La Sixième Commission reçoit la visite du Président de l’Assemblée générale et se divise sur le principe de compétence universelle
La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a reçu, ce matin, la traditionnelle visite du Président de l’Assemblée générale pour la session en cours, avant d’entamer son débat sur la portée et l’application de la compétence universelle. M. Dennis Francis a souligné l’importance des travaux de la Commission pour la poursuite des objectifs de paix et de justice de l’ONU « alors que notre système multilatéral est mis à mal ». « Les situations au Moyen-Orient, en Afrique et en Haïti nous servent de piqûres de rappel: la paix n’est pas un acquis », a-t-il averti.
Les travaux de la Sixième Commission sur la protection des personnes en cas de catastrophe jouent un rôle important, a affirmé M. Francis. Face aux dangers posés par l’élévation du niveau de la mer, une priorité de sa présidence, il a recommandé à la Commission de poursuivre ses discussions sur les implications de ce phénomène en droit international. Le consensus général appelé de ses vœux par le Président de l’Assemblée n’a cependant pas prévalu lors de l’examen du principe de compétence universelle qui a continué de diviser les délégations, une partie d’entre elles reprochant à d’autres de politiser le concept.
Déplorant, à l’instar du Pakistan et de l’Ouganda, le « deux poids, deux mesures », la Fédération de Russie a estimé que ce principe continue d’être utilisé par l’Occident comme outil de lutte contre les régimes qui ne leur conviennent pas. La République islamique d’Iran, au nom du Mouvement des pays non alignés, et la Chine se sont alarmés des « abus » du principe, notamment lorsqu’il est invoqué à l’encontre de représentants de l’État jouissant de privilèges et immunités, en violation du droit international. Ce sont de tels abus, a rappelé l’Ouganda, qui avaient conduit le Groupe des États d’Afrique à demander l’inscription de ce point à l’ordre du jour de l’Assemblée générale en 2009. Le principe de compétence universelle devrait toujours être appliqué dans le respect de l’égalité souveraine des États et de la non-ingérence dans leurs affaires intérieures, ont martelé les délégations de Russie, du Soudan et du Cameroun. Le Bélarus et le Brésil ont aussi considéré que le principe de souveraineté des États appelle à une utilisation limitée de la compétence universelle.
Si une grande majorité des délégations ont désigné l’État du territoire sur lequel un crime international a été perpétré comme premier responsable des poursuites pénales, les dissensions sur la portée et l’application du principe de compétence universelle ont été marquées. Plusieurs pays, dont la Chine, la Russie et le Sénégal, se sont accordés à dire que les juridictions nationales restent l’instance de premier ressort, tandis que d’autres, comme la Thaïlande ou l’Iran, ont privilégié une approche fondée sur la nationalité des auteurs.
L’Union européenne, Saint-Vincent-et-les Grenadines, au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), ou encore l’Égypte, ont tenu à souligner que la compétence universelle peut s’appliquer « exceptionnellement » quand il s’agit de lutter contre l’impunité pour les crimes les plus graves, à savoir les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité. Si l’État du territoire où un tel crime a eu lieu n’est pas en mesure de poursuivre pénalement ses auteurs, la compétence universelle peut alors s’appliquer, toujours en complémentarité avec les juridictions nationales pertinentes. « Car ceux qui commettent des atrocités doivent rendre des compte », a abondé le représentant de l’Allemagne.
Les poursuites engagées par l’Allemagne et l’Autriche contre des dirigeants de Daech ont d’ailleurs été citées en exemple par les délégations du Liechtenstein et du Canada, qui s’exprimaient aussi au nom de l’Australie et de la Nouvelle- Zélande. La compétence universelle reste ainsi un « outil intéressant » pour rendre justice aux victimes de crimes graves qui feront certainement l’objet de jugements par des tribunaux internationaux, ont renchéri la Lituanie, au nom des pays baltes, et les Pays-Bas, attirant l’attention sur leur doit interne qui permet des enquêtes et la collecte de preuves sur des crimes graves perpétrés en dehors de leur territoire par des non-ressortissants.
Il est nécessaire d’approfondir la définition de la compétence universelle, qui, selon la Russie, reste « nébuleuse », et ses interactions avec d’autres concepts du droit international, comme la compétence extraterritoriale et les procédures d’extradition, a encore fait remarquer le Mexique. À ce titre, plusieurs États, comme la République tchèque, au nom de l’Autriche et de la Slovaquie, ou encore Sri Lanka, ont souhaité que la question de la compétence universelle soit inscrite au programme de travail à long terme de la Commission du droit international (CDI). « Nous ne voyons pas pourquoi certains États refusent une analyse juridique qui permettrait une meilleure compréhension du principe, sans préjuger d’un engagement quelconque », a tranché le délégué tchèque.
Appelant à un « changement de paradigme » dans lequel les victimes de crimes et non plus leurs auteurs, figureraient au cœur de l’approche », le Mexique n’a pas été le seul à souhaiter la poursuite des discussions sur le principe de compétence universelle à la Sixième Commission. De l’avis de Sri Lanka, de telles discussions peuvent contribuer à réduire l’impunité et offrir « la promesse d’une justice meilleure ».
