Soixante-dix-huitième session,
9e séance plénière - après-midi
​AG/DSI/3716

La Première Commission achève son débat général avec un accent sur la dimension humanitaire du désarmement

La Première Commission (désarmement et sécurité internationale) a achevé aujourd’hui son débat général après avoir entendu, au fil de huit séances, 149 États, groupes régionaux et observateurs, ainsi que la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, Mme Izumi Nakamitsu, et le Président de l’Assemblée générale, M. Dennis Francis.  Avec l’intervention du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), un fort accent a été mis aujourd’hui sur les aspects humanitaires et juridiques du désarmement et plus encore des nouveaux armements.   

« Il est douteux que les armes nucléaires puissent jamais être utilisées en conformité avec le droit international humanitaire », a ainsi estimé le délégué du CICR en soulignant les conséquences humaines nécessairement catastrophiques qui découleraient de leur emploi.  Une position partagée par l’observateur de l’État de Palestine, selon qui la possession comme l’utilisation des armes nucléaires contreviennent à une pleine adhésion à la Charte des Nations Unies et aux dispositions du droit international humanitaire.   

C’est également dans une perspective humanitaire que le délégué du CICR a dénoncé les risques liés aux systèmes d’armes létaux autonomes (SALA).  « Le ciblage autonome des humains par des machines est une ligne morale que nous ne devons pas franchir », a-t-il déclaré.  À cet égard, il a rappelé l’appel conjoint lancé le 5 octobre par le CICR et le Secrétaire général de l’ONU, qui souligne la nécessité d’adopter au plus vite des règles pour préserver le contrôle humain sur l’usage de la force et les effets des armes.  L’initiative a été saluée par l’observateur de l’État de Palestine.   

Les autres interventions du jour ont été dans la tonalité générale des séances précédentes, marquées par l’inquiétude croissante face au retour de la menace nucléaire, la prolifération d’armes classiques -et notamment des armes légères et de petit calibre (ALPC) parfois présentées comme les véritables armes de destruction massive dans les pays en conflits ou ceux où la société connaît de grandes violences-, et les craintes face à la militarisation du cyberespace et de l’espace extra-atmosphérique ou encore le recours à de nouvelles technologies, y compris l’intelligence artificielle.  Les tensions géopolitiques croissantes se sont aussi reflétées dans les plusieurs dizaines de droits de réponse qui ont émaillé le débat.   

Face aux crises humanitaires actuelles, le Paraguay s’est interrogé sur l’augmentation des budgets militaires globaux, la jugeant inacceptable.  Une position partagée par le Koweït et le Gabon, pour lesquels il y a urgence à réduire les dépenses militaires afin d’octroyer les ressources nécessaires face aux défis climatiques, sanitaires et humanitaires.  Le représentant du Paraguay a également mis en garde contre les répercussions humanitaires des cyberattaques, tout particulièrement quand elles visent des infrastructures vitales.   

Le rôle des zones exemptes d’armes nucléaires (ZEAN) dans l’architecture de désarmement nucléaire a été une fois de plus souligné.  Plusieurs pays africains ont affirmé leur fierté d’avoir adhéré au Traité de Pelindaba, qui a fait du continent une telle zone.  Estimant que l’Afrique avait montré le bon exemple au reste du monde, le Gabon a encouragé les autres régions à suivre la même direction.  Le Kirghizistan a rappelé son rôle dans l’établissement d’une ZEAN en Asie centrale; le délégué de l’Organisme pour l’interdiction des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes (OPANAL) a rappelé le rôle de l’organisation dans la mise en œuvre du Traité de Tlatelolco et la représentante de Cabo Verde a rappelé qu’en avril 2023, son pays avait pris la présidence de la zone de paix et de coopération de l’Atlantique Sud (ZPCAS), établie en 1986 par l’Assemblée générale et composée de 24 pays.   

Les ZEAN ont également fait l’unanimité chez les représentants du monde arabe –Bahreïn, Koweït, État de Palestine et Ligue des États arabes- qui ont tous appelé à la création d’une telle zone au Moyen-Orient.  Bahreïn a notamment estimé que cette création représentait un moyen de mettre en œuvre les décisions de la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) de 1995.  La Ligue des États arabes a, à cet égard, dénoncé l’absence de politique des États dotés, tandis que l’État de Palestine fustigeait le refus israélien de participer à la Conférence visant à la création de cette zone.   

