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Conférence sur la biodiversité marine en haute mer: trois approches en discussion pour créer et gérer les aires protégées

Première session,
matin & après-midi
MER/2081

Conférence sur la biodiversité marine en haute mer: trois approches en discussion pour créer et gérer les aires protégées

Les travaux sur un futur traité pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité en haute mer se sont poursuivis, aujourd’hui, dans le cadre des Groupes de travail sur les « outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées » et sur « les études d’impact sur l’environnement ».*

Faut-il une approche mondiale, régionale ou hybride pour créer et gérer les aires marines protégées?  Le Groupe des États d’Afrique a défendu la première option car pour être véritablement contraignantes, ont renchéri les Petits États insulaires du Pacifique, les décisions doivent être prises par un organe à compétence mondiale.  Évitons « un traité sans mordant » assimilable à un « tigre de papier », a prévenu l’Argentine.  L’approche mondiale prévoit donc une conférence des États parties, organe suprême et décisionnel, un secrétariat responsable de la gestion administrative et un comité scientifique ouvert aux scientifiques et experts de toutes les régions du monde qui examinerait les propositions des États, en tenant compte, ont insisté Nauru et les États fédérés de Micronésie, des savoirs traditionnels, « résultats de plusieurs siècles d’observation ».

Non, ont contré les tenants de l’approche sectorielle ou régionale dont la Fédération de Russie.  Des décisions prises au niveau mondial à la majorité des voix ouvriraient la voie à la politisation, a-t-elle argué.  Elles doivent être prises par les États directement concernés, a insisté la Fédération de Russie, vantant l’excellent travail de la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est (OSPAR).

La Nouvelle-Zélande et le Japon ont tenté de rapprocher les points de vue en prônant une approche hybride.  Toute proposition de créer une aire marine protégée pourrait être envoyée au comité scientifique qui ferait des recommandations à la conférence des États parties.  La décision de la conférence serait ensuite envoyée aux cadres existants qui auraient le dernier mot.

Qu’en est-il des études d’impact sur l’environnement?  Doivent-elles être obligatoires?  La base juridique se trouve dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, ont répondu le Groupe des 77 et la Chine, en écho à l’Union européenne.  Les articles 204, 205 et surtout 206 en attestent puisque « lorsque des États ont de sérieuses raisons de penser que des activités envisagées relevant de leur juridiction ou de leur contrôle risquent d’entraîner une pollution importante ou des modifications considérables et nuisibles du milieu marin, ils évaluent, dans la mesure du possible, les effets potentiels de ces activités sur ce milieu et rendent compte des résultats de ces évaluations ».

Le futur traité doit aller plus loin et établir des nouvelles normes et exigences minimales, a estimé le Groupe des États d’Afrique, appuyé par les Petits États insulaires du Pacifique.  De nouvelles activités aussi?  Pour le Groupe des États d’Afrique, le futur traité doit fixer des critères, suggérant, comme l’a fait aussi le Brésil, de se référer à l’« Annexe I du Protocole au Traité sur l’Antarctique, relatif à la protection de l’environnement ».  « Des critères exclusivement scientifiques », a souligné le Canada.

La Conférence intergouvernementale reprendra ses travaux demain, mardi 11 septembre, à partir de 10 heures.

*A/CONF.232/ 2018/3

CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE SUR UN INSTRUMENT INTERNATIONAL JURIDIQUEMENT CONTRAIGNANT SE RAPPORTANT À LA CONVENTION DES NATIONS UNIES SUR LE DROIT DE LA MER ET PORTANT SUR LA CONSERVATION ET L’UTILISATION DURABLE DE LA BIODIVERSITÉ MARINE DES ZONES NE RELEVANT PAS DE LA JURIDICTION NATIONALE

Groupe de travail sur les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées et autres mesures

Les participants ont entamé cette deuxième semaine de débats sur la mise en place d’un futur instrument sur la « la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité dans les zones marines ne relevant pas des juridictions nationales » en examinant la question de la « Procédure relative aux outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées », le point 4.3 du guide établi spécialement pour faciliter les débats (document 2018/3).

Appelés à dire concrètement quelles seraient les procédures pour établir les aires marines protégées et les outils de gestion y afférents, et de dessiner le cadre institutionnel approprié, les participants ont donné des avis qui ont permis de retenir trois approches majeures: une approche globale ou mondiale, une approche sectorielle ou régionale et enfin une approche dite hybride qui tient compte des deux précédentes. 

Pour l’Algérie, au nom du Groupe des États d’Afrique, l’approche globale est la plus adéquate si l’on veut surmonter le statu quo.  Au nom des Petits États insulaires du Pacifique, Nauru a aussi insisté sur le fait que pour être contraignantes, les décisions doivent être prises par un organe à compétence mondiale.  « Si nous voulons un instrument solide et de portée mondiale, alors il faudra lui offrir de nouveaux organes de régulation afin de ne pas dépendre d’organes externes », a argué l’Argentine qui a mis en garde contre « un traité sans mordant » assimilable à un « tigre de papier ».   

Le cadre institutionnel prévoirait, a relevé l’Algérie, une conférence des parties qui en serait l’organe suprême et décisionnel, un secrétariat responsable de la gestion administrative au jour le jour et un comité scientifique ouvert aux scientifiques et experts de toutes les régions du monde.  Cet aménagement institutionnel proposé par le Groupe des États d’Afrique a reçu le soutien de plusieurs participants. 

L’Algérie a précisé que le comité scientifique devrait examiner les propositions qu’on lui fait avec toutes les organisations pertinentes.  En dehors des États parties, les organisations compétentes pourraient également être autorisées à faire des propositions pour la création des aires marines protégées.  Dans ce cadre, Nauru a plaidé pour la prise en compte des savoirs traditionnels, un avis partagé par les États fédérés de Micronésie qui ont préféré parler de « comité d’experts » pour tenir compte de ces savoirs, « résultats de plusieurs siècles d’observation ».

Les Bahamas, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a estimé qu’il faut faire des écosystèmes particulièrement vulnérables le principal critère pour la création des aires marines protégées.  Si la plupart des délégations ont proposé que cette création et les outils de gestion par zone viennent des États, des délégations comme celles de l’Argentine et des États-Unis ont tout de même souhaité que les États adjacents ou voisins aient la possibilité de donner leur avis sur des propositions qui pourraient les affecter.  Le Brésil a promis qu’il y aura toujours des consultations avec les États adjacents et lorsque les outils de gestion seront adoptés par la conférence des parties, ils seront contraignants pour tous les États parties.  Il faut que ce soit clair: c’est bien la conférence des États parties qui sera habilitée à prendre des décisions sur les propositions faites par les États, a renchéri la Chine.  La Colombie a précisé que le processus de prise de décisions doit favoriser le consensus, même s’il serait utile de prévoir des mécanismes de mise aux voix si le consensus n’est pas atteint.  

Pour les ténors de l’approche sectorielle ou régionale, il faut laisser le soin aux régions de gérer les questions relatives aux outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées et autres mesures.  La Fédération de Russie s’est opposée à l’approche globale: les décisions doivent être prises par les mécanismes et instruments sectoriels et régionaux.  Des décisions prises au niveau mondial à la majorité des voix ouvriraient la voie à la politisation, a-t-elle argué.  Le nombre des États affectés par l’établissement d’une aire marine protégée serait toujours inférieur à la majorité des États parties.  Non, a estimé la Fédération de Russie, les décisions doivent être prises par les États directement concernés.  La démarche régionale est donc la mieux indiquée.  Elle a aussi rappelé que la plupart des États sont déjà parties à des mécanismes et cadres régionaux comme la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est (OSPAR).    

Une troisième voie, dite hybride, s’est également dégagée des échanges.  La Nouvelle-Zélande en a été l’un des défenseurs, avec le Japon qui a estimé que toute proposition de création d’une aire maritime protégée pourrait être envoyée au comité scientifique qui ferait des recommandations à la conférence des parties.  La décision de la conférence serait ensuite envoyée aux cadres existants pour les modalités de mise en œuvre.  C’est en effet les cadres compétents qui prendraient la décision finale.  La collaboration entre un cadre mondial nouveau et des acteurs régionaux a eu l’assentiment des États-Unis qui ont prévenu que les critères de désignation des aires marines protégées ne doivent pas dépasser les considérations environnementales.  Il n’est question que de « vulnérabilités écologiques » et non de considérations socioéconomiques comme l’ont avancé la Chine ou le Saint-Siège.  La majorité des délégations ont également estimé que les propositions de créer des aires marines protégées doivent être justifiées scientifiquement.  Toutes les parties prenantes doivent être entendues, y compris la société civile.

Au vu des diverses opinions, le Canada a constaté l’absence de « solution magique » dans tous les cas de figure.  Pourquoi ne pas adopter une approche qui permettrait un examen au cas par cas?  Ainsi, les outils de gestion par zone ne seraient établis par le nouvel organe que dans le cas où la zone identifiée n’en a pas déjà une.  L’OSPAR fonctionne bien, a renchéri l’Islande, en arguant que le nouvel instrument pourrait par exemple exiger que les nouveaux organes travaillent avec les organes régionaux sectoriels.  Le maintien des organes existants permettrait d’éviter l’impasse qui avait caractérisé les précédentes négociations multilatérales.

L’Australie a aussi vanté les mérites du modèle hybride afin de tenir compte de toutes les tendances, alors que l’Afrique du Sud persistait dans la défense de l’approche mondiale pour « éviter la fragmentation des outils de gestion par zone et établir ainsi un régime unique ».  La communauté internationale a besoin d’« un traité aux dents acérées et qui ait du mordant », a-t-elle plaidé, à son tour.  En plus de la conférence des parties, du secrétariat et du comité scientifique, le Sénégal a proposé d’ajouter des organes subsidiaires.

Groupe de travail sur les études d’impact sur l’environnement

Le facilitateur du Groupe de travail, M. René Lefeber (Pays-Bas), a invité les délégations à débattre de « l’obligation de réaliser une étude d’impact sur l’environnement »; de la « relation avec les procédures d’étude de l’impact sur l’environnement prévues par les instruments, cadres et organes pertinents »; et « des activités pour lesquelles une étude d’impact sur l’environnement est prescrite ».

En ce qui concerne l’obligation de réaliser une étude d’impact sur l’environnement, l’Égypte a, au nom du Groupe des 77 et de la Chine (G77), déclaré que la base juridique des études d’impact se trouve dans la Convention des Nations Unis sur le droit de la mer.  Un avis partagé par la majorité des intervenants, dont l’Union européenne (UE) et le Japon et bien d’autres qui ont avancé que les articles 204, 205, et surtout 206 de la Convention sont clairs sur cette question.  L’article 206 dispose notamment que « lorsque des États ont de sérieuses raisons de penser que des activités envisagées relevant de leur juridiction ou de leur contrôle risquent d’entraîner une pollution importante ou des modifications considérables et nuisibles du milieu marin, ils évaluent, dans la mesure du possible, les effets potentiels de ces activités sur ce milieu et rendent compte des résultats de ces évaluations de la manière prévue à l’article 205 ».

Les Maldives, au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), ont en effet insisté sur l’obligation de respecter le droit international coutumier en la matière, et notamment l’article 206.  L’Algérie, au nom du Groupe des États d’Afrique, a plutôt plaidé pour que le nouveau traité établisse des normes et des exigences minimales pour les études d’impact.  Nauru, au nom des PEID du Pacifique, a précisé qu’il s’agit de fixer des seuils et des critères.  Le Saint-Siège a estimé que comme la haute mer ne fait pas l’objet de directives juridiques agréées par tous, s’agissant des études d’impact, il faut peut-être appliquer la loi de l’État du pavillon, un avis partagé par la Norvège.

Quid de la relation avec les procédures d’étude de l’impact sur l’environnement prévues par les instruments, cadres et organes pertinents?  Nauru, toujours au nom des PEID du Pacifique, a voulu une coordination étroite entre les nouvelles et anciennes normes.  La coordination et la coopération sont essentielles, a aussi jugé l’UE, en insistant sur l’importance qu’il y a à éviter les doublons.  Comme il existe déjà de nombreux organes qui régissent les études d’impact, les États-Unis ont jugé bon de rechercher les « points de convergence » entres les nouvelles et anciennes normes.  Pourquoi créer de nouvelles règles dans les zones qui en ont déjà? s’est tout simplement interrogée la Chine.   

Quant aux activités pour lesquelles une étude d’impact sur l’environnement est prescrite, le Groupe des 77 et de la Chine s’est dit disposé à explorer toute liste d’activités pour autant qu’elle soit souple et régulièrement mise à jour.  Les États-Unis ont voulu qu’une activité qui ne figurerait sur la liste puisse tout de même faire l’objet d’une étude d’impact.  

Pour l’Algérie et le Groupe des États d’Afrique, le futur traité doit fixer des seuils en vertu desquels les études d’impact deviendraient obligatoires, suggérant, comme l’a fait aussi le Brésil, de se référer à l’« Annexe I du Protocole au Traité sur l’Antarctique, relatif à la protection de l’environnement ».  Il faut bien s’entendre sur les critères et les seuils, a prévenu l’UE, alors qu’Antigua-et-Barbuda, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), proposait que la liste des activités soit présentée en annexe du futur traité.  Le Japon et d’autres États comme les Seychelles ont soutenu cette proposition.  Le Canada a insisté sur « des critères exclusivement scientifiques », rejetant d’emblée l’idée d’une liste variable recensant une série d’activités.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale demande un soutien accru à la lutte contre le paludisme et au développement durable de l’Afrique

Soixante-douzième session,
113e séance plénière – après-midi
AG/12048

L’Assemblée générale demande un soutien accru à la lutte contre le paludisme et au développement durable de l’Afrique

L’Assemblée générale a, cet après-midi, demandé un soutien accru à la réalisation des objectifs fixés en matière de lutte contre le paludisme dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et dans la Stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme 2016-2030 de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

En adoptant sans vote une résolution de 49 paragraphes de fond, présentée par l’Eswatini, au nom du Groupe des États d’Afrique, et Samoa, l’Assemblée a engagé les pays où le paludisme est endémique à affecter davantage de ressources à la lutte contre cette maladie et à revoir et renforcer leurs stratégies nationales en les alignant sur les recommandations techniques de l’OMS. 

Le texte adopté souligne qu’il faut de toute urgence optimiser le financement de la santé en général et de la lutte antipaludique en particulier, en gardant à l’esprit que le montant des contributions devra augmenter sensiblement afin que puisse être atteint l’objectif d’étape de la Stratégie technique mondiale visant à mobiliser 6,4 milliards de dollars par an d’ici à 2020. 

Tout en ayant souscrit au consensus, les États-Unis se sont dissociés du paragraphe 34, qui « prévoit des assouplissements » des dispositions de l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) « aux fins de la protection de la santé publique » et, en particulier, l’accès universel aux médicaments et la fourniture d’une aide aux pays en développement à cet effet.  Les États-Unis ont regretté que les nombreuses séances de négociation aient été « bloquées » par les questions sur la propriété intellectuelle.

Ils ont également voté contre, aux côtés de la République dominicaine, une résolution qui a recueilli 159 voix pour et qui porte sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre et l’appui international au Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD).  Le texte de 54 paragraphes de fond a été présenté par l’Égypte, au nom du Groupe des 77 et de la Chine.

Avant l’adoption de la résolution, un amendement américain a été rejeté par 106 voix contre, 46 voix pour et les abstentions de la République centrafricaine, de la Guinée équatoriale, de la Norvège et de Tuvalu.  Au paragraphe 28, les États-Unis souhaitaient remplacer la formule « gagnant-gagnant » par le mot « internationale »: « L’Assemblée générale réaffirme que nous avons décidé d’avancer ensemble sur la voie du développement durable et de nous consacrer collectivement à la recherche d’un développement véritablement mondial et d’une coopération « gagnant-gagnant » dont tous les pays et toutes les régions du monde pourront retirer des avantages considérables. »

Regrettant le rejet de son amendement, les États-Unis ont dit ne pouvoir appuyer la résolution dans son ensemble, ce qui ne préjuge en rien du soutien que Washington continuera de témoigner à l’Afrique et à son développement.

Tout en ayant voté pour la résolution, l’Autriche a, au nom de l’Union européenne, regretté que le texte ait un caractère plus « déclaratoire » que « transformatif ».  Des concepts « nouveaux et vagues », comme celui pointé de « gagnant-gagnant », ont fait leur apparition, a-t-elle relevé à son tour, estimant que cela ne favoriserait pas forcément le rapprochement entre États.  Cette résolution ne devrait pas être adoptée annuellement comme c’est actuellement le cas, a encore estimé l’Autriche. 

Après avoir rappelé l’étroitesse des liens qui l’unissent à l’Afrique, la Chine n’a pu que regretter l’absence de consensus.  Elle est revenue sur la septième édition du Forum sur la coopération sino-africaine qui s’est tenue la semaine dernière à Beijing. 

Toujours au nom du Groupe des 77 et de la Chine, l’Égypte a présenté une autre résolution, relative à l’« application des recommandations formulées par le Secrétaire général dans son rapport sur les causes des conflits et la promotion d’une paix et d’un développement durables en Afrique ».  Le texte de 56 paragraphes de fond a recueilli 158 voix pour et l’opposition des États-Unis qui ont expliqué leur vote par le fait que leur amendement a été rejeté par 107 voix contre, 47 voix pour et les abstentions de la Guinée équatoriale, de la Norvège et des Tuvalu.

Ici aussi, l’amendement portait sur l’expression « mutuellement bénéfique ».  Les États-Unis ont décelé la « volonté pernicieuse » d’« un État Membre » de promouvoir des « objectifs nationaux » dans le cadre des projets multilatéraux.

Également réticente devant le concept de « mutuellement bénéfique », l’Autriche a, au nom de l’Union européenne, proposé un amendement qui a été adopté sans vote.  L’Autriche s’est félicitée de voir que les liens entre conflits et climats, qui ne sont pas une « question abstraite », aient été soulignés.  Elle a toutefois regretté que le véritable mandat de la Commission de consolidation de la paix n’ait pas été reflété dans le libellé du texte.

Aux termes de la résolution, l’Assemblée demande en effet à la communauté internationale d’accroître son soutien et de respecter ses engagements à prendre d’autres mesures dans les domaines essentiels au développement économique et social de l’Afrique, « dans un esprit de coopération mutuellement bénéfique ».  La Hongrie a souscrit aux explications de vote des États-Unis et de l’Union européenne.  Affirmant que les migrations constituent un « véritable enjeu sécuritaire », elle a souligné le droit des êtres humains « à vivre en paix et en sécurité dans leurs pays d’origine ».

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité tient son tout premier débat sur le lien entre corruption et conflits

8346e séance – matin
CS/13493

Le Conseil de sécurité tient son tout premier débat sur le lien entre corruption et conflits

La corruption peut être un « déclencheur » de conflits, a affirmé aujourd’hui le Secrétaire général de l’ONU, alors que le Conseil de sécurité, organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales, examinait pour la première fois de son histoire la question intitulée « corruption et conflits », en présence du fondateur d’« ENOUGH Project ».  Neuf des 10 pays que « Transparency International » considère comme les plus corrompus au monde sont à l’ordre du jour du Conseil, a argué la Présidente du Conseil et Représentante permanente des États-Unis, pour faire taire les accusations d’empiètement sur les prérogatives des autres organes et agences spécialisées des Nations Unies.

À mesure qu’un conflit fait rage, « la corruption prospère », a mis en garde le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres.  Même quand les conflits diminuent, la corruption peut entraver le redressement national.  Les liens entre corruption, terrorisme et extrémisme violent, a rappelé le Secrétaire général, ont été maintes fois reconnus.  Les biens détournés peuvent être utilisés pour financer de nouveaux crimes, notamment des actes extrémistes violents et des actes terroristes.  Les enquêtes menées par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) ont révélé que la corruption des fonctionnaires est particulièrement forte dans les zones touchées par les conflits.  Dans les situations de conflit, les parties prenantes telles que les commissions anticorruptions, la société civile et les médias peuvent être affaiblies ou entravées dans leurs activités essentielles. 

Les propos tenus par M. Guterres n’ont pas empêché certains pays, comme la Fédération de Russie, de douter du bien-fondé de l’inscription de cette question à l’ordre du jour du Conseil de sécurité.  La corruption ne constitue pas en soi une menace à la paix et la sécurité internationales, a argué la Bolivie, relevant que cette question relève d’abord et avant tout des prérogatives de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social (ECOSOC).  L’Éthiopie a mis l’accent sur la Convention des Nations Unies contre la corruption qui compte à ce jour 186 États parties, a souligné le Secrétaire général.  L’Éthiopie a insisté sur l’excellent travail de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime pour une bonne mise en œuvre de la Convention. 

Neuf des 10 pays que « Transparency International » considère comme les plus corrompus au monde sont à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, se sont justifiés les États-Unis qui assurent la présidence du Conseil pour le mois de septembre.  Au lieu de s’interroger sur cette situation, l’ONU choisit d’ignorer la corruption, craignant que l’examen de cette question ne décourage les gouvernements et mette un terme à la coopération ou considérant tout simplement que la corruption, c’est « le prix à payer pour faire des affaires » dans certains pays. 

Si le Conseil de sécurité veut respecter son engagement en faveur de la paix et de la sécurité internationales, il doit s’attaquer à la corruption, ont tranché les États-Unis qui ont d’ailleurs annoncé la convocation aujourd’hui même d’une réunion en formule aria pour parler des conséquences sur la sécurité internationale de la corruption au Venezuela, un pays comme l’Iran dont le Gouvernement « n’est pas là pour servir le peuple mais pour servir ses propres intérêts avec la corruption, comme moyen ».  Manipuler la question de la corruption pour s’immiscer dans les affaires intérieures des États est une approche qu’il faut dénoncer, s’est emportée la Bolivie, après que la Fédération de Russie a relevé une certaine ironie dans le fait que ces réunions soient convoquées par la présidence américaine du Conseil alors même que le « lobbysme est une pratique acceptée et présente à tous les échelons du pouvoir aux États-Unis ».  La Fédération de Russie a plutôt souligné toute l’importance qu’elle accorde au mécanisme d’examen de la Convention contre la corruption, un mécanisme « dépolitisé » qui fonctionne très bien, a-t-elle insisté. 

Tant que le Conseil de sécurité et les autres parties intéressées ne changeront pas la dynamique, la guerre restera plus profitable que la paix aux yeux des belligérants et des corrompus, a contré le fondateur d’« Enough Project ».  M. John Prendergast a voulu que les efforts de paix mettent davantage l’accent sur le démantèlement des économies de guerre et la réforme des institutions étatiques, une chose « particulièrement difficile » dans des pays où les ressources naturelles se prêtent au vol et à la corruption. 

Ce qui est « remarquable et regrettable », a-t-il poursuivi, c’est qu’il n’existe pas de nos jours de stratégie organisée pour lutter contre « le siphonage » de l’argent opéré par les leaders des pays comme le Soudan du Sud, le Nigéria, la Somalie, le Soudan, la République centrafricaine ou encore en République démocratique du Congo (RDC) et leurs collaborateurs commerciaux et bancaires à l’étranger.  M. Pendergast n’a pas oublié la Syrie, l’Afghanistan et l’Iraq où des leaders militaires et civils utilisent aussi des réseaux de collaborateurs commerciaux et bancaires pour s’enrichir, profiter de la politique et se maintenir au pouvoir.  Pendant des années l’unique outil dans ce domaine ont été les sanctions ciblées.  Or, a-t-il rappelé, elles se sont révélées inefficaces la plupart du temps parce que trop faibles et ne couvrant pas les corrompus qui alimentent les conflits.  Ce qui manque, selon M. Pendergast, c’est la pression financière contre le blanchiment d’argent, les comptes en banque illicites et les sociétés écrans. 

Le fondateur d’« Enough Project » a donc prôné des régimes de sanctions ciblant les réseaux de la grande corruption et pas seulement les individus; des mesures contre les flux financiers illicites dans le système financier international; et des poursuites judiciaires pour les crimes financiers associés aux atrocités de masse.  Il a également encouragé le Conseil de sécurité à travailler plus étroitement avec des entités spécialisées comme le Financial Action Task Force.  « Les outils de pression financière ne sont pas une fin en soi », a reconnu M. Prendergast, arguant que ces outils doivent s’inscrire dans une stratégie globale de diplomatie intense et de soutien aux institutions, axée sur la transparence et l’obligation de rendre des comptes.  Le Forum économique mondial estime que le coût de la corruption dans le monde est d’au moins 2 600 milliards de dollars, soit 5% du produit intérieur brut mondial.  Selon la Banque mondiale, les entreprises et les particuliers paient plus de 1 000 milliards de dollars en pots de vin chaque année.  Ces chiffres ont été rappelés par le Secrétaire général de l’ONU.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Corruption et Conflits

Déclarations

M. ANTÓNIO GUTTERES, Secrétaire général de l’ONU, a débuté son intervention en soulignant que la corruption est présente dans tous les pays, riches et pauvres, du Nord et du Sud, développés et en développement.  Le Forum économique mondial, a-t-il précisé, estime que le coût de la corruption à travers le monde est d’au moins 2 600 milliards de dollars, soit 5% du produit intérieur brut mondial.  Et selon la Banque mondiale, les entreprises et les particuliers paient plus de 1 000 milliards de dollars en pots de vin chaque année.  « La corruption prive les écoles, les hôpitaux et les autres de fonds indispensables.  Elle pourrit les institutions, les fonctionnaires s’enrichissent ou ferment les yeux sur la criminalité.  Elle prive les gens de leurs droits, chasse les investissements étrangers et détruit l’environnement.  La corruption engendre la désillusion vis-à-vis du gouvernement et de la gouvernance et est souvent à l’origine de dysfonctionnements politiques et de divisions au sein de la société. »

Arguant que la corruption peut être un « déclencheur » de conflits, le Secrétaire général a expliqué qu’à mesure que le conflit fait rage, « la corruption prospère ».  Même quand les conflits diminuent, la corruption peut entraver le redressement national.  Par ailleurs, les liens entre corruption, terrorisme et extrémisme violent ont été maintes fois reconnus par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale, a rappelé le Secrétaire général.  Les biens volés par la corruption peuvent être utilisés pour financer de nouveaux crimes, notamment des actes extrémistes violents et des actes terroristes.  Les enquêtes menées par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) ont révélé que la corruption des fonctionnaires est particulièrement forte dans les zones touchées par les conflits.  Dans les situations de conflit, les parties prenantes telles que les commissions anticorruptions, la société civile et les médias peuvent être affaiblies ou entravées dans leurs activités essentielles. 