La Commission poursuivra ses travaux sur ce thème lundi 16 octobre, à partir de 10 heures.
COMPÉTENCE UNIVERSELLE
Déclaration du Président de l’Assemblée générale
M. DENNIS FRANCIS, Président de l’Assemblée générale, a fait état de la centralité des travaux de la Sixième Commission pour la poursuite des objectifs de paix, de justice et d’état de droit des Nations Unies « alors que notre système multilatéral est mis à mal ». Les multiples défis rendent les travaux de la Sixième Commission plus pertinents que jamais alors même qu’elle œuvre à la garantie et la production d’un cadre juridique international robuste, flexible, clair et prévisible. « Les situations au Moyen-Orient, en Afrique et en Haïti nous servent de piqûres de rappel: la paix n’est pas un acquis », a-t-il averti. « Nous devons investir davantage pour l’atteindre et la pérenniser ».
Si les défis sont plus nombreux, les capacités collectives pour les surmonter sont aussi plus élevées, a avancé M. Francis, et les changements nécessaires pour atteindre la paix et le développement durable pour tous, peuvent être menés. Préserver la paix doit rester la pièce maîtresse des travaux de l’ONU, a-t-il déclaré, rappelant toutefois qu’il est crucial de s’attaquer aux changements climatiques. Les travaux de la Sixième Commission sur la protection des personnes en cas de catastrophe jouent un rôle ici important, a-t-il affirmé, attirant l’attention sur les dangers posés par l’élévation du niveau de la mer qui est l’une des priorités de sa présidence. Face aux millions de personnes déplacées et aux réfugiés climatiques, il incombe à la Sixième Commission de poursuivre les discussions sur les incidences juridiques de ce phénomène en droit international et sur les cadres juridiques futurs. Le Président a mentionné la séance informelle qu’il convoquera sur ce sujet le 3 novembre prochain.
La Sixième Commission se doit également de garantir le plein respect du droit international tout au long de ses délibérations, a relevé M. Francis. Alors que le fléau du terrorisme continue de s’abattre sur le monde, il convient d’encadrer la coopération transfrontière, a-t-il poursuivi, exhortant la Commission à établir, dans le respect de la justice et du droit international, des conditions permettant que les traités et les dispositions du droit international soient honorés. « Nous devons adopter des règles claires et pratiques. » En conclusion, le Président a loué la tradition en vigueur à la Sixième Commission, à savoir la recherche d’un consensus. En ces temps compliqués, il a encouragé toutes les délégations à se réengager en faveur du consensus qui permet de refléter toutes les perspectives, y compris celles des pays les plus vulnérables.
Portée et application du principe de compétence universelle - A/78/130
Débat général
M. BAHRAM HEIDARI (République islamique d’Iran), au nom du Mouvement des pays non alignés, a insisté sur les limites du principe de compétence universelle, en soulignant l’importance d’empêcher tout recours inadéquat à un tel principe. Il a rappelé la nécessité de respecter la souveraineté des États, y compris sur le plan judiciaire. Le représentant a estimé que les tribunaux nationaux qui invoquent le principe de compétence universelle à l’encontre de hauts-responsables jouissant de l’immunité violent l’un des principes les plus fondamentaux du droit international, à savoir la souveraineté des États. L’immunité, qui est consacrée par le droit, doit être respectée. Il a rappelé le contexte qui a vu l’inclusion de ce point de l’ordre du jour: le Groupe des États d’Afrique avait demandé, en février 2009, qu’il soit examiné pour remédier à la portée incertaine dudit principe et à ses abus.
Le représentant s’est ainsi dit « alarmé » par les implications du principe de compétence universelle pour la souveraineté des États concernés. Le fait d’invoquer un tel principe contre des hauts-responsables de pays de notre Mouvement, jouissant de l’immunité, est préoccupant. Il a mis en garde contre toute extension injustifiée des infractions soumises à un tel principe, avant de souhaiter la mise sur pied d’un mécanisme visant à prévenir tout abus dans son application. La compétence universelle ne doit pas remplacer les autres compétences, à savoir les compétences de l’État du territoire et de l’État de nationalité, a tranché le représentant. Enfin, il a jugé « prématuré » de demander à la Commission du droit international (CDI) de conduire une étude sur tous les aspects de ce principe.
M. MARVIN IKONDERE (Ouganda), au nom du Groupe des États d’Afrique, a rappelé l’importance particulière de ce sujet pour le Groupe, qui avait demandé en février 2009, l’inclusion d’un point supplémentaire sur l’abus du principe de compétence universelle dans l’ordre du jour de la soixante- troisième session de l’Assemblée générale, après avoir constaté « des abus, en particulier en ce qui concerne les fonctionnaires africains ». Les débats ont été longs et intenses depuis, mais sans avancée importante au sujet de l’utilisation abusive ou de l’abus du principe, raison pour laquelle la portée de la juridiction universelle demeure incertaine. Les États d’Afrique et la Commission de l’Union africaine se sont pourtant impliqués de manière constructive et dans un esprit de coopération, notamment en fournissant des informations sur les traités internationaux applicables, les règles juridiques nationales et les pratiques judiciaires.
