants des territoires non autonomes, tout en invitant les États à offrir ou à continuer d’offrir aux habitants de telles aides pour leurs études et leur formation.  Elle prierait instamment les puissances administrantes de prendre des mesures efficaces pour que l’information à ce sujet soit diffusée largement dans les territoires.   

Question du Sahara occidental (A/C.4/78/L.4

En vertu de ce projet de résolution, l’Assemblée générale appuierait le processus de négociation lancé par la résolution 1754 (2007) et d’autres résolutions du Conseil de sécurité en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable permettant l’autodétermination du peuple du Sahara occidental, et louerait à cet égard les efforts déployés par le Secrétaire général et son Envoyé personnel pour le Sahara occidental.  Elle se féliciterait de l’engagement des parties à continuer de faire preuve de volonté politique et à travailler dans une atmosphère propice au dialogue afin d’entrer dans une phase de négociation plus intensive.  L’Assemblée inviterait en outre les parties à coopérer avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et à s’acquitter de leurs obligations au regard du droit international humanitaire.  Enfin, elle prierait le Comité spécial de la décolonisation de continuer de suivre la situation au Sahara occidental et de lui présenter un rapport sur la question à sa prochaine session.   

Explication de position 

La représentante de l’Union européenne (UE)a dit attendre avec intérêt l’adoption par consensus de la résolution relative à la situation concernant le Sahara occidental.  Elle a salué les efforts déployés par le Secrétaire général pour parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental dans le cadre d’arrangements conformes aux principes et aux buts de la Charte des Nations Unies, avant d’encourager les parties à œuvrer en faveur d’une telle solution.  Soutenant également pleinement le travail de M. Staffan de Mistura pour relancer les négociations, ainsi que la coopération étroite qu’il entretient avec l’UE, la déléguée s’est félicitée de sa dernière visite au Sahara occidental en septembre 2023.  Il a encouragé toutes les parties à s’engager en faveur d’une solution conformément aux résolutions du Conseil de sécurité et aux principes et objectifs de la Charte des Nations Unies.  L’adoption de la résolution 2654 (2022) du Conseil, qui exprime un soutien total au Secrétaire général et à sa proposition de relancer le processus politique, et réitère l’appel lancé à toutes les parties pour qu’elles coopèrent pleinement avec la MINURSO a été très bien accueillie, a relevé la représentante, et l’UE attend maintenant avec impatience sa prorogation.  Elle a également insisté sur la participation significative des femmes et des jeunes au processus politique.   

En adoptant le projet de résolution IV concernant la question des Samoa américaines, l’Assemblée rappellerait que les Samoa américaines devraient demeurer sur la liste des territoires non autonomes et continuer de relever du Comité spécial en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux jusqu’à ce que la population ait exercé son droit à l’autodétermination. 

Le Royaume-Uni a appuyé les résolutions relatives à ses huit territoires d’outre-mer, ce qui reflète son appui au droit à l’autodétermination.  Toutefois, le Comité spécial de la décolonisation doit reconnaître que le lien entre le Royaume-Uni et ses territoires a été modernisé de façon à refléter les circonstances particulières de ces territoires. 

Aux termes du projet de résolution V portant sur la question d’Anguilla, l’Assemblée générale souhaiterait vivement que la réforme constitutionnelle entreprise avec la Puissance administrante ainsi que les consultations publiques aboutissent le plus rapidement possible.  Elle demanderait en outre à celle-ci de veiller à ce que le Comité spécial envoie une mission de visite, si tel est le souhait du Gouvernement du territoire. 

En ce qui concerne le projet de résolution VI sur la question des Bermudes, l’Assemblée générale soulignerait l’importance du rapport de la Commission pour l’indépendance des Bermudes de 2005 tout en regrettant que les plans concernant l’organisation de réunions publiques et la présentation de propositions politiques en faveur de l’indépendance des Bermudes ne se soient pas encore concrétisés. 

En vertu du projet de résolution VII consacré à la question des Îles Vierges britanniques, l’Assemblée noterait que la Commission d’examen de la Constitution a été mise en place en 2022 afin de procéder à un examen complet de la Constitution de 2007 de ce territoire.  Elle soulignerait l’importance de poursuivre les débats sur les questions d’ordre constitutionnel afin d’accorder au Gouvernement du territoire de plus grandes responsabilités à cet égard. 