Les États Membres doivent être en première ligne dans la lutte contre la corruption.  Il est particulièrement important de renforcer les capacités des commissions nationales de lutte contre la corruption, a préconisé M. Guterres.  Selon lui, les gouvernements peuvent également renforcer les efforts de lutte contre la corruption en veillant à l’indépendance du système judiciaire et en favorisant une société civile dynamique, la liberté des médias et la protection efficace des lanceurs d’alerte.  La communauté internationale peut compléter ces efforts en luttant plus efficacement contre le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale et les flux financiers illicites qui ont privé les pays de ressources indispensables et alimentent davantage la corruption.

Le Secrétaire général a appelé à redoubler d’efforts pour prévenir les conflits et faire face rapidement aux risques avant qu’ils ne s’aggravent.  La lutte contre la corruption et la résolution des problèmes de gouvernance, qui sont à la base de nombreux conflits, doivent faire partie des approches préventives.  C’est l’occasion de créer une base solide de confiance et de responsabilité et d’accroître la résilience de la société face aux crises.  Dans les opérations de paix, notre engagement doit être conçu et mis en œuvre de manière plus claire, avec une « focale anticorruption » pour renforcer une culture de responsabilité et de respect de l’état de droit, a-t-il encore recommandé.

L’ONU peut aider les États Membres de plusieurs façons, en diffusant les pratiques optimales et en soutenant les efforts visant à renforcer les institutions nationales de lutte contre la corruption, a estimé le Secrétaire général.  La Commission internationale contre l’impunité au Guatemala en est un bon exemple. 

Avant l’adoption de la Convention des Nations Unies contre la corruption, il n’existait pas d’instrument mondial pour criminaliser la corruption, ou pour récupérer les biens mal acquis.  Aujourd’hui, la Convention compte 186 États parties et le crime de corruption est sanctionné dans tous les pays du monde.  Les solides mécanismes d’évaluation par les pairs de la Convention ont servi de cadre mondial à la coopération internationale pour renforcer la prévention, perturber les programmes de blanchiment de capitaux, restituer les avoirs détournés de banques étrangères et prendre d’autres mesures nécessaires.  M. Guterres a encouragé tous les États Membres à apporter une plus grande détermination à sa mise en œuvre. 

« Profitons également des progrès technologiques, qui nous donnent l’occasion d’élargir massivement la participation du public à la gouvernance et d’accroître la responsabilité. »  Dans le même temps, nous savons que les conventions et les mesures juridiques doivent être supplées par un leadership vigoureux pour faire de la corruption une priorité, a poursuivi le Secrétaire général.  « Nous devons tous faire davantage pour lutter contre la corruption, renforcer la gouvernance et mettre en place des institutions fiables qui garantissent la probité et le progrès pour tous », a-t-il conclu.

M. JOHN PENDERGAST, Fondateur du Projet ENOUGH et cofondeur de The SENTRY, a rappelé d’emblée que tout au long de l’histoire, certaines personnes et groupes ont tiré des profits importants des situations de conflit.  À titre d’exemples, il a cité les conflits actuels en Afrique, notamment au Soudan du Sud, au Nigéria, en Somalie, au Soudan, en République centrafricaine ou encore en République démocratique du Congo (RDC), alimentés par des opportunités « extraordinaires » d’enrichissement illicite où l’on voit un lien indéniable entre corruption à grande échelle et atrocités de masse.  Les armées nationales et les groupes rebelles ont recours à une violence extrême pour mettre la main sur les ressources naturelles, la main d’œuvre et les réseaux de contrebande.  La violence permet de se financer grâce au saccage et au vol des biens de l’État avec des connections bancaires qui vont jusqu’à New York, Londres et Dubaï, a poursuivi M. Pendergast.

Dans ces pays africains « pris en otage », tout comme en Syrie, en Afghanistan ou en Iraq, des leaders militaires et civils utilisent des réseaux de collaborateurs commerciaux et bancaires en interne et à l’étranger pour s’enrichir, profiter de la politique ou encore maintenir leur pouvoir.  Les trafiquants d’armes, d’ivoire, d’or et de diamants ainsi que les compagnies pétrolières et de travaux publics sont en collision avec des hauts responsables gouvernementaux ou des seigneurs de guerre, voire des réseaux terroristes dans certains cas, pour maximiser les profits d’une infime minorité.  « Ces réseaux s’y connaissent en technologie, en fraude fiscale et en blanchiment d’argent et sont capables d’échapper à la règlementation, aux forces de l’ordre ou encore aux sanctions internationales », a averti M. Pendergast.  Ce sont des conflits pour le « contrôle d’États pris en otage et leurs ressources naturelles » car contrôler un État, c’est la voie la plus sûre pour contrôler les ressources.

Tant que le Conseil de sécurité et les autres parties intéressées ne changeront pas cette dynamique, la guerre restera plus profitable que la paix aux yeux des belligérants et des corrompus.  C’est la raison pour laquelle les efforts de paix doivent mettre l’accent surle démantèlement des économies de guerre et la réforme des institutions étatiques pour les rendre aptes à s’acquitter de leurs mandats.  Cela est particulièrement difficile, a reconnu l’orateur, dans des pays où les ressources naturelles offrent des opportunités énormes pour le vol et la corruption.

Ce qui est « remarquable et regrettable », a-t-il poursuivi, c’est qu’il n’existe pas de nos jours de stratégie organisée pour lutter contre « le siphonage » de l’argent opéré par les leaders de ces pays et leurs collaborateurs commerciaux et bancaires à l’étranger.  Chaque année, s’est indigné M. Pendergast, des milliards de dollars arrivent en Afrique sous forme d’aide ou de missions de maintien de la paix.  Pourtant, les dirigeants de ces pays et leurs réseaux continuent de détourner l’argent parce que les diplomates aux manettes de ces efforts de paix et de développement n’ont pas les moyens de changer les systèmes qui entretiennent les conflits.  « Il ne s’agit pas de renverser les régimes mais de changer les systèmes », a martelé l’intervenant.  Pendant des années l’unique outil dans ce domaine ont été les sanctions ciblées.  Or, a-t-il rappelé, elles se sont révélées inefficaces la plupart du temps parce que trop faibles et ne couvrant pas les corrompus qui alimentent les conflits.

Ce qui manque, selon M. Pendergast, c’est la pression financière contre le blanchiment d’argent, les comptes en banque illicites et les sociétés-écrans.  « C’est à cela qu’il faut s’attaquer pour démanteler ces réseaux de kleptocrates. »  Ce n’est que comme cela que les diplomates des Nations Unies et autres acteurs pourront assurer le succès de leurs efforts de paix.  M. Pendergast a donc prôné des régimes de sanctions ciblant les réseaux de la grande corruption et pas seulement les individus; des mesures contre les flux financiers illicites dans le système financier international; et des poursuites judiciaires pour les crimes financiers associés aux atrocités de masse.  Ce sont là, a-t-il plaidé, des outils puissants pour modifier les comportements, en s’attaquant aux individus et aux compagnies qui jouent un rôle actif dans le fonctionnement des réseaux.  L’intervenant a recommandé au Conseil de sécurité de faire de la corruption liée aux conflits un motif de sanction.  Il l’a également encouragé à travailler plus étroitement avec des entités spécialisées comme le Financial Action Task Force.  « Les outils de pression financière ne sont pas une fin en soi », a reconnu l’orateur, arguant que ces outils doivent s’inscrire dans une stratégie globale de diplomatie intense et de soutien aux institutions, axée sur la transparence et l’obligation de rendre des comptes.

Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a déclaré qu’à la base, la corruption est le transfert de richesse des plus démunis aux plus puissants.  Les pots-de-vin, les opérations d’initiés, l’écrémage des fonds publics et le détournement de l’aide humanitaire sont autant de formes du prix que les plus pauvres paient involontairement aux puissants dans des régimes corrompus.  « Lorsque le poids de ce fardeau devient trop lourd, les gens réagissent inévitablement », a-t-elle mis en garde.  Le 17 décembre 2010, un humble vendeur de fruits tunisien s’est assis devant le bureau du gouverneur local, s’est aspergé d’essence et s’est immolé par le feu.  L’acte désespéré de Mohamed Bouazizi a déclenché le printemps arabe et a fait de lui le visage de la protestation contre les gouvernements autoritaires.  Ce qui est souvent oublié dans cette histoire, a estimé la représentante, c’est que c’est la corruption qui a poussé Mohamed Bouazizi à se tuer publiquement et douloureusement.  « Mohamed », a-t-elle dit, était systématiquement harcelé par des fonctionnaires exigeant des pots-de-vin.  Son action a déclenché une vague de soulèvements anti-corruption dans le monde arabe.  Les gouvernements qui semblaient stables depuis des décennies se sont effondrés en quelques semaines.  Neuf des 10 pays que Transparency International considère comme les plus corrompus au monde sont à l’ordre du jour du Conseil de sécurité.  « Neuf sur 10 », a-t-elle répété.

Mais au lieu de se demander pourquoi c’est le cas, l’ONU est trop souvent portée à ignorer la corruption, craignant que l’examen de cette question ne décourage les gouvernements et mette un terme à la coopération et considérant tout simplement que la corruption, c’est « le prix à payer pour faire des affaires » dans certains pays.  Les gouvernements de pays comme le Venezuela et l’Iran ne sont pas là pour servir leur peuple.  Ils sont là pour servir leurs propres intérêts avec la corruption, comme moyen, a soutenu Mme Haley. 

Si le Conseil de sécurité veut respecter son engagement en faveur de la paix et de la sécurité, il doit s’attaquer à la corruption », a-t-elle martelé.  Les exemples de corruption menant à un conflit sont partout.  La représentante a affirmé que le Gouvernement corrompu de M. Victor Ianoukovitch a volé au peuple ukrainien quelque 100 milliards de dollars en moins de quatre ans.  Et lorsque « Ianoukovitch » a finalement été évincé, les répercussions ont été mondiales.  La Fédération de Russie a occupé la Crimée et entamé la confrontation la plus grave entre Moscou et l’Occident depuis la fin de la guerre froide. 

La corruption alimente également les mouvements terroristes, a-t-elle poursuivi.  « Boko Haram est monté en puissance au Nigéria, en se positionnant largement contre la corruption et l’oppression exercée par les autorités.  Les premières cibles de ses attaques violentes ont été les postes de police qui abritent un personnel « notoirement corrompu et abusif ».  Depuis lors, le Nigéria a pris de véritables mesures en vue d’une réforme et les États-Unis félicitent le Gouvernement d’avoir reconnu la nécessité d’un changement, a déclaré Mme Haley.

La corruption soutient et prolonge les conflits, a-t-elle ajouté.  Les divisions ethniques au Soudan du Sud sont certes réelles, mais la source principale du conflit est une lutte pour le contrôle des revenus pétroliers.  Ailleurs en Afrique, des groupes exploitent les ressources naturelles, voire le trafic d’espèces sauvages, pour financer leurs guerres. 

La corruption est également un problème international car les fonds pillés sont blanchis dans le système financier international.  Plus que tout autre pays, les États-Unis ont pris des mesures pour y mettre un terme.  Grâce à Initiative contre la cleptocratie et pour le recouvrement d’avoirs, à la loi sur les pratiques de corruption à l’étranger et à la loi mondiale Magnitski sur la responsabilité des droits de l’homme, les États-Unis ont banni les personnes impliquées dans le narcotrafic, le trafic d’armes et le blanchiment d’argent.  Dans des pays comme la République démocratique du Congo, le Nicaragua et le Venezuela, le Trésor américain a imposé des sanctions importantes.  Plus tard aujourd’hui, les États-Unis organiseront une réunion selon la formule Arria, qui portera spécifiquement sur les conséquences de la corruption au Venezuela et sur la manière dont elle menace la sécurité internationale, a annoncé la représentante. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a souhaité que le Conseil assure le suivi des recommandations formulées par le Secrétaire général aujourd’hui.  La corruption exacerbe les conflits, constitue un obstacle majeur au développement économique et entrave les efforts de paix et de réconciliation, a-t-elle dit, estimant à 3 000 milliards de dollars les pertes annuelles imputables à ce phénomène.  « La corruption est un mal insidieux », a-t-elle insisté avant de souligner que les groupes extrémistes en profitent.  Aucun pays n’est à l’abri et le mien n’y échappe pas, a-t-elle reconnu.  La représentante a détaillé les mesures prises au Royaume-Uni, dont une loi de 2017 visant à barrer l’accès des hommes d’affaires corrompus aux services bancaires britanniques.  Nous devons nous montrer unis dans ce combat, a-t-elle poursuivi, en exhortant les pays qui ne l’ont pas encore fait à ratifier la Convention des Nations Unies contre la corruption.  Soulignant que la restitution des ressources détournées est un aspect essentiel de la lutte contre la corruption, la représentante a rappelé que son pays a contribué à la restitution d’une somme de 300 millions de dollars au Nigéria. 

M. FRANCOIS DELATTRE (France) a expliqué que, en plus d’affaiblir considérablement les institutions et l’état de droit, la corruption engendre de grandes disparités économiques, favorise la criminalité organisée et le financement du terrorisme.  Elle fragilise ainsi tant la sécurité que le développement politique, économique et social des États affectés.  C’est en ce sens qu’elle peut constituer un obstacle à la paix et à la sécurité internationales, en particulier dans les pays en situation de conflit ou postconflit.  Dans ce contexte, a-t-il dit, il est indispensable que la communauté internationale reste pleinement mobilisée pour lutter contre la corruption à tous les niveaux –national, régional et international– en mettant en œuvre la Convention des Nations Unies contre la corruption.  Évoquant l’expérience de la France, le délégué a assuré qu’elle avait mobilisé les pouvoirs publics, les acteurs économiques et la société civile, plus proches du terrain et promoteurs d’initiatives innovantes.

Soucieuse de transparence de la vie économique, la France a adopté en 2016 une loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.  Cette loi, a précisé le représentant, a également créé l’Agence française anticorruption, chargée d’élaborer des recommandations relatives à la prévention et à l’aide à la détection de la corruption.  Au-delà, les organisations régionales et internationales ont elles aussi un rôle à jouer pour contribuer aux efforts anticorruptions et soutenir les États qui en ont besoin.  C’est par exemple le cas de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et du Conseil de l’Europe, qui ont élaboré des instruments juridiques régionaux particulièrement pertinents.  La France, a conclu M. Delattre, soutient également le Partenariat pour un gouvernement ouvert, qui vise à accroître l’ouverture des données publiques et la participation citoyenne aux décisions publiques et qui rassemble désormais plus de 70 pays. 

En se basant sur l’expérience de son propre pays, M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a plaidé pour une coopération plus étroite entre pays, notamment sur le plan régional, ainsi qu’avec l’ONU, INTERPOL et d’autres agences spécialisées dans la lutte contre la corruption.  Le monde d’aujourd’hui atteste des liens entre développement et sécurité, et, par conséquent, il faut évaluer l’ampleur des problèmes tels que le terrorisme, la criminalité transnationale organisée, l’exploitation des ressources naturelles, le trafic de stupéfiants et d’armes et identifier la manière dont la corruption s’infiltre dans toutes ces activités. 

Le représentant a préconisé une stratégie à trois niveaux, à commencer par le lien entre sécurité et développement, des approches régionales innovantes et le renforcement de la coordination au sein des Nations Unies pour plus d’efficacité, de transparence et de responsabilité.  Il s’est également dit convaincu que les efforts individuels des pays doivent être complémentés par des actions menées « dans l’unité ».  À ce titre, il a évoqué les régimes de sanctions du Conseil de sécurité et ses résolutions qui pourraient réduire la probabilité des conflits alimentés par la corruption. 

M. DESIRE WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a axé son intervention sur les institutions administratives, judiciaires et sécuritaires, « trois institutions qui sont emblématiques des défis que constitue la corruption pour les États ».  Conscient de l’énorme potentiel de nuisance du phénomène de la corruption et de sa capacité à saper les fondements des États, les dirigeants africains, a rappelé le représentant, ont proclamé 2018, année de la lutte contre la corruption.  Le représentant a aussi attiré l’attention sur le fait que le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a souligné la nécessité d’une plus grande intégration de l’architecture africaine de gouvernance dans le cadre de la prévention structurelle des conflits, tout en inscrivant la stratégie africaine de lutte contre la corruption dans l’optique d’une approche mondiale.  Le représentant a ensuite parlé de la Déclaration finale adoptée par les chefs d’État de l’Union africaine le 2 juillet, qui contient des mesures supposant une appropriation véritable de la lutte contre la corruption au niveau local, en vue de mutualiser les expériences pour une plus grande efficience au niveau du continent. 

Afin de briser le cercle vicieux qui mène à des situations encore plus inextricables dans les pays en situation de postconflit, le représentant a jugé utile de faire figurer explicitement la dimension lutte contre la corruption dans les accords de paix, de veiller à ce que les interventions contre la corruption commencent dans l’immédiat après le conflit et de renforcer la collaboration avec la société civile.  Il a conclu en soulignant que son pays a créé dès le 16 avril 2014, la Haute Autorité pour la bonne gouvernance, renforcé la Cellule nationale de traitement de l’information financière et les textes régissant la Direction centrale des marchés publics.  Le Gouvernement a aussi élargi les pouvoir de contrôle de la Cour des comptes. 

M. MA ZHAOXU (Chine) a rappelé que la lutte contre les menaces à la paix et à la sécurité internationales est la première responsabilité de ce Conseil.  Il est crucial, a-t-il insisté, de respecter la Charte des Nations Unies, dont le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États.  Il faut privilégier les partenariats fondés sur un pied d’égalité et régler les différends par le dialogue.  Les racines des conflits, c’est le sous-développement, a insisté le représentant.  Le représentant a souligné les résultats « substantiels » du Sommet Chine-Afrique qui vient de se tenir à Beijing.  La corruption, a-t-il dit, est l’ennemi commun de l’humanité.  Il a donc appelé au renforcement de la coopération internationale s’agissant aussi de la restitution des biens volés.  Il n’a pas manqué de rappeler que son pays est partie à la Convention des Nations Unies contre la corruption. 

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a commencé par rappeler que l’état de droit forme la pierre angulaire de toute société stable et de la démocratie, et que la corruption est un virus qui l’affaiblit, d’où l’importance d’établir les responsabilités et d’honorer l’obligation de rendre des comptes.  Cela exige, a-t-elle rappelé, la séparation des pouvoirs, les contre-pouvoirs et le suivi judiciaire.  La représentante a insisté sur la transparence, une valeur à laquelle son gouvernement est profondément attaché.  Elle a attiré l’attention du Conseil sur l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives, qui exige des États qui y adhèrent qu’ils publient les informations relatives à la gestion des ressources naturelles.  Elle a prévenu des risques posés par la corruption s’agissant de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, se félicitant, une nouvelle fois, de l’objectif 16 sur la paix, la justice et des institutions fortes.

M. OLOF SKOOG (Suède) a déclaré que la corruption ne connaît pas de frontières et constitue un facteur d’instabilité, qui peut avoir des conséquences encore plus graves pour les femmes et les groupes vulnérables.  Les efforts multilatéraux de la communauté internationale ont abouti à des engagements politiques vigoureux à l’appui des initiatives anticorruption, comme le Programme de développement durable à l’horizon 2030, dont les objectifs 10 et 16 sont particulièrement pertinents à cet égard, a noté le représentant.  Il a également cité le Programme d’action d’Addis-Abeba, la Convention des Nations Unies contre la corruption et certaines résolutions du Conseil de sécurité, comme la résolution 2282.  Pour sa part, la Suède a entrepris des efforts nationaux, et partagé ses pratiques optimales, notamment lors de la Conférence de Stockholm sur la fiscalité, qui s’est tenue en mai dernier, afin de promouvoir le renforcement des capacités dans ce domaine spécifique. 

M. VASSILY A. NEBENZYA (Fédération de Russie) a souligné que les conflits sont souvent le fruit d’une lutte secrète pour le contrôle des ressources naturelles, « l’autre face de la médaille de la corruption ».  Le représentant a vu une certaine ironie dans le fait que cette réunion ait été convoquée par la présidence américaine du Conseil de sécurité alors même que le « lobbysme est une pratique acceptée et présente à tous les échelons du pouvoir aux États-Unis ».  Il a en revanche rappelé que son pays n’a cessé de plaider pour le renforcement du rôle de coordonnateur de l’ONU dans la lutte contre la corruption, sur la base de la Convention contre la corruption, une convention que la Fédération Russie a été l’une des premières à signer.  Mon pays, a ajouté le représentant, accorde une attention particulière au mécanisme d’examen de la Convention, un mécanisme « dépolitisé » et demande à l’ONU et à son Office contre le crime et la corruption (ONUDC) de fournir une aide technique aux États Membres.  Le représentant a ensuite passé en revue les différentes actions menées par la Fédération de Russie avec l’ONUDC.  Le mécanisme « dépolitisé » de lutte contre la corruption fonctionne très bien, a-t-il insisté.  Il a donc dit ne pas voir le bien-fondé de cette question à l’ordre du jour du Conseil de sécurité car cela sape les efforts des agences spécialisées et autres organes internationaux.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a rappelé que la corruption compromet l’état de droit et la justice.  Ce n’est pas un phénomène inconnu dans notre hémisphère, a-t-il déclaré.  La corruption est une menace pour la stabilité et une cause de nombreux conflits.  Au Pérou, la lutte contre la corruption et la criminalité organisée est une priorité, a affirmé le représentant, arguant que la pérennisation de la paix signifie institutions inclusives, systèmes de contrepoids au pouvoir, participation accrue des femmes et lutte contre la corruption.  Ce sont les citoyens eux-mêmes qui doivent être aux commandes de la lutte contre la corruption et en dénonçant les pratiques.  Le représentant a plaidé pour une réponse coordonnée des États, mentionnant l’Accord de Lima de 2008 et demandé l’inclusion de la lutte contre la corruption dans les mandats des opérations de paix de l’ONU. 

Le fait que la corruption affecte les États ne signifie pas en soi qu’elle représente une menace à la paix et à la sécurité internationales, a argué M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) qui n’a pas manqué de souligner que cette question relève d’abord et avant tout des prérogatives de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social (ECOSOC).  Il a appelé le Conseil de sécurité à respecter la Charte et à se limiter aux menaces à la paix et à la sécurité internationales.  L’ingérence du Conseil dans les affaires des autres organes des Nations Unies affecte l’autorité de ces dernièrs et affaiblit leur mandat, a averti le représentant pour lequel cette réunion du Conseil risque de « politiser » la lutte contre la corruption.  Se servir de cette question pour s’immiscer dans les affaires intérieures des États est une approche qu’il faut dénoncer, a affirmé le représentant dont le pays a d’ailleurs renoncé au secret bancaire pour renforcer la transparence, « un exemple à suivre à l’échelle mondiale ».  La lutte contre la corruption, a-t-il estimé, doit commencer par la réforme du système financier international et l’élimination des paradis fiscaux. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a souligné les causes sociales sous-jacentes du fléau de la corruption, dont la pauvreté et l’absence de l’état de droit.  Il y a par ailleurs un lien fort entre corruption et intensité des conflits, a-t-il déclaré, rappelant que la corruption peut détruire les économies des pays.  Il a souligné la robustesse du cadre juridique prévu par la Convention des Nations Unies contre la corruption et appelé à sa pleine mise en œuvre.  Nous devons resserrer notre coordination avec les organisations régionales, en mettant en place des réseaux régionaux de lutte contre la corruption, a préconisé le délégué.  Il a mentionné la création en 2016, au Koweït, d’une entité chargée notamment de promouvoir la transparence dans les transactions financières.  Lutter contre la corruption est une responsabilité commune, qui échoit d’abord aux États Membres, a conclu le délégué. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a salué l’inclusion de la question de la lutte contre la corruption à l’ordre du jour du Conseil de sécurité.  Pour lui, la corruption constitue une dépravation morale qui touche toutes les couches de l’État mais également le système privé.  Il s’agit d’une appropriation illégale d’un bien, ce qui renvoie à l’Article 36 de la Charte, a-t-il souligné.  Le trafic d’influence, les dessous de table et autres sont des pratiques courantes de la corruption, « un problème commun à toutes les nations du monde ».  Il a donc encouragé le renforcement de la coopération internationale, saluant au passage le travail de l’ONUDC.  Le représentant a affirmé que la Guinée équatoriale s’est dotée d’une loi contre les fonctionnaires véreux.  Elle devrait se doter sous peu d’une loi sur la lutte contre la corruption.  Avant de conclure, le représentant a dénoncé les multinationales qui cherchent à maximiser leurs profits en faisant fi des lois en vigueur dans les pays où elles opèrent.  « La corruption c’est comme le tango, il faut être deux pour danser ».

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a reconnu, à son tour, que la corruption généralisée est l’une des causes profondes des conflits.  La corruption se joue des frontières et le Conseil ne peut détourner les yeux de ce fléau, a-t-elle estimé.  Elle a exhorté les bailleurs de fonds à refuser toute aide aux gouvernements qui ne s’engagent pas fermement contre la corruption.  La déléguée a d’ailleurs appelé au renforcement des capacités, en insistant tout de même sur la volonté politique comme « élément clef ».  Elle a exhorté les États qui ne l’ont pas encore fait à adhérer à la Convention des Nations Unies contre la corruption, un phénomène contre lequel aucun pays n’est à l’abri. 

