En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-huitième session,
Réunion conjointe avec l’ECOSOC 14e & 2e séances plénières – matin; 15e séance plénière – après-midi
AG/EF/3589-ECOSOC/7146

L’ECOSOC et la Deuxième Commission examinent les moyens de tirer parti des produits de base pour avancer vers un développement économique durable

Transformer la « malédiction des ressources naturelles » en bénédiction. Telle est la préoccupation, exposée par M. Joseph Stiglitz, lauréat 2001 du prix Nobel d’économie, qui a occupé le cœur du débat conjoint entre la Deuxième Commission et le Conseil économique et social (ECOSOC), ce matin.  Cette « malédiction » est un phénomène bien connu: les pays dépendant des exportations des produits de base n’ont pas de bonnes performances économiques, car lorsque les prix des matières premières sont élevés, ces pays tendent à emprunter de façon excessive sur les marchés et se retrouvent surendettés lorsque les prix baissent.

Or, plus de 100 pays sont dépendants des produits de base, selon les estimations de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) qui définit cette dépendance lorsque les exportations de produits de base représentent plus de 60% de la valeur totale des exportations de marchandises d’un pays.  Et, comme l’a noté le Groupe des 77 et de la Chine (G77), 94% d’entre eux sont des pays en développement.  Ils sont donc très sensibles à la volatilité des prix de ces produits et, partant, très vulnérables aux chocs mondiaux.

Voilà pour le constat de longue date.  Pourtant, les dynamiques et les règles des marchés des produits de base demeurent rigides et n’ont guère évolué depuis deux siècles, a fait observer M. Carlos Amorín, Président de la Deuxième Commission. Il est donc nécessaire d’élaborer des politiques d’investissement et de renforcement des capacités pour que ces ressources naturelles deviennent un moteur de développement durable, a renchéri Mme Paula Narvaez, Présidente de l’ECOSOC.

En effet, à la puissance militaire de l’ère coloniale s’est substituée la puissance économique de l’ère post-coloniale, a expliqué M. Stiglitz, actuellement professeur d’économie à Columbia University (New York).  Il a regretté que les pays développés, tout en exploitant les ressources naturelles des pays en développement, refusent à ces derniers la possibilité d’édicter des règles qui corrigeraient les inégalités.  « Les pays pauvres subventionnent les pays riches », a-t-il lancé.

À titre d’exemple, Mme Lynda Pickbourn, de University of Massachusetts Amherst et Mount Holyoke College, a fait état de ses recherches sur le Ghana dont les matières premières (cacao, pétrole et or) constituent 80% des exportations du pays.  Elle a constaté que le secteur de l’or y est contrôlé par six entreprises étrangères, qui bénéficient de régimes fiscaux avantageux.  Ces entreprises produisent de l’or pour des milliards de dollars, tandis que le Gouvernement ghanéen n’en reçoit que quelques millions.  « Un ordre économique injuste », ont commenté le G77 et la Chine.

Au cours des deux tables rondes, experts et États Membres ont réfléchi plus avant sur cette problématique.  La Zambie, la Colombie, le Brésil et l’Indonésie ont fait part de leurs constats confirmant la problématique énoncée, ainsi que de leurs expériences et projets pour avancer malgré tout.  Tous misent sur la diversification de l’économie et sur la transformation des produits de base pour grimper des échelons dans la chaîne de valeur.

Parmi les experts, M. Mohammed Belal, Directeur général du Fonds commun pour les produits de base, a mis en avant le potentiel transformateur des matières premières pour les économies, l’environnement et le bien-être social, déplorant lui aussi que les avantages de ces matières premières n’aillent pas aux populations qui en ont le plus besoin.  Il a cité en exemple la République démocratique du Congo, l’un des pays les plus riches en produits de base où pourtant des millions d’agriculteurs dans le secteur du cacao ne survivent qu’avec 2,78 centimes de dollar par jour.  « Les agriculteurs travaillent dur pour subventionner les consommateurs des pays riches », car « plus vous êtes riches, moins vous payez », a-t-il déploré.

Les solutions au problème ont été explorées par les panelistes, notamment le rôle important que peuvent jouer les organisations internationales pour créer de la valeur ajoutée aux produits de base.  C’est ce que M. Amir Lebdioui, Professeur associé à l’Université d’Oxford, a relevé en invitant ces organisations à intervenir par le biais des mécanismes de contrôle des prix, du secteur recherche et développement, et des subventions.  Il a néanmoins critiqué la réticence de ceux qui contrôlent ces activités, tels que l’Union européenne qui a imposé des droits de douane pour l’importation de matières premières ayant une valeur ajoutée.

De manière générale, de nombreuses délégations ont insisté sur la nécessité de réformer les systèmes mondiaux –commercial et financier- actuellement en vigueur.  L’Argentine a invité à conclure d’urgence les négociations agricoles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), afin de parvenir à un système plus juste, transparent, équitable et prévisible.

Dans l’après-midi, la Deuxième Commission a terminé son débat sur le développement durable, entamé lundi 9 octobre.  Si les retards inquiétants pris dans la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 ont une fois de plus été soulignés, les progrès de chacun ont été mis en avant.  L’Érythrée, par exemple, a partagé des informations sur ses « mesures modestes mais encourageantes », mais a conclu en dénonçant les « donneurs de leçons » qui n’honorent pas leurs promesses.

La Deuxième Commission poursuivra ses travaux demain, mercredi 11 octobre, à partir de 10 heures.

RÉUNION CONJOINTE DE LA DEUXIÈME COMMISSION ET DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

Tirer parti des produits de base pour un développement économique durable

Déclarations liminaires

M. CARLOS AMORÍN, Président de la Deuxième Commission, a ouvert cette réunion conjointe avec le Conseil économique et social (ECOSOC) sur le thème suivant: « Tirer parti des produits de base pour un développement économique durable ».  Les marchés des produits de base ont certes de profondes implications positives pour la majorité des pays en développement, mais les dynamiques et les règles de ces marchés demeurent rigides et n’ont guère évolué depuis deux siècles, a-t-il noté. Il a souligné que leur structure actuelle ne génère en réalité que peu de valeur pour les pays producteurs, les bénéfices des produits dérivés finaux restant dans les pays industrialisés.

La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) estime que plus de 100 pays sont dépendants des produits de base, a fait savoir M. Amorín en faisant remarquer que les économies de ces pays sont donc très sensibles à la volatilité des prix de ces produits et, partant, très vulnérables aux chocs mondiaux.  Par exemple, a expliqué le Président, les fluctuations du prix relatif des exportations et des importations, ce qu’on appelle les termes de l’échange, génèrent des risques pour la croissance économique, la répartition des recettes et de crise liée aux taux de change.

