La Sous-Secrétaire générale aux opérations de paix souligne la volatilité de la situation en Haïti et le risque de « troubles majeurs »
La Sous-Secrétaire générale aux opérations de maintien de la paix, Mme Bintou Keita, a insisté, aujourd’hui, devant le Conseil de sécurité, sur la « volatilité » de la situation en Haïti et mis en garde contre le risque « élevé » de « troubles majeurs ». Elle a par ailleurs noté, à l’instar de nombreuses délégations, les progrès inégaux accomplis en vue de la transition de l’actuelle Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) vers une autre forme de présence onusienne, à partir d’octobre 2019.
Mme Keita, qui présentait le dernier rapport* du Secrétaire général sur la MINUJUSTH, a rappelé la flambée de violence, marquée par des pertes en vies humaines et des actes de destruction, qui a touché le pays en juillet dernier à la suite de la suppression des subventions aux produits pétroliers, entraînant notamment une hausse du prix du kérosène de 38%.
« Depuis, les autorités haïtiennes n’ont pas cherché à remédier aux causes profondes de la précarité sociale, alors que le processus de ratification par le Parlement de l’énoncé de la politique générale du Premier Ministre nommé et la prise de fonctions du nouveau Gouvernement sont en attente », a-t-elle regretté.
La Sous-Secrétaire générale a également pointé le ressentiment populaire alimenté par des révélations sur les avantages présumés des fonctionnaires et le débat sur l’utilisation discutable des fonds PetroCaribe. Les gangs, en particulier dans la capitale, continuent de mettre la Police nationale haïtienne à l’épreuve, a-t-elle dit.
Mme Keita a ensuite mentionné les défis qui demeurent pour le passage sans heurt vers une présence des Nations Unies en Haïti autre qu’une opération de maintien de la paix d’ici au 15 octobre 2019. Le rapport précité du Secrétaire général comprend en annexe les 46 indicateurs retenus pour surveiller les progrès accomplis dans la mise en œuvre d’une stratégie de sortie de la MINUJUSTH, comme souhaité par le Conseil.
Elle a, en particulier, déploré la lenteur des progrès dans l’adoption de lois visant à améliorer l’accès à la justice et le fonctionnement de l’administration pénitentiaire. Quant aux indicateurs relatifs à la nomination des membres du Conseil électoral permanent et à une représentation suffisante des femmes au sein de la Cour de Cassation, ils n’ont pas été atteints, a-t-elle déclaré.
La Sous-Secrétaire générale a enfin souligné la nécessité de mettre pleinement en œuvre le plan de développement de la Police nationale haïtienne, pour améliorer le professionnalisme des officiers de police, ainsi que leur nombre. « Or le taux d’officiers sur 1 000 habitants a chuté à 1,32 en raison notamment de démissions. »
Les délégations ont exprimé un certain scepticisme sur cette transition vers une autre forme de présence de l’ONU d’ici à l’année prochaine, le Royaume-Uni jugeant « alarmante » cette baisse du nombre de policiers, « compte tenu de la centralité de cet indicateur ».
Appelant les autorités haïtiennes à « se saisir pleinement de la gestion des troubles à l’ordre public » et à « éviter toute politisation » de la police, la déléguée de la France a plaidé pour un retrait « responsable » de la MINUJUSTH, fondé sur une évaluation claire de la situation sur le terrain.
Son homologue de la Pologne a, elle, mis en garde contre « une limitation excessive ou trop précoce » de la présence de l’ONU dans le pays, tandis que la délégation de la Côte d’Ivoire a estimé que « le succès de la stratégie de retrait de la MINUJUSTH passe inévitablement par une étroite collaboration entre les différentes parties prenantes ».
Le représentant d’Haïti s’est voulu rassurant dans son intervention, estimant que la crise de juillet a été surmontée. « Les institutions publiques ont démontré leur maturité », a-t-il déclaré. Il a précisé que le nouveau Gouvernement aura pour priorités l’organisation d’élections prévues en octobre 2019 et l’intensification de la lutte contre la corruption.
« Haïti continue par ailleurs de mener des efforts soutenus en faveur du renforcement de l’état de droit, du système de justice et de la promotion des droits de l’homme », a-t-il assuré, en soulignant la baisse de la criminalité. Enfin, le délégué a réitéré l’engagement des autorités haïtiennes à assurer une transition sans heurt de la MINUJUSTH vers une présence des Nations Unies qui ne soit plus axée sur le maintien de la paix.