Demain, la Première Commission se réunira à 15 heures pour un débat sur ses méthodes de travail.   

DÉBAT GÉNÉRAL SUR TOUS LES POINTS DE L’ORDRE DU JOUR TOUCHANT LE DÉSARMEMENT ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALE  (SUITE ET FIN)

Déclarations 

Mme SOPHIA TESFAMARIAM (Érythrée) a rappelé que la paix et le développement apparaissent de plus en plus distants.  Il n’y a pas de solution unique, il faut désamorcer les tensions politiques, restaurer la confiance et nouer un dialogue sur le désarmement nucléaire, a déclaré la représentante.  Elle a estimé que certains pays avaient tenté d’imposer un ordre unique, poussant du même coup la communauté internationale vers un précipice, alors que d’autres utilisent la menace du recours à la force, ce qui est un comportement hégémonique, d’autant que l’utilisation de la menace de recours à l’arme nucléaire est immorale.  Pour l’Érythrée, il faut universaliser le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN), éléments essentiels de la non-prolifération.   

Tous les États ont le droit de développer l’énergie nucléaire à des fins pacifiques, a en outre rappelé la représentante, pour qui le transfert de technologies dans ce but doit être respecté sans entrave et avec l’aide de l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).   

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a indiqué que son pays continue d’observer les effets dévastateurs des armes classiques dans les sociétés touchées par des conflits, comme les mines terrestres et les armes à sous-munitions, ainsi que ceux des restes explosifs de guerre.  Ces armes ont un coût élevé pour les civils pendant les hostilités et même plusieurs décennies après la fin du conflit, a souligné le représentant.  À ses yeux, la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel, la Convention sur les armes à sous-munitions et le Protocole relatif aux restes explosifs de guerre à la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination (Protocole V) ont contribué de manière significative à sauver des vies, à prévenir les mutilations et à préserver les moyens de subsistance.  C’est pourquoi le représentant a exhorté tous les États qui ne sont pas encore parties à ces instruments à y adhérer sans délai.   

Par ailleurs, condamnant toute entreprise de militarisation du cyberespace et de l’espace extra-atmosphérique, le représentant a souhaité l’adoption d’instruments juridiques contraignants comblant les lacunes juridiques existantes dans ces deux espaces.   

M. JAMAL FARES ALROWAIEI (Bahreïn) a rappelé à quel point le travail de la Première Commission est crucial pour parvenir à un consensus sur la paix et la sécurité internationales.  Il a réitéré l’attachement de son pays au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), insistant notamment sur le droit des États à utiliser l’énergie atomique à des fins pacifiques et affirmant qu’elle contribue à la réalisation des objectifs de développement durable.   

Le représentant a réitéré son soutien à la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient, rappelant qu’il s’agissait d’un moyen de mettre en œuvre les décisions de la Conférence d’examen du TNP de 1995.  À ce titre, il a exprimé son espoir de voir de nombreuses délégations participer à la quatrième session de la Conférence chargée de créer une telle zone.  Toujours à propos des problèmes de sécurité régionale, il a appelé l’Iran à coopérer pleinement avec l’AIEA.  Il a également prévenu contre l’utilisation des drones par des groupes terroristes.   

Le monde est confronté à l’évolution rapide des technologies de l’information et des communications (TIC), lesquelles doivent être utilisées à des fins pacifiques pour servir les intérêts de l’humanité, a déclaré le représentant.  Affirmant prêter la plus haute importance à ce thème, il a mentionné la création récente par son pays d’un centre national de cybersécurité pour prévenir les cyberattaques, et appelé au respect des principes des Nations Unies dans le cyberespace.   

M. MEDER UTEBAEV (Kirghizistan) a notamment déclaré que son pays, en tant que candidat au siège de membre non permanent du Conseil de sécurité pour la période 2027-2028, est déterminé à maintenir la paix et à prévenir la prolifération des armes de destruction massive.  À cet égard, le Kirghizistan a prévu de faire de la promotion et de la sensibilisation à ces sujets l’une de ses priorités s’il devait être élu au Conseil.  Il a également rappelé le rôle de son pays dans l’adoption du Traité portant création d’une zone exempte d’armes nucléaires (ZEAN) en Asie centrale.   