Le Président a observé que l’élaboration de politiques permettant d’ajouter de la valeur aux produits exportables est un moyen de stimuler le financement du développement durable et la réalisation des ODD.  De même, les innovations technologiques, le marketing et la négociation permettent d’améliorer les processus dans les pays d’origine, de diminuer la dépendance envers les intermédiaires, et d’autonomiser les producteurs et les consommateurs.  M. Amorín a relevé en outre que les préférences des consommateurs évoluent: ceux-ci commencent à donner la priorité aux modèles de consommation durable.

Le Président a conclu en souhaitant que le projet de résolution sur les produits de base, qui sera négocié par les délégations de la Deuxième Commission, marque un premier pas pour changer la réalité des marchés des matières premières.

Mme PAULA NARVAEZ, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a indiqué d’emblée que la dépendance aux matières premières constitue un défi pour les pays en développement.  Pour y faire face, elle a recommandé notamment d’accélérer les efforts pour le développement durable et d’opérer la transition énergétique.  À ce titre, elle a fait remarquer que les pays en développement possèdent d’abondantes ressources stratégiques pour réaliser la transition énergétique, telles que le cuivre et le lithium qui sont indispensables pour les batteries électriques.  Néanmoins, elle a déploré que le rôle des pays en développement reste souvent limité à l’extraction et l’exportation de ces ressources naturelles, alors qu’ils pourraient disposer d’une plus grande capacité de transformation leur permettant de se faire une place le long de la chaîne de valeur.

Selon la Présidente, il est nécessaire d’élaborer des politiques d’investissement et de renforcement des capacités pour que ces ressources naturelles deviennent un moteur de développement durable.  Le défi, a-t-elle développé, est d’apporter une valeur ajoutée à ces matières premières en permettant aux pays producteurs d’accéder à des marchés où la rentabilité est plus élevée.  Cet accès réduira la vulnérabilité des pays producteurs face à la fluctuation des matières premières, a-t-elle expliqué.  Elle a également prôné des investissements dans le capital humain et les infrastructures afin de pérenniser la croissance économique.

Soulignant ensuite le point de départ que constitue cette séance pour la suite des débats de la Deuxième Commission, elle a exposé les priorités de l’ECOSOC dans le cadre de sa présidence.  En premier lieu, elle a établi qu’elle compte œuvrer pour que le commerce et les investissements dans les produits alimentaires et agricoles bénéficient aux pays producteurs, ce qui est également essentiel pour enrayer la crise alimentaire.  Ensuite, elle a espéré que le forum politique de haut niveau sur le développement durable aidera à lever les obstacles structurels auxquels les pays en développement sont confrontés.  En conclusion, Mme Narvaez a souhaité des efforts coordonnés pour que les matières premières contribuent véritablement au développement durable.

Le lauréat 2001 du prix Nobel d’économie, M.JOSEPH STIGLITZ, Professeur d’économie à Colombia University (New York), a commencé son exposé en présentant la « malédiction des ressources naturelles », un phénomène bien connu: les pays dépendant des matières premières n’ont pas de bonnes performances économiques.  Bien que ces pays disposent sur le papier de nombreuses ressources, ils souffrent pour la plupart d’inégalités disproportionnés et de mauvaise gestion politique, a-t-il expliqué, accusant à la fois l’échec structurel des marchés et les mauvais choix de politiques économiques.

Parmi les facteurs de risque pour les pays exportateurs de matières premières, il a cité la fluctuation des cours, ainsi que les taux de change élevés, qui grèvent la compétitivité et, partant, le développement des pays.  En effet, lorsque les matières premières se vendent à un prix élevé, les pays extracteurs tendent à emprunter de façon excessive sur les marchés, ce qui cause un surendettement dès lors que les prix baissent, a-t-il expliqué, arguant que les créanciers devraient être tenus comme coresponsables de cette situation dans la mesure où il leur revient également de gérer les risques.  En résulte une crise mondiale du surendettement, « que nous saurions théoriquement résoudre si une volonté politique existait ».  Mais ce n’est aujourd’hui pas le cas puisque plusieurs pays créanciers, dont les États-Unis, s’y opposent, s’est lamenté M. Stiglitz.

Constatant que les marchés sont profondément déséquilibrés et « ne fonctionnent pas comme dans les manuels scolaires » —une poignée d’acteurs étant en mesure de les influencer pour leur seul profit—, M. Stiglitz a ainsi constaté que les pays exportateurs ne sont pas rémunérés à la hauteur de leurs ressources, et que, de surcroît, ils ne sont pas indemnisés pour les externalités environnementales liées à l’exploitation de leurs sols.  Enfin, ces pays souffrent de problèmes d’économie politique, tels que des rivalités féroces pour mettre la main sur les ressources et un détournement de moyens financiers qui pourraient être affectés à d’autres secteurs plus bénéfiques au développement.

Expliquant qu’à la puissance militaire de l’ère coloniale s’était substituée la puissance économique de l’ère post-coloniale, il a regretté que les pays développés, tout en exploitant les ressources naturelles des pays en développement, refusent à ces derniers la possibilité d’édicter des règles qui corrigeraient les inégalités.  Par exemple, a noté le professeur, si un pays introduit de nouvelles normes, il risque de subir un procès devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC).  Et quand un pays ne parvient plus à payer ses dettes du fait de taux d’intérêt trop élevés, il doit passer sous les fourches caudines du Fonds monétaire international (FMI).  Ainsi, « les pays pauvres subventionnent les pays riches », a affirmé Joseph Stiglitz.

« Comment transformer cette malédiction en bénédiction? »  Le modèle de développement qui a fonctionné en Asie de l’Est ne va pas fonctionner aussi bien avec le reste du monde, a-t-il averti, car l’industrie manufacturière ne peut plus, seule, créer les emplois nécessaires pour faire face à l’augmentation attendue de la population.  L’alternative consiste donc à tirer parti des produits de base pour le développement durable, en plaçant l’investissement au cœur du processus.  Et pourquoi cela ne s’est-il pas produit depuis la fin du colonialisme il y a 70 ans, s’est-il questionné?  Pour le prix Nobel d’économie, c’est la faute au régime commercial néolibéral.  Notamment à son système de droits de douane progressifs avec une « l’escalade des tarifs », à son régime de propriété intellectuelle qui restreint l’accès à la connaissance et à la technologie, et à son système fiscal international qui ne permet pas aux États de ponctionner suffisamment de richesses pour financer leur développement.  Sur ce dernier point, l’économiste a recommandé une taxe minimale mondiale sur les entreprises de 25%, sans dérogation.  Pour le professeur, nous entrons dans une nouvelle ère.