*S/2018/795
LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI (S/2018/795)
Déclarations
Mme BINTOU KEITA, Sous-Secrétaire générale aux opérations de maintien de la paix, a indiqué que la MINUJUSTH a créé un mécanisme permettant de surveiller les progrès accomplis dans la mise en œuvre d’une stratégie de sortie sur deux ans assortie d’objectifs pour le passage à une présence des Nations Unies en Haïti autre qu’une opération de maintien de la paix. « En collaboration avec l’équipe de pays des Nations Unies et les parties prenantes nationales, nous avons poursuivi la collecte et l’analyse des données relatives aux 46 indicateurs énoncés dans le précédent rapport du Secrétaire général. »
Mme Keita a passé en revue les progrès accomplis pour atteindre ces indicateurs, indiquant tout d’abord que le passage à une présence des Nations Unies en Haïti autre qu’une opération de maintien de la paix ne devrait intervenir pas avant le 15 octobre 2019. Des défis demeurent et une intervention sera nécessaire pour remplir tous les indicateurs d’ici cette date, a-t-elle déclaré. Elle a notamment souligné la nécessité de mettre pleinement en œuvre le plan de développement de la Police nationale haïtienne, pour améliorer le professionnalisme des officiers de police et leur nombre. « Le taux d’officiers sur 1000 habitants a chuté à 1,32 en raison notamment de démissions. »
La Sous-Secrétaire générale a rappelé que les progrès dépendent de l’adoption de législations clefs, notamment en vue d’améliorer le travail de la police et le fonctionnement de l’administration pénitentiaire. « Or, cela n’a pas encore commencé. » Pareillement, les indicateurs relatifs à la nomination de neuf membres du Conseil électoral permanent et à une représentation suffisante des femmes au sein notamment de la Cour de Cassation n’ont pas été atteints. Des retards sont également observés s’agissant des mécanismes de surveillance et d’établissement de responsabilités dans le domaine judiciaire.
« En matière de sécurité, tandis que le nombre d’homicides volontaires a chuté, des menaces demeurent, y compris une augmentation des crimes liés aux gangs. » Mme Keita a indiqué que ces gangs, en particulier dans la capitale, mettent la police à l’épreuve alors que les prochaines élections législatives sont prévues en 2019. La mise en œuvre réussie du plan de développement de la Police nationale d’Haïti 2017-2021, avec l’aide de la MINUSJUSTH, permettra au Gouvernement de continuer à assumer progressivement ses responsabilités en matière de sécurité. Les lacunes constatées devront être comblées, a-t-elle déclaré, en particulier le manque de ressources financières.
Mme Keita a indiqué que le plan intégré de transition en matière de sécurité, comme demandé par le Conseil, orientera la première phase d’un retrait responsable et effectif de la présence policière de l’ONU en Haïti. Cette première phase ramènera de sept à cinq les unités de police constituées (FPU) entre le 15 octobre 2018 et le 15 avril 2019. « Les régions d’où les FPU seront retirées ont été sélectionnées en fonction de leur niveau de stabilité, de l’amélioration de leur situation sécuritaire, des progrès achevés dans la réalisation des indicateurs des objectifs fixés et de la nécessité de garantir la bonne marche des opérations de la MINUJUSTH jusqu’à octobre 2019. »
Mme Keita a rappelé la vague de violence qui a touché le pays il y a deux mois à la suite de la suppression des subventions aux produits pétroliers, entraînant une hausse du prix du kérosène de 38%, vague qui illustre la volatilité de la situation sécuritaire. « Depuis, les autorités n’ont pas cherché à remédier aux causes profondes de la précarité sociale, alors que le processus de ratification par le Parlement de l’énoncé de la politique générale du Premier Ministre nommé et la prise de fonctions du nouveau Gouvernement sont en attente. » La Sous-Secrétaire générale a pointé le ressentiment populaire alimenté par des révélations sur les avantages présumés des fonctionnaires et le débat sur l’utilisation discutable des fonds PetroCaribe. « Le risque de troubles majeurs demeure élevé. »
Enfin, Mme Keita a, s’agissant de la mise en œuvre du mandat de la Mission, indiqué que cette dernière, l’équipe pays et le Gouvernement devront redoubler d’efforts pour rattraper le temps perdu à la suite des évènements de juillet. Seul un gouvernement pleinement fonctionnel pourra relever les défis, a-t-elle conclu.