De l’avis du Groupe des États d’Afrique, « la Sixième Commission peut et doit prendre des mesures pour lutter contre la tendance des États non africains à appliquer le principe de la compétence universelle aux Africains en dehors des processus multilatéraux, sans le consentement des États africains, et en dehors des garanties de coopération relevant du système international ». Le délégué a indiqué que le Groupe disposait de données montrant l’utilisation du principe d’universalité en Afrique avec le consentement et la coopération des États concernés, et conformément à l’engagement des États africains de mettre fin à l’impunité pour les crimes atroces. Le consentement et la coopération, lorsqu’ils sont régulés au sein du système multilatéral, peuvent limiter l’utilisation abusive de la compétence universelle, a-t-il argué. Par ailleurs, la compétence universelle peut être complémentaire avec la juridiction nationale du pays concerné, et elle ne doit pas être appliquée de manière incohérente avec les principes du droit international ou du droit international coutumier, notamment en ce qui concerne la souveraineté, la non-ingérence dans les affaires intérieures des États et l’immunité diplomatique.
Mme HAYLEY-ANN MARK (Saint-Vincent-et-les Grenadines), au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a pris note du rapport du Secrétaire général sur la portée et l’application de la compétence universelle, qui fournit des éléments pour les futurs travaux de la Commission à ce sujet. Rappelant que le contenu des notes de travail informelles du Président du Groupe de travail listait plusieurs questions à débattre, parmi lesquelles le concept de compétence universelle, son rôle, ses composantes et la distinction avec d’autres concepts, ainsi que son champ d’application, elle s’est félicitée du dialogue mené sur ces questions. La représentante a rappelé que la compétence universelle était un outil exceptionnel du droit international, visant « à lutter contre l’impunité et à renforcer la justice ». La CELAC appuie le point de vue réitéré par plusieurs délégations selon lequel la compétence universelle ne doit pas être confondue avec l’exercice de la compétence pénale internationale, ni avec l’obligation d’extrader ou de poursuivre, un point de vue « conforme à compréhension de la CELAC sur le sujet ». Une étude de la CDI sur cette question permettrait à l’Assemblée générale de progresser dans la clarification de certains aspects juridiques de ce principe, a conclu la représentante.
Mme SIMONA POPAN, de l’Union européenne, a déclaré que l’Union européenne (UE) déploie tous les efforts nécessaires pour la poursuite des crimes les plus graves au niveau international. À cette fin, elle a estimé que le principe de compétence universelle peut être un outil primordial, bien que son utilisation doive rester « exceptionnelle » et ne s’appliquer qu’aux crimes les plus graves. La première responsabilité concernant les poursuites de ces crimes incombe aux États, a-t-elle rappelé. Toutefois, la représentante a concédé que ce principe peut être utile en l’absence d’un lien spécifique entre l’État où le crime est commis et l’État de nationalité. Elle a attiré l’attention sur le « réseau génocide » mis en place par l’UE pour lutter contre l’impunité du crime de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre au sein de l’Union et de ses États membres.
M. RYTIS PAULAUSKAS (Lituanie), au nom des pays baltes, a expliqué que si les États ne veulent pas ou ne peuvent pas amener les auteurs de crimes à répondre de leurs actes, d’autres États qui n’ont pas de lien direct avec le crime devraient pouvoir combler le vide existant sur la base de la compétence universelle. Ce principe est un « outil subsidiaire important » pour garantir que les auteurs des pires crimes rendent compte de leurs actes, a-t-il fait valoir, en rappelant que les États baltes avaient adopté des législations nationales en ce sens et appliqué la compétence universelle pour ouvrir des enquêtes sur les crimes qui auraient été commis en Ukraine et contre l’Ukraine. Il a encouragé d’autres États à suivre cet exemple.
Convaincu que les crimes perpétrés en Ukraine feraient l’objet d’une enquête et finiraient par être punis par la Cour pénale internationale (CPI) et par un tribunal international spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine, le représentant a estimé, en attendant, que l’exercice de la compétence universelle par les organes des différents États pouvait contribuer à rendre justice aux victimes et à empêcher la commission de nouveaux crimes. Pour cela, il a suggéré de mobiliser davantage d’efforts et de ressources dans tous les États pour s’assurer que la compétence universelle « puisse être utilisée au maximum de son potentiel ».
M. ALEXANDER AGNELLO (Canada), au nom de l’Australie, du Canada et de la Nouvelle-Zélande, a dit que la compétence universelle est un « principe fondamental du droit » habilitant tous les États à poursuivre les auteurs des crimes les plus graves. Il est dans l’intérêt de la communauté internationale et des victimes que les crimes graves soient sanctionnés et que leurs auteurs soient punis. Ce principe doit s’appliquer de bonne foi, à l’abri de toute considération politique, dans le respect des règles relatives aux immunités, a-t-il ajouté.
En règle générale, a indiqué le délégué, la responsabilité première de l’enquête et de la poursuite des crimes internationaux graves incombe à l’État sur le territoire duquel le comportement criminel est censé avoir été commis, ou à l’État de nationalité de l’accusé. La compétence universelle peut venir combler une lacune lorsque ces deux acteurs ne peuvent ou ne veulent poursuivre les auteurs de crimes. Il a souligné l’importance des jugements récemment rendus par des tribunaux autrichiens à l’encontre de responsables syriens. La compétence universelle est importante quand la Cour pénale internationale (CPI) ne peut pas exercer sa compétence, a conclu le délégué.