Tout en reconnaissant les effets négatifs de la corruption, Mme MAHLET HAILU GAUDEY(Éthiopie) a estimé que cette question n’a pas sa place à l’ordre du jour du Conseil de sécurité.  Il y a suffisamment de questions pressantes pour la paix et la sécurité internationales, a-t-elle insisté, mettant en garde le Conseil contre la tentation d’empiéter sur les mandats des autres organes des Nations Unies.  Rien n’empêche le Conseil d’examiner la corruption dans le cadre de situations particulières de conflits, a-t-elle concédé, en pointant le doigt sur certains régimes de sanctions.  Mais pour la représentante, la Convention des Nations Unies contre la corruption est le seul instrument juridiquement contraignant pertinent.  Elle a d’ailleurs salué le travail de l’ONUDC en faveur d’une bonne mise en œuvre de la Convention.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conférence sur la biodiversité marine: quels principes retenir pour réglementer les outils de gestion des zones de haute mer?

Première session,
matin & après-midi
MER/2079

Conférence sur la biodiversité marine: quels principes retenir pour réglementer les outils de gestion des zones de haute mer?

Deux groupes de travail se sont réunis aujourd’hui dans le cadre des discussions sur un futur traité relatif au droit de la mer, qui aura pour but « la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité dans les zones marines ne relevant pas des juridictions nationales », des zones de haute mer qui représentent 64% des océans.

Au lancement de la Conférence, mardi, le Conseiller juridique de l’ONU, M. Miguel de Serpa Soares, avait souligné l’importance d’un tel instrument juridiquement contraignant: des océans et des mers durables peuvent contribuer à l’éradication de la pauvreté, à une croissance économique soutenue, à la sécurité alimentaire, à la création de moyens de subsistance durables et à la résilience face aux changements climatiques.

Sur les quatre grands thèmes qui seront abordés au cours des deux semaines de session, la question « renforcement des capacités et transfert des technologies marines » a été traitée par un premier groupe de travail informel, qui a achevé ses travaux ce matin après plus d’une journée de débats.  « Je commence à voir la conversation prendre forme », s’est réjouie la facilitatrice, Mme Ngedikes Olai Uludong, des Palaos.

De manière générale, il a été demandé que le principe de renforcement des capacités soit appliqué à tous les aspects de mise en œuvre de l’instrument et, en plus, en tenant compte des besoins spécifiques de chaque pays.  C’est ce qu’a suggéré notamment l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS) qui a exprimé une autre exigence: le processus de renforcement des capacités doit être mené par les pays eux-mêmes. 

Sur le plan financier, le Togo a proposé la création d’un fonds pour le financement du renforcement des capacités, une idée partagée par la représentante de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Le deuxième groupe de travail à se réunir cette semaine fut celui chargé de la question « outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées et autres mesures ».  Sous la houlette de la facilitatrice Mme Alice Revell, de la Nouvelle-Zélande, il a commencé par réfléchir aux « objectifs » de ces outils. 

Les délégations ont semblé s’accorder sur le principe que ces outils doivent correspondre aux objectifs généraux du nouvel instrument, à savoir la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine en haute mer et la santé et la résilience des océans.  Cela exige une définition générale claire de ces outils, a-t-on demandé.

L’Union européenne a estimé que ces outils de gestion par zone sont essentiels pour que les États parties du futur instrument s’acquittent des obligations qui leur incomberont. 

Les deux groupes de travail ont donné l’occasion aux participants à la Conférence de répéter, comme les jours précédents, que la conception d’un nouvel instrument doit s’appuyer sur les acquis et leçons tirées des instruments existants.  Ils ont appelé à garantir la compatibilité et la cohérence des instruments juridiques, rejetant par la même occasion toute « superposition », tout « chevauchement » ou toute « hiérarchie » entre les différents textes internationaux.

Pour les outils de gestion par exemple, la priorité doit être d’identifier les lacunes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer avant de définir des outils de gestion plus larges visant à réduire les risques pour la biodiversité en haute mer, a estimé l’observateur du Saint Siège.

« Les effets de notre nouvel instrument sur les instruments existants devront être finement analysés », a conclu le délégué uruguayen.

La Conférence intergouvernementale poursuivra ses travaux lundi 10 septembre, à partir de 10 heures.

CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE SUR UN INSTRUMENT INTERNATIONAL JURIDIQUEMENT CONTRAIGNANT SE RAPPORTANT À LA CONVENTION DES NATIONS UNIES SUR LE DROIT DE LA MER ET PORTANT SUR LA CONSERVATION ET L’UTILISATION DURABLE DE LA BIODIVERSITÉ MARINE DES ZONES NE RELEVANT PAS DE LA JURIDICTION NATIONALE

Groupe de travail informel sur le renforcement des capacités et le transfert des technologies marines: suite et fin de la discussion

Les délégations ont abordé ce matin le point 6.5 du guide de la présidence établi pour faciliter les débats (document 2018/3) intitulé « Questions soulevées par les éléments interdisciplinaires ».

Le représentant du Groupe des 77 et la Chine, celui de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS) ainsi que d’autres délégations ont demandé qu’il y ait une définition claire de ce qu’on entend par « techniques marines » dans le contexte du renforcement des capacités et le transfert de ces techniques, un point de vue que l’Union européenne ne partage pas.  Cette délégation veut, d’une part, éviter des définitions trop précises sans qu’il y ait une raison et, d’autre part, souligne que les techniques marines risquent d’évoluer dans le temps.  Pour le Groupe des États d’Afrique et la Norvège, la question des définitions devrait être abordée beaucoup plus tard en fonction des besoins.

Les délégations ont ensuite abordé le cas des petits États insulaires en développement (PEID).  Il a été demandé à plusieurs reprises que leurs circonstances particulières soient reconnues dans le nouvel instrument.  Le représentant du Canada, ainsi que d’autres intervenants, sont en faveur de la définition d’approches et de principes pour l’aide aux États qui doivent se doter des capacités de mise en œuvre des dispositions de l’instrument.  Beaucoup préfèrent l’utilisation des meilleurs instruments existants avant de chercher à créer de nouveaux mécanismes.

Évoquant de manière plus large la question du renforcement des capacités, l’AOSIS a souhaité que ce principe soit appliqué à tous les aspects de mise en œuvre de l’instrument et, en plus, en tenant compte des besoins spécifiques de chaque pays.  Le groupe a également précisé que le processus de renforcement des capacités doit être mené par les pays eux-mêmes. 

Concernant l’aide dont les pays ont besoin pour augmenter leurs capacités, l’AOSIS a plaidé en faveur d’un mécanisme clair pour faire appliquer « l’obligation de coopérer » et ne pas avoir à dépendre uniquement de « promesses non contraignantes ».  Allant dans le même sens, le Togo a souligné la nécessité de créer un fonds pour le financement du renforcement des capacités, une idée partagée par la représentante de l’Union internationale pour la conservation de la nature et des ressources naturelles (UICN) qui a défendu le bien-fondé de la création d’un fonds spécifiquement consacré à la biodiversité en haute mer et qui financerait notamment les transferts de techniques marines.

Comme l’a dit le représentant de la Guinée, « si nous sommes là pour négocier un instrument juridiquement contraignant, il faut arrêter d’éviter les obligations contraignantes » qui doivent être mises à la charge des pays, notamment en ce qui concerne le transfert des techniques marines.  En même temps, il a évoqué la possibilité d’envisager une base volontaire, en fonction du niveau de chaque pays dans les secteurs donnés.  La liste des obligations contraignantes pourrait être révisée de manière périodique, a—t-il suggéré.  En conclusion, il a déclaré que « continuer à parler de volontarisme nous fait perdre du temps ». 

En ce qui concerne les institutions, le besoin d’un secrétariat pour le nouvel instrument a fait l’unanimité; certains ont proposé que ce rôle soit attribué à la Conférence océanographique internationale de l’UNESCO.  Le représentant du Bangladesh a proposé que l’Autorité internationale des fonds marins assure la coordination et la coopération du renforcement des capacités de techniques marines.

De manière plus générale sur ce point, le Groupe des États d’Afrique a appelé à capitaliser sur les acquis et leçons tirées des instruments existants -la Convention sur la diversité biologique, le Protocole de Nagoya, la Convention de Stockholm et la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer- qu’il s’agisse de l’obligation faite aux États de coopérer en matière de renforcement des capacités et transfert des techniques marines, ou des arrangements institutionnels dans ce domaine.

Les intervenants se sont également dits en faveur de la création d’un centre d’échange des bonnes pratiques et de l’information, cependant la délégation de la Suisse a estimé que le rôle d’un tel centre ne devrait pas se limiter aux techniques marines mais avoir une portée plus large.

Groupe de travail sur les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées et autres mesures

La facilitatrice de ce Groupe de travail, Mme ALICE REVELL (Nouvelle-Zélande), a limité les interventions de ce matin au point 4.1 du guide établi spécialement pour faciliter les débats (document 2018/3), qui porte sur les « objectifs » des outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées, et la question de savoir si ces objectifs devraient s’appliquer à l’ensemble des outils de gestion par zone.

Pour le Groupe des 77 et la Chine, l’AOSIS, l’Union européenne (UE), le groupe des petits États insulaires en développement (PEID) et les membres de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), ces outils de gestion par zone doivent correspondre aux objectifs généraux du nouvel instrument, à savoir la conservation et d’utilisation durable de la biodiversité marine en haute mer et la santé et la résilience des océans.  À terme, ces outils pourraient éventuellement être définis en fonction de domaines spécifiques.  Mais il faut tout d’abord une définition générale claire de ces outils, ont exigé d’autres délégations.  Le représentant du Mexique a même suggéré, pour plus de clarté, de définir les activités qui pourraient être autorisées au cas par cas, par zone, et sur la base des meilleures données scientifiques. 

De son côté le représentant de l’Union européenne a estimé que ces outils de gestion par zone sont essentiels pour que les États parties du futur instrument s’acquittent des obligations qui leur incomberont.  L’UE considère que la valeur ajoutée de ce nouvel instrument est précisément de mettre en place un réseau d’aires marines protégées à l’échelle mondiale avec des mesures et des niveaux de protection clairs pour chacune d’entre-elles, ce qui suppose notamment que ces aires soient clairement identifiées par rapport aux zones adjacentes. 

Sur une note discordante, le représentant de la Fédération de Russie a demandé que le nouvel instrument se limite au choix de certains principes, sur la base desquels les organismes existants prendraient des décisions concernant les zones protégées.  De telles zones doivent être définies sur une base scientifique connue, a-t-il souhaité en voulant que l’on choisisse clairement les objectifs à réaliser et que ces objectifs aient un lien direct avec la conservation et l’utilisation de la biodiversité.  Sa délégation, a-t-il précisé, n’est pas en faveur de la création ad vitam eternam de telles aires marines protégées.  Son idée est de supprimer ces zones une fois les objectifs atteints.

Rebondissant sur les exigences de son homologue russe, la représentante de la Nouvelle-Zélande a passé en revue une série d’outils de référence scientifiques existants déjà qui pourraient être utilisés pour définir les aires marines protégées et leurs objectifs spécifiques. 

Le délégué de la Fédération de Russie a aussi fait remarquer que la pêche dans ces zones ne relevant pas de la juridiction nationale ne représente qu’une part infime de la pêche mondiale, de quoi il a déduit que cette activité ne devrait pas être règlementée par le nouvel instrument.  Lui répondant sur ce point, le représentant du Sénégal a fait valoir que, de nos jours, toutes les pêcheries sont en train de dégringoler parce qu’il n’y a plus de ressources au niveau côtier.  Par conséquent, a-t-il argué, de plus en plus de pays vont se tourner vers la haute mer pour y trouver des ressources, d’autant plus que la technologie le permet.

Pour l’observateur du Saint Siège, la priorité devrait être d’identifier les lacunes de la Convention sur le droit de la mer avant de définir des outils de gestion plus larges visant à réduire les risques pour la biodiversité en haute mer dans leur ensemble.  Il ne faut pas se limiter aux poissons et à la pollution, a-t-il ajouté.  En outre, « le réseau mondial des zones protégées doit avoir des bases solides à court et à long terme ».  Dans cet esprit, le Sénégal a proposé d’opter pour une approche écosystémique dans la définition des outils de gestion des aires marines protégées, ce qui englobe la conservation et la gestion durable.

La discussion s’est déplacée sur le point 4.2 du document de référence: « Relation avec les mesures associées aux instruments, cadres et organes pertinents. »

Le délégué du Groupe des 77 et de la Chine a demandé la transparence, la gestion intégrée et une utilisation durable des instruments juridiques existants, tandis que son homologue de l’Union européenne a demandé le respect des mandats des organes existants.  Le nouvel instrument ne doit pas saper les textes existants et devrait inclure des mesures de coopération avec ces derniers, a-t-il dit, appuyé en cela par l’Uruguay, qui a rappelé que tous les États Membres ne sont pas parties à la Convention sur le droit de la mer, même si celle-ci est « le point de départ de nos discussions ».  « Les effets de notre nouvel instrument sur les instruments existants devront être finement analysés », a déclaré le délégué uruguayen.

« Le nouvel accord ne doit pas se superposer aux autres », a renchéri la délégation du Japon, à l’instar de l’Islande.  Le délégué de la Fédération de Russie a déclaré que les organes créés par le nouvel instrument ne seront pas plus compétents que ceux existants, tandis que l’Australie a demandé que le nouvel instrument renforce la cohérence des mesures existantes sans les « hiérarchiser ».  Il est impérieux de renforcer la coopération entre les organes existants, a déclaré le Togo.

Le délégué du Chili, pays qui compte un secteur de pêche très important, a plus spécifiquement demandé le respect de l’Accord sur les stocks de poissons et une compatibilité des instruments.  « Le Chili ne cherche pas créer de nouveaux droits autres que ceux prévus par l’Accord sur les stocks de poissons et la Convention de 1982, mais nous voulons l’application de ces droits. »

La due protection des droits des États côtiers adjacents a par ailleurs été réclamée par de nombreux délégués, notamment ceux de Maurice, du Japon et des Maldives.  Les États côtiers adjacents doivent être consultés dans la création d’une aire marine protégée, afin d’éviter des conflits d’interprétation par rapport à la Convention de 1982, a dit le délégué de l’UE.  Le représentant de Nauru, au nom des PEID, a, lui, réclamé qu’une consultation obligatoire des États côtiers adjacents soit prévue par le nouvel instrument.  Nous comprenons les préoccupations des États côtiers adjacents, a déclaré le délégué de la Chine, qui a, lui aussi, mis en garde contre un « chevauchement » des outils existants.  

Les États côtiers adjacents doivent être associés à l’élaboration des instruments de protection régionaux, a déclaré le représentant des États-Unis.  S’agissant de la création d’un mécanisme de consultation des États côtiers, le délégué russe a dit que cela n’est pas suffisant pour prendre en compte les intérêts de ces États.  « Il doit y avoir une reconnaissance de l’intérêt particulier de ces États et une préservation de leurs droits sur toutes les zones relevant de leur juridiction nationale », a tranché le représentant du Canada, reconnaissant que ce dernier point devrait faire l’objet de convergence parmi les délégations.

Le dernier point examiné aujourd’hui fut le point 4.3 du document de référence intitulé « Procédure relative aux outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées ».

La meilleure procédure à adopter relativement aux outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées, doit prendre en compte les intérêts de tous les États Membres et être cohérente, a déclaré le délégué de Singapour.  Cette procédure pourrait être d’application mondiale, régionale, sectorielle ou hybride, a envisagé la représentante de la Nouvelle-Zélande, en soulignant l’importance des organisations régionales.

Cette procédure doit se fonder sur les éléments scientifiques les plus rigoureux possible, a exigé l’Égypte, au nom du Groupe des 77 et de la Chine.  Son homologue des Maldives, au nom des PEID, a lui aussi demandé que la procédure à adopter relativement aux outils de gestion par zone soit basée sur des critères scientifiquement rigoureux et adoptée suivant la règle du consensus.  Il a également insisté sur l’expertise des PEID en la matière.

La décision d’une création d’une aire marine protégée sera prise par les États parties au prochain accord, a rappelé le délégué de l’Union européenne, tout en souhaitant que les consultations à ce sujet incluent tous les États, ainsi que la société civile.  Il a demandé que ces consultations soient limitées dans le temps, inclusives et transparentes et souhaité, lui aussi, que la procédure se fonde sur des éléments scientifiques les plus rigoureux possibles.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: l’Envoyé spécial pour la Syrie présente une proposition pour éviter une catastrophe humanitaire « dévastatrice » à Edleb

8345e séance – matin
CS/13491

Conseil de sécurité: l’Envoyé spécial pour la Syrie présente une proposition pour éviter une catastrophe humanitaire « dévastatrice » à Edleb

Alors que l’offensive sur Edleb se prépare, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. Staffan de Mistura, a averti ce matin, devant le Conseil de sécurité, que tous les ingrédients sont réunis pour qu’une « tempête parfaite » se déferle sur cette zone de désescalade avec des « conséquences humanitaires dévastatrices ». 

Pour éviter une telle tragédie et permettre à la population civile d’échapper à la quadrature du cercle, M. de Mistura a appelé à mettre en œuvre une proposition de la société civile d’Edleb qui recommande de dissocier la population des terroristes et des groupes armés et de présenter un ultimatum aux combattants afin qu’ils quittent la région, en particulier ceux du Front el-Nosra.  Selon l’Envoyé spécial, la Russie et la Turquie pourraient être les garants d’un tel plan d’évacuation.

Au préalable, le Directeur des opérations et du plaidoyer du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), M. John Ging, a indiqué que sur les 3 millions de personnes qui vivent dans la zone de désescalade d’Edleb, près de 2,1 millions ont besoin d’assistance humanitaire, dont 1,4 million sont déplacées. Il a aussi précisé que des plans ont été mis au point pour soutenir jusqu’à 900 000 femmes, enfants et hommes qui pourraient être piégés par le conflit, et jusqu’à 700 000 personnes susceptibles d’être déplacées au nord d’Edleb et au-delà par les affrontements, ainsi que 100 000 autres qui pourraient fuir dans les zones placées sous le contrôle des forces gouvernementales. 

Agitant le spectre des morts et de la destruction à Alep et dans la Ghouta orientale, le Ministre adjoint des affaires étrangères du Koweït, M. Khaled Al-Jarallah, a appelé à renforcer les efforts diplomatiques pour éviter un nouveau bain de sang.  « Ce Conseil, a-t-il affirmé, a une responsabilité humanitaire, morale et juridique envers la population d’Edleb et doit rechercher une solution préventive satisfaisante. »

« Ceux qui parlent de zone de désescalade à Edleb ne sont pas au courant de la situation du terrain, puisque les groupes armés n’ont pas respecté les dispositions du processus d’Astana », a toutefois estimé le représentant syrien qui a assuré que l’État syrien avait donné assez de temps aux groupes terroristes pour se joindre au processus de réconciliation.  Si ces groupes refusent d’obtempérer, a-t-il averti, « le Gouvernement syrien se tient prêt à agir ».  

Son homologue de la Fédération de Russie a, pour sa part, tancé les pays occidentaux qui sont à l’origine de cette « hystérie collective » autour d’Edleb, afin, a-t-il affirmé, que le dernier bastion terroriste de Syrie ne tombe pas.  Selon ses dires, il existe entre 40 à 45 groupes armés comptant près de 50 000 combattants à Edleb, dont le plus important est le Front el-Nosra qui regroupe 15 000 personnes, tandis que la majorité des localités seraient gérées par des milices d’autodéfense qui souhaitent une trêve avec le Gouvernement syrien.

« Le sort des citoyens ordinaires syriens n’intéresse pas les occidentaux, puisque, les terroristes malmènent allègrement la population dans cette zone de désescalade sans que cela n’émeuve personne », a affirmé le représentant russe qui a déploré que les « partenaires occidentaux » aient ignoré les appels lancés par Moscou.

« Lorsqu’Assad et son allié russe disent qu’ils veulent lutter contre le terrorisme, ce qu’ils veulent dire, en réalité, c’est qu’ils vont bombarder des hôpitaux et des écoles », a rétorqué la représentante des États-Unis.

À ses yeux, une offensive contre Edleb affaiblirait la Syrie et « créerait des générations de Syriens incapables d’oublier la brutalité odieuse du régime d’Assad et de ses alliés ».  Aussi, a-t-elle exhorté la Russie à bien examiner ses options et à se montrer à la hauteur de ses responsabilités.  

« Une offensive meurtrière à Edleb ne marquerait pas la fin de la crise, mais plutôt le début d’une nouvelle phase », s’est aussi inquiétée la France, tandis que le Royaume-Uni a prévenu qu’en cas d’offensive d’envergure à Edleb, la communauté internationale demandera des comptes aux commandants des forces armées déployées dans la région.  De nombreuses délégations ont en outre mis en garde contre toute éventualité d’utilisation d’armes chimiques.

La délégation des États-Unis n’en a pas moins jugé qu’il est encore temps de trouver une alternative et a appelé à trouver une solution politique fondée sur la feuille de route de la résolution 2254 (2018), et qui appelle à la tenue d’un réel dialogue entre les Syriens et à la création d’une nouvelle constitution devant déboucher sur la tenue d’élections libres et équitables. 

La quasi-totalité des intervenants ont aussi réitéré leur préférence pour une solution politique négociée et pacifique, sans manquer de lancer des appels en direction des acteurs clefs en Syrie, notamment les garants du processus d’Astana que sont la Fédération de Russie, la Turquie et l’Iran, qui s’étaient réunis aujourd’hui même à Téhéran.  Ces derniers ont décidé de régler la question d’Edleb « dans l’esprit de coopération qui caractérise le processus d’Astana », a d’ailleurs rendu compte l’Envoyé spécial qui s’est toutefois préoccupé du risque que ce nouvel élan diplomatique soit affecté par un regain d’activités militaires.

La Suède a, pour sa part, souligné l’importance pour les garants d’Astana de mettre en œuvre sans délai l’accord de désescalade qu’ils ont conclu, et de donner la priorité à la protection des civils.  « Ils doivent agir dès à présent pour éviter une catastrophe humanitaire colossale en cas d’offensive militaire de grande envergure à Edleb », a déclaré le représentant suédois. 

Le Kazakhstan a, quant à lui, appelé à appliquer les mesures de renforcement de la confiance prévues par le processus d’Astana; notamment la libération des prisonniers et des personnes enlevées, la remise aux familles des dépouilles de leurs proches et l’identification des disparus.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

L’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. STAFFAN DE MISTURA, intervenant par visioconférence depuis Genève, a averti que tous les ingrédients sont réunis pour une « tempête » à Edleb qui aura des conséquences humanitaires dévastatrices.  L’ONU estime en effet à 3 millions environ les habitants de la région, parmi lesquels 1 million d’enfants et près de 99% de civils.  Le reste étant constitué de groupes terroristes reconnus comme tels par le Conseil de sécurité, des combattants étrangers et d’autres groupes armés d’opposition qui s’y étaient réfugiés suite aux accords avec le Gouvernement syrien. 

L’Envoyé spécial a relevé que tous les yeux sont aujourd’hui rivés vers Téhéran où vient de se tenir la rencontre entre les trois garants du processus d’Astana, à savoir la Fédération de Russie, la Turquie et l’Iran.  Il a également indiqué que des informations font état de déploiement de troupes gouvernementales autour d’Edleb qui est pourtant, a-t-il rappelé, une zone de désescalade.  Dans le même temps, le Chef du Front el-Nosra a dit sa détermination à se battre, alors que les groupes d’opposition seraient en train de renforcer leurs positions en creusant des tranchés et en faisant exploser des ponts.  Depuis la fin du mois dernier, tous ces groupes d’opposition ont rejoint la bannière du « Front de libération ».  Il a aussi dit avoir entendu des avertissements concernant d’éventuelles attaques chimiques.  En tout état de cause, M. de Mistura a affirmé que tous les ingrédients sont réunis pour une « tempête parfaite » à Edleb. 

L’Envoyé spécial a par ailleurs déclaré que les efforts visant à combattre le terrorisme ne doivent pas faire fi des engagements internationaux et des considérations éthiques.  Il a donc invité toutes les parties à éviter cette tragédie, tout en veillant à régler la question des groupes terroristes.  Il a invité les garants du processus d’Astana, « les grands acteurs du Golfe » et d’autres pays qui exercent une influence sur les groupes armés à tout faire pour assurer la protection des civils.  M. de Mistura a souligné que les populations doivent être libres de quitter la région d’Edleb et qu’il faut donc assurer un large accès pour l’ONU qui est prête à travailler avec les parties sur le terrain pour assurer des routes d’évacuation pour les civils, dans le respect des principes humanitaires et des droits de l’homme.  Il a aussi rappelé la position claire du Secrétaire général qui estime que « tout emploi d’armes chimiques est inacceptable ».  Cela ne peut se reproduire en Syrie, a-t-il insisté. 

L’Envoyé spécial a ensuite rappelé que l’offensive sur Edleb se prépare alors que des discussions sont en cours sur la création d’un comité constitutionnel, de même que des réflexions sur le retour des réfugiés en Syrie.  Pour lui, ces deux scénarios ne concordent tout simplement pas.  Il a annoncé qu’il aura des rencontres, lundi et mardi, à Genève, avec les garants du processus d’Astana, avant la tenue d’autres réunions avec d’autres pays qui ont de l’influence en Syrie.  Il s’est préoccupé du risque que ce nouvel élan diplomatique soit affecté par un regain d’activités militaires.  Il a ensuite évoqué les groupes de la société civile d’Edleb qui organisent des manifestations pacifiques et qui ont demandé à l’ONU de tout faire pour assurer la protection des civils.  Pour terminer, l’Envoyé spécial pour la Syrie a exhorté à faire en sorte que « toute proposition et toute alternative pour éviter cette catastrophe ait une chance de prospérer ». 

M. JOHN GING, Directeur des opérations et du plaidoyer du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a rappelé qu’environ 3 millions de personnes vivent dans la zone de désescalade d’Edleb, qui comprend des parties des provinces d’Edleb, d’Alep, de Lattaquié et de Hama.  Parmi elles, près de 2,1 millions ont besoin d’assistance humanitaire, dont 1,4 million sont déplacées.  « Si notre réponse humanitaire se concentre sur les 2,1 millions de personnes dans le besoin, nous sommes préoccupés par la protection et la sûreté de tous les civils dans la zone où une intensification des hostilités a été constatée », a souligné M. Ging. 