Mme LEONA ROMEO-MARLIN (Pays-Bas) a souligné l’importance de renforcer l’état de droit en Haïti, pour garantir le succès de la transition vers le retrait de la MINUJUSTH. Dans ce contexte, le Gouvernement haïtien doit poursuivre ses réformes constitutionnelles, consolider ses institutions politiques et améliorer le respect des droits de l’homme dans le pays. Cela suppose, selon la représentante, un engagement constant de Port-au-Prince auprès de la Mission des Nations Unies, ainsi que de fournir le soutien nécessaire dans les domaines politique, législatif et budgétaire.
Une dimension importante à cet égard est la réforme judiciaire, a estimé la représentante, en soulignant l’importance pour le Parlement d’adopter à la fois le code pénal et le code de procédure pénale. En outre, a affirmé Mme Romeo-Marlin, la Police nationale haïtienne doit améliorer sa capacité à répondre aux menaces qui pèsent sur le pays, comme les flambées de violences qui ont été constatées en juillet dernier. Elle a en conclusion plaidé pour un retrait responsable de la MINUJUSTH, fondé sur une évaluation claire de la situation sur le terrain.
Mme ANNE GUEGUEN (France)a considéré que la MINUJUSTH continue de mener « un travail remarquable de soutien aux autorités haïtiennes, dans un pays où la situation reste fragile et où les enjeux sont considérables ». Saluant le soutien apporté par la Mission à la police nationale, elle a appelé les autorités haïtiennes à « se saisir pleinement de la gestion des troubles à l’ordre public » et à « éviter toute politisation » de la police.
Mme Gueguen a ensuite engagé Haïti à poursuivre toutes les pistes d’amélioration du système judiciaire lancées par la MINUJUSTH, notamment les questions liées à l’efficacité de la chaîne pénale et aux conditions de détention en milieu carcéral. « Il est à ce titre crucial de renforcer la confiance des Haïtiens dans la capacité et la volonté du système judiciaire à lutter contre la criminalité. »
Enfin, a poursuivi la représentante, il est essentiel de poursuivre les efforts en matière de droits de l’homme, notamment le renforcement du bureau du médiateur et la désignation d’un point de contact de haut niveau au sein du Gouvernement. Des mécanismes de justice transitionnelle doivent également être mis en place pour faire la lumière sur les violations massives des droits de l’homme commises par le passé. Sur ce sujet comme sur les autres, la France attend des autorités haïtiennes qu’elles redoublent d’efforts dans la perspective de la période de transition et de la fin de la MINUJUSTH.
M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) s’est dit préoccupé par les manifestations violentes survenues en Haïti au mois de juillet dernier, suite à l’augmentation du prix des combustibles. Les manifestations, a-t-il insisté, doivent avant tout respecter l’ordre politique du pays. Dans ce contexte difficile, le représentant a félicité le Président Jovenel Moïse pour le courage dont il a fait preuve en décidant d’éliminer les subventions aux combustibles. Il a également salué l’adoption par le Parlement haïtien d’un ensemble de projets de loi importants visant à améliorer le sort des personnes handicapées dans le pays et à les intégrer davantage à la société haïtienne, signe selon lui, de la volonté politique de faire profiter du développement à toutes les couches sociales.
Par ailleurs, le représentant a salué les efforts continus des Nations Unies en vue d’éradiquer le choléra en Haïti. Il s’est ainsi félicité de la tendance à la baisse de l’épidémie, qui semble se poursuivre cette année. En conclusion, le représentant a invité toutes les institutions politiques haïtiennes, ainsi que la société civile, à aider le Président Moïse à entreprendre les réformes nécessaires pour promouvoir l’état de droit, les droits de l’homme, la bonne gouvernance, l’autorité de l’État et le renforcement de la justice du pays.
À la suite de la prorogation d’un an par le Conseil de sécurité du mandat de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH), en avril dernier, M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a félicité la Mission pour avoir entrepris un grand nombre de projets et d’initiatives visant à soutenir l’état de droit, renforcer la Police nationale haïtienne et protéger les droits de l’homme dans le pays. Le représentant a également félicité le Président Jovenel Moïse et son Gouvernement pour leurs actions en faveur de la stabilité, de la sécurité, du développement économique et du changement social haïtien. Dans ce cadre, il a jugé légitime les appels des autorités du pays à aligner davantage l’aide internationale au développement avec les priorités nationales.