Si l’Assemblée générale venait à adopter le projet de résolution VIII portant sur la question des Îles Caïmanes, elle se féliciterait de la participation active du territoire aux travaux de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), et soulignerait que celui-ci devrait continuer de participer aux activités du Comité spécial, notamment aux séminaires régionaux.  Elle soulignerait en outre qu’il importe que le Comité spécial comprenne mieux la nature des arrangements politiques et constitutionnels existants. 

En adoptant le projet de résolution IX sur la question de la Polynésie française, l’Assemblée générale rappellerait les demandes antérieures visant à ce que ce territoire soit retiré de la liste des territoires non autonomes, et prendrait note de la déclaration de juin 2023 de la représentante du Président du territoire, dans laquelle elle a déclaré que le Gouvernement du territoire soutenait pleinement un véritable processus de décolonisation et d’autodétermination, sous le contrôle de l’ONU. 

En ce qui concerne la question de Guam, l’Assemblée générale se féliciterait des travaux de la Commission guamienne de décolonisation pour l’application et l’exercice de l’autodétermination du peuple chamorro et inviterait une fois de plus la Puissance administrante à tenir compte de la volonté exprimée par celui-ci, soutenue par les électeurs guamiens lors du référendum de 1987 et inscrite dans le droit guamien, et encouragerait la Puissance administrante et le Gouvernement du territoire à entamer des négociations sur cette question.   

Aux termes de la résolution relative à la question de Montserrat, l’Assemblée rappellerait la Constitution de 2010 et se féliciterait de la participation du territoire aux travaux de l’Organisation des États des Caraïbes orientales (OECO)et de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC).   

S’agissant de la question de la Nouvelle-Calédonie, l’Assemblée générale noterait que le Comité des signataires de l’Accord de Nouméa a demandé un audit de la décolonisation.  Elle prendrait note de la tenue, le 12 décembre 2021, du troisième référendum d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie, ainsi que des préoccupations exprimées quant à son résultat.  Elle prendrait également note de l’engagement des parties et de la Puissance administrante à tenir un dialogue sur le statut futur du territoire, y compris lors des réunions organisées à Paris le 28 octobre 2022 et du 11 au 14 avril 2023, ainsi que lors des visites ministérielles effectuées en Nouvelle-Calédonie du 12 au 15 septembre et du 28 novembre au 4 décembre 2022, puis du 2 au 8 mars et du 1er au 5 juin 2023.   

Par ce texte, l’Assemblée se féliciterait du dialogue politique de haut niveau mené par les parties à l’Accord de Nouméa et de leur engagement à trouver une voie qui permette au territoire de s’administrer pleinement lui-même.  Elle se féliciterait par ailleurs que la Puissance administrante ait de nouveau fait part au Comité spécial de sa volonté de faciliter l’organisation d’une autre mission de visite en Nouvelle-Calédonie, et prendrait note du rapport du 1er juin 2023, présenté par la Puissance administrante sur ses activités au titre de l’audit demandé par le Comité des signataires de l’Accord sur la décolonisation.   

S’agissant de la décolonisation de Pitcairn, le projet de résolution réaffirmerait que le principe d’autodétermination est incontournable et qu’en fin de compte, c’est au peuple de Pitcairn lui-même qu’il appartient de déterminer librement son futur statut politique; de même qu’il incomberait à la Puissance administrante de promouvoir le développement économique et social du territoire et de préserver son identité culturelle. 

Le projet de résolution relatif à la question de Sainte-Hélène, en cas d’adoption par l’Assemblée générale, prierait le territoire et la Puissance administrante de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger l’environnement du territoire et le préserver de toute dégradation, et demanderait de nouveau aux institutions spécialisées compétentes de continuer à surveiller l’état de l’environnement dans le territoire. 

En adoptant le projet de résolution portant sur la question des Tokélaou, l’Assemblée générale, notant avec satisfaction que la Nouvelle-Zélande, Puissance administrante, continue de faire preuve d’une coopération exemplaire dans le cadre des travaux du Comité spécial, constaterait que ce pays continue de s’efforcer sans relâche de répondre aux besoins socioéconomiques du peuple des Tokélaou, notamment par la mise en place de nouveaux équipements de transport. 