Il a indiqué que le 4 septembre, des frappes aériennes et des tirs d’artillerie dans l’ouest et le sud d’Edleb, ainsi que dans le nord d’Hama, ont provoqué des pertes civiles et des déplacements de population.  Et le 6, un hôpital près de Keifr Zeita, dans le nord d’Hama, aurait été frappé par un bombardement aérien, en dépit du fait que cette zone est supposée être sanctuarisée, a déploré le haut fonctionnaire.  « Nous recevons des informations selon lesquelles des engins explosifs improvisés et d’autres attaques meurtrières ciblent des civils de part et d’autre dans la province d’Edleb, y compris des travailleurs humanitaires.  Au moins trois médecins ont été tués rien qu’en août. »  L’ONU et les organisations non gouvernementales, a-t-il assuré, ont continué de mettre en œuvre une opération humanitaire majeure dans cette région, avec en moyenne deux millions de personnes qui bénéficient d’une aide transfrontalière chaque mois, à partir de la Turquie. 

Au-delà de la fourniture d’une assistance, des efforts ont été entrepris pour veiller à ce que les populations en détresse puissent être soutenues dans l’éventualité d’une intensification des hostilités.  Des plans ont été mis au point pour soutenir jusqu’à 900 000 femmes, enfants et hommes qui pourraient être piégés par le conflit, et jusqu’à 700 000 personnes susceptibles d’être déplacées au nord d’Edleb et au-delà par les affrontements, ainsi que 100 000 autres qui pourraient fuir dans les zones placées sous contrôle des forces gouvernementales.  Une aide humanitaire a déjà été prédisposée à Edleb, ainsi que dans des différents emplacements d’Alep, Lattaquié et Hama.  L’ONU a en outre débloqué 20 millions de dollars à partir du Turkey Humanitarian Fund (Fonds humanitaire de la Turquie).  Mais malgré la générosité de certains donateurs, a-t-il déploré, il manque 311 millions pour financer une aide indispensable en case d’une hausse des violences. 

M. Ging a ensuite attiré l’attention du Conseil sur cinq demandes spécifiques, qui s’adressent également à ceux qui exercent une influence sur les parties au conflit.  Tout d’abord, cesser les hostilités dans la zone ou, à tout le moins, veiller à ce qu’il n’y ait pas d’escalade.  Ensuite, garantir la protection des civils et des infrastructures civiles, conformément au droit international humanitaire.  Par ailleurs, le Directeur a plaidé en faveur de la liberté de circulation des populations qui souhaitent partir, dans quelque direction que ce soit.  Puis M. Ging a lancé un appel en faveur d’un accès sûr et sans entrave de l’aide humanitaire aux nécessiteux.  Enfin, a-t-il ajouté, une hausse du financement pour renforcer la réponse humanitaire en préparation est nécessaire.

M. KHALED AL-JARALLAH, Ministre adjoint des affaires étrangères du Koweït, intervenant également au nom de la Suède, pays porte-plume de la résolution 2401 (2018) sur la situation humanitaire en Syrie, a mis en garde contre les conséquences humanitaires d’une escalade à Edleb et exhorté les parties à respecter le cessez-le-feu.  Les garants d’Astana, a-t-il estimé, doivent renforcer leurs efforts pour trouver une solution pacifique à la situation à Edleb.  Agitant le spectre des morts et de la destruction à Alep et dans la Ghouta orientale, il a appelé à renforcer les efforts diplomatiques pour éviter un nouveau bain de sang.  La lutte antiterroriste doit respecter le droit international, y compris les principes de précaution, de proportionnalité et de protection des civils, a-t-il souligné.  « Ce Conseil a une responsabilité humanitaire, morale et juridique envers la population d’Edleb et doit rechercher une solution préventive satisfaisante. » Enfin, le Ministre adjoint a assuré que son pays et la Suède feront tout pour inciter le Conseil à envisager toutes les options possibles. 

M. FRANCOIS DELATTRE (France) a dit que la Syrie est à nouveau au bord de l’abîme avec le risque d’escalade à Edleb.  La Russie et l’Iran doivent faire respecter le cessez-le-feu, garantir un accès humanitaire complet et ouvrir un processus en vue d’une solution politique crédible, a-t-il dit.  « La France s’est mobilisée pleinement ces dernières semaines notamment auprès des Présidents Erdogan et Putin pour éviter toute offensive. » Après avoir indiqué que la France maintiendra et adaptera son assistance au Nord-Ouest syrien, le représentant a mis en garde contre l’instrumentalisation de la question des corridors humanitaires.  Il est urgent et possible d’éviter un massacre, a-t-il affirmé, en appelant à une solution politique.  Le délégué a également invité à créer, dans l’immédiat, un comité constitutionnel.  Enfin il a lancé un appel à la tenue d’élections libres et régulières, ouvertes à tous les Syriens, y compris les personnes déplacées et réfugiées.  « Une offensive meurtrière à Edleb ne marquerait pas la fin de la crise, mais plutôt le début d’une nouvelle phase », a-t-il prévenu.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a fait part de la préoccupation de sa délégation face à l’éventualité d’une offensive militaire à Edleb.  Il a rappelé que cette région est la dernière enclave terroriste du pays, principalement contrôlée par le Front el-Nosra et des groupes armés d’opposition.  Il a lancé un appel à toutes les parties ayant de l’influence sur le terrain afin qu’elles fassent preuve de modération et préservent la vie des civils, par exemple en facilitant les déplacements de civils, conformément au droit international humanitaire. 

Réitérant son soutien aux pourparlers de paix, le représentant a émis le vœu que le sommet de ce jour à Téhéran entre les garants d’Astana, ainsi que les futures réunions de Genève de l’Envoyé spécial, permettent une sortie de crise.  Les alliés des parties impliquées doivent chercher d’autres théâtres d’opérations pour faire voir leur force militaire, a-t-il lancé en leur demandant aussi de ne plus sacrifier l’avenir des Syriens sur l’autel des intérêts économiques et géostratégiques. 

M. JOANNA WRONECKA (Pologne) a exhorté les garants d’Astana et les autres acteurs exerçant une influence sur les parties au conflit à respecter leurs engagements et à agir pour protéger la population civile d’Edleb.  Par ailleurs, nous demandons un accès sûr et sans entrave de l’aide humanitaire en Syrie, y compris à Edleb, et appelons à prendre toutes les mesures en vue de protéger les travailleurs humanitaires.  Le représentant a également plaidé en faveur d’un retour sûr des déplacés dans leurs foyers, en faisant part de sa préoccupation quant à l’éventualité qu’un assaut sur Edleb puisse créer une nouvelle vague de réfugiés, alors que cette province est déjà celle qui concentre le plus grand nombre de déplacés en Syrie.  Sa délégation a enfin exprimé son inquiétude vis-à-vis du sort des infrastructures civiles, notamment les hôpitaux et les écoles.  Elle s’est aussi préoccupée du sort des enfants qui sont déjà très nombreux à être déplacés à Edleb.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) rappelant ce qui s’est passé à Alep et dans la Ghouta orientale, a averti que, d’ici quelques jours, il se pourrait qu’on parle de dizaines de milliers de nouvelles victimes et de 700 000 personnes déplacées supplémentaires, selon les estimations de l’ONU.  Il a aussi craint une déstabilisation du Moyen Orient ainsi que de nouvelles tensions entre membres permanents du Conseil de sécurité, alors que celui-ci a justement une responsabilité particulière dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Le représentant a plaidé en faveur d’une solution pacifique et appelé les pays pouvant avoir une influence sur le terrain à agir pour que les parties au conflit abandonnent la logique militaire.  Il a souligné l’esprit d’unité manifesté mercredi par 10 membres du Conseil, qui ont mis en évidence l’urgence à donner la priorité à la protection des civils à Edleb.  Il a émis l’espoir que les garants d’Astana puissent tomber d’accord sur une formule qui évite la tragédie que risque de vivre la population civile d’Edleb. 

M. GBOLIÉ DESIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a dit sa préoccupation devant l’imminence des combats à Edleb, province dont deux des trois millions d’habitants ont besoin d’une aide humanitaire.  Il s’est alarmé du risque d’un possible recours à l’arme chimique, qui s’ajouterait à la catastrophe humanitaire certaine.  Il n’y a pas d’alternative à la recherche de la paix par un dialogue franc et inclusif en Syrie, a-t-il souligné, en demandant la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015).  Enfin, le délégué ivoirien a appelé les parties au conflit à la retenue et à protéger les civils. 

M. MA ZHAOXU (Chine) a noté que des initiatives de reconstruction sont menées dans certaines régions de la Syrie.  Il a donc invité la communauté internationale à renforcer les efforts pour soutenir toutes les régions du pays.  La Chine appelle toutes les parties en Syrie à redoubler leurs efforts diplomatiques, tout en plaidant pour que la communauté internationale unisse ses efforts pour poursuivre la lutte contre le terrorisme et renforcer les gains actuels dans ce domaine.  La Chine invite toutes les parties à ne pas porter atteinte aux civils et à respecter l’intégrité territoriale de la Syrie.  Pour la Chine, une solution politique est la meilleure option de sortie de crise, conformément à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité.  Le délégué a, en conclusion, invité les parties à se joindre aux efforts de l’Envoyé spécial pour poursuivre les pourparlers de paix. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a rappelé que l’objectif de cette réunion est de lancer un appel pour décourager un assaut contre Edleb et de veiller à la protection des populations civiles résidant dans cette province, ou qui y sont déplacées.  Elle s’est donc félicitée des efforts diplomatiques en cours, qui vont dans le sens de cet appel.  « Le sort d’environ trois millions de personnes est en jeu », a prévenu la représentante.  Elle a exhorté la Fédération de Russie et l’Iran à exercer l’influence qui est la leur sur la Syrie pour désamorcer la situation actuelle.  Sur le plan militaire, Mme Pierce s’est préoccupée des nombreuses frappes aériennes qui se sont déroulées ce mois-ci, et qui auraient causé la mort de 38 civils au cours de la seule journée du 4 septembre.  Rappelant l’importance de la doctrine de la proportionnalité et de la distinction, elle a souligné que l’utilisation d’armes interdites pourrait être considérée comme un crime grave.  « Il y a plus de nourrissons à Edleb que de terroristes », a mis en garde la déléguée britannique.  En cas d’offensive d’envergure à Edleb, la communauté internationale demandera des comptes aux commandants des forces armées déployées dans la région, a prévenu Mme Pierce, qui a donné les noms de plusieurs d’entre eux.  Pour sa part, le Royaume-Uni a annoncé une nouvelle aide médicale vitale, d’un montant de 15 millions de dollars, dans l’espoir d’atténuer les souffrances dans les zones censément bombardées.  Mais les bailleurs de fonds ne peuvent se substituer aux États ayant de l’influence sur les parties au conflit, a rappelé la délégation.

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a exhorté à agir pour éviter une escalade supplémentaire à Edleb, zone dans laquelle près de 3 millions de personnes sont prises au piège.  « Les garants de la zone de désescalade d’Edleb et les autorités syriennes doivent œuvrer sérieusement à une solution pacifique et négociée à Edleb. » Il a rappelé que toute lutte antiterroriste doit respecter le droit international.  Le délégué a ensuite réclamé la pleine application de la résolution 2401 (2018), avant de fustiger les attaques indiscriminées contre les écoles et hôpitaux en Syrie.  « Nous savons que les forces militaires syriennes et russes connaissent les emplacements des hôpitaux qui restent à Edleb. » Il a enfin demandé un accès humanitaire sans entrave dans le pays et souligné l’importance d’une transition politique en Syrie. 

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a estimé nécessaire de mettre pleinement en œuvre la résolution 2401 (2018) du Conseil de sécurité.  Il a souhaité que les parties renoncent à la violence et permettent l’accès humanitaire pour porter secours aux civils.  Pour la Bolivie, toute mesure de lutte contre les terroristes doit tenir compte de la protection des civils.  Il a également plaidé pour le nettoyage des explosifs de guerre dans la zone de Raqqa, afin de garantir le retour sûr de réfugiés et de déplacés. 

La Bolivie invite les États ayant une influence sur le terrain à tout faire pour éviter l’escalade militaire à Edleb, non seulement les pays qui ont des troupes sur le terrain, mais également ceux qui financent les groupes armés, a précisé le représentant.  Il a aussi plaidé pour la protection des infrastructures civiles.  C’est au peuple syrien de décider de son avenir, a-t-il enfin rappelé, précisant que seule la solution politique peut prospérer, par le biais de négociations, avec l’aide des Nations Unies, et par le biais du processus de Genève. 

Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) s’est dit préoccupée par la situation à Edleb et la possibilité d’une catastrophe humanitaire consécutive à une intensification des hostilités.  « Nous reconnaissons qu’il y a sur place des terroristes désignés par l’ONU qui doivent être vaincus grâce à des efforts coordonnés de la communauté internationale », a-t-elle dit.  « Néanmoins, nous estimons que tout doit être fait pour protéger les vies de millions de civils. »  L’Éthiopie a donc salué les consultations en cours, particulièrement entre les garants d’Astana, dans la mesure où Edleb est une zone de désescalade, avant d’émettre l’espoir que le sommet qui se déroule aujourd’hui même débouchera sur un résultat constructif.  La représentante a donc appelé ceux qui ont de l’influence sur les parties à jouer un rôle constructif.  Après avoir lancé un appel à soutenir le personnel humanitaire déployé sur le terrain, elle a souligné qu’il n’y pas de solution militaire au conflit, celui-ci ne pouvant être résolu qu’au travers du dialogue politique. 

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a rappelé que les forces militaires russes qui se trouvent en Syrie y avaient été conviées par le Gouvernement syrien avec pour objectif majeur de lutter contre le terrorisme dans le pays.  Il a estimé que la libération finale « de tout le territoire » permettra de créer des conditions favorables à un accord politique, sur la base de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité.  Rappelant qu’Edleb est une zone de désescalade, il a invité les garants d’Astana à assurer une libération pacifique d’Edleb d’éléments terroristes.  Il a conseillé de le faire en séparant les groupes terroristes des forces d’opposition modérée qui sont disposées à négocier avec les forces gouvernementales. 

Le Kazakhstan soutien les rencontres du 10 et 11 septembres entre l’Envoyé spécial et les garants du processus d’Astana.  Le représentant a également dit espérer que la réunion des Présidents de ce processus, aujourd’hui même à Téhéran, donne lieu à une décision permettant de renforcer la confiance entre les parties au conflit, faciliter le sort des civils et relancer le processus politique.  Le représentant a également appuyé les efforts des garants visant à aider les Syriens à rétablir l’unité de leur pays et à conclure un accord politique.  En attendant, il a souhaité que les mesures de renforcement de la confiance prévues par le processus d’Astana soient appliquées, notamment la libération des prisonniers et des personnes enlevées, la remise aux familles des dépouilles de leur proche et l’identification des disparus.

M. OLOF SKOOG (Suède) a estimé que le débat d’aujourd’hui était fort différent de ceux qui s’étaient tenus sur les sorts d’Alep, de la Ghouta orientale et Daraa, « parce qu’il n’y a nulle part où fuir pour les 3 millions de civils piégés à Edleb, dont 1 million d’enfants ».  Dans ce contexte, il a souligné l’importance pour les garants d’Astana, qui se rencontrent au plus haut niveau aujourd’hui, de mettre en œuvre sans délai l’accord de désescalade qu’ils ont conclu, et de donner la priorité à la protection des civils.  « Ils doivent agir dès à présent pour éviter une catastrophe humanitaire colossale en cas d’offensive militaire de grande envergure à Edleb », a déclaré M. Skoog.  Celui-ci a proposé au Conseil de poursuivre cette discussion en consultations, pour y être informé des développements et de tout progrès pour dénouer la situation sur le terrain. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a rappelé d’emblée que le thème de cette réunion, tel qu’arrêté par la présidence des États-Unis, fait référence au Moyen-Orient et à Edleb, comme s’il ne s’agissait pas d’un territoire de la République arabe syrienne.  Il a dit être d’accord avec l’Envoyé spécial pour la Syrie quand ce dernier reconnaît que les autorités syriennes ont bien le droit de se battre pour reprendre leur territoire.  Il a noté que personne ne conteste le fait que dans la zone de désescalade d’Edleb, le Front el-Nosra est présent en nombre et essaye de contrôler tout le territoire.  « Voilà pourquoi un statu quo est impensable », a-t-il souligné.  De même, les zones de désescalade ont un statut provisoire, a-t-il rappelé, en précisant que les résolutions du Conseil de sécurité n’ont jamais évoqué une trêve dans la lutte contre les terroristes. 

Pour la Fédération de Russie, « le sort des citoyens ordinaires syriens n’intéresse pas les Occidentaux », puisque, a affirmé le représentant, les terroristes malmènent allègrement la population dans cette zone de désescalade sans que cela n’émeuve personne.  Le délégué a rappelé que le 4 septembre dernier, l’aviation russe a frappé des entrepôts d’explosifs et de drones tenus par les terroristes à Edleb.  « D’où vient cette production militaire dont disposent ces terroristes? » s’est-il demandé en pointant leur soutien étranger.  Il a aussi indiqué que les chefs des terroristes s’opposent à toute velléité de quitter leurs groupes, allant même jusqu’à l’élimination physique. 

Le représentant a ensuite signalé qu’il existe entre 40 à 45 groupes armées comptant près de 50 000 combattants à Edleb, dont le plus important est le Front el-Nosra qui regroupe 15 000 personnes.  Et la majorité des localités sont gérées par des milices d’autodéfense qui souhaitent une trêve avec le Gouvernement syrien.  Les habitants d’Edleb sont las de la tyrannie des terroristes, a-t-il affirmé, avant d’appeler à dissocier les groupes d’opposition armée voulant se joindre au processus politique des terroristes. 

Nous avons entendu aujourd’hui de nombreux appels en direction des garants d’Astana, a poursuivi M. Nebenzia, tout en rappelant que la Fédération de Russie avait fait de même en direction des « partenaires occidentaux » qui, a-t-il déploré, les ont ignorés.  Il a accusé Washington d’avoir essayé de renverser le régime syrien.  Et aujourd’hui, les Occidentaux sont à l’origine de cette « hystérie collective » autour d’Edleb, afin, a-t-il affirmé, que le dernier bastion terroriste de Syrie ne tombe pas.  Le représentant russe a néanmoins assuré que des perspectives de pourparlers existent toujours, rappelant que l’Envoyé spécial reste en contact avec l’opposition syrienne armée.  Il a promis que les scénarii apocalyptiques sur Edleb, propagés par certains États, après ceux de la Ghouta orientale et d’Alep, ne vont pas se réaliser, « a contrario du désastre de Raqqa qui a été détruit sous les bombes de la coalition ».

Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a assuré que le régime d’Assad et ses facilitateurs la Russie et l’Iran ont déjà un scénario bien rodé.  D’abord ils encerclent une zone civile, puis ils font des déclarations absurdes selon lesquelles toutes les personnes qui s’y trouvent sont des terroristes.  Vient ensuite la campagne de famine et de capitulation.  C’est le scénario de la mort, a-t-elle dénoncé, déjà utilisé et « peaufiné » à Daraa ou dans la Ghouta orientale, dans l’est d’Alep ou à Hama. 

Maintenant, en dépit des avertissements répétés de plusieurs dirigeants, « dont le Président des États-Unis », une offensive se prépare contre Edleb et des zones civiles subissent d’ores et déjà des frappes aériennes.  Nous avons pourtant été très clairs, a mis en garde la représentante: toute attaque contre Edleb constituerait une grave escalade du conflit en Syrie.  Et si Assad, la Russie et l’Iran persistent, les conséquences seront dramatiques.

Nous avons été informés que trois millions de personnes, dont 80% de civils, sont coincés à Edleb, « soit presque 11 fois plus que le nombre de celles qui l’étaient à Alep ».  Elle a appelé le régime d’Assad à mettre un terme à l’offensive, notant par ailleurs que dans ce contexte, qui pourrait se traduire par des conséquences encore plus graves, l’Iran et la Russie ont le pouvoir de faire quelque chose.  Mais lorsqu’Assad et son allié russe disent qu’ils veulent lutter contre le terrorisme, ce qu’ils veulent dire, en réalité, c’est qu’ils vont bombarder des hôpitaux et des écoles, s’est élevée Mme Haley. 

La représentante a également indiqué que la Russie souhaite que les États-Unis et la communauté internationale fournisse l’argent nécessaire à la reconstruction de la Syrie.  Les États-Unis, a-t-elle martelé, n’envisageront pas une telle demande tant que nous n’aurons pas pu constater les résultats concrets d’un processus politique authentique pour mettre un terme à la guerre.  Le contribuable américain ne va très certainement pas subventionner la campagne de destruction d’Assad, s’est-elle emportée.

Mme Haley a jugé qu’il est encore temps de trouver une alternative et a appelé à trouver une solution politique fondée sur la feuille de route de la résolution 2254 (2018) et qui appelle à la tenue d’un réel dialogue entre les Syriens et à la création d’une nouvelle constitution devant déboucher sur la tenue d’élections libres et équitables.

À ses yeux, une offensive contre Edleb, affaiblirait la Syrie et créerait des générations de Syriens incapables d’oublier la brutalité odieuse et brutale du régime d’Assad et de ses alliés.  Elle a exhorté la Russie à bien examiner ses options et à travailler « avec nous, l’ONU et les partenaires internationaux », pour enfin faire venir la paix en Syrie.  La Russie doit être à la hauteur de ses responsabilités et mettre un terme aux combats, a-t-elle affirmé. 

Réagissant aux déclarations des membres du Conseil, M. Staffan de Mistura, Envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, a déclaré que cette réunion est peut-être « cruciale ».  Il a ensuite montré une photo de civils d’Edleb en train de brandir des bougies, affirmant avoir également reçu une lettre signée par 1000 femmes de la province, « qui nous ont exhortés à garder à l’esprit qu’elles sont enseignantes, infirmières, femmes déplacées, ou femmes au foyer ».  Il est vrai, a reconnu le haut fonctionnaire, que certains combattants expulsés des autres régions syriennes se sont rendus à Edleb, mais selon lui, ils seraient minoritaires.  « Je vous invite à vous rendre à Edleb pour voir ces civils qui souffrent depuis des années.  Ces personnes sont opposées aux terroristes », a-t-il témoigné.

Aujourd’hui, a-t-il repris, s’est déroulée à Téhéran une réunion au plus haut niveau entre la Russie, l’Iran et la Syrie.  Ce que j’en ai retenu, c’est que le facteur essentiel est le temps, a dit M. de Mistura qui a noté que l’intention déclarée des participants est de continuer à discuter et à mettre en œuvre les idées déjà agréées.  « Moi aussi, j’ai une idée », a lancé M. de Mistura, qui a souligné qu’il s’agissait en réalité d’une proposition de la société civile pour échapper à la quadrature du cercle.  Il a reconnu que des terroristes identifiés par l’ONU se trouvent à Edleb, mais a souligné que ces derniers sont peu nombreux et que la plupart des personnes sur place sont coincées entre deux chaises et ne veulent pas de cette situation. 

L’immense majorité des gens à Edleb sont des civils, qui demandent que l’on opère une distinction claire entre eux et les combattants sur place.  « Nous parlons de trois millions de personnes », a insisté l’Envoyé spécial.  Revenant à la proposition de la société civile, il a recommandé de dissocier la population des terroristes armés et des groupes armés.  Tous les combattants devraient donc se voir proposer un ultimatum pour quitter Edleb, en particulier el-Nosra, « qui a essayé de placer son propre drapeau, mais dont la population n’a pas voulu ».  La Russie et la Turquie devraient être les garants d’un tel plan d’évacuation, a-t-il proposé.

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a rappelé que le processus d’Astana visait à créer des zones de désescalade de nature provisoire, afin de conclure des accords de paix avec les groupes armés qui tourneraient le dos aux groupes terroristes.  Malheureusement, a-t-il déploré, ce ne fut pas le cas à Edleb.  « Ceux qui parlent de zone de désescalade à Edleb ne sont pas au courant de la situation sur le terrain, puisque les groupes armés n’ont pas respecté les dispositions du processus d’Astana », a-t-il expliqué.  Il a signalé à la délégation du Royaume-Uni qu’Edleb compte pas moins de 50 000 terroristes, et non pas les 15 000 avancés.

Le représentant a ensuite accusé la présidence du Conseil de sécurité d’être à la fois « un adversaire et un arbitre » qui impose des débats sur le Nicaragua, sur la Syrie, et bientôt sur le Venezuela et l’Iran.  Il a aussi rappelé que trois membres permanents du Conseil de sécurité utilisent souvent leur présidence de l’organe pour organiser « à souhait » des réunions sur la Syrie, alors que c’est bien leurs gouvernements qui sont la cause des souffrances en Syrie et au-delà.  « Edleb se situe bel et bien en Syrie », a-t-il rappelé en justifiant les mesures de son gouvernement visant à expulser les groupes terroristes de cette région du pays.  Selon M. Ja’afari, « défendre les groupes terroristes est une tentative désespérée de les recycler avant de les renvoyer demain au Yémen, au Nigéria ou en Afghanistan ».

Ce dernier a en outre estimé que l’État syrien a donné assez de temps aux groupes terroristes pour se joindre au processus de réconciliation.  À présent, « ceux qui favorisent l’entrée des terroristes en Syrie, notamment le Gouvernement turc, ont encore une chance de les faire quitter le pays ».  Si ces groupes refusent d’obtempérer, a-t-il averti, « le Gouvernement syrien se tient prêt à agir ».  Nous sommes conscients des implications humanitaires et nous prenons toutes les précautions en fournissant des routes sûres pour l’évacuation des civils, a tempéré le représentant qui a promis vivres et protection aux civils.