Mme JULIA FIELDING (Suède), au nom des pays nordiques, a plaidé pour une approche prudente, notamment en ce qui concerne la liste des crimes auxquels le principe de compétence universelle peut s’appliquer. Les États ont la responsabilité première de poursuivre ces crimes, a rappelé la déléguée, regrettant que l’impunité continue. Elle a ajouté que la Cour pénale internationale (CPI) peut aussi constituer un outil pour poursuivre ces crimes si les États ne peuvent pas ou ne veulent pas poursuivre des crimes internationaux. Si la CPI n’a pas la compétence, alors seulement le principe de compétence universelle peut s’appliquer. Les pays nordiques encouragent les États qui ne l’ont pas encore fait à intégrer les crimes internationaux graves dans leur législation afin qu’ils ne restent pas impunis.
M. MAREK ZUKAL (République tchèque), au nom de l’Autriche, de la Slovaquie et de la République tchèque, a fait état de l’importance du principe de compétence universelle dans certains cas. Il s’agit, a-t-il dit, d’une compétence distincte dans les tribunaux internationaux qui peut offrir un accès à la justice aux victimes et combler des lacunes en matière d’impunité, tout en garantissant les normes du droit international. Regrettant néanmoins le ralentissement des progrès concernant une définition, il a salué le rapport du Secrétaire général pour examiner les convergences entre les opinions des États Membres sur le sujet. Selon sa délégation, une analyse juridique de la CDI permettrait une meilleure compréhension des trois éléments importants, à savoir la définition, la portée et l’application, sans que cette analyse ne préjuge du résultat final ou d’un engagement quelconque.
M. SURIYA CHINDAWONGS (Thaïlande) a annoncé que la Thaïlande soumettra un document d’information sur la compétence des cours suprêmes pour les crimes majeurs commis en dehors du territoire et qui n’ont pas de lien avec la Thaïlande. Il s’agit de crimes qui doivent être réprimés, peu importe le lieu ou les auteurs, a asséné le délégué. La Thaïlande est convaincue qu’il est dans l’intérêt et qu’il y va de la responsabilité de la communauté internationale de garantir le principe de compétence universelle pour les crimes les plus graves. Mais cette compétence doit être bien définie, utilisée en tant qu’outil complémentaire, et reconnaître les principes généraux du droit, a-t-il averti. Le délégué s’est dit préoccupé par le fait qu’une utilisation abusive pourrait aboutir à des poursuites pour des crimes ordinaires, ce qui constituerait une atteinte majeure aux principes du droit général.
Mme MERHABA HASLER (Liechtenstein) a salué la tendance des tribunaux nationaux à invoquer de plus en plus le principe de compétence universelle pour lancer des enquêtes et des poursuites pénales concernant des crimes internationaux. La déléguée a cité en particulier les poursuites engagées par la justice allemande contre des crimes atroces commis en Syrie. À ce sujet, elle a également salué le travail du Mécanisme international, impartial et indépendant qui a aidé le tribunal de Coblence à faire condamner des responsables syriens de haut niveau pour crimes contre l’humanité. Ce mécanisme joue un rôle essentiel dans la lutte contre l’impunité pour des crimes atroces lorsqu’il travaille avec des États invoquant la compétence universelle, a assuré la déléguée. Elle a aussi évoqué le Statut de Rome de la CPI, et encouragé tous les États Membres qui ne l’ont pas encore fait à y adhérer et à intégrer ses dispositions dans leur Code pénal.
M. PEDRO MUNIZ PINTO SLOBODA (Brésil) a noté que le rapport du Secrétaire général sur la portée et l’application du principe de compétence universelle confirmait le manque d’uniformité de la pratique des États. Il a évoqué un « principe subsidiaire » par rapport à des « facteurs de rattachement plus directs » comme la territorialité et la nationalité. Le délégué a rappelé que les États qui ont des liens étroits avec les crimes commis avaient toujours la priorité juridictionnelle pour poursuivre les auteurs de ces crimes et qu’il fallait en tenir compte lors de la rédaction des clauses sur l’obligation de poursuivre ou d’extrader. Il a en outre souligné le caractère exceptionnel du principe qui ne devrait être appliqué que de manière « responsable et judicieuse », et limité aux crimes graves pour « éviter les abus ». Le délégué a par ailleurs jugé essentiel que l’accusé soit présent sur le territoire de l’État où il est jugé. Il a insisté sur l’interdiction de la double incrimination et conclu que la compétence universelle ne pouvait servir « d’autres intérêts que ceux de la justice ».
Mme ELIZABETH MARYANNE GROSSO (États-Unis) a reconnu que des questions subsistent sur la portée et l’application du principe de compétence universelle. Les observations faites par les États, les efforts du Groupe de travail au sein de la Commission et les rapports du Secrétaire général ont été précieux pour nous aider à identifier les divergences d’opinion entre les États ainsi que les points de consensus sur cette question, a noté la représentante. « Nous continuons d’analyser toutes ces contributions. » En conclusion, elle a mentionné les récents amendements apportés à la législation des États-Unis sur les crimes de guerre.