Tout en reconnaissant l’ampleur des progrès réalisés pour stabiliser le contexte politique et sécuritaire en Haïti, le représentant a toutefois souligné qu’un grand nombre de défis attendaient le Gouvernement du pays, à commencer par la lutte contre le choléra, la surpopulation carcérale et la corruption. Il a également mis l’accent sur la nécessité de stabiliser la situation économique et financière du pays, lutter contre l’insécurité alimentaire et sécuriser la situation humanitaire. À ses yeux, les évènements violents de juillet démontrent en outre la nécessiter de disposer d’institutions politiques fortes. Il a appelé l’ONU et les organisations régionales à travailler de concert en faveur d’une approche intégrée et unie pour parvenir à une transition réussie dans le pays.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a salué la nomination de la nouvelle Représentante spéciale, Mme Helen La Lime, avant de noter la précarité de la situation en Haïti, comme l’a montré la vague de violence de juillet dernier. Il s’est félicité de la nomination du nouveau Premier Ministre et a appelé à la ratification des projets de code de procédure pénale et de code pénal. Il a dénoncé les activités de gangs criminels et souligné l’importance de l’appui de la Mission à la Police nationale. Il s’est dit préoccupé néanmoins par les allégations de violations perpétrées par ladite Police et a insisté sur les défis rencontrés par l’administration pénitentiaire. Enfin, le délégué péruvien a appuyé les efforts du Gouvernement en vue de l’instauration d’une paix pérenne.
M. IPO (Côte d’Ivoire) s’est déclaré préoccupé de la situation politique en Haïti, estimant que la priorité devrait être donnée au renforcement de la collaboration entre l’exécutif et le parlement; à la lutte contre la corruption; à la réforme des textes régissant les partis politiques; à la nécessité pour le Gouvernement, les différentes formations politiques et la société civile de surmonter leurs divergences; et à l’adoption d’un pacte de gouvernance ou de stabilité qui devrait découler du dialogue sectoriel national.
Sur le plan économique, la délégation ivoirienne a exhorté les autorités haïtiennes à prendre les mesures visant à créer un climat de confiance entre les populations et les institutions nécessaires à la réalisation des objectifs de développement durable. Enfin, au titre de la stratégie de sortie de crise, sa délégation a salué les actions menées par le Gouvernement avec l’appui de la MINUJUSTH, y compris les mesures d’atténuation prises pour accompagner le retrait de la Mission, prévenir le vide sécuritaire et assurer une transition harmonieuse dans les départements concernés. « Le succès de la stratégie de retrait de la MINUJUSTH passe inévitablement par une étroite collaboration et une harmonisation des priorités entre les différentes parties prenantes pour édifier et consolider les institutions publiques haïtiennes », a déclaré M. Adom.
Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a déploré les évènements violents du mois de juillet, qui illustrent selon elle le lien entre développement économique et stabilité. Aux vues de ces manifestations violentes, la représentante a jugé primordial qu’Haïti œuvre en faveur du consensus politique afin de relancer son développement économique et de faire en sorte que les couches les plus défavorisées de sa population ne souffrent pas des réformes et profitent également du développement.
Tout en rappelant que l’aide internationale au Gouvernement haïtien devait intervenir dans le respect de la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays, la représentante a félicité les Nations Unies pour leur approche coordonnée afin de renforcer la capacité de l’État haïtien à faire face aux catastrophes naturelles. Elle a appelé l’ONU et la communauté internationale à continuer de soutenir financièrement le pays en la matière. La représentante a aussi salué les progrès réalisés dans la lutte contre le choléra, grâce à la nouvelle approche définie par le Secrétaire général. Elle a toutefois appelé la communauté internationale à honorer ses engagements pour créer des systèmes robustes d’assainissement des eaux dans le pays.
Enfin, Mme Cordova Soria a appelé la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) à respecter son mandat de consolidation de l’état de droit, de réduction des violences communautaires, de renforcement de la justice et de stabilisation de la sécurité, tout en luttant contre les violences sexuelles, selon la politique de tolérance zéro définie par le Secrétaire général. Sur ce dernier point, elle s’est dite préoccupée par les enfants sans pères suite aux cas d’abus sexuels commis par des membres de la Mission.
M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) a salué les progrès accomplis de la Mission dans le cadre de sa stratégie de retrait d’ici deux ans. « Il est clair que la situation en Haïti demeure très fragile comme l’a montré la violence de juillet. » Il a encouragé le Secrétariat à suivre de très près l’évolution de la situation sécuritaire dans les 12 prochains mois.