Le professeur a exprimé l’espoir de voir la mort de l’idéologie néolibérale, la fin de la menace existentielle posée par les changements climatiques et de l’hyper-mondialisation, en misant sur une nouvelle géopolitique, l’intelligence artificielle et la robotisation à venir.  Il a cité l’exemple de la Norvège qui a su redéployer l’argent gagné avec ses ressources naturelles dans l’innovation et la connaissance, afin de parvenir à une croissance plus durable qui permettra au pays d’aller de l’avant.  Il a également cité l’Indonésie, qui a récemment réussi à remonter sur la chaîne de valeur en introduisant des restrictions à l’exportation du nickel.  Enfin, a-t-il fait savoir, le Brésil réfléchit actuellement à la manière dont l’Amazonie pourrait être utilisée comme source durable de revenus.  En conclusion, M. Stiglitz a exhorté les pays en développement à mieux gérer leurs ressources, puis à en tirer parti pour transformer leur économie afin de construire le socle d’un véritable développement durable.

Première table ronde

La première table ronde de cette séance conjointe a mis l’accent sur le thème suivant: « Dépendance aux produits de base et développement économique durable: donner la voix aux personnes sur le terrain ».  Elle a été modérée par M. JOSÉ MARTINEZ BADILLO, Chef du Bureau de New York de la CNUCED.  Il a fait part d’estimations selon lesquelles les pays dépendants vont avoir besoin de près de deux siècles pour réduire de moitié leur dépendance à l’égard des matières premières

Intervenant par visioconférence, M. CHOLA MILAMBO, Représentant permanent de la Zambie, a signalé que l’économie zambienne reste dépendante du secteur minier, malgré ses efforts de diversification, ce qui la rend très vulnérable aux fluctuations des cours des matières premières et aux chocs sur ces marchés.  Cette dépendance nuit à la stabilité des réserves de change et à la durabilité du développement économique, a-t-il précisé.

Pour sortir de ce piège de la dépendance aux produits de base, la Zambie va tirer parti des innovations technologiques pour prendre des décisions éclairées en matière de transformation et de diversification économique, a- t-il indiqué.  M. Milambo a par exemple cité la valeur ajoutée aux produits miniers, stimulée par la transition vers l’énergie propre et les véhicules électriques, ou la transformation de produits agricoles plutôt que la simple exportation de produits de base.  Au niveau international, il a invité à accorder une plus grande attention au pouvoir de la transformation structurelle pour sortir des millions de personnes de la pauvreté.

Son homologue Mme ARLENE BETH TICKNER, Représentante permanente adjointe de la Colombie, a évoqué deux composantes de la politique de réindustrialisation du Président colombien Gustavo Petro, qui vise à passer d’une économie extractive à une économie décarbonée, productive et durable.  Cela se fera par la diminution de la dépendance aux matières premières comme le pétrole et le charbon, qui représentent actuellement environ 45% des exportations de la Colombie, et donc la transition énergétique.  Le pays utilisera également la réforme agraire intégrale en visant la souveraineté alimentaire.  Il s’agit ni plus ni moins que de transformer le modèle actuel de développement pour aller vers la création de richesse et d’emplois, les progrès techniques et la bioéconomie, a expliqué la déléguée en faisant remarquer que cela contribuera à l’intégration énergétique du pays avec l’Amérique latine et les Caraïbes

Pour qu’une transition énergétique soit juste, a ajouté Mme Tickner, d’autres transitions sont nécessaires, comme celles qui concernent l’emploi et la productivité dans les territoires, c’est-à-dire au niveau local.  Elle a aussi relevé que la demande mondiale croissante pour les énergies propres ouvre la voie à de nouveaux investissements dans les pays en développement, et non pas seulement dans les pays développés.

« L’économie brésilienne dépend historiquement des exportations de canne à sucre, d’or, de minerai de fer et d’autres matières premières », a enchaîné M. RAFAEL DUBEUX, Conseiller au Ministère des finances du Brésil, qui participait lui aussi par visioconférence.  Il a indiqué que le Brésil s’attèle aujourd’hui à utiliser tous ses atouts afin de grimper dans la chaîne de valeur.  Il a fait part du nombre important de projets d’énergies renouvelables et de l’intention du pays d’exporter l’énergie solaire et éolienne. Il a aussi mentionné un « plan de transformation » qui encourage les entreprises à adopter les nouvelles technologies plutôt que de se concentrer uniquement sur les exportations de matières premières.

L’Indonésie, elle, s’est dotée d’un objectif visionnaire, a déclaré M. TRI THARYAT, Directeur général chargé de la coopération multilatérale de l’Indonésie, intervenant par visioconférence.  Il a ainsi parlé de « 2045 Golden Indonesia », qui vise à renforcer les fondements de l’économie et à accélérer le développement durable. Dans ce cadre, a-t-il ajouté, le Gouvernement indonésien est conscient de l’importance de créer « un secteur industriel mûr et compétitif à l’international ».  Le Gouvernement s’est donc fixé une feuille de route stratégique avec trois priorités: créer une écosystème propice avec un cadre réglementaire robuste; défendre un système commercial international juste, transparent, inclusif et durable; encourager la collaboration et la solidarité entre les nations, en particulier celles du Sud.

Deuxième table ronde

La deuxième table ronde, sur le sujet « Tirer parti des produits de base pour un développement économique durable », a été modérée par Mme MARIANGELA PARRA-LANCOURT, Cheffe du Service de l’engagement stratégique et de l’intégration des politiques au sein du Bureau du financement du développement durable du DESA.

Le premier intervenant, M. MOHAMMED BELAL, Directeur général du Fonds commun pour les produits de base, a souligné le potentiel transformateur des matières premières pour les économies, l’environnement et le bien- être social, déplorant néanmoins que les avantages de ces matières premières n’aillent pas aux populations qui en ont le plus besoin.  « C’est officiel, la réalisation des ODD en 2030 ne se fera pas », a-t-il déclaré.  Pourtant, 2,5 milliards d’agriculteurs souffrent actuellement, a-t-il déploré.  Diffusant une carte des exportations de marchandises en 2022 « sur laquelle on voit à peine l’Afrique » et plusieurs graphiques sur les productions de diverses matières premières, M. Belal a fait état des difficultés et de la vulnérabilité des pays africains face aux chocs économiques.

Il a expliqué que la République démocratique du Congo est un des pays les plus riches en matières premières et, pourtant, des millions d’agriculteurs dans le secteur du cacao ne survivent qu’avec 2,78 cents par jour.  À Madagascar, a-t-il poursuivi, les producteurs de vanille sont devenus encore plus pauvres quand le pays a décidé d’appliquer un taux plancher et que les marques ont arrêté de s’approvisionner.  « Les agriculteurs travaillent dur pour subventionner les consommateurs des pays riches », car « plus vous êtes riches, moins vous payez », a-t-il déploré.  Il a ensuite expliqué qu’il est possible de diminuer les émissions de gaz à effet de serre en changeant la manière dont on transporte ces matières premières, tout comme il est possible d’augmenter significativement les revenus des agriculteurs en ajoutant un cent au prix des 3 milliards de tasses de café vendues par jour dans le monde.  « Nous pouvons changer les choses », a-t-il estimé, regrettant tout de même que les pays producteurs « ne comptent pas pour les institutions financières mondiales ».