L’Assemblée générale, en adoptant le projet de texte sur les Îles Turques et Caïques, exigerait d’aborder les formules d’autodétermination de façon souple et demanderait de nouveau à la Puissance administrante, entre autres, de fournir au territoire toute l’assistance nécessaire, de soutenir ses efforts de relèvement et de reconstruction et de renforcer ses capacités en matière de préparation aux situations d’urgence et de réduction des risques, en particulier à la suite du passage des ouragans Irma et Maria qui ont ravagé le territoire en 2017. 

Enfin, l’Assemblée, en adoptant le projet de résolution consacré aux Îles Vierges américaines, se féliciterait qu’un projet de constitution émanant du territoire ait été présenté en 2009.  Il prierait en outre la Puissance administrante de faciliter le processus d’approbation dudit projet et son application, une fois approuvé dans le territoire. 

Par le projet de résolution relatif à la « Diffusion d’informations sur la décolonisation », adopté par 136 voix pour, 3 voix contre (États-Unis, Royaume-Uni et Israël) et une abstention (France), l’Assemblée générale approuverait les activités exécutées par le Département de la communication globale (DCG) et par le Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix du Secrétariat dans le domaine de la diffusion d’informations sur la décolonisation.  Elle estimerait important de poursuivre et d’accroître ses efforts pour diffuser le plus largement possible ces informations, en mettant l’accent sur les différentes possibilités qui s’offrent aux peuples des territoires non autonomes en matière d’autodétermination, et, à cette fin, prierait le Département de la communication globale, agissant par l’intermédiaire des centres d’information des Nations Unies dans les régions concernées, de participer activement à la recherche de moyens nouveaux et novateurs de diffuser des documents dans les territoires non autonomes.  L’Assemblée générale prierait en outre le DCG de continuer de mettre à jour les informations affichées sur le site Web concernant les programmes d’aide destinés aux territoires non autonomes. 

Explications de vote 

Le Royaume-Uni a expliqué avoir voté contre ce texte en raison du fardeau que représente la diffusion de ces informations pour le Secrétariat, qui est injustifiée compte tenu de ses ressources limitées. 

L’Argentine a dit appuyer le droit à l’autodétermination des peuples, mais ce texte doit être interprété et appliqué conformément aux résolutions pertinentes de l’Assemblée générale et du Comité spécial des Vingt-Quatre.  La délégation a rappelé que les résolutions relatives aux Îles Malvinas ont reconnu qu’il s’agissait d’un différend de souveraineté qui doit être réglé par la reprise des négociations bilatérales entre les deux parties concernées. 

S’agissant du projet de résolution intitulée Application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, adopté par 103 voix pour, 3 voix contre (Israël, États-Unis et Royaume-Uni) et 39 abstentions,  l’Assemblée générale prierait le Comité spécial de continuer à chercher les moyens appropriés d’assurer la mise en œuvre immédiate et intégrale de la Déclaration et d’appliquer, dans tous les territoires qui n’ont pas encore exercé leur droit à l’autodétermination, les mesures qu’elle a approuvées touchant les Décennies internationales de l’élimination du colonialisme.   

Explications de vote: 

Le Royaume-Uni, qui a voté contre ce texte, a été d’avis que certains éléments sont inacceptables.  Pour sa part, il continue de moderniser ses relations avec ses territoires tout en tenant compte des positions de leurs peuples, a assuré la délégation britannique. 

En tant qu’ardent défenseur du droit à l’autodétermination des peuples, l’Australie s’est néanmoins abstenue de voter sur ce texte en raison de ses réserves sur le paragraphe 14 de son dispositif.  Elle a argué que certaines raisons justifient la présence militaire des puissances administrantes dans certains territoires, dans l’intérêt commun. 

L’Argentine a tenu à rappeler que les missions de visite sont menées uniquement dans les territoires non autonomes pour lesquels l’ONU a déterminé que la doctrine de l’autodétermination s’applique, et non pas dans ceux qui font l’objet d’un différend de souveraineté.  Il a plaidé en faveur d’une approche au cas par cas avant de souligner que chacune de ces missions de visite doit être approuvée par l’Assemblée générale.

(à suivre)

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