M. Ja’afari a par ailleurs déploré que les États-Unis, le Royaume-Uni et la France refusent depuis un an d’inscrire le Front el-Nosra sur la liste des groupes terroristes, pour ensuite rappeler que sa délégation a fourni au Conseil des informations indiquant que des groupes terroristes et les Casques blancs ont l’intention d’utiliser des armes chimiques et en faire porter le chapeau au Gouvernement.  J’ai une bonne nouvelle à vous annoncer Mme la Présidente: « investir dans le terrorisme dans mon pays n’a pas marché », a déclaré le délégué syrien.  Il s’est également insurgé contre l’hypocrisie du Koweït qui parle de la Syrie comme d’un peuple frère, alors que des élus Koweïtiens appellent ouvertement au recrutement de combattants jihadistes pour les envoyer en Syrie.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: Accusée par le Royaume-Uni d’avoir orchestré la tentative de meurtre à Salisbury, la Fédération de Russie dément toute responsabilité

8343e séance – matin
CS/13488

Conseil de sécurité: Accusée par le Royaume-Uni d’avoir orchestré la tentative de meurtre à Salisbury, la Fédération de Russie dément toute responsabilité

À l’initiative du Royaume-Uni, le Conseil de sécurité s’est, ce matin, saisi des conclusions de l’enquête sur l’incident dit de Salisbury, au cours duquel Sergei Skripal et sa fille Yulia avaient été empoisonnés à l’aide d’un agent innervant dans cette petite ville d’Angleterre, le 4 mars 2018.  La représentante britannique, Mme Karen Pierce, a révélé aujourd’hui que deux ressortissants russes, qui seraient affiliés à la GRU –la direction générale des renseignements russe–, avaient été identifiés comme les auteurs de cette tentative de meurtre, des accusations rejetées par le représentant de Moscou.

La police du Royaume-Uni a mené une enquête approfondie, qui a permis de déterminer que le produit utilisé à Salisbury était un neurotoxique issu d’une classe d’agents de guerre chimiques appelée Novitchok, a rappelé la déléguée.  Quant aux deux suspects, qui ont quitté le sol britannique, la présence du Novitchok a été attestée dans leur chambre d’hôtel et ils ont été aperçus sur les lieux du crime le jour même.

Puisque la Fédération de Russie n’autorise pas l’extradition de ses ressortissants, Londres a donc fait la demande et obtenu auprès d’INTERPOL la délivrance d’un mandat d’arrêt international à l’encontre des deux individus, a-t-elle annoncé.

Son homologue russe, M. Vassily Nebenzia, a mis en cause les éléments de preuve brandis par Mme Pierce, en estimant que la publication, hier, de photos des « supposés » responsables ne visaient qu’à donner un « tournant sensationnel » à l’affaire, en attisant le « sentiment antirusse ».  « On nous dit que les suspects auraient des noms russes, mais on estime en même temps que ces noms seraient des noms d’emprunt », a-t-il relevé.

En réponse aux appels de plusieurs membres du Conseil à coopérer pleinement avec le Royaume-Uni, M. Nebenzia a assuré que c’est bien Moscou qui a demandé à Londres de faire preuve de coopération jusqu’à présent.  Ces propos ont fait réagir la représentante britannique qui a rétorqué qu’« on ne recrute pas un pyromane pour enquêter sur un incendie » et que jamais la police du Royaume-Uni, qui est « indépendante du Gouvernement », n’est partie du principe que la Russie était responsable; simplement, que les éléments de preuve pointaient dans cette direction.

Écartant les « élucubrations d’autorités britanniques russophobes », le représentant russe s’est demandé pour quelle raison la Russie voudrait-elle bien empoisonner les Skripal, « et de manière si alambiquée encore »?  On nous a dit que la poignée de la porte du domicile des Skripal aurait été enduite d’un gel, ensuite on nous parle d’un flacon de parfum Nina Ricci contenant l’agent innervant, s’est exclamé M. Nebenzia.

Pour la représentante des États-Unis, la tentative de meurtre contre les Skripal était une attaque « hautement planifiée et délibérée ».  Au lieu d’assumer la responsabilité de ses propres actes, le Gouvernement russe n’a offert jusqu’à présent que « dénégations » et « contre-accusations », suivant un « scénario bien connu »: « De la Crimée au vol MH17, en passant par le Donbass et l’assassinat de Litvinenko, la liste est encore longue.  Et c’est toujours la même rengaine.  La Russie n’est comme par hasard jamais derrière ces incidents », a ironisé Mme Nikki Haley.

Incriminant elle aussi un « mode systématique de malveillance russe à l’étranger », sa collègue du Royaume-Uni a dénoncé la tentative de coup d’état au Monténégro en octobre 2016 et le piratage des emails du Parti démocrate des États-Unis, qui témoigneraient que le GRU s’est rendu « coupable d’ingérence dans les affaires internes » d’autres pays.

Si la France et la Suède ont abondé dans le sens d’une responsabilité de la Russie, d’autres membres, comme l’Éthiopie ou encore le Kazakhstan, ont estimé ne pas disposer d’éléments de preuves irréfutables suffisants pour parvenir à la même conclusion.  La Chine et la Bolivie ont de leur côté mis en garde contre les risques de politisation de cet incident entre la Russie et le Royaume-Uni.

LETTRE DATÉE DU 13 MARS 2018, ADRESSÉE AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE CHARGÉ D’AFFAIRES PAR INTÉRIM DE LA MISSION PERMANENTE DU ROYAUME-UNI DE GRANDE-BRETAGNE ET D’IRLANDE DU NORD AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2018/218)

Déclarations

Avant d’informer le Conseil de sécurité des résultats de l’enquête britannique, Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a tenu à rappeler les faits.  Le 4 mars 2018, à Salisbury, Sergueï Skripal et sa fille Yulia ont été empoisonnés, en Angleterre, à l’aide de l’agent neurotoxique Novitchok, selon des sources officielles britanniques et l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).  Les Skripal ont survécu, et sont aujourd’hui convalescents.  Un officier de police a également été placé dans une unité de soins intensifs après avoir été contaminé lors d’une visite chez Sergei Skripal.  Mais le 30 juin 2018, à Amesbury, deux ressortissants britanniques, Charlie Rowley et Dawn Sturgess, ont été admis à l’hôpital du district de Salisbury.  La police a déterminé qu’ils avaient également été empoisonnés par le Novitchok.  Sturgess est morte le 8 juillet, Rowley a repris conscience deux jours plus tard.

La police britannique a mené une enquête médicolégale très fouillée et a conclu « de façon indépendante » qu’il y avait des éléments de preuve en nombre suffisant pour accuser deux ressortissants russes identifiés comme membres du GRU, la présence de Novicok ayant été attestée dans leur chambre d’hôtel, a annoncé Mme Peirce.  Ces deux individus ne se trouvent plus sur le territoire britannique et la Fédération de Russie n’autorise pas l’extradition de ses ressortissants.  Par conséquent, a expliqué la représentante, le Royaume-Uni a obtenu la délivrance d’un mandat d’arrêt international émis par INTERPOL.  « Nous avons des preuves suffisantes de ce qui s’est passé à Salisbury.  Il y a un mode systématique de malveillance russe à l’étranger », a argué la déléguée, en citant la tentative de coup d’état au Monténégro en octobre 2016 et le piratage des emails du Parti démocrate des États-Unis.  Pour elle, aucun doute: le GRU s’est rendu coupable d’ingérence dans les affaires internes d’autres pays.  Le Royaume-Uni, « qui n’en veut pas au peuple russe », continue d’espérer avoir un partenariat à Moscou, a assuré Mme Peirce, en défendant l’intégrité du régime de non-prolifération. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a exprimé sa « profonde préoccupation » face à l’utilisation d’un agent innervant dans un espace public du Royaume-Uni, qui a fait une victime et mis en danger la vie d’au moins quatre personnes.  Il a fermement condamné l’utilisation d’armes chimiques, considérant qu’elles représentent une menace à la paix et à la sécurité internationales et une « violation flagrante » du régime de non-prolifération.  Il a incité les parties concernées à coopérer pleinement avec les enquêtes en cours, notamment celle de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a réitéré la solidarité de son pays avec les autorités britanniques à la suite de « l’acte hostile » perpétré le 4 mars à Salisbury.  Il a salué l’enquête du Royaume-Uni, en lien avec l’OIAC, qui confirme l’analyse initiale sur « l’absence d’autre explication plausible que la responsabilité de la Russie ».  Les attaques chimiques perpétrées à Salisbury et Amesbury n’ont pu être lancées et approuvées qu’à un niveau « suffisamment élevé » de l’État russe, a-t-il estimé.  Il a pris note de l’émission de deux mandats d’arrêt contre des officiers de renseignement militaire russes et s’est dit disposé à coopérer avec la police britannique.  Il a exprimé sa profonde préoccupation face à de tels agissements, réaffirmée unanimement par l’OTAN et l’Union européenne.  Le recours à des armes chimiques n’est plus envisageable en ce début de siècle, a-t-il argué, ajoutant qu’il incombe au Conseil de sécurité de protéger le régime de non-prolifération et « notre système de sécurité collective ».  M. Delattre a en outre appelé la communauté internationale, y compris la Russie, à s’engager à protéger la Convention pour l’interdiction des armes chimiques et à renforcer l’OIAC, comme l’a décidé la conférence des États parties.

M. JOANNA WRONECKA (Pologne) a rappelé que, depuis le début, sa délégation avait condamné l’attaque sans précédent qu’avait constitué la tentative de meurtre de Sergei et Yulia Skripal à l’aide d’un agent neurotoxique, « la première de la sorte en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale ».  Elle a appelé la Russie à faite preuve de la plus grande coopération avec le Gouvernement britannique et l’OIAC, estimant que les preuves étaient suffisantes pour accuser des ressortissants russes. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a déclaré que la tentative de meurtre de Sergei et Yulia Skripal était un crime grave, jugeant nécessaire de veiller au respect des normes internationales en vigueur du régime de non-prolifération. 

Mme LISE GREGOIRE-VAN HAAREN (Pays-Bas) a condamné l’utilisation d’armes chimiques « en tout temps, en tout lieu et dans n’importe quelles circonstances ».  Elle a noté que l’utilisation d’un agent neurotoxique au Royaume-Uni avait fait une victime supplémentaire, Mme Dawn Sturgess, qui n’a pas survécu.  La représentante a vu dans le lancement de procédures pénales un pas important pour établir la vérité et s’est dit entièrement confiante dans l’enquête menée par les  autorités britanniques.  Elle a appelé les États à coopérer pour veiller à ce que les deux suspects comparaissent devant un tribunal au Royaume-Uni et établir toute la vérité sur la manière dont a été menée l’attaque.  La déléguée a aussi exhorté les autorités russes à fournir des informations sur les questions qui demeurent sans réponse et à coopérer avec les efforts pour traduire les responsables en justice.

M. DESIRE WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a condamnéé la tentative d’empoisonnement à l’aide d’un agent neurotoxique.  Il a estimé que l’affaire Skripal nous interpelle tous sur la nécessité de veiller à une mise en œuvre diligente des dispositions pertinentes de l’architecture internationale en matière de non-prolifération.  La Côte d’Ivoire exhorte toutes les parties prenantes à faire preuve de retenue et à collaborer avec l’OIAC, dans le cadre des attributions qui lui ont été conférées lors de la session spéciale tenue les 26 et 27 juin derniers à La Haye, afin d’identifier et traduire devant les juridictions internationales compétentes les auteurs d’usage d’armes chimiques. 

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a pris note de l’ampleur des nouvelles informations mises en lumière par l’enquête britannique et a exprimé sa confiance dans leur véracité.  « Nous appelons la Russie à changer de cap et à coopérer pleinement avec l’enquête et l’accusation en cours », a-t-il déclaré.  Selon lui, les derniers éléments de preuve démontrent la « forte probabilité » de la responsabilité de la Russie dans l’attaque perpétrée à Salisbury le 4 mars.

Depuis la dernière réunion du Conseil sur la question, a déploré le représentant, un nouveau citoyen britannique est décédé à Amesbury, après être entré en contact avec une substance dont l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a confirmé qu’il s’agissait du même agent neurotoxique que celui qui avait été utilisé pour empoisonner Sergei et Yulia Skripal.

Le représentant a réitéré sa forte condamnation de l’utilisation d’un agent neurotoxique sur le territoire britannique et a fait part de la solidarité de son pays envers le Royaume-Uni, « notre ami proche et notre partenaire européen ».

M. ZHANG DIANBIN (Chine) a condamné fermement le recours aux armes chimiques par tout État, individu ou entité.  Il a appelé à une enquête juste et impartiale pour toute utilisation de telles substances.  Les attaques chimiques doivent faire l’objet d’enquêtes par l’OIAC, a déclaré le représentant, dans un esprit de dialogue et de consultation pour régler les problèmes.  Enfin, il a mis en garde contre toute politisation risquant d’aviver les tensions. 

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a estimé que l’examen d’une question aussi grave nécessite plus de temps.  Il est difficile de tirer une conclusion objective, a-t-il déclaré, tout en souhaitant obtenir davantage d’informations des autorités britanniques sur cet incident afin d’en arriver à une conclusion juste et impartiale.  Il a dit compter sur la poursuite d’enquêtes exhaustives et globales avant d’accuser une partie spécifique. 

M. MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a condamné toute utilisation d’armes chimiques que ce soit par un État ou un acteur non étatique.  Elle a toutefois estimé ne pas disposer de tous les éléments nécessaires pour tirer les conclusions nécessaires, ce qui, a-t-elle affirmé, rend d’autant plus nécessaire une coopération totale entre le Royaume-Uni et la Fédération de Russie à cet égard.

Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a jugé injustifiable d’utiliser comme armes des éléments chimiques, dans quelque circonstance que ce soit.  S’agissant des évènements de mars dernier, elle a réitéré la nécessité de mener une enquête indépendante, transparente, objective, impartiale et dépolitisée.  La représentante a aussi appelé les pays intéressés à utiliser les canaux diplomatiques pour résoudre la situation par le dialogue. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a souhaité que les conclusions de l’enquête sur l’attaque chimique survenue le 4 mars à Salisbury soient exhaustives, justes et indépendantes.  Il a rappelé l’opposition de son pays à l’utilisation des armes chimiques en contravention de la Convention sur les armes chimiques et la Charte des Nations Unies.  Après avoir condamné vigoureusement les attentats à l’arme chimique perpétrés contre les Skripal, il a exprimé sa solidarité avec le peuple britannique.  Enfin, il a invité le Royaume-Uni et la Fédération de Russie à faire preuve de retenue et d’établir des contacts directs. 

M. VASSILI A. NEBENZIA (Fédération Russie) avait espéré qu’aujourd’hui, il entendrait des éléments d’information convaincants permettant de faire la lumière sur ce qui s’est passé à Salisbury.  « Hélas, nous avons entendu les mêmes arguments, selon lesquels des supposés agents russes auraient commis des meurtres à l’aide d’un agent neurotoxique », a -t-il déploré.  Hier, la police britannique a publié des photos des supposés responsables, pour donner un « tournant sensationnel » à l’enquête.  Les suspects auraient des noms russes, mais on estime en même temps que ces noms seraient des noms d’emprunt. Aujourd’hui, de nombreuses délégations ont appelé la Russie à coopérer avec le Royaume-Uni.  Mais c’est nous qui demandons à Londres de coopérer avec nous, ce qui nous est refusé, dans le but d’alimenter « un sentiment antirusse », a rétorqué M. Nebenzia.   Le représentant a émis des doutes sur les photos des suspects, qui se seraient trouvés devant la maison des Skripal le 4 mars, alors que tout semblait démontrer que ceux-ci auraient quitté le domicile tôt dans la journée.  En outre, d’après l’OIAC, le novocik est tellement dangereux qu’il faut le transporter dans un container hermétique.  Rappelant que les noms véritables des suspects ne sont pas connus, le représentant a estimé qu’on ne peut donc pas savoir s’ils sont des agents du GRU. De plus, les autorités britanniques ont manqué à fournir à la délégation russe des informations essentielles, à commencer par les empreintes digitales des deux suspects, obtenus lors de leur entrée au Royaume-Uni « Essayons de faire tomber les masques pour savoir ce qui s’est passé », a lancé le délégué.

Deux ressortissants russes se seraient trouvés à Salisbury en possession d’un agent neurotoxique interdit par l’OIAC.  « Tout le reste n’est qu’élucubrations d’autorités britanniques russophobes », a-t-il tranché.   Pourquoi la Russie voudrait-elle empoisonner les Skripal, et de manière si alambiquée encore ? On nous a dit que la poignée de la porte du domicile des Skripal aurait été enduite d’un gel, ensuite on nous parle d’un flacon de parfum Nina Ricci contenant l’agent innervant, et dans lequel il est d’ailleurs impossible d’en transporter, s’est-il énervé.  Pour le représentant, il paraît évident que les Britanniques n’ont pas de preuve formelle de la responsabilité russe dans cette affaire.  Rejetant toute « accusation infondée », la Fédération de Russie a appelé les Britanniques « à la retenue ».  Il a également indiqué que l’Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) n’avait pas réussi à identifier la source de l’agent Novitchok qui a été trouvé au mois de mars. M. Nebenzia a réitéré la volonté de son Gouvernement de mener des consultations et exigé un accès consulaire aux citoyens russes qui sont détenus par des autorités britanniques.  La Fédération n’a « jamais produit, élaboré ou stocké » de Novitchok, a-t-il martelé.  Qui plus est, a-t-il soutenu, l’élaboration d’une telle substance s’est faite dans d’autres pays, le Royaume-Uni ou les États-Unis, par exemple.  Le représentant a donc appelé tous les États à assumer leurs responsabilités et à demander au Royaume-Uni de relancer les consultations.  Il est évident que l’on poursuit ici d’autres objectifs que judiciaires, s’est défendu le délégué, en parlant d’« hystérie antirusse ».

Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a « condamné catégoriquement » l’emploi d’armes chimiques à Salisbury, se disant déterminée à empêcher l’emploi de ces « armes odieuses ».  Elle s’est dite déterminée à mettre un terme à l’utilisation d’armes chimiques où que ce soit, conformément à l’état de droit.  Les autorités britanniques ont mené une enquête juste et équitable sur les attentats à Salisbury et Amesbury, a estimé la représentante, ajoutant qu’il ne peut y avoir de doute aujourd’hui sur la responsabilité de la Russie dans ces meurtres et l’exposition de centaines de civils au Novitchok.  Elle a parlé d’une attaque minutieusement préparée et expliqué que la police britannique a inculpé deux agents de renseignement russes après avoir suivi leurs déplacements depuis leur arrivée au Royaume-Uni.  « Les conclusions de l’enquête devraient faire froid dans le dos à chacun dans cette salle », a-t-elle affirmé.

Au lieu d’assumer la responsabilité pour ses actes, a poursuivi Mme Haley, le Gouvernement russe n’offre que des dénis et des contre-accusations.  De la Crimée, au vol MH17, au Donbass et au meurtre de Litvinienko, la rengaine est toujours la même: La Russie n’est comme par hasard jamais à l’origine de ces incidents.  Mais personne n’y croit.  Cette récente action de la part des autorités britanniques permettra d’assurer que la Russie ne tirera pas son épingle du jeu après cette attaque éhontée.

La représentante a ensuite rappelé que 153 diplomates russes ont été expulsés à la suite de ces attentats, qui, a-t-elle averti, pourraient se reproduire n’importe où.  Elle a appelé à mener une bataille contre l’impunité face à l’utilisation des armes chimiques.

Reprenant la parole, la déléguée britannique a remercié les membres du Conseil de sécurité qui ont témoigné à son pays leur soutien et leur solidarité.  Elle a rappelé qu’au Royaume-Uni, la police est indépendante du Gouvernement avant de se pencher sur la question de la cohérence des preuves posée aujourd’hui.  En la matière, la représentante a assuré que les enregistrements de vidéosurveillance des deux individus russes étaient à la disposition du Conseil de sécurité.  En réponse au commentaire du Représentant russe concernant l’horodatage des corridors, elle a aussi fait observer que de nombreux couloirs de l’aéroport de Gatwick sont identiques.  Nous avons entièrement confiance dans nos éléments de preuve, a-t-elle affirmé.

La représentante a ensuite fait savoir que la Fédération de Russie avait demandé aux autorités britanniques si elle pouvait participer à l’enquête: « je le répète, on ne recrute pas un pyromane pour enquêter sur un incendie », a insisté Mme Peirce.  Les noms des suspects sont peut-être des noms d’emprunts, mais les individus sont bel et bien réels.  Nous ne sommes pas partis du principe que la Russie était responsable de l’attaque, mais l’enquête a pointé dans cette direction.  Elle a ensuite déclaré que les autorités russes vivent « dans un univers parallèle » où les faits et les normes internationales sont inversés.  Les preuves que nous avons présentées sont sans équivoques.  Le régime de non-prolifération a été « hypothéqué », a affirmé Mme Peirce.

Droit de réponse

À son tour, le représentant de la Fédération de Russie a déclaré n’avoir rien entendu de nouveau dans les exposés présentés ce matin, mis à part des énoncés infondés.  Il a affirmé que les autorités britanniques avaient refusé à deux reprises de délivrer un visa à la sœur de Yulia Skripal qui vit en Russie et qui souhait lui rendre visite.  Les requêtes des autorités britanniques à l’ambassadeur russe n’étaient pas des demandes de coopération mais plutôt des demandes de reconnaissance de culpabilité, a-t-il ajouté.  Il a indiqué que la Russie a proposé au Royaume-Uni de mener une enquête conjointe, dans le cadre de l’OIAC, mais que cette requête est demeurée sans réponse, ajoutant que les autorités britanniques n’ont jamais demandé à la Russie sa version des faits. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Instrument sur la biodiversité marine: Un groupe de travail planche sur le thème « renforcement des capacités et transfert des technologies marines »

Première session,
10e séance plénière - matin & après-midi
MER/2078

Instrument sur la biodiversité marine: Un groupe de travail planche sur le thème « renforcement des capacités et transfert des technologies marines »

La Conférence qui se réunit depuis mardi sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité en haute mer, dans le but d’élaborer un traité juridiquement contraignant, a examiné aujourd’hui l’un des quatre thèmes prévus, « le renforcement des capacités et le transfert des technologies marines ».  Les discussions, menées dans le cadre d’un groupe de travail informel, ont laissé apparaître que la majorité des pays ne souhaite pas faire table rase du passé et préfère se baser sur le droit international de la mer en vigueur.

Les délégations se sont astreintes à réfléchir à toute une série de questions posées par la Présidente de la Conférence, dans un guide établi spécialement pour faciliter les débats (document 2018/3).

En ce qui concerne la mise en place d’une « liste » des principaux types de renforcement des capacités et de transfert de techniques marines, le principe semble acquis.  Une majorité d’intervenants l’imagine « non exhaustive » et « souple ».  Concernant le contenu, l’Union Européenne l’a résumé en ciblant trois chapitres: « assistance aux biens; ressources humaines et dimension institutionnelle; connaissances et diffusion de la connaissance ». 

Le spectre des propositions concernant le transfert des technologies marines est large, et son caractère, volontaire ou contraignant, a fait débat entre les délégués.  Des propositions concrètes ont été émises pour la transmission du savoir-faire comme « le transfert de ressources humaines par le biais d’ateliers nationaux ou régionaux, des cours, des bourses », a cité l’Argentine.  Pour le transfert de matériel, un site Internet centralisant les transactions a été plébiscité.

Le principe de libre transfert des technologies s’est heurté aux exigences du droit de propriété intellectuelle.  Un équilibre n’a pas été trouvé sur cette question, les opinions variant grandement entre pays.

La Micronésie et la Norvège ont estimé que le mécanisme d’échange d’information devrait être transparent et ouvert à tous, tandis que le Bangladesh a remarqué que les transferts de techniques allaient forcément devoir impliquer le secteur privé.  

La question, centrale, du financement et de l’accès aux ressources, a également été abordée.  Des dispositions spécifiques pour les pays en développement côtiers du Pacifique et d’Afrique ont eu la faveur de plusieurs intervenants.  Les petits États insulaires en développement devraient être prioritaires pour recevoir les financements, selon Nauru. 

Les Maldives ont réclamé la création d’un fonds pour la biodiversité marine dont la finalité, et la contribution volontaire ou obligatoire, font l’objet de débats.  Ce pays a vu d’un bon œil l’ouverture au secteur privé pour alimenter le fonds en plus de l’apport des États.  De même pour Sainte-Lucie qui a proposé de jumeler des sources de financement traditionnelles et novatrices, notamment un partenariat public-privé.  

Pour leur part, les États-Unis et la Fédération de Russie se sont dits ouverts à un mode de financement volontaire.  Selon la délégation américaine, un mode de financement obligatoire et l’imposition de droits d’accès aux zones de haute mer iraient à l’encontre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et décourageraient les États à rejoindre l’instrument. 

La Conférence intergouvernementale reprendra ses travaux demain, vendredi 7 septembre, à partir de 10 heures.

CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE SUR UN INSTRUMENT INTERNATIONAL JURIDIQUEMENT CONTRAIGNANT SE RAPPORTANT À LA CONVENTION DES NATIONS UNIES SUR LE DROIT DE LA MER ET PORTANT SUR LA CONSERVATION ET L’UTILISATION DURABLE DE LA BIODIVERSITÉ MARINE DES ZONES NE RELEVANT PAS DE LA JURIDICTION NATIONALE

Groupe de travail informel sur le renforcement des capacités et le transfert des technologies marines: suite de la discussion

Quatre autres questions devaient être abordées dans le cadre du groupe de travail réuni aujourd’hui, après le début de ses travaux hier après-midi.  Toujours en se basant sur le document de la Présidence établi pour faciliter les débats (document 2018/3), le groupe a discuté de la question « Types et modalités de renforcement des capacités et de transfert de techniques marines » (6.2), du « financement » (6.3), et des points 6.4 « Suivi et examen de l’efficacité » et 6.5 « Questions soulevées par les éléments interdisciplinaires ».