Puis Mme MIHI SHIROTORI, Directrice de la Division du commerce international et des produits de base de la CNUCED, a délivré trois idées principales.  Elle a d’abord appelé à intégrer dans les stratégies de transformation structurelles les nouveaux impératifs de décarbonation. Surtout en ce qui concerne la course aux ressources minérales.  Il faut ainsi, a-t-elle prôné, prendre en compte l’existence de différents cocktails énergétiques (incluant les énergies renouvelables) en fonction du type d’industrie auquel on s’intéresse.  Ensuite, elle a appelé à augmenter la coopération Sud-Sud.  Enfin, elle a enjoint la communauté internationale à aider davantage le Sud à investir dans cette transformation, citant le déficit de 3 000 milliards de dollars nécessaires à l’Afrique pour atteindre ses ODD d’ici à 2030.  Cela ne passera pas que par de grands plans d’investissements publics ou des transferts de technologies de pointe, mais aussi par des transferts plus simples, sur un plan local, a-t-elle estimé.

Mme LYNDA PICKBOURN, Professeure associée à la University of Massachusetts, Amherst et Mount Holyoke College, a fait état de ses recherches sur le Ghana et les matières premières, telles que le cacao, le pétrole et l’or, qui constituent 80% des exportations de ce pays.  Pourtant, les résultats du secteur manufacturier représentent moins de 5% du PIB ghanéen, a-t-elle indiqué, l’expliquant par le fait que les industries manufacturières n’ont pas réussi à créer des emplois stables, bien rémunérés et sécurisés.  Elle a estimé que cette précarité des emplois résulte notamment de la domination du secteur de l’or par six entreprises étrangères qui bénéficient de régimes fiscaux avantageux.  Ces entreprises ont produit de l’or pour des milliards de dollars, dont le Gouvernement ghanéen n’a reçu que quelques millions, a-t-elle remarqué.  Par ailleurs, elle a mentionné que la réglementation permet aux dirigeants de ces entreprises de conserver une partie des bénéfices des exportations dans des comptes offshore, rendant « l’exploitation de l’or plus rentable pour les entreprises que pour les Ghanéens ».

L’inflation et la dévaluation de la monnaie n’ont fait qu’ajouter à ces difficultés, plongeant une grande partie de la population dans la pauvreté, a-t-elle poursuivi.  Selon la professeure, les pays producteurs doivent réformer leur système budgétaire pour maximiser les recettes fiscales des matières premières et les recettes étrangères rapatriées dans le pays, mais il faut également agir sur le plan mondial en créant un organe supranational pour représenter les producteurs et règlementer la production et la tarification, ainsi que fournir une assistance technique pour les négociations avec les multinationales.

M. TAWANDA MUTASAH, Vice-Président des programmes mondiaux à Oxfam America, a d’abord appelé à plus de transparence dans les marchés de matières premières.  Avec l’opacité actuelle, a-t-il jugé, il sera impossible d’atteindre les ODD.  Il a ensuite estimé qu’il fallait adopter une approche mondiale pour ne pas assister à un nivellement vers le bas, renouvelant un appel à la transparence dans la mise en compétition des économies.  Enfin, il a appelé à ce que, sur la base de l’expérience acquise dans les industries agroalimentaires, soient déduites les méthodes à appliquer aux industries d’extraction de minerais.

Enfin, M. AMIR LEBDIOUI, Professeur associé à l’Université d’Oxford, a affirmé que les matières premières peuvent constituer un levier vers le développement durable.  Il a expliqué qu’en Malaisie, l’un des rares pays à avoir diversifié son économie, l’industrie repose à la fois sur les matières premières et sur les ressources manufacturées.  De même, le Chili a vu l’émergence de nouvelles industries créant de la valeur ajoutée pour les matières premières, comme la sylviculture qui requiert l’utilisation de technologies spécifiques.  Selon lui, la valeur ajoutée ne dépend pas uniquement du nombre de transformations, donnant l’exemple de la valeur ajoutée de la biodiversité qui repose sur des idées.

Les organisations internationales jouent un rôle essentiel pour créer de la valeur ajoutée aux matières premières, a-t-il estimé, citant notamment les mécanismes de contrôle des prix, la recherche et le développement, et l’octroi de subventions.  Il a néanmoins déploré la réticence de ceux qui contrôlent ces activités, tels que l’Union européenne qui a imposé des droits de douane pour l’importation de matières premières ayant une valeur ajoutée.  Les organisations comme l’ONU ont ici un rôle à jouer, notamment en créant des mesures adaptées au type et à la taille des productions et en facilitant le transfert des connaissances des pays riches vers les pays pauvres, a-t-il conclu.

En conclusion de cette table ronde, la modératrice Mme Parra-Lancourt, constatant que la structure du marché des matières premières n’avait pas changé depuis deux siècles, a exhorté à « repenser les choses » afin de créer davantage d’emploi et de richesses.  Ces matières premières peuvent être au cœur du développement durable lors de ce siècle, a-t-elle estimé, rappelant la nécessité pour les pays exportateurs de diversifier leur économie et de réduire leur dépendance aux matières premières à faible valeur ajoutée, entre autres.

Dialogue avec les États Membres

Plusieurs délégations ont relevé que la dépendance aux produits de base constitue toujours un obstacle à la pleine réalisation des ODD par les pays en développement, ce qui demande une action urgente et multidimensionnelle de la communauté internationale.  Comme l’a noté le Groupe des 77 et de la Chine, 94% des pays qui dépendent des matières premières sont des pays en développement.  La délégation a dénoncé un ordre économique injuste et les difficultés de ces pays pour parvenir à diversifier leur économie. Le Zimbabwe, très dépendant des matières premières, y a ajouté l’impact négatif des mesures coercitives unilatérales dont il fait l’objet.

L’Algérie a souligné l’importance de renforcer la résilience des pays en développement et de soutenir leurs stratégies de diversification.  Quant à la Malaisie, elle a demandé l’avis des experts sur les mécanismes efficaces qui permettent aux pays en développement de prendre des mesures robustes et transparentes dans leurs secteurs des matières premières afin d’en tirer des bénéfices.

L’Inde a relevé la nécessaire transformation des produits de base agricoles pour ajouter de la valeur.  La Pologne a d’ailleurs demandé aux panélistes comment les pays développés peuvent aider les pays en développement à construire des chaînes d’approvisionnement alimentaire régionales résilientes.

L’Argentine a plaidé pour la conclusion urgente des négociations agricoles de l’OMC, afin de parvenir à un système plus juste, transparent, équitable et prévisible.  La Pologne a relevé que la guerre en Ukraine a de graves répercussions sur l’offre et la demande de produits de base.