D’ores et déjà, le Kirghizistan s’engage à promouvoir les questions de sensibilisation au désarmement et à la non-prolifération dans le cadre de la Journée internationale de sensibilisation au désarmement et à la non-prolifération, promulguée par la résolution 77/51 de l’Assemblée générale que nous avons portée et qui aura lieu le 5 mars de chaque année, a fait valoir le représentant.  Il a ajouté que son pays continuerait également de plaider en faveur de la création d’une association internationale des villes et villages possédant d’anciens sites de production d’uranium, laquelle pourrait devenir un mécanisme d’interaction permanente sur les questions de développement socioéconomique et environnemental à ce niveau local.   

M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) a déclaré que, dans le cadre du Traité sur le commerce des armes (TCA), son pays défend la nécessité d’un respect rigoureux des normes de marquage, d’enregistrement et de traçabilité des armes légères et de petit calibre (ALPC), y compris une gestion efficace des stocks et de leurs munitions, afin de réduire la menace que ces armes représentent pour les populations civiles innocentes.  Le Mozambique réaffirme également l’importance du Traité de Pelindaba ayant porté création d’une ZEAN en Afrique, et qui interdit la recherche, le développement, la fabrication, l’acquisition, les essais, la possession, le contrôle ou le stockage d’armes nucléaires, ainsi que le déversement de déchets radioactifs sur le continent africain.  En conclusion, le représentant a assuré que son pays demeure pleinement déterminé à mettre en œuvre tous les traités et conventions de désarmement et de non-prolifération.   

Mme AURÉLIE FLORE KOUMBA PAMBO (Gabon) a estimé qu’il faut poursuivre les efforts en faveur du désarmement, en mettant l’accent sur les instruments bilatéraux et multilatéraux tels que le TICE et le TNP, qui sont la pierre angulaire de l’architecture multilatérale du désarmement.  La paix et la sécurité internationales passent par le dialogue et la restauration de la confiance mutuelle entre les nations, a rappelé la représentante, qui a estimé que l’Afrique avait montré le bon exemple en adoptant le Traité de Pelindaba, qui fait du continent une ZEAN.  Elle a encouragé d’autres régions à suivre cette direction.  Les événements qui ont cours depuis quelques jours dans le Moyen-Orient nous rappellent l’extrême fragilité et volatilité de notre sécurité collective, a‑t‑elle ajouté.   

La représentante a déploré l’incapacité des États parties au TNP à adopter un document à l’issue de la dixième Conférence d’examen du Traité et les échecs essuyés par les résolutions appelant à la réduction substantielle des arsenaux nucléaires.  S’agissant du désarmement nucléaire, elle a regretté le manque de volonté de certains États qui continuent de poursuivre le perfectionnement de leurs arsenaux en violation du TNP.  Pour le Gabon, il y a urgence à réduire les dépenses militaires afin d’octroyer les ressources nécessaires pour faire face aux défis climatiques, sanitaires et humanitaires, ainsi qu’aux objectifs de développement durable.   

La représentante a appelé au renforcement des procédures de marquages des ALPC et des munitions, qui alimentent de nombreux groupes terroristes, des gangs ainsi que l’escalade de la violence dans plusieurs régions du monde.  Enfin, elle a estimé que la protection de l’espace extra-atmosphérique, devenu vital pour la communication, la surveillance et les activités militaires, est non seulement dans l’intérêt de chaque nation, mais aussi de toute l’humanité.   

Mme MADELIN ESTHER LUNA (République dominicaine) a commencé par condamner l’attaque du Hamas contre Israël, saluant les propos du Secrétaire général de l’ONU pour mettre fin au cycle de violence.  De multiples menaces entravent la marche vers la paix internationale, a ensuite déploré la représentante, s’inscrivant en faux contre ceux qui pensent que la réponse au problème réside dans l’augmentation des budgets militaires ou le renforcement des arsenaux nucléaires.  Elle a demandé une mise en œuvre des trois piliers du TNP sans condition, rappelant les obligations de l’article VI sur l’élimination des arsenaux existants.  Elle a également appelé au respect des Conférences d’examen du TNP et exigé que les États dotés garantissent la non-utilisation des armes nucléaires contre les États non dotés.  La seule assurance contre l’emploi des armes nucléaires reste leur élimination, a‑t‑elle poursuivi, exhortant les États Membres à adhérer au TIAN et se félicitant en outre de l’adoption l’an passé du Plan d’action de Vienne.   