Les discussions ont été guidées par la facilitatrice, Mme NGEDIKES OLAI ULUDONG (Palaos), qui, à plusieurs reprises, a demandé que les débats de ce matin soient « beaucoup plus concrets » par rapport à la veille.

Une des questions posées dans le document de la Présidence est la suivante: « S’appuyant sur les instruments existants, tels que la Convention [des Nations Unies sur le droit de la mer] et les Critères et principes directeurs de la Commission océanographique intergouvernementale concernant le transfert de techniques marines, l’instrument devrait-il contenir une liste indicative et non exhaustive des principaux types de renforcement des capacités et de transfert de techniques marines? »

« Il ne serait pas utile d’avoir une liste exhaustive », a répondu tout d’abord la délégation des Maldives, envisageant une telle liste seulement à condition qu’elle soit « souple et évolutive ».  Une telle liste devrait se fonder sur les objectifs spécifiques du nouvel instrument, et probablement être inspirée des directives de la Commission océanographique intergouvernementale (COI), a ajouté le délégué.

Mettant elle aussi l’accent sur la souplesse, l’Union européenne a invité à être prudent, craignant que la mise en œuvre de dispositions sur une telle liste se heurte à un manque de flexibilité.  Elle a exprimé sa préférence pour une « liste indicative et non exhaustive », ce qui est selon elle « le reflet du débat ».  « Nous sommes prêts à travailler sur cette base », a dit la délégation.  De même, les Fidji rejointes par le Canada et l’Australie, ont déclaré ne pas vouloir d’une liste exhaustive, estimant qu’il serait difficile d’amender une liste dans le cadre d’un instrument juridiquement contraignant. 

Sur les éléments à intégrer dans cette liste, l’Union européenne a proposé de les regrouper sous trois chapitres essentiels: « assistance aux biens; ressources humaines et dimension institutionnelle; connaissances et diffusion de la connaissance ».

Résumant les débats, le Paraguay a déclaré que la liste devrait être non exhaustive, suffisamment souple et équilibrée, tout en tenant compte de la volonté de coopération des États.  En outre, la liste devrait s’inspirer des éléments de de la Convention sur la diversité biologique, du Protocole de Carthagène, de la Convention sur le droit de la mer et d’autres accords internationaux.

La délégation de l’Algérie, qui s’exprimait au nom du groupe des États d’Afrique, et celle de Nauru, au nom des petits États insulaires en développement (PEID), ont souhaité que l’on commence par renforcer les mécanismes prévus par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  Ils ont proposé d’aller plus loin en amendant les textes existants pour les adapter aux zones marines ne relevant pas de la juridiction nationale, celles qui doivent faire l’objet du futur instrument juridiquement contraignant.

« De quelle autre façon pourrait-on aborder les types de renforcement des capacités et de transfert de techniques marines? ».  Une autre question posée par la Présidence à laquelle les participants ont tenté de répondre.

À ce sujet, la délégation de Maurice souhaiterait que l’on parle plutôt de « développement des capacités » et de « transferts de technologies marines ».  Le Mexique a évoqué le transfert de ressources humaines par le biais d’ateliers nationaux ou régionaux, des cours, des bourses, dans la même veine que celles réalisées par l’Autorité internationale des fonds marins.

L’Autorité internationale des fonds marins a fait valoir que des mécanismes de renforcement des capacités et de transfert des techniques marines dotés de financement adéquats sont essentiels pour assurer la participation des pays en développement.  À cet égard, la formation doit être assurée, en tenant compte des besoins spécifiques des pays en développement.  La Commission océanographique intergouvernementale (COI) a proposé de partager son savoir-faire en la matière, notamment par le biais d’un centre de partage d’information.

Les États Membres sont aussi invités à réfléchir à un « énoncé, dans l’instrument, des modalités du renforcement des capacités et du transfert de techniques marines ».  Devrait-on avoir recours aux mécanismes existants ou mettre en place de nouveaux mécanismes? a demandé la Présidence dans son document de travail.

Concernant un mécanisme d’échange d’informations pour le renforcement des capacités, le Mexique a approuvé la proposition des Maldives pour un système de « guichet unique » -pour les transferts d’équipement et de connaissances- et la création d’un centre d’échange virtuel.  De nombreuses délégations ont suggéré la création d’un site Internet qui y serait consacré.

Les recherches sont en général menées par le secteur privé, a fait valoir le Bangladesh, en notant que cela laisse aux pays les moins avancés un rôle plus passif.  « Mais peut-être que le secteur privé ne sera pas intéressé à échanger des informations », a-t-il conclu en se demandant s’il ne serait pas utile de réguler cette activité du secteur privé en fonction des exigences du partage de connaissances.

Pour Singapour, il est essentiel de maintenir un équilibre entre la protection de la propriété intellectuelle et le partage des connaissances, faisant valoir que l’instrument ne devrait pas miner les protections existantes.  Toutefois, les États fédérés de Micronésie, comme la Norvège, ont estimé que le mécanisme d’échange d’informations devrait être transparent et ouvert à tous.

À ce sujet, les États-Unis ont prôné la mise en place d’un mécanisme de recueil d’informations sur les meilleures pratiques relatives à l’étude d’impact environnemental, afin de constituer une bibliothèque regroupant les informations ne relevant pas de la sécurité nationale ou de la propriété intellectuelle.

Autre sujet de réflexion, la coopération.  « Comment l’instrument devrait-il énoncer l’obligation faite aux États de coopérer en matière de renforcement des capacités et de transfert de techniques marines? »

Les Fidji ont recommandé un partenariat public privé pour mettre en œuvre la coopération et l’assistance en ce qui concerne les ressources génétiques marines, notamment les questions relatives au partage des avantages, les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées, et les études d’impact sur l’environnement.  La République de Corée a toutefois considéré que le renforcement des capacités et les transferts techniques devraient se faire sur une base volontaire.  Le Bangladesh veut, lui, créer un réseautage, afin d’accroître l’échange d’informations entre instituts de recherche et chercheurs.  Pour l’Australie, les besoins régionaux et les entités régionales doivent être pris en compte.

Certains pays les moins avancés, comme le Togo, ont réclamé une aide pour mener les évaluations nécessaires et identifier leurs besoins en termes de renforcement des capacités, ce que l’Union européenne a approuvé.

Quelques interventions ont porté sur un éventuel organe d’examen pour contrôler la mise en œuvre du futur instrument.  Les Maldives ont souhaité qu’un tel mécanisme soit « suffisamment souple » et produise des « rapports périodiques, transparents et complets ».  Un organe qui formulerait des recommandations pour accroître l’efficacité de l’instrument et un processus qui serait inclusif, a recommandé la délégation.

La discussion s’est déplacée sur le terrain du financement: quels mécanismes existants devraient être pris en considération dans la fourniture de financement et de ressources?

S’agissant du financement de l’instrument, l’Égypte, s’exprimant au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a prôné la combinaison d’un système volontaire et non volontaire, notamment par le biais du système d’accès aux ressources biologiques et partage des bénéfices (ABS).  Pour les Maldives et Nauru, il serait utile de disposer d’un fonds commun doté d’un financement prévisible, financé par les États et le secteur privé, destiné au renforcement des capacités et ouvert aux États comme aux organisations non gouvernementales.  Les pays en développement, notamment les petits États insulaires en développement, devraient en être les premiers bénéficiaires.  Ce fonds devrait être constitué d’un fonds opérationnel, d’un fonds de dotation et d’un fonds de redressement et de réhabilitation.

L’Union européenne a réitéré son opposition à la création d’un nouveau mécanisme de financement.  Elle s’est dite ouverte à l’ouverture d’un fonds d’affectation spéciale constitué de sources de financement publiques et privées existantes.  Elle a estimé que la cohérence et l’accessibilité doivent être au centre de tout mécanisme d’échange d’informations, qui pourrait servir de lien entre fournisseurs et bénéficiaires.  Prenant la parole au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), Sainte-Lucie a estimé que le mécanisme de financement devrait jumeler des sources de financement traditionnelles et novatrices, notamment un partenariat public-privé.

Pour leur part, les États-Unis et la Fédération de Russie se sont dits ouverts à un mode de financement volontaire, arguant qu’un mode de financement obligatoire et l’imposition de droits d’accès aux zones de haute mer iraient à l’encontre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et décourageraient les États à rejoindre l’instrument. 

Considérant que les ressources marines constituent un héritage de l’humanité, la République islamique d’Iran a proposé d’établir un mécanisme de financement obligatoire, régi par une autorité de mise en œuvre incluant le secteur privé.  Une position partagée par l’Algérie, pour qui le financement doit être prévisible et durable, afin d’éliminer les lacunes existantes dans la Convention sur le droit de la mer.

Les délégations sont ensuite passé au chapitre « Suivi et examen de l’efficacité ».

La Chine, le Japon et les Maldives ont appuyé la création d’un mécanisme de suivi et de normes pour faciliter l’examen des besoins en renforcement des capacités techniques et des transferts de techniques marines.  Un tel mécanisme devrait disposer d’une composante régionale, a fait valoir Nauru.  En fin de séance, le Mexique a invité les délégations à réfléchir à la nature des réunions que devront tenir les États parties sur le suivi et l’examen de l’efficacité.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Réunion de haut niveau de l’Assemblée générale pour commémorer la Journée internationale contre les essais nucléaires

Soixante-douzième session,
112e séance plénière – matin
AG/12046

Réunion de haut niveau de l’Assemblée générale pour commémorer la Journée internationale contre les essais nucléaires

Ce matin, pour la première fois, la Journée internationale contre les essais nucléaires a été commémorée dans le contexte d’une réunion plénière de haut niveau de l’Assemblée générale, en présence d’une victime de ces essais au Kazakhstan.

À cette occasion, le Président de l’Assemblée, M. Miroslav Lajčák, a vivement regretté que 20 ans après son adoption, le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN) n’ait toujours pas pu entrer en vigueur, une position partagée par tous les intervenants de la réunion de ce matin, et en particulier par le Secrétaire exécutif du TICEN, M. Lassina Zerbo.

C’est d’autant plus urgent qu’en dépit des instruments multilatéraux de la non-prolifération et du désarmement nucléaire, certains pays n’ont eu de cesse de moderniser leurs armes et leurs installations nucléaires.  Comme l’a souligné M. Lajčák, ces progrès immenses dans les sciences et technologies nucléaires se sont malheureusement accompagnés d’énormes souffrances humaines et ont eu des impacts négatifs sur l’environnement au fil des décennies, une empreinte laissée par les essais et les accidents nucléaires.

Plus de 2 000 essais nucléaires ont eu lieu dans le monde depuis 1945, a rappelé le Président en soulignant l’ampleur des répercussions en termes de santé, de contamination de ressources naturelles et de détérioration de l’environnement.

Abondant dans son sens, le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a d’abord rendu compte de sa visite récente au Japon où il a rencontré des survivants de l’explosion de la bombe atomique à Nagasaki, les Hibakusha.  « Nous nous souvenons également des victimes de l’ère désastreuse des essais nucléaires à grande échelle », a-t-il dit en déplorant leurs conséquences sur les communautés dans de nombreuses régions, allant des habitants de Semipalatinsk et de la steppe du Kazakhstan aux habitants des îles du Pacifique Sud et au peuple Maralinga Tjarutja d’Australie méridionale.

Pour prendre toute la mesure de ce fléau, l’Ambassadeur honoraire du projet ATOM, M. Karipbek Kuyukov, était là pour parler au nom des victimes des essais nucléaires, puisqu’il est lui-même né sans mains, il y a 50 ans, alors qu’il vivait près du site d’essais de Semipalatinsk, au Kazakhstan.  Militant du désarmement nucléaire, il s’est fait le porte-parole de l’initiative ATOM, qui a pour objectif d’impliquer davantage la société civile mondiale en lui soumettant une pétition à signer en faveur de l’adoption de mesures actives contre la menace nucléaire.

Le rôle de chef de file du Kazakhstan dans ce domaine s’inscrit directement dans la prise de position politique courageuse de son Président qui, en 1991, avait décidé de fermer le site nucléaire de Semipalatinsk, un site où 470 essais nucléaires soviétiques avaient eu lieu.

Mais, comme l’a souligné à juste titre le Secrétaire exécutif du TICEN, M. Lassina Zerbo, l’interdiction complète et vérifiable de ces essais ne représente que la première étape sur la voie d’un monde exempt d’armes nucléaires.

Il a rappelé qu’en 20 ans, 183 pays ont signé le TICEN et 166 l’ont ratifié.  Il a également assuré que le régime de vérification du Traité a fait ses preuves, affirmant qu’aujourd’hui « aucun État ne pourrait mener des essais nucléaires sans être repéré ».  La représentante de l’Union européenne a d’ailleurs partagé ce point de vue.  Il n’en demeure pas moins que la véritable victoire ne sera obtenue qu’une fois le TICEN entré en vigueur, ce qui a amené M. Zerbo à pointer du doigt les huit pays dont cela dépend, à savoir la Chine, l’Iran, le Pakistan, Israël, l’Inde, les États-Unis, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et l’Égypte. 

En vue d’y parvenir, la Belgique, en tant que coordinatrice du processus de l’Article XIV avec l’Iraq, a expliqué qu’un programme d’initiatives encourageant l’adhésion de ces États au Traité est en cours.  Dans ce programme, une importance particulière est donnée à l’engagement de la nouvelle génération et de la société civile pour renforcer la sensibilisation à tous les niveaux, même si la décision finale revient aux gouvernements, une approche qui a été soutenue par M. Zerbo.

« Chacune des ratifications nous rapproche de notre objectif commun de non-prolifération et de coopération internationale technique dans le domaine de la sécurité », a estimé M. Zerbo saluant dans la foulée la décision de la Thaïlande de ratifier le Traité dans un proche avenir, une décision que le représentant de ce pays a confirmée.  À cet égard, la représentante de l’Union européenne a rappelé le rendez-vous de la réunion ministérielle des amis du TICEN, qui aura lieu le 27 septembre en marge du segment de haut niveau de l’Assemblée générale, et qui représente une bonne opportunité pour signer et ratifier le Traité.

Si les intervenants de ce matin ont reconnu que depuis son adoption il y a vingt ans, le TICEN a permis de cimenter une norme internationale interdisant les essais nucléaires, une première étape vers l’objectif plus large du Traité sur la non-prolifération (TNP), le Secrétaire général leur a rappelé qu’un État avait néanmoins violé cette norme.  Ainsi, pour M. Guterres, les essais nucléaires menés par la RPDC sont bien la preuve qu’aucune mesure ponctuelle ne peut remplacer une interdiction mondiale et juridiquement contraignante des essais nucléaires.

Les représentants du Groupe des États d’Afrique, du Groupe des États de l’Europe de l’Est, du Groupe des États arabes, de l’Union européenne et d’autres États Membres ont tous soutenus la nécessité de l’universalisation et de l’entrée en vigueur urgente du TICEN.  Ils ont fait valoir que ce Traité s’inscrit dans une vision de sécurité commune coopérative, qui a besoin d’un nouvel élan politique fort.  Pour les intervenants, le TICEN représente l’un des éléments clef du régime de non-prolifération et du désarmement.  Certaines délégations, comme celle de l’Uruguay, ont même souligné la contribution du TICEN au développement durable.

Ainsi, ces Groupes, et les autres délégations qui sont intervenus ce matin, ont tous appelé les pays dotés de l’arme nucléaire à éliminer la menace existentielle qu’elle représente en signant et ratifiant le TICEN dans un premier temps.  Cette demande s’adresse plus précisément aux huit États qui figurent toujours à l’Annexe II du Traité.

Dans la même veine, de nombreux intervenants sont également revenus sur l’adoption historique, l’an dernier, du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, un autre traité qui mérite le plein appui de la communauté internationale en vue de son entrée en vigueur.

Sur une note optimiste, le Groupe des amis du TICEN a rappelé qu’avec 183 signatures et 166 ratifications, ce Traité est l’un des plus soutenus.  En attendant son entrée vigueur, ce Groupe appelle au respect du moratoire sur les essais nucléaires, et encourage la RPDC à signer et ratifier le TICEN de manière prioritaire, ainsi que les sept autres États qui doivent encore le faire.  De nombreux intervenants ont pris note avec optimisme de l’annonce par la RPDC de mettre fin à ses tests nucléaires.

S’impatientant face aux théories selon lesquelles la situation internationale n’est pas propice pour aller de l’avant dans la dénucléarisation, le représentant du Groupe arabe a estimé que ces puissances nucléaires devaient enfin honorer leurs obligations: « C’est la moindre des choses qu’elles doivent à la communauté internationale, compte tenu des dommages énormes infligés par les essais nucléaires qu’elles ont menés. »  En effet, alors que les États dotés de l’arme nucléaire envisagent de moderniser leurs armes et leurs installations nucléaires, il est plus que jamais impératif de mettre un terme aux essais.  Il s’agit là d’une responsabilité commune, comme l’a souligné le représentant de la République islamique d’Iran. 

Le représentant du Groupe des États arabes a ainsi annoncé vouloir revitaliser les efforts multilatéraux en vue de la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive au Moyen-Orient.

À l’instar du Groupe des amis du TICEN, le représentant de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) a salué la décision de la Thaïlande de le signer très prochainement.  Ils ont également pris note du sommet intercoréen du 27 avril 2017, ainsi que celui entre les États-Unis et la RPDC, avant d’encourager les parties à continuer de travailler vers la réalisation d’une paix durable et la dénucléarisation de la péninsule coréenne.

RÉUNION DE HAUT NIVEAU POUR COMMÉMORER LA JOURNÉE INTERNATIONALE CONTRE LES ESSAIS NUCLÉAIRES

Déclarations liminaires

Dans sa déclaration liminaire à l’occasion de la commémoration de la Journée internationale contre les essais nucléaires, le Président de l’Assemblée générale, M. MIROSLAV LAJČÁK, a souligné que cette Journée internationale est célébrée pour la première fois dans le contexte d’une réunion de haut niveau officielle. 

Les immenses progrès dans les sciences et technologies nucléaires ont malheureusement été accompagnés d’énormes souffrances humaines au fil des décennies, a rappelé M. Lajčák.  En effet, depuis 1945, plus de 2 000 essais ont eu lieu dans le monde, a-t-il précisé, ce qui a eu des répercussions en termes de santé, de contamination de ressources naturelles et de détérioration de l’environnement.  Au-delà de ces questions, M. Lajčák voit dans les tests nucléaires un problème politique dans la mesure où ils contribuent à intensifier les tensions internationales et suscitent des incompréhensions politiques.  « C’est pour cette raison que cette réunion est essentielle », a estimé le Président de l’Assemblée.

Après avoir noté que 20 ans après son adoption, le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN) n’a toujours pas pu entrer en vigueur, il a demandé que le moratoire sur les essais nucléaires soit respecté à tout prix.  Il a exhorté les huit États qui doivent encore signer et ratifier le TICEN pour son entrée en vigueur à le faire sans plus tarder.

M. Lajčák s’est félicité des développements encourageants dans la péninsule coréenne, saluant les efforts de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), de la République de Corée et des États-Unis qui ont permis ces avancées.  Pour M. Lajčák, il ne fait toutefois pas de doute que la signature et la ratification du TICEN par la RPDC, et par les autres États, auraient des répercussions positives dans la péninsule coréenne.

Le Secrétaire général de l’ONU, M. ANTÓNIO GUTERRES, a rappelé que, le mois dernier, il a visité le Japon et a rencontré des survivants de l’explosion de la bombe atomique à Nagasaki.  À travers les témoignages des survivants, les Hibakusha, il nous est rappelé qu’il faut veiller à ce que les armes nucléaires ne soient plus jamais utilisées, a-t-il plaidé.  Par la présente commémoration, le Secrétaire général a dit que « nous nous souvenons également des victimes de l’ère désastreuse des essais nucléaires à grande échelle ».  En effet, l’héritage de plus de 2 000 essais nucléaires a touché des gens et des communautés dans de nombreuses régions, allant des habitants de Semipalatinsk et de la steppe du Kazakhstan aux habitants des îles du Pacifique Sud et au peuple Maralinga Tjarutja d’Australie méridionale.

M. Guterres a rappelé que l’impact catastrophique des essais nucléaires avait eu de profondes répercussions sur l’environnement, la santé humaine, la sécurité alimentaire et le développement économique.  « C’est pourquoi nous devrions tous nous féliciter de la norme stricte contre les essais nucléaires qui s’est développée depuis la fin de la guerre froide », a-t-il dit en citant notamment les moratoires volontaires mis en place par la plupart des États possédant des armes nucléaires.  Depuis le début du siècle, un seul État a violé cette norme, a-t-il rappelé en notant que, par le biais du Conseil de sécurité, la communauté internationale a réagi de manière décisive à chaque violation.  Selon le Secrétaire général, les essais nucléaires menés par la République populaire démocratique de Corée (RPDC) ont montré qu’aucune mesure ponctuelle ne peut remplacer une interdiction mondiale et juridiquement contraignante des essais nucléaires.

Le Secrétaire général a invité à déployer tous les efforts nécessaires pour permettre l’entrée en vigueur immédiate du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN).  En effet, « en limitant le développement et l’amélioration qualitative des armes nucléaires, le Traité freine la course aux armements nucléaires ».  Il constitue une puissante barrière contre les États qui pourraient chercher à mettre au point, fabriquer et utiliser, ou acquérir, des armes nucléaires en violation de leurs engagements de non-prolifération.  Pourtant, plus de 20 ans après sa négociation, le traité n’a pas encore pris effet, a—t-il regretté, avant de réitérer son appel afin que les huit États restants, dont la ratification est nécessaire pour que le TICEN puisse entrer en vigueur, s’engagent à signer le Traité et achever le processus de ratification.  Il les a tous exhortés à ne pas attendre que les autres agissent avant d’aller de l’avant.  Pour le Secrétaire général, la cessation complète et vérifiable de tous les essais nucléaires est un pilier essentiel d’un monde exempt d’armes nucléaires et d’un monde plus sûr pour tous.

Dans sa déclaration de soutien au TICEN, le Secrétaire exécutif du Traité, M. LASSINA ZERBO, est revenu sur sa récente visite au Kazakhstan, où il a assisté à une conférence de cinq jours qui rassemblait des experts du désarmement nucléaire.  Leurs discussions de fond avaient pour objectif de promouvoir l’entrée en vigueur du TICEN pour que les essais nucléaires soient abandonnés à jamais, a-t-il expliqué.  Il a salué le courage politique du Président du Kazakhstan qui avait décidé de fermer le site nucléaire de Semipalatinsk en 1991, un site où 470 essais nucléaires soviétiques avaient eu lieu.  Par ce geste, le Kazakhstan est devenu chef de file des efforts de non-prolifération et de désarmement nucléaire.

Pour M. Zerbo, il est impératif que la communauté internationale interdise à jamais ces essais compte tenu de leurs conséquences sur les êtres humains et la nature.  Il a précisé cependant que l’interdiction complète et vérifiable des tests nucléaires ne représente que la première étape sur la voie d’un monde exempt d’armes nucléaires. 

Depuis son adoption il y a 20 ans, 183 pays ont signé le TICEN, et 166 l’ont ratifié, a rappelé le Secrétaire exécutif assurant de plus que le régime de vérification du Traité a fait ses preuves et est résolument efficace.  Il n’a pas hésité à dire que, de nos jours, aucun État ne pourrait mener des essais nucléaires sans être repéré.  « Mais la victoire ne sera réelle qu’une fois que le TICEN sera entré en vigueur », a poursuivi M. Zerbo en pointant du doigt les huit pays figurant à son Annexe II dont cela dépend, à savoir la Chine, l’Iran, le Pakistan, Israël, l’Inde, les États-Unis, la République populaire démocratique de Corée et l’Égypte.  Si la décision finale revient aux gouvernements, M. Zerbo a aussi encouragé une mobilisation de la société civile et des jeunes pour soutenir le Traité et sensibiliser le public à son importance.

« Depuis la première Journée internationale contre les essais nucléaires en 2010, nous ne pouvons ignorer l’anxiété croissante liée aux tensions dans le monde, or la coopération internationale dans le domaine de l’interdiction des essais nucléaires n’est toujours pas suffisamment forte », a-t-il regretté.  « L’unité des nations en faveur d’un monde sans armes nucléaires s’est évaporée au cours de ces 20 dernières années, mais ne nous laissons pas abattre, soyons encore plus déterminés et exigeons des actions immédiates à commencer par l’entrée en vigueur du TICEN », a-t-il lancé à la salle.  « Chacune des ratifications nous rapproche de notre objectif commun en faveur de la non-prolifération et de la coopération internationale technique dans le domaine de la sécurité. »  À cette occasion, M. Zerbo a salué la décision de la Thaïlande de ratifier le Traité dans un proche avenir.

M. KARIPBEK KUYUKOV s’est exprimé en tant qu’Ambassadeur honoraire du projet ATOM, une initiative du Kazakhstan ayant pour objectif de consolider la société civile mondiale en lui soumettant une pétition à signer en faveur de l’adoption de mesures actives contre la menace nucléaire.  L’Ambassadeur Kuyukov a dit parler au nom des victimes des essais nucléaires, puisqu’il est lui-même né sans main il y a 50 ans, alors que sa famille habitait près du site d’essais de Semipalatinsk, au Kazakhstan.  Il a parlé des répercussions sanitaires des essais qui y étaient menés, en plus d’expérimentations sur les animaux et les humains du temps de l’Union soviétique.  Depuis l’âge de 25 ans, M. Kuyukov dit « exprimer sa peine et sa protestation par la peinture en tenant le pinceau par la bouche ou grâce à ses orteils ».