Le Groupe des pays en développement sans littoral (PDSL) et le Mexique se sont également inquiétés de la volatilité des prix des produits de base.  Le Mexique a fait observer que cette volatilité nuit aux pays dépendants des exportations, du côté de l’offre, et au pouvoir d’achat de la population, du côté de la demande.  Le Costa Rica a ajouté que les pays à revenu intermédiaire sont également touchés par ces fluctuations, ce qui ne fait que creuser la dette et a des répercussions sociales.  La délégation s’est demandée comment ces pays peuvent renforcer leur résilience pour y faire face.

Pour surmonter les défis, le Guatemala a recommandé une approche holistique concernant la gestion responsable des ressources, la diversification, le développement des infrastructures, les investissements et le transfert de technologies.  À cet égard, il a voulu savoir quelle est la contribution la plus importante du système des Nations Unies pour aider à surmonter ces difficultés, et quelles sont les actions ambitieuses nécessaires aux indispensables changements structurels.

Faisant remarquer que les minerais de fer font l’objet d’une forte demande, l’Union européenne (UE) a estimé que les pays riches en cette ressource devraient saisir cette opportunité et a regretté que les systèmes d’infrastructures soient trop souvent organisés pour exporter les matières premières, laissant les centres manufacturiers au second plan.

En conclusion, la modératrice, Mme Parra-Lancourt, a indiqué aux délégations que les panélistes pourront répondre par écrit à leurs questions.

DÉBAT GÉNÉRAL - DÉVELOPPEMENT DURABLE - SUITE

Mme ARAKSYA BABIKYAN (Arménie) a présenté un panorama des priorités nationales de son pays en matière de développement durable et d’action climatique, en annonçant vouloir présenter, l’an prochain, son troisième examen national volontaire.  Regrettant le manque de financements pour la lutte contre les changements climatiques, elle a appelé à la pleine opérationnalisation du fonds pour les pertes et les préjudices à l’occasion de la COP28.  Elle a également affiché les objectifs de son pays de réduire de 50% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050.

Elle est ensuite revenue sur l’emploi de la force par l’Azerbaïdjan dans la région du Haut-Karabakh d’où, a-t-elle rappelé, plus de 100 000 personnes ont été déplacées et ont trouvé refuge en Arménie.  Cette attaque « contraire aux ODD » exige des mesures immédiates et urgentes de la communauté internationale, a-t-elle réclamé, en précisant attendre d’elle une protection des réfugiés et de leur droit à revenir chez eux.

M. KARLITO NUNES (Timor-Leste) a présenté un aperçu des progrès accomplis par son pays et des défis persistants en matière de réalisation des ODD, notamment en ce qui concerne l’alimentation et la nutrition, la pauvreté, la protection sociale, l’éducation de qualité, les opportunités économiques inclusives et le travail décent, ainsi que les catastrophes climatiques.  Le représentant a souligné l’importance de garantir le bien-être de sa population à travers des investissements dans l’éducation, des infrastructures de qualité et des TIC, ainsi qu’avec des institutions solides.

Le représentant s’est félicité en particulier de la Stratégie nationale pour la protection sociale (2021-2030) de son pays, qui vise à étendre la sécurité sociale aux travailleurs et aux ouvriers, tout en favorisant l’inclusion sociale.  Ainsi, des prestations en espèces et en nature sont prévues, y compris des subventions pour les personnes âgées et les personnes vivant avec des handicaps.  Enfin, le délégué a évoqué l’engagement du Timor-Leste à la protection et à la conservation de l’environnement, notamment par la révision de sa politique forestière nationale et la ratification de la loi sur la biodiversité.  Timor-Leste est également devenu signataire du Traité « BBNJ » qui établit un régime juridique pour la protection et la conservation de la biodiversité.

Mme TAHMINA HASANOVA (Tadjikistan) a évoqué des mesures d’urgences prises par son pays pour protéger son eau potable et ses glaciers.  Le pays accueillera d’ailleurs une conférence internationale sur les glaciers prochainement, a-t-elle annoncé.  La représentante a également parlé de l’appel lancé par son pays depuis de nombreuses années pour la protection de l’eau. Le Tadjikistan propose d’organiser une conférence sur le sujet en 2028, a-t-elle indiqué à cet égard.

Le représentant de la République-Unie de Tanzanie a dit continuer à se pencher sur la réforme de son système d’enseignement supérieur.  Le Gouvernement a octroyé 20 millions de dollars pour aider à développer l’enseignement dans les secteurs de la science et des techniques dans le pays, a-t-il ajouté.  Le représentant a aussi indiqué que les parents tanzaniens sont sensibilisés, même en zone rurale, à la scolarité de leurs enfants.

M. TIEMOKO MORIKO (Côte-d’Ivoire) a insisté sur l’accélération de l’action climatique dans son pays.  Cela se fait via l’avènement de la finance verte, ainsi qu’un plan d’investissements consacré aux politiques d’atténuation.  L’adoption d’un nouveau code de l’environnement est également envisagée dans le pays, a indiqué le délégué.

M. MUHAMMAD ABDUL MUHIT (Bangladesh) a expliqué que son pays avait réduit la pauvreté extrême de 25,1% en 2006 à 5,6% en 2022, soulignant que le Bangladesh était sur la bonne voie pour atteindre des objectifs clefs concernant la lutte contre la pauvreté et l’éducation de qualité avec des efforts en particulier pour des réformes éducatives axées sur la pensée critique et les sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM), ainsi que des investissements significatifs dans l’adaptation et l’atténuation des changements climatiques. Il a également parlé du plan d’action complet pour les ODD et de l’investissement annuel de près d’un milliard de dollars dans des projets liés au climat.  En outre, le Bangladesh s’engage à assurer une couverture sanitaire universelle d’ici à 2030, le taux de bénéficiaires de la protection sociale ayant augmenté de 13% en 2005 à 37,6% en 2022.  Néanmoins, le délégué a pointé les défis subsistants, notamment en matière de disponibilité des données et a plaidé pour des réformes financières internationales.

Mme ALARA İSTEMİL AYDİL (Türkiyea insisté sur la vulnérabilité de son pays aux catastrophes naturelles, mettant en avant la nécessité de se concentrer sur la réduction et la prévention des risques de catastrophe, en appliquant le Cadre de Sendai. Elle a également fait état de la contribution significative de la Türkiye au Programme 2030, notamment grâce à l’introduction d’une résolution sur le zéro déchet de l’an dernier. En matière d’action climatique, la représentante a indiqué que son pays avait actualisé sa contribution déterminée au niveau national et fixé un objectif d’émission net zéro pour 2053.  Elle a également proposé la création d’un centre régional d’activités sur les changements climatiques dans le bassin méditerranéen.  Enfin, a-t-elle fait valoir, la Türkiye se classe cinquième en Europe en matière d’énergie durable et douzième à l’échelle mondiale de l’horizon 2030.  La déléguée a aussi abordé le sujet de l’eau, insistant sur la nécessité d’une approche impartiale et indépendante pour traiter les questions liées à cet élément vital.