M. MICHAEL HASENAU (Allemagne), même s’il a préféré que les crimes les plus graves soient traités par les juridictions nationales, a estimé que la compétence universelle permet de poursuivre tous leurs auteurs et de renforcer les droits des victimes. Il a annoncé des changements sur les procédures en place dans son pays, tels qu’une interprétation en langue étrangère pendant les procès et un soutien psychologique aux victimes, y compris de crimes sexuels. Daech est revenu en Allemagne, a-t-il regretté, et la compétence universelle permet de garantir la pleine responsabilité des auteurs de crimes graves et d’appliquer des peines plus lourdes. Dans le cadre de l’attaque russe contre l’Ukraine, l’Allemagne a mis en place une structure spécialisée qui examine les témoignages et les preuves de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Mme MELINDA VITTAY (Hongrie) a souligné que la pratique judiciaire autour de l’application du principe de compétence universelle était en « constante évolution ». Elle a donné l’exemple de son pays où, en 2020, un tribunal de Budapest a rendu un jugement historique contre un homme surnommé le « bourreau de Daech », auteur de crimes contre l’humanité à l’encontre de la population civile en Syrie, un jugement confirmé par la Cour d’appel de Budapest en 2021 et qui a envoyé le message que « les crimes internationaux les plus odieux ne doivent pas rester impunis ». Dans l’idéal, ces crimes sont jugés par des tribunaux locaux dans le pays où ils ont été commis, comme le veut le principe de la souveraineté des États, a-t-elle précisé, ce qui signifie que la compétence universelle doit toujours être utilisée « en dernier recours ». La représentante a rappelé que dans le cas de son pays, les procédures pénales en vertu de la compétence universelle ne pouvaient être engagées que sur ordre du Procureur général de Hongrie, ce qui constitue une véritable garantie de procédure. Elle a conclu son intervention en appelant les membre de la Sixième Commission à identifier les points de convergence et de divergence sur la définition, la portée et l’application de la compétence universelle.
M. PAVEL EVSEENKO (Bélarus) a considéré que le principe de compétence universelle ne doit s’appliquer qu’à certaines catégories de crimes, car une application très large à n’importe quel crime selon les priorités des États contredirait le principe fondateur du droit. Compte tenu de l’ambiguïté des approches des États en la matière et des lacunes existantes dues à l’utilisation abusive du principe de compétence universelle à des fins politiques et aux tentatives de l’appliquer au sens le plus large sans tenir compte des obligations juridiques internationales relatives aux immunités des représentants de l’État, « le principe ne peut pas être considéré comme une règle coutumière du droit international ». L’obligation des États de poursuivre sur leur territoire les auteurs de crimes internationaux ne peut naître que sur la base d’un traité international universel, a insisté le délégué. Il a également critiqué des accords conclus « à la va-vite » entre certains États, comme la Convention de Ljubljana-La Haye, qui ne peuvent pas constituer des normes reconnues au niveau international. Les mécanismes prévus par cette convention pourraient saper la confiance des États, a-t-il prévenu.
Mme YARDEN RUBINSHTEIN (Israël) a dit la grande douleur qui est la sienne aujourd’hui, avant de rappeler l’attachement de son pays au sujet à l’ordre du jour. « Cette année, nous ne pouvons néanmoins pas l’aborder sans faire référence aux événements incompréhensibles qui se sont déroulés », a déclaré la déléguée, en soulignant la cruauté et la barbarie de l’attaque du Hamas, le 7 octobre. Elle a indiqué que plus de 1 300 Israéliens et de ressortissants de pays présents dans cette salle ont été tués, avant de dénoncer les prises d’otages du Hamas. « Ces actions terrifiantes constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. » La déléguée a mentionné les récits terrifiants des survivants de cette attaque, soulignant que des personnes ont été brûlées vives à leur domicile. Le Hamas a commis des crimes internationaux graves et les responsables doivent rendre des comptes, a-telle insisté, avant de remercier la communauté internationale pour son soutien lors de cette période de « grande angoisse. »
M. MATS JACOBS (Pays-Bas), après avoir exprimé le soutien de sa délégation à Israël dans le cadre des récents événements, a assuré que la compétence universelle est un outil important dans la lutte contre les crimes les plus graves au niveau international. Aux Pays-Bas, a-t-il poursuivi, la loi sur les crimes internationaux de 2003 codifie les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité, en veillant à la pleine mise en œuvre des dispositions du Statut de Rome au niveau national. Ladite loi permet également de mener des enquêtes à l’étranger quand ces crimes sont commis par des étrangers, bien que certaines enquêtes soient impossibles, à moins que les victimes ne soient des ressortissants néerlandais et que le suspect soit présent sur le territoire au moment de l’enquête. Par ailleurs, le délégué a rappelé que le Code pénal néerlandais prévoit la compétence universelle pour la piraterie en mer. En conclusion, sa délégation appuie l’étude de la CDI sur la portée et l’application du principe de compétence universelle et attend ses résultats.