Le trafic des ALPC et de leurs munitions contribue aux tensions, à l’instabilité et à la violence dans les conflits, a déclaré la représentante, qui a appelé de ses vœux un renforcement de la coopération internationale pour éradiquer le trafic des ALPC et de leurs munitions.  Elle a accueilli favorablement les résultats du Groupe de travail à composition non limitée sur les munitions classiques, tout en estimant que le cadre de régulation global sur la gestion des munitions tout au long de leur cycle de vie adopté par le Groupe aurait dû l’être depuis longtemps.   

Enfin, la représentante a estimé indispensable d’assister les pays en développement pour leur permettre de se prémunir des risques liés aux TIC.  À ce titre, elle s’est félicitée du travail du Groupe de travail à composition non limitée sur la sécurité des TIC et de l’adoption d’un document final comportant un rapport d’étape.   

M. FAHAD MOHAMMAD F M F ALAJMI (Koweït) a jugé important d’allouer les ressources humaines et financières réservées à la course aux armements à des fins pacifiques et de développement.  Le représentant a également appelé à l’universalisation des différents traités et conventions de désarmement et de non-prolifération, à commencer par le TNP et le TICE.  Il a en outre plaidé en faveur de l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient.  Le processus de la Conférence, dont nous avons présidé la deuxième session, a déjà permis de se mettre d’accord sur son règlement et ses méthodes de travail ou encore de créer un comité de travail chargé de poursuivre des consultations intersessions, a‑t‑il ajouté, soulignant en outre que ce processus de négociation ne devait pas être politisé et devait recueillir la participation de tous les acteurs de la région.   

M. FRANCISCO JOSE DA CRUZ (Angola) a estimé que, vu la menace croissante que les armes nucléaires représentent pour l’humanité et l’environnement, les États ne devraient pas accroître leurs arsenaux nucléaires.  Il a défendu le principe d’un désarmement nucléaire complet comme condition préalable au maintien de la paix et de la sécurité internationales.  La réalisation de cet objectif dépend de l’engagement de tous les États dotés à démanteler leurs arsenaux d’armes, a relevé le représentant.  Il a souligné que l’AIEA doit continuer à jouer son rôle en maximisant l’utilisation de la science et de la technologie pour le développement socioéconomique.   

Le représentant a rappelé que son pays a ratifié le Traité de Pelindaba et le TNP, deux instruments fondamentaux pour aborder le désarmement.  Le renforcement des ZEAN existantes et la création d’autres zones sont essentiels pour parvenir à un monde exempt d’armes nucléaires, a‑t‑il ajouté.   

Tout en reconnaissant l’utilisation d’ALPC en tant que droit souverain des États pour assurer leur autodéfense et leur sécurité nationale, le représentant a souligné que le commerce illicite des armes classiques et des munitions a de profonds effets déstabilisateurs, en particulier en Afrique.  Il a réitéré son attachement à la mise en œuvre du Programme d’action des Nations Unies visant à prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des ALPC sous tous ses aspects.  Le représentant a également souligné que l’Union africaine avait nommé, en mai 2022, le Président de l’Angola João Manuel Gonçalves Lourenço, champion de l’Union africaine pour la paix et la réconciliation.   

Mme TANIA SERAFIM YVONNE ROMUALDO (Cabo Verde) a estimé que le désarmement dépendra toujours des quelques pays qui possèdent 90% des armes nucléaires dans le monde.  Bien qu’État non doté, Cabo Verde est partie aux principaux traités de désarmement, à savoir le TNP, le TICE, le TIAN et le Traité de Pelindaba.  Pour la représentante, l’abolition des armes nucléaires est le meilleur moyen de garantir qu’elles ne seront pas utilisées et de parvenir à la paix et la sécurité internationales.   

Cabo Verde s’est engagé dans des efforts de coopération avec les Nations Unies et l’Union africaine pour défendre les principes fondamentaux inscrits dans la Charte, a rappelé la représentante, qui a lancé un appel pour que tous les États ratifient le TICE afin d’en assurer l’entrée en vigueur.  Elle a appelé les États à ratifier le TIAN pour parvenir à son universalisation.   