M. ROYSTON ALKINS (Guyana) a reconnu que les contraintes au progrès mondial en matière de développement doivent être levées.  À l’échelon national, il a mentionné une stratégie bas-carbone qui oriente le développement du pays et qui joue son rôle dans l’atténuation des effets négatifs des changements climatiques.  Engagé dans la transition énergétique, le Guyana a pour objectif d’assurer une production énergétique de nature renouvelable à hauteur de 80% d’ici à 2050, a signalé le représentant qui a toutefois réclamé des aides pour pouvoir l’atteindre.

M. MUHAMMAD ZULASRI BIN ROSDI (Malaisie) a mentionné les stratégies menées par son pays pour réduire les risques de catastrophe, attirant l’attention sur l’importance d’investir dans la résilience pour réduire les répercussions des catastrophes.  Il a aussi indiqué que son pays avait investi 154 millions de dollars dans la gestion des risques de catastrophe, en ce compris l’atténuation des inondations.  Il a également souligné les initiatives d’économie circulaire et d’accès aux technologies numériques dans les zones rurales et urbaines afin de réduire la fracture numérique et de stabiliser l’exode rural.  Il a ensuite expliqué que son pays soutient les petits producteurs via différentes initiatives de renforcement de l’industrie agroalimentaire, ainsi que la sécurité alimentaire mondiale en rendant l’huile de palme durable et abordable.

La conservation de la biodiversité est également une responsabilité partagée pour l’action climatique à laquelle son pays contribue, a-t-il assuré, tout en jugeant difficile d’atteindre des objectifs climatiques ambitieux sans équité, justice et ressources appropriées.  Le représentant a insisté sur l’importance de l’aide financière et du transfert de technologies vers les pays en développement.  Enfin, il a conclu sur le fait que la Malaisie institutionalise l’implication des différentes parties prenantes dans la surveillance et la mise en œuvre des programmes pour la réalisation des ODD.

M. BULELANI MANDLA (Afrique du Suda dit que son pays promouvait une approche du développement durable « par districts », en s’assurant que les municipalités soient dotées de ressources suffisantes et adéquates.  Les pays en développement ont besoin de quelque 70 milliards de dollars par an pour développer un plan de développement durable et d’atténuation climatique de manière cohérente, a ensuite rappelé le représentant en citant le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe et l’Accord de Paris.

M. USKOV (Fédération de Russiea réaffirmé l’engagement de son pays à atteindre les objectifs de température fixées par l’Accord de Paris.  Il a mis en avant le droit souverain de chaque État à choisir les méthodes les plus appropriés pour la protection de l’environnement et l’adaptation aux changements climatiques et a appelé à une collaboration constructive et non politisée lors de la COP28.  « Nous soulignons une fois de plus qu’il est contre-productif de lier l’agenda climatique aux questions de paix et de sécurité », a dit le délégué en invitant à ne pas examiner les questions environnementales dans des organes tels que le Conseil de sécurité.

En outre, le délégué a souligné l’importance de la conservation de la biodiversité et a salué les résultats de la quinzième session de la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, où la Russie a été décrite comme étant engagée dans une approche équilibrée pour assurer un accès universel à une énergie abordable, fiable et durable.  Il a aussi souligné l’importance du développement du nucléaire, « source d’énergie propre » et une des priorités de la Russie.

Mme DU SAULT (Monaco) a fait savoir que son pays visait la neutralité carbone en 2050 en conformité avec le GIEC et l’Accord de Paris, grâce notamment à un programme de promotion des biocarburants.  Elle a réaffirmé l’engagement de Monaco à contribuer au Fonds vert pour le climat, dont la principauté est déjà le premier bailleur de fonds, à hauteur de 3,3 millions d’euros pour la période 2024-2027.  Elle a également précisé que Monaco contribue à la Coalition pour le climat et l’air pur (CCAP) à hauteur de 500 000 euros sur la période 2024-2025.

Dans un contexte d’insécurité alimentaire et d’inflation, la déléguée a prôné les principes de l’agroécologie, précisant que Monaco se mobilise pour renforcer l’agriculture locale via un système coopératif.  En ce qui concerne la transition énergétique, elle s’est félicitée de son Pacte national pour la transition énergétique dont l’objectif est de faire évoluer les habitudes des Monégasques.  Monaco a également mis en place un cadastre solaire, permettant de mieux déployer des panneaux solaires sur son territoire, a-t-elle précisé, avant de conclure son intervention en insistant sur l’importance de l’égalité de genre.

M. KENNETH WELLES (États fédérés de Micronésiea énuméré les difficultés inhérentes à la situation d’un petit État insulaire en développement et dit miser sur la quatrième conférence sur ces pays, qui se tiendra à Antigua-et-Barbuda en 2024. Il a noté que le rapport du Secrétaire général est alarmant en ce qui concerne les difficultés de ces îles pour renforcer leurs capacités à cause du manque de données, ce qui empêche une évaluation des progrès.  Il a salué le soutien reçu par son pays de la part du système de l’ONU et de la communauté internationale en application des Orientations de Samoa, mais a prévenu qu’une aide supplémentaire était nécessaire pour améliorer les capacités de ses institutions chargées de la statistique.

Sur le sujet de la réduction des risques de catastrophe, il a fait remarquer les faibles chances de la population micronésienne de déménager là où les risques de catastrophe sont faibles, étant donné le niveau des atolls situés à peine plus de 2 mètres au-dessus du niveau de la mer.  Il a dès lors reconnu l’importance de continuer à renforcer les systèmes de préparation.  Le représentant a aussi plaidé pour que l’on se calque sur le Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone, « le meilleur accord environnemental ratifié par tous les pays membres de l’ONU ».  Il s’est félicité par ailleurs de l’adoption l’an dernier du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, avant de plaider en faveur du respect des droits des peuples autochtones dans la mise en œuvre du nouveau traité « BBNJ » sur la conservation de la biodiversité marine.

M. THANOUPHET XAIYAVONG (République démocratique populaire lao) a fustigé les répartitions inégalitaires des ressources et les injustices financières frappant les pays en développement et surtout ceux en situation particulière.  Il a vigoureusement appelé à transformer les cadres financiers existants par le lancement d’une réforme de l’architecture financière internationale.  Sur le plan national, la République démocratique populaire lao a ajouté un dix-huitième ODD aux 17 existants, a-t-il fait savoir: « sauver les vies des munitions non explosées ».

M. HARI PRABOWO (Indonésie) a affirmé que le déficit de financement et la coopération fiscale limitée restent les problèmes les plus importants pour assurer le développement, en particulier pour les pays du Sud.  La mobilisation d’un financement adéquat devrait être prioritaire, a-t-il estimé, ajoutant que le transfert de technologie, le renforcement des capacités et la collaboration internationale devraient également être encouragés.  Le représentant a souligné l’importance des politiques renforçant l’infrastructure numérique et favorisant la culture numérique, et a réaffirmé que la réalisation du Programme 2030 représente le plus grand espoir pour la réalisation d’un monde durable, résilient et inclusif.