S’agissant des indicateurs de la transition, il a déploré la lenteur des progrès accomplis pour les atteindre, le nombre d’officiers de police ayant notamment baissé depuis un an. « Cela est alarmant, compte tenu de la centralité de cet indicateur. » Enfin, le délégué a encouragé le Secrétariat à se montrer réaliste s’agissant du partage des responsabilités et à combler les lacunes capacitaires de l’équipe de pays, laquelle joue un rôle crucial pour mener à bien la transition précitée.
M. ZHANG DIANBIN (Chine) a estimé que les évènements violents du mois de juillet démontraient que les sources de l’instabilité dans pays étaient toujours présentes, signe que la communauté internationale devait continuer d’accompagner Haïti dans sa transition. Il a espéré que la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) sera en mesure d’œuvrer en faveur de l’état de droit et du renforcement de la police nationale du pays.
Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a déclaré que la vague de violence qui a touché le pays il y a deux mois illustre la volatilité de la situation actuelle en Haïti. Elle a exhorté les parties à ne pas recourir à la force pour atteindre leurs objectifs politiques, à promouvoir l’état de droit et à trouver des solutions consensuelles aux défis du pays. Elle a jugé remarquable l’amélioration des capacités de la Police nationale haïtienne. « Beaucoup reste encore à faire pour assurer le passage sans heurts et efficace à une présence des Nations Unies en Haïti autre qu’une opération de maintien de la paix d’ici l’année prochaine. » Enfin, la déléguée a mis en garde contre une limitation excessive ou trop précoce de la présence de l’ONU dans le pays, compte tenu de la fragilité de la situation actuelle.
M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) s’est félicité du bon alignement des priorités définies par le Président Jovenel Moïse et du mandat de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH), notamment dans les domaines de la défense de l’état de droit, du respect des droits de l’homme, ainsi que de l’amélioration de l’économie, des infrastructures, de la résilience et de la sécurité du pays. « Nous espérons constater des résultats très prochainement », a-t-il déclaré, mentionnant notamment l’adoption d’un nouveau code pénal et d’un code de procédure pénale.
Selon lui, le cadre de référence défini par le Secrétaire général dans son rapport facilitera ces efforts en faisant le lien entre les progrès réalisés dans des domaines clefs du mandat de la MINUJUSTH et d’autres préconditions essentielles à la stabilité du pays, dont le développement socioéconomique et la lutte contre la corruption. Cette Mission, a poursuivi le représentant, est l’une des premières à réaliser la transition entre le maintien traditionnel de la paix et la consolidation de la paix. Une transition réussie serait non seulement importante pour Haïti, mais aussi pour le système des Nations Unies dans son ensemble, afin de démontrer sa capacité à stabiliser un pays à la suite d’un conflit interne.
Enfin, le représentant d’est déclaré inquiet face aux conclusions du rapport du Secrétaire général, selon lesquelles la capacité de la Mission et de l’équipe de pays des Nations Unies en Haïti à travailler sur les questions de genre était limitée.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a rappelé la vague de violence qui a touché le pays il y a deux mois à la suite de la suppression des subventions aux produits pétroliers. Il a salué la nomination du nouveau Premier Ministre, avant de noter la diminution du taux de criminalité. Mais les autorités devraient pleinement utiliser les capacités de la MINUJUSTH, a-t-il déclaré. Le délégué a ensuite noté la fragilité de la situation actuelle et plaidé pour une coopération renforcée entre acteurs haïtiens, l’ONU et bailleurs de fonds, afin que le pays referme ce chapitre critique de son histoire. Enfin, il a indiqué que la nouvelle stratégie onusienne de lutte contre l’épidémie de choléra a permis de diminuer le nombre de nouveaux cas.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a mis en garde contre la situation sécuritaire fragile du pays, comme en témoignent selon lui les manifestations violentes qui ont eu lieu en juillet dernier, les dissensions entre le pouvoir législatif et exécutif, la démission récente du Premier Ministre Lafontant et le gel des travaux du Parlement. Ces difficultés interviennent alors même que la situation humanitaire du pays demeure critique, notamment parce que le plan humanitaire haïtien n’est financé qu’à hauteur de 10%, a-t-il poursuivi, une situation qui n’aidera pas, selon lui, à préparer la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) à une transition réussie. À tout cela s’ajoute le regain d’activités des bandes criminelles à travers le pays, a déploré le représentant, pour qui seule une action concertée des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire permettra de relever ces différents défis.