M. BAHRAM HEIDARI (République islamique d’Iran) a noté que les États Membres devaient encore parvenir à une « compréhension commune » du cadre conceptuel et juridique de la compétence universelle et de son champ d’application, notamment s’agissant du chevauchement entre ce principe et les immunités de certains hauts fonctionnaires. Il par ailleurs noté que « l’expansion non consensuelle » des crimes relevant de la compétence universelle restait un sujet de préoccupation pour son pays. À ce titre, le représentant a fait part de l’opinion d’un certain nombre de juges de la Cour internationale de Justice (CIJ) concernant « le chaos judiciaire » qui pourrait résulter si la compétence universelle était conférée aux tribunaux de tous les États du monde pour poursuivre certains crimes. L’application « sélective et arbitraire au profit de certains États spécifiques » est un autre point préoccupant, a jugé le représentant. Il a indiqué que pour son pays la compétence universelle constituait principalement un outil permettant de poursuivre les auteurs de certains crimes graves « en vertu des traités internationaux pertinents ». Le renvoi de cette question à la CDI pour un examen approfondi ne produirait donc pas, selon lui, de résultats satisfaisants pour la suite des travaux de la Sixième Commission.
M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a considéré que la compétence universelle ne peut être invoquée par les tribunaux nationaux que pour poursuivre et prononcer des condamnations pour des crimes graves définis en droit international. Mais, pour l’heure, a-t-il constaté, « l’utilisation de cet outil contre l’impunité reste entachée d’incohérence, de confusion et, parfois, d’une justice inégale ». Les tribunaux pénaux internationaux ont également un rôle essentiel à jouer pour combattre l’impunité, mais en complément des tribunaux nationaux. Selon le représentant, élargir l’exercice de la compétence universelle par les tribunaux nationaux pourrait toutefois contribuer à réduire les écarts dans l’application du droit qui ont favorisé les auteurs de crimes graves.
M. ABDOU NDOYE (Sénégal) a dit que la compétence universelle s’avère être l’un des moyens les plus efficaces pour prévenir et réprimer les pires atrocités. Considérant que l’exercice de la compétence universelle par les États Membres demeure une nécessité pour la lutte contre l’impunité des atrocités de masse, le Sénégal l’a intégrée dans son dispositif juridique interne, a-t-il indiqué. Il s’est dit convaincu que l’application de la compétence universelle doit toujours reposer sur les principes du droit international, notamment le respect de la souveraineté des États, la non-ingérence dans leurs affaires intérieures ou encore l’égalité souveraine des États. La légitimité et la crédibilité de la compétence universelle restent fortement tributaires de son application qui doit demeurer conforme au principe de complémentarité, bien établi en droit pénal international, a argué le délégué. Enfin, il a appelé la CDI à délimiter clairement le champ d’application du principe de compétence universelle. « Le recours au principe de compétence universelle, sur la base de règles claires, pour les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime de génocide pourrait être un excellent moyen de lutter contre l’impunité des auteurs des atrocités de masse dans le monde. »
M. PABLO ADRIÁN ARROCHA OLABUENAGA (Mexique) a relevé la pertinence de la compétence universelle pour certaines situations. Toutefois, il a estimé qu’il reste utile d’approfondir et de préciser des questions. Parmi celles-ci, la compétence subsidiaire, la différence entre la compétence universelle et la compétence extraterritoriale, ainsi que la différence entre la compétence universelle et la compétence aut dedere aut judicare. Le délégué a souhaité que la CDI inclue la question de la compétence universelle à son programme de travail, espérant que l’on puisse mettre de côté les divergences internes entre les commissions afin de répondre aux demandes des États Membres. Il faut un changement de paradigme dans lequel les victimes, et non plus les auteurs, figureraient au cœur de l’approche pour garantir que justice soit faite, a-t-il conclu.
M. JONATHAN SAMUEL HOLLIS (Royaume Uni) a souligné que la compétence universelle pouvait être un outil important pour s’assurer que les auteurs de crimes graves n’échappent pas à la justice, tout en notant l’absence de consensus international sur la nature, la portée et l’application de ce principe. Il a rappelé que ce principe était distinct de la compétence des mécanismes judiciaires internationaux et autres catégories de compétence extraterritoriale et qu’il existait des « chevauchements » entre la compétence universelle et les régimes d’extradition et de poursuites. Le représentant a insisté sur la primauté de l’approche territoriale de la compétence, rappelant que les autorités de l’État sur le territoire duquel une infraction est commise sont « généralement les mieux placées » pour poursuivre cette infraction. Il n’existe qu’un « petit nombre d’infractions » sans lien apparent entre le crime et le Royaume-Uni pour lesquelles les tribunaux nationaux peuvent exercer une compétence universelle. Il a indiqué que sur ces questions, son pays gardait une préférence pour la collaboration entre États par le biais de traités.
M. MARTÍN JUAN MAINERO (Argentine) a rappelé que la responsabilité principale de lancer des enquêtes et de mener des procès incombe aux États qui ont un lien avec les crimes. L’Argentine estime qu’il faut dégager des règles claires concernant l’exercice de la compétence universelle, afin d’éviter des abus de procédure et des poursuites à des fins politiques. Le délégué a indiqué que son pays l’avait exercée à plusieurs reprises, à titre subsidiaire et exceptionnel, s’agissant de crimes qui n’auraient pu être jugés dans les États liés à l’auteur ou au crime.