M. AHMED SAEED IBRAHIM (Érythrée) a dénoncé la polarisation et les interventions étrangères qui ont un effet délétère sur la distribution des ressources dans son pays, de même que les mesures coercitives unilatérales et les effets des changements climatiques qui, tous, freinent le développement durable. Malgré ces difficultés, l’Érythrée, « dans une démarche autonome », a connu des progrès, que le délégué a listés.  Son pays a donné la priorité à la lutte contre la pauvreté et contre la faim, avec une éducation gratuite jusqu’à l’université, a—t-il précisé.  Le représentant a aussi parlé d’un programme de sauvegarde des sols, de la production d’engrais organiques dans des usines locales, de la mise en place d’initiatives de re-végétalisation, des efforts de collecte des eaux pluviales, ainsi que de la transition progressive vers une irrigation automatique. Des systèmes d’alerte précoce aux catastrophes ont également été adoptés.  Ce sont là « des mesures modestes mais encourageantes, représentant une base solide pour la réalisation des ODD », a-t-il conclu, avant de dénoncer les « donneurs de leçons » qui n’honorent pas leurs promesses.

M. CHOLA MILAMBO (Zambie) a témoigné de progrès importants réalisés dans son pays pour toucher les personnes les plus vulnérables de la population.  Cela s’est fait notamment par l’augmentation du budget alloué au fonds de développement pour les populations, la mise en œuvre d’une politique d’éducation pour tous, ainsi que la mise en place d’une couverture santé universelle, a-t-il précisé.

M. ISMAÏL MERABET (Algériea insisté sur la nécessité d’accélérer la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Sur le plan international, il a appelé à centrer les efforts sur la lutte contre la faim et l’extrême pauvreté.  Jugeant essentiel de réduire le déficit de financement des ODD et de rendre ce financement durable et suffisant pour les pays en développement, il a préconisé une réforme de l’architecture financière internationale -et des banques de développement en particulier– ainsi que la fin des mesures coercitives unilatérales.

M. RYTIS PAULAUSKAS (Lituanies’est inquiété de l’élimination des armes chimiques en mer, sujet de préoccupation mondiale en raison des risques importants qu’elle peut induire pour l’environnement et la santé.  Une question ayant des implications économiques et sociales et qui dépasse donc les simples préoccupations environnementales.  Ces armes se dégradent lentement et relâchent des substances toxiques, a expliqué le représentant, citant des incidents récents en mer Baltique.  En 2010, la Lituanie avait lancé une initiative ayant abouti à l’adoption de la résolution 65/149 sur les « mesures de coopération pour évaluer et faire mieux connaître les effets sur l’environnement des déchets provenant de munitions chimiques immergées en mer », a rappelé le représentant qui a insisté sur la mise en place d’une base de données sur ces munitions.

M. BOUKARY SOUMARÉ (Mauritanie) a mentionné son Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté, fruit d’une large concertation entre l’administration, la société civile, le secteur privé et les partenaires techniques et financiers.  Le pays s’est ensuite doté de la Stratégie de croissance accélérée et de prospérité partagée pour la période 2016-2030.  Le représentant a affirmé que ces politiques gouvernementales visent à améliorer les conditions des plus démunis, avec l’objectif de porter à 1,8 million le nombre de citoyens bénéficiant de l’assurance maladie gratuite à l’horizon 2024.  Sur le plan environnemental, malgré les obstacles, la Mauritanie s’engage à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 92% d’ici à 2030, a-t-il fait savoir, appelant les partenaires internationaux à soutenir les États du Sahel dans leurs efforts d’adaptation.  Il a salué la COP28 comme une occasion de revitaliser l’agenda climatique et a évoqué un programme de développement de l’hydrogène vert en Mauritanie, qui servira de source d’énergie propre et durable.

Mme PAULINA FELICIANO FRANCISCO ABDALA (Mozambiquea évoqué le rapport sur la réduction des risques de catastrophe du Secrétaire général pour souligner que la mise en œuvre du Cadre de Sendai au niveau local reste à la traîne.  Elle a regretté que l’accent reste sur la prévention plutôt que sur la riposte.  Le Mozambique est l’un des pays les plus vulnérables aux catastrophes dues aux changements climatiques, raison pour laquelle il attache une très grande importance à la réduction des risques, qu’il a intégré comme point transversal dans ses politiques stratégiques, a expliqué la représentante.  Elle a aussi vanté son système d’alerte précoce pour les inondations et les cyclones, système qui a permis de réduire le nombre de victimes. La représentante a également plaidé pour l’opérationnalisation du fonds pour les pertes et les préjudices.

M. GIRUM GETACHEW SHIFERAW (Éthiopiea témoigné des difficultés climatiques extrêmes s’abattant sur la Corne de l’Afrique, dont les sécheresses, qui entravent le développement de son pays.  Pour faire face, il a appelé à transformer en profondeur la manière dont est financé le développement durable.  À titre national, l’Éthiopie lutte contre la désertification et l’érosion des sols via un plan décennal « ambitieux », a-t-il témoigné. L’essentiel de l’électricité de la nation est tiré de sources renouvelables, de l’hydroélectricité précisément, s’est-il aussi réjoui.

Mme AL HADDABI (Omana témoigné d’initiatives nationales d’envergure dans le domaine de l’éducation. En 2024, le pays vaincra l’analphabétisme, a-t-elle annoncé.  Elle a aussi indiqué que le pays a investi 190 milliards de dollars pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et devenir neutre en carbone d’ici à 2050.  Enfin, elle a présenté les atouts du système de protection sociale d’Oman, qui couvre toutes les générations, des bébés aux vieillards.

M. EMIL BEN NAFTALY (Israëla dénoncé la récente attaque terroriste sans précédent qui a visé Israël et fait de nombreuses victimes.  En venant à la question du développement durable, il s’est insurgé contre le détournement d’une partie des milliards de dollars déversés à Gaza, qui ont été exploités à des fins terroristes et ont alimenté la machine de guerre du Hamas.  « Quand il lance des roquettes, il n’aide pas la population de Gaza et foule aux pieds les ODD », a encore lancé le représentant, évoquant le manquement moral de toute personne qui ne veut pas comprendre ce qui se passe actuellement. Le Hamas ne veut pas de dialogue et de négociations, mais l’annihilation de l’État juif, a-t-il constaté.

Le représentant du Myanmar a regretté que le « coup militaire illégal » et les atrocités commises par la junte militaire au pouvoir depuis 2021 au Myanmar aient complètement inversé la course du pays aux ODD.  D’après le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, les populations civiles sont assassinées par des frappes aériennes et terrestres au Myanmar, a-t-il cité.  À cette date, a poursuivi le représentant, « l’odieuse junte » continue sa campagne destructrice, privant les enfants d’une éducation de qualité et entravant les progrès dans tous les ODD.  Il a déploré que près de deux millions d’habitants soient aujourd’hui déplacés.  Le délégué a encouragé toute initiative humanitaire permettant de venir en aide à la population, selon le principe de ne laisser personne pour-compte.