La représentante a rappelé qu’en avril 2023, son pays avait pris la présidence de la zone de paix et de coopération de l’Atlantique Sud (ZPCAS), établie en 1986 par la résolution 41/11 de l’Assemblée générale, et composée de 24 pays.  Elle a souligné que son pays avait promu l’opportunité d’adhérer au TIAN lors de la huitième Réunion ministérielle de la ZPACAS qui a eu lieu à Cabo Verde.  S’agissant du désarmement, elle a mis en avant l’engagement de l’organisation à consolider l’Atlantique Sud en tant que zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive et a appelé à la création d’autres zones de paix et de coopération également exemptes d’armes nucléaires.   

M. JOSÉ EDUARDO PEREIRA SOSA (Paraguay) a estimé que le contexte mondial exige de travailler en direction d’un désarmement complet et, à ce titre, s’est associé à une majorité de pays qui souhaitent emprunter la voie de la diplomatie.  Pour le représentant, l’augmentation des budgets militaires est inacceptable face aux crises humanitaires.  Il s’est dit préoccupé par le modèle stratégique de la dissuasion nucléaire, ajoutant que, plutôt qu’une sécurité accrue, cette approche représente un risque latent pour la plus grande partie de la population.  La seule façon d’éviter l’emploi des armes nucléaires, c’est de les interdire et de les éliminer, a‑t‑il poursuivi.   

Le représentant a rappelé la signature du Traité de Tlatelolco par son pays, instaurant dans sa région une ZEAN.  Il a exhorté à renforcer le régime du TNP avec le TIAN et le TICE.  Regrettant que ce dernier ne soit pas encore entré en application, il a appelé les pays figurant à l’annexe 2 du Traité à y adhérer.   

Le représentant a dénoncé la menace que la criminalité transnationale organisée fait peser sur la paix internationale et le fonctionnement des institutions.  Ce fléau, a‑t‑il poursuivi, est alimenté par le trafic des ALPC et de leurs munitions.  Il a préconisé un respect des engagements de la communauté internationale sur les armes classiques et a salué l’activité du Groupe de travail à composition non limitée pour élaborer un cadre mondial à même de gérer les munitions tout au long de leur cycle de vie.   

Le représentant s’est également fait l’écho de plusieurs pays du Sud global en ce qui concerne le besoin d’assistance, de coopération et de transferts de technologies pour assurer la sécurité dans le secteur des TIC.  Le droit international et le droit humanitaire s’appliquent aussi au cyberespace, a‑t‑il rappelé, avertissant contre toute attaque contre les infrastructures vitales.  Enfin, il a fait part de ses préoccupations concernant la militarisation de l’espace, considérant qu’elle est une source d’instabilité dans les relations internationales et augmente le risque de confrontation militaire.   

M. GABRIELE CACCIA, Observateur permanent du Saint-Siège, a déclaré qu’un monde exempt d’armes nucléaires nécessite non seulement un réexamen des doctrines de sécurité des États dotés et des mesures de vérification adéquates, mais également la fourniture d’une assistance à ceux qui ont souffert des conséquences du développement, de la production et des essais d’armes nucléaires, ainsi que la réhabilitation des environnements contaminés par ces activités.  À cet égard, le Saint-Siège accueille favorablement le projet de résolution coparrainé par le Kazakhstan et Kiribati sur ces questions.  Il a dit espérer que tous les États –en particulier ceux qui s’appuient sur la dissuasion nucléaire– s’engageront de manière constructive dans la réparation des injustices engendrées par les armes nucléaires.   

M. QAIS Z. F. KASABRI, observateur de l’État de Palestine, a estimé que tant la possession que l’utilisation des armes nucléaires contreviennent à une pleine adhésion à la Charte des Nations Unies et aux dispositions du droit international humanitaire.  Il a appelé à la destruction de toutes les armes de destruction massive, soulignant la responsabilité particulière des États dotés.  Réaffirmant sa confiance dans l’approche multilatérale, il s’est dit préoccupé par l’échec de la dernière Conférence d’examen du TNP, prônant transparence et bonne volonté pour assurer le succès de la prochaine session.   