Mme NATASA ŠEBENIK (Slovénie) a noté que ces dernières années, les autorités judiciaires nationales ont de plus en plus souvent invoqué la compétence universelle pour lancer des enquêtes sur les atrocités commises dans plusieurs pays et initier avec succès des procédures judiciaires sur cette base. À ce titre, elle s’est félicitée que son pays, avec l’Argentine, la Belgique, les Pays-Bas, la Mongolie et le Sénégal, ait su mener à bien les négociations qui ont débouché sur l’adoption de la Convention de Ljubljana-La Haye sur la coopération internationale en matière d’enquêtes et de poursuites relatives au crime de génocide, aux crimes contre l’humanité, aux crimes de guerre et aux autres crimes internationaux. Elle a expliqué que la Convention offrait, pour la première fois dans l’histoire, un cadre juridique permettant aux pays de coopérer « sur une base systématique » dans la poursuite des crimes internationaux les plus graves. Les États ont également inclus dans cet instrument l’obligation d’établir une compétence universelle pour les crimes internationaux, une disposition qui, a conclu la représentante, reflète le développement progressif du droit international.
M. JAMES KIRK (Irlande) a souligné l’importance de la compétence universelle dans la lutte contre l’impunité. Si l’établissement des responsabilités pour les crimes les plus graves a un effet dissuasif, c’est aussi un élément essentiel dans tout processus de réconciliation. Il a précisé que l’application d’une compétence extraterritoriale, y compris la compétence universelle, est exceptionnelle dans son pays et encadrée par la Constitution irlandaise. Notre droit ne permet pas la tenue de procès par contumace, par conséquent, pour que le principe de compétence puisse s’appliquer, la personne suspectée doit être présente sur le territoire irlandais, a ajouté le délégué. « C’est pourquoi ce principe a été très peu appliqué en Irlande jusqu’à présent. » Enfin, il a déclaré que ce principe doit s’appliquer de manière transparente et raisonnable.
M. HUSSEIN OSSAMA HUSSEIN ABDELRHMAN ROSHDY (Égypte) a souligné que s’il était important, aux yeux de son pays, de lutter contre l’impunité, l’Égypte était aussi attachée au respect du droit coutumier, notamment au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États. Selon lui, l’adoption d’une définition trop large du principe de compétence universelle devrait être évitée. Le principe de compétence universelle doit venir « compléter » la compétence des juridictions nationales et ne doit être utilisé qu’à titre « exceptionnel », a poursuivi le délégué. Il ne peut être invoqué que lorsque l’État où le crime est commis n’est pas à même ou n’est pas disposé à exercer sa compétence, sans que des procédures arbitraires ne soient prises contre cet État. Le délégué a réitéré le souhait de son pays que les discussions sur ce sujet soient « méticuleuses, sans imposer de calendrier », afin d’aboutir aux résultats escomptés.
M. MARVIN IKONDERE (Ouganda) a rappelé que la communauté internationale est loin d’avoir dégagé un consensus sur la portée et l’application du principe de compétence universelle. Par conséquent, la compétence de juger de ces crimes revient à l’État où le crime a eu lieu, a-t-il tranché. La portée et l’application de ce principe doivent, en outre, s’effectuer en cohésion avec le droit international afin d’éviter les abus et le « deux poids, deux mesures ». Selon le délégué, il s’agit donc d’une compétence qui doit être exercée en complément aux juridictions nationales, l’État du territoire le plus touché par le crime devant en poursuivre l’auteur. Si l’État du territoire n’est pas à même de le faire, la compétence universelle, peut servir à condition d’être exercée de bonne foi et dans le respect des normes, a-t-il conclu.
M. MUHAMMAD USMAN IQBAL JADOON (Pakistan) a déclaré que si son pays reconnaissait la nécessité d’éliminer l’impunité, les efforts collectifs pour parvenir à une compréhension unifiée de cette question étaient « obscurcis » par de fortes disparités. Il a ainsi dénoncé « l’utilisation sélective et la distorsion » du principe de compétence universelle par certains États et estimé qu’il ne devait être invoqué que dans des circonstances exceptionnelles, la première réponse devant toujours venir des voies de recours internes, « sauf si l’État n’a pas la volonté ou la capacité de le faire ». Le représentant a par ailleurs noté que la compétence universelle ne devrait s’appliquer qu’aux crimes graves tels que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide et souligné que l’obligation d’extrader ou celle de poursuivre des individus en vertu d’accords conventionnels étaient « conceptuellement et juridiquement distinctes » de la compétence universelle. Après avoir décrit le principe comme un outil essentiel du respect de la justice, indépendamment des frontières géographiques et de l’État exerçant un contrôle effectif sur le territoire occupé, le délégué a conclu que le principe de compétence universelle ne devait pas être considéré comme une « autorisation d’empiéter » sur la souveraineté des États et devait toujours s’appliquer dans le plein respect des principes du droit international et de la Charte des Nations Unies.