Il a ensuite salué le projet ATOM, qui a permis de collecter pas moins de 312 000 signatures des internautes de plus de 100 pays, dans le cadre d’une pétition qui vise un million de signataires afin de contribuer à bâtir un monde exempt d’armes nucléaires.  Au nom des victimes des essais nucléaires, l’Ambassadeur d’ATOM a demandé aux États dont la signature est cruciale pour l’entrée en vigueur du TICEN de ratifier cet important instrument, afin de préserver les générations futures des effets néfastes des essais nucléaires.  Il a terminé en invitant la communauté internationale à tirer les « leçons amères » de l’histoire des conséquences des essais nucléaires, et d’œuvrer à l’élimination complète des armes nucléaires.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Dossier des armes chimiques en Syrie: des questions restent en suspens et le Conseil de sécurité reste divisé

8344e séance – après-midi
CS/13489

Dossier des armes chimiques en Syrie: des questions restent en suspens et le Conseil de sécurité reste divisé

Près de cinq mois après les dernières allégations d’emploi d’armes chimiques à Douma, en République arabe syrienne, la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement de l’ONU, Mme Izumi Nakamitsu, a déploré cet après-midi, devant le Conseil de sécurité, l’absence d’une nouvelle structure pour remplacer le mécanisme d’établissement des responsabilités sur le dossier chimique syrien, suite au non renouvellement de ce dernier par le Conseil en novembre 2017. 

Cette séance houleuse a en outre été marquée par les appels de nombreuses délégations à agir pour qu’Edleb ne devienne pas « le nouvel Alep ou la nouvelle Ghouta orientale », une inquiétude rejetée par Moscou et Damas comme relevant de la « fable » et du « mensonge ». 

Présentant le rapport mensuel du Directeur général de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), l’organisme chargé de faire appliquer toutes les dispositions de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, Mme Nakamitsu a entamé la séance sur une note optimiste.  Elle s’est félicitée du fait que l’OIAC ait été en mesure de vérifier la destruction de la totalité des 27 installations de fabrication d’armes chimiques déclarées par la Syrie.  « C’est un pas important en faveur de l’application complète de la résolution 2118 (2013) », a-t-elle salué.

La Haute-Représentante a toutefois noté que de nombreuses questions restaient en suspens, y compris l’enquête de la mission d’établissement des faits menée par l’OIAC en Syrie sur une allégation d’emploi d’armes chimiques à Douma, dans la Ghouta orientale, le 7 avril 2018.  Dans ce cadre, elle a jugé « profondément préoccupante » l’absence d’un mécanisme d’établissement des responsabilités, suite au non renouvellement du Mécanisme d’enquête conjoint de l’OIAC-ONU, que le Conseil avait créé en 2015.  La fin du Mécanisme a enhardi ceux qui souhaitent commettre de nouvelles attaques chimiques, a-t-elle déploré, avant d’appeler le Conseil à travailler « main dans la main » pour trouver une « approche commune ».

Faisant écho à ses propos, la France a exhorté les alliés de la Syrie à prendre leurs responsabilités pour éviter une nouvelle utilisation d’armes chimiques, face à la menace d’une offensive majeure à Edleb.  « C’est un impératif pour la Syrie et la communauté internationale », a estimé le pays, émettant des doutes quant au fait que Damas ait déclaré l’intégralité de ses stocks en 2013.  C’est d’autant moins certain, a surenchéri la Pologne, que la déclaration initiale de la Syrie concernant son programme chimique comportait plusieurs zones d’ombre.

Les « lacunes et incohérences » dans cette déclaration initiale sont uniquement dues au fait que le pays a été contraint de faire cette déclaration « à la hâte », a quant à elle estimé la Fédération de Russie, ajoutant que Damas fournissait de façon volontaire des informations à l’OIAC.  « C’est la seule bonne façon de régler les questions en suspens », a estimé le pays, qualifiant les « informations mensongères » selon lesquelles Damas cacherait des substances neurotoxiques de « propagande ». 

Pour Moscou, en effet, ce sont les « combattants illégaux armés » en Syrie qui emploient des armes toxiques pour discréditer Damas et justifier des actions d’agression étrangère.  Quant aux « fables » concernant la soi-disant intention de Bashar Al-Assad d’utiliser des armes chimiques à Edleb, la Fédération de Russie a déclaré: « Cela me rappelle le roman d’Agatha Christie, ‘Un meurtre sera commis le…’ ». 

Agatha Christie était une romancière, a rétorqué le Royaume-Uni.  Or, l’utilisation bien réelle d’arme chimique par Damas n’est plus à démontrer, a poursuivi la délégation, jugeant intolérable que des gouvernements puissent envisager d’employer des armes chimiques contre leur propre peuple, voire même contre des petites villes ou petits villages au Royaume-Uni.  La Russie est peut-être parvenue à mettre fin au Mécanisme d’enquête conjoint, ont en effet déclaré les États-Unis, mais cela n’efface pas les conclusions déjà rendues par le Mécanisme concernant l’utilisation meurtrière avérée d’armes chimiques dans le pays.  Les « mensonges russes et syriens » et la dissémination de « fake news » ne les exonèrent pas, ont mis en garde les États-Unis, rappelant qu’à deux reprises, y compris en avril, le pays n’a pas hésité à intervenir en Syrie face à l’emploi d’armes chimiques.  

La Syrie a quant à elle accusé des médias américains d’avoir préparé le bombardement d’avril dernier en prétextant « avoir senti des puanteurs » une semaine après le déclenchement de l’affaire de l’emploi d’armes chimiques à Douma.  Or, le pays a qualifié de fausses les informations concernant la présence d’armes chimiques en Syrie.  Certains membres du Conseil « attendent Godot qui ne viendra pas », a déploré Damas, faisant allusion à la pièce de théâtre de Samuel Beckett.  Quant au futur emploi d’armes chimiques à Edleb, la Syrie a ironisé sur le fait que les États-Unis, la France et le Royaume-Uni semblaient connaître à l’avance les sites où seraient utilisées les armes chimiques. 

Face à ces échanges, plusieurs délégations, en tête desquelles la Chine, ont rappelé que la solution politique demeurait la seule « approche viable » en Syrie, notamment afin d’éviter, selon l’expression des Pays-Bas, qu’Edleb ne devienne « le prochain Alep ou la prochaine Ghouta orientale ».

LA SITUATION AU MOYEN ORIENT

Lettre datée du 28 août 2018, adressée à la Présidente du Conseil de sécurité par le Secrétaire général (S/2018/804)

Déclarations

Tout comme le Conseil de sécurité en a été informé le mois dernier, a rappelé au début de la réunion Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement de l’ONU, le Secrétariat technique de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a été en mesure de vérifier la destruction de la totalité des 27 installations de fabrication d’armes chimiques déclarées par la République arabe syrienne.  « C’est un pas important en faveur de l’application complète de la résolution 2118 (2013) », s’est-elle félicitée.

Mme Nakamitsu, qui présentait notamment les conclusions du cinquante-neuvième rapport mensuel du Directeur général de l’OIAC, a en outre ajouté que les questions en suspens liées à la déclaration initiale de la République arabe syrienne étaient toujours à l’étude.  Le 10 juillet dernier, a-t-elle rappelé, l’OIAC a reçu une lettre de la République arabe syrienne en réponse aux questions contenues dans la lettre du 10 avril 2018 adressée au Vice-Ministre syrien des affaires étrangères, M. Faisal Mekdad, par le Directeur général de l’OIAC.  Selon la Haute-Représentante, l’équipe continue d’analyser les réponses fournies et rendra compte au Conseil des résultats de cette analyse en temps voulu.

Par ailleurs, a indiqué Mme Nakamitsu, le 6 juillet, le Secrétariat technique de l’OIAC a publié une note intitulée « Rapport intérimaire de la mission d’établissement des faits menée par l’OIAC en Syrie sur l’incident relatif à une allégation d’emploi de produits chimiques toxiques comme arme à Douma, en République arabe syrienne, le 7 avril 2018 ».  Le 7 aout, a-t-elle poursuivi, l’OIAC a reçu une note verbale de la République arabe syrienne, dans laquelle figuraient des commentaires sur ce rapport intérimaire.  L’OIAC continue d’étudier ces réponses, ainsi que les allégations d’utilisation d’armes chimiques à Douma.

En outre, a déclaré la Haute-Représentante, la mission d’établissement des faits menée par l’OIAC en République arabe syrienne a demandé et obtenu des documents relatifs aux quatre incidents sur lesquels enquête actuellement l’Autorité nationale de la République arabe syrienne, à savoir deux incidents survenus à Khirbat Masasna (le 7 juillet 2017 et le 4 août 2017), un incident à Salamiyé (le 9 août 2017) et un autre à Souran (le 8 novembre 2017).  La mission d’établissement des faits, a-t-elle dit, continue d’étudier ces documents.

Par ailleurs, Mme Nakamitsu a rappelé que, lors de sa quatrième session spéciale, en juin dernier, la Conférence des États parties à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, avait décidé que le Secrétariat de l’OIAC mettrait en œuvre des arrangements pour identifier les auteurs dans les cas où l’emploi d’armes chimiques avait été avéré.  Le 27 juillet, a-t-elle précisé, le Directeur général de l’OIAC a fait un rapport sur la mise en œuvre de cette décision au Secrétaire général de l’ONU, qui a pris bonne note de cette avancée.

L’absence d’un mécanisme d’établissement des responsabilités concernant l’utilisation d’armes chimiques en République arabe syrienne, suite au non-renouvellement du Mécanisme d’enquête conjoint de l’OIAC-ONU, est « profondément préoccupante », a par ailleurs estimé Mme Nakamitsu.  La fin du Mécanisme, a-t-elle insisté, a enhardi ceux qui souhaitent commettre de nouvelles attaques chimiques.  « Tous ceux qui utilisent des armes chimiques doivent être identifiés et tenus pour responsables », a martelé la Haute-Représentante.

Elle a ainsi appelé le Conseil à travailler « main dans la main » pour trouver une « approche commune » face à ce problème qui menace la sécurité et la paix dans le monde, avant de rappeler en conclusion ces mots du Secrétaire général: « Tout emploi d’armes chimiques est intolérable, les souffrances provoquées par ces armes sont horribles ».

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a rappelé l’opposition de principe de son pays à l’endroit de toute arme chimique, et son soutien à l’ouverture de poursuites judiciaires contre les auteurs d’attaques à l’arme chimique.  « Toutefois, la responsabilité d’une partie doit être établie par des éléments de preuve irréfutables », a-t-il déclaré, en expliquant que les membres du Conseil de sécurité doivent aller au-delà de leurs intérêts géopolitiques respectifs pour envisager des actions conjointes et intégrées.  Tout en saluant le rapport du Secrétaire général à l’ordre du jour du Conseil, le représentant a estimé que les enquêtes en cours manquaient de clarté, en particulier s’agissant de l’incident de Douma.  Le délégué a également jugé que l’absence de mesures préventives ne permet pas de répondre de manière efficace aux menaces continues des armes chimiques dans le pays.  Enfin, a-t-il ajouté, la crainte que des attaques à l’arme chimique soient perpétrées est instrumentalisée comme outil de terreur et de chaos parmi les populations au profit des différentes parties.  Il a insisté sur le fait de ne pas politiser ou polariser cette question essentielle.

M. FRANCISCO TENYA (Pérou) a souligné que l’usage d’armes chimiques est un crime contre l’humanité et a dit être préoccupé par les dénonciations récurrentes d’usage d’armes chimiques en Syrie.  Il a salué les enquêtes en cours et a dit avoir pleine confiance dans le professionnalisme de l’OIAC, tout en saluant le sacrifice de son personnel sur le terrain en Syrie.  Le Pérou salue la destruction des 27 sites identifiés par le Gouvernement syrien, et le pays dit espérer que la documentation présentée récemment par la Syrie va permettre de faire la lumière sur certaines incohérences de son programme d’armes chimiques. 

M. FRANCOIS DELATTRE (France) a dit qu’avec la menace d’une offensive majeure à Edleb la Syrie est à nouveau au bord du vide.  « La priorité de nos efforts doit aller au respect du cessez-le-feu et nous appelons la Russie et l’Iran à user de leur influence pour y parvenir. »

Le risque d’emploi d’armes chimiques est sérieux, a déclaré M. Delattre, rappelant que le programme chimique syrien n’est pas démantelé.  « Il est impossible à ce jour de confirmer qu’il a déclaré l’intégralité de ses stocks et capacités en 2013. »  Le délégué a exhorté les alliés de la Syrie à prendre leurs responsabilités pour éviter une nouvelle escalade et l’emploi d’armes chimiques. « C’est un impératif pour la Syrie et la communauté internationale. »

Enfin, M. Delattre a de nouveau insisté sur la gravité du moment et l’importance d’une pleine mobilisation de ce Conseil et de la communauté internationale.  « La France appelle les garants d’Astana à préserver la désescalade de la violence. »

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a salué le professionnalisme de l’OIAC, notamment de sa mission d’établissement de faits en Syrie.  Elle a dit souhaiter que la communication entre la Syrie et l’OIAC va se poursuivre afin de clarifier les zones d’ombre de la déclaration initiale du pays quant à son programme chimique. 

La représentante a noté que ce cinquante-neuvième rapport mensuel signifie que cela fait bientôt 5 ans que le Conseil de sécurité et la communauté internationale n’ont pas été en mesure d’atténuer la menace posée par les armes chimiques en Syrie.  Cela ne veut pas dire que cet organe n’est pas en mesure d’y parvenir.  Elle a ainsi rappelé que le Mécanisme d’enquête conjoint de l’OIAC et des Nations Unies laisse voir que le Conseil est uni autour de l’objectif commun d’empêcher l’usage d’armes de destruction massive. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a estimé que les discussions du Conseil de sécurité sur ce dossier ne reflétaient pas la réalité sur le terrain et se faisaient l’écho des « positions anti-Damas » de certains membres du Conseil, alors même que la totalité des installations de fabrication d’armes chimiques déclarées par la République arabe syrienne a été détruite, tout comme les arsenaux chimiques existants.

Pour le représentant, « les lacunes et incohérences » dans la déclaration initiale de la République arabe syrienne sont dues au fait que le pays a été contraint de faire cette déclaration « à la hâte », dans le cadre d’un conflit armé.  De plus, a-t-il dit, le Gouvernement syrien fournit de façon volontaire des informations à l’OIAC.  « C’est la seule bonne façon de régler les questions en suspens », a-t-il affirmé, rejetant les « informations mensongères » selon lesquelles Damas cacherait des substances neurotoxiques comme relevant de la pure « propagande ». 

À ses yeux, ce sont les combattants illégaux armés en République arabe syrienne qui emploient des armes toxiques pour discréditer Damas et justifier des actions d’agression étrangère.  Les Casques blancs financés par des puissances occidentales utilisent des subterfuges et n’hésitent pas à employer des enfants pour filmer des vidéos mensongères, a-t-il encore affirmé.  Quant aux rumeurs concernant la soi-disant intention de Damas d’utiliser des armes chimiques à Edleb, le représentant a déclaré: « Cela me rappelle le roman d’Agatha Christie, ‘Un meurtre sera commis le…’ ».  Damas ne possède ni d’armes chimiques ni n’a d’intention d’en utiliser, a-t-il affirmé.  « Pensez-vous que le monde va croire à de telles fables », s’est interrogé le représentant. 

Mme MAHLET HAILU GAUDEY (Éthiopie) a noté que l’OIAC poursuit l’examen de la réponse du Gouvernement syrien sur certaines questions en suspens.  Elle a dit souhaiter, en attendant le rapport, que les questions en suspens soient traitées par le biais de communications productives entre les deux parties.  L’Éthiopie invite toutes les parties à coopérer avec la mission d’établissement des faits sur le dossier de Douma pour lequel un rapport intérimaire a été publié.

Pour l’Éthiopie, il n’y a aucune justification à l’utilisation d’armes chimiques par des acteurs étatiques ou non.  Ceux qui le feraient doivent en répondre, a-t-elle plaidé en précisant que l’unité du Conseil de sécurité est cruciale pour s’en assurer.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a salué la destruction de 27 sites identifiés par le Gouvernement syrien dans le cadre de son programme d’armes chimiques.  Au sujet de la sécurité du personnel de l’OIAC, il a souhaité que leurs accès aux sites soient assujettis à la mise en œuvre de nouvelles mesures de sécurité arrêtés par le Département de la sécurité de l’ONU.  La Guinée équatoriale espère que les parties en Syrie continueront à respecter les instruments internationaux, notamment dans ce contexte de préparation d’une vaste offensive militaire.

Par ailleurs, la Guinée équatoriale réitère son opposition à l’utilisation d’armes chimiques, quel que soit le lieu.  Il a souligné qu’il est urgent de créer un mécanisme pour identifier les utilisateurs d’armes chimiques.  Pour cela, a-t-il insisté, l’unité du Conseil de sécurité est importante.  Il a ensuite invité la communauté internationale à continuer d’appuyer les efforts de paix en Syrie, dans le respect de l’intégrité territoriale de ce pays.

M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a réitéré son appui à la Mission d’établissement des faits menée par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).  En ce qui concerne les allégations d’emploi d’arme chimiques à Douma, il a estimé que l’enquête devait se baser sur « un protocole standard, indépendant et transparent ».  Le représentant a en outre estimé que le Conseil de sécurité devait trouver un consensus afin de créer un nouveau mécanisme indépendant pour établir les responsabilités concernant l’utilisation d’armes chimiques en République arabe syrienne.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a espéré que les réponses apportées par la Syrie permettent de lever le voile sur les incohérences issues de sa déclaration initiale concernant son programme d’armes chimiques.  Il a noté qu’il n’existe pas de mécanisme permettant d’identifier les auteurs d’utilisation d’armes chimiques en Syrie afin que ceux-ci répondent de leurs actes.  Le Koweït se félicite du fait que l’OIAC ait récemment décidé de jouer cette fonction.

Le Koweït se dit en outre préoccupé par l’éventualité de l’usage d’armes chimiques à Edleb au cours de l’offensive militaire qui s’y prépare.  Il a invité le Conseil à rester uni sur la question des armes chimiques en Syrie, avant d’inviter les garants du processus d’Astana, qui doivent se réunir demain, à prendre des initiatives pour éviter un bain de sang à Edleb et à faciliter un acheminement de l’aide humanitaire dans la région.

M. DESIRE WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a salué les progrès accomplis dans la destruction de la totalité des 27 unités de production d’armes chimiques en Syrie.  Pour la Côte d’Ivoire, ces progrès constituent une étape importante dans le processus de démantèlement exhaustif de l’arsenal chimique de ce pays.  De même, les réponses apportées par le Gouvernement syrien à la liste non exhaustive de questions du Directeur général de l’OIAC constituent une autre preuve de cette tendance positive. 

La Côte d’Ivoire souhaite que les résultats de l’analyse des documents transmis par la Syrie permettent d’élucider les incidents de 2017 à Kharbit, Masasnah, Al-Salamiyah et Sourian, et d’identifier les auteurs de l’utilisation de ces armes chimiques afin qu’ils répondent de leurs actes devant les juridictions internationales compétentes.  Pour terminer, la Côte d’Ivoire salue la publication du rapport intérimaire de l’OIAC sur les allégations d’emploi de produits chimiques à Douma le 7 avril 2018, et attend avec intérêt les conclusions définitives. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) s’est dite très préoccupée par le potentiel d’utilisation d’armes chimiques par Damas lors de son offensive à Edleb.  Elle a rappelé que la mission d’établissement des faits menée par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) avait d’ores et déjà établi 13 cas d’emploi avérés ou très probables de telles armes par Damas. 

En réponse à son homologue russe, la représentante a rappelé qu’Agatha Christie était une romancière.  Or, a-t-elle poursuivi, l’utilisation réelle d’arme chimique par Damas à l’encontre de sa population a déjà été établie.  La représentante a ainsi jugé intolérable que des gouvernements puissent envisager d’employer des armes chimiques contre leur propre peuple, voire même, a-t-elle ajouté, contre des petites villes ou petits villages au Royaume-Uni.  Elle a par conséquent exhorté la Fédération de Russie à user de son influence pour faire en sorte que des armes chimiques ne soient pas utilisées en République arabe syrienne, sous peine, a-t-elle mis en garde, de devenir complice de l’emploi de ces armes.

M. MA ZHAOXU (Chine) s’est félicité du fait que les 27 installations de fabrication d’armes chimiques déclarées par la République arabe syrienne avaient été détruites.  Concernant les récents rapports faisant état d’une possible utilisation d’armes chimiques en République arabe syrienne, le représentant a fortement condamné toute utilisation de telles armes.  Il a appelé à ce que des enquêtes impartiales et objectives soient systématiquement ouvertes en cas d’utilisation d’armes chimiques, dans le respect, toutefois, de la souveraineté de la République arabe syrienne et de son intégrité territoriale.  « La solution politique est la seule approche viable », a déclaré le représentant chinois. 

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a exhorté le Conseil à agir pour éviter que le « pire scénario » ne se déroule à Edleb.  « Les garants de la zone de désescalade d’Edleb et les autorités syriennes doivent œuvrer sérieusement à une solution pacifique et négociée à Edleb. » Il a rappelé que toute lutte antiterroriste doit respecter le droit international et jugé inacceptable toute utilisation d’armes chimiques.  S’agissant des armes chimiques, il a fustigé la récente tendance consistant à répandre délibérément des éléments de désinformation et invité le Conseil à se retrouver sur un terrain commun.  « Nous condamnons tous l’emploi d’armes chimiques, partout, par quiconque, en toutes circonstances. » Enfin, il a souhaité le renvoi de la situation en Syrie devant la Cour pénale internationale(CPI). 

M. OLOF SKOOG (Suède) a exhorté les autorités syriennes à coopérer avec l’OIAC afin que leur déclaration de destruction des armes chimiques soit précise et fasse l’objet de vérifications.  Il a dit attendre avec impatience le dernier rapport de l’OIAC sur l’attaque de Douma, avant de se dire préoccupé par les risques d’escalade militaire à Edleb, qui aurait de graves conséquences humanitaires.  Les garants de la zone de désescalade d’Edleb et toutes les parties doivent œuvrer pour une désescalade et un accès humanitaire sans entraves à Edleb.  « Edleb ne doit pas devenir le prochain Alep ou la prochaine Ghouta orientale. » Enfin, M. Skoog s’est dit alarmé par les allégations d’une nouvelle utilisation d’armes chimiques en Syrie. 

Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a estimé que les membres du Conseil de sécurité qui ont cherché à protéger le régime de Damas depuis le début du conflit devraient avoir « honte » et auraient à en répondre devant l’Histoire.  Une nouvelle fois, a-t-elle affirmé, Moscou se prépositionne afin de se faire le « complice » du régime de Damas.  Elle a parlé de signes avant-coureurs selon lesquels Damas se préparerait à utiliser des armes chimiques pour achever le siège d’Edleb.  Comme par le passé, a poursuivi la représentante, ce régime et ses alliés iraniens et russes n’ont de cesse de proférer des mensonges concernant l’utilisation d’armes chimiques en République arabe syrienne, via la dissémination de « fake news ». 

La Russie est peut-être parvenue à mettre fin au Mécanisme d’enquête conjoint, a déclaré la représentante, mais cela n’efface pas les conclusions déjà rendues par ledit Mécanisme concernant l’utilisation meurtrière avérée d’armes chimiques dans le pays.  Selon la représentante, la République arabe syrienne a utilisé ces armes au moins 50 fois contre sa population depuis le début du conflit.

Les « mensonges russes et syriens » ne les exonèrent pas, a-t-elle poursuivi.  Ils ne font, selon elle, que révéler la culpabilité de Bashar Al-Assad.  Les États-Unis ne cesseront pas de dénoncer l’utilisation de ces armes, a ajouté la représentante, rappelant que son gouvernement, à deux reprises, n’avait pas hésité à intervenir dans le pays face à l’emploi d’armes chimiques.  Ne pariez pas contre les États-Unis, a enfin mis en garde la représentante, car nous ne resterons pas les bras ballants.

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a qualifié de fausses les informations faisant état de la présence d’armes chimiques en Syrie.  Il a affirmé qu’« il n’y a plus d’armes chimiques en Syrie depuis 2014 ».  Il a déploré que certains membres du Conseil « attendent Godot qui ne viendra pas », en faisant allusion à la pièce de théâtre de Samuel Beckett.

Pour le représentant, le Conseil a déjà commis des erreurs en Iraq et en Libye et il est temps d’apprendre de ces erreurs.  Il a accusé un membre du Conseil, s’étant retiré de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et du Conseil des droits de l’homme, et d’autres instances multilatérales afin de ternir l’image de la Syrie.  Pourtant, a-t-il argué, ce membre détient « le record historique d’utilisation d’armes nucléaires, chimiques et biologiques sur des civils dans le monde ».  Il a accusé des médias américains d’avoir préparé le bombardement d’avril dernier en prétextant « avoir senti des puanteurs », une semaine après le déclenchement de l’affaire de l’utilisation d’armes chimiques à Douma.  Ensuite, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont bombardé des sites en Syrie.

« Nous n’avons pas besoin d’armes bannies pour éradiquer le terrorisme international », a déclaré le délégué syrien, ajoutant que son pays n’allait pas céder aux menaces des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni; des États qui ont soutenu des groupes terroristes en Syrie, notamment le Front el-Nosra et les Casques blancs.  Il a souligné que son pays combat également à Al-Qaida qui a mené des attaques le 11 septembre 2001 à New York, et ensuite à Paris et Londres.  « Et vous, vous soutenez cette guerre contre nous? » s’est-il étonné.  Il a en outre marqué sa surprise sur le fait que ces armes chimiques en Syrie semblent affecter exclusivement les femmes et les filles.  De même, il a ironisé sur le fait que ces trois pays, ainsi que des groupes terroristes, semblent connaître à l’avance les sites où seront utilisés les armes chimiques.  Il a ensuite accusé le Conseil de sécurité et l’OIAC de négliger les correspondances de son pays, pas moins de 156 envoyées à ces deux organes et qui sont restées lettre morte.  La dernière, a-t-il rappelé, a été transmise il y a deux jours, et elle fait mention de l’éventuelle utilisation d’armes chimiques à Edleb par des groupes rebelles.  M. Ja’afari a enfin noté une « confusion » de la part de certaines délégations sur le thème de la présente séance et celle qui aura lieu demain.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Sous-Secrétaire générale aux opérations de paix souligne la volatilité de la situation en Haïti et le risque de « troubles majeurs »

8342e séance – matin
CS/13487

La Sous-Secrétaire générale aux opérations de paix souligne la volatilité de la situation en Haïti et le risque de « troubles majeurs »

La Sous-Secrétaire générale aux opérations de maintien de la paix, Mme Bintou Keita, a insisté, aujourd’hui, devant le Conseil de sécurité, sur la « volatilité » de la situation en Haïti et mis en garde contre le risque « élevé » de « troubles majeurs ».  Elle a par ailleurs noté, à l’instar de nombreuses délégations, les progrès inégaux accomplis en vue de la transition de l’actuelle Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) vers une autre forme de présence onusienne, à partir d’octobre 2019.