M. AL SHEHRI (Arabie saouditea regretté que le Programme 2030 soit remis en cause par manque de progrès.  Les crises en cours depuis deux ans génèrent des problèmes sociaux et humanitaires qui exigent de redoubler d’efforts pour parvenir aux ODD, a-t-il constaté.  Le représentant a indiqué que l’Arabie saoudite a contribué à plusieurs programmes de la région pour développer l’industrie et moins dépendre des matières premières, tout en apportant un soutien à sa population conformément à ses plans de développement.  L’Arabie saoudite joue en outre un rôle important pour mobiliser des ressources en faveur du développement durable des pays en développement, en aidant plus de 100 pays, a fait observer le représentant. En matière d’environnement, il a prôné une approche équilibrée et dit soutenir une réduction progressive des émissions de carbone.

Le représentant des États-Unis a d’abord réaffirmé son soutien ferme à Israël, qui a « le droit de se défendre » après l’attaque terroriste du Hamas.  Une attaque que « rien ne justifie » et qui aura des effets néfastes sur la réalisation des ODD dans la région, a-t-il déclaré.  Pour ce qui est du développement durable, il a précisé que les États-Unis avaient investi plus de 100 milliards de dollars depuis janvier 2021 pour promouvoir le développement dans le monde, la sécurité alimentaire (plus de 17 milliards de dollars pour cette seule cause), élargir l’éducation et lutter contre les maladies.  Il a noté l’imbrication des 17 ODD et l’importance de tous les défendre, mettant néanmoins en lumière les ODD n2 (sécurité alimentaire), n5 (égalité de genre) et n16 (promotion de la paix et de la justice).  Il a enfin défendu la loi « Inflation Reduction Act » adoptée en 2022, « la mesure la plus forte en matière de climat de l’histoire des États-Unis », a-t-il dit, en expliquant qu’elle devrait mettre le pays sur la voie de l’Accord de Paris pour limiter la hausse de température à 1,5 degrés Celsius.

Mme GIULIANA NATALE (Canada), après avoir offert son plein soutien à Israël après l’attaque du Hamas, a insisté sur le fait que les efforts pour atteindre les ODD doivent être ancrés dans le respect de l’égalité des genres et des droits humains, y compris dans un contexte d’aggravation de la crise environnementale et de difficultés des pays en développement à accéder au financement.  Sur le front environnemental, la déléguée a appelé à avancer sur des accords intergouvernementaux tels que le Cadre mondial de la biodiversité Kunming-Montréal et l’Accord de Paris, tout en critiquant les « discussions parallèles » et autres « résolutions régionales ».  Sur la question de l’accès au financement, elle a défendu l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle, « aboutissement de décennies de plaidoyer de la part des PIED ».

M. JAMES LARSEN (Australie) a appelé les pays développés à tenir les engagements qu’ils ont pris en signant l’Accord de Paris.  Il s’est aussi félicité des progrès réalisés dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un indice de vulnérabilité multidimensionnelle, indice dont il a espéré qu’il soit rapidement adopté et appliqué, après 30 ans d’efforts.

Mme NASSER-ABUSHAWES, de l’État de Palestinea déploré les reculs du développement durable et les effets persistants de la crise de la COVID-19 et des changements climatiques.  Le Programme 2030 reconnaît qu’il ne peut y avoir de développement durable sans paix, a-t-elle rappelé, en notant qu’une paix est impossible pour les peuples occupés et colonisés.  Tous les pays ont promis de ne pas faire de laissés-pour-compte, s’est-elle souvenue, en prévenant toutefois que l’État de Palestine est clairement en retard dans tous les domaines, « du fait de la Puissance occupante, Israël ».  Alors que le prochain plan de développement national palestinien est en train d’être élaboré, la représentante a réitéré le droit du peuple palestinien à la création d’un État indépendant comme condition première et indispensable à la réalisation des ODD par la Palestine.

Mgr GABRIELE CACCIA, Observateur permanent du Saint-Siège, a constaté le manque de progrès vers le développement durable et plaidé pour une intervention concertée et immédiate de la communauté internationale pour se remettre sur les bons rails.  Selon lui, il est nécessaire d’adopter un modèle de développement qui place l’être humain en son centre et soit orienté vers le bien commun.  « La pauvreté est un affront à la dignité humaine », a-t-il lancé, s’inquiétant en particulier du manque d’accès à l’éducation, qui crée les conditions nécessaires pour briser le cercle vicieux de la pauvreté et du manque de perspectives.

M. ALAIN WILFRIED BIYA, de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA)a assuré que l’accès à l’énergie est l’un des domaines qui a le plus profité à la réalisation des autres objectifs de développement durable, jouant ainsi un rôle catalyseur.  Toutefois, 675 millions de personnes n’ont toujours pas accès à l’électricité, dont la majorité se trouvent en Afrique subsaharienne.  Sans une décarbonation résolue de l’énergie, l’objectif de limiter la hausse des températures à 1,5° Celsius ne sera pas accessible, a alerté le représentant.  Il a cependant noté que la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique mondiale augmente trop lentement.  Les investissements ont certes atteint un record en 2022, mais pas à un rythme suffisant pour atteindre l’ODD no 7, a-t-il analysé.  Quant aux flux de financement pour l’énergie propre, ils avaient amorcé une baisse avant la pandémie, et cette tendance s’est poursuivie depuis, s’est-il félicité, en soulignant la nécessité d’une collaboration internationale et l’urgence d’orienter des financements des pays développés vers les pays en développement.

Mme KALLIE ANN AULTMAN, de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, mentionnant plusieurs catastrophes récentes en Syrie, en Libye ou en Türkiye, a d’abord souligné que les désastres ne connaissent pas de frontières et affectent de manière disproportionnée les pays en développement et les communautés vulnérables.  Or, « la plupart des gouvernements demeurent mal préparés pour leur prochaine catastrophe », a averti la représentante avant de proposer plusieurs mesures pour atténuer ces risques.  Premièrement, elle a préconisé la mise en place de lois, de politiques et de plans spécifiques aux risques de catastrophe à tous les niveaux de gouvernement.  Deuxièmement, elle a appelé à augmenter les investissements dans la réduction des risques de catastrophe et l’adaptation climatique, notamment par le biais de partenariats innovants et de mécanismes de financement. Elle a cité l’exemple du programme « Water at the Heart of Climate Action », qui opère dans le bassin du Nil et a servi de modèle de partenariat fructueux.

Le représentant de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) a promu les nouvelles technologies et le développement industriel pour aider les pays en développement, les pays développés et les PEID à décarboner leurs industries.  Il a aussi promu l’usage de l’hydrogène vert pour renforcer les capacités des pays en développement.

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