M. AMMAR MOHAMMED MAHMOUD MOHAMMED (Soudan) a souhaité un dialogue « inclusif et transparent » sur cette question controversée. Toute approche équilibrée doit tenir compte des principes consacrés par le droit, tels que la souveraineté des États et la non-ingérence dans leurs affaires intérieures, a déclaré le délégué, en soulignant la prééminence de la compétence nationale sur la compétence universelle. L’État sur le territoire où est commis un crime ou l’État de nationalité doivent avoir compétence. Il est crucial d’éviter tout conflit de juridiction, a déclaré le délégué. Plaidant pour le consensus, il a appelé à prévenir tout abus dans l’application du principe de compétence universelle.
M. ALEXANDER S. PROSKURYAKOV (Fédération de Russie) a rappelé les contours nébuleux du concept de compétence universelle, ce que le rapport de la CDI souligne. Si ce rapport rend bien compte des différentes perspectives et modalités existant en droit interne, il n’y a pas de consensus sur l’application de ce concept, a-t-il rappelé. Si la communauté internationale souhaite atteindre un consensus, elle doit faire preuve de pragmatisme et s’assurer que la compétence universelle est appliquée en accord avec le droit international, en particulier en ce qui concerne l’immunité des fonctionnaires. Les abus de ce concept risquent de compliquer les relations entre les États, a mis en garde le représentant, appelant tout de même à la coopération dans les domaines de l’échange d’information et d’aides interétatiques. L’absence durable de consensus signifie que l’on ne peut pas discuter de critères pour la portée et l’application de la compétence universelle, a-t-il relevé, suggérant qu’il faudrait peut-être en faire un sujet « trisannuel ». Ce sujet, a-t-il rappelé, a été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée par le Groupe des États d’Afrique et avait pour but initial de renforcer les juridictions nationales et de faire en sorte qu’elles ne soient pas utilisées à des fins politiques. Toutefois, les juridictions nationales continuent d’être utilisées par l’Occident comme outil de lutte contre des régimes qui ne leur conviennent pas, a-t-il regretté.
Mme ARIANNA CARRAL CASTELO (Cuba) a dit que la portée et l’application du principe de compétence universelle doivent faire l’objet d’un débat général, afin d’éviter une utilisation abusive. Cette compétence ne peut aller à l’encontre d’un système judiciaire national ni être utilisée à des fins politiques, a insisté la déléguée. Les principes de droit international constituent la limite du principe de compétence universelle, qui doit être utilisé dans des circonstances exceptionnelles. Cuba exprime sa préoccupation face à son exercice de manière sélective et avec des « motivations politique » par des tribunaux de pays industrialisés contre des pays en développement, sans que cela ne découle d’une norme internationale ou d’un traité. L’immunité absolue de chefs d’État et de fonctionnaires de haut rang ne doit pas faire l’objet d’une remise en question sous prétexte de compétence universelle, a asséné la déléguée.
M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a rappelé que l’Assemblée générale avait, dans plusieurs résolutions sur la lutte contre l’impunité, consacré le principe de souveraineté des États découlant de l’égalité même de ces États au plan international. Il a souligné que la compétence universelle renvoyait à la capacité des États de punirleurs propres nationaux lorsqu’ils commettent des crimes et a expliqué à ce titre qu’il existait plusieurs principes fondant la compétence extraterritoriale de l’État d’origine. Le représentant a estimé, en s’appuyant sur plusieurs exemples, qu’il était dangereux d’habiliter tous les États à procéder à la répression de certains types d’infractions, quel que soit le lieu où elles ont été commises ou la nationalité de leur auteur ou des victimes. Cette approche, a-t-il expliqué, risque de transformer la souveraineté des États et la stabilité internationale en « agneau sacrificiel à l’autel d’une certaine politique publique internationale ». Les crimes spécifiques couverts par la compétence universelle varient en fonction des lois de chaque État, a conclu le représentant, en encourageant les États à inclure dans leur ordre juridique interne des dispositions qui donnent à leurs juridictions toute compétence pour connaître de tous les crimes commis par leur nationaux. Il a indiqué que sa délégation était favorable à un consensus sur les fondements et la portée du principe de compétence universelle.
M. LI LINLIN (Chine) a souligné que cette question de la compétence universelle a des aspects diplomatiques, juridiques et politiques, avant d’insister sur le manque de consensus entre les États. Il a notamment estimé que l’exercice de la compétence universelle dans le cas de la piraterie n’offre pas de base pour l’exercice de ce principe dans d’autres cas. Le délégué a souligné l’importance de respecter la souveraineté des États et la non-ingérence dans leurs affaires intérieures, ainsi que les immunités, dans l’application de ce principe. Il a appelé à éviter tout abus dans l’exercice de la compétence universelle. Enfin, le délégué a jugé « prématuré » de demander à la CDI de conduire une étude sur tous les aspects de ce principe.
Droit de réponse
Le délégué de la République arabe syrienne a réagi à la déclaration faite par le Liechtenstein, qui visait à « politiser » ce débat pourtant de nature exclusivement juridique, en violation de la souveraineté nationale de la Syrie. Il a rappelé l’importance de ne pas s’ingérer dans les affaires internes des États. Il a invité son homologue à se préoccuper des crimes dans son pays qui n’ont pas besoin de compétence universelle, « comme la fraude fiscale ».