Dans ce cadre, le délégué a estimé que l’ONU avait encore beaucoup à faire pour consolider la stabilité en Haïti. Il a par conséquent assuré le pays du soutien de la Fédération de Russie pour parvenir, à terme, à l’autosuffisance haïtienne. Enfin, le représentant a regretté que le dernier rapport du Secrétaire général ne comporte aucune information concernant les atteintes et abus sexuels commis en Haïti par des représentants d’organisations non gouvernementales accréditées par l’ONU.
Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a indiqué que la vague de violence qui a touché le pays il y a deux mois atteste de la précarité de la situation. Elle a encouragé le Gouvernement à œuvrer pour renforcer la confiance des Haïtiens dans leurs institutions. La prospérité et la stabilité futures du pays dépendent du renforcement de l’état de droit et de l’amélioration des conditions socioéconomiques, a-t-elle dit.
La déléguée a salué la nomination du nouveau Premier Ministre, avant de noter que beaucoup reste encore à faire pour assurer le passage à une présence des Nations Unies en Haïti autre qu’une opération de maintien de la paix. Les efforts à cette fin doivent être renforcés, a-t-elle conclu, en se félicitant de la nomination de Mme Helen La Lime en tant que nouvelle Chef de la MINUJUSTH.
Rappelant les manifestations violentes de juillet dernier en Haïti, M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a salué la réaction des autorités du pays, qui a permis selon lui de faire en sorte que la situation ne dégénère pas, notamment dans la capitale. « Il faut préserver les acquis », a ensuite martelé le représentant, selon lui en œuvrant davantage à la lutte contre la corruption, au renforcement de la justice, à la lutte contre l’impunité, au respect de l’état de droit, au développement économique et à la professionnalisation de la police, qui doit demeurer « apolitique ».
Enfin, a ajouté le représentant, il convient de continuer à promouvoir les droits de l’homme, notamment en luttant contre les violences sexuelles. Dans ce sens, il s’est félicité de l’annonce par le Procureur du pays de son intention d’ouvrir une enquête sur les exactions commises par les forces de police à l’encontre de la population civile.
M. DENIS RÉGIS (Haïti) a reconnu que les « craintes de déstabilisation » suscitées par les troubles survenus du 6 au 8 juillet sont le résultat d’une « frustration publique » face aux difficultés socioéconomiques rencontrées par le pays. Il a cependant estimé que la crise a été surmontée et que les institutions publiques ont démontré leur maturité. Il s’est félicité à cet égard du soutien de la communauté internationale et du Conseil de sécurité. Après les événements de juillet, le Président Jovenel Moise a désigné, au terme de consultations nationales, un nouveau Premier ministre chargé de former un gouvernement d’union nationale bénéficiant de la légitimité requise pour s’attaquer aux problèmes les plus urgents et poursuivre les réformes, a expliqué le représentant. Il a précisé que le nouveau gouvernement aura pour priorités l’organisation d’élections prévues en octobre 2019 et l’intensification de la lutte contre la corruption. Il a accueilli avec « intérêt » l’invitation lancée par le Secrétaire générale aux acteurs politiques à œuvrer ensemble pour le bien commun et à favoriser l’adoption de mesures susceptibles de répondre aux besoins immédiats du peuple haïtien, conditions essentielles au maintien de la stabilité politique.
Malgré les retards dans l’atteinte de certains objectifs et la faiblesse des ressources disponibles, M. Régis a déclaré qu’Haïti continue de mener des efforts « soutenus » en faveur du renforcement de l’état de droit, du système de justice et de la promotion des droits de l’homme. Parmi les indicateurs de ces progrès, il a cité la nomination d’un protecteur du citoyen, le renforcement du Bureau de droits de l’homme, la baisse de la criminalité, l’adoption d’un nouveau code pénal et d’un code de procédure criminelle, ainsi que l’augmentation du nombre de femmes au sein de la police. Malgré les difficultés, il a réitéré l’engagement des autorités haïtiennes à assurer une transition sans heurt de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) vers une présence des Nations Unies qui ne soit plus axée sur le maintien de la paix. Pour lui, « l’onde de choc » de la crise de juillet ne remet pas en cause les réformes structurelles entreprises et les « conquêtes démocratiques » du peuple haïtien. Il a souhaité en terminant pouvoir compter sur l’appui des Nations Unies pour la mise en place d’un « nouveau pacte de coopération » mieux adapté aux besoins d’Haïti, dans le cadre d’une « authentique stratégie de pérennisation de la paix ».