L’observateur a préconisé la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive au Moyen-Orient, affirmant travailler à l’établissement d’un consensus entre tous les pays de la région.  À ce titre, il a dénoncé la non-participation d’Israël au processus, avant d’accuser ce pays de violer les résolutions, normes et réglementations du droit international, citant également le refus israélien de soumettre ses infrastructures nucléaires au système de garanties de l’AIEA.   

Rappelant que l’État de Palestine est signataire du TNP et du TIAN, l’observateur a exhorté les pays non signataires du second à y adhérer.  Il s’est également réjoui de l’acceptation du vote à la Conférence générale de l’AIEA, présenté par l’Égypte au nom de la Palestine, pour que cette dernière soit désormais présentée comme « État de Palestine » –un changement de dénomination qui lui confère des privilèges et des droits.   

L’observateur a dénoncé l’usage des armes classiques par Israël pour commettre, selon lui, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, prônant un traçage plus efficace.  Enfin, il a partagé ses préoccupations quant aux déploiements des Systèmes d’armes létaux autonomes, les qualifiant d’inacceptables tant sur le plan juridique que moral.  Il a appelé de ses vœux, dans la ligne du Secrétaire général de l’ONU et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), la négociation sur le plan international d’un instrument contraignant pour les interdire.   

M. LAURENT GISEL, du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a estimé que le Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général présente une vue très réaliste de la situation mondiale actuelle, avant de rappeler que le CICR constate tous les jours sur le terrain combien l’évolution des conflits aggrave les souffrances des victimes.  Il a ensuite présenté son point de vue en tant que gardien du droit international humanitaire.   

Le délégué a rappelé qu’en raison de leurs conséquences humanitaires catastrophiques, il est fort douteux que les armes nucléaires puissent jamais être utilisées en conformité avec le droit international humanitaire, avant de juger extrêmement préoccupante l’érosion actuelle des tabous concernant une telle utilisation.  S’alarmant de voir le risque d’utilisation des armes nucléaires au plus haut depuis les heures les plus sombres de la guerre froide, il a appelé tous les États à démontrer leur engagement en faveur d’un monde libéré des armes nucléaires en adhérant sans délai au TIAN et à tous les autres traités de désarmement nucléaire.   

M. Gisel a ensuite dénoncé les risques humanitaires, éthiques et juridiques inacceptables que font courir le développement et l’utilisation sans contrainte de SALA, et a rappelé l’appel conjoint lancé le 5 octobre par le CICR et le Secrétaire général de l’ONU, qui souligne la nécessité d’adopter au plus vite des règles pour préserver le contrôle humain sur l’usage de la force et les effets des armes.  Le délégué s’est félicité de la prise de conscience actuelle et a appelé à aller au-delà des cadres juridiques existants pour adopter un cadre juridique contraignant qui établisse clairement des lignes rouges.  Pour le CICR, « le ciblage autonome des humains par des machines est une ligne morale que nous ne devons pas franchir ».   

Les conflits armés en cours ont montré l’importance croissante des « menaces numériques et cyber » et le potentiel de l’intelligence artificielle, a poursuivi le délégué, qui a aussi mis en garde contre l’engagement croissant d’entreprises, de groupes de hackers et autres acteurs civils dans de telles opérations.  Il a annoncé la publication la semaine prochaine par le CICR de principes directeurs et de recommandations.   

Le délégué a par ailleurs réaffirmé l’importance d’une pleine application du droit international humanitaire dans l’espace extra-atmosphérique et a recommandé que les États étudient et discutent plus avant la manière dont le droit international s’applique dans l’espace, suggérant diverses mesures pratiques.   

M. Gisel a appelé toutes les parties à des conflits armés à cesser immédiatement d’utiliser des mines antipersonnel et des armes à sous-munitions. Il a demandé aux États de faire plus attention aux risques liés aux exportations d’armes et de munitions.  Enfin, face à l’utilisation massive d’armes à fort potentiel explosif dans des zones densément peuplées, il a rappelé la Déclaration politique adoptée à Dublin le 18 novembre 2022, estimant que l’engagement de déjà 83 pays représentait un changement important d’état d’esprit qui doit toutefois être mis en pratique.   

Avec une priorité donnée au désarmement, les valeurs humanitaires partagées fournissent la base nécessaire pour agir et traiter des défis mis en exergue dans le Nouvel Agenda pour la paix, a conclu le délégué.   