Mme Keita, qui présentait le dernier rapport* du Secrétaire général sur la MINUJUSTH, a rappelé la flambée de violence, marquée par des pertes en vies humaines et des actes de destruction, qui a touché le pays en juillet dernier à la suite de la suppression des subventions aux produits pétroliers, entraînant notamment une hausse du prix du kérosène de 38%.

« Depuis, les autorités haïtiennes n’ont pas cherché à remédier aux causes profondes de la précarité sociale, alors que le processus de ratification par le Parlement de l’énoncé de la politique générale du Premier Ministre nommé et la prise de fonctions du nouveau Gouvernement sont en attente », a-t-elle regretté.  

La Sous-Secrétaire générale a également pointé le ressentiment populaire alimenté par des révélations sur les avantages présumés des fonctionnaires et le débat sur l’utilisation discutable des fonds PetroCaribe.  Les gangs, en particulier dans la capitale, continuent de mettre la Police nationale haïtienne à l’épreuve, a-t-elle dit.

Mme Keita a ensuite mentionné les défis qui demeurent pour le passage sans heurt vers une présence des Nations Unies en Haïti autre qu’une opération de maintien de la paix d’ici au 15 octobre 2019.  Le rapport précité du Secrétaire général comprend en annexe les 46 indicateurs retenus pour surveiller les progrès accomplis dans la mise en œuvre d’une stratégie de sortie de la MINUJUSTH, comme souhaité par le Conseil.

Elle a, en particulier, déploré la lenteur des progrès dans l’adoption de lois visant à améliorer l’accès à la justice et le fonctionnement de l’administration pénitentiaire.  Quant aux indicateurs relatifs à la nomination des membres du Conseil électoral permanent et à une représentation suffisante des femmes au sein de la Cour de Cassation, ils n’ont pas été atteints, a-t-elle déclaré.

La Sous-Secrétaire générale a enfin souligné la nécessité de mettre pleinement en œuvre le plan de développement de la Police nationale haïtienne, pour améliorer le professionnalisme des officiers de police, ainsi que leur nombre.  « Or le taux d’officiers sur 1 000 habitants a chuté à 1,32 en raison notamment de démissions. »

Les délégations ont exprimé un certain scepticisme sur cette transition vers une autre forme de présence de l’ONU d’ici à l’année prochaine, le Royaume-Uni jugeant « alarmante » cette baisse du nombre de policiers, « compte tenu de la centralité de cet indicateur ». 

Appelant les autorités haïtiennes à « se saisir pleinement de la gestion des troubles à l’ordre public » et à « éviter toute politisation » de la police, la déléguée de la France a plaidé pour un retrait « responsable » de la MINUJUSTH, fondé sur une évaluation claire de la situation sur le terrain.

Son homologue de la Pologne a, elle, mis en garde contre « une limitation excessive ou trop précoce » de la présence de l’ONU dans le pays, tandis que la délégation de la Côte d’Ivoire a estimé que « le succès de la stratégie de retrait de la MINUJUSTH passe inévitablement par une étroite collaboration entre les différentes parties prenantes ».

Le représentant d’Haïti s’est voulu rassurant dans son intervention, estimant que la crise de juillet a été surmontée.  « Les institutions publiques ont démontré leur maturité », a-t-il déclaré.  Il a précisé que le nouveau Gouvernement aura pour priorités l’organisation d’élections prévues en octobre 2019 et l’intensification de la lutte contre la corruption.

« Haïti continue par ailleurs de mener des efforts soutenus en faveur du renforcement de l’état de droit, du système de justice et de la promotion des droits de l’homme », a-t-il assuré, en soulignant la baisse de la criminalité. Enfin, le délégué a réitéré l’engagement des autorités haïtiennes à assurer une transition sans heurt de la MINUJUSTH vers une présence des Nations Unies qui ne soit plus axée sur le maintien de la paix.

*S/2018/795

LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI (S/2018/795)

Déclarations

Mme BINTOU KEITA, Sous-Secrétaire générale aux opérations de maintien de la paix, a indiqué que la MINUJUSTH a créé un mécanisme permettant de surveiller les progrès accomplis dans la mise en œuvre d’une stratégie de sortie sur deux ans assortie d’objectifs pour le passage à une présence des Nations Unies en Haïti autre qu’une opération de maintien de la paix.  « En collaboration avec l’équipe de pays des Nations Unies et les parties prenantes nationales, nous avons poursuivi la collecte et l’analyse des données relatives aux 46 indicateurs énoncés dans le précédent rapport du Secrétaire général. »

Mme Keita a passé en revue les progrès accomplis pour atteindre ces indicateurs, indiquant tout d’abord que le passage à une présence des Nations Unies en Haïti autre qu’une opération de maintien de la paix ne devrait intervenir pas avant le 15 octobre 2019.  Des défis demeurent et une intervention sera nécessaire pour remplir tous les indicateurs d’ici cette date, a-t-elle déclaré.  Elle a notamment souligné la nécessité de mettre pleinement en œuvre le plan de développement de la Police nationale haïtienne, pour améliorer le professionnalisme des officiers de police et leur nombre.  « Le taux d’officiers sur 1000 habitants a chuté à 1,32 en raison notamment de démissions. »

La Sous-Secrétaire générale a rappelé que les progrès dépendent de l’adoption de législations clefs, notamment en vue d’améliorer le travail de la police et le fonctionnement de l’administration pénitentiaire.  « Or, cela n’a pas encore commencé. » Pareillement, les indicateurs relatifs à la nomination de neuf membres du Conseil électoral permanent et à une représentation suffisante des femmes au sein notamment de la Cour de Cassation n’ont pas été atteints.  Des retards sont également observés s’agissant des mécanismes de surveillance et d’établissement de responsabilités dans le domaine judiciaire. 

« En matière de sécurité, tandis que le nombre d’homicides volontaires a chuté, des menaces demeurent, y compris une augmentation des crimes liés aux gangs. » Mme Keita a indiqué que ces gangs, en particulier dans la capitale, mettent la police à l’épreuve alors que les prochaines élections législatives sont prévues en 2019.  La mise en œuvre réussie du plan de développement de la Police nationale d’Haïti 2017-2021, avec l’aide de la MINUSJUSTH, permettra au Gouvernement de continuer à assumer progressivement ses responsabilités en matière de sécurité.  Les lacunes constatées devront être comblées, a-t-elle déclaré, en particulier le manque de ressources financières. 

Mme Keita a indiqué que le plan intégré de transition en matière de sécurité, comme demandé par le Conseil, orientera la première phase d’un retrait responsable et effectif de la présence policière de l’ONU en Haïti.  Cette première phase ramènera de sept à cinq les unités de police constituées (FPU) entre le 15 octobre 2018 et le 15 avril 2019.  « Les régions d’où les FPU seront retirées ont été sélectionnées en fonction de leur niveau de stabilité, de l’amélioration de leur situation sécuritaire, des progrès achevés dans la réalisation des indicateurs des objectifs fixés et de la nécessité de garantir la bonne marche des opérations de la MINUJUSTH jusqu’à octobre 2019. »

Mme Keita a rappelé la vague de violence qui a touché le pays il y a deux mois à la suite de la suppression des subventions aux produits pétroliers, entraînant une hausse du prix du kérosène de 38%, vague qui illustre la volatilité de la situation sécuritaire.  « Depuis, les autorités n’ont pas cherché à remédier aux causes profondes de la précarité sociale, alors que le processus de ratification par le Parlement de l’énoncé de la politique générale du Premier Ministre nommé et la prise de fonctions du nouveau Gouvernement sont en attente. » La Sous-Secrétaire générale a pointé le ressentiment populaire alimenté par des révélations sur les avantages présumés des fonctionnaires et le débat sur l’utilisation discutable des fonds PetroCaribe.  « Le risque de troubles majeurs demeure élevé. »

Enfin, Mme Keita a, s’agissant de la mise en œuvre du mandat de la Mission, indiqué que cette dernière, l’équipe pays et le Gouvernement devront redoubler d’efforts pour rattraper le temps perdu à la suite des évènements de juillet.  Seul un gouvernement pleinement fonctionnel pourra relever les défis, a-t-elle conclu.

Mme LEONA ROMEO-MARLIN (Pays-Bas) a souligné l’importance de renforcer l’état de droit en Haïti, pour garantir le succès de la transition vers le retrait de la MINUJUSTH.  Dans ce contexte, le Gouvernement haïtien doit poursuivre ses réformes constitutionnelles, consolider ses institutions politiques et améliorer le respect des droits de l’homme dans le pays.  Cela suppose, selon la représentante, un engagement constant de Port-au-Prince auprès de la Mission des Nations Unies, ainsi que de fournir le soutien nécessaire dans les domaines politique, législatif et budgétaire. 

Une dimension importante à cet égard est la réforme judiciaire, a estimé la représentante, en soulignant l’importance pour le Parlement d’adopter à la fois le code pénal et le code de procédure pénale.  En outre, a affirmé Mme Romeo-Marlin, la Police nationale haïtienne doit améliorer sa capacité à répondre aux menaces qui pèsent sur le pays, comme les flambées de violences qui ont été constatées en juillet dernier.  Elle a en conclusion plaidé pour un retrait responsable de la MINUJUSTH, fondé sur une évaluation claire de la situation sur le terrain. 

Mme ANNE GUEGUEN (France)a considéré que la MINUJUSTH continue de mener « un travail remarquable de soutien aux autorités haïtiennes, dans un pays où la situation reste fragile et où les enjeux sont considérables ».  Saluant le soutien apporté par la Mission à la police nationale, elle a appelé les autorités haïtiennes à « se saisir pleinement de la gestion des troubles à l’ordre public » et à « éviter toute politisation » de la police. 

Mme Gueguen a ensuite engagé Haïti à poursuivre toutes les pistes d’amélioration du système judiciaire lancées par la MINUJUSTH, notamment les questions liées à l’efficacité de la chaîne pénale et aux conditions de détention en milieu carcéral.  « Il est à ce titre crucial de renforcer la confiance des Haïtiens dans la capacité et la volonté du système judiciaire à lutter contre la criminalité. »

Enfin, a poursuivi la représentante, il est essentiel de poursuivre les efforts en matière de droits de l’homme, notamment le renforcement du bureau du médiateur et la désignation d’un point de contact de haut niveau au sein du Gouvernement.  Des mécanismes de justice transitionnelle doivent également être mis en place pour faire la lumière sur les violations massives des droits de l’homme commises par le passé.  Sur ce sujet comme sur les autres, la France attend des autorités haïtiennes qu’elles redoublent d’efforts dans la perspective de la période de transition et de la fin de la MINUJUSTH. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) s’est dit préoccupé par les manifestations violentes survenues en Haïti au mois de juillet dernier, suite à l’augmentation du prix des combustibles.  Les manifestations, a-t-il insisté, doivent avant tout respecter l’ordre politique du pays.  Dans ce contexte difficile, le représentant a félicité le Président Jovenel Moïse pour le courage dont il a fait preuve en décidant d’éliminer les subventions aux combustibles.  Il a également salué l’adoption par le Parlement haïtien d’un ensemble de projets de loi importants visant à améliorer le sort des personnes handicapées dans le pays et à les intégrer davantage à la société haïtienne, signe selon lui, de la volonté politique de faire profiter du développement à toutes les couches sociales. 

Par ailleurs, le représentant a salué les efforts continus des Nations Unies en vue d’éradiquer le choléra en Haïti.  Il s’est ainsi félicité de la tendance à la baisse de l’épidémie, qui semble se poursuivre cette année.  En conclusion, le représentant a invité toutes les institutions politiques haïtiennes, ainsi que la société civile, à aider le Président Moïse à entreprendre les réformes nécessaires pour promouvoir l’état de droit, les droits de l’homme, la bonne gouvernance, l’autorité de l’État et le renforcement de la justice du pays.

À la suite de la prorogation d’un an par le Conseil de sécurité du mandat de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH), en avril dernier, M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a félicité la Mission pour avoir entrepris un grand nombre de projets et d’initiatives visant à soutenir l’état de droit, renforcer la Police nationale haïtienne et protéger les droits de l’homme dans le pays.  Le représentant a également félicité le Président Jovenel Moïse et son Gouvernement pour leurs actions en faveur de la stabilité, de la sécurité, du développement économique et du changement social haïtien.  Dans ce cadre, il a jugé légitime les appels des autorités du pays à aligner davantage l’aide internationale au développement avec les priorités nationales.

Tout en reconnaissant l’ampleur des progrès réalisés pour stabiliser le contexte politique et sécuritaire en Haïti, le représentant a toutefois souligné qu’un grand nombre de défis attendaient le Gouvernement du pays, à commencer par la lutte contre le choléra, la surpopulation carcérale et la corruption.  Il a également mis l’accent sur la nécessité de stabiliser la situation économique et financière du pays, lutter contre l’insécurité alimentaire et sécuriser la situation humanitaire.  À ses yeux, les évènements violents de juillet démontrent en outre la nécessiter de disposer d’institutions politiques fortes.  Il a appelé l’ONU et les organisations régionales à travailler de concert en faveur d’une approche intégrée et unie pour parvenir à une transition réussie dans le pays.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a salué la nomination de la nouvelle Représentante spéciale, Mme Helen La Lime, avant de noter la précarité de la situation en Haïti, comme l’a montré la vague de violence de juillet dernier.  Il s’est félicité de la nomination du nouveau Premier Ministre et a appelé à la ratification des projets de code de procédure pénale et de code pénal.  Il a dénoncé les activités de gangs criminels et souligné l’importance de l’appui de la Mission à la Police nationale.  Il s’est dit préoccupé néanmoins par les allégations de violations perpétrées par ladite Police et a insisté sur les défis rencontrés par l’administration pénitentiaire.  Enfin, le délégué péruvien a appuyé les efforts du Gouvernement en vue de l’instauration d’une paix pérenne.

M. IPO (Côte d’Ivoire) s’est déclaré préoccupé de la situation politique en Haïti, estimant que la priorité devrait être donnée au renforcement de la collaboration entre l’exécutif et le parlement; à la lutte contre la corruption; à la réforme des textes régissant les partis politiques; à la nécessité pour le Gouvernement, les différentes formations politiques et la société civile de surmonter leurs divergences; et à l’adoption d’un pacte de gouvernance ou de stabilité qui devrait découler du dialogue sectoriel national. 

Sur le plan économique, la délégation ivoirienne a exhorté les autorités haïtiennes à prendre les mesures visant à créer un climat de confiance entre les populations et les institutions nécessaires à la réalisation des objectifs de développement durable.  Enfin, au titre de la stratégie de sortie de crise, sa délégation a salué les actions menées par le Gouvernement avec l’appui de la MINUJUSTH, y compris les mesures d’atténuation prises pour accompagner le retrait de la Mission, prévenir le vide sécuritaire et assurer une transition harmonieuse dans les départements concernés.  « Le succès de la stratégie de retrait de la MINUJUSTH passe inévitablement par une étroite collaboration et une harmonisation des priorités entre les différentes parties prenantes pour édifier et consolider les institutions publiques haïtiennes », a déclaré M. Adom.

Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a déploré les évènements violents du mois de juillet, qui illustrent selon elle le lien entre développement économique et stabilité.  Aux vues de ces manifestations violentes, la représentante a jugé primordial qu’Haïti œuvre en faveur du consensus politique afin de relancer son développement économique et de faire en sorte que les couches les plus défavorisées de sa population ne souffrent pas des réformes et profitent également du développement.

Tout en rappelant que l’aide internationale au Gouvernement haïtien devait intervenir dans le respect de la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays, la représentante a félicité les Nations Unies pour leur approche coordonnée afin de renforcer la capacité de l’État haïtien à faire face aux catastrophes naturelles.  Elle a appelé l’ONU et la communauté internationale à continuer de soutenir financièrement le pays en la matière.  La représentante a aussi salué les progrès réalisés dans la lutte contre le choléra, grâce à la nouvelle approche définie par le Secrétaire général.  Elle a toutefois appelé la communauté internationale à honorer ses engagements pour créer des systèmes robustes d’assainissement des eaux dans le pays.

Enfin, Mme Cordova Soria a appelé la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) à respecter son mandat de consolidation de l’état de droit, de réduction des violences communautaires, de renforcement de la justice et de stabilisation de la sécurité, tout en luttant contre les violences sexuelles, selon la politique de tolérance zéro définie par le Secrétaire général.  Sur ce dernier point, elle s’est dite préoccupée par les enfants sans pères suite aux cas d’abus sexuels commis par des membres de la Mission. 

M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) a salué les progrès accomplis de la Mission dans le cadre de sa stratégie de retrait d’ici deux ans.  « Il est clair que la situation en Haïti demeure très fragile comme l’a montré la violence de juillet. » Il a encouragé le Secrétariat à suivre de très près l’évolution de la situation sécuritaire dans les 12 prochains mois. 

S’agissant des indicateurs de la transition, il a déploré la lenteur des progrès accomplis pour les atteindre, le nombre d’officiers de police ayant notamment baissé depuis un an.  « Cela est alarmant, compte tenu de la centralité de cet indicateur. » Enfin, le délégué a encouragé le Secrétariat à se montrer réaliste s’agissant du partage des responsabilités et à combler les lacunes capacitaires de l’équipe de pays, laquelle joue un rôle crucial pour mener à bien la transition précitée. 

M. ZHANG DIANBIN (Chine) a estimé que les évènements violents du mois de juillet démontraient que les sources de l’instabilité dans pays étaient toujours présentes, signe que la communauté internationale devait continuer d’accompagner Haïti dans sa transition.  Il a espéré que la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) sera en mesure d’œuvrer en faveur de l’état de droit et du renforcement de la police nationale du pays.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a déclaré que la vague de violence qui a touché le pays il y a deux mois illustre la volatilité de la situation actuelle en Haïti.  Elle a exhorté les parties à ne pas recourir à la force pour atteindre leurs objectifs politiques, à promouvoir l’état de droit et à trouver des solutions consensuelles aux défis du pays.  Elle a jugé remarquable l’amélioration des capacités de la Police nationale haïtienne.  « Beaucoup reste encore à faire pour assurer le passage sans heurts et efficace à une présence des Nations Unies en Haïti autre qu’une opération de maintien de la paix d’ici l’année prochaine. » Enfin, la déléguée a mis en garde contre une limitation excessive ou trop précoce de la présence de l’ONU dans le pays, compte tenu de la fragilité de la situation actuelle. 

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) s’est félicité du bon alignement des priorités définies par le Président Jovenel Moïse et du mandat de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH), notamment dans les domaines de la défense de l’état de droit, du respect des droits de l’homme, ainsi que de l’amélioration de l’économie, des infrastructures, de la résilience et de la sécurité du pays.  « Nous espérons constater des résultats très prochainement », a-t-il déclaré, mentionnant notamment l’adoption d’un nouveau code pénal et d’un code de procédure pénale.

Selon lui, le cadre de référence défini par le Secrétaire général dans son rapport facilitera ces efforts en faisant le lien entre les progrès réalisés dans des domaines clefs du mandat de la MINUJUSTH et d’autres préconditions essentielles à la stabilité du pays, dont le développement socioéconomique et la lutte contre la corruption.  Cette Mission, a poursuivi le représentant, est l’une des premières à réaliser la transition entre le maintien traditionnel de la paix et la consolidation de la paix.  Une transition réussie serait non seulement importante pour Haïti, mais aussi pour le système des Nations Unies dans son ensemble, afin de démontrer sa capacité à stabiliser un pays à la suite d’un conflit interne.

Enfin, le représentant d’est déclaré inquiet face aux conclusions du rapport du Secrétaire général, selon lesquelles la capacité de la Mission et de l’équipe de pays des Nations Unies en Haïti à travailler sur les questions de genre était limitée. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a rappelé la vague de violence qui a touché le pays il y a deux mois à la suite de la suppression des subventions aux produits pétroliers.  Il a salué la nomination du nouveau Premier Ministre, avant de noter la diminution du taux de criminalité.  Mais les autorités devraient pleinement utiliser les capacités de la MINUJUSTH, a-t-il déclaré.  Le délégué a ensuite noté la fragilité de la situation actuelle et plaidé pour une coopération renforcée entre acteurs haïtiens, l’ONU et bailleurs de fonds, afin que le pays referme ce chapitre critique de son histoire.  Enfin, il a indiqué que la nouvelle stratégie onusienne de lutte contre l’épidémie de choléra a permis de diminuer le nombre de nouveaux cas. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a mis en garde contre la situation sécuritaire fragile du pays, comme en témoignent selon lui les manifestations violentes qui ont eu lieu en juillet dernier, les dissensions entre le pouvoir législatif et exécutif, la démission récente du Premier Ministre Lafontant et le gel des travaux du Parlement.  Ces difficultés interviennent alors même que la situation humanitaire du pays demeure critique, notamment parce que le plan humanitaire haïtien n’est financé qu’à hauteur de 10%, a-t-il poursuivi, une situation qui n’aidera pas, selon lui, à préparer la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) à une transition réussie.  À tout cela s’ajoute le regain d’activités des bandes criminelles à travers le pays, a déploré le représentant, pour qui seule une action concertée des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire permettra de relever ces différents défis. 

Dans ce cadre, le délégué a estimé que l’ONU avait encore beaucoup à faire pour consolider la stabilité en Haïti.  Il a par conséquent assuré le pays du soutien de la Fédération de Russie pour parvenir, à terme, à l’autosuffisance haïtienne.  Enfin, le représentant a regretté que le dernier rapport du Secrétaire général ne comporte aucune information concernant les atteintes et abus sexuels commis en Haïti par des représentants d’organisations non gouvernementales accréditées par l’ONU. 

Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a indiqué que la vague de violence qui a touché le pays il y a deux mois atteste de la précarité de la situation.  Elle a encouragé le Gouvernement à œuvrer pour renforcer la confiance des Haïtiens dans leurs institutions.  La prospérité et la stabilité futures du pays dépendent du renforcement de l’état de droit et de l’amélioration des conditions socioéconomiques, a-t-elle dit.

La déléguée a salué la nomination du nouveau Premier Ministre, avant de noter que beaucoup reste encore à faire pour assurer le passage à une présence des Nations Unies en Haïti autre qu’une opération de maintien de la paix.  Les efforts à cette fin doivent être renforcés, a-t-elle conclu, en se félicitant de la nomination de Mme Helen La Lime en tant que nouvelle Chef de la MINUJUSTH. 

Rappelant les manifestations violentes de juillet dernier en Haïti, M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a salué la réaction des autorités du pays, qui a permis selon lui de faire en sorte que la situation ne dégénère pas, notamment dans la capitale.  « Il faut préserver les acquis », a ensuite martelé le représentant, selon lui en œuvrant davantage à la lutte contre la corruption, au renforcement de la justice, à la lutte contre l’impunité, au respect de l’état de droit, au développement économique et à la professionnalisation de la police, qui doit demeurer « apolitique ». 

Enfin, a ajouté le représentant, il convient de continuer à promouvoir les droits de l’homme, notamment en luttant contre les violences sexuelles.  Dans ce sens, il s’est félicité de l’annonce par le Procureur du pays de son intention d’ouvrir une enquête sur les exactions commises par les forces de police à l’encontre de la population civile.

M. DENIS RÉGIS (Haïti) a reconnu que les « craintes de déstabilisation » suscitées par les troubles survenus du 6 au 8 juillet sont le résultat d’une « frustration publique » face aux difficultés socioéconomiques rencontrées par le pays.  Il a cependant estimé que la crise a été surmontée et que les institutions publiques ont démontré leur maturité.  Il s’est félicité à cet égard du soutien de la communauté internationale et du Conseil de sécurité.  Après les événements de juillet, le Président Jovenel Moise a désigné, au terme de consultations nationales, un nouveau Premier ministre chargé de former un gouvernement d’union nationale bénéficiant de la légitimité requise pour s’attaquer aux problèmes les plus urgents et poursuivre les réformes, a expliqué le représentant.  Il a précisé que le nouveau gouvernement aura pour priorités l’organisation d’élections prévues en octobre 2019 et l’intensification de la lutte contre la corruption.  Il a accueilli avec « intérêt » l’invitation lancée par le Secrétaire générale aux acteurs politiques à œuvrer ensemble pour le bien commun et à favoriser l’adoption de mesures susceptibles de répondre aux besoins immédiats du peuple haïtien, conditions essentielles au maintien de la stabilité politique. 

Malgré les retards dans l’atteinte de certains objectifs et la faiblesse des ressources disponibles, M. Régis a déclaré qu’Haïti continue de mener des efforts « soutenus » en faveur du renforcement de l’état de droit, du système de justice et de la promotion des droits de l’homme.  Parmi les indicateurs de ces progrès, il a cité la nomination d’un protecteur du citoyen, le renforcement du Bureau de droits de l’homme, la baisse de la criminalité, l’adoption d’un nouveau code pénal et d’un code de procédure criminelle, ainsi que l’augmentation du nombre de femmes au sein de la police.  Malgré les difficultés, il a réitéré l’engagement des autorités haïtiennes à assurer une transition sans heurt de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) vers une présence des Nations Unies qui ne soit plus axée sur le maintien de la paix.  Pour lui, « l’onde de choc » de la crise de juillet ne remet pas en cause les réformes structurelles entreprises et les « conquêtes démocratiques » du peuple haïtien.  Il a souhaité en terminant pouvoir compter sur l’appui des Nations Unies pour la mise en place d’un « nouveau pacte de coopération » mieux adapté aux besoins d’Haïti, dans le cadre d’une « authentique stratégie de pérennisation de la paix ». 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.