M. MAGED ABDELFATTAH ABDELAZIZ, Observateur permanent de la Ligue des États arabes auprès de l’Organisation des Nations Unies, a fait remarquer les antagonismes croissants entre les doctrines militaires des États nucléaires de l’Est et de l’Ouest.  Il a noté les nombreuses alliances militaires, stratégiques et économiques à travers lesquelles chaque partie élargit ses frontières dans le but de dissuader l’autre, et aussi pour repositionner ses armes nucléaires et de destruction massive.  Cette situation tendue coïncide avec les échecs de mise en œuvre du TNP, a‑t‑il déploré, blâmant les États dotés, accusés d’ignorer leurs obligations.  Une telle attitude limite la marge de manœuvre de la communauté internationale, a estimé l’Observateur permanent, d’autant plus que les États officiellement dotés sont ceux-là mêmes qui disposent d’un statut de membre permanent du Conseil de sécurité.  Dans ce cadre, il a salué le Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général de l’ONU, estimant qu’il montre la voie vers un désarmement qui répond aux aspirations de toutes les nations.   

L’Observateur permanent a appelé la Première Commission à œuvrer pour réduire les tensions, tout particulièrement entre grandes puissances nucléaires.  Il a estimé que la ratification du TNP ne dispense pas de travailler à l’universalité du Traité, pas plus qu’à l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’armes de destruction massive au Moyen-Orient.  Cette dernière n’a pas encore vu le jour, a‑t‑il déploré, citant notamment pour cause l’absence de volonté politique des États dotés.   

L’Observateur permanent a souligné combien il est important d’appliquer le programme des Nations Unies visant à prévenir le commerce illicite des ALPC, tout en ajoutant que cela ne devait pas se faire au préjudice du droit des pays à obtenir des armes classiques pour répondre à leurs besoins de sécurité.  Dans ce cadre, il s’est félicité de l’adoption du document final de la huitième Réunion biennale du Programme d’action, déclarant attendre avec intérêt sa mise en œuvre en vue de la tenue de la quatrième Conférence d’examen.  Il a par ailleurs insisté sur le besoin de coopération internationale dans le domaine de la cybersécurité, appelant les Nations Unies à endosser un rôle central dans l’élaboration de normes internationales et préconisant un renforcement de l’aide aux pays en développement pour faire face aux cyberattaques.  Enfin, il a souligné que l’espace extra-atmosphérique est un patrimoine commun à toute l’humanité.   

M. FLÁVIO DAMICO, de l’Organisme pour l’interdiction des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes (OPANAL), a déploré que le refus du compromis caractérise trop souvent la sécurité internationale de nos jours.  Pour lui, le jeu à somme nulle auquel se livrent nombre d’États revient à renier les buts et principes de la Charte des Nations Unies, laquelle appelle au respect de la justice et du droit international ainsi qu’au règlement des différends de manière pacifique.   

Les traités portant création de ZEAN et la norme du TICE sont, eux, exemplaires d’un respect strict de ces principes, a poursuivi le représentant.  Il a en outre indiqué que les États membres de ces zones œuvrent année après année au développement du droit international par le biais d’une diplomatie résolument multilatérale, qui trouve à s’exprimer dans les projets de résolution soumis à la Commission.  Le dialogue que mène l’OPANAL dans les instances internationales pour inciter les États dotés à honorer leurs engagements en matière d’élimination de leurs arsenaux nucléaires y contribue également.   

Droits de réponse 

Le représentant de la République islamique d’Iran a estimé qu’il serait bénéfique qu’une délégation qui a pris la parole (mais non nommée) respecte la souveraineté des États en matière de politique étrangère.   

La représentante d’Israël a dit réagir à la déclaration d’une délégation disant être ici pour promouvoir le respect des traités en matière de désarmement.  Quelles valeurs incarnent ces traités si certains intervenants stockent des armes nucléaires alors qu’ils prétendent adhérer aux traités de désarmement? s’est-elle demandé.  Les mots comptent dans la foi juive.  Lorsque les délégations ne peuvent condamner le Hamas et ne peuvent faire preuve d’empathie envers 1 200 personnes tuées, que vaut leur parole sur les traités? Que valent vos signatures si vous ne pouvez condamner les attaques terroristes? On ne peut pas donner ce que l’on n’a pas, a-t-elle conclu en citant un proverbe arabe.  

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